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#PALESTINE194
Publié le 9 février 2013 Augustin Gillieaux Le 29 novembre dernier, la Palestine est entrée à l’ONU en tant qu’Etat observateur non membre, un statut équivalent à celui du Vatican. 65 ans jour pour jour après l'adoption en 1947 du plan de partage de la Palestine qui prévoyait l'établissement d'un État juif et d'un État arabe, il s’agit d’un véritable acte de naissance pour ce territoire devenu Etat. Un Etat certes, mais pas encore au plein sens du terme dans la mesure où le statut accordé ne donne pas le droit vote à l’Assemblée Générale des Nations Unies. Il s’agit néanmoins d’un pas en avant, au moins à court terme, pour la reconnaissance de la Palestine. Ce sont en effet 188 Etats qui ont décidé, à l’ONU, du sort du territoire palestinien en approuvant la demande de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité Palestinienne, à une majorité confortable mais pas écrasante : 138 voix pour, 9 contre et 41 abstentions. Véritable victoire diplomatique pour Abbas, ce vote a reçu l’approbation de la Russie, de la Chine, de la France, de l’Espagne, de la Suède, de la Suisse ou encore du Danemark. Ces derniers ont principalement mis en avant la nécessité d’avoir des négociations directes d’égal à égal entre Israël et la Palestine en vue d’établir un processus de paix durable. Largement majoritaire, le camp du « oui » n’est pourtant pas absolu. 9 pays se sont en effet opposés à la demande palestinienne, parmi lesquels les Etats-‐Unis, le Canada ou encore Israël. Si ce vote est « contre-‐productif » pour Hillary Clinton, il est tout simplement « inacceptable » pour Israël. Pour son ambassadeur Ron Prosor, cette résolution «ne fait pas avancer la paix, elle la fait reculer » dans la mesure où elle ne tient pas compte selon lui des impératifs de sécurité de l’Etat hébreu. Elle «ne changera donc pas la situation sur le terrain», l’Autorité palestinienne «ne contrôlant pas Gaza». Il est intéressant de remarquer que l’Etat hébreu envisage les choses d’une manière singulière : alors que pour beaucoup ce vote est une étape vers un règlement autonome du conflit entre les deux parties, il n’est pour Israël que la marque d’une intervention extérieure -‐ celle de l’ONU – dans le conflit israélo-‐palestinien. Ce n’est donc pas une simple opposition – si tant est que l’on puisse utiliser l’adjectif « simple » pour un tel affrontement – qui régit les relations entre les deux territoires, mais bel et bien un profond antagonisme philosophique, et qui vient s’ajouter aux enjeux territoriaux que l’on connaît bien. «En présentant leur demande à l’ONU, les Palestiniens ont violé leurs accords avec Israël, et Israël agira en conséquence», a signalé Ron Prosor. Il a ainsi fait allusion aux accords d’Oslo (1993) qui prévoient que la création d’un Etat palestinien doit être le fruit de négociations bipartites et non d’une initiative unilatérale. Notons également le nombre d’abstentionnistes, particulièrement important pour un enjeu de cette taille. Pour l’Allemagne, par exemple, qui « partage l’objectif d’un Etat palestinien », « on peut douter du fait que l’étape visée aujourd’hui par les Palestiniens serve le processus de paix ». Ingérence onusienne VS autogestion israélo-‐palestinienne, tel semble être le nouveau leitmotiv de ce conflit ayant déjà soufflé ses soixante bougies, et plus si inimitiés. Officiellement, celui-‐ci dure en effet depuis près de 64 ans : débutant le 14 mai 1948, jour de la création de l’Etat d’Israel, il prolonge en réalité un antagonisme croissant depuis la fin du XIXème siècle entre projet sioniste en Europe d’une part, et nationalisme arabe au Proche Orient d’autre part. Cela fait en effet près d’un siècle que l’opposition entre les deux peuples structure la géopolitique de cette région du globe. Et ce vote, cette demande que Mahmoud Abbas a formulée devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, pourrait tout aussi bien être vue comme la marque d’un échec, celui de la diplomatie bipartite. José Manuel García-‐Margallo, ministre espagnol des Affaires Etrangères, exprime bien ce que certains pourraient qualifier de « lâche soulagement » made in 2012, certifié hallal : "Notre gouvernement aurait préféré que l'on ne doive pas aller jusqu'à ce vote, parce que cela aurait signifié une avancée dans les négociations de paix", a souligné le ministre, regrettant aussi "que la communauté internationale
[n'ait] pu offrir à l'Autorité nationale palestinienne une solution alternative" à ce vote. Notons par ailleurs l’absence d’unité diplomatique au niveau européen, même si on n’en attendait pas moins de la part d’un continent qui s’est déjà essayé au suicide à plusieurs reprises en moins de 100 ans. Il serait donc illusoire d’assimiler purement et simplement ce vote à un grand pas en avant vers la paix. Ce serait se réjouir bien trop vite, ce serait oublier la voix israélienne. Il est permis de se demander si le caractère unilatéral de cette initiative palestinienne n’a pas contribué à un repli défensif des israéliens sur eux-‐mêmes: «Aujourd’hui, nous ne sommes plus tenus par nos accords (Oslo 1993) avec les Palestiniens, et nous agirons en fonction de nos intérêts (...) La poussière doit s’accumuler sur le discours d’Abbas» a déclaré le vice ministre des Affaires Etrangères, Danny Ayalon. De leurs côtés, les grandes nations ayant voté en faveur du nouveau statut palestinien, à l’image de la France, semblent ignorer qu’à l’heure de la realpolitik on ne demande pas à un Etat de reprendre immédiatement les négociations comme si de rien était alors même que la revendication israélienne liée aux accords d’Oslo semble avoir été mise de côté. C’est toute la complexité de ce vote : quoi de plus légitime que de mettre Israël et Palestine sur un pied d’égalité ? Quoi de plus légitime que de prendre les choses en main quand les négociations sont au point mort depuis plus de deux ans ? Mais que faire quand cette remise à niveau provient d’une initiative unilatérale et d’un vote extérieur, violant ainsi les accords passés ? Que faire également quand ce vote ne reçoit pas l’approbation d’un membre permanent du Conseil de Sécurité ? Se réjouir trop vite, ce serait oublier le poids des Etats-‐Unis et de leur droit de veto au sein du Conseil de Sécurité, seul organe à même de faire de la Palestine un membre de l’ONU à part entière. Par ailleurs, la Palestine ne doit pas oublier ses problèmes internes : désuni géographiquement, le territoire l’est également économiquement. Beaucoup de jeunes quittent l’Etat arabe pour chercher un emploi en Israël. Même si venant d’Europe nous n’avons guère de leçons à donner à ce niveau là, la construction politique ne doit pas faire oublier la réalité économique. La Palestine n’est désormais plus un territoire occupé, mais un « pays » occupé. Cela change principalement une chose : elle n’a plus à montrer qu’elle a droit –elle a droit, de fait. Cela change les règles du jeu, mais pas la finalité. Entre une Palestine galvanisée par une reconnaissance internationale politique et une Israël frustrée, il semble difficile de prévoir des relations calmes entre les deux pays. Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, reste à savoir si les actuels Saqar musulman et Hadès juif réussiront un jour à s’accommoder l’un de l’autre.
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