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RoseM.Becker

AGAÇANT,SEXYETDANGEREUX

Volume4

ZBIL_004

1.L'échiquier

Oùsuis-je?J’ail’impressiondeflotterdansunnuaged’éther,commesijen’avaisplusdecorps.Detoutesmesforces,j’essaiederouvrirlesyeux…sanssuccès.Desbruitsdevoixmeparviennent,au loin.Puis des imagesme reviennent : la souffrance, lemugissement du4x4noir, les cris despiétons…Unaccident.J’aieuunaccident.

–Celia…

Mafille.Oùestmafille?Perclusededouleurs,jeluttedésespérémentcontrel’engourdissement.Je l’ai poussée sur le trottoir au moment où la voiture fonçait sur moi. Elle pleurait.Mais je nel’entendsplus.Auprixd’ungroseffort,jesoulèvelespaupièresetdécouvrelesmursd’unechambreblanche,carrelée.Unhôpital?

–Celia…articulé-je.

Personnenem’entend.Mavoix est si faible !Et je sombre ànouveaudans l’inconscience, sansforce.J’ignorecombiendetempss’écoule.Peut-êtrecinqminutes.Oubienuneheure.Maisquandjerouvrelesyeux,jenesuisplusseule.Unefemmeentuniqueetpantalonrosesd’infirmièresetientàmonchevet.

PourCelia.

Je parviens à me redresser sur les coudes malgré mes courbatures, mes membres gourds. Lagorgedesséchée,j’interpellelafemmeàmonchevet:

–OùestCelia?–Calmez-vous,madame!medemande-t-elle.

Puisellemeregarde,étonnée.

–Vousêtescoriace,vous!melance-t-elle.Avecladosed’antidouleursqu’onvousaadministrée,jenepensaispasvousvoirréveilléeavantdemain!

Jenel’écoutepas,m’agitantdansmonlit,attrapantsamainavecfièvre:

–Oùestmafille?m’écrié-je.

Jemedébats,prêteàmerelevertoutdesuite,maisl’infirmièreessaiedememaintenircontremonoreiller.Plusgrandeetplusmassive,ellenefaitpourtantpaslepoidsfaceàmoi.Quandils’agitdemafille,jepeuxmetransformerenHulk!D’uneruade,jeluiéchappeetmeredressedanslelit.

–Est-cequ’ellevabien?

Paniquée,jejetteunejambedanslevide,prêteàmerelevermalgrémesecchymoses,visiblessousmablousebleue.

–MademoiselleAnderson!tonnel’infirmière.

Visiblementhabituéeàcegenrede rodéo, elle revient à la chargeetplante sesdoigtsdansmesépaules…enm’arrachant aupassageunpetit cri.Elle vient d’écraser undeshématomesnoirs quiparsèmentmoncorps.

–Allongez-vousetresteztranquille!Ordredesmédecins!clame-t-elle,intraitable.

Finalement,j’avaisunpeusous-estimésaforce…

–Mafille!répété-je.–Ellevabien.–Oùest-elle?–Ensécurité.

Bien que maintenue contre mon oreiller, je secoue la tête, envoyant voler mes longs cheveuxchâtainsautourdemafigure.

–Oùest-elle?m’entêté-je,paniquée.

J’arracheunsourireàl’infirmière,touchéeparmonobstination.Peut-êtrea-t-elledesenfants,elleaussi?Peut-êtresemet-elleàmaplace?

–Jenesaispas,mademoiselle…maisellevabien, jevousl’assure.Elleaétérécupéréesur leslieuxdevotreaccidentetlessecouristessesontoccupésd’elle.

–Elleaétéblessée?

Mavoixsebrisesurlederniermot,impensable,imprononçable.Cetteseuleidéemerévolte.

–Non.Justeunepetitebosseentombant.Riendeméchant.D’ailleurs,vousavezeudelachance,vousaussi.Vousn’avezriendegrave.

–Unepetitebosse?Unepetitebosse?!lâché-je,paniquée.

Iln’yapasde«petitebosse»quandona3ans!Jem’agite, jetentedememettredebout,folled’angoisse.Les sourcils froncés, l’infirmièreme repousse sur le lit. Et, aprèsm’avoir injecté unemystérieusesubstanceparintraveineuse,ellequittelachambre.J’essaieuninstantdelutter…maisjetombedefatigue.Ànouveau,jesombre.

Àmonréveil,unesemi-pénombreremplitmachambre.Quelleheureest-il?Jemedressesurlescoudesavecunseulnomentête:Celia!Malgrémespaupièreslourdes,jem’adosseàmonoreiller,prised’unvertige,pileaumomentoùlaportedemachambres’ouvresurunhommeenuniforme.

–MademoiselleBillieAnderson?

Jemeraidis,enalerte.

–Jemeprésente:inspecteurWarner,déclare-t-ilcalmementenbrandissantsaplaque.Lemédecinm’adonnésonaccordpourvousinterroger.

–Est-cequevoussavezoùsetrouvemafille?demandé-jeaussitôt,fébrile.–Elleaétéconfiéeàvosgrands-parents,metranquillise-t-il.

Enfinuneréponse!

–D’aprèslespapierstrouvésdansvotresac,ilsétaientlespersonnesàprévenirencasd’urgence.

J’ai l’impression qu’un poids de cinq tonnes quittemes épaules.Ma fille est saine et sauve, ensécuritéauprèsdeTrevoretAbigail.Jepasseunemainsurmonvisagetandisquel’hommetireàluiunechaiseàarmaturemétallique.Àlamain,iltientuncarnetetunstylo.

–J’aimeraisvousposerquelquesquestionsausujetdel’accident.

Ilaprononcélemotavecprécaution,enformantdesguillemetsavecsesdoigts.Àl’évidence,ilnesemble guère accréditer cette thèse. Mise en confiance, je me redresse et j’essaie de ne pas tropm’agiter avecmes plaies etmes bosses. J’en suis quitte pour une belle peur et plusieurs jours decourbatures.

–Avez-vouspuidentifierlavoiture?commence-t-il.–Un4x4noirmétallisé.

Je lui cite lamarque et réponds à toutes ses questions. Impossible de déterminer si la voiture afoncéintentionnellementsurmoious’ils’agissaitd’unchauffardivre,parexemple.Ilm’estencoreplus impossible de croire à une coïncidence. Ce sont certainement des représailles exercées parRichard Johnsonà la suitedemon interview…mêmesini l’inspecteurnimoineprononçons sonnom.

Troprisqué.Tropdangereux.

–Touslestémoinsoculairesontcorroborévotreversiondesfaits.Unevieilledameaassuréquelechauffeurn’avaitrienfaitpourvouséviter.

Onadoncessayédemetuer.Purementetsimplement.J’essaiedenepascéderàlavaguedepeurquimesubmerge.Cen’estpaslemomentdecraquer.C’estfini.Jesuisàl’abri,ensécurité.Pourtant,mesmainstremblentsifortquejedoislescachersousledrap.

–Quelqu’unapureleverlaplaqued’immatriculation?–Oui…maiselles’estrévéléefausse.Ils’agitprobablementd’unevoiturevolée.

Son tondésabusénem’échappepas tandis que j’acquiesce, guère surprise. J’ai été visée par unprochedeRichard,décidéàmettresesmenacesàexécution.J’aiétépuniepouravoiroséparlerenpublic.Seulelaloiduplusfortsembles’appliqueraveccethomme.

Jen’aipasdutoutl’impressiondevivredanslajungle!

– Je suis obligé de vous poser la question, mademoiselle Anderson, reprend l’inspecteur,visiblementmalàl’aise.Avez-vousdesennemis,desgenssusceptiblesdevousenvouloir?

C’esttellementénormequej’esquisseunsourire.

–Etmoi,j’imaginequejesuisobligéedevousrépondre,non?ironisé-je.

Il hoche la tête mais aucun de nous n’est dupe. Car comment pourrais-je accuser ouvertementRichard Johnson sans risquer de tout perdre ? Citer son nom m’exposerait à des poursuitesjudiciaires,jen’endoutepas.Alorsqueluipeuttranquillementenvoyerunhommedemainpourmerenversersansencourir lamoindresanction.Dixminutesplus tard, lepoliciermeserre lamainetregagneleseuildelachambre…oùilmarqueunarrêt.

–Soyezprudente,melance-t-il.

Je luisouris.Etàpeinelaporteclose, jemejettesur le téléphonepourcomposer lenumérodemesgrands-parents.

–Machérie!s’exclameAbigail,lagorgenouéeparl’émotion.Situsavaiscommenoussommesheureuxdet’entendre!Est-cequetuvasbien?Nousn’avonspasarrêtéd’appelerl’hôpitalmaisilsontrefusédedirequoiquecesoit!Ilspensentquenoussommesdesjournalistes!

Je n’ai pas le temps d’en placer une. Sur les nerfs, ma grand-mère se transforme en véritablemoulinàparoles.

–Jet’apporteraidebonspetitsplatsdemain!m’assure-t-elle.Tunepeuxpasmangerlanourritureinfectedel’hôpital.

J’essaiedenepasrirepourpréservermescôtesdouloureuses.EtquandellemepasseenfinCelia,moncœurexplosedansmapoitrine.

–Allô,maman…faitsapetitevoixinquiète.

Soudain,jevaismieux.Jevaisbien.

***

–Leshorairesdesvisitessontpresqueterminés,prévientuneaide-soignantedanslecouloir.

Unpeugroggyparlesmédicaments,jeneprêtepasattentionauxavertissementsdesinfirmièresauloin.

–Jesais,répondunevoixtrèsposée.

Unevoixquiamènedespapillonsdansmonventre.Unevoixquimeforceàouvrirlesyeuxd’un

seulcoup,parcourued’uneimpulsionélectrique.Prèsdemachambre,jeperçoisdesbruitsdepasquiserapprochent.

–Monsieur,vousnepouvezpas…–Biensûrquejepeux!lanceunevoixgraveetassurée.

Unesecondeplustard,maportes’ouvreàlavolée,laissantapparaîtreunehautesilhouette.Seanetsonsourireéblouissant,décochéàunejeuneaide-soignanteincapabledel’arrêter.MaisquipourraitstopperSeanCavendish?Assisedansmonlit, je lecontempleavecsurprise.Jesuissibouleverséeparsonapparitionquej’enperdsmesmoyens.Jenepeuxriendire,nibouger.Luiaussirestefigésurleseuiltandisquelajeunefemmes’éloigne,nouslaissantseuls.

Seulsaumonde.

Sesyeuxnoirsmeparlentavantsabouche,sansleconcoursdesmots.Nousn’enavonspasbesoin.Plus maintenant. Il m’enveloppe d’un regard flamboyant, détaillant mon pansement à la tête, mescontusions…etsonexpressionchange.Àlajoieintensedesretrouvaillessuccèdentlacolère,larage.Jereconnaisl’étincellemétalliquedanssespupilles.

–Billie…souffle-t-il.

Ilsemblebouleversé!Savoixsebrise,ilestincapabled’ajouterquoiquecesoit.Etmoi,muette,jemecontentedetendrelamainverslui,avide,impatiente.J’aibesoindelui.Pourlapremièrefois,j’aibesoindequelqu’un–désespérément, intensément.Etcetteévidencenemefaitmêmepaspeur.J’appelle seulement Sean à moi tandis qu’il traverse la chambre à grands pas. Puis ses bras serefermentsurmoi,etsonétreintemetireungémissement.

–Aïe!–Billie,jesuisdésolé!s’écrieaussitôtSeanenreculant.

Ilal’airsiangoisséquec’enestpresquecomique.J’éclatederire,peut-êtrepourcachercombienjesuistroubléeetencorechoquée.Ettantpissimescôtesenpâtissentencore!

–Cen’estrien.Jesurvivrai,fais-je,malicieuse.–Jesuisvenuaussivitequej’aipu,merépond-il,soucieux,enprenantplaceauborddemonlit.

J’étaisenréunionaumomentdel’accidentetj’aiétéprévenuilyaseulementunedemi-heure,grâceauxphotosdanslapresse…

CarSeanCavendishn’apasbesoind’êtrealertéparunprocheouuneconnaissance:àlatêteduplusgrandgroupedepressedupays,ilsaittout,surtoutlemonde,enpermanence.J’ignoresijedoistrouverça rassurantouflippant.Les traitsdesonvisagesedurcissent,minésparunepeursincère,évidente.Ilesttrèsinquietpourmoi…etriennepourraitmefaireplusplaisir.

Jesais.Jesuisbizarre.

–Commenttesens-tu,Billie?

Samainenveloppemajoueetj’appuiemonvisagecontresapaume,puisantenluilachaleuretlaforcequimemanquaient.Jeposemêmemesdoigtspar-dessuslessiens,nousrapprochantencore.

–Jevaismieux.–Depuisquejesuislà,jeparie!nepeut-ils’empêcherd’ajouter.

Ilafalluqu’illedise!Jelèvelesyeuxauciel,aucombledel’agacementetjemedégagesousseséclatsderire.InsupportableSean.Ilnechangerajamais!Jemeretiensdeluienvoyermonoreillerdanslafigure.

–Ont’adéjàditquetuétaisinvivable?–Jel’aientenduuneoudeuxfois,répond-ild’unevoixdevelours.

Ses yeux de braiseme capturent, sansme laisser lamoindre échappatoire. Et il ajoute dans unsouffle,ensepenchantversmoi:

–Jesuisheureuxquetun’aiesrien…Jenesaispascequej’auraisfaits’ilt’étaitarrivéquelquechose.

–Tuauraistrouvéuneautrefemmeàrendrefolle,dis-jed’unevoixétranglée.

Ilpenchelatêteversmoi.

–Iln’yapasd’autrefemmecommetoi.

Seslèvresserapprochentdesmiennes.

–Etiln’yapasd’autrefemmequej’aienviederendrefolle!

Sa langue s’introduit enmoi, se joignant à lamienne en un ballet torride. Sesmains en coupeautourdemonvisage,ilm’embrasseàperdrehaleine–etmoi,jeperdslatête!Sespaumessefontbrûlantessurmapeautandisquejeretrouvesongoût,saforce,sonintensité.Jeluirendssonbaisercommeonrendcouppourcoup.Bientôt,jel’attrapeparlescheveux,enfouissantmesdoigtsdanssesmècheschâtains.J’enoublietoutesmesdouleurs.Etpendantuneminute,oudix,nousrestonssoudésl’unàl’autre…jusqu’àcequejemanqued’oxygène.

Ébouriffant.

Seanme lance un sourire en coin. Il a parfaitement conscience de l’effet qu’il produit surmoi.Maiscettefois,ilsetait.S’allongeantàdemisurmonlit,dressésuruncoude,ilpréfèremeparlerdeCelia,àl’abri,quandd’autresbruitss’échappentducouloir.

Unvrairamdam.

–L’heuredesvisitesestpassée,glapitlamalheureuseaide-soignante.–Savez-vousquijesuis?riposteunevoixdédaigneuse.–Écartez-vous,mademoiselle!conseilleunetroisièmepersonneautonneutre.

Laportedemachambres’ouvrealors…etjerestemuette.Verrais-jeDarkVadorquejeneseraispasplusétonnée!Seanseredresseaussitôt,faisantfaceauxarrivants.Etjevoislastupeuretlafureursepeindresursestraits.

–Billie!s’exclame-t-ilenjouantlesinquiets.Commentvas-tu?

JerêveouRichardJohnsonvientdemedemandercommentjemeporte?

Encostumegrisàlacoupeimpeccableetchemisebleupâle,monexpénètredanslapiècecommeenterrainconquis.Encadrépardeuxgorilles,sansdoutesesgardesducorps,ilserapprochedemonlit sous lesyeuxétincelantsdeSean.SeanetRichard.Dans lamêmepièce. J’ai l’impressiond’êtreassisesurunecaissededynamite!J’essaiepourtantderavalermapeur,consciented’êtreenfacedel’hommequiapeut-êtrecommanditémamort.Etquiafaillicausercelledemafille,par lamêmeoccasion!

–Jeviensd’apprendretonaccidentparl’undemesconseillers.–Celuiquiconduisaitle4x4?riposteSean.

Perdantsonsourirecompatissant,monexpivoteversSean,commes’ildaignaitenfinremarquersa présence. Je remarque des bruits dans le lointain ; on dirait qu’unmonde fou s’agite sousmesfenêtres.Jejureraisquedesjournalistesfontlepieddegruedevantl’hôpital.Etl’évidencemesauteauxyeux :Richardaconvoqué lapressepour immortalisersavisiteàmonchevet ! Ilessaiedeseservirdemoi!Àl’angoisses’ajoutepeuàpeulacolère.

–Dansvotrepropreintérêt,Cavendish,jevaisfairecommesijen’avaispasentendu.–Nevoussouciezpasdemonintérêt,Johnson,répondSeanenselevant.Vousavezbienassezà

faireaveclevôtre.

Le dépassant d’une bonne dizaine de centimètres, Sean s’arrête devant lui, dans une attitudeclairementmenaçante.D’ailleurs,Richardreculed’unpasentirantlenœuddesacravate.Mafureurgranditalorsquej’observesonmasquedecomédien.Toutsonnefauxchezcethomme.

– Vous êtes venu pour tenter de regagner des points dans les sondages ? enchaîne Sean,impitoyable.Vousavezpeurd’êtreaccusédecetaccident,alorsvousessayezderedorervotreblasonenrendantvisiteàBillie?

Démasqué,monexjetteunregardfurieuxàSean.Pendantcetemps,lesdeuxmalabarssurveillentlascèned’unœilvigilant,prêtsàinterveniraupremiersignedeleurpatron.Seanserrelespoings,furax.Quantàmoi,jeregardecesdeuxhommes,monpasséetmonprésent,avecnervosité.

–Sorsdecettechambre,Richard!dis-je,glaciale.Tun’asrienàfaireici.–Jen’airienàvoiravectonaccident.

Maisavantquejeneréplique,SeannousprendtousdecourtenbondissantàlagorgedeJohnson.Ill’attrapeparlecoldesachemiseetlerepoussecontrelemur.Lesdeuxarmoiresàglaceseruentaussitôt sur lui pour le saisir…mais le sénateur leur fait signede s’abstenir.Adossé à la paroi, ilsembleépinglécommeunpapillon.Mais ilveutsansdouteéviterunnouvel incidentdiplomatique,

nuisibleàsonimage.

–Toutlemondesaitquec’estvous!grondeSean.–Jemetrouvaisàunmeetingdevant5000spectateursaumomentdesfaits.–Commesivousnedéléguiezpas lesaleboulot ! ricaneSean,sansdesserrersaprise.Ayezau

moinsladécenced’assumervosactes!

Richardgardesamorgue:

– Faites très attention aux accusations que vous proférez devant témoins, monsieur Cavendish.Vousavezunefâcheusetendanceàaccuserlesgenssanspreuve…

Cerappelàleurpassé,àl’affairedel’eaucontaminéeparlescentralesdeRichard,sembletoucherSean en plein cœur. Son visage devient livide. Et parce que je redoute qu’il ne casse vraiment lagueuleàmonex,jeglissepéniblementhorsdemonlitetl’attrapeparlebras,tentantdeletirerenarrière.

–Laisse-le,Sean!lesupplié-je,inquiète.

Richardsourit,moqueur:

–ÉcoutezdoncBillie,monsieurCavendish.Ellealatêteplusfroidequevous.–Iln’envautpaslapeine,dis-jeàsonoreille,insistante.

Attrapant lesmanchesde sonblazernoir, jeparviensà lui fairedesserrer saprise…etRichards’échappe aussitôt, coulant commeune anguille.Escorté par ses gorilles, il quitte la chambre sansdemander son reste et Sean et moi restons seuls. Autour de moi, tout n’est qu’apparences, faux-semblants, manipulations. J’ai l’impression d’être une pièce d’échiquier dans une partie perdued’avance.

***

Le lendemainmatin,Karlieest lapremièreàmerendrevisiteà l’hôpital.Elle rase lesmurs,ensueur.

–C’estfoucequ’ilyacommemonde,ici!

Elleme tendmon iMacet se laisse lourdement tomber surunechaise,non sans jeterdescoupsd’œilinquietsverslaporte.

–Ilssonttoujoursaussinombreuxdanslecoin?

L’angoissepercedanssavoix.

–C’estunhôpital,Karlie,luidis-jeavecunsourireamusé.–Grand,alors.Supergrand.Immense.Gigantesque.

C’estàpeinesiellenes’épongepaslefrontavecunmouchoir.Àlaplace,elles’éventeàl’aided’unprospectusconsacréauxmicroprocesseursnouvellegénération.J’essaiedenepasrire…mêmesi sa présence me touche. J’imagine l’effort qu’elle a réalisé pour venir jusqu’ici et quitter sonappartement,baptisé«lebunker»àcausedesonagoraphobie.Allongéedansmonlit,jetendslebrasetpressesamain.

–Mercid’êtrepassée.Jesaiscequeçareprésentepourtoi.

Elle hausse les épaules,magnanime – et fine comme une brindille dans sonT-shirt noir fluide.Entre soncarrédecheveuxnoirsauxpointes roseset sagrossebesaceportéeenbandoulière,elleressembleàuneétudiantefragilemalgréses23ansetsonQIde250.

–Jesuiscontented’êtrelà.Etquetuaillesbien,ajoute-t-elle.

Puis,sautantducoqàl’âne,ellebonditsursespiedsetsemetàfarfouillerdanssonsac:

–Pendantquej’ypense!

Unesecondeplustard,elleposesurmatabledechevetunefigured’HermioneGranger.C’estsonporte-bonheur.Celuidontelleneseséparenormalementjamaisetquiornesonbureau.

–Ellevaveillersurtoi,meprécise-t-elleavecunclind’œil.

J’éclatederire.Qu’est-cequejeferaissanselle?Etendébutd’après-midi,aprèsledépartdemameilleureamie,rappeléedevantsonPCparsonboulot,jemetsunpointd’honneurànepassurfersurles sites d’information avec mon ordinateur portable. Je reçois ensuite une autre visite surprise :Sabrina,macopined’enfance.Ellem’atéléphonécematinetjeluiairacontémonaccident,maisjenem’attendaispasàcequ’ellefasseuncrochetparl’hôpital!

–Coucou,Billie!melance-t-ellegaiement.Jesuisvenueteremonterunpeulemoral!

Ellemeclaquelabiseavantdemetendreunegrosseboîtedechocolats.

–C’estadorable!Tun’auraispasdû.–Tuplaisantes?Çamefaitplaisir.Etpuis,lesamiessontfaitespourça.

Récemmentréapparuedansmavie,Sabrinareprendpeuàpeulaplacequ’elleavait laisséedansmoncœuraprèssondéménagement.Ensemble,nouspouvonsdiscuterdetout :messoupçons,mescraintes,etsurtoutCelia.

–Ellet’arenduvisite?m’interroge-t-elle.–Non,dis-je,trèsferme.Jerefusequ’ellemevoiedansunlitd’hôpitalaveccespansementssurla

têteetlesbras.Çapourraitlachoquer.–Sansparlerdesjournalistes,enbas…

Nouséchangeonsunregarddeconnivence.

–Elleestbeaucoupmieuxchezmesgrands-parents,loindetoutecettefolie.Enplus,j’aiunamiquiaengagéungardeducorpspourlaprotégerdepuisl’accident.

Sean.Ilm’enaparléhiersoir,aprèsledépartenfanfaredeJohnson–etaprèss’êtreexcusédesonemportement. À peine apprenait-il mon accident qu’il embauchait un spécialiste de la protectionrapprochée pour Celia, au moins le temps de mon hospitalisation. Je lui aurais sauté au cou enentendantça.

D’ailleurs,ilsepeutquejel’aiefait…

Ettantpispourmesblessures!Enrepensantàcettescène,j’esquisseunsourirealorsqueSabrinahochelatête:

–Çadoitterassurer.–Oui,unpeu.

Untout,toutpetitpeu.

2.Pasàpas

Gardée enobservationpendant quarante-huit heures, je passe enfinmadernière nuit à l’hôpital.Alléluia!Jenesupportepluscelitetcetteimmobilitéforcée.Enplus,jenepeuxmêmepasregarderlatélévisionpourmedistraire:matrombineestsurtoutesleschaînes!Jepousseungrossoupirenfeuilletant lesmagazinesd’informatiqueapportésparKarlie.Maiscommeilfautbac+40pourlesdéchiffrer,jemerabatsfinalementsurlederniernumérodeGlamour,achetéparSabrina.

Jepiquepourtantdunezsurunarticleconsacréauxmèrescélibataires.Mesyeuxsefermenttoutseuls,ma tête dodeline.Calée contremon oreiller, jem’apprête à sombrer quand un bruitme faitsursauter. Je sensquelque chose.Ouquelqu’un.D’instinct, je saisque jene suisplus seuledans lachambre.Jerouvrelespaupièresd’unseulcoup.

–Quiestlà?

Unesilhouettesedétachedanslapénombredelapièce.Unhomme,jecrois.Moncœurs’emballe.

–C’estvotrefaute!sifflelavoix.

Jeremarqueàpeinelaporteentrouverte,leraidelumièrequifiltreàtraversl’embrasure.Jesuistropoccupéeàregarderlaformemenaçanteveniràmoi.Jesuisisolée,àsamerci.Mêmesijemeforceàarticuler:

–Quiêtes-vous?

J’aperçoisses traits lorsqu’ilpassedevant la fenêtre,éclairépar la lune.C’estunadolescent ! Ildoit avoir 18 ans maximum ! Ma peur ne décroît pas pour autant. Je devrais être rassurée maisl’expressiondesonvisage,levidedesesyeuxetsadémarchetitubantemeglacentlesang.Cetypeestéméché.Or,iln’yariendeplusdésinhibantetdangereuxquel’alcool.

–C’estvotrefautesimesparentsveulentdivorcer !C’estàcausedevous!crache-t-ilentresesdentsserrées.

Il s’arrête à un mètre de mon lit… et je commence à avoir une vague idée de son identité.D’ailleurs,sonvisagenem’estpasinconnu.Jel’aivulorsdelaconférencedepressedonnéeparsesparentsdevantleurmaison.Ils’agitdufilsdeRichardetPatriciaJohnson.Mike.OuMickaël.

Ou«lesproblèmescommencent».

–Onnes’entendmêmeplusà lamaison!Ilsnefontplusquehurler,hurler,hurlerdumatinausoir!Ettoutça,c’estàcausedevous,parcequevousavezcouchéavecmonpèrepourlefric!

Ilpointeversmoiun index tremblant.J’ai l’impressionqu’il recrachemotpourmot lesarticles

qu’ilalusdanslesmédias.Àmoinsqu’ilnerépètecequ’ilaentenduchezsesparents?Iltientàpeinedeboutetpuel’alcoolàdixmètresàlaronde.Cequinel’empêchepasdeserrerlesdents.

–Commentêtes-vousentré?demandé-jeavecangoisse.

Jeneveuxpourtantpasluimontrermapeur.Jedoisgardermonsang-froid,adopteruntonneutre.Continuer à parler. En même temps, je cherche le bouton d’appel pour prévenir les infirmières.Mickaëlmedécocheunsourirepleindemépris.C’estfoucommeilressembleàsonpère!

–Toutlemondeaunprix,répond-il,arrogant.Toicomprise,j’imagine.

Onsetutoie,maintenant?

–Quevoulez-vous,Mickaël?–Cequejeveux?suffoque-t-ilpresque.Quevousdisparaissiezdelasurfacedelaterre, tasale

gamineettoi!–C’estunemenace?dis-je,trèsposée.

Pasderéponse.Justeunsilenceéloquent.J’enfoncealorsmamainsousl’oreilleràlarecherchedelaprécieusetélécommande.Oùest-ellepassée,celle-là?

–Jesaistrèsbiencequetuveux!cracheMickaël.

C’estformidable.Toutlemondesaitmieuxquemoicequejeveux.

–Tueslàpourl’argent,hein?–Non,jesuislàparcequ’unevoiturem’arenversée,dis-je,sarcastique.

D’ailleurs…j’aipeut-êtreleconducteursousmesyeux.L’idéemetraverse,angoissante.

– Tu veux piquer l’argent demon père grâce à ta fille ! répèteMickaël. Je parie que tu vas letraîner devant les tribunaux pour qu’il la reconnaisse. Comme ça, tu auras le droit à une pensionalimentaireetelleseretrouverasursontestament.Etellepourraréclamerlamoitiédufricdemonpère!

C’estdoncça!Cegossederiche tremblepoursonpatrimoine,redoutantd’êtrespoliéauprofitd’unepetitefillede3ans.N’ont-ilsquelesdollarsentêtedanscettefamille?Mamainserefermesurlepetitboîtierenfouisouslesdraps.Mickaëlsetientdevantmonlit,menaçant.Sesyeuxembuésparl’alcool – je dirais la vodka, à son haleine – restent braqués surmoi. Sous l’oreiller,mon pouceenfonceleboutond’appel.Unebonnedizainedefois.

Desrenfortsneseraientpasduluxe.

– Je n’ai jamais demandé le moindre dollar à votre père pendant trois ans, pourquoicommencerais-jemaintenant?

Ilnesemblepasébranlé.

–Tucroisqueçam’impressionne?T’esjusteunecomédienne!Ettusaismieuxmenertabarquequelesautres!

–Jen’attendsqu’unechosedevotrepère:qu’ilm’oublieetmelaissetranquille.

Danslecouloir,desbruitsdepass’élèventalorsquemoncœurbatlachamade.Deuxinfirmièrespénètrentenfindansmachambreetimmédiatement,jepointedudoigtl’intrus.SaufqueMickaëlnesemble guère décidé à se laisser faire. Bondissant en arrière, il repousse en arrière le personnelsoignant.

–Vousnesavezpasquijesuis!Jepourraisvousfairevirerd’unclaquementdedoigts!Jen’aiqu’àpasseruncoupdefil!

–Appellelasécurité!lancel’infirmièrelaplusâgéeàsacollègue.

Celle-cis’enfuitendirectionducorridoralorsqueMickaëlreculeverslaporte,horsdelui.Troisgrands gaillards font irruption pour le maîtriser, etMickaël se défend comme un diable à grandrenfortdecris,demenacesetdecoups.Habituésauxpatients rétifs, les troisvigilesparviennent àl’évacuer.

–Toutvabien,mademoiselleAnderson?s’assurel’unedesinfirmières.

J’acquiesce,muette.

–Vousvoulezqu’onpréviennelapolice?

Jehocheànouveaulatête.Jenepeuxpasignorercettenouvelleagression.Or,rienn’effraietantlesJohnsonque la révélationde leurs frasquessur laplacepublique.Et tandisque la jeune femmes’envatéléphoneràl’inspecteurWarner,dontjeluiaifournilacarte,jemejettesurmontéléphonepourappelerSeanet tout luiraconter.Àcet instant, jemerendscomptequejeneveuxmetournerverspersonned’autre.

***

Le lendemainmatin, je descends lentement de la voiture. Je suis en train de ruinermon capital«glamour»auprèsdeSean.Riantdanssabarbe,ilcontournesoncoupérougepourm’aider.

–Tun’aspasfinidetemoquerdemoi?fais-je,mi-furieuse,mi-amusée.

Eneffet, j’ai sérieusement l’aird’avoir80ans.Tout en tenant laportièreouverte, il prendmonbrasavecdélicatesse.Et,aprèsunecourtemaisintenseréflexion:

–Non.N’ycomptepastrop!

Avecungrandrire,ilm’aideàgrimpersurletrottoir…quiressemblepourmoiaumontEverest.J’aienfinquittél’hôpital!D’aprèslesmédecins,jesouffreseulementdecontusionsetd’uneépauleluxée.Unmiraclevulaviolencedel’impact…

–Mêmemagrand-mèrevaplusvite!plaisanteSean.

Jeluiadministreunpetitcoupdecoudedanslescôtes.

–Jenesaismêmepascommentjetesupporte!dis-jesurletondelaboutade.

Toutenm’aidantàrejoindrel’arrièredelatownhouse,Seanmefaitlesyeuxdouxnonsansunepetitelueurdedérision.

–Peut-êtreparcequejesuisbeau,intelligent,talentueuxet…–Modeste?proposé-je,àtouthasard.–Extrêmementmodeste,oui.

Riant avec lui, j’entre à pas de loup par l’arrière de la maison, surprise par l’absence dejournalistesdevantleminusculejardin.

–Oùsont-ilstouspassés?

Nonpasquejemeplaignedeleurabsence…

L’irrésistible sourire de Sean s’éteint, remplacé par un air déterminé. Quant à ses yeux, ilss’étrécissentjusqu’àdevenirdeuxfentesnoires, trahissantsacolère.Lacapacitédecethommeàserefermerenunesecondemefascineratoujours!

–J’aiparléàlapoliceetilsfontdesrondesrégulièrespourchasserlesgêneurs.Ilyenaencorequelques-unsàl’avantdelamaisonmaisriend’insurmontable.

Dansl’escalier,jeluijetteunregardpleindegratitude.Jeletrouveassez–beaucoup,énormément– sexy lorsqu’il est fâché…contre une autre personne quemoi ! Pas une seule fois Sean ne s’estdérobé depuis la révélation demon identité à la presse. Je sais qu’il se sent responsable de monaccident.N’est-ilpasàl’originedecegranddéballagemédiatique?Pourtant,iln’étaitpasderrièrecevolant, il n’est coupable de rien.Moi qui avais perdu foi en la gentmasculine, je suis sidérée parSean,sifort,sirassurant…etsiprésentencasdecoupdur.

Etsic’étaitlui?Sic’étaitl’hommequej’aitoujoursattendu?

Réprimantcettepensée, j’ouvre laportedemonappartement, et aussitôt lehurlement joyeuxdeCeliaexplose:

–MAMAAAAAN!!!

Seprécipitantversmoi,elleeffectueuneglissadesurlesfessesetmepercutedepleinfouet.Aïe!Je serre les dents et l’étreins, possessive, tandis que mes grands-parents nous rejoignent. Ils sontgentimentvenuschezmoipourmeramenermafille.Derrièremoi,Seanrefermelaporteàdoubletour,acclaméparCeliaquinecessedescander:«Shoûn!Shoûn!»Illuifaitunclind’œil,pincedoucementsajoue,etpendantuneseconde,jeparvienspresqueàmedétendre.Carentremafamilleetlui,c’estlapremièrerencontre.Autantdirequejesuisnerveuse.D’ailleurs,Trevorsetientaugarde-à-vous.Mêmeungardiendeprison aurait l’air plus aimable !Parcequ’ils savent trèsbienqui estSeanpourmoi.Jeleleuraiexpliquéautéléphonesansentrerdanslesdétails.

Papy,mamy, jevousprésenteSean, l’hommeavecqui jepassedesnuits torrides…etque j’aimesansoserleluiavouer.

–Papy,mamy,jevousprésenteSeanCavendish.

Etjem’arrêtelà.Lereste,onlecoupeaumontage.

–Enchanté,affirmeSeanenserrantlamaindeTrevor.

Mongrand-pèreluilanceunregardd’aigle.Enbonpatriarche,ilasansdouteprévudeluifairepasserunvéritableinterrogatoire.Attachéàunsiège.Avecunelampebraquéesurlafigure.

–Tudoismourirdefaim,machérie!s’exclamemagrand-mèreendésamorçantlabombed’ungrandsourire.Etvousaussi,Sean!Sinouspassionsàtable?

–Z’aifaim!confirmeCelia,sansquittermesjambes.

J’avanceaveccepetitmonstreagrippéàmonmollet.Età table, jesuisplus tendueque lacorded’unarc!Enunclind’œil,Seans’attirelasympathiedemagrand-mère;commetoutêtredesexefémininsurcetteplanète,ellen’estpasinsensibleàsoncharme.

–Voslasagnessontdélicieuses,madameAnderson.Vousavezunsecret?

Abigailrougitcommeunepivoine.Jerêveouellecraqueunpeu?

–J’ajouteunpeudepimentàlasaucepourlarelever.–Çavousennuiesijemeressersunepart?

Ou comment gagner à jamais son cœur. Par contre, Trevor est moins facile à apprivoiser. Etduranttoutledéjeuner,ilposeenviron…oh…unmilliarddequestionsàSean.

– Quel âge avez-vous ? Vous habitez New York, vous aussi ? Pourquoi êtes-vous devenujournaliste?Commentavez-vousrencontrénotreBillie?Quelestvotrejoueurdebaseballpréféré?

Oui,lebaseballauneimportancecapitalepourmongrand-père.

–Tun’aspasfinidel’embêteravectesquestions!legrondeAbigailenluitapotantlebras.–Çanemedérangepas,madameAnderson.Etpourtoutvousdire,monjoueurpréféréresteJoe

DiMaggio.

Levisagedemongrand-pères’éclairetoutàcoup.

–Etvousjouez,vous-même?–J’étaislanceurquandj’étaisgosse.–Moiaussi!s’exclameTrevor,enchanté.

EtvaincuparK-O.

Magrand-mèrelèvelesyeuxaucielavantdesepencherversmoi,complice:

–Encorecemauditbaseball!Onnevapluspouvoirenplacerune!

Tropfort,ceSeanCavendish.

***

Mesgrands-parentsrentrentchezeuxendébutdesoirée,enchantésparleurrencontreavecSean.

–Quelhommecharmant!murmureAbigail,desétoilespleinlesyeux.

Sielleétaitplusjeune,j’auraispeurqu’ellenemelepique.QuantàTrevor,ilnecessederépéter:«Ils’yconnaîtenbaseball!»Puisc’estautourdeSeandepartir,rappeléausiègedesongroupedepresseparunbouclageurgent.JemeretrouvealorsseuleavecCelia.

–Onvaprendrelebain?

Cride joie.Ma fille aime jouer avec l’eau, lamousse, sondauphinenplastique…et elle adorearroserlasalledebainsdusolauplafond.Chaquefois,j’ail’impressiondemettreuneorquedansune bassine… un mini cétacé de 3 ans aux grands yeux bleus. Enfin sèche, je l’emmène dans sachambreaprèsunrapidedîner–quiauraitencorefaimaprèslesdéjeunersdemagrand-mère?

–Tuveuxquejeteliseunehistoire?–Oui!

Elleavanceàquatrepattessursonlitpourrassemblersespeluchesautourd’elle.

–Laprincesseaveclesdragons!

Je la prends contremoi avec un sourire.Encore lemême conte ! Je peux le raconter cent fois,millefois!Quandselassera-t-elledemaprincesseguerrière,inventéeexprèspourelle?Pastroptôt,j’espère.Déposantunbaiserdanssescheveux, je luinarre lesaventuresdemonhéroïne.Etbercéepar ma voix, Celia se laisse aller, les paupières mi-closes. Tout en lui caressant les cheveux, jem’enivredesonparfum,mélangedesavonetdebonbons.

Commeellem’amanqué…

–Dis,maman…

Jem’arrêtealorsqu’ellegardelatêtenichéecontremonflancdouloureux.

–Pourquoilavoitureellearoulésurtoi?

Petitflottement.

–C’étaitunaccident,mapoupée.Ilarrivequelesgensconduisenttropviteetfassentdumalauxautres.

Cetteréponsesembleluiconvenirmaisjesenslatensionflotterdanslapièce.Assisesursonlit,lesjambesrepliéessousmesfesses,j’aipasséunbrasautourdesesépaules.Celia,elle,estrouléeenboulecontremoi.

–Lesautresysontméchants!lance-t-ellesoudain.

Jemefige,monsuperradardemamanenalerte.

–Dequiparles-tu,Celia?–Lesgrandsdel’école…–Lesélèvesplusâgésdetanouvelleécole?reformulé-je.

Ma fille hoche la tête en tripotant sa licorne enpeluche.Demon côté, j’essaie de rester la pluscalmepossible;autrementdit,j’essaiedenepaspéterunplombsur-le-champ.

–Ilst’ontfaitdumal?Ilst’ontfrappée?–Non…–Ilst’ontditdeschosesméchantes?–Oui.

Monsangnefaitqu’untour!

–Ydisentquet’esunedamepasgentillequiveutpleindesous!Etquemoiz’aipasdepapa!

Ilyauntelchagrindanssavoixquemoncœursebrise.Jel’étreinsaupointdeluitirerunpetitgeignement.

– Tu ne dois pas les écouter, mon cœur. Ils racontent des bêtises. Bien sûr que tu as un papa,commetouteslespetitesfillesdumonde.Simplement…

Simplement,c’estlepiredessalopards.

–…ilnefaitpaspartiedetavie.Ils’appelleRichardJohnson,jet’enaidéjàparlé,tutesouviens?

Je n’ai jamais caché à ma fille l’identité de son père. Même avant qu’elle ne soit en âge decomprendre,j’aiessayédeluiracontersonhistoire.Etunenouvellefois,jechoisisdesmotssimples,àsaportée:

–Iln’habitepasavecnousmaisçaneveutpasdirequ’iln’existepas.–Pourquoiilhabitepasavecnous?Ilm’aimepas?–Çan’aaucunrapportavectoi,moncœur.Desfois,lespapasetlesmamansnes’entendentpasdu

toutetilsnepeuventplusvivreensemble,c’esttout.

M’emparantdesonpetitvisage,jeletourneversmoi.Ellesemblerassuréeetsabouillemetireungrandsourire:

–Jet’aime,machérie.Plusquetoutaumonde.

–Plusqu’unhippopotame?–Oui.–Plusqu’unéphélant?–Oui.Plusqu’unéléphant.–Plusqu’unebaleine?–Oui,mademoiselle!

Larenversantdanssonlit,jem’amuseàlachatouillerenévitantsescoupsdepiedàlaBruceLee.Puisjelabordedanssonlitetj’éteinssalampedechevetaprèsundernierbaiser:

–Dorsbien,moncœur.J’iraiparleràtamaîtressedemain.Net’enfaispas.

3.MissImpopulaire

LamagnifiquepropriétédeSeandansleVermontn’estplusqu’unlointainsouveniraumomentoùje retrouve les grands couloirs bondés et les rangées de casiers demon école de journalisme. Lamotivation?Jel’aiperduequelquepartentremaphotoenuneetmoninterviewtélévisée.Jeneveuxpas ressembler aux journalistes qui ont transformé ma vie en cauchemar… mais je refused’abandonner siprèsdubut ! Jenepeuxpasquitter l’école sansobtenirmondiplôme. J’aibesoind’unbagagescolairesolidesijeveuxespéreruntravailcorrect,poursubvenirauxbesoinsdeCelia.Quelgenredetravail?C’estlàtoutlemystère!

Jenesuispasdanslecaca…

Àmesure que jem’approche des casiers gris-bleu alignés dans le couloir, tous les regards setournentversmoi.Àmoinsquejenesoisdevenueparano?Oucomplètementmégalo?Assezvite,lesgensbaissentlavoix.

#GrosMalaise

Jecontinueàavancerentre lespetitsgroupesd’étudiantsdisséminésdans l’allée.Unedizainedefillesm’observentàladérobée,lesourireencoin.Deuxgarçonssemarrentouvertement,assissurlesmarchesdel’escalierquimèneauxsallesdecours.Ilssedonnentdescoupsdecoude,hilares.

–Unproblème?leurlancé-jedirectement.

Jenesuispasdugenreàbaisserlatêteencasd’agression.Prisesdecourt,lesdeuxpetitesfrappesbaragouinentquelquesmotsavantdes’absorberdanslarévisiondeleurscours.Jereprendsalorsmaroute,guèreconfiante.Jem’attendspresqueàrecevoirunseaud’eauglacéeenpleinefigure.Laclédemoncadenasàlamain,jem’arrêtedevantmoncasier.Desrireséclatentdansmondos.

Moncasier a été entièrement taguéau feutrenoir.Outre lesdessinsobscènesquimemettent enscèneavecRichardJohnson,despetitsmotsd’amoursontdisséminésçàetlà.Envahieparunegrosseboufféederage,jeleslispourtantaveccalme.

«T’auraismieuxfaitdecrever»,«Attention,Whore»etautres«Tufaishonteàl’Amérique!»m’accueillent.Sansmepresser,j’ouvrelaporteetrécupèremesaffairesdansunsilencedemort.Pluspersonnenerespiredansmondos.

Récupérantmesbouquins,jelesfourredansmongrossacdontjehisseuneseulebretellesurmonépaule. Puis je claque la porte et referme le verrou. Paraître décontractée me demande un effortsurhumain.Envrai?J’aienviedelesétrangler.Tous.Àlaplace,jepivotelentementversmonpublicetlanced’unevoixmoqueuse:

–Vousavezoubliécecoin!

Jedésignel’undesanglesducasier,vierged’obscénités.

–Unepetitepanned’inspiration?

Personne n’ose répliquer.Certains détournent les yeux, gênés.D’autres ricanent. Je prendsmontemps.Etauboutd’uneminute,jeremontelentementlecouloirendépitdesregardsbraquéssurmoi.Apparemment,masubitenotoriéténem’aguèreattiréd’amis.SansparlerdespartisansdeRichardquim’accusentd’avoirruinélacampagnedeleurcandidat.Jemontel’escalier,mefaufilantentrelesdeuxgrosdurs.Etàl’abridansuneclassedéserte,jem’écroulesurunechaise,trèssecouée.

Comme si je n’étais pas déjà assez dégoûtée parmes études !Durant les cours,mes anciennescopines m’ignorent royalement. Elles ne m’adressent plus la parole. Nous n’étions pas vraimentamiesmaisnous traînions ensemblependant les interclasses.Bien,bien,bien.De toutemanière, jeprofited’unepausepourtéléphoneràlanouvelleécoledeCelia.

–Toutvabien,mademoiselleAnderson!m’assureClaudia,samaîtresse.–Aucunélèvenel’aembêtée?–Non.Elles’amuseàfairedelapâteàmodeleravecsespetitscamarades.Elles’intègretrèsbien.

Moncœurdemamanbondit.

–C’estvrai?–Celiaestunepetitefilletrèsjoyeuseetsociable.Ellen’aaucunproblèmepoursefairedesamis,

voussavez.

Appuyéecontrelemurdestoilettespourfilles,jerespiremieux.Jemesuisisoléepourharcelerentoute quiétude la malheureuse institutrice… qui semble dotée d’une patience à toute épreuve.L’habitudedetravailleravecdestout-petits,sansdoute!

–Etlesélèvesplusâgés?demandé-je,surlequi-vive.

Commepromis,j’aiparléavecClaudiadesproblèmesrencontrésparmafille.EtelleapromisdegarderunœilsurCeliadurantlesrécréations.

–RASdececôté !meprometClaudia, lavoix tranquille.Tous lesenfants se sonthabituésà laprésencedeCelia.Jenepensepasqu’ilyaurad’autressoucismaisjerestevigilante.

Deretourenclasse, j’ai lecœurplus légerpourassisteraucoursduprofesseurMacarthur. J’aitoujours été passionnée par ses enseignements malgré son caractère tyrannique. Et durant deuxheures,jeprendsennotetoutessesdéclarations,monstylocourantsurlafeuille…jusqu’àcequ’ilnousrendenosdevoirssurtable.Jemeredressesurmonsiège.J’avaisrévisécommeunefollepourcetexamen!

–Travis,7.Unedissertationneconsistepasàrecracherlescoursapprisparcœur.

Jesuissûrequ’ilafaitpartiedesservicessecretsoud’uncommandod’élite.

–Miller, 10. Vous avez des idées, des pistes de réflexions…mais vous êtes incapables de lesdévelopper!

Etqu’iltorturaitdesgenspourlecomptedugouvernement.

–Anderson.

Ils’arrêteàcôtédemoi.Etjejureraisvoirunéclairdejubilationdanssonregard.

–2.

2?Commedans2sur20?

–Vouspouvezvoustarguerd’avoireulaplusmauvaisenotedelaclasse!

Jeprendslacopiequ’ilmetend,sonnée.J’étaiscertained’avoircartonnéàcetexamen!Jevérifiemanote,incrédule.Maisnon:unmagnifique2estinscritaufeutrerougesurmacopie.

–Sivouspassiezautantdetempsàréviserqu’àvousafficherdanslesjournaux,vousseriezpeut-êtremeilleureélève!conclutleprofesseur,lapidaire.

Ilm’asaquée.Ilm’avolontairementsaquéeàcausedugranddéballagedemavieprivée.Commesij’enétaisresponsable!Commesij’avaisdemandéquoiquecesoit!Dèslasonnerie,jequittelasallesansmêmeécoutersesdernièresconsignesetjeclaquelaportederrièremoi.

Matinéedemerde!

***

Dans lehall, j’ignore lesmessesbassesdes autres étudiants. Jevais sortir déjeuner le plus loinpossible de cette école ! J’ai le moral en berne. En dessous de zéro, pour être précise. Je quittel’établissementàgrandspasquandquelqu’uns’interposesurmaroute.

–Coucou,Billie!

Jesuisdansuntelétatdenerfsqu’ilmefautuninstantpourréagir.Aveugléeparlebeausoleildejuin,jeplaceunemainenvisièresurmonfront.

–Sabrina?fais-je,étonnée.Qu’est-cequetufaisici?– Je passais dans le coin et j’ai eu envie de te faire une surprise. Jeme suis dit qu’on pourrait

déjeunerensemble,enchaînemacopine.Saufsituasd’autresplans…

Un lent sourirememonte aux lèvres, sincère.Un déjeuner entre copines ?C’est exactement cequ’ilmefallait!

–Jepensequetuestélépathe!luidis-je,ravie,englissantunbrassouslesien.–Pourquoi?–Tu as dû capter toutesmesmauvaises ondes et arriver à la rescousse. J’ai passé unematinée

horrible.–Ohnon!

Ellesemblevraimentdéconfite:c’estàçaqu’onreconnaîtlesvraisamis!

–Tuterappellesquandonétaitaucollège?medemande-t-ellependantquejel’entraînedanslarue. Ça arrivait tout le temps ! Dès que j’étais à la bibliothèque ou en salle de permanence, turappliquais.

Avec elle, j’oublie mes problèmes tandis que nous entrons dans un petit restaurant d’une rueadjacente.AprèsavoircommandédeuxsaladesCésar,nousparlonsàbâtonsrompus.Parmoments,j’ail’impressionquelesannéesn’ontpaspassé.

–TuterappellesMaxime?melance-t-elle.–Lecapitainedel’équipedefoot?–Oui…lorsdenotrepremièresortie,ilavaitmisdel’eaudanssavoiturepourmefairelecoup

delapanne.–Oui!Jemerappelle!fais-je,hilare.–Résultat,onn’avaitmêmepaspudémarreretquitterlejardindesesparents!

Nosriress’élèventaufonddelasalle,àlapetitetableplacéedevantlafenêtre.Lesvieuxsouvenirsaffluent,magiques.Etquandjeluiracontemesdernierssoucisendate–parcequejenesuisjamaisenrupturedestock–ellecompatit.

–CommentvaCeliaaumilieudetoutça?–Elles’ensortbien.Heureusement,elleneserendpascomptedetout…maisc’estunepetitefille

équilibrée.

Jenepeuxdissimulerlafiertédansmavoix,cequitireunsourireamuséàmonamie.

–J’aimeraisbeaucouplarencontrer.–Tupourraisvenirdînerchezmoiundecessoirs.–Avecplaisir!s’exclameSabrina,ravie.

JereprendsunebouchéependantqueSabrinaterminesonverredevinrouge.Etj’enprofitepourl’interroger,découvrirunpeuplussavie.

–Ettoi,Sab?Tuasdéjàenvisagéd’avoirdesenfants?

Ellereposedoucementsonverreetgardeunmomentlesilenceavantdemerépondreenmefixantdroitdanslesyeux:

–Jenepeuxpas.

J’engardemafourchettesuspendueenl’air,devantmabouche.

–Jesuisstérile.

Jereposemoncouvertencognantmonassiette.Etsoutenantsonregard,jerecouvresamainaveclamienne.

–Oh,pardon,Sabrina.Jesuistellementdésolée!–Tunepouvaispassavoir.–C’étaitmaladroitdemapart.

Je ne sais plus oùmemettre.Brusquement,mes problèmesme paraissent dérisoires à côté dessiens.JenepourraispasimaginermaviesansCelia.Elleestlecentredemonexistencedepuistroisans. Elle est aussi ma raison de vivre, d’avancer, de me battre. Jamais je n’aurais pu mener uneexistencesansriresd’enfant,sansjouetsquitraînentpartoutetsanspuréeprojetéesurlesmurs.

Enfinsi,ça,j’auraispu!

–Tu…tulesaisdepuislongtemps?demandé-je,prudente.

Jeneconnaispasdesujetplusintime,pluspoignantetpluspersonnelquelamaternité.J’ignorecommentellepeutgérerça.

–Assezlongtempspouravoireuletempsdedigérer,avoue-t-elleavecunepointedefatalisme.Audébut,j’étaistrèsencolère.Puisj’aiseulementététristeetmaintenant,jesuisrésignée.

Résignée?Cen’estpasunmotquifaitpartiedemonvocabulaire.

–Tu en as parlé à tonmédecin ? Je sais qu’il existe de nombreux programmes de procréationassistée.Situveux,jetedonnerailenumérodemagynécologue:c’estunefemmeextraordinaire.

Sabrinamecoupefermement:

–Non,iln’yarienàfairepourmoi.Tuesadorable,Billiemais…j’aimeraismieuxqu’onparled’autrechose.

Jem’empresse aussitôt d’embrayer sur nos inoffensifs souvenirs d’école.Aumoins, ce terrainn’estpasminé.Maisj’aibeaucoupdelapeinepourelle.

***

Àl’issuedemescours,masecondejournéecommence:récupérerCelia,faireleménage,écrireunnouvelarticlepourlesiteWWW,préparerledîner…etmemétamorphoserenfemmefataleenattendantSabrina.Lorsdenotredéjeuner,monamiem’agentimentproposédegarderCelia.Cetteidéel’emballaittantquej’aiacceptéavecjoie.Carcesoir,jesorsavecSean!J’aireçuuneinvitation,ouuneconvocation,j’hésite,àsonappartement.Commejen’yaijamaismislespieds,jesuisexcitéecommeunepuce.Et vers 20heures, jemonte dans la limousinequ’il a fait envoyer aupiedde la

townhouse.

Lagrandeclasse.Commetoujours.

Surplace,jedécouvreunvieilimmeubleenpierredetaille,plantéaumilieudeCentralParkWest,dont les trois derniers étages appartiennent à l’homme que j’aime. C’est le chauffeur qui mel’expliqueensegarantlelongdutrottoir,àl’ombredesgrandstilleuls.Lavuedoitêtrespectaculairedepuisletoit.Jeretiensmonsouffle,émerveilléeparcetécrindeverdureaucœurdelaville.

– M. Cavendish n’est pas encore arrivé, m’explique le chauffeur. Il m’a donc chargé de vousconfiersonpasseélectronique.

–Sonpasse?–Oui. Iln’yapasdeserruredans l’immeuble.Nousutilisonsseulementdescartesmagnétiques

parsécurité.

OK.J’airendez-vousavecJamesBond.

–Jevaisvousaccompagnerpour…–Non,çaira.Jevousremercie,fais-jeprécipitamment.

En effet, je ne me sens vraiment pas à l’aise avec cet homme digne et guindé. Je ne sais pascommentmecomporteraveclepersonneldeSean.

–Jevaismedébrouiller,merciencore.

Avantqu’ilneréagisse,jemeglissehorsdelavoiture,quitteàlescandaliser,etjem’enfuisversleperron.Cen’estpastrèsglorieux!Trouvantmonnomsurlalistedesvisiteurs,leportierm’ouvrequandunefemmes’élanceversmoi.Grande,blondeetfine:lecauchemardetouteslesfilles!Vêtued’uneéléganterobedesoieparme,elleposeunemainmanucuréesurmonbras.

–Excusez-moidevousdéranger,mademoiselle. Jem’appelleGeorgiaWatson. J’essaied’entrerdepuisunedemi-heuremaisc’estimpossible.

Surleseuil,jemetortilledansmacourterobedecocktailenmousselinesaphir,rehausséeparunblousondecuirnoir.Lasoiréerestefraîche.Leportiernousregarded’unairinexpressif,indifférentànotreéchange.Ilcontinueseulementdemetenirlaporte.

–Jecroisquel’undesrésidentsdoitprévenirlasécuritédel’immeuble…C’estpirequ’Alcatraz,ici!

Ellesourit…aumomentoùl’évidencemefrappe.Elleabienditqu’elles’appelaitGeorgia?

–C’estvous,Georgia?lâché-je,souslechoc.

C’estelle,lafameuseGeorgia,lafemmeàlaquelleSeanparlaitautéléphonedurantnotrevoyagedansleVermont!Lablondeacquiesced’unhochementdetêtearistocratique.Nonseulementelleestsublimeavecsestraitsréguliersetsesgrandsyeuxturquoisemaiselleaaussiuneclassefolle.

–Nousnousconnaissons?–Non,non,pasdutout.Je…–ParcequejesuislasœurdeSeanCavendish,déclare-t-elletoutdegoenmetendantlamain.

La…lasœur?LaSŒUR?!

Dansmatête,c’estunfestival.Première(ethonteuse)réaction:

Hiiihaaa!Cettebomben’estpassonex!

Puis,lorsquemaraisonreprendledessus:

Seanaunesœur?

Pourquoinem’ena-t-iljamaisparlé?Celadit,cen’estpascommes’ilseconfiaitbeaucoup…

–Jem’appelleBillieAnderson.Jesuis…

Oui,quisuis-je?

–…uneamiedeSean,finis-jepardire.Vousvoulezattendreàl’intérieuravecmoi?

Ellenepeutcachersonsoulagement.

–Avecplaisir.Vousêtretrèsaimable,mademoiselle.–Billie,s’ilvousplaît!

Nousentronssousl’œilduportieretd’unesériedecamérashigh-tech.Laporteenverres’ouvresurungrandvestibulecarrelébeigerosé.Uneprofusiondeplantestropicaless’épanouitàl’intérieur,on se croirait dans la jungle avec toutes ces fleurs exotiques ! Je suis les instructions de Sean etgrimpedansl’ascenseurendirectiondu10eétage.Etjevaisdesurpriseensurprise,émerveilléeparlacabinelambrissée,lecouloiréclairépardesappliquestamisées…etl’appartement.

MonDieu,l’appartement!Jeveuxyvivre.Pourtoujours.

Dansl’entrée,jesuisaccueillieparunluxuriantbouquetd’orchidéesnoiresavecunepetitecarte.

«Mets-toiàl’aise.Jeneseraipaslong.S»,m’affirmelepetitbristolblanc.

Jeme retiens de l’embrasser, sous le regard attentif de GeorgiaWatson. Elle ne semble guèreimpressionnéepar toutce luxe.Même legigantesquesalon,quidoitmesureraumoins200mètrescarrés,avecsaprofusiondecanapésetdefauteuilsencuirnoir,sacheminéeàécrandeverreetsesbibliothèqueschargéesdereliuresneluitirentpasuncrienthousiaste.

Contiens-toi,Billie.Contiens-toi!

Seule, jemeserais jetée sur le tableaudeLucianFreudsuspenduaumur.Maisau lieudeça, jem’assoissurunpetitboutdecanapéavantd’entamerlaconversation:

–VoushabitezNewYork?–Non,pasdutout,sourit-elle.

Georgiaaprisplaceenfacedemoi,del’autrecôtéd’unetableenverreauxpiedsmétalliques.

–Jesuisvenuespécialementd’Angleterrepourrendrevisiteàmonfrère.–Seanm’aditqu’ilétaitbritannique,oui.

Etc’estàpeuprèstoutcequ’ilm’adit…

–C’estvrai.IlestnéàLondres,commemoi.Enfait,jesuissademi-sœur,pourêtreplusprécise.Nousavonslemêmepère.

–Ah,jecomprends.

Jeboissesparoles,prêteàgrappillerlamoindreinformation.

–Etvoushabitezvous-mêmeLondres?–Oui.Avecmonmarietmesdeuxfils,HughetWilliam.–J’aimoiaussiunepetitefille.Celia.Ellea3ans.

Deux minutes plus tard, Georgia, qui a exigé que je l’appelle par son prénom, et moi nousretrouvonssurlemêmecanapéàéchangertouteslesphotosdenosenfantsprésentesdansnossacs.Commemoi,ellenesemblejamaissedéplacersansundépliant!

–Elleestàcroquer,votrepetiteCelia!–Etregardez-moicettefossettesurlajouedeHugh!m’extasié-je.Onaenviedelemanger!

Nejamaislaisserdesmèresd’enfantsenbasâgeensemble.Jamais.

Un raclement de gorge nous interrompt soudain. Je pivote en direction de l’entrée et découvreSeansurleseuil.Ilmedécocheunlongregardsombreavantdefixersademi-sœur,levisagefermé.Sa colère est perceptible, comme si des ondes émanaient de lui. Ai-je eu tort de laisser entrerGeorgia?Pasunesecondejen’aipenséqu’ilseraitfâchétantelleestcharmante!

–Quefais-tulà?

Savoixclaque,sèche,sévère.

–Tunemedismêmepasbonjour,Sean?répond-elle,trèscalme,enquittantlecanapé.–Quefais-tulà?

Ilnedaignepasrépliquer,secontentederépéterlamêmephrase,implacable.

–Commetunerépondaisplusàmesappels…–Tuauraisdût’épargnerunsi longvoyage,Georgia.Jesuisdésolépour toi,déclare-t-ild’une

voixglaciale.

Puis,laprenantparlebras,illareconduitverslaporte.

–Sean…tente-t-elledel’amadouer.–J’aidéjàététrèsclairautéléphoneetjen’airiendeplusàajouter.–Mais…–Maréponseesttoujoursnon.Alorsrentrecheztoi.Etoublie-moi…commeilm’aoublié.

4.Legoûtdurisque

Àpeinelaporterefermée,Seanpivotelentementversmoi.Sesyeuxnoirssontchargésdecolère.Àl’évidence,j’aicommisunegrossebourde.Enthousiasméeparmarencontreavecsademi-sœur,jen’aipasréfléchi.

–Dequeldroitas-tulaisséentrerGeorgia?

Savoixestposéemaisfroide…commesiunblizzardsoufflaitdansl’immenseappartement.C’estréfrigérant.Jeregrettepresquedenepasavoirmisunanorak.

–Jen’aipaspenséàmal,Sean.

Jerépondsmoi-mêmed’untonposé,refusantdemettredel’huilesurlefeu:

–J’étaissicontentederencontrerunmembredetafamille,dedécouvrirunpetitpandetavie.

N’est-cepaslefondduproblème?Jenesaisriendelui!JesorsavecMonsieurMystère!Deboutdans l’entrée, ilmedévisageaveccolère, lesbrascroisés sur lapoitrine.Son immobilité renforcel’intensité de sa rage contenue. Et je devine qu’il n’est pas seulement furieux contre moi…maiscontreGeorgia,contresonpassé,peut-êtrecontrelui-même.

–Netemêlepasdeça,Billie!Çaneteregardepas.

Saphraseclaqueentrenous,teluncoupdefouet.Uncourtsilences’ensuit.

– Tu le penses vraiment ? demandé-je sans hausser le ton. Tu penses vraiment que ta vie et tafamillenemeconcernentpas?

Jequittelecanapéetramassemonsacdesoiréebleusaphir.

–Danscecas,tun’asvraimentriencompris…ajouté-jeencoreplusbas,ensecouantlatête.

Desmèchesdemonchignon s’échappent etmecaressent les joues tandisqu’une réelle tristessetombesurmesépaules,meprenantparsurprise.Enfait,jem’attendaisàexploserdefureur,commej’enail’habitude.Maispascesoir.Jemesensattaquéedansmachair,auplusprofonddemoi.Seannemequittepasdesyeuxtandisquejecontournelecanapé,prêteàgagnerlasortie.Mêmesi,pourcela,jevaisdevoirpasserdevantlui.

–Tunet’esjamaisditqu’ilyavaitpeut-êtreuneraisonsijeneteparlaisjamaisdemafamille?explose-t-il.

Ilmebarre la routede sa large carrure, accentuéepar son luxueuxcostumenoir. Jem’arrête à

bonnedistance.

–Oh, si ! fais-je, sarcastique. J’ai retourné le problèmedans tous les sens depuis notre voyagedans leVermont.Et j’aiplusieurs théories : soit tunemefaispasassezconfiance,soit tun’as toutsimplementpasenviequejefassepartiedetavie.

Prononcercesmotsàvoixhautemefaitmal.Pourtant,jepoursuis,décidéeàpercerl’abcèsentrenous.Jelefixedanslesyeux,soutenantsesprunellesd’unnoird’encre.Luiresteimmobilemaisàlacolèresemêlemaintenantl’incrédulité.Àcroirequemesparoleslesurprennent!

–Toi,tusaisabsolumenttoutdemonexistence,continué-je.Celadit,lemondeentieraussi!

Jericanetristement,cariln’yariendedrôle!

–Tuconnaismesgrands-parentsetmafille,tun’ignoresriendemonpassé,tusaiscequej’étudieetquellesépreuvesj’aitraversées.Jepartagetoutavectoi.Maistunemedonnesrienenéchange!Endehorsdetonboulot,jenesaisriendetoi.Jeseraisàpeinesurprisededécouvrirquetueslepèrededixenfants!

Ilnepeuts’empêcherd’esquisserunsourire.Celaressembleàunebrusqueembelliedansuncield’orage.

–C’esttoiquitetrompes,Billie,m’interrompt-il,assuré.Monsilencen’arienàvoiravectoi.Pasunesecondetun’aspenséquejepouvaisêtregênéparmonpassé?

Gêné?SeanCavendish?

J’ai l’impressionqu’unbarrageest en traindecéder à l’intérieurdemoialorsqu’il faitunpasversmoi,puisencoreunautre,serapprochantinexorablement.Hypnotisée,jenebougepas,lesbraslelongducorps,monsacàlamain.Impossibled’échapperàsesyeuxsiintenses.L’atmosphèrevibreautourdenous.

–MonhistoireestunpeucelledeCelia.Unpeu,seulement.Moiaussi,jesuisunenfantillégitime.CeluideCharlesCampbell,lecélèbregaleristeetphilanthropeanglais.

Maintenantqu’ilestlancé,riennesemblepouvoirl’arrêter.Etjedevinelaragedanssavoix–unecolèretrèsancienne,vieilledetrenteans.Jedevineaussisesblessures,jamaiscicatrisées.

–Àl’époqueoùellearencontrémonpère,Erynétaitunepetitesecrétairearriviste,biendécidéeàvivreauxfraisd’unmillionnaireensetournantlespouces.Elleressemblaitbeaucoupàl’imagequelesjournauxontvouludonnerdetoi.

–Oh,Sean…murmuré-je,lecœurserré.–Elleétaitjeune,trèsjolie…etelleaobtenudeCharlesCampbellcequ’ellevoulait.Ensuite,elle

s’estarrangéepourqueleuramourettedureassezlongtempspourtomberenceinte,etl’affaireétaitdanslesac!

Jerestemuette.Savoirqu’onaétéconçusansamour,sansenvie,justepourdel’argent…qu’ya-t-

il de plus laid ?Mais lorsque je tends le bras, il se dérobe, reculant brutalement. Comme s’il nevoulaitpasdemacompassion.

–Pasdeça,s’ilteplaît.–Mais…–Tuvoulais savoir, tu sais !me répond-il sèchement. Surtout ne dis rien. Je crois que je ne le

supporteraispas.

Ils’arrêteuneminuteavantdepoursuivresonrécitd’unevoixblanche:

–Dèsqu’ilaapprissagrossesse,Charless’estdébarrasséd’Erynavecunchèquesubstantiel.Biensûr,iln’ajamaisétéquestiondemereconnaître.Encoremoinsdem’intégreràsavie.Mongéniteurétaitdéjàmariéetpèrededeuxenfants,GeorgiaetLuke.Alorsmamèreestpartiemenerlagrandevie àNewYork.Elle avait enfin ce qu’elle voulait : une existence dorée…même si elle devait secoltinerunenfant!Heureusement,elleapus’arrangergrâceauxnourricesetauxpensionnats!

QuandSeansetait,noussommessouslechoctouslesdeux.Ilaentrouvertuneportequ’ilnepeutplusrefermer.Etj’osem’yengouffrer…surlapointedespieds.

–Tun’asjamaisrencontrétonpère?–Deuxfois.Lapremièrefois,jedevaisavoir3ansetjem’ensouviensàpeine.Puisilestrevenu

quandj’avais7ans.Ilétaitenvoyaged’affairesetenl’apprenant,mamèreaorganisélarencontre.Enfait,ellevoulaituneaugmentationdesapensionetseservaitdemoicommed’unappât.Charlesm’aemmenédéjeunerpendantuneheuredansunrestaurant.Lecourantn’estpastrèsbienpassé.

Quec’esttriste!

–Etcommentas-tuconnuGeorgia?–C’estellequiapriscontactavecmoivoiciquelquesannées.Ellevoulaitmerencontreretjesuis

passélavoiràsonhôteldurantl’undesespassagesàNewYork.Elleauraitaimétisserunerelationavecmoimais…

Ils’arrête,unsourireironiqueauxlèvres:

–Disonsquejenepartagepasvraimentsontrip«famillerecomposée»!–EtpourquoiGeorgiaest-ellevenue,cesoir?nepuis-jem’empêcherdedemander,secouéepar

toutessesconfidencesaprèsunsilongsilence.

LeregarddeSeansefaitplusdur.

–Mongéniteurestentraindemouriretilmeréclamesursonlitdemort.Maisjen’iraipas!

C’estlecriducœur,celuid’unenfantquirefuseunechosequ’onveutluiimposer.

–Jen’iraipas!s’enflamme-t-il.Jen’airienàdireàcethomme!

Jegardelesilence,mêmesijenesuispasd’accord.Lesdeuxhommesontsansdoutebeaucoupà

sedire,beaucouptropensipeudetemps.Seansecouelatête,buté.

–Alors?medemande-t-ilavecunepointed’arrogance.Satisfaite?–Non,dis-jedoucement.Justetristepourtoi.

C’estalorsqu’ilbonditsurmoipourm’attraperparlesépaules.Sesdoigtsseplantentdéjàdansma chair aumoment où son corps se colle aumien, brûlant. Beaucoup plus grand, il plonge sonregarddanslemienettouchemonâme.

–Jet’interdisd’avoirdelapitiépourmoi!–Iln’estpasquestiondeça!–Biensûrquesi!Jeneveuxpasdetacompassion,nidetonchagrin!

Nouscrionsmaintenanttouslesdeux.

–Etpourquoicelategêne-t-ilautant?–Maisparcequejet’aime,bordel!

Troismots.Troispetitsmots.Ettoutchange.

–Qu’est-ceque…?

Jeneterminepasmaphrase.J’ail’impressiond’avoirreçuuneporteenpleinefigure.

–Qu’est-cequetuviensdedire?fais-jed’unevoixblanche.

Jedoisêtrelivide.EtSeanestblêmeaussifaceàmoi.Mêmes’ilnereculepas.Maiscethommenereculejamais.

–Jet’aime,Billie.

Je suis pétrifiée. Ilm’aime. SeanCavendishm’aime. J’hésite entre faire la roue, hurler, tomberdans lespommes.Mais j’optepour laparalysie.Voudrais-jebougerunorteilque jene lepourraispas.

–Tunel’avaisdoncpascompris?souffle-t-il,toutbas.

Deboutfaceàmoi,ilencadremonvisageentresespaumesetbalaiemesjouesdesespoucesenunecaressefragile.

–Non,je…jecroyaisque…– Que tu n’étais qu’un amusement ? Une sorte de défi ? Un nom de plus sur mon tableau de

chasse?

Ilesquisseunsourire.

–Onaunsérieuxproblèmedecommunication,touslesdeux.

Jemêlemonrireausein,confuse,assommée,perdue.Etheureuseaupointdeflotter.Jenetoucheplusterre.Jevole.Sansailes.Etjesuiseffrayée.Parcequejenepeuxpasrépondre.Jem’étaisjurédenejamaism’attacheràunhomme,denejamaisbaisserlagarde,aurisquedemeperdreetdemettreendangerlefragileéquilibreconstruitavecmafille…Toutsemélange.Envahiepardessentimentsconfus,jenesaispluscommentréagir.C’estalorsqueSeanposeunindexsurmeslèvres.

–Jenetedemanderien,Billie.Tuastoutletemps…

***

Maisqu’est-cequejefichedanscettegalère?!Uneheureplustard,jemetiensau-dessusduvide,lesyeuxécarquillésparlapeur.J’aiquittémarobedecocktailetmessandalesargentéespourenfilerunecombinaisonnoireprêtéepourl’occasion.Jesuisjuchéesurlerebordd’unpont,prêteàsauter.

–Tuvasvoir,çaremetlesidéesenplace!s’écrieSean,àcôtédemoi.

Lesidées,peut-être.Parcontre,l’estomac…

–Onabesoind’évacuertoutecettetension!continue-t-il,enthousiaste.

Ilm’adéjàditçatoutàl’heure,aumomentdequittersonappartement.Moi,jepensaisquenousallionsnouspromener–oumieux,nousdéfouleràdeuxsousunedouche.

Pasnoussuicider…

–Tuessûrquelescordesnepeuventpaslâcher?demandé-jepourlacentièmefois.–Évidemment!

Jepousseunpetitcridesouris,auborddupontquienjambedeuxfalaisesàl’écartdeNewYork.Ils’agit d’un lieu où les accros à l’adrénaline commeSeanCavendish se donnent rendez-vous pourtester leurs limites.Auprogramme?Du saut à l’élastique !Et c’estprécisément cequenousnousapprêtonsàfaireenduo.

Pourquoij’aiditoui,déjà?

Deboutàcôtédemoi,lesbrasencroixcommes’ils’apprêtaitàprendresonenvol,Seanmelanceuncoupd’œilgoguenard.

–Nemedispasquetuaslatrouille!–Moi?Peuh!Turigoles?

J’aipeur,j’aipeur,j’aipeur.

–Cen’estpasunpetitsautdanslevideenpleinenuitetcapabled’entraînermamortquirisquedemeficherlesjetons!

Ausecours!

–Jetejurequ’ilnepeutrient’arriver!rit-il.J’aimoi-mêmevérifiénotreéquipementetjemesuisoccupédetonharnachement.Crois-tuquejemettraistavieenpéril,Billie?

Son regardaccroche lemienmalgré lesombresenvironnantes.Àdemiéclairéspar la lune, sestraits virils émergent des ténèbres, d’une beauté stupéfiante. On le croirait modelé dans un halod’argent.Moncœurbatplusvite,etpasseulementàcausedel’adrénaline!Quandjel’embrasse,j’aiparfoisl’impressiondetomberd’unimmeubledetrenteétages.Sansfilet.

Alorsçanepeutpasêtrepire…

–Tuasconfianceenmoi?medemande-t-il,soudaintrèssérieux.

Jeleregardeintensément,sanschercheràtricher.J’enoubliemêmemeshématomes,dusàmonaccident.C’estcommesil’adrénalinem’avaitanesthésiée.Saquestionestmoinsinnocentequ’iln’yparaît.Ilsaitcombienjepeineàaccordermaconfianceàquiconque,enparticulierauxhommes.Maisiln’estpascommelesautres.IlestSean.L’hommequim’aime.L’hommequej’aime.

–Oui,dis-jedansunsouffle.–Alors,c’estlemomentdeleprouver,Billie.Demesuivredansmonmondelesyeuxfermés.Tu

voulaismieuxmeconnaître,non?–C’estvrai…

Jesourisfaiblement.

–Maisj’avaisaussiprévuderentrerchezmoienunseulmorceau!

Ilmedécocheunsourireirrésistiblepleind’orgueiletd’insolence.

–Quandonaime,ilfautparfoisprendredesrisques!

Et ils’emparedemamain,nouantnosdoigtsensemble…avantdem’entraînerdanssachute.Jen’aimêmepasletempsdecomprendrecequim’arrive!JesuisaspiréedanslevidealorsqueSeancontinuedemetenir,paumesjointes.Jemesenstomber,tomber,tomber…

Jevoisleponts’éloignerau-dessusdemoitandisquelacordesedérouleàtouteallure,accrochéeàmatailleparuneceinture.Jehurlecommeunefillette.Maisjem’enmoquecomplètement!

–OOOOOOOOOOHMYYYYYYYGOOOOOOOOOOOOD!!!!!!!

Têteenbas,jefonceverslesol.Ilserapproche,encoreetencore…jusqu’àcequel’élastiquemetireenarrière.Jerebondis,mebalançantauboutdemonélastique.Seanéclatederire,relâchantlapression.Monadeptedugrandfrissonaencorefrappé!

–Tuvoisquetuesencorevivante!crie-t-ildanslanuit.

Leventsiffleàmesoreillestandisquejemebalanceauboutdemacorde,folledebonheur.Luin’apaslâchémamainuneseuleseconde…etd’uneimpulsion,ilm’attirecontrelui,meserrantdans

ses bras alors que nos corps se balancent à l’envers, à 50 mètres du pont. Je me colle à Sean,l’agrippantparlataille.Soudain,jemesenspleined’uneforcenouvelle…commesiavoirfrôlélamortm’avaitdonnéuncoupdefouet.Jemesenstellementvivante.

Nosbouchessejoignent.Àl’envers,pendusdanslevide,Seanm’embrasseàperdrehaleine.Metenant contre lui, il caresse ma langue de la sienne, me donnant le baiser le plus fou, le plusextraordinaire,leplusincroyabledetoutemavie.Ettouts’éteintautourdemoi,ycomprislesétoiles.Iln’yaplusqueluietmoidanslevide.Etjen’aiplusqu’uneenvie:mefondretotalementenlui.

Saufquenousdevonsattendreque l’instructeurnousaideà redescendre, retirernos tenues…Jesuisausupplicedanslavoiturequinousramène!Surlabanquettearrière,nosregardssecherchent,commenosmains.Ce sautde l’angeadécuplémes sensations, réveillé tousmesappétits…et à lasecondeoùlaportedesonimmeubleserefermesurnous,nousnousjetonsl’unsurl’autrecommedesfauves.Affamés.Avides.

Noustitubonsdanslecouloirdel’immeuble,enivrés–etloindesyeuxduportier,postédehors.Lesbrasautourdemataille,Seannemelaissepasm’éloignerd’uncentimètre.Commesij’enavaisenvie ! Jedévore ses lèvres, sapeauveloutée.Tour à tour, nosbouches se combattent et s’aiment,entrecaressesetmorsures.Etnoslanguesselivrentlaplusexquisedesjoutestandisquejenecessedereculerà travers lehallplongédansl’obscurité,guidéeparmonamant.Je luifaisconfiance.Jem’enremetsentièrementàlui,commelorsdenotresaut.Quelquechoseachangéentrenous,cesoir.

–Cen’étaitpascenséévacuerlestensions,tontruc?dis-jeavecunpetitrire.

Jechuchoteentredeuxbaisers,entredeuxsoupirs.LesgrandesmainsdeSeanremontentlelongdemondos.Vêtuedemarobedecocktail,jesenssespaumestièdessurmapeau,enveloppantes,etjefrémissoussescaresses.

–Onvademanderàêtreremboursés!m’assure-t-il.

Sonsoufflemechatouillelecou,metirantungloussementlorsqu’ilyplongelenez.Renversantlanuqueenarrière,jem’offreàsonbaiser.Etj’enprofitepourm’agripperàsonlargedos,savourantsamusculatureathlétiqueàtraverssaveste.

Mmmm…

Cramponnésl’unàl’autre,nouszigzaguonsentrelesplantesexotiques.Nousneremarquonsplusrien.Pasmême lesobstaclesdresséssurnotre route.Sabouchecharnue laisseunsillondebaisersdansmoncou,surmesépaules.Seanfaittomberlesfinesbretellesdemarobepourmecaresserlesépaules.Soncontact est… torride.Tout commeses lèvres, lorsqu’il s’aventureà la lisièredemondécolleté, embrassant la naissance ronde de mes seins. J’enfouis mes doigts dans ses cheveuxsombres.

–J’aienviedetoi…

Cesoir,jemesenscapabledetouteslesaudaces.Ilmerépondd’ungémissement.Etj’ignoreparquelmiraclenousarrivonsdevantl’ascenseur.Seanenfoncenéanmoinsleboutond’appel.N’importe

quipourraitentrerdansl’immeuble…Jejetted’ailleursunbrefcoupd’œilendirectiondelaporte.L’idéeestassezexcitante.

– Je ne sais pas si je vais tenir jusqu’à l’appartement, m’avoue soudain Sean dans un soufflerauque.

Etmoidonc!

–C’estlong,dixétages!abondé-jedanssonsens.

Nosriressemêlentànosbaisers,ànosmorsures,ànoscaresses.Jeluiretiresonblazer,lesdeuxmanches ensemble…aumoment où le vantail s’ouvre dansmondos. Sean n’a qu’àmepousser àl’intérieur. À nouveau, nous dansons un tango, cette danse qui nous colle à la peau depuis notrerencontre.

–Trèslong…meconfirmeSean.

Ilmeplaqueaumurlambrissécommelorsdenotrepremierrendez-vous.

–Très,trèslong…fais-je.

Nos voix s’éteignent lorsque les portes de la cabine coulissent, nous enfermant dans cet espaceconfiné…etsuffocant.Entrenous, l’airestdevenu irrespirable. Il suffiraitdegratteruneallumettepourqu’ils’embrase.

Surtoutnous.

Seanenfonceleboutondesonétagesansmequitterduregard.Jememordillelalèvreinférieure,tentatrice.Plaquéeà lacloison, je lefixedans lesyeux,n’attendantqu’unechose :qu’ilse jettesurmoi.Lesétages,eux,commencentàdéfiler.Un.Deux.Trois…

–Troplong!craquebrutalementSean.

D’un seul coup, il enfonce le bouton d’arrêt d’urgence, bloquant la cabine. Un vrombissements’élève, faisant trembler le sol.Les lumières semettent à clignoter.Puis tout s’immobilise.Tout…saufnous.Seanseruesurmoialorsquejeluiouvrelesbras.Ilmedévoredebaisers,nemelaissantaucun répit. Je ne peux plus respirer. Et je m’en moque ! Au moins, je mourrais comblée ! Jem’attaqueauxboutonsdesachemise.Jelesarrachetousd’uncouppouraccéderàsontorse,àsespectorauxparfaitementdessinés.

–Nebougeplus…m’ordonneSeand’unevoixdélicieusementautoritaire.

Ilabaisselehautdemarobegrâceauzipdansmondos,libérantmapoitrine.Jeneportepasdesoutien-gorge,et iln’aqu’à sepencherpourprendre l’undemes tétonsdans sabouche, le faisantdurciravecsalangue.C’estdivin…

–Toi,nebougepas!riposté-je.

Carj’essaiedecaressersonbuste,ensuivantleslignesdesamusculature.

–Non,toi!répond-il.

Parviendrons-nousjamaisànousentendre?

Alors,c’estl’escalade.Dudésir.Del’envie.Jelerepoussecontrelaparoid’enface…avantqu’iln’enfasseautant.Soudésl’unàl’autre,noscorpstournoientdanslacabine.Etnousentendonsàpeinelavoixduvigiledanslemicrophone.Carlasécuritédel’immeublearemarquélapanne.

–MonsieurCavendish?

M.Cavendishesttrèsoccupé,là…

Il retroussema robe ; samain remonte entremes cuisses. Soulevant le bout de tissu, il atteintbientôtmonentrejambealorsquelavoixinsiste:

–MonsieurCavendish?Nousallonsvousenvoyerdessecours…

Je risdoucement, écrasée sous lepoidsdeSean, entièrement collé àmoi.Sesdoigts seglissentsousmaculotte,pours’enfonceraucreuxdemonêtre.

–JecroisqueM.Cavendishsedébrouilletrèsbientoutseul,dis-jed’unevoixrauque.

Seanmesourittandisquesesdoigtsmefouillent.Jesuisdéjàmoitededésir,n’attendantplusquelui.

–Continue àm’appelerM.Cavendish, chuchote-t-il àmon oreille. Je trouve ça incroyablementexcitant…

Monpetit rires’étrangledansmagorge lorsquesonpouce trouve lechemindemonclitoris, lepressantdoucement.Etdanscetespaceétroit,acculée,jedécolleenquelquessecondes.Desesgestesexperts,Seann’aqu’àme titillerpourque jeperdepied, submergéepar leplaisir. Je suisprisedecourt,fauchéeparlarapiditédecetorgasme.Tenduedespiedsàlatête, jemeraidisdanssesbras.Chacun de mes muscles se contracte alors que Sean m’adresse un sourire arrogant, parfaitementconscientdesesdonsd’amant.Ilsesaitgénial.Etj’aienviedeletuer.Etdel’aimer.Etdeletuer.Lesdeuxenmêmetemps.

Schizophrène,moi?

Revenant àmoi, je décide de réagir en portant unemain à son sexe. J’en découvre la dureté àtraversl’étoffedesonpantalon.Puisjebaissesabraguetted’uncoupsec…avantdem’attaqueràsonboxer,afinde ledélivrer.Seanestdéjà tenduà l’extrême.J’ignoremêmecomment ilparvientàsemaîtriser.Ilserred’ailleurslesmâchoires,colléàmoi,etfaittombermapetiteculotteautourdemeschevilles.Jen’aiplusqu’àm’endébarrasserd’unpetitcoupdepied.

–Jeviens…souffle-t-il.

Jem’enmordslalèvretandisquejesenssonsexesepressercontrelemien,sansentrerenmoi.L’attente est… insoutenable. Sean plonge alors ses yeux dans les miens. Et son sexe en moi. Siprofondémentquejemecambre,modeléeparsesdoigts.Cettefois,pasbesoindepréservatif.Nousavonsfaitnostestsàl’hôpital,aprèsmonaccident.Entrelemuretlui,j’enrouleunejambeautourdesataillepourlesentirencoreplusprofondément.Ilmeremplit.Entièrement.Etilcommencesesva-et-vient.Rapides.Puissants.Frénétiques.Jemecramponneàluidetoutesmesforces.

–Sean…gémis-je.

Sean,Sean,Sean.Jen’aiplusquesonprénomentêtealorsqu’ilbougeenmoi.Jesenssachaleurm’envahir. Et je me rends à peine compte que l’ascenseur se met soudain à trembler. Je fermeseulement lespaupières aumomentoù il sedéverse enmoi.Submergéeparunenouvelleondedeplaisir,jeperdspied.Jesecouelatête,prised’unlongspasme.J’ail’impressiondedélirer,devoler,de mourir un peu. Lui aussi s’abandonne au raz de marée. Tout cesse d’exister. Sauf nous, et lajouissance.

Enfin,nousrevenonsàlaréalité.Etàl’ascenseurquirecommenceàgravirlesétages.J’écarquillelesyeux,sidérée.Jen’aimêmepasletempsderedescendresurterre.NiSean,d’ailleurs.

–Bordel!balance-t-il.Ilsl’ontdébloqué!

Énormefourire.Etenmoinsdedixsecondes,nousrassemblonsnosaffaires.Enmoinsdecinq,j’enfilemaculotte.Enmoinsdedeux,Sean refermesachemise.Etquand levantail s’ouvre sur levigile, nous sommes décents. Enfin, au moins, nous ne sommes pas nus. Échevelés, dépenaillés,sentantl’amouretlesexeàpleinnez…maispasnus!

–Tout…toutvabien,monsieurCavendish?bredouillelepauvrehomme.–Trèsbien,Kurt,assureSean,parfaitementàl’aise.Très,trèsbien.

Sansselaisserdémonter,ilmeprendparlamainetm’entraîneendirectiondesaported’entrée.Moi,jefixeleplancher,rougejusqu’àlaracinedescheveux.Etjen’éclatederirequ’unefoisdanssonappartement.Dumoins,jusqu’àcequeSeanmemurmureàl’oreille:

–Onrecommence?

5.Lapoupée

AprèscettenuitavecSean,jesuisvermoulue.Etpasseulementàcausedusautàl’élastique!Dansl’ascenseuroùnousavons faitdes folies, jem’évented’unemain.Puis jepriepournepascroiserdanslehalllefameuxvigilevenunousdélivrerhiersoir.Jenepourraisjamaisleregarderdanslesyeux.Jen’aipasl’aplombdeSean!Celui-ciad’ailleursquittésonappartementlongtempsavantmoi.Levéà4h30,ilparttravaillerà5heurestapantes.

Quandcethommedort-ildonc?

Rasant lesmurs, je rejoins la porte d’entrée avec une légèremigraine. J’ai à peine dormi uneheure et les courbaturesme poursuivent. C’est simple : j’ai l’impression d’avoir eu un deuxièmeaccidentdevoiture.

L’effetSeanCavendish.

Surleperron,jezippemonblousondecuir,toujoursvêtuedemarobedecocktailbleumarine.Jedoismaintenant rentrer à lamaison oùm’attendentCelia et Sabrina. Ensuite ? La routine !Aller-retourentrelamaternelleetmonécoledejournalisme,rédactiond’unarticlepourWWW,ménage…Jepensemefairegrefferunecafetièreàlaplaceducœurpourtenirlecoup!Maisjeneregrettepasune seconde ma nuit complètement dingue. Qui, en une soirée, se dispute avec l’homme le plusimpossibledelaplanète,sauteàl’élastiqueetfaitl’amourdanstouslesendroitslesplusinsolitesdesonappartement(etpériphérie)?

Unhommequim’aditqu’ilm’aimait.Etauqueljen’airiensurépondre…

–S’ilvousplaît!

Jem’arrêteaupieddesmarches,nonloindelalimousinenoirelaisséeàmadispositionparSean.Lechauffeurm’attendpourmereconduiredansBrooklyn.

–MademoiselleAnderson!

Surprise, je découvre unemince silhouette en robe de soie fleurie et blazer bleu so british quifoncesurmoi.C’estlademi-sœurdeSean!Maisquefait-elleici?À6h30dumatin?

–Georgia?–Pardonnez-moidevousaborderdefaçonaussicavalière…

Elle se répandenexcusesaveccedélicieuxaccentaristocratiquequi traîneet accentuecertainesvoyelles.

–J’aiconsciencedevousimportuner.Peut-êtremêmemeprenez-vouspourunefolleentrainde

vousharceler…

J’esquisseunlégersourire.Georgia?Sichic,sidistinguée?Enharceleusezinzin?Lepireactequ’adûcommettrecettefemmeaprobablementétédebousculerparmégardeunspectateurlorsd’untournoiàWimbledon.Etjem’yconnaisenmaniaquedetoutpoil!Or,sansquejepuissevraimentmel’expliquer, le courant passe entre nous.Pas commeavec lamèredeSean !CarGeorgia est aussicharmantequ’Erynestinquiétanteavecsapassiondel’argent.

–Quesepasse-t-il,Georgia?–Écoutez,jevaisallerdroitaubut:jepensequevousêtesimportantedanslaviedeSean.

Je hausse les sourcils, sans comprendre où elle veut envenir…ni comment elle a pu arriver àpareille conclusion ennous voyant seulement deuxminutes ensemble.Et pas franchement dans lesmeilleuresconditions!

–Iln’invitejamaispersonnechezlui.Croyez-moi,j’ensaisquelquechose.

Ellepousseunpetitsoupir,songeantsansdouteàtoutessestentativespourentrerencontactavecSean,avantdeseressaisir:

–Jeneveuxpasmemêlerdecequinemeregardepas…maisjepensequeSeanvousécouteradavantagequemoi.

J’esquisse un sourire sarcastique. Sean ? M’écouter ? Georgia me répond avec une mouedésabusée.

–Jen’aipasbeaucoupd’illusions,nevousinquiétezpas,m’assure-t-elle,trèscalme.Maisjepensequelemessagepasseramieuxs’ilvientdevous.

–Quepuis-jepourvous?–C’estàproposdemonpère.Ilesttrèsmalade.

Àcet instant, ellenepeut cacher sonangoisse, répandue sur ses traits aupointd’assombrir sonregard.

–Monpèreatoujoursétéungrandfumeur,déclare-t-elle,pudique.Ilenpaieaujourd’huileprix.D’ailleurs,ilestentraindepayertoutesleserreurscommisesaucoursdesavie.

–VouspensezàSean?fais-je,lagorgeserrée.–Monpères’esttrèsmalcomportévis-à-visdelui.Àsanaissance,ilétaitfurieuxcontreEryn.Il

considérait qu’elle l’avait piégé sans reconnaître sa propre part de responsabilité. Sans parler destensionsdanssoncoupleavecmamère…Seanaétélavictimecollatéraledecesdisputesd’adultes.

L’aurorenousenveloppemaintenantd’unelueurmordorée.Noussommespostéessurletrottoir,àcôté de la limousine en train de m’attendre. Une légère brise soulève la mousseline de ma robe,agitantmaqueuedechevalchâtain.Aucontraire,pasuncheveublondnes’échappeduchignondeGeorgia.

–Mon père voudrait seulement voir son fils avant demourir.Vous comprenez ? Il voudrait le

regarder dans les yeux, lui parler une dernière fois, peut-être lui dire tout ce qu’il a tu durant cestrentedernièresannées.Ceseraitpourluileseulmoyendepartirenpaix.

–Jecomprends,fais-jed’unevoixdouce.

Spontanément, Georgia s’empare de mes mains pour les presser dans les siennes, voulant metransmettresonsentimentd’urgence.

–IlfautàtoutprixqueSeanvienneenAngleterre.Etpasseulementpourmonpère…maispourlui-même!

Jehochelatête,entièrementd’accord.Àplusieursreprises,j’aientraperçulesblessuresdeSean,mêmes’illescachecommeunloupblessé.Ilrefused’êtrevuenpositiondefaiblesse,trophabituéàse battre, à conquérir et à gagner. Je sais pourtant qu’il souffre. Ses silences, son mutisme, sacolère…toutprouvequ’iln’apasdigérésonpassé.Ilagrandicommeunarbresansracines…maismêmeunchêne,aussimajestueuxsoit-il,nepeutsurvivresansattaches.

–Parlez-lui,Billie.Convainquez-le!mepresseGeorgia.

J’avalemasaliveavecpeine.

–Jevaisessayer.

***

Deretouràl’appartement,jeretrouveSabrinaquejeremercieplusieursfoispoursonaide.Elleaaccepté de passer la nuit chezmoi pour veiller surma fille. En échange, j’ai promis de l’aider àrévisersescoursdedroitlemoisprochain,avantsespartiels.LorsqueSabrinaaeulagentillessedese proposer spontanément, je n’ai pas hésité une seconde, afin de soulager un peu Karlie de sesnombreusesséancesdebaby-sitting.Parfois,j’aisérieusementl’impressiond’abuserd’elle!

–J’aiétésicontentedegarderCelia!–Hé!dis-je,amusée.Ceneseraitpasplutôtàmoideteremercier?–Tuplaisantes?Tafilleestadorableetjemesuiséclatéeavecelle.

Puis,avecamusement:

–Parcontre,jenesuispascentpourcentsûrequelaréciproquesoitvraie!CeliaaréclaméuneoudeuxfoistacopineKarlie…

–C’estvrai?fais-jeenjetantunregardgênéversCelia.Jesuisvraimentdésolée…elleesttrophabituéeàmoi,Karlieetmagrand-mère!

–Net’inquiètepas,merassureSabrina,conciliante.Elleestpetite,c’estnormal.

Heureusement,lasoirées’estpasséeàmerveilleautourd’unDVDetdemarshmallows.Mêmesi,aprèsledépartdemonamie,Celiasemontreunpeubougonne.

–Qu’est-cequ’ilya?demandé-jeenessayantdel’habiller.Tun’aspasbiendormi?

La demoiselle ne répond pas et reste allongée sur son lit tandis que j’essaie de lui enfiler sessocquettes.Lastatue.Unetechniqueimparablebrevetéepartouslesenfantsdumonde!

–Tupourraisymettredutien!lagrondé-jeavecunsourire.–Z’aipasenvie!–Tuneveuxpasalleràl’école?Lesplusgrandst’embêtenttoujours?–Non,c’estpasça…z’aipasenvie!

Face à cet argument coup de poing, jeme retiens de rire et redouble d’entrain pour chasser samauvaise humeur. Peut-être m’en veut-elle de l’avoir laissée aux mains d’une inconnue, mêmegentilleetcompétente?Sabrinam’abienprévenuequeCeliaavait réclaméplusieurs fois sa« tataKalie».Pourtant, çanepeutpas lui fairedemalde s’ouvrir àd’autresgens.Unedemesgrandespeursatoujoursétéqu’ellevive«enfermée»avecmoi.

Ilestl’heuredepartiràl’école,etjefermelaportedel’appartementàclé.Puis,lapetitemaindeCeliadansunemainetsoncartabledansl’autre,nousentreprenonslaleeeentedescentedel’escalier.C’est alors que j’aperçoisKarlie sur son palier, une grosse pile de papiers à lamain. Je ne peuxretenirunpetitcriétonnéetravi:

–Tuessortie?

Toutenfouillantdanslespochesdesonjeanslimàlarecherchedesontrousseau,ellemejetteunregardfroidquimedéstabilise.

–Çam’arriveaussipourmonboulot.Jenevispasdansunegrotte,dit-elle,vexée.–Oh,biensûr!Jesuisdésoléesij’aiétémaladroite,m’excusé-jesincèrement.Jenevoulaispaste

fairedepeine.

Ellehausselesépaules.

–Quelquechosenevapas?

Autanttirertoutdesuitecettehistoireauclair.

–Non.Toutvatrèsbien,réplique-t-elle,leslèvrespincées.J’espèrejustequeCelian’apaspasséunetropmauvaisesoirée!

Alors, je comprends tout.Karlie est en train deme faire unemini-crise de jalousie à cause deSabrina!

–Tuesfâchéeparcequej’aidemandéàunecopinedegarderCeliaàtaplace?souris-je.–Hein?Pasdutout!s’écrie-t-elle, faussementdégagée.Pourqui tumeprends?Tues librede

confiertafilleàn’importequi!–Sabrinan’estpasn’importequi.C’estuneamied’enfance.–Moi,z’aimemieuxquand tataKaliemegarde!abondeCelia,pas trèscontente.Elle,elle joue

aveclesponeysetpuis…–Çava,çava!l’interromps-je,débordéeparcettemutinerie.Jecroisquej’aicompris.

–Tuvois!s’exclameKarlie,ravieparcetteintervention.MêmeCeliapréfèrequandc’estmoi!

Trouvantenfinsaclé,décoréed’unautocollantStarWars,elledéverrouillesaported’entrée.

–Entoutcas,moi,jenel’aimepas,cettefille!

Et sans rien ajouter, elle me claque le battant au nez. Je reste une seconde immobile, un peusoufflée. Il est vrai que Karlie s’est toujours montrée très possessive avec moi, et avec les gensqu’elleaimeengénéral.Cettefois,c’estmoiquihausselesépaules.Çaluipassera.Mêmesiellen’estpasfacileàapprivoiser,peut-êtremêmefinira-t-elleparselierd’amitiéavecSabrina.

Oui.EtleslicorneschevauchéespardesBisounoursenvahirontnotreplanète.

***

Durantlamatinée,jesuismescoursdejournalismeetdécouvrequemoncasieraéténettoyé.Petitmoment de soulagement. L’ambiance est pesante mais au moins, je ne déplore aucune agressionverbale. Je rentre ensuite à l’appartement pour boucler un article sur la cellulite pour le siteWhatWomenWant.Lescheveuxrelevésenunechoucroutebringuebalanteetvêtued’unjogging,jeneressembleàrien.IlnefaudraitpasqueSeanpasseàl’appartement!

Heureusement,ilsecontentedeplusieursSMSenvoyéspendantl’unedesesréunions,auxquelsjeréponds avec un air particulièrement niais. En fin d’après-midi, je monte en voiture et foncerécupérerCeliaàlamaternelle.Iln’estmêmepas17heureset jesuisvannée!Unpeuénervéeparmes10litresdecafé,aussi.Envitesse,jemegaredansuneruelatéraleetjerejoinsl’établissement,plantéaumilieud’unjoliécrindeverdure.

Auprixdelascolarité,c’estleminimum…

–Maman!s’écrieCeliaenm’apercevant.

Ellefoncesurmoi,sonsacenformedepingouinsurledos.M’accroupissant,jereçoismonpetitbouletdecanonavecplaisir.

–Alorstuneboudesplus?

Ellemeregardedesesgrandsyeuxbleus,l’airinterloqué.Ellenes’ensouvientplus!Siseulementlesadultesavaientlamémoireaussicourte…Aprèsunpetitsalutàsamaîtresse,nousregagnonslavoiture.Maisàpeineai-jeinstalléCeliasursonsiègequ’ellesemetàfarfouillerdanssonsac:

–Regarde,maman!Regarde!

Jem’attendsàunnouveaudessincoloréet farfelu,avecunponeychaussédeskis,parexemple,commelasemainedernière,enhommageàsoncopainCaramel.Maisà laplace,mafillesortunepoupée.Unepoupéeque jen’ai jamaisvue.Unepoupéeancienne,datantprobablementde l’époquevictorienneàencroiresescheveuxchâtainssiréalistesetsarobeàfroufrousd’unautresiècle.

Unepoupéequimeficheautantlesjetonsqu’Annabelle,l’horriblepoupéedufilmConjuring.

–Elleestbelle,hein?

Euh…

–Oùest-cequetul’aseue,machérie?

Celiamesouritdetoutessespetitesquenottes,raviedemonintérêt.Carjenequitteplusdesyeuxl’étrangecréature…quiafficheuneressemblancetroublanteavecelle.

C’estquoi,cettehorreur?

–Elleestàmoi!clame-t-ellefièrement.–Jepeuxlavoiruneseconde?demandé-je,surmesgardes.

Ma fille semble hésiter àme prêter son précieux trésor…mais finit par céder etme tendre lapoupée.Jelacontemplesoustouteslescoutures,presquecertainequesescheveuxchâtainssont…devraischeveux.

–Oùest-cequetul’aseue?–C’estuncadeau!

Je lacontempleuneseconde.Ellea l’air sincèremaiscettepoupée,aussiglaçantesoit-elle,doitvaloirunepetitefortune.J’imaginequ’ellel’aempruntéeàl’écoleouàl’unedesespetitescamaradesfortunées…

–Viensavecmoi,luidis-jeenlafaisantdescendre.Onvalarendreàtamaîtresse.–Mais!!!proteste-t-elleavecvigueur.Elleestàmoi!!!

C’estàpeinesijenedoispaslatraînersurlechemin.Aupassage,touslespassantsmeregardentcommesij’étaisunetortionnairetandisqueCeliasedébat,s’assoitparterreetréclamesapoupéeàtue-tête.

–Elleestàmoi!C’estuncadeau!Àmoi!

Sansl’écouter,jerentredansl’écoleetrejoinssamaîtresse.Claudiaexamineàsontourlapoupéeavecétonnement.

– À ma connaissance, aucun élève n’a apporté cette poupée à l’école. Et elle n’appartientcertainementpasauxjouetsdelaclasse.Ellecoûtebeaucouptropcherpourcespetitsmonstres!

Jemetournealorsversmafille,boudeuse,aumilieudesasalledeclasse.Pasdebureauxautourdenous,seulementuncoincoloriage,unautreavecdescoussinsmulticoloresetdestapisdisposésautourdecasiersetdeboîtesremplisdejoujoux.Leparadisdespetits!

–Oùas-tutrouvécettepoupée,moncœur?–C’estuncadeaupourmoi.

–Quelqu’untel’adonnée?–Onajouédanslacouretaprèsyavaituncadeauàmaplace,là!s’écrie-t-elleenmemontrantun

petitfauteuilrouge.C’étaitmapoupée!

Unpaquetlaissépourelledurantlarécréation?

–Maislepaquetétaitpeut-êtrepouruneautrepetitefille,fais-je,fébrile.

Jerecherchedésespérémentuneautreexplication.Celiasecouelatêteetsortalorsdesonsacunepetitecarteblanche.

–Regarde,maman!Yavaitçaaussi!

Commeellenesaitpaslire,ellen’apaspuenprendreconnaissance.Jelaluiarrachepresquedesmainsetdécouvremonnomsurlebristol:

«PourBillie»

Commentest-cepossible?

Lamaîtresse de Celia et moi échangeons un regard inquiet. Car cela signifie forcément qu’unadulte est rentrédans l’école, etmêmedans cette classe, sans attirer l’attention.Etquecet inconnuveut m’atteindre à travers ma fille. Mais Celia n’a vu personne, comme elle le confirme avecconviction.

–J’appelletoutdesuiteladirectrice,meprévientClaudiaavantdes’éloigneraupetittrotverslebureauauboutducouloir.

Je retourne lecarton, sur lesnerfs.Moncœurcognesi fortqu’il remontedansmagorge.Et jedécouvrelesmotstapésàl’ordinateur:

«Ellen’estplusàtoipourlongtemps.Bientôt,ceseramapoupée.»

Jecessederespirer,conscientequ’ilestquestiondeCelia.Puisjesongeàl’appelanonyme,reçuaprèsmon interviewfaceàCurtisWilson.Jepenseaussiàmonaccident,pour lequel lapolicen’atrouvéaucunsuspect.Lapoupéenecessedemefixerdesesyeuxdeverre,mortsetinquiétants.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Égalementdisponible:

Lemilliardaireétait(presque)parfait

Unyachtdeluxe,desinvitésglamour,unemploideserveusebienrémunéré…MadisonSeyneradécrochélejackpot!Artisteetphotographefauchée,elleaquelquesdettesàépongeretcecontrattombepileaubonmoment.Maisentreunechefpsychorigide,unetopmodelnévrosée,unclientpotdecolle,unadodragueuretunegaminecapricieuse,rienn’estsimple!Etcen’estpasAngelDoran,propriétaireduyacht,quiluifacilitelatâcheavecsessouriresmoqueurs,sonhumourprovocantetsabeautésiparticulière.Qu’àcelanetienne,MadisonaimelesdéfisetM.BeauGossen’aqu’àbiensetenir!exsontliésparladécouverted’unsecret.Chacunalepouvoirdedétruirel’autre.Oudelesauver.

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Retrouveztouteslesséries

desÉditionsAddictives

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http://editions-addictives.com

«Toutereprésentationoureproductionintégrale,oupartielle,faitesansleconsentementdel’auteurou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cettereprésentationoureproduction,parquelqueprocédéquecesoit,constitueraitdoncunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticles425etsuivantsduCodepénal.»

©EDISOURCE,100ruePetit,75019Paris

Août2016

ISBN9791025732830

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