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Le constat du stress au travail et du mal-être des
salariés en entreprise : les méthodes de gestion de ce
« nouveau mal du siècle ».
Quel rôle peut jouer l’organisation du travail et la
communication interne pour améliorer les conditions du travail
et le bien-être des salariés en France ?
Institut d’Etude Politique de Toulouse
Mémoire de recherche présenté par Mlle DUBOIS Sophie
Directeur de mémoire : Assaad EL AKREMI
Date : 2012
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Institut d’Etude Politique de Toulouse
Mémoire de recherche présenté par Mlle DUBOIS Sophie
Directeur de mémoire : Assaad EL AKREMI
Date : 2012
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AVANT-PROPOS
J’ai choisi ce thème de mémoire, car ces questions m’ont toujours fortement intéressée.
Effectuant un stage dans deux importantes structures françaises, en termes de taille et de
chiffre d’affaire - (Clarins et Hachette Pratique) - j’ai pu me rendre compte durant mon année
de mobilité, que les salariés travaillant au sein d’importants groupes multinationaux peuvent
se sentir « oubliés », voir inutiles et inefficaces dans cette structure. Ils peuvent souffrir ainsi
d’un manque de reconnaissance dans leur travail et ils peuvent ne pas être mis en avant, en
raison d’une importante spécialisation des fonctions au sein de l’entreprise. Le travail étant
tellement divisé au sein de la structure, que l’humain est confondu avec une fonction précise.
Mon stage de fin d’étude s’est réalisé au sein d’une plus petite structure et j’ai pu ainsi
comprendre comment le salarié était au cœur de l’organisation. Informé continuellement de
toute l’activité de l’association, le salarié a une réelle place au sein de l’association. Ne
cherchant pas à faire l’apogée d’une forme d’organisation de travail ou de structure, je
souhaitais juste comprendre à travers ce mémoire pourquoi nous sommes arrivés à des
situations de stress intense, qui ont des conséquences dramatiques sur les individus et la
société. De plus, étant moi-même futur diplômée, je voulais analyser les enjeux d’un monde
du travail, où j’allais bientôt évolué. La génération Y, telle que nous nous faisons appeler, se
posent davantage de questions et cherche à se réaliser par le biais du travail. Acteur du monde
du travail de demain, nos attentes sont différentes en termes de travail et nous repenserons
nous-aussi les modes d’organisation des entreprises. Nous allons ainsi voir à travers ce
document de recherche, comment et pourquoi l’entreprise a évolué.
Enfin, je tiens à préciser qu’au départ, j’avais choisi de traiter le stress au travail et le rôle de
la communication interne pour améliorer les conditions de travail. Mon mémoire devait se
concentrer donc sur la communication interne. Toutefois à travers mes recherches, j’ai pu
comprendre que l’organisation du travail et le management en entreprise ont plus
d’importance que la communication interne pour améliorer les conditions de travail en
entreprise. La communication interne est seulement l’outil de ce management.
5
Avertissement :
L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les mémoires
de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e).
6
INTRODUCTION .............................................................................................. 7
PREMIERE PARTIE ......................................................................................... 13
CONSTAT DU STRESS ET DU MAL-ÊTRE DES SALARIES AU TRAVAIL EN
FRANCE : LE NOUVEAU MAL DU SIECLE ? ....................................................... 13
1. ORIGINE, CAUSES ET DEFINITIONS DU STRESS AU TRAVAIL .......................................... 13 2. EXISTE-T-IL DES MOYENS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LE STRESS POUR LES
ENTREPRISES ? ...................................................................................................................... 22 3. LA COMPARAISON AVEC D’AUTRES PAYS EUROPEENS : LES PAYS D’EUROPE DU NORD,
MIEUX CLASSES QUE LA FRANCE POUR LE BIEN-ÊTRE DES SALARIES AU TRAVAIL? ............. 29
DEUXIEME PARTIE ......................................................................................... 43
LE RÔLE DE L’ORGANISATION DU TRAVAIL ET DE LA COMMUNICATION
INTERNE POUR AMELIORER LES CONDITIONS DE TRAVAIL : VERS UNE
ENTREPRISE COOPERATIVE ET PARTICIPATIVE ? ............................................ 43
1. DEFINITIONS ET RÔLES DE LA COMMUNICATION INTERNE ET DE L’ORGANISATION DU
TRAVAIL : UNE PERCEPTION DU TRAVAIL ET DU BIEN-ÊTRE DES SALARIES DIFFERENTE ...... 43 2. VERS UNE ENTREPRISE COOPERATIVE ET PARTICIPATIVE ? .......................................... 50
TROISIEME PARTIE ........................................................................................ 62
LE GROUPE CHEQUE DEJEUNER : EXEMPLE D’UNE ENTREPRISE QUI INVESTIT
DANS L’HUMAIN ET LE SOCIAL ...................................................................... 62
1. PRESENTATION DE L’ENTREPRISE : UN GROUPE COOPERATIF ...................................... 62 2. « UNE ENTREPRISE SOCIALE OU IL FAIT BON TRAVAILLER » .......................................... 67
CONCLUSION ................................................................................................. 71
SOMMAIRE
7
INTRODUCTION
INTRODUCTION
« De la division du travail social » a été écrit par Emile DURKHEIM en 1893. L’auteur est
considéré comme le père de la sociologie française par les différents travaux et études qu’il a
réalisé. L’auteur a écrit ce livre, car il s’interrogeait sur la place de la cohésion sociale et sur
son évolution dans les sociétés industrielles et urbanisés. Dans la période de la moitié du
XIXème siècle, il constate que les individus sont de plus en plus autonomisés et indépendants,
la société est ainsi devenue individualiste. Toutefois son travail cherche à montrer que même
si l’individualisme est présent au sein de la société, car les individus se différencient, la
division du travail se constate dans toutes les branches de la société (économique, social,
politique…). Cette division du travail social oblige les individus à se spécialiser dans des
domaines différents, mais pour le sociologue, cela les rend interdépendants. Ainsi
l’interdépendance est facteur de lien social et de cohésion sociale. En même temps que la
division du travail social différencie les individus, elle les rend aussi complémentaire, c'est
pourquoi, selon Durkheim, elle est morale – elle contraint les individus à vivre ensemble.
Avec l’accroissement de la division du travail, on assiste à une transformation du lien social et
de la solidarité sociale qui accompagne.
J’ai choisi cette citation, car même au XXIème siècle dans un contexte où les conditions
économiques et sociales du travail ont évolué par rapport au XIXème siècle, la cohésion
sociale reste une priorité dans nos sociétés. Nous nous posons encore la question de la
solidarité entre les individus et donc d’une forme de soutien collectif qui favoriserait le bien-
être des individus. La cohésion sociale cherche ainsi à montrer quelle est l’intensité du lien
social entre les individus. Dans une société où les individus perdent leurs repères, où ils ont
peur de l’avenir et où ils n’entrent pas en interaction avec les autres, on constate une
recrudescence des problèmes sociaux, des phénomènes d’exclusion ou de l’individualisme.
« Nous sommes ainsi conduits à reconnaître une nouvelle raison qui fait de la division
du travail une source de cohésion sociale. Elle ne rend pas seulement les individus solidaires,
comme nous l'avons dit jusqu'ici, parce qu'elle limite l'activité de chacun, mais encore parce
qu'elle l'augmente. Elle accroît l'unité de l'organisme, par cela seul qu'elle en accroît la vie;
du moins, à l'état normal, elle ne produit pas un de ces effets sans l'autre ».
Emile DURKHEIM – « De la division du travail social »
8
Cela représente un danger pour la société et l’économie. Ce besoin de cohésion sociale peut
être mesuré à l’échelle de la société, ou même à un niveau plus petit au sein de l’entreprise.
Cela nous amène à nous poser les questions suivantes : Comment percevons-nous les relations
entre les individus au sein de l’entreprise ? Quel est la place de l’humain dans l’organisation
du travail ? Comment créer de la cohésion sociale au sein de l’entreprise ? Comment arrive-t-
on à des situations de perte de lien social au sein de l’entreprise ?
Depuis les années 80, on constate un essor des risques psychosociaux et donc du stress au
travail au sein des entreprises françaises, mais également dans l’ensemble des pays européens.
Ainsi, 47 % des salariés français déclarent éprouver souvent du stress au travail (source
CSA/Liaisons sociales) et un tiers des salariés présente des difficultés psychologiques (source
IFAS). Les conséquences sur les individus, la société et l’économie sont lourdes : le coût
médical serait évalué à lui seul à 413 millions d’euros et l’absentéisme à 279 millions d’euros.
Ce stress au travail est révélateur, non de comportements individualisés et minimes, mais bien
d’un problème social. Parfois associés à un cas individuel ou isolé, le stress au travail est bien
un problème d’organisation du travail au sein de l’entreprise et de communication entre les
salariés et la hiérarchie, plutôt qu’une inadaptation du salarié au poste et aux missions
demandées. Largement étudié par les médecins du travail, psychologues, sociologues,
directeur des ressources humaines… le stress au travail a été très médiatisé ces dernières
années et le terme a été parfois utilisé dans les mauvaises conditions ou situations. Reconnu
comme un réel problème social au sein de l’entreprise, les pouvoirs publics s’en sont emparés
afin de créer un cadre légal afin de réduire l’apparition de situations de stress. Ce cadre est
nécessaire, mais ne suffit pas à améliorer le bien-être et la cohésion sociale au sein de
l’entreprise.
Plus qu’un problème social, le stress au travail est donc révélateur d’une faille au sein de
l’organisation du travail dans une société où les individus ont de nouvelles attentes par rapport
au travail, et son apparition amène à repenser la relation entre les salariés au sein de
l’entreprise et entre les salariés et la hiérarchie. L’institut National de Recherche et de
Sécurité au travail a définie le stress de la façon suivante : « On parle de stress au travail
quand une personne ressent un déséquilibre entre ce qu’on lui demande de faire dans le cadre
professionnel et les ressources dont elle dispose pour y répondre. Les situations stressantes
qui s’installent dans la durée ont toujours un coût pour la santé des individus qui les subissent.
Elles ont également des répercussions négatives sur le fonctionnement des entreprises
(turnover, journées de travail perdues, perte de qualité de la production, démotivation parmi
9
les équipes…). »1 Ce risque psychosocial est bien la conséquence d’une organisation du
travail qui ne correspond pas au salarié et d’un manque de communication et de soutien entre
la hiérarchie et les salariés. La cohésion sociale au sein de l’entreprise est donc fragilisée dans
ce contexte.
A travers ce mémoire, nous cherchons ainsi à analyser la situation du stress au travail et donc
le ressenti d’un mal-être des salariés au sein de l’entreprise, en France, et le rôle que peuvent
avoir l’organisation du travail et la communication interne sur ce problème social. Le stress
nous sert ici d’indice dans la société pour repérer les failles au sein de l’organisation de
l’entreprise. Il sert ainsi d’indicateur pour révéler un mal-être au travail au sein de l’ensemble
des entreprises françaises. Nous nous intéresserons alors dans ce mémoire à l’ensemble des
structures privées ou publiques françaises. De même c’est la situation française qui nous
intéresse, mais cela ne nous empêchera pas de réaliser une comparaison avec les pays
européens.
Ce sujet nous amène ainsi à nous poser plusieurs questions que nous essaierons d’analyser
dans chaque partie du document.
D’une part, quelle est la situation du stress au travail en France et comment peut-on le gérer
au sein de l’entreprise ? On peut aussi se demander dans ce document de recherche si les
moyens déjà mis en place sont réellement efficaces. La France a-t-elle une place particulière,
par rapport à ses voisins européens ? Si oui, est-ce seulement à cause d’un facteur culturel ?
En effet, les pays d’Europe du Nord sont souvent bien positionnés dans les classements du
stress au travail ou du bien-être des salariés au sein des entreprises. Cela signifierait que les
travailleurs des pays européens du Nord ont de meilleures conditions de travail qu’en France ?
Il convient ainsi de se demander s’il s’agit seulement d’une organisation du travail qui
convient mieux aux salariés et que les conditions sociales sont plus avantageuses dans ces
pays, ou s’il s’agit aussi d’une question culturelle. On peut alors se demander comment les
pays d’Europe du Nord perçoivent le travail par rapport aux français ? Quelle est la place qui
est accordée au travail ? Le fait qu’il y ait davantage de salariés stressés en France peut aussi
venir d’un modèle social et économique différent, qui accorde davantage d’importance au
travail en France. Le mémoire permettra ainsi de replacer les données statistiques dans un
contexte culturel, économique et social pertinent et utile.
1 Définition issue du site internet de l’Institut National de Recherche et de Sécurité au travail :
http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux/stress.html
10
D’autre part, étant donné que le stress est révélateur d’une faille au sein de l’organisation du
travail et de l’entreprise, on peut se demander comment l’organisation peut améliorer les
conditions de travail et quel rôle la communication interne peut jouer pour légitimer cette
organisation ?
On peut ainsi partir du postulat selon lequel le développement accru du stress au travail au
sein des entreprises françaises a amené les sociétés à repenser l’organisation du travail et à
faire évoluer les pratiques de management afin de réduire les risques psychosociaux en
entreprise.
« L’organisation du travail est un ensemble d'éléments en interaction, regroupés au sein d'une
structure régulée, ayant un système de communication pour faciliter la circulation de
l'information, dans le but de répondre à des besoins et d'atteindre des objectifs déterminés. » 2
Les formes d’organisation du travail se sont succédées d’un point de vue historique, montrant
ainsi que l’organisation du travail est une préoccupation ancienne qui a intéressé beaucoup de
chercheurs. C’est au début du XXème siècle, aux Etats-Unis, que s’est mise en place la
première organisation du travail mondialement reconnue et utilisée. Il s’agit de l’organisation
scientifique du travail inventé par Frederick Taylor. Dans un contexte d’un important
développement industriel des pays en développement, il s’agissait de mettre la productivité et
l’efficacité au centre de l’organisation du travail. Tout était prévu pour que les salariés ne
s’occupent uniquement que d’une fonction. Développant ainsi des compétences sur leur
propre fonction, leur action devenait complémentaire avec celle des autres. Cette organisation
du travail a marqué nos sociétés, mais elle a évolué dans le temps.
Dans les années 60, s’est développée une nouvelle forme d’organisation du travail. Elle était
basée non plus sur des fonctions, mais bien sur des activités. Dans un contexte où les pays
commençaient à échanger davantage entre eux, les entreprises organisaient le travail en
fonction d’un type d’activités qui regroupaient plusieurs fonctions. Basée sur une structure
pyramidale, l’échange de l’information se fait uniquement entre les salariés occupant
certaines activités. L’humain était donc encore assimilé à une activité et non à un potentiel de
compétences ou d’idées. Bien entendu, il n’a pas existé uniquement que ces deux types
d’organisation du travail, mais ce sont celles-ci qui ont influencé la culture du travail en
France.
Aujourd’hui l’organisation du travail et le management sont souvent, à tort, confondus. Le
management n’est que l’outil et découle de l’organisation du travail, l’organisation du travail
2 Définition proposée par le site internet Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_du_travail
11
au sein d’une entreprise est donc très importante car c’est d’elle que découlera le
management, le type de communication interne, la politique de ressources humaine, le type de
relations entre la hiérarchie et le salarié. Très importante, elle peut avoir des conséquences
importantes sur le salarié, si elle ne permet pas une circulation facile et efficace des
informations. L’organisation du travail recherche aujourd’hui un équilibre entre une
importante communication interne et une remise au centre de l’humain au sein de l’entreprise.
Le développement fulgurant du stress au travail, et des risques psychosociaux au sein des
entreprises, a révélé que l’organisation du travail au sein des entreprises ne répondait plus aux
attentes et aux besoins des salariés y travaillant. Le stress au travail est donc le déclencheur
d’une nécessité, au sein de nos sociétés, de repenser l’organisation du travail au sein des
entreprises et donc la hiérarchie et la façon de percevoir la circulation des informations. Nous
remarquons ici que l’essor de la communication interne est lié à ce besoin de renouveau, elle
doit ainsi accompagner les changements au sein de l’entreprise. D’ailleurs, l’entreprise a
évolué ces dernières années dans un contexte économique et social difficile : crise
économique, montée du chômage et de l’insécurité face à l’emploi, délocalisation massive des
emplois en raison de la mondialisation… Elle a ainsi du s’adapter aux changements et à ce
nouvel environnement pour être compétitive et favoriser encore la croissance, mais elle est
aussi aujourd’hui considérée comme un véritable « acteur de la cohésion sociale »3. Devant
remettre les questions de la politique sociale au centre des préoccupations et devant favoriser
un cadre de travail sain où les individus s’épanouiraient et se sentiraient bien au travail,
plusieurs responsabilités incombent alors sur la nouvelle organisation du travail de demain.
Nous pouvons conclure sur l’article de presse issu de l’hebdomadaire, Le Monde :
« L'engagement des entreprises dans le débat sociétal et les arbitrages qu'elles feront en faveur
de l'emploi et de la qualité des emplois seront des leviers déterminants d'un modèle social où
la confiance pourra à nouveau se développer. » C’est autour de cette problématique que se
fera ma recherche : comment regagner la confiance des salariés au travail et favoriser le bien-
être des salariés, par le biais de l’organisation du travail ?
Afin de réaliser ce mémoire, je me suis basée sur plusieurs disciplines et études afin de
comparer les différentes analyses et de les rendre pertinentes : sociologie, étude des
organisations, gestion des ressources humaines, psychologie du travail, droit du travail, étude
3 Article de presse issu de l’hebdomadaire français, Le Monde, réalisé par Jean-Paul Bailly, président du groupe
La Poste et d'Entreprise&Personnel et Sandra Enlart, directrice générale d'Entreprise&Personnel : « L'entreprise est un acteur engagé de la cohésion sociale » (http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/10/24/l-entreprise-est-un-acteur-engage-de-la-cohesion-sociale_1591712_3232.html)
12
culturelle du pays pour analyser la place et la perception du travail. De plus, j’ai surtout
concentrée mes recherches sur la base de sources fiables issues d’institutions nationales ou
internationales (INSEE, Institut National de la Recherche et de la Sécurité au travail – INRS,
Union Européenne, document de Ressources Humaines…). Faute d’organisation de ma part et
de persévérance, je n’ai pu m’appuyer sur des entretiens que j’aurai réalisés. Ayant ciblé
quelques personnes afin de leur faire parvenir un questionnaire préparé par mes soins, je n’ai
obtenu aucune réponse de leur part. À partir de documents, j’ai ainsi décidé de m’appuyer sur
une étude de cas d’une entreprise choisie en fonction de son classement par rapport au stress
au travail et du bien-être de ses salariés au travail. Ma dernière partie sera donc consacrée à
l’étude du Groupe Chèque Déjeuner.
Véritable problème social au sein des entreprises françaises, le stress au travail s’est
largement développé depuis ces dernières années. Véritable indicateur d’un profond mal-être
au travail de la part des salariés, il révèle un problème d’organisation du travail et de
communication au sein de l’entreprise dans nos sociétés. Nous allons donc étudier les raisons
et les conséquences du développement accru du stress au travail, et comprendre pourquoi il a
amené les entreprises à repenser l’organisation du travail. Nous pouvons donc nous poser la
question suivante : Quel rôle peut jouer l’organisation du travail et la communication interne
pour améliorer les conditions du travail en France et le bien-être des salariés au sein des
entreprises ? Pour répondre à cette question, nous étudierons dans une première partie les
raisons et les conséquences du développement du stress en France et nous comparerons la
situation française avec la situation des autres pays européens. Puis, dans une seconde partie,
nous tenterons de comprendre comment l’organisation du travail et la communication interne
peuvent influencer sur les conditions de travail et améliorer le bien-être des salariés. Nous
verrons également que l’apparition du stress au travail, a poussé les entreprises à repenser la
place de l’homme au sein de l’entreprise. Enfin, pour illustrer nos propos, nous réaliserons
une étude de cas à partir de l’exemple de l’entreprise « Chèque Déjeuner » reconnue pour
favoriser le bien-être de ses salariés au travail.
13
PREMIERE PARTIE
CONSTAT DU STRESS ET DU MAL-ÊTRE DES SALARIES
AU TRAVAIL EN FRANCE : LE NOUVEAU MAL DU
SIECLE ?
« Plus d’un salarié européen sur cinq déclare souffrir de troubles de santé liés au stress du
travail »4. Un constat qui paraît alarmant quand on sait que beaucoup d’entreprises mettent en
place des comités de prévention ou des mécanismes permettant de repérer les employés qui
souffriraient de ce nouveau « mal du siècle ». Le stress peut être vécu comme une véritable
pathologie pour un individu et avoir de lourdes conséquences sur celui-ci, mais aussi pour la
société. Il est donc intéressant de se pencher sur les sources, les causes et les origines du stress
au travail. De même, nous pourrons observer et étudier que la situation en Europe n’est pas
similaire dans tous les pays.
1. ORIGINE, CAUSES ET DEFINITIONS DU STRESS AU TRAVAIL
Depuis 2007, de nombreux accords internationaux et textes juridiques français essaient de
réglementer et d’établir un cadre législatif pour les entreprises afin qu’elles mettent en place
des mécanismes et des organisations spéciales pour lutter contre le stress au travail. Ce
phénomène a donc pris beaucoup d’importance dans le débat public, ainsi que dans les
recherches en sciences sociales, et en management. Il est devenu un phénomène social
important qui a pris de l’ampleur au sein de chaque entreprise. Cependant, on ne s’est pas
toujours inquiété, par le passé, du stress au travail des salariés. Depuis quand donc remonte ce
phénomène, qui nous paraît aujourd’hui être « le nouveau mal du siècle » répandu au sein de
pratiquement toutes les entreprises ? Ciblant, par le passé, avant tout les cadres, on constate
aujourd’hui que tous les salariés peuvent être touchés par le stress. Le terme est d’ailleurs
parfois utilisé à tort et surtout pas toujours dans le bon sens. Il fait parfois office de « fourre-
tout » où les salariés qualifient leur mal-être de stress. Le stress n’a été, en effet, découvert
qu’en 1930 suite à une expérience du scientifique canadien Hans SEYLE sur des rats. Il s’est
4 Institut National de Recherche et de Sécurité : http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux/stress.html
14
aperçu que des rats passés par plusieurs phases de tension, quand ils étaient exposés à
différentes situations de stress. Il paraît alors important de revenir aux sources de ce mot et de
voir ce que révèle réellement au niveau social, le mot stress au travail.
1.1 Qu’est-ce que le stress au travail ?
Comme nous l’avons souligné, la définition du stress au travail a fait l’objet de nombreuses
enquêtes sociales, recherches par des sociologues ou même des médecins du travail. Ainsi, on
ne sait plus quelle référence prendre ou quelle définition choisir pour éclaircir cette notion qui
est devenue un peu « fourre-tout ». Il nous faut donc sortir le mot stress d’une utilisation
purement individuelle : « Les chercheurs ici réunis ont en commun de s’intéresser, non au
stress en tant que tel, mais aux usages sociaux qu’en font ceux qui disent y être soumis. Le
stress au travail n’apparaît plus comme la pathologie d’individus insuffisants face aux
nécessités productives mais comme un symptôme de l’invisibilisation et de l’individualisation
de la défaillance organisationnelle : plus précisément, il indique le « recentrage sur l’individu
qui efface potentiellement les causes matérielles ou collectives d’une défaillance » »5.
On voit donc ici que le stress au travail est davantage perçu comme un problème
d’organisation du travail ou une contradiction présente au sein de l’entreprise. Les salariés qui
déclarent souffrir de ce mal ont donc un discours qui peut paraître différent car ce sont des
discours entendus individuellement, mais en réalité l’ensemble de ces discours regroupé
permet de mettre en évidence une contradiction au sein de leur emploi. Ce n’est pas un
problème individuel, mais bien organisationnel. Il faut donc recentrer la notion du stress, non
dans des causes purement individuelles, mais bien organisationnelles ou collectives. Le stress
est ainsi une réalité sociale, un phénomène social qui doit concerner les politiques publiques.
Une des définitions que l’on retrouve largement, si l’on souhaite définir le stress au travail est
celle-ci : « Le stress au travail est l’ensemble des réactions que les employés peuvent avoir
lorsqu’ils sont confrontés à des exigences et à des pressions professionnelles ne correspondant
pas à leurs connaissances et à leurs capacités et qui remettent en cause leur aptitude à faire
face »6 Le stress est donc le décalage entre les connaissances et le savoir qu’il possède, et les
tâches qui lui sont demandées. C’est le vide intellectuel et professionnel dans lequel le salarié
se retrouve et il se sent, de plus, délaissé par sa hiérarchie pour exécuter ses tâches. Le stress
5 Marie Buscatto, Marc Loriol, Jean-Marc Weller, Au-delà du stress au travail. Une sociologie des agents publics
au contact des usagers, Paris, Erès, « Clinique du travail », 2008, p.8 6 Stavroula Leka BA Msc Phd, Amanda Griffiths, Tom Cox, Organisation du travail et stress, 2008, p. 3
15
peut survenir dans différentes situations professionnelles, mais il est aggravé lorsque la
hiérarchie ou les collègues ne soutiennent pas le salarié dans cette situation.
Le schéma ci-dessous est issu du modèle du sociologue et psychologue américain Kasarek en
1979. Il évalue l'intensité de la demande psychologique à laquelle est soumis un salarié, la
capacité décisionnelle qui lui est accordée et le soutien social qu'il reçoit. On s’aperçoit donc
que si le salarié est soumis à une forte demande de travail et qu’il ne dispose pas de toutes les
connaissances pour y répondre, alors il est en situation de stress et de souffrance
psychologique. De même, cette situation s’aggrave si le salarié n’est pas soutenu par ses
collaborateurs ou supérieurs hiérarchique.
7
7 Schéma issu du modèle de Kasarek : http://www.psychologuedutravail.com/tag/modele-de-karasek/
16
A contrario, on peut donc déduire qu’une situation de travail saine, où les salariés ne seraient
pas stressés, est une situation où les employés auraient toutes les informations à leur
disposition, ainsi que les connaissances intellectuelles et professionnelles pour effectuer les
missions. De plus, ils bénéficieraient du soutien de la part de leurs collègues et de leur
hiérarchie. Attention toutefois, il ne faut pas confondre pression et stress. La principale
différence est que la pression peut être acceptable par l’employé si elle n’est pas trop élevée,
tandis que le stress est perçu négativement par celui-ci. De même la pression va souvent de
pair avec des métiers professionnels demandant une forte réactivité et une importante
motivation à l’employé. Elle peut donc être source de dynamisme et de capacité de travail
importante.
Si l’on effectue une étude de la répartition du stress entre les employés, on s’aperçoit en
premier, que les femmes sont davantage touchées par le stress au travail que les hommes (6
points de plus par rapport au schéma ci-dessous). De même les cadres ou gestionnaires sont
globalement plus touchés par le stress au travail que les techniciens ou que ceux exerçant « un
travail de bureau » soit les agents administratifs. Les exigences professionnelles et
psychologiques sont donc plus fortes sur les cadres, que sur les autres employés. Plus le statut
de l’employé est élevé dans l’entreprise, plus le stress sera important d’après cette étude. Or
on s’aperçoit que cet argument n’est pas forcément démontré. En effet, depuis ces dernières
années, les études montrent que l’ensemble des salariés est touché par le stress, et non
uniquement les cadres.
8
8 Site internet : http://www.communicationentreprise.com/lutter-contre-le-stress-au-travail
17
Cette première esquisse de définition nous amène donc à voir au-delà des simples
manifestations individuelles du stress par les salariés. Il faut donc étudier ce qui transparaît
dans cette manifestation et voir ce qui peut être identifié ou mis en cause. Derrière la notion
de stress est impliqué alors des questions d’organisation du travail, de management et de
définition des rôles de chacun au sein de l’entreprise. En effet, on s’aperçoit aussi que le
décalage de perception et de compréhension des missions entre le salarié et l’employeur peut
aussi être déclencheur de stress. On en vient ainsi à étudier les causes et les sources de ce
symptôme qui peut parfois se transformer en véritable pathologie pour l’individu.
1.2 Quelles sont les causes du stress au travail ?
On peut identifier plusieurs grandes familles de facteurs déclencheurs du stress au travail. La
plupart de ces facteurs ont été repéré par des enquêtes de terrains réalisés par des médecins,
des professionnels, des psychologues ou sociologues du travail. Les résultats résultent donc de
réelles impressions ou de réelles situations vécues par les salariés. Nous souhaitons montrer
avant tout que la mauvaise organisation des rôles au sein de l’entreprise et une mauvaise
communication sont les principaux facteurs de stress. Ainsi une meilleure organisation et une
restructuration de la hiérarchie au sein de la structure permettrait d’améliorer les conditions de
travail et l’intégration des employés au sein de celle-ci. « La plupart des causes de stress au
travail sont liées à la manière dont le travail est conçu et dont l’organisation ou l’entreprise est
gérée »9
10
9 Stavroula Leka BA Msc Phd, Amanda Griffiths, Tom Cox, Organisation du travail et stress, 2008, p. 6
10 Etude issue d’un cabinet d’expertise privé du stress en entreprise, Humanime.
18
Si on s’en réfère à ce graphique, on peut identifier les causes suivantes qui déclencheraient le
stress au travail:
- Contexte professionnel (rôle au sein de l’entreprise, organisation du travail, rôle de
l’employé, culture d’entreprise…)
- Contenu du travail (charge de travail, horaires, salaire…)
- Contexte personnel (exigences de l’employé en termes de travail de salaire, contexte
familial et humain stable en dehors du travail…)
- Communication et relations au sein de l’entreprise (soutien des collègues,
communication interne mise en place…).
Ainsi on s’aperçoit que la principale source de stress résulte du fait que l’organisation du
travail devient trop lourde et importante pour le salarié. La définition d’une organisation claire
et une communication interne qui favorise l’interaction entre la hiérarchie et les salariés
peuvent donc favoriser l’amélioration des conditions de travail des employés. Nous allons
voir ici les causes du stress identifiés par l’Institut National de Recherche et de Sécurité :
Facteurs liés à la tâche ou au contenu même du travail à effectuer
Fortes exigences quantitatives (charge de travail, rendement, pression temporelle, masse d'informations à traiter…)
Fortes exigences qualitatives (précision, qualité, vigilance…)
Difficultés liées à la tâche (monotonie, absence d'autonomie, répétition, fragmentation…)
Facteurs liés à l'organisation du travail
Absence de contrôle sur la répartition et la planification des tâches
Imprécision des missions confiées
Mauvaise communication
Contradiction entre les exigences du poste (comment faire vite et bien ? Qui dois-je satisfaire, le client ou l’encadrement ?)
Nouveaux modes d'organisation (flux tendu, polyvalence…)
Instabilité des contrats de travail (contrat précaire, sous-traitance…)
Inadaptation des horaires de travail aux rythmes biologiques, à la vie sociale et familiale
Facteurs liés aux relations de travail
Manque de soutien de la part des collègues et/ou des supérieurs hiérarchiques
Absence de communication
Management peu participatif, autoritaire, déficient
Absence ou faible reconnaissance du travail accompli
Facteurs liés à l'environnement physique et technique
Nuisances physiques au poste de travail (bruit, chaleur, humidité…)
Mauvaise conception des lieux et/ou des postes de travail (manque d’espace, éclairage inadapté…)
Facteurs liés à l’évolution sociologique
Utilisation croissante des techniques de communication à distance
Individualisation de l’activité professionnelle avec sur-responsabilisation
Exigences ou agressivité de la clientèle
Facteurs liés à l'environnement macro-économique de l'entreprise
Mauvaise santé économique de l’entreprise ou incertitude sur son avenir
Compétitivité, concurrence
19
Pour que l’ensemble de ces causes déclenchent réellement des situations de stress au travail, il
faut qu’elles s’inscrivent dans la durée. Il y a ici l’idée de chronicité et d’inscription dans la
durée.
De plus, il faut que ces causes soient subies, c’est-à dire qu’elles soient négativement perçues.
En effet, certaines de ces causes et de ces facteurs peuvent être bien vécues par certains
salariés et peuvent être source parfois de stimulation ou de motivation. L’accumulation de
différentes causes accroît le stress et déclenche un état de souffrance psychologique pour le
salarié. Pour finir, pour que ces facteurs soient source de stress, il faut que leur accumulation
soit incompatible. Ainsi le salarié fait face, par exemple, à des demandes professionnelles de
plus en plus exigeantes, mais il a une faible marge de manœuvre pour les réaliser.
Si l’on cumule ainsi l’ensemble de ces conditions, le stress se renforce au sein de l’entreprise,
alors que dans certaines structures, la mise en place d’actions correctrices peut neutraliser ces
situations de stress et améliorer les conditions de travail.
Pour conclure, on note que les causes et les facteurs influant sur le stress au travail sont
multiples. Cependant, ce n’est uniquement en agissant dans un contexte et des conditions
particulières, que ces causes deviennent réellement néfastes pour la santé. Ces causes ne sont
pas figées dans le temps et évoluent en même temps que le monde du travail.
1.3 Quels sont les effets du stress au travail pour la société dans son
ensemble ?
La question du stress au travail pose non plus uniquement la question des causes, mais bien
également la question des conséquences du stress au travail sur la société dans son ensemble.
De par les nombreuses études et enquêtes réalisées auprès des individus et des entreprises, on
a pu noter que le stress au travail a de nombreuses conséquences d’une part sur les individus
eux-mêmes souffrant de cette pathologie, d’autre part sur l’entreprise et son organisation et
enfin sur la société dans son ensemble.
Ce schéma explique les répercussions engendrées par le stress au travail sur la société. On
constate ainsi que le stress a bien des coûts humains, sociaux et économiques. Si un pays
dénombre trop de situations de stress au travail, on se retrouve donc dans un cas où les
individus n’ont pas confiance en l’avenir, où ils ont peur de l’incertitude. Economiquement et
socialement, cela ne favorise pas le développement du pays. Le schéma ci-dessous explique
bien en quoi le stress au travail a des conséquences sur l’ensemble de la société (humain,
social, économie).
20
Les conséquences du stress sur l’entreprise et son organisation :
Le stress au travail engendre un coût important sur la productivité générale de l’entreprise. Il
favorise également une désorganisation de la structure, et donc la rend moins attractive auprès
des clients et des futurs salariés. On peut ainsi noter dans les structures où il y a un fort taux
de stress au travail qu’il y a l’apparition des différents cas suivants:
- une augmentation de l’absentéisme et du turnover,
- des difficultés pour remplacer le personnel ou recruter de nouveaux employés,
- des accidents du travail,
- une démotivation, une baisse de créativité,
- une dégradation de la productivité, une augmentation des rebuts ou des malfaçons,
- une dégradation du climat social, une mauvaise ambiance de travail,
- des atteintes à l’image de l’entreprise…
- nécessité de restructurer ou réorganiser l’entreprise : coût du changement
On peut prendre pour exemple l’entreprise France Telecom qui a subit des cas de stress au
travail très élevés et très importants. Suite à une baisse de son activité, à une concurrence dans
le secteur des télécommunications toujours plus difficile, l’entreprise a du se restructurer et
mettre en places de nouvelles méthodes de management. Ces méthodes ont parfois poussé les
employés à partir d’eux-mêmes de l’entreprise, tellement le rythme et le stress étaient devenus
trop difficile à supporter. On s’aperçoit qu’une nouvelle organisation peut perturber
21
considérablement les conditions de travail et accroître le mal-être des salariés à leur travail.
Certains employés sont allés jusqu’au suicide, suite au harcèlement moral et au stress qu’ils
avaient reçus. Les coûts pour France Telecom ont été très élèves, suite à ces cas de stress au
travail, car ils ont du financer des plans de prévention, mettre en place des actions correctrices
qui ont été difficiles à financer. De plus, si on ne parle pas de l’aspect financier, cela a aussi
influencé négativement sur l’image de l’entreprise, car « l’affaire du suicide » a pris une
importante ampleur médiatique. L’attractivité et la productivité au sein du groupe a donc
continué à diminuer. On constate ici qu’une bonne gestion et une bonne organisation du
travail contribuent à créer un climat favorable à la motivation des salariés, à la productivité de
l’entreprise, et à la créativité.
En raison de ces conséquences sur le fonctionnement, le stress a un coût financier élevé pour
l’entreprise. Plusieurs études montrent alors qu’il est « rentable » pour les entreprises
d’investir dans la prévention du stress au travail : les coûts des mesures de prévention
collective sont amortis assez rapidement (de l’ordre d’une année). À noter que certaines de
ces conséquences peuvent constituer des indicateurs de stress au travail, à prendre en compte
dans le cadre d’une démarche de prévention du stress.
Les conséquences du stress sur la société et les individus souffrant de cette pathologie :
« Au niveau européen, le coût du stress d’origine professionnelle était estimé, en 2002, à
environ 20 milliards d’euros par an. Le stress serait également à l’origine de 50 à 60 % de
l’ensemble des journées de travail perdues. » (Agence européenne pour la sécurité et la santé
au travail, 1999).
En France, le coût social du stress (dépenses de soins, celles liées à l’absentéisme, aux
cessations d’activité et aux décès prématurés) a été estimé en 2007 entre 2 et 3 milliards
d’euros (étude INRS et Arts et Métiers ParisTech). Il s’agit d’une évaluation à minima. En
effet, cette étude prend essentiellement en compte le « job strain » ou « situation de travail
tendue » (combinaison d’une forte pression et d’une absence d’autonomie dans la réalisation
du travail), qui représente moins d’un tiers des situations de travail fortement stressantes.
D’autre part, les pathologies retenues sont celles qui ont fait l’objet de nombreuses études :
maladies cardiovasculaires (infarctus, maladies cérébrovasculaires, hypertension…),
dépression et certains troubles musculosquelettiques.
Enfin, cette dernière estimation ne prend pas en compte toute la dimension du coût pour
l’individu, en particulier la souffrance et la perte de bien-être que le stress occasionne. Or il a
22
été montré que ce dernier pouvait représenter jusqu’à deux fois les coûts des soins et des
pertes de richesse. »11
Les effets du stress au travail peuvent avoir des conséquences sur l’économie en général, mais
également sur le bien-être et la santé, autant physique que psychologique, des individus. Le
stress au travail peut entraîner une perte de la motivation, un désengagement vis-à-vis du
travail, une fatigue chronique et un état dépressif, ainsi que des problèmes physiques graves.
Il est donc important de repérer les premiers signes de stress au sein de l’entreprise afin de
trouver des solutions et palier à ce symptôme révélant une mauvaise organisation du travail au
sein de l’entreprise.
Nous avons ainsi tenté d’établir une définition large mais réelle du stress au travail. En
nous aidant sur des statistiques et des graphiques réalisés par des bureaux d’études
publiques ou privés, cela révèle des situations professionnelles et nous aident davantage
à comprendre le sens du terme « stress » au travail. L’étude des causes et des effets du
stress au travail montrent bien l’importance de l’organisation du travail et du
management au sein de l’entreprise pour palier au stress des salariés et améliorer les
conditions de travail. Plus qu’un comportement individuel isolé, le stress au travail
témoigne d’une défaillance organisationnelle profonde, ainsi qu’au niveau de la
communication au sein de l’entreprise. La gestion du stress en entreprise fait partie d’un
cadre réglementaire stricte au niveau national. Les entreprises doivent mettre en place
des actions pour palier à ce phénomène. Nous allons ici étudier le cadre réglementaire
du stress au travail et les mesures mises en œuvre pour améliorer les conditions de
travail.
2. EXISTE-T-IL DES MOYENS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LE STRESS
POUR LES ENTREPRISES ?
Le cadre réglementaire et juridique a permis, depuis les années 90, au niveau européen
d’encadrer la prévention et la lutte contre le stress au travail. En France ce sont les lois de
2008 et de 2010 qui imposent aux employeurs d’évaluer les risques d’atteinte à la santé
physique et mentale de ses salariés et de mettre en place des mesures de prévention adaptées.
11
Chiffres issus d’une enquête statistique de l’Institut National de Recherche et de Sécurité : http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux/stress/consequence-entreprise.html
23
Des dispositions particulières peuvent, en outre, s’appliquer à certains facteurs de stress. Cela
a permis aux entreprises de financer des actions correctrices pour prévenir, gérer et lutter le
stress au travail. Les salariés et les employeurs peuvent donc se référer au Code du Travail et
aux différentes lois pour les questions relatives au stress au travail. La principale difficulté
que le milieu juridique a rencontrée dans l’élaboration de ce cadre réglementaire est la très
forte partie subjective qu’il y a dans une situation de stress chez le salarié. En effet, il a fallu
déterminer des conditions très précises et un contexte de stress au travail pour définir une
situation comme telle. De plus, la situation de stress au travail implique aussi un rapport très
subjectif de la personne vis-à-vis de son travail et de son employeur.
Pour être réellement efficace, il ne suffit pas de respecter les dispositions juridiques et
réglementaires, mais bien de mettre en place un plan d’action. D’après le schéma ci-dessous,
nous allons voir qu’il faut suivre différentes étapes importantes avant de mettre en œuvre un
plan d’action de lutte contre le stress au travail :
- Evaluation des risques de stress au travail
- Elaboration du plan d’action pour réduire le risque
- Mise en place du plan d’action
- Evaluation et bilan pour le futur plan d’action.
12
Dans cette partie, nous allons ainsi étudier plus amplement ces différentes étapes et voir si
elles trouvent vraiment une efficacité réelle auprès des entreprises.
12
Schéma issu du livre de Stavroula Leka BA Msc Phd, Amanda Griffiths, Tom Cox, Organisation du travail et stress, 2008, p. 13
24
2.1 Evaluer les risques de stress au sein des entreprises
Avant de voir comment on peut évaluer les risques de stress au sein des entreprises, il faut
d’abord analyser le cadre juridique et réglementaire qui entoure la prévention du stress au
travail. En France, il n’existe pas de réglementation spécifique sur le stress au travail, mais à
travers différents textes, on peut voir que la législation a mis en place des règles pour cadrer
les différents risques psychosociaux en entreprise.
Les dispositions juridiques et réglementaires :
L’article L. 4121-1 du Code du travail définit une obligation générale de sécurité qui incombe
au chef d’établissement ou directeur : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour
assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures
comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des
circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »13
Cette obligation générale repose ainsi sur une approche globale de la prévention des risques
professionnels. Il ne faut pas uniquement respecter des obligations demandées au départ, mais
bien obtenir le résultat attendu, c'est-à-dire garantir la sécurité physique et psychique des
salariés. Grâce à l’ensemble de ces normes et de ces conditions établies juridiquement,
l’entreprise dispose d’une base solide pour mettre en places des actions de prévention,
d’information et de gestion. Ce ne sont plus simplement des pratiques sociales ou
professionnelles, mais bien des principes juridiques qui peuvent être défendables devant la loi.
L’entreprise a aussi à disposition une réglementation particulière et exceptionnelle sur des cas
précis lié au monde du travail (horaires de nuit, travail sur écran, harcèlement moral…). Cette
réglementation particulière permet de mettre en place par l’entreprise des moyens de gestion
et de prévention du stress au travail, pour des missions où les conditions de travail sont, dès le
départ, difficiles. Cela permet d’avoir un cadre légal autour de ces contraintes liées au
domaine de métier, qui risquent ainsi d’engendrer du stress au travail.
13
Article L4121-1 du Code du Travail
25
En plus, des dispositions réglementaires générales émises par le Code du Travail et
particulières, la totalité des entreprises est soumise à l’accord national interprofessionnel signé
en juillet 2008 et rendu obligatoire par un arrêté ministériel du 23 avril 2009.
« Cet accord propose des indicateurs pour dépister le stress au travail et un cadre pour le
prévenir. L’accord précise également quelques facteurs de stress à prendre en compte, comme
« l’organisation et les processus de travail, les conditions et l’environnement du travail, la
communication et des facteurs subjectifs ». Il rappelle que, dès qu’un problème de stress a été
identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer, ou, à défaut, le réduire.
La responsabilité de déterminer les mesures appropriées incombe à l’employeur qui doit
associer les institutions représentatives, ou à défaut, les salariés à leur mise en œuvre. »14
De plus, un accord signé par les partenaires sociaux le 26 mars 2010 vient compléter celui-ci
et indique que les employeurs doivent vérifier le risque de harcèlement moral et de violence
au travail.
Nous pouvons aussi mentionner dans cette partie le document unique qui représente un outil
de prévention et de gestion des risques psychosociaux en entreprise. Outil essentiel pour la
prévention, il est réalisé par l’employeur ou par le service des ressources humaines, ou
éventuellement le service gérant la santé au travail. Toutes les personnes travaillant en lien
pour améliorer les conditions du travail en entreprise sont susceptibles de participer également
à la rédaction de ce document. Une fois réalisé, il est mis à disposition des représentants du
personnel, du médecin du travail, mais aussi de l’inspecteur du travail. Depuis fin 2008,
l’employeur doit rendre ce document accessible aux travailleurs et placer une affiche sur le
lieu de travail pour indiquer où il est possible de le consulter. Le document unique doit
contenir l’ensemble des risques psychosociaux qui sont potentiellement identifiables ou qui
apparaissent au sein de l’entreprise. Il est utilisé donc au moment où l’entreprise décide de
prévenir les risques au sein de l’entreprise afin d’identifier et d’analyser les risques. Ainsi, le
document unique se divise en plusieurs parties :
- Identification des risques au sein de l’entreprise et ceux pouvant potentiellement
apparaître
- Hiérarchisation des risques
- Propositions d’actions pour réduire, gérer et lutter contre ces risques.
14
Article sur l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail que l’on peut retrouver sur le site de l’Institut Nationale de Recherche et de Sécurité : http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux/stress/reglementation.html
26
Evidemment, ce document comporte toujours une partie sur le stress au travail, car il fait
partie d’un risque psychosocial au sein de la structure. Le document doit correspondre aux
dispositions réglementaires en vigueur, mais également être utile et répondre à des objectifs
précis pour atteindre des résultats en matière de réduction de risques sociaux et
psychologiques.
Toutes ces réglementations permettent ainsi d’engager la responsabilité de l’entreprise, dès
que le résultat n’est pas atteint et dès qu’un ou plusieurs salariés se trouvent encore en
situation de stress au travail au sein de l’entreprise. Mettre en place des actions de prévention
des risques et de gestion de ceux-ci, représente un coût certain pour une entreprise. Nous
allons ainsi voir quelles sont les actions de terrain que la structure peut mettre en place.
Les actions de terrain pour évaluer les risques :
L’évaluation des risques de stress au travail doit permettre de savoir si l’entreprise a mis en
places des dispositifs de lutte contre le stress au travail, de se renseigner sur les conditions des
salariés en entreprise (horaires, bien-être, satisfaction…). L’évaluation se fait par l’employeur
ou le directeur de la structure par l’intermédiaire du Responsable du Service de Protection et
de Prévention (RSPP), en collaboration avec le médecin compétent, si son rôle est prévu et
après avoir consulté le Représentant des Travailleurs pour la Sécurité (RTS/RTST).
L’institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) définit des conditions très précises
pour établir une bonne démarche de prévention :
La première étape consiste à une analyse objective et précise des différents facteurs et des
sources de stress :
- Absences, congés maladies : évènements liés à des arrêts de travail
Conditions à réunir pour le bon déroulement d’une démarche de prévention du stress au travail
Engagement de la direction à mener une démarche complète
Existence d’une culture de santé et sécurité au travail dans l'entreprise
Constitution d’un groupe projet dédié (incluant les représentants du personnel)
Accord des acteurs de l'entreprise pour examiner les modes organisationnels
Information et implication de l’ensemble du personnel
Recours à des compétences externes notamment pour le diagnostic (médecin du travail, services de santé au
travail, services prévention des CARSAT, ARACT, cabinets conseils avec une expérience en démarche
collective…)
27
- Contenu du travail et les conditions : missions, horaires, salaires, environnement de
travail et équipement…
- Contexte de travail et l’organisation de l’entreprise : conflits interpersonnels,
communication interne, autonomie de la décision et du contrôle pour les salariés,
évolution et développement de sa carrière.
Cette évaluation doit se faire en lien avec le discours et les entretiens réalisés auprès des
travailleurs. Il est important, en effet, de se rapprocher des salariés pour avoir leurs ressentis.
La seconde étape consiste à faire un bilan des méthodes déjà préexistantes au sein de
l’entreprise pour lutter contre le stress au travail et s’apercevoir si elles sont efficaces ou non.
Si tel n’est pas le cas, alors il faut mettre en places des groupes d’entretiens et de projets pour
voir en collaboration avec les salariés, comment on peut améliorer ces méthodes. Il s’agit ici
d’une méthode interactive où les salariés peuvent avoir un avis sur les méthodes de gestion du
stress au sein de l’entreprise et exprimer leurs exigences quant aux conditions de travail.
Toutes ces étapes permettent donc de recueillir un maximum d’informations quant aux
conditions de travail et à l’organisation au sein de l’entreprise, ainsi qu’auprès des actions
déjà mises en place. Ces informations serviront à savoir s’il y a réellement un risque de stress
des salariés au sein de la structure, et si tel est le cas à établir un plan de prévention et de lutte
du stress au travail. La méthode d’évaluation des risques a été prouvée et testée par beaucoup
d’entreprises qui s’y référent, donc, si elles souhaitent mettre en place un plan d’action.
2.2 Les moyens de prévention et de résolution du stress en entreprise
La prévention des risques consiste à mettre en place un plan d’action, suite à une évaluation
des risques établie au préalable afin de réduire les risques de stress au travail et d’améliorer
les conditions de travail des salariés. La prévention, comme nous l’avons vu, représente une
obligation légale pour l’entreprise, mais elle est source de bénéfices humains et sociaux, une
fois qu’elle est mise en place. En contribuant à l’amélioration de la vie et des conditions de
travail au sein de l’entreprise, cela participe à créer une image positive de cette dernière et à la
rendre attractive, cela renforce aussi la fidélité des salariés et leur bien-être au travail. La
motivation et la productivité au travail n’en seront également qu’améliorées. Même si
préserver la santé et la sécurité des travailleurs représente un coût pour l’entreprise, il sera
toujours rentabilisé sur le long terme.
28
D’après les auteurs de l’ouvrage Organisation du travail et Stress, il existe plusieurs
méthodes pour réduire ou diminuer le stress. Voici les différentes solutions proposées dans
l’ouvrage :
L’entreprise peut allier les trois solutions si elle souhaite renforcer son plan d’action, car les
solutions agissent sur des facteurs de stress différents. La prévention primaire agit et améliore
l’organisation de l’entreprise et son fonctionnement. La seconde prévention agit sur les
capacités professionnelles et intellectuelles des travailleurs, afin de les aider à mieux faire
face à des situations de stress au travail. Enfin, la dernière consiste à mettre en place des
mécanismes de gestion pour gérer les situations de stress déjà existantes et propose une prise
en charge médicale des salariés.
Les plans d’actions peuvent être très différents d’une entreprise à l’autre, suivant les sources
de stress et les facteurs que l’évaluation des risques a mis en évidence. L’entreprise peut
mettre en place, par exemple, un plan d’action où:
- Le travail serait adapté aux capacités et aux ressources établies de chaque salarié
- Le travail serait organisé pour être stimulant et motivant pour eux
- La définition claire et précise de l’organisation et de leur rôle
- La possibilité pour les salariés de participer aux actions de changement
- Les dialogues seraient facilités en interne ainsi que la confrontation des idées
- Améliorer les conditions de communication interne et l’organisation de la hiérarchie.
29
Une fois que ce plan a été mis en œuvre, il est important pour l’entreprise de suivre les
résultats obtenus et de réajuster le plan si nécessaire, suite à un bilan. Nous observons qu’il
existe donc des moyens pour prévenir et lutter contre le stress au travail, mais il faut respecter
des conditions précises pour que ce plan d’action soit réellement efficace pour les salariés au
sein de l’entreprise et qu’il permette ainsi d’obtenir des résultats.
Pour réaliser un état des lieux des méthodes de gestion et de résolution du stress au
travail, nous nous sommes basés sur des documents nationaux provenant de l’Institut
National de Recherche et de Sécurité, ainsi que sur différents documents juridiques.
Nous nous apercevons ainsi que le stress au travail a tellement pris de l’ampleur dans
nos sociétés contemporaines que le droit s’est emparé de cette question sociale, des
pratiques professionnelles se sont mises en place, suite à l’établissement d’une obligation
légale d’assurer la préservation de la sécurité et de la santé des salariés. Le droit a donc
aidé à faire évoluer les pratiques au sein de l’entreprise.
Un plan d’action pour évaluer, prévenir et gérer le stress peut avoir de très bons
résultats au sein des entreprises, s’il est mis en œuvre de façon correcte en respectant les
conditions précises de départ. Le stress au travail est donc une réelle question dont les
employeurs se préoccupent de plus en plus. La situation du droit du travail, et des
pratiques professionnelles, est très particulière en France, par rapport aux autres pays
européens. Nous allons comparer dans la dernière sous-partie les différents pays
européens afin de voir si certains pays connaissent moins des situations de stress au
travail, au sein des structures et des entreprises.
3. LA COMPARAISON AVEC D’AUTRES PAYS EUROPEENS : LES PAYS
D’EUROPE DU NORD, MIEUX CLASSES QUE LA FRANCE POUR LE
BIEN-ÊTRE DES SALARIES AU TRAVAIL?
Au départ, lors de la création de l’Europe en 1957 avec le traité de Rome, les pays membres
ne se préoccupaient pas de la politique de travail européenne, chaque pays gérait et s’occupait
de la législation en matière de travail et de politique sociale. On peut réellement constater que
la question a été traitée au niveau européen, dès 1986 avec l’Acte Unique Européen où l’on
parle de politique sociale, de santé et de sécurité au travail. Cela ne s’est pas fait au hasard,
puisque cela correspond à l’augmentation significative des situations de stress au travail. Le
traité d’Amsterdam et de Maastricht viennent compléter l’Acte Unique Européen. La question
30
sociale ne relève pas de la compétence propre de l’Union Européenne (UE), chaque Etat
membre est chargé de mettre en place la politique sociale et de travail qu’il souhaite.
Toutefois, grâce à des textes et à une avancée juridique européenne, l’UE peut prendre des
directives qui pourraient influencer ou harmoniser les législations nationales en matière de
politique sociale, de sécurité et de santé au travail afin de pouvoir avoir des références
juridiques communes et de faire évoluer les législations juridiques nationales par le haut.
Même si l’on n’est pas parvenue à une harmonisation totale de ces législations entre les pays
européens, on aperçoit des phénomènes d’imitation, chaque pays européen est influencé ou
s’inspire d’un modèle juridique national et fait ainsi évoluer la question de la santé et de la
sécurité au travail au sein de son pays. On s’aperçoit d’emblée que la situation du stress au
travail en Europe est vaste et différente selon les pays. Il est donc difficile de comparer, car
chaque modèle social est différent. Nous allons quand même essayer d’établir un état des
lieux de la situation en Europe, afin de voir la place de la France.
3.1 L’action de l’Union Européenne : une action juridique et
réglementaire importante
Par le biais des directives européennes, l’Union Européenne a réussit à influencer les
législations nationales sur le stress au travail, c'est-à-dire sur les questions de santé et de
sécurité au travail. Les directives sont des actes normatifs établis par les institutions
européennes qui prévoient des obligations que doivent respecter les Etats, mais n’émettent pas
de conditions quant aux moyens mis en place pour assurer ces objectifs. Les Etats membres
sont donc responsables de choisir les moyens pour arriver à ces objectifs. L’Union
Européenne définit seulement une ligne de conduite et des objectifs à tenir pour les Etats
membres.
Une action par le biais de la législation :
La première directive à être mise en place est celle du 12 juin 1989. Il s’agit de la « directive
cadre qui concerne l’établissement de mesures visant à promouvoir et à assurer la sécurité et
la santé des travailleurs ». Les objectifs de la directive sont définis de cette façon :
« 1. La présente directive a pour objet la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir
l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.
2. À cette fin, elle comporte des principes généraux concernant la prévention des risques
professionnels et la protection de la sécurité et de la santé, l'élimination des facteurs de risque
et d'accident, l'information, la consultation, la participation équilibrée conformément aux
31
législations et/ou pratiques nationales, la formation des travailleurs et de leurs représentants,
ainsi que des lignes générales pour la mise en œuvre desdits principes.
3. La présente directive ne porte pas atteinte aux dispositions nationales et communautaires,
existantes ou futures, qui sont plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des
travailleurs au travail. »15
La première directive émet ainsi des principes généraux sur la question de la sécurité au
travail, elle ne concerne donc pas seulement le stress au travail mais l’englobe au sein des
risques du travail. De plus, il ne vise pas être le texte référent pour ces questions, car il précise
qu’il peut être complémentaire à d’autres textes de lois favorables à la protection de la santé et
de la sécurité au travail. Enfin la directive émet des obligations envers l’employeur et les
travailleurs afin d’obtenir davantage de résultats au sein des entreprises.
Petit à petit, la législation européenne évolue et les directives émises par les institutions
impliquent alors indirectement le stress au travail. En effet, les directives qui succèdent la
directive cadre mettent en place des obligations envers les employeurs dans des conditions
particulières de travail (horaires de nuit, travail devant les écrans, exposition au bruit…). Ces
directives concernent donc des conditions de sécurité physique et mentale précises qui
arrivent à la conclusion que ces différents facteurs peuvent engendrer du stress sur les
individus. Elles incitent les employeurs à mettre en place des actions correctrices, des mesures
de sécurité, ainsi qu’une nouvelle organisation qui pourrait améliorer les conditions de travail
au sein de la structure. Il y a ainsi eu trois directives qui ont fixé plus précisément le cadre du
stress au travail et les règles pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs :
Directive 90/270/CEE : elle concerne le travail sur écran et prévoit ainsi d’analyser
les postes afin de prévoir les risques psychologiques et sur la santé (dépression, stress,
vue,…).
Directive 92/85/CEE : ce sont l’ensemble des prescriptions que l’on peut retrouver
pour les femmes enceintes, accouchés ou allaitant au travail. Cela vise à préserver leur
santé et à instaurer des règles de travail différentes, puisque ce sont des individus plus
fragiles.
Directive 2003/10/CE : elle concerne les gênes que peuvent occasionner le bruit au
travail et les précautions qui sont nécessaires d’être prises.
15
Extrait de la directive « section 1, objet » que l’on peut retrouver sur le site internet suivant : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31989L0391:fr:HTML
32
Outre les directives européennes, l’Union Européenne agit auprès des Etats sur la question du
stress au travail, par les différents traités et Charte signés par les pays membres. Par ces
traités, elle émet des principes généraux qui servent de ligne conductrice aux Etats en matière
de politique du travail et de politique social. Elle fixe donc les conditions minimales que les
Etats doivent respecter. Voici les principes énoncés par l’Union Européenne :
l'obligation d'établir un contrat de travail écrit ;
la limitation de la durée de travail hebdomadaire ;
la protection sociale de la maternité ;
l'interdiction d'exposition aux radiations ;
l'interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans et réglementation du travail des
15-18 ans (durée de travail, travail de nuit, repos obligatoires)... ;
la protection contre les agents chimiques, physiques et biologiques ;
le travail sur écran d'ordinateur ;
l'exposition à l'amiante...
De plus, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs adoptée
en 1989, engage les Etats membres à garantir une protection sociale, un revenu minimum et
une retraite.
Une action par le biais des institutions :
L’Europe met en place aussi des campagnes d’information et de prévention par le biais des
institutions créées par l’Union Européenne afin de préserver la santé, la sécurité et l’hygiène
au travail. Ces institutions émettent des rapports officiels dans le but d’informer les pays
membres et chaque entreprise au sein de ces pays. Elles font également la promotion d’un
environnement de travail sain et sûr afin d’aider les employeurs à respecter les obligations en
terme de prévention et de gestion des risques psychosociaux au sein des entreprises. Il existe
ainsi deux agences de ce type qui permettent aux Etats d’avoir une base de données et
d’informations importantes sur la santé et la sécurité au travail.
Nous allons étudier chacune de ces agences afin de voir leur rôle et leur étendue de
compétences.
33
l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail ou OSHA, située à Bilbao
(Espagne) :
L’agence a été créée par un règlement du conseil le 18 juillet 1994, c’est une agence donc
communautaire. Sa création est partie du constat que le domaine de la sécurité et de la santé
au travail est trop large pour n’être géré que par un seul Etat. L’agence vient donc jouer un
rôle de catalyseur, dans le sens, où elle s’occupe de collecter, recueillir et amasser les
informations sur les risques physiques et psychosociaux liés au travail. Pour ce faire, elle
dispose de plusieurs méthodes de travail : des questionnaires auprès des entreprises, des
études statistiques ou de l’observation auprès des structures, la publication de rapports... Elle
sert ainsi à partager ces données afin d’aider les entreprises à améliorer les conditions de
travail.
L’agence a aussi un rôle très important pour assurer la promotion d’un environnement sain
par le biais de publicités. Sa coopération avec de nombreux partenaires lui permet de diffuser
l’information au niveau national en collaborant avec la Commission européenne, les
institutions nationales et les partenaires sociaux.
De façon générale, l’agence ne peut obliger les entreprises à prendre des mesures, elle n’a un
pouvoir qu’informatif sur les structures. Son action est donc limitée, mais ses rapports servent
de base à d’autres législations nationale. Ses rapports sont très détaillés et peuvent concerner
un secteur d’activité en particulier ou une structure précise de travail (PME…). Chaque risque
du travail dispose de sa fiche technique et informative. L’agence peut aussi travailler sur des
groupes de personne en particulier (hommes, femmes, handicapés, jeunes…). L’agence est
donc censée influencer les entreprises sur leurs pratiques professionnelles et sur l’organisation
du travail au sein de la structure, mais elle n’a aucun pouvoir normatif ou obligataire.
la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail,
installée à Dublin (Irlande) :
La fondation est également une agence communautaire créée par un règlement du conseil, le
26 mai 1975. Elle concerne un domaine de compétence plus large que l’OSHA, car elle
recueille et fournit des données indépendantes sur les conditions de vie et de travail dans les
pays européens. Les données ne concernent donc pas uniquement les questions du stress au
travail. Voici l’étendue de ses compétences exactes :
conditions de travail : y compris l’organisation du travail, les horaires de travail, la
flexibilité, la maîtrise des mutations des conditions de travail ;
34
conditions de vie : aspects influençant la vie quotidienne des citoyens européens, y
compris l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale, la mise à disposition
de services publics sociaux et la promotion de l’intégration dans le monde du travail ;
relations industrielles: mutations industrielles et restructurations d’entreprises,
participation des travailleurs à la prise de décision, européanisation des relations
industrielles.
Ces deux institutions sont toutefois similaires, car elles n’ont pas de pouvoir juridique ou ne
peuvent imposer des obligations aux Etats membres. L’idée a été soumise de fusionner les
deux agences afin d’en créer une plus efficace sur le plan juridique, et pas seulement sur le
plan informatif. Certes, leur rôle est important, car il sert d’appui pour les Etats et les
entreprises, mais il n’est pas assez contraignant et ne pousse pas au changement dans les
pratiques professionnelles.
Dans cette première sous-partie, nous avons vu que l’Europe avait un rôle à jouer dans
la question du stress au travail, mais que son rôle n’était pas assez étendue et assez
contraignant au vu du pouvoir que possède encore les Etats membres sur ces questions.
L’harmonisation des conditions de travail au sein des pays européens n’est donc pas
encore globale. Il y a ainsi une multitude de modèles sociaux et de situations différentes
vis-à-vis du stress au travail entre chaque pays européen.
3.2 Une comparaison difficile suite à des modèles sociaux et économiques
différents
Complexité des situations et modèles sociaux
D’après les sources émises par la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de
vie et de travail, un travailleur sur quatre souffrirait du stress au travail en Europe. Depuis une
quinzaine d’années, elle estime d’ailleurs que les risques ont diminué pour les travailleurs en
termes de risques psychosociaux, qu’ils soient physiques ou psychologiques. Cependant, on
observe que l’absentéisme, le turn-over, les cellules de crise mises en place en cas de risques
continuent à être présentes de façon récurrente sur le lieu de travail en Europe. « Dans l'Union
européenne, les coûts des accidents de travail et des maladies professionnelles représentent,
d'après les estimations, entre 2,6 et 3,8 % du produit national brut (PBN) »16
. Il faut donc
16
Estimation réalisée par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail
35
étudier ici si tous les pays sont égaux face à ces risques psychosociaux, et surtout face au
stress au travail, et si on peut réellement les comparer entre eux.
Nous souhaitons comparer les situations du stress au travail entre les pays européens afin
d’évaluer la place de la France et de voir quelles mesures ou stratégies sont mises en place
dans d’autres modèles sociaux pour pallier à ces problèmes. Première remarque, il est
important de signaler donc que chaque pays a un modèle social et économique différent. En
effet, la politique de ressources humaines définies par les entreprises dépend du contexte
juridique et législatif en vigueur, au niveau national. Or chaque pays a ainsi sa propre
législation en la matière et l’Union Européenne influence que très rarement les pays sur ces
questions, comme nous l’avons vu dans la précédente partie. Ainsi, l’absentéisme d’un
employé, les accidents du travail, le stress au travail et ses conséquences ne sont pas
comptabilisés de la même façon ou enregistrés pareil entre chaque pays européen. La
fondation européenne a toutefois réalisé une étude intéressante et enrichissante pour comparer
les pays européens entre eux, sur une période de dix ans.
Avant de parler des conclusions apportées par l’étude, il faut signaler que les nouveaux Etats
membres enregistrent davantage d’accidents, de cas de stress au travail, ou de risques
psychosociaux. Même si, les femmes sont mieux intégrées au monde du travail que dans les
anciens Etats membres. Voici ici un extrait de la conclusion rendue publique par la Fondation
Européenne :
« Bien qu'on dégage des tendances générales, les conditions de travail varient encore
considérablement d'un État membre à l'autre. On relève notamment d'importantes différences
entre nouveaux et anciens États membres. Les nouveaux États membres (NEM) rapportent
une moindre ségrégation par le genre, avec une proportion de femmes occupant des fonctions
de direction nettement plus élevée que dans l'UE-15 (28 % dans les NEM contre 24 % dans
l’UE-15).
Un aspect moins positif concerne l'exposition aux risques physiques et aux troubles de la
santé liés au travail. Approximativement 40 % des travailleurs des NEM pensent être exposés
à des risques en matière de santé et sécurité au travail (contre une moyenne de 25 % dans
l’UE-1 5). De plus, les NEM (La Bulgarie et la Roumanie en tête) enregistrent, d'une manière
générale, les niveaux les plus élevés d'exposition aux risques professionnels, notamment ceux
associés au travail industriel lourd. »
36
La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail a réalisé une
enquête de 1995 jusqu’en 2005, sur les conditions de travail auprès d’un échantillon de près
de 30 000 travailleurs européens. La fondation a conduit cette enquête en classant les pays en
sous-ensembles en fonction des zones géographiques et en classant son étude en fonction de
différents items : scandinaves, continentaux, anglo-saxons, méditerranéens, nouveaux états
membres de l’Europe centrale et de l’Est. Ces sous-ensembles sont dorénavant largement
utilisés dans les comparaisons européennes, notamment en matière de relations industrielles.
Nous avons repris ce mode d’analyse sur certains facteurs abordant ainsi les conditions de
travail. Ainsi, en fonction de ces différents facteurs, nous allons voir le classement de chaque
pays et ainsi voir les pays qui sont le plus touchés par le stress au travail.
- Satisfaction au travail
Globalement, l’étude montre que ce sont les scandinaves et les anglo-saxons qui sont les plus
satisfaits de leur travail, avec un record pour le Danemark - 92% de danois satisfaits de leur
travail.
Les pays continentaux ont ainsi des scores en dessous des sous-ensembles suivants : les
scandinaves et les anglo-saxons. La France a le plus mauvais score parmi les pays
continentaux. Toutefois, on constate que les pays méditerranéens et les nouveaux membres
sont les derniers, au regard des statistiques. Seulement 63% des roumains sont satisfaits de
leur travail.
- Pensent que leur travail présente un risque pour leur santé
Pour ce facteur, on retrouve globalement la même répartition que pour le premier. Les
scandinaves, anglo-saxons et continentaux ne possèdent que 25% de leur population qui est
inquiète par rapport à leur santé face au travail. Les pays méditerranéens sont relativement
mal classés avec pour la Grèce un record de citoyens inquiets pour leur santé (54%). Les
nouveaux membres eux restent derrière dans les classements.
- Absence pour maladie dans l’année précédente
On constate qu’il y a très peu d’absence maladies comptabilisées dans les pays anglo-saxons
et méditerranéens. Les pays continentaux et scandinaves ont un score plus élevé. Les
nouveaux membres ont parfois des systèmes de comptabilité qui sont faussés, le score est
donc relativement bas. Dans certains pays, tous les salariés ne déclarent pas leurs accidents ou
37
leurs arrêts maladies par peur de perdre leur emploi, n’étant pas comptabilisés cela fausse les
données.
- Exposés à une ambiance comportant des risques
Les anglo-saxons et les scandinaves sont les pays les moins exposés. Les pays continentaux
les suivent de près, mais la France a de très mauvais résultats avec une exposition élevée
comparé à l’Italie et le Portugal. Les pays méditerranéens et les nouveaux membres sont ceux
qui sont les plus exposés aux risques.
- Subissent un rythme de travail élevé
Uniquement pour cet item, les pays scandinaves ont des réponses élevées, les salariés
travaillent donc beaucoup en termes d’horaires et de rythme. Les pays continentaux sont ceux
qui ont les scores les plus bas. Par contre, les nouveaux membres, les pays méditerranéens et
les anglo-saxons se suivent au niveau des résultats.
- Ne peut pas choisir ou changer l’organisation de son travail quotidien
Pour ce facteur, l’étude a été longue et difficile à mettre en place. Il y a des résultats très
contrastés au sein de l’étude : les pays scandinaves ont moins de 25% des travailleurs qui ne
peuvent influer ou changer l’organisation de son travail. Ensuite viennent les pays
continentaux et les pays anglo-saxons. Les nouveaux membres ont des résultats semblables à
ceux continentaux, mais les pays méditerranéens sont derrière.
- Peu d’opportunité de se former
Là encore les pays scandinaves arrivent en tête des classements avec les scores les plus bas,
montrant ainsi une forte opportunité de formation. Les pays continentaux et anglo-saxons ont
des pourcentages plus élevés, mais restent moins importants que dans les pays méditerranéens
ou les nouveaux membres. L’Espagne ou la Grèce ont de forts pourcentages, les employés ont
très peu de formation lors de leur carrière professionnelle.
On observe donc grâce à cette étude menée par la Fondation Européenne qu’il existe une forte
disparité entre les pays européens au niveau des conditions de travail. Ces comparaisons
mettent en évidence deux groupes de pays : le groupe scandinave qui présente en général les
meilleurs résultats et les pays des nouveaux Etats membres qui ont les moins bons résultats.
Les pays méditerranéens se classent juste avant les nouveaux Etats membres, avec la Grèce
38
qui a des résultats souvent plus mauvais. Les Pays-Bas ont des résultats qui les rendent
proches des scandinaves. Les anglo-saxons ont des résultats souvent différents entre Irlande et
Royaume-Uni, parfois meilleurs que ceux des pays continentaux, parfois moins bons. La
France a les résultats les moins bons des pays continentaux en matière de conditions de
travail. Par contre, paradoxalement, on observe que la France a le niveau de stress le plus bas
entre tous les pays européens selon la fin de l’étude en 2005.
On peut ainsi amener une deuxième conclusion dans cette étude, les pays qui sont le moins
touchés par des mauvaises conditions de travail ou des risques psychosociaux en entreprise
mettent en place des plans de formation réguliers pour les employés. De plus, ces pays ont
aussi une politique de participation active des salariés à l’entreprise, les employés peuvent en
effet influer sur les décisions et participer à l’amélioration de l’entreprise. Ils se sentent donc
le plus souvent impliqués au sein de l’entreprise et cela contribue à diminuer les risques
psychosociaux au sein de la structure.
« Place et sens du travail en Europe : une singularité française ? »17
Après avoir vu la position de la France par rapport aux autres pays européens, en matière de
conditions de travail et de risques psychosociaux en entreprise, nous essaierons ici d’évaluer
la place et le sens du travail en France et pourquoi la France a un rôle particulier dans la
perception du travail. En effet, on remarque que le pays a de mauvais résultats par rapport aux
autres pays continentaux (Italie, Allemagne, Belgique…) mais que son niveau de stress est le
plus bas. On peut donc se poser la question suivant : les français supportent-ils davantage de
pression au travail ? Considèrent-ils le travail avec tellement d’importance qu’ils en acceptent
les contraintes ?
Ces questionnements ont également poussé deux chercheurs à enquêter et à mener une étude
sur le sujet. Lucie DAVOINE et Dominique MEDA ont ainsi cherché à comprendre la place
et le sens du travail en France. Ils sont partie du constat que beaucoup d’études montraient
que les français accordent beaucoup d’importance à leur travail, alors que dans un même
temps ils souhaitaient que le travail prenne moins de place dans leur vie. Pour réaliser cette
étude, ils ont étudié d’abord le sens du mot travail et la perception au sein de chaque pays, et
enfin ils ont analysé la place de la France dans cette perception.
17
Titre d’un document de recherche réalisé par le Centre d’Etudes et de l’Emploi (CEE), Lucie DAVOINE et Dominique MEDA, 2008, Paris.
39
L’étude amène donc un regard nouveau, dans le sens où elle ne cherche pas à donner des
statistiques comparatives entre les pays, mais bien à analyser la situation par la perception et
la subjectivité qu’il y a dans l’importance accordée au travail. Il est d’ailleurs intéressant de
noter que les chercheurs montrent bien que le Danemark, les Pays-Bas ou la Grande Bretagne,
qui présentent de bons résultats en matière de conditions de travail et de sécurité, n’attachent
pas beaucoup d’importance à leur travail.
18
On s’aperçoit avec ce graphique que plus de la moitié des français déclarent que le travail est
« très important » dans leur vie, alors que la situation est inversée dans les pays comme le
Danemark, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Les chercheurs expliquent cette différence
européenne par un contexte culturel et social différent au sein de chaque pays. Ainsi, ils
mettent en évidence que les pays qui accordent le moins d’importance au travail sont des pays
où la culture du travail est « coopérative ». En effet, ce sont des pays qui mettent en avant le
travail de groupe et la coopération entre les individus. Cette vision de groupe et de
coopération peut expliquer ces résultats, car les individus eux accordent moins d’importance
au travail, mais c’est le groupe d’individus ensemble qui en accorde. Tandis que, dans les
pays comme la France ou les pays du Sud, c’est davantage l’individualisme qui prime.
De plus, le facteur mis également en avant est celui de l’incertitude et de l’ambigüité de
l’individu face au travail. Ce sentiment d’incertitude et d’ambigüité est beaucoup plus accepté
dans les pays du Nord (Danemark, Pays-Bas…) qu’en France ou dans les pays du Sud.
18
Graphique issu du document de recherche réalisé par le Centre d’Etudes et de l’Emploi (CEE), Lucie DAVOINE et Dominique MEDA, 2008, Paris.
40
La place et l’importance accordée au travail dans la vie des européens dépendent donc d’un
contexte social et culturel précis et peuvent également influencer sur les conditions de vie au
travail et les risques psychosociaux. On peut ainsi constater par cette étude que dans certains
pays, les employés ont davantage de contraintes sociales et culturelles et peuvent donc avoir
plus de pressions et développer des risques au travail.
Dans une seconde partie, l’étude montre que les français accordent beaucoup d’importance à
leur travail, car ils ont une forte envie de réalisation personnelle au travers de leur travail. Un
travail n’est donc plus accepté, uniquement pour les avantages qu’il peut comporter en termes
de salaire ou de récompenses, mais davantage en termes de réalisation personnelle et de bien-
être pour l’individu. Cette hypothèse est particulièrement mise en évidence par la nouvelle
génération et les jeunes, une génération appelée génération « Y » car ils ont d’autres attentes
dans le milieu du travail. Ce sont les enfants qui sont nés entre les années 1980 et 2000, cette
génération est marquée par le questionnement, c'est-à-dire non par l’acceptation immédiate
des choses mais bien par un repositionnement par rapport à ses envies et ses attentes. On peut
ainsi se demander si l’intensité de ces attentes - liée pour partie à la montée des niveaux
d’éducation et d’une déception pour une partie des jeunes du fait des conditions difficiles
d’entrée dans la vie active - n’explique pas partiellement les hauts niveaux d’insatisfaction
français. Les salariés français, notamment les jeunes, supportent donc moins les contraintes et
le stress liés au travail et sont ainsi davantage touchés par les questions des risques
psychosociaux. Les français accordent ainsi beaucoup d’importance au travail, car ils ne
voient plus le travail comme étant négatif et source de stress ou d’heures supplémentaires,
mais bien comme un projet construit sur le long terme, comme une perspective de réalisation
personnelle par rapport aux attentes et aux envies de chacun.
Toutefois, les chercheurs montrent aussi que l’insécurité, la peur du lendemain et d’un avenir
incertain, la hausse du chômage favorisent le sentiment d’incertitude qui est moins bien
accepté dans les pays du Sud que dans les pays du Nord. Ce sentiment d’incertitude,
l’insécurité et le chômage peuvent expliquer aussi que les français accordent beaucoup
d’importance à leur travail, car le travail devient rare et précieux. Le paradoxe de la situation
française est donc que d’un côté le travail est perçu comme porteur et réalisateur de désir
personnel, mais il est aussi rare donc cela est stressant. Le travail est important pour les
français, dans le sens où il est perçu comme rare et doit répondre à des critères personnels
précis. La conclusion apportée par l’étude montre bien que cette place singulière est bien du à
41
une défaillance au niveau du système économique et social français, plus qu’à une évolution
de l’individu en lui-même :
« Tentant de comprendre pourquoi les Français sont à la fois ceux qui accordent le plus
d’importance au travail et souhaitent le plus voir la place du travail réduite dans leur vie nous
avons mobilisé quatre explications, de nature différente, qui semblent toutes pouvoir
contribuer à la résolution de ce paradoxe. Nous avons montré que le désir de voir le travail
prendre moins de place n’est en aucun cas le signe d’un désir de loisirs ou d’une inappétence
pour le travail mais la marque d’un dysfonctionnement de la sphère du travail assez spécifique
à la France (dégradation des conditions de travail et sentiment d’insécurité de l’emploi) ainsi
que l’expression d’un désir positif de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale dans
un contexte de montée ininterrompue de l’activité féminine et d’insuffisance des politiques
publiques et d’entreprise permettant aux individus de s’engager également dans les différentes
sphères de vie auxquelles ils attachent de l’importance et qui constituent pour eux autant de
modalités diverses de leur réalisation. »
On constate que dans un pays où les individus sont sereins par rapport à leurs perspectives
d’avenir, les risques psychosociaux sont moins présents. La situation économique et le
contexte de la situation du travail en France aggrave donc les conditions du travail et le
sentiment de sécurité et de bien-être au travail. Enfin, nous avons également constaté que les
facteurs culturels jouent un rôle aussi dans ces résultats.
42
Dans cette première partie, nous avons pu analyser et comprendre le sens du mot stress
et voir l’importance du bien-être des salariés en France. Le stress est donc bien un
risque psychosocial présent au sein des entreprises en France et touchant de plus en plus
de personnes. Le stress au travail est révélateur d’un contexte économique et social qui
se dégrade et surtout révélateur de la présence de failles au niveau de l’organisation du
travail et de la formation en entreprise. Ainsi, cela ne résulte pas de comportements
purement individuels, mais son apparition est bien la conséquence d’un mal-être au sein
de la structure. Après une étude comparative, par rapport aux autres pays européens,
nous avons pu voir que la France est bien classée par rapport au stress au travail, mais
que les conditions de travail se dégradent. Dans un contexte de hausse du chômage et
d’insécurité, on constate que les français sont moins prêts à supporter les contraintes liés
au travail et aux risques qui y sont attachés. Désirant se réaliser personnellement par le
travail, les risques psychosociaux et notamment le stress sont aussi engendrés par un
cadre de travail qui ne correspond plus à leurs attentes et qui provoque du stress, voir
un mal-être. On s’aperçoit ainsi que l’organisation de l’entreprise et de la structure de
travail, ainsi que la communication et la participation au sein de l’entreprise ont bien un
rôle à jouer pour améliorer le bien-être au travail.
La législation européenne et française ne fait que bâtir un cadre légal nécessaire face
aux risques psychosociaux, mais ne fait pas évoluer le sentiment de bien-être au travail.
Plus qu’un cadre réglementaire, il est nécessaire de revoir les pratiques professionnelles
au sein de l’entreprise. On s’aperçoit que dans les pays du Nord, les salariés sont
davantage satisfaits car ils ont la possibilité de participer activement à la construction de
l’entreprise et aux décisions internes. De plus, ils ont davantage accès à la formation, ce
qui les motive à s’investir. L’insécurité et la peur du lendemain y sont aussi moins fortes,
car ils ont confiance en leur économie et à la perspective de trouver un emploi.
Dans une deuxième partie, nous allons ainsi définir l’organisation du travail et la
communication interne afin de montrer le rôle qu’ils peuvent jouer pour améliorer les
conditions de travail. Nous montrerons aussi les nouvelles formes d’entreprise qui se
développent et qui sont davantage coopératives et participatives. Ces nouvelles
structures permettent le développement efficace de l’individu et de l’entreprise.
43
DEUXIEME PARTIE
LE RÔLE DE L’ORGANISATION DU TRAVAIL ET DE LA
COMMUNICATION INTERNE POUR AMELIORER LES
CONDITIONS DE TRAVAIL : VERS UNE ENTREPRISE
COOPERATIVE ET PARTICIPATIVE ?
Dans une étude réalisée auprès des cadres du secteur privé par Viavoice pour HEC,
«Réussir » avec France Inter et France 24 en 2010, les cadres sont majoritaires à penser que la
communication interne est un axe prioritaire à développer au sein de l’entreprise pour les
années à venir. De même la relation avec les clients et les collaborateurs, ainsi que
l’organisation du travail sont aussi des priorités d’après les cadres. D’après cette même étude,
le moral des cadres a chuté, car ils expriment un pessimisme envers leur avenir professionnel
futur, la rémunération et ils pensent que le chômage va continuer à augmenter.
Le but de cette partie est ainsi de montrer l’importance et l’ampleur de la croissance de la
communication interne en entreprise afin de répondre des problèmes d’organisation du travail
et de management. La communication interne est donc un levier du changement, un levier du
management interne et qui aide à améliorer les conditions du travail. Cette nette augmentation
du besoin de communication et de participation au sein de l’entreprise, a aussi induit les
cadres à repenser les façons de travailler et l’organisation du travail. On s’aperçoit que depuis
les vingt dernières années, les entreprises coopératives et participatives se sont développées
entraînant ainsi une nouvelle forme de hiérarchie et de statut au sein des entreprises. Ce
modèle d’entreprise est reconnu, par l’ensemble des études, pour être source de bien-être pour
les salariés et de performance économique.
1. DEFINITIONS ET RÔLES DE LA COMMUNICATION INTERNE ET DE
L’ORGANISATION DU TRAVAIL : UNE PERCEPTION DU TRAVAIL ET
DU BIEN-ÊTRE DES SALARIES DIFFERENTE
1.1 La communication interne gagne en importance : enjeux et paradoxes
de son utilisation.
Nous l’avons vu dans cette première partie, le stress au travail est surtout engendré dans des
situations où le travail perd de son sens pour le salarié. Les missions ne correspondent plus ni
44
à ses capacités, ni à ses attentes personnelles et professionnelles. Le salarié ne sait plus
pourquoi et comment il doit réaliser cette tâche. De plus, le stress apparaît alors quand la
communication entre les employés est rompue, que l’entraide n’est pas assez présente au sein
de l’entreprise. Le salarié est donc laissé de côté et marginalisé.
La communication interne vient ici pallier ce vide qui favorise ces situations de stress au
travail. Elle comprend ainsi trois principaux axes :
- Informer les salariés et assurer une bonne circulation de l’information
- Mettre à disposition des outils pour que les salariés puissent être écoutés
- Faire comprendre la stratégie de l’entreprise et faire en sorte que les salariés y
adhèrent
- Faciliter les échanges et les relations entre les personnes.
Le développement accru de la communication interne, ces cinq dernières années, est du à un
contexte économique et social difficile et à une montée des tensions et des risques
psychosociaux au sein des entreprises. Nous pouvons recenser beaucoup de cas d’entreprises
qui ont du faire face à une incompréhension et à une colère des salariés face aux décisions
prises par la direction et par l’organisation (France Telecom, Continental…). Les entreprises
sont donc obligées de répondre à une forte demande d’échanges, d’écoute et de prise de
participation de la part des salariés. Pour expliquer le rôle et les ambigüités de la
communication interne, nous nous servirons de l’étude suivante : Lucas DUFOUR (doctorant
IAE Aix-en-Provence) et Arnaud BANOUN (doctorant IAE Paris Sorbonne), Le rôle de la
communication interne : entre recherche de légitimité et conduite du changement,
Association Francophone de Gestion des Ressources Humaines (AGRH), DAKAR
SENEGAL, 2008.
Dans cette étude, les chercheurs tentent de mettre en évidence le paradoxe de la
communication interne. Pour eux, cet outil de management ne sert pas uniquement à faciliter
l’échange d’informations ou à motiver les salariés, mais bien à « convaincre les collaborateurs
de la légitimité de l’institution dans laquelle ils exercent leur activité professionnelle »
(Lehnisch, 1988). C’est surtout sur ce dernier point que les salariés ont une attitude sceptique
face au discours émis par les dirigeants de la communication interne. Taxés de promouvoir
l’entreprise en « enjolivant » la réalité et la santé économique de celle-ci, les salariés
demandent davantage de transparence au sein de ces discours. En effet, la communication
interne permet d’améliorer la communication au sein de l’entreprise, de faciliter les échanges
45
entre les informations et les personnes, mais peut aussi se révéler source de stress au travail ou
de mal-être, si elle n’est pas utilisée correctement ou si elle est mal maîtrisée. Pour les
chercheurs, cet outil peut créer un décalage entre les discours et la réalité perçue par les
salariés, ou un décalage entre les discours et la réalité des pratiques professionnelles. Pour les
chercheurs, l’entreprise a donc tout intérêt à faire preuve de transparence auprès de salariés et
de leur communiquer davantage d’informations.
19
Le graphique montre ainsi la tendance évoquée par l’étude : les salariés pensent
majoritairement que la communication interne représente uniquement un moyen de
transmettre l’information, 30% pensent qu’elle n’est pas assez ou pas présente dans
l’entreprise et 18% pensent que c’est un « outil de propagande ». De plus, on constate que
dans les réponses des non cadres, ils sont plus sceptiques face à la crédibilité et l’efficacité de
la communication interne. La communication interne a donc un rôle à jouer au sein de
l’entreprise, mais ne doit plus exister comme elle est pratiquée aujourd’hui. Pas assez visible,
pas assez transparente et ne répondant pas aux objectifs fixés, la réalité de cet outil sur le
terrain n’est pas conforme aux buts de départ lors de sa création ou de son utilisation.
19 Graphique issu du site internet suivant : http://www.journaldunet.com/management/dossiers/0705189-communication-
interne/enquete/5.shtml
46
On s’aperçoit ici que la communication interne peut être mal perçue par les salariés, mais
qu’elle répond toutefois à une demande accrue de prise de participation des salariés à
l’entreprise. Ils veulent donc être acteurs et participer aux décisions internes sur l’organisation
de la structure et du travail. Toutefois, cela n’est pas toujours forcément possible, car certains
salariés ont peur de perdre leur emploi ou d’être mal vu par les dirigeants de l’entreprise. Il
faut donc créer un climat favorable ou un cadre juridique qui permet aux salariés de
s’exprimer librement et de participer aux décisions de l’entreprise.
Le graphique montre ici que la participation au sein de l’entreprise et l’expression de ses idées
permet de trouver des solutions, pour la majorité des salariés. Toutefois, ils sont partagés sur
les conséquences de leur participation : 33% des interrogés estiment qu’ils risquent d’être
plutôt mal vu.
1.2 La communication interne : un outil du management ?
Après avoir analysé les enjeux de la communication interne et avoir étudié ses paradoxes,
nous allons maintenant nous intéresser à son rôle et ses missions.
Une vision différente de l’entreprise :
Depuis ces dernières années, la vision pyramidale et hiérarchique de l’entreprise a été
dépassée par une vision davantage en réseau. L’entreprise n’est donc plus vue comme un
empilement de fonctions hiérarchiquement entreposées, avec tout en bas de la pyramide « les
fonctions basses » et en haut de la pyramide « les fonctions hautes » donc à forte valeur
ajoutée occupées par les cadres. Aujourd’hui - et de plus en plus - les dirigeants conçoivent
l’organisation du travail et l’entreprise comme un réseau de compétences qui fonctionne dans
47
un même but et vers un même objectif : développer l’activité et les connaissances, ainsi
qu’assurer le bien-être et la motivation des personnes qui travaillent au sein de la structure.
Avoir une bonne image et une bonne communication en externe, c’est donc commencer par
bien communiquer en interne.
Ainsi, le pilier de ce réseau : c’est la communication interne, de même qu’une organisation du
travail permettant l’interaction de ce réseau. C’est dans ce sens que l’on peut affirmer que la
communication interne est un outil de management qui permet ainsi de mettre en relation les
différentes parties de l’entreprise. Ce n’est donc pas seulement informer.
On constate ainsi que face aux évolutions externes (chômage, insécurité de l’emploi, valeurs
et culture sur le travail en France…) et internes à l’entreprise (demande de la part des salariés
de participer activement à l’organisation de l’entreprise, ne plus être passif mais véritable
acteur, besoin de se construire par le travail, place importante accordée au travail en
France…), la conception des relations internes évolue, ainsi que la vision de la hiérarchie au
sein de la structure.
La communication interne : le salarié au cœur des préoccupations
Cette forme de communication met donc en avant et explicite la stratégie choisie par
l’entreprise auprès des salariés. Elle informe les salariés des dernières décisions, c’est dans ce
sens que l’individu est au cœur de ses préoccupations. Ils sont ainsi considérés comme des
acteurs à part entière de l’organisation et ont ainsi un réel droit d’information par rapport aux
décisions internes. Dans une entreprise qui devient de plus en plus globalisée, de plus en plus
attachée à d’autres structures par différentes opérations (fusions…), le salarié se sent délaissé
ou il dévalorise son action ou son travail dans cette sphère économique qui le dépasse. La
communication interne remet ainsi la place de l’humain au centre de l’entreprise, elle replace
le salarié au cœur en l’informant et en le mettant en relation avec le reste. De même, c’est la
reconnaissance du travail qui est remise au centre, grâce à cet outil. « Le drame de certaines
organisations c’est qu’on peut y passer une vie professionnelle entière sans jamais recevoir un
acte de reconnaissance. » (Igalens 2005).
L’auteur met ici en évidence le drame de se perdre au sein de l’entreprise et de ne plus être
reconnu en son sein. C’est cette perte de reconnaissance, de soutien qui engendre des
situations de stress au travail et qui l’aggrave. On voit ici que la communication interne
favorise l’interaction entre les individus et entre les salariés et l’entreprise.
Au delà de l’information, de l’explication de la stratégie de l’entreprise ou de la
communication à travers différents évènements, la communication interne sert donc à faire
48
travailler tous les salariés vers un même but commun et en cohésion avec les valeurs de
l’entreprise. Ce n’est donc pas une technologie qui va conduire à la réussite de l’entreprise,
mais bien la cohésion interne, la mise en réseau des compétences. Une entreprise où le salarié
se sent bien, c’est avant tout une entreprise qui lui est compréhensible dans le sens où il
interagit avec les individus et est informé de toutes les décisions. Le salarié maîtrise ainsi ses
relations avec les individus et ses connaissances sur le terrain.
Une nécessité de repenser l’organisation et la hiérarchie de l’entreprise
Face aux constats établis précédemment, nous remarquons que si l’entreprise veut obtenir des
résultats face aux objectifs de participation des salariés et de communication interne, il est
nécessaire que la structure de l’entreprise et l’organisation du travail, en son sein, permettent
le développement des échanges entre les salariés et les dirigeants. Il faut donc une structure
qui soit plus souple et participative que la structure pyramidale.
20
20
Graphique issu de l’article suivant « Les salariés français frustrés du participatif »
49
Pour nous aider, les données statistiques nous ont permis de comprendre les nouvelles
évolutions de l’entreprise et ses enjeux.
Dans le graphique ci-dessus, l’enquête (étude sur plusieurs structures privés auprès de
plusieurs salariés aux différentes fonctions –cadres ou non cadres) cherche à montrer si les
entreprises mettent en place, au sein de la structure, des groupes de travail pour que les
salariés puissent s’exprimer sur les stratégies ou décisions internes à l’entreprise. De plus,
l’enquête cherche à montrer si il existe aussi des espaces prévus pour les employés afin qu’ils
puissent échanger entre eux.
On constate que parmi les réponses des salariés interrogés, pour chaque question, la majorité
indique que l’entreprise ne prévoit pas de groupes ou de structures de ce type et ce n’est
même pas envisagé prochainement par la direction. Alors, que ceux ayant répondu que leur
entreprise avait mis en place ce type d’espace, ont majoritairement tous participé à ces
groupes de travail ou utilisent ces endroits. En conclusion, les dirigeants ne mettent pas en
place ces endroits où les salariés pourraient participer, non car ces derniers n’en n’ont pas
envie, mais car cette nouvelle forme de hiérarchie ne correspond à l’organisation
traditionnelle d’une entreprise.
Les formes traditionnelles de management sont aujourd’hui dépassées par de nouvelles
méthodes privilégiant l’humain et le replaçant ainsi au centre des préoccupations internes. Ces
formes traditionnelles de management ont surtout prospéré à la fin du XXème siècle et au
début du XXIème. Mais, aujourd'hui, se développent de nouvelles règles du jeu économique,
de nouveaux comportements tant des consommateurs que des salariés et, surtout, de nouvelles
technologies. Autant d'éléments qui remettent en question les techniques de management en
vigueur jusqu'à présent.
Ainsi, les stratégies d'entreprise vont à l'avenir nécessiter non seulement une collaboration
plus étroite entre la base, les responsables opérationnels et la direction, mais aussi de l'écoute
mutuelle, de l'intelligence émotionnelle et, surtout, la capacité à motiver les autres et à donner
du sens aux actions. Pour illustrer ces nouveaux modes de management, nous pouvons nous
référer à l’exemple de l’entreprise France Telecom. Suite à l’affaire de cas de suicides au sein
de l’entreprise et de fortes situations de risques psychosociaux, un cabinet d’expertise a étudié
les conditions de travail des salariés au sein de l’entreprise : « Le document pointe une "néo-
taylorisation" du groupe, avec une multiplication de "processus" souvent rigides, une
20
Article tiré du site internet Le Monde : « France Telecom : un rapport dénonce une organisation du travail sous-tension » http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/21/france-telecom-un-rapport-denonce-une-organisation-du-travail-sous-tension_1361313_3234.html
50
déconnexion entre la conception et l'exécution, et entre les clients et les salariés. Il évoque une
précarisation du rapport au travail" due à l'augmentation de la charge de travail, les situations
de sous-effectifs, la pression par les objectifs, le manque de formation, ou encore les
dysfonctionnements du système d'information. "Pression temporelle", "dégradation du sens du
travail bien fait", "défaillance des mécanismes de la reconnaissance au travail", sont
également cités par Technologia, ajoute FO »21
. On constate ici que les méthodes de
management, trop anciennes et lourdes, étaient inadaptées face aux demandes et aux tâches
incombant aux salariés.
Suite à une évolution du contexte économique ainsi que des attentes de la part des
salariés, les entreprises se trouvent dans la nécessité de revoir l’organisation du travail
au sein des entreprises et la place du salarié au sein de la structure. Toujours en
demande de davantage de transparence, d’informations, de communication en interne et
de participation au sein des entreprises, on constate que la communication interne a pris
un rôle important au sein des structures privées et devient aujourd’hui un outil crédible
et utile de management pour les salariés.
La médiatisation et la prise en compte des risques psychosociaux au sein de l’entreprise
ont aussi contribué à revoir les méthodes et les modes de management au sein des
structures. Ces fortes demandes de communication interne ou d’humanité au sein de
l’entreprise résultent également de l’apparition des risques psychosociaux, qui se sont
développés rapidement dans nos sociétés.
Dans cette dernière sous-partie, nous allons surtout nous intéresser à une nouvelle forme
de gestion au sein de l’entreprise : les SCOP ou entreprise coopérative et participative.
2. VERS UNE ENTREPRISE COOPERATIVE ET PARTICIPATIVE ?
La précédente sous-partie nous a aidés à comprendre que la communication interne n’était
qu’un outil du management, mais que son développement depuis les dix dernières années est
révélateur d’une réelle demande de la part des salariés. Ils souhaitent davantage de
communication et de transparence au sein de l’entreprise. De plus, ils souhaitent participer
aux décisions internes de l’entreprise. Nous allons ainsi étudier dans cette partie les nouvelles
21
Article tiré du site internet Le Monde : « France Telecom : un rapport dénonce une organisation du travail sous-tension » http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/21/france-telecom-un-rapport-denonce-une-organisation-du-travail-sous-tension_1361313_3234.html
51
formes d’organisation du travail où les salariés peuvent participer aux décisions de
l’entreprise.
2.1 La participation en entreprise : définitions et enjeux
Pour réaliser cette sous-partie, nous nous baserons principalement sur le document de
recherche réalisé par Salima Benhamou en 2010 : « Améliorer la gouvernance d’entreprise et
la participation des salariés ». Un document réalisé dans le cadre d’une étude avec le Centre
d’Analyse Stratégiques. Ce rapport a d’ailleurs été rendu à l’ancienne Secrétaire d’Etat à la
prospective et au Développement de l’économie numérique.
Ce rapport cherche à montrer que la participation des salariés à l’entreprise, en France, n’est
pas assez complète dans le sens où les dirigeants français ne développent qu’une partie de la
participation des salariés en entreprise, alors qu’il en existe plusieurs. L’auteure dans ce
document s’attache à démontrer qu’il faut comprendre l’entreprise dans son ensemble –
économique, organisationnelle, comportementale - et réfléchir à comment articuler toutes ses
structures vers un même but commun. Il faut pour cela dépasser la confrontation entre les
droits des salariés et les exigences de performance. La participation réelle et efficace des
salariés au sein de l’entreprise apporte une performance économique et humaine au sein de
celle-ci.
Nous allons premièrement tenter d’expliciter la notion de participation au sein de l’entreprise,
pour voir ce qui est réellement perçu derrière cette notion et voir comment on peut l’utiliser.
Enfin, nous ferons un état des lieux des pratiques de participation des salariés français en
entreprise.
Si l’on effectue une recherche sur internet afin d’obtenir une définition de la participation des
salariés à l’entreprise, le moteur de recherche nous présente uniquement des sites internet
proposant des définitions de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise. On
s’aperçoit alors que ce mode de participation a largement pris le dessus, par rapport aux autres
en France.
Depuis la première révolution industrielle, la participation des salariés à l’entreprise se faisait
uniquement par le biais des syndicats. Devenus réellement légaux pour les syndicats ouvriers
et patronaux. Les formes de participation se sont considérablement développées et sont
différentes en fonction du milieu culturel, économique et social du pays. Il est donc difficile
d’obtenir une définition de la participation des salariés à l’entreprise, qui regrouperait toutes
les formes de participation. L’Organisation Internationale du Travail propose pourtant une
52
définition. Pour cette organisation internationale « la participation des travailleurs » - comme
on l’entend - s’applique au niveau de l’entreprise. Pour définir le terme, l’OIT préfère
s’appuyer sur la formulation plus précise et plus restrictive de la « participation des
travailleurs à la prise de décisions au sein de l’entreprise ». L’organisation exclut par cette
définition les formes de participation des travailleurs aux résultats de l’entreprise. Elle attache
uniquement de l’importance aux modes de participation qui incluent les salariés à la prise de
décisions stratégiques au sein de l’entreprise. Il y a bien un conflit de définitions, car les
normes internationales définissent la notion de « participation des travailleurs », comme
notion comprenant la négociation collective, alors que ce dernier terme peut revêtir plusieurs
sens dans chaque pays.
« De toutes les études et recherches effectuées jusqu’à présent, il est possible de remarquer
que dans la majorité des pays, il existe une tendance commune: les travailleurs et leurs
représentants participent de plus en plus à la prise de décision au sein de l’entreprise. » 22
On
constate que même si les chercheurs ne se sont pas encore mis d’accord sur une définition
commune de la participation des salariés à l’entreprise, qui pourrait faire l’objet d’un
consensus international et influencer les normes internationales – voir les normes nationales -
les chercheurs sont d’accord pour saluer une nette augmentation de la participation des
salariés aux prises de décisions au sein de l’entreprise. En effet, certains pays ont changé leur
système de représentations et ont modifié des règles établies afin de permettre cette prise de
décision.
Si l’on propose une définition plus large de la participation, on peut dire que c’est l’ensemble
des démarches, des procédures ou des propositions pour donner un rôle aux individus dans
une prise de décisions. Cette définition peut s’appliquer autant à la vie politique, qu’à la vie
économique et donc à l’entreprise. Cette prise de décisions peut s’effectuer sur plusieurs
domaines : gouvernance, gestion interne, communication… Et elle peut s’effectuer également
sur plusieurs échelons :
- Consultation de l’information préalable à la prise de décision
- Participation au débat collectif
- Emettre des propositions de décisions
- Choisir les propositions les plus pertinentes
- Consultation du rapport rendue lors de la décision
22 Mlle Tiffany Balle et Mlle Nicole Casale, A comparative overview of terms and notions on employee participation”, (ILO,
Geneva, 2010) par l’Université Panthéon-Sorbonne, Paris I, 52 pages.
53
On constate alors que la participation des salariés à l’entreprise dans certains pays, s’arrête
parfois au premier niveau : uniquement un pouvoir de consultation des informations rendues
publiques sur les décisions internes de l’entreprise. La participation réelle et efficace des
salariés aux décisions de l’entreprise est donc un outil de démocratie au sein des entreprises, il
s’agit bien de replacer l’homme au centre des préoccupations internes. Cette notion de
participation fait aussi référence à la notion de gouvernance au sein de l’entreprise. Les
années 2000 voient apparaître cette notion, suite à la crise de confiance des modèles de
gestion et d’administration des entreprises qui est apparu dans les pays occidentaux, en lien
avec la crise financière et économique. Cette crise a révélé des abus de la part des dirigeants
et a également fait surgir le problème de la gouvernance financière trop importante au sein des
entreprises (la bourse peut influer sur les décisions internes à l’entreprise). Tous ces facteurs
ont contribué à repenser les modèles de gouvernance, donc de gestion et d’administration des
entreprises, au profit de davantage de participation provenant du bas, donc des salariés afin de
permettre leur association réelle à l’activité de l’entreprise et de favoriser leur implication et
leur motivation au sein de la structure.
Salima Benhamou met en évidence trois formes principales de participation des salariés à
l’entreprise :
- la participation aux résultats de l’entreprise : cette forme de participation reste la plus
utilisée et la plus connue en France. Si l’on cherche à définir la participation des
salariés à l’entreprise, on passera ainsi par le terme de participation aux résultats.
- l’information et la consultation des salariés : pour l’auteure, cette forme de
participation a fait l’objet de nombreux textes juridiques et législatifs
- la participation à la décision stratégique : un domaine qui n’a pas été assez exploité en
France
L’information et la consultation des salariés est très importante pour assurer une gouvernance
juste au sein de l’entreprise. L’OCDE fait d’ailleurs une priorité de l’information donnée aux
salariés et de la possible consultation des documents. On constate que la circulation de
l’information au sein de l’entreprise, circule surtout grâce au conseil d’administration ou au
comité d’entreprise. Depuis les lois Auroux de 1982, on constate qu’il y a eu un réel
développement de l’information donnée aux salariés et a profondément bouleversé la
législation française. Même si le comité d’entreprise avait déjà des pouvoirs économiques, ces
obligations ont connu une inflation importante dès l’apparition des lois Auroux. Ces
54
mouvements législatifs imposent à l’employeur non seulement des types d’information à
fournir mais aussi des modalités et des délais, selon le caractère d’urgence de l’information.
Le dirigeant se voit ainsi soumis à une obligation d’information. Le comité d’entreprise doit
notamment tenir des obligations d’information des salariés, lors des opérations suivantes :
- information obligatoire sur les accords de participation
- obligation en matière de consultation
- consultation en matière d’intéressement, de participation et d’épargne salariale
- l’entreprise doit mettre en place des dispositifs d’alerte, de recours à des experts si les
salariés estiment être tenus à l’écart d’une opération susceptible de menacer la sécurité
de leur emploi.
On constate ainsi qu’il existe dans tous les pays occidentaux, des formes de participation des
travailleurs au sein de l’entreprise, mais qu’il n’existe pas de consensus international autour
de cette notion. Même en France, cette notion concerne uniquement la participation favorisant
la redistribution des résultats auprès des salariés. L’obligation d’information et de
consultation est la forme de participation qui est le mieux définie par la loi et les textes
juridiques français. Nous allons ainsi étudier les deux autres formes de participation présentes
en France, afin d’analyser leur place et leur importance au sein de l’entreprise.
2.2 La France pionnière de la participation des salariés aux résultats de
l’entreprise
Les dispositifs existants depuis la création de cette forme de participation des salariés en
France :
La participation des salariés à l’entreprise passe donc premièrement en France par une
participation aux résultats engendrés par la structure. La France fait figure de précurseur dans
ce domaine et a donc développé, au travers des textes législatifs, cette pratique de
participation. Dans un discours du 7 avril 1947 à Strasbourg, le général de Gaulle avait déjà
évoqué un diapositif pour permettre aux salariés de bénéficier des résultats de l’entreprise. Il
souhaitait, par ce biais, que les salariés deviennent des « associés » au sein de l’entreprise. Les
associés sont donc, pour lui : «ceux qui mettraient en commun, à l’intérieur d’une même
entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens, et qui devraient s’en partager,
à visage découvert et en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques ». On constate ici
que le général De Gaulle avait déjà une vision collective et coopérative de l’entreprise, il y a
55
bien ici l’idée de construire ensemble quelque chose et de s’en partager le résultat qu’on
obtiendrait. La concrétisation de cette idée aboutit à la création de l’ordonnance du 7 avril
1959 créant les plans d’intéressement, puis la création des ordonnances du 17 août 1967
établissant la participation et les plans d’épargne salariale. Ces plans d’intéressement et
d’épargne salariale sont très utilisés encore aujourd’hui par les entreprises. Ces dispositifs
génèrent des flux très importants. En 2010, ce sont plus de 17,4 milliards d’euros qui ont été
distribués aux salariés au titre de l’ensemble des dispositifs, un chiffre toujours en
augmentation. Toutefois, on constate une inégalité entre les grosses et moyennes entreprises,
et les plus petites entreprises. La diffusion de ce dispositif est davantage réalisée au sein des
plus importantes structures (grosses et moyennes entreprises) qu’au sein des plus petites
structures. Une loi du 3 décembre 2008 vient ainsi impulser une nouvelle dynamique à ce
mécanisme en proposant de nouvelles exonérations fiscales afin que les petites entreprises
puissent avoir accès facilement à ce dispositif au niveau financier. On constate, en effet, que
ces mécanismes de participation aux résultats représentent un coût et un investissement
financier important. Ceci peut expliquer que certaines petites structures ou entreprises n’ont
pas les moyens pour les mettre en place. Les différentes statistiques et graphiques montrent
qu’aujourd’hui encore les salariés ont confiance à ces mécanismes d’épargne salariale, qui
sont bien encadrés juridiquement, car même avec la crise économique ils continuent à avoir
recours à ces mécanismes de participation. Les études ont également montré que cal influe sur
le dynamisme économique de l’entreprise, car le salarié se sent davantage impliqué au sein de
l’entreprise et donc cela augmente le facteur de motivation et également de bien-être des
salariés.
L’actionnariat salarial : un nouveau mode de management partagé.
Avec l’actionnariat salarial, on va plus loin dans la participation du salarié à l’entreprise. En
effet, le salarié devient une vraie « partie prenante » de l’entreprise et par le droit qu’il
possède par le biais de l’actionnariat, il peut participer aux prises de décisions importantes
pour l’entreprise. L’actionnariat salariale est bien le droit que peut posséder le travailleur de
devenir actionnaire de l’entreprise, il possèdera ainsi un droit de propriété légale. Ils
bénéficient également du droit de profiter du fruit des résultats et des produits de leurs
actions, et même de les céder. Plus la participation du salarié dans le capital de l’entreprise,
plus son actionnariat est important et plus il pourra participer à la prise de décision. Ce
mécanisme a aussi été mis en place par le général de Gaulle. Ce dispositif permet aussi aux
salariés de se protéger contre une éventuelle prise de contrôle par un investisseur
56
institutionnel et qui aurait ainsi un fort pouvoir décisionnel au sein de l’entreprise. On
constate que plus les salariés seront actionnaires au sein de leur entreprise, plus l’entreprise
sera démocratique et mieux le salarié sera représenté et fera partie prenante de la structure.
Au niveau technique, les salariés peuvent devenir actionnaires de cinq manières : par la
participation à une augmentation de capital qui leur est réservée ou dans le cadre de la
privatisation de leur entreprise, par l’acquisition d’actions existantes, d’options de
souscription ou d’achat d’options, ou encore par l’attribution d’actions gratuites.
Le SBF 250 (sociétés boursières françaises) est un indice boursier français calculé et diffusé
par NYSE Euronext Paris. On constate sur le graphique que la participation au capital des
entreprises française, représente majoritairement (quelque soit le % de capital détenu par les
salariés) moins de 25% des effectifs des entreprises. Il y a ainsi très peu d’entreprise où plus
du quart des salariés participe au capital de la structure. De plus, le % d’effectifs des salariés,
participant au capital, diminue quant le % de capital détenu par les salariés augmente. Même
si l’actionnariat salariale est une pratique reconnue et utilisé en France par les salariés, ils ne
concernent pas la majorité de ceux-ci et reste encore une pratique utilisé par certains salariés.
Même si la participation aux résultats de l’entreprise sous ses différentes formes (actionnariat
salariale, épargne, investissement…) reste une pratique largement diffusée en France et
57
existant depuis longtemps, on constate que les chefs d’entreprise et les salariés ne sont pas
assez formés sur ces questions et ne connaissent pas tous les dispositifs techniques pour les
mettre en place. Selon une étude réalisée par ALTEDIA et BNP E&RE, plus de la moitié des
salariés ne connaissent pas le DIF (droit individuel à la formation) pour leur permettre de se
former sur les questions d’épargne salariale, d’investissement, d’actionnariat salariale, de plan
retraite… Il reste encore du chemin à faire au niveau de la formation sur ces questions. Les
dispositifs existent mais leur mise en place reste compliquée pour la majorité des chefs
d’entreprise et des salariés.
La forme d’entreprise la plus représentée en France pour assurer la participation des salariés
aux résultats de l’entreprise est la société coopérative et participative ou SCOP, elle assure
aux salariés de bénéficier d’une partie des résultats de l’entreprise et elle utilise comme mode
de gouvernance partagé : l’actionnariat salarié. Nous expliquerons cette forme d’entreprise
dans la troisième partie, avec comme exemple le Groupe Chèque Déjeuner.
2.3 Le-sous développement français de la participation des salariés aux décisions
stratégiques de l’entreprise
De nombreuses études ont montré que la France n’allait pas assez loin dans la participation
des salariés aux décisions internes de l’entreprise. L’organe principal pour permettre la mise
en place de cette forme de participation est le conseil d’administration. Fortement développé
ces dernières années, il représente un organe majeur pour assurer la gouvernance de
l’entreprise. Influencée par la « corporate governance » venant des pays anglo-saxons, la
France a mis en place un certain nombre de dispositifs législatifs et juridiques pour améliorer
et développer la place du conseil d’administration au sein de l’entreprise. Cette gouvernance
permet de placer le conseil d’administration au cœur du processus de contrôle et de décision,
elle permet de valoriser la place qui doit être donnée aux comités spécialisés du conseil et,
enfin, elle privilégie la qualité d’indépendance des administrateurs comme gage de
performance de l’entreprise et de création de valeur pour les salariés. Le critère
d’indépendance des administrateurs permet ainsi d’assurer une bonne gouvernance au sein de
l’entreprise. Toutefois, l’association des salariés au conseil d’administration permet d’assurer
une participation efficace des salariés aux décisions de l’entreprise et permet de favoriser la
négociation collective et coopérative au sein de la structure. Nombreuses études ont montré
que la participation des salariés aux prises de décisions internes améliorer la performance
économique, diminuer le stress et les risques psychosociaux au sein de l’entreprise car il y a
58
davantage de transparence et de communication qui circulent au sein de l’entreprise et
favorise donc le bien-être des salariés. D’abord ouvert aux sociétés commerciales avec une loi
de 1966, rapidement les salariés des structures publiques ont pu également être présents au
conseil d’administration avec une seconde loi de 1983. La présence des salariés au sein du
conseil d’administration s’est également développée avec la loi du 17 janvier 2002 dite de
modernisation sociale. Cette loi permet de rendre obligatoire la participation et la présence
dans les sociétés qui sont cotées d’un ou plusieurs représentants des salariés au sein des
conseils d’administration : ils sont nommés parmi les salariés actionnaires ou, sinon, parmi les
salariés membres du conseil de surveillance d’un fonds commun de placement d’entreprise
(FCPE).
On constate que le développement de la juridiction sur ces questions a permis aux salariés de
participer aux conseils d’administration sous plusieurs formes : en tant qu’actionnaire, en tant
qu’administrateur salarié désigné par les salariés eux-mêmes. Ils peuvent ainsi, suivant le
conseil d’administration, participer aux séances, être informés des questions à jour, participer
aux processus de décisions.
Pour conclure sur cette forme de participation, on constate que la gouvernance actionnariale
est devenue le cadre de référence pour permettre aux salariés de participer à la prise de
décision. Toutefois, il y a davantage d’administrateurs indépendants, afin de préserver une
meilleure gouvernance au sein de l’entreprise. Les salariés sont donc considérés comme
« dangereux » ou incite à la prise de décisions « biaisés » selon certains chefs d’entreprise.
Les administrateurs indépendants permettent un point de vue objectif que l’on n’a pas avec les
salariés. Leur participation reste donc faible et il possède un pouvoir minime s’il dispose
d’une place au conseil d’administration. Toutefois, la solution serait d’étendre la gouvernance
à d’autres parties et davantage aux salariés, car les études montrent une plus grande
performance économique de l’entreprise, une plus grande implication des salariés car il y a
davantage de communication et de transparence de l’information. Disposant de toute
l’information, les entreprises qui appliquent ce modèle de gouvernance, constate aussi une
diminution du stress des employés et une augmentation de leur bien-être et de leur intégration
au sein de la structure.
2.4 Vers un nouveau modèle de participation des salariés ?
On constate que la participation des salariés à l’entreprise n’est pas un phénomène
complètement récent, puisque dès la fin de la seconde guerre mondiale des dispositifs sont
mis en place pour assurer une place aux salariés au sein de l’entreprise, au-delà de leur
59
représentation à travers le syndicalisme. Ce qui est nouveau, c’est la recherche d’un nouveau
mode de participation qui permettrait aux salariés d’être réellement intégrés aux processus de
décisions de l’entreprise. En raison de la recrudescence des risques psychosociaux, dont le
stress au travail, les dirigeants d’entreprises et les études réalisées par les chercheurs ont
montré que davantage de participation des salariés à l’entreprise permettait d’améliorer la
performance de l’entreprise, replaçait l’humain au cœur de la structure et améliorer la
motivation, ainsi que l’épanouissement des travailleurs. Toutefois, en étudiant précédemment
les formes de participation pour les salariés existantes en France, nous nous sommes rendu
comptes qu’elles étaient inégalement développées et trop séparées pour être réellement
efficace. La participation la plus efficace pour assurer une meilleure gouvernance au sein de
l’entreprise et une circulation de l’information ainsi qu’une communication efficaces, reste
celle où les salariés prennent part à la négociation et la conclusion des décisions internes à
l’entreprise. Salima Benhamou dans son rapport émet l’hypothèse de rassembler ces trois
formes de participation et d’assurer ainsi « une gouvernance intégrée ». Pour elle comme pour
d’autres chercheurs, l’association des salariés aux différents niveaux de décision et
d’information, permet aux dirigeants d’avoir un autre point de vue pour décider, et cela
inciterait les salariés à vouloir davantage participer aux dispositifs de participation aux
résultats de l’entreprise. Collaborer ensemble rendrait plus performante l’entreprise en interne
et en externe. On parle bien ici d’une forme de cohésion sociale, de lien social. Les salariés
sont tous interdépendants, même si leur niveau de fonction est différent, la prise de décision
commune est nécessaire car les points de vue sont confrontés et plus objectifs. Ce sont aussi
ces formes de participation qui renforcent le lien social au sein de l’entreprise, et la
favorisation du développement de ce lien social reste importante car il permet de renforcer le
bien-être au sein de l’entreprise.
L’auteure décrit dans son rapport les conditions et les étapes importantes pour assurer une
participation et une gouvernance intégrées :
- Le partage des informations et la mise en place de différentes formes de consultation
pour renforcer l’incitation des salariés à participer aux résultats de l’entreprise.
Disposant de toute l’information et de toute la formation sur ces dispositifs, cela les
rend plus aptes à participer sous différentes formes.
- La participation aux résultats de l’entreprise ne suffit pas et doit être associée à la prise
de décisions pour l’entreprise par les salariés.
- Ces deux dispositifs mis ensemble et étroitement liés peuvent générer un gain de
productivité. Etant donné qu’ils participent aux prises de décisions et aux résultats de
60
l’entreprise, les salariés s’investiront davantage pour quelque chose qui est proche
d’eux et qui les concerne. Ils chercheront plus à développer la valeur ajoutée de
l’entreprise afin de ne pas prendre de risques, et donc de ne pas faire diminuer les
résultats de l’entreprise. Il s’agit ici d’un cercle vertueux de croissance. La bonne santé
économique de l’entreprise, la participation intégrale des salariés et l’implication
accrue des salariés au sein de la structure renforce le bien-être des salariés. Le
sentiment de confiance est regagné et le salarié ressent moins un stress du à un
décalage entre ses missions ou son implication et les résultats obtenus ou les
informations données par la hiérarchie.
A la fin du rapport, l’auteure amène des pistes de réflexion afin de faire évoluer l’entreprise
vers un nouveau mode de gouvernance de l’entreprise et d’organisation du travail. Pour elle, il
ne faut pas la faire évoluer par le biais de mesures juridiques ou administratives, mais bien par
un ensemble de pratiques professionnelles qui associeraient davantage les salariés au
fonctionnement de l’entreprise. Les mesures concernent d’abord l’amélioration des conseils
d’administrations (responsabiliser les administrateurs, favoriser les salariés aux conseils
d’administration, former les salariés sur la participation aux résultats et à la prise de
décision,…), mais aussi par l’amélioration des dispositifs de participation aux résultats et de
l’actionnariat salarié (favoriser le développement de l’actionnariat, mettre à disposition des
avantages fiscaux pour les plus petites entreprises afin qu’elles puissent mettre en place des
dispositifs de participation aux résultats pour les salariés,…) et enfin pour l’auteure, il faut
améliorer l’information au sein de l’entreprise et pour les salariés (assurer une bonne
circulation de l’information, renseigner les salariés sur le plan épargne ou investissement…).
61
Pour conclure la deuxième partie, nous pouvons affirmer que l’organisation du travail
et la communication en interne ont un réel rôle à jouer pour améliorer les conditions de
travail et replacer l’humain au cœur des préoccupations des entreprises. Ces dernières
années ont été marquées par un essor fulgurant de la demande par les salariés d’une
plus grande efficacité de la communication interne au sein de l’entreprise. L’importance
qu’à pris cette communication est bien le signe que les salariés souhaitent être informés
de l’activité de leur entreprise et souhaitent également davantage de transparence sur
les décisions prises au sein de celle-ci. Nous avons d’ailleurs vu que le manque de
communication, d’information ou la mauvaise gouvernance d’une entreprise favorisent
le stress au travail et le mal-être des employés. Cette deuxième partie nous a donc amené
à comprendre qu’on ne peut améliorer la communication en interne sans repenser le
management et l’organisation du travail au sein de la structure. La communication
interne n’est donc qu’un outil du management, ce n’est pas la finalité. Toutes ces
questions de gestion ou d’organisation du travail renvoient à s’interroger sur la
gouvernance de l’entreprise. Avec la crise économique, la montée du chômage et de
l’incertitude, mais aussi avec les scandales financiers, les salariés souhaitent revenir à
une gouvernance d’entreprise plus démocratique où ils pourraient aussi avoir leur mot à
dire dans l’organisation de celle-ci.
Plus que l’organisation du travail, ce serait donc la participation des salariés à
l’entreprise qui favoriserait un bien-être au sein de l’entreprise et favoriserait la
diminution du stress au travail. Bien qu’existants, les mécanismes de participation ne
sont pas assez développés, certains étant plus utilisés que d’autres. La France doit aller
plus loin dans l’insertion du salarié au sein de l’entreprise, car de nombreuses études
montrent que cela accroît la performance économique et sociale de l’entreprise, ainsi
que l’implication, la motivation et le bien-être des travailleurs.
Pour illustrer ce mémoire qui reste théorique, nous avons choisi d’étudier une entreprise
qui a décidé d’investir dans l’humain ou le social, afin de voir si cela a réellement un
impact en termes de bien-être et d’efficacité au travail. Il est difficile de se rendre
compte de l’efficacité des théories sur le terrain. Une organisation ou gestion du travail
peut convenir à une entreprise, mais ne pas correspondre à une autre. Il faut donc
chercher à voir si la mise en place de certains mécanismes pour replacer les salariés au
centre de l’entreprise, est réellement efficace pour améliorer les conditions de travail.
62
TROISIEME PARTIE
Le Groupe Cheque Dejeuner : exemple d’une
entreprise qui investit dans l’humain et le social
Après une veille économique sur internet, nous avons choisi d’étudier cette entreprise car elle
la mieux classée de toutes les entreprises considérées comme SCOP (société coopérative de
production). Pour nous aider, nous utiliserons le site internet de l’entreprise et des articles de
presse parus sur celle-ci, notamment celui des Echos « Une entreprise sociale où il fait bon
travailler » en date du 1er
mars 2012 et rédigé par la journaliste Martine Robert. L’objectif de
cette troisième partie est de mettre en lien la pratique, le terrain avec les données que nous
avons explicité dans les deux précédentes parties. Premièrement, nous allons présenter
l’entreprise, mais également ce qu’est une société coopérative de production, qui est une
forme de participation des salariés à l’entreprise. Ensuite, nous analyserons en quoi sa
structure permet d’améliorer les conditions de travail et le bien-être des salariés au sein de
l’entreprise, en nous aidant de l’article paru dans le magazine Les Echos.
1. PRESENTATION DE L’ENTREPRISE : UN GROUPE COOPERATIF
Considérée comme une entreprise qui favorise le développement et l’épanouissement des
individus, le Groupe Chèque Déjeuner a reçu la visite du président actuel, François Hollande,
afin de montrer que ces entreprises qui investissent dans l’humain ou le social résistent face à
la crise économique et sont même créatrices de valeur ajoutée, donc performante
économiquement parlant. Nous allons ici étudier en quoi cette entreprise n’est pas comme les
autres, et ce qui fait sa particularité au sein du monde du travail.
1.1 La construction de l’entreprise : retour sur une conception collective
du travail
L’entreprise a été créée en 1964, dès que le titre restaurant a fait son introduction en France.
Le groupe est donc parti sur une idée simple : proposait des tickets restaurants à des
entreprises afin qu’elles les redistribuent à leurs salariés. Ces tickets offrent un complément
de rémunération aux salariés, sur lesquels les chefs d’entreprises sont exonérés de charges
sociales et fiscales. De plus, les restaurateurs qui étaient affiliés au groupe retiraient
également un bénéfice important : faire venir de la clientèle à la pause déjeuner, grâce à ces
tickets restaurants. Jacques Landriot le PDG actuel du groupe chèque déjeuner a une vision
63
coopérative de l’entreprise : « Un groupe qui avance est un Groupe qui anticipe, qui sait faire
confiance, un Groupe où les expériences se construisent autour et avec les femmes et les
hommes qui y travaillent. Cette réussite économique n’est pas le fruit du hasard, mais le fruit
d’un travail collectif énorme, accompli depuis plusieurs années. »23
Il constate ainsi que la
réussite de l’entreprise n’est pas simplement due aux produits proposés, mais bien au travail
collectif réalisé par les hommes et les femmes qui travaillent au sein du groupe. On a bien ici
l’idée de travailler ensemble, pour mieux réussir.
En chiffres, le groupe Chèque Déjeuner représente :
- N°3 mondial sur le marché des titres de paiement à vocation sociale et culturelle
- Une présence dans 11 pays, dont la France
- Plus de 1700 collaborateurs
- Un volume d’affaires de 3,2 milliards d’euros en 2008
- Une activité autour de 3 pôles : les titres France, les titres Internationales et les titres
Service. Ses produits sont destinés aux entreprises, comités d’entreprise, collectivités
et particuliers.
Dès sa création, l’entreprise s’est démarquée par sa structure originale : une Société
Coopérative de Consommation. Puis en 1972, elle se transforme en société coopérative de
production. L’entreprise met déjà en place un journal interne, à ce moment là la
communication interne n’avait pas pris l’ampleur qu’elle a actuellement. L’entreprise est donc
précurseur en la matière. Progressivement l’entreprise augmente sa masse salariale, à chaque
gros changement. En 1974, elle passe de 37 salariés à 74 salariés, et en 1980 l’effectif s’étend
à 130 salariés. Au fil des années, l’entreprise a aussi développé son activité, des seuls titres
restaurants, elle proposera les titres services (culture, lire, sortie…). De même, plus
l’entreprise accroît son activité, plus elle cherche à développer la notoriété du chèque déjeuner
à l’international, les relations avec les filiales sont primordiales pour l’entreprise, et elle
s’adapte également à la culture et aux traditions de chaque pays pour améliorer le pouvoir
d’achat grâce à ces chèques. On voit donc que la construction de l’entreprise s’est fait
progressivement, favorisant ainsi l’évolution des fonctions et donc des salariés au sein de
l’entreprise. Ni opérables, ni rachetable, ni délocalisables, le groupe Chèque Déjeuner a
toujours assuré la pérennité de ses emplois et conserver les salariés déjà présents. L’entreprise
investit aussi dans l’économie sociale, en étant partenaire sur des projets à échelle nationale,
23
Citation de Jacques Landriot, source : http://www.groupe-cheque-dejeuner.com
64
mais aussi en s’associant avec d’autres entreprises françaises et québécoises pour promouvoir
l’économie sociale. Ils créent ensemble, l’Association Internationale du Logiciel Libre (Ai2L)
pour l’Economie Sociale. Cette création répond à leur conviction que les valeurs du Logiciel
Libre rencontrent les principes fondamentaux de l’Economie Sociale. « Le logiciel libre est un
logiciel dont l'utilisation, l'étude, la modification et la duplication en vue de sa diffusion sont
permises, techniquement et légalement. Ceci afin de garantir certaines libertés induites, dont
le contrôle du programme par l'utilisateur et la possibilité de partage entre individus »24
. A
travers ce logiciel, ils promeuvent ainsi la liberté, l’égalité et la fraternité.
Enfin, nous pouvons citer un autre exemple pour montrer que le groupe Chèque Déjeuner
investit dans l’humain et le social. En 2010 le groupe a lancé un nouveau chèque : le chèque
Terra Bien Etre. Ce chèque destiné aux entreprises, collectivités associations, directeur des
ressources humaines au sein de l’entreprise… permet de renforcer et d’accompagner la
politique sociale mise en œuvre par la structure. Il permet en effet, d’offrir des moments de
bien-être aux salariés grâce aux partenaires développés avec les structures régionales (salon
de massage…). De plus, il permet aussi d’aider l’entreprise à financer des espaces de
réflexion, détente, relaxation au sein de l’entreprise à destination des salariés. Pour le groupe,
la création de ce chèque et son utilisation par les entreprises permet d’accroître la
performance sociale de l’entreprise. Véritable innovateur, l’entreprise chèque déjeuner
continue donc à développer des solutions dédiées aux entreprises pour assurer une certaine
qualité de vie au travail et ainsi accroître le bien-être des salariés au sein de l’entreprise. N°3
mondial, on constate que son activité fonctionne parfaitement, car les entreprises sont en
demande par rapport à ce type de solutions et de chèques.
1.2 Qu’est-ce qu’une SCOP : avantages et limites
Nous avons pu voir que l’entreprise était qualifiée comme une société ouvrière et
participative. On peut ainsi se demander ce que révèle ce statut, voir les avantages à créer une
SCOP et étudier ainsi ses limites. Les premières associations ouvrières ont existé dès le début
du XIXème siècle, mais de façon clandestine. La loi Chapelier de 1791 interdisait en effet
toute coalition sous forme d’organisation ou d’association. C’est vers 1900 que les premiers
regroupements ressemblent le plus aux SCOP d’aujourd’hui, ce sont des coopératives de
production. Cette forme d’entreprise s’est tellement développée qu’en 1985 la France ne
24
Source wikipédia
65
dénombre pas moins de 1300 SCOP qui n’emploie pas moins de 40 000 travailleurs. En 2010,
la société coopérative de production se fait maintenant appeler la société coopérative et
participative, afin de refléter la disparité et la pluralité de formes de SCOP.
La SCOP est une forme de SA (société anonyme) ou SARL (société anonyme à responsabilité
limitée) créée par ceux qui y travaillent. Elle repose sur une organisation particulière
impliquant étroitement le salarié à la construction et donc à la prise de décisions au sein de
l’entreprise. Soumise à des exigences de rentabilité, comme toutes les autres entreprises, elle
se démarque par sa gouvernance démocratique et par la répartition des résultats favorisant
ainsi la préservation des emplois existants et la satisfaction des travailleurs qui sont employés
au sein de l’entreprise. Nous allons ici voir comment la SCOP met en place une gouvernance
démocratique :
Un actionnariat majoritairement salarial : La SCOP doit associer les salariés par le biais de
l’actionnariat. En effet les salariés doivent détenir au moins 51% du capital social et 65% des
droits de vote. Ils sont donc majoritaires au sein de l’entreprise et du groupe.
La redistribution des bénéfices : l’entreprise reverse les bénéfices non plus aux actionnaires,
mais à l’ensemble des salariés par le biais de plan d’épargne, d’investissement, de plan de
participation ou d’intéressement.
L’assemblée générale démocratique : l’assemblée générale de l’entreprise promeut l’égalité
entre les salariés, car peu importe le montant de capital détenu, le principe est « une personne,
une voix ». Ce sont les salariés associés uniquement qui participent aux assemblées.
Un fonctionnement coopératif : la forme de cette structure implique que le dirigeant favorise
la diffusion, circulation de l’information entre l’ensemble des salariés et des dirigeants. De
plus, il doit aussi stimuler l’échange et le partage, ainsi que la formation afin de motiver les
salariés, les inciter à se responsabiliser mais aussi à travailler ensemble. C’est le collectif qui
prend le dessus, tout en laissant une place importante à chaque salarié pour s’exprimer.
On constate ici que la SCOP favorise la participation des salariés au sein de l’entreprise, mais
ne les oblige en rien d’être actionnaires. Stimulant la motivation, l’implication, le partage des
richesses et de l’information, la SCOP repose sur un principe simple et efficace : savoir
travailler ensemble tout en étant autonome et en ayant chacun le droit de s’exprimer au sein
de l’entreprise. De plus elle repose sur l’idée qu’il faut favoriser la cohésion sociale au sein de
l’entreprise. Cette cohésion sociale s’applique aussi entre les SCOP elles-mêmes. En effet,
66
l’ensemble des SCOP créées en France fonctionnent en réseau. La confédération générale des
SCOP met en place des mécanismes pour appuyer, aider et faire travailler en réseau les
différentes structures afin d’accompagner la création et la gestion de l’entreprise. La
confédération regroupe ainsi les SCOP par corps de métier afin de favoriser l’entraide entre
elles, et donc la solidarité entre les différentes structures créées.
Toutefois, même si les SCOP mettent en avant un modèle de gouvernance démocratique, il
faut quand même signaler que ce modèle de gouvernance varie selon les entreprises. Certaines
structures préfèrent associer la majorité des salariés au capital, tandis que d’autres favorisent
seulement une minorité. La participation varie donc d’une SCOP à l’autre. Les processus de
décisions différent également en fonction des entreprises. Enfin, on peut également remarquer
que la SCOP est une entreprise comme une autre, c'est-à-dire qu’elle est elle aussi soumise à
une pression concurrentielle, à une exigence de rentabilité. Les SCOP licencient donc aussi
des salariés, mais tentent de préserver les emplois en passant par le temps partiel. On constate
quand même que « les SCOP ont plutôt mieux résisté à la crise économique et le taux de
survie à 5 ans y est sensiblement supérieur : 57 % contre 52 % au niveau national »25
Les sociétés coopératives et participatives ne sont donc peut-être pas le modèle idéal pour
l’entreprise, mais on peut leur reconnaître qu’elles favorisent la participation des salariés et
l’association des employés au fonctionnement de l’entreprise. C’est donc une façon de
raisonner sur le long terme, plutôt que sur le coût terme. Au-delà de la rentabilité recherchée,
les SCOP perçoivent l’entreprise comme un investissement humain où chaque salarié pourrait
s’épanouir au sein de la structure. C’est donc un fonctionnement coopératif, collectif qui
repose sur le savoir-vivre ensemble. Toutefois, on constate que dans un contexte économique
difficile, ce type de sociétés doit investir dans la formation ainsi que dans la transmission des
savoirs entre les salariés pour assurer la pérennité des emplois et le développement
économique de l’entreprise.
Le Groupe chèque déjeuner fait partie des entreprises pionnières qui ont mis en place une
société où les salariés peuvent participer activement au sein de l’entreprise, non plus
uniquement en profitant des résultats de l’entreprise, mais en participant aussi activement aux
25
Source : INSEE
67
décisions prises par la structure. Comment cette organisation assure le bien-être des salariés ?
C’est ce que nous allons étudier dans cette seconde sous-partie.
2. « UNE ENTREPRISE SOCIALE OU IL FAIT BON TRAVAILLER »26
Il s’agit maintenant d’analyser en quoi cette société coopérative et participative assure, par le
biais d’une organisation et d’une structure de travail différente, une amélioration des
conditions de travail et le bien-être des salariés au sein de l’entreprise.
2.1 Une structure solide qui résiste face à la crise économique
Les SCOP font partie de ce que l’on appelle une économie sociale, une économie qui
concilierait objectifs économiques et objectifs sociaux, qui passent notamment par le
développement de l’individu au sein des sociétés. On constate que même en période de crise
économique, l’entreprenariat coopératif séduit de plus en plus les dirigeants d’entreprise.
Sur le graphique ci-dessous, on remarque une augmentation considérable du nombre de SCOP
entre 1884 (date où les structures coopératives ont commencé à se développer) et 2005, on est
passé de 29 entreprises coopératives et participatives à 1707 en 120 ans. De plus, on remarque
que l’augmentation a été plus forte ces vingt dernières années. Ce type de structure attire donc
toujours, malgré un contexte économique et financier difficile qui freine l’investissement. On
peut partir du postulat que puisque les entrepreneurs choisissent davantage de créer une SCOP
qu’une autre forme d’entreprise, c’est car ces structures sont solides économiquement parlant.
27
26
Martine Robert, « Cheque Déjeuner : l’entreprise où il fait bon travailler », Les Echos, N°21135, 1er mars 2012, Paris, 8 pages. 27
Anonyme, Il n’y a jamais eu autant de SCOP, Revue Participer, N° 616, mars/avril 2006, 18 pages
68
De même, l’article paru dans les Echos met en évidence leur forte croissance dans le secteur
industriel. Souvent utilisé dans le cas de rachat d’entreprise industrielle par les salariés, si la
France déclare qu’elle a perdu 10% d’emploi industriel lors des dix dernières années, les
SCOP ont crée et augmenté leurs effectifs de 11% dans le même secteur d’activité. Une réelle
réussite pour un secteur qui fait face aux délocalisations massives et aux licenciements
toujours en augmentation dans les entreprises. « Face aux excès de la finance, les SCOP ont
une carte à jouer, estime Pascal Trideau. »28
L’article souligne aussi leur fort développement dans le domaine des services, comme le
montre l’exemple avec l’entreprise Chèque Déjeuner. Par ailleurs, on peut remarquer le
Groupe Chèque Déjeuner confirme l’hypothèse comme quoi ces entreprises sont solides et
sont considérées comme une réelle alternative face à la crise. En effet, créée par un
syndicaliste, Georges Rino, l’entreprise n’a cessé de se développer malgré le contexte
économique. De plus, depuis son arrivée en 1990, Jacques Landriot - le PDG actuel – a mis
en place un développement international de l’entreprise et une « politique de croissance
ambitieuse ». Son développement économique n’a pas fait perdre de vue la logique sociale au
cœur de l’entreprise. Ainsi, une entreprise qui se développe, qui crée des emplois et qui est en
bonne santé économique, attire les nouveaux salariés et motivent les salariés de l’entreprise à
rester au sein de celle-ci. Enfin, on peut aussi dire que dans le cadre d’une participation des
salariés aux résultats de l’entreprise Chèque Déjeuner, puisqu’ils sont actionnaires, si le
groupe se développe et crée de la valeur ajoutée, cela représente un important bénéfice pour
eux. Plus l’entreprise se développe, plus elle crée de la valeur ajoutée, plus les salariés se
repartagent les bénéfices entre eux et plus la motivation salariale est forte.
Pour conclure, les SCOP sont un modèle d’entreprise apprécié dans le sens où on constate
depuis les vingt dernières années une augmentation constate du nombre d’entreprises créées
en SCOP. S’appuyant sur une organisation en réseau et une entraide solide avec les autres
SCOP, elles sont relativement plus solides du fait de ce soutien. De plus, cela vient démontrer
à certains auteurs qui soutiennent que la participation des salariés aux décisions de l’entreprise
n’est pas objective et profitable pour celle-ci, qu’au contraire cette participation paraît
bénéfique pour la structure. Les salariés qui sont au cœur du projet de l’entreprise, savent
quelles sont les décisions à prendre pour accroître le développement économique. Associer les
28
Martine Robert, « Cheque Déjeuner : l’entreprise où il fait bon travailler », Les Echos, N°21135, 1er mars 2012, Paris, 8 pages
69
salariés aux décisions internes, est une pratique qui tend à se développer en France et qui a de
réels avantages sur la performance économique et sociale de la structure.
2.2 Une entreprise où les salariés aiment venir y travailler
L’un des principaux items pour repérer si les salariés se sentent bien au sein de leur entreprise
et sont satisfaits de leurs conditions de travail est le taux d’absentéisme, ainsi que le turn over.
Un management démocratique et égalitaire favorise l’implication et la motivation du salarié,
qui par ailleurs trouve une réelle raison à venir travailler. Pouvoir décider et s’exprimer au
sein de l’entreprise, est donc gage de réussite pour diminuer l’absentéisme au travail. Cela
signifie ainsi que les s’il y a moins d’absentéisme, les salariés sont donc moins stressés et
n’ont pas une crainte d’aller travailler. Grâce à la voix que dispose le salarié sociétaire à
l’assemblée générale, Florence Quentier, la directrice des ressources humaines du groupe,
explique que cela contribue à améliorer l’ambiance et les conditions de travail : « Chacun se
sent responsabilisé, le climat social est apaisé et le taux d'absentéisme n'est que de 2,38 % ».29
Par ailleurs, on observe que la politique de recrutement diffère des autres groupes. Véritable
outil de gestion humaine et de politique sociale, les ressources humaines ne sont pas une
variable pour augmenter la rentabilité comme on peut le voir dans certaines entreprises.
Pour arriver à créer cette ambiance et ces conditions de travail, le recrutement est très
important. Il faut donc sélectionner les individus et les former sur la vision collective et
coopérative de l’entreprise. Le salarié réapprend, pour la DRH, une vision de voir l’entreprise,
ce n’est plus être individualiste et s’en tenir à ses fonctions, mais bien partager et mettre en
commun des pratiques et des connaissances. L’entreprise favorise aussi la promotion interne,
si le salarié s’intègre à la culture d’entreprise et aux valeurs portées par celle-ci. « Si un
salarié ne comprenait pas la stratégie de la coopérative, ce serait dangereux d'en faire un
sociétaire. Il arrive que l'on retarde d'un an l'intégration en tant qu'actionnaire d'un
collaborateur trop individualiste », observe Jean-Philippe Poulnot, responsable de projet à la
direction des relations extérieures ».
On constate que même si une entreprise dont la gouvernance économique et les méthodes de
gestion replacent l’homme au cœur du fonctionnement de l’entreprise - et qu’elle assure un
réel ascendeur social par le biais de la promotion interne, ainsi qu’un écart des salaires par le
biais de la participation aux résultats de l’entreprise – il est important de signaler que la
29
Martine Robert, « Cheque Déjeuner : l’entreprise où il fait bon travailler », Les Echos, N°21135, 1er mars 2012, Paris, 8 pages
70
croissance de l’entreprise se fait plus lentement et sa réactivité est moindre. En effet, si cette
organisation fonctionne, c’est car les dirigeants forment pendant longtemps leurs salariés à
cette culture d’entreprise et à cet état d’esprit. Le licenciement devient difficile pour ces chefs
d’entreprise. De plus, les SCOP disposent aussi d’une autre limite, on constate bien souvent
une inégalité entre ceux qui sont salariés associés (actionnaires pouvant participer à
l’assemblée générale) et ceux ne pouvant pas car ils ne détiennent pas du capital de
l’entreprise.
Toutefois, l’entreprise Groupe Déjeuner est un bel exemple de SCOP qui a réussit et où les
salariés sont contents de travailler, voir fiers de leur entreprise. Ce modèle d’organisation du
travail a donc de beaux jours devant lui, puisque même les politiques et les chercheurs
comment à s’intéresser à ces questions. Pour le directeur de l’entreprise Chèque Déjeuner, les
politiques voient là un nouveau patriotisme économique à soutenir et à favoriser, puisque la
majorité des salariés sont actionnaires et les réserves financières restent la priorité des
entreprises.
Pour conclure cette dernière partie, l’exemple de l’entreprise Chèque Déjeuner montre
bien que la pratique vérifie bien que si on augmente la participation des salariés au sein
de l’entreprise (consultation de l’information, participation aux résultats, prise de
décision), le bien-être en son sein s’accroît, ainsi que la performance économique et les
conditions de travail s’améliorent. Basée sur un rythme de développement plus lent,
mais plus solide, les SCOP viennent remettre en cause la vision de croissance rapide et
rentabilité toujours plus forte au sein des entreprises. L’objectif n’est plus de développer
rapidement l’activité de l’entreprise, mais bien de construire ensemble un projet
économique viable et durable qui permettrait l’épanouissement personnel et
professionnel des salariés. Modèle d’entreprise déjà développée en France, les SCOP
vont encore évoluer d’ici les prochaines années et vont gagner en notoriété, puisque ce
n’est plus seulement un enjeu économique et social, mais bien politique.
71
CONCLUSION
Loin d’établir un constat alarmant sur une situation française désastreuse, par rapport aux
conditions de travail, cette étude cherche à montrer qu’il y a un mouvement de renouveau -
une dynamique nouvelle - qui se met en place au sein de la société française et qui incite les
entreprises à repenser la cohésion sociale au sein de ces structures, à repenser les relations
entre les salariés et les dirigeants. Le stress au travail en France est bien le signe d’un profond
mal-être des individus par rapport à l’organisation du travail et à leur place au sein de
l’entreprise. Face à un monde du travail qui ne correspond plus à leurs attentes, les salariés
désirent davantage de communication interne, mais désirent aussi de pouvoir participer à la
gestion de l’entreprise et à ses résultats. C’est bien le rôle et la place du salarié que doit
repenser l’entreprise, face à une augmentation du stress au travail et des situations de bien-être
au travail qui se font ainsi plus rares. Pour répondre à la question posée au départ :
l’organisation du travail et la communication interne ont bien un rôle à jouer pour améliorer le
bien-être des salariés et leur satisfaction par rapport au travail. Les nouvelles méthodes de
management insistant sur la participation des salariés à l’entreprise et sur la transparence des
informations, ainsi que sur la circulation des informations, améliorent la performance
économique de l’entreprise, d’autant qu’elles améliorent sa performance sociale.
Le mémoire montre ainsi que le stress au travail permet d’indiquer aux dirigeants la présence
de failles organisationnelles au sein de l’entreprise. Failles qui sont présentes en raison du
manque de communication, de participation des salariés et d’une organisation qui reste donc
cloisonnée, ne répondant plus aux exigences de l’individu. Dans une période où l’individu
souhaite se réaliser personnellement par le travail, il accorde ainsi beaucoup d’importance à
celui-ci, car il se fait rare en dépit de la crise économique, il est donc nécessaire de repenser le
modèle d’organisation du travail. Après avoir étudié les différentes formes de participation
des salariés à l’entreprise, présentes en France, nous nous sommes aperçus qu’il y avait un
vide autour de ces notions. La participation des salariés à l’entreprise en France, ne passe en
effet que par la participation aux résultats. La consultation des informations et la participation
aux décisions, ne sont pas assez représentées en France, et les méthodes pour parvenir à ces
modes de participation ne sont pas efficaces. La génération Y représente bien ces individus en
quête d’une nouvelle organisation du travail qui répondrait plus à leurs attentes en termes de
participation et de communication interne.
72
Certains pays européens sont d’ailleurs plus en avance que la France sur ces questions,
comme les pays anglo-saxons, le Danemark, la Suède ou les Pays-Bas. Favorisant la
participation des salariés au sein de l’entreprise au niveau décisionnel et actionnariale, ainsi
que la formation des salariés tout au long de leur carrière, ces pays enregistrent de meilleurs
résultats quant à la satisfaction des salariés par rapport à leur travail ou quant aux taux de
salariés stressés par leur travail. La solution ne serait donc pas de favoriser la mise en place
d’un type de structure de travail ou un d’un modèle d’organisation de l’entreprise, mais bien
de favoriser l’apparition et l’utilisation courante de certaines pratiques professionnelles qui
pourraient ainsi améliorer les conditions de travail. Par le biais de ces pratiques
professionnelles, le salarié ou l’humain serait remis au cœur de l’organisation. Le but ne serait
plus uniquement sa fonction ou sa mission à réaliser, mais bien son épanouissement par le
développement de son potentiel et de ses compétences.
L’exemple de l’entreprise Chèque Déjeuner nous a permis de voir que dans la pratique, la
participation des salariés aux décisions de l’entreprise et son intégration renforcée en son sein,
améliore la performance économique de l’entreprise. En effet, l’entreprise Chèque Déjeuner
est n°3 mondial sur l’émission de titres ou de chèques. Toutefois, il faut que le dirigeant
d’entreprise accepte que son entreprise se développe plus lentement, qu’il investisse dans des
processus de formation pour les salariés, et qu’il forme bien les salariés aux valeurs
collectives et coopératives de l’entreprise. Présente sous la forme d’une société coopérative et
participative, l’entreprise allie les trois formes de participation. Toutefois la participation des
salariés aux décisions de l’entreprise reste inégale, car les salariés associés détenant une part
du capital de la société sont majoritaires et favorisés par rapport aux autres.
On s’aperçoit alors qu’il est nécessaire de favoriser l’apparition de certaines pratiques
professionnelles afin de replacer le salarié au cœur de l’organisation de l’entreprise et ainsi
contribuer à diminuer les risques psychosociaux au sein de la structure. Voici quelques
perspectives d’amélioration :
- Réaliser une enquête officielle par le gouvernement sur les conditions de participation
des salariés à l’entreprise en France et sa réalité sur le terrain afin de faire un état des
lieux général de la situation
- Proposer une définition claire du concept de participation des salariés
73
- Favoriser l’intégration et l’utilisation des trois axes ou formes de participation des
salariés : participation aux décisions, participation aux résultats, consultation et
circulation de l’information au sein de l’entreprise
- La participation des salariés aux décisions de l’entreprise ne doit pas être réservée
uniquement aux salariés associés ou actionnaires
- Etablir un cadre légal de la participation en entreprise en France afin de fixer objectifs,
conditions, applications et limites
- Favoriser également la formation et la promotion interne en entreprise
- Créer une structure nationale qui aiderait la création d’entreprise de ce type
L’ensemble de ces solutions proposées ne représentent qu’un éventail restreint des
améliorations que l’on pourrait apporter aux méthodes de management en entreprise. Le plus
dur étant le changement de mentalité et de vision de l’entreprise par la société, le changement
donc qui reste le plus difficile à mettre en place. « Qu’il s’agisse d’organisation du travail,
d’amour ou de loisir, une des particularités de la génération Y est son fonctionnement très
«horizontal» »30
. Doit-on nous attendre ainsi à des évolutions futures de l’organisation du
travail et des méthodes de management, face à une génération - et à des salariés - qui sont en
demande d’une gouvernance démocratique et critique de l’entreprise ?
30
Julien Pouget, La génération Y travaille à l’horizontal, 2008
74
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PRESSE
De nombreux articles ont été consultés sur le stress au travail, l’organisation du travail, la
communication interne et les SCOP dans le cadre d’une veille informative : Le Monde, L’Express,
Challenge, Stratégies, Le Point, Le Figaro, Les Echos…
On peut citer les trois plus importants, dans le cadre du mémoire :
Anonyme, « France Telecom : un rapport dénonce une organisation du travail sous-
tension », Le Monde, 21 mai 2010, http://www.lemonde.fr/
Jean-Paul Bailly et Sandra Enlart : « L'entreprise est un acteur engagé de la cohésion
sociale », Le Monde, Paris, 24 octobre 2011: (http://www.lemonde.fr)
76
Martine Robert, « Cheque Déjeuner : l’entreprise où il fait bon travailler », Les Echos,
N°21135, 1er
mars 2012, Paris, 8 pages.
SITOGRAPHIE
Site de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (OSHA) :
http://osha.europa.eu/fr
Site du Code du Travail français : http://www.legifrance.gouv.fr/
Site de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail
(EUROFOUND) :
http://europa.eu/legislation_summaries/employment_and_social_policy/employment_rights_a
nd_work_organisation/c11111_fr.htm
Site de l’INRS (Institut National de la Recherche et de la Sécurité au travail) :
http://www.inrs.fr Site des Sociétés Coopératives et Participatives : http://www.les-scop.coop/sites/fr/
Anonyme, « Europe de l'emploi et politique sociale », Toute l’Europe.eu,
http://www.touteleurope.eu/fr
Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/
77
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ........................................................................................ 7
PREMIERE PARTIE .................................................................................. 13
CONSTAT DU STRESS ET DU MAL-ÊTRE DES SALARIES AU
TRAVAIL EN FRANCE : LE NOUVEAU MAL DU SIECLE ? ................ 13
1. ORIGINE, CAUSES ET DEFINITIONS DU STRESS AU TRAVAIL .................................... 13
1.1 Qu’est-ce que le stress au travail ? ......................................................................................... 14
1.2 Quelles sont les causes du stress au travail ? ......................................................................... 17
1.3 Quels sont les effets du stress au travail pour la société dans son ensemble ? ....................... 19
2. EXISTE-T-IL DES MOYENS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LE STRESS POUR LES
ENTREPRISES ? .............................................................................................................................. 22
2.1 Evaluer les risques de stress au sein des entreprises .............................................................. 24
2.2 Les moyens de prévention et de résolution du stress en entreprise ......................................... 27
3. LA COMPARAISON AVEC D’AUTRES PAYS EUROPEENS : LES PAYS D’EUROPE DU
NORD, MIEUX CLASSES QUE LA FRANCE POUR LE BIEN-ÊTRE DES SALARIES AU
TRAVAIL? ........................................................................................................................................ 29
3.1 L’action de l’Union Européenne : une action juridique et réglementaire importante ............ 30
3.2 Une comparaison difficile suite à des modèles sociaux et économiques différents ................. 34
DEUXIEME PARTIE .................................................................................. 43
LE RÔLE DE L’ORGANISATION DU TRAVAIL ET DE LA
COMMUNICATION INTERNE POUR AMELIORER LES
CONDITIONS DE TRAVAIL : VERS UNE ENTREPRISE
COOPERATIVE ET PARTICIPATIVE ? .................................................. 43
1. DEFINITIONS ET RÔLES DE LA COMMUNICATION INTERNE ET DE
L’ORGANISATION DU TRAVAIL : UNE PERCEPTION DU TRAVAIL ET DU BIEN-ÊTRE
DES SALARIES DIFFERENTE ....................................................................................................... 43
1.1 La communication interne gagne en importance : enjeux et paradoxes de son utilisation. .... 43
1.2 La communication interne : un outil du management ? .......................................................... 46
2. VERS UNE ENTREPRISE COOPERATIVE ET PARTICIPATIVE ? .................................... 50
2.1 La participation en entreprise : définitions et enjeux .............................................................. 51
78
2.2 La France pionnière de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise................ 54
2.3 Le-sous développement français de la participation des salariés aux décisions stratégiques de
l’entreprise .................................................................................................................................... 57
2.4 Vers un nouveau modèle de participation des salariés ? ........................................................ 58
TROISIEME PARTIE ................................................................................. 62
LE GROUPE CHEQUE DEJEUNER : EXEMPLE D’UNE ENTREPRISE
QUI INVESTIT DANS L’HUMAIN ET LE SOCIAL ................................ 62
1. PRESENTATION DE L’ENTREPRISE : UN GROUPE COOPERATIF ................................ 62
1.1 La construction de l’entreprise : retour sur une conception collective du travail .................. 62
1.2 Qu’est-ce qu’une SCOP : avantages et limites ....................................................................... 64
2. « UNE ENTREPRISE SOCIALE OU IL FAIT BON TRAVAILLER » ................................... 67
2.1 Une structure solide qui résiste face à la crise économique ................................................... 67
2.2 Une entreprise où les salariés aiment venir y travailler ......................................................... 69
CONCLUSION ............................................................................................ 71
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................... 74
TABLE DES MATIERES ........................................................................... 77
RESUME ..................................................................................................... 79
79
RESUME
L’objectif de ce mémoire était d’analyser d’une part ; les raisons, les causes et les
conséquences du développement du stress au travail, et des risques psychosociaux au sein des
entreprises, mais de voir également les mécanismes mis en place pour prévenir, lutter et gérer
ce stress ; et d’autre part d’étudier le rôle que pouvait avoir l’organisation du travail et la
communication interne dans la gestion de ce stress au travail – comment donc ces deux
éléments pouvaient contribuer à favoriser de meilleures conditions de travail et donc un bien-
être des travailleurs.
Nous nous sommes aperçus à travers ce mémoire que le stress au travail n’est qu’un
révélateur d’une faille au sein de l’organisation du travail en France face à des salariés qui ont
des attentes différentes. De plus, la crise économique et financière a remis en cause la vision
des salariés au niveau de la hiérarchie et de l’organisation au sein de l’entreprise. Le stress au
travail déclenché surtout dans des situations où la communication est rompue au sein de
l’entreprise, mais aussi quand l’organisation de l’entreprise ne permet pas la libre circulation
des informations, est donc un indicateur de mal-être des salariés au travail. En étudiant le
développement du stress au travail et ses causes, il fallait ainsi s’interroger sur l’organisation
au sein de l’entreprise et la gouvernance de celle-ci – c'est-à-dire les méthodes de
management et de prise de décision. Les salariés sont de plus en plus en demande de
communication interne et de transparence de l’information. La communication interne n’est
donc qu’un outil de ce nouveau management qui remet l’humain au cœur des préoccupations.
S’appuyant sur des articles de presse, des statistiques et des rapports officiels, ainsi qu’une
étude de cas, nous avons pu constater que les mécanismes de participation et d’intégration des
salariés au cœur de l’entreprise existent bien en France, mais ne se sont pas développés
efficacement. Il faut donc revoir les méthodes de gouvernance des entreprises et intégrer tous
les dispositifs de participation. Dans une période où la « génération Y » commence à rentrer
dans le monde actif, la recherche d’un épanouissement personnel par le travail étant
importante pour eux, il se pourrait bien que les méthodes d’organisation de travail, et celles de
participation des salariés, évoluent encore…
Mots clés : stress au travail, organisation du travail, participation des salariés à l’entreprise,
communication interne, SCOP, gouvernance démocratique de l’entreprise, transparence de
l’information.
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