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1Gestion de l’entreprise d’assurance
Identification, quantification et
gestion des risques en assurance
IntroductionVersion 1.3
Janvier 2020
Frédéric PLANCHETfrederic@planchet.net
2Gestion de l’entreprise d’assurance
L’activité d’assurance présente un certain nombre de caractéristiques spécifiques :
- le coût d’un contrat pour un assuré donné étant par nature aléatoire
(l’incertitude affecte aussi bien la survenance éventuelle d’un ou plusieurs sinistres que
leur coût), l’appréciation des engagements pris par l’assureur n’a de sens que
globalement, au niveau d’un portefeuille de polices ;
- le décalage temporel entre la perception de la prime et le règlement du sinistre
impose la constitution de provisions, qui matérialisent au passif du bilan la dette de
l’assureur envers les assurés ;
- ces provisions doivent être couvertes par des actifs de valeur suffisante afin
de permettre, le jour venu, d’effectuer le règlement des prestations dans de bonnes
conditions.
On en examine ci-après les conséquences en termes de gestion des risques.
Cette présentation s’appuie sur le ch. 4 d’EWALD [2013].
Préambule
3Gestion de l’entreprise d’assurance
SOMMAIREGestion des actifs et
des passifs
1. Identification et financement des risques
2. Quantification des risques
3. La gestion actif / passif
4Gestion de l’entreprise d’assurance
Le cadre (idéalisé) de référence de l’assurance est construit autour de la notion de
mutualisation : si une collectivité de N risques de coût unitaire (aléatoire) C indépendants
les uns des autres se trouvent rassemblés et que chacun d’eux se réalise avec une
probabilité p, alors le coût global S de l’ensemble des sinistres est de l’ordre de
où m est la valeur moyenne de C.
La théorie des probabilités fournit également des outils pour quantifier les fluctuations
autour de cette valeur.
On peut remarquer que le point essentiel est ici l’indépendance des risques, les
caractéristiques propres de chaque assuré (ici p et m) peuvent être différentes d’un
assuré à l’autre sans modifier fondamentalement le propos.
S p Nm=
1. Identification et financement des risques
5Gestion de l’entreprise d’assurance
Il s’agit à présent d’identifier les éléments qui vont venir perturber ce schéma idéalisé et
générer les risques que l’assureur devra gérer. L’identification de ces éléments est assez
directe :
- N étant grand mais pas infini, l’assureur devra majorer légèrement la prime p
pour tenir compte des situations dans lesquelles la charge effectivement constatée
s’avérerait supérieure à sa valeur espérée ;
- p n’est en général pas connu et doit donc être estimé (de même que le coût
unitaire du sinistre), estimation entachée d’une erreur ;
- entre le moment où l’assureur perçoit la prime et le moment où il règle le
sinistre, il place les fonds récoltés et se trouve donc confronté à un risque financier,
risque associé à une perte de valeur du capital placé ;
- certaines circonstances peuvent conduire à remettre en cause l’hypothèse
d’indépendance entre les assurés (par exemple une tempête qui endommagerait
l’ensemble des habitations d’une région donnée au même moment).
1. Identification et financement des risques
6Gestion de l’entreprise d’assurance
Enfin, on doit compléter cette liste de risques « techniques » en observant que l’assureur
est exposé à des frais pour la gestion de son activité et qu’une sous-estimation de ce
poste de charges peut également le mettre en difficulté.
Un examen attentif des écarts par rapport à la situation idéalisée présentée ci-dessus
montre que les déviations par rapport à l’équilibre qu’ils génèrent ne se mutualisent pas.
Elles constituent donc des risques systématiques, dont les impacts sont d’autant plus
importants que le portefeuille est important, qu’il conviendra de quantifier avec précision,
sous peine de remettre en cause la solvabilité de l’organisme d’assurance.
1. Identification et financement des risques
7Gestion de l’entreprise d’assurance
Le financement des risques : les provisions
La contrepartie financière des engagements pris par les assureurs est matérialisée au
passif du bilan par des provisions, dites « provisions techniques » dont la vocation est de
fournir des ressources suffisantes pour régler les sinistres et les frais associés. Les
ressources destinées à constituer les provisions sont, dans le cadre d’une bonne gestion
des risques, apportées par les assurés via les primes.
Les provisions techniques constituent l’essentiel du bilan d’un assureur (notamment en
assurance vie). Elles sont en pratique composées de provisions directement associées
aux prestations à régler et de provisions globales qui viennent les compléter ; ces
dernières ont pour objectif de participer à la solvabilité de l’organisme assureur et sont
chacune associées à un risque particulier en général de nature globale auquel est
soumis l’assureur : risque de placement (provision pour dépréciation à caractère durable,
etc.), risque opérationnel (provision globale de gestion), risque de fluctuation anormale
de la sinistralité (provision d’égalisation), etc.
1. Identification et financement des risques
8Gestion de l’entreprise d’assurance
Le financement des risques : les fonds propres
Au-delà des provisions, la réglementation exige que l’assureur dispose de capitaux
supplémentaires destinés à absorber les pertes associées à un certain nombre de
situations adverses particulièrement sévères, les fonds propres.
Ces fonds propres constituent une dette vis-à-vis de l’actionnaire qui les apporte et en
attend une rémunération.
1. Identification et financement des risques
9Gestion de l’entreprise d’assurance
SOMMAIREGestion des actifs et
des passifs
1. Identification et financement des risques
2. Quantification des risques
3. La gestion actif / passif
10Gestion de l’entreprise d’assurance
L’appréciation de la situation économique d’un assureur nécessite donc en pratique la
mesure des différents risques décrits précédemment pour en déduire le montant des
provisions ainsi que celui du niveau minimal de fonds propres qu’il doit détenir.
Cette mesure peut être effectuée de différentes manières et l’assureur est en pratique
confronté à une multiplicité de référentiels (réglementaire, comptable, financier), chacun
ayant sa logique propre pour l’appréciation des conséquences financières des risques
portés.
De manière plus précise, les principes déterminants l’évaluation des actifs et des passifs
sont fixés de manière conventionnelle par chaque référentiel en fonction de ses objectifs
et de l’opinion de ses promoteurs quant à leur capacité à fournir une image fidèle de la
situation de l’assureur à un moment donné.
2. Quantification des risques
11Gestion de l’entreprise d’assurance
Le référentiel Solvabilité 1
La réglementation en vigueur jusqu’en 2015 imposait un principe très général
d’évaluation « prudente » des engagements, qui passe par le choix d’hypothèses de
calcul tendant à majorer l’évaluation des charges de sinistres et donc des provisions
constituées (article R331-1 C. Ass.). Concrètement, il s’agit donc de retenir des valeurs
de p et de m plus grandes que les vraies valeurs (inconnues) de ces paramètres.
Les provisions sont complétées dans des fonds propres dont le niveau minimal
(dénommé exigence de marge de solvabilité ou EMS) est strictement défini. L’article
R334-1 C. Ass. pose que toute entreprise d’assurances « doit justifier de l’existence
d’une marge de solvabilité suffisante relative à ses activités sur le territoire » et la
réglementation précise les éléments qui constituent cette marge (articles R334-3 et
R334-4 C. Ass.) ainsi que les méthodes de calcul (article R334-5 C. Ass.).
Enfin, l’actif du bilan est évalué sur la base des coûts d’acquisition des actifs, avec le cas
échéant la prise en compte au passif de provisions pour dépréciation afin de refléter
d’éventuelles moins-values durables.
2. Quantification des risques
12Gestion de l’entreprise d’assurance
Le référentiel Solvabilité 2
Le dispositif prudentiel Solvabilité 2, applicable aux organismes assureurs à compter du
01/01/2016, est le fruit d’une réforme réglementaire européenne et dont les aspects
quantitatifs sont régis par deux principes majeurs :
- l'évaluation « économique » des actifs et des passifs , selon des logiques proches de
celles prévalant dans le cadre de l'élaboration des normes IFRS ;
- un montant minimal de fonds propres à détenir déterminé de sorte que la probabilité de
ruine à l'horizon d'un an soit au plus égale à 0,5 %.
2. Quantification des risques
13Gestion de l’entreprise d’assurance
Le référentiel Solvabilité 2
Le cadre d’évaluation économique imposé par Solvabilité 2 conduit de fait à analyser les
engagements en fonction de deux critères structurants :
- risques mutualisables / risques non mutualisables ;
- risques couvrables / risques non couvrables.
Du point de vue technique, le processus synthétique de valorisation d’une suite de flux
qui en découle est le suivant :
Ce processus a des implications potentiellement importantes dans la mise en œuvre de
la gestion des risques ; il conduit en effet à retenir comme provision pour un flux
répliquable la valeur de la réplication.
( )0 1
j
jj
j
F
R
=+
( )A FP QPT E RM= +
2. Quantification des risques
14Gestion de l’entreprise d’assurance
SOMMAIREGestion des actifs et
des passifs
1. Identification et financement des risques
2. Quantification des risques
3. La gestion actif / passif
15Gestion de l’entreprise d’assurance
Afin de décider de la composition optimale de son actif, l’assureur doit effectuer une
analyse prospective lui permettant de projeter les flux financiers issus de la gestion de
l’actif et de les mettre en regard de l’estimation des flux de passif que celui-ci doit
financer. C’est le champ de la gestion actif / passif ou gestion ALM.
Le mécanisme de base de cette analyse consiste à rechercher l’actif reproduisant au
mieux les flux anticipés du passif. Dans le cas idéalisé où le flux de prestation à servir à
la date T serait parfaitement connu, il suffirait ainsi de disposer d’une obligation zéro-
coupon de maturité T pour être en mesure de régler le flux à l’échéance.
Mais cette réplication des flux de passif par l’actif n’est pas possible parfaitement et doit
être réalisée de manière approximative.
3. La gestion actif / passif
16Gestion de l’entreprise d’assurance
L’assureur a intérêt à placer ses réserves à un taux aussi élevé que possible de sorte
que les produits financiers dégagés allègent d’autant le montant de l’actif à mettre en
représentation des provisions techniques à la date de l’inventaire.
La mise en œuvre de ce principe se heurte toutefois aux difficultés suivantes, qui sont
autant de risques que l’assureur doit gérer :
- lorsque le rendement d’un actif est plus élevé, il est également plus risqué ; la
volonté d’augmenter le rendement de l’actif fait donc naître une incertitude sur le
rendement, aléatoire, des placements ;
- le raisonnement ci-dessus implique que le montant du flux à honorer à la date
T est connu à l’avance, ce qui n’est en pratique pas le cas : ce flux, issu en général
d’évaluations statistiques est entaché d’une incertitude.
3. La gestion actif / passif
17Gestion de l’entreprise d’assurance
Une illustration simple (voir le section 5.2 de ce support)
On considère un exemple simple dans lequel l’assureur, pour faire face au règlement
dans un an d’un passif de montant unitaire (certain) peut investir son actif dans un actif
risqué et un actif sans risque. Il doit respecter la contrainte sur la ruine économique
imposée par Solvabilité 2.
0,00%
10,00%
20,00%
30,00%
40,00%
50,00%
60,00%
70,00%
80,00%
90,00%
100,00%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
110%
120%
130%
140%
150%
160%
170%
180%
190%
200%
Taux de couverture
Part
d'a
cti
f ri
sq
ué
0,00%
0,10%
0,20%
0,30%
0,40%
0,50%
0,60%
Pro
bab
ilit
é d
e r
uin
e
Part d'actif risqué Probabilité de ruine
( ) ( ) ( ) ( )
( )
1
1
1max exp exp
Pr
E W r
W K
pp m p
= + −
0r
W
Ke −=
L’assureur va choisir ici son
allocation en fonction de sa
richesse :
Le programme d’optimisation
considéré est le suivant :
3. La gestion actif / passif
18Gestion de l’entreprise d’assurance
Le cas particulier de l’assurance-vie
les engagements pris par l’assureur sont déterminés par les performances passées de
son actif, performances mesurées au travers du dispositif comptable en vigueur.
Générateur de scénarios économiques
Evaluation des provisions mathématiques avant revalorisation et des provisions financières S1
Calcul de la participation aux bénéfices
Revalorisation des provisions mathématiques
Itérations sur la
durée de projection
Itérations sur les
scénarios économiques
( )( )
( )
1 1 1
1
1 0
A F
N T At n a t n a t n a t n a
tn t a
n
P Q
N
Flux Cotisation Frais ChargementBEL
N R t
E
= = =
→
− + −=
+
→
, , , , , , , ,
,
3. La gestion actif / passif
19Gestion de l’entreprise d’assurance
La fonction sociale et économique de l’assurance est de concentrer des risques
mutualisables et de permettre ainsi aux agents économiques de limiter les
conséquences financières d’évènements adverses. Cela amène l’assureur à devoir
identifier, évaluer et gérer les risques pesant sur son actif et son passif afin d’assurer sa
solvabilité en conformité avec les dispositions réglementaires et les objectifs
économiques qu’il poursuit.
Pour cela il convient de distinguer les risques mutualisables, dont la dangerosité diminue
avec la taille du portefeuille des risques systématiques, dont la dangerosité est
indépendante de la taille du portefeuille.
L’enjeu est dès lors pour l’assureur de mettre en œuvre les techniques de quantification
et de gestion adaptées pour la mesure des engagements au passif, des incertitudes sur
la valeur de l’actif et enfin de la coordination entre l’actif et le passif, dans un cadre
coordonné
Conclusion
20Gestion de l’entreprise d’assurance
EWALD F. (Éditeur) [2013] Gestion de l’entreprise d’assurance, Collection : Management Sup, Paris : Dunod.
LEROY G., PLANCHET F. [2011] « Quelques problématiques associées au partage des risques. », la Tribune de l’Assurance
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LE VALLOIS F., PALSKY P., PARIS B., TOSETTI A. [2003] Gestion Actif Passif en Assurance Vie - Réglementation, Outils,
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Références
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