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CAGE D'ACIER OU NCESSIT DE FER, PEUT-ON PARLER D'UNMARXISME WBRIEN ? PROPOS D'UN OUVRAGE DE MICHAELLWY

Patrice Duran

P.U.F. | L'Anne sociologique

2014/1 - Vol. 64pages 205 214

ISSN 0066-2399

Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

http://www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2014-1-page-205.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Duran Patrice, Cage d'acier ou ncessit de fer, peut-on parler d'un marxisme wbrien ? propos d'un ouvrage deMichael Lwy , L'Anne sociologique, 2014/1 Vol. 64, p. 205-214. DOI : 10.3917/anso.141.0205--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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20 mars 2014 09:03 - LAnne sociologique vol. 64/2014 - n 1 - Collectif - LAnne sociologique - 135 x 215 - page 204 / 256

- PUF - 20 mars 2014 09:03 - LAnne sociologique vol. 64/2014 - n 1 - Collectif - LAnne sociologique - 135 x 215 - page 205 / 256

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LAnne sociologique, 2014, 64, n 1, pp. 205-214

CAGE dACIEr OU NCESSIt dE fEr, pEUt-ON pArLEr dUN

mArxISmE WbrIEN ? prOpOS dUN OUVrAGE

dE mIChAEL LWy*1

patrice duran

laffirmation de lindispensable alliance entre le pessimisme de la raison et loptimisme de la volont par laquelle se clt le livre de michael lwy en cho la belle formule de Gramsci entend souligner un positionnement personnel troitement li un parcours au cours duquel lauteur na jamais fait mystre de son engagement politique anticapitaliste comme son inscription intellectuelle au sein du marxisme. Bref, lentre en rflexion ninterdit pas un intrt de connaissance vise politique ; en termes wbriens, la neutra-lit axiologique (Wertfreiheit) nexclut pas tout rapport aux valeurs (Wertbeziehung), elle en est mme le complment ncessaire.

depuis 1969, comme il le rappelle lui-mme, michael lwy arpente luvre wbrienne et sen nourrit tout en la questionnant en retour. cette anciennet est souligner dans un univers acad-mique franais globalement peu familier du sociologue allemand, qui plus est chez les intellectuels marxistes. rares en effet sont ceux qui, cette poque, ont une connaissance de premire main de luvre de max Weber. tout en conservant sa fidlit lauteur du Capital, il entend ainsi proposer une dmarche marxiste-wbrienne qui combinerait le pessimisme wbrien et loptimisme marxiste apte enrichir notre comprhension des ralits capitalistes actuelles.

sous un titre et un sous-titre mon avis contestables, jy revien-drai, michael lwy propose un recueil de notations et rflexions

* michael lwy. la cage dacier, max weber et le marxisme wbrien, paris, ditions stock, 2013, 196 p.

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visant asseoir la pertinence et le bienfond dune telle perspective danalyse. partir du pessimisme wbrien quexprimerait limage de la cage dacier, cest la civilisation capitaliste et les conditions de son examen pour ne pas dire de son rejet qui constituent le fil conducteur du livre. cest en effet la critique du capitalisme nonce par Weber dans des jugements particulirement froces qui incite lauteur rechercher les affinits lectives entre les deux dmarches, de Weber et de marx, et leur prolongement possible dans une orientation de recherche conjointe. le refus de la civilisa-tion capitaliste serait au fondement de leur rapprochement possible. Weber est ainsi transmu en hraut de lanticapitalisme tant par la force de ses convictions (premire partie) et la porte heuristique de ses concepts pour saisir les potentialits dopposition au capitalisme (deuxime partie) que par linfluence exerce sur la pense critique (troisime partie).

pour autant, louvrage qui reprend bien des analyses dj dveloppes par lauteur dans le pass sapparente moins une dmonstration systmatique qu la runion de travaux divers, plus voisins que clairement articuls autour dune thmatique prcise. et, comme cest souvent le cas en labsence dune relle introduction (4 pages), il faut attendre la conclusion pour saisir lenjeu central du propos et reconstruire enfin la trame gnrale qui lui donne toute sa porte. lclatement en trois parties distinctes fort loignes les unes des autres ne donne gure de sentiment dunit et en accentue le caractre impressionniste, mme si ce dfaut est compens par la lecture agrable que procure une criture toujours claire au service dune grande culture.

la premire partie intitule Weber, marx et la cage dacier entend revisiter lthique protestante et lesprit du capitalisme et promou-voir la proximit de marx et de Weber telle quelle se serait construite autour dun mme intrt de connaissance pour le capitalisme et dune mme condamnation dun systme promu un sombre avenir. la force de la critique wbrienne naurait de fait rien envier celle de marx. lwy joue dailleurs lexcs de citations qui, sorties de leur contexte dcriture, pourraient faire penser avoir t crites par marx. la recherche tout prix des points de convergence conduit bien souvent lwy en exagrer la porte.

si les rapports entre marx et Weber ont fait couler beaucoup dencre, il est cependant acquis dsormais que lanti-marxisme de Weber doit tre fortement nuanc et que son opposition nexcepte ni le respect ni la nuance, voire quelquefois laccord.

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une interprtation causale spiritualiste ne peut tre simplement substitue une interprtation matrialiste historique, laffaire est aujourdhui entendue et il ny a pas l dcouverte majeure. lauteur souligne bien que la confrontation de marx et de Weber marque une diffrence relle au double plan de la thorie et de la mthode, mais pour lui le dsaccord est politique avant que dtre mtho-dologique , mme si cette formulation peut paratre curieuse et sujette interrogation. en tout cas, les divergences nexcluent pas la convergence quant aux effets nfastes du systme conomique sur les individus. mais, parler de similarit de leurs analyses nest pas concevable dans la mesure o une telle affirmation procde en fait dune confusion entre rsultats de lanalyse et conduite de lanalyse elle-mme, au risque de faire disparatre tout lappareillage concep-tuel et mthodologique qui permet la production dune valua-tion critique du systme capitaliste. la recherche des parents conduit manifestement une confusion des niveaux danalyse. si les jugements mis sont globalement proches, ils procdent de proc-dures de recherche analytiquement trs diffrentes, pour ne pas dire souvent contraires. malheureusement lwy reste l trs impr-cis au point mme de sinterroger sur la vritable thse de lthique protestante. la critique quil adresse Weber de navoir pas procd un examen approfondi du matrialisme historique pourrait aisment lui tre retourne dans la mesure o sa propre analyse ne repose aucun moment sur une comparaison ferme des pistmologies des deux auteurs en prsence. ne pas aborder les questions thoriques de fond, le propos reste superficiel qui se borne lopposition simple de deux visions de la ralit capitaliste : de la vision dialectique du progrs chez marx la critique lucide, mais pessimiste des paradoxes de la rationalit capitaliste qui conduit Weber refuser les illusions du progrs. finalement, on ne sait plus trop ce qui rapproche les auteurs et les distingue vraiment. la convergence des raisons ne cre pas mcaniquement la convergence des raisonnements. du mme coup, si leur dnonciation du capitalisme procde dune diffrence de regard et de perspective danalyse, il ny a peut-tre pas lieu de stonner des divergences de positionnement pratique et dengage-ment et peut-tre que le pessimisme de lun comme loptimisme de lautre ont aussi quelque chose voir avec la nature profonde de leur rflexion.

en tout cas, la proximit des deux auteurs dans leurs jugements svres sur les effets dun systme conomique nfaste pour les indivi-dus est ce qui permet lwy de faire ressortir avec plus de force ce

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qui les distingue au plan de leur engagement politique. si lanalyse wbrienne, appuye sur un pessimisme culturel trs dvelopp son poque, conduit au mieux une rsignation hroque , marx, lui, est clairement un rvolutionnaire qui vise changer le monde. il ny a pas douverture rvolutionnaire chez Weber la diffrence de marx. le pessimisme wbrien serait issu dune critique forte de la nature du capitalisme et de la dynamique de la rationalisation qui concourt faire peser une menace lourde sur lautonomie des individus du fait du pouvoir dominant de la culture des choses . la mtaphore de la cage dacier est ainsi conserve, en dpit dune erreur majeure de traduction abondamment souligne par lauteur, pour marquer tout la fois lhostilit de Weber au capitalisme et la nature de son opposition1. ainsi Weber serait bien lui aussi un penseur du capita-lisme tout comme un critique averti de la civilisation capitaliste, mais pas de sa sortie ! mais, rduire Weber un observateur fataliste et rsign pour mieux faire de marx un humaniste rvolutionnaire parat bien rducteur. relever le caractre ambigu et contra-dictoire de sa posture pour la renvoyer au dchirement entre sa condition de bourgeois et son identit dintellectuel repose sur des prsupposs bien mcaniques pour tre acceptables. cest aussi faire limpasse sur toute la sociologie politique wbrienne que de consi-drer comme paradoxal que Weber puisse, au nom du libralisme et de la dmocratie dnoncer le capitalisme qui enferme lhumanit dans un habitacle dur comme lacier , un habitacle de la servi-tude des temps futurs .

dans la deuxime partie, max Weber sur les affinits lec tives , lwy revient sur une notion quil a abondamment travaille par le pass et quil considre comme un concept puissant de lanalyse wbrienne. pour ce faire, il lui consacre un chapitre entier visant donner une dfinition qui permette den saisir les multiples visages et usages. on est cependant tent de donner raison Jean-pierre Grossein qui parle de haut rendement littraire dune expres-sion qui est plus une notion quun concept (Grossein, 1996). il parat en effet bien difficile den saisir davantage quune dimension essentiellement descriptive. elle a certes un grand pouvoir dvoca-tion, mais cette expression significative qui exprime un processus de convergence entre deux ordres de ralit ne va pas au-del de

1. il faut se reporter ici au chapitre prcdemment crit par lauteur (lwy, 2012). il nous parat bien plus prcis et enrichissant que ce qui nous est dit dans le prsent ouvrage.

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la description dun processus et ne permet pas dexpliquer ce qui la produit autrement que par lvocation sans autre prcision des conditions historiques et sociales concrtes . distinguer des niveaux ou degrs daffinit sans en donner la justification ne saurait suffire. la puissance dvocation de la notion est relle, mais elle rend compte dune situation plus quelle ne lexplique. du mme coup, elle donne lieu beaucoup de flottement dans ses usages potentiels.

lwy y trouve pour sa part lopportunit de rendre compte contre Weber de la puissance du catholicisme comme rponse critique au dveloppement du capitalisme. il revient sur ce quil considre comme un manque dans la sociologie religieuse de Weber, savoir le faible intrt marqu par celui-ci pour le catholi-cisme. la recherche des formes dopposition possible au capitalisme lamne ainsi reprendre la question dune antipathie cultu-relle entre catholicisme et capitalisme sous langle dune affinit ngative loppos de celle qui lie protestantisme et capitalisme. lglise catholique noffre pas au dveloppement du capitalisme un environnement aussi favorable que le protestantisme. le catho-licisme peut parfois lui tre mme franchement hostile. derrire laffinit ngative du catholicisme avec le capitalisme se profile ainsi une affinit positive entre un certain catholicisme et la lutte anticapi-taliste. du reste, lidentification religieuse du christ avec les pauvres serait de fait porteuse dune dimension critique indniable. ceci conduira lauteur voir dans le christianisme de libration dam-rique latine, au-del de sa spcificit propre au contexte latino- amricain, la marque de la profonde aversion du catholicisme pour le cosmos capitaliste. ainsi na-t-on pas suffisamment port attention aux potentialits critiques dune religion qui sest pourtant montre historiquement plus apte conforter le conservatisme social.

si lanalyse propose est incontestablement stimulante, il parat nanmoins htif de voir dans le faible intrt de Weber pour la religion catholique lindice dun vide tonnant . le jugement mrite dtre nuanc. tout dabord, le propos de Weber, faut-il le rappeler, nest pas construit autour de la seule critique du capitalisme comme pourrait le faire croire le livre, mais largement consacr lmergence dun type dhomme nouveau, lhomme de la profession-vocation. lattention porte une religion reposant sur une thique de la conviction tait dcisive pour sa dmonstration. cest bien l ce qui fonde tout lintrt de la comparaison quil tablira entre confu-cianisme et puritanisme. dans ces conditions, lattrait de la religion protestante, au-del de son dveloppement historique, tait dcisif.

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mais, Weber ntait pas indiffrent pour autant aux autres dimensions de la prsence religieuse au monde. du mme coup, son analyse a port certes sur le message religieux dont la religion pouvait tre le porteur, mais aussi sur les institutions ecclsiales afin de montrer les rivalits et accommodements multiples auxquels conduisait ncessairement la confrontation du pouvoir politique et du pouvoir religieux. ainsi, il a souvent fallu pactiser avec les forces politi-ques, quitte faire de lalliance du pouvoir et de lglise linstrument de domestication des domins. inversement, lglise sera parfois conduite dfendre la libert de conscience pour se protger elle-mme de tout empitement excessif du pouvoir. de mme, tout en tant moins favorable au capitalisme, le catholicisme a t favorable lapparition de formes rationnelles dorganisation tout comme il a contribu positivement au dveloppement de la science et du droit. il est donc difficile de sen tenir une vision de la religion rduite son seul message. en fait, lexistence institutionnelle dune glise modifie considrablement les choses et on ne peut ds lors tudier une religion sans prendre en compte cette inscription institutionnelle qui conduit tudier avec prcision la faon dont les serviteurs de lglise vont eux-mmes se comporter lgard du pouvoir politique. la dimension institutionnelle conduit gnralement des compromis ncessaires avec les ralits conomiques et politiques quil convient de prendre en compte dans la gestion des biens de salut.

enfin, la troisime partie, marxisme wbrien , vise se pencher sur la faon selon laquelle les propos wbriens ont conduit alimenter la rflexion critique contre le capitalisme. lwy sint-resse tout dabord des auteurs qui certes ont t des lecteurs de Weber mais quon ne peut qualifier a priori de marxistes wbriens. ils vont en fait se servir de Weber et de ses arguments pour attaquer la religion capitaliste au prix dune sorte de dtournement de ce dernier pour dfendre leur propre cause. il sagit essentiellement de ernst Bloch, Walter Benjamin et erich fromm. le traitement privi-lgi de Benjamin qui occupe plus de la moiti du chapitre sex plique lvidence par la connaissance fine quen a lwy au point que lexamen des deux autres parat bien rapide. il faut attendre en fait le second chapitre de cette troisime partie pour que soient abordes les figures du marxisme wbrien , de lukacs merleau-ponty en passant par Gramsci. lwy rappelle dailleurs cette occasion que lexpression est ne sous la plume de lauteur des Aventures de la dialectique. trange chapitre qui voit lauteur insister dabord sur le fait que lappellation est inapte saisir la complexit des

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rapports entre les diffrents auteurs tudis, pour la qualifier ensuite de provocation intellectuellement productive . la dissmination de luvre wbrienne de par le monde le conduit dailleurs chercher chez des penseurs critiques nord-amricains au premier rang desquels des auteurs tels que alvin Gouldner, Wright mills et naturellement hans Gerth les traces dune utilisation potentiellement critique de Weber. nous sommes loin cependant dun quelconque marxisme wbrien et le propos est trop allusif pour emporter la conviction. plus intressante et significative est lvocation des travaux dauteurs franais venus du marxisme comme Jean-marie vincent et catherine colliot-thlne qui auraient amplement mrit une attention soutenue. on peut en effet se demander si lintrt que ces derniers manifesteront pour Weber, figure moins la constitution dun wbro-marxisme quune voie de sortie du marxisme dans un contexte dpui-sement du marxisme lui-mme comme de toute ambition totalisante. au bout du compte, la moisson est maigre qui conduit mme lauteur constater in fine que lappellation recouvre un champ intellectuel passablement htrogne . le chapitre se clt dailleurs bizarrement sur habermas pour montrer quel point celui-ci se dissocie de cette mouvance de marxistes-wbriens dont on a pourtant bien du mal saisir la consistance. on ne peut que regretter a fortiori le traitement superficiel qui est fait de Gramsci, incontestablement le moins loign de Weber et le plus politique des auteurs marxistes classiques.

ainsi, curieux ouvrage dont le titre se rfre une formule qui constitue une erreur de traduction grave, la cage dacier , et le sous-titre met en avant un courant de pense dont lexistence est plus que problmatique, pour ne pas dire inexistante. si on peut comprendre lusage dune allgorie pour exprimer linexprimable, alors pourquoi conserver un titre qui nest pas ce que Weber enten-dait exprimer ? certes, on peut toujours penser quil sagit l dune pratique ditoriale qui entend jouer de la facilit dun titre accro-cheur, mais lide mme de cage dacier induit une interprtation errone de la pense wbrienne, dsormais fige dans une expres-sion trs marginale qui non seulement ne peut la rsumer, mais la dessert totalement.

pour cette raison, lexplication selon laquelle il est prfrable de conserver la formule au prtexte quelle est maintenant largement entre dans le langage ne peut convaincre. le vocable allemand de Gehuse rappelle en effet quil sagit dun habitacle, mais dun habi tacle qui suppose le consentement de celui qui lhabite. il nest donc pas question de contrainte ni de violence. lenjeu est donc bien de

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comprendre comment des acteurs sapproprient le monde qui est le leur, commencer par les rgles qui en structurent la ralit, en condi-tionnent lexistence. cest bien pour cela que Weber parle de manire suggestive desclavage sans matre et lwy en est lui-mme parfai-tement conscient qui voque la soumission un mcanisme tout-puissant, lemprisonnement par un systme quon a soi-mme cr .

cest bien l une dimension essentielle de lanalyse wbrienne de laction que lon ne saurait ngliger. il ny a pas, pour Weber, daction sans dispositions agir qui structurent une conduite de vie. max Weber sintresse aux reprsentations pour leur efficacit pra - tique et non pas pour leur contenu de sens intrinsque. il lui fallait donc comprendre comment certains contenus de croyances religieu-ses ont conditionn lapparition dune mentalit conomique. la question des dispositions agir et des incitations pratiques laction est dcisive. le concept de conduite de vie (Lebensfhrung) est capital, car il est celui qui organise justement la rencontre de dispositions intrieures et dun contexte spcifique. il dfinit un rapport prati-que au monde. cest en ce sens que Weber sest donn pour but danalyser le dveloppement dun style de vie thique adquat au capitalisme naissant de lpoque moderne, et rien dautre, comme il le souligne avec fermet dans les Antikritiken. lintrt de Weber, tel quil le prcise dans lavant-propos, rside de ce fait moins dans ltude de lexpansion capitaliste pour elle-mme que dans la mise au jour dun type dhomme (Menschentum) particulier, tel quil nat de la conjonction de composantes dorigine religieuse et de compo-santes dorigine conomique.

enfin, si la sociologie wbrienne est une sociologie de laction, elle est aussi une sociologie pour laction. la rsignation de Weber ft-elle qualifie dhroque manifeste tout de mme une grande ignorance du rapport que Weber entretenait avec le politique tant en thorie quen pratique. les contraintes du rel nimpliquent pas de renoncer lexercice de la volont, tout au contraire, et leur connais-sance offre une propension agir. le contextualisme wbrien est tout la fois une posture sociologique au plan de lanalyse et une posture pratique celui de laction. cest bien une conception de laction politique dans le monde qui est dveloppe et qui sinterroge moins sur la question de ses fondements que sur celle de sa capacit et ses limites faire lhistoire2. comme le dit aron (1959, p. 8), une thorie de laction est une thorie du risque en mme temps

2. sur ce point, patrice duran, 2009.

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quune thorie de la causalit . lhomme politique est ncessaire-ment un homme daction, or jamais lhomme daction nagit en se disant que cela revient au mme. la dtermination causale dbouche chez Weber sur une morale exigeante. de plus, lhomme rationalis vit dans le provisoire et dans lincertain, faut-il le rappeler. raymond aron (1959, p. 13) le fait bien ressortir, une science qui analyse les rapports de cause effet, telle que la souhaitait max Weber en thorie, est donc celle mme qui rpond aux besoins de lhomme daction . la dtermination nest pas le dterminisme, elle est au contraire un rempart contre le fatalisme, elle est chez Weber au fondement de la libert et de la responsabilit de lhomme politique.

pour finir, un livre quelque peu dconcertant qui alterne des remarques fines et justes avec des propositions gnrales qui tendent montrer que lauteur na pas toujours pris la mesure des ambitions de la sociologie wbrienne. il porte en lui les deux faiblesses end - miques de la pense marxiste : labsence dune thorie de lacteur et la faiblesse de la thorie du politique. on ne peut rsumer Weber son opposition au capitalisme, sauf passer ct de sa sociologie.

tout en reconnaissant que le capitalisme actuel nest plus celui du xixe sicle, lwy trouve dans le dveloppement des forces impersonnelles du march sous ses diverses formes la pertinence des intruments danalyse forgs par marx et Weber. pour affronter cette nouvelle servitude des temps futurs , la question est bien celle des outils thoriques construire. cest dans la complmentarit des deux penses que rsideraient les possibilits dun renouveau intellectuel permettant daffronter une ralit quil faut tout la fois comprendre et expliquer pour en proposer le changement. mais du mme coup, cest bien la fcondit et surtout la compatibilit des perspectives danalyse quil faut discuter. or, si le marxisme peut saccommoder en partie de la sociologie wbrienne, ce que lide dun wbro-marxisme tend suggrer, linverse nest pas vrai. un wbrianisme marxiste est plus quimprobable. ainsi, louvrage qui revendique plus la fertilit dun croisement quil nen dmontre la possibilit, exprime surtout un souhait, celui dun programme construire. Bref, le plus dur reste faire.

patrice duranDpartement de sciences sociales

cole Normale Suprieure de CachanLaboratoire : Institut des Sciences sociales du Politique (ISP) UMR 8166

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rfrences BiBlioGraphiques

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