analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’utilité

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Université Lyon 2 École doctorale : Sciences économique et de gestion Groupe d’Analyse et de Théorie Économique Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilités d’Amartya Sen Applications sur données Françaises par Oula BEN HASSINE thèse de doctorat en Sciences économiques sous la direction de René SANDRETTO présentée et soutenue publiquement le 19 décembre 2008 Composition du jury : René SANDRETTO, Professeur des universités, Université Lyon 2 Mohamed AYADI, Professeur d’université, ISG Université de Tunis Pierre BERTHAUD, Maître de conférences HDR, Université Grenoble 2 Jean-Pierre POTIER, Professeur des universités, Université Lyon 2

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Université Lyon 2École doctorale : Sciences économique et de gestion

Groupe d’Analyse et de Théorie Économique

Analyse de la pauvreté : de l’approcheen termes d’Utilité à l’approche par lescapabilités d’Amartya SenApplications sur données Françaises

par Oula BEN HASSINEthèse de doctorat en Sciences économiques

sous la direction de René SANDRETTOprésentée et soutenue publiquement le 19 décembre 2008

Composition du jury : René SANDRETTO, Professeur des universités, Université Lyon 2 MohamedAYADI, Professeur d’université, ISG Université de Tunis Pierre BERTHAUD, Maître de conférencesHDR, Université Grenoble 2 Jean-Pierre POTIER, Professeur des universités, Université Lyon 2

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Table des matièresContrat de diffusion . . 5Introduction Générale . . 6

1. Vision utilitariste de la pauvreté . . 72. Capabilités et pauvreté . . 93. Enjeux de la thèse : Apport de l’approche par les capabilités dans l’étude de lapauvreté dans un cadre multidimensionnelle . . 10

Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste . . 14Chapitre 1 : Fondements théoriques de l’Approche en termes d’Utilité . . 14

Introduction . . 14Section 1 : Etape d’identification. . . 14Section 2. Etape d’agrégation . . 30Section 3 : Critiques . . 36Conclusion . . 39

Chapitre 2 : Analyse Quantitative de la pauvreté en France . . 40Introduction : . . 40Section 1. Présentation des données . . 40Section 2. Mesures de la pauvreté monétaire en 2002 . . 42Section 3. Profil de pauvreté. . . 44Section 4. Evolution de la pauvreté de 1996 à 2002 . . 56Section 5. Analyse économétrique : déterminants du niveau de vie desménages . . 58Conclusion . . 66Annexes A . . 67

Chapitre 3 : Bonheur, Bien-être Subjectif et Pauvreté. . . 67Introduction . . 67Section 1 : L’économie du bonheur : une nouvelle orientation ? . . 68Section 2 : Bien-être Subjectif et étude de la pauvreté . . 70Section 3 : Analyse empirique . . 71Conclusion . . 79Annexes . . 80

Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités . . 82Chapitre 4 : Approche par les capabilités et étude de la privation : fondementsthéoriques . . 82

Introduction : . . 82Section 1 : Notions de base . . 83Section 2 : Bien-être et pauvreté dans l’approche par les capabilités. . . 89Section 3 : Agrégats Sociaux et Mesures Multidimensionnelles . . 99Conclusion : . . 109

Chapitre 5 : Privation dans l’espace des fonctionnements : applications sur donnéesfrançaises . . 110

Introduction . . 110Section 1. Choix des fonctionnements . . 111

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Section 2. Mesures TF . . 113Section 3. Utilité de l’Approche Multidimensionnelle . . 122Section 4. Mesures TFR : différentiel régional . . 129Conclusion . . 131Annexes . . 132

Chapitre 6 : Implication de l’approche par les capabilité dans la formulation despolitiques publiques . . 142

Introduction . . 142Section 1. Capabilités et Education . . 143Section 2. Capabilités et Santé . . 145Section 3. Inégalité des sexes . . 147Conclusion . . 149

Conclusion Générale . . 151Bibliographie . . 154

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Contrat de diffusion

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Introduction Générale

Utilité ou capabilité ? Cette question tend à occuper une place de plus en plus importantedans les analyses contemporaines de la pauvreté. Une question dont la réponse est de plusen plus insistante dans le cadre de l’analyse de la pauvreté. Contrairement à l’appréhensionutilitariste qui considère uniquement la privation au niveau du revenu, l’approche par lescapabilités part de la conviction selon laquelle l’information monétaire à seule est incapablede rendre compte des différentes formes de dénis dont souffrent les gens pour cause depauvreté. Il est indispensable alors d’incorporer à l’analyse les divers aspects de la viehumaine : social, culturel, ou même politique et ce conjointement aux aspects économiques.

Capabilités ou capacités ? Approche des capabilités ou approche par les capabilités?Voilà les premières difficultés, certes de traduction1, mais qui nous donnent un aperçudes interrogations suscitées par la vision d’Amartya Sen, premier prix Nobel d’économieissu d’un pays en voie de développement. A cette difficulté s’ajoute un nombre nonnégligeable de discussions qui touchent le cœur même de cette approche. Il faut dire quel’idée des capabilités, recueillie et adoptée avec beaucoup d’enthousiasme à la fois pardes chercheurs de disciplines différentes et par des grandes institutions internationalesnotamment le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), représenteune critique fondamentale de l'approche économique dominante.

Après la théorie du choix social, Sen s’est ensuite intéressé à des préoccupations dejustice et d’égalité en étroite relation avec la philosophie politique et morale. Parti de l’étudedes famines, avant d’aborder la question de la pauvreté et du développement, de manièregénérale, il élabore le concept de “capability” comme réponse à l’échec de l’utilitarismeà aborder la question de la liberté2. Ainsi, au milieu des années 1970, Sen commenceune série de travaux sur la famine. Pour le Programme Mondial d’Emploi (pour le comptede l’organisation Mondiale du Travail), il publie en 1981 son ouvrage intitulé “poverty andfamines” où il traite les causes et les explications des famines et aborde aussi les moyensde prévention de ce fléau. L’explication qu’il donne des causes de la famine est loin dusimple déséquilibre entre les besoins et la disponibilité de la nourriture. En effet, dans lesétudes de cas que Sen a menées, il constate que le stock de nourriture disponible n’a passubit une baisse très importante à laquelle la famine peut être attribuée. La famine peutse produire non seulement en réponse à ce déséquilibre, mais principalement suite à uneperte de pouvoir d’achat. L’originalité de cette thèse réside dans la prise en compte de ceque Sen appelle “droits d’appropriation” (entitlements) qui représente l’accès dont disposela population pour se procurer de la nourriture. Prévenir les famines revient donc à préserverla liberté des individus et élargir l’ensemble des possibilités économiques auxquelles ilspeuvent accéder. Avec cette théorie des entitlements la notion de liberté tend à occuper

1 En réponse à la critique selon laquelle les concepts centraux de l’approche par les capabilités sont difficiles à comprendre,Favaque et Robeynes (2005) reconnaissent que la traduction en français de ces concepts est peu évidente. Ils ajoutent toutefois, quele mot ‘Capability’ est traduit généralement par le néologisme ‘capabilité’ ou par souci de simplicité par ‘capacité’. Le second termeprincipal ‘functioning’ devient lui ‘fonctionnement’. Ils proposent même une solution à ce problème de vocabulaire : “si l’on comprendbien le sens de ces termes chez Sen, une solution à portée de main est de parler de réalisation, de résultats ou d’accomplissementsquand on s’intéresse aux fonctionnements et de libertés réelles pour signifier capabilités”

2 Sen adresse la même critique à la doctrine libertarienne et à la théorie de justice selon John Rawls.

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une place de plus en plus marquante dans les écrits de Sen. Sen s’est ensuite orienté,vers l’étude de la pauvreté, des inégalités et ensuite au concept de développement avecses multiples facettes : du combat des différentes formes de déni au renforcement de laparticipation de la population au processus du progrès (avant d’en récolter les fruits).

Définir les différents aspects du développement en termes de capabilité, commesynonyme de liberté, revient à permettre aux individus d’exercer leur libre initiative, choisirde manière autonome leurs actions, le mode de vie qu’ils souhaitent mener. Il est essentieldonc de les doter à la fois des aptitudes nécessaires et leur fournir l’accès à des opportunitésréelles de choix. La relation entre la pauvreté, appréhendée en termes de capabilités et ledéveloppement est assez évidente, dans la mesure où la privation, en termes de possibilitéde choix et d’action, représente une partie intégrante du développement.

Capabilités et fonctionnements sont les deux notions auxquelles fait référencetoute recherche basée sur le cadre théorique proposé par Sen. Les fonctionnementscorrespondent à un concept dont Sen montre les origines Aristotéliciennes. Ils représententtoutes les possibilités de choix et d’actions, des plus élémentaires aux plus complexes,accessibles à un individu. Il s’agit par exemple d’être bien nourri, en bonne santé,participer à la vie sociale, etc. Quant aux capabilités elles constituent une combinaison defonctionnements représentant un certain mode de vie. Pour la question de la pauvreté,défendre une vision par les capabilités consiste, en termes simples, à permettre auxindividus de vivre de manière décente.

L’approche usuelle de la pauvreté est largement dominée par l’utilitarisme qui sefocalise essentiellement sur l’aspect matériel du bien-être et du développement. Nousverrons dans un premier temps comment l’approche par les capabilités permet unemeilleure compréhension de la pauvreté dans une perspective multidimensionnelle. Lesquestions d’ordre théorique et éthique conditionnent la méthodologie retenue pour touteanalyse de la pauvreté. Le débat met en avant, essentiellement, deux courants qui ontbénéficié des majeures contributions : l’approche utilitariste et l’approche des capabilités3.

1. Vision utilitariste de la pauvretéLe courant utilitariste a dominé depuis des décennies les travaux relatifs à ce sujet.Toutefois, on a assisté depuis les années 1980 à un intérêt croissant en faveur d’unevision plus humaniste du développement et en conséquence à une reconsidération de laquestion de pauvreté. Notre propos dans ce travail consiste à exposer les fondementsprincipaux de ces deux approches et de présenter les implications méthodologiques dansla cadre de l’analyse de la pauvreté. Il faut dire ici que les premiers travaux sur la pauvreté,menés notamment par Booth (1892) et Rowntree (1901), se sont focalisés sur le revenudes individus pour caractériser les situations de pauvreté sans se fonder sur hypothèsesutilitaristes. Il serait absurde de nier que le revenu est une dimension essentielle de lapauvreté.

Durant des décennies, l’appréhension de la pauvreté était purement monétaire. Ladoctrine utilitarisme prône l’utilisation de la fonction d’utilité, synonyme de bonheur ou desatisfaction des préférences et désirs, en tant que résumé statistique du bien-être. Ainsi,

3 Nous utiliserons le terme “Capabilités” pour traduire la notion de “Capability”

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la consommation, le revenu, le bonheur ou la satisfaction de vie4 sont des indicateurslargement rencontrés dans les études et recherches traitant le bien-être individuel.

L’adoption d’un indicateur monétaire permet de classer la population en pauvre etnon pauvre. La détermination d’un seuil de pauvreté (ou ligne de pauvreté), en termes del’indicateur retenu, reste toutefois un préalable à l’identification de la tranche défavorisée dela population. En d’autres termes, si le seuil est calculé, de manière à refléter un niveau devie jugé raisonnable par les normes de la société, un individu sera classé comme pauvre sison niveau de dépenses - ou tout autre indicateur – n’atteint pas ce seuil.

La nature de ce seuil reste aussi un sujet de controverse entre les partisans d’un seuilrelatif d’un côté et les défenseurs d’un seuil absolu. En pratique, cela revient dans le premiercas, à fixer la valeur de la ligne de pauvreté comme une fraction (50 ou 60 %) donnée d’unenorme de référence (moyenne ou médiane). Dans le cas d’un seuil absolu, la valeur resteconstante en termes de niveau de vie.5

Une fois l’étape d’identification achevée, l’exercice consiste à agréger l’informationdisponible en une mesure capable de refléter l’ampleur de la pauvreté. Les travaux de Sen(1976, 1979); Kakwani (1980); Chakravarty (1983); Foster, Greer et Thorbeck (1984) ontfourni des gammes de mesures présentant des caractéristiques intéressantes pour uneétude fine de la pauvreté.6 Les mesures d’incidence et d’intensité de pauvreté, même si ellesrestent insuffisantes pour résumer l’ampleur de la pauvreté, restent toutefois très utiles pouren approcher l’étendu. Ainsi, le ratio de pauvreté (Head Count) et le coefficient de déficitde revenu sont largement utilisés.

L’approche utilitariste du bien-être a été largement critiquée notamment par Rawls(1970) et Sen (1984,1985, etc.). La critique de l’utilitarisme admet un double aspect. D’uncôté, l’existence humaine ne peut être réduite au seul concept de bien-être. D’un autre côté,même la conception du bien-être à travers l’utilité, risque de nuire à un examen sérieuxdes privations dont souffrent les gens. Grusky et Kanbur (2003) résument l’ensemble descritiques en trois points essentiels qui ont trait aux hypothèses retenues par la doctrinedominante. Ici nous en présenterons seulement une, à savoir le choix d’un indicateurmonétaire comme moyen de ciblage ce qui est de nature à affaiblir l’efficacité des politiquesde lutte contre la pauvreté.

Considérer l’utilité comme une mesure du bonheur revient à accorder un rôle central auxévaluations subjectives des individus concernant leur vie de manière globale. L’approchesubjective offre ainsi, l’avantage de reconnaître l’effet de variables souvent omises parl’approche objective telles que les expériences et les attentes.

4 Le concept de satisfaction de vie est préféré à celui de bonheur du fait que le sentiment de satisfaction découle d’un processuscognitif où la personne procède à des comparaisons entre son vécu et ses aspirations. Par contre le sentiment de bonheur impliquedes éléments de plaisir, et même s’il se rapproche du sentiment de satisfaction, il reste toutefois beaucoup plus suomis aux fluctuationsd’humeur vu son caractère spontané et variable (Bouffard et Lapierre 1997)

5 Le seuil est toutefois ajusté au coût de la vie. La méthode des coûts des besoins de base est la plus utilisée pour ladétermination des seuils absolus. Elle consiste à définir dans un premier lieu le coût d’un panier de biens alimentaires suffisants poursatisfaire les besoins de base. En deuxième lieu, il s’agit d’estimer le seuil non alimentaire. Plus de détails seront donné sur ce pointdans le premier chapitre.

6 La famille d’indice FGT (relatif à Foster, Greer et Thorbeck) outre d’être facile à estimer, présente l’avantage d’êtredécomposable ce qui permet de construire des profils de pauvreté détaillés selon des groupes homogènes. De cette manière, il devientaisé de formuler des mesures ciblées dans le cadre de la lutte contre la pauvreté selon les caractéristiques socio-économiques,ethniques ou régionales des ménages touchés.

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Plusieurs recherches soutiennent que le revenu influence de manière significative leniveau de satisfaction. Toutefois, comme le notent Ravallion et Lokshin (2002), d’autresfacteurs entrent en jeu dans la détermination de la satisfaction. Il devient alors nécessaired’explorer les informations subjectives à fin d’explorer les facteurs qui rendent les uns plusheureux ou plus satisfait que les autres.

2. Capabilités et pauvretéLa position utilitariste a été fortement bousculée ces deux dernières décennies parl’approche développée par Sen. L’objectif de cette approche est loin d’ignorer le rôle dumonétaire dans la vie humaine, mais tout simplement d’élargir le cadre d’analyse afin depouvoir approcher la complexité de la réalité. Les inégalités de revenu ne peuvent à ellesseules refléter toutes les disparités qui existent au sein d’une société. Les phénomènesd’exclusion, de marginalisation, de chômage sont des éléments critiques qui peuvent passerà l’oubli si l’on se rend à la seule information de recul de la pauvreté monétaire7. Certes, lerevenu est un moyen essentiel pour développer ses capabilités mais la situation financièredes individus dépend étroitement des possibilités de choix et d’action qui s’offrent à eux.L’existence d’un système d’éducation accessible y compris aux plus démunis en est unebonne illustration.

Même si les idées de Rawls ont guidé Sen dans l’élaboration de son approche, et mêmesi tous les deux s’accordent à réfuter la conception utilitariste, Sen précise que le bien-êtrene peut être appréhendé ni en termes de biens premiers, ce qui représente une critique dela théorie de Rawls, ni en termes d’utilité. Le bien-être n’est autre que la qualité d’existenced’un individu.

Selon Sen, étudier la pauvreté dans l’espace des capabilités apparaît légitime pourau moins trois raisons8. D’abord, les libertés réelles des gens admettent une importanceintrinsèque. Le fait de pouvoir choisir de manière autonome est un objectif que toutindividu cherche à atteindre. En effet, les capabilités constituent les fondements d’une viehumaine digne et épanouie. Ensuite, il ne faut pas nier qu’il existe des facteurs autresqu’économiques, qui influencent la production des capabilités. C’est le cas à titre d’exempledes libertés politiques, des conditions environnementales, etc. Enfin, la relation entrepauvreté monétaire et pauvreté de capabilités reste variable, ce qui explique des cas oùdes pauvres en termes de capabilités ne sont pas détectés par une approche basée surle revenu. Cette relation dépend de plusieurs facteurs qui influencent la conversion desressources en fonctionnements.

Dans l’espace des fonctionnements, la pauvreté est perçue comme un manque deréalisation de certaines capabilités basiques garantissant aux individus une vie digne.Ces capabilités, comme le souligne Robynes (2004) renvoient aux “opportunités réellespour échapper à la pauvreté”. Sen donne quelques indications pour sélectionner cescapabilités basiques, sans pour autant en donner une liste bien précise ou une méthodologied’identification. Sur le plan théorique, plusieurs travaux ont essayé de déterminer leséléments d’une liste de fonctionnements élémentaires qui soient universellement reconnuset désirés. La plus fameuse de ces tentatives est celle de Nussbaum (1995, 2000) qui définit

7 Voir à titre d’exemple Sen (2000b), Bourguignon (2003) ou Chakraverty et D’ambrosio (2006)8 Sen 2003.

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une liste composée de dix fonctionnements, incluant des éléments relatifs à la bonne santéphysique, psychologique tout en y intégrant des composantes sociales, environnementaleset politiques. Desai (1995) et Ulrich (1993) ont aussi tenté de définir les éléments d’unetelle liste de capabilités basiques9. Une autre manière d’aborder ce problème, proposéepar Alkire (1998), consiste, non à établir une liste prédéfinie, mais plutôt à présenter uneméthodologie de sélection des fonctionnements élémentaires, basée sur six critères10.

Sur le plan empirique, les travaux menés semblent s’accorder sur la prise en comptede certaines dimensions de la vie humaine. Il s’agit essentiellement de la dimension desanté, du logement, de l’éducation, de relations sociales, de l’emploi et des ressourceséconomiques. Brandolini et D’Allesio (1998), en retenant une liste de six fonctionnements,parviennent à des résultats particulièrement intéressants pour l’identification de lapopulation défavorisée en Italie, suivant les caractéristiques personnelles et la localisationgéographique. De même, Lardechi (1999), Chappiero- Martinetti (2000), Lelli (2001)adoptent aussi le cadre des capabilités dans l’étude de la pauvreté. Les travaux traitant lapauvreté comme manque de réalisation de fonctionnements élémentaires, ne cessent dese développer et tendent à confirmer la nécessité d’une appréhension multidimensionnellede la privation.

En résumé, nous pouvons dire que cette manière d’aborder la pauvreté a le mérite dereconnaître à la privation sa nature multidimensionnelle, dans la mesure où la vie humainene peut se restreindre au seul aspect matériel. L’approche par les capabilités met aussil’accent sur la nécessité de renforcer la liberté et les droits des individus comme un moyende les doter des armes adéquates pour faire face à la pauvreté et remplir pleinement leurrôle d’acteur influent du développement.

3. Enjeux de la thèse : Apport de l’approche par lescapabilités dans l’étude de la pauvreté dans un cadremultidimensionnelle

L’intérêt de ce travail peut être résumé par une question à la fois simple et fondamentale :quelle image garde-t-on à l’esprit d’un individu pauvre ? La multiplicité des réponsespossibles traduit l’aspect multidimensionnel de la situation de pauvreté. En effet, la pauvretésynonyme d’un manque de ressources est à l’origine de plusieurs implications concernantles conditions de vie des individus notamment au niveau de la nutrition, du logement et,de manière générale au niveau des conditions d’accès aux besoins de base : eau potable,soins de santé, éducation, etc. L’absence de définition unique et consensuelle de la pauvretémontre le degré de controverse sur cette question.

9 La liste introduite par Desai (1995) contient cinq capabilités relatives à la vie, la santé, le savoir et les relations sociales.Pour sa part, Ulrich (1993) retient une liste de huit capabilités faisant référence à certains droits fondamentaux notamment le droità l’éducation et à la sécurité, etc.

10 Les six critères proposés par Alkire (1998) stipule qu’une capabilité basique doit : i) Etre un élément de l’ensemble descapabilités. ii) Constituer un besoin fondamental de la vie humaine. iii) Ne dépendre d’aucun fonctionnement non basique. iv) Nedépend pas de la présence d’une compétence particulière ou d’un talent extraordinaire .v) Le seuil minimum de l’accomplissementpeut être spécifié et observé.vi) Dans le long terme, la réalisation de ce fonctionnement ne compromet pas la liberté d’accomplird’autres fonctionnements importants.

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Nous essayerons de toucher au cœur de ce débat qui affronte les approchesdominantes de l’analyse de la pauvreté et de l’inégalité. Dans une première partie, nousprésenterons la méthodologie utilitariste qui aboutit à considérer la pauvreté comme unphénomène purement monétaire. La deuxième partie exposera la nouvelle orientation del’étude de la pauvreté qui s’est développée et qui traite la privation comme un phénomènemultidimensionnel relatif à tous les aspects de la vie humaine.

Notre première ambition dans ce travail est de voir dans quelle mesure les conceptsde fonctionnements et de capabilités sont adaptés pour l’étude des privations. En d’autrestermes, nous tenterons d’explorer les avantages offerts par le cadre des capabilités encomparaison à l’approche standard. Nous allons essayer de répondre à cette interrogationsur la base d’un travail empirique mené sur données françaises fournies par le dispositif

d’Enquêtes Permanentes sur les Conditions de Vie des ménages (EPCV)11 . Comme lesoulignait déjà Lionel Stoleru12 en 1974, l’enrichissement global de la société françaisen’a pas empêché le maintien de la pauvreté. Même si nous nous limitons à la seuledimension monétaire de la pauvreté, le rapport de l’Observatoire National de la Pauvretéet de l’Exclusion Sociale 2006 (ONPES) montre l'existence d'une forte concentration desménages autour du seuil de pauvreté13.

En France, la pauvreté est évaluée selon trois approches essentielles14. La premièrese base sur des informations monétaires pour la construction d’un seuil de pauvreté quiservira à identifier les plus démunis. La deuxième approche est celle des conditions de viemesurant les difficultés d’accès à certains biens ou à certaines consommations de base. Ladernière approche, que l’on peut qualifier d’administrative, est basée sur le critère simple :celui des ayant droits de la solidarité nationale. Dans cette approche, on retient commepauvres les individus qui perçoivent une aide sociale destinée, dans un de ses objectifs, àcombattre la pauvreté.

La première partie de la thèse sera entièrement consacrée à l’étude de pauvretésous l’ongle de l’utilité. Le premier chapitre présente la méthode utilitariste qui considèrela pauvreté comme un phénomène monétaire. La fonction d’utilité, comme synonymede satisfaction des préférences, représente l’outil de mesure du bien-être. Comme nousl’avons déjà souligné, l’analyse de la pauvreté se déroule en deux étapes. Premièrement,il est indispensable de déterminer le seuil minimum, en termes de l’indicateur de bien-êtreretenu, qui servira à l’identification de la population pauvre : c’est l’étape d’identification.Deuxièmement, il faudrait élaborer des mesures capables de résumer l’informationconcernant la population défavorisée : c’est l’étape d’agrégation. Une fois ces deux étapesachevées, nous serons en mesure de dessiner un profil de pauvreté permettant de détecter

11 C’est un dispositif de 37 enquêtes qui permet depuis Janvier 1996 d’étudier l’évolution d’indicateurs sociaux harmonisésdans les pays de l’union européenne. L’ensemble de ces indicateurs est divisé en trois parties faisant chacune l’objet d’une enquêteannuelle auprès d’un échantillon représentatif de ménage en janvier, mai et octobre. Chaque enquête comporte trois parties. Dans lapremière partie, le tableau de composition du ménage fournit les caractéristiques générales de la population étudiée. La deuxième(partie fixe) est destinée aux indicateurs sociaux, alors que la troisième partie (partie variable) traite un problème social particulier.

12 René Lenoir (1974), Les exclus, un français sur dix. Le Seuil, Paris. Lionel Stoleru (1974), Vaincre la pauvreté dans lespays riches.. Voir aussi sur ce point : L. Abdelmalki ; D. Dufourt et R. Sandretto « Douze leçons sur l’économie française » notammentle chapitre : Inégalités, exclusion, pauvreté.

13 En effet, le changement du seuil de pauvreté, 50% du revenu médian à un seuil de 60%, ramène le taux de pauvreté enFrance, en 2003, de 6% à 12.4 %.

14 Voir le rapport de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale 2005-2006.

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les groupes les plus touchés de la population selon certains critères tels que le lieu derésidence, les caractéristiques du chef du ménage, etc.

Une application de cette méthodologie est présentée dans le deuxième chapitre. Ace profil de la pauvreté, nous fournirons une analyse économétrique des déterminants duniveau de vie des ménages- pour explorer les facteurs qui influencent leur niveau de revenu.

L’appréhension de l’utilité comme mesure du bonheur, permet de valoriser l’importancedes informations subjectives dans l’étude du bien-être individuel (chapitre 3). Fery et Stutzer(2000) soutiennent l’idée selon laquelle le bien-être subjectif constitue un concept plus largeque la notion d’utilité traditionnelle. Ainsi, il devient possible de tirer profit des enquêtesparticipatives pour étudier la privation. Pour aborder le volet de la pauvreté subjective,nous mobiliserons la méthodologie fournie par Ferrer –I- Carbonell et Van Praag (2001)qui consiste à construire des lignes de pauvreté subjective permettant ainsi d’identifier lesdéterminants de la satisfaction de la vie.

En revanche, l’approche par les capabilités offre, comme nous l’avons déjà mentionné,un cadre théorique solide pour traiter la pauvreté dans une perspective multidimensionnelletout en mettant l’accent sur la capacité des gens à accéder à certaines libertés élémentaires.La définition de la pauvreté comme un manque de fonctionnements de base enrichit lacompréhension de la privation en tenant compte des informations autres que monétaires.La seule information monétaire, même si elle reste indispensable à l’étude du phénomène,ne rend pas compte de toutes les réalisations de la vie humaine, dans la mesure où lerevenu constitue en premier lieu un moyen pour les individus de réaliser leurs aspirations.Dans la deuxième partie de la thèse nous essayerons d’explorer l’apport de la perspectivedes capabilités dans l’analyse de la pauvreté. Nous y exposerons d’abord les fondementsthéoriques de l’approche et les arguments en sa faveur (chapitre 4). Dans cette partie,nous allons mener une analyse de la pauvreté en termes de fonctionnements en France enutilisant des données tirées du dispositif EPCV (Mai 2002).

Dans le travail empirique, exposé au cinquième chapitre, nous mobiliserons les notionsde la théorie des ensembles floues. A côté du développement des mesures axiomatiquesmultidimensionnelles, la pauvreté des capabilités semble tirer profit de l’application de cettethéorie. En effet, le recours à cette méthode permet d’éviter la classification dichotomiquede la population en pauvre et non pauvre, vu que la pauvreté se présente comme unesituation dont l’intensité diffère d’une personne à une autre. En d’autres termes, il s’agitd’envisager des situations intermédiaires entre l’état de pauvreté et celui de non pauvreté,pouvant s’interpréter comme un degré ou risque de pauvreté. L’application consiste àconstruire plusieurs mesures de privations multidimensionnelles selon les méthodes TotalFloue TF (Totally Fuzzy) et Total floue et relative TFR (Totally Fuzzy and Relative) -originaleet modifiée-15.

La prise en compte des capabilités à l’aide des ensembles flous repose, comme notépar Costa (2002), sur trois étapes essentielles. D’abord, il est nécessaire de sélectionnerles fonctionnements élémentaires, jugés pertinents par rapport au contexte social- ainsi queles indicateurs associés. Ensuite, après avoir établi les conditions de privation, il faut étudierles privations individuelles dans chaque dimension retenue. Enfin, il est possible dans unedernière étape de dériver, à partir des calculs précédents, un indice capable de synthétiserl’information obtenue concernant la population défavorisée.

15 Les mesures TFR modifiées ont été introduites par Filippone, Cheli et D’Agostino (2001). Ils proposent de calculer cesmesures après transformation de la distribution de l’indicateur de fonctionnements.

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Introduction Générale

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Enfin, dans un dernier chapitre, nous verrons comment l’approche par les capabilitéspeut constituer un cadre adéquat pour la formulation des politiques publiques et sociales àfin de venir en aide aux tranches défavorisées de la population.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté entermes Utilitariste

Chapitre 1 : Fondements théoriques de l’Approche entermes d’Utilité

IntroductionGénéralement, l’analyse de la pauvreté se déroule en deux étapes essentielles. D’abord,l’évaluation du bien-être englobe la définition d’un indicateur de bien-être et la définition duniveau minimum qui sera utilisé en tant que seuil de pauvreté. Ensuite, il sera nécessaired’élaborer des mesures capables de résumer l’information concernant la populationdéfavorisée.

L’approche utilitariste prône l’utilisation de la fonction d’utilité en tant que résuméstatistique du bien-être. Dans cette approche, la consommation (ou les dépenses ou encorele revenu) courante est supposée représenter un bon indicateur du niveau de vie. A ceniveau, un individu (ou un ménage) est classé parmi les pauvres si son revenu n’atteint pasun niveau jugé raisonnable par les normes de la société. Pour identifier les pauvres, deuxtypes de seuils de pauvreté sont envisageables dans la littérature à savoir les seuils relatifsou absolus. Une fois les individus défavorisés identifiés, le travail consistera à l’élaborationde mesures dont le rôle est de rendre compte de l’ampleur de la privation dans la société.

Le développement de la littérature concernant les indices de pauvreté a permisla construction de mesures dont les propriétés sont indispensables, désormais, pourmener des politiques de lutte contre la pauvreté en tenant compte des différencesde caractéristiques (caractéristiques personnelles, géographiques, raciales, ethniques…)entre les groupes de la population. Les indicateurs de la famille FGT (en référence à Foster,Greer et Thorbeck 1984) présentent la commodité d’être décomposable et de respecter la“ logique de sous groupes”.

Dans ce premier chapitre nous présenterons les fondements théoriques de l’analysede la pauvreté en termes de bien-être et les conséquences qui en découlent lors des étapesd’identification (première section) et d’agrégation (deuxième section). Une troisième sectionsera consacrée aux critiques adressées à l’approche utilitariste d’étude de la pauvreté.

Section 1 : Etape d’identification.L’approche utilitariste néoclassique est largement utilisée dans la littérature. Elle considèrele bien-être comme fonction de la seule utilité. L’utilité est la seule « chose » de valeurintrinsèque16 dans le sens où elle représente les préférences des individus. Dans cetteperspective, un niveau d’utilité donné reflète la satisfaction ressentie. La transposition des

16 A ce niveau Sen précise :“Welfarism in general and utilitarianism in particular see value, ultimately , only in individual utility,which is defined in terms of some mental characteristic , such as pleasure , happiness or desire” Sen (1992, page 6)

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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préférences en une fonction d’utilité permet ainsi la construction d’une métrique ou échellede satisfaction.

Toutefois, le passage de l’espace des préférences à la métrique d’utilité repose sur uncertain nombre d’hypothèses. On considère ainsi que les individus sont tous identiques.En d’autres termes, on les traite tous de la même manière : même comportement, mêmefonction d’utilité. Il faut dire aussi que l’approche utilitariste “évite la formulation dejugements qui ne cadrent pas avec le comportement de l’individu”17. Un comportement quiest qualifié de rationnel dans la mesure où il va dans le sens de la maximisation de l’utilité.Les individus poursuivent uniquement leurs propres intérêts. L’égoïsme devient le seul guidedes choix.

L’idée de représenter le bien-être par la seule fonction d’utilité laisse attribuer un rôlecentral aux biens et services consommés dans la satisfaction des individus. Le bien-être semanifeste à travers la consommation des biens et services au cours de la période. Il seraalors non surprenant de choisir le niveau des dépenses courantes comme un indicateur debien-être. On reviendra sur ce point concernant l’indicateur de bien-être, lorsqu’on aborderale problème d’identification au cours de la deuxième sous- section.

La privation, qu’on a définit comme étant “un manque de bien-être par rapport à unniveau minimum, fixé suivant les normes de la société” est contingente à la définition dubien-être retenue. Ainsi, les fondements théoriques, offert au sein de la théorie néoclassiqueutilitariste, permettent de retenir comme définition de la pauvreté celle qui repose surle niveau des dépenses. Est considéré comme pauvre tout individu dont le niveau desdépenses est inférieur à un certain montant jugé comme seuil à la satisfaction des besoinsessentiels. C’est à dire qu’on passe d’un seuil d’utilité à un seuil de dépenses qui luicorrespond. D’autres détails seront donnés plus en avant, on note tout simplement ladifficulté qui se pose dans le choix du seuil d’utilité.

L’évaluation de la pauvreté se construit essentiellement sur deux niveaux : un niveauindividuel et un autre collectif. L’objet de ce paragraphe est de traiter le problèmed’identification au niveau individuel. La tâche revient à détecter les individus défavorisés.Pour savoir si une personne est pauvre, il faut au préalable définir un indicateur de bien-être. La démarche se résume en deux points :

i- La construction d’un indicateur de bien-être. Sur le plan pratique, deux classesd’indicateur de niveau de vie sont possibles : les indicateurs monétaires et les indicateurssociaux. L’utilisation des indicateurs sociaux apporte un complément d’information sansmettre en cause l’utilité des indicateurs monétaires.

ii- L’identification proprement dite. La construction d’un seuil de pauvreté permettra dese prononcer sur les situations individuelles.

Un certain nombre de problèmes persistent à l’étape d’identification. Outre la définitiond’un indicateur de niveau de vie, nous serons confronté à un débat sur la nature de lapauvreté : relative versus absolue. Ce débat va conditionner la construction de la ligne –ou le seuil - de pauvreté.

1. Indicateurs de Bien-êtreNous avons vu dans ce qui a précédé que le débat théorique sur le choix de la dimension-éventuellement des dimensions- du bien-être reste ouvert entre l’approche utilitariste et

17 Ravallion (1995)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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l’approche des capabilités18. Sur le plan pratique, le débat reste d’actualité. Le niveau de vie(comme Proxy du bien-être) est un concept multidimensionnel. Pour identifier les pauvreset caractériser les déterminants de la pauvreté, l’analyse doit tenir compte de cet aspect.Toute la difficulté dans l’élaboration d’un indicateur de niveau de vie, provient du fait que leniveau de vie d’un individu ou d’un ménage est fonction de plusieurs variables ; accès auxbiens et services, accès à des droits sociaux et politiques, développement des potentialitésdes individus, opportunités offertes par la société.

Deux classes d’indicateurs de niveau de vie sont utilisées dans la littérature. Lapremière privilégie une approche monétaire basée sur le niveau des dépenses deconsommation. Les fondements théoriques utilitaristes représentent un soutien solide pourcette classe. A partir de l’espace de l’utilité, “l’analyse marginaliste permet de transposerles considérations d’équité dans l’espace du revenu en tant qu’espace de ressources : lerevenu détermine le niveau d’utilité”19. La deuxième propose des indicateurs sociaux pourapprocher la qualité de l’existence des individus. Ils ont souvent trait à des variables decapital physique, humain et social : espérance de vie à la naissance, taux de scolarité.Toutefois, on note le développement d’un vaste champ d’étude traitant le bonheur commefin ultime du comportement humain. Il s’en suit la représentation de l’utilité par le niveau desatisfaction dans la vie, et ce en ayant recours à des informations subjectives.

1.1Indicateurs Monétaires

Le cadre théorique de l’approche welfariste20, représentant les préférences par une fonctiond’utilité, se fond sur des hypothèses qui ont été largement critiquées. La formulation d’unindicateur monétaire de niveau de vie repose sur le passage d’un niveau d’utilité à celuide consommation correspondant. La structure de demande, dérivée par les méthodesutilitaristes, permet d’établir des évaluations précises de l’utilité. Analytiquement, en résultatde la maximisation de l’utilité, on obtient des fonctions qui décrivent le comportement deconsommation par rapport à un nombre de variables : prix, revenu, taille des ménages,composition démographique. Plusieurs méthodes sont possibles pour obtenir un indicateurfiable et facile à construire.

Généralement, on suppose que les préférences sont implicitement révélées par lademande de biens et services. Le bien-être individuel dépend, dans ces conditions, de laconsommation du ménage représentée par les quantités de biens. La relation est présentéecomme suit :

18 On note que les fonctions d’utilité sont considérées comme indicateurs de Bien-être individuels, voir Blackorby et Bossert (2004)19 Asselin et Dauphin (2000)

20 “Le welfarisme réclame qu’une évaluation de l’état social soit fondé exclusivement sur les utilités engendrées par cet état.L’utilitarisme peut être conçu comme la conjonction du welfarisme, du classement par sommation et du conséquentalisme…l’utilitarisme constitue donc une doctrine morale.” Reboud 2006, page 24

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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De plus, nous supposons que les décisions de consommation permettent lamaximisation du bien-être du ménage, dans un cadre de concurrence pure et parfaite, sousla contrainte budgétaire. Si nous notons par x n le revenu du ménage h . Alors nous endéduisons la relation :

Les demandes des ménages, pour les différents biens, sont issues de la maximisationdes bien-être individuels représentés par les fonctions d’utilité étant donnée les prix, lerevenu et les caractéristiques non monétaires.

La non observabilité des niveaux d’utilité individuels conduit à un problème deconversion du revenu du ménage- non comparable entre les individus- en une mesurecomparable.

En pratique, les méthodes utilitaristes de détermination des seuils de pauvretéconsidèrent le niveau total des dépenses comme une bonne approximation du niveaude vie. Ainsi, “le revenu équivalent” représente le niveau minimum des dépenses pourque le consommateur puisse atteindre son niveau d’utilité désiré. D’un autre côté, laconsommation réelle par équivalent adulte incorpore toutes les dépenses nominales au titrede consommation des biens et services.

La mise en place de ces indicateurs doit tenir compte de deux contraintes :

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1. La variation des prix à laquelle font face les consommateurs. Pour cela il faudraitévaluer les dépenses par rapport à un indice qui résume les différences au niveau ducoût de la vie dans le temps et dans l’espace.

2. Une échelle d’équivalence pour neutraliser les différences entre les ménages entermes de taille et de composition démographique

1.2 Indice du coût de la viePlusieurs travaux se sont intéressés à cette question. Nous faisons référence ici à Deaton(1980) et Deaton et Case (1987).

Théoriquement, pour déterminer un indice de coût de la vie, qui tient compte d’unevariation des prix, il faut comparer les coûts relatifs pour accéder à un même niveau d’utilité.Il s’agit d’un rapport des coûts nécessaires pour accéder à une courbe d’indifférence donnéepour des vecteurs de prix différents.

Pour deux périodes : période 0 et période 1, ce coût est donné par :

Lorsque les préférences sont homothétiques –c'est-à-dire que les courbesd’indifférence sont équidistantes – la fonction de coût est proportionnelle à u :

L’inégalité de Konüs donne :

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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[Accès à la note 21 : L’indice de Laspeyres tend à surestimer le changement dans lecoût de la vie (Idson et Miller (1999)).]

Par le même travail on peut obtenir une limite inférieure du vrai indice du coût de lavie, par l’indice de Paasche

1.3 La composition démographique spécifique des ménagesUne échelle d’équivalence soigneusement construite indiquerait le nombre d’hommesadultes auquel un ménage est censé équivaloir. La comparaison inter ménages est en effetsensible non seulement à la taille du ménage, mais aussi aux classes d’âge dans lesquelles

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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sont situées ses membres. Ainsi, il est évident qu’à un niveau de revenu identique, leménage de plus grande taille est considéré comme plus pauvre.

La répartition de la consommation au sein du ménage joue un rôle importantdans l’appréhension utilitariste des échelles d’équivalence. D’après Ravallion (1996), larépartition de la consommation entre les membres du ménage dépend de deux éléments :

i) les différences réelles entre les besoins.ii) le pouvoir de négociation à l’intérieur du ménage.L’échelle d’Equivalence constitue une solution pour transformer le revenu du ménage x

h en une sorte de revenu moyen (revenu du ménage par personne) noté y h comparablepour tous les ménages, tout en utilisant l’information concernant les attributs du ménageZ h .21

Le point de départ est l’équation :

La mesure de e h est obtenue en rapportant la fonction de coûts du ménage h à celledu ménage de référence :

Diverses approches pour estimer e h ont été proposées dans la littérature. La méthodede la part alimentaire, qui s’inspire du modèle d’Engel, reste la plus utilisée. L’idée est queles ménages, dépensant une même part de leur budget consacrée l’alimentation, ont un

21 Atkinson (1991) suggère une approche alternative pour ajuster la différence de taille des ménages, mais les résultats auxquels il aboutit sont critiqués vu que cette approche ne fournit qu’un « ordre partiel ».

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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même niveau d’utilité. En effet, la Loi d’Engel stipule que la part des dépenses consacréesaux produits alimentaires diminue lorsque le niveau de vie du ménage s’améliore.

En supposant la séparabilité de la fonction de coût c (u,p,Z h ) :

En admettant la normalisation suivante pour le ménage de référence :Donc nous pouvons écrire :Lorsque les ménages font face aux mêmes prix, l’échelle d’équivalence est telle que :

Nous rappelons que dans ce modèle la part budgétaire consacrée à l’alimentation estconsidérée comme le meilleur indicateur de bien-être.

On note w = part alimentaireP f = vecteur de prix des biens alimentaires

On a :

L’estimation de l’échelle d’équivalence requiert la détermination de la fractiond’augmentation des dépenses nécessaires pour compenser le changement, à la fois, de lataille et de la composition démographique du ménage. La solution économétrique reposesur l’estimation de l’équation:

n h = Taille du ménage h.

A h = Nombre d’adulte dans le ménage h.

K h = Nombre d’enfant dans le ménage h

Si nous supposons que le ménage de référence (h = 0) comporte un couple de deuxadultes sans enfant :

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Outre l’approche économétrique pour la détermination d’une échelle d’équivalence, ontrouve dans la littérature des approches alternatives. Atkinson et Cazes (1990) proposentune large gamme d’échelle d’équivalence s’exprimant sous la forme d’une fonctionpuissance de la taille des ménages.

L’élasticité d’équivalence (b)- comprise entre 0 et 1- permet de capter des différencesde niveau de consommation selon la taille. Elle incorpore aussi l’importance des économiesd’échelle : plus b augmente plus les économies d’échelle diminuent.

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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Nous notons qu’une valeur de b = 0 implique une indépendance des besoins du ménagepar rapport à sa taille. Lorsque b = c = 1, les besoins augmentent proportionnellement à lataille, de plus les besoins d’un enfant sont identiques à ceux d’un adulte.

Il reste à signaler que l’estimation de l’échelle d’équivalence est très difficile à menersurtout face à la nécessité d’une information importante. En outre, Cowell et Prats (1999)mettent l’accent sur l’impossibilité de construire une échelle unique. Ce résultat suggère desvoies d’investigation cherchant à identifier une échelle d’équivalence unique.

2. Seuils de Pauvreté.L’identification des pauvres revient à fixer un niveau de vie minimum en dessous duquelun individu est classé comme pauvre22. Plusieurs méthodes de construction des lignes depauvreté sont possibles. Le choix de la méthode dépend de l’objectif des mesures. Ravallion(1998, 1995) présente un aperçu critique des différentes approches de construction deslignes de pauvreté avec les problèmes pratiques qui en découlent. Cependant, nous nepouvons parler de la construction des seuils de pauvreté sans évoquer le débat sur lanature de la pauvreté entre les partisans d’une vision relative et ceux en faveur d’une visionabsolue.

Comme préciser par Ravallion (1995) :“les méthodes de détermination des seuilsde pauvreté utilisées en pratique sont rarement formulées en des termes manifestementutilitaristes”23. Nous verrons dans le paragraphe traitant les seuils relatifs comment uneapproche utilitariste donne lieu à un seuil monétaire déduit à partir d’un seuil d’utilité deréférence.

En réalité, la définition de la pauvreté est toute aussi différente entre les deux courants.Alors que le manque de capabilités élémentaires semble être absolu, la traduction de cemanque dans l’espace des biens s’accompagne d’un changement de nature. En effet, onaffiche tous des besoins d’être bien nourri, bien vêtu, en bonne santé. Par contre, poursatisfaire ces fonctionnements, les individus recourent à des moyens qui dépendent deleurs positions dans la société (ainsi qu’à d’autres variables). De plus, les habitudes deconsommation affichent des changements constants dans le temps par la disparition decertains biens et l’apparition d’autres.

Deux types de seuils sont utilisés dans les travaux empiriques traitant la pauvretémonétaire. D’abord, le seuil relatif définit la ligne de pauvreté en relation avec la distributionde l’indicateur de bien-être retenu (généralement les dépenses de consommation oule revenu). Cette approche très répandue dans les pays occidentaux pourrait toutefois,s’avérer non appropriée pour le cas des pays en développement où il est nécessaire de

22 L’encadré 1 présente les différentes approches d’appréhension de la pauvreté.23 Ravallion (1995, page 33)

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garantir à la population un niveau de vie minimum. Ceci nous ramène à la seconde méthodedu seuil absolu que nous allons présenter dans le paragraphe qui suit.

Encadré 1 : Les quatre approches de la pauvreté

Les mesures de la pauvreté Quatre approches sont utilisées : La première cerne lapauvreté monétaire « relative ». Sont pauvres les personnes et les ménages dont lesrevenus sont inférieurs à un seuil monétaire relatif, fixé en fonction de la distribution desrevenus. En France on utilisait le plus souvent un seuil de pauvreté situé à 50 % de lamédiane des revenus, mais on utilise de plus en plus le seuil de 60 % de la médiane,conformément à ce qui se pratique au niveau européen. Rappelons que la médianedes revenus est la valeur des revenus qui sépare la population en deux : une moitiéqui perçoit un revenu inférieur à cette valeur, et une moitié qui perçoit plus que cettevaleur. Ainsi, on considère comme pauvres les personnes qui sont dans un ménagedont le revenu par unité de consommation est inférieur à 50 % ou 60 % de la médiane.Dans un ménage, la première personne compte pour une unité de consommation, lespersonnes suivantes pour 0,5 unité de consommation quand elles ont plus de 14 ans et0,3 unité de consommation quand elles ont moins de 14 ans. Cela donne en 2004, auseuil de 60 % de la médiane, un seuil de pauvreté fixé à 788 euros par mois pour unepersonne seule et 1 182 euros par mois pour un couple sans enfant. Une deuxièmeapproche, employée notamment aux états- Unis, considère la pauvreté «absolue ».� partir de l’estimation des ressources nécessaires à l’acquisition d’un panier minimalde biens (pour se nourrir, se vêtir, se loger), un seuil de pauvreté absolu (qui ne variedonc pas en fonction de la distribution des revenus) est établi. Une troisième approchede la pauvreté, appelée pauvreté « ressentie », consiste à demander aux individus si,en fonction de critères d’appréciation de leur aisance financière, ils se considèrent eux-mêmes comme pauvres. Une quatrième approche, appelée « pauvreté en conditionsde vie », consiste à observer si un ménage cumule des difficultés telles la précarité dulogement ou l’absence d’équipements possédés par la plupart des ménages. Enfin,une dernière approche de la pauvreté, appelée « pauvreté administrative», prend enconsidération le nombre d’allocataires relevant de la solidarité nationale au titre desminima sociaux (RMI, API, AAH, etc.). En 2004, on comptait 3 435 000 allocataires soit,avec les personnes à charge (conjoints et enfants) près de 6 millions de personnes. Centre d’analyse stratégique : “ Rapport Annuel 2006 : la société française entreconvergences et nouveaux clivages” Page 16

2.1 Seuils Absolus.En dépit de l’unanimité presque totale en faveur d’une vision relative de la pauvreté, il existede bonnes raisons pour adopter une approche absolue. Sen (1984), à travers l’étude desfamines soutient l’existence d’un noyau absolu de privation. Il défend alors la nature absoluede la pauvreté sans pour autant rejeter l’approche en termes de privation relative. Cettedernière pourrait constituer un complément d’analyse.

Pour Sen, le caractère absolu des besoins ne signifie en aucun cas que ces besoinssont fixes. Quoique la satisfaction des besoins absolus dépend de la situation relative dansla société – avoue Sen -, un pauvre préférerait “être absolument mieux” plutôt que “d’êtremieux que”. Il faut différencier, à ce niveau, la situation de pauvreté relativement aux autresde la situation de pauvreté absolue à cause de l’échec comparé aux autres.

Un seuil de pauvreté absolue correspond à un seuil constant en termes de niveau devie. Il est unique sur l’ensemble du domaine (domaine spatial et temporel). La modification

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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du domaine implique un changement de la valeur du seuil. Dans cette perspective, la lignechoisie n’évolue pas avec l’indicateur de niveau de vie, elle traduit un seuil déterminé entermes de l’indicateur utilisé.

La spécification d’un seuil unique sur tout le domaine spatial d’étude implique untraitement égal pour tous les individus. Toutefois, il est indispensable d’apporter à la lignede pauvreté les ajustements adéquats pour refléter les différences inter- personnelles. Cesdifférences proviennent des caractéristiques physiques, culturelles ainsi que la localisationgéographique, etc. A titre d’exemple, il faut différencier entre enfants et adultes. Il faut aussitenir comptes des différences régionales en termes de prix.

Deux méthodes de seuil absolu sont couramment appliquées : la méthode de l’énergienutritive et celle de la part du budget consacré à l’alimentation. On présente ici un aperçudes deux méthodes qui ont suscité l’intérêt dans plusieurs travaux.24

La méthode de l’énergie nutritive cherche à déterminer le niveau des dépenses quipermet d’assurer exactement les besoins énergétiques. Il s’agit d’estimer dans une premièreétape les besoins énergétiques en calorie par personne et par jour. Généralement lamoyenne des besoins caloriques est établie à 2100 calories par personne et par jour. Leseuil de pauvreté est alors défini comme étant “ le montant de dépenses de consommationtotales auquel on peut s’attendre lorsqu’une personne est nourrie de manière adéquatedans la société considérée”25. La deuxième étape, la transformationdu niveau calorique enunmontant monétaire, n’est pas sans difficulté. En effet, plusieurs combinaisons de bienspermettent d’atteindre ce niveau énergétique. La relation besoins énergétiques- dépensesde consommation varie considérablement entre les groupes, selon les goûts, les prix relatifsou le niveau d’activité. C’est le cas notamment entre les secteurs urbain et rural. Par suite,la méthode pourrait conduire à des comparaisons non cohérentes, dans le temps et dansl’espace. Pour faire face à ce problème, on peut recourir à la fixation de seuils multiples :rural et urbain par exemple.

Greer et Thorbecke (1986) proposent d’estimer une fonction de coût des calories dela forme :

Où X : représente les dépenses du panier de biens consommés.C : le nombre de calories obtenues à partir de la consommation.u : un terme d’erreur.Si R constitue les besoins effectifs de calories, la ligne de pauvreté alimentaire peut

être obtenue par :

24 Voir par exemple Ravallion (1994, 1995, 1998) ; Greer et Thorbeck (1986), etc.25 Ravallion (1995, page 37)

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La méthode la part du budget consacré à l’alimentation consiste à déterminer un panierde biens alloués à la consommation suffisant pour satisfaire les besoins de consommationde base, pour un groupe de ménages jugés pauvres (20% les plus pauvres par exemple).L’estimation du coût du panier se fait pour chaque groupe à part dans le but de tenir comptede la variation des prix ainsi que celle des goûts. Les coûts des besoins de base sont lereflet du coût de l’utilité ainsi que de la norme sociale minimum pour échapper à la pauvreté.La méthode cherche à estimer dans un premier temps un seuil alimentaire, évalué auxprix locaux, qui correspond à un coût moyen, auquel fait face un groupe particulier, d’unpanier de produits habituellement consommés par ce groupe. Cette méthode constitue unprolongement du travail pionnier de Rowntree (1901) qui définit la pauvreté comme unmanque de revenu en vue de satisfaire les besoins de consommation essentiels au maintiende la bonne “tenue” physique.26

Dans un deuxième temps, il faudrait déterminer un seuil non alimentaire. Il est àconsidérer qu’il existe d’autres besoins, autres qu’alimentaires, qui sont basiques dans la viehumaine. Nous pouvons hiérarchiser les besoins en deux catégories: d’abord les besoinsalimentaires de survie, ensuite les besoins non alimentaires de base. En conséquence,l’estimation du seuil se fait à partir d’une régression de la part alimentaire définie par lacourbe d’Engel.

Dans un dernier temps, on arrive à définir deux seuils. Un seuil de pauvreté inférieurqui “ représente la somme du seuil de pauvreté alimentaire et d’une provision au titre desbesoins non alimentaire de base (égale aux dépenses non alimentaires types de personnesqui peuvent tout juste satisfaire aux besoins associés au seuil de pauvreté alimentaire) ”. Parcontre, le seuil supérieur “correspond au montant des dépenses d’un ménage qui atteinttypiquement le seuil de pauvreté alimentaire dans chaque secteur ”27. Cette méthode estappliqué dans plusieurs pays notamment la Tunisie (voir encadré 2)

2.2 Seuils Relatifs.Le fait d’assimiler la pauvreté à une certaine forme de privations relatives (Towensend 1979)amène à reconsidérer la pauvreté par rapport à une norme de référence. Le but d’un telraisonnement est de prendre en considération la distribution des ressources au sein de lasociété.

Il est de fait que la pauvreté ne se définit pas simplement par les revenus enchiffres absolus, mais aussi en partie par les revenus relatifs. Sur un plan social,les personnes défavorisées sont celles qui doivent vivre au- dessous du niveauque la majorité considère, à période et à endroit donnés, comme la normeminimale acceptable”. 28

Pour Atkinson (1975), la pauvreté perd sa significativité si elle est définie de manièreabsolue. Il soutient qu’un individu pauvre aujourd’hui, dans un pays développé peut disposerd’un revenu largement supérieur à celui d’un individu non pauvre dans un pays pauvre. En

26 Marx fut parmi les premiers à étudier les causes de la pauvreté dans les sociétés capitalistes du 19 ème siècle. La causeprincipale réside dans ‘l’accaparement, par la bourgeoisie de la plus- value dégagée durant le processus de production’. Le salaireperçu par la main d'œuvre, fixé à un niveau inférieur à sa valeur réelle, ne permet que d'assurer au travailleur sa survie physiqueet celle de sa famille.

27 Ravallion (1995)28 Gillis et al (1998)

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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d’autres termes, la pauvreté doit être interprétée en relation avec le niveau de vie de lasociété pour permettre les comparaisons dans le temps et dans l’espace.

Les seuils relatifs de pauvreté sont très largement utilisés dans les pays développés.Dans cette optique, le seuil de pauvreté correspondrait à une fraction donnée d’une normede référence – généralement la moyenne ou la médiane – calculée à partir de la distributiond’un indicateur de niveau de vie. Alors, si nous disposons d’une répartition des individussuivant le niveau des dépenses réelles per capita, nous sommes en mesure de définir unseuil de pauvreté en dessous duquel une certaine proportion de la population est identifiéecomme pauvre.

Sur le plan théorique, l’approche utilitariste donnerait lieu d’abord à la fixation d’uneutilité de référence (U z ) interprétée comme un seuil absolu dans l’espace de l’utilité. Unefois U z déterminée, le seuil de pauvreté, noté z, sera donnée par le point de la fonction decoûts de consommation qui correspondrait à cette utilité de référence. Nous considéronsune fonction d’utilité U qui dépend – outre du niveau de dépenses de l’individu y – de saposition au sein du groupe auquel il appartient représenté par y/m où m est la dépensemoyenne (ou modale) du groupe.

L’utilité de référence s’écrit :

Donc nous pouvons déterminer implicitement z.

Dans la même optique Ravallion et Lokshin (2006) définissent le seuil de pauvreté:“In theory, a poverty line can be defined as the cost of a common (inter-

personally comparable) utility level across a population” 29

En d’autres termes, la ligne de pauvreté représente le montant monétaire nécessaire,pour un groupe de la population, en vue d’atteindre un niveau minimum de bien-être pouréchapper à la pauvreté, la formalisation de cette approche peut être effectuée de la manièresuivante.

Notons par j = 1, , N les N groupes exclusifs de la population définis de manière ou àl’intérieur de chaque groupe les individus font face aux mêmes prix et possèdent le mêmeniveau d’utilité. U j (q), une fonction d’utilité comparable interpersonnelle déduite à partird’un panier de m biens q. deux individus auront les mêmes besoins de consommation si, àégalité de niveaux d’utilité, leurs vecteurs de consommation sont identiques. Naturellement,chaque individu choisit son niveau de consommation de manière à maximiser son niveaud’utilité. L’hypothèse de convexité de la fonction d’utilité est aussi maintenue.

A l’intérieur des groupes, les prix et les besoins sont constants. Entre les groupes, lesbesoins peuvent être constants – malgré la différence de prix – si par exemple, pour les deuxgroupes i et j, U j (q) = U j (q). Ravallion et Lokshin (2006) supposent alors, qu’il existen ensemble de groupe où les besoins sont homogènes. Ces ensembles seront indexés park, k = 1, , n avec 1≤n≤N. Le k ème ensemble de groupes homogènes sera noté N k

29 Ravallion et Lokshin 2006

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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La ligne de pauvreté en terme d’utilité est définie comme étant le coût minimum del’utilité, évalué aux prix auxquels fait face chaque groupe. La fonction de dépense e j (p

j ,u) donne le coût minimum nécessaire pour atteindre le niveau d’utilité u dans le groupej, et ce au vecteur de prix P j .

La propriété de “consistency ” implique que -le niveau minimum d’utilité pour échapperà la pauvreté- sera constant pour tous les groupes. Le seuil consistent est donné par :

Dans l’analyse, la fonction d’utilité joue un double rôle. D’abord, elle reproduit lespréférences ordinales des individus à l’intérieur des groupes. Ensuite, elle reflète lesdifférences inter- groupes en terme de besoins de consommation.

Le problème qui se pose est en relation avec le choix du niveau d’utilité de référence.Un autre problème s’ajoute concernant l’identification de la fonction des coûts. En effet,le passage d’un niveau d’utilité donné à un niveau monétaire exige la définition de lafonction de coûts c. Le seuil de pauvreté z est interprété comme étant le niveau minimumde dépenses pour atteindre un niveau d’utilité de référence U z étant données le système

des prix et les caractéristiques non monétaires des ménages : a.30

La définition d’un seuil de pauvreté nécessite d’abord le choix d’une norme deréférence. Ensuite, il faudrait fixer la proportion k de la norme qui sera retenue pourl’évaluation du seuil. C’est à dire que : z = k . m

Si nous notons η l’élasticité de la ligne de pauvreté par rapport à m

Par conséquent, le seuil de pauvreté relatif varie avec le niveau de vie. La variationà l’intérieur du groupe dépend étroitement de la norme de référence. Il faut dire que lamoyenne reste plus sensible aux aléas statistiques notamment les observations aberrantes.De plus, l’adoption d’une mesure relative de la pauvreté en tant que « la moitié du revenumoyen » signifie que la pauvreté ne peut être radiée. L’argumentation est très claire puisquele seuil de pauvreté comme indiqué un peu avant évolue avec la norme de référence. Parcontre, le choix de la consommation modale présente l’avantage de tenir compte de l’effetde la réduction des inégalités sur la pauvreté.

30 Ravallion (1998)

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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Ainsi, la mesure de pauvreté Ps’exprime :

L’indicateur P met en avant une information sur l’ampleur des inégalités dans lasociété, il s’exprime en fonction de la courbe de Lorenz (L). Cette dernière constitue unereprésentation géométrique de la relation entre les proportions cumulées de la populationet celle du niveau de vie. Elle offre un résumé statistique des inégalités qui règnent dansla société.

Sur le plan empirique, l’étude de Ravallion, Datt et Dewalle (1991) sur un échantillon de36 pays remet en cause que l’élasticité de zpar rapport à m soit égale à l’unité. Les résultatsmontrent que l’élasticité augmente avec la valeur de la norme de référence. Elle prend lavaleur de 0,66 au point moyen. Toutefois, l’élasticité est proche de 1 seulement pour lespays à revenu élevé. Un argument de plus en faveur de l’adoption d’une perception relativede la pauvreté dans les pays développés.

Le seuil de pauvreté calculé, pour le cas de la France par l’INSEE, est un seuil relatifqui fait référence au revenu médian. Le revenu est calculé selon l’échelle d’Oxford modifiéequi attribut un poids de :

∙ 1 pour le premier adulte∙ 0.5 pour tout adulte supplémentaire âgé de plus de 14 ans∙ 0.3 pour chaque enfant de moins de 14 ans∙ 0.2 pour les familles monoparentales

L’évolution du seuil de pauvreté en France est décrite par le graphe 2. Nous notons que lavaleur du seuil a presque doublé de 1970 à 2002.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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Section 2. Etape d’agrégationUne fois l’étape d’identification achevée, par le choix d’un indicateur de bien-être et laconstruction d’une ligne de pauvreté, il reste à suivre l’évolution de la pauvreté à un niveauagrégé. Il s’agit de dériver des mesures qui puissent synthétiser les trois dimensions dela pauvreté : l’incidence, l’intensité et le degré d’inégalité. Alors que les deux premièresdimensions présentent une information globale, la construction de mesures qui puissentrésumer l’inégalité parmi les pauvres n’est pas sans difficulté. Nous verrons dans lesparagraphes qui suivent que de telles mesures doivent obéir à un certain nombre deconditions (axiomes) pour remédier aux lacunes des indices d’incidence et d’intensité.

Plusieurs travaux se sont intéressés à ce sujet. Nous pouvons en citer quelquesréférences : Sen (1976, 1979) ; Kakwani (1980) ; Chakravarti (1983) ; Foster, Greeret Thorbecke (1984) et Foster et Shorrocks (1991). Les affinements réalisés par cestravaux ont mis à la disposition des utilisateurs une large gamme de mesures présentantdes caractéristiques intéressantes pour la détermination d’un profil de pauvreté. Nousprésenterons au deuxième paragraphe de cette section la famille d’indices de Sen et cellede Foster, Greer et Thorbecke (FGT) et de leurs extensions. On commencera d’abord parun bref exposé des mesures d’incidence et d’intensité.

1. Mesures d’incidence et d’intensité :

L’incidence de la pauvreté constitue la mesure la plus simple de la pauvreté31. Ellecorrespond au pourcentage de la population dont le niveau de vie est inférieur au seuil depauvreté. En d’autres termes, l’incidence se présente sous la forme d’un “indice numériquede pauvreté” (H) qui est égale au rapport du nombre de personnes pauvres – soit q cenombre – à la taille de la population (notée n). On écrit alors :

31 La pauvreté ancrée dans le temps est aussi très utilisée. Elle mesure le nombre de personne dont le revenu est inférieur au seuilde pauvreté, réévalué par l'inflation, pendant un nombre d'années N.

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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Cet indice apporte un renseignement sur l’évolution de la pauvreté à travers ledénombrement des individus vivant en deçà des minima sociaux. L’incidence permet aussid’apprécier l’impact général des politiques de lutte contre la pauvreté. La première idéequi vient à l’esprit, lorsqu’il est question de comparaison de situations différentes, est des’intéresser à la variation qu’a connue la population défavorisée.

Ainsi, les chiffres relatifs à la population défavorisée en France indiquent que la luttecontre la pauvreté a connu un grand succès. En effet, entre 1970 et 2002, le nombre depauvres a été réduit à moitié. Ainsi, l’incidence de la pauvreté a reculé de près de 6 points.En 2002, le taux de pauvreté était de 6 % (pour un seuil relatif fixé à 50 % du revenu médian).

Toutefois, Nous ne pouvons nous satisfaire de cette mesure pour le suivi du recul lapauvreté. Il faut dire que l’indice numérique de pauvreté n’est sensible qu’au nombre despauvres dans le sens qu’il ne tient compte d’aucune information sur l’évolution de la situationdes pauvres. D’une manière plus simple, la dégradation du bien-être (le revenu par exemple)d’un nombre de personnes pauvres, à un nombre total de personnes pauvres q constant,n’est d’aucun effet sur la valeur de H. Cette situation traduit l’intensité de la pauvreté.

D’autres mesures sont disponibles dans la littérature. Le « coefficient de déficit derevenu » I indique l’ampleur de l’écart entre le seuil de pauvreté et le niveau de vie moyendes pauvres noté μ z

Cet indice ne permet pas d’incorpore l’information concernant le nombre de pauvres.Ainsi, si on considère l’exemple un individu, dont le revenu est légèrement inférieur à z, et quivoit sa situation s’améliorer suffisamment pour sortir de la classe pauvre, le revenu moyendes pauvres μ z diminue, toute chose étant égales par ailleurs, et I augmente indiquant parla suite une dégradation de la situation globale. En revanche, la pauvreté a en réalité reculé.

Tableau 1 : Evolution du taux de pauvreté et de la population pauvre en France1970 1975 1979 1984 1990 1997 2002

Taux de pauvreté 12 10,2 8,3 7,7 6,6 6,9 5,9Nombre depersonnes pauvres

5 785 5 194 4 359 4 154 3 751 3 925 3 431

Nombre deménages pauvres

2 491 2 170 1 660 1 501 1 486 1 483 1563

Taux de pauvreté pour un seuil à 50 % du revenu médian Source données : Insee,enquête revenus fiscaux

La combinaison de H et I peut être d’un grand appui dans la recherche d’une mesurecapable de refléter à la fois le nombre de pauvres et l’écart par rapport au seuil de pauvreté.L’écart de pauvreté P 1 , définissant l’étendue de la pauvreté, mesure l’écart proportionnel

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moyen de l’indicateur de niveau de vie par rapport à la ligne de pauvreté. Cet indicateur“rend compte de la distance moyenne qui sépare les pauvres du seuil de pauvreté et donnedonc une meilleure idée de l’intensité de cette dernière”32.

Si nous supposons que le vecteur : y = (y 1 , y 2 ,…,y n ) représente les revenusindividuels classés par ordre croissant :

Nous pouvons vérifier que : P 1 = I . H

Le problème avec cet indice d’intensité est qu’il ne permet pas la prise en considérationdes différences d’intensité de la pauvreté entre les pauvres. En d’autres termes, il ignore ledegré d’inégalité parmi les pauvres. Pour arriver à de meilleurs indicateurs d’intensité, il fautarriver à construire des indices satisfaisants à un certain nombre de propriétés désirables.

2. Mesures d’inégalité.L’indice de Gini fournit une première estimation de l’ampleur des inégalités dans ladistribution des revenus. Une valeur plus grande de cet indice indique un degré d’inégalitéplus grand.

Les familles d’indices proposées par Sen (1976,1981) et par Foster, Greer et Thorbecke(1984), tout en mesurant l’intensité de la pauvreté, offrent aussi un certain nombred’avantages. Il faut dire que notre présentation ne couvre pas la totalité des mesuresexistantes mais elle se limite à ces deux familles d’indices. Alors que l’indice de Sen permetd’intégrer le degré d’inégalité parmi les pauvres, les indices FGT admettent l’avantage d’êtredécomposables (additifs) ce qui permet de construire des profils de pauvreté et de menerdes comparaisons cohérentes dans le temps et dans l’espace.

2.1 Famille d’indicateurs de Sen.Sen critique le concept de ligne de pauvreté ainsi que les mesures de ‘Head Count’, vuque l’amélioration des revenus des plus pauvres n’influe pas sur la valeur de cet indice.Il faut, définir une mesure qui prenne en compte “ les rangs et repérer les pauvres parmiles pauvres”33. En définissant la pauvreté en tant que somme pondérée des déficits derevenus des individus, et en se basant sur un certain nombre d’axiomes (essentiellementtrois axiomes), Sen (1976) propose un meilleur indicateur de l’intensité de la pauvreté. Ilutilise la relation entre la courbe de Lorenz – la répartition des revenus- et le coefficient

32 Ravallion (1995, page 52). Cet indicateur, est aussi interprété comme “un indicateur des possibilités d’éliminer la pauvretéen ciblant les transferts aux pauvres” (page 53). Pour dire plus claire on définit les coûts minimum et maximum de l’élimination dela pauvreté. Le coût minimum, en cas d’information parfaite suer les pauvres (ciblage parfait) revient à la somme des transfertsnécessaires pour garantir à chaque individu pauvre un revenu égal au seuil de pauvreté. Le coût maximum intervient dan le casd’absence d’information (absence de tout ciblage) sur la population pauvre : “il (le responsable de l’action publique) lui faut, dans cecas, verser z à chaque membre de la population pour être sûr que plus personne n’est pauvre”. P1 correspond alors au rapport entreles deux coûts. Il s’interprète dans ce cas comme “ un indicateur des économies potentielles que le ciblage permet de réaliser auniveau du budget de lutte contre la pauvreté” Ravallion (1995, page 5).33 Hugon (1999)

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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de Gini pour proposer un indicateur, qui se présente essentiellement comme un indicateurd’inégalité parmi les pauvres. Il prend la forme générale :

Avec : g i = z - y i déficit de revenu.

v i (z, y i ) : Poids attribué au déficit g i .

a) Axiomes.L’indice de Sen est présenté comme l’unique indice de pauvreté satisfaisant les propriétésde :

i) Monotonicité : elle traduit le fait que la réduction du revenu d’une personne pauvre,toute chose étant égale par ailleurs, implique une valeur de l’indice de pauvreté plus élevée.

ii) Transfert : un transfert de revenu d’une personne située en dessous de la lignede pauvreté à une personne relativement plus riche provoque l’augmentation de l’indicede pauvreté. Sen insiste sur le fait qu’un plus grand intérêt doit être porté aux déficits despersonnes les plus pauvres.

Ainsi, le poids v i (z, y i ) accordés au déficit de la personne i est considérééquivalent au rang de i dans le classement des niveaux de vie. De plus, Sen utilise un autreaxiome : la normalisation.

iii) Normalisation : spécifie la situation où tous les pauvres disposant du même revenu.A ce moment, l’indicateur s’écrit P = H .I . Dans ce cas particulier, P 0 et I apporte toutel’information utile sur la proportion des individus pauvres et de leur déficit de revenu.

Le seul indicateur possible sous ces conditions s’exprime :

b) Extensions :Les tentatives de généralisation des mesures de pauvreté proposées par Sen sontnombreuses34. A partir des indices de Sen, Kakwani (1980) présente une extension qui vienten réponse « à l’échec des mesures de Sen à satisfaire un nombre d’axiomes de sensibilité

34 Kakwani (1980) ; Pattanaik et Sengupta (1995)…

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au transfert » qu’il a proposée dans son papier35. Nous rappelons que les notations utiliséessont les suivantes : y = y 1 , y 2 , …, y n vecteur des revenus individuels classés parordre croissant tel que q, q < n désigne le nombre de pauvres et z la ligne de pauvreté.

1. Axiome de sensibilité monotonicité :Si on est convenu à supposer qu’une réduction du revenu d’un pauvre cause une

augmentation de la mesure de pauvreté (monotonicité), l’axiome de sensibilité -monotonicitéimplique que plus pauvre sera l’individu dont le revenu a diminué plus grande seral’augmentation de la mesure de pauvreté. C'est-à-dire si (ΔP)i représente l’augmentation dela mesure de pauvreté due à une augmentation du déficit de l’individu i alors :

2. Axiome de sensibilité au transfert I :Il s’énonce comme suit : pour tout entier ρ et pour tout couple d’individu (i, j)

La sensibilité de l’indice P au transfert dépend de la position de l’individu au détrimentde qui s’est effectué le transfert. P augmente de façon plus importante avec le degré depauvreté de l’individu.

3. Axiome de sensibilité au transfert II :Cet axiome signifie que la magnitude de la variation de la mesure P est analogue à la

variation de i. (ΔP)i diminue avec i.

4. Axiome de normalisation :Si tous les pauvres disposent d’un même revenu m alors :

5. Axiome d’ordre :Pour tout individu pauvre i :

Par conséquent, le poids vi(z,y), attribué au déficit de revenu g i est proportionnel àla puissance k du nombre d’individus pauvres disposant d’un revenu au moins égal à celuide l’individu i. Si k = 1 on retrouve le poids utilisé par Sen ;

35 Parmi d’autres variantes de l’indice de Sen, nous pouvons citer ici celle de Blackorby et Donaldson (1980)

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La seule mesure qui satisfait ces axiomes, ainsi que les axiomes de monotonicité etde transfert, est donné par :

Comparés aux indices de la famille FGT, les indicateurs cités dans ce paragraphen’offrent pas la possibilité de décomposition. Nous exposerons l’utilité de cette propriété aucours du paragraphe qui suit.

2.2 Famille d’indices FGT.Dans leur article pionnier Foster et al.(1984) insistent sur l’utilité de la classification dela population en sous-groupes homogènes. Une mesure de la pauvreté doit refléter lacontribution des différents groupes (ethniques, géographiques, socio-économiques …) àla pauvreté totale. Si la pauvreté dans un groupe diminue, la pauvreté totale doit suivrele même sens de variation. Par suite, la mesure à proposer doit satisfaire le critère dedécomposition. La privation s’exprime alors comme étant une moyenne pondérée desniveaux de pauvreté des différents groupes. L’indice FGT revêt la forme :

Pour tout entier positif αPour les valeurs α = 0 et α = 1 nous retrouvons le ratio de pauvreté H ainsi que l’écart

de pauvreté P 1Foster et al. Soutiennent que P α satisfait l’axiome de monotonicité pour α > 0, l’axiome

de transfert pour α > 1 et l’axiome de sensibilité au transfert pour α > 2.

L’axiome de monotonicité suppose que la population peut être décomposée en unecollection de m sous-groupes indicés j ; j = 1,…, m. Chaque sous-groupe est caractérisé par

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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un vecteur ordonné de revenu y (j) et par sa taille n j . L’axiome de monotonicité exige quelorsque la configuration de revenu change à l’intérieur d’un groupe pour donner un niveaude privation plus élevé, alors le niveau total de pauvreté doit augmenter lui aussi. L’indicequi traduit une telle propriété est tel que :

Foster et Shorrocks (1991) caractérisent une classe d’indice compatible avecla décomposition et en identifiant ses propriétés36. La “monotonicité par sous-groupes” (subgroup consistency), qui implique une dépendance de la pauvreté totale à celledes sous-groupes comme précisé dans ce papier, est désirée pour trois raisons :

i) Elle permet la coordination des stratégies locales de lutte contre la pauvretéii) Elle est analogue à la condition de monotonicité de Sen ;iii) Elle rime parfaitement avec la propriété de décomposition des mesures de

pauvretés.La décomposition s’avère un outil de grande aide pour la production des profils de

pauvreté. Par la suite, nous pouvons mener avec facilité une analyse désagrégée pargroupes homogènes. En effet, l’expression de la distribution de pauvreté globale suivantdes groupes socio-économiques (ou la localisation géographique par exemple) nécessitel’utilisation d’un indice décomposable. Ainsi, il sera plus aisé de formuler des mesuresciblées dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. A cet effet, il est possible d’écrire lapauvreté totale en fonction des mesures P j , calculées à l’intérieur des groupes, pondéréespar leurs effectifs (n j ).

L’utilité de la décomposition ne s’est pas restreinte aux indicateurs monétaires. Eneffet, les agrégats sociaux ont connu des tentatives de décomposition, comme nous auronsl’occasion de le voir dans le chapitre suivant.

Section 3 : Critiques36 Ils remarquent que la propriété de monotonicité par sous groupe est violée par beaucoup d’indices récemment proposés dans

la littérature. Pour cette raison ils offrent une méthode de transformation qui, moyennant une forte hypothèse de continuité, permetd’obtenir à partir de tout indice vérifiant la propriété de monotonicité un indice canonique admettant une forme additive spéciale. Enconclusion, tout indice de pauvreté monotone par sous- groupe est une transformation croissante d’un indice décomposable continu.

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Nombreuses sont les critiques qui ont été adressées à l’approche néoclassique du bien-être37. Ainsi, on reproche à l’utilitarisme d’ignorer la diversité des êtres humains et de leurscaractéristiques. L’être humain est perçu, à travers une vision très limitée, comme un centrede décisions qui reflètent ses préférences. Cependant, les préférences ne forment qu’unaspect de l’existence humaine. Broussolle (2005) revient sur les problèmes posés par ladérivation des préférences à partir du comportement observé : l’agent peut ne pas êtresincère, il peut être hésitant, ou mal percevoir - ou ne pas être apte à exprimer - quelles sontses véritables motivations. Tous ces problèmes tendent à affaiblir le recours aux préférencesrévélées par le comportement.

La critique de la thèse utilitariste admet un double aspect. Le premier, revient au fait quele bien-être n’est pas la seule valeur de jugement de la qualité de l’existence humaine. Ladeuxième, conteste la représentation du bien-être par l’utilité. Pour Sen “ Juger le bien-êtred’une personne à l’aune du bonheur ou de la satisfaction des désires comporte certaineslimitations évidentes ”. Ainsi, “prendre le bonheur comme unité de mesure, c’est donc risquerde déformer la gravité des privations d’une manière spécifique et assortie des préjugées”.La sensation du bonheur et de satisfaction diffère de manière substantielle d’une personneà un autre : une personne endurant la souffrance et la peine peut trouver bonheur dans despetits plaisirs, sans pour autant arriver à ‘se défaire’ de sa réalité.

L’ensemble des critiques peut être résumé en trois points essentiels 38 :

1. l’hypothèse de rationalité : Il faut dire que l’approche utilitariste “évite la formulationde jugements qui ne cadrent pas avec le comportement de l’individu”Ravallion(1995). Un comportement est qualifié de rationnel dans la mesure où il va dans lesens de la maximisation de l’utilité. On considère ainsi que les individus sont tousidentiques : même comportement, même fonction d’utilité. On reproche à l’utilitarismed’ignorer la diversité des êtres humains et de leurs caractéristiques. L’associationpréférences –rationalité est fréquente dans la nouvelle économie du bien-être. Elleignore toute motivation de choix sauf celle de maximisation du propre bien-être.Mais comme le note sans cesse Sen, il est difficile de croire qu’une personne nepeut “raisonnablement” valoriser autre chose que son intérêt personnel car cettehypothèse “ ne fait guère justice à l’étendue de la raison”Sen 2005, page 22.. Sendéfend une relation réciproque entre liberté et rationalité. Dans un sens, la liberté dechoisir entre différentes alternatives doit être évaluée de manière ‘raisonnée’. Dansun second sens, la rationalité des choix serait dépourvue de sens sans liberté et elledoit encore aussi prendre en considération les diverses motivations qui guident lesindividus dans leurs choix.

2. la négligence des relations inter- individuelles et des relations sociales : les choix d’unindividu ne sont pas seulement dictés par l’égoïsme. A ce niveau, les sentiments decompassion et d’engagementMais aussi les sentiments de jalousie, d’envie, etc. Sendéfinit la compassion comme le sentiment de souci du sort des autrui. Ce sentimentinflue directement le bien-être individuel. Par contre, le sentiment d’engagement, liéeà la morale apparaît lorsque l’individu est prêt à agir pour le bien-être d’autrui. jouentun rôle important. Les choix individuels, même s’ils restent rationnels, ne sont pluscompatibles avec le principe de maximisation du propre bien-être. L’argument de“ variabilité inter personnelle” stipule que les biens n’ont pas la même utilité pour tous

37 Rawls (1970), Sen (1984, 1985, 1987)38 Grusky et Kanbur (2004)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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les individus. Ainsi, le concept de bien-être, focalisé sur la consommation de biensnéglige la variabilité de conversion du bien en mode de vie.

3. Le revenu comme un moyen de ciblage. Le revenu ne constitue qu’un aspect dubien-être. Il convient donc d’introduire d’autres facteurs non monétaires qui sontimportants pour l’existence humaine. L’idée de limiter la différence des situationsindividuelles aux seules inégalités monétaires est de nature à affaiblir l’efficacité despolitiques de lutte contre la pauvreté. Les jugements aristotéliciens, sur lesquelsse sont fondés Sen et Nussbaum, insistent sur le fait que les biens ne sont pasvalorisés intrinsèquement mais en vertu de leur relation avec les actions humaines.Le développement consiste ainsi à offrir aux individus les meilleures conditionspossibles pour une vie épanouie.

De plus, l’approche utilitariste ne retient dans sa conception que des éléments quantifiables.De la sorte, elle exclut nombre de facteurs, contribuant à l’utilité, mais ne possédant pasle caractère mesurable.

Il s’agit en premier lieu des biens non marchands39. Les individus jouissent dansplusieurs cas de biens et services gratuits ou presque gratuits. Il est souvent difficile deprendre en compte ces biens dans la conception d’une fonction d’utilité. Logiquementl’accès à des soins de santé publique - quasi gratuit – contribue à augmenter la satisfactiondes bénéficiaires. Un système d’éducation publique reste toujours le bienvenu aux yeux dela population.

En second lieu, l’utilité fait aussi abstraction des déterminants du bien-être qui sontd’ordre non matériel. Le sentiment de liberté, la satisfaction d’accomplir de bonnes œuvres,le plaisir d’aider son prochain ou de participer à la vie sociale font partie des argumentsremettant en cause les hypothèses comportementales. L’égoïsme n’est plus la seulemotivation des choix. L’homogénéité des individus et des situations cède place à desconsidérations ayant trait à la compassion et à l’engagement. Dans ce contexte, les choixindividuels, même s’ils restent rationnels, ne sont plus compatibles avec le principe demaximisation du propre bien-être. Comme nous l’avons précisé en début du paragraphe,assimiler le bien-être à la seule utilité revient à donner une imager très limitée du bien-être.A cette constations s’ajoute l’ignorance de la liberté dans les prises de décisions et dansle choix des objectifs.

Reboud (2006) note aussi l’existence de préférences dégénérées, non prise en comptepar l’utilité. Ainsi, les préférences dispendieuses correspondent au cas où les ambitionssont trop élevées comparées aux moyens des individus. Les préférences perverses sontdues en revanche à la négligence des sentiments qui sont à l’origine des niveaux d’utilité.Les croyances erronées et les préférences adaptatives sont aussi un type de préférencesdégénérées ignorées par les hypothèses comportementales de l’utilitarisme.

Dans la lignée des critiques adressées à la théorie utilitariste, Rawls (1970) prône lasuprématie des libertés qui forment une priorité sur l’égalité des ressources.

“Rawls part de l’idée simple ; un système de règles équitables est un systèmeauquel les contractants pourrait adhérer sans savoir à l’avance quel bénéficepersonnel ils en retireront”. 40

39 Hentschel et Lanjouw (2000) présentent une méthode d’ajustement du revenu d’un ménage pour refléter la consommation deservices de base. Les ajustements impliquent l’identification d’un prix moyen- traduisant l’utilité marginale- pour convertir les quantitésconsommées en dépenses.40 Marc Saint- Upéry introduction de « l’économie est une science morale » de A.K. Sen (2003a)

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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La proposition de Rawls repose sur deux principes fondamentaux. Le premier se préoccupede garantir les libertés fondamentales pour tous. Le second principe se décompose en deuxparties. Les inégalités sociales et économiques ne sont tolérées que sous le respect dedeux principes : celui de différence et celui de l’égalité des chances41.

Dans sa théorie de justice, il liste « les biens sociaux primaires » comme droits etlibertés, pouvoirs et opportunités, revenu et richesse et estime de soi. Ces “biens” sontsupposés représenter tout ce qu’un individu rationnel désire réaliser indépendamment deson objectif dans la vie. Il est à noter que l’espace moral des “biens” n’est pas défini commeune fin ultime mais plutôt un moyen indispensable pour atteindre l’idéal de justice sociale.Le champ du bien-être s’élargit pour regrouper une liste de “biens premiers”. On note deuxtypes de “biens premiers” :

i. les biens naturels : revenus, ressources, santé…ii. les biens sociaux : droits, libertés, opportunités…Même si les travaux de Rawls contribuent à élargir la base informationnelle pour juger

de l’équité, pour Sen “cela ne résoudrait pas les problèmes d’inégalités parce que la diversitésociale et humaine détermine fortement (pour des raisons de classes, de genre, d’éducation,de conditions écologiques ou de déficiences physiques) ce que les individus sont capablesde faire de leurs biens premiers”42. Autrement dit, il existe une forte hétérogénéité dansl’usage des “biens premiers” ce qui contribue à affaiblir la portée des idées de Rawls. Noussommes alors devant la naissance d’une nouvelle notion à savoir celle de “Capability”.

ConclusionNous avons passé en revue au cours de ce chapitre l’approche de l’utilité qui privilégieune définition purement monétaire de la pauvreté. L’analyse de la pauvreté se construitessentiellement autour de deux étapes : l’identification et l’agrégation. Le but de ce chapitreétait de passer en revue la littérature s’intéressant à ces thèmes en mettant en avantles fondements théoriques et la conceptuels de cette approche : de l’appréhension de lapauvreté, aux différents problèmes qui peuvent surgir lors des étapes d’identification etd’agrégation.

L’étape d’identification occupe une place primordiale au centre de l’analyse, puisquele choix d’un indicateur de bien-être (indicateur monétaire : revenu ou dépenses deconsommation) va conditionner l’orientation à respecter. Les répercussions de ce choix seferont sentir dans la fixation du seuil de pauvreté (seuil relatif ou seuil absolu). En effet, lalittérature expose un débat riche entre les partisans d’un seuil relatif et ceux qui militent enfaveur d’un seuil absolu.

Les problèmes d’agrégation se résument dans la construction de mesures capables derefléter les informations individuelles. Il sera question de dériver des indices, à la fois facilesà estimer et maniables, de sorte à affiner l’analyse. A ce niveau, nous avons porté un intérêtparticulier la famille des indices FGT. Ces indices décomposables offrent ainsi la possibilitéde construire des profils détaillés de pauvreté selon les segmentations socioéconomiques,régionales, etc. Ceci permettra d’améliorer le ciblage de la population défavorisée.

41 Rawls attribue au principe de l’égalité des chances sur celui de différence : il faut donc s’attendre à ce que plus de chances serontattribué aux plus défavorisés.

42 Sen (2003a)

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Chapitre 2 : Analyse Quantitative de la pauvreté enFrance

Introduction :Les résultats officiels de la pauvreté en France en 2003, mettent en avant l’aggravation dela pauvreté monétaire en France après une tendance à la baise durant les années 2001et 2002. Le rapport de l’Observatoire Nationale De la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale–ONPES- (2005) note aussi la présence d’une catégorie de travailleurs pauvres, ce quimontre que l’emploi ne protège pas à lui tout seul de la pauvreté.

Dans ce chapitre, nous exploiterons les données issues du dispositif d’enquêtespermanentes sur les conditions de vie des ménages EPCV pour étudier la pauvretémonétaire en France, en 2002. Après avoir présenté les données utilisées (premièresection), nous calculons les principales mesures de pauvreté (section 2). Ensuite, nousessayerons de dresser un profil de la population pauvre selon les caractéristiques desménages (section 3).

A ce profil de la pauvreté, nous fournirons une analyse économétrique des déterminantsdu niveau de vie des ménages- pour explorer les facteurs qui influencent leur niveau derevenu (section 5). Dans la section 4, nous décrivant brièvement l’évolution de la pauvretédurant la période 1996-2002.

Section 1. Présentation des donnéesTout au long de ce travail, nous allons exploiter les informations de l’enquête Mai 2002 dudispositif d’Enquêtes Permanentes sur les Conditions de Vie des ménages EPCV, réalisépar l’INSEE de 1996 à 2003. L’unité statistique étant le ménage, nous disposons de 5739observations dont les principales caractéristiques sont reproduites dans les tableaux 1à 6.

Il est à noter que près du tiers des ménages sont composés de deux personnes dont85% sont formés de couples sans enfants. Les ménages composés de cinq personnes etplus ne représentent que 8.66 % de la population. Un autre point à souligner concernela proportion des familles monoparentales qui dépasse les 7 %. Le quart des ménagesde l’échantillon est localisé dans des communes rurales. Prés de 30 % des ménagesrésident dans des unités urbaines dont le nombre d’habitants dépasse les 100 000 habitants.L’agglomération de Paris abrite 15 % de la population de l’échantillon.

Pour trois quarts des ménages, la personne de référence est de sexe masculin, alorsque 38.19 % des personnes de référence sont âgés de 40 à 59 ans. D’après le tableau 1,18.57 % des personnes de référence ont atteint la dernière année des études primaires alorsque 7 % sont sans niveau d’instruction (1.53 %) ou ont arrêté leurs études avant ce niveau.Nous notons aussi que 30 % des chefs de ménage ont mené des études techniques ouprofessionnelles courtes (26 %) et long (4.75%). Pour les individus (personne de référence)menant des études au moment de l’enquête (2.2 % de l’échantillon), près de deux tiersd’entre eux sont âgés de moins de 25 ans et que plus que 88 % poursuivent des étudessupérieures (tableau 2).

Le tableau 1 montre aussi que près de deux tiers des ménages ont un revenu annuelqui va de 12 000 à 46 000 euros. Plus de 45 % des ménages perçoivent des “extra revenu”sous forme de placement financiers ainsi que des loyers et fermages (tableau 3). Un nombre

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important de ménages (plus que 42 %) bénéficie des aides sociales à titre de prestationsfamiliales et allocations de logement (31.5 %) et allocation chômage (9 %) (Tableau 4). Letableau 6 décrit la situation du chef de ménage sur le marché du travail. Un examen rapidede ce tableau permet de noter que plus que 31 % des personnes de référence sont desretraités et que 13.89 % ont connu une période de chômage au cours des douze derniersmois.

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Tableau 2 : Etude en cours selon niveauNiveau d'étude Effectif PourcentageEtudes primaires 2 1,591er cycle d'enseignement général 3 2,382ème cycle d'enseignement général 2 1,59Enseignement technique Ou professionnelcourt

3 2,38

Enseignement technique Ou professionnelLong

4 3,17

Enseignement Supérieur 112 88,89Total 126 100

Tableau 3 : Extra revenueffectif pourcentage

Dividendes, revenus des actifsfinanciers

1972 34,36

loyers, fermages 616 10,73

Tableau 4 : Aides Socialeseffectif pourcentage

RMI 132 2,3Allocation chômage 520 9,06Prestations familiales, allocations delogement

1808 31,5

Tableau 5 : Situation sur le marché du travaileffectif pourcentage

Catégorie SocioprofessionnelleAgriculteurs exploitants 118 2,06Artisans, commerçants, chefs d'entrepriseset professions libérales

303 5,28

Cadres supérieurs 673 11,73Professions intermédiaires 811 14,13Employés 750 13,07Ouvriers qualifiés 828 14,43Ouvriers non qualifiés 348 6,06Retraités 1797 31,31Autres inactifs 111 1,93Chômage (au cours des 12 derniers mois) 797 13,89

Section 2. Mesures de la pauvreté monétaire en 2002Au cours de ce paragraphe, nous tenterons de mener une analyse de la pauvreté monétaireen France pour l’année 2002. Toutefois, nous sommes confrontés à une limite nonnégligeable due à l’information statistique disponible. Les données fournies par les enquêtesEPCV ne permettent pas de déterminer de manière exacte le revenu du ménage : seuleune classification par catégorie de revenu est possible. L’enquête classe les ménages en 13

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catégories, selon leur revenu total. Ainsi, l’utilisation du revenu moyen de chaque catégoriepermet de reproduire de manière assez satisfaisante la différence de revenu entre lesménages.

Pour remédier à ce problème, nous utiliserons le revenu moyen de chaque catégorie.Ensuite, ce revenu du ménage est ajusté pour tenir compte de la taille du ménage. End’autres termes, nous calculons un revenu équivalent du ménage qui tient compte de laprésence d’enfant et d’adultes dans le ménage. Ainsi, nous attribuons – en s’inspirant del’échelle d’équivalence dite de l’OCDE43 et adopté par l’INSEE-un poids de 0.5 pour unadulte supplémentaire (âgé de plus de 15 ans) et 0.3 pour les enfants de moins de 15 ans.Nous avons classé les observations relatives aux individus n’ayant pas déclaré leur revenudans les catégories de revenu supérieures.

Un point fondamental de l’étude de la pauvreté monétaire consiste à déterminer le seuilde pauvreté. Il s’agit de spécifier un revenu par tête en dessous duquel un individu seraclassé comme pauvre. Nous avons calculé deux seuils relatifs établis à 50 % à 60 % durevenu médian44. Les principales caractéristiques de la distribution du revenu équivalent,ainsi que les seuils de pauvreté, sont reportées dans le tableau ci-dessous. Les valeurstrouvées sont très proches des valeurs données par l’INSEE pour l’année 2002. En effet leseuil de pauvreté établit par l’INSEE se situe autour de 625 euros/ mois pour une personneseule.

Tableau 6: Caractéristiques principales de la distribution derevenu équivalent

Annuel MensuelMoyenne 15497 1291Médiane 13500 1125

25 9000 75050 13500 1125

Centiles

75 20500 1708seuil à 50% de la médiane 6750 563seuil à 60% de la médiane 8100 675

Les calculs, menés à partir des données de l’enquête EPCV de mai 2002, montrent que10.98 %45 des ménages vivent en dessous du la ligne de pauvreté46.L’adoption d’un seuilà 60% du revenu médian aura pour effet de doubler la population vivant dans la pauvreté,le taux de pauvreté se situant autour de 19,25%. Ceci atteste que beaucoup de ménagesvivent avec un revenu légèrement supérieur au seuil de pauvreté. Le risque de se trouver

43 A l'encontre de l'échelle de l'OCDE, l'échelle d'Oxford attribue plus d'unités de consommation aux membres supplémentairesd'un ménage. En effet, cette échelle attribut un coefficient de 0.7 pour tout adulte supplémentaire et 0.5 pour un enfant. Les résultats,issus à partir de l'échelle d'Oxford, sont alors plus pessimistes concernant le niveau de vie des ménages par rapport aux personnesseules.

44 La norme traditionnellement utilisée en France est de 50 % du niveau de vie médian, tandis qu’elle est de 60 % pourl’ensemble de l’Union européenne. Nous avons retenu ici ces deux seuils.

45 Il s’agit de la proportion des ménages pauvres. La prise en compte de la pondération de chaque ménage ramène ce taux à11.27 %. Si nous calculons le taux de pauvreté en prenant comme unité statistique les individus le taux de pauvreté sera de 7,96%.Ce chiffre se rapproche plus des résultats officiels de la pauvreté monétaire en France.

46 Pour un seuil établi à 50% du revenu équivalent médian

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dans la catégorie des pauvres, reste alors très élevé. Si nous faisons référence au rapportde l’ONPES 2005- 2006, nous pouvons rapporter ce constat :

“L’examen du nombre de personnes pauvres selon les différents seuilsmontre que la pauvreté n’est pas un phénomène isolé dans la société, qui neconcernerait que les personnes en dessous du seuil. On voit au contraire qu’iln’existe pas de rupture entre les situations des pauvres et des « non-pauvres», mais bien un continuum de situations de personnes qui connaissent desdifficultés. Une variation relativement faible du seuil retenu (129 euros par mois)a donc pour conséquence un doublement du nombre de personnes considéréescomme pauvres. Cela illustre l’extrême sensibilité du taux de pauvreté au seuilretenu, mais également la grande précarité d’une large partie de la population,pour qui le moindre incident peut signifier un basculement dans une situation de

pauvreté”. 47

L’écart entre le niveau de vie des pauvres et le seuil de pauvreté, représenté par le coefficientde déficit de revenu, a été estimé à 26.9 %. C'est-à-dire, qu’en moyenne les pauvresdisposent d’un revenu se situant à 73.1% du seuil de pauvreté (à savoir 4936 euros paran48. L’écart de pauvreté est de 2.95 %.

Les mécanismes d’aides sociales jouent un rôle important dans la lutte contre lapauvreté. Ainsi, en 2000, les divers dispositifs d’allocations ont permis à 10 % de lapopulation de dépasser le seuil de pauvreté. En effet, le taux de pauvreté avant et aprèsprise en compte des aides sociales a chuté de 16 % à seulement 6%.49

Section 3. Profil de pauvreté.Un profil de pauvreté exprime la distribution de la pauvreté globale suivant des groupessocio-économiques. En d’autres termes, il s’agit de répartir la population pauvre en différentsgroupes sur la base de certains critères tels que le lieu de résidence, la catégoriesocioprofessionnelle du chef de ménage ou même la taille du ménage. La construction d’unprofil de pauvreté permet de faciliter la formulation des mesures ciblées dans le cadre dela lutte contre la pauvreté.

Dans ce cadre, nous proposons au cours de ce paragraphe de spécifier les groupesles plus défavorisés. La construction de groupes relativement homogènes va se baseressentiellement autour de trois ensembles de facteurs : d’abord, les caractéristiquesdu ménage (type, taille) ; ensuite, le lieu de résidence (région, milieu) et enfin lescaractéristiques personnelles de la personne de référence.

3.1 Caractéristiques démographiques du ménage.

47 Rapport ONPES (2006 ; pages 26, 27)48 Equivalent à 411 €/mois. D’après le rapport de l’ONPES en 2003, le revenu moyen des personnes situées sous le seuil de 50 %du revenu médian est de 533 euros par mois, soit 112 euros de moins que le seuil. Pour les personnes situées sous le seuil de 60 %, ilest de 618 euros (soit 156 euros de moins que le seuil). Pour le premier seuil ceci correspond à un déficit de revenu autour de 14.72%.

49 D’après Leroux (2004). Voir aussi le Rapport de l’ONPES 2005-2006 qui présente des résultats similaires sur les taux depauvreté avant et après transferts sociofiscaux.

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Il est à noter aussi que la taille des ménages constitue un autre facteur source de disparité. Acet effet, nous remarquons que l’incidence de la pauvreté augmente considérablement pourles ménages composés de plus que cinq personnes. Les résultats du tableau 7 montrentque les ménages de plus grande taille sont plus exposés à la privation. D’un côté, l’incidencede la pauvreté pour les ménages constitués de cinq personnes et plus a atteint 22.13 %.D’un autre côté, seulement 5.51 % des ménages de deux personnes sont identifiés commepauvre. Cette proportion augmente à environ 11 % pour les ménages de trois et quatrepersonnes et 13.15 % pour les ménages unitaires.

Selon le type du ménage (tableau 8), il apparaît que le taux de pauvreté est plus élevépour les personnes seules âgées de moins de trente ans (27.6%), les couples avec plus quetrois enfants (21.09 %) ainsi que les familles monoparentales (23.65 %). Pour les couplessans enfant le taux de pauvreté diminue jusqu’à 3.92 % pour les ménages dont la personnede référence est âgé de moins de 30 ans et arrive à 3.43 % pour les ménage dont lapersonne de référence appartient à la tranche d’âge 30- 59.

3.2 Caractéristiques de la personne de référence.Parmi les autres déterminants de la pauvreté, la catégorie socioprofessionnelle du chefde ménage joue un rôle très important. En réalité, la pauvreté touche en premier lieu lesménages dont le chef est un actif sans travail. En effet, le travail constitue l’actif principalà la disposition de beaucoup de famille. Pour les inactifs (hormis les retraités), le taux depauvreté enregistré est de 61.26 %.

D’autres catégories socioprofessionnelles semblent très touchées par la pauvreté50 :27.97 % des agriculteurs exploitants ; 17.47 % des employés et 16.84 % des ouvriers. La

50 L’existence d’une catégorie de travailleurs pauvres constitue un phénomène de plus en plus remarqués : “en France, commedans plusieurs pays de l’Union Européenne une catégorie de travailleurs pauvres est apparue dès la fin des années quatre- vingt- dix.De plus en plus de ces travailleurs pauvres sont salariés, qu’ils soient pendant l’année en emploi continu ou de façon intermittente.”Le

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pauvreté parmi la catégorie “des artisans, commerçants et chefs d’entreprises et professionslibérales” est non moins importante vue que le taux avoisine les 13.5 %. Pour le reste dela population le ratio de pauvreté ne dépasse pas 5 % pour les professions intermédiaireset 1.78% pour les cadres supérieurs (tableau 9). La situation est très différente aujourd’hui,par rapport à ce qu’elle était il y a 30 ans où les retraités étaient sur- représentés, alors quela pauvreté aujourd’hui frappe plus fortement les jeunes51.

La situation des ‘agriculteurs exploitants’ se dégrade essentiellement pour les famillesmonoparentales (66,67% de cette catégorie sont pauvres) ainsi que les ménages dontla personne de référence est âgée de plus de 60 ans (58,33 % disposent d’un revenuinférieur au seuil de pauvreté monétaire). Dans la même catégorie socioprofessionnelle,

rapport de l’ONPES (2006, page 11). Un travailleur pauvre est une personne active, durant au moins la moitié de l’année de référence,qui a occupé un emploi pour au moins un mois et qui vit dans un ménage identifié comme pauvre.

51 D’après le rapport de l’ONPES (2006) : “le visage de la pauvreté a considérablement changé depuis les années 1970 enFrance: initialement essentiellement composée de retraités, la population pauvre s’est progressivement concentrée parmi les plusjeunes générations” (page 31). Voir aussi Sandretto (2008).

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les couples sans enfants se trouvent dans une situation plus favorable vu que le tauxde pauvreté ne dépasse pas 5%. La même remarque s’applique pour les catégoriesd’employés et d’ouvriers. Selon la tranche d’âge du chef du ménage, nous remarquons queles personnes âgées de plus de 60 ans sont en moyenne plus pauvres et ce pour toutesles catégories socioprofessionnelles. Pour les employés, les personnes âgées de moins de30 ans connaissent un taux de pauvreté supérieur comparativement aux autres catégoriesd’âge.

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Les tableaux 12 et 13 confirment l’évidence selon laquelle le taux de privation diminueavec le niveau de l’instruction et le sexe de personne de référence. D’un côté, 36.36% despersonnes sans aucun niveau d’instruction vivent en dessous du seuil de pauvreté alors quecette proportion ne dépasse pas les 3.23 % pour les ménages dont la personne de référencea poursuivi des études d’enseignement supérieur ou des études techniques supérieurs.D’un autre côté, pour les ménages conduits par des femmes le taux de pauvreté est de 16% alors qu’il est seulement de 9.26 pour le ménage dont le chef est de sexe masculin.

Si nous considérons le sexe de la personne de référence, nous constatons que le tauxde pauvreté augmente de 9,26% pour les ménages dont le chef est de sexe masculin,à 16,01% pour ceux dont le chef est de sexe féminin. Ce constat devient d’autant plusinquiétant au regard de la proportion des ‘ménages féminins’ qui vivent sous le seuil de60% du revenu médian. Cette proportion arrive à 29,82% pour les ménages dirigés par desfemmes, alors qu’elle se situe à 15,64% pour les ménages dirigés par des hommes.

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“Cette disparité s’explique sans doute par le fait que les femmes sontmajoritaires parmi les familles monoparentales ou parmi les personnes âgées

n’ayant pas travaillé en permanence tout au long de leur vie active.” 52

Si nous explorons les caractéristiques des femmes chefs de ménages, nous remarquonsque les ménages dirigés par des femmes sont soit des ménages unitaires soit des famillesmonoparentales. Or ces deux catégories affichent des taux de pauvreté plus élevéscomparativement aux autres types de ménages. Toutefois, si nous considérons uniquementles personnes seules, les femmes sont moins exposées à la pauvreté monétaire. Ainsi,12,55% des femmes seules disposent d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté, alors quepour les hommes cette proportion arrive à 14,17%. Le taux de pauvreté, pour les ménagesunitaires diminue considérablement pour la catégorie d’âge 30-59 ans, et se situe à 9,32%pour les femmes et 12,41% pour les hommes. La tranche d’âge la plus touchée (âge de lapersonne de référence) est essentiellement la tranche de moins des 25 ans (tableau 15).

Pour les familles monoparentales, la mesure de pauvreté est de 24,93% pour lesménages dirigés par des femmes et 14% pour ceux dirigés pur des hommes. La différenceentre les taux féminins et masculins est très claire pour toutes les tranches d’âge et sembleplus prononcée pour les personnes âgées de moins 30 ans où le taux des ménagesmonoparentales pauvres et dirigés par une femme arrive à 60%. Pour les familles dont lapersonne de référence est à l’âgé de la trentaine, la mesure de la pauvreté est de 34,28%pour les femmes et 11,11% pour les hommes. Cependant, Il faut noter que 88,3% desfamilles monoparentales ont à leur tête une femme.

Selon les classes socioprofessionnelles, nous remarquons que l’incidence de lapauvreté pour les ménages ayant à leur tête une femme est plus élevée que celleenregistrée pour les ménages dirigés par des hommes. La différence entre les taux fémininset masculins s’accentue pour la catégorie d’agriculteurs exploitants, celle des professionslibérales ainsi que pour les employés (Tableau 14). A titre d’exemple, le taux de pauvretépour les ménages dont la personne de référence est une femme agriculteur est de 53,33%.Par contre, pour les ménages masculins de même catégorie Socioprofessionnelle, lapauvreté est de 24,27%.

La catégorie socioprofessionnelle de la personne de référence du ménage peut aussiexpliquer la différence entre les taux de pauvreté féminins et masculins. D’abord, les femmeschefs de ménages sont plus représentées dans les catégories de retraités, d’employés etd’inactifs.

52 R. Sandretto (2008).

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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3.3 Lieu de résidence.Le lieu de résidence semble être un important déterminant de la pauvreté. L’examen destaux de pauvreté est en faveur d’un différentiel de pauvreté - non négligeable- entre lesdifférentes régions du pays d’une autre part.

Un regard sur la population pauvre et du taux de pauvreté par région met en évidence ladivergence des taux régionaux (tableau 16). On remarque que le taux de pauvreté dans lesrégions Nord, méditerranée, Sud Ouest et celle de la Méditerranée est nettement supérieurà la moyenne nationale. L’incidence de la pauvreté est à son maximum dans la région duNord (16.46 %). Ce taux est proche de 14 % dans la région Sud Ouest alors qu’il est de 12.61% dans la région Méditerranée. Par contre, seulement 7.58 % de la population localiséedans la région parisienne vivent en dessous du seuil de pauvreté.53

53 “Pour en venir au phénomène principal, notons que le PIB par tête s’élève en Île-de-France en 1996 à 152 % de la moyennenationale. La part de l’Île de- France dans le PIB était ainsi de 28,4 % en 1998 alors que son poids dans la population n’était que de

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Le type des activités professionnelles exercées et dominant dans une région peut êtreun facteur explicatif de ce différentiel. Ainsi, dans la région la moins pauvre, à savoir larégion parisienne, 24% des personnes de référence occupent le statut de cadre supérieur54.Cette proportion arrive à 12% dans la région Est et Centre Est. Par contre, la proportiondes cadres dans la population des chefs de ménages de la région ne dépasse pas les 10%dans le Sud Ouest, 8% dans la Méditerranée et 7% dans la région Nord. La région Nord sedistingue aussi par un pourcentage élevé d’employés et d’ouvriers (41% des personnes deréférence de la région) dont respectivement 26.98% et 28.57% d’entre eux disposent d’unrevenu inférieur au seuil de pauvreté. Les retraités de cette région sont aussi plus exposés

18,7 %, toutes les autres ZEAT (zone d’études et d’aménagement du territoire) ayant un poids dans le PIB inférieur à leur poids dansla population”. Gérard-Varet et Mougeot (2001, Page 63).

54 A ce niveau Royer (2001) précise que : “L’Île-de-France continue à concentrer les créations d’emplois de cadres supérieurs,mais est devenue déficitaire dans toutes les autres catégories, même les professions intermédiaires. Au contraire, l’Ouest et le Sud-Ouest ne perdent guère d’ouvriers et se renforcent considérablement en employés” (Page 165). Ceci est confirmé par Gérard-Varet etMougeot (2001) : “(…) au niveau des qualifications, l’Île-de-France concentre une part importante des créations d’emplois de cadressupérieurs (un tiers du total). En revanche, l’emploi dans toutes les autres catégories recule dans cette région.” (page 65).

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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à la pauvreté monétaire comparativement aux autres régions. En effet, 11.93% des retraitésde la région Nord sont identifiés comme pauvres. La situation des employés se dégradeaussi dans les régions Sud ouest, Ouest et la méditerranée. Les employés du Centre Estsemblent être en meilleure situation. De même, seulement 8.33% des ouvriers de l’Est sontpauvres.

L’examen des taux de pauvreté selon la commune de résidence ne permet pas dedétecter de différence notable « rurale- urbain » de la pauvreté monétaire en France (tableau18). En effet, le taux de pauvreté de revenu semble très proche selon la taille de la communede résidence. Ainsi, alors que 11.41 % des habitants ruraux sont classifiés comme pauvre,ce taux arrive à 11.88 % dans les unités urbaines dont le nombre d’habitant est supérieurà 100 milles. Une exception concerne l’unité urbaine de Paris où le taux de pauvreté estseulement de 8 %.

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Section 4. Evolution de la pauvreté de 1996 à 2002Avant d’aborder l’évolution de la pauvreté en France de 1996 à 2002 –a partir des donnéesdisponibles pour la période- des commentaires sur la distribution du revenu équivalent desménages s’imposent (tableau 19)55. D’abord, nous constatons une augmentation annuelledu revenu moyen de la population qui est passé de 13 888 euros/an à 15 500 euros environ.L’augmentation la plus significative a été réalisée de 1998 à 1999 ainsi qu’entre les années2000, 2001 et 2002.

Ensuite, pour le revenu médian, nous notons une stabilisation entre 1996 et 1997, unelégère augmentation en 1998 avant qu’il n’atteigne 12 500 euros/mois en 1999 et 2000 etgrimper à 13 500 en 2001 et 2002. L’augmentation du revenu équivalent médian, du fait del’adoption d’un seuil relatif, a entraîné un mouvement de hausse des seuils de pauvreté.Le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian est passé de 5 500 euros en 1996 à 6 750euros/an en 2002.

Enfin, une remarque très importante concerne la distribution du revenu équivalent etqui fait référence à l’évolution du revenu du premier quartile de la population. En effet,nous notons que ce revenu augmente moins rapidement que le revenu médian. En d’autrestermes, le niveau de vie des ménages localisés dans la partie inférieure de la distributions’est détérioré par rapport au niveau de vie moyen qui prévaut dans la société. Par contre,le revenu des plus riches a augmenté de manière très notable à partir de l’année 2001. Cecipermet de dire que le niveau d’inégalité a augmenté durant cette période.

55 Sandretto (1994) présente un aperçu global des changements intervenus en France dans la répartition des revenus depuis lesannées 1960.

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La conséquence immédiate de cette évolution consiste à l’augmentation des taux depauvreté depuis 1996. Ainsi, la proportion des ménages disposant d’un revenu inférieur àla ligne de pauvreté a sensiblement augmenté notamment durant les années 1999 et 2000.

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Section 5. Analyse économétrique : déterminants du niveau de viedes ménages

5.1 Le modèle logit OrdonnéLes modèles de probabilités -et notamment les modèles logit multinomial – peuvent être degrande utilité dans la détermination de la probabilité qu’un ménage soit localisé dans unestrate donnée de la distribution du revenu, selon leurs caractéristiques spécifiques. Nousprésentons ici théoriquement, de façon brève, la construction de ces modèles.

Nous considérons la variable Y i =0, ,4 qui désigne le quartile de revenu auquel

appartient le ménage i. Y i prend la valeur 0 pour les ménages pauvres56. Il existe unevariable latente Y* i (transformée de Y i ) qui se décompose en éléments déterministeset aléatoire. Nous notons X i le vecteur des variables indépendantes qui résument lescaractéristiques des ménages et β j le vecteur des paramètres associés. Le modèle prendla forme :

56 Le revenu que nous utiliserons ici est le revenu par unité de consommation.

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Ce qui permet d’avoir :

Le choix d’une distribution normale conduit à un modèle probit ordonné, alors qu’enchoisissant une distribution logistique nous serons amenés à considérer un modèle logitordonné. Nous privilégions dans ce qui suit cette dernière spécification. L’estimation de cemodèle est réalisée par la méthode de maximum de vraisemblance.

L’expression des effets marginaux ne permet pas d’interpréter directement lesparamètres du modèle. Ainsi, un paramètre estimé, de signe positif, indique, toute choseétant égales par ailleurs, qu’une augmentation de la variable explicative associée setraduit par une réduction de l’événement et par une augmentation de la probabilité d’êtrelocaliser dans le dernier quartile. Pour les catégories intermédiaires le signe des paramètresn’apporte pas d’informations qualitatives suffisantes pour l’interprétation.

5.2 Résultats et interprétationsDans ce paragraphe nous exploitons les données issues du dispositif EPCV et plusprécisément les données relatives à mai 2002. Nous rappelons que cette enquête de mai2002 est réalisée auprès de 5739 ménages répartis sur toute la France métropolitaine. Les

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caractéristiques de ces ménages ont été présentées dans le premier paragraphe de cettesection.

Les résultats de l’estimation du modèle logit multinomiale reproduisent la probabilitéd’appartenir à un quartile de revenu donné par rapport à certaines variables indépendantesretenues. Avant d’évoquer les variables retenues, il est utile de noter que nous avons choiside regrouper les pauvres dans la première catégorie.

Ainsi :

Les variables explicatives retenues rendent compte de i) le taille du ménage ii) letype du ménage : couple avec/sans enfant, familles monoparentales iii) caractéristiquesde personne de référence : âge et sexe, l’état civil, le niveau d’instruction, la catégoriesocioprofessionnelle v) la région de résidence.

Tout d’abord, les résultats du tableau 20 montrent que la taille du ménage a un effetnégatif sur la probabilité d’être localisé dans la partie supérieure de la distribution. En effet,le coefficient relatif à la variable taille du ménage est négatif. Alors que l’effet marginal de lapremière classe (pauvres) est positif, cet effet est négatif pour la dernière classe (riches). End’autres termes, l’augmentation de la taille du ménage entraîne un risque d’appartenanceà une catégorie inférieure de revenu par unité de consommation.

Pour le type du ménage, nous notons que comparativement aux ménages unitaires,les autres types de ménages ont, plus de chance d’échapper à la pauvreté, même sile coefficient attribué aux familles monoparentales n’est pas important. Ceci confirme lesrésultats que nous avons déjà présentés et qui montrent que les personnes seules et lesfamilles monoparentales sont plus exposées à la pauvreté monétaire comparativementautres types de ménages.

Ensuite, il apparaît que les caractéristiques du chef du ménage influence la probabilitéd’être pauvre. En premier lieu, la relation probabilité d’être non pauvre - âge prend laforme de U inversé qui atteint son maximum à la cinquantaine. La pauvreté touche doncde manière plus sévère les personnes jeunes. Les résultats officiels vont dans la mêmedirection. Ainsi, le rapport de l’ONPES 2005-2006 précise que :

“La population pauvre est plus jeune que la population totale : les moins de 25ans sont surreprésentés parmi les individus considérés comme pauvres par

rapport à leur place dans la population française dans son ensemble” 57 .

En second lieu, le sexe de la personne de référence influence le niveau de vie des ménages.Les ménages ayant à leur tête des femmes auraient moins de chance d’être localisés dans

57 Rapport ONPES (2006, page 30)

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la partie supérieure de la distribution du revenu. L’effet marginal de la première partie dela distribution est aussi positif ce qui augmente la probabilité d’appartenir à la classe despauvres. A ce niveau, il faut retenir deux points essentiels :

i. Les femmes chefs de ménages sont majoritairement présentes dans les groupes lesplus touchés par la pauvreté : les familles monoparentales et les personnes âgées et vivantseules.

ii. A des conditions familiales et professionnelles égales, la situation des femmes n’estpas très différente de celle des hommes.

Pour le rapport ONPES la différence homme- femme est un phénomène ‘relativementstructurel’ :

“La plus grande pauvreté des femmes ne se vérifie toutefois pas à situationfamiliale ou professionnelle donnée. Elle s’explique donc essentiellement par uneffet de structure, les femmes étant largement majoritaires parmi les chefs defamille monoparentale, ou les personnes âgées vivant seules et n’ayant jamaistravaillé. D’autres éléments, liés à la situation des femmes sur le marché dutravail, permettent d’expliquer cet écart : écarts persistants de salaire avec leshommes, prépondérance des femmes (80 %) parmi les travailleurs à bas salaire” 58 .

58 Rapport ONPES (2006, page 30)

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Tableau 201: Régression logit ordonné des déterminants du niveau de vie desménages en France (2002).

Effets marginauxVariables Coefficient t-student Pauvres Riches

Taille du ménage -0,671* (-16,23) 0,038 * -0,102 *Type du ménage (1)Couple sans enfant 1,764* (16,35) -0,078 * 0,327 *Couple avec enfant 1,933* (12,81) -0,094 * 0,344 *Familles monoparentales 0,353* (2,84) -0,0177 * 0,0585 *Autres 1,220* (5,39) -0,043 * 0,248 *Caractéristique de la P.RAge de 30 à 39 ans 0,666* (6,38) -0,032 * 0,114 *de 40 à 49 ans 0,922* (8,51) -0,042 * 0,164 *de 50 à 59 ans 1,142* (10,46) -0,049 * 0,210 *de 60 à 69 ans 0,475* (3,08) -0,023 * 0,0798 *de 70 à 79 ans 0,300** (1,82) -0,015 * 0,0487 **80 ans et plus 0,468* (2,57) -0,022 * 0,0807 *Femme -0,343* (-3,79) 0,021 * -0,049 *État matrimonial (2)Divorcé 0,673* (6,2) -0,0314 * 0,117 *Veuf 0,282* (2,9) -0,015 * 0,0458 *Niveau d'instruction (3)2ème cycle d'enseignement général 1,188* (12,63) -0,046 * 0,232 *Enseig, tech. Ou professionnel. court 0,882* (12,93) -0,043 * 0,151 *Enseig, tech. Ou professionnel. Long 1,439* (11,78) -0,049 * 0,298 *Enseig. Supérieur 1,876* (21,31) -0,074 * 0,366 *Catégorie Socioprofessionnelle (4)Artisans, commerçants, chefsd'entreprises et professions libérales

1,015* (4,79) -0,04 * 0,196 *

Cadres supérieurs 2,247* (11,02) -0,069 * 0,475 *Professions intermédiaires 1,274* (6,62) -0,051 * 0,245 *Employés 0,534* (2,76) -0,0259 * 0,091 *Ouvriers (y compris les ouvriersagricoles)

0,545* (2,91) -0,027 * 0,091 *

Retraités 1,208* (5,81) -0,059 * 0,208 *Autres inactifs -0,622 (-2,22) 0,046 ** -0,077 *Région (5)Région parisienne 0,908 (8,03) -0,0409 * 0,163 *Bassin parisien 0,122 (1,12) -0,007 0,019 Est 0,445* (3,63) -0,022 * 0,075 *Ouest 0,116 (1,03) -0,0064 0,0181 Sud-ouest -0,041 (-0,35) 0,0024 -0,006 Centre- est 0,331* (2,8) -0,017 * 0,0543 *Méditerranée 0,119 (1,02) -0,006554 0,0185 Nombre d'observation = 5739 LR chi2 = 2752,7 Pseudo R² = 0,1462 LogVraisemblance = -7627,87(1) base personne seule (2) base célibataires et mariés (3) base sans instruction,études primaires et niveau inférieur au premier cycle d'enseignement générale (4)base agriculteurs exploitants (5) base région Nord

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Nous remarquons aussi que les célibataires et les mariés affichent un risque depauvreté moins élevé comparé aux ménages dont la personne de référence est veuve oudivorcée.

Le niveau d’instruction du chef de ménage joue un rôle important dans la situationde pauvreté, puisque les ménages conduits par une personne, dont le niveau d’éducationest inférieur au premier cycle de l’enseignement général, ont un risque de pauvreté plusimportant que les autres ménages. L’effet marginal d’appartenir au quartile des riches estle plus élevé pour les ménages ayant à leur tête une personne de niveau d’instructionsupérieur.

Le tableau A1 montre également que les ménages ayant à leur tête un agriculteurexploitant (ou inactif) ont relativement plus de risque de résider dans le segment despauvres. Pour les autres catégories, un regard sur les effets marginaux permet de constaterque ces catégories ont, comparativement aux agriculteurs exploitants, plus de chance dese localiser dans le quartile des riches. Cet effet est d’autant plus important pour les cadressupérieurs, les professions intermédiaires et les retraités.

Pour la région de résidence, nous avons choisi comme région de base celle du Norddans la mesure oùle taux de pauvreté dans cette région est le plus élevé. Les résultats dela régression sont de nature à confirmer les calculs établis. Les ménages résidants dans lesrégions : Est et la région parisienne, ont plus de chance d’échapper à la pauvreté et aussid’être localisé dans le quartile le plus riche. Par contre, les paramètres attribués à la régiondu sud ouest montrent que cette région est plus touchée par la privation.

5.3 Analyse de sensibilité :L’analyse de sensibilité tente de déterminer l’importance et le poids des incertitudes desvariables explicatives sur la variabilité de la composante expliquée. En d’autres termes,nous cherchons à appréhender l’effet des changements des caractéristiques des ménagessur la distribution de revenu. Elle reproduit, suivant chaque caractéristique, les probabilitésprédites pour les ménages d’être localisé dans un segment de la distribution, toutes chosesétant égales par ailleurs.

Le tableau 21 affiche les résultats trouvés. Cette méthodologie est très intéressante,dans le sens où elle permet d’identifier les facteurs susceptibles d’améliorer la situation desménages et ainsi formuler les actions nécessaires pour aider les plus démunis.

L’effet de l’éducation sur le niveau de vie est très net. Les ménages dont la personnede référence est sans instruction ont une chance, deux fois plus importante, d’être dansla catégorie des pauvres (23.43%), par rapport au quartile de niveau de vie le plus élevée(9.22%). L’accès au niveau d’étude primaire, réduit la probabilité d’être pauvre, mais ellereste nettement plus élevée par rapport au dernier quartile. Cette probabilité diminueconsidérablement pour les ménages dont la personne de référence a poursuivi des étudesuniversitaires. Ainsi, la probabilité prédite d’être pauvre pour cette catégorie des ménagesest de 2.21%, alors que la probabilité de localisation dans le segment des plus richesatteint 53.5%. L’accès au second cycle d’enseignement général ainsi qu’à l’enseignementtechnique long contribue aussi à réduire la probabilité de pauvreté.

La prise en compte des facteurs démographiques confirme les commentairesprécédents concernant les effets marginaux de la régression logit.

En premier lieu, les ménages dirigés par une personne âgée de moins de 25 ans ontaffichent la probabilité d32%. Par contre, les personnes à l’âge de la cinquantaine ont la

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probabilité de pauvreté la plus faible (0.07). Les ménages dirigés par ces personnes ontaussi plus de chance d’être dans le quartile le plus haut de la distribution du niveau devie (0.36). Les autres tranches d’âge enregistrent des probabilités de valeurs très proches,à l’exception des tranches supérieures à 70 ans où la probabilité de localisation dans lesegment des riches subit une nette diminution (autour des 0.17 alors qu’elle est se situeautour de 0.22 à 0.25 pour les autres catégories).

En second lieu, La composition du ménage joue aussi un rôle important dans ladétermination du niveau de vie des ménages. Les résultats enseignent que les probabilitésprédites de pauvreté sont au maximum pour les familles monoparentales. Pour cesménages, la probabilité de pauvreté (0.22) est presque deux fois plus élevée que laprobabilité de localisation dans le dernier quartile (0.13). Les personnes seules sont dansune situation légèrement semblable au cas des familles monoparentales comme le prouvela comparaison de la probabilité d’appartenir au premier quartile de la distribution (30.34%)à la probabilité d’appartenir au dernier quartile (18.18%). Une situation inverse prévaut pourles couples sans enfants.

En troisième lieu, si nous considérons la dimension du ménage, il apparaît alors quela probabilité prédites de pauvreté suit une allure croissante et ce partir d’un nombre depersonne égal à deux. En effet, cette probabilité est de 13.84% pour les personnes seules.Elle passe à pour les ménages composés de deux personnes pour atteindre 43.4% pourles ménages de sept personnes. La tendance s’inverse pour le dernier quartile.

En dernier lieu, les ménages dirigés par des hommes ont plus de chance d’échapperà la pauvreté que ceux dont la personne de référence est une femme. Les probabilitésprédites sont respectivement de 9.14% et 16.67% pour les hommes et pour les femmes.Les probabilités d’avoir un niveau de vie aisé sont aussi plus élevées pour les ménages“masculins”.

Les probabilités prédites de localisation sur la distribution du niveau de vie selon lacatégorie socio- professionnelle du chef du ménage sont concordants avec les résultats desestimations. Ainsi, la probabilité de pauvreté est la plus élevée pour la classe des inactifs.Pour les agriculteurs exploitants, la probabilité de localisation dans la partie pauvre de lapopulation est deux fois plus élevée que celle de la localisation dans la partie supérieure(riches). En effet, la probabilité varie respectivement de 0.21 à 0.91. De même, les ménagesayant à leur tête un ouvrier ou un employé ont plus de “chance” d’appartenir au segmentdes pauvres (16.94% et 15.85% respectivement) que d’être dans le quartile des plus riches(12.21% et 13.41% respectivement). La situation des ménages conduits par une personnede ces catégories reste très vulnérable vue que la probabilité d’appartenir au premier quartile(tout en étant non pauvre) reste très élevé. A titre d’exemple cette probabilité est estiméeà 21.61% pour les agriculteurs.

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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Les probabilités prédites de pauvreté diminuent de moitié pour les professions libéraleset les retraités (7.78% et 8.56% respectivement) par rapport aux catégories d’ouvriers etd’employés. La diminution est d’autant plus nette si nous considérons les ménagés dirigés

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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par un cadre intermédiaire ou supérieur. De cette manière, pour les cadres supérieursla probabilité prédite de pauvreté (0.012) apparaît marginale comparée à la probabilitéd’appartenir au dernier quartile (0.65).

La dimension spatiale de la pauvreté en France est aussi confirmée avec les résultatsde l’analyse de sensibilité que nous menons ici. A ce niveau, nous pouvons dégagerdeux remarques importantes. La première concerne la région où la pauvreté est la “plusprobable”. Un examen des probabilités prédites de pauvreté permet de noter qu’un ménagelocalisé dans la région du Nord est plus exposé au risque de pauvreté par rapportaux ménages des autres régions. La deuxième remarque est inhérente aux probabilitéscalculées pour la région parisienne. Nous notons que les ménages de cette région ont unechance élevée de se trouver dans la partie supérieure de la population. Les probabilitésprédites de pauvreté et de “richesse” dans la région parisienne sont respectivement égalesà 0.062 et 0.408. La région de l’Est se distingue également par un même schéma delocalisation sur la distribution du niveau de vie.

Le schéma global des risques de pauvreté courus par les ménages, selon lescaractéristiques socio-économiques permet d’éclaircir les pouvoirs publics concernant lesmesures adéquates pour combattre la pauvreté monétaire. A cet égard, les résultatssuggèrent concentrer les efforts sur certaines tranches de la population : les famillesmonoparentales et notamment dont la personne de référence est de sexe féminin, à titred’exemple. Il s’agit aussi de fournir des opportunités réelles d’emploi pour les inactifs, touten améliorant les ressources de certaines catégories professionnelles.

ConclusionL’application de l’approche quantitative de la pauvreté sur des données françaises, fourniespar le dispositif d’enquêtes EPCV nous a permis de tirer quelques conclusions concernantla pauvreté en France et son évolution durant la période 1996 – 2003.

Les résultats les plus importants indiquent que, en 2002, 10.98% des ménages viventsous le seuil de pauvreté. Ce seuil a été calculé de manière relative et a été fixé à 50% durevenu médian. En considérant un seuil égal à 60% du revenu médian, nous remarquonsun doublement du nombre des ménages pauvres. Cette observation atteste de la grandevulnérabilité, d’une grande partie de la population. L’évolution durant la période considéréemontre une hausse du taux de pauvreté monétaire depuis l’année 1996.

Pour l’année 2002, la pauvreté touche en premier lieu les familles monoparentales, lesménages dont la personne de référence est de sexe féminin, les personnes seules âgéesde moins de trente ans, ainsi que les ménages dirigés par un agriculteur exploitant. Leniveau d’instruction influence aussi le niveau de pauvreté. Selon la localisation du ménage,il apparaît que la pauvreté est plus élevée dans les régions : Nord, la Méditerranée et celledu Sud-ouest.

Les conclusions précédentes sont renforcées par l’analyse économétrique desdéterminants des conditions de vie des ménages. Le but de cette analyse était d’explorerles facteurs influençant le plus la position des ménages sur la distribution du revenu.L’exercice de sensibilité nous a permis de simuler les probabilités relatives pour les ménagesd’appartenir à un segment de la distribution du niveau de vie selon les caractéristiquesdémographiques et socio-économiques.

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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Annexes A

Chapitre 3 : Bonheur, Bien-être Subjectif et Pauvreté.

IntroductionLe concept de “bonheur” a attiré durant ces dernières décennies un intérêt croissantdans le cadre de la théorie économique. Ainsi, les travaux menés, sous l’impulsion despsychologistes tels Diener et Kahneman, ont abouti à la construction des mesures dubonheur ainsi qu’à l’identification de ses déterminants. Ces travaux supportent l’idéeselon laquelle le bien-être subjectif constitue un concept plus large que la notion d’utilité

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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traditionnelle59. Peu d’économistes ont tenté d’approcher ce sujet. Les rares contributionssont celles d'Easterlin (1974), Oswald (1997). Nous pouvons aussi citer les travaux de Ng(1997), qui traite la mesurabilité, ou celui de Kahneman et al. (1999) qui souligne l’intérêtde l’expérience dans l’utilité60.

L’application de l’économie du bonheur a touché des sujets divers, allant de ladiscrimination salariale à l’analyse des coûts- bénéfices dans le cas des biens publics.L’objectif premier commun à toutes ces études consiste à explorer les facteurs déterminantsde la satisfaction de la vie. La généralisation des méthodes d’investigation participatives apermis d’élargir le champ d’application de l’analyse de la pauvreté. Non seulement il estpossible d’étudier la pauvreté directement selon les évaluations propres des individus, maisil est aussi possible de dériver des lignes de pauvreté à partir de ces données61.

L’objectif de ce chapitre est double. Dans un premier temps, nous allons dériver uneligne de pauvreté à partir des données subjectives. Dans un second temps, nous nouspenchons sur l’identification des déterminants microéconomiques du bien-être financiersubjectif en nous basant sur des données françaises fournies par le dispositif d’EnquêtesPermanentes sur les Conditions de Vie des ménages (EPCV) réalisé par l’INSEE de 1996à 2003. La France est un pays riche, mais comme le note Leroux (2004), la pauvreté y esttoujours présente. Le contraste entre richesse et pauvreté a débouché sur de nouvellesformes de privations. L’exploration de la pauvreté d’un point de vue monétaire ne peut rendrecompte de la complexité du phénomène.

Notre ambition consiste à explorer l’influence du revenu ainsi que certains autresfacteurs socio-économiques sur la satisfaction financière. Nous introduisons aussil’évolution et l’anticipation des individus sur leur niveau de vie. Après avoir présenté l’utilitéde l’économie du bonheur pour étudier le bien-être subjectif et la pauvreté, nous avanceronsle travail empirique basé sur la construction des lignes de pauvreté subjective selon lemodèle de Ferrer-I-carbonell et Van Praag (2001) et l’identification des déterminants de lasatisfaction.

Section 1 : L’économie du bonheur : une nouvelle orientation ?La théorie économique standard se base sur les choix et les décisions observables pourinférer les utilités individuelles. Les individus sont considérés comme étant en mesure deprendre les décisions conformément à ce qui est le mieux pour eux. Dans cette optique,il devient non indispensable de connaître le but du comportement humain. Il suffit doncd’observer les choix individuels pour tracer les préférences. Cette position traditionnelles’efforce de rejeter les informations subjectives, jugées non scientifiques à cause de leurcaractère non observable. En réponse à ce point, plusieurs études tendent à montrer larobustesse, la crédibilité et la validité des mesures subjectives.62

59 Frey et Stutzer (2000)60 Kahneman (2000) note la différence entre la notion d’utilité d’expérience et celle de décision : “The concept of utility has carried twodifferent meanings in its long history. As Bentham (1789) used it, utility refers to the experiences of pleasure and pain, the “sovereignmasters” that “point out what we ought to do, as well as determine what we shall do.” In modern decision research, however, theutility of outcomes refers to their weight in decisions: utility is inferred from observed choices and is in turn used to explain choices. Todistinguish the two notions I refer to Bentham’s concept as experienced utility and to the modern usage as decision utility.”

61 Voir par exemple Pradhan et Ravallion (2000) ou Ferrer-I- Carbonell et Van Praag (2001).62 Voir par exemple Fernandez-Dols et Ruiz-Belda, 1995 ; Sandvik, Diener et Seidlitz, 1993…

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D’un autre côté, les hypothèses comportementales de rationalité et d’égoïsme,hypothèses fondamentales de la théorie dominante, suggèrent que le seul objectif del’individu consiste à maximiser son propre intérêt matériel. Ces hypothèses ont été fortementcritiquées, dans la mesure où certains biens “non objectifs” influencent les décisionsindividuelles ainsi que le bien-être : il s’agit des biens émotionnels et des relations affectivesà titre d’exemple.

Le bonheur, cette fin que tout être humain cherche à atteindre, revient au centre del’intérêt comme un concept plus large que celui de l’utilité “décisionnelle” :

“However, happiness is a much broader concept than decision utility; it’sincludes experience as well as procedural utility. It may be argued that happinessis the fundamental goal of people, because to be happy is a goal in itself.”63

Partant de cette conviction, que le bonheur est l’objectif ultime – sinon unique de la vie, ildevient nécessaire d’investir dans l’effort de construction de mesures de bien-être subjectifcapables de refléter la satisfaction de la vie. Les économistes modernes apparaissent trèshostiles à l’utilisation des mesures subjectives ainsi qu’à l’application des utilités cardinales.Toutefois, le recours aux seuls éléments objectifs paraît de loin suffisant pour traiter certainsproblèmes économiques.64

Outre cette valeur intrinsèque, Frey et Stutzer (2002) énumèrent trois raisons majeuresen faveur d’un plus grand intérêt envers cette notion :

1. Politique économique : à partir de données subjectives, il est possible de mener unarbitrage entre chômage et inflation.

2. Effets des conditions institutionnelles : en explorant l’effet de la qualité degouvernance sur le bien-être individuel.

3. Comprendre la formation du bien-être subjectif : en identifiant ses déterminants.

63 Frey et Stutzer 200064 Kahneman et Krueger (2006) explique la domination des données objectives : “For good reasons, economists have had a long-standing preference for studying peoples’ revealed preferences; that is, looking at individuals’ actual choices and decisions ratherthan their stated intentions or subjective reports of likes and dislikes.” Toutefois ils notent que ce chois n’est pas tout à fait judicieux: “Yet people often make choices that bear a mixed relationship to their own happiness. A large literature from behavioral economicsand psychology finds that people often make inconsistent choices, fail to learn from experience, exhibit reluctance to trade, base theirown satisfaction on how their situation compares with the satisfaction of others and depart from the standard model of the rationaleconomic agent in other ways.” Pour cette raison le recours à des données de type subjectif présente une alternative intéressante pourétudier les questions de bien-être : “Direct reports of subjective well-being may have a useful role in the measurement of consumerpreferences and social welfare, if they can be done in a credible way.”

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Section 2 : Bien-être Subjectif et étude de la pauvretéPour définir le bien-être subjectif, nous faisons référence à Diener (2006) :

“Subjective Well-being refers all the various types of evaluations, both positiveand negative, that people make of their lives. It includes reflective cognitiveevaluations, such as life satisfaction, interest and engagement, and affectivereactions to life, such as joy and sadness.”

L’adoption d’une approche subjective permet de construire une image plus complète dubien-être. D’un côté, le bien-être subjectif dépasse la seule information apportée par leconcept traditionnel d’utilité (decision utility) en incorporant celle relative à l’expérience(experienced utility).65 En effet, en évaluant son niveau de satisfaction, tout individu prenden considération un certain nombre de facteurs relatifs à ses expériences passées et sesattentes futures. Il prend en compte aussi sa position sociale. D’un autre côté, en se basantsur des informations subjectives, nous sommes en mesure de capturer de manière directele bien-être et former ainsi la base fondamentale pour tester certaines hypothèses oupropositions.

La confrontation entre indicateurs de bien-être objectifs et subjectifs a poussé lesrecherches à répondre à l’interrogation sur l’effet du revenu sur la satisfaction oul’association de ces deux éléments. Les résultats restent cependant très divergents surce point. D’un côté, un nombre de recherches soutiennent l’existence d’un effet fortementsignificatif. C’est le cas, par exemple de Gardner et Oswald (2001) ; Cummins (2000) ;Ravallion et Lokshin (2000). D’un autre côté, pour Blanchflower et Oswald (2004), le revenun’explique qu’une partie modeste de la satisfaction de la vie. Ceci est dû à l’existenced’autres facteurs affectant le bonheur. Fletcher et Lorenz (1985) ont abouti à ce résultatbien des années avant en menant une étude sur la relation entre indicateurs objectifs etsubjectifs à partir de données américaines, et ce selon les sous groupes d’âge, de race etde sexe. Les résultats montrent que la relation est plus faible pour les personnes âgées,les non Blancs, et les femmes.

Le paradoxe d’Easterlin (1974) stipule que, malgré la croissance économique élevéeenregistrée aux Etats Unies après la deuxième guerre mondiale, la proportion de lapopulation se déclarant “très heureux” a baissé. Il confirme sa conclusion sur des donnéesrécentes qui s’étendent sur la période 1972-1993. Blanchflower et Oswald (2001) ont aussiabouti au même résultat sur des données américaines et britanniques66 qui couvrent lamême période.

Une des explications possibles, et même la plus plausible, de ce paradoxe est lalongueur de la période étudiée. En effet, à long terme, les aspirations et les attentes desgens ont tendance à changer de manière très significative. Ainsi, le jugement des gens,concernant leur niveau de satisfaction, ne demeure pas stable au fil des années. Uneautre explication possible de ce paradoxe est le recours aux données macroéconomiques67.L’utilisation des informations microéconomiques, en coupe transversale, reproduisant les

65 “People evaluate their level of subjective well-being with regard to circumstances and comparisons to other persons, pastexperience and expectations of the future. Measures of subjective well-being can thus serve as proxies for utility. ” Frey et Stutzer(2002)

66 En 1970, d’après le General Social Survey, 34% des américains se déclarant «très heureux ». Cette proportion ne dépassepas les 30%, en 1990 (Blanchflower et Oswald (2001)).

67 Voir Senik (2002) pour plus de détails

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perceptions au sein d’un contexte unique permet de résoudre le paradoxe et confirmer ainsil’influence positive du revenu sur la satisfaction.

En réalité, l’influence des ressources économiques sur le bonheur ne peut êtrecomprise qu’en intégrant à l’analyse la notion de revenu relatif. Il est vrai que le revenu,en permettant de subvenir aux besoins, contribue à l’augmentation de la satisfaction desindividus, mais l’effet du revenu dépend étroitement des attentes et aspirations des individusainsi que de leurs situations passées. Les individus évaluent aussi leur situation actuelle enprenant en compte des comparaisons avec les individus de leur entourage. Senik (2005)étudie le rôle des interactions sociales dues à la distribution du revenu sur le bien-êtreindividuel. Elle montre que le revenu des autres affecte le bien-être individuel68. Frey etStutzer (2003) précisent que le revenu relatif reflète l’intérêt porté par les individus à leurposition sociale69. Easterlin (1995) démontre que l’augmentation du revenu de toute lapopulation n’augmente pas le bonheur des ses membres. Senik (2002) revient sur lesprincipaux travaux empiriques traitant le lien entre bien-être et revenu –relatif et absolu-ainsi que sur l’effet de l’inégalité sur la satisfaction. Elle conclut que :

“Ce sont avant tout les inégalités dynamiques, et non statiques, c’est à-direl’inégalité des chances et non des positions, qui affectent le bien-être et l’attitudevis-à-vis de la redistribution.”

Pour Ravallion et Lokshin (2002) le revenu n’est pas le seul facteur qui influence bien-être subjectif. Dans cette perspective, plusieurs recherches ont tenté d’explorer l’effet desvariables socio-économiques telles que le chômage, l’âge ou la situation familiale70. Nouspouvons résumer les résultats en quatre points essentiels :

∙ Le chômage influence négativement le bien-être subjectif.∙ Les mariés affichent des niveaux de bien-être subjectif plus élevés comparativement

aux autres catégories (célibataires, veufs, divorcés).∙ La relation entre âge et Bonheur semble se présenter sous la forme de U.∙ Un effet ambigu du niveau d’éducation.71

La définition de la pauvreté dépend étroitement de celle du bien-être. Ainsi, la confrontationentre indicateurs objectifs et subjectifs s’étend à l’analyse de la pauvreté. Le point crucialde cette analyse correspond à la construction des lignes de pauvreté. En effet, ces lignes,souvent établies en termes d’utilité, transposée en terme monétaire, servent à identifierla population défavorisée. Ravallion et Lokshin (2002) mettent l’accent sur la divergenceentre les deux approches dans l’identification des pauvres72. Dans l’approche subjectiveces seuils sont déterminés en recourant aux perceptions et évaluations individuelles. Nousrevenons sur ce point dans le paragraphe suivant.

Section 3 : Analyse empirique68 La relation entre le revenu des autres et le bien-être individuel est de deux types: Une relation directe: dans le cas où

les individus sont averses à l'inégalité et recourent le plus souvent à des comparaisons relatives (interdépendance des préférences). Relation indirecte: à travers les attentes individuelles sur les possibilités et les opportunités d'évolution qui leur sont ouvertes.

69 . Voir aussi Diener et al.(1993) ; Clark et Oswald (1994) et Stutzer (2004).70 Voir Fletcher et Lorenz (1985), Clark et Oswald (1994), Diener (1995), Horley et Lavery (1995), Oswald (1997), Van Praag etal (2003)72 Nous retrouvons ce même constat dans Ferrer-I- Carbonell et Van Praag (2001) et toujours sur données russes.

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3.1 DonnéesL’étude de la pauvreté a bénéficié du développement des méthodes d’investigation etd’exploration du bien-être subjectif depuis les années soixante dix. Ces méthodes ontpermis la construction de questions- uniques et multiples- qui rendent compte de l’évaluationde l’individu de son niveau de vie. La question de l’évaluation du revenu (IEQ : IncomeEvaluation Question) à titre d’exemple, consiste à demander aux répondants de qualifier leurrevenu de : très mauvais, mauvais, suffisants, bon, très bon. Une autre méthode, celle durevenu minimum (MIQ : Minimum Income Question), demande aux répondants de spécifierle revenu minimum nécessaire pour satisfaire leurs besoins.

Le Social Weather Station (SWS), aux Philippines, applique une question qui permetde classer les individus, selon leurs évaluations, en pauvres, non pauvres. L’Eurobaromètreutilise une méthode similaire mais en adoptant une échelle de dix situations qui faitcorrespondre les deux premiers points à une situation de pauvreté73.

Dans cette section nous allons essayer d’explorer la pauvreté subjective en Franceen utilisant des données issues du dispositif d’Enquêtes Permanentes sur les Conditionsde Vie des ménages (EPCV) et plus précisément les données issues de l’enquête de mai2002. Ce dispositif d’enquêtes permet de combiner des informations à la fois subjectiveset objectives. Toutefois, le problème qui se pose au sein de ces enquêtes revient à la non-existence d’information précise sur revenu du ménage, seule la catégorie de revenu estdéclarée.

Les enquêtes EPCV permettent d’extraire l’opinion sur le niveau de vie actuel en posantla question suivante :

Actuellement, pour le ménage, diriez- vous plutôt que financièrement : 1. Vousêtes à l’aise. 2. Ça va. 3. C’est juste, il faut faire attention. 4. Vous y arrivezdifficilement. 5. Vous ne pouvez y arriver sans faire de dettes.

Il faut noter que la question posée ne permet pas d’évaluer le bien-être total mais seulementd’approcher la satisfaction financière. Le tableau A1 reprend quelques statistiquesdescriptives concernant le niveau de satisfaction en fonction des caractéristiques socio-économiques des ménages.

Tableau 1 : distribution des ménages selon leniveau de SatisfactionNiveau de Satisfaction %à l'aise " très satisfait " 10.28ça va " Satisfait " 34.12c'est juste 41.59difficilement 12.35il faut faire des dettes " Nonsatisfait "

1.66

100

73 La satisfaction de la vie est abordée dans les travaux de l'Eurobaromètre par deux questions. La première s'énonce de lamanière suivante: D'une façon générale, êtes-vous très satisfait, plutôt satisfait, plutôt pas satisfait ou pas du tout satisfait de la vieque vous menez ? La deuxième question est : Dans l'ensemble, à quel point êtes-vous satisfait ou pas de la vie que vous menezen ce moment? Veuillez utiliser cette échelle (10 points) pour préciser votre réponse. 10 signifie tout à fait satisfait, et 1 signifie pasdu tout satisfait.

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Le pourcentage des ménages qui jugent leur niveau de vie actuel très satisfaisant sesitue à environ 10% de la population totale. D’après le tableau 1, 14% des ménages jugentleur situation difficile ou très difficile (il faut faire des dettes).

Si nous observons le niveau de satisfaction maximale selon les quartiles derevenu, nous remarquons que le pourcentage des ménages très satisfait augmenteconsidérablement avec le niveau de revenu. Pour les quartiles de revenu, nous avons aussidistingué, dans le premier quartile, les ménages pauvres par l’approche monétaire décritedans le chapitre précédent (Tableau 2).

Il est intéressant de noter que le niveau de satisfaction moyen augmente sensiblementavec la catégorie de revenu. Ainsi, ce niveau moyen arrive à 4.18 pour la catégoriesupérieure, alors que cette moyenne ne dépasse pas 2.85 pour la catégorie de revenuannuel inférieur à 4600 euros.

Tableau 2: Satisfaction maximale et minimaleselon la distribution du revenu

NonSatisfait

Satisfait

Pauvres * 5.56% 2.06%

1er Quartile 2.88% 1.38%2e Quartile 1.66% 4.12%3e Quartile 0.47% 8.80%4e Quartile 0.49% 26.30%* selon l’approche monétaire

Nous remarquons aussi que l’évolution du niveau de vie au cours des 12 derniers moisaffecte positivement la satisfaction actuelle. Par contre, l’effet des anticipations sur le niveaude vie semble prendre la forme de U inversée. De même, l’effet de l’âge sur la satisfactionprend aussi l’allure d’un U. Cet effet atteint son minimum à l’âge de quarantaine. Nouspouvons résumer les autres constatations en trois points :

∙ Un effet positif du mariage, du niveau d’instruction. Alors que 12,49% des personnesmariés se déclarent satisfaits, cette proportion est seulement de 5,71% pour lesdivorcés, 8,08 % et 8,95 % respectivement pour les célibataires et les veufs. Le pourcentage de satisfaction varie de 21,77% pour les personnes de niveaud’enseignement secondaire à 5,68% pour les personnes sans instruction.

∙ Les hommes sont plus satisfaits que les femmes. (Voir graphe 1)∙ Le fait d’avoir des enfants augmente la satisfaction.

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3.2 Modèle et EstimationsLa disponibilité des données nous a contraints à nous limiter à étudier le bien-être financier.Nous présentons ici le modèle théorique de Ferrer-I- Carbonell et Van Praag (2001) quipermet de spécifier un seuil de pauvreté financière. Supposons que le bien-être individuelpeut s’exprimer sous la forme d’une fonction d’utilité ordinale sur une échelle de n points.Il est alors possible de définir un seuil de pauvreté, en termes d’utilité, noté U min . Unménage A est considéré pauvre si :

U A ≤U min 74.

Nous supposons aussi que l’utilité dépend non seulement –comme nous l’avons vu -du revenu mais aussi d’autres facteurs socio-économiques x :

U = U(y,x)Alors U min = U( Y min ,x)

La solution est obtenue pour un niveau de revenu : Y min(x)Nous supposons que l’utilité, représentée par l’opinion sur le niveau de vie “Nivact”,

prend des valeurs ordonnées de 1 à 575. En plus nous fixons le niveau d’utilité seuil à 2 :U( Y min ,x).

Pour des soucis de simplification Ferrer-I- Carbonell et Van Praag (2001) se sont limitésà une seule variable explicative à savoir la taille du ménage fs. Ici nous introduisons unevariable muette “sexe” qui représente le sexe de la personne de référence. Si la satisfaction

74 Nous notons que la définition de U min reste toutefois une décision arbitraire.75 Nous avons inversé les valeurs originales de la base de données.

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financière, représentée par U, peut être transformée par une fonction monotone φ (.), alorsnous obtenons :

La solution de φ est basée sur l’estimation de :

Où : n = 1, ,5 les catégories de réponses.ε : Un terme d’erreur normalement distribué selon une loi centrée et réduite.

Les coefficients Y 0 Y 1 Y 2 Y 3 et α 1 α 2 α 3 sont estimés par lemodèle probit ordonné.

La solution sera donnée par :

L’estimation par un probit ordonné permet de calculer le seuil de pauvreté financière.Comme les informations recueillies par les enquêtes EPCV ne renseignent pas sur le revenuexact du ménage, nous allons utiliser le revenu moyen pour déterminer le seuil de pauvretémonétaire. Pour étudier les déterminants de la satisfaction financière nous procédons aussià l’estimation d’un modèle probit ordonné76. Nous intégrons un ensemble de variablessusceptibles d’expliquer le bien-être subjectif. Outre les variables: revenu, taille du ménage,les caractéristique de la personne de référence, nous retenons deux variables qui rendentcompte de l’évolution du niveau de vie du ménage au cours des 12 derniers mois ainsi quela prévision que font les individus sur son évolution au cours des prochains mois.

La fonction d’utilité devient alors :

76 L’estimation de ce modèle pose le problème d’hétérogénéité individuelle dans la déclaration du bien-être subjectif. Clarket al(2005) rejettent fortement l’hypothèse selon laquelle tous les individus transforment le revenu en bien-être de la même manière.Voir aussi Ferrer-I-Carbonell et Frijters (2004)

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3.3 Pauvreté SubjectiveL’estimation de l’équation (2) nous a permis de déterminer les seuils de pauvreté selon lataille du ménage et le sexe de la personne de référence. Les résultats sont reportés autableau 17.

La première remarque que nous pouvons dégagé en observant les résultats des seuilsde pauvreté calculés concerne la différence selon le sexe (Tableau 22). Nous notons que,à revenu égal, les ménages conduits par une femme déclarent – de manière implicite- lanécessité d’un revenu plus élevé comparativement aux ménages conduits par des hommes,pour vivre de manière “juste”. Cette différence est d’autant plus significative que la taille duménage augmente. Alors que pour une femme seule le seuil mensuel est de 356 euros, pourun homme ce montant se situe à environ 275 euros. Par la suite, le taux de pauvreté varie de1.09 % pour les ménages dont le chef est de sexe masculin à 4.66% pour les ménages dontle chef est une femme. La distribution du revenu par sexe apporte un éclaircissement sur cepoint puisqu’elle montre que celle des ménages « féminins » est plutôt tirée vers le bas. Eneffet, 60% des ménages conduits par une femme dispose d’un revenu annuel inférieur ouégale à 13 500 euros, cette proportion ne dépasse pas les 22 % pour les ménages conduitspar un homme (Tableau A3).

La deuxième remarque a trait à la comparaison entre approche subjective et objectivede la construction de ligne de pauvreté. L’approche objective, que nous adoptons ici,consiste à spécifier un seuil relatif établi à 50 % du revenu médian77. La valeur de ce seuilse situe à 563 euros par mois. Cette valeur est proche du seuil retenu par les autoritésstatistiques s’élevant à 625 euros par mois, en 2002. Le taux de pauvreté correspondantmontre que 10.98% des ménages sont classés comme pauvres. Ainsi, la construction d’unseuil subjectif réduit considérablement la proportion des pauvres : seulement 2.10 % desménages vivent une situation de privation. Si nous comparons ce taux à la proportion desménages qui déclarent vivre une situation difficile, nous remarquons aussi qu’il reste trèsfaible. Les réponses 4 et 578, que nous avons choisies comme caractérisant la situation deprivation, représentent 14.01% des réponses. Nous procédons dans le paragraphe qui suità l’exploration des déterminants de la satisfaction financière.

77 Le revenu est ajusté pour tenir compte de la composition du ménage en appliquant l’échelle d’Oxford qui attribue les poidsde 0.5 et 0.3 à un adulte supplémentaire (âgé de plus de 15 ans) et un enfant respectivement.

78 On rappelle que les réponses retenues ici sont : “Vous y arrivez difficilement.” et “Vous ne pouvez y arriver sans faire dedettes.”

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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Tableau 3: Estimation Probit ordonné de la satisfactionVariables coefficients écarts typelog (revenu) 0,997* 0,028log (taille du ménage) -0,636* 0,033femme -0,256* 0,040α 1 6,864 0,269α 2 8,077 0,270α 3 9,508 0,275α 4 10,828 0,282Nombre d'observation = 5281LR chi2 = 1456,02Pseudo R² = 0,107Log Vraisemblance = -6087.7705* significatif au seuil de 1%

Tableau 4 : Seuils et Taux de Pauvreté SubjectiveSeuils Annuel (€) Seuils Mensuels (€)Taille du ménageHomme Femme Homme Femme

1 3304 4272 275 3562 5141 6646 428 5543 6657 8607 555 7174 7998 10339 666 8625 9220 11920 768 9936 10357 13390 863 1 1167 11427 14773 952 1 2318 12442 16086 1 037 1 340

1,09% 4,66%Pauvreté Subjective2,10%

3.4 Déterminants de la satisfaction financièreDans ce paragraphe nous essayerons de tester l’effet de certaines variablessocioéconomiques sur le bien-être subjectif. A côté du revenu nous retenons les variables :taille du ménage ; type du ménage, âge, sexe, état civil, niveau d’instruction et catégoriesocio- professionnelles de la personne de référence. Nous retenons aussi la région et lemilieu de résidence ainsi que l’évolution et l’anticipation des individus concernant l’évolutionde leur niveau de vie. Les résultats obtenus à partir d’une estimation probit ordonné sontreportés dans le tableau 5.

Les résultats de l’estimation confirment l’effet positif du revenu sur la satisfaction.L’appartenance aux catégories supérieures de revenu augmente la probabilité d’avoir unniveau de satisfaction élevé. Un regard sur les effets marginaux montre que le fait dedisposer d’un faible revenu augmente la probabilité d’avoir un niveau de satisfaction égaleà 1 et diminue la probabilité d’avoir un niveau maximum : 5.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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Tableau 5: Estimation Probit Ordonné de l'opinion sur le niveau de vie actuel :Nivact

Effets marginauxVariables CoefficientsNivact = 1 Nivact = 5

Classes de revenu (1) Moins de 4600 € -1,759* 0,11347* -0,05257*De 4600 € à moins de 12000 € -1,917* 0,08496* -0,09787*De 12000 € à moins de 23000 € -1,262* 0,01699* -0,10774*De 23000 € à moins de 46000 € -0,685* 0,00563* -0,06217*Taille du ménage -0,122* 0,00066* -0,01263*Type du ménage (2)Couple sans enfant 0,029 -0,00015 0,00302Couple avec enfant -0,127 0,00073 -0,01271Familles monoparentales -0,336* 0,00282* -0,02745*Autres -0,198 0,00143 -0,01746**Age de la PR de 30 à 39 ans 0,007 -0,00004 0,00068de 40 à 49 ans 0,031 -0,00016 0,00325de 50 à 59 ans 0,018 -0,00009 0,0018de 60 à 69 ans 0,037 -0,00019 0,00388de 70 à 79 ans 0,139 -0,00065 0,0156380 ans et plus 0,326* -0,00118* 0,04249*Femme -0,064 0,00036 -0,00644État matrimonial (3) Divorcé 0,09 -0,00044 0,00976veuf -0,265* 0,00199* -0,02304*Niveau d'instruction (4) 2ème cycle d'enseignement général 0,124* -0,00058* 0,01388*Enseignement tech. Ou professionnel. court 0,105* -0,00053* 0,01134*Enseignement tech. Ou professionnel. Long 0,263* -0,00102* 0,03288*Enseignement Supérieur 0,32* -0,00137* 0,03834*Catégorie Socioprofessionnelle (5) Artisans, commerçants, chefs d'entreprises etprofessions libérales

0,182 -0,00078* 0,02147

Cadres supérieurs 0,397* -0,00144* 0,05244*Professions intermédiaires 0,194** -0,00087** 0,02251Employés 0,066 -0,00033 0,00705Ouvriers (y compris ouvriers agricoles) -0,01 0,00006 -0,00107Retraités 0,375* -0,00172* 0,04394*Autres inactifs 0,503* -0,00143* 0,07588*Région (6)Région parisienne -0,202* 0,00134* -0,01874*Bassin parisien -0,03 0,00017 -0,00307Est 0,103 -0,00049 0,01138Ouest 0,086 -0,00042 0,00929Sud-ouest -0,089 0,00053 -0,00869Centre- est 0,17* -0,00076* 0,0196*Méditerranée 0,009 -0,00005 0,00092Milieu de résidence (7) Urbain (moins de 20 000 Hab.) -0,031 0,00017 -0,00317Urbain (moins de 100 000 Hab.) -0,054 0,00031 -0,00538Urbain (plus de 100 000 Hab.) -0,005 0,00003 -0,00052Prévision sur l'évolution du niveau de vie (8) Un peu s'améliorer 0,035 -0,00019 0,00374Se maintenir 0,319* -0,00216* 0,02968*Un peu se détériorer 0,076 -0,00038 0,00826Beaucoup se détériorer -0,026 0,00014 -0,0026Évolution du niveau de vie dans l'année (9) Un peu amélioré -0,611* 0,00732* -0,04219*Maintenu -0,944* 0,00396* -0,13437*Un peu détérioré -1,636* 0,05868* -0,08243*Beaucoup détérioré -2,437* 0,27737* -0,06032*Nombre d'observation = 5285 LR chi2 = 2560,4 Pseudo R² = 0,187 LogVraisemblance = -5543,77(1) base revenu annuel supérieur à 46 000 € (2) base personne seule (3) basecélibataires et mariés (4) base sans instruction, études primaires et niveau

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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inférieur au premier cycle d'enseignement générale (5) base agriculteursexploitants (6) base région Nord (7) base milieu rural (8) base beaucoups’améliorer (9) base beaucoup amélioréSource données : EPCV Mai 2002

Pour l’âge de la personne de référence, il n’est pas aussi aisé de tirer des conclusionsquant à l’effet sur le bien-être subjectif. Toutefois un résultat mérite d’être noté : seules lespersonnes âgées de plus de 80 ans semblent se distinguer par un niveau de satisfactionplus élevé que le reste de la population. En effet, seuls les coefficients de cette classe d’âgesont significatifs. Nous constatons aussi que le fait d’être veuf ou appartenir à une famillemonoparentale influence négativement la satisfaction. Le même constat s’applique pour lataille du ménage. L’effet du sexe reste toutefois non significatif.

L’effet de l’instruction apparaît aussi comme un déterminant important du bien-être.La probabilité de se déclarer complètement satisfait augmente sensiblement pour lesindividus de niveau supérieur. Les cadres supérieurs, les retraités ainsi que les professionsintérimaires sont les catégories professionnelles où le niveau de vie déclaré est le plus élevé.

L’évolution du niveau de vie joue aussi un rôle important dans l’opinion sur leniveau actuel. Ainsi, une évolution négative entraîne une augmentation de la probabilitéd’appartenir au niveau de satisfaction le plus faible. Pour les prévisions sur le revenu futur,seul le fait de prévoir un maintien du niveau de vie exerce un effet positif et significatif surla satisfaction.

Hayo et Seifert (2002) ont étudié le bien être économique subjectif dans un échantillonde pays de l’Europe de l’Est. Pour cette fin, ils utilisent les données de 4 enquêtesparticipatives de l’Institut Paul- Lazarfeld, Vienne. Ils montrent le bien être économiqueexplique une partie importante d la satisfaction totale. Selon les résultats de leur étude iln’existe pas de différence entre les niveaux de satisfaction féminines et masculines.

D’autres études ont abouti à des conclusions bien contraires. En effet, à titre d’exemple,Di Tella et al. (2001) sur données européennes, Frey et Stutzer (2000a, 2000b) surdonnées suisses, Blanchflower et Oswald (2001) sur données américaines et britanniquessoutiennent que les femmes sont plus heureuses que les hommes. La différence entreles sexes peut alors ne pas être directement imputable à la perception de la situationéconomique. Blanchflower et Oswald (2001) montrent aussi qu’en Grande Bretagne et auxEtats unies, les mariés, les plus éduqués ainsi que les enfants vivant dans des familles oùles parents sont non divorcés affichent des niveaux de satisfaction plus élevés.

Van Praag et al (2001) utilisent une mesure multidimensionnelle de satisfaction. Elleinclut différents domaines de la vie : santé, situation financière, emploi, loisir, logementet environnement. La satisfaction dans ces domaines dépend de variables objectivesmesurables. Les traits de la personnalité, variables inobservables, influencent à la foisla satisfaction dans les divers domaines ainsi que la satisfaction globale. Les donnéesexploitées sont issues du panel socio économique Allemand (German Socio EconomicPanel) de 1992 à 1997. Les domaines financier, de santé et d’emploi détermine de manièreinfluente la satisfaction globale.

Conclusion Au cours de ce chapitre, nous avons essayé d’exploiter des informations subjectives dansle but d’explorer les perceptions individuelles et étudier la privation.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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Les résultats issus de la construction de ligne de pauvreté subjective révèlent unegrande différence avec la méthode objective. En effet le taux de pauvreté passe de 2.1% à10.96% respectivement par les méthodes subjectives et objective. La construction de lignede pauvreté monétaire à partir des perceptions individuelles, par les personnes, de leurniveau de vie est de nature à minimiser l’ampleur de la pauvreté. Le passage de la premièreapproche à la seconde induit, pour l’année 2002, une réduction du taux de pauvreté de prèsde 75%.

L’analyse des déterminants de l’opinion sur le niveau de vie met en avant lacontribution du revenu et du niveau d’instruction à la satisfaction financière. Il apparaîtaussi que certaines catégories affichent des niveaux de satisfaction inférieurs au reste dela population : les familles monoparentales.

Même si les hommes déclarent des niveaux de satisfaction plus élevés que les femmes,l’analyse économétrique n’a permis de détecter une différence significative. La mêmeremarque concerne l’effet de l’âge (effet en forme de U). Par contre, les résultats attestentd’une influence positive du niveau d’éducation sur la satisfaction.

L’évolution du niveau de vie influence significativement la satisfaction financière. L’effetdes anticipations apporte moins d’éclaircissements vu que le seul fait de prévoir un maintiendu niveau de vie affecte positivement le bien-être subjectif.

Annexes

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Partie 1 : Analyse de la pauvreté en termes Utilitariste

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Tableau A1: Satisfaction selon les caractéristiques Socioéconomiques des ménagesEffectifs (%)Variables Satisfaction

moyenneNivact

Nivact=1

Nivact =2

Nivact =3

Nivact =4

Nivact =5

Catégories de revenumoins de 4600 € 2,85 5,38 26,88 48,39 16,13 3,23de 4600 € à moins de 12000 € 2,85 4,34 27,39 49,18 16,78 2,31de 12000 € à moins de 23000€

3,25 1,60 12,82 49,84 30,46 5,27

de 23000 € à moins de 46000€

3,62 0,46 6,55 36,33 44,32 12,33

Plus de 46000 € 4,18 0,38 1,71 14,80 45,73 37,38Type du ménagePersonne seule 3,30 2,80 12,40 45,20 31,20 8,40Couple sans enfant 3,31 1,84 15,40 42,30 31,36 9,11Couple avec enfant 3,63 0,56 6,05 38,30 39,93 15,16Familles monoparentales 3,39 1,38 11,99 42,60 34,59 9,44Autres 2,93 5,10 25,10 44,31 23,14 2,35Age de la PR moins de 30 ans 3,35 2,50 11,43 43,93 32,50 9,64de 30 à 39 ans 3,31 2,31 14,11 41,33 34,69 7,56de 40 à 49 ans 3,29 2,30 16,07 41,32 31,31 9,00de 50 à 59 ans 3,41 2,18 13,24 37,53 35,54 11,51de 60 à 69 ans 3,47 0,62 9,96 43,34 33,75 12,33de 70 à 79 ans 3,47 0,26 8,79 45,54 34,25 11,1580 ans et plus 3,59 0,00 7,10 39,64 39,94 13,31SexeHomme 3,46 1,26 10,66 40,40 35,98 11,69Femme 3,18 2,80 17,31 45,08 28,66 6,16État matrimonialNon Marié 3,27 2,39 15,44 42,78 31,57 7,83Marié 3,50 0,99 9,58 40,52 36,41 12,49Niveau d'instruction de la PR1er cycle d'enseignementgénéral au plus

3,21 1,84 15,71 47,90 28,85 5,70

2ème cycle d'enseignementgénéral

3,43 1,49 10,41 41,82 36,43 9,85

Enseig, tech. Ouprofessionnel. court

3,28 1,81 14,47 44,47 32,15 7,10

Enseig, tech. Ouprofessionnel. Long

3,56 1,83 7,69 34,80 43,96 11,72

Enseig. Supérieur 3,77 1,05 6,29 28,63 42,26 21,77Catégorie Socioprofessionnelle ( PR )Agriculteurs exploitants 3,10 0,85 19,49 50,85 26,27 2,54Artisans, commerçants,chefs d'entreprises etprofessions libérales

3,35 2,64 15,51 35,64 36,63 9,57

Cadres supérieurs 3,90 1,19 4,01 24,07 44,73 26,00Professions intermédiaires 3,51 0,86 9,86 37,36 41,68 10,23Employés 3,04 3,47 21,60 47,07 23,60 4,27Ouvriers (y compris ouvriersagricoles)

3,09 2,81 17,86 50,17 25,68 3,49

Retraités 3,53 0,45 7,68 42,57 37,17 12,13Autres inactifs 3,16 3,60 19,82 41,44 27,03 8,11RégionRégion parisienne 3,41 2,93 12,54 36,00 37,61 10,92Bassin parisien 3,32 0,97 15,53 42,33 32,72 8,45Nord 3,28 2,03 14,43 44,81 30,63 8,10Est 3,51 0,37 10,30 42,13 32,77 14,42Ouest 3,46 1,37 10,20 42,29 33,83 12,31Sud-ouest 3,29 1,81 13,14 46,53 30,82 7,70Centre- est 3,52 1,29 8,40 39,26 39,42 11,63Méditerranée 3,34 2,12 13,03 42,78 33,00 9,07Milieu de résidenceRural 3,38 0,90 12,38 43,57 34,16 8,99Urbain (moins de 20 000Hab.)

3,39 1,26 10,81 45,75 32,42 9,76

Urbain (moins de 100 000Hab.)

3,34 1,91 13,89 41,78 33,50 8,92

Urbain (plus de 100 000Hab.)

3,41 2,15 12,45 38,86 34,91 11,62

Prévision sur l'évolution du niveau de vieS'améliorer beaucoup 3,20 5,26 20,18 33,33 31,58 9,65Un peu s'améliorer 3,20 2,81 16,96 45,15 27,95 7,13Se maintenir 3,51 0,84 9,12 40,39 37,69 11,97Un peu se détériorer 3,10 2,78 20,78 46,38 23,38 6,68Beaucoup se détériorer 2,80 11,48 29,51 34,43 16,39 8,20Évolution du Niveau de vie dans l'annéeBeaucoup amélioré 4,12 0,00 2,88 16,35 47,12 33,65Un peu amélioré 3,72 0,80 4,42 31,33 49,20 14,26Maintenu 3,51 0,58 8,62 0,04 0,04 11,33Un peu détérioré 2,95 2,34 24,79 52,23 17,13 3,51Beaucoup détérioré 2,17 20,18 47,81 28,07 3,07 0,88Total 3,39 1,66 12,35 41,59 34,12 10,28Source données : EPCV Mai2002

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche parles capabilités

Chapitre 4 : Approche par les capabilités et étude dela privation : fondements théoriques

Introduction :Sen (1984, 1985, 1987) a fortement contesté l’approche utilitariste du bien-être. Il introduitla notion de “capabilités” comme étant l’ensemble des “fonctionnements” qu’un individu esten mesure de mettre en œuvre. Les fonctionnements, comme nous le verrons plus en détaildans la première section de ce chapitre, caractérisent les possibilités de choix et d’action.Ainsi, les ressources matérielles ne constituent plus une fin en soi : seules les capabilitéspossèdent une valeur intrinsèque. L’approche par les capabilités se présente alors commeun cadre de pensée, une nouvelle orientation dans l’évaluation et la comparaison du bien-être.79

Les voix se font de plus en plus nombreuses aujourd’hui, pour réclamer la lutte contrela pauvreté sous toutes ses faces. Il ne suffit plus de considérer la privation au niveaude la seule dimension monétaire, mais il devient indispensable de comprendre tous lesmécanismes qui se cachent derrière ce phénomène et doter les individus des moyensnécessaires pour s’en sortir.

Les développements récents de la littérature appellent à accorder plus l’intérêt à laqualité de l’existence humaine dans tous ses sens et sous tous ses aspects. L’étude de lapauvreté dans l’espace des fonctionnements s’inscrit dans cette logique. L’objectif est defournir un schéma plus complet de la privation en incorporant à l’analyse des dimensionsinexplorées de la vie humaine. Les travaux sur la pauvreté multidimensionnelle ne cessentde se multiplier dans les pays occidentaux. Nous faisons référence ici, à titre d’exemple, àBrandollini D’Allessio (1998) ; Chiappero Martinetti (2000) sur données italiennes ou encoreLelli (2000) sur données belges. Les résultats sont révélateurs de l’apport de la perceptionmultidimensionnelle dans la compréhension de la pauvreté.

L’approche par les capabilités insiste sur l’aptitude des individus à transformer lescaractéristiques des biens de manière à en tirer profit. La possession des biens- avec leurscaractéristiques – est seulement un moyen pour réaliser les choses jugées de valeur parles individus. Ainsi, une voiture est valorisée dans la mesure où elle permet à son détenteurde se déplacer (ou pour réaliser une tout autre fin). La voiture n’est pas d’une grande utilitépour quelqu’un qui ne peut s’en servir

Cette nouvelle approche a suscité de multiples développements, tant sur le planthéorique que sur le plan empirique, visant à mieux prendre en compte la qualité de lavie humaine. Dans cette perspective, les indicateurs sociaux se présentent comme unoutil efficace et rigoureux pour juger de l’amélioration des performances en matière de

79 Robeyns 2000

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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développement humain. L’adoption d’une vision de la pauvreté en termes de capabilités arecueilli les fruits, outre de la construction des indicateurs du Programme des Nations Uniespour le Développement (PNUD)80, de la généralisation des mesures unidimensionnelles aucas multidimensionnelle81. De plus, la théorie des sous ensembles flous semble réaliser desavancées considérables dans cette direction.

Section 1 : Notions de base

1. Fonctionnements et Accomplissements.Dans le souci de placer l’être humain au cœur du processus de développement, Sen dirigeses travaux vers la valorisation des composantes essentielles d’une vie humaine digne. Ils’agit de permettre aux individus de mener le type de vie qu’ils ont choisi. Sen (1984) avouese placer dans l’extension des idées de Rawls. Il prend du recul par rapport à la thèseutilitariste en étendant l’intérêt porté par Rawls pour les biens premiers82.

“En fait, ma plus grande dette intellectuelle va sans aucun doute à John Rawls.Sa démarche me guide sur une bonne partie du territoire que je parcours ici, etmême là où je prends une direction différente, ma décision est très largement

fondée sur une critique de la théorie de Rawls.” 83

Pour Sen, le bien-être ne peut s’appréhender ni seulement en termes d’utilité ni seulementen termes de biens premiers ni même par une combinaison des deux. Hugon (1999)précise que “La représentation de Sen est éloignée de la fable d’un individu, agent rationnel,échangeant librement sur un marché concurrentiel et libre citoyen contractant dans l’ordrepolitique ”. La possession de biens n’est pas de grande utilité si on ne peut pas entirer bénéfice. L’accent est mis sur ce que les biens permettent de réaliser. Une nouvelleconception se dessine : le bien-être c’est tout simplement ‘être bien’. Le centre d’intérêt estla qualité de l’existence humaine.

Ainsi, “ le concept de fonctionnement issue en droite ligne de l’aristotélisme, 84

recouvre les différentes choses qu’une personne peut aspirer à faire ou à être”85. Ce

80 Notamment l’Indicateur de Développement Humain IDH et l’indicateur de Pauvreté Humaine IPH. Ces indicateurs possèdentla particularité d’étudier les progrès réalisés et les carences observées non seulement en termes matériels. Nous reviendrons sur cesindicateurs dans la deuxième partie du travail.

81 Cette approche consiste, comme précisé par Bibi et El lagha (2006) à “mesurer, dans un premier temps, la privationindividuelle en termes des différents attributs pour en construire un indicateur composite de la pauvreté pour chaque individu.L’agrégation de ces indicateurs à travers les individus, dans un deuxième temps, permet d’obtenir un indice multidimensionnel depauvreté pour l’ensemble de la population. Bourguignon et Chakravarty (2002, 2003), Chakravarty et al. (1998) et Tsui (2002) sontà cet égard parmi les principaux fondateurs de cette approche”.82 “L’importance accordée aux capabilités de base peut être vue comme un prolongement naturel de l’intérêt que Rawls porte auxbiens premiers, si l’on déplace le centre d’attention pour le porter des biens vers l’effet des biens sur les êtres humains” Sen (1993)83 Sen (2000a) page 12

84 Dans Sen (1993) l’auteur se réfère aux paroles d’Aristote dans «Ethique à Nicomaque » : “quant à la vie de l’hommed’affaires, c’est une vie de contrainte, et la richesse n’est évidemment pas le bien que nous cherchons : c’est seulement une choseutile, un moyen en vue d’une autre chose ”. Page 7

85 Sen (2003, page 105)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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concept traduit, d’une certaine manière, la façon de mener son existence. On qualifiesouvent ces fonctionnements de “processus déterminant les potentialités d’action desindividus ”86. Les fonctionnements recouvrent toutes les choses de valeur qu’une personneaspire à faire ou être87. En d’autres termes, c’est l’ensemble des possibilités d’être et d’agirdes individus qui leur permet de tirer profit des biens dont ils disposent tels que : être biennourri, bien logé, en bonne santé, rester digne à ses propres yeux, être en mesure deprendre part à la vie sociale, etc.

Quant aux accomplissements, ils représentent l’ensemble des modes defonctionnements qu’une personne exerce vraiment. A ce niveau, il est utile de noter qu’ilfaut différencier entre accomplissements d’un côté et liberté d’accomplissement d’un autre.L’approche de droit de Sen attribue une grande valeur à la liberté d’accomplir puisqu’ellepermet d’élargir les possibilités de choix auxquelles fait face l’individu.

2. Capabilités.Les mots “capacités” et “capabilités” sont largement utilisés pour traduire la notion de“capability ” introduite par Sen.

Les capabilités représentent la liberté de mener différentes sortes de vie formées pardifférentes combinaisons de fonctionnements humains parmi lesquels une personne est àmême de choisir son mode de vie. Cette définition met en évidence, essentiellement, deuxcomposantes88 :

i. les potentialités : S- Capabilities (S pour skill) regroupant les capacités de réalisationdes individus dues aux attributs personnels ainsi qu’aux divers types de capital à leurdisposition : capital physique, humain, social.

ii. Les opportunités : O- Capabilities (O pour opportunity) offertes par la société àl’individu pour pouvoir mobiliser ses potentialités. Il s’agit généralement de l’environnementpolitique, social et économique de l’individu.

Il est vrai que le revenu est un moyen essentiel pour développer ses capabilités89, maisaussi, la situation financière des individus dépend étroitement des possibilités d’action quise présentent à eux. A titre d’exemple, la généralisation de l’éducation et la disponibilitédes services de soins de santé permettent d’améliorer la qualité de vie des populations etfournir plus de chances pour gagner un revenu plus élevé et ainsi échapper à la pauvretémonétaire. D’un côté, la promotion des capabilités, en permettant aux individus d’agir etde choisir librement, tend à rendre leurs vies plus riches et leur permettre de surmonterles problèmes de privation. D’un autre côté, l’ensemble des capabilités dessine en grandepartie la manière dont les individus profitent des ressources dont ils disposent pour réaliserles fonctionnements qu’ils valorisent.

Grâce aux capacités dont ils disposent, les individus sont en mesure de transformerles caractéristiques des biens et services en fonctionnements : être bien nourri, bien logé,

86 Lachaud (2000)87 Nous pouvons présenter ici la définition donnée par Sen (2000a) : “On peut définir le bien-être d’une personne comme

la qualité de son existence. Une vie est faite d’un ensemble de fonctionnements liés entre eux, composé d’états et d’actions… Lesfonctionnements pertinentes peuvent aller de l’élémentaire –avoir suffisamment à manger, être en bonne santé, échapper aux maladieset à la mortalité prématurée etc. – au plus complexes…” Page 65

88 Staversen et Des Gasper (2002)89 Et inversement aussi, la situation financière des individus dépend des possibilités d’action qui se présentent à eux.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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en bonne santé, rester digne à ses propres yeux, être en mesure de prendre part à la viesociale, etc. En d’autres termes, toutes les possibilités d’être et d’agir des individus qui leurpermettent de tirer profit des biens dont ils disposent.

La transformation des caractéristiques des biens en fonctionnements repose sur troisfacteurs90:

1. Des facteurs personnels : condition physique, sexe, compétences.2. Des facteurs sociaux : services publics, infrastructures, normes sociales, pratiques

discriminatoires, etc.3. Des facteurs environnementaux : pollution, etc.

Analytiquement, d’après Sen (1985), si on pose :

∙ x i : vecteurs de biens possédés par l’individu i.

∙ f i (.) : fonction de conversion individuelle qui représente une manière d’utilisation desbiens.

∙ F i (.) : ensemble des fonctions de conversion.

Si l’individu i choisit une fonction de conversion f i (.) appliquée à un vecteur de biens x i , alors les modes de fonctionnements relatifs à i sont :

b i correspond donc à l’ensemble des états et des actions de i.

Si Xi représente les possibilités de choix en termes de vecteur de biens, l’ensembledes capabilités s’écrit :

Robeyns (2000) présente une extension de cette formalisation à travers l’introductiondes facteurs sociaux et environnementaux (notés z i ). Ainsi, les fonctionnements del’individu i deviennent :

L’évaluation de b i peut-être réalisée de deux manières :

∙ D’une manière subjective :

90 Voir Robeyns (2004). Favaque et Robeyns (2005) dans une tentative d’explication des notions clés de l’approche préciseque les ressources –ainsi que les bien et services- doivent être analysées non par la possession mais par leur influence sur lesaccomplissements des individus : “les personnes n’ont pas toutes les mêmes capacités de convertir un bien (…) en réalisation. C’estpour cette raison que Sen propose de quitter la base informationnelle des biens, des ressources et des droits formels pour passerà une base plus complexe mais plus riche, qui considère en premier lieu les opportunités réelles des individus”. Les facteurs deconversion sont la cause des différences de réalisations entre les individus dans le cas où les ressources possédées sont identiques.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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∙ D’une manière objective : par un autre évaluateur91

D’Agata (2007) présente une formalisation dynamique de la fonction de conversion quiintègre un processus adaptatif permettant à l’individu d’expérimenter sur des périodes unensemble de fonctions de façon à améliorer son choix durant la période suivante.

De cette manière, l’approche par les capabilités prend en considération la diversitédes êtres humains à travers la pluralité des fonctionnements et des capabilités d’un côté,et par l’influence des facteurs de conversion d’un autre côté. On peut alors remédier aux“problèmes de la diversité des situations individuelles, de la variété des besoins et despréférences”92. La diversité humaine, comme soutient Sen (2000a), est induite par deuxéléments :

1. Les caractéristiques internes : âge, sexe, aptitudes générales, compétencesparticulières, vulnérabilité aux maladies…

2. Les circonstances externes : possession de certains biens, origine sociale, problèmesd’environnement…

La conséquence de cette diversité humaine est immédiate lorsqu’il s’agit d’étudier l’inégalité.En effet, selon Sen : “ prôner l’égalitarisme dans un domaine oblige à la récuser dans unautre ”93. La prise en compte des différences de caractéristiques et de circonstances estfondamentale et ne doit en aucun cas constituer une simple “complication secondaire ”.

Le contexte social (traditions, institutions, législations, etc.) exerce une triple actionsur l’ensemble des capabilités et les fonctionnements accomplis. En premier lieu, lesfacteurs sociaux influencent la conversion des caractéristiques du bien et servicesen fonctionnements. Le célèbre exemple est celui du vélo qui permet de réaliser lefonctionnement “ se déplacer librement”. Or l’utilisation du vélo, dans une ville à haut risque(criminalité), se trouve réduite. En deuxième lieu, le contexte détermine en grande partiel’ensemble des opportunités accessibles à l’individu en termes d’accès à certains services(services publics, crédits…). En troisième lieu, le choix des fonctionnements dépend, outrede la psychologie de l’individu et de ses préférences, des contraintes imposées sur seslibertés d’expression de déplacement, etc.

91 Brandolini et D’Allessio (1998)92 Vero (2003)

93 Sen (2000a) page 12

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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La transformation des revenus –ou ressources- en conditions d’existence digne peutêtre réalisée de plusieurs manières. En effet, il existe plusieurs combinaisons de biens quiréalisent un niveau donné de capabilités. La solution peut se trouver dans le recours auxgoûts et aux traditions de consommation qui règnent au sein de la société. Ainsi, pourdéterminer les biens nécessaires pour être bien nourri, on se tourne vers les habitudesalimentaires de la société en question. Lorsque les inégalités sont importantes, il seraitnécessaire de procéder à des affinements : il faudrait dans ce cas segmenter la populationen sous groupes relativement homogènes.

L’exemple du pain, donné par Reboud (2006) permet d’éclaircir l’originalité de la visionproposée par l’approche par les capabilités :

“Une lecture utilitariste soulignera le fait que le pain, par sa consommation, créede l’utilité comprise comme bonheur ou de satisfaction de désirs. La théoriedu consommateur, quant à elle, considèrera le bien comme un ensemble decaractéristiques nutritionnelles (glucides, lipides, sels minéraux…) ou autres(conventions sociales, facteurs de rapprochement entre personnes…) … Dans

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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une approche par les capabilités, le pain sera apprécié par les capacités defonctionner particulières dont il dote la personne, par exemple être affranchi de la

faim, ne pas avoir des carences nutritionnelles.” 94

3. Rôle de la libertéLa notion de capabilités, au centre de l’analyse de Sen, renvoie automatiquement à cellede liberté puisqu’elle met en avant la liberté de choisir le mode de vie qu’on souhaite mener.Le concept de liberté auquel Sen fait référence est celui de liberté positive. C'est-à-dire quetout individu, confronté à un ensemble de choix réels, est en mesure, par le biais de sespotentialités d’opérer un choix et ce de manière indépendante.

Selon Reboud (2006) “la liberté comprise dans la notion de capabilité procède d’unraisonnement contrefactuel qui consiste à se demander s’il aurait été possible de faireautrement ou de choisir autre chose que ce que l’on a effectivement fait ou choisi.” (page 46)

Comme nous avons eu l’occasion de le mentionner dans le chapitre 2, deuxéléments importants déterminent la liberté d’une personne : ses potentialités ainsi que lesopportunités auxquelles elle peut avoir accès. Sen explicite cette notion de liberté positivedans les termes suivants : “ j’ai trouvé plus utile de considérer la liberté positive comme lacapacité de la personne d’agir en prenant tout en compte (y compris les restrictions externeset les limitations internes)” (Sen 2005, page 459)

Par contre, la liberté négative est définie comme l’absence d’obstacles, entraves ou decontraintes. Adopter ce sens strict de liberté aboutit à tolérer des situations où les gens n’ontaucune possibilité de choix. Sen renvoie ces libertés à l’aspect permissif de la liberté d’agir,traduisant l’autonomie des individus à décider de leurs actions.

L’importance de la liberté dans l’approche par les capabilités est due à deuxraisons essentielles : une raison d’évaluation et une raison d’efficacité. Selon la premièreraison, toute évaluation du développement et du progrès doit être jugé par rapport àl’extension des libertés auxquelles les individus ont accès. Par la focalisation sur la libertécomme information pertinente, l’approche par les capabilités se distingue des approchestraditionnelles qui se préoccupent exclusivement de variables telles que l’utilité ou le revenu.L’objectif premier du développement doit être tourné vers le souci d’étendre l’ensemble deschoix. Les individus doivent être en mesure de choisir le mode de vie qui leur convient.L’échec et la réussite en terme de développement sera alors évalué par l’étendu des libertésréelles au sein de la société.

“Tout d’abord, dans l’approche normative suivie ici, on accorde une importancecritique aux libertés substantielles. Dans cette perspective, le succès d’unesociété donnée est mesuré, en premier lieu, par les libertés substantielles dont

jouissent ses membres.” 95

La raison d’efficacité explique comment la capacité d’action (à travers la libre initiative)influence le développement. Le rôle d’agent (qui traduit la capacité d’action des gens)évoqué par Sen désigne la capacité des gens à agir et modifier l’état des choses. L’individudevient alors non seulement le bénéficiaire du développement mais un véritable acteur.Observer l’interconnexion des libertés d’ordres différents montre la manière dont ces libertés

94 Reboud 2006, page 4395 Sen 2003, page 33

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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se renforcent mutuellement. Sen (2003), cite plusieurs exemples de ces interconnexions(nous reviendrons sur quelques uns dans la suite de cette section) .Les paroles de Streeten(2000), dans son commentaire sur l’approche par les libertés résument à merveille cetteidée :

“Sen sees expansion of freedom both as the primary end and as the primalmeans of development. He illuminates the connection links different types offreedom with one another. Political freedom promotes economic security. Socialopportunities facilitate economic participation. Economic facilities generateresources for social facilities. Different types of freedom strengthen each other.”

Sen (2005) insiste sur la différenciation entre deux aspects de la liberté96 :

1. L’aspect opportunité qui rend compte de l’ensemble des choix accessibles pour unindividu, sa capacité à réaliser avec succès ses objectifs.

2. L’aspect processus désigne le processus mis en œuvre pour parvenir à ses objectifs.Le fait de pouvoir décider soi même de ses actes constitue une face importante de laliberté, indépendamment du résultat obtenu. Cet aspect renvoie à des considérationsd’autonomie, d’immunité et de droit.Voir Sen 2005 pour plus de détails (Chapitre 20 à22)

Bien que fondamentale, cette distinction n’écarte pas l’existence de possibles recoupementsentre les deux aspects, sans encore exclure l’éventualité de divergence dans certainescirconstances particulières. L’exemple d’une personne qui cherche à atteindre l’objectif degagner aux élections à travers un moyen juste (se comporter honnêtement) en est illustratif

Section 2 : Bien-être et pauvreté dans l’approche par les capabilités.L’approche par les capabilités offre un modèle normatif d’évaluation du bien-être -dans uneperspective multidimensionnelle- et de formulation des politiques de lutte contre la pauvreté.Les précurseurs de cette approche insistent sur les racines des idées développées quireprennent les travaux d’Aristote, Hegel, Smith et Marx97. Nous verrons au cours de cettesection comment cette approche permet de reconsidérer l’appréhension du bien et par suitel’étude de la pauvreté.

1. Bien-être et CapabilitésL’approche par les capabilités représente une nouvelle voie pour l’appréhension du bien-être et l’étude de la pauvreté et des inégalités. La valorisation du bien-être incorpore la libertéde choix entre les diverses alternatives possibles. Elle insiste sur les valeurs de réalisationde la liberté. Ainsi, le bien-être tient compte, à la fois, de l’étendue de l’ensemble desfonctionnements possibles (les choix offerts) et des accomplissements réalisés. Augmenterle bien-être des individus revient donc à contribuer à l’élargissement de l’espace desfonctionnements ainsi qu’à leur permettre de réaliser les fonctionnements qu’ils valorisent.

96 Les paroles de Sen sont très claires à ce niveau : “Ainsi, l’approche de la liberté en tant qu’opportunité doit non seulement considérersi une personne a l’opportunité de choisir une option plutôt qu’une autre dans un ensemble d’opportunités selon ses préférences maisaussi jusqu’à quel point elle a l’opportunité de choisir –ou développer ses préférences, ainsi que celles qu’elle préférerait avoir.” (Sen2005 page 20). Il utilise même cette distinction pour étudier les implications sur l’évaluation des mécanismes du marché (Sen 2005)97 Khan (2004)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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L’approche de Sen contribue à étendre l’appréhension du bien-être en mettant aucentre de l’analyse la capacité de choix des individus. Les facteurs économiques (ainsi qued’autres facteurs) influencent le bien-être à la fois subjectif et objectif mais aussi influencentl’ensemble des possibilités offertes, sans pour autant en garantir l’accomplissement. Lesfacteurs non économiques peuvent contenir des éléments comme l’état de santé, lesrelations, les croyances, etc. (Fig. 2)

Comme le montre la Fig. 2, la notion de liberté, apparaît dans la nouvelle vision commele véritable moteur du bien-être. L’influence des différents facteurs passe essentiellementpar l’élargissement des possibilités de choix.

2. Pauvreté et fonctionnementsL’étude de la pauvreté –comme une situation inacceptable par rapport aux normes sociales– fait appel à des considérations normatives au regard de l’équité98. La lutte contre ce

98 Asselin et Dauphin (2000)

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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phénomène vise à atteindre une certaine forme d’égalité sociale. La tâche est alors derépondre à la question «égalité de quoi ? »

“La question clef pour analyser et mesurer l’inégalité c’est «égalité de quoi ?» (…) Je montrerai aussi que les éthiques de l’organisation sociale qui ontrésisté à l’épreuve du temps ont quasiment toute en commun de vouloir l’égalitéde quelque chose (…) Non seulement il existe des égalitaristes de revenu quiveulent les mêmes rentrées d’argent pour tous et des égalitaristes de bien-être social qui revendiquent un accès égal à ce bien-être, mais les égalitaristesclassiques préconisent, eux aussi, que l’on accorde une importance égaleaux utilités de tous, et les libertariens purs que l’on reconnaisse à tous l’égale

jouissance d’une chose entière de droits et de libertés” 99 .

Pour Sen, tout comme pour Rawls d’ailleurs, il existe une hiérarchie ente la liberté et lajustice : ainsi, le principe de liberté l’emporte sur celui d’équité. Il devient alors indispensabled’atteindre l’égalité des capabilités basiques, c’est à dire permettre à tous les individusd’accomplir certains actes fondamentaux.100

L’espace des «capabilités » est plus approprié pour l’évaluation des inégalités. En effet,“ rechercher une égalisation des situations monétaires des individus n’est pas pertinent pourtraiter les problèmes de privation”101. L’expérience montre que les inégalités de revenu nepeuvent résumer toutes les disparités qui existent au sein d’une société donnée. Ainsi, dansles pays développés, malgré le recul de la pauvreté monétaire, on observe une aggravationdu sentiment d’exclusion102.

Les phénomènes d’exclusion, de marginalisation appellent à accorder plus d’attentionaux retombées sociales que peuvent subir certains groupes de la population. En effet, il fautidentifier les pauvres, de manière plus fine, en fonction des facteurs à l’origine de leur faibleniveau de vie. En d’autres termes, “être pauvre ne signifie pas seulement avoir un revenuet une consommation trop faible, mais aussi ne rien avoir en suffisance, qu’il s’agisse del’instruction, de la nutrition et d’autres aspects du développement humain ”103. L’étude del’exclusion sociale contribue à enrichir notre compréhension de la nature de la pauvreté etde ses causes, et par la suite l’amélioration des politiques et des actions sociales104.

A ce niveau, les effets néfastes du chômage ne pourront être réduits à la simple pertede revenu, mais affectent aussi l’équilibre psychologique, la motivation professionnelle,les compétences et l’estime de soi. “ Le chômage est source d’exclusion sociale pourcertains groupes, il mine les capacités d’autonomie, de confiance en soi et même l’équilibrepsychologique et physique”105. Le chômage est aussi la cause de l’augmentation des

99 Sen (2000a) pages 9, 10100 Voir Hugon(1999) pour plus de détail sur ce point.

101 Dufresne et Raveaud (2004)102 Bourguignon (2003). Intuitivement l’amélioration du niveau de vie ainsi que la satisfaction des capabilités de base dans

les sociétés développées tend à élever le niveau des aspirations et contribue de la sorte à la hausse des sentiments de privationet d’exclusion.

103 Rapport Mondial sur le Développement Humain (RMDH 2000)104 Sen (2000b)105 Sen (2003) page 37.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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maladies, ainsi que la détérioration des liens sociaux et familiaux, l’exclusion sociale etl’accentuation des tensions raciales, etc.

Chakravarty et D'ambrosio (2006) ont développé une approche axiomatique de mesurede l'exclusion. L'exclusion ne peut être réduite au seul aspect économique, à travers l'accèsà l'emploi, mais elle doit être perçue comme un phénomène multidimensionnel où lesaspects économiques, sociaux et politiques s'interagissent de manière forte, exerçant ainsiune influence sur la vie humaine. A ce moment, un individu sera identifié comme exclu s'il estincapable de participer, de la manière qu'il souhaite, aux diverses activités de la société ausein de laquelle il vit. Certes l'exclusion n'admet pas seulement une dimension individuellemais elle peut aussi toucher certains groupes de la société:

For individuals in particular groups, social exclusion represents a progressiveprocess of marginalization leading to economic deprivation and various forms of

social and cultural disadvantage. 106

L’exemple de certains groupes, au sein des pays développés (les noirs américains parexemple) illustre parfaitement l’idée selon laquelle les inégalités de revenu sont incapablesde rendre compte de l’ampleur des disparités. En effet, ces groupes disposant de revenusbeaucoup plus importants que dans la plupart des pays en développement, affichent desrésultats très “timides” en termes d’espérance de vie. Il est intéressant de reprendre lesparoles de Sen, pour arriver à une définition encore plus claire de la pauvreté :

“Il est juste de considérer la pauvreté comme une privation de capacités debase plutôt que, simplement comme un revenu faible. La privation des capacitésélémentaires se traduit par une mortalité prématurée élevée, de la malnutrition,

une morbidité persistante, un faible taux d’illettrisme et d’autres problèmes” 107 .

La définition de la pauvreté est très fortement contingente à celle du bien-être. Dansl’espace des fonctionnements, la pauvreté est perçue comme un manque de capabilitésfonctionnelles élémentaires pour atteindre certains minima acceptables au regard desnormes sociales. Elle traduit dans un certain sens l’incapacité des individus à mettre enœuvre, et de développer, l’ensemble de leurs dotations pour satisfaire leurs aspirations.La non-réalisation des fonctions essentielles de la vie humaine est due à l’insuffisance despotentialités et/ou opportunités.

La pauvreté est alors appréhendée non comme un manque de satisfaction des besoinsfondamentaux ou en termes de ressources, mais plutôt en termes “ de défaut de réalisationde certains fonctionnements de base et l’acquisition des capacités correspondantes ”,comme la définissent Destremau et Salama (2002). Dans le même ouvrage, la pauvretéapparaît dans l’image d’une “ inadéquation des moyens économiques au regard dela propension des personnes à les convertir en capacités de fonctionner dans unenvironnement économique, social, culturel particulier.”108

La définition de la pauvreté en termes de capabilités apparaît légitime pour troisraisons. D’abord, les capabilités admettent une importance intrinsèque dans le sens où

106 Chakravarty et D'ambrosio (2006)107 Sen (2003) page 36.

108 Pour Sen, si on considère l’espace des revenus, le concept pertinent doit être l’inadéquation et non la faiblesse etdonc il devient indispensable de rassembler l’individu en groupes relativement homogènes selon le sexe, la classe sociale, le statutprofessionnel, avant de procéder aux étapes d’identification et d’agrégation.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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ils constituent les fondements essentiels d’une vie humaine digne. En d’autres termes,le rôle des capabilités ne peut être réduit à faciliter aux individus le gain d’un revenusatisfaisant. Ensuite, l’existence d’un lien étroit entre l’impossibilité de développer sesfacultés individuelles et le maintien des revenus à un bas niveau ne peut cacherl’évidence que d’autres facteurs influencent la production des capabilités. Enfin, la relationinstrumentale entre privation monétaire et privation de capabilités reste variable : elledépend des caractéristiques individuelles (âge, sexe, etc.) ; la situation géographique(catastrophes naturelles, insécurité, etc.) ou encore de l’environnement épidémiologique,etc.109

“Malgré le rôle majeur des revenus dans les avantages dont jouissentles individus, la relation entre revenu (et autres ressources) d’un côté, etaccomplissements individuels et libertés de l’autre, n’a rien d’automatique, depermanent ou d’inévitable. Un large faisceau de facteurs contingents soumet àdes variations continuelles la conversion des revenus en fonctionnements que

nous souhaitons obtenir et affectent la conduite que nous nous fixons” 110 .

Toutefois, nous ne pouvons nous baser sur tout l’ensemble des capabilités dans l’étudede la pauvreté. Ceci revient au fait que cet ensemble tient compte de la liberté de choixet non seulement des fonctionnements accomplis. La prise en compte de la liberté dechoix entraînera un large ensemble de fonctionnements qui reflètent tous les modes de vieaccessibles à un individu. Pour Sen, il est indispensable de distinguer quatre catégoriesd’informations pertinentes pour une personne : le bien-être en termes d’accomplissements,le bien-être en termes de libertés, qualité d’agent en termes d’accomplissement et la qualitéd’agent en termes de libertés. Cette nouvelle théorie “ fait reposer le bien-être à la foissur la capacité d’agir (agency) et sur la satisfaction ressentie (well- being) et distingueles capacités des fonctionnements ”, ce qui représente “ un contexte philosophique trèséloignés de l’utilitarisme”.111

“Il nous faut distinguer l’aspect bien-être de l’aspect action de la personne. Lepremier désigne ce qu’une personne accomplit et les possibilités qui s’offrentà elle dans le contexte de son avantage personnel, tandis que le second vaplus loin : dans son examen des accomplissements et des opportunités, il tientcompte également d’autres objectifs et valeurs, qui peuvent dépasser largement

la poursuite du bien-être personnel. ” 112

La définition de certains fonctionnements élémentaires, selon le contexte social d’étude,peut constituer une solution dans le cadre de l’étude de la pauvreté et des inégalités. Au seinde cette approche, la pauvreté est définie par rapport au manque de certaines capabilitésbasiques. En d’autres termes, les capabilités basiques font référence aux “opportunitésréelles pour échapper à la pauvreté ”113. Tout le problème réside alors dans la déterminationde ces “capacités”, vu que Sen préfère laisser au cadre local le soin de les identifier

109 Voir Sen (2003) pour plus de détails.110 Sen (2003, page 150).111 Boulanger (2004)112 Sen (1993) page 56113 Robeyns (2004)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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selon une procédure de discussion et de choix social114. Il donne toutefois quelqueséclaircissements à ce niveau :

“On pourrait avancer que ce qui manque à l’ensemble de ce cadre, c’est lanotion de ‘ capabilités de base’, le fait qu’une personne soit capable d’accomplircertains actes fondamentaux. La capacité de se déplacer est celle qui nousintéresse ici, mais on peut en imaginer d’autres, par exemple la capacité desatisfaire ses besoins nutritionnels, les moyens de se procurer des vêtements et

un toit, ou le pouvoir de participer à la vie sociale de la communauté” 115

3. Sélection des capabilités basiques.Dans l’espace des fonctionnements, l’existence d’un noyau absolu de pauvreté permet dedéfinir la privation comme un manque de réalisation de certaines “capabilités basiques”116.L’évaluation passe donc par la sélection des fonctionnements élémentaires. Toutefois,Sen refuse d’établir une liste de ces fonctionnements, il refuse même de donner uneméthodologie de sélection. Le choix des fonctionnements doit être le résultat d’investigationet de discussion au niveau collectif pour arriver à détecter les composantes de la vie lesplus valorisées par les membres de la société. De plus, on doit tenir compte de la natureet de l’objectif du travail mené.

La parfaite illustration provient du Rapport Mondial sur le Développement Humain, oùle choix des dimensions essentielles de la vie humaine répondait au souci de mener descomparaisons internationales. La pauvreté en termes de Développement Humain est traitéecomme un manque de choix et d’opportunités pour vivre. Cette vision de la pauvreté a lemérite d’éclairer les retards de développement que connaît une société donnée.

D’autres travaux se sont intéressés à la détermination des éléments d‘une telle liste.Ainsi, Nussbaum (1995, 2000) définit un ensemble de “capabilités humaines basiques”composé de 10 fonctionnements universels. Cette liste ouverte possède le caractère d’êtredésirable dans toutes les sociétés. Le but est de recenser les conditions essentielles pouratteindre une «vie humaine », dans la mesure où seule une vie humaine doit être valorisée.La construction de deux seuils permet de distinguer trois types de vie. Au–dessous dupremier seuil, la vie n’est pas considérée comme humaine pour autant. Pour Nussbaum,une bonne vie humaine n’est réalisée qu’en dessus du deuxième seuil.

La liste proposée par Nussbaum inclut des éléments relatifs à la bonne tenue physique(vie, santé, déplacement, sécurité, etc.), des éléments psychologiques (imagination, librepensé, émotion, etc.). Il s’agit aussi de permettre aux individus de vivre en harmonie avecleur environnement social et naturel (affiliation : interactions sociales, respect de soi ; relationavec la nature : animaux et plantes, etc.) et leur assurer la participation à la prise dedécisions politiques et l’accès à de vraies opportunités en termes de propriété et d’emploià titre d’exemple.

Dans la même direction, Desai (1995) introduit dans sa liste 5 capabilités relatives àla vie, la santé, le savoir et les relations sociales. Ulrich (1993) étudie les éléments socio-

114 Comme le notent Martinetti et Moroni (2007) : “Sen declines to endorse a single definitive list of capabilities since he conceivesthe capability approach as a general, flexible framework of thought open to both a broad range of evaluative purposes and differingviews about the concept of individual advantages, normative assessments and social arrangements”.115 Sen (1993) page 210116 Sen (1984)

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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économiques nécessaires pour garantir et protéger la dignité de la vie humaine. Il s’agitd’assurer les droits essentiels aux individus, en vue de décider de leur sort et être enmesure de réaliser leurs objectifs. Les 8 capabilités retenues font référence à certains droitsfondamentaux : droit à l’éducation, droit de participation à la vie sociale et politique, droità la sécurité, etc.

Alkire (1998) propose une méthode de sélection des fonctionnements basiques. Pourêtre considéré comme basique, un accomplissement doit satisfaire six critères117 :

i. Etre un élément de l’ensemble des capabilités.ii. Constituer un besoin fondamental de la vie humaine.iii. Ne dépendre d’aucun fonctionnement non basique.iv. Ne dépend pas de la présence d’une compétence particulière ou d’un talent

extraordinaire.v. Le seuil minimum de l’accomplissement peut être spécifié et observé.vi. Dans le long terme, la réalisation de ce fonctionnement ne compromet pas la liberté

d’accomplir d’autres fonctionnements importants.

4. Pauvreté monétaire et pauvreté des capabilités.L’approche par les capabilités ne nie pas l’importance du rôle instrumental de l’augmentationdes revenus mais non comme une fin en soi. Toutefois, en termes de revenu, leconcept pertinent qui définit la pauvreté ne doit pas être la faiblesse mais l’inadéquation :l’inadéquation des revenus pour assurer les capabilités minimales. Cela suppose unerelation de cause à effet entre l’exigence de capabilités minimales d’une part, et le revenunécessaire à cette fin, d’une autre. La relation «revenu – capabilités » est affectée par lescaractéristiques personnelles et les opportunités sociales.

Encadré 1 : Approche par les capabilités : entre Sen et Nussbaum L’approchepar les capabilités dont les fondements ont été initialement établis par Sen depuis lesannées 1980, a bénéficié des enrichissements de nombreux spécialistes de différentesdisciplines. Sans doute, la contribution la plus fructueuse peut être attribuée à laphilosophe américaine Martha Nussbaum. Toutefois comme le note Robeyns (2005)les deux pionniers divergent sur un certain nombre de points : “Sen’s and Nussbaum’sapproches are very closely related, and are allies in their critique of theories such asUtilitarianism. However, Nussbaum and Sen also differ on a number of issues”. Lapremière différence revient à l’objectif même de la recherche. Alors que le travail deNussbaum peut s’inscrire dans le cadre d’une théorie de la justice, en cherchant àélaborer les principes politiques garantissant les droits de citoyenneté, l’objectif de Senn’est pas aussi clair. Nussbaum définitsa version des capabilités “The basic idea of myversion of the capabilities approach, in Women and Human Development, is that webegin with the conception of the dignity of the human being, and a life that is worthy ofthat dignity- a life that has available in it ‘truly human functioning’ ” (Nussbaum, 2001). Ilest à noter toutefois que les intérêts de Sen étaient tournés vers un ensemble de pointsà savoir : l’espace d’égalité, l’étude de la famine et de la pauvreté ainsi que la théorie du

117 Dans Alkire (2002) la liste des critères ne contient que deux éléments. Ainsi, les fonctionnements basiques doivent : i)Être d’une importance particulière pour le groupe de la population considéré, à l’instant donné t. ii) Être sensible à l’action sociale.C'est-à-dire que les règles économiques et sociales ont une influence directe sur le niveau de ces fonctionnements (santé, éducation,emploi…)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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choix social (Robeyns 2003, 2005). La philosophe américaine s’est aussi démarquéede Sen en distinguant dans son analyse capabilités de base, capabilités internes etcapabilités combinées. Elle propose aussi une liste de capabilités basiques constituéede dix éléments : “like the international human rights movement, I am very definite aboutcontent, suggesting that a particular list of capabilities ought to be used to define aminimum level of social justice, and ought to be recognized and given something likeconstitutional protection in all nations” (Nussbaum 2005). Un autre point de divergenceentre les deux chercheurs est la fonction d’agence. Nussbaum nie toute nécessité àcette notion. Elle prétend que toutes les distinctions importantes peuvent être capturéescomme des aspects de la distinction entre l’univers du possible (capabilités) et celui desréalisations (fonctionnements).

Sen (1998) essaye de détourner l’attention –trop concentrée sur les revenus et lapossession – vers des capabilités ayant une valeur intrinsèque : échapper à la mortalitéprématurée à titre d’exemple. La significativité des informations sur des indicateurs tels lamortalité apparaît pleinement à partir du moment qu’on reconnaisse l’importance intrinsèqueattribuée à la vie. De plus, la réalisation d’autres capabilités valorisées est contingente à lavie. De même, l’analyse de la pauvreté humaine adoptée par le PNUD est en étroite relationavec l’approche par les capabilités. La pauvreté est alors définie en termes de manqued’opportunités et de choix basiques tels l’accès au savoir et à la communication, les libertéspolitiques, etc. Il s’agit de placer la dimension humaine au centre de tout processus dedéveloppement.

Sur le plan pratique, pour contrôler les multiples facettes de la pauvreté, il estindispensable de se restreindre aux seules dimensions pouvant faire l’objet d’un suiviquantitatif précis. La définition du développement humain, et par conséquent celle depauvreté humaine, incorpore trois dimensions essentielles : la longévité, l’accès au savoiret la possibilité de disposer d’un niveau de vie décent. Dans cette perspective, l’indicede pauvreté humaine (IPH) s’attache aux carences observées dans les trois dimensionsenvisagées par le développement humain.

Le Rapport Mondial sur le Développement Humain a le mérite d’éclairer les paradoxesqui peuvent surgir lorsqu’il est question d’effectuer des comparaisons internationales, enterme d’accomplissements au niveau du Développement Humain d’un côté, en terme dePIB d’un autre. Le classement selon les deux critères diffère sensiblement pour plusieurspays, notamment pour l’Afrique du sud ou la différence (dans le même ordre de citation)est de -66118. Ceci rejoint, les conclusions de Sen (1985) qui affirme que le Sri Lanka, l’Indeet la Chine réalisent de meilleures performances en terme d’espérance de vie, mortalitéinfantile, éducation de base, par rapport à des pays dont le PIB est environ 7 fois supérieur :le Mexique et le Brésil.

Kakwani (1993), compare les niveaux des accomplissements avec le changement duniveau de vie. Il constate que la relation n’est ni linéaire ni uniforme. L’approche axiomatiquequ’il dérive aboutit à la définition d’une fonction d’accomplissement. Trois indicateursde fonctionnements accomplis ont été utilisés à savoir : le taux de mortalité infantile,l’espérance de vie à la naissance et le taux d’alphabétisation. Les résultats montrent quele niveau de vie est influencé par le revenu notamment dans les pays pauvres. De mêmeAnand et Ravallion (1993) utilisent les mêmes indicateurs pour évaluer le rôle des servicespublics dans le développement humain.

118 Il s’agit de la différence entre le classement de l’Afrique du sud selon le PIB d’un coté et selon l’indicateur IDH d’un autre.(RMDH 2004)

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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D’autres travaux empiriques, se sont inspirés du cadre théorique de Sen. Brandolini etD’Alessio (1998) explorent l’aspect multidimensionnel de la privation en s’intéressant à 6fonctionnements : santé, éducation, emploi, logement, relations sociales et les ressourceséconomiques. Les résultats, menés à partir d’une base de données de la banque d’Italie(Survey of Household Income and Wealth 1993) sont particulièrement intéressants pour lacomparaison entre différents groupes de la société. Ils montrent que la population féminineet celle du Sud sont les plus touchées par la pauvreté en termes de fonctionnements.

Lardechi (1999), fait remarquer que:“Despite a now large consensus on the multidimensional nature of poverty (…)little attention has been paid to truly incorporate multidimensional concerns of

the kind raised by Sen in the practice of poverty assessment.” 119

L’étude du cas péruvien, avec les techniques de l’approche des ensembles floues, aboutit àla conclusion selon laquelle les ressources monétaires représentent un mauvais indicateurdes dotations en “capabilités” d’une population.

De même, Chiappero- Martinetti (2000), avec la théorie floue sur des donnéesitaliennes, présente un essai pour l’application empirique de l’approche développée par Sen.La privation est évaluée par rapport à cinq fonctionnements essentiels : logement, santé,éducation et savoir, relations sociales et conditions psychologiques. Les résultats apportéspar cette technique, sur des données belges120, sont conformes aux conclusions d’étudesantérieures qui démontrent un haut niveau d’accomplissement concernant les conditionséconomiques, psychologiques et la santé mais de «pauvres » réalisations en termes derelations sociales et d’activités économiques.

L’appréhension multidimensionnelle a le mérite de mettre en avant les attributs où lapauvreté est la plus importante. Dans les pays en développement les carences en termes deniveau d’instruction, de nutrition, de santé et de condition de logement semblent constituerles faces marquantes de la privation (Rapport Mondial sur le Développement HumainRMDH, Lachaud 1999, 2000). Il existe, à ce niveau un différentiel non négligeable entre lasituation “monétaire” et la situation “humaine”.

En réalité, la correspondance entre les indicateurs sociaux (IDH et IPH) et les moyensmatériels n’est pas facile à établir (PIB et Pauvreté Monétaire). Le rapport du PNUD (RMDH1997) confirme la faible relation entre les résultats procurés par la pauvreté monétaire d’uncôté et par l’IPH d’un autre côté. D’autres travaux, traitant la relation entre le taux de mortalitéet le niveau de revenu, ont aboutit à la même conclusion.

De nombreuses études121 tendent à confirmer l’évidence selon laquelle les pauvressont en moyenne en moins bonne santé par rapport au reste de la population. La régressiondes indicateurs de santé sur une mesure de la pauvreté et des dépenses publiques faitapparaître un effet positif de ces deux dernières122.

Concernant l’éducation, Chui (1998) présente un modèle intergénérationnel avecaltruisme, essayant d’étudier l’impact des conditions économiques sur le développementdu capital humain. En fait, un enfant riche est plus en mesure de développer ses talents

119 Lardechi (1999)120 Lelli (2000)121 Bidani et Ravallion (1997), Waldman (1992), etc.122 Anand et Ravallion (1993).

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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comparé à un enfant issu d’une famille pauvre- ayant les mêmes caractéristiques innées-et ce, grâce à une éducation de meilleure qualité. Les études tendent à montrer123

qu’au-delà du primaire, l’enseignement bénéfice essentiellement aux classes de dépensessupérieures.

Labaronne et Ben abdelkader (2004), en s’inspirant des travaux de Sen, démontrentla relative faiblesse de la relation entre la pauvreté monétaire et “les capacités despopulations”. Ils exploitent une enquête du Ministère de l’économie, des finances et del’industrie mené en 2001. On tire de ce travail un résultat qui va dans le même sens desremarques que nous avons déjà mentionnées :

“Il est intéressant de noter qu’un pays comme la Tunisie, où la grande pauvretétouche moins de 2 % de la population totale, dispose d’un niveau de capacitésdes populations semblables à des pays comme le Nigeria ou l’Inde où unegrande partie de la population est condamnée à vivre sous le seuil de 1 $ par jour(respectivement 70 % et 44%)”.

Le calcul d’une mesure multidimensionnelle de pauvreté permet de mener descomparaisons dans le temps et dans l’espace. L’intérêt de spécifier les combinaisons de“sous- groupes / attributs” pour les quelles la pauvreté affiche les niveaux les plus élevésest de mieux comprendre la distribution du phénomène ainsi que ses déterminants. Lalocalisation des régions les plus démunies permet de cibler les poches de privation ce quirend plus efficaces les politiques socioéconomiques.

En conclusion, on peut dire que l’appréhension de la pauvreté en tant que manque decapabilités élémentaires met l’accent sur des dimensions de privations humaines souventomises. La conception de la pauvreté comme un phénomène multidimensionnel ne cesseaujourd’hui de confirmer son utilité à la fois pour comprendre et agir. Le développementde la littérature sur les mesures multidimensionnelles est venu offrir à cette intuition unoutil d’application de plus en plus rigoureux. Les résultats apportés par les divers travauxrévèlent la pertinence de l’appréhension multidimensionnelle pour lutter contre la pauvretédans toutes ses faces.

5. Limites de l’approche par les capabilitésLa limite principale de l’approche apparaît à travers le problème qui se pose au momentde l’évaluation des capabilités124. Se baser sur tout l’ensemble des fonctionnements ou selimiter aux seuls accomplissements ?

Dans le premier cas, l’évaluation doit tenir compte de la liberté de choix : la libertéde rechercher le bien-être. On sera confronté alors à un ensemble infini de possibilités :une tâche qui paraît impossible. On est contraint de recourir au deuxième cas : minimiserle rôle de la liberté de choix et ne considérer que les fonctionnements accomplis. Le faitque ces fonctionnements aient été choisis pour être accomplis, offre la possibilité de rendreendogène la liberté de rechercher le bien-être.

Comme convenu, l’évaluation du bien-être, dans l’optique des capabilités, va entraînerun large ensemble de fonctionnements- réalisables et accomplis- du fait que les capabilitésreflètent le choix entre tous les modes de vie accessibles à un individu. Dans le cadre

123 Lanjouw et al. (2001)124 Qizilbash (1996) formule quatre critiques essentielles envers l’approche par les capabilités. La première critique concerne la non-existence de liste prédéterminée de fonctionnements.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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de l’étude de la pauvreté, on peut se restreindre à l’observation d’un nombre réduit defonctionnements.

Cette difficulté à évaluer la liberté a été largement évoquée. En effet, aucuneméthode fiable ne permette de recueillir l’information nécessaire sur l’ensemble deséventualités ouvertes aux individus. Anand et Van Hees (2006) ont tenté de remédier à ceproblème d’application en élaborant des questions demandant directement aux personnesinterrogées d’apprécier de leurs capabilités125. Même si cette simplification coûte des erreursd’appréciation (confusion fonctionnements réels et possibles, association fonctionnements-inputs), les résultats montrent qu’il est possible de distinguer les différentes capabilités.Pour Sen, l’observation des fonctionnements accomplis peut être complétée par d’autresinformations de manière à obtenir une estimation satisfaisante des capabilités. Il va encoreun peu plus loin en jugeant les accomplissements comme “une manière d’estimer commentune personne évalue elle-même les options dont elle dispose”126

Une deuxième critique, également répandue concerne l’individualisme de l’approche,accusée d’ignorer la notion du groupe. En réponse à cette critique Sen ne cesse depréciser l’interconnexion entre la liberté comme notion individuelle et le développementsocial. En effet, la réalisation des objectifs individuels dépend de la manière dont s’exercela liberté au niveau sociale, laquelle dépend des possibilités de participation aux décisionspubliques. Pour Sen, l’importance de la démocratie provient du fait qu’elle représente“une des sources primordiales d’opportunités sociales”127. A titre d’exemple, les normessociales dans plusieurs régions (droits d’appropriation, lois de succession, etc.) ont pourconséquence de limiter l’accès des femmes aux ressources économiques. Ainsi, Sen noteque :

“Si leur implication dans la sphère économique est la source de nouveauxrevenus dont elles tirent partie, la promotion sociale et l’indépendance qu’ellesy gagnent (et qui tend à miner la discrimination sexuelle dans les décisionsfamiliales) a aussi d’autres conséquences positives, telles que la réduction de la

fertilité et de la mortalité ”. 128

Stewart (2005) fournit une tentative d’illustration empirique de la dimension de groupe dansl’approche par les capabilités en faisant référence à des groupes en conflit. L’appartenanceà un groupe, autre que sa valeur intrinsèque dans la vie humaine, contribue directement aubien-être des individus, influence leur choix et valeurs et facilite l’accomplissement d’autrescapabilités.

Section 3 : Agrégats Sociaux et Mesures MultidimensionnellesLes récents développements de la littérature sur la pauvreté permettent d’appréhenderla privation en termes de manque de certaines capabilités élémentaires. L’accent est misalors sur la qualité de l’existence humaine avec ses multiples dimensions. En conséquence,l’aspect matériel ne suffit plus pour caractériser la population défavorisée. A cet égard,

125 Le questionnaire tente de différencier les réponses en terme de capabilités et de fonctionnements relatifs à 7 dimensions :bonheur, sens d’accomplissement, santé, projets personnels, motivations personnelles, relations sociales, Environnement.

126 Sen (2003)127 Sen (2003, page 213)

128 Sen (2003, page 268)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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l’approche monétaire représente une conception trop étroite du bien-être. La qualité de la viedépend non seulement des conditions économiques mais aussi des conditions physiqueset sociales.

Toutefois, comme le remarque Ravallion (1995), il est indiscutable “qu’une mesurede la consommation complète et adéquatement normalisée demeure le meilleur indicateurdu bien-être matériel ”. Dans cette perspective, Ravallion (1998) présente un essaipour relier l’idée théorique de capabilités à celle d’utilité. Les capabilités ne constituentpas un substitut à l’utilité, en tant qu’indicateur de bien-être, mais elles offrent uneinformation complémentaire. La tentative de Ravallion consiste à exprimer la fonctiond’utilité, implicitement, en fonction des capabilités.

Au cours de cette section nous présenterons un aperçu concernant la décompositiondes agrégats sociaux pour explorer la situation de certains groupes de la population. Enfinle deuxième paragraphe revient sur les mesures multidimensionnelles de pauvreté.

1. Agrégats Sociaux et DécompositionL’agrégation des indicateurs sociaux, ayant trait à l’état de santé et l’éducation, nereprésente pas de difficultés particulières lorsqu’on a accès à des données en relationdirecte avec le sujet étudié. Concernant la décomposition, Bidani et Ravallion (1995)présentent une méthode de modélisation des indicateurs sociaux agrégés qui permetd’estimer leur décomposition. La méthode possède la caractéristique d’exploiter l’identitéreliant les agrégats sociaux à la distribution de la population suivant des sous-groupes. Lebut de la décomposition est d’étudier, sur un échantillon de 35 pays, le différentiel d’effetdes dépenses publiques de santé et d’éducation sur l’état de santé des pauvres d’une partet celui des non pauvres d’autre part.

Des études antérieures129 ont suggéré une dépendance des pauvres aux dépensespubliques. A l’opposé, les non pauvres sont en mesure de se protéger en ayant recours auxsoins privés. La possibilité de substitution entre privé et public signifie que les pauvres sontles plus sensibles (si non les seuls) à la variation des dépenses étatiques.

Pour résoudre le problème posé par la non observabilité des niveaux moyens desindicateurs sociaux des groupes, les Y ij ont été traité comme des coefficients aléatoires

129 Anand et Ravallion (1993)

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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dans la régression de Y i . Si on note X i , le vecteur des variables explicatives observablespour le pays i et Z ij , le vecteur de variables explicatives observables pour le groupe j dupays i.

Ce qui permet d’obtenir :

Les résultats obtenus mettent en avant que l’impact des dépenses publiques n’estsignificatif que sur l’état de santé des groupes de pauvres. Ainsi, les personnes disposantd’un revenu inférieur à 2 $ par jour, affichent en moyenne un niveau d’espérance de vieinférieur de 9 ans comparé au reste de la population.

2. Mesures de pauvreté multidimensionnelle.Une appréhension multidimensionnelle de la pauvreté exige l’élaboration de mesurescapables de refléter les différents aspects de la privation. Lorsque nous considéronsles travaux empiriques sur la pauvreté multidimensionnelle, il semble que deux voiesd’investigation ont été adoptées. La première utilise des données agrégées permettantl’évaluation des carences que connaissent certains pays en termes de satisfaction desbesoins élémentaires. L’indicateur IPH fournit la principale application de cette orientation130.La deuxième voie, utilisant des données microéconomiques, explore –outre la dimensionmonétaire – les autres facteurs sources de pauvreté. Dans cette perspective, le bien-êtred’un individu dépend de plusieurs attributs relatifs à : la santé, l’éducation, les relationssociales, les libertés politiques, etc.

L’avantage des mesures multidimensionnelles est de permettre un ciblage parfait desindividus défavorisés ainsi que les facteurs à l’origine de leur situation. Nous présenteronsles mesures multidimensionnelles de pauvreté, basées sur une approche axiomatique, quireprésentent une extension des mesures unidimensionnelles, ensuite nous avanceronsun aperçu de l’apport de la théorie des ensembles flous dans l’étude de la pauvretémultidimensionnelle.

2.1 Mesures axiomatiques.Depuis l’article pionnier de Sen (1976), l’intérêt porté au développement des mesuresbasées sur une approche axiomatique n’a cessé de croître. La transposition des axiomesformulés dans le cadre unidimensionnel au cadre multidimensionnel vise la constructiond’une généralisation des mesures de pauvreté monétaire. Une classe de mesuresmultidimensionnelles de la pauvreté se présente sous la forme :

130 La méthodologie de construction de l’indicateur IPH sera exposée au chapitre 4.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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Où avec x i : vecteur de k besoins essentiels de l’individu i.

Et z = (z1, z2, …, zn) vecteur des seuils des k besoins essentiels.

Les propriétés des fonctions F( . ) et π ( . ) dépendent des restrictions (axiomes)imposées. Généralement, une mesure de pauvreté doit respecter les axiomes de continuité,de symétrie, le principe de la population131, l’invariance aux variations d’échelle, laconcentration, la monotonicité. Sous l’axiome de monotonicité par sous groupes, la mesurede pauvreté s’écrit :

La décomposition par sous groupe et par facteur permet d’élaborer une famille demesures additives prenant la forme :

Plusieurs formes de π ( . ) ont été proposées dans la littérature, notamment :

131 Comme les comparaisons ordinales de pauvreté sont menées sur des populations de tailles différentes, il est indispensablede construire des mesures non influencées par la taille de la population. Voir Bibi (2004) et Bibi et El lagha (2006) pour une revuede la littérature des mesures multidimensionnelles.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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2.2 Mesures floues multidimensionnelles.La théorie des ensembles flous semble apporter à l’approche par les capabilités un supportempirique rigoureux pour l’application d’une analyse multidimensionnelle de la pauvreté entermes de fonctionnements132. Pour les précurseurs de cette théorie, la vision dichotomique(pauvre / non pauvre) de la pauvreté représente une simplification excessive de la réalité : lapauvreté n’est pas un attribut qu’un individu possède ou non, mais plutôt une situation dontl’intensité diffère d’un individu à un autre133. Nous essayerons au cours de ce paragraphede fournir une présentation des mesures multidimensionnelles floues.

La construction de mesures floues repose sur quatre étapes essentielles134. Si X = (X 1,…, X j , X m ) représente un vecteur de m attributs d’ordre économique, démographique,social, culturel, politique, etc. Soit A = {a 1 , a 2 , …, a n ) une population de n ménages.

i) Etape 1 : Population pauvreCosta (2002) définit l’ensemble des pauvres B comme suit :

“The subset of poor housholds b in cludes any houshold a i # B whichpresents some degree of poverty in at least one of the m attributes of X. ”

La deuxième étape va permettre de calculer le degré de pauvreté par attributs.ii) Etape 2 : Degré d’appartenance à BL’avantage de la théorie floue est d’allouer une transition graduelle entre la situation de

pauvreté et de non-pauvreté. Il ne s’agit plus de classer la population en pauvres et non

132 Lardechi (1999) ; Chiappero- Martinetti (2000) ; Lelli (2000) ; Costa (2002)…133 Lemmi et al. (1996)

134 Dagum et Costa (2002) ; Costa (2002)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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pauvres mais aussi envisager des situations intermédiaires qui peuvent être interprétéescomme un degré de pauvreté ou risque de pauvreté. Ainsi, dans un attribut j, le degréd’appartenance à B -l’ensemble des pauvres- prend des valeurs comprises entre 0 et 1. Laforme générale de la fonction d’appartenance s’écrit :

Dans le cas d’une variable dichotomique cette fonction prend seulement les valeurs 0et 1. On fait ici référence à des variables relatives à la possession de biens durables ourelatives à l’accès à un service particulier.

Deux spécifications linéaires ont été utilisées dans la littérature grâce à leurinterprétation facile permettant d’associer à chaque degré d’appartenance un indicateurcontinu de pauvreté. En d’autres termes, la fonction d’appartenance est bijective ce quipermet de qualifier cette approche de «Totalement Floue » (Totally Fuzzy).

La première fonction linéaire dépend exclusivement des valeurs extrêmes del’indicateur X j : X j, max et X j, min . Dans l’hypothèse où l’indicateur de pauvreté inclutK modalités ordonnées et équidistantes, il est possible alors de définir les deux modalitéslimites X j, max et X j, min correspondant respectivement à une mauvaise et une bonnedotation en terme de X j .

La deuxième fonction (spécification trapézoïdale) repose sur la fixation de deuxmodalités X’ j et X’’ j . En dessus de X’’ j la pauvreté est certaine, alors que la situationde non-pauvreté prévaut en dessous de X’ j .

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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A l’encontre des mesures Totalement Floues, les mesures TFR (Totally Fuzzy andRelative)135dépendent de la distribution entière de l’indice de pauvreté considéré. Ainsil’environnement social joue un rôle essentiel dans la mesure des privations. Cheli et Lemmi(1995) proposent alors une spécification de la fonction d’appartenance reflétant une relationmonotone non linéaire entre X j et μ i (X j ) ce qui signifie que cette dernière dépend dela distribution de l’indicateur X j et non seulement des valeurs extrêmes.

La spécification TFR prend la forme suivante :

Pour une variable ordinale la fonction d’appartenance devient :

135 Voir Cheli et Lemmi (1995) ; Filippone et al. (2001)

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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On voit alors que les mesures TFR capturent deux éléments essentiels dans touteanalyse de la pauvreté. D’abord l’influence du contexte social est donnée par la position del’individu dans la distribution de l’indicateur X j . Ensuite, la significativité de la pauvreté estdéduite à travers la fréquence relative de la population pauvre en termes de X j .

iii) Etape 3 : Ratio de pauvreté d’un ménage.Le ratio de pauvreté d’un ménage a i s’exprime comme une somme pondérée des

degrés d’appartenance, relatifs à ce ménage, aux m attributs.

La sélection des pondérations dépend du contexte social et des croyances duchercheur136. Cerioli et Zani (1990) proposent d’utiliser un poids égal à l’inverse de lapopulation des individus pauvres en termes de l’attribut considéré :

136 Lelli (2000)

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Les pondérations w j dépendent négativement du degré de privation en termes desattributs X j : plus la fréquence de privation est importante plus la valeur de w j est prochede 0. Ainsi, si un grand nombre de ménages ne possède pas un attribut X j , alors cet attributne se présente pas comme une source importante de privation (exemple : une voiture demoins de cinq ans- Dagum 2002). Par contre lorsqu’une grande proportion de la populationjouit du service public d’électricité, à titre d’exemple, les ménages qui en sont exclus ont unsentiment intense de privation. C'est-à-dire que les pondérations doivent être révélatricesdu mode de vie prévalant au sein de la société étudiée.137

Pour remédier aux problèmes posés par l’interprétation des mesures TFR et le choixd’un système particulier de pondérations, Filippone et al. (2001) proposent une spécificationalternative de ces mesures qui repose sur la transformation de la distribution de l’indicateurX j , calculer pour un ménage a i de la manière suivante :

137 Le problème du concept “relatif ” ici utilisé apparaît dans des cas où on est confronté à une privation répandue comme unegrande faim. Une telle privation ne peut être négligée en lui attribuant un faible coefficient.

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A ce niveau, il sera utile, sur un plan agrégé de cibler non seulement les ménages àrisque de privation mais aussi de déterminer les attributs contribuant le plus à la situationde pauvreté. Cette démarche permettra de mieux définir les mesures d’aide à la populationdéfavorisée. Une mesure de pauvreté unidimensionnelle – en termes d’un attribut X j - estfacilement donnée par la somme pondérée des ratios de pauvreté des ménages.

Lorsque A représente un échantillon d’une population de taille N, n i correspond aunombre de ménage que a i est censé représenter.

iv) Etape 4 : Agrégation : ratio de pauvreté de la population.Une fois les ratios de pauvreté relatifs aux ménages a i (i =1,…, n.) sont calculés, la

mesure de la pauvreté totale est obtenue par agrégation. Elle s’exprime aussi sous la formed’une moyenne pondérée des pauvretés unidimensionnelles.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Lorsqu’on adopte la fonction TFR modifiée de Filippone et al. (2001) l’indice agrégé dela pauvreté multidimensionnelle floue s’écrit :

Conclusion :La privation en tant que phénomène multidimensionnel reste sujette à de multiplesappréhensions. Par la suite, les définitions de la pauvreté, aussi différentes soient-elles,présentent des informations complémentaires pour comprendre cette situation. Ainsi, ladéfinition de la pauvreté en termes de manque de fonctionnements élémentaires enrichitl’analyse utilitariste qui privilégie une métrique monétaire de l’utilité pour apprécier lasituation des individus, en tenant compte des différents aspects de la vie humaine.

L’approche par les capabilités reste une approche multidisciplinaire très vaste ettrès ouverte aux enrichissements. Nous avons passé en revue au cours de ce chapitrel’apport qu’elle fournit dans le thème de l’analyse de la pauvreté. Nous avons essayédans un premier temps d’en exposer les fondements théoriques et expliciter les notions defonctionnements et de capabilités, autour desquelles s’articule l’approche de Sen.

L’originalité de l’approche de Sen est de définir la pauvreté par rapport au manquede certaines capabilités basiques dont la détermination dépend étroitement du cadre locald’analyse. Pour traiter les problèmes de privation, nous devons alors nous tourner versl’espace des capabilités – ou l’espace de fonctionnements à défaut d’une informationstatistique non riche. Dans l’approche par les capabilités, la pauvreté est synonyme de nonréalisation des fonctionnements essentiels de la vie humaine : les individus sont incapablesde mettre en œuvre et développer l’ensemble de leurs dotations en vue de satisfaireleurs aspirations. L’approche par les capabilités offre un cadre cohérent pour l’étude de lapauvreté multidimensionnelle en tant que manque de fonctionnements élémentaires. Lesfonctionnements recouvrent toutes les choses de valeur: être bien nourri, bien logé, enbonne santé, rester digne à ses propres yeux, être en mesure de prendre part à la viesociale, etc.

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Chapitre 5 : Privation dans l’espace desfonctionnements : applications sur donnéesfrançaises

IntroductionL’étude de la pauvreté en termes de fonctionnements permet d’explorer les multiplesdimensions de la privation ce qui fournit un éclairage utile pour venir en aide aux populationsdéfavorisées. Le ciblage touche à la fois les groupes vulnérables ainsi que les attributs lesplus marquants de la pauvreté. Le rôle des politiques publiques est alors de donner auxindividus les armes nécessaires pour améliorer leurs situations.

La stratégie d’application de l’approche par les capabilités repose sur trois étapesessentielles. D’abord, il s’agit de choisir les fonctionnements élémentaires, jugées pertinentspar rapport au contexte social, ainsi que les indicateurs qui leur sont associés. Ensuite, ladeuxième étape consiste à étudier les privations individuelles et par attribut. Enfin, dans ladernière étape, il est nécessaire d’agréger les mesures individuelles dans un indice capablede synthétiser l’information sur la population défavorisée.

Dans cette section, nous essayerons de montrer l’utilité d’une appréhensionmultidimensionnelle de la pauvreté en apportant un enrichissement à l’informationmonétaire. Dans cette perspective, nous tirons profit des Enquêtes Permanentes sur lesConditions de Vie des ménages (EPCV) dont le dispositif de 37 enquêtes permet depuisJanvier 1996 d’étudier l’évolution d’indicateurs sociaux harmonisés dans les pays de l’unioneuropéenne138. L’ensemble de ces indicateurs est divisé en trois parties faisant chacunel’objet d’une enquête annuelle auprès d’un échantillon représentatif de ménages en janvier,mai et octobre. Chaque enquête comporte trois parties. Dans la première partie, le tableaude composition des ménages fournit les caractéristiques générales de la population étudiée.La deuxième (partie fixe) est destinée aux indicateurs sociaux, alors que la troisième partie(partie variable) traite un problème social particulier.

Il n’est pas certainement nécessaire de dire que la France est un pays riche, mais ilest indispensable de faire remarquer que cette richesse n’a pu éradiquer certaines formesde pauvreté.

La France est un pays riche. Pourtant la pauvreté y est toujours présente etsemble même de plus en plus visible. Ce contraste entre richesse et pauvreté,qui se trouve sous des formes sociologiques variées dans tous les paysoccidentaux, a récemment fait émerger une nouvelle obligation sociale, que l’on

pourrait qualifier de devoir d’assistance. 139

138 Ces enquêtes ont été exploitées par l’Observatoire National de la pauvreté et de l’exclusion sociale ONPES pour étudierla pauvreté des conditions de vie. L’observatoire utilise les données relatives aux diverses difficultés rencontrées par le ménages,concernant le budget, les retard de payements, les restrictions de consommation et les difficultés de logement, à fin de construire uindicateur synthétique de pauvreté. Cet indicateur cumule pour chaque ménage le nombre de difficultés rencontrées (sur un total devingt-sept retenues). Le taux de pauvreté de conditions de vie désigne “la proportion des ménages subissant au moins huit carencesou difficultés” (Rapport ONPES 2005- 2006, page 37)139 Leroux (2004) page 7

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Notre tâche consistera à étudier ce contraste. Pour cette fin, nous appliquerons uneméthodologie consistant à explorer d’autres dimensions de la vie humaine :

La persistance de la pauvreté dans les pays où règne l’abondance est unphénomène manifestement surprenant, qui commence à faire l’objet d’uneattention sérieuse dans les débats contemporains. Prendre en compteexplicitement le rapport entre privation dans des espaces différents, enparticulier entre les revenus et la capabilité de mener une vie sûre et valant d’êtrevécue, aiderait à mieux cerner le problème et ce qu’il convient de faire pour le

résoudre. 140

Tout le travail qui suit est basé sur les données fournies par l’enquête EPCV de Mai2002 traitant des questions relatives à la santé, les difficultés financières des ménages,le confort de l’équipement du logement. Cette enquête fournit en plus des informationssur les caractéristiques du ménage : région de résidence, occupation et catégoriesocioprofessionnelle de la personne de référence, revenu, etc.

Section 1. Choix des fonctionnementsLa définition de la pauvreté par rapport à certains de fonctionnements élémentaires met enavant un problème théorique fondamental, relatif à l’identification de ces fonctionnements.Nous avons vu que les tentatives pour établir une liste de fonctionnements élémentaires -ou une méthode de sélection-, reflétant les conditions essentielles pour atteindre une viehumaine digne, ont été nombreuses. Nous en avons cité les travaux de Nussbaum (1995,2000) ; Desai (1995) ; Ulrich (1993) et Alkire (1998)141.

140 Sen (2000a)141 Voir Knobloch (2002) pour plus de détails.

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Tableau 1 : choix des fonctionnements et indicateurs d’après Brandolliniet D’AllessioComposantes du Bien-être Type de

l’indicateurCondition de privation

Santé Condition de Santésubjective

Score de 1à 5 1 et 2

Maladie Chronique Binaire (oui/non)

Présence

Handicaps Binaire (oui/non)

Présence

Education Niveau d’éducation Score de 1 à 6 1 ( pas de niveau ) Pour personne nés avant 1957 1 ( pas de niveau ), 2 (primaire) Pour personne nés après 1958Relations sociales Famille proche Binaire (oui/

non)Absence

Téléphone fixe Binaire (oui/non)

Absence

Emploi Chômage ou recherche de1 er emploi.

Binaire (oui/non)

Présence

Pas de recherche (difficilede trouver un emploi)

Binaire (oui/non)

Présence

Risque de perte d’emploi Satisfaction dans le travail Score de 1 à 5 1 (très élevé) ; 2 (élevé) Score de 1 à 5 1 (très faible) ; 2 (faible)Logement Chauffage Binaire (oui/

non)Absence

Indice de superficiehabitable

Score de 1 à 5 1 (surpeuplée) ; 2 (mauvaise)

Indice de qualité Score de 1 à 6 1 (revenu très faible) ; 2 (faible)Indice de Localisation Score de 1 à 3 1 (espace réduit)Ressources économiques Revenu Equivalent Score de 1 à 5 1 (très faible) ; 2 (faible)Dépenses Equivalentes enbiens non durables

Score de 1 à 5 1 (très faible) ; 2 (faible)

Stock de fin d’année enbiens durables

Stock de fin d’année derichesse

Score de 1 à 5 1 (très faible) ; 2 (faible)

Score de 1 à 5 1 (très faible) ; 2 (faible)Brandollini et D’Allessio 1998

Nous constatons que les dimensions relatives à la santé, l’éducation et le savoir,le logement, les relations familiales et sociales, l’emploi ainsi que les conditions

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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psychologiques constituent un point d’accord dans le cadre des travaux empiriques malgréla différence au niveau des indicateurs retenus pour refléter les accomplissements réalisés.

Le tableau 1 illustre le choix des fonctionnements et des indicateurs typiques associésretenus par Brandollini et d’Allessio (1998)142.L’avantage des mesures multidimensionnellesest de permettre un ciblage parfait des individus défavorisés ainsi que les facteurs à l’originede leur situation. Nous présenterons un aperçu de l’apport de la théorie des ensembles flousdans l’étude de la pauvreté multidimensionnelle.

Section 2. Mesures TF

2.1 Choix des attributs et indicateurs associésEn se basant sur la table ménage de l’enquête de Mai 2002, nous pouvons recueillir desinformations relatives à six dimensions essentielles : le logement, le loisir, l’emploi, la santé,les relations sociales et les ressources économiques.

Les indicateurs choisis, pour chaque dimension, sont résumés dans le tableau 2. A ceniveau, deux remarques s’imposent. D’abord, il est à noter que “le nombre de personnespar pièce” a été transformé en variable dichotomique, en imposant un seuil de 2. Ainsi, lesménages dont le nombre de personnes par pièce est supérieur ou égal à 2 sont classéscomme privés par rapport à cet indicateur (score égal à 1). Ensuite, pour les ressourceséconomiques, nous n’avons pas utilisé l’information concernant le revenu total du ménage.Les indicateurs de cette dimension sont construits à partir d’informations subjectives surle niveau de vie, les découverts bancaires et la capacité des ménages à équilibrer leursbudgets.

142 Voir aussi les travaux de Lelli (2000) et Chiappero- Martinetti (2001).

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Tableau 2: Fonctionnements et indicateurs associésIndicateurs Composantes Type

Nombre de personne parpièce

Numérique

Logement trop petit Binaire 0/1Logement trop humide -

Logement

Logement bruyant -Moyens pour partir unesemaine en vacances

Binaire 0/1

Possession d’un TV couleur -

Loisirs

Possession d’une chaînehi-fi

-

Période de chômage aucours des 12 derniers mois

Binaire 0/1Emploi

Incident professionnel aucours des 12 derniers mois

-

Accident ou problème desanté grave au cours des12 derniers mois

Binaire 0/1Santé

Avoir passe une journéesans prendre au moins unrepas complet pour manqued’argent au cours des 12derniers mois

Divorce au cours des 12derniers mois

Binaire 0/1

Possession d’un poste detéléphone fixe

-

Relations sociales

Possession d’un téléphoneportable

-

Découverts bancaires Binaire 0/1Revenus couvrent lesdépenses

-Ressourceséconomiques

Opinion sur le niveau de vie -

2.2 Ratios de pauvreté.Pour obtenir les mesures multidimensionnelles de pauvreté, nous avons besoin de calculerle score global de l’indicateur (pour chaque individu), le degré de privation individuelle parindicateur, les pondérations de chaque indicateur selon la formule de Cheli et Lemmi (1995).Enfin, nous pouvons obtenir le degré de privation individuelle par attribut dont nous pouvonsdéduire le ratio de pauvreté du ménage, ainsi que la mesure de pauvreté unidimensionnelleen termes de l’attribut considéré. L’agrégation des mesures individuelles permet d’obtenirle ratio de pauvreté de la population.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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La théorie des sous ensembles flous nous permet aussi de calculer la contribution dechaque fonctionnement à la pauvreté totale. Les contributions calculées, selon la formule ci-dessous, montrent que les dimensions de ressources économiques et de loisirs constituentles attributs dominants de la pauvreté multidimensionnelle en France.

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Un examen désagrégé des mesures de pauvreté obtenues, nous permet de dégager uncertain nombre de remarques. Tout d’abord, pour la dimension ‘ressources économiques’,il est à noter que l’indice de privation P 6 prend une allure décroissante selon lacatégorie de revenu. Ceci constitue un signe de la corrélation entre les indicateurs retenuset l’indicateur monétaire. Pour conforter la première remarque, nous avons exploré lesmesures de pauvreté unidimensionnelle de ressources et de pauvreté multidimensionnelle.Ces mesures semblent être plus élevées pour les ménages qui connaissent des problèmesde paiement, de leurs différents engagements, que pour les autres ménages (Tableau 4).De plus, l’épargne apparaît comme une source importante de différence entre la mesure depauvreté unidimensionnelle de ressources et la mesure de pauvreté totale. Ainsi, le risquede pauvreté varie de 17.2 % à 12.08 % respectivement pour les non épargnants et lesépargnants.

Les ménages unitaires et les familles monoparentales sont les plus exposés à lapauvreté multidimensionnelle. Le risque de pauvreté pour les familles monoparentales estde 19.27%. Ce qui concorde avec les résultats de la pauvreté monétaire que nous avonstraité dans le premier chapitre.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Tableau 4 : Indice de pauvreté multidimensionnelle selon les difficultés de paiementdes ménages

Factures delogement

traitesd'empruntlogement

traites decrédits

loyers etcharges

impôts

Sans objet 14,52 16,63 16,12 13,33 24,87Oui, à plusieursreprises

29,07 23,23 29,74 31,61 25

Oui, une seule fois 24,6 24,46 20,32 24,03 23,45Non 14,14 13,21 14,06 14,99 14,29Ne sait pas 28,29 11,93 29,57 35,76 29,57les chiffres indiquent la mesure de pauvreté multidimensionnelle floue en %

Tableau 5 : Mesure de Privation selon l’âge et Catégorie Socioprofessionnelle de la PRCatégories SocioprofessionnellesÂgeAgriculteurs Commerçants

ArtisansCadres Professions

IntermédiairesEmployés Ouvriers Retraités Autres

inactifs-30 ans 0,108 0,179 0,135 0,153 0,185 0,201 - 0,17130-39ans

0,123 0,145 0,116 0,121 0,182 0,179 - 0,324

40-49ans

0,142 0,131 0,088 0,117 0,168 0,173 - 0,279

50-59ans

0,120 0,121 0,099 0,127 0,181 0,182 0,114 0,182

+60 ans 0,217 0,160 0,128 0,149 0,216 0,220 0,154 0,246

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Parmi les ménages unitaires, les ouvriers et les employés connaissent un tauxde privation plus élevé que les autres catégories socioprofessionnelles. La situationdes ménages dirigés par une personne appartenant à la catégorie des employés oucelle des ouvriers se dégrade lorsque cette personne est âgée de plus de 60 ans.La même constatation s’applique pour les personnes de référence appartenant à laclasse d’Agriculteurs (voir Tableau 5). Pour les autres catégories socioprofessionnelles, lespersonnes de moins de 30 ans de privation courent un risque plus grand.

Nous remarquons aussi que l’indice de pauvreté multidimensionnelle augmentesensiblement pour les ménages dont la personne de référence est âgée de moins de 30ans et ceux dont la personne de référence a plus de 80 ans. Nous notons que l’indice depauvreté pour ces deux catégories est respectivement de 17.34 % et 17.75 %. Par contrepour les ménages dont le chef est âgé de 40 à 49 ans et 50 à 59 ans la mesure de pauvretéest respectivement de 14.18 % et 14.15 %. Le taux de privation augmente encore pluslorsque le ménage, dont la personne de référence est âgée de moins de trente ans, estcomposé de trois personnes. Ce taux atteint 22.49% (Voir Tableau 6).

La privation totale est plus importante pour les inactifs143, les employés et les ouvriers.Ces catégories sont aussi les plus exposées à la pauvreté de ressources (graphe 2).Ainsi, nous observons que le taux de privation multidimensionnelle augmente à 19,2% pourla première catégorie, 18% et 18,3% pour les catégories des employés et des ouvriersrespectivement. Les chômeurs et les femmes au foyer figurent parmi les plus pauvres. Demême, la pauvreté multidimensionnelle est légèrement plus élevée dans les régions duNord et celle du Sud-ouest. Les valeurs minimales sont enregistrées dans les régions Estet Centre- Est (Graphe 3).

Si nous considérons le sexe de la personne de référence, nous remarquons que lerisque de privation augmente de plus de 3% pour les ménages ayant à leur tête une femme.Alors que le taux de privation multidimensionnelle est de 14,3% pour les ménages dirigés pardes hommes, ce taux se situe à 17,97% pour les autres ménages (Tableau 8). Les femmessont plus touchées que les hommes notamment dans les dimensions de logement, derelations sociales et de ressources économiques. La situation de la femme est légèrementmeilleure par rapport aux hommes dans la dimension d’emploi. Nous pouvons attribuer ceciau fait que les hommes sont plus représentés dans la catégorie d’ouvriers –une catégorieoù la privation est la prononcée- alors que la proportion des femmes retraitées est nettementsupérieure à celle des hommes.

143 D’après la définition de l’Insee, la catégorie des inactifs regroupe les étudiants, les hommes et femmes au foyer et lespersonnes en incapacité de travailler et qui sont âgées entre 15 et 64 ans. Pour l’échantillon de Mai 2002, 47.75% d’entre eux sont desfemmes. Les individus de cette catégorie ne travaillent pas et ne cherchent pas du travail. Chardon (2002) ne retient pas les étudiantsdans cette catégorie “Ils ont entre 15 et 64 ans, ne sont ni étudiants, ni retraités, ni chômeurs. Ils ne travaillent pas et ne recherchent pasd’emploi. En mars 2002, ils sont 4,6 millions et représentent 12 % de la population en âge de travailler. Cette proportion ne cesse dedécroître : en 1975, elle était de 20 %. Ce sont pour une grande majorité des femmes au foyer, mais aussi des personnes ayant cesséleur activité pour raisons de santé ainsi que d’anciens salariés licenciés en fin de carrière et qui n’espèrent plus trouver un emploi.”

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Tableau 6 : Taux de privation Multidimensionnelle (%) selon la taille duménage et l'âge de la Personne de référence

Catégories d'âgeTaille du ménageMoins 30 30-39 40-49 50-59 60 et plus

1 personne 17,28 17,59 17,99 17,41 15,402 personnes 18,40 16,12 16,65 16,67 15,033 personnes 22,49 16,59 15,19 12,83 15,344 personnes 7,65 16,18 12,64 10,45 15,64Plus 5 personnes 21,41 15,56 15,66 15,80

Tableau 7 : Mesure de Privation selon taille du ménage et Catégorie Socioprofessionnellede la PR

Catégories SocioprofessionnellesTaille duménage AgriculteursCommerçants

Artisans,etc.

CadresProfessionsIntermédiaires

EmployésOuvriersRetraitésAutresinactifs

1personne

0,150 0,147 0,123 0,143 0,195 0,201 0,151 0,178

2personnes

0,119 0,127 0,105 0,127 0,184 0,178 0,140 0,168

3personnes

0,137 0,132 0,095 0,113 0,178 0,165 0,145 0,311

4personnes

0,106 0,107 0,086 0,101 0,135 0,152 0,163 0,408

5personneset plus

0,154 0,133 0,098 0,127 0,167 0,198 0,194 0,313

Tableau 8 : Privation (%) par attributselon le sexe de la PRMesures deprivation

Homme Femme

P1 13,66 13,92P2 20,2 34,2P3 10,98 8,69P4 6,72 7,6P5 14,81 23,96P6 32,48 39,08P 14,3 17,97

Pour explorer d’avantage La différence de privation selon le sexe de la personne deréférence, nous intégrons l’analyse selon les sexes de manière transversale suivant lescaractéristiques du chef du ménage. A toutes les tranches d’âge, les femmes semblentplus exposées aux risques de privation et notamment à la trentaine, âge de la personnede référence auquel les ménages féminins enregistrent une privation moyenne de 20,09%contre 14,42% pour les ménages dont la personne de référence est un homme (Tableau 9).

Il faut toutefois noter que les femmes seules affichent un niveau de privation légèrementmoins élevé que les hommes et ce essentiellement pour les personnes âgées de moins

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de 60 ans. Alors que pour les femmes seules la privation totale est de 17,31% elle arriveà 18,85% pour les hommes. En explorons les caractéristiques des ménages unitaires,nous remarquons que les femmes seules sont en premier lieu des retraitées (48%). Pourles hommes, la proportion des retraités, moins importante (31%), est associée à une partélevée d’ouvriers. La catégorie des ouvriers connaît en moyenne un niveau de pauvretémultidimensionnelle plus grand que la catégorie des retraités. Les femmes seules sontlégèrement moins présentes dans les catégories des cadres supérieurs et de professionsintermédiaires. Les femmes aussi ont tendance à occuper les postes d’employés (18,25%pour les femmes et 11,24% pour les hommes).

Selon la classe socioprofessionnelle, la mesure de privation pour les ménages dirigéspar une femme est plus élevée que celle des ménages dont la personne de référence est unhomme. La différence entre les deux mesures s’accentue pour la catégorie d’agriculteursexploitants (21,19% pour les ménages dirigés par une femme contre 12,56% pour ceuxdirigés par un homme) et la catégorie d’employé (21,18% pour les ménages dirigés par unefemme contre 14,94% pour ceux dirigés par un homme).

Le risque de pauvreté est moins élevé pour les habitants des communes rurales. Lamesure de pauvreté dans ces régions ne dépasse pas 14.47 % alors qu’elle atteint 16.15% dans les communes dont le nombre d’habitant dépasse 20 000. La pauvreté parmiles prestataires des aides sociales est aussi beaucoup plus élevée (le tableau 10). Cespersonnes, même en bénéficiant des aides financières restent très vulnérables aux autrestypes de privations. Les prestations familiales et les aides au logement, comparativementaux autres types de prestations (RMI, allocation chômage) sont plus efficaces pour baisserle niveau de privation des ménages.

Les locataires sont plus exposés au risque à la pauvreté totale ainsi qu’à la pauvreté entermes de logement. Le risque de pauvreté pour les locataires d’un local meublé a atteint22.52 %. Pour les locataires d’un local non meublé, l’indice de pauvreté multidimensionnelleest de 19.5 % (tableau 11).

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Section 3. Utilité de l’Approche Multidimensionnelle

3.1 Comparaison Approche Monétaire-Approche Multidimensionnelle

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Il serait intéressant de voire dans quelle mesure l’approche des capabilités permetd’apporter un supplément d’informations pour une meilleure compréhension de la privation.Pour cette fin, nous analyserons dans ce qui suit le recoupement entre la pauvreté monétaireet la pauvreté des fonctionnements.

Il s’agit d’examiner le degré de concordance entre la distribution du revenu (et ainsila pauvreté monétaire) et la distribution des fonctionnements, à travers les mesures flouesmultidimensionnelles. Nous utiliserons l’indice de corrélation de Spearman. Le revenuauquel nous faisons référence est le revenu par unité de consommation calculé de manièresimilaire au premier chapitre. Nous rappelons ici, que nous avons utilisé l’échelle del’OCDE144 pour calculer ce revenu, qui reste constant pour tous les membres du ménage.

Les données utilisées sont issues de l’enquête EPCV de mai 2002. Nous rappelonsaussi que ces enquêtes ne rapportent que la catégorie de revenu du ménage. Pourcela, nous avons attribué à chaque ménage le revenu moyen145 de la catégorie avant decalculer le revenu équivalent. Le taux de privation multidimensionnelle est calculé suivant sixdimensions : le logement, le loisir, l’emploi, la santé, les relations sociales et les ressourceséconomiques. Ce taux, calculé à partir des données de la même enquête, s’élève à 15,24%en 2002.

Les statistiques descriptives montrent que la pauvreté des fonctionnements décroîtsensiblement avec la richesse des ménages. Ainsi, le taux de privation multidimensionnellepour le premier quartile de revenu a atteint 22.21%, alors qu’il se situe seulement à 10.15%pour le quatrième quartile. De même, pour le deuxième et le troisième quartile, le risquede pauvreté multidimensionnelle baisse de manière significative de 16.30% à 12.47%respectivement146.

Si nous observons de manière détaillée les mesures de privation par attribut selonles quartiles de revenu, nous pouvons remarquer que la situation moyenne des ménagesà faibles revenus est tout à fait logiquement, la plus défavorable (voir Graphe 4). Cettesituation est encore plus défavorable dans les dimensions de loisir et d’emploi, commel’atteste l’écart relatif entre le niveau moyen de privation par attribut du premier quartileet le niveau total de privation en termes du même attribut147. L’écart entre le premier etle quatrième quartile, mesurant la différence entre les niveaux moyens de privation, estrelativement plus élevé dans ces deux dimensions (tableau A9).

144 L’échelle de l’OCDE attribut un coefficient de 0,5 pour un adulte supplémentaire dans le ménage et un coefficient de 0,3pour tout enfant âgé de moins de 14 ans.

145 Il s’agit plus précisément du centre de la classe de revenu.146 Nous remarquons aussi que les valeurs maximales de la mesure de pauvreté multidimensionnelle diminuent en se déplaçant

vers la partie supérieure de la distribution du revenu (la même remarque pour la variance).147 Obtenu en calculant le rapport entre la différence (taux de privation d’un attribut pour le premier quartile - taux de privation

totale de l’attribut), d’un côté à ce dernier taux, d’un autre côté et ce pour chaque dimension.

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Toutefois, nous remarquons aussi que le taux de privation multidimensionnelle s’annulepour des ménages classés dans des catégories de revenu très distinctes. Le tableau A11 (enAnnexe) reprend les valeurs de la mesure multidimensionnelle pour des valeurs croissantesde revenu équivalent. Nous constatons aussi que des valeurs élevés de P sont observéespour des ménages dont le revenu par unité de consommation se trouve dans la partiesupérieure de la distribution du revenu. Par contre, nous pouvons observer de faiblesvaleurs de privation multidimensionnelle pour des ménages à bas revenu.

Il apparaît à partir de cette analyse préliminaire, que rien ne permet de conclurequ’un revenu élevé assure aux gens d’échapper au risque de privation en termesde fonctionnements. En d’autres termes, les ensembles de pauvres définis à partirde l’approche monétaire (à la manière évoquée au premier chapitre) et l’approchemultidimensionnelle, différent significativement. Ce résultat peut être testé à partir del’analyse de corrélation des rangs148. Il s’agit de considérer la distribution du revenu par unitéde consommation et la distribution du taux de privation multidimensionnelle et comparer lasimilarité des rangs des ménages par les deux méthodes.

Le coefficient de Spearman* examine l’existence d’une relation entre le rangdesobservations pour les deux variables considérées ce qui permet de détecter l'existencede relation monotone (croissante ou décroissante), quelle que soit sa forme : linéaire,exponentiel, puissance, etc. Si nous examinons les valeurs de cet indice, nous remarquonsque pour les rangs faibles de la mesure de privation multidimensionnelle, la corrélation entrela classification de revenu et de privation multidimensionnelle est très faible. La corrélationtend à augmenter si nous prenons en considération une part plus importante de l’échantillon,sans pour autant dépasser 0,442 pour la totalité de l’échantillon. Ainsi, si nous considérons

148 Le coefficient de corrélation des rangs représente une mesure de similarité entre des classements effectués sur un mêmegroupe d'observations.

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les 10% des ménages les plus privés en termes de fonctionnements, la corrélation entreles rangs de P et du revenu équivalent est encore plus faible et ne dépasse pas 0,204.Cela signifie que peu de ménages pauvres par l’approche multidimensionnelle sont aussipauvres en termes monétaires.

D’un autre côté, la faible corrélation entres les mesures de fonctionnements confirmel’utilité d’introduire des dimensions autres que celle monétaire. En effet, les mesures deSimilarités de Pearson entre les indicateurs de pauvreté par attribut attestent d’un faiblerecoupement entre les dimensions (Tableau 14).

Tableau 12: Indice de Spearman selonla distribution du taux de privationmultidimensionnelleF(p) Distribution de laprivation

Indice de Spearman

10 -0.2045 *25 -0.2522 *50 -0.2978 *75 -0.3726 *90 -0.4014 *100 -0.4424 **Significatif à 1%

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Tableau 13: Indices de corrélation de Pearson entre les indicateurs de pauvretéP1 P2 P3 P4 P5 P6 P

P1 1 P2 0,091 1 P3 0,135 0,057 1 P4 0,072 0,124 0,084 1 P5 0,026 0,34 -0,005 0,093 1 P6 0,114 0,299 0,113 0,156 0,184 1 P 0,46 0,551 0,568 0,548 0,454 0,48 1Il s'agit d'une matrice de similarité

3.2 Analyse multivariée des fonctionnements :

3.2.1 ModèleSupposons que les mesures de privation floues, calculées dans le paragraphe précédant,en termes de fonctionnements pour les six dimensions de bien-être (notées P j , j =1, , 6)), peuvent être exprimées en fonction du revenu du ménage Y i et de certainescaractéristiques socioéconomiques du ménage et notamment de la personne de référencenotées π i . Ce modèle a été utilisé par Lelli (2000) pour estimer les accomplissements entermes de fonctionnements mesurés par des scores factoriels ainsi que par des évaluations“floues”.

Le modèle laisse supposer l’existence d’une relation non linéaire entre les mesures deprivation et le revenu. Il va s’écrire sous la forme :

Avec :

X ki : Vecteur des m caractéristiques socio- économiques du ménage i (taille et type duménage, âge de la personne de référence, catégorie socioprofessionnelle, etc.).

Comme les mesures de pauvreté relatives à chaque fonctionnement -s’exprimant sousforme de degré d’appartenance – prennent des valeurs ordinales, il est logique de recourirà une estimation probit ordonnée.

3.2.2 Données et RésultatsLes données utilisées ici sont issues de l’enquête Permanente sur les Conditions de vie desménages (EPCV) de Mai 2002. Les caractéristiques des l’échantillon ont été présentées aucours du premier chapitre. Nous rappelons que pour le revenu, nous disposons seulementde la catégorie du revenu auquel appartient le ménage. Pour cette raison nous avonscalculé, pour chaque ménage, le revenu équivalent (ou par unité de consommation) ;d’abord, en attribuant à chaque ménage un revenu égal au centre de la classe de revenuà laquelle il est situé ; ensuite, en appliquent l’échelle de l’OCDE (0.5 pour un adultesupplémentaire et 0.3 pour tout enfant âgés de moins de 15 ans). Les mesures de privationpar attribut ont été calculées au paragraphe 2.2 de cette section (section 4).

L’estimation multivariée va nous permettre d’explorer les déterminants des mesuresfloues de pauvreté dans chaque dimension. Les résultats sont donnés au Tableau 14. La

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première remarque qui se dégage est relative au revenu. Nous remarquons que le revenuinfluence significativement le niveau de privation. Ainsi, une augmentation du revenu duménage se traduit par une baisse de la mesure de pauvreté. Ceci revient à dire que lesressources économiques restent un important déterminant de la qualité de vie. En effet, unrevenu plus élevé est synonyme d’accès à un logement de meilleure qualité, à un meilleurétat de santé. A ce niveau, nous notons que la privation en termes de loisir reste la plussensible aux ressources monétaires des ménages. Toutefois, cette relation est non du toutlinéaire, comme l’atteste le coefficient du «revenu² », qui prend des valeurs positives. End’autres termes, plus le revenu augmente plus la diminution de la privation qu’il engendreest importante : L’effet marginal du revenu est croissant. L’effet du revenu est plus importantpour les dimensions de Loisir, d’emploi et de ressources économiques

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Tableau 14 : Estimation Probit Ordonné des mesures de privation par attributsVariables P1 P2 P3 P4 P5 P6Revenu -6,8E-05*-0,00021*-0,00016*-8,7E-05* -0,00013*-0,000167*Revenu ² 8,03E-10*2,65E-09*2,05E-09*1,29E-09*1,51E-09*2,38E-09*Taille du ménage 0,119* -0,01616 -0,04933-0,05512 -0,12295*-0,037865Type du ménage (1)Couple sans enfant -0,276* -0,8941* 0,40247*0,106765 -1,42928*-0,315252*Couple avec enfant -0,403* -1,45648*0,60559*-0,32006 -1,95567*-0,464153*Familles monoparentales -0,085 -0,44728*0,68789*0,102035 -1,03167*0,448212*Autres 0,346 -0,54455*0,95543*-0,45022 -0,60751*-0,279059Age de la P.Rde 30 à 39 ans -0,148 0,16651 -0,40963*0,275941 0,119639 0,559902*de 40 à 49 ans -0,551* 0,11258 -0,50812*0,369416**-0,18209 0,931894*de 50 à 59 ans -0,81* 0,28487* -0,3555* 0,412593*0,063418 1,264203*de 60 à 69 ans -0,569* 0,74159* -0,66461*0,538373*0,627797*1,398805*de 70 à 79 ans -0,806* 1,10272* -2,56404*0,691377*0,977182*1,424737*80 ans et plus -0,951* 1,55542* -2,8447* 0,931122*1,692749*1,362492*Femme -0,083 0,02338 -0,01027-0,21259 -0,42773*-0,081658État civil (2)Divorcé -0,167 -0,30589*-0,15891-0,09936 -0,47139*-0,270447*veuf 0,252 -0,05633 -0,035130,136842 -0,04292 0,276395*Niveau d'instruction (3)2ème cycle d'enseignementgénéral

-0,213* -0,5693* 0,18114 -0,06393 -0,2885* -0,179902

enseig tech. Ouprofessionnel. court

-0,342* -0,30399*0,04403 0,018725 -0,29135*-0,075112

enseig tech. Ouprofessionnel. Long

-0,262** -0,62397*0,3096** -0,11251 -0,39736*-0,146055

enseig. Supérieur -0,113 -0,33208*0,22017 -0,2195 -0,42813*-0,069521Catégorie Socioprofessionnelle (4)Artisans, commerçants,chefs d'entreprises etprofessions libérales

0,026 -0,59506*0,45134 -0,28832 0,058627 0,459776**

Cadres supérieurs 0,081 -0,47176*1,01313*-0,55699**0,275298 0,372892Professions intermédiaires 0,232 -0,71044*0,58461*-0,29889 0,319325 0,412643**Employés 0,099 -0,42428*0,6178* -0,04706 0,311522 0,546905*Ouvriers (y compris lesouvriers agricoles)

0,445* -0,26432 0,83587*0,047953 0,590607*0,634402*

Retraités -0,24 -0,85139*0,17912 -0,32641 0,187578 0,363845Autres inactifs -0,086 -0,87573*-1,75348*-0,56585 -0,26794 0,365352région (5)Région parisienne 0,613* 0,14172 -0,024410,154958 -0,28879*-0,024583Bassin parisien 0,033 -0,15959 0,01496 0,070007 -0,25149**-0,190975Est -0,034 0,21239 0,05763 -0,03148 -0,31877*-0,58284*Ouest -0,1 0,01035 0,1858 -0,111 -0,11409 -0,61445*Sud-ouest -0,007 0,22913**0,10985 0,156196 -0,30813*-0,30479*Centre- est -0,203 -0,13464 -0,1606 -0,09438 -0,26203**-0,50447*Méditerranée 0,054 0,1792 -0,11281 0,027024 -0,21118 -0,203572milieu de résidence (6)urbain (moins de 20 000Hab.)

0,509* -0,15192**0,044* 0,011* 0,071405 -0,057297

urbain (moins de 100 000Hab.)

0,647* -0,0076 0,058* 0,015* -0,13356 0,261168*

urbain (plus de 100 000Hab.)

0,717* -0,17014*0,057* 0,014* -0,17313*0,140724*

LR chi2 (significativité) 735,04(0,00)

1956,62(0,00)

718,47(0,00)

172,38(0,00)

1701,43(0,00)

867,11(0,00

Pseudo R² 0,067 0,1671 0,1183 0,374 0,1864 Log Vraisemblance 5116,48 -4877,67 -2,677,637-2,219,285-3712,1 -4779,42(1) base personne seule (2) base célibataires et mariés (3) base sans instruction,études primaires et niveau inférieur au premier cycle d'enseignement générale(4)base agriculteurs exploitants (5) base région Nord (6) base milieu ruralSource données : EPCV Mai 2002

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La taille du ménage semble correspondre à une diminution de la privation dans toutesles dimensions, sauf pour la dimension du logement où nous notons un effet significatifpositif. Si nous nous référons au type du ménage, nous constaterons que les privationsP1, P2, P5 et P6 (respectivement relatives aux dimensions de logement, loisir, santé et deressources) diminuent significativement pour les couples par rapport aux personnes seules.Cette diminution est d’autant plus importante pour les couples avec enfants. Par contre, lamesure de privation en termes d’emploi est plus faible pour les personnes seules.

Concernant l’âge de la personne de référence, il semble que les personnes âgéesde moins de 30 ans sont les plus exposées aux problèmes de logement et d’emploi alorsqu’elles réalisent de meilleurs scores en termes de santé et de loisirs. Les privations delogement et d’emploi sont nettement plus faibles pour les personnes à l’âge de retraite quireste par contre plus exposées à des taux de pauvreté supérieurs dans les dimensions desanté et de loisirs.

Au vu des résultats des mesures de privation par dimension, nous remarquons qu’iln’ya pas de différences importantes entre les mesures féminines et masculines sauf pourla dimension de relations sociales. Cela peut s’expliquer par le fait que les femmes, demanière générale, accordent plus d’importance à entretenir de bonnes relations avec leurenvironnement familial et social. L’état matrimonial paraît jouer un rôle dans la variationdu degré de privation par attribut. Pour les chefs de ménages divorcés, nous notons quecomparativement aux personnes mariées et aux personnes seules, le risque de privationdiminue et ce notamment pour les attributs de loisir, de relations sociales et de ressourceséconomiques. Pour les veufs, l’aggravation de la pauvreté de ressources semble être leconstat le plus important.

Pour les dimensions de logement, loisir et de relations sociales, le niveau d’instructionde la personne de référence semble contribuer à la diminution de la mesure de privationassociée. Le fait d’avoir réalisé des études supérieures ne conduit pas nécessairement auxvaleurs les plus basses, sauf pour l’attribut relations sociales. L’attribut «loisir » sembleaussi constituer une source de privation pour les agriculteurs exploitants comparés auxautres catégories socioprofessionnelles. Cette tendance va dans le sens inverse pour lesdimensions d’emploi et de ressources économiques. La situation des cadres et celle «desprofessions intermédiaires » reste nettement meilleure par rapport aux autres catégoriesdans les dimensions de loisir et de santé. La différence des niveaux de privation entre lescatégories socioprofessionnelles est moins importante dans les autres dimensions.

La distribution géographique montre que la privation en termes de logement est plusforte dans la région parisienne. En termes de loisir, la région du Sud-ouest connaît le taux leplus élevé. Alors que les coefficients relatifs aux dimensions d’emploi et de santé ne nouspermettent pas de nous prononcer sur le différentiel régional, ceux relatifs aux dimensionsde relations sociales et de ressources montrent que la privation est plus accentuée dans larégion du Nord. Nous remarquons que la privation dans les fonctionnements de logement,emploi et santé est plus élevée dans le milieu urbain. La tendance s’inverse pour ladimension de loisir. En effet, la mesure de privation en termes de loisir dans le milieu ruralest supérieure à celle obtenue dans le milieu urbain.

Section 4. Mesures TFR : différentiel régionalA partir des données disponibles, nous avons construit 4 types d’indicateurs de pauvretérelatifs au logement, à la possession de biens, la pauvreté monétaire et la pauvretésubjective. Pour les attributs de logement, nous avons intégré deux éléments : le premier

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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rend compte du manque de chauffage tandis que le deuxième reprend la perceptionsubjective des ménages de la taille du logement (logement trop petit ou non). Il est à noterque pour la pauvreté monétaire nous avons utilisé les résultats de la pauvreté de revenucalculés au cours du premier chapitre. Le seuil de pauvreté, établi à 50% du revenu médian,s’élève à 563 €/mois. 10.98% des ménages disposent d’un revenu inférieur au seuil depauvreté. Pour la pauvreté subjective, nous avons utilisé l‘appréciation par le ménage duniveau de vie actuel.

Le but du travail mené consiste à étudier le différentiel régional de pauvretémultidimensionnelle en France, en appliquant différents systèmes de pondération dans unpremier temps, et en utilisant les mesures TFR originales et TFR modifiées de Filipponeet al. (2001).

Tableau 15: Mesures TFR avec différents systèmes de pondérationw = log (1/p)Indicateur de pauvretéf.a Pondération

w =exp (-p)

w = 1-racine(p)

w = 1-p²

Logement (L) 0,1326 2,02 0,1386 0,1368 0,1411chauffage 0,0936 23,687logement trop petit 0,19 1,66Possession de biens (B) 0,1227 2,098 0,1965 0,1567 0,2052réfrigérateur 0,012 4,423four à micro ondes 0,3 1,204lave- linge 0,083 2,489TV couleur 0,051 2,976Chaîne hi fi 0,363 1,013voiture 0,193 1,645micro ordinateur 0,646 0,437Revenu (R) 0,1098 2,21 0,1098 0,1098 0,1098Privation Subjective (S) 0,6184 0,4806 0,6184 0,6184 0,6184LBR % 12,14 14,7 13,36 15,15LBRS % 15,64 22,82 18,26 23,29

Le tableau 15 reproduit les divers indicateurs utilisés. Il reproduit aussi les mesuresde privation TFR originales. Nous avons calculé deux mesures de privation totale selon lesindicateurs retenus. Ainsi, la mesure LBR incorpore les indicateurs de Logement (noté L),de possession de biens (noté B) et de Revenu (noté R). La mesure LBRS incorpore enplus de ces indicateur la mesure de Privation subjective (notée S). Nous présentons ici lesrésultats des mesures TFR originales auxquelles nous avons appliqué divers systèmes depondérations. Nous pouvons noter que :

1. Le sentiment de privation est très important comme en témoigne la mesure deprivation subjective (0.6184)12.35% des enquêtés se déclarent en situation difficile.1.65% déclarent qu’ils sont contraints de faire des dettes. Au cours du premierchapitre nous avons élaboré un seuil subjectif de pauvreté à partir de l’opinion desindividus sur leur situation financière. Les résultats auxquels nous sommes parvenusmontrent que 2.1% des ménages sont pauvres.. il en résulte une augmentation de lamesure LBRS par rapport à la mesure LBR (voir annexe B, Tableau B1).

2. Effet du changement du système de pondération : le changement des pondérationsaffecte la proportion floue des ménages pauvres en France, ainsi la mesure LBR, à

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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titre d’exemple, varie de 12.14% -pondération Logarithmique- à 15.15 % - pondérationPuissance- (Voir Tableau 15).

3. Le différentiel régional : un examen des mesures désagrégées permet de noter queles régions : Nord, Méditerranée et Sud-ouest enregistrent les valeurs LBR et LBRSles plus élevés. Les tableaux B2 et B3 (ainsi que le graphe 5) montrent que la RégionParisienne affiche la valeur la plus faible de pauvreté de revenu R et des valeurs endessous de la moyenne nationale pour L et S. Par contre, nous notons que la mesureB est la plus élevée par rapport aux autres régions de France. Pour la région Nord,toutes les mesures de privations sont les plus élevées, exception faite de la privationB.

Les résultats des mesures TFR modifiées (tableau B4) viennent confirmer les remarquesprécédentes. La situation de référence reste la moyenne nationale, une valeur inférieure à0.5 indique un recul de la privation par rapport à la référence, alors qu’une valeur supérieureà 0.5 est signe d’une détérioration. Nous remarquons que trois régions : Nord, Méditerranéeet Sud-ouest affichent des valeurs supérieures à la moyenne (conforme à ce qui a été notégrâce aux mesures TFR originales). Par contre, les régions : Centre-Est, Ouest RégionParisienne et Est connaissent des valeurs inférieures à la moyenne nationale. Pour la régiondu bassin parisien les valeurs des mesures LBR et LBRS sont très proches de 0.5. Lapauvreté monétaire (mesure R) est plus répandue dans le Nord, le Sud-ouest et le BassinParisien.

Conclusion Au cours de ce chapitre nous avons tenté de fournir une analyse multidimensionnelle dela pauvreté. L’introduction dans l’analyse de dimensions autres que la seule composantemonétaire, contribue à améliorer notre compréhension des faces cachées de la privation.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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La seule information monétaire, même si elle reste indispensable à l’étude du phénomène,ne rend pas compte de toutes les fonctions élémentaires de notre existence. Le revenuconstitue seulement un moyen pour réaliser les aspirations des individus. Ce typed’approche adopté aujourd’hui par de nombreux chercheurs dans la continuité destravaux pionniers de Sen, bénéficie des développements de la littérature sur les mesuresmultidimensionnelles axiomatiques ainsi que l’application de la théorie des ensembles flous.

Notre application sur des données françaises issues des enquêtes EPCV de Mai 2002nous permet de dégager un ciblage de la population à risque de pauvreté à travers unexamen fin des mesures multidimensionnelles et la contribution de chaque attribut à cerisque. A l’examen des mesures TF il semble alors, que les familles monoparentales, lesménages unitaires, les ménages constitués de plus de 5 personnes ainsi que les ménagesdont la personne de référence est un ouvrier, un employé ou inactif sont les plus exposés aurisque de privations. Le différentiel régional de pauvreté atteste d’un risque légèrement plusélevé dans la région du Nord, la région du Sud-ouest et de la Méditerranée. A titre d’exemple,la région du Nord enregistre les taux de privation les plus élevées dans les attributs d’emploi(12.41%) et de ressources économiques (38.06%)

Un autre résultat important montre que la pauvreté multidimensionnelle augmente selonla taille de la commune de résidence. Ainsi, l’indice de pauvreté multidimensionnelle diminuelégèrement dans les communes rurales et les unités urbaines dont le nombre de résidantsne dépasse pas 20 000 habitants (14.47% 15.11% respectivement). Cette diminution estessentiellement attribuée à des meilleures réalisations en termes de logement et d’emploi.

Pour explorer encore d’avantage le différentiel régional existant en France nous avonsmobilisé les mesures TFR. Toutefois, dans l’application des mesures TFR deux problèmessont à soulever : d’abord le choix de système de pondération et l’interprétation desrésultats. Nous avons adopté une démarche qui consiste à prendre en compte l’effetdu changement du système de pondération sur la valeur des mesures TFR originales.Nous avons également calculé les mesures TFR alternatives pour mener à bien descomparaisons spatiales entre les différentes régions de France.

Il apparaît alors, que le choix du système de pondération affecte considérablement lavaleur des mesures sans pour autant influencer notre perception du différentiel régional enFrance. La même remarque reste valable en comparant les résultats des deux spécificationsTFR. Les résultats montrent que les régions Nord, Méditerranée et Sud-ouest sont les plustouchées par la pauvreté multidimensionnelle, alors que la région parisienne semble la plusépargnée.

En comparant l’approche monétaire et l’approche multidimensionnelle, adoptée dansce chapitre, nous remarquons que la corrélation entre la classification de revenu et deprivation multidimensionnelle est très faible. En d’autres termes, le nombre de ménagespauvres par l’approche multidimensionnelle et par l’approche monétaire est faible.

Annexes

Annexe A : Mesures TF

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Tableau A1: Privation Multidimensionnelle par Région de FranceRégions pauvreté totale

%Régionparisienne

Île de France 15,26

Champagne - Ardenne 15,12Picardie 16,6Haute- Normandie 14,96Centre 14,72Basse- Normandie 17,39

Bassin parisien

Bourgogne 14,74Nord Nord 16,75

Lorraine 15,3Alsace 12,65

Est

Franche-Comté 14,26Pays de la Loire 14,8Bretagne 14,52

Ouest

Poitou- Charentes 15,16Aquitaine 15,84Midi- Pyrénées 16,19

Sud-Ouest

Limousin 16,15Rhône- Alpes 13,85Centre-EstAuvergne 13,33Languedoc- Roussillon 16,41Provence - Alpes- Côtesd'Azur

15,28Méditerranée

Corse 20,8France 15,24

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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Tableau A2: Indices de pauvreté par caractéristiques du ménage pauvreté

delogement

pauvretéde loisir

pauvretéd'emploi

pauvretéde santé

pauvretéderelations

pauvretéderessources

pauvretétotale

Nombre de personne 1 0,1345 0,3431 6,51E-027,74E-020,2739 0,3739 0,17882 0,113 0,223 9,00E-027,84E-020,1645 0,34 0,14423 0,1473 0,1741 0,1464 5,85E-020,1106 0,3274 0,1414 0,1489 0,1415 0,1217 4,75E-028,70E-020,2966 0,12285 0,1729 0,18 0,1722 5,51E-029,55E-020,3122 0,14686 0,2831 0,2651 0,2169 7,83E-020,1004 0,3614 0,19747 0,2734 0,2917 0,2188 9,38E-020,125 0,4583 0,21638 0,25 0,2778 8,33E-020,125 5,56E-020,4444 0,17829 0,3333 0,5 0,3333 8,33E-020,1667 0,5556 0,2903Type du ménage Personne seule de -30 ans

0,21 0,296 0,126 5,40E-020,2307 0,2973 0,1786

Personne seule 30 à59 ans

0,1626 0,3039 0,1123 8,90E-020,2479 0,3838 0,1879

Personne seule de +60 ans

9,05E-02 0,3865 1,17E-027,61E-020,3063 0,3902 0,1721

Couple sans enf. PR a-30 ans

0,2141 0,1678 0,1928 4,90E-020,1089 0,2331 0,1498

Couple sans enf. PR aentre 30 et 59 ans

0,1049 0,1575 0,1224 6,59E-020,1147 0,3099 0,1272

Couple sans enfantPR a + 60 ans

8,05E-02 0,2517 2,19E-029,18E-020,2052 0,3557 0,1396

Couple avec 1 enfant 0,1399 0,1526 0,1475 5,62E-029,74E-020,3104 0,1328Couple avec 2 enfants 0,1442 0,1281 0,1169 4,44E-028,20E-020,2863 0,1167Couple avec 3 enfantset +

0,2033 0,2 0,1793 6,09E-029,42E-020,3275 0,1589

Famillesmonoparentales

0,1797 0,3029 0,171 8,43E-020,1616 0,434 0,1927

Autre 0,2018 0,2972 0,1687 5,42E-020,2289 0,3494 0,1907Age de la PR moins de 25 ans 0,2198 0,2848 0,1231 6,03E-020,2144 0,2781 0,1754de 20 à 29 ans 0,2181 0,2179 0,2064 4,71E-020,1671 0,2853 0,1734de 30 à 39 ans 0,193 0,19 0,1513 6,00E-020,1338 0,3066 0,1541de 40 à 49 ans 0,1497 0,1843 0,1313 6,29E-020,1114 0,337 0,1418de 50 à 59 ans 0,1106 0,2025 0,1183 6,89E-020,1357 0,3551 0,1415de 60 à 69 ans 0,1012 0,2582 6,29E-027,41E-020,2017 0,367 0,1487de 70 à 79 ans 8,40E-02 0,3351 9,84E-038,73E-020,255 0,3784 0,157480 ans 7,62E-02 0,4024 5,92E-030,1006 0,3205 0,3787 0,1775Catégorie Socioprofessionnelle Agriculteursexploitants

8,05E-02 0,2966 8,48E-027,63E-020,1271 0,2994 0,1366

Artisans,commerçants, chefsd'entreprises,,,

0,1205 0,1991 0,1089 5,94E-020,1221 0,3366 0,1348

Cadres et professionsintellectuelles sup.,

0,1308 0,1109 0,1129 3,20E-028,07E-020,2665 0,1063

Professionsintermédiaires

0,1517 0,1451 0,1153 4,62E-020,1155 0,2955 0,1265

Employés 0,172 0,2702 0,16 8,00E-020,1733 0,3764 0,1802Ouvriers 0,1913 0,2531 0,1743 8,29E-020,1721 0,3569 0,1829Retraités 8,38E-02 0,2968 3,09E-028,21E-020,235 0,3671 0,1512Autres inactifs 0,2365 0,3844 3,15E-026,76E-020,2613 0,3814 0,1918Région Région parisienne 0,1977 0,2009 0,1016 6,62E-020,1412 0,3445 0,1526Bassin parisien 0,1226 0,2382 0,1058 7,57E-020,1832 0,3599 0,1553Nord 0,1538 0,2439 0,1241 7,22E-020,1899 0,3806 0,1675Est 0,1245 0,2341 0,1049 6,18E-020,1542 0,3052 0,1418Ouest 0,111 0,2454 0,1082 6,16E-020,1886 0,3134 0,1477Sud -ouest 0,1235 0,2709 0,1125 8,16E-020,1747 0,3505 0,1602Centre- est 0,1151 0,2181 9,13E-026,06E-020,1626 0,3166 0,1375Méditerranée 0,1367 0,2649 9,07E-027,44E-020,1841 0,3621 0,1582Commune de résidence commune rurale 8,51E-02 0,2609 9,20E-026,85E-020,1817 0,3379 0,1447unité urbaine de-20000 h

0,1249 0,2392 9,08E-028,08E-020,185 0,3263 0,1511

unité urbaine de 20000à 100000h

0,1446 0,2548 0,1146 7,13E-020,1783 0,3614 0,1615

unité urbaine de +100000h

0,1501 0,2256 0,1144 6,53E-020,1667 0,3416 0,1535

unité urbaine de Paris 0,2065 0,2051 0,1083 6,49E-020,1421 0,3465 0,1561 PR: personne deréférence

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Tableau A3: fonction d'appartenance fonctionnement : logement Fréquence Pour

centPourcentagevalide

Pourcentagecumulé

0 3443 60 60 600,25 1589 27,7 27,7 87,70,5 566 9,9 9,9 97,50,75 134 2,3 2,3 99,91 7 0,1 0,1 100

Fonctiond’appartenance f.a

Total 5739 100 100

Tableau A4: fonction d'appartenance fonctionnement : loisirs Fréquence Pour

centPourcentagevalide

Pourcentagecumulé

0 2641 46 46 460,33 2168 37,8 37,8 83,80,67 866 15,1 15,1 98,91 64 1,1 1,1 100

Fonctiond’appartenance f.a

Total 5739 100 100

Tableau A5: fonction d'appartenance fonctionnement : emploi Fréquence Pour

centPourcentagevalide

Pourcentagecumulé

0 4772 83,2 83,2 83,20,5 741 12,9 12,9 96,11 226 3,9 3,9 100

Fonctiond’appartenance f.a

Total 5739 100 100

Tableau A6: fonction d'appartenance fonctionnement : santé Fréquence Pour

centPourcentagevalide

Pourcentagecumulé

0 4976 86,7 86,7 86,70,5 729 12,7 12,7 99,41 34 0,6 0,6 100

Fonctiond’appartenance f.a

Total 5739 100 100

Tableau A7: fonction d'appartenance fonctionnement : relationssociales Fréquence Pour

centPourcentagevalide

Pourcentagecumulé

0 2999 52,3 52,3 52,30,33 2535 44,2 44,2 96,40,67 199 3,5 3,5 99,91 6 0,1 0,1 100

Fonctiond’appartenance f.a

Total 5739 100 100

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Tableau A8: fonction d'appartenance fonctionnement : ressources Fréquence Pour

centPourcentagevalide

Pourcentagecumulé

0 951 16,6 16,6 16,60,33 3884 67,7 67,7 84,20,67 715 12,5 12,5 96,71 189 3,3 3,3 100

Fonctiond’appartenance f.a

Total 5739 100 100

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Annexe B

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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Chapitre 6 : Implication de l’approche par lescapabilité dans la formulation des politiquespubliques

IntroductionLa notion de capabilité, comme synonyme de liberté, a été reprise dans beaucoup detravaux, notamment les travaux du PNUD. Les fondements théoriques de l’IDH (Indicateurde Développement Humain) sont largement inspirés de l’approche par les capabilités. Mêmesi cet indicateur reste très critiqué, comme nous le verrons au cours du prochain chapitre,il constitue une rupture avec les approches traditionnelles du développement.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Les applications de l’approche se sont depuis propagées vers diverses disciplines etson influence sur la conception des politiques publiques n’a cessé de se développer :politiques d’éducation et de santé, réduction des discriminations selon les sexes,développement durable, etc. Nous passerons des exemples de travaux, relatifs à cesdomaines et où la notion de capabilités est fortement présente. Nous prendrons soin deprésenter les arguments en faveur de l’adéquation de l’application de l’approche par lescapabilités comme une base des politiques sociales.

L’éducation et la santé constituent des capabilités élémentaires qu’il est indispensablede promouvoir dans toutes les sociétés. Défendre la priorité de ces services, s’inscritdans cette priorité. La relation étroite de ces capabilités avec la chance de mener une vieépanouie explique pourquoi ces deux éléments constituent des questions centrales dansles travaux relatifs au développement, comme le souligne Sen :

“La création d’opportunités sociales contribue à l’expansion des capacités et dela qualité de vie. Le développement de la santé publique, de l’éducation, de laprotection sociale, etc., contribue directement à la qualité et à l’épanouissement

de la vie.” 149

Dans un monde qui se tourne de plus en plus vers la privatisation, Sen appelle à unecoopération privée- publique pour garantir la satisfaction des critères d’efficacité et d’équité.L’aide publique doit permettre au plus démunis d’accéder à ces services. Deux problèmesse posent à ce niveau. D’abord, un premier problème de charge fiscale qu’impliquele respect des équilibres macroéconomiques suite à l’engagement d’investissements degrandes envergures. Toutefois, la prudence financière ne doit en aucun cas justifier ledésengagement de l’Etat de ses responsabilités sociales : “l’objectif de stabilité doit êtrejugé dans un cadre large de l’ensemble des objectifs sociaux”150.

Ensuite, un second problème a trait aux incitations. L’aide publique a pour effet dedécourager l’initiative et l’effort individuel. Sous la contrainte de ressources limitées, lespouvoirs publics recourent le plus souvent au ciblage de la population à laquelle l’aidesera destinée. La concentration de l’approche sur les capabilités a pour effet d’éviter lescomportements de manipulation de l’information : il est inconcevable de penser qu’il yaurait des individus qui choisiront de vivre dans l’ignorance et la morbidité pour des raisons“tactiques” (dans le seul but de bénéficier gratuitement du service).

Section 1. Capabilités et EducationL’éducation constitue une dimension fondamentale dans les politiques de croissance et dedéveloppement. L’émergence de la théorie de la croissance endogène a conforté l’intérêtporté à l’augmentation des compétences compte tenu de son effet sur la productivité. Lathéorie du capital humain suppose que l’intérêt des dépenses en matière d’éducation (etautres services publiques) consiste avant tout à élever la productivité des travailleurs etdonc le revenu qu’ils perçoivent.

Le rôle de l’éducation est très important, non seulement dans le domaine économique,mais il touche le domaine démographique, social et politique. Au niveau démographique, lascolarisation, et notamment celle des femmes, contribue à lutter contre la mortalité infantileet à réduire le taux de fécondité. Sur le plan social, comme le souligne Vernières (2003)

149 Sen 2003, page 193.150 Sen 2003, page 190.

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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l’éducation est un moyen essentiel pour “assurer la cohérence culturelle et morale d’unesociété. Elle peut renforcer, ou contribuer à créer, l’homogénéité culturelle d’un pays. Ellepeut également, dans une société pluri- culturelle, favoriser la compréhension entre lesgroupes qui la composent”151. Sur ce plan aussi, l’éducation permet de lutter contre lesinégalités liées au sexe dans la répartition au sein de la famille152. Sur le plan politique, ilest clair que la participation des citoyens à la prise de décisions exige un certain niveaudes capacités intellectuelles et mentales. La formation scolaire est un moyen essentiel pourdévelopper et améliorer ces capacités. L’éducation sensibilise les gens à l’importance deleur rôle comme des acteurs de la vie politique.

Pour Sen, l’éducation est une capabilité basique indispensable pour promouvoir ledéveloppement et échapper à la pauvreté. Elle joue un rôle majeur dans le renforcementd’autres capabilités vu l’interconnexion qui existe entre les différentes dimensions dudéveloppement. De ce point de vue, il ne suffit plus d’apprendre aux gens à lire et écrire, ils’agit avant tout de développer en eux la capacité de compréhension et d’action.

Saito (2003) examine la relation entre l’approche de Sen et l’éduction. L’approche parles capabilités prend en considération l’éducation de deux manières. La première est denature empirique en relation avec l’élaboration de L’IDH. En effet, l’accès à l’éducation etau savoir occupe une place importante dans la construction de cet indicateur. La deuxièmeraison est de nature théorique. Sen tient dans son discours à insister sur la prise encompte au sein de l’approche par les capabilités “des conséquences directes et indirectsdes facultés humaine”153. Il appelle aussi à distinguer entre “capital humain ” d’un part et“Capabilités humaines” d’une autre part. il articule le rôle de ces capabilités en trois points :

i. Elles sont directement importantes pour le bien-être et la liberté des gens, puisqu’ellesles aident à vivre de manière plus saine, plus fructueuse.

ii. Elles influencent de manière directe le changement social en réalisant les choix etles décisions qui améliorent directement l’existence humaine.

iii. Elles influencent de manière indirecte la production économique en développant desfonctionnements créant une production ou ayant une valeur d’échange sur le marché.

Sen conclut alors que :“La perspective des capacités prend en compte chacun de ces aspects,quand « l’école de capital humain » considère en priorité le troisième de cesrôles. Pour partie, le terrain est commun. Mais il est indispensable de dépassercette acception restreinte du capital humain afin d’appréhender le développement

comme liberté” 154 .

Si nous revenons au travail de Saito (2003), nous remarquons qu’il attribue deux rôlesmajeurs à l’éducation dans l’approche par les capabilités. D’abord, l’éducation permet defavoriser l’expansion d’autres capabilités et élargir ainsi l’ensemble des opportunités auquel

151 Vernières (2003), page 33.152 Sen (2003)153 Sen (2003), page 383.

154 Sen (2003), page 387.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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les individus font face. Ensuite, l’éducation permet aussi de transmettre les valeurs moralesque les gens doivent respecter en exerçant leurs actions155.

Dans cette direction, l’éducation par les compétences de vie (life skills education) s’estconstruite comme une approche compréhensive pour une éducation de qualité. Elle se fixecomme objectif le renforcement de l’autonomie des individus, leur sens de responsabilitéainsi que leur intégration au sein de la société. La notion de compétence de vie, initialementemployé dans le domaine de la santé, peut être fortement reliée à celle de capabilité, commele note Hoffmann (2006). L’approche par les capabilités devient une source d’inspirationpour la mise en œuvre des programmes d’éducation par les institutions nationales etinternationales et les organisations publiques ou privés.

Les organisations internationales (WHO, UNESCO) se sont intéressées à la questionde l’éducation, avec la déclaration de la convention des droits de l’enfance en 1989 parl’Assemblée générale des Nations Unies. Cette déclaration insiste sur l’acquisition decompétences personnelles pour développer la personnalité de l’enfant, ses talents, sonpotentiel mental et physique.

L’effet bénéfique de l’éducation ne se limite pas seulement à augmenter la qualificationdes travailleurs, mais le dépasse pour viser le renforcement des compétences de viedes individus et donc élargir l’ensemble des choix auxquels ils font face. Selon Lanzi(2007) l’optique des capabilités, en matière d’éducation, permet de comprendre commentl’acquisition des connaissances permet de promouvoir le changement social à travers lacapacité de création et de critique dont elle dote les gens. Cela a été souligné par Sen luimême :

“L’alphabétisation, la diffusion de l’éducation dans un pays ou une régiondonnée sont des facteurs de changement social (qui influencent jusqu’aux taux

de fertilité et de mortalité) et de progrès technique.” 156

Section 2. Capabilités et SantéJusqu’au début des années 1970, la dimension de santé était totalement ignorée dans lespolitiques de développement. Toutefois “dans les année 70, la santé et le développementont suscité un intérêt accru, du fait de l’attention portée aux stratégies de développementfondées sur l’équité, puis en raison des inquiétudes provoquées par les effets duralentissement de la croissance économique, dans les années 80 sur la santé des enfants,notamment en Afrique.”157

Les dépenses de santé, appréhendées comme un investissement en capital humainconstituent une source de gain de productivité en améliorant l’état physique des travailleurs,et à long terme, en influençant la capacité des générations futurs à acquérir de nouvellescompétences. L’amélioration de l’état de santé de la population a aussi pour conséquence

155 Saito (2003) pose la question s’il est approprié de renforcer toutes les capabilités. En d’autres termes, il s’interroge sur les résultatspossibles d’une capabilité. Il donne l’exemple de la capabilité : puissance physique lorsqu’elle utilisée pour porter atteinte aux autres.Il confronte la proposition de Sen qui affirme qu’une capabilité est toujours bonne à celle de Nussbaum qui retient la possibilité d’unemauvaise utilisation des capabilités. Il conclut que le rôle de l’éducation consiste à sensibiliser et transmettre les valeurs humaines :“we need to develop judjement of the person to be able to value in which way it is appropiate to use capabilities through education”156 Sen 2003, page 175157 Gillis et al 1998, page 348

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Analyse de la pauvreté : de l’approche en termes d’Utilité à l’approche par les capabilitésd’Amartya Sen

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d’éviter de lourdes dépenses de soins curatifs qui peuvent alors être allouées à d’autresemplois.

La santé, en tant qu’état de bien-être total sur les plans physique, mental et social,est un bien recherché intrinsèquement, indépendamment de toute relation avec l’essoréconomique. La possibilité de vivre longtemps, en bonne santé est une valeur humaineà préserver et à renforcer. Il s’agit, pour les gens, de pouvoir échapper aux famines,aux maladies, épidémies et autres fléaux. Aussi, il est nécessaire de leur garantir unenvironnement sain et un accès à des services de santé de qualité. Tous ces élémentsconstituent une condition indispensable pour mener une vie épanouie et réaliser les activitésque les gens valorisent.

Parmi les applications de l’approche par les capabilités dans le domaine de santé, nouscitons, Le Clainche (2006) qui étudie la relation entre les déterminants des états de santéet les capabilités aux plans macro et microéconomique. Sur le plan macroéconomique, lasanté constitue un facteur de croissance dans le sens où elle est considérée comme uninvestissement en capital humain. Mais, comme nous aurons l’occasion de le souligner, lacroissance ne coïncide souvent pas avec des meilleurs indicateurs de santé. L’effet de lacroissance sur la santé dépend de plusieurs facteurs. Selon Anand et Ravallion (1993), lacorrélation croissance- espérance de vie dépend des dépenses publiques de santé ainsique de l’efficacité des politiques de lutte contre la pauvreté dans la mesure où les pauvresreprésentent la partie de la population la plus vulnérable aux maladies (outre qu’ils ont unefaible capacité à recourir aux soins privés).

L’élaboration d’une politique de santé efficace passe par une compréhensionexhaustive des déterminants microéconomiques des états de santé de la population :

“Connaître les déterminants des états de santé, les processus par lesquels ilsagissent, à défaut de la mesure de leur part respective, est ainsi nécessaire pour

mettre en œuvre une politique de santé (préventive et curative) performante”. 158

Nous pouvons classer ces déterminants en trois classes :i. Déterminants individuels : comportant des facteurs génétiques, biologiques et de

comportements.ii. Déterminants sociaux : tels le revenu, le statut social, le genre, etc.…iii. Déterminants environnementaux : notamment les conditions climatiques et

épidémiologiques.

En reprenant la démarche d'Alkire (2002)159, Le Clainche insiste sur la pertinencede l’approche par les capabilités pour élaborer des politiques permettant d’accroître lespotentialités des individus (rôle de la prévention et de l’éducation) et leur réel accèsaux soins, appliqué à l’exemple de l’infection au VIH. Nous voyons ici encore une foisl’interconnexion entre les diverses formes de libertés : un bon état de santé dépendétroitement de la diffusion de l’enseignement ainsi que des conditions politiques. Lesstatistiques américaines du “National Center for Health Statistics 1998” reprises par Wolfe(1999), a titre d’exemple, montrent que le taux de mortalité est nettement plus élevé parmiles femmes les moins éduquées.

158 Le clainche 2006, page 98159 Cette démarche consiste à définir des fonctionnements à réaliser et qui soient conçus comme des objectifs intermédiaires

avant de pouvoir accomplir l’objectif ultime.

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Partie 2 : Pauvreté dans l’Approche par les capabilités

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Dans la même logique, Destefanis et Sena (2006) étudient la relation entre desvariables socio-économiques et les états de santé sur un échantillon d’adultes britanniques.Ils soulignent aussi la nécessité de distinguer les différents déterminants pour pouvoirélaborer des politiques efficaces. A travers la construction d’un indice de capabilités160, lesrésultats confirment l’influence des variables socioéconomiques (notamment le revenu et leniveau d’éducation) sur les fonctionnements.

Section 3. Inégalité des sexesLa question de l’inégalité des sexes semble retrouver dans l’approche par les capabilités

tout l’intérêt qu’elle mérite. En effet, il paraît que, même à l’aube du XXIème siècle, la femmesubit, tant dans les pays en développement que dans les pays développés, des injustices deformes diverses. Ce constat peut être étayé empiriquement à de multiples niveaux. AmartyaSen a porté un intérêt particulier à la situation des femmes (notamment en Inde), appuyépar d’autres chercheurs tels Martha Nussbaum.

Pour Sen, l’examen du rapport femme-homme est révélateur d’une forme d’inégalitéenvers les femmes. Ce taux est inférieur à 1 dans beaucoup de région au monde. Sen(1992a) présente le concept de “femmes manquantes” (missing women) en référence audéficit du nombre de femmes dans beaucoup de régions du monde. La méthode qu’il utiliseconsiste à estimer le nombre de femmes manquantes, à partir du ratio femme/ homme et enutilisant comme norme de référence la valeur 1.022 observée en Afrique Sub-saharienne.Ce nombre est estimé à plus de 100 millions de femmes.

Il renvoie ce phénomène à “la mortalité excessive et du taux de survie artificiellementinférieur qui frappent les femmes”161. Les facteurs sociaux constituent la raison principalepour le ‘manque des femmes’. Ainsi, depuis l’enfance, les filles jouissent d’une moindreattention par rapport aux garçons et ceci se traduit par un faible accès aux soins (ainsiqu’à l’éducation) et même à la nourriture. Plus de dix ans après, Sen (2003a) observeque, même si le nombre de femmes manquantes n’a pas changé de manière radicale, laréduction de la mortalité féminine est ‘contrebalancer’ par une nouvelle forme d’inégalitésenvers les femmes à travers l’avortement selon le sexe. Il en résulte une baisse importantedes natalités féminines.

A côté de la tendance de certaines sociétés ‘traditionnelles’ à accepter ce genred’inégalité, le manque d’éducation dont souffrent les femmes contribue à rendre cessituations non contestées et à ne pas faire un sujet de débat. Les femmes elles-mêmessemblent incapables d’envisager, voir espérer des conditions meilleures. Ceci explique lesstatistiques participatives où les femmes, dans les pays en développement, paraissent avoirune fausse perception de leurs conditions de vie et plus particulièrement de leur état desanté.162

Même dans les pays les plus développés les femmes subissent des injustices quipeuvent prendre la forme d’harcèlement ou encore de violence. Ainsi, Nussbaum (2005)reporte dans son article que 52 % des femmes américaines déclarent avoir été victime deviolences physiques à l’enfance ou à l’âge adulte par un des proches. L’auteur défend la

160 L’indice est mesuré par estimation d’une fonction de production dont les inputs sont les variables socio-économiques et lesressources de santé (variable de contrôle) et l’output les fonctionnements de santé (ou états de santé)

161 Sen 2003, Page 143.162 Il qualifie ce phénomène de “ illusion subjective”. Voir Sen 2005 pour plus de détails sur ce point.

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pertinence de l’approche par les capabilités pour étudier les problèmes de violence subiespar les femmes de manière fine, en différenciant à la fois entre groupes de la populationet types de violence. Il devient aussi possible de comprendre les répercussions sur la viedes femmes163.

Nussbaum avance quatre raisons pour l’adoption de l’approche par les capabilitéscomme outil d’analyse. Les plus importantes d’entre elles en premier lieu, est que l’approchepar les capabilités, en prenant soin des possibilités d’être et d’agir dont dispose les individus,permet d’éclairer l’impact les droits humains sur les libertés économiques. En second lieu,l’approche paraît en mesure de rendre compte des conflits à l’intérieur de la famille et dedifférencier les contraintes de libertés et les possibilités d’action offertes à la femme.

“Conceptually, then, the capabilities approach is well placed to diagnose,analyze, and address the problems of violence against women. That is of courseno accident, since in both Sen’s and my own the approach was developed withwomen’s capabilities prominently in view with women’s equality a central goal.” 164

D’une manière générale, comme le soutient Sen, les préjudices subis par les femmes nepeuvent être reproduits dans les statistiques de revenu et ne peuvent être réduits à l’étudedes disparités dans la distribution du revenu. Droy (2006) montre que l’appréhension desinégalités selon les sexes par l’optique des capabilités présente trois sortes d’intérêt :

1. Etudier les inégalités à son niveau le plus fin : dans le sens où il est possibled’analyser les relations intra familiales concernant la réparation des tâches, desrevenus, le contrôle des ressources ainsi que le travail domestique.

2. Prise en compte de l’influence du contexte social, culturel et économique. Ces diversfacteurs jouent un rôle important dans la détermination de la capacité des femmesà se libérer des contraintes et remplir leur rôle d’agent actif. Certaines sociétésdéveloppent un environnement limitant la capacité des femmes à convertir leurspotentialités -à travers un faible accès à l’éducation, aux soins de santé, etc.- ce quiinfluence les potentialités individuelles. A côté de cette pauvreté de potentialités, lesfemmes souffrent de pauvreté d’accessibilité provoquée par des contraintes d’accèsau capital physique et financier, etc.

3. Etudier les synergies existantes entre les différentes dimensions du bien-être. Ainsi,la violence, étudiée notamment par Nussbaum (2005), influence la participationféminine à la vie politique et aussi les possibilités de contrôle sur les ressources. Droy(2006) cite l’exemple des difficultés financières qui obligent certaines familles à retirerleurs enfants, les filles en premier lieu, de l’école.

Malgré les difficultés d’application, l’approche par les capabilités présente un outilperforment pour étudier les inégalités selon le sexe et formuler les mesures de luttenécessaires. L’évolution des sociétés notamment dans les pays industriels, a conduit àdonner une audience plus importante à la lutte pour les droits des femmes. Il s’agitnon seulement d’améliorer les conditions des femmes mais aussi leur garantir un ‘statutéquitable’. En d’autres termes, la première étape dans toute politique adéquate doit donnerpriorité à l’élimination de la discrimination dont souffre les femmes, tant pour l’accès aux

163 Nussbaum étudie l’impact de la violence sur les dix capabilités qui constituent sa liste de capabilités basiques. Elle conclutque la violence affecte toutes ces composantes: “in short, there would seem to be no major area relevant to a woman’s freedom torealize her human potential that is not affected by violence and the threat of violence.” (Nussbaum 2005)164 Nussbaum 2005.

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services publics tant sur le marché du travail, et combattre les atteintes de droits et laviolence qui les touche.

En deuxième lieu, la réussite des politiques publiques de lutte contre les inégalitésselon les sexes passe par le renforcement du rôle de la femme en tant qu’agent actif dudéveloppement. Il faut doter les femmes des armes nécessaires : l’accès au savoir, à lasanté, etc. Il est ensuite important que les femmes puissent avoir des opportunités réellespour accéder au marché du travail. La capacité des femmes à gagner un revenu augmenteconsidérablement leur pouvoir de négociation à l’intérieur de la famille et contribue àrenforcer leur sécurité. La garantie des droits de propriété et de participation de la femme àla prise de décision représente aussi des éléments clés du rôle actif de la femme.

Les conséquences de telles mesures ne peuvent être que bénéfiques tant pour lafemme que pour la famille ainsi que pour la société. Une femme d’un bon niveau d’éducation,consciente de ces responsabilités et de l’importance de son rôle, constitue un facteurd’équilibre au sein de la famille. La santé de l’enfant, leur éducation, le taux de fertilité,sont autant de facteurs qui dépendent de la capacité d’initiative de la femme. Droy (2006)appelle à l’intégration de la dimension du genre, de manière transversale, dans toutes lesinterventions qui ont un impact sur les activités humaines que ce soit dans les secteurssociaux ou dans le secteur économique. Le renforcement des potentialités doit ciblercertaines catégories, qui semblent les plus touchées, telles que les familles monoparentalesdirigées par des femmes ou les femmes atteintes par des maladies graves. Le travail àdomicile constitue aussi une activité répandue dans la population féminine des pays endéveloppement. Leur situation est caractérisée par une faible rémunération et l’absence dedéfense syndicale.

Unterhalter (2005) s’intéresse à la question l’égalité des sexes, en matière d’éducation,dans l’optique des objectifs du millénaire, instaurés par l’UNDP. Un des buts de ceprogramme concerne la promotion de l’égalité des sexes et l’élimination de la discrimination.Les indicateurs utilisés rendent compte de la disparité des taux de scolarisation entre filles etgarçons à la fois au niveau primaire et secondaire en 2005 et l’éducation à tous les niveauxen 2015. Dans son papier, Unterhalter utilise la double distinction de Sen entre bien-être/capacité d’action d’un côté et Accomplissement/ liberté d’accomplir d’un autre côté.

Aslanbeigui et Summerfield (1989) étudient l’impact du système de responsabilité enChine sur la situation de la femme. Ce système est venu suite à une réforme instaurée en1983 qui divise les équipes de production agricole à un niveau de production plus bas : leménage. Les contrats établis entre les équipes et les ménages permettent à ces derniersd’exploiter des lots de terrain pour une période pouvant aller à 15 ans contre un certainquota de la production et des taxes. Les auteurs constatent que, malgré une augmentationconsidérable de la production (une moyenne de 10,5% par an), l’augmentation du revenu duménage qui en découle n’est pas synonyme d’une amélioration des capabilités de tous sesmembres. Pour les femmes, notamment celles qui travaillent dans un autre domaine, lesconséquences peuvent se traduire par une perte de leur pouvoir de négociation à l’intérieurde la famille.

ConclusionL’approche par les capabilités cherche à créer un environnement favorable à l’exercice de lalibre initiative à travers l’élimination des différents dénis de libertés. Une fois les problèmesde famine, d’accès aux services ou d’exclusion résolus, le processus de développementdoit viser l’être humain comme le principal acteur. En d’autres termes, il ne suffit plus de

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considérer cet individu comme le bénéficiaire de politiques prédéfinies, mais plutôt commeun agent actif.

L’adoption de la vision des libertés, possède des implications complexes en termesde politiques publiques. Il s’agit d’agir sur les divers volets de la liberté, dans lesdomaines politiques, économiques et sociaux. Il s’agit aussi de garantir le bon déroulementdes transactions, en prévenant les corruptions, à titre d’exemple. L’aide aux tranchesdéfavorisées de la population, à travers des dispositions institutionnelles et des interventionsexceptionnelles est aussi indispensable. Les interconnections entre ces diverses formesde liberté montrent combien il est important de recourir à une approche complète quipermet une compréhension globale du processus du développement en y intégrant tousles aspects.

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Conclusion Générale

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Conclusion Générale

Les enjeux de cette thèse consistaient à mettre en évidence l’apport de l’approche descapabilités comme cadre d’analyse de la pauvreté, en particulier, et du développementen général Certes, l’approche des capabilités ne se présente pas comme une théoriecomplètement élaborée, mais elle offre un cadre de pensée de grande utilité pour répondreà ces problématiques.

L’innovation de la perspective des capabilités réside dans la prise en compte de lanotion de liberté au cœur de l’analyse économique. Il s’agit de la liberté, non seulementdans le sens négatif qui signifie absence d’obstacles, mais aussi dans le sens positif quitient compte des possibilités réelles de choix accessibles aux individus. L’orientation vers leslibertés n’est pas nouvelle en économie (et même en philosophie antique165) puisque Sen necesse de rappeler son rattachement aux idées d’Adam Smith. Dans cette mesure, l’intérêtdes libertés vient en réponse à la domination de la composante mécanique en économieau détriment des valeurs éthiques166.

L’adoption d’une vision du développement, axé sur l’expansion des libertés etl’élargissement de l’ensemble des opportunités offertes aux gens, rend plus efficace lesprogrammes de lutte contre la pauvreté avec ses multiples manifestations : malnutrition,analphabétisme, conditions de santé précaires, etc.

Appliquée à la question de la pauvreté, la perspective des capabilités permetd’appréhender la privation comme un phénomène multidimensionnel. Ainsi, dépasser laseule information monétaire offre une meilleure compréhension de la pauvreté. Amartya Sena longuement critiqué l’approche utilitariste qui définit les pauvres uniquement en référenceà leur situation économique. La pauvreté des capabilités renvoie donc à l’échec desindividus à réaliser certains fonctionnements élémentaires de la vie humaine. En d’autrestermes, la pauvreté se définit dans l’espace des fonctionnements comme l’incapacité desgens à mettre en œuvre et développer leurs potentialités afin de tirer profit des opportunitésde vivre dignement et conformément à leurs aspirations.

Pour mettre en valeur l’utilité et la pertinence de cette perspective, nous avons abordédans une première partie l’analyse de la pauvreté sous l’optique utilitariste afin de comparerles résultats ainsi obtenus à ceux de la privation des capabilités. Généralement, lestravaux traitant la pauvreté monétaire sont basés sur une appréhension de l’utilité commesatisfaction des préférences. L’analyse de la pauvreté consiste alors à identifier commepauvres les individus dont le niveau de revenu (ou autre indicateur de bien être tel lesdépenses courantes) est inférieur à un certain seuil, jugé représenté un niveau de vieminimum.

La disponibilité des informations subjectives nous a également permis d’explorer lapiste de l’économie du Bonheur. Le recours aux perceptions individuelles fournit une grandeaide pour approcher le bien être et ainsi étudier les privations à travers le concept desatisfaction de la vie. Ici, nous nous sommes appuyés sur la méthodologie de Ferrer –I-

165 Voir sur ce sujet à titre d’exemple les articles de Nussbaum (1992, 2002) et Alkire (2002).166 Reboud (2006).

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Carbonell et Van Praag (2001) qui consiste à construire des lignes de pauvreté subjective,permettant de la sorte d’identifier les déterminants de la satisfaction de la vie.

Les résultats auxquels nous aboutissons montrent que, en 2002, 10.98 % des ménagesdisposent d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté167. Ce taux augmente considérablementpour les personnes seules, âgées de moins de 30 ans, ainsi que pour les famillesmonoparentales. D’autres facteurs contribuent à rendre certains groupes de la populationplus vulnérable à la pauvreté, notamment le sexe de la personne de référence du ménageet le type d’activité qu’elle exerce. Par ailleurs le recours à la construction d’une lignesubjective, d’après la méthode de Ferrer –I- Carbonell et Van Praag (2001), révèle undifférentiel non négligeable avec la méthode objective. Nous notons alors que le taux depauvreté subjective ne dépasse pas les 2.1%. Il n’en demeure pas moins que le revenureste un important déterminant de la satisfaction.

Pour traiter la pauvreté dans l’espace des capabilités, nous avons mobilisé l’outil dela théorie des ensembles flous qui offre la possibilité de considérer la privation dans uneoptique multidimensionnelle et d’envisager des situations intermédiaires entre les étatsde pauvreté et de non pauvreté. Nous avons retenu six dimensions de la vie humaine,relatives aux attributs suivants: logement, emploi, santé, loisirs, relations sociales etressources économiques. Chaque dimension est représentée par un nombre d’indicateurs,à la fois objectifs et subjectifs168. Nous avons appliqué trois types de mesures flouesmultidimensionnelles afin d’explorer la pauvreté des fonctionnements en France. Il s’agitdes mesures TF, TFR originale et TFR modifiée- introduite par Filippone et al. (2001).

Les résultats obtenus à partir des mesures TF montrent que certains groupes dela population, identifiés selon les caractéristiques socio-économiques des ménages, sontplus exposés au risque de pauvreté. Il s’agit notamment des familles monoparentales oudes ménages dont la personne de référence est un ouvrier ou un employé. Nous avonsaussi remarqué que la privation est plus accentuée dans les dimensions de ressourceséconomiques et de loisirs et dans une moindre mesure dans l’attribut “relations sociales”.Nous avons été en mesure de calculer la contribution de chaque dimension à la pauvretétotale. Les dimensions citées plus haut semblent apporter les contributions les plusimportantes.

Nous remarquons aussi l’existence d’un différentiel régional de privation en défaveurdes régions du Nord, du Sud ouest et de la méditerranée. Ces derniers résultats sontconfortés par l’application des mesures TFR originales et modifiées. Nous avons pris soinlors de l’application de ces mesures de vérifier l’influence des systèmes de pondérationdans l’agrégation des indices unidimensionnels

La faible corrélation entre les mesures de privation (TF) confirme l’utilité d’une analysemultidimensionnelle. En effet, les indices de corrélation de Pearson, entre les mesuresfloues, attestent d’un faible recoupement entre les dimensions. En d’autres termes, chaquedimension apporte un complément d’information pour comprendre la privation.

167 Le seuil de pauvreté a été calculé de manière relative comme étant la moitié du revenu médian. En 2002, le seuil de pauvretéest estimé à 563 euros/mois. Par contre, le seuil à 60 % du revenu médian est calculé à 675 euros/mois. En 2003, le seuil de pauvretés’établissait en France à 645 euros par mois pour une personne seule sur la base de la moitié du niveau de vie médian et à 774 eurossur la base de 60 % de la médiane. Les taux de pauvreté étaient alors (respectivement) de 6,3 % et 12 % pour ces deux seuils. Voir :Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Rapport 2005-2006 et INSEE-DGI, enquêtes Revenus fiscaux.

168 Pour le choix des indicateurs, nous nous sommes basés sur un nombre d’études similaires traitant la pauvreté desfonctionnements, menées dans les pays développés, notamment le travail de Brandolini et D’Allesio (1998) sur données italiennesou celui de Lelli (2001).

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Conclusion Générale

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Nous avons aussi mené une analyse multivariée des fonctionnements afin d’explorerles déterminants de la privation dans chaque dimension. Le modèle, inspiré de Lelli (2001),laisse supposer une relation non linéaire entre les mesures floues et le revenu, tout enintégrant des variables de contrôle relatives aux caractéristiques du ménage. Nous vérifionsalors – ce qui semblait à priori évident- que le revenu influence négativement et demanière significative le niveau de privation. Toutefois, le recoupement entre la pauvretémonétaire et la pauvreté des capabilités montre une faible correspondance entre les deuxapproches. L’indice de corrélation de Spearman est encore plus faible pour les ménagesdont le risque de privation multidimensionnelle est élevé. En d’autres termes, beaucoup deménages pauvres en termes de fonctionnements disposent d’un revenu supérieur au seuilde pauvreté monétaire.

Dans les prolongements de ce travail, plusieurs pistes de recherche pour l’applicationde l’approche des capabilités dans l’étude de la pauvreté sont possibles. Il seraitintéressant d’explorer la situation de certaines tranches de la population qui semblent plusexposées à la privation. Il s’agit, à titre d’exemple, des personnes handicapées. Au niveauméthodologique, l’analyse factorielle peut également être un instrument utile pour l’étudedes capabilités, comme l’a montré le travail de Lelli (2001).

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