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ECHANGES N° lOG- Automne 2003 - - 3 euros
bulletin du réseau ' « Echanges et tnouvcment »
Grande-Bretagne. Au départ des vacan ces, GREVE SAUVAGE à 1 'aéroport
d'H eathro w, p. 3 +Le droit de g rève au Royaume-Un i, p . 4 + Les
man ife stat ions an ti-guerre au Royaume-Uni, p .9 +ALLEMAGNE. Après la grève
de la métall urgie dan s l'ex -Allemagn e de l 'Est, p . 13
+EsPAGNE. Le mouvement anti -guerre : autocélébrati on
de l'impu issance (suite et fin), p. 19 +
Dans les publicat ions Etat s-Un is, Amér iqu e latine, e tc., p. 26
CorrcspondaiJce. Luttes pour le loe ement en Seine-Sa int -Den is, p. 32 +
CRITIQUE MORALISANTE et lutte de classe: réponse de C l. B. , p. 35 + Du pha ll us
et du mouvemen t, p. 36 + Kouchner aux Etats -Unis; sur le mouvement ;•n ti
guerre, p. 36 + Quell e histo ire ? Réponse de G . S.
à pro pos des groupes PIC ET VOLON TÉ COMMUNISTE, p. 37 + Co ll ega men ti
Wobbly, p. 4 1 +Lettre Je Russ ie : des l iens en tre le PMO ct le CCl, p.42 +
Après les illlus ion s su r le« sect eur public)) en Suède, p. 43 + La
correspondance est-elle u ti le?, p. 44 + Du parti, toujou rs .. . , p. 4 5 + Ques ti ons d 'ARCHIVES : S ou B, 1 'expér ience ouvrière, les Italiens,
les autonomes ... , p. 54
Théor ie. TRAVAILLER POUR LA PAIE, de Ma rt in G labcrman et Seymour Faber.
3 : La vie au trava il (su ite ct fin), p. 57 + L'idéologie de l'« ÉCOLOGIE
POLITIQUE »ct du « citoyenni sme )), p. 66 + Ce que fu t le« Nouveau
Mouvemen t >> ; un po int d ' histo ire , p. 69
Dans les pub li cations, p. 72
I l
ÉCHANGES Bul letin du réseau « Echan ges et mouvement »
pou r abonnement, informat ions et correspondance:
BP 241, 75866 Paris Cedex 18, Fra nce
Sur Internet : htt p ://w ww .rn ondia li sme.org
Abon 11 ement : 15 e uros pour q ua tre numéros
e t les brochures pu bl iées dans l' année .
J )Rl~SENTATION
l "<· lll HII t:ro 106 . couuue t:utf d ' nutres , esltul peu le témo i .~;unge d'lUte impu i ssru~te eu égard à ce que uous
Jl üll\·on,; projdn. tu égm·d il ce que 11ous pourrio ns fai r e. Il ne s' agit pas ici d e ressasser des p laintes sur
lill> uudtipl t s t:i d " ·" t<ulf ptl"SOlUld les qu t po lit iques, le tnrulque de lemps, le IIIWt<JUe d' ru·gent, etc .. .
t'tmu H(· t01d our8. l'e stHif l(·s t,·é- ut uH·uls eux-u aê-mC' s, le rotu ·s de 1 ·Histo ire pom· employer Jes grrutrls 111ots.
qui ,.it·lu l<·llf bouscultr ri ré or ieuf er les p roje ts el les me i ll e1u·es intent ions. C ' est ai11si que les proj ets
., hi stor iques " (brodn u·ç ;: w r l ' autoL iog.n•phie Dayousi-Chazt ou sur !CO el les s itus) se trouvent quelque
f'U I rd t:;n~·::; pnr <k~ lro:n·\ nl~ ~ur dt .s ttd ua l it t-s p lu.s bnllmtlts { tt.\:tt s stu· Ja PaJc:=.:tiue, s •u· I' .A.rg tutiue, sur
k ~ .:;rt\ ~· :::tl~· mal -_iu iu 2003 . sur l ' Europe dt' la d étènse , etc .. ).
fi'""'' para it sip tilit·at if qu 'il y ni l global e111ent, ~ ~ bien que mod este ment, tu1 renouveau d ' inlérê t pour la
ri- tl~" i on d 1 'mwl)"'t· JH •Iitiq••es td le tJilt uo w; p om·ous la mener. Cela enlntînt un acnoiss~meut - a ussi
l(>rl """''"'ft - d t· ., i·c han ~es aulour d t n que nous publions. Nous ne nous en p laignons J.>ilS ma.i s
n· t' ( 1 1m o li ~:-; lH I S cpu.· c d a u rlraiu t· aus~ i non SC'll h·meut uue plus F.l'atlde diffilii Îon de nos publ i( i:dJons ( rlooc 1111
plus { J lll ld tra va il Jll ati·riel) mais ega lelll\"111 1111 acno iss t uleul de la con esp oudanre. Nous avons déj à
npl i<tnt ci ao " le n" 1 O:'i l ' i111porlru1re que nous ncronlions li cet érhllllf t de correspondm1œ. S i d ' tut côté
rd i-r ha11;:t uo1o.o p<·mott d "appori <·r de;; écbirc issemtll!S notmlllllelll sur le passé politi que ( le notre d ce lui
d t lt>n< n ·u:.. 'l" i "" >llnl 11 ou ,· ~ s ÎIIIJ)Ii q llc's dan$ nue aciÎ\' ilé po lilique ), il uons ronh·aiu t au<si de 1ucftre uos
idüs el po-; itions it ! ' ~preuv e du prés ent d de l ' évolut ion du système cap ital iste te lle que la sub issent
ch;uuu " "" " h· quutid im dt l 'c:..p loit a tiou d d~ la v ic.
Nou . ...: jl<JIIVlHI:{ i·trt a i u~ i aut tll i-S. ~O U\ \· U f t il ré-pons e à <ks qut·stio ts pri·cises, à évoqutr de mau i èrt plus ou
I J1 oi u ~ tld ai lli· e t'<· que li lr<' lll dt s ndtvité ~ Hu rours dtB cin<pmnk rlcn ti f re s ru utêes. Ce qui p eut soulever
<k ; po l i· m ique~ par lo i:s <" Il ra ison de sus replibi lit t's p c-r;;onnellcs sur lUt tcn ·ain que nous vomh"i on~ év iter
JIJ <Ü ~ qui t nh ai tH: rtf d t ~ acnl ::>tttiou~ dt ctu~tu t' s i nous l tnfons de les éludt r.
lr ti iui ll l<"lll pl11.; impo1t a111o >out 1~ • dtbab thfor iquc s p lus ::énhaux qui peuvent ains i sw·gir pres que au
ha .... :IJ d d ' 111tt p r(· ~ ~·u t a t iou lHI d 'uue c n,Te spoltd;:utct. Cr ttc (Ois, alors que no us vourlrtous y consacrer tule
pl ar c ù la m<·>•"• de llut<:'rè t q ue nous le1u nccordous, c ' estl n place qui nHu1que cur pru1à is, de tel ; débats
po11rr;u<·11f n<'a>>ikr 1111 1111111<'ro enl ie•· de la l't \llc. C' est ains i que nous nvolls laissé d e r ôfé la r~ponse à
tll &t· ( riti qu<· dt: la IH '{lc llurt sur lt· (.' on ·ê spuudrure~t: Chaulieu • Pmutekoek ou ln répouse d t: ..:.: Prospt i' l> ,
rt'l ll t ~l h ond;mc i :-. l l' . ;i t lltt prl- ~eula i Ù.1 11 crit iqu e- de leur travni l. Nous avons peusé à tn !~l i re. lUle broduu·e
s pécia le.
t'ar cc:ll(· " iu'' '~ i on ~. ~ JH>t u· lnf{n·~~mtlf' daus ce qu'tllt mar que eu égard à notrt activ ité, nous contra int
'Jlld quc peu ù rd i·ptc rl es aua lys t·s de la lulle de da:;se p r~:;enfe, qui est tl re ste le centre de notre intüêl :
par t•\l"ll lplt-. ce lllll ll i-ro ue couli<ul pas <les :u·ticles lléj à prèls s •u· des grèves récentes illlp011mtfes clans la
Cori·c elu Sud. sur le Brési l ct le role r enouvelé d e la socia l-démocratie , sm· l ' inversion des
d i·lora lisrtt ions awc le s lr:UI ~ fonnations ( t l la lé);a li sation des coudilions d 'e"plo itar ion des travai ll eurs
i·kau~<: r.-. ln F uro pt- . JI . .;; ~ <· r ·o u t dan~ le prod1ainwuu~ro .
1 t · . ....: ;lhonu(·~ ù 1:\:han~e s n · l' t: \ Tou t avec cc- mu uéro une nouvdle Lro clnu·e de préseutat iou ( et p lus fard lUI
iudt :< tl.- ,; pr inripau'-. arti dc s d "Edtan_,;c,) dun nouveau munéro d e ,, D<uts le 1\-loudc 1u1e dass e en lull e »
BROCHURES DISPONIBLES
l'résentation du réseau« F.changes e t mouv ement »
(Echanges ct mouvemen t, septem bre 2003 , 1,50 euro)
Les grèves en France e n mai-juin 1968, Bruno As tar ia n
(Echanges et mouvetnen t, mai 2003, 3,50 euros)
Hum anisme et soeialism e/Humanism and socialis m , Pa ul Mattick
(Echanges et mouvemen t, mai 2003, 2 euros)
L'Argentine de la paupérisation à la révolt e. U ne avan cé e
vers l'autonomie (Echa nges et mouvement, juin 2002, 2, 50 euros )
Correspondance 1953- 1954,
l'lerre Chaulieu (Cornélius C astorladis)-Anton l'annekoek , présentation
et commen tai res d'Henri Simon
(Ec ha nges et mouvement, septembre 200 1, 2 euros)
l'our une histoire de la résistance ouvriè r e a u travail. Paris
et Barcelone, 1936-1938, Michael Seidman
(Echanges et mouvement , mai 200 1, 1,50 euro)
Fragile prospérité, fragile pa ix sociale. Notes
sur les Etats-Unis, Curtis Pri ee (Echanges e t mou vement , fév ri er 2001, 1,80 c::uro)
La Sphère de circulation du ca pital, G. Bad
(Echanges et mouvement, octobre 2000, 1,50 euro)
Les Droits de l'homme bombardent la Serbie. G. Und (Edt <J nges
et mouvemen t, octobre 1999, 1,50 euro)
Entretien avec l'aul Mattick J r ., réal isé par Jlannu Rc im e en novembre 1991.
Ed. bi li ngue (Echanges et mouvement, sep tembre 1999, 1,50 euro)
· Pourquoi les mouvements ré volutionnaires du passé
ont fait faillite. - Grèves. - Par ti et classe. T rois tex tes d 'Anto n Pannekoek
précédés de : Le Groupe des communistes l n ter natlonali sh~s '
de Ho ll and e, par Cajo Brendel (Echanges et mouvement , avril 1999, 1,50 euro)
E nqu ête su•· le capitalisme dit triomphant, Claude Bit ot (Ecl.ang.:s
e t mouvement, janvier 1991J, l ,50 euro)
La Lutte d e classe en France, novembre-d écembre 1995. (Echanges
e t mou vement , mars 1996, 1,50 euro)
Les Internationalistes du << troisième camp » en F rance
pendant la seconde guerre mondiale, Pi erre Lann eret (éd. Acratie)
Mals alors, et comment ? Réfl exions sur une sud été soc ial is te
(Echanges et mouvem ent, 1,50 euro )
Bilan d'une adhésion au l' CF. Un témoignage ouvrier en mai 68 ( ICO, 1,50 eu ro)
La Grève généralisée en France, mal-juin 1968. (I CO, jui llet 1968 , 2,20 eu ros. )
,___ ________________________ _ ÉCilAilGES 106 · AUTOM tŒ 2003 - 7 5
Bertrand Louart a pris la parole après les intervenants. Il publ ie aujourd 'hui luimême sous forme de brochure le texte remanié de son allocution, dans laquelle il cherche à relie r écologie et renversement révolutionnaire de la société industr ielle : Quelques élé
ments d'une critique de la
société industrielle suivi d'une Introduction à la ré
appropriation ... (juin 2003, 3,60 euros). + La revue Los Amigos de
Ludd s'attaque elle aussi dans son no 5 (mai 2003) à
quelques mythes répandus dans les sociétés capitalistes modernes : sur le travail ( « Esbozos sobre lasociedad del trabajo muerto , [Notes sur la société du travail mort], sur l'idée de progrès dans le milieu politique (« El mito del progreso, la abundancia y la tecnologla en el movimie nto anarquista , [Le mythe du progrès, l'abondance et la tech
nologie dans le mouvement anarchiste]), et les implications socia les du progrès technologique.
Aventures de la marchandise + Dans A Contretemps,
no 13, outre la critique de Negri (voir page 73),une lectu re du livre d'Anse lme
Jappe Les Aventures de la
marchandise.
Ce bulletin dispose désormais d' un site Internet : www.aco ntretemps.plusloin.org Courriel : a-contretemps@plusloin.org
Discussion Bulletin + Le n° 119, mal-juin 2003 est l'avant dernier numéro de Discussion Bulletin. Il contient notamment une lettre du. Marxlst Labour Party de Russie au CCl (en anglais) et une longue présentation du livre de Traven Trozas publié par I.R.Dee (en anglais) qui peut être obtenu auprès d'AK Press sur le site : http ://www.akpress .org/
La piraterie comme rébellion + Histoire cachée de l'Atlantique révolutionnaire : The Many Headed Hydra :
Sai/ors, Slaves, Comma
ners and The Hidden His
tory of The Revolutionary
Atlantic, de Peter Llnebaugh et Marcus Rediker' (Beacon Press, Boston). La pi raterie analysée comme une forme largement répandue de rébellion prolétarienne contre la brutalité du capitalisme naissant aux xvu• et xvm• siècles. Le travail des marins étant un maillon
74 - tCIIANGES 106 · AUTOMNE 2003
crucial de la production
" coloniale " et des échanges maritimes , qui joua un rôle capital dans l'accumulation capitaliste (en anglais).
Danger travail + " Attention Danger Travail, appel général à la désertion », dans un hors série no 1 de CQFD. Plus d'infos sur ce sujet dont les titres sont assez explicites sur le site : www.rienfoutre.org. La suite dans CQFD no 3.
SITES INTERNET + Dans Echanges n• 103, p. 36, sous le titre ec EtatsUnis •, le site de Loren Goldner est mal orthographié ; adresse exacte : http :1/home.earthllnk .netl-lr-goldner + http://www.leftdla.nllhome.htm écrire à: lnfoOieft·dls.nl • Engllsh Index : Philippe Bourrlnet, The Dutch and German Commun/at Left 1900-1968 (PDF format) +Tout de et sur Castorladls
{danstoutesleslangues) Agora International, 27, rue Froidevaux, 75014 Paris. Comellaa Castorladls/Agora International Website
http ;//www.agoralnternatlonal.org
J
GRANDE-BRETAGNE
GRÈVE SAUVAGE À HEATHROW
Le vendredl18 juillet au soir, c'est les vacances scolaires. Dans l'aéroport londonien, alors que commence un week-end d'Importants départs, une grève Inattendue éclate. Pendant trois jours, c'est le chaos. Plus de 500 vols doivent être annulés, plus de 100 000. passagers restent bloqués
N- ous ne traiterons dans cet article que
de la grève sauvage d'une catégorie de travailleurs (les préposés au
contrôle des billets et à l'enregistrement des passagers et des bagagc~s) de British
Airways. Nous devons pourtant souligner
qu'elle est assez représentative d'une foule
de «petits conflits », légaux ou illégaux,
qui depuis des années jalonnent les résistances de toutes sortes de travailleurs à une
austérité dont les connaisseurs de la vie bri
tannique peuvent voir les effets dans tous les domaines. Le texte qui suit cet arti cle (page 9), bien qu'écrit pour répondre à des
questions sur les manifestations anti-guerre, donne quand même l' arrière-plan des condi
tions sociales en Grande-Bretagne et de
l'utilisation de la guerre d'Irak pour tenter
d'imposer, au nom du patriot isme et des
prétendus dangers du terrorisme, un ren
forcement à la fois de cette autorité et du
contrôle social. Contrairement à ce que prétendent les mé
dias , la Grande-Bretagne, à l 'i nstar des
autres pays industrialisés , subit de plein fouet la crise économique et ses consé
quences sociales ; pour ne citer que
quelques chiffres concernant l'année 2002,
la croissance du PIB est au plus bas depuis
1992 (sans compter que figurerait, dans
cette évaluation du PIB, et pour plus de
moitié, les rentrées bancaires de rembour
sements de crédits immobiliers, ce qui ne cor
respond en fait à aucune production de va
leur) et le déficit public au plus haut depuis 1975. Les créations d 'emplois concernent
pour les deux tiers le secteur public, qui emploie actuellement un travailleur sur
quatre, les emplois industriels ne cessant
de se réduire ; les investissements n'ont
jamais été aussi faibles depuis 1975, ayant
diminué de 10 % ; les déiocalisations sévissent notamment dans les services ; Je
système de pensions (retraites) des grandes sociétés touchant 9 millions de travailleurs
est en ruine, etc. Nous pourrions allonger
cette liste, mais nous reviendrons sur cet
arrière-plan économique qui est la clé des
orientations politiques actuelles de la
Grande-Bretagne.
1H EATHROW est le principal aéroport de Grande-Bretagne et d'Europe,
d'une certaine façon le fief de la
compagnie aérienne britannique British Air
ways (BA). Dopée par la politique sociale
agressive des conservateurs sous Margaret
Thatcher (Premier ministre de 1979 à 1990)
et cherchant, au prix de pratiques souvent dou
teuses, à assurer sa suprématie, British Air
ways a fini par donner, ces dernières an
nées, une place prééminente dans son trafic
tCHANGES 106- AUTOMNE 2003- 3
Le droit de grêve au Royaume-Un/ Succinctement, on doit rappeler qu'au Royaume-U ni la grève est strictement réglementée par la loi (depuis l'ère Thatcher, mais les travaill istes qui ont succédé aux conservateurs n'y ont pratiquement rien changé) : une grève ne peut être déclenchée que pour des questions touchant les re lations des travailleurs d'une société avec leur employeur (ce qui exclut toute grève de solidarité ou même toute grève de travailleurs œuvrant en commun pour la même firme mais chez des sous-traitants juridiquement différents) ; elle doit être exactement définie, doit faire l'objet d'un vote majoritaire à bulletins secrets et ne fait que donner mandat au syndicat de la déclencher, de la reporter ou de la stop-
(1) Ce système consistant à donner à un seul syndicat la représentativité dans une entreprise ou même une seule usine d'une firme est le décalque de ce qui se pratique aux Etats-Unis ; mals alors que là, il faut un vote de pius de 50 % des travailleurs de l'unité de travail pour obtenir une représentation syndicale, il est aussi possible au Royaume-Uni d'acquérir cette représentativité par un accord direct entre les directions patronales et syndicales, sans l'accord des travailleurs concer-
per. Les seules réformes du gouvernement travailliste de Tony Blair ont consisté d'une part à permettre à un gréviste d'obtenir une indemnisation de son employeur si celui-ci le sanctionne pour sa participation à la grève (mais seulement dans le cas où la grève était légale) , d'autre part à accorder la représentation exclusive d'un syndicat dans une entreprise (soit par un vote majoritaire des travailleurs, soit pas un accord direct de l'employeur avec un syndicat sans l'accord des travailleurs) (1 ). , Toute grève déclenchée sans respecter une seule
nés. Ce qui ouvre la vole à ~lan des manipulations et a déjè été source de conflits lors de l ' ~lvictlon, par cette procédure, de syndicats jugés trop combatifs. (2) Dans les années 1980, il y eut effectivement plusieurs cas (notamment au cours de lacé· lèbre grève des mineurs de 1984-1985) où des syndicats nationaux firent l'objet de lourdes condamnations (et virent la séquestration totale de leurs fonds) pour avoir enfreint les lois réglementant les grèves. Depuis cette époque, aucun syndicat ne s'est risqué
4 - tCHANG ES 106 • AUTOMNE 2003
de ces obligations est illégale et peut donner lieu à des poursuites notamment contre le syndicat qui non seulement aurait déclenché une telle grève mais qui soutiendrait une grève illégale dite aussi" sauvage ,. (wildcat strike) (2). C'est ainsi que l'on vo it fréquemment les grèves sauvages désavouées par le syndicat pour éviter des poursuites (3). Bien sOr le sort de ces conflits est réglé par le rapport de forces : par exemple, on a pu voir dans les postes les sanctions prises localement contre des grévistes • sauvages • déclencher une nouvelle grève sauvage qui, faisant tache d'huile, menaçait d'être générale dans la région sinon dans le pays : les sanctions devalent rapidement être annulées.
à lancer une grève • Illégale • . (3) On a pu voir assez fréquemment, notamment dans les postes, le syndicat désavouer les grèves sauvages locales, blan que le rapport de forces ne permTI pas aux directions d'appliquer une sanction quaiconque aux grévistes. On a w aussi des syndicats condamnés par la justice pour une sorte de complicité passive, parce qu'ils n'avalent pas tout fait pour se • faire obéir • de leurs délégués et membres, et les empêcher de se lancer dans une grève Illégale.
Negri confondu + "Barbares contre Empire ou le négrlste confondu •, critique du livre de Toni Negri et Michael Hardt, Empire, dans Cette semaine n• 86, 2003.
+ A Contretemps, " bulletin de critique bibliographique • publie lui aussi, dans son n• 13 (septembre) un long texte (16 pages) de Claudio Albertani consacré à" Toni Negri et la déconcertante trajectoire de l'opéraisme Italien. Empire et ses pièges "· Il montre en quoi l'• argumentation [de Negri et Hardt (coauteur d'Empire)) est
directement tributaire de ce qu'on a appelé l'opéraisme Italien, un courant auquel
Negri adhéra dans les années 1960 et qu'li n'a Jamais renié •. S'ensuit un Intéressant historique de l'Italie des années 1960 et 1970 qui montre entre autres à quel point l'Idée d'cc autonomie • des luttes n'a jamais chassé chez ces théoriciens (à l'exception d'une minorité) l'Idée de construire cc une direction politique " ...
Il y aurait peut-être une discussion à mener avec l'auteur sur la pluralité des mouvements sociaux actuels, la cc multlculturallté • et l'activisme ... et surtout sur
le cc travail Immatériel • Veut-li dire que la" révolution informatique "• si elle a fait perdre à l'usine sa « centrallté ,. (mals est-ce bien sOr ? et pourquoi lieu de production= usine ?), entraîne que l 'exploitation du travail ne serait plus la clé de la compréhension de nos sociétés ? Mals pourquoi alors écrit-li qu'li" ne pense pas • « que l'antagonisme ouvriers-capital [soit] finalement résolu " ? Pourquoi, s'li regrette que« Negri semble soutenir que le capitalisme s'est déJà éteint en tant que mode de produtlon et qu'li survit uniquement comme pure domination ou "dispositif de contr61e", regrette-t-Il en même temps que « l'opéraisme de Negri débouche sur une apologie des forces productives ,. ? - pour célébrer par la suite des propos Idéalistes sur ce qu'ont en commun cc les Indigènes du Chia pas, les ouvriers de Flat, les agriculteurs écologistes français et les émeutiers argentins, les paysans du Karnakata et les cyberpunks des métropoles post-modernes » •
Il y a là une page assez pleine de contradictions et de confusions. Contradictions et confusions qui semblent se trouver d'ailleurs chez Toni Negri autant que chez son critique.
En attendant, on peut être d'accord avec celui-cl sur le fait que les concepts de
« multitude "• d'cc auto-valorisation •, d'« ouvrier social •,Joints à des fantaisies telles que la fln des Etats-nations et l'Idée même d'cc Empire » cc déterrltorlallsé "• ne nous sont d'aucune utilité pour comprendre le temps présent. + Ce texte signale entre autres, parmi les critiques de Negri, l'ouvrage d' Atllio Boron Imper/o. lmperlallsmo. Una lectura crltlca de Michael Hardt y Antonio Negri, Buenos Aires, Clacso, 2002: « Boron, atterré par les extravagances de Negri et Hardt [met] à la disposition du lecteur Lin Inventaire fourni, quoique non exhaustif, des sottises du livre. Toutefois, Boron fait fausse route quand Il qualifie les auteurs de "post-modernes", alors que, en vérité, s'lis empruntent des concepts à Foucault (blopouvolr, bio politique) ou à Deleuze (déterrltorlallsatlon, nomadisme), leur argumentation [vient de] l'opéraisme Italien ... ».
ÉCHANGES 106 · AUTOMNE 2003- 73
DANS LES PUBLICATIONS /THÉORIE
" Histoire de l'autonomie prolétarienne »
• Auto.prol Press se présen te a ins i : " Nous publions des livres sur l'h istoire du mouvement et sur les perspectives de l'autonomie prolétarien ne. ( ... ) Parmi ces publications (d'autres tit res annoncés) : -Martin Glaberman, An Optimist Revolutionary ; - Lotta Sporca. About a Struggle in The Rai/way Sector; - Casual Work, Temporary Work and Glass Struggle ; - Against Democracy for Communist Violence. www.autprol.org Courrier: D. Negri, CP 640, 40124 Bologna, Italie.
Misère de la démocratie + La Chair Humaine, revue de la Belle Jeunesse. Dans le no 4 (décembre 2002), entre autres : " Grand peur et misère de la démocratie ». Disponible dans deux libraires de Grenoble : Le Sph inx, 6 place NotreDame , et L'Encre Rouge, 6 rue Etienne-Forest.
CLR James, CCl, etc. + Red And Black Notes. Un numéro double (16-17)
contient trois articles sur l'Irak , plus un texte de N. lgnatiev discutant les thèses de C. L. R. James (cc The Backwa rd Workers »), une revue du livre du CCl sur la gauche germano-hollandaise, une d'un livre concernant le marxisme autonome en Italie . 1,50 $. PO Box 47643, Don Mills, Onta rio, Canada, M3C 387. - Quelques articles de cette revue sur le site web : http://ca.geocities.com/red_bla ck_ca (en anglais)
Communisme anti-parlementaire en Grande-Bretagne + Anti-Par/iamentary Communism, The Movement for Workers 'Councils in Britain, 1917-1945, de Mark Shipway (en anglais) republié par Anarchist Federation Manchester. Le livre couvre l'histoire du communisme anti-parlementaire en Grande-Bretagne depuis la révolution russe jusqu'à la fin de la seconde guerre mon- · diale (sur le groupe communiste Workers Dreadnought, Anti Parliamentary Communist Federation, Glasgow Group) s ite www .af-north. org -courriel ; anarchist_federation @ yahoo; groups. corn
72 - ÉCHANGES 106 - AUTOMNE 2003
Situationnistes + Ceux qu i s'Intéressent aux " héritiers , des situationnistes peuvent trouver des textes récents de Ken Knabb en français sur Je site : http;//www.bopsecrets. org/F re n c h/bu ddhists.htm - Ce site, au nom de Bureau of Public Secrets, contient nombre de texte en français et anglais sur le" situationnisme "·
Anarchosyndlca/lstes + Le Garas (Groupe d'action et de réflexion anarcho-syndicaliste) publie (irrégulièrement) une Lettre de liaison. Le no 4 contient un texte sur les retraites, un " Dossier pouvoir/autorité » , et une étude sur Je Mouvement des Sans-Terre au Brésil. Garas , c/o Sarthe Libertaire, Maison des Associations, salle no 23, 4 rue d'Arcole, 72000 Le Mans. Courriel : garas@altern.org
Antl-lndustrlels + Au cours de Rencontres de Vendémiaire ,qui se sont tenues du 9 au 11 octobre 2002 à Paris à l'Initiative de l'association OGM Dangers, Invité par Hervé Le Meur, président de l'association,
(suite page 74)
international aux vols à travers l'Atlantique. De ce fait elle a subi de plein fouet, plus que toute autre compagnie européenne, et à l'instar des compagnies américaines, les conséquences de 1' attentat du 11 septembre 200 l ; cette crise spécifique arenforcé les conséquences de la crise économique qui était déjà là ; s'y est ajouté la chute du trafic aérien vers l'Asie, spécialement vers Hong Kong, due à la crainte de l'épidémie de SARS.
D'autre part, la liberté totale des prix, que BA avait prônée et pratiquée pour couler ses concurrents, s'est retournée récemment contre elle : les compagnies à bas coftt (low cost) britanniques ou irlandaises ont écrémé récemment tout le tnfic intérieur et européen (alors que ce dernier était déjà touché par la concurrence d'Eurostar pour la France et le Benelux).
13 000 emplois supprlmês en deux ans
BA n'a pu endiguer ces avatars et cette concurrence que par les habituelles restructurations, réalisées bien sftr aux dépens des travailleurs de tous ordres. Elle a pu d'autant plus imposer des conditions drastiques que la situation intérieure de la Grande-Bretagne exerce une pression constante sur l'ensemble des travailleurs.
Ce programme de restructuration a été engagé il y a deux ans ; il a abouti à la suppression, entre août 2001 et septembre 2003, de 13 000 emplois (son exécution a même été avancée de six mois) (23% des effectifs d'alors); l'effectif a été ainsi ramené à 47 000 travailleurs, mais il se trouve parmi eux tant de salariés à temps partiel qu'il est parfois difficile de former des équipes; il est même arrivé que certains vols se voient transférés vers des charters ou vers d'autres compagnies, en rai-
son de l' impossibilité de former des équipages.
Récemment, la première classe a dû être fermée pendant dix jours pour les mêmes raisons. De plus- tension trop forte ou forme de grève? - , BA connaît depuis quelque temps un accroissement extraordinaire des congés maladie (une pratique déjà utilisée dans les compagnies aériennes ou l es contrôleurs aériens d'autres pays pour tourner les interdictions de grève).
Préliminaires Poursuivant sa politique d'austérité,
BA veut introduire la flexibilité totale du travail, accompagnée d'une annualisation du temps de travail. La pièce principale pour l'application de ce système est une carte électronique (swipe-card) qui doit, en principe, permettre au travailleur de faire enregistrer son arrivée et son départ, le tout contrôlé par 1' ordinateur. central et sans doute aussi par des mouchards préposés à relever les infracti ons. La direction, qui souhaitait introduire cette carte au début del' été, prétend que ce n' est là que la mise en œuvre d'une pratique en cours depuis des années dans beaucoup d'entreprises ; elle prétend aussi, à mots couverts, que cette carte va mettre un terme à toutes les petites fraudes touchant des complicités tolérées chez les travailleurs- comme de se « remplacer >> les uns les autres- pour leur permettre de faire face aux problèmes de la vie quotidienne (par exemple le pointage les uns pour les autres, certains cessant le travail à 16 heures - il fut « révélé » notamment que les trois quarts des emplois hors pilotes et mécaniciens étaient tenus par des femmes, souvent à temps partiel, et que ces pratiques leur permettait d'adapter les nécessités du travail à celles de leur vie).
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Les projets restaient pourtant si vagues qu'il y avait lieu de craindre tout autre chose. En particulier, des rumeurs laissaient croire que BA pourrait, de façon impromptue, suspendre à sa seule volonté le temps de travail ou le requérir, ou l'étendre selon s.cs besoins immédiats pour adapter au plus près l'utilisation optimale de la force de travail strictement quand elle serait utilisable ; par exemple, le renvoi à domicile pendant les« heures creuses» que l'on devrait« rendre »à BA si elle le demandait, ainsi que d'autres changements dans les pratiques de travail.
Chemins de fer : la leçon des privatisations
" Libéralisation et privatisation des chemins de fer. la leçon anglaise .. :ce bref article bien documenté recense les problèmes soulevés depuis le démantèlement de British Rail en 1993 et son éclatement en plus de 100 sociétés distinctes; la conclusione est • la menace d'un rebasculement sur le tout-public est sous-lacent » (La Lettre de confrontations européenne, avril-mai 2003. Copie à Echanges). les mêmes problèmes se posent pour les chemins de fer hollandais et danois qui connaissent une renationalisation larvée. la notion variable de " service public " ou d'intervention de l'Etat est la traduction de différents facteurs qui font que le capital peut, selon les circonstances et ses vicissitudes dans l'extraction de la plus-value, utiliser l'Etat comme relais provisoire de ce qu'il ne peut plus assumer directement mais dont le fonctionnement minimal est absolument nécessaire au processus Industriel et commercial.
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Dans la précipitation, la carte électronique devait être introduite le mardi 22 juillet. Les syndicats (TGWU, GMB et Amicus) eurent des entretiens avec la direction le jeudi 17, pour tenter d'obtenir des éclaircissements, et ils revinrent le vendredi 18 au matin faire aux travailleurs concernés un rapport entièrement négatif de ces palabres.
Au termlnal1, après la pause de 1 'après-midi ...
Or le 18 juillet au soir est une date importante dans la vie sociale: c'est le début des vacances scolaires pour toutes les disciplines ; c'est donc, pour le transport aérien, le début d'un week-end particulièrement chargé. On ne sait pas comment la grève fut décidée, sinon qu'elle fut décidée par la base et non par les représentants syndicaux, qui s'empressèrent d'ailleurs, une fois qu'elle eut éclaté, de préciser haut et fort qu'ils n'avaient nullement appelé à cesser le travail (ce sont pourtant eux qui se trouveront chargés de trouver une« solution >> avec la direct ion de British Airways.
Ce que l'on sait, c'est qu'environ 250 tra,·ailleurs du terminal!, préposés au contrôl<: des billets et à l'enregistrement des pasuagers ct des bagages, ne reprennent pas leur poste après la pause journalière de l'après-midi ; et que bientôt, toute activité cesse dans ce terminal et que cet arrêt s'étend aux autres .
La grève sauvage et totalement « illégale >>prend BA au dépourvu. La dernière grève, qui concernait les hôtesses de l'air, remonte à 1997 ; apparemment, les ausculteurs des relations de travail (patronaux et syndicaux) n'avaient nullement décelé une tension quelconque. A Heathrow, c'est le chaos total, plus de 500 vols doivent être
vérèrent dans l'organisation de rencontres internationales.
Une telle rencontre se tint les 13, 14 et 15 av ri 1 1974 à Boulogne-sur-Mer (Pas- . de-Calais). Y participaient des camarades allemands, britanniques, australiens, belges, hollandais, suédois et français . Les anglais liés au groupe Solidari ty mais restés sur une base de la lutte de classe formaient dans ce groupe 1 'opposition à la« tendance Castoriadis >> ; le groupe avait refusé de participer officiellement à la rencontre, mais avait laissé ses membres qui le désiraient y prendre part individuellement. Les Hollandais appartenaient au groupe communiste de conseils Acte et Pensée. Nous avons déjà évoqué les Belges de Liaisons. Les Australiens représentaient un groupe de Brisbane, le Self Management Group, et les Allemands une mouvance proche publiant Schwarze Protokolle à Berlin-Ouest. Les Français étaient tous des« dissidents » d'ICO.
Tous les autres avaient été en contact avec ICO ct étaient là plus à titre individuel. Toute une partie de la discussion fut consacrée, après un long rapport sur les luttes dans chaque pays, à un débat sur le « Nouveau Mouvement »tel qu'on pouvait en dégager les orientations d'après ce rapport. Le texte publié à la fin de l'année 1974 reprendce qui fut exprimé dans ces échanges par l'ensemble ~es participants.
Il fut mis au point par les camarades anglais, belges, hollandais et français pour prendre la forme sous laquelle il a été publié.
On doit ajouter que ce texte devint en quelque sorte la charte du réseau Echanges et Mouvement, qui fut constitué peu· après sur cette base internationale, le premier numéro du bulletin Echanges paraissant à la fin de la même année, séparément en fran çais et en anglais (ce n'était alors et ce ne fut pendant plusieurs années que quelques feuilles ronéotées).
Certains, lisant ce texte, pourront juger qu'il est marqué par l'époque au cours de laquelle il fut rédigé, notamment sous l'inft uence du bouillonnement d'idées qui marqua Mai 68 et les quelques années qui suivirent. Chacun pourra en juger selon son analyse des luttes actuelles, trente années après . Pour Echanges et Mouvement, quelle que soit la validité de tels reproches, ce texte n'en reste pas moins, pour 1 'essentiel, une des bases du travail poursuivi jusqu'à maintenant, reflétant les tendances du mouvement de lutte, tendances qui, comme alors, ont beaucoup de mal à s ' affirmer, mais qui, au cours de ces trente années ont pu se manifester ponctuellement mais clairement.
H. S. Janvier 2003
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Mais ce serait une erreur de faire du Nouveau Mouvement seulement une réflexion sur des événements limités à la France, même si l'expérience vécue durant ces jours de mai par certains camarades français pouvait sous-tendre un intérêt plus manifeste pour ce qu'avaient été ces journées étonnantes. Le fait que les discussions que nous allons évoquer à propos de la genèse de ce texte se déroulaient avec la participation de camarades de presque tous les pays de 1 'Europe de l ' Ouest montrait que ceux-ci, même s'ils n'avaient pas vécu des événements identiques, étaient amenés, de par leur propre réflexion sur la lutte de classe dans leurs pays respectifs , à considérer qu'il était nécessaire de réfléchir aux transformations dont ils étaient aussi les témoins.
Sans aucun doute ces transformations pouvaient-elles s'être exprimées par des cheminements différents, sans aucun doute moins spectaculaires que ce qui s'était déroulé en France, mais qui pouvaient s'y rattacher, de même que Mai 68 pouvait se rattacher au témoignage de ces cheminements dans d'autres pays . On pouvait observer qu'il était normal que des situations similaires économiques et sociales, celles des différents pays d'Europe occidentale d'alors, donnaient naissance à des comportements et à des formes de lutte similaires, même si les circonstances historiques locales faisaient qu'ils s'exprimaient sous des formes différentes .
Ce n'était donc pas un hasard si des discussions entre camarades analysant les luttes dans leurs pays respectifs et reflétant les évolutions économiques et sociales dans lesquelles ils étaient plongés en arrivèrent à ce texte commun et à lui donner un tel titre. Ils n' innovai ent d'ailleurs pas et ne pouvaient en revendiquer la paternité.
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Le terme «Nouveau Mouvement» avait déjà été utilisé par les théoriciens du mouvement communiste de conseil, courant auquel certains des camarades engagés dans ces débats se référaient. D ' une manière générale, ces théoriciens traçaient une frontière entre le vieux mouvement ouvrier (celui qui s'était exprimé dans les partis et les syndicats tels qu'ils. existaient autour de la première guerre mondiale et tels qu' ils tendaient à perdurer dans leur fonction bien établie de gestionnaires du capital) et le nouveau mouvement ouvrier, un mouvement d'auto-organisation qui, pour la défense des intérêts propres des travailleurs, devait se développer en luttant précisément contre les structures dont la fonction répressive devenait ainsi de plus en plus évidente.
Une rencontre Internationale Tentant une approche plus internatio
naliste de son activité, le groupe ICO (Informations Correspondance Ouvrières) avait privilégié les contacts avec des groupes étrangers, notamment d'Europe occidentale, qui pouvaient diverger quant à leurs orientations mais avaient néanmoins des bases solides communes permettant de larges débats ; et chaque année il organisait des rencontres internationales. Les échanges étaient en général axés sur des exposés et des discussions sur la lutte de classe dans chaque pays plus que sur l'activité propre et les positions des groupes en question.
Lors de l'éclatement du groupe ICO dans la période post- 1968 que nous avons déjà évoquée, le souci de ceux qui, en désaccord politique sur l'évolution de la lutte de classe et les volontés organisationnelles, répugnaient à s'engager dans cette voie militante, cherchèrent à préserver ces contacts internationaux et persé-
annulés. Plus de l OO 000 passagers seront ainsi bloqués pendant trois jours. La direction en est réduite à lancer des proclamation par les médias, y compris par des annonces dans le métro de Londres pour dissuader les voyageurs de se rendre à Heathrow.
La grève durera en fait trois j ours, le travail reprenant progressivement à partir du dimanche soir 20 juillet avec l'annonce que des pourparlers syndicats-direction vont s'ouvrir le lundi 21. Mais le chaos durera quatre jours et les conséquences vont se prolonger pendant une dizaine de jours (le 28, il y aura encore plus de 10 000 bagages en rade).
L'accord du 22 juillet ' La« réunion de crise» n'est pas à pro
prement parler prévue pour résoudre le problème, mais plus simplement pour mettre fin à la grève. Le mardi 22 un accord est conclu qui apparemment donne, plus ou moins satisfaction aux grévistes, car la grève ne reprend pas; on ne sait pas s'illeur a été soumis pour avis. La mise en route de la carte électronique est reportée au 1., septembre (c'est-à-dire hors de la période d'été), ce qui signifie en même temps que les représentants syndicaux l'ont acceptée ; mais BA s'est engagée à ne pas l'utiliser pour une réorganisation des équipes, ce qui · laisse croire que les craintes des travailleurs ont été écartées- pour l'instant
peut-être. D'autre part, des pourparlers pour une augmentation des s alaires vont être engagés, les syndicats avançant le chiffre de 3%- chiffre déjà promis en janvier 2003 et jamais appliqué. D'autre part, on ne sait trop ce qui adviendra pour d'autres catégories de travailleurs de BA, car les mécaniciens chargés de la maintenance menacent à leur tour de se mettre en grève sur les conditions d'app lication de la carte électronique qui doit aussi leur être attribuée.
A LEÇON de cette grève doit être vue sur deux plans :
-eu égard à l'arsenal législatif anti-grève et notamment anti-grève sauvage, on voit que l'action résolue et unie des travailleurs permet de le balayer et que les sanctions prévues se révèlent totalement inopérantes. Le rôle des syndicats se résume à celui de suivistes du conflit et d'intermédiaires pour résoudre avec la direction ce qui leur a totalement échappé. Vu le secteur dans lequel la grève a eu lieu et le moment particulièrement hien choisi, ce conflit et surtout la manière dont il s'est déroulé ont fait l'objet d'une énorme médiatisation qui a même largement dépassé les limites du Royaume-Uni. Une telle forme de grève peut se trouver valable et efficace dans tout pays tentant d'élaborer une législation destinée, au besoin avec des sanctions, à prévenir une grève notamment dans des secteurs considérés comme
vitaux; - le lieu et le moment choisi pour cette
grève sauvage montrent que des secteurs (plus importants qu'on ne pense) sont particulièrement vulnérables et donnent une force particulière à des travailleurs souvent considérés comme ayant peu de pouvoir. Cela fait ressortir d'une part la vul-
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nérabilité de plus en plus grande du système capitaliste et d'autre part l'intérêt qu'il y a pour de nombreux travailleurs à regarder de plus près leur pouvoir de nuisance pour le système (souvent sur des détails) et la force qui en découle.
La leçon a dû être comprise par lestravailleurs de l'aéroport de Newcastle (dans le nord de l'Angleterre) employés par la
compagnie Groundstar. Les conditions de travail assez difficiles expliquent un énorme turnover. Alors que le boycottage des heures supplémentaires pour des revendications de salaires tombaient dans l'oreille d'un sourd, il a suffi d'une menace de grève un week-end pour que la direction accepte, le 19 août, d'accorder les augmentations revendiquées.
Flexibilité et annuallsatlon dans l'automobile
Les tentatives de BA d' imposer la flexibilité totale du travail et l'annualisation du temps de travail ne sont pas seulement l'apanage de cette compagnie. D'autres échos viennent de l'industrie automobile sur des problèmes du même genre. Les travailleurs de Jaguar se plaignent de l'abus des horai res flexibles. Ceux de l'atelier de peinture de l'usine de Castle Bromwich se plaignent d'avoir à travailler quatre heures supplémentaires, sur un ordre donné au dernier moment, à cause d'un conflit survenu dans un autre secteur de l'usine. Ils ont été aussi requis de faire des heures supplémentaires un vendredi, alors que cette pratique est Interdite depuis un accord concommittent à une augmentation de salaires. Les chefs de l'atelier de peinture interdiraient d'aller aux toi-
lettes pendant les heures de travail. Une pétition signée par 112 travailleurs aurait été adressée au bureau de Birmingham du syndicat TGWU pour protester contre l'attitude des shop-stewards, en qui ils n'ont plus du tout confiance: " Ceux-ci nous avaient conseillé d'accepter l'accord sur la pale, bien qu'il contienne des zones d'ombre comme l'obligation de faire des heures supplémentaires chaque fols qu'il y aurait eu un arrêt de la chalne de montage... Ils nous avaient dit que cette question serait réglée plus tard, lorsque cela se produirait. Or lundi dernier, il y a eu un conflit entre les travailleurs de l'entretien et le management ; nous avons dO faire en plus tout le temps durant lequel la chaine avait stoppé. On nous dit que nous devrions travailler en
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heures supplémentaires mardi, mercredi et jeudi et une heure de plus vendredi - ce qui, pensions-nous, ne faisait pas partie de l'accord." Une situation similaire peut être observée dans les usines automobiles Aston Martin de Newport Pagnell (Buckinghamshire) et de Bloxham (Oxfordshire) qui emploient plus de 1 000 ouvriers. Ils ont rejeté un accord conclu et recommandé par le syndicat TGWU qui leur imposait une« standardisation " des pratiques de travail et destiné à " améliorer " la compétitivité de la firme. Des discussions se déroulent entre la direction du syndicat et les shop-stewards des usines pour décider de la grève.
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THÉORIE
CE QUE FUT LE cc NOUVEAU MOUVEMENT ,,
Un point d'histoire. Cette présentation a été écrite à la demande d'un camarade qui a publié le texte • Le Nouveau Mouvement" sur Internet*.
LE TEXTE« Nouveau Mouvement » fut publié en décembre 1974 par le
_ groupe belge Liaisons (de langue française et basé essentiellement à Liège et Bruxelles) ; ce groupe était en relation étroite avec des groupes ou camarades britanniques, français et hollandais, contacts qui permirent l'élaboration de ce document. Celui-ci portait la signature d'Henri Simon, ce qui était le résultat d'une sorte de malentendu. Si ce dernier avait effectivement participé activement aux discussions, à la mise au point et à la rédaction de cette petite brochure, celle-ci n'en était pas moins le résultat d'un travail collectif; les camarades belges chargés de la réalisation matérielle de ce travail avaient pris l'initiative de la faire apparaitre comme l'œuvre-d'un seul, masquant ainsi cette élaboration collective.
La période qui vit ainsi l'apparition de ce qui pouvait paraître comme une sorte de manifeste se situe dans les remous de l' après-1968 en France. On y assistait alors à un bouillonnement politique dans la gauche et l'ultra-gauche, un processus de décomposition-recomposition touchant tous ceux qui de près ou de loin avaient été mêlés à tous ces événements. On doit pourtant souligner ce qui n'était pas un des moindres paradoxes de cette situation : alors que bien des militants de tous bords
s'évertuaient à« organiser» pour répondre à ce qu'ils voyaient dans l'Histoire récente comme les prémices d'une période révolutionnaire, une offensive de grande ampleur du patronat et du pouvoir politique visait au contraire à effacer et à reprendre ce qu'ils avaient dû concéder, en d'autres termes, à ramener le rapport de force capital-travail dans les ornières « normales ».
Les leçons de Mal 68 On pourrait penser - a posteriori - que
cette volonté d'organiser ce qu'onjugeait être l'avant-garde militante correspondait à cette répression des actifs de Mai 68 ; peut-être objectivement en était-il ainsi, mais ce qui était proclamé dans toutes ces tentatives, c'était le combat pour un processus révolutionnaire en cours. D'une certaine manière, on peut dire que l'élaboration de ce texte Nouveau Mouvement participait de cette tendance, non en proclamant une mission historique ou en essayant de dégager ce qui paraissait correspondre à l'évolution des rapports de production et des luttes, mais fait en tirant les leçons de Mai 68 .
• Le Nouveau Mouveme111, disponible à Echanges. Sur internet: lamaterielle.cbez.tiscali.fr/nouveaumouvement/btml!
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vendre leurs programmes, les altermondia listes n ' ont qu 'un moyen: une fois leur rôle social reconnu, ils entendent conseiller la classe du pouvoir (voir plus haut), classe du pouvoir que les plus experts d'entre eux rejoignent, vont rejoindre, renforçant ainsi 1 'éta t dans sa centralisation comme dans sa « démocratisation »(la régionalisation). II n'y a pas d'aut re mondialisation, c'est toujours celle de l ' économie marchande, le marché mondial, quelles que soient les différences dans sa gestion aménagée.
A GENES, un tract signé par des prolétaires des associations Precari Nati, Kolinko, Workers against Work, di
sait : « Nous ne sommes pas venus ici pour nous laisser impressionner par des émeutes spectaculaires( ... ), nous sommes venus ici pour échanger nos propres expériences, comme les dépossédés du monde entier. >> C'est des rencontres, des luttes là où nous sommes, sur les lieux de travail, les quartiers, que peut se revivifier le mouvement prolétarien, incluant les associations dont nous avons besoin, la lutte nous faisant nous réapproprier notre histoire de classe, et actuai iser la théorie critique.
La critique matérialiste a toujours porté su r l'environnement: en 1867, Karl Marx écrivait :
« La dissémination des travailleurs agricoles sur de plus grandes surfaces brise leur force de rés istance, tandis que la concentration augmente celle des ouvriers urbains . Dans l'agriculture moderne, de même que dans l'industrie des
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villes, l'accroissement de productivité et le rendement supérieur du travail s'achètent au prix de la destruction et du tarissement de la force de travail. En outre, chaque progrès de l'agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l'art d'exploiter le travailleur, mais encore dans l'art de dépouiller le sol: chaque progrès dans l'art d'accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité . Plus un pays, les Etats-Unis du nord de l'Amérique, par exemple, se développe sur la base de la grande industrie, plus ce procès de destruction s'accomplit rapidement. La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu'en épuisant en même temps les deux sources d'où jaillit toute richesse >> (2). C'est très actuel. Faceà la mondialisa
ti on marchande, l'autonomie de classe et l'internationalisme sont nos leviers. Quand une nouvelle forme d'aliénation naturelle (nuisances, pollution de l'environnement, de la viande) est portée, est induite par l'aliénation sociale que génère l'économie marchande, nous ne pouvons raisonnablement faire reculer de manière conséquente ces p~llutions qu'en abolissant ce qui les produit, en dépassant le mode de production spectaculaire-marchand.
(2) Marx, Le Capital.
J. L. 26 avril 2003
CONTRE LA GUERRE
Un camarade britannique a r~pondu à des questions sur les manifestations antl-guerre au Royaume-Uni
1 Comment vois-tu la relation entre la mobilisation avant et la mobilisation
au commencement de la guerre? Au début, les protestations anti-guerre
procédaient plus d'une« protestation populaire>> que d'une manifestation gauchiste. Il est difficile de décrire la composition des protestataires, à cause de leur réelle diversité (appartenant à des« familles>> différentes, des gens des pays arabes ou asiatiques, de toute évidence des « poli tic, ues >> ou des membres des syndicats) ; leur participation massive à la manifestation du 15 février à Londres en a fait une des plus grandes manifestations de l'histoire anglaise, bien qu'elle fut« passive>>.
Cette dimension de la manifestation peut aussi être due aux divisions au sein même de la bourgeoisie et de ses médias à ce moment-là. Beaucoup espéraient encore influencer la prise d'une décision politique. Le mécontentement chez les travailleurs du secteur public-les pompiers, les employés des collectivités locales, les travailleurs des transports locaux -peut aussi avoir contribué à une telle poussée anti-gouvernementale.
Quand la guerre a éclaté, l'atmosphère et la composition des protestations se sont transformées ; elles sont devenues plus une affaire de la« gauche traditionnelle )), alors même que les premières manifestations après le déclenchement de la guerre rassemblaient à Londres plus de 250 000 participants. Ce nombre s'est réduit à chacune des manifestations qui ont suivi, alors que le nombre des supporters de la guerre, selon les sondages des médias, s'accroissait rapidement, ceci en
raison d'une intensification de la propagande :«Vous avez eu tout loisir de protester avant, mais maintenant que nos hommes sont engagés là-bas vous devez les soutenir. >>
Il est difficile de dire dans quelle mesure le fait que le gouvernement ignorait totalement ces protestations peut avoir ébranlé la confiance dans la« démocratie >>.
2 Comment le mouvement s'est-il développé durant la guerre (dimension,
radicalité, composition sociale des participants, liens avec les autres conflits sociaux). Peut-on d'ailleurs parler d'un mouvement ? Les jeunes générations se sont-elles mobilisées ? Comment expliquez-vous l'importance prise par la mobilisation parmi les étudiants ?
Avant que la guerre n'éclate,le mouvement anti-guerre caressait secrètement l'espoir que la grève des pompiers causerait de sérieuses perturbations dans les préparatifs de guerre, des milliers de militaires devant jouer les jaunes et ne pouvant aller en Irak. La revendication des pompiers de 40 % d'augmentation de leur salaire menaçait de devenir celle de bien d'autres travailleurs. Mais quand le gouvernement a annoncé qu'il déclarerait la grève illégale si elle se poursuivait après l'entrée en guerre, les dirigeants du syndicat ont dévoilé leurs sentiments patriotiques et renoncé à soutenir la grève.
Un autre espoir touchait les travailleurs des collectivités publiques pour leurs protestations contre la guerre. Un slogan qui unissait plus ou moins différentes sections du mouvement anti~guerre était « Faites
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grève quand la guerre commence)). Quand la guerre a réellement éclaté, cet espoir s'est vu déçu : quelques-uns seulement de ces travailleurs ont débrayé, et seulement quelque temps après l'heure du repas. Dans la manifestation du même jour, il n'y a eu que quelques bannières syndicales, et seulement après le travail...
Les acteurs réels de ces manifestations anti-guerre ont été les lycéens. Ils ont organisé des grèves dans les écoles à l'échelle nationale, établi des coordinations par courrier électronique et le bouche à oreille. En Angleterre, il n'y a aucune tradition de protestation de lycéens et ces manifestations ont pris tout le monde par surprise.
Ces élèves n'appartenaient à aucun milieu social spécifique, c'était des mômes des quartiers aisés aussi bien que des pauvres des quartiers d'Asiatiques. La forme la plus répandue de ces protestations a été le sit-in. On a vu des sit-in très divers dans les principales villes, aux principaux carrefours ou dans les salles de classe si les enseignants refusaient de les laisser sortir dans la ville. Dans certains endroits on a vu de violents affrontements avec les flics, qui se sont montrés incapables de contrôler ces actions imprévisibles d'enfants de 12 à 17 ans qui leur jetaient tous projectiles, principalement du matériel scolaire.
Il n'y avait aucune organisation ou organisateur de ces protestations, bien que le SWP trotskyste ou autres organisations aient tenté de les récupérer. Les enseignants n'y ont pas joué non plus un rôle essentiel, seuls quelques-uns ont « autorisé >> les élèves à participer aux manifestations; d'autres ont tenté de les enfermer dans les classes ou les ont menacés de sanctions.
Les médias n'ont pu trouver aucune information sur la manière dont ce mouvement avait surgi; on a lu ou entendu beaucoup de
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spéculations sur les raisons supposées de son déclenchement.
Une des raisons pourrait être la pression croissante sur les élèves et la crise dans le système éducatif en général: en 1990, le gouvernement conservateur a introduit des tests sévères pour les enfants de 7, 11 et 14 ans, ce qui a causé pas mal de tensions chez les élèves et chez les maîtres. Au début de 2003, le gouvernement travailliste a introduit plus de répression contre les élèves faisant l'école buissonnière, avec des« truancy patro/s », des patrouilles de flics et de travailleurs sociaux chargées de traquer les enfant séchant l'école et de leur infliger des amendes.
L'avenir de bien des jeunes élèves est de moins en moins certain alors que les droits d'entrée à l'université ont augmenté sensiblement ; le salaire minimum pour les jeunes est toujours beaucoup trop bas pour simplement survivre.
Les enseignants étaient tout autant en colère et probablement tout autant démotivés, et il semblait clair qu'après la guerre des conflits surgiraient sur les licenciements, avec le boycottage des tests et l'augmentation du nombre des assistants d'éducation non qualifiés.
Il n'y a pa eu vraiment de connexion entre leB protestations de la « gauche >> et celles d•~s élèves. Les barrages routiers ou autres actions « planifiés »par ces groupes ont échoué à cause de l'intervention de la police et du faible nombre de participants. C'est seulement après le succès des grandes manifestations spontanées que se sont développées les «manifestations sauvages » organisées autour d'une« composition spontanée».
Il y a eu aussi une certaine influence des islamistes dans ces protestations anti-guerre ; quelques organisations se sont efforcées de garder leurs distances avec le reste des ma-
de 1 'intellocratie, des gauchistes recyclés, qui appellent de leurs vœux une économie marchande mieux gérée, mieux « équilibrée)), sans ses expectorations polluées. Cette manière de voir vise à persuader la classe dominante que la pollution et les dégradations lui sont nuisibles du point de vue de ses propres intérêts marchands. De même que le libéralisme à l'époque de son premier recul (au XIX• siècle) en appelait de la monarchie mal informée à la monarchie qu'il fallait mieux informer, l'écologie politique en appelle, de la classe du pouvoir mal conseillée, à la classe du pouvoir qu'il faut instruire. L'écologie politique ne critique pas l'économie spectaculaire-marchande, ce qui s'exprime idéologiquement dans sa croyance en une société marchande qui aurait la durée éternelle des « lois de la nature >> Le marché idéologique n'a plus à proposer que des denrées périmées.
Les citoyens, armée de réserve du pouvoir
L'écologie politique est volontiers« citoyenne>>. Le citoyen est une abstraction politique, réelle et mutilante, tant pour 1 'homme réel qui doit se vendre pour survivre et risque d'être licencié, que pour la réalisation de l'homme en ses potentialités, pour sa libération en dépassant les conditions sociales qui génèrent l'aliénation. Dans le spectacle de démocratie Je citoyen veut une « démocratie participative », de « citoyens >> ; sans bien sûr pouvoir en avoir les moyens, ce désir se clôt dans une urne ou dans la résignation, aux basques de la classe du pouvoir, comme« armée de réserve» de celle-ci. D'ailleurs l'Etat incite lui-même l'idéologie citoyenniste. Les pseudo-solutions véhiculées par le citoyennisme se montrent dès lors pour ce
qu'elles sont, un moyen de maintenir, un peu repeint, l'ordre existant. C'est de la fausse conscience, une impasse en regard des réels problèmes de ce temps.
C E SAMEDI 26, à Angers, les altermondialistes défilent sous la ban-
- derole: «L'environnement n'est pas une marchandise ».Ils publ ient et affi chent« Le monde n'est pas une marchandise»,« L'homme n'est pas une marchandise>>. Evidemment, dans les faits, c'est exactement le contraire. Que dans la société marchande la marchandise règne partout, que les hommes se vendent pour survivre dans le monde marchand où tout s'achète et se vend, voilà qui ne surprend personne. Mais l' altermondial iste citoyen ne peut que dénier la réalité, car il veut négocier autrement la gestion marchande de tel aspect du monde. En déniant que l'homme, le monde, l'environnement soient marchandises, il produit une position idéologique qui se développe à partir d' un mensonge et d'une dissimulation sociales qui ont une fonction d'écran, de leurre, quant à la cause réelle et centrale des pollutions et des nuisances, à commencer par le salariat : 1' économie marchande.
La pollution c'est la marchandise qui fait sous elle. Le projet altermondialiste de l'écologie politique citoyenne c'est la marchandise propre. Bien qu'elle se présente ellemême mue par des motifs humanitaires, l'idéologie écologiste sert d'alibi à nombre d'industries qui, après avoir largement pollué et encombré la planète d'ordures, s'occupent désormais de la nettoyer avec les profits d'une rentabilité nouvelle, et ce, jusqu'à ce que le processus s'inverse à nouveau. Cette« nouveauté», c'est la vieille société marchande qui fait sa toilette. Pour
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L'IDÉOLOGIE DE L'cc ÉCOLOGIE POLITIQUE ,.
ET DU <c CITOYENNISME ))
Ce texte venu d'Angers (Maine-et-Loire) plus connu récemment par la grève d'ACT (voir n" :1.04 d'Echanges) ne concerne pas seulement un fait divers local mals se veut une critique des « altermondlallstes »(puisque l'altermondlallsme est un patchwork d'Idéologies).
D-- E PLUS EN PLUS de groupes se préoc
cupent de l'environnement, de la pollution, des nuisances diverses,
en grande majorité de façon spécifique, sur telle ou telle question part iculière. C'est l'expression doub le d'un même processus : l'accumul ation des nuisances et de la pollution, et l'incapacité, ou plutôt le refus d'en nommer le déterminant central commun, et qui les contient toutes. Quand tout l'éventai 1 politique, jusqu'aux « gia pisseurs de dieu )), viennent se servir des questions de l'environnement ct des nuisances abordées les unes à côté des autres, se réalise le succès, le rendement de l'écologie politique (l'écologisme) comme part de la gestion politique de l'économie et de la société marchandes . La plupart de ces groupes environnementalistes, qui traitent des problèmes réels de manière séparée, sans aller à la racine, partagent par là-même évidemment deux comportements idéologiques: l'écologie politique et le<< citoyennisme >>.
Le marché présente toute une gamme idéologique à l'intérieur de l'écologie polit ique. D'aucuns, comme Unabomber ( 1) souhaiteraient une régression de l 'histoire du mouvement des forces productives.
( 1) Unabombcr :Manifeste: 1 'avenir de la société lndltslrielle, é!t.'du Rocher, 1996, préfacé par Annie Lebrun.
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C'est ne pas connaître le processus, l'histoire de l'économie marchande. II ne peut y avoir de retour en arrière. Avec la fétichisation de la planète en Gaia est atteint le plus haut pic de pollution idéaliste, l'idéalisme qui couvre et justifie toutes les exploitations, une régression dans la« communauté », maladif rejet an-historique de l'individuation, D'autres trouvent consolant d'imaginer que c'est la production en elle-même qui serait génératrice de poiluti on, l'économie marchande n'étant pour eux, en sorte, qu ' une excroissance de la production. La critique doit se porter non sur la production en elle-même, mais sur le mode de production marchand, de ce qui y est produit et échangé, et comment cela est produit et échangé.
En traitant des problèmes de l'environnement sans pouvoir en dire le déterminant central, l'écologie politique où se sert toute la politique pour tenter de masquer sa propre pollution, exerce ainsi une fonction d'écran, de leurre, qui dissimule la question sociale comme totalité.
Les écologistes politiques contestent le libéralisme, le néo-libéralisme, parfois même un capitalisme par eux mal décrit, mal défini, jamais ils ne nomment lasociété spectaculaire-marchande. Ils sont les porte-paroles idéologiques des nouvelles strates sociales issues de la classe moyenne,
nifestants, par exemple avec des mobilisations distinctes ou des slogans du genre « N' arrrêtez pas la guerre contre l'Irak sauf par une politique islamique>>.
3 Est-ce que le gouvernement britannique a tenté d'exploiter la guerre
pour intensifier ses attaques sur le plan social (comme cela s'est produit aux EtatsUnis par exemple, avec les dockers de la côte Ouest) ? A l'inverse, a-t-on vu des luttes qui ont essayé d'exploiter la guerre (comme l'ont fait par exemple les travailleurs du pétrole au Nigeria) ?
Avant la guerre, le gouvernement devait faire face à une nouvelle dynamique dans les revendications des travailleurs des collectivités publiques, par exemple avec la grève des pompiers. L'Etat y a répondu par le blocage des salaires et l'engagement de nouvelles dépenses pour la préparation à la guerre. Pendant cette période délicate de préparation à la guerre, le gouvernement a promis aux syndicats d'aligner les salaires des travailleurs du public sur ceux du privé, par exemple dans les cantines scolaires et les hôpitaux ; cette promesse a été reniée aussitôt après la guerre.
Pendant la guerre, la pression contre les pompiers est devenue plus forte, avec la menace d' imposer un règlement de salaires. Au plus fort du conflit irakien, le gouvernement a pris quelques mesures qui en temps normal auraient soulevé de violentes réactions :
- une augmentation importante des taxes locales que chacun doit payer, par exemple pour l ' enlèvement des ordures, et de la contribution pour les système national de santé. Cette mesure réduit le salaire réel annuel de 200 à 300 livres sterling (300 à 450 euros);
- une proposition pour changer la loi autorisant les huissiers à entrer dans les foyers pour exiger le paiement des dette privées.
Cette question qui avait entraîné en 1991 les révoltes contre la poli tax;
-l'introduction d'un Livre blanc sur les « attitudes anti-sociales >> qui autorise la police à intervenir sur place pour imposer des amendes pour« musique trop forte )),l'école buissonnière (en mars 2003, des parents ont été envoyés en prison pour deux mois parce qu'ils laissaient leurs enfants sécher l'école), mendier, errer ou pisser en public ;
- le droit pour la police de procéder à des tests d'ADN et de prendre les empreintes digitales de toute personne arrêtée avant même qu'elle ait le droit de détenir cette personne pour une accusation quelconque;
-· des lois plus strictes contre l'immigration, notamment contre les demandeurs d'asile et un pas vers l'introduction de la carte d'identité nationale, dans le but de prévenir le travail au noir ;
- pression supplémentaire sur les chômeurs qui bientôt seront supposés devoir signer chaque semaine, au lieu de toutes les deux semaines actuellement, dans la première période de chômage ; ils seront contraints d'accepter un emploi situé jusqu'à 90 minutes de trajet de leur domicile au lieu de 60 minutes actuellement.
Tout cela a vu le jour dans une atmosphère« de crainte>> créée par le gouvernement et les médias pilonnant sans cesse la menace d'attentats terroristes. Cette atmosphère a été amplifiée par toutes sortes de mesures, par exemple par 1 'instauration de patrouilles de chars dans les aéroports ou des exercices anti-terreur dans le centre des villes ... Un des succès du mouvement antiguerre a été de détruire cette atmosphère d'isolement individuel.
Après la guerre, le gouvernement a renoncé à sa promesse d'harmonisation des salaires public-privé et tenté de régler les principaux conflits du mois précédent : celui
ÉCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003 -11
des pompiers, les leaders du syndicat recommandant à ceux-ci de voter pour une offre de 16% d'augmentation; celui des conducteurs du métro de Londres, en passant avec leur syndicat un contrat de quatre ans; celui des agents de conduite des chemins d~ fer, en proposant un règlement na
tional ; et celui des services hospitaliers, en proposant une augmentation générale des salaires en échange de l'acceptation de restructurations ultérieures, supposées prévenir tout arrêt de travail dans un secteur souvent en grève.
Il reste des conflits non résolus, par exemple chez les enseignants, les chefs de train, les puéricultrices ... mais ces luttes n'ont pas le même potentiel de « perturbation » qu'elles pouvaient avoir durant les mois précédant la guerre.
4 Comment voir la situation de la «gauche>> (dans le« mouvement»)
après la fln de la guerre? Y a-t-il des groupes où on discute ce qui n'a pas marché (analysant la préparation puis le cours de la guerre en Irak) ?
Dans les mois qui ont précédé l'entrée en guerre, le besoin et l'urgence des discussions paraissaient être plus grands et plus largement répandus que maintenant. Il y a bien eu des« réseaux de discussion »sur les lieux des actions directes et les plus radicaux de la gauche« théorique)). Pendant la guerre, bien des barrières ont été ébranlées, les gens ne faisaient que se rassembler et dans ces moments les« frontières idéologiques >> habituelles paraissent moins importantes.
Après la guerre, les rencontres pour discussion sont devenues plus rares et l'action directe s'est dirigée vers d'autres objectifs, par exemple la préparation du 1 .. mai. Ce qui a manqué, ~·est une réflexion sur le mouvement an ti-guerre, sur les raisons des troubles
12- tCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003
dans les écoles, une discussion sut le« succès )) ou l'échec des plans pour la guerre, sur la situation et la crise dans le Royaume-Uni . Finalement, bien des gens ont semblé tout à
fait« dépassés >>après la guerre ;
5 Peut-on voir une relation entre le mouvement anti-globalisation et le
mouvement anti-guerre ? Est-ce que cette connexion peut fonctionner comme un relais A la frustration sociale .des travailleurs, chômeurs et autres 1
Il était important que des gens dans la « gauche >> reprennent le slogan « Grève
contre la guerre >> comme le message le plus important à transmettre. Mais quelques-uns seulement ont tenté de relier la question de la grève et de la guerre à la situation quotidienne dans l'exploitation.
Les acteurs de 1 'action directe préféraient aussi les slogans« Stop the City - Stop the war >>qui convient mieux à des actions plus ou moins isolées.
Les plus radicaux des gauchistes qui participent habituellement aux actions anti-globalisation ont pris part aux manifestations an ti-guerre ; à la manifestation du 1 cr mai, les slogans dirigés principalement contre les firmes qui œuvrent dans l'armement ou le pétrole :;e référaient aux protestations antiguerre. Néanmoins l'ensemble de ce qui s'est passé le 1• mai commémore un événement symbolique distinct des autres conflits.
Si les protestations anti-guerre ont eu un impact réel sur une« nouvelle génération », cela se révélera seulement dans les prochains « mouvements >)-peut-être lorsque ce qui est apparu durant les si t-in d'élèves ou d'autres formes de protestations réapparaîtront.
12 juin 2003
«Quand je conduis cette locomotive, je le fais de la manière dont elle veut être conduite. Quelques collègues étaient des vrais porcs; ils conduisaient leur machine comme ils auraient conduit n'importe quoi. Mais j'étais différent, j'essayais de trouver si cette machine avait besoin d'un aménagement ici ou là. Et cette machine que j'ai aujourd'hui, je puis l'avoir aussi demain et ce sera diff6rent. Regardez, c' est juste comme une personne, aujourd'hui vous vous sentez bien et vous
pétez le feu ; demain vous ne vous sentirez pas si bien. C'est une machine à vapeur. Eh bien, on doit réfléchir ; peut-être qu'aujourd'hui elle marche au poil et que demain quand je la prendrai elle sera à
(66) Gerard Jerome Gnyb, '' Deatb ofa Craftsmao : The Impact of Rationalisation in the Railroad lodustry on the Occupational Culture of Opera ting Railroaders 1> (La
moitié bouchée et ne répondra pas bien à la vapeur (66). »
Les sentiments exprimés par ces deux professionnels, on ne les trouve plus que chez une minorité de travailleurs. Que tout le monde voudrait vivre une telle expérience,
' qui lui est refusée dans le travail, on peut le voir dans le fait que nombre de gens ont des hobbies qui, parfois, sont beaucoup plus fatigants que leur travail. D'autres ont des hobbies semblables à leur travail. C'est même si fréquent que l'expression« busman holi
day» a été inventée pour le décrire. De plus, il y a de nombreuses circonstances dans lesquelles des gens accomplissent des travaux gratuitement parce qu'ils sont intéressés, parce qu'ils cherchent des évasions sociales.
Au cours de leur travail, les travailleurs discutent souvent des techniques qu'ils pourraient employer pour surmonter 1 'ennui, la monotonie et le sentiment de frustrat ion causés par le manque de contrôle sur leur propre vie. Comme il a été dit précédemment, une guérilla souterraine fait partie du quotidien de la vie en usine, une lutte qui n'est pas seulement défensive mais est souvent tout autant offensive par nature et est utilisée par les travailleurs pour endiguer 1 ' aliénation.
La réponse des travailleurs à ce qu'est la vie au travail est à la fois individuelle et collective. Elle implique une guerre sur la nature même du travail (ce qu'on verra dans Je chapitre 4), des tentativ es pour rendre ce travail plus humain (ce qu 'on verra dans le chapitre 5) et une guerre du travailleur avec lui-même (ce qu'on verra dans le chapitre 6).
M. GetS. F.
mort de l'ouvrier professionnel: l' impact de la rationa· lisation dans l'industrie ferroviaire sur la culture pro· fessionnelle des roulants cheminots, Pb. D dissertation, Washington University, Sr Louis, 1977, p. 138.
ÉCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003-6 5
numérique fu rent considérées comme fai sant parti e d 'un système de management, pas comme une simple technologie du travail du métal. Cc système remplaçait les métallos indisc ip li nés par un presse-bouton docile.
Reprenan t 1 ' argumen t de Harry Braverrnan dans Labor and Monopoly Capital (63), Phi lip Kraft affirma que la programmation par ordinateur montrait que l'arr,ument selon lequel la mouvelle technologie élevait les qua li fi cations ne tenait pas debout. Tout d'abord, « " programmeur" était un terme global appliqué à tous responsables de tou t un éventail d'activités requises pour faire tourner un ordinateur. Le dé faut de qualifications et de titres précis et bien définis indiquaient 1 'absence d'une division claire dans le travail de programmation ». Chaque programmeur fait plus ou moins la même chose que n'importe quel autre programmeur. La programmation fut rapidement divisée et subdivisée jusqu'à ce que le travail qui était à ses débuts accompli par des femmes hautement qua li fiées était maintenant partagé entre hardware (matériel) et software (logiciel) avec des hommes prenant solidement les travaux les plus qualifiés . Ces tendances à la fragmentation, à la modulation et à la déqualification du travail « remettaient en quest ion la prétention bien affirmée des avocats de la technologie que les technologies de plus en plus sophistiquées sur les lieux de travail créaient des emplois meilleurs que ceux qu'elles déplaçaient. La transformation de la programmation en production de logiciels montre que même les tâches les plus complexes peuvent être simplifiées (64) ». Il disait aussi quelque
(63) Harry Braverman, Labor and Monopoly Capital (Le travail et le capital monopolistique), New York, Monthly Review Press, 1974. (64) Philip KraQ,, «The Industrialisation of Computer
64- tCHANGES 106- AUTOMNE 2003
chose sur la manière dont le travail des femmes était avili .
Les sources de satisfaction au travail
On trouve un des meilleurs exemples de satisfaction au travail qui puisse être donné dans tout le procès de production dans un entretien de Stud Terkel avec un tailleur de pierre, Carl Murray Bates. Cet homme aime discuter de son travail en précisant ses sentiments sur la productivité et son utilité, le planning et le contrôle qu'il exerçait sur ce qu'il fait, et de son orgueil quant à la qualité de son ouvrage :
« Il n'y a pas une maison dans la région que je n'ai bâtie et que je ne regarde pas chaque fois que je passe dans le coin ... Je puis m'arrêter là maintenant et réellement dans ma tête, en voir tant et tant que vous ne le croiriez pas ... Je ne puis imaginer un travail devant lequel, après être rentré à la maison, vous repasseriez un an après, et que vous ne reconnaitriez pas. Montravail, je puis le voir dès le premier jour où je l'ai commencé. Tout mon travail est là au grand air et je peux le regarder quand je passe devant. C'est une chose que je peux voir toute ma vie. Ça fait quarante ans que j'ai monté mes premiers immeubles, j ' avais dix-sept ans (65). »
Et ce contentement d'un cheminot sur son travail comprenait l'espèce de satisfaction qu'il éprouvait à continuer la même activité et à savoir combien son travail avait été bon :
Programnling : From Programming to Software Production,, (L ' industrialisation des programmes d'ordinateurs :de la programmation à la production de logiciels), in Zimbalist, Cast Str1dies on the Labor Process. pp. S et 17. (65) Terkel, Working, pp. XLVII-XLIX.
ALLEMAGNE
APRÈS LA GRÈVE DE LA MÉTALLURGIE DANS
L'EX-ALLEMAGNE DE L'EST
Le 2 juin, le syndicat IG Metal/lançait un mot d'ordre de grève dans les cinq Liinder de l'ex-RDA. Une grève que les • métallos » de l'Ouest n'ont pas toujours vu d'un bon œil. Il reste bien deux Allemagne, mals la même tempête êconomlque met à mal cinquante ans d'un systlme codlf/6 de relations capital-travail
1 LEST DIFFICILE de comprendre ce qui s'est réellement passé dans les grèves des mé
, tallos d'Allemagne de l'Es·:, car leurs arrière-plans sont particulièrement obscurs :
- les difficultés politiques du pouvoir, qui doit faire face à une crise économique majeure;
-les restructurations, impératives pour le maintien de la compétitivité et des profits, et qui mettent fin à un système basé sur · une croissance régulière, avec le plein emploi et une co llaboration étroite patronatsyndicats (la cogestion des grandes firmes) ;
- 1 'intégration dans 1 'Union européenne des pays de l 'Est, tous limitrophes et qui connaissent des co6ts de main-d'œuvre très inférieurs à ceux des travailleurs allemands.
Ces trois arrière-plans ont des incidences directes sur toutes les conditions d'exploitation, sur tout le système de garanties sociales (santé, chômage, retraite, etc.) et, par contrecoup, sur la structure même des organisations syndicales et leurs relations avec le patronat. Le conflit des métallos d'Allemagne de 1 'Est va être le révélateur de l'ensemble de ces problèmes.
A première vue, ce conflit se déroule sous la forme la plus classique des conflits des dernières décennies en Allemagne. Le
puissant syndicat de la métallurgie, IG Metall, lance le lundi 2 juin 2003 un ordre de grève pour toute la métallurgie et sidérurgie de l'ex-RDA (République démocratique allemande, plus communément baptisée Allemagne de l'Est). Ce mot d'ordre de grève est appuyé par un vote favorable de 83 % des 7 000 membres est-allemands du syndicat (sur 310 000 métallos de l'ex-RDA). Comme cela se déroule depuis toujours, la grève n'est pas totale mais ponctuelle, tournante par roulement usine par usine avec des piquets de grèves et chaque foi s pour un temps limité. Le tout méticuleusement organisé par la bureaucratie syndicale, avec une tactique visant les points les plus vulnérables du procès de production et un certain crescendo lié aux résistances patronales dans les pourparlers (ou les refus de pourparlers) en cours.
Il semble qu'un épisode curieux, dont il n'est guère donné d'explications, se déroule dès le dimanche 8 juin, alors que la grève dure depuis une semaine. Après treize heures de négociations, le syndicat IG Metal! et la Fédération patronale de la métallurgie signent un accord sur la revendication principale : l'alignement du temps de travail et des salaires de 1 'Est et de l'Ouest (35 heures
~CHANGES 106- AUTOMNE 2003-13
au lieu de 38 pour le salaire effectif de 35 heures). Mais ce ne serait pas immédiat : 37 heures au 1" avril 2005, 36 au 1 cr avril 2007 et 35 au l"' avri12009, et encore si les conditions économiques ne se dégradent pas à l'Est .
Cet accord rencontre une forte opposition, tant d'une bonne partie des patrons que des dirigeants politiques des cinq Landers de l'Est (Mecklembourg-Poméranie occidentale, Brandebourg, Saxe, Saxe-Anhalt, Thuringe), qui craignent la fuite des emplois vers les futurs membres de l'Union européenne limitrophes (Pologne et République tchèque). On peut penser aussi que ceux qui avaient voté la grève, malgré la levée de boucliers médiatiques, ne voient pas comment un tel accord peut changer la situation présente. Outre que 1 'harmonisation est reportée, la dégradation de la situation économique est déjà là et il y a de fortes chances pour que cet accord reste lettre morte. On ne sait pas s'il y a eu un rejet formel de cet accord par la base ou par une partie de la bureaucratie syndicale, mais le fait est que la grève continue alors que tous les pourparlers pour y mettre fin sont dans l'impasse.
Les premières firmes de l'Ouest touchées par la grève semblent celles de l'automobile; elles exploitent dans l'ex-RDA plus de lOO 000 travailleurs fabriquant des pièces détachées. Le 23 juin, BMW annonce que la grève chez un fabricant de boîtes de vitesse du Brandebourg l'oblige à stopper une partie des ses chaînes à Regensburg, Munich et Dingolfing (toutes usines de l'Ouest) et de mettre à pied 10 000 travailleurs. Par ricochet, 30 000 travailleurs des sous-traitants devraient subir le même sort. Volkswagen annonce au même moment qu'il devra ralentir sa production pour son usine centrale de Wolfsburg, près de Hanovre, si la grève se poursuit.
14- ÉCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003
Le26juin, après pas mal de rencontres infructueuses pour parvenir à un accord et alors que les grèves commencent effectivement à « mordre » ainsi sur l'industrie automobile de l'Ouest, les leaders respectifs d'IG Metall (Klaus Zwickel) et du syndicat patronal (Martin Kannegiesser)
L' alignement proposé du temps de travail
et des salaires de l'Est et de l'Ouest
(35 heures au lieu de 38 pour le salaire
effectif de 35 heures) ne serait
pas Immédiat : 37 heures au 1."' avril
2005, 36 au 1."' avril 2007, 35 au 1."' avril 2009,
et encore si les conditions
économiques ne se dégradent pas à l'Est
-se rencontrent« informellement » et discutent pendant huit heures, sans résultat est-il dit, sauf qu'il est prévu une reprise des négociations au cours du week-end des 28 et 29 juin ..
Le 27 juin, le même leader d'IG Metall, Zwickel, et d'autres leaders syndicaux rencontrent le chancelier Gerhard Schroder pour être informés de (et vraisemblablement donner leur accord à) tout un ensemble de mesures d'austérité qui touchent l'ensemble des dispositifs sociaux. De ces entretiens, peu de choses ont transpiré, sinon que le chancelier a appelé alors à un règlement du conflit dans la métallurgie pour limiter les dommages sur l'économie.
Le samedi 28 juin, Zwickel annonce brutalement la fin de la grève, sans conclusion d'un accord quelconque, même pour sauver la face. On ne sait pas comment cette décision a été prise, ni s'il y eut des réactions
embauché; il est revenu armé, a tiré dans le tas et s'est suicidé (60).
La nature et 1 'organisation du travail changent continuellement. Souvent, c'est en raison de changements technologiques , mais ce peut être en raison de 1 'idéologie du management, ou d'une combinaison des deux. Comme le souligne Marx, le but de ces changements est habituellement d'éliminer des travailleurs, de mieux les contrôler, d'en obtenir plus de production, etc. Bien que la forme de ces changements puisse varier, la réalité qu'elle exprime reste la même pour l'essentiel. La rapidité et le moment de ces changements varient naturellement suivant les industries et les technologies.
Dans le trafic portuaire, les changements ont commencé dès les années 1950 et furent connus sous l'appellation « conteneurisation». Dans son livre Comment dire que vous êtes fatigués?, Reg Theriault décrit en long et en large les différences entre le travail avant et après la (( conteneurisation». Le fait que le docker doive s'occuper de conteneurs qui sont débarqués sur des camions avec des grues, au lieu de porter des sacs ou des boîtes de différents matériaux qui doivent être chargés ou déchargés, n'a pas signifié que le travail était moins dangereux ou moins pénible, mais a diminué considérablement le nombre de dockers (61).
Les changements intervenus sur la côte ouest des Etats-Unis, avec le syndicat dirigé par Harry Bridges, ont abouti à un contrat collectif impliquant des concessions importantes en faveur des patrons et entraînant une bureaucratisation du syndicat,
(60) Detroit Free Press, Il décembre 1994, 88. (61) Theriauh, How to Tell When Y ou Are Tired?
dans le but d'imposer le contrat à ses adhérents pour qu'i ls acceptent les nouvelles règles d'embauche et de travail.
Dans les années 1950, 1' introduction des premières formes de 1 'automation se répandit rapidement. Le contrôle numérique devint la nouvelle technologie dans la métallurgie. Qui rendit cela possible? Un soutien massif de l'armée de l'air, autrement un soutien gouvernemental, aida en prescrivant la forme que cette technologie devait prendre. Il n'y avait pas besoin d'être compétitif. La voie de l'automati sation totale qu'ouvrait le contrôle numérique, comme la possibilité de substituer le capital fixe au travail, n'est pas toujours rationnelle, particulièrement dans les cas où le financement gouvernemental n'impose pas absolument une réduction des coûts de production. La raison technique de l'intérêt des forces aériennes pour ce processus était de trouver des procédés pour usiner les pièces d'avion aux formes bizarres que 1' on ne pouvait exécuter avec les machines traditionnelles. Mais la technologie peut aller dans deux directions. L'une consisterait à confier au métallo la possibilité de prendre des décisions concernant son travail. « Alors, 1 'idéologie du contrôle se fait jour plus clairement en tant que force motivante, une idéologie dans laquelle on trouve le summum de la méfiance envers les capacités de 1 'homme, dans laquelle tout jugement humain est assimilé à une "erreur humaine" ( 62). >> Chez General Electric, une méthode bien différente fut choisie. Les machines à contrôle
(62) David Noble, « Social Choice in Machine Design :The Case of Automatically Controlled Machine Tools 11 (Les choix sociaux dans la conslruction des machines: le cas des machines à contrôle numérique), in A. Zimbalist, Cases Studies in the La bor Process, New York Monthly Review Press, 1979, p. 30.
ÉCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003-63
ligne, la cla sse ouvrière tend à être la plus durement touchée :
« Le cance r survient réellement comme une série de petites épidémies, le plus souvent en relation avec le lieu et la période de production et d'utilisation de dé rivés pétrochimiques. Alors que n'importe qui est plus susceptible d'avoir un cancer dans des endroits très divers qu'il ne l' é tait il y a dix ans, la clas se ouvrière subit le poids principal de l' épidémie de cancers . Le taux le plus élevé de cancers se trouve parmi ceux qui vivent autour de lieux où des composés organiques sont fabriqués, répandus ou utilisés, et parmi les travailleurs qui les fabriquent ou les emploient, et parmi leurs enfants (58). >>
Les recherches ont montré que les maladies mentales sont un autre problème pouvant être attribué aux conditions du travail moderne. Arthur Kornhauser a étudié plusieurs groupes de travailleurs de 1 'industrie automobile . Il les a classés suivant leurs connaissances professionnelles et selon l'éventail des travaux accomplis dans leur spécialité; utilisant les méthodes d'investigation sur la santé mentale, il a comparé les résultats obtenus pour l'ensemble des travailleurs, compte tenu de leur âge et de le ur niveau d'instruction. Il a trouvé une relat ion entre la santé mentale et l'emploi occupé chez les ouvriers de l'industr ie qu'i l étudiait. La santé mentale déclinait 1 orsqu ' on passait de différents types de travaux impliquant responsabilité et professionnalisme à des tâches beaucoup plus médiocres de ce point de vue. Kornhauser
(58) James Morton,<< The Cancer Epidemie: Part 1 » (L'épidémie tic cancers), Again:rt The C11rrent, juilletaoùl 1995, p. 20.
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en concluait que la« santé mentale dépend de facteurs associés au travail >>(59).
Il y a des problèmes récurrents et conflictuels relatifs à des convenances personnelles : mauvaise aération, sols glissants, pollution de l'air, niveaux de bruit dangereux pour 1 'ouïe, pauses inadéquates, etc. Tous ces problèmes peuvent être évoqués à travers un article du Detroit Free Press du 6 mai 1971 sur le procès de James Johnson, un ouvrier de l'usine Chrysler (El don Avenue) jugé pour avoir tué deux contremaitres et un autre ouvrier. Un témoin, James Muffett, délégué syndical, y parlait de« secteurs dangereux surpeuplés d'ouvriers et d'engins de manutention>>. Johnson fut déclaré fou, à cause des conditions de travail, et envoyé dans une institution psychiatrique. Ce n'était pas un cas isolé, et même aujourd'hui cela peut être attesté par un article récent du Detroit Free Press qui donne une liste des incidents violents dans la région de Détroit, de 1991 à 1994:
1. en décembre 1994, un contremaitre a été tué et un ouvrier blessé dans l'usine Chrysler « Sterling Stamping >> par un autre ouvrier ;
2. en 1993, un enseignant tue un administrateur et en blesse deux autres lors d'un conseil de doléances ;
3. en mai 1993, un postier tue deux de ses collègues et en blesse deux autres ;
4. en novembre 1991, un postier, de nouveau,' abat quatre de ses collègues et en blesse quatre autres. C_et ancien employé venait d'apprendre qu'il ne serait pas ré-
{59) Arthur Kornhauser, « Towards an Assesment of Mental Health ofFactory Workers: A Detroit Study » {Pour une évaluation de la santé mentale des ouvriers d'usine : une étude de Détroit), in Social Dimensions of Work, ed. Clifton D. Bryant, Englewood Cliffs, N. J.: Prentice Hall, 1972, p. 513.
des travailleurs qui pendant quatre semaines avaient été, par périodes, plus ou moins impliqués dans cette lutte. Lorsque fut lancé l' ordre de reprise, il y avait encore 7 700 grévistes ; mais on dira plus tard que nombre de travailleurs traversaient les piquets de grève et que, de plus, le syndicat avait également suspendu toute action chez un soustraitant de 1 'automobile pour éviter le blocage total d'une usine de l'Ouest.
Aussitôt, les médias, qui s'étaient déchainés contre la grève tout en clamant qu'elle causait des dommages à l'économie, parlent d'échec pour le syndicat IG Metal! (et bien sûr pour les métallos est-allemands). Le 1., juillet, dans un discours prononcé à Berlin, Schroder enchaine sur ce prétendu échec pour avancer la nécessité, dans la situation économique présente, de modifier les pratiques de conventions collectives nationales de branche au profit d'accords particuliers d'entreprise, ce qu'il appelle une plus grande flexibilité dans les relations de travail- en termes plus clairs, une flexibilité des conditions de travail adaptées aux nécessités propres de chaque entreprise.
A priori pourtant, l'objet de la grève paraissait au départ devoir rencontrer un écho certain parmi les travailleurs del' ex-RDA. Depuis la chute du Mur, il y a treize ans, la réunification de l'Est et de l'Ouest m'a nullement signifié pour les travailleurs de l'Est une égalisation des conditions d'exploitation et des niveaux de vie. Le capital allemand, tout en prétendant que l'annexion était un fardeau dû au sous-équipement de l'exRDA, a su en profiter largement (il n'a d'ailleurs pas été le seul :voir par exemple le « rachat >> de 1 'entreprise pétrolière Leuna par Elf). Discréditer le niveau des installations industrielles lui permettait de les annexer à bon compte, imposer aux travailleurs de
cette partie de l'Allemagne un statut inférieur à leurs équivalents à l'Ouest l'autorisait de plus à tirer de leur exploitation des profits substantiels.
Encore aujourd'hui, ils travaillent légalement 38 heures pour un salaire équivalent à 35 heures (celui payé à 1 'Ouest), sans majoration pour les trois heures supplémentaires. Pour les firmes allemandes, le gain supplémentaire de cette exploitation était d'environ 10%: cela explique pourquoi nombre de firmes de l'automobile y ont installé, comme nous l'avons souligné, des sous-traitants fabriquant des pièces détachées pour les usines de montage de
l'Ouest.
LES CHOSES ont duré, bien silr avec la complicité des syndicats, pendant treize années, sans que cette question
d'harmonisation ait été sérieusement soulevée au cours des quasi annuels « conflits >> dans la métallurgie autour du renouvellement des contrats collectifs à l'échelle nationale.
On peut donc se poser une première importante question : pourquoi avoir attendu treize ans pour ce faire ?
La réponse n'est pas aisée. Si la revendication avait de quoi mobiliser les métallos de l'ex-RDA, par contre le taux élevé de chômage de 20% (contre 8% à l'Ouest) pouvait les dissuader de se lancer dans une grève qui risquait tout simplement de conduire à la fermeture del 'usine et la perte de leur emploi. C'est une situation qui pouvait d'autant plus les préoccuper que lestravailleurs des pays proches qui doivent bientôt entrer dans la Communauté européenne (certains même plus proches del 'Ouest que de l'Est) vi vent des conditions d'exploitation sans commune mesure même avec les salaires réduits de l'ex-RDA. La Slovaquie, par exemple, peut « offrir » des salaires de
lCHANGES 106 -AUTOMNE 2003 -15
3 euros alors que pour le même emploi, l'exRDA propose 11,32 euros ...
D'autre part, le syndicat IG Metall n'est plus aussi puissant qu'il l'était il y a quelques années ; à l'échelle de l'Allemagne, il regroupe bien aujourd'hui 2 600 000 membres, mais en dix ans il en a perdu 500 000 ; et nous avons vu que dans l'ex-RDA son influence, déjà moindre, s'est en outre amoindrie avec les années (dans toute l'Allemagne, le taux de syndicalisation est passé de 29 % en 1992 à 25 % en 2001 et, dans l'ex-RDA, de 40 %à 18 %).
On peut penser que cette perte d'influence est due au fait que nombre d'accords négociés au niveau de l'entreprise (souvent sous le chantage au licenciement par mise en faillite) ont introduit des dérogations importantes aux garanties des accords de branche, comme on le découvrira au cours de cette grève. Sans aucun doute, pourtant, le syndicat IG Metall restait, comme le souligne un commentateur, « un important interlocuteur dans les prises de décisions, occupant des postes dans un ensemble d'organismes où s'élabore la politique économique et sociale de l'Allemagne ••· Mais ce « pouvoir» devenait ainsi pour les appareils bureaucratiques un pouvoir légal plutôt qu'un pouvoir d'intervention directe dans les relations de travail.
C'est précisément sous cet angle qu'il faut examiner ce qui peut expliquer la stratégie des syndicats (de la confédération DGB et des syndicats affiliés) dans J'ensemble des structures politiques, syndicales et économiques qui sont les rouages garantissant pour le capital la continuité de l'exploitation des travailleurs. Comme partout ailleurs dans le monde capitaliste occidental, la crise et les pressions pour maintenir le taux de profit, donc le taux d'exploitation du travail, en accaparant une part gran-
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dissante de plus-value, se font jour dans tous les domaines. Cela touche bien sûr l'intensification du travail (accroissement du temps de travail et recherche d'une flexibilité totale pour adapter strictement le temps de travail à son utilisation productive).
· C'est la raison en particulier de la résistance du patronat allemand à l'alignement du temps et des salaires pour les travailleurs de l'ex-RDA. Cela touche aussi toutes les « réformes •> des accessoires du salaire, qui subissent comme partout ailleurs une attaque généralisée sous des prétextes divers. Le gouvernement Schroder a concocté un (( Agenda 2010 » concernant des restrictions sur les retraites, sur l'indemnisation du chômage (réduction de la période d'indemnisation), sur la Sécurité sociale (avec une augmentation sensible des dépenses restant à la charge des malades}, sur les garanties de licenciement en faveur des petites entreprises, sur le coût du travail non-qualifié autour d'une politique définie par la formule (( Travail au lieu du Welfare ».
A PRES les dernières décennies au cours desquelles les syndicats avaient pu maintenir, au prix des galops annuels
précédant les accords collectifs de branche d'industrie, une paix sociale garantissant à la fois un niveau de vie à peu près constant et une progression également constante de la production capitaliste, il leur devenait dif· ficile de prendre ouvertement parti pour le programme d'austérité. D'autant plus que leur perte d'influence pouvait aussi signifier que déjà des résistances se développaient contre une mise en place progressive de telles mesures. Ce n'était sans doute pas tant cette perte d'influence qui les préoccupait que la perspective de résistances et de grèves échappant à leur contrôle, et réduisant ainsi
amènent une chute de productivité et la nécessité de former constamment du personnel nouveau. Tout ceci ne dit rien non plus de concret sur toutes sortes de situations où les travailleurs sont exposés à des maux plus ou moins fatals.
En 1977, l'Académie des sciences de New York consacra un volume entier de son report annuel au cancer, tentant de rendre cette maladie compréhensible pour le commun des mortels. C'était un résumé méthodique de la littérature existant alors sur le cancer dans les lieux de travail. Il y était dit que le taux des cancers y croissait régulièrement, malgré toutes les avancées du traitement et des remèdes. L'Organisation mondiale de la santé estimait que 75 % à 80 % de tous les cancers étaient causés par J'environnement (54).
La discussion sur les produits chimiques montrait que les procédures pour déceler les produits cancérigènes étaient particulièrement lentes. En même temps,
(54) Cancer and the Worker (Le cancer et l'ouvrier), New York ; New York Academy of Sciences, 1977 .
plus de 40 000 produits chimiques industriels, plus un nombre inconnu de composés dérivant de leur combinaison, posaient des problèmes. Par exemple, les sousproduits de la fabrication du coke se diffusent dans et autour du four à coke, une des tâches les plus dangereuses de l'industrie. Sur le haut des fours à coke, des travailleurs ayant été exposés à ces produits pendant cinq ans avaient onze fois plus de chance d'avoir un cancer du poumon que les autres travailleurs de l'aciérie (55). L'Académie examinait aussi
un incident survenu à l'usine Goodrich d'Akron (Ohio). Les travailleurs avaient perdu une grève déclenchée pour que la cafétéria ne soit plus contaminée par les vapeurs de deux produits chimiques cancérigènes. Il était aussi expliqué que les entreprises, non seulement cachaient toute information .sur ce sujet aux travailleurs, mais souvent mentaient quant à la sécurité sur le lieu de travail (56).
Dans une étude de 1989, Antonia Ligori avait montré que le management de Valenite-Modeo mentait aux travailleurs sur les dangers potentiels d'une usine chimique. Lorsqu'on leur en donnait l'ordre, les travailleurs devaient s'exposer aux risques pour pouvoir conserver leur travail (57).
Naturellement, les produits cancérigènes sont l'objet d'une préoccupation générale. Mais, comme James Morton le sou-
(5S) Ibid., p. 24. (56) Ibid .. p. 74. (57) Antonia Ligori, The Hazards of To:cins in the Workplace, Va/enlie Modco Ltd, as a Case Stud.1• (Le risque des produits toxiques sur le lieu de lnlVai l), Masters Tbesis, University of Windsor, 1989.
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de porter des lunettes de protection fournies pa r la compagnie, dans les années 1950, on comprit bi en que le coût des compensations que la firme avait dû verser pour des blessures aux yeux avait dépassé le coût de ces lunettes. Le nouveau modèle japonais des relations de travai l ne paraît, de ce point de vue, faire guère de différence. Dans sa campagne pour que 1 'usine américaine de Nissan reconnaisse le syndicat, un des principaux arguments de 1 'UA W (Union of Automobile Workers - Syndicat des ouvriers de 1 'automobile [NDT]) était le nombre élevé d'accidents du travail et l'accusation que Nissan violait les lois du Tennessee en ne les déclarant pas tous . En général, dans les usines ayant adopté le modèle j aponais, le nombre d'accidents du travail a augmenté, en particulier ceux dus au stress.
Miklas Haraszti explique que dans l'usine de tracteurs Red Star en Hongrie, dans laquelle il avait travaillé,son expérience du système de salaire aux pièces lui a fait conclure que s'il travaillait en sui~ vant exactement la méthode prescrite, sans prendre aucune pause, il ne pouvait gagner de quoi vivre. De sorte que lui comme les autres ouvriers étaient contraints de courtcircu iter les règles, d' ignorer sécurité et quali té. Au lieu d e fix er la pièce sur la table de la machine, ils la maintenaient avec leur corps, alors que la machine usinait la pièce. Ce faisant, ils se mettaient en grand danger. Il s appelaient ça« piller ». Il s volaient du temps pour pouvoir gagner un salaire décent. Haraszti parlait du système qui prive les travailleurs de leurs désirs humains élémentaires. Au lieu de s'appliquer à un travail de qualité et à la « bonne ouvrage»,« toute connaissance, habi leté professionnelle, tout ce qui aurait dû être mi.s en œuvre pour faire du bon boulot, était désormais mis en œuvre pour
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truander et ainsi totalement dév ié >> . II demandait« quelle force immense était ainsi capable de tuer chez le travailleur "1 ' instinct d u bon travail ?" » Ce qui, entre autres choses, l' amenait à parler de« l' absurdité inhumaine du travail salarié »(52).
Même dans des secteurs où l'employeur n'est pas directement responsable des bless ures et de la mort, par exemple les violences sur le lieu de travail, les tentat ives pour réduire cette violence rencontrent des résistances. «Les règles proposées par 1 'OSHA cette année ( 1996) pour diminuer les risques de violence pour des millions de caissiers ou employés du commerce de détail ont rencontré de fortes résistances dans les boutiques de fast food ou de toutes sortes d'approvisionnements quotidiens (53) ». En bref, il n'y a aucune raison de croire que les dirigeants d'entreprise se sentent plus concernés par la sécurité des travailleurs que par la sécurité des consommateurs. Sans les contrôles gouvernementaux et la pression des organisations de consommateurs, ces considérations seraient réduites au strict mini mum. Le « marché libre », comme Adam Smith l'a souligné il y a longtemps, n' améliore pas du tout la moralité dans le monde des affaires .
Tout ceci est scandaleux. Néanmoins, tout ceci sous-estime le co fit pour 1 'industrie des problèmes de santé et de sécurité. La crainte des accidents et le ressentiment soulevé pa'r des situations dangereuses
(52) Miki as Haraszti, A Worker in a Workers State : Piece Rates in H11ngary, trad. anglaise de Michael Wright, New York, University Books in Associai ion with New Lell Review, 1978, p. 45-49. Cet ouvragea été publié en fran. çais : Travail a11x pièces, éd. du Seuil. (53) John Nordheimer, «One Day's Death Toll on the Job >>(Le taux quotidien des morts au travail), New York Times, 22 décembre 1996.
leur influence comme intermédiaires dans la gestion de la force de travail ( 1).
Lors des précedentes annonces des mesures d'austérité , les mois précédents, les syndicats regroupés dans la fédération DGB avaient dû, pour ne pas perdre la face, s'afficher comme force d'opposition à ces« re-
structuraL'appel à la grève et tions ». Une
son échec opposition pu-programmé
faisaient-lis partie d'une stratégie
syndicale d'organisation de
contre-feux, face à des résistances qui ne manqueront pas
de se faire jour ?
-
rement verbale et qui ne cherchait nullement à impulser d'une manière ou d'une autre une mobilisation des travailleurs contre ces mesures. Il était
plus conforme à leur rôle sous le capital de tenter d'organiser au contraire une sorte de contre-feu, une démobilisation face à des résistances qui ne manqueront pas de se faire jour.
L'appel à la grève des métallos d'Allemagne de 1 'Est et son<< échec« programmé fai sait-il partie de cette stratégie syndicale ?
(1) Roland Koch, premier miniSJre (démocrate·chré· tien) du Land de Hesse, est l'auteur du slogan cité« Travail au lieu du Wei fare ».Il propose d' imiter les EtatsUnis et la Grande-Bretagne pour régler le problème des travailleurs sans qualification qui forment 40% des chômeurs alors qu' il n' occupent que 12 % des emplois. Sa solution serait de contraindre ces travailleurs à accepter n'importe quel emploi, à n'importe quelles condi· tions et n'importe où avec des incitations financières pour les employeurs. Nous ne sommes pas très loin de ce qui est envisagé en France pour le RMA. Il annonce (The Financial Times du 27 août) qu'il travaille avec le premier min istre social-démocrate de Nord-West· phal ie-Rhénanie (région industrielle de la Ruhr) à la mise au point d' un tel programme.
On peut le penser lorsque l'on regarde les conditions dans lesquelles elle a été lancée et la manière dont elle s' est terminée. C'était la plus sfire façon de persuader l'ensemble des travailleurs que, dans le contexte actuel, toute grève était vouée à l' échec et qu'il n'y avait pas d'autre voie que de se plier aux impératifs présents du capital. Il est difficile de croire que les dirigeants syndicaux aient pu en toute bonne foi penser, avant le conflit, ce qu'ils déclareront après la grève : qu 'ils « avaient mal jugé la situation politique et estimé que la situation économique en Allemagne était plus positive ».
Mais cette tactique a provoqué de profonds remous au sein des bureaucraties syndicales, notamment dans celle de l'IG Metall. Il n'est pas nécessaire d'entrer dans les méandres de ce qui prend l'apparence de questions de personnes et de conceptions de l'action syndicale. Au sein du même appareil, c'est la correspondance des approches que l'on peut voir en France entre Thibault, le leader de la CGT, et Chérèque, le leader de la CFDT. Après pas mal de remous, le conflit apparent s' est résolu par une sorte de direction bicéphale entre le prétendu« radical » et le prétendu «réformiste», qui œuvreront de concert pour l'accomplissement de la même fonction syndicale qu ' auparavant, dans une approche encore plus pragmatique - ce qui signifie plus de flexibilité face à 1 'austérité gouvernementale et aux impératifs capitalistes.
La grève de 1 'Est semble également entrainer une certaine hostilité des travailleurs de 1 'Ouest, dont le travail était paralysé : on peut également se demander si cette rupture de solidarité (alimentée pour une bonne part par les médias au nom dé l'intérêt national) n'était pas un des buts recherchés par les dirigeants syndicaux ; il était évi-
tCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003 -17
dent que la surexploitation des travailleurs de l'Est permettait aux firmes de 1 'Ouest d'accorder aux travailleurs de l'Ouest de meilleures conditions d'exploitation et que l'harmonisation pouvait se faire aux dépens de ces derniers. Il devenait dès lors facile de Iais.ser se développer une hostilité à la grève de l 'Est, d'autant plus qu'à l'Ouest bien peu de solidarité dans un sens fav orable à l'harmonisation s'était manifestée depuis treize ans.
Quelque chose avait déjà changé et changera sans doute encore à l'avenir dans la concrétisation de cette fonction syndicale. La pression de ces changements, conséquence eux-mêmes des transformations des modes de gestion de la force de travail dans les entreprises, elles-mêmes conséquences des nécessités de la survie du capital dans la course aiguë à la compétitivité, n'est certainement pas étrangère aux remous dans la bureaucratie syndicale que nous avons évoqués . Les relations de travail ne peuvent plus, à l'intérieur d'un cadre national, être réglées strictement et uniformément pour toutes les entreprises, placées chacune dans des situations spécifiques face aux conditions du marché, et devant y faire face dans le particularisme de son propre procès de production.
On assiste partout, et pas seulement en Allemagne, à un glissement des conditions unifiées pour une branche d'industrie (temps de travail, salaires et avantages, etc.) réglées pour l'ensemble des travailleurs de cette branche vers une adaptation entreprise par entreprise (voire travail leur par travailleur) des relations d'exploitation. Les 35 heures en France introduisant la flexibili té totale négociée au niveau de chaque unité de travail ont matérialisé un tel glissement av~c la dénonciation de presque toutes les conventions collectives de
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branches d'industrie. Un tel glissement s'accomplit actuellement en Allemagne, et cela influe radicalement sur les structures syndicales.
Dans l'ex-RDA déjà, sous la pression du chômage, des accords spécifiques d'usine ont fait que les travailleurs ont accepté le passage des 38 heures aux 40 heures sous la menace de perdre leur emploi ; dans des firmes de l'industrie chi mique, la même situation a contraint les travailleurs à accepter jusqu'à 10% de réduction de salaires. Et même à l'Ouest, de plus en pl us de firmes ont conclu des accords d'entreprise pour « adapter » les accords collectifs aux conditions spécifiques d'exploitation du travail de l'entreprise ..
Si l'on considère ce qui se passe dans les autres pays capitalistes « avancés », on voit que la même tendance se développe partout rapidement. Elle se traduit par des changements de législation ou des débats sur la question de la représentativité des syndicats au niveau de l'entreprise, c'est-à-dire par une modification du niveau d'insertion de la fonction d'intermédiaire dans la gestion de la force de travail. La conséquence sur les luttes pourrait être une multiplication des conflits dans des unités de travail distinctes, d'autant plus que la multiplication de la sous-traitance et autres recettes pour réduire les coûts de production émiettent les lieux d'exploitation.
Avec, comme corollaire, la quasi-disparition des luttes globales par branches professionnelles. Il est certain que d'autres évolutions nationales en ce sens permettront de préciser la généralisation de cette restructuration de l'exploitation et de la manière dont les travailleurs réagiront face à ces bouleversements.
H.S. septembre 2003
puis 1980, cinq autres compagnies charbonnières ont aussi plaidé coupables de telles malversations »(50). (On peut noter en passant que ceci montre que le délit en «col blanc» (classe moyenne) n'est pas spécialement différent des prétendus délits en c< col bleu »(prolétaires) par son absence de violence, quoique la violence se situe sur le lieu de travail au lieu de s'exercer dans les rues des villes.)
« Les guerres et les naufrages de l'industrie automobile prennent leur charge de vic ti mes à peu près à égalité, mais les dommages physiques de l'industrie forment le quatrième des dangers menaçant la classe ouvrière. Ceci est particulièrement évident quand on passe d'un bistrot classe moyenne à un bistrot prolo. Là, le nombre des présents auxquels il manque un œil ou des doigts, avec des cicatrices, s'accroit énormément. Mais c'est seulement la partie émergée de l'iceberg, si on peut dire. Pas mal de mineurs sont morts dans des éboulements, mais cent fois plus sont morts de silicose. Et finalement, ce n'est pas ce qui vous tue, mais ce que vous vivez qui cause le plus de blessures. Nombre d'occupations ont des maux qui leur sont spécifiques et les femmes qui travaillent n'en sont aucunement exemptes. Si les dockers ont le dos en compote, les employées de supermarchés ont avec le temps, quand elles vieillis-
(50) cc Coal Company Admils Safcty Fraud »(Une compagnie charbonnière admel les fraudes dans la s~curit~). New York Times, 18 janvier 1990. C'est un probl~me sans fin. Le 30 août 1995, ABC News rapportait que quatre inspecteurs des mines pour la s~curité dans l'est du Kentucky avaient ét~ condamnés pour avoir reçu des pots de vin des compa1nics charbonnières. C'est une zone de petites mines sans syndicats ct où, de 1990 à 1995, 45 000 mineurs ont ~té blessés et 170 tués.
sent, des problèmes de pieds, de genoux qui enflent et de varices (51). >>
Dans l'industrie automobile, les restructurations avec licenciements, consistant en partie à transférer -le travail effectué dans les usines des« Trois Grands » (de l'automobile - General Motors , Ford, Chrysler [NDT]) chez des sous-traitants
Quand Bulck Introduisit l'obligation
de porter des lunettes
qui ne connaissent pas de syndicat, ont contribué à l'augmentation des accidents du travail dans les petites usines, de protection, pressurées par les grandes compa- on comprit bien gnies pour réduire que le coût des les coûts et aucu- compensations nement contestées que la firme par des contrôles avait dû verser syndicaux sur la é "té L b . pour des blessures
S CUrt . a BIS-
se du taux des ac- aux yeux avait cidents du travail dépassé le coût ne veut pas dire de ces lunettes que le lieu de tra-vail moyen soit particulièrement sûr. La réalité est que la question de sécurité sur le lieu de travail est une lutte continuelle. Les problèmes de sécurité contribuent au sentiment d'insécurité que ressentent les travailleurs, ce qui confirme que le conflit entre le capital et Je travail, malgré ses hauts et ses bas, ne cesse jamais. Quand la Buick Mo tor Division de General Motors introduisit l'obligation pour chaque travailleur de ses usines
(51) Roger Theriault, How to Tell Wh en You're Ti red (Comment dire quand vous êtres fatigués ?) , New York, Norton, 1995, p. 83.
ÉCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003- 59
58
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ESPAGNE
AUTOCÉLÉBRATION DE L'IMPUISSANCE
{SUITE ET FIN)
Nous donnons Ici la traduction des deux derniers articles écrits par un camarade espagnol, en mars et avril, à propos des manifestations en Espagne contre la deuxième guerre en Irak. Le premier, de février, est paru dans notre no 105.
Il
LE 15 MARS, de nouvelles manifestations de masse ont eu lieu contre l'invasion de 1 'Irak dans to•.1tes les villes
espagnoles. Elles ont mis cependant une fois de plus en évidence l'impuissance des multitudes, qui ne vont pas au-delà d'un rejet verbal de la politique belliciste de l'Espagne. Et l'arrêt de travail de quinze minutes, programmé une semaine auparavant en accord avec la consigne lancée par la Confédération des syndicats européens, n'avait pas pour prétention d'être le premier pas vers une grève générale. Le communiqué lu par l'écrivain José Saramago à la manifestation de Madrid n'a fait qu'exprimer en termes clairs les limites d'un mouvement qui, prétend, selon lui, être seulement la« mouche qui a des couilles »(sic) du pouvoir. Dans quelle mesure cette comparaison ne fait-elle pas écho à une forme de résignation et d'auto-illusion ? Car nous savons qu'à défaut de pouvoir arrêter le massacre de la population civile en Irak, nous pourrions tout au moins empêcher « nos »compl ices d'y participer. Si nous ne le faisons pas, c'est parce que nous savons qu'en attaquant« nos» criminels légitimes du gouvernement, nous remettrions en jeu notre vie quotidienne plus ou moins confor-
table. Il faudrait alors passer de la contestation verbale à l'antagonisme réel, et ceci suppose prendre certains risques que nous ne sommes pas prêts à assumer pour le moment. Le pharisaïsme de l'opposition institutionnelle, plein d'ambiguïtés et de subtilités légalistes, cherche à éviter d'en arriver à renverser le gouvernement. Quant au gros du mouvement contre la guerre, qui est celui qui prend l'initiative, malgré son niveau de créativité dans l'auto-organisation et son ouverture, il n'a pas d'autre contenu politique qu'un citoyennisme sans grande consistance, si nous tenons compte du caractère toujours plus totalitaire du système démocratique; car, ce que l'on appelle démocratie n'est finalement que l'autocratie d'un gouvernement hors de toute atteinte, avalisé par un lamentable cirque électoral se répétant tous les quatre ans.
La désidéologisation (qui n'est pas la critique des idéologies et des fétiches mentaux empêchant de comprendre la transformation de la société) et la dépolitisation télécommandées par les diverses instances du pouvoir depuis deux décennies ont eu pour résultat une dés-idéisation réelle du politique :un vide des idées qui s'est rempli d'un amalgame d'inhibition face à la vie politique, de citoyennisme, de scou-
ê:CHANGES 106 ·AUTOMNE 2003 -19
tisme, de tourisme politique, et de pacifisme (ou de passivisme, puisqu'en réalité le pacifisme entretient seulement la passivité), etc. C'est-à-dire des succédanés de la pensée critique, qui ont colonisé les consciences et favorisé l'esprit de soumission et la renonciation aux responsabilités personnelles. L 'autonomisation que l'on peut observer dans le mouvement contre la guerre pâtit fortement de ces suc-
. cédanés idéologiques ; ils mettent un frein à la créativité potentielle sociale et politique de tous. Plus le temps passe, plus c'est évident.
La fiction démocratique du Front de l'ordre
L'intervention du gouvernement espagnol dans l'invasion de l'Irak a bouleversé jusqu'aux formes les plus élémentaires du système représentatif démocratique. Le président Aznar, s'appuyant sur la majorité de son parti, s'est investi d'un pouvoir, en réalité d'une impunité, pour prendre des décisions en flagrante contradiction avec la volonté exprimée par les gens dans la rue. Le président du gouvernement espagnol a donné la réponse qu'il fallait à ceux qui se posent la question de la nature du système politique représentatif dans le contexte actuel de domination capitaliste. Son attitude, lourdement autoritaire, s'apparente de fait à ce que nous pourrions appeler un coup d'Etat blanc, c'est-à-dire à l'affirmation du pouvoir dictatorial du président et de la camarilla gouvernementale mis en place par les élections ; le système démocratique légitime alors la dictature, tout comme en Allemagne en 1933.
De son côté, J'opposition institutionnelle reste toujours sur la défensive et n'exige m~e pas la démission d'un gouvernement qui s'est clairement placé en de-
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hors du jeu démocratique formel (la composition du Parlement ne correspond pas à la réalité de la rue). Ce qui veut dire que l'opposition n'a pas non plus été à la hauteur des formes minimales démocraticoreprésentatives. Nous avons esquissé dans les pages précédentes quelques-unes des raisons du consensus stratégique, mais il faut chercher les raisons de ce qui semble un paradoxe entre un gouvernement isolé et une opposition délibérément timorée dans la ruine morale, politique et intellectuelle de la gauche institutionnelle.
L'opposition ridicule du Parti socialiste (PSOE) et de ses alliés historiques s'explique par Je calcul bassement opportuniste de ceux qui espèrent rentabiliser leur« opposition sereine >>lors des prochaines élections municipales de ma;, laissant en at-
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(. • 1
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THÉORIE
TRAVAILLER POUR LA PAIE
3. LA VIE AU TRAVAIL (suite et fin)
Suite de l'ouvrage de Martin Glaberman et Seymour Faber*
C- OMME le souligne Porter, ceux qui
travaillent dans ces ~:;onditions de- viennent de simples statistiques où
1' on accumule les problèmes de santé, les accidents et les morts. Les chiffres du tableau 3.1 (voir page 58) sont basés sur les statistiques annuelles établies aux EtatsUnis.
Pour plusieurs raisons, il y a eu une baisse graduelle du nombre des accidents entre 1960 et 1996. Le développement continu de la science et la connaissance grandissante des produits toxiques ; les changements dans les processus du travail, spécialement l'introduction des ordinateurs et de 1 'automation ; et les transferts de main-d'œuvre de la production vers les services, tout cela a contribué à cette diminution, bien que les ordinateurs aient développé leurs propres formes de lésion, comme le syndrome du canal carpien (49).
Mais on doit apporter quelques explications à ce sujet. Le fait que les employeurs savent qu'ils utilisent des produits dangereux n'implique pas qu'ils en informent leurs salariés ou qu'ils prennent des mesures de sécurité à ce sujet. Le
(49) Voir Steve Lohr,« Administration Balks at New Job Standards on Repetitive Strain » (Problèmes administratifs dans les nouveaux standards du travail concernant les efforts répétitifs), New York Times. 12 juin 1995.
pire des exemples en a été 1' industrie de l'amiante, qui ne prit aucune mesure de protection pendant des années après que l'on ait su le caractère cancérigène de l'amiante. Les compensations pour décès ou maladies dus à l'amiante sont encore aujourd'hui contestées devant les tribunaux.
L'extraction du charbon dans les mines, une des tâches les plus dangereuses, donne des exemples de divers développements. Le transfert massif des mines souterraines aux exploitations à ciel ouvert a réduit considérablement le nombre de mineurs et les risques du métier. Néanmoins, cela n'a nullement empêché les compagnies mi nières de violer constamment les règle-
. ments de sécurité fédéraux et des Etats pour accroître la rentabilité des mines. Peabody Coat, la plus importante société minière des Etats-Unis, a récemment plaidé coupable pour avoir falsifié les tests de sécurité minière « et a accepté de coopérer à une enquête fédérale sur les fraudes à la sécurité dans les mines de charbon du pays ... C'est la seconde fois en un peu plus de huit ans que Peabody ... a plaidé coupable dans des poursuites pour avoir trafiqué les tests de sécurité dans les mines. De-
• Voir Echanges n• 102 ( cbap.l <<Qu'est-ce que la · classe ouvrière?>>), 103 (cbap. 2 «Une histoire de la
lutte>>) etl04 (cbap. 3: <<La vie au travail») .
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tion fr anç aise parue dans la revue. Curieusement, ses écrits ne furent pratiquement jamais mentionnés dans la revue, pas plus que son ac tivité politique en Italie. li est vrai que les contacts italiens se faisaient plus à travers Véga, un membre du groupe qui l' avait rallié avec d'autres sortis d'un groupe bordiguiste, et qu'une bonne partie des tex tes de la revue sur l'Ital ie se réfèrent à cette mouvance. Le seul texte donné comme publié par Unita Proletaria («Ital ie, jui llet 1960 >>, n° 31) a vraisemblab lement été écrit par Montaldi. Il n'existe par ailleurs aucune traduction française des écrits de Montaldi, et aucune mention ou traduction d' Alquati, dont je ne sais s ' il fut influencé par Montaldi ou l'inverse.
Je m'interroge sur les raisons de ce silence mais je n'ai aucune explication, sauf peut-être des divergences causées par l' évolution de Socialisme ou Barbarie à la remorque de Castoriadis (je ne pense pas que la scission ayant entraîné la formation de Pouvoir Ouvrier ait renoué des contacts avec Montaldi).
Dans la seconde période de Socialisme ou Barbarie, de 1958 à 1967, pas plus qu'ailleurs, on ne parla guère de l'enquête ouvrière ou de l'opéraïsme ou de l'autonomie. Puisque le dernier numéro d'Aufheben parle de l' ouvrage de Steve Wright, j'ajouterai que je possède sa thèse sur le sujet écrit en juillet 1988 mais portant un autre titre Forcing The Lock : The Problem ofC/ass Composition in Italian Workerism.
Le courant autonomiste a été quelque peu plaqué sur la réalité française post-1968. L ' un des principaux protagonistes est un universitaire disciple et exécuteur testamentaire d'Althusser, Yann Moutier, qui fit un Rassage éclair à ICO et qui tenta ensuite - et tente encore- de lancer des
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groupes copiant, d'une manière artificielle et vouée à l'échec, le courant autonome italien (toujours enfoui dans mes archives, j'ai certainement quelques matériaux sur ces tentatives). II faut dire que la période post-68 fut occupée par les courants léninistes, maoïstes ou trotskystes. On peut trouver des articles dans ICO sur les mouvements operaïstes italiens; j'ai aussi retrouvé deux brochures en français concernant cette période, Le Mouvement autonome en Italie et en France (Spartacus, 1978) et Prolétaires, si vous saviez, Italie 1977-1980 (Ombre hérétique).
J'ajouterai que vous pouvez demander toute autre précision sur ces sujets mais qu'une bonne partie de ce que je viens d'écrire est basée sur ma mémoire qui, comme chacun sait, n'est pas forcément une source fiable. Aussi que je possède des textes en anglais sur le courant autonomiste (photocopies si vous le souhaitez) :
- une présentation de Midnight Notes (1980);
- une critique d' une conférence nationale sur l'autonomie en Italie par Battaglia Communista ( 1996) ;
- un entretien avec Harry Cleaver ( 1993) ; - Negri 's Class Analysis : Italian Auto-
nomist Theory in the Seventies ( 1996).
H. S.
tendant le gouvernement du Parti populaire (PP) prêter son appui à l'armée d'invasion nord-américaine en Irak ; une question embarrassante qu'un gouvernement PSOE n ' aurait pas résolue de manière très différente, ainsi qu'on l'a vu en 199l.ll se serait alors bien sûr aliéné l'axe européen (France-Allemagne), mais n'aurait pas pour autant remis en question l'utilisation des bases militaires dans l'appui logistique à l ' invasion de l'Irak. Qu'on le veuille ou non, l'attitude de 1 'opposition institutionnelle, y inclus Izquierda Unida, les ONG, les syndicats et les grands groupes de communication, qui constituent ce que l'on pourrait appeler le Front de l'ordre pour un Etat capitaliste supportable, a été pitoyable et hypocrite jusqu'à, l'abjection : déclarations ronflantes contre la guerre alors qu'ils faisaient tout pour affaiblir les mobilisations et les transformer en simples expressions ludiques et ritualisées à l'aide de mises en scène photogéniques où l'usage médiatique de l'image prime sur le fond effectif du conflit (chorégraphies avec bougies allumées, chaînes humaines, festivals de musique, etc.).
Ceux-là mêmes pour qui la démocratie représentative actuelle est le seul horizon possible ne furent pas à la hauteur des tâches formelles minimales du système représentatif démocratique dont ils se réclament, qui exigeaient le renversement d'un gouvernement illégitime. Le PSOE fit d'ailleurs l'inverse en optant pour une opposition sans énergie, jusqu'à se rendre ridicule, le regard fixé sur les élections municipales de mai ; il a laissé le PP au pouvoir se perdre dans ses aventures criminelles, le critiquant seulement dans un verbiage délibérément servile et pusillanime (le PSOE n'ajamais demandé la démission du gouvernement). Ils espèrent
toucher les fruits de leur attitude en mai, en obtenant éventuellement la majorité lors des élections municipales. C'est de cette façon que ces jolis calculateurs de la technocratie du PSOE comptent toucher leur part du butin de guerre. Tels sont les bénéfices collatéraux attendus par ceux qui ont joué la carte de la mesquinerie opportuniste.
(21 mars)
Ill
Reconduction du mouvement Avec le début de l'invasion en Irak, les
manifestations massives contre elle s'est intensifié, mais avant tout sur un plan principalement symbolique et ritualisé, et le consensus productif n'a été rompu à aucun moment. C'est seulement de façon très marginale, et par des fractions minoritaires du mouvement, qu'il a été proposé de paralyser la machine économique, qui permet en fin de compte de soutenir la guerre. Paradoxalement, ce sont les étudiants, les cercles académiques universitaires et de 1 'enseignement du second cycle, qui, s'appuyant sur les manifestations de masse dans la rue, ont réclamé la grève générale.
Les marches imposantes d'étudiants se sont succédé, à Madrid (où elles ont tenté d'encercler le Congrès des députés) et à Barcelone en particulier; l'action de la police face à ces marches a été étrangement tolérante à Barcelone et ouvertement répressive à Madrid, comme durant les dernières années de la dictature franquiste . Les étudiants ont fait ce qui était à leur portée : bloquer les voies de communication et la normalité superficielle citoyenne, dans la mesure de leurs possibilités ; mais hormis des actes ritualisés de contestation, ils n'ont éveillé aucun écho parmi les autres
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secteurs de la population. Par ailleurs, des faits anecdotiques, Je vol d'unjambon par quelques adolescents profitant d'un blocus du Corte Inglés (la principale chaîne de grands magasins) pour dénoncer sa collaboration avec 1 'industrie mi Ji taire par exemple, ont servi à criminaliser le mouvement et, pire, à banaliser l'action massive qui immobilisa la ville de Barcelone Je 26 mars.
Une banalisation mise en œuvre par les membres du Front de J'ordre et de ses moyens de communication, à laquelle cependant certains activistes ne sont euxmêmes pas étrangers qui, en montant l'anecdote en épingle, ont dévalorisé des aspects importants du mouvement. Comme dans les mobilisations antiglobalisation, l'argument des« casseurs »permet de détourner 1 'attention des conflits réels et de créer un consensus en criminalisant toute action qui tend à aller au-delà de la contestation symbolique.
Les appareils de représentation qui constituent Je Front del 'ordre se limitent à laisser passer le temps, faire des déclarations et<< tourner la tête », dans l'espoir que les prévisions des chacals du Pentagone se réalisent et que l'invasion connaisse rapidement une solution. Les syndicats CCOO et UGT se sont vus obligés par la Confédération syndicale européenne d'apporter leur appui à un arrêt de travail de cinq minutes à l'échelle européenne le vendredi 14 mars. Après quoi, la pression de la rue réclamant une grève générale, les appareils du Front de l'ordre, et en premier lieu, les syndicats majoritaires (UGT et CCOO), se sont chargés de saboter et d'affaiblir la convocation à la grève générale soutenue uniquement par la CGT et la CNT. On assista ainsi le 10 avril à "Qn simulacre de grève générale, une journée de grève à la carte ; tandis que
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la CGT et la CNT appelaient à une grève de 24 heures, CCOO s'y refusait (acceptant toutefois un arrêt de travail de 15 minutes) afin de ne pas rompre Je<< consensus product if>>, comme Je dit son secrétaire général ; l'UGT, elle, pour ne pas être en reste, appela à une grève de deux heures (de midi à 14 heures). On assistait aux grandes manœuvres pour semer la discorde et accentuer l'impression d'impuissance généralisée.
Le sens de la journée du 10 avril, pour qui veut bien Je voir, a consisté à affaiblir Je mouvement antiguerre et Je rendre de plus en plus inoffensif. Et si on en est arrivé là, c'est parce qu'il y a au sein du mouvement un consensus citoyenniste sous-jacent, dans la ligne du consensus productif; une petite minortité mise à part, ce mouvement est réceptif aux consignes d'une opposition calculée et strictement formelle, du type PSOE et d'une bonne partie de ceux qui disent s'opposer à la guerre.
IV
Réflexions pour une fln ouverte
Dire qu'il ne s'est rien passé serait aussi simpliste que de dire qu'il y eut un saut qualitatif dans l'expression du conflit social. En fait, ce que la mobilisation antiguerre a principalement montré, quoique pas seulement, c'est qu'elle diverge plus sur la forme avec les instances gouvernementales qu'elle ne s'oppose réellement aux structures du pouvoir capitaliste et belliciste. Le discours qui a pu être formulé dans les c~rcles de l'opposition à la guerre, émotionnel et plus proche du langage publicitaire et de la formule simplificatrice percutante ( « Non à la guerre », « Arrêtons la guerre », << Bush= Hitler », etc.) que de
et influencé l'autre, car Chaulieu (Castoriadis) était, comme toujours, particulièrement discret sur ces sujets; je pense qu'il avait certainement rencontré Johnson alors qu'ils étaient encore tous deux dans des groupes trotskystes. La question est d'ailleurs bien secondaire, Je point important étant que, comme je l'évoquerai plus loin dans ma lettre, ces courants quelque peu identiques se sont dégagés ainsi à la même époque, sans aucun doute à cause de l'évolution des relations capital-travail.
Il y a eu, en effet, un certain nombre de textes sur l'expérience ouvrière en France à la suite de la traduction dans les premiers numéros de la revue [Socialisme ou barbarie] de<< The American Worker ». Le recueil [ci-joint] reprend une partie de ces textes ; un autre, sur la compagnie d'Assurances AGF, a été reproduit récemment en brochure par des copains d'Echanges (à mon insu) pour mes 80 ans. Le texte<< La vie en usine » a été écrit par un camarade de Socialisme ou Barbarie qui travaillait dans une filiale importante de Renault, Chausson. La plupart de ces textes sont parus dans la revue avant 1958, avant le grand virage de Castoriadis rejetant Je marxisme et la lutte de classe.
Voici une autre liste de textes qui ne figurent pas dans 1 'anthologie (Je chiffre indique Je n° de la revue): - << Machinisme et Prolétariat >> (7) ; - « 1953 et les luttes ouvrières» (tout Je n° 13 est consacré à des analyses sur les mouvements de cette année-là) ; - « Les ouvriers face à la bureaucratie » ( 18) ; - << Les ouvriers français et les Nord-Afri-cains»(21) ; -<<Chez Renault après Je référendum» (26); - << Les ouvriers et la culture » (30) ; - << Dix semaines en usine » (31) ; - << Les jeunes générations ouvrières » (3 3) ;
- << Hiérarchie et gestion collective » (3 7-38); - hors de France, une série d'études sur« La classe ouvrière d' Allemagne orientale »ont été réunies et complétées par l'auteur dans un livre portant le même titre, Je seul paru en France sur ce sujet.
[ .. . ] Je me suis interrogé sur ce souci (à la fin des années 1940 et avant 1958) de rechercher à savoir ce qu'était réellement le prolétariat, abandonnant les visions quelque peu mythiques des groupes « gauchistes» d'alors (essentiellement trotskystes). A mon avis, la guerre et la période de« reconstruction » des capitalismes nationaux avait totalement bouleversé les concepts traditionnels figés de l'avantguerre qui perduraient dans les groupes considérés. Les « dissidences » de ce gauchisme voulaient s'évader de ces mythes et baser leur activité sur une réalité sociale qu'ils estimaient mal connaître (en France particulièrement, la guerre avait détruit ce qui pouvait exister de groupes ultra- gauche et la clandestinité de la Résistance avait isolé les groupes traditionnels de la réalité sociale d'alors, ce qui se prolongeait dans l'après-guerre immédiat). Ce n'est donc pas un hasard, comme je l'ai souligné, si ces courants identiques sont apparus concomitamment dans différents pays. Ce n'est pas non plus un hasard si Harry Cleaver se réfère à ce courant « précurseur »dans 1 'ouvrage que vous critiquez dans Je dernier Aufheben; Reading the Capital Politica/ly (dont je possède la première édition) (ce qui ne préjuge pas de ce qu'ils en ont fait plus tard avec l'<< autonomie»).
Socialisme ou Barbarie avait établi des contacts avec Danilo Montaldi, que je me souviens avoir rencontré à des réunions du groupe et qui avait traduit en italien« The American Worker » à partir de la traduc-
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cont re le vieux monde, les organisat ions con scill istes surg ies auront fa talemen t contre elles les idéologues du conseillisme.
Echanges n'est pas mal foutu sur le pl an de la form e-obj et, bien que souffrant du défaut congéni tal selon Jean Barro t ( in Conl/nunisme et questiou russe, éd. Spartacus) de ne pouvoir mettre en commun le minimum d ' affrontement théorique nécessaire à l'élaboration cohérente d'une théorie communi ste actuelle. On se contente donc d'inverser la perspecti ve léniniste et de pester con tre le part i, quand les lén inistes de tout poil le surestiment. Au lieu d'étudier l' évolution de la forme parti dans l' histoire, et donc en liaison avec l 'évolution du mode de production capitaliste, on l' abstrait . Pièges de l'idéologie ...
Oui, j e pense que le parti de classe, la classe organisée en parti, c'est-à-dire en conseil s, le part i «compact et puissant », comme disent les bordigu istes, reviendra sur le devant de la scène, mais il faudra que le parti des partageux, Je parti du négatif, qui depui s douze ans se bat sans mythes, sans chef, s ans organisat ion, assume la destruction théorique dudit mythe, desdites organisations. Il nous faut repart ir de là où la critique révolutionnai re s'est arrêtée en Mai 68 et renouer le fil... En dix ans, j'ai accumulé un rayon théorique fabuleux .. . Il est temps de passer de la théorie à la pratique et, sur ce plan, j'attends votre aide .
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Questions d'archives : Sou B, l'expérience ouvrière, les Italiens, les autonomes ••• Documents et précisions pour le groupe anglais Aujheben ... et d 'autres.
Bien d' accord avec l'article d'Autheben sur l 'Argentine. Contrairement au texte de Mouvement communiste qui considère que le« ralliement »des classes moyennes (même prolétarisées) est mortel pour le mouvement de lutte, nous pensons aussi qu ' on y trouve l'amorce d' une recomposition de classe. Une question vient à l'esprit au sujet de positions comme celles de Mouvement communiste {ils ne sont d ' ailleurs pas les seuls) : que feraient-ils de ces classes moyennes (anciennes toujours existantes ou récemment prolétarisées) si surgissait un mouvement révolutionnaire dans lequel ils seraient acteurs? Les fusilleraient-ils ou les enverraient-ils se rééduquer dans des camps, suivant d ' illustres exemples historiques du dernier siècle? Tout cela soulève bien d'autres questions. Nous envisageons de reprendre l'ensemble des textes connus sur l'Argentine avec les derniers développements pour en faire une seconde brochure ; nous reprendrons vraisemblablement des passages du texte d'Aufbeben.
J'envoie séparément trois autres petits livres de Glaberman sur certaines expéri ences ouvrières aux Etats-Unis[ ... ]. Des rééditions d ' articles de Glaberman semblent en cours aux Etats-Unis . Celui qui est bien informé à ce sujet est Neil Fettes de Black and Red Notes [ courriel : benn@direct.co].
Il faudrait aussi que je retrouve d'autres textes enfouis dans mes archives sur la « tendance Johnson-Forest» sortie du trotskysme à la même époque que Socialisme ou Barbarie. Difficile de dire qui a précédé
concepts dont le sens permettrait d ' élargir l'horizon d'une compréhension critique de ce qui se passe, ainsi que les formes de la mobilisation (prédominance du ludique, du fest if, du « culturel » ), nous autorisent à penser qu'il s'agissait tout au plus d'exprimer uniquement un antagonisme simulé (calculé).
Néanmoins , l' expérience récente de cette mobilisation a fait ressurgir au premier plan de nombreux points d 'interrogation, sous une forme toujours plus pressante. La perception de l ' effondrement de la civilisation càpitaliste est plus qu'une simple impression, sans ouvrir pour autant nécessairement de perspectives réjouissantes . Au contraire, un réflexe conservateur se fait jour parmi les restes de la gauche qui serrent les rangs autour du système démocratico-capitaliste, considéré comme un « moindre mal ».
Ce repli vers une pensée réactionnaire est propre à la nouvelle classe moyenne surgie de la restructuration capitaliste de ces deux dernières décennies, et qui comprend de larges secteurs de la population salariée des pays capitalistes développés.
C'est le consensus productif qui se fonde sur l' exploitation croissante de la périphérie et l' impitoyable exploitation des nouvelles fractions prolétarisées au centre du capitalisme (immigrants). C'est cette classe moyenne qui a, en majorité, été la protagoniste de la campagne contre la guerre, et c'est de cette constatation qu' il faut partir pour tirer les conclusions sur ses résultats, ses limites et ses perspectives futures, sans oublier le danger d'une éventuelle dérive vers un discours nationaliste paneuropéen qui étende le consensus en direction des secteurs néofascistes .
Sans doute, le système représentatif n 'a pas fonctionné ou, plus concrètement, ne l'a pas fait sous la forme où ille faisait traditionnellement. Les appareils de représentation n' ont pas exercé leur hégémonie sur le mouvement {par incapacité, mais aussi peut-être par tactique), mais Je mouvement antiguerre n'a pas su pour autant créer un espace politique autre; la proposition alternative s ' est simplement épuisée dans les formes de la contestation tandis qu'elle s'est subordonnée politiquement à ta rhétorique du citoyennisme administrée
tCHANG ES 106 • AUTOMNE 2003- 23
par ce que nous avons appelé le« Front de l'ordre pour un capitalisme supportable». Il faut voir, en tout cas, dans quelle mesure la capacité du système représentatif actuel à gouverner et sa légitimité se ressentiront de toutes les fois où il a pu être démontré qu'il n'était qu'un équilibre mafieux d'intérêts entrecroisés (le vote du PP au congrès, l'opportunisme du PSOE, l'attitude des syndicats, etc.).
LA MOBILISATION a éclos spontanément des sentiments et des émotions de la multitude, avec un très faible caractère
politique comme subjectivité active (et poussant à l'action). C'est pourquoi on peut parler d'un consensus tacite, structurel, entre le mouvement et l'organisation du pouvoir capitaliste. Un consensus réel et pratique qui explique les difficultés de parvenir à une grève généralisée ou à un processus de déstabilisation de l'économie de guerre. Ce n'est pas seulement le chantage à la précarisation, mais aussi l'endettement privé (le plus élevé d'Europe), qui fait de la perte d'une journée de salaire un petit drame pour la communauté des citoyens consommateurs, qui expliquent le consensus productif que les syndicalistes de l'UGT et des CCOO ont invoqué pour saboter la grève générale.
Les étudiants, les artistes et les citoyens, qui exerçaient leur droit de protester en dehors des horaires de travail, ont constitué le gros du mouvement contre la guerre. c· est ce qui a donné un caractère périphérique, sans incidence sur le processus de reproduction du capital, à la mobilisation ; elle ne s'est pas opposée à la réalité de la guerre, mais seulement à sa dimension spectaculaire et émotionnelle, non à son rôle effectif dans Je processus d'accumul~ttion du capital, qui inaugurait un nouveau cycle commercial fondé sur
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l'expropriation du pétrole et la « reconstruction>> de l'Irak. Quoi qu'on puisse penser de son cynisme, la ministre des Relations extérieures espagnole savait de quoi elle parlait lorsqu'elle a eu le culot de se réjouir publiquement des hausses boursières qui suivirent Je début de l'attaque ; et le président du gouvernement, lui aussi, savait à qui il s'adressait lorsqu'il ne cacha pas que« notre participation» à l'invasion ouvrait des opportunités commerciales pour les entreprises espagnoles lors de la reconstruction et que cela voulait dire des postes de travail en plus .
La prédominance des symboles - tout comme dans le mouvement antiglobalisation en général- a montré les limites réelles de la mobilisation et de l'intervention politique de la multitude constituée en rassemblement de citoyens ; le conflit exprimé par J'ensemble du mouvement est resté dans des limites respectables (personne ne s'est risqué à exiger la démission du gouvernement).
Ce que nous avons appelé le Front de l'ordre est intervenu stratégiquement tout au long de la mobilisation dans le sens du gouvernement en affaiblissant le mouvement ; il l'a rendu impuissant et a démontré ainsi que rienne peut être changé, que l'action des masses ne peut rien faire dans le monde globalisé, etc., que, finalement, la politique est affaire de professionnels, de spécialistes et de gestionnaires, tels ceux qu'on retrouve à la tête des gangs agissant dans le système représentatif, ces agences de distribution de l'emploi, de charges et de prébendes. Imaginons simplement la base sociale que représente la quantité de gens dont les moyens de subsistance (emplois et revenus) dépendent directement du système de représentation (partis, syndicats, ONG, municipalités) et des pro-
1917-1923, nous ne pensons pas du tout qu'il y eut une telle vague dans la période 1968-1978 : ce fut dans les années post-68 une des croyances commune à toute l'extrême gauche, que 68 était Je point de départ d'une telle vague, croyance dont on peut voir encore les conséquences aujourd'hui ...
Par rapport à ces « vagues révolutionnaires », ce que tu appelles leurs « limites pratiques et théoriques » ne sont pas à voir comme des idées (celles que tu exposes) qui auraient fait« échouer »un processus révolutionnaire mais à considérer dans le contexte économique et social des pays où ces événements se produisaient. Ceci nous amène, pour la période 1917-1923, à examiner ce que fut la révolution bolchevique dont le caractère imprima tout le mouvement de la lutte de classe pour les cinquante années qui suivirent: ce fut une révolution bourgeoise, imposée par la tâche de la transformation de la société russe en une société capitaliste industrielle. Tout ce qui en découla était particulièrement bien adapté à cette situation et effectivement totalement inadéquat aujourd'hui à tout mouvement d'émancipation sociale des sociétés industrialisées.
Merci pour ta liste d'ouvrages de base. Nous remarquons qu'à part quelques exceptions elle s'arrête pratiquement aux a:uvres publiées antérieurement aux années 20. Il n'y figure, entre autres, aucun des auteurs marxistes plus récents : Pannekoek, Korsch, Rühle, Mattick. Si cela t'intéresse, nous pouvons t'envoyer une liste des ouvrages de ces auteurs et d'autres également. Le malheur est que la plupart des ouvrages en français furent publiés il y a maintenant plus de vingt ans et sont souvent épuisés. Mais on peut toujours en faire des photocopies. Des extraits peuvent être aussi trou-
vés dans des brochures récentes qui, elles, sont toujours disponibles.
Bien sûr, tu peux envoyer des critiques de livres. Pourquoi ne pas commencer par le livre et le film dont tu nous envoies la présentation? As-tu le livre de J. W. dont tu proposes de faire la critique ? Les seules conditions pour ces critiques :
- elles ne doivent pas être très longues (tu juges d'après celles qui figurent déjà dans Echanges). C'est seulement une question de place pour des questions de dimension conditionnée par le tarif postal;
-nous n'exerçons aucune censure mais chacun (nous-mêmes ou tout lecteur) peut faire une« critique de la critique» qui est alors également publiée. Certains camarades, notamment défendant la notion de parti, qui avaient accepté de donner des textes publiés dans Echanges, n'ont pas accepté que leurs textes coexistent avec d'autres contredisant leurs positions ou que leurs textes soient critiqués et ont refusé alors toute participation à Echanges. Nous avons nos propres positions, qui d'ailleurs comportent certaines divergences, mais nous n'admettons aucun sectarisme et demandons à tout participant de faire de même.
Nouvelle lettre répondant à la précédente (7 avril 2003)
... Pour reprendre ce que vous me disiez sur l'utilisation du terme « conseilliste »par rapport à celui de« communiste de conseil »,je pense comme J'Internationale situationniste dans le n° 12 de sa revue (enfin rééditée chez Fayard), que 1 'utilisation du terme« conseilliste » est sans inconvénient, qu'il n'y a pas et n'y aura jamais de« conseiJiisme »,ce qui supposerait une doctrine d'interprétation des faits qui n'existe pas, et que, mieux, lors del 'assaut
ÉCHANGES 106 -AUTOMNE 2003- 53
mais conservant encore le concept de parti, trans formant ce concept au cours de la seconde guerre mondiale, t irant enseignement des luttes du demi-siècle écoulé, en un orga ne qu' il définissait comme suit dans un de ses principaux livres (Les Conseils ouvriers) :
.. . La nouvell e fonction des partis sera désormais limitée à la lutte sp irituelle. La
classe ouvrière n ' en a aucun besoin pour ses actions pratiques : elle aura créé ses nou
veaux organes pour l'action, les conseils ... Pannekoek développe plus dans le détail
cette idée en soulignant que les anciens
partis concentraient leurs efforts sur une seule chose : « S' emparer du pouvoir pour eux -mêmes . » Vers la fin de sa vie, en 1952, il pouvait écrire, évoluant quelque peu par rapport à ses précédentes positions :
«"Conseils ouvriers", cela ne désigne pas une forme d ' organisation fixe élaborée une fois pour toutes et dont il resterait seulement à perfectionner les détails ... "conseils ouvriers", cela veut dire la lutte de classe .. . Les révolutions ne se font pas sur comma nde, c'est évident: elles surgissent spontanément quand la situation de
vient intolérable, dans les moments de crise. Elles ne naissent que si ce sentimen t d' intolérabilité s ' affirme toujours
pl us au sei n des masses, en même temps qu ' y apparaît une certaine conscience ho
mogène de cc qu'il convient de faire . C'est sur ce plan que le rôle de la propagande, de la discussion publique se situe ...
Ainsi donc, J'idée des conseils ouvriers n' a rien à voir avec un programme de réalisations pratiques ... il s'agit uniquement d'un fil conducteur pour la longue et dure
lutte d'émancipation que la classe ouvrière a..encore devant elle .. . » Lorsque tu dis être à la recherche d ' une
52- ÉCHANGES 106- AUTOMNE 2003
activité communiste qui se distingue complètement du« militantisme)), tu sembles rej oindre ce que nous essayons de définir dans notre activité de clarification des luttes qui se déroulent dans le monde ac
tuel, de discussion autour des explications
que nous pouvons en tirer . Il est évident que, dans la mesure où nous publions des informations sur ces luttes, notre travail d'analyse et les discussions qu'elles pro
voquent, nous participons, à notre modeste
mesure (comme d'autres, qu'ils l'admettent ou non), à une forme de propagande et
de discussion publique telle que Pannekoek essayait de la définir.
Mais, à notre avis, cela est totalement contradictoire avec ce que tu vois, d'une manière très idéaliste et sans relation avec les tendances réelles de la société présente, comme le« parti compact et puissant » et ce que tu appelles« l'activité organique» .
Pour reprendre ce que nous avons exposé au début de cette lettre, la forme de toute activité en ce sens est non pas ce qui est élaboré dans la tête de l'un ou de l'autre, mais ce que la réalité sociale impose à cette activité, tant dans son contenu que dans sa forme; comme nous l ' avons dit, la forme secte n'est pas ce que les militants pensaient pratiquer mais est précisément la conséquence de l ' inadéquation totale entre
leur projet et cette réalité sociale. De plus, l'introduction de rigidités idéologiques et
organisationnelles entraine inévitablement, dans une société capitaliste, 1 'introduction
dans la pensée, les formes et les pratiques de toutes les contraintes du système capitaliste lui-même, ce dont les militants ne sont pas conscients, enfermés dans leurs certitudes.
Une petite remarque sur ce que tu dis des « vagues révolutionnaires». D'abord, si nous sommes d ' accord pour la période
grammes de formation, de fonds de l ' emploi, d'assistance publique, etc. qu'ils gèrent.
R ESTE à savoir quels seront les contrecoups du mouvement : entrera-t-on
dans une nouvelle dépression de la contestation comme celle qui suivit le référendum pour 1' en trée dans l'OTAN ? ou
bien le regain de politisation chez les jeunes générations, les plus touchées par la pré
carisa tion, se matérialisera-t-il dans des formes de lutte autres que symboliques?
Certains intellectuels, enclins à extrapoler
à partir de leur si tuation professionnelle dans le secteur de la production culturelle au sein du capitalisme dévelo ppé, privilé
gient l'intelligence et la coopération affective comme nouvelle force productive dans le capitalisme post-industriel, etc. ; mais le monde continue en réalité à se mouvoir à la pointe du fusil, c'est-à-dire par la force et le chantage, dont l 'expression réelle (la réalisation, en définitive) est la production de marchandises (l 'imposition du salariat). C'est la pierre angulaire du processus de reproduction sociale et du système représentatif démocratique. Lorsqu'on s'attarde sur la composition du mouvement, on constate que la partie la plus dynamique en était constituée par des fractions de l'intelligentsia et de la pro
duction immatérielle (professeurs, étudiants, artistes, journalistes, figures mé
diatiques, etc.) ; les limites de leur mobilisation résident précisément dans le
fait qu'elle n'eut à peu près aucune influence sur le procès de production et de circulation des marchandises et des services (sauf dans certains services annexes situés en marge du procès de reproduction du capital), et fut incapable de rompre le consensus productif.
Sa réceptivité aux mots d'ordre citoyennistes émanant des diverses instances du pouvoir, le Front de l' ordre y inclus, souligne indirectement la subjectivité qui
prédominait dans la mobilisation contre la guerre. Ainsi, le maire de Barcelone (la « ville de la paix », selon le département du marketing de la mairie),lequel a réprimé systématiquement les occupations, eut
l 'impudence de demander que les manifestations ne perturbent pas le trafic auto
mobile, en considération de la libre circulation des citoyens, etc . ; des voix
s'élevèrent aussi dans les médias contre les concerts de casseroles (convoqués à dix
heures du soir), invoquant le respect au repos des citoyens. Ce qui est significatif ce n'est pas la dégradation mentale et morale de ceux qui disent ça, mais que la population puisse faire siennes de telles ordures propagandistes.
Ceci démontre comment le discours ci
toyenniste tente de récupérer les secteurs les plus réctionnaires de la population et d'instrumentaliser les sentiments les plus vils pour légitimer et soutenir l'ordre social actuel. De la même manière que le producteur était la figure centrale du discours cap italiste dans sa phase d'accumulation nazi-fasciste, le citoyen est l'alibi rhétorique de la phase d'accumulation du capi
tal sous la forme du totalitarisme démo
cratique. C.G.V .
(16 avril 2003)
êCHANGES 106 · AUTOMNE 2003-25
DANS LES PUBLICATIONS
Etats-Unis + cc La situation aux EtatsUnis ,., sur la situation économique, la dégradation de la situation sociale et les luttes , dans Courant alternatif n° 130, juin 2003. + Street Voice no 73, 2003 parle de ce que peuvent penser les Noirs de la guerre de Bush et commence la publication d'un texte intitulé " Life and Times of a Tramp Burglar ln Baltimore City " (la vie d'un clochard cambrioleur dans la ville de Baltimore). + Aporla Journal, qu i se veut un nouveau journal de la " pensée autonome •, émanant de Minneapolis (Minnesota), est le produit d'une collaboration entre des communistes et des anarchistes. L'auteur de cette annonce parle de ses
1; tentatives activistes à la Nouvelle-Orléans (Louisiane) où il vit:" La situation dans notre ville est très déprimante. La ligne de pauvreté recouvre presque la
', division raciale. La Nouvelle-Orléans est noire à 70%, [elle compte] 26% à 27% de Blancs avec une dominante croissante de latines, presque tous du Honduras. La ville a une économiè d'esclaves du
tourisme : sur ses 480 000 habitants, 200 000 sont employés dans les services (restauration, hôtels, commerces de détail). • Courriel : manonegra@yahoo.com Site : orleanshttp://nolaanarchy.cjb.net + Microsoft Outalls Competition (avril 1996) : Une vue de l'intérieur sur l' industrie dans les prisons américaines (en anglais, · copie à Echanges) (voir Echanges n° 101, p. 14 " Prisons et exécutions : le modèle américain "• et la brochure toujours disponible de Curtis Priee Fragile Prospérité. Fragile Paix Sociale, Notes sur les EtatsUnis).
Ex-trotskystes au pouvoir : aux Etats-Unis aussi ,
1
+ Quelques documents controversés. Nous avons reçu, de différentes sources, des documents sur ce
26 - ÉCHANGES 106 · AUTOMNE 2003
que résume un article du New York Times du 15 juin 2003: " Jeet Heer,dans le journal canadien National Post du 7 juin , établit le lien entre Trotsky et G. W. Bush. Il soutient qu'un certain nombre d'ex-trotskystes influents ont aidé à [l'élaboration de) toute la politique étrangère de l'administration Bush. Il y est dit que Ka nan Makiyu, dissident irakien qui fut un des dirigeants de la IV• Internationale, était fréquemment consulté par P. D. Wolko- ' witz, le secrétaire adjoint à la Défense, et par le vice-pré- ' aident Dick Cheney pour ses avis sur la société irakienne. Un autre néoconservateur, Stéphane Schwartz, aurait appartenu à un groupe trotskyste es- , i pagnol. " (copie de ces documents à Echanges). Note d'Echanges : pourquoi pas ? Les allées du pouvoir (notamment en France) sont peuplées d'ex-trotskystes voire d'ex-marxistes-léninistes. Un groupe politique est une excellente école de gouvernement ou de direction d'entreprise, d'autant plus que ses pratiques bureaucratiques Initient ses membres et encore plus ses
solution. Je su is en recherche d ' une activité communiste (que je distingue complètement du« militantisme »,qui, comme tous les « ismes >>, est une idéologie, un mode de vie, une fin en soi, pour se rassurer) réellement organique.
Je vous envoie une pub pour Johnny s'en va-t-en guerre, magnifique bouquin, film hallucinant • . • pub disponible à Echanges
Le débat continue avec notre réponse du 5 avril 2003 :
... Tu te doutes que nous ne sommes pas d'accord avec ce que tu dis de la forme parti. A notre avis, elle n'a pas échoué. Elle a rempli son rôle à une certaine période de 1 'Histoire dans le développement du capitalisme. On peut observer que cette forme a prévalu dans l' ensemble des régimes nationaux des Etats divers qui s'intégraient dans ce développement, les partis « bourgeois )), conservateurs ou libéraux représentant des intérêts de différentes couches de la bourgeoisie, les partis « socialistes >>, sociaux démocrates parlementaires ou« révolutionnaires >> représentant, dans le même système capitaliste, les intérêts de la classe exploitée, pas les intérêts dans une société future excluant cette exploitation mais ceux dans la société présente. Tous ces partis pensaient que, d'une manière ou d'une autre, la politique pouvait modifier le cours du développement du capital, l'infléchir dans leurs intérêts, en d'autres termes que le politique dominait l'économique.
Tous les partis dits« de gauche)) procédaient, d'une manière ou d'une autre, de ce principe fondamental, leurs divergences ne s'exprimant qu'à propos de la méthode à employer pour y parvenir: la voie parlementaire ou la voie révolutionnaire . Mais
quand on observe l ' Histoire du siècle écoulé, on peut remarquer que le succès de ces formes correspondait à la tâche qu'ils étaient appelés à remplir dans le contexte historique dans lequel elles s'étaient dé· veloppées. La social-démocratie a réussi à intégrer les travailleurs dans le développement capitali ste des démocraties bourgeoises; le léninisme et ses variantes russe (léniniste et stalinienne), chinoise (maoïste) ou d'autres pays sous-développés a réussi à faire entrer les derniers pays ayant des structures semi-féodales dans 1 'ère industrielle capitaliste, réalisant ce développement par une accumulation primitive sous une dictature.
Tu soulignes- fort justement -que les partis ou groupes politiques se réclamant peu ou prou, non pas du marxisme malgré leur prétention, mais surtout de variantes du léninisme, deviennent des sectes. Ce n • est pas un hasard : ils ne correspondent pl us en aucune façon aux nécessités présentes du système capitaliste et s'en ferment d'autant plus dans leurs<< vérités >>que cellesci ne touchent plus que quelques initiés continuant à réciter leur catéchisme. Un exemple concerne les différents groupes bordiguistes que tu sembles bien connaitre et qui passent une bonne partie de leur activité à ressasser les textes de leur gourou. Ils ne sont pas d'ailleurs les seuls: lorsque tous parlent du monde actuel et particulièrement des luttes de classe, i ls tentent toujours de les faire cadrer avec leurs concepts et, s'ils le pouvaient, de les infléchir dans le sens de ces concepts : heureusement , cela ne reste que des << paroles verbales >>.
Un contre-exemple peut être donné par la vie politique d'Anton Pannekoek : social-démocrate avant 19 14, communiste de conseils après cette guerre et l'explosion des conseils en Russie et en Allemagne
~CHANGES106 - AUTOMNE2003 - 51
cette produ ct ion devrait émaner du prolétariat ou des « penseurs révo lutionJmires » ? C'est la pratique du prolétariat qui précède la production théorique en donnant les éléments concrets d ' où doit décou ler cette product ion théorique. Pour reprendre une phrase célèbre : « Sans mouvement révo lut ionnaire, pas de théorie révolutionnaire ; sans théorie révolutionnai re, pas de mouvement révolutionnaire », c ' estle mouvement lui-même qui in troduit les éléments théorique torrespondant à ce qu'i l crée dans ses actions pour son émancipation. Il est possib le qu 'aujourd ' hui les« penseurs révolutionnaires )) cherchent cette théorie là où elle n'est pas, négligeant to talement de relier des phénomènes dispersés mais récurrents et qui ne cadrent pas avec les schémas qu'ils tirent des mouvements du passé, d'un passé parfois fort lointai n et qui correspondaient à un état du capital qui n'existe plus aujourd'hui.
H. S.
Qu'est-ce qu'on a besoin d'un parti! (lettre du 29 mars 2003)
.. . Contrairement à vous je ne pense pas que« la » forme parti (ne la mythifions pas) soit caduque en elle-même, mais ce qui est caduc, ce sont les limites pratiques et théoriques sur lesquelles se sont échouées les vagues révolutionnaires de 1917-1923 et 1968-1978, limites qui sont la conception du socialisme (nationalisations), le maintien de la représentation, de la délégation, bref, de tous les attributs du pouvoir séparé qu i, comme tel, barre toujours l'accès à la communauté humaine. La première des leçons d'octobre, c'est que la bourgeoisie repousse à l' ombre du drapeau rouge La seconde, c'est que les ouvriers devront se méfier de leur Etat.
50- tCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003
Le parti compact et puissant de demain aura dépassé toutes ces séquell es de la phase d'ascendance du capitalisme. Ce sera un parti mettant immédiatement à l'ordre du jour la révolution communiste, une communauté humaine de destin et de lutte abolissant toute hiérarchie, toute représentation, toute délégation, tout spectacle, tout vestige d 'une politique séparée qui toujours au final s'est retourné contre les spectateurs qui en étaient exclus.
Ce parti aura, sur le plan théorique, liquidé toute adoration religieuse envers un grand homme quel qu'il soit. Il proclamera fièrement la fin de tous les « ismes » comme il proclamait fièrement en Mai 68 que« toutes les .idéologies sont des maladies mentales» avant que la contre-révolution gauchiste ne vienne occuper la scène de ses lamentables et squelettiques sectes qui ont fait le joli travail que 1 ' on sait, à savoir dégofiter toute une génération révolutionnaire de toute révolte contre l'ordre établi.
Il faut détruire tout ce qui a été construit, y compris comme réponse à la contre-révolution stalinienne, toutes ces sectes définitivement ossifiées ; ça, j'en suis convaincu. De 1991 à nos jours, j'ai beaucoup milité, entre autres, de 1991 à 1994, à essayer de croiser le fer avec des groupes« communistes» comme VP, le PCOF ... le RCU ... Redresser la théorie, leur mettre sous le nez l'évidence. J'en suis sorti épuisé, bien convaincu que rien ne ramènera j à mais pl us ces vestiges du gauchisme à la raison. En 95, ayant découvert Le Prolétaire, j'ai été un temps séduit par l'apparente rigueur théorique de ce courant. Mais aujourd ' hui, après huit ans ... d'inactivité, tout s'écroule de leur « dogme» et d'ailleurs je me demande comment j 'ai pu un jour croire que la création du« dogme» bordiguiste puisse être la
dirigeants aux stratégies et tactiques du pouvoir, aux manœuvres souterraines et autres coups tordus, cela même qui caractérise tout serviteur du pouvoir capitaliste.
Anti-OMC • T'okup publie dans ses nos 37 (avril2003) et 38 (mai 2003) des matériaux sur les manifestations anti-OMC de mars à Genève, ainsi qu'un . tract, cc G8 et manifesta- • tions. Réponses à quelques idées reçues. ,.
Migrations • • l'utilitarisme migratoire en question ,. , sur tes mé- · canismes économiques de l'immigration et du contrôle des flux migratoires, dans ·
' Courantalternatifn"131 , été 2003.
Amérique latine • Dans Solldaritt§ n• 13 (juin 2003) : écrit par un camarade de la SIA de caen, le récit d'un séjour en Argentine et en Uruguay au printemps dernier sous le titre " Aperçu des luttes actuelles en Argentine ,. . Cet article également dans Courant alternatif n• 131, été 2003. • Communisme (n• 54, avril 2003) contient un long article " A propos des luttes
prolétariennes en Argentine " dont nous reparlerons dans la seconde brochure annoncée sur la suite des événements abordés dans la première brochure d'Echanges. • The Crisis ln Argent/na. The lmperialist Threat ( • la crise en Argentine, la menace impérialiste ,.) dans Agalnst the Current n•• 103 (mars-avril) et 104 (mai-
juin). le n• 104 contient aussi un texte sur • The Ascendency of Brazll's lula ... qui tente d'expliquer ce que l'auteur appelle • l'évolution complexe "du Parti du travail (copie à Echanges, en anglais). • Wildcat-Zirkular a écrit plusieurs articles sur la crise ouverte en Argentine depuis le soulèvement des 19 et 20 décembre 2002, et a traduit en allemand plusieurs textes de la revue Mouvement communiste. le lecteur trouvera dans Je n• 66 (juillet 2003) de Wlldcat-Zir-
ku/ar un texte rédigé en commun avec cette dernière sur la crise devenue larvée en Argentine. Un autre article expose les conditions de travail dans un centre d'appel de la compagnie espagnole Multis Telef6nica à Buenos Aires, tandis qu'un compte rendu de , lecture d'un ouvrage traduit
1
en allemand du Colectlvo 1
Situaciones espagnol (Que se vayan todos 1 Kr/se und Widerstand ln Argentinfen) traduit les désillusions de plusieurs membres de Wildcat à propos de ce collectif espagnol. • D'autres textes distincts disponibles à Echanges : Quelques informations fraîches sur tes luttes en Ar- ' gentine ; Aperçu du mouvement anarchiste argentin ; Quelques in fos sur le mouvement anar en Uruguay. • Un copain de retour d'Argentine et d'Uruguay nous a passé plusieurs numéros d'un journal libertaire uruguayen relatant les luttes dans ce pays et qu'on communique à ceux qui s' intéressent aux méfaits du capital en Amérique latine et qui peuvent lire l'espagnol.
Proche-Orient • Nous ne sommes ni israéliens, ni palestiniens, ni
1
1· juifs, ni musulmans ... Nous •
tCHANG ES 106 · AUTOMNE 2003- 27
sommes le prolétariat ,. : sur la situation des travailleurs tant en Palestine que dans l'Etat d'lsraêl, long article dans Communismi;no 54, avril2003. • La Lettre de Mouvement communiste, n•a (mars 2003) traita de ces mêmes questions avec le témoignage d'un séjour récent en Palestine sous le titre • Der-
quences de la guerre en Irak:
nières nouvelles de Pales- . .. ls Uncle Sam About to ' tine. Itinéraire de Jérusalem Geht Caught Between Irak
au camp de Balata ... A la and a Hard Place ? ,. Lettre no 9 est jointe la reproduction de " quelques tracts diffusés à l'occasion de la guerre d'Irak .. (copies à Echanges) ; cette lettre est intitulée : " Comme toutes les guerres modernes , celle d'Irak a été un pur produit de la vie •pacifique normale" du capital. Lutte de classe contra les guerres et la paix
1 armée des patrons et de leurs Etats. "
Guelte en Irak • Dans Etcétera n• 37 (juin), des extraits du texte " Autocélébration de l'impuissance ,. (voir infra, p. 19, et notre précédent numéro) sur les manifestations antiguerre en Espagne, et principalement à Barcelone, ainsi que des comptes rendus de plusieurs articles d'analyse sur les causes et les consé-
[L'oncle Sam va-t-il se retrouver coincé entre l'Irak et une situation difficile ?] d'Angyal lstvan, sous-titré • An Anti-State Communist Perspective on the War ,. [Une analyse communiste anti-étatique de la guerre); • Harass the Brass .. [Harcelez l'état-major] de Tibor Szamuely ; et • Black Gold • [L'Or noir], un article collectif. • La deuxième guerre en Irak occupe le dernier numéro de Die Aktlon (cahier 206, mars 2003), dans lequel on trouvera pèle-mêle des réflexions actuelles sur la guerre en général et en Irak en particulier, la position récente des surréalistes américains contre la guerre, des réflexions de Carl von Clausewitz ((1780-1831) extraites de la première partie de son ouvrage fonda-
28- tCHANGES 106 • AUTOMNE 2003
mental De la guerre, etc. • Dans le n• 66 de Wildcat· Zirkular (juillet 2003), un recensement des manifestations contre la deuxième 'i guerre en Irak dans plusieurs pays et un compte rendu de lecture d'un livre de Detlef Hartmann et Dirk Vo· gelskamp, Irak • Ein Krleg gegen das Proletariat [1 ra k. Une guerre contre le prolé-
1 tariat] 1
Comprendre la guelfe • Comaguer - • Contre la guerre, comprendre et agir • - publie régulière- . ment une feuille de documents sur la guerre - pas seulement celle d'Irak- et se met à la disposition de chacun pour des débats sur l'ensemble des problèmes touchant à la guerre, et plus spécialement au Moyen- ,: Orient. Courriel : comaguer@nomade.fr Adresse postale : Mille BAbords, 61 rue Consolat, 13001 Marseille.
Iran • Les journaux français permettent de suivre les révoltes étudiantes en Iran, qui s'attaquent maintenant non seulement aux cercles les plus conservateurs du pouvoir mais aussi aux ré-
à une bonne partie de l'ultra gauche libertaire ou marxiste), ne satisfaisait aucunement leurs conceptions activistes « pour la classe)) , C'est un peu ce que tu dis toimême de ton passage de sept années dans le bordiguisme.
Quant à ce que tu appelles la «critique situationniste du militant isme)), elle pouvait paraître juste surtout dans la période où elle s'est développée, autour de 1968, mais les situationnistes n'étaient pas exempts de ce qui faisait la base même du concept de parti : leur élitisme, leur exécution sans concession des adhérents les plus proches (même si elle était fort brillante), leurs erreurs jamais dévoilées, leur attitude dans le Conseil pour le maintien des occupations, etc.
Tu parles de la« presse communiste )), Que mets-tu sous ce titre 7 Il est certain qu'un tas de problèmes qui touchent la vie sociale, d'abord du prolétariat, ne sont jamais abordés car, considérant que le processus révolutionnaire résoudra tout en même temps, il est inutile de s'y attarder ou den 'en parler que comme des sujets subordonnés au problème central de la disparition du capitalisme. Lorsque tu parles des pendules arrêtées un fois pour toutes en 1917, tu vises un certain nombre de groupes que nous connaissons bien ; certains sont plus rigides que d'autres, ces autres essaient de mettre un peu de ces
« sujets de société )) pour appâter (pour quelque temps seulement) les jeunes que révoltent les méfaits du capital mais vivent dans le temps présent et pas il y a près d ' un siècle maintenant.
Quand tu écris qu'il y a cri se du prolétariat et de sa production théorique, tu inverses un peu la réalité : il y a crise du capital, c'est évident (ce qui ne signifie pas pour autant que la révolution est pour demain) ; en regard de cette crise, le capital s'étend comme une pieuvre dans des tentatives diverses pour trouver des sources de profit, ce qui est sa raison d'être; cette extension est à la fois géographique (voir les délocali sations avec toutes les conséquences à la fois dans les pays délocalisateurs et dans les pays délocalisés), en profondeur dans tous les aspects de la vie (voir l'absorption par le capi tal sous forme de privatisation de secteurs entiers restés hors de son champ de profit, et l'incidence sur la vie sociale et les comportements), et par une transformation importante des méthodes d'exploitation du travail avec aussi toutes les incidences sur la vie sociale . Si « crise du prolétariat )) il y a, c'est que les vieilles catégories sur lesquelles s'appuyaient les raisonnements et actions« révolutionnaires )) n ' existent plus comme telles (ou sont ré-
. duites) alors que l'on voit une uniformisation des conditions d'exploitation qui balaie les catégories que l'on pouvait voir autrefois.
Crise du prolétariat, d'accord, mais seulement par rapport aux catégories antérieures dans lesquelles les prolétaires modernes ne se reconnaissent plus, ce qui explique en partie la chute et la disparition des idées obsolètes, des groupes, part is et organisations quelconques qui continuent de charrier ces idées. Tu ajoutes« crise de la production théorique)). Veux-tu dire que
ÉCHANGES 106- AUTOMNE 2003-49
(le lénini sme après la guerre ne fera d' ailleurs que reprendre cette position avec des méthodes différentes).
Quant à la phraséologie révolutionnaire, tou t dépend du contenu que les intéressés y mettent : loin de moi l' idée qu 'ell e ne puisse pas êt re 1 'objet de manipulations et recouvrir b ien des compromissions avec les représentants du système capitaliste ; mais si la rupture est trop évidente entre le contenu de ce qu'y mettent les travailleurs et les pratiques des dirigeants des partis s'appuyant sur eux, le divorce apparaît d' une manière ou d ' une au tre, ce qu'on peut voir par exemple aujourd 'hui, sans qu ' on puise dire ce qui en sortira.
Tu parles de Mordicus. J'ai bien connu certains de ses animateurs. Ils ont aussi une histoire. Ce noyau émanait d'un groupe de militants regroupés autour de la librairie La Vieille Taupe, qui poli tiquement se reli ai t à une influence bordiguiste, notamment à Camatte, et dont un des militants avait été expulsé du groupe Pouvoir ouvrier, luimême sorti d'une scission de Socialisme ou Barbarie et défendant des positions marxistes face à l'évolution de Castoriadis.
Ceci se situe autour de 1968 où certains d'entre eux jouèrent un rôle dans les groupes ouvriers-étudiants autour de 1 'université de Censier. Dans les années 1970, le même noyau se retrouva dans diverses publication et groupuscules : La Banquise qui après se transforma dans Le Brise-Glace, le Mouveme lit communiste avec Barrot (Dauvé), La Guerre sociale, etc. Sous l'influence de Pierre Guillaume, 1 'animateur de La Vieille Taupe, ces groupe épousèrent pour un temps les positions négationnistes autour de la défense de Rassinier et de Faurisson, pour s'en éloigner lorsqu'il devint évident (ce qui était prévisible). que de telles positions ferait le jeu de 1 ' extrême droite révisionniste. C'est
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une partie de ces militants qui se retrouvèrent derrière Mordicus, essayant notamment de se couler politiquement dans les mouvements de rés istance sociales qui commençaient à se développer dans les banlieues. Ils imitaient quelque peu une publication anglaise, Class War, qui œuvrait dans la même direc tion, mais en uti lisant la méthode d'un« populisme révolutionnaire», alors que Mordicus œuvrait plutôt dans Je populisme intellectuel à la suite d'une publication antérieure que les mêmes avaient animée :L'Exagéré.
Tout cela a disparu et est bien loin. Les mêmes animèrent pendant .quel que temps une sorte de bistrot communautaire, La Bonne Descente, qui émigra de Clichy à Paris et disparut dans les remous des grandes grèves de l'hiver 1995 par suite de divergences touchant 1 'interprétat ion de ces grèves. Certains d'entre eux se retrouvent dans les noyaux de l'édition L'Insomniaque ou dans une autre édition, Ab lrato, publiant L 'Oiseau Tempête.
Je ne sais si les animateurs de Mordicus ont jamais tiré une leçon de l'échec de leur entrepri se mais celle-ci prolongeait la recherche post-1968, d' un sujet« révolutionnaire » (les déclarations de La Banquise à ce sujet sont édifiantes, puisque cette publication pronostiquait que le prolétariat était totalement intégré et que le mouvement prolétarien était enterré sous des kilomètres de glace, d'où le titre), changeant de cheval lorsque celui-ci se révélait incapable de satisfaire leùrs espoirs révolutionnaires.
Tous ces camarades, ayant subi plus ou moins une influence bordiguiste, se rendaient compte, à un moment ou à un autre, que, si ce noyau pouvait faire des analyses pertinentes du capitalisme, son sectarisme, sa rigidité théorique (qui paradoxalement sous-tendait ces analyses pertinentes - ce qui les séduisait dans la confusion propre
formateurs regroupés autour du président Khatami. Wildcat-Zirkular, dans son no 66 (juillet 2003) apporte quelques renseignements su r les luttes de la classe ouvrière iranienne dans un article : " Arbeiteraufstânde statt Reformhoffnungen " [Soulèvements ouvriers contre espoirs de réforme], qui menacent autrement le régime des ayatholas.
Les centres d'appel, nouveaux bagnes modernes ? • Dans les numéros précédents d'Echanges nous avons évoqué les conditions de travail et les conflits dans les centre d'appel, prolongement étendu, rationalisé et perfectionné avec l'emploi des ordinateurs de ce qui fut autrefois les standards télépho-
niques, pas seulement ceux des grandes entreprises mals ceux des grandes firmes de téléphone avant l'automatisation et où les conditions de travail pouvalent préfigurer ce que sont les énormes centres d'appel d'aujourd'hui (voir Echanges n .. 95, p 47-48 et 96, p. 33). Dans le no 103, nous avons évoqué l'ouvrage publié par le groupe allemand Kollnko • Cali Center Enquête Communisme ... Cet ouvrage existe sur papier en allemand et en anglais ; sur Internet dans ces deux langues et bientôt, pensons-nous, en français. Echanges peut adresser des copies des disquettes des éditions en français et en anglais. Toutes précisions, commandes et discussions sur ce
thème à Kolinko c/o Archiv, Am Forderturm 27 , 46049 Oberhausen, Allemagne -Courriel: kollnko@prol-position.net Site : www.nadir.org/kolinko Correspondance en alle· mand, anglais et français . Nous reviendrons su r cet ouvrage dans le cadre d'une discussion plus vaste touchant l'intervention et l'interprétation des luttes .
RDA • • Expériences est-allemandes dans les années 1980 •, dans Cette semaine n°86, 2003. Traduction de documents allemands mon· trant comment s'organisaient (et agissaient) les jeunes de RDA avant la chute du mur contre la domination totalitaire et la ré· pression.
Espagne + • Barcelone, la plus grande ville du monde •, dans Etcétera no 37 (juin 2003) oppose au discours dominant sur la ville vitrine. du capitalisme espagnol, les luttes de quartier contre les transformations décidées par les technocrates. Cet article est suivi d'une déclaration des habitants du Case Antic, un des quartiers historiques de Barcelone, opposés à la rénovation-
tCHANGES 108 -AUTOMNE 2003 - 29
destruction de leur environnement.
France + Nous avons délibérément laissé de côté tous les textes et commentaires concernant les luttes pour les retraites , la décentralisation, etc. du printemps, pour les regrouper dans une brochure spéciale sur ces luttes. + Dans Le Mouton fiévreux
n•a Ouillet-aoùt 2003), " Lisi Cosmetic : Histoire d'une lutte ,. (et des poursuites contre 19 salariés ayant fait piquet de grève, pour entrave à la liberté du travail). + Cinquième Zone supplément au n"156 (8 juillet 2003) relate une réaction collective dans une cité de Bagneux (banlieue sud de Paris) contre les exactions de flics visant un jeune dans des conditions particulière-
ADRESSES/ RECTIFICATIFS
+Dans Echanges 105, dana la liste d'adresses des publications mentionnées, les rectifications suivantes doivent être apportées : -(p. 49) Aujourd'hui a disparu et doit être supprimé - (p.49) Cette Semaine : cettesemalneOfree.fr -(pp. 49 et 50) CNT·AIT de Besançon s'est transformé en CNT 25
après avoir rejoint la CNT -VIgnoles. -(p. 51) La Matérielle, site: http :/llamaterlelle.chez.tlscal l.frlllndex.html -(p. 51) Lutte de classe n'existe plus et doit être supprimé. - (p. 52) ~'OiseauTemplte, nouvelle
adresse : 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris Courrlel : olseau.tempe· teO lnternetdown.org Site: http;lllnternetdown.orglo lsaautempata - (p. 52) Le Prolétaire banlieusard, courrlel : lpb1871 Ocaramall.com> -(p. 54) Volx des Travailleurs a disparu ; ce noyau a rejoint la LCR. - Omission : Garas (Groupa d'action et da réflexion anarcho· syndicaliste), Lattre da liaison : c/o Sarthe libertaire, Maison des Associations, salle n• 23, 4 rua d'Arcole, 72000 Le Mans. Courrlal: garaaOaltarn.org
30 - ÉCHANGES 106 • AUTOMNE 2003
ment scandaleuses. + Site des intermittents du spectacle avec le déroulement de leurs luttes : http://cip-idf.ouvaton.org avec des liens vers d'autres sites.
Pas bonne à Disney + Le n• 2 de CQFD contient entre autres articles édifiants un texte sur quatre pages qui en dit encore plus que les battantes de la longue grève victorieuse d'Accor-Arcade : " Doro· thée harcelée par son patron, trahie par son syndicat. Ni bonne, ni conne et en lutte chez Disney. ,. Le syndicat maison est en l'occurrence la CGT, syndicat du nettoyage rattaché à la Fédération des ports et docks. La lecture veut son pesant d'exploitation et de coups tordus.
Saint-Nazaire : des Immigrés et des autogestionnaires + Dans Le Prolétaire n° 467 (juin-juillet 2003) deux articles fort intéressants sur Saint-Nazaire, mals traitant de questions différentes. L'un, " Grèves chez les négriers d'Arcade et d'Avco, deux exemples riches d'enseignement
dans la mesure du possible notre propre opinion sur le sujet considéré, non pas comme une vérité définitive, mais aussi comme un élément dans la discussion. Tout ceci ne nous empêche nullement, quand l'occasion s'en présente, de dire clairement ce que nous pensons de leurs positions.
Il y a des décennies que nous avons rejeté la forme parti; pas du jour au lendemain, mais souvent comme le résultat de notre expérience, comme tous ceux qui l'ont fait après la fin de la première guerre mondiale à la lumière des événements qui se dérou· laient en Russie, surtout en Allemagne et quelque peu en Grande-Bretagne. On pour· rait aussi dire que les anarchistes l'avaient fait auparavant, mais la question mériterait de plus amples développements car l' anarchosyndicalisme ou le syndicalisme révolutionnaire ont souvent emprunté au léninisme, même pour le copier comme lors de la création de la Fédération communiste libertaire après la seconde guerre mondiale ou pour fournir, au lendemain de la première guerre mondiale, l'essentiel des troupes du parti communiste naissant.
Ce que tu dis sur les formes de représentation calquées sur l'entreprise capitaliste est particulièrement juste mais nous l'étendons à toute forme organisationnelle quelles qu'en soient les perspectives, révolutionnaires ou autres : toute forme permanente, y compris celles créées par des travailleurs en lutte (comité de grève, etc.) qui a dans la dynamique d'une action le caractère d' une démocratie révolutionnaire, cesse d'avoir ce caractère une fois que cette action est terminée (et même simplement lorsque cette dynamique disparaît dans la retombée de la lutte). Alors s'imposent inévitablement et souvent à l'insu des protagonistes eux-mêmes, qui croient poursuivre leur œuvre « révolutionnaire », les formes
et règles de fonctionnement qui sont celles du système dans lequel elles perdurent, le système capitaliste lui-même (il n'en serait autrement que si ce système avait été balayé par la dynamique révolutionnaire) . En ce sens, nous évitons de parler de« trahison >> qui souvent semble s'adresser aux« chefs», c'est-à-dire aux personnes plutôt qu'à la fonction dans la société considérée;« trahison>> laisse supposer que d'autres dirigeants ou membres plus lucides, plus honnêtes, plus conscients de leur rôle révolutionnaire auraient pu changer la face des choses et les orientations. Indépendamment du fait que c'est une vision non marxiste du cours de l'Histoire, accordant plus d'importance aux hommes qu'aux situations économiques et sociales, on doit considérer l'aspect dialectique de l'intervention de ces organismes de lutte (syndicats, partis, conseils, etc.) dans les événements marquants de l'Histoire.
Pour prendre la situation à l'aube de la guerre de 1914 et le poids que pouvaient avoir les partis sociaux-démocrates en Allemagne ou en France, on doit considérer quel était alors le niveau de connaissance du prolétariat justifiant la fonction hiérarchique du parti destiné à guider les masses prolétariennes. Sans doute ces partis ou syndicats qui y étaient liés gardaient-ils une phraséologie révolutionnaire, mais ils étaient réformistes, dans tous les sens du terme, et participaient peu ou prou déjà à la gestion du système capitaliste. Ils ne le faisaient pas par trahison, mais parce que leurs membres et une bonne partie de la classe ouvrière considéraient que c'était la bonne voie pour changer quelque chose dans la société ; le niveau de connaissance du prolétariat dont nous avons parlé justifiait l'idée que les hommes« instruits)), ayant la connaissance et la« conscience », pouvaient par des mesures politiques avancer dans la voie de la réalisation du socialisme
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qui confisquera it ou trahirait son combat. Un tel paradoxe fait planer sur ce monde, qui prétend mettre chacun à sa place, le spectre de sa fin. Voilà ce que sera mon hypothèse de départ et ensuite, comptez sur moi camarades pour démolir le mythe d'un prolétariat/messie dont 1 ' avènement serait la rédemption du monde, décrocher l'auréole de tous ces« chefs »et« penseurs » géniaux du prolétariat qui généralement l'ont conduit à sa perte . Avec en prime un petit essai de théorisation sur le spectacle et ses derniers développements.
Je lis beaucoup de presse « communiste » et en trouve, de plus en p lus le contenu chiant et nul. Certains sujets (féminisme, homosexualité, légalisat ion du cannabis ... ) ne sont jamais abordés alors que les « militants» vivent dans un monde de rêves, leurs pendules généralement arrêtées, une fois pour toutes en 1917. Il y a crise du capital isme, mais il y a aussi crise du prolétar iat et d ' abord de sa production théori que. N'oublion s pas que Marx et Engels ont envisagé, dans le Manifeste .. . , que la lutte de classe puisse se conclure par la destruction des deux classes en lutte. Eh bien, on y va tout droit. Avant un siècle, le capitalisme sera mort ou l' humanité aura cessé d'exister, emportée par une catastrophe écologique planétaire ou une guerre mondiale généralisée.
Et le prolétariat s'enfonce dans sa crise, disparaît de la scène. La gauche communiste s ' est révélée tout simplement incapable d'exister. L'Internationale situationniste a, elle aussi , échoué dans sa tentative de ramener la perspective de la révolution sociale dans la société moderne. Mais nous sommes toujours là ... Je n'avais que quinze ans en 1968 mais je n'ai pas renié ...
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Réponse (1 3 janvier 2003) Bien d'accord avec ce que tu écris sur La
Forge ; ils ne sont pas les seuls résidus de groupes maoïstes persévérant dans des publications diverses, certains restant obstinément fidèles à leur catéchisme marxiste-léniniste (ML), d ' autres essayant d'évoluer tout en conservant parfois sur certains problèmes actuels des positions étranges que 1 'on ne comprend que si 1 'on connaît leur filiation. Comme, pendant leur période M.L des années 1970, ils pratiquaient souvent l'entrisme en usine ou avaient pu recruter quelques travailleurs, les publications de ces survivances contiennent parfois des informations intéressantes sur les luttes dans les boîtes dans lesquelles ils ont pu garder des contacts (il est possible aussi qu'ils aient pris des fonctions syndicales, car l'hémorragie de militants fait que des syndicats comme la CGT ouvrent largement leurs porte à ceux qu'ils expulsaient autrefois). Les quelques articles que nous pouvons trouver intéressants de ce point de vue doivent bien sûr être lus avec un esprit critique (tout comme ceux que 1 'on peut trouver dans les feuilles trotskystes ou du PC ou syndicales ou bordiguistes) et, recoupés avec d'autres, peuvent être une source valable d' information.
Quant au reste, on le laisse et on ne mentionne éventuellement, pour information, que les textes qui peuvent ouvrir un débat, non parce que nous les approuvons mais parce qu'ils constituent un élément d'information pour ceux qui s'intéressent à tel sujet. Nous pensons que les lecteurs sont capables de juger exactement de ce qu'il en est. Une partie de ce que nous faisons vise précisément à mettre à disposition (en donnant la possibilité de se les procurer) des matériaux sur les questions que nous pensons présenter un intérêt certain, laissant à chacun le soin de se faire une opinion : bien sûr nous donnons
pour le prolétariat "• traite des conditions d'exploitation des travailleurs étrangers dans la sous-Irai tance. Dans la première partie (parue dans le numéro précédent). il décrivait la longue grève en début d'année des femmes de ménage des hôtels Arcade. Cette fois il parle d'Avco, société de sous-traltance des chantiers navals de Saint-Nazaire (Aistom). L'artic le détaille toutes les combines et comp licités, y compris syndicales , qui éclairent le récent conflit de travailleurs de plusieurs natlonalitésrecrutés pour: . les chantiers à des conditions échappant aux obligations légales françaises et
i
qui ont fa it grève récemment pour avoir seulement leurs maigres salaires payés. Nous reviendrons sur une pratique quasi générale dans tous les secteurs de l'économ ie de faire venir cc légalement , (en soustraitance) des travailleurs de pays " pauvres , pour des travaux temporaires aux conditions de leur pays. Jusqu'à ce que les chômeurs nationaux, poursuivis par le RMA, acceptent les mêmes conditions de s urexploitation . L'autre article retrace l'histoire et la fln de la tentative autogestionnaire des dockers de Saint-Nazaire qui est le parfait exemple du sort de toute entreprise de
ce genre dans une économie capitaliste. Nous reviendrons aussi sur cette bonne leçon pour les thuriféraires de l'autogestion.
La droite en Mayenne • Dans Le Mouton fiévreux no 8, juillet-août 2003, une intéressante étude sur " La droite en Mayenne "·
La gauche dans le monde • Alternative Press Index -édition complète 2002 (volume 34) tous documents, groupes et publications de la mouvance « gauche , dans le monde. (On le transmet à qui cela peut être utile.)
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CORRESPONDANCE
Luttes pour Je logement en Seine-Saint-Denis, p. 32 + CRITIQUE MORALISANTE et lutte de classe : réponse de Cl. B ., p. 35 + Du phallus et du mouvement, p. 36
+ Kouchner aux Etats-Un is ; sur le mouvement anti-guerre, p. 36 + Quelle histoire ? Réponse de G. S. à propos des groupes PIC ET VOLONT~ COMMUNISTE, p. 37 +
Collegamenti Wobbly, p. 41 + Lettre de Russie: des liens entre le PMO et le CCI, p.42 + Après les illlusions sur le« secteur public » en Suède, p. 43 + La
correspondance est-elle utile?, p. 44 + Du parti, toujours .. . , p. 45 +Questions d'ARCHIVES: Sou B, l'expérience ouvrière, les Italiens, les autonomes .. . , p. 54
Luttes pour le logement Dans la Seine-Sa int-Denis (91, ban
lieue nord et nord-est de Paris) : lettre d'une camarade du 25 mars 2001
Ce courrier fait suite à l'envoi de la feuille d'infos sur le logement La ville est à nous, que nous avons arrêtée depuis un an, faute de temps, de moyens et de participants, mais aussi parce que nous n'étions pas sfirs de l'efficacité de cette forme de communication. La feuille d'infos était essentiellement distribuée dans les squatts ou lors de manifestations et campements de mal - logés, donc à des personnes maîtrisant généralement mal l'écrit ou la langue française. Une diffusion devant les Caisses d'allocations familiales par exemple aurait peut-être été plus utile, mais ce n'est pas dans nos possibilités.
Nous participons toujours à de petits collectifs de mal-logés, surtout à Paris et dans le 93 [ .. . ]Plutôt qu'une organisation permanente qui privilégierait le quantitatif (et tomberait vite dans les pièges bureaucratiques), nous préférons les petits col-
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lectifs autonomes (mais parfois éphémères) en espérant que !;expérience de la lutte, les modes d'organisation et d'action laisseront des traces même après la fin du collectif.
Le collectif de mal-logés parisiens (le seul collectif actuellement en activité) est ouvert à tous, quelle que soit leur situation administrative. Des gens d'origines diverses gravitent autour du collectif (Russes ou Ukrainiens arrivés depuis un an ou deux enFrance, Algériens, Français précaires ... ) mais le noyau dur se compose majoritairement d'Africains avec ou sans papiers, à la fois èn raison d'une mobilisation de longue durée sur les problèmes de logement et. du fait de fortes solidarités (voire contraintes) sociales et familiales.
Vu i a dégradation de la situation, en particulier l'accès aux services sociaux, aux hébergements d'urgence et bien sfir à un vrai logement, nous intervenons de fait beaucoup pour des situations ponctuelles : occupation de divers services sociaux de la capitale pour obtenir une aide financière
:._-.
timent que les premières victimes de cet état de fait (les travailleurs, ouvriers et employés, chômeurs, etc.) se fichent de tout ça, qu'ils/elles n'en ont même pas conscience .. . A les écouter, les responsables de leurs malheurs sont les « étrangers » comme ils disent. .. Et les mêmes s'étonnent du retour de la Bête? Quelle misère ... Une chose est sûre, les médias font bien leur boulot ...
Du parti, toujours ••• D'un camarade de l'Aude (11 dé
cembre2002) .. . J'ai été surpris que vous publiiez les
adresses du PCOF (La Forge) ou de Voie prolétarienne, qui se revendiquent expressément du « grand Staline « (La Forge) ou du « grand Mao » ; compte tenu de ce que ces deux saloperies ont fait subir aux prolétaires. A moins que vous n'estimiez intéressant, pour la reprise de la lutte de classe généralisée, que les prolétaires lisent ces feuilles de chou éditées par des sectes psychotiques délirantes qui sèment un peu plus la confusion dans les têtes des (rares) prolétaires attirés par leur rhétorique« révolutionnaire ». Par rapport à l'écroulement du stalinisme, les seuls courants à peu près cohérents ont été les groupes se réclamant de la gauche communiste.
Un point de vue sur lequel j e serai plutôt d'accord, c'est l'hypothèse de l'obso-
lescence de la forme parti; c'est un sujet que je voudrais aborder dans un petit texte théorique que j e voudrais pondre et qui serait un« état des lieux » après cent cinquante ans de lutte de classe. Le prolétariat a été à trois reprises trahi par sa représentation -syndicale, social-démocrate, léniniste (en
suite stalinisée). Dans ces formes de représentation, calquées sur l'entreprise capitaliste, la division qui s'opérait entre les chefs, qui pensaient, et la masse, qui suivait, reflétait la division qui s'opère, dans l'être de l'esclave salarié, entre la tête qui pense et le corps qui souffre. Conséquemment, tous ces groupes et partis ont entretenu un niveau théorique très bas dans le prolétariat.
Désolé d'avoir employé le mot <œonseillisme » ( 1) ; il est parfaitement vrai que toute idéologie (se proclamât-elle<< marxiste ») est suspecte. A bas les « ismes ».
Après sept ans de militantisme (si tant est que ce vocable ait un sens dans une organisation réduite à tout au plus vingt individus .. . ) au PCI , je sors de sept ans de lectures assidues bien persuadé que quelque chose cloche dans le « bordiguisme » : idéologie syndicaliste en fait , idéalisation et surestimation de la forme parti, répétition constante des mêmes formules qui en deviennent creuses. Conséquemment, j'en reviens à la critique situationniste du militantisme, je ne veux plus que mon communisme soit un motif de plus de séparation d'avec le prolétariat réel. Je cont inue à prêcher ce que prêchait Mordicus, ce génial mensuel communiste animé par Serge Quadruppani en 1991 : parti des partageux se bat désormais sans mythe, sans chef d'orchestre, clandestin ou pas que l'on pourrait assassiner ou retourner, sans organisation
(1) Voir Echanges n• 105, p. 30.
~CHANGES106-AUTOMNE2003 - 45
de travailleurs manifestent à l'égard des « altcrnat i v es privées » est aussi fort que celui que l'on trouve parmi le publ ic en général. .. Naturellement cc scepticisme (ou même cette haine) est ressenti à la fois pour le« public>> et pour le« privé» et cela crée quelque apathie chez certains prolétaires (y a -t-il une autre solution?),« Je suis trop fatigué de tout ça pour m'en soucier >>, et c. Le sentiment de scepticisme pour le « public » est naturellement très positif. Bien des illus ions ont été détruites par le capitalisme lui-même. Pourtant, nous devons voir comment une perspective communiste peut germer dans 1 'esprit et la vie quotidienne de ces prolétaires sceptiques. La propagande communiste - au delà des illusions des« entreprises d'Etat >>, du« secteur public>> et toutes sortes d'autres excuses ridicules pour soutenir 1 'esclavage salarié est peut-être plus que jamais nécessai re ... >>
La correspondance est-elle utile 1 Suite D '1111 camarade de 1 'Essonne (91, banlieue sud-est de Paris), qui répond à la Ilote du 11° 105 p . 24 concernant la correspondance e11 général.
[ ... ]La correspondance dans Echanges et Mouvement est-elle utile ? Bah, du moment qu'on se marre avec des questions sociologiques du style:« qui ou qu'est-ce que le prolétariat?>> (on sent les problèmes existentiels de certains petits-bourgeois) ou sur le distributisme, cette autre variante, cette n• variante, de replâtrage de cette société de merde, sous un pseudo-langage radical qui n'arrive même plus à masquer son réformisme, etc. !
Moins superficiellement, certaines interrogations sur des points programmatiques (c'est-à-dire 1 'affirmation de notre lutte
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historique, organisée et internationaliste (apatride) auxquelles répondE et M permettent d'orienter certaines lectures, recherches, etc. Ce qui est largement plus intéressant que de se farcir une n• fois les diarrhées de Théorie communiste et autres zozos qui se touillent le cul en huis-clos (n'ont-ils que ça à foutre ces cancrelats ?) Laissons-les discuter peinture et ravalement de façade entre eux.
L'Idée de me retrouver au chômage à la fln de l'année ••• D 'un camarade de la Charente
.. .J'ai très apprécié la brochure sur l'Argentine et je suis assez curieux de connaître la suite des événements même si je crains qu'ils n'aient pas tournés en faveur des travailleurs ... Bien aimé également la dernière brochure reçue sur le « mouvement >> de Mai 68 (comme quoi les syndicats dits« représentatifs >> sont bien ce qu'ils étaient)
J'ai eu aussi 1 'occasion de tomber sur quelques bulletins Dans le monde une classe en lutte qui prouvent au moins que la lutte des classes n'est pas du passé contrairement à ce qu'on entend un peu partout ...
Personnellement, je bosse depuis plus d'un an dans la même boite en CDD; j'ai eu droit au chômage et l'idée de m'y retrouver à 1 a fin de 1 'année ne rn' enchante pas des masses ... On n 'ajamais assez d'expérience pour être embauché, mais personne n' embauch'e pour nous en fournir ; ça ne fait que deux ans que je suis entré sur le «marché du travail>>; imaginer que j'en ai encore pour ... pff! ! bien trop. Tout ça pour dire que ce n'est pas peut-être pour rien que je rn 'intéresse de plus en plus au« politique >> (pas celle des clowns bien sfir), au « social >> , etc. Et que plus ça va, plus cela me dégofite ! ! Le pire c'est que j'ai le sen-
ou une prise en charge en hôtel, harcèlement de l'agence EDF et de la mairie du 18• qui refusait l'accès à l' electricité à des squatters, occupation des locaux du Samu social de Paris qui acceptait de prendre en charge femmes et enfants mais laissait les hommes à la rue.
Ce type d'action permet de rencontrer de nouvelles personnes et de voir de près les différentes stratégies des mairies, des bailleurs HLM, des services sociaux ou des humanitaires qui gèrent des secteurs de plus en plus grands du travail social; mais cela ne suffit pas à créer une dynamique de lutte à moyen terme.
Pression policière accrue L'augmentation de la pre~.sion policière
complique encore les choses surtout pour les sans-papiers. La police profite des expulsions de squatts ou de campement de Roms pour contrôler les titres de séjour et envoyer les irréguliers en centre de rétention, ce qui ne se faisait pas il y a. encore un an. Et apparemment, la consigne est d'éradiquer les occupations de logements vides, qui sont non seulement une réponse concrète et immédiate à un besoin, mais aussi un moyen de mettre la pression sur les propriétaires. Cela peut permettre également des conditions matérielles (un local où les gens peuvent s'informer, rencontrer d'autres mal-logés en lutte, organiser des réunions) plus favorables à la lutte.
Mais, comparé aux années passées, peu de nouvelles occupations ont été couronnées de succès cet hiver {2002-2003, NDLR]. La publicité médiatique sur le volet anti-squatt de la loi Sarkozy a laissé croire à beaucoup que le seul fait d'ouvrir un squatt devenait un délit, alors que la seule mesure nouvelle concerne les « vendeurs/loueurs de squatts «. Et la police
(consignes officielles ou initiatives autonomes) se montre bien plus dure lorsqu'elle arrive sur les lieux d'une occupation récente. Etre là depuis deux semaines et avoir apporté toutes ses affaires n'est plus une garantie de rester. La police exige souvent un contrat EDF, alors que, depuis trois ans, cette entreprise collabore ouvertement avec les propriétaires. Des conventions sont passées avec les bailleurs sociaux pour exiger un bail lors de l'ouverture d'un contrat ; les propriétaires peuvent conclure un contrat spécial qui ne prévoit aucune fourniture d'énergie mais empêche un éventuel occupant d'en avoir une. Et, pour les propriétaires qui n'auraient pas pensé à cette solution, une simple dénonciation et EDF coupe sans se poser de questions.
Voilà pour donner une idée de la situation. Les résistances sont encore peu nombreuses, mais elles existent. Notre colleetif n'a pas gagné grand~chose mais il a permis d'éviter des expulsions ou des coupures, de trouver un hébergement pour quelques personnes à la rue. Il a surtout montré que, même à quelques-uns, il est possible de s'attaquer aux mairies, à EDF et, une fois sur deux de repartir avec un petit quelque chose.
Le rôle de DAL Le fait que des mal-logés s'organisent
de manière indépendante, particulièrement dans le 18•, fiefhistorique de l'association Droit au Logement, a montré aux pouvoirs publics que le DAL perdait de son efficacité dans le contrôle des luttes des mallogés. Il y aurait beaucoup à dire sur le rôle du DAL dans l'étouffement des luttes et des occupations de logement... En trois ans sur le terrain, j'ai eu le temps de voir toute une gamme de saloperies (l'extorsion de fonds, pardon, le paiement des cotisations
i:CHANGES 106 -AUTOMNE 2003 - 33
et des honoraires d'avocat ; les militants du DAL avertis d'une expuls ion qui n'en soufflent pas un mot aux occupants, les réunions du comité de soutien où les principaux intéressés écoutent sagement sur un banc sur le côté, les échanges de bons et loyaux services avec Emmaüs, trois couvertures et une bâche en échange d'un article sur l'abbé Pierre au chevet des mallogés .. . ).
Nous venons de commencer la rédaction d'une brochure sur les luttes du logement de ces cinq dernières années. Tout cela sera plus détaillé et peut-être plus compréhensible que cette lettre.
Réponse (7 avril 2003) Ce que tu écris sur les actions de base des
« mal-logés » ou « sans-logis » présente beaucoup d'intérêt car cela montre comment ces luttes, dans leur quotidien d'affrontement avec toutes les« autorités» diverses, pas seulement policières mais toujours plus ou moins complices des pouvoirs répressifs, sont éloignées des représentations officielles qui prétendent« agir pour eux » mais qu i bien souvent sont conduits à« agir contre eux ».
Cet intérêt est encore plus important pour nous car nous avons toujours défendu, dans tous les domaines des luttes que, tant que le système capitaliste reste debout, des organismes permanents de luttes, même lorsqu'ils avaient été créés au cours d'une lutte, étaient mis tôt ou tard devant 1 'obligation de se placer dans le cadre de la légalité du système, ne serait-ce que pour éviter les sanctions auxquelles toute action « illégale » amènerait la disparition de leur organisation. Cela ne met nullement en cause l'honnêteté des protagonistes (bien que cela puisse parfois l'être) mais leur est imposé pat le système lui-même à partir du mo-
34- tCHANG ES 106 - AUTOMNE 2003
ment où ils tentent de pérenniser cette organisation en lui donnant un cadre légal d'existence et de représentation.
La formule des collectifs de base est en quelque sorte le produit d'une telle situation : si l'on veut, dans une lutte quelconque, échapper aux conséquences inévitables de cette permanence, la formation d'organismes de lutte de base pour un but déterminé ponctuel s'impose. Il en va ainsi aussi bien dans les comités de grève que dans les comités de lutte dont tu exposes le fonctionnement dans ta lettre. Une idée communément répandue dénigre une telle forme d'action, sous prétexte qu'elle serait une marque de faiblesse d'un mouvement de lutte et que seules des organisations permanentes style syndicats, partis, ou plus spécifiques (comme le DAL que tu cites) seraient capables de donner plus d'efficacité à une action qui se voudrait globale et dont ils seraient les agents.
Outre ce que nous venons de dire (qu'une attitude a précisément l'effet inverse de ce qu'elle disait chercher), cette vision correspond à la vision d'une organisation hiérarchisée, cel le-I à même du système capitaliste, hiérarchisée autour de spécialistes, plus« conscients » que les acteurs directement concernés.
C'est une autre raison qui fait pour nous 1 'intérêt de tels collectifs : leur efficacité, réduite certes mais pas inutile dans une sorte de harcèlement, vient précisément de leur mode d'action. Une efficacité plus grande ne pourrait venir que de l'extension de l'activité de ces collectifs de base dans des formes ct pour des objectifs qu'ils définiraient eux-mêmes, sans avoir d'autre but que celui d'une action définie- et pas une permanence pour un but plus politique plus général. Un tel mouvement ne pourrait partir que de la base, mais il importe
tivement à la position de la France et de l'Allemagne. En France, il est évident que derrière l'opposition à la guerre d'Irak on trouve un anti -américanisme (qui n'est pas nouveau) que nous considérons comme le développement d'un patriotisme européen. Nous pensons que la guerre d'Irak est une partie d'un conflit plus large visant à empêcher le dév~loppement de 1 'Union européenne qui pourrait devenir dans les années à venir le principal opposant à la domination américaine. D'autre part, la faiblesse économique des Etats-Unis conduit à ces tentatives de maintien par la force militaire de leur domination, menacée non seulement par l'affirmation de l'Union européenne comme puissance, mais aussi par le développement des pays de l'ExtrêmeOrient et peut-être de la Russie. Dans tout cela, l'opposition de la classe ouvrière dans son ensemble et plus spécialement de la classe ouvrière américaine peut jouer un rôle essentiel.. .
Réponse de ce camarade russe .. . Juste quelques lignes comme vous le
suggérez, d'abord au sujet de nous-mêmes et du CCI... Depuis que nous leur avons fait parvenir une réponse détaillée fin décembre 2002, ils n'ont pas répondu bien qu'ils l'aient promis ... Vous avez bien raison. De toutes façon nous n'avons jamais eu leur idéologie.
Au sujet de la guerre en Irak, la seule chose que nous pouvons dire maintenant est évident pour nous :
1) l'impérialisme américain se tourne vers un nouveau colonialisme (la classe dirigeante en Grande-Bretagne tente de tirer quelque profit pour elle-même dans cette situation nouvelle); les raisons de cette invasion sont bien sûr économiques ;
2) la« stupidité» des nouveaux colo-
nialistes est qu'en détruisant les régimes nationalistes (qui, pas si souvent, comme dans le cas de l'Irak, avançaient des mots d'ordre« socialistes» - Baath, etc.) ils renforcent le facteur islamique et pas celui de la« démocratie bourgeoise ».Quand et si un strict régime is lamique émergeait à la fin des pays arabes du Moyen-Orient (Irak, Syrie parmi les premiers), une révolution islamique pourrait surgir en Jordanie -qui sait? - c'est la terre originelle de l'Islam. Et la vague d'islamisation retournera bientôt vers l'Afghanistan, le Pakistan, etc. Et qui en souffrira en premier et surtout ? ce sera la Grande Bretagne, où la communauté musulmane[????] rapidement aussi bien que son aile extrémiste.
Je peux être d'accord avec votre opinion que l'opposition de la classe ouvrière, et principalement celle de la classe ouvrière américaine, pourrait être essentielle. Mais je crains que les choses puissent se développer d'une façon que nous verrions, comme Engels l'écrivit une fois,« après le déluge »,pour cette fois un déluge islamique. Ce ne sont que mes réflexions personnelles .. .
Après les Illusions sur le • secteur public•, une perspective communiste? Lettre de Suède (26/6/2003)
[ ... ]Il y a certainement un vent de changement qui souffle dans les pays scandinaves- un changement qui dure déjà depuis un certain temps- concernant la vision générale du « secteur public ». Le romantisme avec lequel on a souvent considéré ce secteur particulier du capitalisme - particulièrement chez les sociaux-démocrates, les staliniens, les trotskystes, etc . (même aujourd'hui encore) se délite rapidement. En même temps, le scepticisme que beaucoup
~CHANGES 106 ·AUTOMNE 2003-43
(mobilisation des travailleurs, révolte de la classe moyenne semi-cultivée, mobilisation de la jeunesse). Il serait intéressant d'en discuter.
Pou r le moment, je m'arrête là. c. s.
De Russie. Des liens entre le PMO et le CCl Lettre d'Echanges (18 avri/2003) à un camarade r11sse du Parti Ouvrier Marxiste (voir toutes références et discussions avec ce groupe dans Echanges no 100, p. 50 à 58). Cette lettre fait suite à une correspondance échangée entre des membres de ce gro11pe avec le CCI que nous tenons à la dispositio11 de tout intéressé (en anglais).
Au dernier numéro d'Echanges (103) était jointe une longue lettre. Cette lettre était pour 1 'essentiel un commentaire sur 1 'échange de correspondance que vous aviez eu avec le CCI. Je vous disais que nous connaissions quelques membres de ce groupe. Il fut fondé au milieu des années 1970 avec une bonne partie de membres d'JCO dans le but de construire une organisation révolutionnaire parce qu'ils considéraient alors que Mai 68 en France était le début d' une période révolutionnaire dans le monde. Pour attirer le plus possible, ils prétendirent, à 1' origine, se faire les avocats des conseils ouvriers, leur intervention dans les luttes consistant à pousser lestravailleurs à former de tels conseils. Mais, comme le temps passait, ils évoluèrent vers des positions de plus en plus proches de celles des bordiguistes, avec une approche de plus en plus sectaire sur bien des positions : tous les groupes proches au point de vue politique mais ne partageant pas cette option léniniste devinrent qualifiés de « parasites ». Echa11ges figurait en bonne place dans ces gémonies.
42- ÉCHANGES 106 - AUTOMNE 2003
Ce qui nous a quelque peu surpris dans l'échange de correspondance que vous avez eu avec le CCI est la méthode de discussion. Vous êts supposé répondre à tout un ensemble de questions précises dans une sorte d'examen de passage de la part de maîtres ayant de « meilleures » connaissances et détenant« la Vérité>>. En posant ces questions, ils n'y donnaient pas euxmêmes leurs propres réponses. Assez pour le CCI.
La guerre en Irak a déclenché ici bien des manifestations dans la plupart des pays de l'Europe de 1 'Ouest. Quelques-unes furent très imposantes, pas seulement contre les positions prises par leurs gouvernements suivistes de celles des Etats-Unis, mais principalement, pensons-nous, à cause des conséquences des crises sociales dans ces
pays (Grande-Bretagne, Espagne, Italie). En France, la situation était quelque peu différente parce que le gouvernement conservateur pouvait dissimuler sa politique intérieure de répression sociale derrière son re'fus de suivre les positions américaine (ce n 'était pas bien siir pour des raisons humanitaires mais la défense d'intérêts spécifiques au capitalisme français en Irak et dans les pays arabes). On pouvait voir des raisons identiques derrière le soutien de la Russie à la même politique que la France.
Mais nous avons à voir plus loin rela-
Critique moralisante ... droit de réponse
La lettre ci-après clôt en quelque sorte le débat qui s'est déroulé sur plusieurs numéros d'Echanges (n° 101, p.40-41 et 57-59 ; n° 102, p. 47-50 ; n° 103, p.SJ-59 ) concernant la seconde partie de l'ouvrage de Claude Bltot Enquête sur le capitalisme dit triomphant (en deux brochures, disponibles à Echanges).
Suite à 1 'article de J.-P. V. intitulé« Critique moralisante et lutte de classe >> (Echanges n° 103), je tiens à apporter un petit commentaire. Libre à lui de défendre toutes les idées qu'il voudra, mais pas de me prêter des positions que je n'ai pas, ce qui lui permet de rn ' éreinter idéologiquement tout à son aise. C'est ainsi qu'il me fait dire que je théorise la fin du capitalisme« sans intervention humaine », « sans action du prolétariat», alors qu'il suffit de se reporter à Enquête sur le capitalisme dit triomphant, 1.. partie,
pages 45 et 46, ou bien, si cela ne suffit pas, au n° 94 d 'Echanges, pages 49 et 50, pour se rendre compte que cette affirmation de sa part est complètement fausse et gratuite. De même, il me fait dire que je serais partisan d'« une régénération sociale par une morale pl us haute fondée sur les valeurs bourgeoises », alors que, là également, il suffit de se reporter à la 2• partie de l 'Enquête, page 36, dernier paragraphe, pour s'apercevoir qu'il n'en est rien.
Mais qu'importe, J .-P. V. a décidé que j'étais un« défenseur de la morale bourgeoise »(sans même comprendre pourquoi elle est en déliquescence et pourquoi les bourgeois l'ont abandonnée eux-mêmes), ce qui fait que tout ce que je pourrais dire à ce sujet sera retenu contre moi par le petit procureur J.-P. V. (qui « prend des notes » lorsque je parle à une réunion ... )- comme dit le proverbe « quand on veut tuer son chien, on trouve toujours qu'il a la rage». De même, il en rajoute une
couche en m'assénant des certitudes sur les sociauxdémocrates,les bolcheviks, le parti, Lénine, Kautsky, alors que je n'aborde absolument pas ces sujets dans mes deux brochures.
Ainsi, cette précision faite, je n'ai nullement 1 'intention de continuer à polémiquer plus longtemps avec J.-P. V. qui ne prend même pas soin de lire ce que j'ai écrit réellement. Quand on veut débattre réellement avec quelqu'un avec qui on est en désaccord, il faut un minimum d'honnêteté intellectuelle, c'est-à-dire, avant de le critiquer, faire l'effort de prendre en compte ce qu'il dit.
Je m'excuse pour cette « critique moralisante>>.
Cl. B. 22 janvier 2003
lCHANGES 106- AUTOMNE 2003-35
de voir qu'il ne serait pas le résultat d'une volonté des protagonistes mais des nécessités elles-mêmes de la lutte, de par l'extension qu'elle prendrait alors.
H. S.
Du phallus et du mouvement D'un camarade de l'Isère (15 juillet2003) Réflexions sur une question de vocabulaire. Cette lettre porte en exergue:« Le phallus est-il un outil de lutte efficace pour la classe ouvrière? »
[ ... ] Dans votre numéro hors série de juin 2003 (Dans le Monde une Classe en Lutte), vous écrivez:« On peut voir de toute évidence [le rôle des syndicats] pour émasculer le mouvement ... »
Il est dommage d'utiliser une image qui met en évidence la possession d'attributs masculins comme signe, ou assurance de puissance ou de force. Un mouvement couillu et avec une bite - a-t-il aussi un clitoris que les syndicats exciseraient ?
Le plaisir sexuel est une arme contre le capitalisme, certainement, dans la mesure d'une sexualité aussi libérée des préjugés sexistes ou sexuels ou de genre.
Ne les utilisons pas pour nos luttes et résistances. Evitons de les propager.
Il vaut mieux écrire simplement: les syndicats (bon, au sens réformiste du terme) déstrment le mouvement.
A bas la gestion et l'autogestion du ca-
36- ~CHANGES 106 • AUTOMNE 2003
pitalisme ! Salutations et merci pour ces publications qui ont une utilité et une utilisation certaines.
Note d'Echanges. On veut bien ne plus employer au sens
figuré des mots ou expressions qui peuvent faire penser au sens propre, lequel est effectivement souvent chargé d'une connotation sociale ou morale. Mais on reste quand même perplexe car cela risque de rétrécir considérablement le vocabulaire.
Kouchner aux Etats-Unis. Surie mouvement antl-guerre D'un camarade américain (19 avri/2003)
[ ... ]Je travaille à la Harvard School of Public Health et l'ex-ministre [français] de la santé, Kouchner, était là récemment (au cours du mois précédant le début de la guerre en Irak). Il a donné une série de conférences sur « La globalisation et la santé •> auxquelles j'ai assisté ainsi qu'à des grandes discussions sur l'Irak. Il s'est présenté comme un radical des années 1960, an'ti -establishment, etc. et a parlé beaucoup de Médecins sans frontières. Ce fut pour moi une réelle désillusion (j'ai compris que je n'aurais pas dQ y mettre tant d'espoirs).
C'est un grand admirateur de la Banque mondiale (et il a louangé son président James Wolfensohn comme un brave homme et un ami personnel alors que j'étais intervenu pour critiquer la Banque mondiale dans son travail de privatisation de 1 'eau dans les pays pauvres la rendant trop cofiteuse pour les pauvres et causant alors les épidémies de choléra). Il a palabré sur la guerre en Irak et il est apparu aussi sur les principales chaines de télévision, à peine critique de la guerre à venir.
Je suis d'accord avec vous sur l'oppo-
faits vécus précis de lettres de H. C sur cette question (à la disposition de tout intéressé).
Pour nous, le débat sur cette question précise est clos. Nous reconnaissons qu'il ait pu contenir de notre part des erreurs ou omissions. Comme nous l'avons précisé dans la note (2) ci -dessus, toute autre demande ou lettre sera transmise à G. S. pour qu'il puisse y faire la réponse qu'il jugera nécessaire. Le prochain numéro contiendra seulement un texte d'un. autre membre du PIC de cette époque qui tente d'aller plus profondément dans les questions de fond que nous avions posées. Et ce sera tout : nous renverrons tout autre élément de discussion aux ex-membres du PIC en mentionnant seulement leur existence et où se les procurer.
Collegamentl Wobbly Dans notre n° 103 (hiver 2002), p. 71, figurait une présentation critique de la revue italienne Collegamenti Wobbly. Nous avons reçu ces quelques mises au point :
J'ai lu vos brèves considérations parues dans le no 103 d'Echanges à propos de la dernière livraison de Collegamenti.
Quelques mises au point peuvent être utiles. Les prolétaires effectivement ne s'occupent, pour ce que nous en savons, ni des positions politiques des « Désobéissants», ni des théories politiques de Toni Negri. Ils ne connaissent des« Désobéissants» (encore faut-il qu'ils les connaissent) que les images transmises par la télévision et ils ne savent fort probablement rien sur Toni Negri.
D'autre part, Collegamenti est une petite revue diffusée et lue dans un milieu bien spécifique et elle ne représente guère la composition moyenne de la classe.
Par conséquent, Collegamenti ne ré-
pond pas aux exigences des prolos t~lles qu'elles se manifestent aujourd'hui mais aux exigences d'un milieu de camarades intéressés par les sujets qu'elle aborde. Elle le fait peut-être mal, mais c'est l'intent ion qui l'anime .
D'ailleurs, en lisant le même numéro de votre revue, je trouve deux types de lettres ou d'articles qui sont d'après moi très intéressants. Cependant le premier type convient encore moins « au public prolétaire» que les articles que nous avons publiés. Et le deuxième type demande que l'on soit encore davantage enclin à la réflexion théorique. Pour donner un exemple du premier type de lettre ou d'articles, « Critique moralisante et lutte de classe» ou « La critique situationniste du situationnisme », qui sont tout à fait légitimes au sein d'un débat concernant l'ultra-gauche. Pour donner un exemple du second type de lettres ou d'articles, je cite le texte fort intéressant « Europe, élargissement à 1 'Est
. et migrations ». Pour résumer, je crois que les revues
comme celles que nous publions sont des instruments de discussion critique, de confrontation au sein d'un milieu intéressé par les sujets traités. Si vous parlez du « situationnisme» et nous des« Désobéissants », nous nous occupons de questions qui nous intéressent, un point c'est tout, comme cela est tout à fait normal dans un collectif rédactionnel.
En revanche, il y a un malentendu pour ce qui concerne les positions politiques. Je ne crois pas qu'il y ait de« mauvais dirigeants » qui manipuleraient un« bon mouvement »et je ne crois pas que d'autres camarades de la rédaction pensent des choses pareilles. J'aurais des doutes sur le caractère « petit-bourgeois » du mouvement. Nous sommes dans une situation complexe
ÉCHANGES 106 ·AUTOMNE 2003-41.
- n ° 29 (décembre 1979-janvier 1980), su ite ct fi n d' cd ntellec tuels et Révolulion » ;
- n° 3 1, avril-mai 1980, un article «Qui est le Juif? >>, traitant de « la légende des chambres à gaz >>, était précédé d'un «ave rti ssement >> tentant d'expliquer le pourquoi d'une telle publication :
Les lecteurs de Jeune Taupe connaissent ln question de l'« affaire Faurisson », ainsi que les thèses de Paul Rassinier, par les art icles que nous avons publiés dans les numéros 27 ct 29 («Intellectuels et Révolution », 2-3). Nous ne reviendrons pas sur l'exposé ct la critique de ces thèmes auxquelles le texte-appel, diffusé sous forme d' un tract et que nous publions ci-dessous, fait référence. Nous rappellerons la publication (cf. n° 24) du témoignage de H. C. : « Le crime des bagnes nazis : le peuple allemand est-il co-responsable ? » qui, sans se placer sous le même angle (il n'aborde pas la question de l'existence ou non des chambres à gaz), met l'accent sur le caractère capitaliste de la deuxième guerre mondiale et de ses conséquences (produits de la crise du mode de production cap italiste), donc sc situe dans une même perspective de démystification révolutionnaire. En effet, fa ire du peuple allemand le<< bouc émissaire >> et l'accuser d'ê tre responsable de la seconde guerre mondiale, mais aussi attribuer toutes les atrocités à ce qui serait la volonté démoniaque des horribles bourreaux nazis , c'est occulter les causes réelles de la guerre et la responsabilité du camp vainqueur : démocraties occidentales, capitalisme d'Etat russe.
Le texte qu i suit se veut avant tout la défense d'un individu, comme d' ailleurs l'indique son titre : « Qui est le juif? » Ce qui'guide notre solidarité avec le
40- tCHANG ES 106 -AUTOMNE 2003
contenu de cet appel n'est pas la défense d'un individu en soi, ni même l'apologie de la vérité pure (la vérité repose sur des faits réel s qu'on peut cacher ou révéler, interpréter etc. selon certains buts qui n' ont rien à voir avec la perspective révolutionnaire). Notre solidarité s'exprime vis-à-vis des préoccupations révolutionnaires qui en émanent à un moment où l'offensive idéologique du capital se nourrit à nouveau de la vieille rengaine de l' antifascisme et de la recherche des modernes "fauteurs de guerre" (les fameux "peuples" ou "communautés responsables"). --: le n° 34 (novembre-décembre 1980) re
produit une correspondance deR. Faurisson et J. Daniel et une autre entre Terry L. et Michel du PIC.
Puisque G. S. cite H. C. comme une sorte d'alibi, il devrait évoquer aussi la correspondance échangée avec lui et qui devait dire sa position sur ce sujet dans les mêmes termes que H. C. utilisait dans sa correspondance avec H. S. (d'Echanges).
Lettre de H. C. du 19 janvier 1981 :
L'affaire Faurisson - Avant même le fameux tract, j'avais écrit plusieurs fois à G. S ... Tous se sont eux-mêmes accrochés une drôle de casserole au cul... C'est tellement con cette histoire de chambres à gaz !...Et j'avais rappelé à G. S. mon témoignage (non du camp de Sachsenhausenj ... comme je l'ai écrit à G. S. , cette affaire leur aura fa it perdre toute crédibilité ... et c'est dommage car ils publient des choses intéressantes ... dont un article sur la question de l'organisation qui montre que tous les maîtres à penser ont merdé comme tout un chacun après .. . Nous pourrions reproduire d'autres pas-
sages tout aussi éloquents et touchant des
sition de Chirac à la guerre pour des raisons qu'il importe de préciser. J'écris un article intitulé« Est-ce que le mouvement anti -guerre avait vraiment 1 'intention de gagner ? » qui précise que nous devons voir que seule une révolution aux Etats-Unis non seulement préviendrait de telles guerres mais aussi pourrait stopper le soutien du gouvernement à toutes les dictatures. Un point de cet article est aussi que si nous ne parlons pas de cette nécessité d'une révolution, on ne peut que faire confiance à des solutions non-révolutionnaires comme faire confiance à 1 ' ONU (par exemple comme Chirac) et alors, c'est perdu. ·
Je pense que c'est très encourageant de voir que les Irakiens organisent déjà de grandes manifestations pour dire aux Américains de partir. Le journal local titre aujourd'hui« Les Irakiens claquent la porte au nez des Américains »avec une photo d'une énorme manifestation. La femme avec qui je travaille était convaincue juste avant la guerre en Irak que c'était nécessaire parce qu'autrement ta' ville de New York pourrait être détruite avec une bombe portative commanditée par Saddam Hussein (un diplomate anglais de ses amis l ' en avait convaincue). Mais ce lundi, elle m'a dit que le fait de ne pas avoir trouvé d'armes de destruction massive en Irak l'avait convaincue que tout cela n'était qu'un prétexte bidon pour la guerre et que maintenant elle était contre. Il y en a beaucoup comme elle. Même les journaux parlent de l'absence manifeste de ces armes. Et maintenant bien sOr, on sait où elle sonten Syrie. Et de Syrie aucun doute qu'elles vont se balader ailleurs, en Iran, Corée du
No•d, Liban ..• ~
Quelle Histoire 1 (A propos des groupes PIC et Volonté communiste, suite, 1)
Voir les lettres, et notamment la réponse d'Echanges, que nous avons publié dans notre précédent numéro (105), p. 25, sous le titre : « Histoire; les groupes PIC et Volonté communiste» n° 105, p.25-« Correspondance ».
Nous avons reçu cette lettre du 8 août 2003 avec quelques compléments (à la requête de ce correspondant, G. S., il n'est mentionné dans ces documents que des initiales). La lettre porte en exergue:« Si on ne daigne pas publier ma lettre comme "droit de réponse", je me chargerai de la faire circuler par d'autres moyens ... >> ! Ce n'est évidemment pas ce« chantage »qui nous fait publier cette lettre, mais le souci de poursuivre un débat et aussi l' opportunité de faire quelques mises au point.
Le texte dont la publications est demandée est ainsi introduit : « Suite à la correspondance intitulée "Histoire: les groupes PIC et Volonté Communiste" publié dans len° 105 d'Echanges (été 2003), je demande instamment - comme droit de réponse - que ma lettre ci-après paraisse dans le prochain numéro de votre bulletin >>
CALOMNIEZ, CALOMNIEZ, IL EN RESTERA TOUJOURS QUELQUE CHOSE •••• (Bazile dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais)
(A Echanges et en particulier à l'auteur - courageux mais pas téméraire - de la réponse du 15 octobre 2002 puisqu'il a préféré rester anonyme) [Note ·d'Echanges : pas mal d'articles d'Echanges restent non signés.)
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Je croyais que la période estivale était réservée aux gouvernements capitalistes de droite ou de gauche pour perpétrer leurs mauvais coups._ Or, erreur, puisque après les curetons de Golias il y a quelques années, voici que les saints « conseillistes » d'Echà~ges cherchent des noises à lamémoire du groupe « Pour une Intervention Communiste » à propos de son prétendu « révisionnisme » et par ricochet à ma petite personne comme ancien militant de ce groupe.
Je ne serai pas long car dans les mois qui viennent, sera publié un texte analytique sur la crise du milieu révolutionnaire qui reviendra en détail sur diverses péripéties de ces trente-cinq dernières années.
Je me contente pour l'instant de signaler l'existence d'un article de 12 pages intitulé« Trop c'est trop>> ct daté de novembre 1987 qui a circulé dans les milieux révolutionnaires. Il était signé par quatre membres du groupe« Volonté Communiste >>qui avaient participé au tract« Notre royaume est une prison >> ( 1 ), à propos des déclarations du fasciste au petit pied JeanMarie Le Pen sur le« point de détail »; il expliquait que si le PIC avait pu faire des erreurs d'analyse en 1979-1980, sa position s'était résumée à celle de Noam Chomsky : soutenir la liberté d'expression de certains «révisionnistes>>. Les anges d'Echanges ignorent-ils l'existence de cet article ? Dans ce cas nous sommes prêts à le leur communiquer de façon à cc qu'ils puissent l'envoyer en priorité à la« camarade de Paris>> qui avait tenté de s'informer auprès d'eux (2).
Voilà. La réponse du n° 105 (p. 25-30) est farcie d'allégations mensongères ct de grosses bêtises historiques sur le milieu révolutionnaire depuis 1968. Nous y reviendrons dans le texte prévu de « mise au
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point >> par la suite. Relevons simpl ement la calomnie qui consiste à faire croire que : « ... les discussions "concrètes'' et très fumeuses sur les détails des méthodes d'extermination des camps nazis finissaient par introduire des doutes sur l'existence même de ces camps d'extermination ... >>. N'importe quoi ! En outre, cette réponse passe évidemment sous silence la publication du texte de H. C. «Le crime des bagnes nazis : le peuple allemand est-il responsable? >> (cf. Jeune Taupe n° 25) ou, entre autres, le commentaire critique du livre Le Mensonge d'Ulysse, de Paul Rassinier et de son éditeur La Vieille Taupe (cf. Jeune Taupe n° 28). Mais bref ... (3).
Pour terminer provisoirement, je signalerai que le génocide juif perpétré par les nazis a toujours été affirmé sous ma plume dans divers articles militants, historiques ct culturels.
Compléments de 1 'auteur:
o.s. (aotlt 2003)
En guise de réflexion, je me permets de vous soumettre cette citation extraite du Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire (Présence africaine, 1955) :
Oui, il vaudrait la peine d'étudier, cliniquement, dans te détail, les démarches de Hitler et de l'hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du xx• siècle qu'il porte en lui un Hitler qui s'ignore, que Hitler l'habite, que Hitler est un démon, que s'ille vitupère, c'est par manque de logique, et qu'au fond, ce qu'il ne pardonne pas à Hitler, ce n'est pas le crime en soi, ce n'est pas l'humiliation de l'homme en soi, c'est le crime contre l'homme blanc, c'est l'humiliation de l'homme blanc, et d'avoir appliqué à l'Europe des
procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu'ici que les Arabes d'Algérie, les coolies de l'Inde et les nègres d' Afrique. (p. 12.)
Il faut savoir que suite à une intervention du député UDF, projunte chilienne en son temps, Alain Griotteray, à l' Assemblée nationale, le 12 septembre 1994, ce Discours sur le nationalisme osant comparer nazisme et colonialisme ... idée choquante et inacceptable, a été retiré par le ministre de l'Education nationale de l'époque, François Bayrou, du programme des épreuves de français des sections littéraires de terminale.
Notes d'Echanges : ( l) Dans un historique des groupes PIC
et Volonté Communiste, il était difficile de ne pas aborder cette question du « révisionnisme >> ; cc n'était nullement une attaque contre cette organisation et encore moins contre un de ses membres. Un débat sur ce point ne doit pas chercher des « mises en accusation >> pour lesquelles nous estimons n'avoir aucun droit, mais à comprendre le pourquoi de tels engagements à ce moment-là. C'est cc que nous avons tenté de faire et nous comprenons d'autant moins la réaction de G. S. qu i déplace les questions de principe que nous posions sur un problème personnel. Le tract d'octobre 1980 dont il est question, « Notre royaume est une prison >> avait été largement diffusé et annexé au n° 34 (novembredécembre 1980) de Jeune Taupe. Il était signé par : «Les amis de Potlach, Le Frondeur, Groupe Communiste de Cronstadt, Groupe des travailleurs pour l'autonomie ouvrière, la Guerre sociale, le PIC ct Des révolutionnaires sans sigle>> et mentionnait qu'il était un supplément à La Guerre So-
ciale. Il avait été rédigé et diffusé bien avant l'attentat à la bombe devant la synagogue de la rue Copernic et le fut tout autant après cet attentat. Il fut pourtant facile à ses détracteurs, intentionnellement et en toute mauvaise foi, de tenter de faire un amalgame à ce sujet.
(2) Tout lecteur intéressé par les doc uments offerts par G. S. ou par tout autre document ou explications concernant cette discussion peut écrire à Echanges qui transmettra à G. S. pour que celui -ci puisse leur répondre directement. Quant à nous, nous n'entrerons pas plus avant dans une telle discussion, ne reproduisant sélectivement que les matériaux qui permettraient à chacun de voir ce qu'était alors (et qui reste toujours) le problème du« militantisme révolutionnaire>> dont cet épisode n 'est d'ailleurs qu'un épiphénomène.
(3) Il est bien exact que le n° 24 de Jeune Taupe (janvier-février 1979) reproduit un texte d'Henri Chazé (H. C.) sur la « responsabilité du "peuple allemand" à propos des crimes nazis, texte écrit juste après son retour des camps et publié dans unjournallocal de l' Est . Cc texte figurera en annexe de l'autobiographie de H. C. que nous pensons bientôt publier en brochure. Il ne traite d'ailleurs pas du problème soulevé ici par G. S. et ne saurait servir de justificatif dans le débat qui s'ouvrira dans les numéros suivants deJeune Taupe .
On peut donner ici la liste exhaustive des textes traitant de ces premiers pas du négationnismc :
- n° 26 (mai-juin 1979) première partie d'un texte« Intellectuels et Révolution >> : « Foucault et l'Iran, Debord et la crise >> ;
- n° 27 (juillet-août-septembre 1979) deuxième partie d'« Intellectuels et Révolution >> : « Rassinier et le mythe antifasciste >> ;
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