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2 euros Giff ord Hartman r ' La crise en Californie suivi de L'industrie automobile en Californie est morte ,. ! Echanges et Mouvement février 20 l 0 . )

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2 euros

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en Californie suivi de

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Echanges et Mouvement février 20 l 0

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ÉCHANGES ·Bulletin du réseau « Echanges et mouvement»

pour abonnement, informations et correspondance : BP 241, 75866 Paris Cedex 18, France Courriel : echangl:[email protected]

Sur Internet : http://www.mondialisme.org

A bonnement: 15 euros pour quatre numéros comprenant les brochures publiées dans l'année.

Les publications d'Echanges et mouvement sont régulièrement déposées dans les librairies suivantes :

àBrut(2S} Rolgnant, 21 rue Navarin 'lir 02 98 44 41 01

àRenn .. (36) Alphagraph, 5 rue de l'Echange if 02 99 79 74 20

à Angers (49) L'Etincelle, 26, rue Maillé if 02 41 24 94 45

àLyon(B9} La Gryffe, 5 rue Sébastien-Gryphe, 1° if 04 78 61 02 25

à Paris (16) La Brèche, 27 rue Taine, 12• if 01 49 28 52 44. Galerie de la Sorbonne, 52, rue des Ecoles, 5°V 01 43 25 5210 Parallèles, 47 rue Saint-Honoré, 1" 11 : 01 42 33 62 70. Le Point du jour, 58 rue Gay-Lussac, 5° if : 01 43 26 20 17. Publlco, 145 rue Amelot, 11 • 1ir 01 48 05 34 08 Quilombo, 23 rue Voltaire, 11° 'ili 01 43 71 21 07

au canada La Sociale CDL, Case postale 266 suce. C. - Montréal, Québec Canada H2L 4K1 [email protected]

2 - LA CRISE EN CAUFORr,IIE

Ce texte a été publié en 2009 aux Etats-Unis par Insane Dialectical Editions (c/o Niebyl-Proctor Marxist Library Red & Black Reading Room 6501 Telegraph Avenue Oakland, CA 94609) et est téléchargeable (en anglais) sur le site www .flyingpicket.org

Il a été repris en Grande-Bretagne dans la revue Mute vol. 2, n° 14 (décembre 2009). www.metamute.org

Une traduction allemande (dont le texte diffère légèrement de l'original) est parue dans Wildcat n° 85 (automne 2009). www.wildcat-www.de

.. , ,_· , ~ ,-~.

BROCHURES DISPONIBLES Prfsentation du rêseau « Echanges et mouvement » (décembre 2008. l ,SO euro)

Les Censeils ouvriers en Allemagne,1918-1921, Henk Canne Mcijer (décembre 2007. 2.SO euros)

Le Mouvement des piqueteros. Argentine 1994-2006, Bruno Astarian (mai 2007. 3 euros)

ICO et l'IS. Retour sur les relations entre Informations correspondance ouvrilres et l'Internationale situationniste, Henri Simon (octobre 2006, 3 euros)

La Révolte des cités françaises, symptôme d'un combat social mondial (mai 2006, 4 euros)

Aux origines de I'« antitravail », Bruno Astarian (décembre 200S, 3 euros)

La Classse ouvrière sous le III' Reich, Tim Mason (mars 2004, 3 euros)

Pour une compréhension critique du mouvement du printemps 2003. De la grève des enseignants aux manifestations contre la réforme

des retraites (septembre 2004, 3,SO euros)

Militantisme et responsabilité suivi de Le Crime des bagnes nazis : le peuple allemand est-il coresponsable ? Henry Chazé (mars 2004, 3 euros)

Derrière l'Intifada du xxr' siècle, Aufheben (octobre 2003, 2,SO euros)

Les Grèves en France en mai-juin 1968, Bruno Astarian (mai 2003, 3,50 euros)

Humanisme et socialisme/Humanism and socialism, Paul Mattick (mai 2003, 2 euros)

L'Argentine de la paupêrtsatlon à la révolte. Une avancée vers l'autonomie (juin 2002, 2,50 euros)

Correspondance 1953-1954, Pierre Chaulieu (Cornélius Castoriadis)-Anton Pannekoek, présentation et commentaires d'Henri Simon (septembre 2001. 2 euros)

Pour une hist~re de la résistance ouvrière au travail. Paris et Barcelone, 1936-1938, Michael Seidman (mai 200 I, l ,SO euro)

Fragile prospérité, fragile paix sociale. Notes sur les-Etats-Unis, Curtis Price (février 2001, 1.80 euro)

La Sphère de circulation du capital, Gérard Bad (octobre 2000, 1,50 euro)

Les droits de l'homme bombardent la Serbie, Gérard Bad (octobre 1999, 1,50 euro)

Entretien avec Paul Mattick Jr., réalisé par Hannu Reime en novembre 1991. (Ed. bilingue septembre 1999, 1,50 euro) '

Pourquoi les mouvements révolutionnaires du passé ont fait faillite. - Grèves. - Parti et classe. Trors textes d' Anton Pannekoek ,

précédés de : Le Groupe des communistes internationalistes de Hollande, par Cajo Brendel (avril 1999, 1,50 euro)

Enquête sur le capitalisme dit triomphant, Claude Bitot (janvier 1999. 1,50 euro)

La Lotte de classe en France, novembre-déeembre 1995. Témoignages et discussions (mars 1996, 1,50 euro)

Mais alors, et comment? Réflexions sur une société socialiste ( 1.50 euro)

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TABLE DES MATIÈRES

La crise en Californie. Tout ce que touche

le capitalisme devient toxique 3

Avis de décès. L'industrie automobile

en Californie est morte 22

Projecteurs sur quelques situations

de crise 29

Annexes

Les quatre villes des Etats-Unis connaissant

le plus fort taux de chômage 32

Taux de chômage aux Etats-Unis

de 1890 à 2010 33

34 - LA CRISE EN CALIFORNIE

EN

CALIFORNIE Tout ce que touche le capltallsme

devient toxique a Je serais très content si vous pouviez me trouver quoi que

ce soit de bon (substantiel) relatif aux conditions ëcono - miques en Californie .... Pour moi, la Californie est très importante car nulle part ailleurs, le bouleversement dû à la concentration capitaliste ne s'est installé à une telle vitesse et de façon aussi cynique.

Lettre de Karl Marx à Friedrich Sorge, 1880

A CONCENTRATION CAPITALISTE qu'observait Marx en 1880 s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui avec une telle

rapidité que les conditions économiques en Californie ont mûri au point d'en être devenues toxiques. Tandis qu'il pollue autant l'environnement rural que l'espace urbanisé, le capital a atteint un niveau de productivité et une capacité à accroître la production de marchandises inimaginables jusqu'alors. Cette surcapacité est en contradiction flagrante avec son incapacité croissante à satis­ faire les besoins humains; l'incapacité du capital à accumuler de la valeur rend superflus des secteurs entiers de la classe ouvrière. C'est dans la vallée centrale de Californie que ces conditions sont devenues les pl us dangereuses ; des maisons inoccupées côtoient la misère sordide des nouveaux sans-abris qui se réfugient dans des villages de tentes (Tent Cities) (2) et des bidonvilles déjà surpeuplés et qui prolifèrent. Ce bouleversement

• Le rnot « toxic » a été traduit par toxique, il n'a pas de sens moral, mais est utilisé en référence aux actions « toxiques» des banques, dès Je début de la crise. (NdT.)

(2) Voi r « Tranche de· vie à Tent City». sur le campement dOntario en Californie, article mis en ligne le 22 mars 2008 sur le site de) 'En-dehors: h u p: //endehors .org/ne ws/ tranche-de-vie-a-te nt- ci t y. (NdT.)

LA CRISE EN CALIFORNIE - 3

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(3) Source:« Center for Responsible Lending », « Foreclosures », h tlp://www. responsi bl el en di n g.org/i ss ues/mongagc/ (4) Fin 2008 .. Source: agence Bloomberg, 3 février 2009. http://www. bloom bcrg.co m/apps/news?pid=20601 087refer=home&sid=aKu fqJK9jlcY (5) Source : 2007 An1111al Report du National Law Ce ruer on Homcless and Poveny. http://www.nlchp.org/co ntent/pu bs/2007 _A nnual _Reportt2.pdf

(6) Ce terme péjoratif désigne aux Etats-Unis les maisons d'habitation prétentieuses singeant les vieilles demeures. mais de construction récente et utilisant des matériaux modernes. http://www.boingboing.net /2009/05/11/housing­ markct-colla.html

(7) « Ex urban sprawl »: littéralement« étalement suburbain», désigne l'extension des zones résidentielles de faible densité qui grignotent l'espace rural, au-delà des villes et de leurs banlieues, provoquant des conséquences écologiques négatives à grande échelle tels que la « protection >> de lerrc c n tend ue corn me I a préservation de ressources naturelles et de la biodi versité. Ces zones incluent les aires commerciales le long des

4 - LA CRISE EN CALIFORNIE

révèle les mystifications du capitalisme et en montre sa réalité, comme on le voit avec les chiffres du tableau suivant pour l'ensemble des Etats-Unis :

Les saisies aux Etats-Unis

Nouvelles expulsions : 6 600 par jour Une expulsion toutes les 13 secondes (3)

Nombre de logements inoccupés: 19 000 000 (4)

Nombre de personnes sans logement : 3 500 000 (y compris 1 350 000 enfants) (5)

Ainsi le calcul est simple : Il y a au moins cinq logement vides

par personne sans domicile !

Bidonville Etats-Unis

Ces relations sociales toxiques ont montré leur totale irratio­ nalité en mai 2009, quand les banques ont détruit au bulldozer les toutes nouvelles maisons McMansion (6) invendues, situées dans des« exurbs » (7) du Sud de la Californie. Dans tous les Etats-Unis, les gens envoyés dans les foyers n'y trouvent plus de place, car ces abris sont déjà remplis au-delà de leur capacité ; à Sacramento, capitale de la Californie, le foyer de St. John, destiné aux femmes et aux enfants, tourne avec 350 personnes par

• Tent City • de Sacramento, 2009.

et l'agricuture est la Le pourcentage de la D'autres chiffres principale activité de la population active sans alarmants ville. Celle-ci possède emploi n'était en février aussi d'importantes 2008 que de 4,7 %. • Depuis mars, activités dans l'éducation, La principale - certains 109 communes connaissent la santé, et les services à diront la seule - industrie un taux de chômage la personne. est la fabrique de camping- supérieur ou égal à 10 %-.

cars. Pendant assez • Le pourcentage de sans- 4. Elkhart- longtemps, la demande emploi est supérieur à 15 % Goshen en camping-cars fut tout ce dans dix-huit zones. En Indiana qu'il fallait à mars 2008, une seule ville Pour trouver la quatrième Elkhart-Goshen pour - El Centra - connaissait un ville des Etats-Unis au prospérer. Mais depuis le taux de chômage supérieur palmarès du taux de début de la récession, les à 15 %. chômage, il faut traverser ventes de camping-cars • Le chômage a augmenté plus de la moitié du pays, ont plongé. en mars 2009 dans plus de jusqu'à Elkhart-Goshen. L'agglomération connaît 372 zones urbaines. Le taux de chômage y est une telle chute de 18,8 %. Cette ville a que le président Obama Belinda Jackson connu une histoire bien s'y est rendu en février http://personalmoneystore. différente de celle des 2009 pour braquer le com/moneyblog/ villes californiennes projecteur sur la 2009/04/30/cities-highest dépendant de l'agriculture. récession. -unemployment-rate

········~~··················································· Taux de chômage aux Etats-Unis de 1890 à 2010

25%

20% j 1 15% -j r ~

J

10% ~ r\ l 5% ,.J L;~\J'\j\) 0%

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LA CRISE EN CALIFORNIE - 33

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Annexes

Les quatre villes des Etats-Unis connaissant le plus fort taux de chômage

Le nombre de sans-emploi augmente encore au niveau national. Chaque jour, de nouveaux habitants des Etats-Unis attendent les allocations chômage

D epuis le début de la Imaginez que vous viviez 80 000 habitants. Le taux

récession, le dans un lieu dont le quart de chômage était en mars

chômage a des habitants sont 2009 de 20,4 %. augmenté tous les mois. inoccupés. Le taux de En 2005, l'Université de

Le taux de chômage chômage à El Centro est Californie a construit son

national a atteint 8,1 % en de 25,1 %. dixième campus à Merced.

février, 8,5 % en mars Rappelez-vous que ce taux Cependant, les étudiants

2009. est calculé sur la base des ne sont pas pris en compte

C'est mauvais partout, habitants qui cherchent par les statistiques du

mais quelques villes des activement un emploi et chômage. Les principaux

Etats-Unis sont touchent l'assurance- employeurs de la ville sont

particulièrement frappées. chômage. Ceux qui n'ont les producteurs de fruits et

En voici quatre qui pas droit aux allocations légumes, aussi le fort taux

connaissent les plus forts chômage ou vivent aux de chômage est-il

taux de chômage des crochets de leur carte de saisonnier. Néanmoins, le

Etats-Unis : crédit, d'emprunts ou taux de chômage en mars d'économies, ou encore 2008 était inférieur à 15 %.

1. El Centro choisissent de ne pas Californie. travailler pour une raison 3. Yuba City Le taux de chômage à El ou une autre, ne sont pas Californie Centro est quelque peu pris en compte par les Bien sûr, c'est une ville de

relevé artificiellement, statistiques. Californie qui clôt le trio de

parce qu'il est surtout lié à tête. Yuba City se trouve

l'emploi agricole. 2. Merced en Californie du Nord et

Cette ville d'à peu près Californie. compte une population de

40 000 habitants est Dans le même Etat, mais quelque 60 000 habitants. proche de la frontière plus au Nord, Merced est à C'est le cœur d'une vaste mexicaine, et nombre la deuxième place pour ce conurbation d'environ d'emplois sont qui est du taux de 164 000 habitats. Le taux

saisonniers. El Centro a chômage dans le pays. de chômage y atteint

connu en 2008 le plus fort Cette ville du centre de la 19,5 %. Fermes et vergers

taux de chômage du pays. Californie, compte plus de entourent l'espace urbain,

32 - LA CRISE EN CALIFORNIE

Un bulldozer de la Texas Bank détruit une maison • McMansion • à Victorville (Ca), en mai 2009.

nuit (8). Sacramento est devenue mondialement connue, quand sa « Tent City » a fait le tour du monde des médias. Lorsque le gou­ verneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, et le maire de Sacramento prirent la décision d'expulser « Tent City», le magistrat justifia cette opération en affirmant : « Ils ne peuvent pas rester ici, cette terre est toxique (9). »

Bien que les Tent Cities existent partout aux Etats-Unis, c'est en Californie qu'il en est apparu le plus.

La vallée centrale de Californie : au cœur de la région toxique, le long de l'autoroute 99

« Ainsi, malgré toutes les vantardises sur l'industrie prin­ cipale de cet Etat [l'agriculture}, les milliards de dollars qu'elle apporte à l'économie et les miracles qu'elle a accom­ pli dans la production et l'innovation technique, l'agriculture de Californie est en train de disparaître, car la valeur crois­ sante de son sol provient des ventes de terrains constructibles ou de l'immobilier plus que du coton, du bétail ou des amandes. »

Gray Brechin,Farewell, Promised Land (10)

routes.à la périphérie des villes et des banlieues. Pour plus d'information: http://www.ecol ogya ndsoc iety.org/vol l 0/iss l /art32/

(8) Wall Street Journal. 11 août 2009,p. A3.

(9) Voir les comptes rendus de la rencontre· avec « Governator » et le maire à Tent City ( h ttp:/ /fi yi ngpicket .org/?q =node/46) et d'une visite de solidarité pour aider à construire des toilettes ( h ttp:/ /fi yi ngpi cket .org/?q =node/49).

( 10) Gray Brech in .. Farewell. Promised Land: Waking from California Dream, Berkeley, University of California Press, 1999. p. 77.

LA CRISE EN CALIFORNIE - S

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6 - LA CRISE EN CALIFORNIE

,, .,

Electrical, Salaried, Machine and Furniture Workers (IUE-CWA) accepte un tel déclassement. En une semaine, 10 000 candidats affluent, certains sans aucune qualification pour les emplois offerts. La semaine précédente, GE avaient proposé d'embaucher 13 ouvriers d'entretien à 23 dollars de l'heure (19 euros): 700 can­ didats s'étaient présentés pour ce poste très qualifié .

20 ... ..,. 2010. PLAmlm, COLORAOO •

Des fermiers de cette localité située à 65 km de la capitale de l'Etat, Denver, font publier une annonce selon laquelle ils lais­ seront pour un week-end tout intéressé glaner les légumes laissés dans les champs après récolte faite.

Ils pensent qu'environ 10 000 personnes viendront en profi­ ter pendant ces deux jours. Dès l'aube du samedi, ce sont 40 000 affamés qui arrivent dans 11 000 voitures et se répandent dans les douze hectares de champs qui avaient porté différentes récoltes. Ils ramassent 400 tonnes de légumes (pommes de terre, carottes et poireaux). Dès le samedi soir, les champs ont été si méticuleusement ratissés qu'il n'y reste plus rien et que la collecte prévue pour durer aussi le dimanche doit être annulée.

Au Forum d'lnglewood (banlieue de Los Angeles), vaste arène servant à des manifestations sportives ou à des concerts, une organisation caritative avait mis en place, en août 2009, des soins gratuits : soins dentaires, prise de tension, vaccinations ... Dès le premier jour, elle a été submergée par un flot de 1 500 personnes, dont 500 n'ont pu être satisfaites.

LA CRISE EN CALIFORNIE - 31

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Une enquête effectuée à la mi-décembre auprès de 700 chômeurs est arrivée au constat suivant: • près de la moitié d'entre eux ne peuvent bénéficier de ) 'indemnisation du chômage à cause des conditions restrictives; • un quart des chômeurs vivent de tickets d'alimentation. • un sur cinq a recours à des œuvres charitables ; • la moitié vit sur le salaire de la femme qui assument avec des heures supplémentaires ou des doubles boulots ; • 53 % ont emprunté à leur famille ou à des amis; • 60 % ont épuisé leur épargne ou sorti ) 'argent du capital retraite ; • 47 % n'ont aucune couverture maladie ; • 72 % se considèrent comme pauvres ou pensent qu'ils commencent à l'être.

moins de courant et formuler des demandes d'assistance à _djffé­ rents organismes caritatifs. La tension devient si forte que la · police est appelée avant que, finalement, les portes soient fer­ mées et la foule dispersée.

28SEPTEMBRE 2009. HOUSTON, TEXAS. 160 médecins et 200 infirmières organisent une journée de soins gratuits en pléin air. Bien avant l'ouverture de ce centre provi­ soire, plus de 2 000 malades font la queue ; certains sont venus avant l'aube : parents, enfants, vieux qui souvent n'ont pas vu de médecin ou de dentiste depuis des années. Des ambulances sont sur les lieux pour évacuer vers des hôpitaux ceux qui demandent des soins plus lourds.

De telles « free clinics » sont organisées un peu partout, mais elles sont souvent débordées par la foule des patients qui requiè­ rent des soins immédiats; l'une d'elles, organisée quelques mois auparavant sur un stade de Los Angeles, a vu une telle affluence que les médias nationaux s'en sont fait l'écho.

SOCTOBRE 2009. DtTROIT, MOCHIQAN. 50 000 foyers de Détroit (en fait 80 000 personnes) se présentent pour obtenir un secours promis par la municipalité pour les aider à payer les mensualités de leurs emprunts immobiliers et éviter ainsi leur expulsion. Les édiles avaient compté sur environ 3 400 per­ sonnes et provisionné en conséquence. Beaucoup de demandeurs (familles avec enfants, invalides en chaise roulante, des vieux, des jeunes) ont dormi dans la rue pour être les premiers, non pour toucher l'argent mais pour simplement remplir une demande. A 11 h 30, les autorités annoncent la fin de la partie et c'est prati­ quement l'émeute ; des centaines de policiers épaulés par des unités spéciales de l'armée peinent à contenir la foule.

1 0 OCTOBRE 2009. LOUISVILLE, KENTUCXY. La sociétée General Electric (GE) propose d'embaucher 90 tra­ vailleurs au salaire de 13 dollars de l'heure (10 euros) avec garantie santé incluant soins dentaires et oculaires. Ce type d'emploi était payé 19 dollars (15 euros) avant que le syndicat Union of Electronic,

30 - LA CRISE EN CALIFORNIE

Communes de la Vallée centrale de Californie citées dans le classement des villes

oü ont eu lieu le plus d'expulsions (octobre 2008) (11)

1. Merced 2. Modesto 3. Stockton 10. Sacramento 14. Fresno

(Merced County) (Stanislaus County (San Joaquin County) (Sacramento County) (Fresno County)

Bakersfield* • citée en 2009 (12)

(Kern County)*

Comtés de la Vallée centrale de Californie cités dans le • Top 10 • des ventes agricoles des Etats-Unis (13)

1. Fresno Co (3 730 546*) 4. Merced Co (2 330 408*) 2. Tulare Co (3 335 014*) 7. Monterey Co (2 178 470*) 3. Kern Co (3 204147*) Total Etats-Unis (297 220 491 *)

• mi/1/ers de dollars

Voyage toxique

La Vallée centrale de Californie s'étend sur 720 km de long et 80 km de large. Elle est située entre les montagnes de la Sierra Nevada et de Coast Range. Le/d-èux principaux cours d'eau sont les fleuves Sacramento et San Joaquin, traversant l'un le nord et l'autre le sud et donnant leur nom aux deux parties de la vallée; ils se rejoignent en un immense delta qui se jette dans la baie de San Francisco. C'est la région agricole la plus productive du monde. C'est aussi la région où, depuis les an_nées 1970, un des sols les plus fertiles de la planète a été recouvert par le déve­ loppement de zones pavillonnaires et de lotissements néo­ ruraux. La vallée connaît probablement le taux de saisies de mai­ sons le plus élevé du monde ; certains endroits ont enregistré les plus bas salaires de l'histoire des Etats-Unis et les taux de chômage les plus élevés. L'air de la ville d' Arvin, dans l'extrême sud de la Vallée, est le plus pollué des Etats-Unis (14).

L'autoroute 99 parcourt du nord au sud le cœur de la vallée. Sacramento est la plaque tournante entre les moitiés nord et sud de la Vallée. Elle est entourée d'une banlieue tentaculaire qui a

(11) Source : http://realestate.yahoo.co m/Foreclosures

( 12) Source : http://www.frej.net/news /news/2009-07-31 /sun­ belt-dominates-l h09- foreclosure-rankings

( 13) Source : http://www.ers.usda.gov/ StateFacts/US.htm

( 14) Source : « Central Valley town owns nation's dirtiest air», http://findarticles.com/p/ articles/mi_qn4 l 76/is_20 070810/ai_n 19478485/

LA CRISE EN CALIFORNIE - 7

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( 15) Source: h ttp://personal moneystor e.com/moncyblog/2009/0 4/30/cities-highesL­ unemployment-rate/ Avril 2009. Nous reproduisons cette source en annexe, p. 32.

remplacé la terre agricole. Quand on voyage le long de cette autoroute, c'est une longue suite de constructions: galeries mar­ chandes ; concessionnaires automobiles ; boutiques vendant du maté­ riel de construction, des tracteurs, des bulldozers, des tracto­ pelles ... ; marchands de bateaux de plaisance ; interminables rangées de caravanes ; emplacements de bureaux ; panneaux ; et ponts enjambant des rivières et certaines parties du delta.

La grande ville suivante est Stockton, un port en eau pro­ fonde qui relie les principales rivières au delta, à la baie, et au commerce transPacifique ; c'est un port important. Elle a été récemment qualifiée du titre peu glorieux de« ville la plus misé­ rable des Etats-Unis» par le magazine Forbes.

En continuant vers le sud, c'est encore et toujours cette même culture américaine de la consommation : des galeries avec des parkings immenses ; des églises et même un immense lycée chrétien tians la ville de Ripon ; des voies de chemin de fer et des gares de triage le long de l'autoroute 99; d'immenses silos à grains et des constructions pour acheminer les produits agricoles, la plupart abandonnés.

Modesto, la grande ville suivante, est connue pour être la première ville des Etats-Unis pour le vol des voitures et la.cin­ quième dans la liste des villes les plus pauvres, établie par Forbes. Elle est entourée de terrains fertiles qui furent construits pendant le boom immobilier pour fournir de nouveaux logements à des banlieusards venant d'aussi loin que Sacra­ mento ou Fresno, et même à des gens prêts à faire plus de deux heures de voiture pour aller dans la Baie de San Francisco et autant pour en revenir.

Merced est la deuxième dans la liste des villes des Etats-Unis connaissant les plus forts taux de chômage, avec 20,4 % (15). On y voit, le long de l'autoroute 99, les mêmes chaînes de maga­ sins que partout ailleurs aux Etats-Unis. Et, juste à côté, I' agri­ culture industrielle : des champs, des vergers, des hangars à bétail le long de l'autoroute ainsi que des marchands de machines agricoles, de tracteurs, et de fourgons à bestiaux. Un grand nombre de canaux d'irrigation amènent l'eau du Nord humide vers le Sud très sec de la Vallée. Beaucoup de ces infra­ structures industrielles sont en train de rouiller et sont aban­ données, il y a beaucoup d'usines avec d'énormes panneaux« A vendre».

Puis voici Fresno, la cinquième ville de Californie avec 500 000 habitants. C'est la plaque tournante de la partie sud de la vallée et eJle semble toujours baigner dans un brouillard bru-

8 - LA CRISE EN CALIFORNIE

PROJECTEURS SUR QUELQUES SITUATIONS

La réforme du Welfare (système d'assistance sociale) par le gouvernement américain.

,-

DE CRISE Des chiffres peuvent-lis donner la mesure de la misère? En voici quelques-uns concernant les Etats-Unis, pris dans la masse de matériaux apportés chaque Jour par les médias - drames Individuels ou problèmes d'une nouvelle dimension rencontrés par les organismes publics ou les organisations caritatives, submergés par le flot irrépressible de ceux qui manquent de tout

SEPTEMBRE 2009. DÉTROIT, MICHIGAN. La société de distribution d'électricité de Détroit OTE Energy a coupé le courant à 181 000 abonnés, pour cause de factures impayées. C'est 40 000 de plus qu'en 2008. Pour soulager quelque peu le poids de la crise, OTE propose différents plans permettant de limiter ces coupures de courant, et annonce qu'elle accordera une aide sous forme de réduction du montant des fac­ tures. OTE pense qu'environ 5 000 abonnés viendront solliciter cette aide ; mais ce sont plusieurs dizaines de milliers de per­ sonnes qui forment une longue file d'attente, des heures avant l'ouverture, sur la base d'une rumeur selon laquelle OTE paie­ rait aux nécessiteux 3 000 dollars cash. En fait, les cinquante représentants de DTE ne font qu'expliquer comment consommer

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à Chicago à l'usine de Republic & Doors en décembre 2008, en Corée du Sud à l'usine Ssangyong Motors en juillet 2009 et au Royaume-Uni dans trois usines Visteon en avril 2009. Même si.nous n'avions qu'un bref contact avec chaque ouvrier, nous avons trouvé une réponse plus positive que nous le pensions, plus posi­ tive que celle que nous avions eue dans le bâtiment de l'UAW. Quelques ouvriers revinrent même pour nous demander d'autres tracts.

Je ne voudrais pas prendre mes désirs pour des réalités, mais je pense que ces ouvriers n'avaient jamais entendu parler aupa­ ravant de I utte de classes, ni de l'idée que cette lutte pouvait être menée en commun. Le syndicat ne leur demandait rien d'autre que d'aller boycotter les revendeurs. Eux, au contraire, sem­ blaient souhaiter étendre la lutte aux autres travailleurs, mais n'en avaient jamais eu 1' opportunité - contrairement à ce qui se disait dans cette réunion syndicale, où tout était écrit d'avance, et où toute action paraissait issue d'un manuel conventionnel, sté­ réotypé et d'une pauvreté toute bureaucratique. On voyait bien que le syndicat n'avait d'autre perspective que la défaite.

Et là, je reviens à la boutade de Will Barnes assimilant la situation des Etats-Unis à l'« Antarctique». Une situation ayant tellement empiré qu'on n'aperçoit pas le bout du tunnel ni aucune perspective, car nous sommes submergés par les glaces.

C'est là notre point de départ.

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nâtre, surtout pendant les mois d'été où la chaleur est étouffante. C'est la« capitale de l'asthme de la Californie», cette affection touchant un enfant sur trois (16). C'est aussi le comté agricole le plus productif et le plus rentable de tous les-Etats-Unis.

Il y avait là aussi, en ville, trois grandes« Tent Cities » (17) ainsi que d'autres campements plus petits. La première« Tent City », située sur un terrain de la société ferroviaire Union Paci­ fic, fut expulsée en juillet 2009. Ce lieu était littéralement toxique : on y a découvert des eaux de vidange suintant par des trous dans le sol au cours de l'été 2008, car il avait sans doute servi pour réparer des voitures. Une autre fut surnommée« New Jack City » après la sortie du film dans les années 1990 (18) sur les gangs de la drogue, car deux meurtres y avaient déjà été commis. La troisième comptait beaucoup d'abris fabriqués avec du bois de récupération. On l'appelle aussi « Taco Fiats» ou« Little Tijuana», car la plupart des occupants sont des Latinos qui vien­ nent là pour chercher du travail dans l'agriculture. La sécheresse, qui a duré trois ans, a entraîné une forte diminution des surfaces cultivées et a donc réduit l'offre de travail.

Origine des immigrés en Californie pendant la Grande Dépression

( 16) http://www. fresnobee.com/868/story/ 263218.html ·

(17) http://www.nytimes. com/2009/03/26/us/26ten ts.htrnl

( 18) New Jack Ciry. film américain de Mario Van Peebles ( 1991 ), met en scène deux policiers, l'un d'origine africaine. l'autre d'origine italienne, ayant souffert de la drogue pendant leur enfance, et qui se jurent de démanteler le réseau du chef de gang Nino Brown, qui règne sur Harlem. (NdT.)

Graphique établi en fonction du pourcentage, par Etat, du nombre total de migrants communiqué. Source:Farm Security Administration and California Deartment of Agriculture. Données établies sur 210 268 immigrants.

Les réfugiés du « Oust Bowl » en Californie, vers 1939.

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(19) Un résultat du mouvement anti-chinois, souvent mené par des groupes ouvriers autour du slogan « les Chinois doivent partir», fut le Chi nese Exclus ion Act de 1882, qui bloqua ) 'immigration jusqu'en 1943.

(20) On appelle Dust Bowl (littéralement bol, ou bassin de poussière) une série de tempêtes de poussière, véritable catastrophe écologique qui a touché la région des grandes plaines aux Etats­ Unis et au Canada, entre 1934et 1940. La sécheresse et de terribles tempêtes de poussière, qui pouvaient durer plusieurs jours. 3 millions de personnes.surtout des familles de fermiers de ( 'Oklahoma et de l'Arkansas, émigrèrent vers la Californie. John Steinbeck décrit cette période dans son roman les Raisins de la colère. (NdT.)

(21) Les lndustrial Workers of the World (litt.« Ouvriers industriels du monde») sont nés en 1905 à Chicago. Ils avaient pour slogan « One Big Union » ( « Un seul grand syndicat »), Après l'entrée en guerre des Etats-Unis en 1917, ce syndicat garda des positions antimilitaristes qui lui valurent d'être la cible des « patriotes », puis il fut brisé par une série de procès judiciaires et les attaques répétées des milices patronales, de la police et .d!l l 'armée.Il cessa de compter dans le

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La mécanisation de plus en plus pouss_ée de l'agriculture et l'utilisation des OGM permettent d'augmenter les rendements en utilisant moins de travailleurs. Le travail agricole a toujours été saisonnier et instable. En général, 92 % des travailleurs agricoles sont des migrants ; cela remonte à la ruée vers l'or de 1849. A cette époque des travailleurs chinois, les coolies, étaient amenés aux Etats-Unis pour la construction des voies de chemin de fer. Une fois que le transcontinental fut terminé, en 1869, beaucoup d'entre eux furent employés dans les mines jusqu'à ce que le racisme et la diminution des rendements les fassent partir. Certains travaillèrent dans les champs jusqu'à ce que les pogroms anti­ chinois, qui commencèrent vers la fin des années 1870, les chas­ sent vers les villes ( 19).

Les fermiers se tournèrent alors vers les immigrés japonais, sikhs, philippins, arméniens, italiens et portugais ; plus tard ils employèrent des« Okies » et« Arkies » (on appelait ainsi des Blancs nés aux Etats-Unis, anciens fermiers ou métayers venant d'Oklahoma et d'Arkansas, et même du Missouri et du Texas), réfugiés du Oust Bowl (20) pendant la Grande Dépression. Des Mexi­ cains furent amenés avec le programme Bracero en 1942 et ils forment la majorité des travailleurs d'aujourd'hui, avec les immigrés d'Amérique centrale.

One Big Union

C'est à Fresno que s'est déroulée la lutte victorieuse des IWW (autrement appelés wobblies) (21) pour la liberté de parole, qui a duré six mois en 1910-1911. Plusieurs centaines-de wob­ blies et travailleurs migrants vinrent de toute la côte ouest pour soutenir la revendication du droit à se réunir dans la rue èt à prendre la parole du haut de leurs « soapboxes » (boîtes à savon sur laquelle se juchaient les orateurs IWW).

A cette époque, Fresno se qualifiait elle-même de « capitale mondiale du raisin » et à la fin de chaque été, 5 000 travailleurs japonais et 3 000 hobos (22) y arrivaient pour les vendanges. Un peu comme dans les « Tent Cities » d'aujourd'hui, les tra­ vailleurs campaient en ville et cherchaient à s'embaucher au « marché aux esclaves». Les Japonais étaient souvent très unis et prêts à faire grève pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions [de travail et de logement]. Sachant que les IWW essayaient d'organiser les travailleurs quelles que soient leur race, nationalité ou origine ethnique, les élites locales étaient ter­ rifiées à l'idée que les Japonais puissent rejoindre les Wobblies.

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et prendre la parole devant tous les bureaux de vente de Toyota et Lexus au cours des prochains jours ...

» Nous nous organiserons pour être sûrs que toutes les équipes auront notre tract en mains. Si vous ou d'autres volon­ taires êtes prêts à vous joindre à nous à l'un ou l'autre de ces points de rassemblement, contactez-moi à cette adresse courriel. Vous êtes tous les bienvenus.»

Peut-être n'en avez-vous jamais vu, mais une« campagne syndicale», c'est comme ça. Rien de plus qu'une démonstration spectaculaire de passivité et d'impuissance. Ces dirigeants syn­ dicaux attaquent simplement les revendeurs privés, franchisés de Toyota, cherchant avec ce boycott à culpabiliser la corporation des producteurs de voitures ; ce qui n'est jamais dit clairement. J'ai l'impression que tout ceci n'a qu'un seul but, faire augmenter les indemnités de licenciement qui, d'après ce que m'a dit un ouvrier de base, se monteraient à 50 000 dollars (40 000 euros) pour cha­ cun, prévenant du même coup toute interruption de production avant la fermeture. Etje ne peux qu'imaginer le résultat, qui sera complètement faussé, car qui serait assez fou pour acheter une Toyota aujourd'hui, au moment où cette société rappelle une bonne partie de ses voitures défectueuses ? De plus, à cause de la crise, les ventes de voitures sont en chute libre et spécialement celles des revendeurs proches de Fremont. C'est un peu comme si on devait endosser« les habits neufs des empereurs-bureaucrates» parce qu'ils ne croient même pas à ce qu'ils racontent. J'ai fait un petit sondage de vocabulaire après cet événement et il me fut facile d'en connaître le fé:sultat: pas une seule fois sur l'estrade un seul des orateurs n'a 'utilisé les mots «classe», « classe ouvrière » ou« lutte de classe ». Cela ne fait pas partie de leur vocabulaire et c'est là le nœud du problème.

Il y eut dans ce rassemblement bien peu de volontaires pour la distribution du tract qui ne fussent pas des bureaucrates syndi­ caux. On n'en pouvait plus d'entendre leurs discours, lorsque quelqu'un dit qu'arrivait l'heure d'un changement d'équipe. Nous avons donc traversé la rue pour nous poster devant la sor­ tie de l'usine, afin de distribuer notre tract aux ouvriers qui gagnaient le parking. Ce tract appelle à une grève le 4 mars {2010) associant dans l'Etat de Californie les étudiants, les enseignants et, espérons-nous, tous les autres travailleurs du secteur public. Notre tract mentionnait aussi que nous étions solidaires de leur lutte contre la fermeture de l'usine et soulignait que dans de telles circonstances des travailleurs avaient souvent occupé leur usine - comme en Argentine voilà quelques années,

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plus militante de ce qui avait été dit auparavant, des clichés que tout le monde a déjà entendu répétés inlassablement.

Le pire fut la reprise par un groupe d'une affreuse, vraiment affreuse rengaine dirigée contre Toyota (étrangement, dans ce qui ressemble à une omission nationaliste, GM n'y était aucune­ ment mentionnée), qui disait:

« Arrêtez ce plan qui nous jette dehors Ne soyez pas les méchants de cette ville. »

La plupart des présents répétaient cette antienne avec si peu de cœur et si peu de conviction qu'elle sonnait comme un rituel dépourvu de sens. Et c'était bien ça.

Et on présenta cette stratégie syndicale comme Je fin du fin pour empêcher la fermeture de J'usine :

« Le syndicat UA W exerce une pression publique sur Toyota pour le contraindre à garder l'usine ouverte en organisant des manifestations devant tous les concessionnaires des Etats-Unis. Nous appelons tous les amis des travailleurs, toutes les commu­ nautés progressistes à se joindre à nous pour distribuer des tracts

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Pour empêcher la liberté de parole, il y avait un harcèlement vio­ lent et des arrestations en masse d'orateurs de« soapboxes » des IWW, souvent avec l'aide de milices.

Au tribunal, les Wobblies saisissaient toutes les occasions pour s'exprimer le plus possible dans les procès politiques, pour faire de la propagande pour la lutte de classe. Leur lutte pour la liberté de parole fut victorieuse et conduisit les responsables politiques de Fresno et les propriétaires terriens à se montrer plus tolérants envers les tentatives de l ' AFL, le syndicat conserva­ teur, pour organiser les ouvriers agricoles.

La plus grande bagarre avec l'IWW eut lieu en 1913, dans la vallée de Sacramento, dans la région de culture du houblon. Le Durst Ranch, à Wheatland, publia dans tous les journaux de Cali­ fornie une offre d'embauche de 2 700 ouvriers, alors qu'il n'en avait besoin que de 1 500. Il voulait ainsi créer un surplus de main-d'œuvre pour baisser les salaires_. 2 800 ouvriers de 27 ori­ gines ethniques différentes, parlant 24 langues, se présentèrent. Il faisait extrêmement chaud, il n'y avait pas d'eau potable et il y avait seulement neuf toilettes extérieures. Les gens devaient dor­ mir dehors s'ils ne voulaient pas payer une tente à Durst; sans eau potable, la seule possibilité était d'acheter 5 cents une limo­ nade au cousin de Durst. Les boutiques de la ville n'avaient pas le droit de vendre sur l'exploitation, obligeant les gens à acheter à la propre boutique de Durst. Comme il n'y avait ni ramassage des ordures, ni aucune hygiène, beaucoup de gens tombaient malades. Durst retenait 10 % sur la paye jusqu'à la fin de la récolte, espé­ rant que ces conditionsdégueulasses entraîneraient beaucoup de départs sans que les gens touchent leur salaire complet.

Environ une centaine d'hommes avaient l'expérience des IWW ; ils convoquèrent ·rapidement un meeting qui mit davan­ tage l'accent sur les mauvaises conditions de vie que sur les salaires. Lorsque 2 000 personnes se rassemblèrent pour écouter les organisateurs IWW, le meeting fut dispersé par le shérif. Dans l'émeute qui suivit. quatre personnes furent tuées, deux ouvriers et deux hommes du shérif. La plupart des ouvriers quit­ tèrent Durst Ranch et se dispersèrent. Une chasse aux sorcières fut engagée contre les Wobblies, accusés d'inciter à l'émeute, et on terrorisa les militants dans toute la Californie. Une enquête de l'Etat sur les conditions misérables du ranch eut pour consé­ quence de nouvelles lois imposant des améliorations des condi­ tions de vie des ouvriers agricoles.

Le mouvement mené par Cesar Chavez à Delano, en 1965, pour organiser les ouvriers agricoles, donna naissance à I' UFW

mouvement ouvrier ·américain au début des années 1920. Les IWW organisaient les ouvriers au niveau de l'industrie et non par métiers comme il était d'usage aux Etats­ Unis ; ils ne se substituaient pas aux travailleurs mais renforçaient leur autonomie, et refusaient toutes négociations avec le patronat. Ses militants appartenaient aux basses couches de la classe ouvrière: travailleurs migrants, saisonniers et non qualifiés de toutes sortes, que le principal syndicat de l'époque, l'American Federation of Labor (Fédération américaine du travail), fondée en 1886, ignorait au profit de l'organisation des seuls travailleurs qualifiés. Voir, sur les IWW, l'ouvrage (un peu superficiel) de Larry Portis : /WW. Le Syndicalisme révolutionnaire aux Etats­ U11is. éd. Spartacus, réédité en 2003. et Franklin Rosemont, Joe Hill : les /WlV et la création d'une contre­ culture ouvrière révolutionnaire. Editions CNT-Région parisienne, 2008. (NdT.)

(22) Hobo: travailleur itinérant.jeté sur les routes parla révolution industrielle et le capitalisme sauvage de la fin du XIX' siècle, le hobo constituait une réserve de main-d'œuvre mobilisable n'importe où dans le pays. Son mode de transport privilégié était le voyage clandestin en train de marchandises. Travailleur

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généralement sans qualification, souvent doté d'une conscience politique et d'un bagage culturel, le hobo était emblématique de l'IWW. Voir en français un ouvrage sociologique écrit par un ancien bobo: Nels Anderson, Le Habo. Sociologie du sans-abri, éd. Nathan, 1993 ; et · l'autobiographie d'une femme bobo : Boxcar Bertha, éd. L'insomniaque, 1994,rééd. 10/18, 1999,et Nautilus, 2000. (NdT.)

(United Farm Workers) et montra que cinquante ans après, les conditions des ouvriers de.Ia Vallée navaient pas changé. Le maintien d'une « armée de réserve » utilisait le racisme pour. entretenir division et faiblesse chez les ouvriers, entraînait des salaires faibles et les conditions des années 1960 n'étaient pas très différentes de celles qui avaient provoqué la révolte de Wheatland en 1913. Et elles sont presque les mêmes aujourd'hui.

La bulle Immobilière dans les " exurbs "

L'emploi agricole a toujours été saisonnier ; la croissance de la construction immobilière dans la Vallée centrale depuis trente ans a permis aux ouvriers d'avoir du travail toute l'année. Le boom immobilier suivit de près la bulle Internet de 200 l, les besoins en main-d'œuvre augmentèrent.jusqu'à ce que la bulle immo­ bilière éclate à son tour en 2007. En même temps que la diminu­ tion de 1' emploi dans la construction, la sécheresse, la poursuite de la mécanisation et de la concentration dans 1' agriculture ont entraîné encore plus de chômage. Il y a tout simplement moins de fermes, chacune étant plus grande et plus productive. Ce pro­ cessus de concentration capitaliste croissante, dans une région qui était déjà la première des Etats-Unis pour l'industrialisation de l'agriculture, renforce Je processus de remplacement des gens par des machines, du travail vivant par du « travail mort ».

Pour améliorer la production agricole sur une telle échelle, il fallait construire un vaste réseau d'acheminement et de stockage de l'eau, ce qui fut fait en deux étapes. Avant le projet de 1937 du gouvernement fédéral pour la Vallée centrale, iln'y avait pas assez d'eau dans la vallée San Joaquin pour faire pousser des légumes, des fruits ou des amandes. Il fallait construire tout un sys­ tème d'irrigation: des canaux, des barrages, des réservoirs et des pompes pour amener l'eau depuis le niveau de la mer jusqu'à 150 mètres d'altitude dans Je sud aride. En 1961, le State Water Pro­ ject étendit ce système pour amener l'eau encore plus au sud, au delà de la Vallée, en Californie du Sud, créant ainsi le plus grand réseau d'irrigation du monde.

Le développement de la Californie a toujours été fondé sur l'idéologie d'une croissance sans fin et de la valeur immobilière du sol. Dès le début des années 1980, des lois dérégulèrent la dis­ tribution de l'eau ; les technocrates des compagnies des eaux furent moins liés à l'agriculture et davantage aux promoteurs. Les électeurs des banlieues approuvèrent des lois autorisant un déve­ loppement encore plus tentaculaire. La demande d'adductions

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d'Oakland, tels que le leader de Brotherhood of Railroad Car Porters (3), C. L. Dellums (l'oncle du maire actuel d'Oakland, Ron Dellums) s'allièrent avec l'UAW et réussirent à fonder une «. coopérative interraciale de développement immobilier » au milieu des banlieues où les agents immobiliers propageaient le mythe raciste selon lequel les propriétaires non-caucasiens (non­ blancs) faisaient déprécier la valeur des biens immobiliers.

C'était le type de faubourgs où la propriété et le « rêve américain » étaient chéris comme le droit d'aînesse de l' Américain blanc. C'était aussi un des foyers de la révolte contre la taxe foncière qui en 1978 en Californie fut à l'origine de la proposition 13 (4), puis qui, dans les années 1980, se propagea dans tous les Etats-Unis. Pourtant on trouve des poches qui défient la ségrégation immobilière, comme les quartiers asiatiques, et Fremont compte aujourd'hui la plus forte population d' Afghans de tous les Etats-Unis, ainsi qu'un grand nombre d'immigrés du Sud de l'Asie.

GM a exploité l'usine de Fremontjusqu'en 1982, année où elle ferma pour la première fois. Toyota et GM créèrent une filiale commune et l'usine rouvrit en 1984 ; elle produisit des Chevrolet, des Toyota Corollas et des pick-up, et finalement des Pontiac Vibes. GM adopta les techniques de management japonaises et cette usine devint le seul site Toyota d'Amérique du Nord à être organisé par !'UA W.

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'ÉVÉNEMENT DU 13 FÉVRIER 2010 dans les locaux de !'UA W pour NUMMI était suivi par presque tous les

responsables syndicaux de la baie de San Francisco. C'était très étrange : tous arboraient leurs couleurs, les Teamsters venus en vestes de sport et tous les autres secteurs professionnels en T-shirts aux tons voyants, ornés de logos de chaque métier. La salle était pleine, avec plus de 400 personnes, dont un tiers au moins étaient des bureaucrates syndicaux ou leurs alliés du Parti démocrate. Et ce fut le même discours ennuyeux, pseudo-mili­ tant et banal, que les travailleurs ont entendu des millions de fois. Des phrases creuses du genre« Nous sommes là pour vous aider » ou « Nous transmettrons le message à ... » (leur base locale, que ce soit Sacramento ou Washington). Du vent, et rien d'autre. Puis les bureaucrates syndicaux occupèrent l'estrade et ce fut juste une version légèrement, mais vraiment légèrement,

(3) Brotherhood of Railroad Car Porters (BSCP) : syndicat fondé en 1925 par Philip A. Randol ph pour représenter les Noirs américains travaillant dans les wagons-lits Pullman. Il a fusionné en 1978 avec le syndicat Brotherhood of Railway and Airline Clerks.

(4) Proposition 13 : texte voté en Californie en 1978, lors d'un référendum d'initiative populaire lancé par Howard Jarvis et son association de contribuables Howard Jarvis Taxpayers Association. Ce texte, ajouté à l'article 13 de la constitution de ! 'Etat de Californie le 6 juin 1978, limite les taxes foncières La contrepartie étant . moins de services publics, ce vote marque le début de la « révolution conservatrice » américaine.

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(2) John Mollenkopf, « The Post war Poli tics of Urban Development », in William Tabb et Larry Sawers (sous la direction de), Marxism and the Metropolis : New Perspectives in Urban Po/itica/ Economy. New York, Oxford University Press, p. 131.

cisco, après la guerre, un vice-président d' American Trust Com­ pany déclara que le militantisme ouvrier avait influencé les déci­ sions des entreprises relatives au lieu de construction de nou-. velles usines, expliquant : "Dans la période actuelle, de bonnes relations avec le personnel sont devenues l'objectif n° 1. Le coût de la main-d'œuvre s'est sensiblement accru. Les conditions de vie des travailleurs influencent, autant que les conditions de tra­ vail, les relations travail-encadrement. D'une manière générale, d'importantes concentrations de travailleurs dans une grande usine offrent pl us de prise aux perturbations de l'extérieur et ont moins de bonnes relations avec la direction que de petites unités hors des villes." (2) »

Pour ceux qui ne connaîtraient pas, NUMMI était la vieille usine de General Motors, construite sur d'anciennes fermes et vergers, quand en 1962 l'usine Chevrolet d'East Oakland fut fer­ mée et déplacée vers son site actuel, trente miles (cinquante kilo­ mètres) plus au sud, à Fremont, qui ne fut reconnue comme ville nouvelle qu'en 1956. La ville la plus proche en allant vers le 'sud, Mil pi tas, elle-même reconnue comme ville en 1954 à la requête de Ford Motor Company et des promoteurs immobiliers de la région, de sorte que leur usine de Richmond dans le nord put être reconstruite là.

Les terres agricoles ayant été bétonnées après la seconde guerre mondiale, les banlieues se propagèrent comme le feu dans la plaine ; et, comme partout ailleurs aux Etats-Unis, presque tous les contrats de prêts immobiliers consentis par FHA Loan (organisme de financement immobilier garanti par la FHA, Fede­ ral Housing Administration) et V A (Veteran Administration, qui a elle aussi lancé un programme de prêts hypothécaires) com­ portaient des clauses racistes, et attiraient les Blancs de toute la zone de la baie de San Francisco. Milpitas grandit au point de devenir un faubourg de San José au sud, et plus au sud Fremont devint le terminus du réseau de trains interurbains. Le projet ini­ tial étant de creuser un tunnel sous la baie pour rejoindre le quar­ tier financier de San Francisco.

La ségrégation rendit d'abord difficile aux Afro-Américains, Latinos et autres travailleurs non blancs de trouver un logement proche de l'usine automobile de Milpitas. Aussi, en 1955, l' UA W put-elle collaborer avec un promoteur pour créer l'ensemble immobilier de Sunny Hills, à trois miles (cinq kilomètres) de l'usine Ford. Les intérêts des agents immobiliers, des promo­ teurs et des racistes de la zone se battirent pied à pied pour empê­ cher ce projet, mais des ouvriers militants des droits civiques

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' d'eau pl us étendues créa les conditions pour de futures périodes de sécheresse. L'urbanisation de cette terre fertile, avec la créa­ tion de villes nouvelles et de banlieues, modifia l'utilisation del' eau : moins pour l'agriculture et pl us pour les nouvelles constructions. Le développement de centres aussi éloignés que Orange County au Sud de la Californie, Las Vegas dans le Nevada et Phoenix en Arizona (à plus de 1 000 km, dans la Sunbelt à la croissance rapide) fut ainsi rendu possible. Cette eau, échappant aux obligations de l'agriculture de la Vallée, contribuait à entretenir le gigan­ tesque boom immobilier dans tout l'ouest des Etats-Unis.

Travail toxique

La Vallée fut cultivée intensivement après la découverte de l'or en 1848; le capitalisme surgit apparemment de nulle part. C'est encore grâce à l'or de Californie que l'économie mon-

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(23) Edward W.Soja, Posmodern Geographies : The Reassertion of Space in Critical Social Theory, Londres, Verso, 1990, p. 191.

(24) On trouve une définition cohérente sur le site de Perspectives Internationalistes, http://internationalist­ perspective.org/IP/i p- arc hi ve/ip_ 42_capital.html : « La vision de la transition de la domination formelle à la domination réelle du capital ne repose pas seulement sur la distinction faite par Marx entre l'extraction de plus-value absolue et de plus-value relative, mais sur son extension de) 'économie à la société prise dans sa globalité ; du processus de production au processus de reproduction - la reproduction des relations sociales capitalistes - tout repose sur la valeur. Cette reproduction inclut la démographie, la technologie, la science, la subjectivité des relations humaines, les champs politiques et culturels, comme économiques, et l'immense royaume de l'idéologie, comprise non seulement comme fausse conscience, illusion ou mystification, mais plutôt comme conscience, convictions et actions liées à une existence matériel le, el inextricablement liées à 1 a non moins matérielle existence de la subjectivité humaine elle aussi déterminée et des classes qui constituent cette

diale se rétablit à l'époque de la révolution en Europe et que l'urbanisation industrielle se développa à-travers tout le conti­ nent nord-américain. L'accumulation capitaliste autour de la_ baie de San Francisco fut l'une des plus dynamiques de la fin du XIX' siècle. Le développement ultérieur de la Californie reposa sur« l'or vert et noir» (23), agriculture intensive et pétrole. Dès le début du XX' siècle plusieurs comtés de Califor­ nie figurèrent en tête pour la production américaine dans ces deux domaines.

Ce processus économique et social, décrit par Marx comme le passage de la domination formelle à la domination réelle du capital sur le travail (24), créa des secteurs agricoles hautement productifs, qui bénéficièrent de moyens de transport plus modernes pour vendre leurs produits sur le marché mondial. Ces transformations jetèrent les producteurs les plus faibles dans la crise et amenèrent des millions de paysans d'Europe à quit­ ter les campagnes, et pour beaucoup d'entre eux à émigrer vers d'autres pays comme les Etats-Unis. Plus dramatique encore, ce processus entraîna la baisse du prix des produits alimen­ taires, donc la baisse du coût de la force de travail ; dans certains cas le ni veau de vie de la-classe ouvrière a augmenté bien que les salaires aient baissé (24). Le roman de Frank Norris, The Oeta - pus: A California Story (1901), est une vivante peinture des débuts de cette prolétarisation de la force de travail dans l'agri­ culture dans la Vallée centrale dans les années 1880. Une géné­ ration plus tard, John Steinbeck, dans son roman Les Raisins de la colère, complète, à travers l'histoire de de la famille Joad, la description de ce processus de prolétarisation des fermiers d'Oklahoma chassés de la campagne par « le Dust Bowl », venus se réfugier dans la Vallée centrale et y cherchant déses­ pérément du travail pendant la Grande Dépression.

Ces conditions sont les mêmes aujourd'hui pour toute une armée de travailleurs agricoles latinos, parcourant la Califor­ nie à la recherche d'un dur travail mal payé, dans une grande précarité, avec cette différence importante que l'exposition aux produits chimiques toxiques est plus grave.

Comme les fermes et les ranchs sont de plus en plus concen­ trés et centralisés, ils se· sont orientés vers une production moins diversifiée et plus lucrative, de cultures de rapport et d'élevage. Entre 1996 et 2006 la production laitière a augmenté de 72 % et celle d'amandes de 127 % (25). Il est stupéfiant de voir que 80 % de la production mondiale d'amandes provient des 250 000 hectares d'amandiers de la Vallée centrale. Mais cette

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à une défaite totale sans être capable même du plus petit soupir de résistance. Et aussi, je me souvenais de ce qu' Artesian disait: « La bourgeoisie avait (et a) une meilleure connaissance que qui­ conque de ce qu'est la lutte de classes et de ses conséquences. »

A Oakland eut lieu, du 2 au 5 décembre 1946, la dernière grève générale survenue aux Etats-Unis. En réponse, la loi Taft­ Hartley allait être promulguée au printemps 1947, et la Guerre froide et le McCarthysme allaient mettre fin à une période continue de militantisme ouvrier (au moins depuis les années 1930). La classe dominante voyait la gravité de la situation et voulait s'évader des forteresses 'd'une classe ouvrière urbaine et multiraciale qui avaient engendré en 1946 six grèves générales à l'échelle d'une ville et 4 985 autres grèves impliquant 4,6 millions d'ouvriers et la perte de 116 millions de journées de production industrielle, le record de tous les temps aux Etats-Unis. La zone d'East Bay (est de la baie de San Francisco) centrée sur Oakland avait été dénommée (ce qui est contestable, car on peut en dire autant de Los Angeles) la« Detroit de! 'Ouest», abritant les usines de voitures suivantes : Chevrolet, Durant Motors, Caterpillar (fusion avec Hait Mfg à Stocktou), Faegol (devenue Peterbilt), Fisher Body, Willys-Overland, Chrysler (à San Leandro), Ford, International Harvester (à Emeryville).

Pour en finir avec ces points de fixation de la lutte de classe depuis les années 1930, il fallait déplacer les sites de production. Voici un aperçu des idées sous-jacentes à ce transfert:

« Lors d'une réunion de dirigeants de la région de San Fran-

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AVIS . DE DÉCÈS.

L'INDUSTRIE AUTOMOBILE

EN CALIFORNIE EST MORTE

(1) Voir http://www.instcssc.org

ujourd'hui, 13 février 2010, quelques cama­ rades et moi avons été témoins d'un moment historique : la fin de l'ère de la production automobile en Californie, avec l'annonce de la fermeture, à la fin du mois prochain, de la dernière usine à l'ouest du Mississipi. En arri­

vant par la grande entrée de la section 2244 du syndicat United Automobile Workers (UA W), boulevard Fremont, juste en face de l'imposant immeuble de l'usine de New United Motor Manufacturing Inc (NUMMl),je vis un portrait de l'illustre éminence de l'UAW, Walter Reuther, bien en évidence sur le mur; etje nepus m'empê­ cher de me souvenir des mots de Martin Glaberman déclarant, au milieu des années 1960, que Reuther avait créé avec l'UA W « une dictature du type parti unique et l'institution totalement bureau­ cratique que [ce syndicat] est devenu». Cette institution de colla­ boration de classe facilitera la fermeture de l'usine, le 31 mars 2010, et la perte de 4 500 emplois - sans aucune lutte d'aucune sorte, sans rien d'autre à offrir aux travailleurs que les platitudes vides de sens de leurs alliés du Parti démocrate.

Je repensais aussi aux paroles de notre camarade Will Barnes et à ses réflexions pénétrantes sur l'industrie automobile américaine à l'automne 2008 (1); une de ses boutades que j'avais gardée en mémoire et qui me revint alors, c'était : « l'Antarctique ». C'est­ à-dire la crainte d'un froid glacial, l'anxiété et le désespoir des travailleurs de base de NUMMI et de tous ceux qui, aux Etats­ Unis, et spécialement dans l'industrie automobile, se résignaient

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forme de monoculture a des effets toxiques : les abeilles sont nécessaires pour polliniser les amandiers, mais elles ne sont tout simplement pas assez nombreuses dans la Vallée. Plus de 40 milliards d'abeilles sont amenées en février pour les trois semaines de floraison des amandiers. Certaines arrivent par camions, d'aussi loin que la Nouvelle Angleterre et d'autres, par avion, d'encore plus loin, notamment d'Australie. En route, les abeilles sont nourries avec une nourriture bon marché pour insectes : « Sirop de maïs riche en fructose et pollen importé de Chine (27). » Ce mode de vie empoisonné où les abeilles sont pros­ tituées pour del 'argent est peut-être la cause du Syndrome d'ef­ fondrement des colonies d'abeilles (28): 80 % des abeilles ont quitté leurs ruches et ne sont jamais revenues. Comme les abeilles pollinisent environ les deux tiers des plantes qui ensuite se retrouvent dans la nourriture, cela pourrait semon­ trer désastreux.

Au fur et à mesure que l'agriculture devient plus mécani­ sée et automatisée, elle met de plus en plus de gens au chô­ mage. Avec l'effondrement presque total de la construction immobilière, le taux officiel de chômage dans la vallée de San Joaquin est de 15,4 %, ce qui ne prend pas en compte ceux qui sont sous-employés ou ceux qui ont quitté leur travail pour en chercher un autre. Le taux actuel est probablement le double ; le comté qui enregistre le taux officiel le plus élevé celui de Colusa, dans la vallée de Sacramento: 26,7 % (29). La« capi­ tale du chômage » de Californie est Mendota, une ville située à 50 km à l'ouest deFresno et comptant un peu moins de 10 000 habitants, LatinÔs à 95 %. Les anciens ouvriers agricoles for­ ment presque 41 % des chômeurs. Mendota prétend être la « capitale mondiale du cantaloup» (variété de melon), mais c'est une plante qui a besoin d'irrigation et la sécheresse a empêché de la planter. En ville l'alcoolisme est chronique et les structures sociales se sont effondrées ; le seul travail possible se trouve à la prison fédérale de Mendota, située pas très loin, dont la construction n'est achevée qu'à 40 % à cause de problèmes de budget. Il manque 115 millions de dollars pour la terminer, aussi les 49,9 millions de dollars promis par Obama donne­ raient-ils un coup de fouet. .. son achèvement permettra de créer 350 emplois. Mais si l'effondrement social continue, les habitants de Mendota devront soit être embauchés comme gar­ diens de prison soit se retrouver derrière les barreaux. Les pri­ sons sont une industrie florissante en Californie, où un pri­ sonnier sur six est condamné à vie.

civilisation. Donc, par opposition à la domination formelle du capital surla société où c'est seulement le processus de production qui est soumis à la loi de la valeur, les autres domaines de la vie sociale gardant un degré relatif d'autonomie, dans la domination réelle du capital, c'est le moindre recoin de 1 'e"istence sociale qui se trouve pénétré par la loi de la valeur. Ainsi, depuis son point de départ sur le lieu de production, la loi de la valeur a étendu ses tentacules non seulement sur la production de marchandises, mais sur leur circulation et aussi sur leurconsommation. De plus, la loi de la valeur·se développe et en arrive à contrôler les sphères du poli tique et de l'idéologie, y compris la science et la technologie. »

(25) Loren Goldner, Ubu Savedfrom Drowning Cambridge, Mass. : Queequeg Publications, 2000.P.85

(26) Source: http://forecast.pacific.edu/ articles/PacificBFC_Fish% 20or%20Foreclosure.pdf le 1 1 août 2009.

(27) hup:// www.michaelpollan.com/ article.php?id=91

(28) Syndrome de disparition des abeilles. Ce phénomène épidémique d'ampleur mondiale reste inexpliqué.

(29) http:// www.centralvalleybusines sti mes.com/stories/00 l /?I D=l~65

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Maison saisie à vendre aux enchères.

Automédication toxique

Les Tent Cities de Fresno sont confrontées à une toxicoma­ nie élevée, surtout de la méthamphétamine (appelée couram­ ment « meth »ou « crystal meth » ). Les personnels de santé ont déclaré que l'usage de cette drogue psychostimulante et créant une forte dépendance a atteint des proportions« épidémiques », donnant à Fresno l'appellation de « capitale mondiale de la meth ».

C'est dans la vallée que la fabrication de cette drogue moderne a pris son essor lorsqu'elle est devenue illégale [ dans les années 1960 J: elle fut alors fabriquée ici et distribuée par des gangs de motards comme les Hell's Angels. Les réseaux de motards de la drogue ont été démantelés par la police au début des années 1990, mais ils ont été remplacés par des réseaux de drogue mexicains utilisant des moyens pl us rationalisés de 'pro­ duction et de distribution.

La vallée autour de Fresno est le centre de la production de meth, non seulement en raison de ceux qui la contrôlent sur une grande échelle, mais aussi en raison de dizaines de milliers de petits producteurs, qui utilisent tous des installations rurales pour leurs labos clandestins évitant ainsi leur détection. Les produits chimiques utilisés pour fabriquer la meth ne sont pas seu-

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pour répondre à ceux qui disent que « les choses sont loin d'aller aussi mal» là où ils vivent). Les conditions toxiques de la Vallée centrale de Californie affectent les vies humaines autant que la santé de tout l'écosystème. Si le développement capitaliste ne rencontre pas d'obstacle, tout ce qui précède nous montre comment la crise de suraccumulation du capital entraîne la dépossession de la classe ouvrière et la pollution de la pla-

.• nète. Comme Marx le prévoyait: « Le pays le plus développé industriellement ne fait que

montrer à ceux qui le suivent sur l'échelle industrielle l'image de leur propre avenir. »

(37) Karl Marx, Le Capital: une critique de /'éco110111ie politique, Livre premier.. préface de la première édition allemande.

De te fabula narratur ! (c'est de toi qu'il s'agit dans cette histoire)

Horace (37) »

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(36) Frank Norris, The Oct opus: A Story of California. 1901. rééd. New York: Penguin Books, 1986, p. 298.

« Ils n'avaient aucun amour pour leur terre. Ils n'avaient aucun attachement pour le sol, ils travaillaient leurs fermes comme ils avaient travaillé dans les mines un quart de siècle auparavant. Pour gérer les ressources de cette merveilleuse vallée de San Joaquin, ils la considéraient de façon mes­ quine, avare, hébraïque. Tirer le maximum de la terre, la pressuriser, l'épuiser, semblait être leur politique. Si,_ à la fin, la terre s'épuisait, refusait de produire, ils investiraient leur argent ailleurs; d'ici là, ils auraient tous fait fortune. Ils s'en fichaient: "Après nous le déluge (36)". »

Marx affirmait que nous observons « les phénomènes lorsqu'ils se présentent sous la forme la plus accusée»; de son temps, cela signifiait« rapports de production et d'échange» et « état des ouvriers anglais, industriels et agricoles» (ceci

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Verger arraché pour laisser place à un lotissement.

lement hautement toxiques, mais aussi très inflammables. Beaucoup de labos fabriquant de la meth ont explosé à cause de ça, tuant les fabricants et incendiant tous les bâtiments alen­ tour. Pour chaque kilo de meth produit, il y a cinq à sept kilos de déchets. Ces déchets toxiques sont souvent enfouis dans des zones rurales éloignées, comme les réserves ou les forêts des collines entourant la!~~llée.

Bakersfield et les déchets toxiques de l'extrême sud de la vallée

On a découvert du pétrole dans la partie sud de la Vallée, dans le comté de Kern, en 1899. Ses gisements de pétrole en ont fait un des comtés des plus rentables des Etats-Unis; la ville de Bakersfield est appelée « capitale du pétrole de Californie ». Les raffineries ajoutent à la pollution de l'air, rejetant des sub­ stances chimiques comme de l'acide fluorhydrique. Bakersfield figure en tête du classement des villes les plus polluées des Etats-Unis, au vu de la quantité de particules (30). Le magazine Women "s Healtli a classé Bakersfield comme la ville des Etats­ Unis la plus malsaine pour les femmes (31 ).

L'extrême sud de la vallée était un désert jusqu'à ce que les pro­ jets d'adduction d'eau rendent possible l'irrigation. Le sol

(30) D'après une étude de American Lung Associated, publiée le 29 avril 2009: http://money.cnn.com/200 9/04/28/real_estate/most_ poil uted_cities/index. htm

(31) http://www. womenshealthmag.com/files /the-best-and-worst-ciues- f or-wornen/index.html 26 décembre 2008.

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(32) C'est en 1968 que fut créé le drainage de 134 km de long de San Luis ; le réservoir consistant en douze étangs d'évaporation à l'intérieur de la réserve naturelle de Kesterton, fut achevé en 1971. Le sélénium s'accumula peu à peu, et c'est à partir de 1981 que furent constatées la disparition des espèces sauvages de poissons et d'oiseaux et les malformations et ! 'empoisonnement du bétail. Les concentrations de sélénium constatées à Kesterton étaient supérieures à 1 400 microgrammes par litre. Le seuil de toxicité du sélénium est estimé à 0.5 mg ou 0,7 mg/jour. Ce n'est qu'en 1987quele rësevoir fut déclaré zone toxique. (NdT.)

contient du sel et des métaux alcalins (alcalis) venant d'anciens fonds marins; ceux-ci sont lessivés par l'irrigation et se mélan­ gent avec les produits chimiques de l'agriculture, produisant une , eau toxique. Il avait été décidé de faire un drainage énorme le long du centre de la Vallée pour pomper cette eau polluée et la rejeter dans la Baie de San Francisco. Mais ce projet ne fut jamais réalisé à cause des protestations des défenseurs de l'envi­ ronnement.

Il y eut un seul drainage, à San Luis, à une faible distance de la Réserve nationale pour les oiseaux migrateurs de Kester­ ton. Les étangs alimentés avec cette eau inondèrent les marais et les terres près de Los Banos. Les oiseaux commencèrent à mourir en grand nombre, les petits naissaient avec de graves malformations et le bétail qui pâturait alentour tomba malade. La cause en était le sélénium, un élément naturel dont on trouve fréquemment la trace dans le sol du désert ; il était lessivé par l'irrigation et entraîné par les eaux du drainage. La solution à ~ourt terme consista à drainer les étangs, à les recouvrir de terre, et à fermer la réserve de faune sauvage (32).

L'usage intensif de la chimie en agriculture permet des ren­ dements supérieurs sur moins d'hectares, mais l'agrobusiness inten-

. sifie le processus d'épuisement du sol, ce qui entraînera proba­ blement la désertification, une · salinité accrue et la contamination par des résidus toxiques. Le processus d'accu­ mulation devient aveugle aux résidus toxiques de l'utilisation des insecticides, fongicides, herbicides et engrais provenant du pétrole. Le drainage dans ces projets d'irrigation intensive pol­ lue l'eau du sol avec toutes ces toxines, mais cela-lessive aussi les métaux toxiques comme le plomb et le sélénium contenus dans les sels du sol.

Il en résulte des maladies car ces produits chimiques contiennent des éléments cancérigènes, d'autres qui produisent des malformations et des mutagènes. En 1988, le syndicat lJFW (United Farm Workers) demanda que cinq pesticides toxiques uti­ lisés par les viticulteurs (dinoseb, bromure de méthyle, para­ thion, phosdrine et captan) soient interdits.

Les produits chimiques utilisés dans les pesticides et pour d'autres usages agricoles sont rarement testés correctement et les effets cie leurs combinaisons sur le corps humain ne sont prati­ quement jamais étudiés. En 1996, une étude fédérale a découvert que la combinaison de certains produits chimiques accélérait la production d'oestrogènes par le corps humain, une hormone qui entraîne des cancers du sein et le dysfonctionnement des

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organes sexuels masculins. Les hommes travaillant dans des usines de pesticides près de Stockton sont devenus stériles après avoir été exposés à ces produits (33 ).

Les habitations toxiques

Le boom de la construction a été entretenu par la création de « Collateralized debt obligations » (34) lancés par le mar­ keting agressif des subprimes et d'autres prêts hypothécaires risqués, qui devinrent des « actifs toxiques » quand la bulle éclata et que le marché se trouva rapidement atteint par les sai­ sies immobilières et l'effondrement des prix. Un actif toxique est un concept abstrait qui touche surtout les investisseurs qui y sont exposés, mais le boom immobilier fit construire des centaines de milliers de maisons qui étaient littéralement toxiques. La simultanéité du boom immobilier national et de la reconstruction de la Nouvelle-Orléans après le passage des typhons Katrina et Rita en 2005, créa une demande massive en cloisons sèches (sorte de Placoplâtre).

C'est ainsi que les constructeurs importèrent de Chine 250 millions de kilos de cloisons sèches qui furent utilisées en partie pour la construction des maisons dans la Vallée centrale. Ces cloisons sèches chinoises dégagent du disulfure de carbone et de l'acide sulfocarbonique, provoquant la corrosion des tuyaux en cuivre, des fils électriques et des installations. Les gens ont souffert de saignements de nez, d'eczémas et les enfants ont attrapé.des infections des oreilles et des voies res­ piratoires supérieures' (35). Voilà la parfaite métaphore qui qualifie les conditions économiques que crée sans vergogne la concentration capitali.ste et dans lesquelles la classe ouvrière des Etats-Unis doit vivre et travailler durement: toxique !

Une Image de notre propre aven_ir ?

La concentration capitaliste a continué sans répit en Cali­ fornie depuis l'allusion de Marx, et elle s'est même accélérée, laissant dans son sillage un pays dévasté et empoisonné, des écosystèmes contaminés et des vies intoxiquées, car le capita­ lisme contamine tout ce qu'il touche jusque dans les relations humaines et sociales.

Dans son roman The Octopus. Frank Norris appelle« véritable esprit de la Californie » une attitude qu'il fait remonter à la ruée vers l'or et qui est toujours vivante :

(33) Gray Brechin: Farewell. Promised Land .... op. cit .. p. 168

(34) Produit financier assis sur l'endettement des particuliers, surtout dans l'immobilier. En français, « obligation adossée à des actifs » ). (NdT.)

(35) Wall Street Journal, 6ao0t2009.p.Dl,D4- et New York Times. 7 octobre 2009 : http://www.nytimes.com/ 2009/ l 0/08/business/08d rywall.html?_r=2&pagew anted=l&hpw

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