analyse pragmatique et fonctionnelle...[23] l’analyse relative à la norme de contrôle doit être...

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INDEX DES ONGLETS E À l’étape de la permission d’appeler l’analyse relative à la norme de contrôle serait inapplicable. F Statistiques sur les décisions de la Cour du Québec relativement à l’application des normes de contrôle tant sous l’ancienne analyse pragmatique et fonctionnelle que sous la nouvelle analyse relative à la norme de contrôle. G L’application de l’analyse relative à la norme de contrôle lors de l’audition au fond d’une décision da la Régie du logement - Les différents courants jurisprudentiels au sein de la Cour du Québec. H La Cour du Québec doit-elle appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle lors de l’appel d’une décision d’un tribunal spécialisé pour lequel elle agit à titre de tribunal d’appel? A) Suivant un groupe de réflexion créé par la Cour du Québec B) Suivant les arrêts de la Cour suprême C) Suivant les décisions de la Cour d’appel du Québec D) Suivant les décisions de la Cour supérieure L’analyse pragmatique et fonctionnelle maintenant connue sous le vocable d’analyse relative à la norme de contrôle est-elle applicable devant la Cour du Québec, en appel d’une décision de la Régie du logement? A) Suivant la doctrine B) Suivant les décisions de la Cour d’appel C) Suivant les décisions de la Cour supérieure D) Suivant les décisions de la Cour du Québec

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    INDEX DES ONGLETS

    E À l’étape de la permission d’appeler l’analyse relative à la norme de contrôle serait inapplicable.

    F Statistiques sur les décisions de la Cour du Québec relativement à l’application des normes de contrôle tant sous l’ancienne analyse pragmatique et fonctionnelle que sous la nouvelle analyse relative à la norme de contrôle.

    G L’application de l’analyse relative à la norme de contrôle lors de l’audition au fond d’une décision da la Régie du logement - Les différents courants jurisprudentiels au sein de la Cour du Québec.

    H La Cour du Québec doit-elle appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle lors de l’appel d’une décision d’un tribunal spécialisé pour lequel elle agit à titre de tribunal d’appel?

    A) Suivant un groupe de réflexion créé par la Cour du Québec B) Suivant les arrêts de la Cour suprême C) Suivant les décisions de la Cour d’appel du Québec D) Suivant les décisions de la Cour supérieure

    L’analyse pragmatique et fonctionnelle maintenant connue sous le vocable d’analyse relative à la norme de contrôle est-elle applicable devant la Cour du Québec, en appel d’une décision de la Régie du logement?  A) Suivant la doctrine B) Suivant les décisions de la Cour d’appel C) Suivant les décisions de la Cour supérieure D) Suivant les décisions de la Cour du Québec

  • INDEX DES ONGLETS

    H L’analyse relative à la norme de contrôle doit-elle être appliquée par la Cour du Québec considérant qu’elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision de la Régie du logement faisant l’objet de l’appel?

    L’appel d’une décision de la Régie du logement est-il un appel de novo et si tel est le cas cette situation pourrait-elle justifier l’inapplication de l’analyse relative à la norme de contrôle. A) Définition de l’expression de novo B) L’analyse de la Loi sur la Régie du logement L’analyse relative à la norme de contrôle s’applique-t-elle si lors de l’appel, la Cour du Québec entend une preuve? A) Suivant la doctrine B) Suivant les décisions de la Cour suprême C) Suivant les décisions de la Cour d’appel du Québec

    1. Le cas du Comité de déontologie policière 2. Le cas spécifique de la Régie du logement

    D) Le cas de la Régie du logement des Territoires du Nord-Ouest E) Le cas du contrôleur des armes à feu F) Conclusion

    I Les quatre (4) facteurs contextuels

    J Norme d’intervention appliquée par les divers juges de la cour du Québec à l’égard des décisions de la Régie du logement lors de pure question de compétence.

    K Norme d’intervention appliquée par les divers juges de la cour du Québec à l’égard des décisions de la Régie du logement lors de pure question de droit.

    L Norme d’intervention appliquée par les divers juges de la cour du Québec à l’égard des décisions de la Régie du logement lors de question mixte de fait et de droit.

    M Norme d’intervention appliquée par les divers juges de la cour du Québec à l’égard des décisions de la Régie du logement lors de pure question de fait.

    N Une pure question de droit signifie-t-il inévitablement le choix et l’application de la norme de la décision correcte?

  • INDEX DES ONGLETS

    O Le traitement des litiges locatifs au Québec avant et après la création de la Régie du logement.

    P Pourquoi la Régie du logement mérite-t-elle déférence?

    1. L’importance de la déférence à l’endroit du choix du législateur 2. Quelle était l’intention du législateur lorsqu’il créa la Régie du logement? 3. L’objet de la Loi sur la Régie du logement commande la déférence 4. Un tribunal administratif pas comme les autres 5. Une volonté renouvelée du législateur de faire preuve de déférence à

    l’égard de la Régie du logement 5.1 L’abolition de l’appel de plein droit 5.2 L’affaire Ngo

    Q Position de l’auteur sur l’application de l’analyse relative à la norme de contrôle par la Cour du Québec à l’égard d’une décision de la Régie du logement.

    R Les juges qui ont déclarés l’analyse inapplicable et les motifs qu’ils ont invoqués pour justifier leur position.

    S Les décisions de la Cour du Québec dans lesquelles il fut énoncé que l’analyse relative à la norme de contrôle ou l’analyse pragmatique et fonctionnelle serait inapplicable.

     

  •  

    ANNEXE E

    À l’étape de la permission d’appeler l’analyse

    relative à la norme de contrôle serait inapplicable

    Suivant la doctrine et la jurisprudence, à l’étape de l’autorisation d’appeler, la Cour du Québec ne serait nullement tenue de considérer la norme d’intervention devant guider le tribunal puisque « l’analyse relative à la norme de contrôle » ne s’appliquerait que lors de l’analyse au fond de l’appel. DOCTRINE Collection de droit 2009-2010, vol. 5, Obligations et contrats, Chapitre VI : La Régie du logement, p. 285, Les Éditions Yvon Blais inc. («Est-ce que l’analyse pragmatique et fonctionnelle s’applique aux demandes de permission d’en appeler? Non, elle ne s’applique qu’aux appels sur le fond et non aux demandes de permission d’en appeler.»). JURISPRUDENCE Lors de l’application de la Loi sur la Régie du logement Robert c. Cour du Québec, 2010 QCCS 5808 (CanLII), EYB 2010-182911.

    [14] La Cour suprême rappelle cependant qu’une telle analyse contextuelle relative à la norme de contrôle n’a pas à être faite, si la jurisprudence a déjà déterminé cette norme. Or, s’il existe plusieurs décisions traitant de la norme applicable pour les appels des décisions de la Régie du logement en Cour du Québec, celles-ci se rapportent toutes à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Dans le présent cas, il s’agit plutôt de la recevabilité de l’appel et il n’y a pas de décision connue traitant de telle détermination.

    Groupe Rioux Habitat c. Lévesque, 2007 QCCQ 12458 (CanLII), EYB 2007-126508.

    [17] Le Tribunal, dans le cas d’une requête pour permission d’en appeler, n’a pas à décider si la décision est correcte, raisonnable ou manifestement déraisonnable.

    Martin c. Lavoie, 2006 QCCQ 7656 (CanLII), EYB 2006-108934.

    [14] La méthode pragmatique et fonctionnelle élaborée par la Cour suprême du Canada est inapplicable au stade de la permission d’appeler.

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  • ANNEXE E

    À l’étape de la permission d’appeler l’analyse

    relative à la norme de contrôle serait inapplicable

    JURISPRUDENCE Lors de l’application de la Loi sur la Régie du logement (Suite) Beauchamp c. Riley, 2006 QCCQ 381 (CanLII), EYB 2006-100616.

    [13] La méthode pragmatique et fonctionnelle élaborée par la Cour suprême du Canada est inapplicable au stade de la permission d’appeler.

    Laryea c. Boudjema (2005 CanLII 400 (QC C.Q.), [2005] R.J.Q. 647, [2005] R.D.I. 222, J.E. 2005-256, SOQUIJ AZ-50289047, EYB 2005-82633.)

    [26] La méthode pragmatique et fonctionnelle s’applique-t-elle aux jugements sur la demande de permission d’en appeler ? Il apparaît évident que la Cour suprême a voulu limiter l’application de cette méthode aux appels sur le fond. Car le juge de la permission n’a pas à décider si la décision est correcte, raisonnable simpliciter ou manifestement déraisonnable. Il n’a pas à faire preuve de déférence. Il a simplement à décider si la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour du Québec (art. 91 L.R.L.). C’est lors de l’étude du fond que le tribunal décidera s’il doit faire preuve de déférence à l’égard de la question autorisée en appliquant la norme de la décision correcte, raisonnable simpliciter, ou manifestement déraisonnable.

    Lorsque la Cour du Québec applique d’autres lois impliquant l’appel d’une décision d’un autre tribunal administratif Windsor (Ville de) c. Domtar inc., 2009 QCCQ 5334 (CanLII), T.A.Q.E. 2008AD-344, SOQUIJ AZ-50529880, EYB 2009-160407.

    [23] L’analyse relative à la norme de contrôle doit être contextuelle. Elle comporte, parmi les facteurs pertinents à analyser, l’obligation de caractériser la nature de la question en cause. Cette démarche intellectuelle implique nécessairement un examen. [26] Un tel exercice ne peut s’inscrire dans le cadre de l’analyse d’une requête pour permission d’appeler. S’y adonner sans un examen de la preuve peut s’avérer périlleux et ne pourrait de toute façon lier le juge du fond qui aura le bénéfice d’examiner la preuve avant de procéder à l’analyse relative à la norme de contrôle. [27] Avec égards, l’affaire Dunsmuir n’a pas eu l’effet de changer le rôle du Tribunal chargé de décider d’une demande de permission d’appeler.

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  • Page 3 sur 3  

    ANNEXE E

    À l’étape de la permission d’appeler l’analyse

    relative à la norme de contrôle serait inapplicable

    Lorsque la Cour du Québec applique d’autres lois impliquant l’appel d’une décision d’un autre tribunal administratif (Suite) Montréal (Ville de) c. Goldberg, 2009 QCCQ 12343 (CanLII).

    [11] La déférence et la retenue que les tribunaux d’appel doivent manifester à l’égard d’un tribunal administratif inférieur spécialisé comme le TAQ, généralement connues sous le vocable « normes de contrôle », sont des normes qui doivent être prises en considération par le juge du fond sur un appel. Par ailleurs, il est reconnu que ces normes de contrôle n’ont pas à être prises en considération par le juge au niveau de la requête pour permission d’appeler.

    Chrétien c. Commission de protection du territoire agricole du Québec, 2009 QCCQ 9841 (CanLII), T.A.Q.E. 2009AD-171, SOQUIJ AZ-50561725, EYB 2009-165082.

    [18] Avant d’aborder ces moyens, il est utile de rappeler qu’à ce stade, le juge de la Cour du Québec n’a pas à déterminer une norme d’intervention, à savoir la décision correcte ou déraisonnable, ni à appliquer une telle norme.

    Imperial Tobacco Canada Ltée c. Montréal (Ville), 2005 CanLII 2770 (QC C.Q.), par. 31, J.E. 2005-794, SOQUIJ AZ-50292798, EYB 2005-85768.

    Pour les fins du présent litige, le Tribunal retient, de la décision ci-dessus et de l’ensemble de la jurisprudence, les principes suivants : Le caractère sérieux, nouveau, controversé ou d’intérêt général de la question en jeu doit être pris en compte mais il ne s’agit pas d’une condition sine qua non au droit d’appel. À l’étape de l’autorisation, il n’y a pas lieu de considérer la norme d’intervention ni de faire preuve de retenue judiciaire à l’égard de la décision d’un tribunal spécialisé.

  •  

     Annexe F

     

    Sous l’analyse pragmatique et fonctionnelle

    Année Total des décisions abordant

    l’application de l’analyse

    Analyse inapplicable

    Norme de la décision

    manifestement déraisonnable

    Norme de la décision

    raisonnable simpliciter

    Norme de la

    décision correcte

    2000 1 1 2001 2002 2003 8 4 4 2004 9 3 2 4 2005 17 3 2 1 11 2006 12 5 1 2 4 2007 10 3 2 5 2008 7 5 2 Total 64 19

    30 % 3

    4 % 14

    22 % 28

    44 %

    Sous l’analyse relative à la norme de contrôle

    Année Total des décisions abordant

    l’application de l’analyse

    Analyse inapplicable

    Norme de la décision

    raisonnable

    Norme de la décision correcte

    Applique les 2

    normes

    2008 14 12 1 1 2009 12 5 3 4 2010 14 5 1 7 1 2011 14 7 1

    6 1

    Total 54 29 53 %

    6 11 %

    18 33 %

    2 3 %

    Cumulatif 118 48 41 %

    23 20 %

    46 39 %

     

  • ANNEXE G

    L’application de l’analyse relative à la norme de contrôle lors de l’audition au fond d’une décision de la Régie du logement

    Les différents courants jurisprudentiels au sein de la Cour du Québec

    L’analyse ne trouve-rait application en aucune circonstance qu’il y ait présen-tation d’une preuve ou non devant la Cour du Québec.

    Pour justifier cette approche, on énonce notamment que la recherche de l’intention du législateur prime sur l’application aveugle de l’analyse relative à la norme de contrôle. On précise par ailleurs qu’il faut donner un sens large au mot « entend » prévu à l’article 98 de la Loi sur la Régie du logement.

    Cam c. Deschênes, 2009 QCCQ 142 (CanLII), J.E. 2009-142, SOQUIJ AZ-50532100, EYB 2009-153212. («[11] Après analyse de cette question, le Tribunal partage la position précitée que l’analyse relative à la norme de contrôle ne s’applique pas lors d’un appel d’une décision de la Régie du logement, peu importe qu’il y ait nouvelle preuve ou non. L’étude historique des dispositions applicables en matière d’appel d’une décision de la Régie du logement convainc que le législateur, bien qu’il ait circonscrit un tel appel « aux questions qui ont été autorisées par la permission d’appeler », veut que la Cour du Québec procède « de novo » eu égard à ces questions. Tout comme le juge Laurin dans Girard c. Primeforce, le Tribunal estime que la recherche de l’intention du législateur prime sur l’application aveugle de l’analyse relative à la norme de contrôle. [15] En conséquence, le Tribunal conclut qu’en aucune circonstance l’analyse relative à la norme de contrôle ne trouve application lorsque la Cour du Québec agit en appel d’une décision de la Régie du logement. Ainsi, relativement aux questions qui ont été autorisées par la permission d’appeler ou toute autre question que les parties soumettent à la Cour du Québec, notamment par amendement, celle-ci recommence le procès et décide selon les éléments qui lui sont présentés, soit par admission, par témoignage, par preuve documentaire ou autre.»).

    (Voir les pages 315 à 319 du volume et les notes de bas de page no 806 à 809.).

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  • ANNEXE G

    L’application de l’analyse relative à la norme de contrôle lors de l’audition au fond d’une décision de la Régie du logement

    Les différents courants jurisprudentiels au sein de la Cour du Québec

    L’analyse serait in-applicable dès lors qu’une preuve serait présentée devant la Cour du Québec.

    Selon ce courant jurisprudentiel la présentation d’une preuve devant la Cour du Québec, lors de l’audition au mérite, impliquerait inévitablement une nouvelle appréciation des faits par la Cour du Québec. Dans un tel contexte il ne s’agirait pas d’examiner la démarche intellectuelle du tribunal de première instance, mais plutôt de la refaire basée sur une toute nouvelle preuve. En conséquence, aucune déférence ne serait due à la décision de la Régie du logement et aucune analyse relative à la norme de contrôle ne serait alors requise. Le Tribunal ne jugerait pas la décision de la Régie du logement mais devrait plutôt former sa propre opinion sur les questions autorisées, en tenant compte de la preuve faite devant lui.

    (Voir les pages 319 et 320 du volume et la note de bas de page no 810.).

    L’analyse serait in-applicable lorsque des admissions sont faites devant la Cour du Québec.

    Selon ce courant jurisprudentiel si des faits sont admis pour l’étude d’une question, ces admissions étant faites devant la Cour du Québec, la situation serait la même que si la preuve était faite devant la Cour du Québec. Rien n’indiquerait que les admissions de faits concorderaient avec la preuve faite devant la Régie du logement. Ainsi l’analyse relative à la norme de contrôle ne s’appliquerait pas.

    (Voir la page 320 du volume et la note de bas de page no 811.).

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  • Page 3 sur 3  

    ANNEXE G

    L’application de l’analyse relative à la norme de contrôle lors de l’audition au fond d’une décision de la Régie du logement

    Les différents courants jurisprudentiels au sein de la Cour du Québec

    L’analyse s’appli-querait dès qu’une simple question de droit est invoquée et alors qu’aucune preuve n’a été présentée lors de l’audition au mérite.

    Plusieurs décisions sont à l’effet qu’en présence d’une pure question de droit et alors qu’aucune preuve n’a été présentée lors de l’audition au mérite, que la Cour du Québec doit exercer un contrôle judiciaire à l’égard de la décision de la Régie du logement et qu’en pareille situation l’analyse relative à la norme de contrôle trouve application.

    (Voir les pages 320 et 321 du volume et la note de bas de page no 812.).

    L’analyse s’appli-querait lorsqu’il y a dépôt des transcri-ptions de la preuve faite devant la Régie du logement.

    Selon ce courant jurisprudentiel, si les faits sont mis en preuve par le dépôt de la transcription de la preuve faite devant la Régie du logement, c’est la même situation que pour les appels en matière de déontologie policière ou d’accès à l’information, par exemple. La Cour du Québec aurait alors en mains tout ce qu’il faut pour décider si la décision de la Régie du logement est raisonnable ou correcte, selon la norme retenue.

    Pour d’autres, l’absence d’exigence législative et règlementaire quant au dépôt des transcriptions de la preuve faite devant la Régie du logement dispenserait la Cour du Québec de recourir à l’analyse relative à la norme de contrôle. Certains énoncent en effet que si le législateur désire que la Cour du Québec procède par appel conventionnel, il n’a qu’à amender la Loi sur la Régie du logement et exiger la transcription de l’audition devant la Régie lors de l’appel à la Cour du Québec, ainsi le Tribunal sera doté de tous les éléments nécessaires pour contrôler les erreurs en appliquant l’analyse relative à la norme de contrôle.

    (Voir les pages 321 à 325 du volume et les notes de bas de page no 813 à 819.).

     

  • ANNEXE H

    La Cour du Québec doit-elle appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle lors de l’appel d’une décision d’un tribunal spécialisé pour lequel elle agit à titre de tribunal d’appel ?

    A) Suivant un groupe de réflexion créé par la Cour du Québec Dans un rapport émanant d’un groupe de réflexion créé par la Cour du Québec et intitulé Une réforme judiciaire axée sur le citoyen1, déposé en avril 2005 par le juge en chef associé de la Cour du Québec, le juge René de la Sablonnière, on indiquait clairement que les juges de la Cour du Québec, lors d’un appel devait appliquer l’analyse pragmatique et fonctionnelle :

    Par ailleurs, lorsqu’un juge de la Cour du Québec siège en appel d’une décision d’un tribunal ou d’un organisme juridictionnel, il doit appliquer les normes de contrôle d’un tribunal qui siège en révision judiciaire ou en appel. [Note 23] Dans l’arrêt Dr Q c. College of physicians and Surgeons of British Colombia, [2003] 1 R.C.S. 226, par. 21, la juge en chef de la Cour suprême confirme que dorénavant, tant le juge siégeant en révision judiciaire que celui siégeant en vertu d’un droit d’appel statutaire, doivent être considérés comme un juge de révision, ce qui implique, dans les deux cas, la nécessité de recourir à l’analyse pragmatique et fonctionnelle. (c’est nous qui soulignons)

                                                                1 . Une réforme judiciaire axée sur le citoyen, Rapport du comité de réflexion et d’orientation sur la justice de première instance au Québec, Cour du Québec, avril 2005, p. 16 et 17, ISBN : 2-550-44285-7.

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  • ANNEXE H

    B) Suivant les arrêts de la Cour suprême Il est maintenant bien établi que l’intervention d’une instance de révision des décisions de tribunaux administratifs ou spécialisés doit obéir à un mécanisme de contrôle judiciaire revu et simplifié par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick. De manière générale, cet arrêt, comme ceux qui lui sont subséquents Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct inc. et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa postulent qu’une certaine déférence s’impose à l’égard des décisions rendues par des instances relativement à des matières qui relèvent de leur rôle et de leur expertise. L’appel devant un tribunal à vocation élargie, non spécialisé, de la décision d’un décideur spécialisé constitue une forme de contrôle judiciaire et est assujettie aux principes énoncés dans l’arrêt Dunsmuir2 :

    [158] LA JUGE DESCHAMPS — Les règles régissant le contrôle judiciaire de l’action gouvernementale ont besoin de plus que d’une simple réforme. Le droit, en ce domaine, doit être débarrassé des grilles d’analyse et des débats inutiles. On peut simplifier ce domaine du droit en s’en remettant à la substance du travail qu’accomplit une cour de justice lorsqu’elle est appelée à réviser une décision, que ce soit lors d’un contrôle administratif ou d’un simple appel. Dans chaque cas, il faut d’abord déterminer si la question en litige est une question de droit, de fait ou mixte de fait et de droit. Cela fait, bien peu d’autres éléments doivent s’ajouter à l’analyse pour déterminer si la cour doit faire preuve de déférence à l’endroit de l’organisme administratif. (c’est nous qui soulignons)

                                                                2 . Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 190, J.E. 2008-547, D.T.E. 2008T-223, SOQUIJ AZ-50478101, EYB 2008-130674; Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., 2008 CSC 32 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 195, J.E. 2008-1167, SOQUIJ AZ-50494346, EYB 2008-133941; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 (CanLII), J.E. 2009-481, SOQUIJ AZ-50542515, EYB 2009-155418; Nolan c. Kerry (Canada) Inc., 2009 CSC 39 (CanLII), J.E. 2009-1510, SOQUIJ AZ-50569603, EYB 2009-162383; Bell Canada c. Bell Aliant Communications régionales, 2009 CSC 40, [2009] 2 R.C.S. 764, J.E. 2009-1708, SOQUIJ AZ-50575280, EYB 2009-163783; Northrop Grumman Overseas Services Corp. c. Canada (Procureur général), 2009 CSC 50, [2009] 3 R.C.S. 309, J.E. 2009-2005, SOQUIJ AZ-50582569, EYB 2009-165725; Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14, SOQUIJ AZ-50626646; Smith c. Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7 (CanLII), SOQUIJ AZ-50719805, 2011 EXP-543, J.E. 2011-280, EYB 2011-186160.

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  • ANNEXE H

    B) Suivant les arrêts de la Cour suprême (Suite) Avant le prononcé de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada avait par ailleurs décidé qu’un tribunal appelé à réviser une décision administrative devait déterminer la norme de contrôle ou d’intervention applicable à chacune des questions litigieuses, et ce, peu importe qu’il s’agisse d’un appel ou d’une demande de contrôle judiciaire. Elle l’avait en effet clairement énoncé dans l’affaire Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia3, la Cour suprême du Canada a en effet décidé qu’un tribunal appelé à réviser une décision administrative doit déterminer la norme de contrôle ou d’intervention applicable à chacune des questions litigieuses, et ce, peu importe qu’il s’agisse d’un appel ou d’une demande de contrôle judiciaire :

    [21] Le terme « contrôle judiciaire » comprend le contrôle des décisions administratives autant par voie de demande de contrôle judiciaire que d’un droit d’appel prévu par la loi. Chaque fois que la loi délègue un pouvoir à une instance administrative décisionnelle, le juge de révision doit commencer par déterminer la norme de contrôle applicable selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle. […] Après avoir examiné chacun des facteurs, la cour de révision doit choisir une des trois normes de contrôle reconnues à l’heure actuelle. (c’est nous qui soulignons)

    Les mêmes commentaires avaient été énoncés dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan4, la Cour suprême du Canada déclarait expressément que l’analyse pragmatique et fonctionnelle s’appliquait au droit d’appel :

    (…) Comme le confirme la juge en chef au par. 21 de l’arrêt connexe Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19 (CanLII), (2003) 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19, l’analyse pragmatique et fonctionnelle s’applique au contrôle judiciaire, qu’il résulte d’une demande en justice ou d’un droit d’appel prévu par la loi". (c’est nous qui soulignons)

                                                                3 . Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19 (CanLII), [2003] 1 R.C.S., 226, par. 21, J.E. 2003-714, SOQUIJ AZ-50169035, REJB 2003-39403. 4 . Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20 (CanLII), [2003] 1 R.C.S. 247, p. 258, J.E. 2003-713, SOQUIJ AZ-50169036, REJB 2003-39404.  

    Page 3 sur 57  

    http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2003/2003csc19/2003csc19.html

  • ANNEXE H

    B) Suivant les arrêts de la Cour suprême (Suite) La simplification de la démarche analytique énoncée dans l’arrêt Dunsmuir allait-elle signifier son inapplication lors d’un appel? Rien n’indique dans les motifs des juges majoritaires dans l’arrêt Dunsmuir que cet énoncé ne représente plus la règle applicable en cette matière. Dans l’affaire Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc.5, un arrêt de la Cour suprême mettant en cause un droit d’appel à la Cour du Québec d’une décision du comité de discipline de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, sept (7) juges sur neuf (9) ont été d’opinion que l’analyse relative à la norme de contrôle trouvait application lors d’un droit d’appel. C) Suivant les décisions de la Cour d’appel du Québec Depuis le prononcé de l’arrêt Dunsmuir, la Cour d’appel du Québec s’est également prononcée sur l’application de l’analyse relative à la norme de contrôle dans le contexte d’un droit d’appel. Faisant référence aux divers arrêts de la Cour suprême, la Cour d’appel du Québec affirma à plusieurs reprises que l’intervention d’un tribunal d’appel est restreinte de la même façon qu’en matière de contrôle judiciaire en ce qu'il doit appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle et faire preuve de déférence envers les tribunaux administratif spécialisés. Ainsi, dans l’arrêt Carbonneau c. Simard6, faisant référence à la fois à l’arrêt Dunsmuir et l’arrêt Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., précités, la Cour d’appel abonde dans le sens des arrêts de la Cour suprême quant à l’application de l’analyse relative à la norme de contrôle, même en présence d’un droit d’appel.

                                                                5 . Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., 2008 CSC 32 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 195, J.E. 2008-1167, SOQUIJ AZ-50494346, EYB 2008-133941. 6 . Carbonneau c. Simard, 2009 QCCA 1345 (CanLII), B.E. 2009BE-726, SOQUIJ AZ-50565204, EYB 2009-161477.

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  • ANNEXE H

    C) Suivant les décisions de la Cour d’appel du Québec (Suite) En effet, le 8 juillet 2009, dans l’arrêt Carbonneau c. Simard, le juge Dalphond refuse d’accorder une permission d’appeler d’un jugement de la Cour Supérieure, accueillant une demande en révision judiciaire et cassant en partie un jugement, rendu par un juge de la Cour du Québec, sur un appel de décisions rendues par le Comité de déontologie policière. Le juge Dalphond énonce alors ce qui suit :

    [2] Les requérants prétendent que la juge de la Cour supérieure a eu tort de dire que le juge de la Cour du Québec, siégeant en appel d’un comité de déontologie policière, devrait faire preuve de retenue à l’égard des questions mixtes tranchées par le comité (norme de conduite) et des sanctions imposées (suspension d’un jour et trois jours). [3] Les principes applicables ont été soigneusement élaborés par la Cour suprême du Canada et appliqués par notre Cour dans diverses décisions. Je ne vois rien qui justifie de refaire le débat devant la Cour d’appel. [4] Comme l’a dit la juge en chef McLachlin dans l’affaire Docteur Q., un arrêt unanime de la Cour suprême, la prétention que « la question peut être réglée sans recours aux principes usuels du droit administratif en matière de norme de contrôle puisqu’il s’agit d’un droit d’appel, est un « postulat erroné ». [5] Dans l’affaire Ryan, le juge Iacobucci, en se référant à ce passage de la juge en chef McLachlin dans Docteur Q, écrit : « Comme le confirme la Juge en chef […] l’analyse pragmatique et fonctionnelle s’applique au contrôle judiciaire, qu’il résulte d’une demande en justice ou d’un droit d’appel prévu par la loi. Cela signifie que les cours doivent toujours choisir et appliquer le degré de déférence approprié.». [6] L’affaire Dunsmuir n’a pas remis ce principe en question, bien au contraire. [7] Ainsi, dans l’arrêt Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct inc., rendu subséquemment, la Cour suprême rappelle, dans une affaire où la Cour du Québec siégeait en appel d’une décision du comité de discipline des courtiers en immeuble, que l’analyse relative à la norme de contrôle s’applique et que le juge de la Cour du Québec devait faire preuve de retenu en matière d’interprétation des normes de conduite et d’imposition des sanctions. (c’est nous qui soulignons)

    Le juge Dalphond conclut une fois de plus à l’application de l’analyse relative à la norme de contrôle, même en présence d’un droit d’appel.

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  • ANNEXE H

    C) Suivant les décisions de la Cour d’appel du Québec (Suite) En 2011, dans l’affaire Montréal (Ville de) c. Gyulai7, faisant référence à la juridiction d’appel de la Cour du Québec, la Cour d’appel énonce ce qui suit :

    [32] La Cour du Québec, à la suite de la réforme de la justice administrative de 1996, a conservé une importante juridiction d’appel dans divers domaines et en vertu d’une multitude de lois. L’objet et la portée de l’appel, par ailleurs, sont susceptibles de varier d’une manière significative en regard du régime législatif en cause.

    [33] Les appels statutaires devant une instance judiciaire peuvent se diviser en trois grandes catégories :

    - Les appels sur les questions de droit et de juridiction ou compétence;

    - Les appels sur les questions de droit seulement;

    - Les appels purs et simples ou appels sur le fond.

    Quelle que soit la catégorie, cependant, et en particulier depuis les énoncés de la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour du Québec, siégeant en appel d’une décision d’un tribunal administratif, doit faire preuve de déférence à l’égard de l’expertise de ce dernier. (c’est nous qui soulignons)

                                                                7 . Montréal (Ville de) c. Gyulai, 2011 QCCA 238 (CanLII), SOQUIJ AZ-50719307, EYB 2011-186111.

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  • ANNEXE H

    C) Suivant les décisions de la Cour d’appel du Québec (Suite) Toujours en 2011, dans l’affaire Nechi Investments Inc. c. Autorité des marchés financiers8, la Cour d’appel réaffirme l’application de l’analyse relative à la norme de contrôle lors d’un appel :

    3.1 Le rôle de la Cour du Québec dans le cas de l’appel d’un jugement d’un tribunal administratif

    [16] Il est maintenant bien établi, tant par la Cour suprême que par notre Cour, que dans le cas de l’appel d’une décision d’un tribunal spécialisé, comme en l’espèce, les critères d’intervention du tribunal d’appel ne sont pas ceux de l’intervention en appel, mais se rapprochent davantage de ceux de la révision judiciaire. L’intervention du tribunal d’appel est restreinte de la même façon qu’en matière de contrôle judiciaire en ce qu’il doit appliquer l’analyse pragmatique et fonctionnelle et faire preuve de déférence envers le tribunal administratif spécialisé. Ainsi, dans le cas d’une question de droit dans le champ d’expertise du tribunal spécialisé, la norme qui doit être appliquée n’est pas celle de la décision correcte, mais celle de la décision raisonnable. (c’est nous qui soulignons)

    D) Suivant les décisions de la Cour supérieure Dans l’affaire Montréal (Ville de) c. Cour du Québec9, citant la décision de la Cour d’appel Nechi Investments Inc. c. Autorités des marchés financiers, précitée, le juge Michel Déziel énonce qu’à titre de tribunal d’appel, la Cour du Québec doit suivre les enseignements de la Cour suprême et de la Cour d’appel de sorte qu’elle doit appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle.                                                             8 . Nechi Investments Inc. c. Autorité des marchés financiers, 2011 QCCA 214 (CanLII), SOQUIJ AZ-50718073, EYB 2011-185915. 9 . Montréal (Ville de) c. Cour du Québec, 2011 QCCS 818 (CanLII), par. 31 à 40, SOQUIJ AZ-50725965, EYB 2011-187018.

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  • ANNEXE H

    D) Suivant les décisions de la Cour supérieure (Suite) Dans l’affaire Simard c. Richard10, le juge Catherine Mandeville fit droit à une requête en révision judiciaire à l’égard d’une décision de la Cour du Québec. Dans cette affaire, le tribunal avait alors estimé ne pas être assujetti à l’analyse relative à la norme de contrôle élaborée dans l’arrêt Dunsmuir :

    [28] En appel, les Parties invitaient la Cour du Québec à appliquer les critères de révision judiciaire énoncés dans l’arrêt Dunsmuir. [29] Or, cette dernière a plutôt décidé que les normes de Dunsmuir ne lui étaient pas applicables, puisqu’elle siégeait comme tribunal d’appel. [30] Le Tribunal estime que la Décision sur ce point est incorrecte et doit être révisée. [31] Le Tribunal n’adhère pas au raisonnement de la Cour du Québec qui, parce que le législateur lui octroie de larges pouvoirs dont celui de substituer sa décision à celle du Comité, choisit d’écarter la jurisprudence majoritaire voulant que, même lorsqu’elle siège en appel, la Cour du Québec doit faire preuve de retenue dans l’exercice de ses pouvoirs, et accorder aux décisions du Comité de déontologie toute la déférence énoncée dans Dunsmuir. [35] Voilà pourquoi, malgré un large droit d’appel statutaire, la jurisprudence requiert de la Cour du Québec qu’elle fasse preuve de retenue envers les décisions du Comité portant sur des questions qui relèvent de son champs d’expertise, comme en l’espèce. [36] Que la Cour du Québec ne soit pas un tribunal de droit commun possédant des pouvoirs inhérents de révision ne change rien au fait qu’il s’agit d’un tribunal statutaire à compétence variée, qui ne possède pas d’expertise particulière en matière d’appréciation du comportement policier. [40] Ainsi, le Tribunal conclut que la Décision n’est pas correcte puisque le juge de la Cour du Québec a omis d’identifier la norme d’intervention en procédant à l’analyse requise. (c’est nous qui soulignons)

    Pour la juge Catherine Mandeville, il est clair qu’à titre de tribunal d’appel, la Cour du Québec devait suivre les enseignements de la Cour suprême de sorte qu’elle devait appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle. Cette décision fut confirmée par la Cour d’appel puisqu’une requête pour permission d’appeler fut refusée.

                                                                10 . Simard c. Richard, 2010 QCCS 3986 (CanLII), EYB 178573.

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  • ANNEXE H

    D) Suivant les décisions de la Cour supérieure (Suite) En effet, dans cette affaire, une requête pour permission d’appeler fut présentée devant la Cour d’appel laquelle confirma la décision de la juge Catherine Mandeville. Dans la décision11 rejetant la demande pour permission d’appeler la Cour d’appel, sans ambages, énonce ce qui suit :

    [28] Avant de conclure, un mot s’impose sur la détermination de la norme de contrôle par le juge de la Cour du Québec. Il persiste à appliquer, lorsqu’il siège en appel d’une décision d’un décideur spécialisé ou d’un tribunal administratif, les normes d’intervention en matière d’appels judiciaires. Il est le seul juge de la Cour du Québec à suivre cette voie, du moins s’il faut se fier à plusieurs décisions d’autres juges de la même Cour qui en font mention. Cette attitude est susceptible de provoquer des révisions judiciaires inutiles, emportant le risque de faire encourir sans raison des frais additionnels aux justiciables. [29] Certes, il existe des ressemblances en pratique entre les normes d’intervention d’une Cour d’appel et les normes de contrôle judiciaire sur les questions de fait, par opposition aux questions de droit et aux questions mixtes de fait et de droit. Cela dit, on ne peut s’écarter pour autant des enseignements de la Cour suprême. Depuis les arrêts de la Cour suprême dans Dunsmuir et plus particulièrement dans Proprio Direct, précités, tout doute, s’il en était, quant aux normes applicables en matière d’appel à la Cour du Québec de décisions rendues par des décideurs administratifs spécialisés est dissipé. Dans ce contexte, les parties en appel d’une telle décision sont en droit de s’attendre au respect du stare decisis par le tribunal d’appel. (c’est nous qui soulignons)

                                                                11 . Simard c. Vien, 2010 QCCA 2371 (CanLII), SOQUIJ AZ-50703184, J.E. 2011-100, 2011 EXP-191, EYB 2010-183951.

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  • ANNEXE H

    L’analyse pragmatique et fonctionnelle maintenant connue sous le vocable d’analyse relative à la norme de contrôle est-elle applicable devant la Cour du Québec, en appel d’une décision de la Régie du logement?   A) Suivant la doctrine  Dans le cours de la formation professionnelle du Barreau du Québec12, à propos de l’applicabilité de l’analyse relative à la norme de contrôle, à l’égard de la Cour du Québec, dans l’exercice de sa compétence d’appel des décisions de la Régie du logement, Me Gilles Daoust énonce ce qui suit :

    Nous ne pouvons terminer l’étude du droit d’appel sans examiner sommairement l’impact de récentes décisions de la Cour suprême portant sur les normes de contrôle. Quelle est la norme de contrôle que la Cour du Québec doit appliquer lorsqu’elle examine une décision de la Régie? Est-ce que l’analyse pragmatique et fonctionnelle dégagée par la Cour suprême en matière administrative s’applique à la Cour du Québec dans l’exercice de sa compétence d’appel sur les décisions de la Régie du logement? La jurisprudence est divisée sur cette question. Quelques décisions considèrent que la réponse doit être négative alors que la jurisprudence majoritaire répond affirmativement à cette question en apportant certaines nuances.

                                                                12 . Collection de droit 2009-2010, vol. 5, Obligations et contrats, chapitre VI, La Régie du logement, p. 284-286, Les Éditions Yvon Blais inc.

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  • ANNEXE H

    A) Suivant la doctrine (Suite) Dans son volume, Louer un logement13, Me Pierre Gagnon, régisseur à la Régie du logement, énonce ce qui suit :

    D’autre part, certains juges de la Cour du Québec ont entrepris de transposer aux appels de la Régie du logement le processus d’analyse en usage à d’autres paliers de juridiction. La méthode dite « pragmatique et fonctionnelle » a été élaborée par la Cour suprême dans le contexte précis où un tribunal de droit commun doit statuer en révision judiciaire sur la décision souvent complexe, voir pointue, d’un tribunal administratif spécialisé. Sommairement exprimé, le principe énonce que le niveau de déférence applicable par le tribunal de droit commun à l’égard du tribunal d’exception est directement proportionnel au degré de spécialisation de la matière faisant l’objet du réexamen. Cette méthode d’analyse, plutôt répandue chez les décideurs de la Cour du Québec à une certaine époque, paraît de plus en plus se voir écartée au profit d’une analyse globale et exhaustive des questions soumises à l’examen.

    B) Suivant les décisions de la Cour d’appel

    Dans l’affaire Les investissements Mooncrest inc. c. Union canadienne (L’), compagnie d’assurances14, le juge François Doyon de la Cour d’appel reconnaît que l’analyse relative à la norme de contrôle s’applique à la Cour du Québec lors de l’appel d’une décision de la Régie du logement. Estimant que la Cour du Québec et la Cour supérieure avait choisi et appliqué la bonne norme d’intervention et de contrôle, le juge Doyon refusa d’accorder la permission d’appeler de la décision de la Cour supérieure :  

    [2] La première erreur invoquée par la requérante a trait à la norme de contrôle retenue par la Cour du Québec. Je n’y vois pas d’erreur, la question soulevée étant une question de droit qui ne relève pas du domaine d’expertise de la Régie du logement.  

                                                                13 . GAGNON, Pierre, Louer un logement, Les Éditions Yvon Blais inc., 2009, p. 184 et 185. 14 . Les investissements Mooncrest inc. c. Union canadienne (L’), compagnie d’assurances, 2010 QCCA 531 (CanLII), SOQUIJ AZ-50619786, 2010 EXP-1214, EYB 2010-171294.

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  • ANNEXE H

    B) Suivant les décisions de la Cour d’appel

    [3] Elle reproche également à la Cour supérieure d’avoir retenu la norme de la décision raisonnable au moment d’analyser le jugement de la Cour du Québec. Force est de constater, à la lecture des termes employés par la Cour supérieure, qu’elle ne serait pas davantage intervenue si elle avait plutôt retenu la norme de la décision correcte.

    À l’évidence, le juge Doyon ne s’interroge pas sur l’applicabilité, ou non, de l’analyse relative à la norme de contrôle et tient pour acquis que cette analyse s’appliquait en l’espèce. Dans cette affaire, la Cour supérieure avait conclu que la Cour du Québec, siégeant en appel d’une décision de la Régie du logement, devait appliquer la norme de la décision correcte lorsqu’elle était saisie d’une question de droit. En août 1999, dans l’affaire Crédit M.P. Ltée c. Jorgensen15, les juges Chamberland et Fish mentionnaient ce qui suit :

    Commentaires du juge Jacques Chamberland (auxquels souscrit la juge Marie Deschamps) Le pourvoi pose donc la question de la norme de contrôle applicable à la révision judiciaire d’une décision de la Cour du Québec siégeant en appel d’une décision de la Régie du logement portant sur la qualification de l’entente liant les parties relativement à l’occupation d’une résidence. Le pourvoi pose également la question de savoir comment il convient, en l’espèce, de qualifier cette entente : bail d’un logement ou contrat innomé. Mais, avant d’aborder l’une et l’autre de ces questions, il convient de rappeler brièvement les faits du litige.

                                                                15 . Crédit M.P. Ltée c. Jorgensen, 1999 CanLII 13283 (QC C.A.), J.E. 99-1713, [1999] R.J.Q. 2220, p. 2225, SOQUIJ AZ-50067046, REJB 1999-14157. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée le 8 juin 2000, n° 27560. Décisions antérieures, Cour supérieure (13-09-1994): J.E. 94-1572 (C.S.), SOQUIJ AZ-94021609. Cour du Québec (25-03-94): [1994] J.L. 137 (C.Q.), SOQUIJ AZ-94033207.

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  • ANNEXE H

    B) Suivant les décisions de la Cour d’appel (Suite)

    Commentaires du juge Jacques Chamberland (auxquels souscrit la juge Marie Deschamps) Depuis les derniers arrêts de la Cour suprême en matière de norme de contrôle, la détermination du seuil d’intervention est devenue une question nuancée. La retenue judiciaire ne fait plus appel à des compartiments. Il s’agit plutôt d’un continuum évalué de façon globale en fonction de plusieurs critères. Dans Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, le juge Bastarache fait le lien entre l’analyse fonctionnelle et pragmatique initiée par le juge Beetz dans U.E.S., Local 298 c. Bibeault, et le spectre de la retenue judiciaire élaborée par le juge Iacobucci dans Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), et Canada (Directeur des Enquêtes et Recherches c. Southam Inc. Les critères suggérés par le juge Bastarache sont les suivants : le degré d’expertise du tribunal, la présence d’une clause privative, l’objet de la loi et la nature de la question16. 2) La clause privative Les décisions de la Régie du logement, puis, en appel, celles de la Cour du Québec sont protégées par des clauses restreignant le contrôle par la Cour supérieure. Les décisions de la Régie sont appelables devant la Cour du Québec mais aucun appel n’est prévu des décisions de la Cour du Québec. Le législateur a voulu que la décision de la Cour du Québec, siégeant en appel d’une décision de la Régie du logement, soit finale (article 102 de la Loi). La réserve que la Cour supérieure doit observer à l’égard des décisions de la Cour du Québec est donc plus grande que celle restreignant la Cour du Québec, siégeant en appel, vis-à-vis des décisions de la Régie.

                                                                16 . Pour en faciliter la lecture, les références et notes en bas de page ont été retirées.

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  • ANNEXE H

    B) Suivant les décisions de la Cour d’appel (Suite)

    Commentaires du juge Jacques Chamberland (auxquels souscrit la juge Marie Deschamps) 3) L’objet de la loi L’objet de la Loi est de permettre le règlement de certains litiges découlant des relations locateurs-locataires. Par les clauses privatives, par la création d’un tribunal de première instance spécialisé et par l’instauration d’un tribunal d’appel spécifique, le législateur a manifesté son intention de tenir ce type de litige à l’écart des tribunaux de droit commun. L’application de ce critère seul commanderait une très grande réserve.

    4) La nature de la question La qualification du droit de l’intimée comme droit réel innommé ou comme un bail résidentiel est une question de droit. À cet égard, la Cour du Québec, siégeant en appel de la décision de la Régie, disposait d’une plus large marge d’intervention que s’il s’agissait d’une simple question de fait. Quant à la Cour supérieure, elle doit certes respecter l’opinion du tribunal d’appel statutaire mais la nature de la question ne lui impose pas spécifiquement de réserve. Je suis donc d’avis que la norme de contrôle applicable à l’exercice du pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure à l’encontre du jugement de la Cour du Québec portant sur une question générale de droit civil se situant à l’intérieur de sa sphère de compétence est celle de la décision raisonnable. En l’espèce, même si d’aucuns pourraient être enclins à y reconnaître un bail d’habitation, je ne puis me résoudre à conclure que le jugement de la Cour du Québec, qui fait primer l’intention des parties, n’est pas raisonnable.

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  • ANNEXE H

    B) Suivant les décisions de la Cour d’appel (Suite)

    Commentaires du juge Morris J. Fish (dissident) To put the matter differently, the judge was bound by sections 98 and 101 of the Act to decide de novo, on its merits, the question raised by Ms. Jorgensen’s application. He declined to do so because he considered that the Board, and therefore the Court of Quebec, lacked jurisdiction in the matter. The judge’s error thus had two facets, both jurisdictional in nature: As a result of a single determination, he set aside a decision which the Board was perfectly entitled to render, and he failed to exercise his own jurisdiction on the merits of the matter before him. The conclusion of the Quebec Court judge rests, at bottom, on a "preliminary or collateral question" -- whether a residential lease accompanied by what he considered to be an accepted offer to purchase is a residential lease within the meaning of the Act. This question of law is indistinguishable, as to its jurisdictional character, from the question that was unanimously subjected to a standard of correctness by the Supreme Court of Canada in Bibeault, supra. Subsequent decisions of that Court, in applying and refining the "pragmatic and functional" approach adopted in Bibeault, have not overtaken its conclusion in this regard. In short, I am satisfied that the Board and the Quebec Court Judge were both competent to determine whether the Board had jurisdiction over Ms. Jorgensen’s application. In my view, however, both were bound to decide that issue correctly. (c’est nous qui soulignons) I believe that the Board did and therefore, with respect, that the Court of Quebec did not.

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  • ANNEXE H

    B) Suivant les décisions de la Cour d’appel (Suite)

    En conclusion, le juge Chamberland, pour la majorité, retenait comme norme de contrôle la décision déraisonnable simpliciter dans le cadre d’une requête en révision judiciaire à l’encontre d’un jugement de la Cour du Québec, siégeant en appel d’une décision de la Régie du logement. Le juge Fish, dissident, aurait quant à lui retenu plutôt la norme de la décision correcte. On constate que les juges majoritaires et minoritaires ne s’entendent pas sur le choix de la norme de contrôle non sur l’application de l’analyse pragmatique et fonctionnelle. À l’évidence, les juges Chamberland et Fish ne s’interrogent pas sur l’applicabilité, ou non, de l’analyse pragmatique et fonctionnelle tenant pour acquis que cette analyse s’appliquait en l’espèce.

    C) Suivant les décisions de la Cour supérieure

    En 2009, dans l’affaire 9103-0049 Québec inc. c. Cour du Québec17, faisant référence à une décision de la Cour d’appel, soit l’affaire Carbonneau c. Simard18, la Cour supérieure énonce de façon non équivoque que tant l’appel que la demande en révision d’une décision de la Régie du logement commandent le choix et l’application d’une norme de contrôle suivant l’arrêt Dunsmuir :

    LE PRINCIPE APPLICABLE EN MATIÈRE D'ANALYSE DE LA NORME DE CONTRÔLE

    [14] Dans un jugement récent, l’honorable Pierre J. Dalphond de la Cour d’appel réitère le principe applicable en matière d’analyse de la norme de contrôle relativement au contrôle judiciaire. Il s’exprime ainsi :

    [4] Comme l’a dit la juge en chef McLachlin dans l’affaire Docteur Q, un arrêt unanime de la Cour suprême, la prétention que « la question peut être réglée sans recours aux principes usuels du droit administratif en matière de norme de contrôle puisqu’il s’agit d’un droit d’appel, est un « postulat erroné ».

                                                                17 . 9103-0049 Québec inc. c. Cour du Québec, 2009 QCCS 3984 (CanLII), SOQUIJ AZ-50574104, EYB 2009-163550. 18 . Carbonneau c. Simard, 2009 QCCA 1345 (CanLII), B.E. 2009BE-726, SOQUIJ AZ-50565204, EYB 2009-161477.

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  • ANNEXE H

    C) Suivant les décisions de la Cour supérieure (Suite) [5] Dans l’affaire Ryan, le juge Iacobucci, en se référant à ce passage de la juge McLachlin dans Docteur Q, écrit « Comme le confirme la Juge en chef […] l’analyse pragmatique et fonctionnelle s’applique au contrôle judiciaire, qu’il résulte d’une demande en justice ou d’un droit d’appel prévu par la loi. Cela signifie que les cours doivent toujours choisir et appliquer le degré de déférence approprié.

    [6] L’affaire Dunsmuir n’a pas remis ce principe en question, bien au contraire.

    [7] Ainsi, dans l’arrêt Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct inc., rendu subséquemment, la Cour suprême rappelle, dans une affaire où la Cour du Québec siégeait en appel d’une décision du comité de discipline des courtiers en immeuble, que l’analyse relative à la norme de contrôle s’applique et que le juge de la Cour du Québec devait faire preuve de retenue en matière d’interprétation des normes de conduite et d’imposition des sanctions.

    [15] Ainsi, regroupés sous le même vocable de contrôle judiciaire, tant l’appel que la demande en révision commandent le choix et l’application d’une norme.

    [16] Dans un jugement du 6 novembre 2008, l’honorable Pierre Isabelle reprend les principes énoncés par la Cour d’appel. On y lit ceci :

    [47] Le rôle de la Cour supérieure siégeant en révision de la décision de la Cour du Québec consiste à décider si le juge a correctement choisi et appliqué la norme de contrôle appropriée et si cela n’est pas le cas, d’examiner la décision du Comité sous l’éclairage de la norme appropriée correctement appliquée.

    [17] Selon les enseignements de l’arrêt Dunsmuir, la norme de contrôle que le juge Bousquet aurait dû appliquer, dans le présent dossier, est celle de la norme de la décision correcte puisque la question soulève la compétence de la Régie.

    [19] À la lecture du jugement de l’honorable François Bousquet, il appert que le choix et l’application de la norme de contrôle en fonction des paramètres établis par l’arrêt Dunsmuir sont passés sous silence. (c’est nous qui soulignons)

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  • ANNEXE H

    C) Suivant les décisions de la Cour supérieure (Suite)

    Considérant l’utilisation des mots « la norme de contrôle que le juge Bousquet aurait dû appliquer », il semble non équivoque pour la juge Francine Nantel, qu’à titre de tribunal d’appel, la Cour du Québec devait suivre les enseignements de la Cour suprême et de la Cour d’appel de telle sorte qu’elle se devait d’appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle. À l’évidence, la juge Nantel ne s’interroge pas sur l’applicabilité, ou non, de l’analyse relative à la norme, elle prend pour acquis que cette analyse s’appliquait. En 2010, dans l’affaire Les investissements Mooncrest inc. c. Union canadienne (L’), compagnie d’assurances19, la juge Claude Dallaire, faisant référence à la décision de sa consoeur Nantel, réaffirme l’application de l’analyse relative à la norme de contrôle

    [31] Depuis l’arrêt Dunsmuir, la juge Nantel de la Cour supérieure a reconfirmé le test pertinent à l’exercice de la juridiction de révision de la Cour supérieure relativement à une décision de la Cour du Québec siégeant en appel d'une décision de la Régie du logement. Dans 9103-0049 Québec inc. c. Cour du Québec, elle a déterminé que la Cour supérieure doit analyser si le juge de la Cour du Québec a correctement choisi et appliqué la norme de contrôle appropriée. Si tel n’est pas le cas, la Cour supérieure doit examiner la décision de la Régie sous l’éclairage de la norme appropriée, correctement appliquée.

    Considérant l’utilisation des mots « si le juge de la Cour du Québec a correctement choisi et appliqué la norme de contrôle appropriée », il semble également non équivoque pour la juge Dallaire, qu’à titre de tribunal d’appel, la Cour du Québec devait suivre les enseignements de la Cour suprême de telle sorte qu’elle se devait d’appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle. À l’évidence, la juge Dallaire ne s’interroge pas sur l’applicabilité, ou non, de l’analyse relative à la norme, elle prend pour acquis que cette analyse s’appliquait.

                                                                19 . Les investissements Mooncrest inc. c. Union canadienne (L’), compagnie d’assurances, 2010 QCCS 103 (CanLII), EYB 2010-168511.

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  • ANNEXE H

    D) Suivant les décisions de la Cour du Québec

    En mai 201120, faisant référence à une décision de sa collègue ayant énoncée l’application relative à la norme de contrôle à l’égard d’une décision de la Régie du logement, le juge Jacques Tremblay énonce que cette analyse s’applique même lorsqu’une preuve est administrée lors de l’appel :

    [16] La Cour a entendu sur les questions en appel une preuve qui s’est ajoutée au dossier documentaire soumis à la Régie pour sa décision. Cette façon de procéder est conforme à l’article 98 sans faire de l’instance un procès de novo. La décision de la Régie est soumise à un appel, mais un devoir de réserve s’impose à la Cour du Québec à l’égard de la décision rendue.

    [17] Par contre, la prise de connaissance de faits subséquents à la décision de la Régie du logement peut amener la Cour à faire l’examen de la question en litige sur une base différente et ainsi justifier une décision distincte de celle de la Régie.

    [19] Sur l’étendue de la juridiction de la Régie, la décision examinée doit être considérée comme correcte pour être maintenue. Sur le pouvoir de l’Office municipal de gérer ses stationnements et de justifier le retrait de la case attribuée à Rodrigue, la décision sera remise en question si elle est déraisonnable. (c’est nous qui soulignons)

    En avril 201121, faisant référence à trois (3) décisions22 de la Cour d’appel et à quelques décisions en matière locative de ses collègues, le juge Georges Massol énonce, dans le cas d’un appel d’une décision de la Régie du logement sans nécessité d’enquête devant la Cour du Québec, que l’analyse relative à la norme de contrôle doit s’appliquer :

    [48] On peut dire, sans trop se tromper, que l’analyse relative à la norme de contrôle, développée par la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir applicable aux décisions de la Cour du Québec lorsqu’elle siège en appel de tribunaux administratifs, a fait et fait toujours couler beaucoup d’encre.

                                                                20 . Lévis (Office municipal d’habitation de) c. Rodrigue, 2011 QCCQ 5787 (CanLII). 21 . Montréal (Office municipal d’habitation de) c. Raymond, 2011 QCCQ 4307 (CanLII). 22 . Laval (Ville de) c. Boehringer Ingelheim (Canada) ltée, [2010] QCCA 2216 (C.A., 2010-12-06); Simard c. Vien, [2010] QCCA 2371 (C.A., 2010-12-20); Nechi Investments inc. c. Autorité des marchés financiers, [2011] QCCA 214 (C.A., 2011-02-04).

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  • ANNEXE H

    [49] De manière générale et avec toutes les nuances qu’il faut apporter entre l’appel des décisions des autres tribunaux administratifs et celles en provenance de la Régie du logement, il faut conclure que les critères d’intervention de notre cour ne sont pas ceux de l’intervention en appel, mais se rapprochent davantage de la révision judiciaire et que, partant, l’analyse relative à la norme d’intervention et de contrôle énoncée dans Dunsmuir s’applique.

    [50] Ce point de vue a été réaffirmé avec conviction dans deux arrêts récents.

    [54] Dans le cas d’un appel d’une décision, sans nécessité d’enquête devant la Cour, celle-ci devrait, selon le courant très majoritaire, recourir à l’analyse relative à la norme de contrôle.

    [55] Récemment, notre collègue, l’honorable Julie Veilleux, conclut que l’analyse relative à la norme de contrôle doit recevoir application en matière d’appel d’une décision de la Régie du logement. En l’espèce, s’agissant de questions de droit, elle décide que celles-ci sont assujetties à l’application de la norme de la décision correcte.

    [56] Quelques mois avant, le juge Michel A. Pinsonnault, se référant à la jurisprudence contemporaine, concluait à l’application de l’analyse relative à la norme d’intervention et de contrôle formulée par Dunsmuir. Sur l’application de la méthode, il statut ainsi :

    « [44] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que toutes les questions soulevées sont mixtes de faits et de droit et relèvent de l’appréciation de la preuve par la régisseure Boucher qui a eu le bénéfice d’entendre, de voir les parties et les témoins et d’apprécier leurs témoignages. Dans ce contexte, la Régisseure était en bien meilleure position d’apprécier les témoins entendus et leur crédibilité. Le Tribunal doit donc appliquer la norme de la décision raisonnable tout en exerçant un degré certain de déférence. »

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  • ANNEXE H

    [57] Bien que rendue avant le prononcé de l’arrêt Dunsmuir, le juge Daniel Dortélus procède à une étude approfondie de la question et conclut à l’application des normes de contrôle en la matière.

    [58] Récemment, la Cour d’appel, appelée à se prononcer sur une permission d’appel, maintenait une décision rendue par la Cour supérieure dans laquelle ce tribunal soutenait que le juge de la Cour du Québec avait employé la bonne norme de contrôle.

    [59] De tout cela, il faut donc en conclure qu’à tout le moins, lorsqu’il s’agit d’un appel sans enquête, comme c’est le cas en l’espèce, l’analyse de la norme de contrôle développée dans Dunsmuir reçoit application. (c’est nous qui soulignons)

    En février 201123, la juge Julie Veilleux, faisant référence aux récentes décisions de la Cour d’appel, confirme également que l’analyse relative à la norme de contrôle doit s’appliquer en appel à l’égard d’une décision de la Régie du logement :

    [14] Selon l’appelant, c’est la norme de la décision correcte qui trouve application dans le contexte du présent appel, notamment en raison du fait que les questions en litige visent le sens et la portée d’une disposition d’une loi d’application générale, soit l’article 199 C.p.c. Il invite le Tribunal à répondre aux questions en litige sans faire preuve de déférence. [18] Pour sa part, l’intimé est d’avis que la norme de contrôle ne devrait pas trouver application en matière d’appel. Il réfère à « un courant de jurisprudence » émanant du juge Henri Richard à cet égard. [19] Par ailleurs, si le Tribunal en venait à la conclusion que la norme de contrôle est applicable, l’intimé est d’avis que c’est la norme de la décision correcte qui trouve application, les questions en litige portant sur la compétence de la Régie sont des questions d’ordre public. [22] Quoiqu’intéressante, l’opinion du juge Henri Richard dans les affaires Nechi et Société des alcools, est isolée et ne reflète pas l’état actuel du droit. D’une part, une lecture combinée des affaires Dunsmuir et Proprio Direct permet au Tribunal de conclure que tant en matière de révision judiciaire qu’en appel, la norme de contrôle doit recevoir application. D’autre part, dans deux affaires récentes, la Cour d’appel réitérait l’application de la norme de contrôle en cas d’appel. Enfin, encore plus récemment, la Cour d’appel rendait jugement dans l’affaire Nechi et écartait l’opinion du juge de première instance. (c’est nous qui soulignons)

                                                                23 . Reich c. Francescangeli, 2011 QCCQ 1137 (CanLII), EYB 2011-186787.

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  • ANNEXE H

    D) Suivant les décisions de la Cour du Québec

    En novembre 2010, dans l’affaire Charbonneau c. Édifices Rainville inc.24, la juge Danielle Côté faisant référence à la récente décision de la Cour d’appel dans l’affaire Investissements Mooncrest, confirme également que l’analyse relative à la norme de contrôle doit s’appliquer en appel à l’égard d’une décision de la Régie du logement :

    [14] Lors de l’appel d’une décision de la REGIE, l’analyse relative à la norme telle que reformulée par la Cour suprême du Canada dans Dusnmuir c. Nouveau-Brunswick s’applique-t-elle?

    [15] La question est controversée au sein de la Cour du Québec.

    [16] Par ailleurs, dans Investissements Mooncrest c. Union canadienne compagnie d’assurances, le juge François Doyon, rejetant une demande d’autorisation d’appeler s’exprime ainsi :

    [2] La première erreur invoquée par la requérante a trait à la norme de contrôle retenue par la Cour du Québec. Je n’y vois pas d’erreur, la question soulevée étant une question de droit qui ne relève pas du domaine d’expertise de la Régie du logement.

    [17] À l’évidence, le juge Doyon ne s’interroge pas sur l’applicabilité, ou non, de l’analyse relative à la norme et tient pour acquis que cette analyse s’applique en l’espèce.

    [18] Dans cette affaire, la Cour supérieure avait conclu que la Cour du Québec, siégeant en appel d’une décision de la REGIE, devait appliquer la norme de la décision correcte lorsqu’elle était saisie d’une question de droit.

    [19] Dans les circonstances, force est de constater que les tribunaux supérieurs sont d’avis que l’analyse relative à la norme s’applique : il faut toutefois préciser que, contrairement aux jugements de la Cour du Québec ayant conclu que cette analyse ne s’applique pas en matière de Régie du logement, la Cour supérieure et la Cour d’appel n’ont pas analysé le texte de l’article 98 de la Loi reproduit au paragraphe [12] des présentes.

                                                                24 . Charbonneau c. Édifices Rainville inc., 2010 QCCQ 11093 (CanLII), SOQUIJ AZ-50699366, 2011 EXP-207, J.E. 2011-114, EYB 2010-185314.

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  • ANNEXE H

    L’analyse relative à la norme de contrôle doit-elle être appliquée par la Cour du Québec considérant qu’elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision de la Régie du logement faisant l’objet de l’appel ?

    Suivant l’article 101 de la Loi sur la Régie du logement, lors de l’audition sur le fond d’un appel d’une décision de la Régie du logement, la Cour du Québec peut confirmer, modifier ou infirmer la décision faisant l’objet d’une permission d’appeler :

    Article 101 L.R.L. : Le tribunal peut confirmer, modifier ou infirmer la décision qui fait l’objet de l’appel et rendre le jugement qui aurait dû être rendu.

    Cet article et les pouvoirs qu’il accorde à la Cour du Québec, à l’égard d’une décision de la Régie du logement, peuvent-ils être invoqués pour justifier l’inapplication de l’analyse relative à la norme de contrôle? Par ailleurs, cette disposition et les pouvoirs qui y sont énoncés dispense-t-elle la Cour du Québec de faire preuve de déférence envers la décision de la Régie du logement?

    On trouve une disposition identique dans le cadre d’un appel d’une décision du comité de discipline dans le domaine du courtage immobilier plus précisément dans la Loi sur le courtage immobilier. Le droit d’appel devant la Cour du Québec contenu à l’article 136 de la Loi sur le courtage immobilier est régi par les articles 164 à 177.1 du Code des professions dont notamment l’article 175 lequel prévoit ce qui suit :

    Article 136 L.C.I. Il y a appel des décisions du comité de discipline devant la Cour du Québec, conformément aux articles 164 à 177.1 du Code des professions (chapitre C-26) et compte tenu des adaptations nécessaires. »

    Article 175 C.D.P. Le tribunal peut confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise et rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue en premier lieu. Il peut, notamment, substituer à une sanction imposée par le comité de discipline toute autre sanction prévue au premier alinéa de l'article 156 si, à son jugement, elle aurait dû être imposée en premier lieu. (c’est nous qui soulignons)

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  • ANNEXE H

    L’analyse relative à la norme de contrôle doit-elle être appliquée par la Cour du Québec considérant qu’elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision de la Régie du logement faisant l’objet de l’appel ? (Suite)

    Pour certains, le libellé de l’article 175 du Code des professions évoque un droit d’appel pur et simple, lequel ne relève pas de la révision judiciaire et, partant, ne devrait pas entraîner l’application d’une norme de contrôle. Traitant spécifiquement de l’article 136 de la Loi sur le courtage immobilier et l’article 175 du Code des professions, la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Proprio Direct inc. c. Pigeon25, a affirmé, sans équivoque, que les règles applicables au contrôle judiciaire s’appliquaient bien qu’il s’agissait d’un appel à la Cour du Québec :

    [39] Aux termes de l’article 136 L.C.I., les décisions du comité de discipline de l’ACAIQ sont sujettes à appel auprès de la Cour du Québec. Cet appel est régi par l’article 175 du Code des professions, auquel renvoie l’article 136 L.C.I. Le premier alinéa de l'article 175 du Code des professions prévoit que : […]

    [40] Il est maintenant reconnu que l’appel de la décision d’un Tribunal spécialisé, comme en l’espèce le comité de discipline de l’ACAIQ, à une cour comme la Cour du Québec est régi par les règles ordinairement applicables au contrôle judiciaire. Dans Pigeon c. Proprio Direct inc., mon collègue le juge Pierre J. Dalphond écrit qu’« [i]l ne faut pas confondre un appel civil régulier, notamment en vertu du Code de procédure civile, et le mécanisme de contrôle judiciaire des décisions du décideur spécialisé qu’est l’appel prévu par l’article 136 de la Loi ». Le mécanisme d’appel prévu par l’article 136 L.C.I., dans sa version actuelle, est une forme de contrôle judiciaire et obéit aux mêmes règles. On doit donc recourir aux « principes usuels du droit administratif en matière de norme de contrôle »17, ce qui suppose l’application de la méthode pragmatique et fonctionnelle maintenant bien connue.

    [49] Comme on l’a vu précédemment, le litige soulève deux questions: d’une part, celle de la légalité même de la pratique reprochée à l’appelante et, d’autre part, la question de la conformité déontologique d’une telle pratique, même si elle n’était pas illégale, au regard de la protection du public et de la profession.

                                                                25 . Proprio Direct inc. c. Pigeon, 2006 QCCA 978 (CanLII), J.E. 2006-1599, [2006] R.J.Q. 1762, SOQUIJ AZ-50385947.

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    http://www.canlii.org/fr/qc/legis/lois/lrq-c-c-25/derniere/lrq-c-c-25.htmlhttp://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2006/2006qcca978/2006qcca978.html

  • ANNEXE H

    L’analyse relative à la norme de contrôle doit-elle être appliquée par la Cour du Québec considérant qu’elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision de la Régie du logement faisant l’objet de l’appel ? (Suite)

    [50] La première question pourrait, à première vue, être qualifiée de question mixte de fait et de droit. À y regarder de plus près, cependant, je crois qu’il s’agit plutôt, dans son essence, d’une question de droit que l’on pourrait reformuler ainsi : la Loi et les règlements y afférents autorisent-ils le courtier à modifier le mode de rétribution prévu dans le formulaire de courtage immobilier? Pour répondre à cette question, il suffit d’examiner la Loi et les règlements, en regard des règles d’interprétation usuelles et sans égard aux faits particuliers de l’affaire. [. . .]

    [52] La seconde question appelle cependant un traitement différent : dans la mesure où la pratique reprochée à l’appelante n’enfreindrait pas la Loi, ne pourrait-elle néanmoins, compte tenu de la preuve au dossier, constituer un acte qui, selon les termes de l’article 13 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, pourrait causer préjudice au public ou à la profession? Cette question est une véritable question mixte de fait et de droit, et les déterminations et conclusions du comité de discipline méritent un certain degré de déférence, sans toutefois qu’il ne s’agisse du plus haut degré de retenue.

    [53] Considérant les quatre facteurs de façon globale, je conclu qu’en l’espèce, sur la première question, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique : [. . .]

    [54] Par contre, sur la seconde question, je conclu qu’il y a lieu de retenir la norme de la décision raisonnable. Dans Pigeon c. Beaudouin, affaire qui visait également une décision du comité de discipline de l’ACAIQ en matière déontologique, la Cour a conclu de cette façon, s’agissant d’une question mixte de fait et de droit. Cette conclusion vaut pareillement en l’espèce. (C’est nous qui soulignons)

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  • ANNEXE H

    L’analyse relative à la norme de contrôle doit-elle être appliquée par la Cour du Québec considérant qu’elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision de la Régie du logement faisant l’objet de l’appel ? (Suite)

    Cette décision de la Cour d’appel fit l’objet d’un arrêt par la Cour suprême26. Sept (7) juges sur neuf (9) ont été d’opinion que l’analyse relative à la norme de contrôle trouvait application lors d’un droit d’appel. Le jugement de la Cour suprême a été rendu en mai 2008, peu de temps après l’arrêt-clé Dunsmuir, rendu en mars 2008.

    La Cour suprême y reprend les règles qu’elle avait déjà énoncées dans Dunsmuir, les appliquant à une décision d’un Comité en matière de déontologie (courtage). Elle y conclut à l’application de la norme de contrôle estimant que le choix de la norme applicable était celle de la norme raisonnable. La juge Abella qui rend les motifs pour la majorité (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, LeBel, Fish et Charron) écrit :

    [18] Le rôle fondamental du comité de discipline est d’assurer le respect de ces règles de déontologie et la Cour d’appel du Québec a toujours appliqué la norme de la décision raisonnable aux décisions qu’il rend sous le régime de la LCI. Cette méthode d’analyse empreinte de déférence a été établie par le juge Chamberland, dans Pigeon c. Daigneault et par le juge Dalphond dans Pigeon c. Proprio Direct inc. Dans la première affaire, comme en l’espèce, il n’existait aucune clause privative. Le juge Chamberland a expliqué que, en dépit de l’absence de cette mesure de protection, l’expertise du comité dictait une norme de contrôle empreinte de déférence : […]

    […]

    [20] La décision dont nous sommes saisis s’écarte de cette démarche empreinte de déférence. J’estime, avec égards, qu’il faut privilégier la norme de contrôle que les juges Dalphond et Chamberland ont appliqué dans ces arrêts antérieurs et qui est davantage conforme à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick. Précisons plus particulièrement que l’existence ou l’inexistence d’une clause privative, quoique pertinente, n’est pas déterminante (Dunsmuir, par. 52).

                                                                26 . Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., 2008 CSC 32 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 195, J.E. 2008-1167, SOQUIJ AZ-50494346, EYB 2008-133941.

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  • ANNEXE H

    L’analyse relative à la norme de contrôle doit-elle être appliquée par la Cour du Québec considérant qu’elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision de la Régie du logement faisant l’objet de l’appel ? (Suite)

    [21] En l’espèce, la question en litige est l’interprétation, par le comité de discipline, composé d’experts, de sa loi constitutive (Dunsmuir, par. 54. Voir aussi Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature); Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia; Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)27. Le législateur a confié à l’Association le mandat d’assurer la protection du public et de statuer sur la conformité des activités de ses membres avec les règles de déontologie, mandat dont elle s’acquitte en faisant appel à l’expérience et à l’expertise de son comité de discipline et qui suppose forcément l’interprétation des dispositions pertinentes. La question de savoir si Proprio Direct a enfreint ces règles en facturant des frais indépendants non remboursables relève clairement de l’expertise du comité et des responsabilités que la loi attribue à l’Association. Je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion du comité de discipline selon laquelle les dispositions qui subordonnent la rétribution du courtier ou de l’agent immobilier à la survenance d’une vente sont d’application obligatoire.

    À la lecture de ces commentaires de la juge Abella on constate que c’est le choix de la norme retenue et non l’application même de l’analyse par la Cour d’appel qui posait problème. Ainsi, les juges majoritaires de la Cour suprême confirment l’application de l’analyse de la norme de contrôle dans par la Cour du Québec, siégeant en appel d’une décision d’un Comité de discipline.

                                                                27 . Pour en faciliter la lecture, les références et notes en bas de page ont été retirées.

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  • ANNEXE H

    L’analyse relative à la norme de contrôle doit-elle être appliquée par la Cour du Québec considérant qu’elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision de la Régie du logement faisant l’objet de l’appel ? (Suite) Comme l’indiquait tout récemment (en février 2011) la Cour du Québec dans l’affaire Lessard c. Deschamps28 les enseignements de la Cour suprême, dans l’arrêt Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., quant à la détermination de la norme d’intervention applicable à l’égard des décisions rendues par le Comité de discipline de l’ACAIQ, demeurent d’actualité, car les modifications législatives récentes créant l’OACIQ29 n’ont aucun impact sur les principes établis par la Cour suprême privilégiant la méthode d’analyse empreinte de déférence appliquée par le juge Chamberland dans Pigeon c. Daigneault, et par le juge Dalphond, dans Pigeon c. Proprio Direct inc. D’autres décisions antérieures30 de la Cour du Québec avaient également conclut que le jugement de la Cour suprême, dans Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., ne laissaient pas de doute quant à l’application de l’analyse relative à la norme de contrôle aux appels de décisions administratives.

    Quoique intéressante, la prétention suivant laquelle il n’y a pas lieu d’appliquer l’analyse relative à la norme de contrôle en présence d’un droit d’appel tel celui conféré à la Cour du Québec suivant l’article 101 ne peut être retenue. Selon l’état actuel du droit, la norme de contrôle trouve application même lorsque, comme en l’espèce, la Cour du Québec est investi d’un pouvoir d’appel.

                                                                28 . Lessard c. Deschamps, 2011 QCCQ 730 (CanLII). («[62] Dans l’affaire Lemay c. Castiglia, la Cour du Québec, en application des principes établis par la Cour suprême, a décidé lorsqu’il s’agit d’une question de droit, c’est la norme de la décision correcte qui devait s’appliquer et lorsqu’il s'agit d’une question mixte de fait et de droit, c’est la norme de la décision raisonnable qui devait s’appliquer.»). 29 . Le 1er mai 2010, est entrée en vigueur une nouvelle Loi sur le courtage immobilier, en vertu de laquelle est institué l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (« l’OACIQ »). C’est ainsi que l’ACAIQ est remplacé par l’OACIQ. À compter du 1er mai 2010, c’est à l’OACIQ que revient la mission d’assurer la protection du public dans le domaine du courtage immobilier et du courtage relatif au prêt garanti par hypothèque immobilière au Québec. 30 . Voir notamment Marshall c. Lebel, 2010 QCCQ 9086 (CanLII). («[51] Bien que la LCI prévoit un large droit d’appel statutaire, la jurisprudence requiert de la Cour du Québec qu’elle fasse preuve de retenue envers les décisions du Comité portant sur des questions qui relèvent de son champs d’expertise, comme en l’espèce.»); Bélanger c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2010 QCTP 100 (CanLII). («[44] Quoique intéressante, la prétention de l’appelant suivant laquelle il n’y a pas lieu d’appliquer la norme de contrôle en présence d’un droit d’appel tel celui conféré au Tribunal des professions à l’article 175 Code prof. ne peut être retenue. Selon l’état actuel du droit, la norme de contrôle trouve application même lorsque, comme en l’instance, le Tribunal est investi d’un pouvoir d’appel..»); Morand c. Kirk, 2010 QCCQ 6337 (CanLII); Colas c. Simard, 2010 QCCQ 5759 (CanLII); Lemay c. Castiglia, 2008 QCCQ 4979 (CanLII), J.E. 2008-1390, SOQUIJ AZ-50497259, EYB 2008-134813.

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  • ANNEXE H

    L’appel d’une décision de la Régie du logement est-il un appel de novo et si tel est le cas cette situation pourrait-elle justifier l’inapplication de l’analyse relative à la norme de contrôle. A) Définition de l’expression de novo Qu’est-ce au juste qu’une procédure ou un appel par audition de novo? L’expression latine de novo signifie : « rafraîchi », « renouvelé » ou « recommençant »31. Le terme « de novo » renvoie habituellement à un procès qui requiert la création d’un tout nouveau dossier, comme s’il n’y avait pas eu de procès en première instance. Ainsi, dans un procès de novo, la cause doit être jugée uniquement sur la base du nouveau dossier et sans égard à la preuve présentée dans les procédures antérieures. Lors d’un appel par voie d’audition de novo, le tribunal réentend l’affaire comme si la première audition n’avait pas eu lieu. La décision de première instance est en quelque sorte anéantie, annihilée, annulée ou détruite. Le tribunal réentend donc toute la preuve au dossier et n’est pas limité aux éléments de preuve présentés devant l’instance précédente.

                                                                31 . Sur le site Internet law.com.dictionary, sous la rubrique trial de novo, on mentionne ce qui suit : a form of appeal in which the appeals court holds a trial as if no prior trial had been held. Sur le site internet Duhaime.org, on y donnait la définition suivante: This term is used to refer to a trial which starts over, which wipes the slate clean and begins all over again, as if any previous partial or complete hearing had not occurred. Voir également MAYRAND, Albert, Dictionnaire de maximes et locutions latines utilisées en droit, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1994, p. 106. Le procès de novo est la reprise d’un procès déjà instruit, soit parce que le premier procès est entaché d’une irrégularité, soit parce qu’on en a appelé du jugement rendu. À la différence de l’appel, dans un procès de novo on recommence le procès. Le procès de novo permet entre autre de recevoir, lors de l’audition, une preuve totalement différente de celle entendue en première instance. Le tribunal peut aussi considérer de nouveaux éléments de preuve pour rendre sa décision.

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  • ANNEXE H

    L’appel d’une décision de la Régie du logement est-il un appel de novo et si tel est le cas cette situation pourrait-elle justifier l’inapplication de l’analyse relative à la norme de contrôle. B) L’analyse de la Loi sur la Régie du logement

    Avant le 1er janvier 1997, l’appel d’une décision de la Régie du logement était manifestement un appel de novo. En tout respect pour l’opinion contraire, depuis la modification de la Loi sur la Régie du logement, en janvier 1997, il n’en n’est plus ainsi. Selon nous, la nouvelle formulation de l’article 98 de la Loi sur la Régie du logement démontre clairement qu’il ne s’agit plus d’un appel de novo. Pour les fins de notre analyse, afin de les comparer et ainsi appuyer nos prétentions, il nous est apparu important de reproduire l’ancien et le nouvel article 98 de la Loi sur la Régie du logement :

    Article 98 de l’ancienne loi : Le tribunal entend de nouveau la demande et les articles 60 à