amour, relation éducative et délinquance. l’amour
TRANSCRIPT
Sociétés et jeunesses en difficultéRevue pluridisciplinaire de recherche
20 | Printemps 2018La place des émotions dans le travail socio-éducatif
Amour, relation éducative et délinquance.L’amour compassionnel des éducateursaccompagnant les adolescents suivis par laProtection judiciaire de la jeunesseLove, alliance and delinquency. Juvenile justice youth workers’ compassionate
love for young offenders
Amor, relación educativa y delincuencia. El amor compasivo de los educadores
que se ocupan de los adolescentes asistidos por la Protección Judicial de la
Juventud
Mael Virat
Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/sejed/8840ISSN : 1953-8375
ÉditeurÉcole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse
Référence électroniqueMael Virat, « Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateursaccompagnant les adolescents suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse », Sociétés etjeunesses en difficulté [En ligne], 20 | Printemps 2018, mis en ligne le 30 septembre 2018, consulté le19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/sejed/8840
Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019.
Sociétés et jeunesses en difficulté est mis à disposition selon les termes de la licence CreativeCommons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Amour, relation éducative etdélinquance. L’amourcompassionnel des éducateursaccompagnant les adolescents suivispar la Protection judiciaire de lajeunesseLove, alliance and delinquency. Juvenile justice youth workers’ compassionate
love for young offenders
Amor, relación educativa y delincuencia. El amor compasivo de los educadores
que se ocupan de los adolescentes asistidos por la Protección Judicial de la
Juventud
Mael Virat
« Les enfants délinquants, eux, ont besoin
d’amour » (Janusz Korczak)
Introduction
La relation éducative : des normes paradoxales
1 La relation éducative, tout comme l’idée même d’éducation avec laquelle elle peut parfois
se confondre (Vial, 2010), est généralement définie comme un moyen au service d’une
finalité, une influence exercée au nom d’un but à atteindre (Lenoir & Vanhulle, 2008). Par
exemple, Meirieu (1997) définit l’éducation comme « une relation dissymétrique,
nécessaire et provisoire, visant à l’émergence d’un sujet ». Autre exemple, Filloux définit
la relation éducative comme « le lien de dépendance réciproque qui permet d’assurer la
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
1
formation et le développement des êtres humains » (1991, p. 19). De la même manière,
pour de nombreux auteurs, la relation éducative se caractérise par sa visée. En la
caractérisant de la sorte, la plupart ne disent rien sur son éventuelle dimension affective
(Vial, 2010). Pourtant, pour quelques auteurs, la dimension affective est une des
caractéristiques définitoires de la relation éducative. Par exemple, Postic, dont les
travaux ont reçu une large audience dans le champ de l’éducation spécialisée en France,
définit la relation éducative comme « l’ensemble des rapports sociaux qui s’établissent
entre l’éducateur et ceux qu’il éduque, pour aller vers des objectifs éducatifs, dans une
structure institutionnelle donnée, rapports qui possèdent des caractéristiques cognitives
et affectives identifiables, qui ont un déroulement, et vivent une histoire » (Postic, 2001,
p. 22).
2 À l’exemple de cette définition, la relation éducative est donc parfois reconnue comme
ayant différentes dimensions dont une dimension affective. Cependant, il s’agit, lorsque
cette dimension affective est reconnue, de reconnaître ce qui advient sans qu’il soit
possible de s’y soustraire. Comme l’écrit Meirieu (1997, p. 26) :
« On ne suspend pas par décret la circulation des affects dans la relation éducativeainsi que le jeu des préférences ou des complicités interindividuelles. »
3 Or, en mobilisant la dimension affective de cette manière, comme une question d’affinités
aléatoires, les définitions de la relation éducative ne conçoivent pas que les émotions,
sentiments ou affects en jeu puissent être utiles eu égard à la finalité d’éducation. De
même, à l’exception de Gaberan (2016) ou Dumont (2010), les théoriciens de la relation
éducative français ne proposent pas de définir quels types d’émotions ou de sentiments
conviennent à l’enjeu éducatif. Le présent texte contribue à combler cette lacune.
4 La situation s’explique peut-être par le fait que les émotions et les sentiments sont
réputés échapper en bonne partie au contrôle de l’individu : ils seraient subis. C’est
pourquoi, dans ses travaux inauguraux sur les normes émotionnelles et le travail
émotionnel, Hochschild s’en prend à la conception organiciste selon laquelle l’individu
qui ressent une émotion est « submergé » par une sorte de « réflexe soudain et
automatique » (Hochschild, 2003, p. 23), conception qui imprègne les représentations des
éducateurs. Par conséquent, il serait tout au plus possible d’atténuer ou la force ou
l’expression des émotions, ce dont témoignent les expressions « gérer », « neutraliser »
ou « contrôler » ses émotions ou ses affects.
5 En France, peu de travaux se sont intéressés aux émotions des éducateurs de la Protection
judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ces professionnels, dans un mouvement entamé il y a plus
d’une vingtaine d’années et formalisé par une décision du conseil de modernisation des
politiques publiques du 11 juin 20081, interviennent dans un cadre exclusivement pénal.
Ils accompagnent donc majoritairement des adolescents judiciarisés en raison des délits
qu’ils ont commis (Jamet, 2010).
6 Quelques travaux ont fait apparaître certaines des normes professionnelles qui
gouvernent le travail émotionnel des éducateurs en général ou des éducateurs de la PJJ en
particulier, c’est-à-dire des règles d’expression des émotions (Ekman & Friesen, 1969) ou
des règles de sentiment (Hochschild, 2003), ces dernières visant à normaliser non
seulement les émotions affichées mais également les émotions ressenties en profondeur
par les professionnels. Par exemple, des entretiens menés avec des éducateurs de l’Aide
sociale à l’enfance (ASE) suggèrent l’existence d’une norme de maîtrise de la peur dans le
suivi d’adolescents qui peuvent parfois se montrer agressifs (Charles, 2015). Une autre
enquête par questionnaire, réalisée auprès d’éducateurs stagiaires de la PJJ dans le cadre
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
2
d’un Master de psychologie, pointe l’existence d’une autre norme émotionnelle, qui
impose aux éducateurs de maîtriser leur colère face aux débordements des adolescents
(de Grenier de Latour, 2017). Surtout, plusieurs travaux qualitatifs convergent sur
l’existence d’une norme de « distance professionnelle » chez les éducateurs de l’ASE et de
la PJJ (Charles, 2015 ; Lenzi & Pény, 2015 ; Virat, 2014). Quelques propos d’éducateurs de la
PJJ recueillis par des enquêtes qualitatives récentes l’illustrent :
« [La] juste distance, alors ça c’est clair, c’est une notion que tu entends. Je croisbien, je crois que c’est la notion que tu entends le plus en formation, ouais, oumême des fois on va te le recracher en réunion comme ben euh quand il y a certainscollègues, ou ta hiérarchie, qui peuvent te dire, "t’es trop dans l’affect". » (Virat,2014, p. 10)« Moi je suis éducateur spécialisé, j’ai un contrat de travail qui me demanded’intervenir auprès de ces jeunes en souffrance, pourtant, je me permets aussi dedire, je vais me laisser aller aussi dans une relation, et c’est ça qui va faire avancer,qui va faire chemin chez le jeune, et qu’on va accompagner. Après euh... on seprofessionnalise quand cet investissement et cet affect-là, on arrive à le gérer, onarrive à le mettre à distance. » (Lenzi & Pény, 2015, p. 194)
7 Ces constats sur la norme de « distance professionnelle » rejoignent ceux qui ont été faits
en interrogeant ou en observant d’autres types de professionnels. L’exigence du contrôle
ou de la neutralisation des émotions associées à la dimension affective des relations aux
usagers concernerait donc tout le champ du travail socio-éducatif (Fortino, Jeantet, &
Tcholakova, 2015) mais également le champ des relations de service (Jeantet, 2003). Ainsi,
cette norme a été observée aussi bien chez les assistants de services sociaux (Boujut, 2005)
que chez les soignants (Bonnet, 2018), les guichetiers de La Poste (Jeantet, 2003), les
avocats (Barbot & Dodier, 2014), les médecins (Fox, 1988, cité par Barbot & Dodier, 2014)
ou encore les enseignants (Virat, 2014). Cette norme de distance est considérée par
Charles (2015) comme le véritable éthos du travail socio-éducatif. C’est l’existence de
cette norme qui fait écrire à Gaberan, lorsqu’il s’intéresse à l’amour des éducateurs pour
ceux qu’ils accompagnent, que l’investissement affectif relève finalement d’un « interdit »
(2016, p. 191).
8 Par ailleurs, la norme de distance cohabite avec d’autres normes dans les institutions
socio-éducatives, normes qui semblent parfois la contredire. D’une part, les éducateurs
sont soumis à une norme d’authenticité, puisqu’il doivent travailler avec ce qu’ils sont et
avec ce qu’ils ressentent véritablement (Dumont, 2010 ; Fortino et al., 2015 ; Lenzi & Pény,
2015), leurs émotions étant l’un des moyens d’exercer une influence sur ceux qu’ils
accompagnent, comme l’ont remarqué de manière plus générale les travaux sur les
compétences émotionnelles et sur le travail émotionnel. D’autre part, le travail socio-
éducatif est régi par une norme de lien ou de relation, qui implique attention et
empathie : l’éducation ne se conçoit pas sans lien. Après avoir conduit des entretiens sur
ce sujet avec des éducateurs, qui n’ont pas manqué de voir à cet endroit une difficulté,
certains auteurs ont parlé d’un paradoxe (Charles, 2015 ; Lenzi & Pény, 2015).
9 Une fois ces quelques constats faits sur la culture professionnelle des éducateurs, il serait
intéressant d’analyser l’effet des normes émotionnelles sur leur engagement affectif et
sur les interactions réelles avec les adolescents : dans quelle mesure ces normes
contraignent leur engagement relationnel ? Par quels comportements les professionnels
s’y conforment ? De quelles manières ils les contournent ? Etc. Pourtant, là ne sera pas le
propos du présent texte qui entend plutôt aborder la thématique de la dimension
affective de la relation éducative à partir d’autres questionnements : le lien affectif
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
3
éducateur-adolescent est-il bénéfique aux adolescents en grandes difficultés, comme ceux
pris en charge par la PJJ ? Est-il bénéfique aux professionnels ? Quel est le rôle des
éducateurs dans la construction de ce lien ? Quel est le rôle du contexte de travail ? C’est
en répondant à des questionnements de ce type qu’il devient possible d’aborder
l’implication affective des professionnels comme une véritable compétence émotionnelle,
qui ne peut se caractériser comme telle qu’à partir de l’observation de son caractère
fonctionnel, c’est-à-dire de ses effets bénéfiques. De plus, répondre à ces
questionnements fournit un point d’appui pour mettre en question les normes
émotionnelles dans le travail éducatif.
L’oubli des relations dans les travaux d’évaluation
10 La recherche sur l’étiologie des comportements délinquants ou plus globalement des
comportements antisociaux à l’adolescence, que certains définissent comme les
comportements par lesquels un individu cause un préjudice physique ou psychologique à
d’autres individus (Malti & Krettenauer, 2013), est prolifique. Les multiples facteurs de
risque associés aux troubles du comportement ou aux comportements antisociaux, qu’ils
soient biologiques, psychologiques ou sociaux, font l’objet d’une littérature abondante
(Dodge & Pettit, 2003 ; Loeber, 1990 ; Steinert & Whittington, 2013). Pour expliquer par
quels mécanismes ces facteurs contribuent au déclenchement ou au maintien des
comportements antisociaux, de nombreux modèles théoriques ont également été
proposés. Ces modèles explicatifs ont ensuite inspiré le développement d’autres modèles,
centrés sur la prévention ou le traitement des comportements antisociaux. Ces modèles
d’intervention ciblent généralement des difficultés particulières, qu’il s’agisse du
fonctionnement cognitif ou des compétences sociales et émotionnelles, des relations
parents-enfants ou de l’échec scolaire, des pairs fréquentés ou des difficultés d’insertion
professionnelle.
11 De nombreux programmes d’intervention issus de ces modèles ont fait l’objet
d’évaluations, en particulier en Amérique du Nord. Ces évaluations ont permis à d’autres
auteurs de proposer des synthèses, notamment sous la forme de méta-analyses, qui ont
servi à dégager les grands principes qui contribuent à rendre les interventions efficaces.
Par exemple, les travaux de Lipsey (2009), basés sur l’analyse de centaines d’études sur
l’intervention auprès de mineurs délinquants, identifient trois grands principes qui
expliquent les effets positifs rapportés : 1. une philosophie d’intervention davantage
thérapeutique que coercitive, c’est-à-dire davantage basée sur l’aide ou le soutien que sur
la punition et le contrôle ; 2. des interventions qui visent les adolescents les plus
délinquants, qui sont davantage susceptible d’évoluer et, par conséquent, de permettre
d’obtenir des évaluations plus significatives ; 3. des interventions dites de « haute
qualité », c’est-à-dire supervisées et réalisées avec des personnes en situation d’expertise,
accompagnées de personnels formés et impliqués durablement. Ces principes rejoignent
certains de ceux mis en évidence à l’occasion de méta-analyses plus anciennes guidées
par le modèle Risque-Besoin-Réceptivité (Andrews et al., 1997 ; Andrews, Bonta, & Hoge,
1990). Comme le résument Matthews et Hubbard (2007), les travaux classiques indiquent
que les interventions efficaces :
• sont élaborées en s’appuyant sur des théories et des données issues de recherche,
• nécessitent du temps (un minimum de 100 heures d’intervention sur une période de
plusieurs mois),
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
4
• sont reliées à l’environnement social ordinaire des adolescents,
• ciblent différents besoins des adolescents,
• permettent l’apprentissage de nouveaux comportements,
• sont individualisées,
• permettent de renforcer les comportements prosociaux,
• ont pour objectif d’intervenir sur les principaux facteurs de risque de chaque adolescent,
• tiennent compte de la manière dont les adolescents réagissent à l’intervention,
• permettent un suivi sur le long terme, au-delà de la période d’intervention initiale plus
intense,
• s’appuient sur des institutions fonctionnelles avec des personnels compétents.
12 Pourtant, ces conclusions souffrent d’une lacune. En effet, elles s’appuient sur des méta-
analyses qui elles-mêmes s’appuient sur des évaluations s’intéressant le plus souvent à
des facteurs spécifiques ou à des approches théoriques particulières, c’est-à-dire visant à
montrer l’intérêt de telle ou telle méthode spécifique. Par conséquent, ces évaluations
passent à côté des facteurs généraux ou trans-théoriques (Matthews & Hubbard, 2007).
13 Ce point est étonnant. En effet, dans le champ de la psychothérapie, les travaux de
synthèse ont indiqué que les facteurs généraux étaient davantage prédictifs des effets
positifs de la thérapie que les facteur spécifiques liés à la méthode thérapeutique elle-
même (Lambert & Barley, 2001). En particulier, un facteur se montre prépondérant et
explique environ 30 % des effets thérapeutiques : la qualité du lien patient-thérapeute.
Cet élément relativement oublié des travaux sur la délinquance peut pourtant être
intégré au modèle Risque-Besoin-Réceptivité, puisque le principe de réceptivité implique
que les interventions, quels que soient leurs objectifs, prennent en compte la manière
dont les auteurs de comportements antisociaux les reçoivent (Cortoni & Lafortune, 2009).
La qualité du lien établi avec les professionnels est alors, selon ce modèle, une condition
d’efficacité des interventions (Andrews, Bonta, & Wormith, 2011).
14 Inspirés par les travaux d’évaluation des psychothérapies, Dowden et Andrews (2004) ont
réalisé une méta-analyse sur les effets des facteurs généraux dans la prise en charge des
adultes délinquants. Ils montrent ainsi que les relations établies avec les professionnels
qui les accompagnent sont un facteur qui influence le processus de desistance, bien que
les études qui en ont proposé une évaluation soient très peu nombreuses. En particulier,
les auteurs concluent que les professionnels sont d’autant plus influents qu’ils sont
enthousiastes et chaleureux. C’est aussi la conclusion à laquelle arrivent Scholte et Van
Der Ploeg (2000), après avoir étudié le parcours de deux cents adolescents hollandais
placés pour des problèmes de comportements. Les effets bénéfiques des prises en charge
longues (> 2 ans) s’expliquent notamment par le soutien émotionnel que fournissent les
éducateurs.
L’alliance et ses effets
15 Les résultats sur les effets positifs de la qualité de la relation thérapeute-patient se
laissent souvent interpréter avec le concept d’alliance thérapeutique ou alliance
professionnelle. C’est à Bordin (1979) que l’on doit d’avoir proposé une approche
multidimensionnelle de l’alliance thérapeutique, qui s’est montrée fructueuse et a inspiré
la création d’une échelle de mesure, le Working Alliance Inventory (Horvath & Greenberg,
1989). Cette échelle a elle-même été utilisée dans des centaines d’études qui identifient les
effets bénéfiques de l’alliance dans de nombreux contextes thérapeutiques (Flückiger, Del
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
5
Re, Wampold, Symonds, & Horvath, 2012 ; Horvath & Symonds, 1991), y compris avec des
publics adolescents (Shirk & Karver, 2003 ; Shirk, Karver, & Brown, 2011). Tout comme la
conceptualisation de Bordin, le Working Alliance Inventory repose sur trois composantes.
L’alliance thérapeutique implique : 1. un accord entre le professionnel et l’usager sur les
objectifs de la thérapie ; 2. un accord sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces
objectifs ; 3. un lien affectif impliquant confiance, acceptation et intimité.
16 Plusieurs auteurs ont considéré que cette conception tridimensionnelle de l’alliance
thérapeutique posait des difficultés dans le contexte de l’accompagnement éducatif des
adolescents avec des troubles du comportement (Orsi, Lafortune, & Brochu, 2010 ; Zack,
Castonguay, & Boswell, 2007). Tout d’abord, en raison de leur état de développement
cognitif, les adolescents sont généralement moins conscients que les adultes de leurs
propres difficultés et donc moins susceptibles de convenir des objectifs de la prise en
charge. De même, la recherche d’autonomie propre à cette période de la vie limite parfois
la demande de soutien aux adultes. Ensuite, les comportements antisociaux ne
ressemblent pas à d’autres symptômes, tels que l’anxiété ou la dépression, dont
l’adolescent perçoit plus facilement qu’il souffre. Par conséquent, c’est le plus souvent
l’entourage social (famille, école, justice) qui, de manière plus ou moins autoritaire,
impose à l’adolescent une prise en charge visant à modifier ses comportements. Ainsi,
entre un adolescent et les professionnels qui l’accompagnent, l’accord sur les objectifs de
la prise en charge et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre n’est pas aussi
évident que celui entre un patient et un thérapeute. De même, la fonction de contrôle des
institutions qui prennent en charge les adolescents avec des troubles du comportement,
comme c’est le cas pour la Protection judiciaire de la jeunesse dont l’intervention s’appuie
aujourd’hui sur un modèle d’éducation sous contrainte (Sallée, 2014), rend plus difficile
encore l’adhésion. Enfin, le nombre important d’intervenants autour d’un même
adolescent et leur éventuel désaccord rendent plus ardu encore de trouver un accord sur
les objectifs et les moyens (Orsi et al., 2010). En somme, la prise en charge des adolescents
avec des troubles du comportement ne s’apparente pas à la thérapie qu’entreprend un
adulte de manière volontaire et confidentielle. C’est pourquoi Orsi, Lafortune et Brochu
(2010) estiment qu’avec cette population, l’alliance thérapeutique repose essentiellement
sur sa troisième composante, dite affective, plutôt que sur les deux premières, dites
collaboratives. C’est également pour souligner la différence avec la thérapie que les
auteurs proposent de préférer, pour la prise en charge des adolescents avec des trouble
du comportement, les termes de « relation d’aide », d’« alliance d’aide » (Matthews &
Hubbard, 2007) ou plus simplement d’« alliance » (Orsi et al., 2010) ou de lien. Dans la
présente étude, c’est donc uniquement la dimension du lien affectif et non les trois
composantes de l’alliance qui sera investiguée.
17 Avec les adolescents pris en charge pour leurs comportements antisociaux, les études
quantitatives qui ont montré les bénéfices de l’alliance sont très peu nombreuses mais
néanmoins significatives. La première étude à faire référence dans ce champ a été réalisée
pendant plusieurs mois avec soixante-dix-huit adolescents délinquants américains placés
dans des foyers de divers types (Florsheim, Shotorbani, Guest-Warnick, Barratt, & Hwang,
2000). Les résultats indiquent que la qualité de l’alliance avec les professionnels qui les
encadrent, mais seulement après plusieurs mois de prise en charge, est prédictive d’une
diminution des comportements antisociaux et délinquants. De plus, l’examen des dossiers
judiciaires indique, un an après le placement, un taux de récidive plus faible lorsque
l’alliance a été importante. Dans la mesure où il s’agit d’une étude longitudinale, les
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
6
auteurs ont pu contrôler certaines variables, comme les comportements antisociaux au
moment du placement, le passé délinquant, la consommation de drogues et d’alcool ou la
fréquentation de pairs délinquants, suggérant bien un effet causal de l’alliance sur les
comportements antisociaux.
18 Une autre étude, qui a également été réalisée avec soixante et onze adolescents
américains placés, a apporté quelques résultats supplémentaires (Handwerk et al., 2008).
Les lieux de placement qui fournissent le terrain de cette étude sont structurés selon le
Teacher-Family Model, c’est-à-dire que la prise en charge est réalisée par un couple
conjugal formé à l’accompagnement des adolescents en difficulté. Les adolescents de
l’échantillon ont également été suivis par des psychologues, à raison d’une ou deux
séances par quinzaine. L’alliance avec ces psychologues, relativement stable sur la
douzaine de rendez-vous auxquels ont participé les adolescents en moyenne, se montre
légèrement prédictive de l’amélioration des problèmes de comportement. Les résultats
quantitatifs sont modestes (β = .13). Toutefois, les adolescents passent beaucoup moins de
temps avec le psychologue qu’avec leur Family-Teacher et les résultats ne sont donc pas
comparables à ceux de l’étude précédente, qui concernait l’alliance avec les
professionnels exerçant au quotidien dans les lieux d’hébergement.
19 Plus récemment, une étude conduite sur environ quatre années au Québec avec cent
vingt-huit adolescentes placés en centre de jeunesse a apporté des résultats quantitatifs
importants (Ayotte, Lanctôt, & Tourigny, 2016). En effet, l’alliance évaluée par les
adolescentes trois mois après le début du placement permet de prédire l’évolution des
problèmes de comportement, tels que les agressions, les vols ou encore la consommation
de drogues et d’alcool. En effet, quels que soient leurs problèmes de comportement
initiaux, plus les adolescentes s’estiment liées à leurs éducatrices et plus leurs difficultés
comportementales tendent à diminuer, ou tout au moins à ne pas empirer, ce qui n’est
pas le cas de celles qui ne forment pas une alliance de qualité avec les professionnelles.
Cet effet de l’alliance a pu être observé jusqu’à quatre ans plus tard, alors que les
adolescentes enquêtées étaient devenues de jeunes adultes.
20 Contrairement à ce qui a été préconisé lorsqu’il s’agit d’étudier des adolescents avec des
comportements antisociaux (Orsi et al., 2010), ces études n’ont cependant pas distingué les
trois composantes de l’alliance thérapeutique (Bordin, 1979) et les scores utilisés mêlent
le lien affectif professionnel-adolescent, l’accord sur les objectifs et l’accord sur les
moyens. Pour considérer plus particulièrement la dimension de lien affectif et ses
possibles déterminants, il semble fructueux de disposer au préalable d’un modèle pour le
théoriser.
Un lien d’attachement
21 Dès 1944, c’est-à-dire bien avant l’élaboration de sa théorie de l’attachement, Bowlby
remarquait, à partir de l’observation clinique de 44 enfants et adolescents auteurs de vols
et de 44 enfants témoins, que les carences affectives précoces ont un rôle significatif dans
l’étiologie des comportements antisociaux (Bowlby, 1944). Aujourd’hui, de nombreuses
études sont venues étayer ces observations pionnières en évaluant le lien entre les
différents types d’attachement (ou les expériences précoces) et les comportements
antisociaux. Ces études sont trop nombreuses pour être recensées mais leurs résultats
apparaissent dans trois méta-analyses. La première (Van Ijzendoorn, Schuengel, &
Bakermans-Kranenburg, 1999), qui synthétise les résultats d’une douzaine d’études
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
7
portant sur un total de plus de 700 enfants, indique un lien significatif entre
l’attachement désorganisé et les troubles du comportement. La seconde (Fearon,
Bakermans-Kranenburg, Van IJzendoorn, Lapsley, & Roisman, 2010), qui synthétise les
résultats de 69 études portant sur un total de pratiquement 6000 enfants, montre que les
enfants au style d’attachement insecure, en particulier insecure désorganisé, présentent
davantage de troubles du comportement que les autres. La troisième (Hoeve et al., 2012),
qui synthétise les résultats de 74 études portant sur un total de plus de 55000 enfants,
adolescents et jeunes adultes, met en évidence un lien entre l’attachement insecure aux
parents et la délinquance des individus. La littérature est donc relativement consensuelle
sur la question : les comportements antisociaux sont largement influencés par le
sentiment d’insécurité affective.
22 En revanche, l’interprétation de ce lien entre insécurité affective et comportements
antisociaux fait débat. Les individus ayant un style d’attachement insecure pourraient
émettre des comportements antisociaux pour différentes raisons (Fearon et al ., 2010 ;
Fonagy, Target, Steele, & Steele, 1997 ; Greenberg, Speltz, & DeKlyen, 1993). Tout d’abord,
ces comportements pourraient être une manière, apprise durant l’enfance, d’obtenir la
présence et l’attention de l’entourage qui sans cela ne se serait pas montré suffisamment
sensible et disponible. Il s’agirait donc, comme les pleurs chez le bébé, de comportements
d’attachement de type aversif (Bowlby, 1969).
23 Ensuite, dans la mesure où les individus ayant un style d’attachement insecure ont une
représentation négative d’eux-mêmes (sentiment de ne pas mériter l’estime et l’amour
des autres) et/ou une représentation négative des relations avec les personnes
significatives (perçues comme étant incertaines, décevantes ou maltraitantes), un biais de
confirmation les conduit à une interprétation hostile des situations sociales et une
tendance à adopter des comportements agressifs dans de nombreuses interactions
(Dodge, Bates, et Pettit, 1990). De plus, les individus insecure, avant tout préoccupés par
leur propre sentiment de sécurité affective, pourraient simplement manquer de
ressources mentales pour faire face aux différentes situations sociales (Mikulincer,
Shaver, & Pereg, 2003). Ils auraient des difficultés à réguler leurs émotions, en particulier
la colère, et auraient recours à des comportements antisociaux automatiques si ces
derniers font partie de leur répertoire comportemental.
24 Par ailleurs, les comportements antisociaux pourraient résulter d’un défaut d’activation
du système de caregiving, système qui informe l’individu sur les besoins des autres et
l’incite à fournir « protection, réconfort et assistance à ceux qui sont dépendants de lui ou
temporairement dans le besoin » (Collins & Ford, 2010, p. 236). Ce défaut d’activation
pourrait être aussi bien la conséquence d’une trop grande mobilisation des ressources par
le système d’attachement que la conséquence d’un manque de modelage, puisque le
manque d’attention et de soutien de la part des figures d’attachement limite aussi
l’apprentissage par imitation des comportements prosociaux par l’enfant (Van
IJzendoorn, 1997) et puisque l’agression peut faire partie des modalités relationnelles qui
ont servi de modèle à l’enfant.
25 Enfin, par un rapprochement avec la théorie du lien social (Hirschi, 1969), certains
auteurs ont proposé de voir la qualité de l’attachement aux parents, de même que
l’attachement aux pairs et aux institutions, comme une condition du contrôle social
indirect, les enfants craignant davantage de voir les liens se dégrader lorsqu’ils dérogent
aux attentes normatives de ceux à qui ils sont liés (Hoeve et al., 2012 ; Van IJzendoorn,
1997).
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
8
26 La sécurisation affective par laquelle opère la relation affective éducateur-adolescent
n’est pas également possible pour tous les adolescents. Dans la mesure où la population
des jeunes ayant un suivi judiciaire pénal est constitué d’adolescents qui présentent des
troubles du comportement, le style insecure y est surreprésenté, comme le pointe une
étude réalisée au Pays-Bas avec des adolescents placés au pénal (Zegers, Schuengel, van
IJzendoorn, & Janssens, 2006). Or les individus insecure ont davantage de difficultés à tirer
parti des comportements de caregiving des professionnels qui les accompagnent, c’est-à-
dire qu’il leur est plus difficile de se sécuriser à travers des relations sociales (Smith,
Msetfi, & Golding, 2010). Les caractéristiques des adolescents, en particulier leur style
d’attachement, influencent donc l’alliance avec les professionnels, qui peine parfois à se
construire (Zegers et al., 2006). En plus du style d’attachement, différentes études (voir la
synthèse de Orsi et al., 2010) pointent également le rôle des expériences passées avec les
institutions éducatives et la disposition personnelle au changement comme des facteurs
qui influencent l’alliance.
27 Par conséquent, comme cela a déjà été évoqué, il faut souvent un certain nombre de mois
pour qu’une relation sécurisante s’établisse entre les adolescents et leurs éducateurs
(Florsheim et al ., 2000 ; Zegers et al ., 2006). Durant cette période, les attitudes et
comportements des éducateurs ont un rôle déterminant dans la création d’un lien affectif
sécurisant avec ces adolescents, qui tendent plutôt à se méfier des relations de caregiving.
Certains travaux indiquent par exemple que les adolescents sont sensibles au fait que les
éducateurs fassent preuve d’acceptation et se montrent attentionnés, soutenants et
fiables (voir la synthèse de Orsi et al., 2010). Toutefois, aucune étude n’a identifié le rôle
particulier de l’implication affective de l’éducateur. Pourtant, il est possible d’émettre
l’hypothèse que l’alliance dépend aussi de l’implication affective des professionnels,
comme le suggèrent les entretiens menés avec des adolescents judiciarisés en Suède ou
aux États-Unis (Henriksen, Degner, & Oscarsson, 2008 ; Manso, Rauktis, & Boyd, 2008).
L’amour compassionnel des professionnels
28 Bowlby (1969) a argumenté que la sécurité affective d’un individu peut être prise en
charge par un autre individu. Cela signifie que l’activation du système de caregiving de
l’éducateur peut entraîner une sécurisation de l’adolescent (Cassidy, 2000) et permettre
qu’il dirige son attention et son énergie vers l’exploration de l’environnement et les
interactions sociales avec d’autres personnes. Le système de caregiving de l’éducateur est
alors orienté vers le bien-être de ceux qu’il accompagne et motive des comportements
altruistes de sa part (Mikulincer, Shaver, Gillath, & Nitzberg, 2005). A ce système de
caregiving sont associés des émotions et des sentiments particuliers. Récemment, un
concept a été intégré à la théorie de l’attachement pour caractériser les ressentis associés
au caregiving (Giesbrecht, 2009 ; Mikulincer, Shaver, & Gillath, 2009 ; Oman, 2011). Il s’agit
de l’amour compassionnel, ou amour altruiste, qu’Underwood (2009) présente comme une
forme d’amour qui a la particularité d’être tourné vers le bien d’autrui.
29 Sprecher et Fehr (2005, p. 630) définissent l’amour compassionnel comme une « attitude
envers les autres, qu’il s’agisse de proches, d’inconnus ou de l’humanité en général,
comportant des émotions, des cognitions et des comportements centrés sur la
préoccupation, la sollicitude et la tendresse, ainsi qu’une tendance à soutenir, aider et
comprendre le (ou les) autre(s), en particulier quand il(s) est(sont) perçus comme étant
en souffrance ou dans le besoin ». Pour éviter la confusion avec le concept de compassion,
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
9
plusieurs auteurs précisent que l’amour compassionnel n’est pas uniquement orienté vers
l’allègement de la souffrance d’autrui lorsqu’il est dans une situation de vulnérabilité : il
est également tourné vers le développement d’autrui et ses émotions positives (Oman,
2011). L’amour compassionnel est une disposition et est par conséquent plus global et
plus durable que l’empathie, qui est plutôt limitée à des situations de face-à-face avec
autrui (Sprecher & Fehr, 2005). Enfin, il a été montré que l’amour compassionnel pouvait
être cultivé intentionnellement, notamment chez les professionnels du soin (Oman,
Thoresen, & Hedberg, 2010). Il ne correspond en rien à un sentiment subi, lié uniquement
au jeu des affinités interindividuelles.
30 Depuis une quinzaine d’années, des travaux de recherche ont permis d’évaluer les effets
positifs de cette forme d’amour dans des contextes relationnels variés : au sein des
relations parents-enfants (Miller, Kahle, Lopez, & Hastings, 2015 ; Volling, Kolak, &
Kennedy, 2009), au sein des relations amoureuses (Collins et al., 2014 ; Jeffries, 2006 ; Neff
& Karney, 2009 ; Sprecher & Fehr, 2011 ; Sprecher, Zimmerman, & Abrahams, 2010), dans
le contexte de l’engagement bénévole au profit d’actions humanitaires (Omoto, Malsch, &
Barraza, 2009) mais également dans les relations hiérarchiques au travail (van
Dierendonck & Patterson, 2015). Enfin, d’autres travaux auprès de personnel de santé ont
montré l’intérêt de l’amour compassionnel dans l’étude des relations entre professionnels
et usagers (Graber & Mitcham, 2009 ; Willer, 2014). De même, il est possible d’émettre
l’hypothèse que l’amour compassionnel des professionnels qui accompagnent les
adolescents présentant des comportements antisociaux est un concept heuristique, qui
pourrait aider à analyser l’engagement affectif des éducateurs, conçu comme un
déterminant de la relation affective établie avec les adolescents.
31 Pour de nombreux auteurs, l’amour compassionnel fournit une motivation à se
comporter de manière prosociale ou altruiste (Graber & Mitcham, 2009 ; Mikulincer et al.,
2009 ; Omoto et al ., 2009 ; Underwood, 2009). Cette motivation, incompatible avec des
intérêts égoïstes, est une forme de motivation intrinsèque ou autodéterminée, c’est-à-dire
qu’elle ne présuppose aucune attente de récompense extérieure (Deci & Ryan, 2008).
Ainsi, une étude montre une corrélation importante entre l’amour compassionnel et la
vocation, définie comme l’importance accordée à son occupation professionnelle en
raison de son impact positif sur le monde et sur le sentiment d’accomplissement
personnel (Hwang, Plante, & Lackey, 2008). Il est donc possible d’émettre l’hypothèse d’un
lien positif entre l’amour compassionnel des éducateurs et leur auto-motivation
professionnelle. Cette forme de motivation semble incompatible avec une stratégie que
Bowlby (1969) nomme le soutien compulsif et qui permet à des individus insecure anxieux
de développer un certain sentiment de sécurité en gagnant de l’importance aux yeux
d’autrui grâce au soutien offert (Kunce & Shaver, 1994). La relation affective éducateur-
adolescent, si elle est motivée par l’amour compassionnel, n’est pas une stratégie de
soutien compulsif, que mobilisent surtout des individus au style insecure anxieux. Dès lors,
il semble important, lorsque l’on étudie les corrélats de l’amour compassionnel, de
contrôler le style d’attachement des individus.
32 Comme cela a été évoqué, la qualité de la relation entre les professionnels et les
adolescents est souvent perçue à tort comme une question d’affinité, uniquement liée aux
caractéristiques individuelles des protagonistes. Matthews et Hubbard écrivent ainsi
(2007, p. 110) : « Être un professionnel soutenant sur le plan affectif est pour partie inné :
on l’est ou on ne l’est pas ». S’il est vrai que les caractéristiques des individus en
interaction influencent le lien, il n’en demeure pas moins qu’une approche plus
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
10
écologique (Bronfenbrenner, 1977) est possible, selon laquelle la relation affective
éducateur-adolescent est également le reflet des conditions de l’environnement au sein
duquel elle advient. C’est l’approche proposée par Ross, Polaschek et Ward (2008) dans
leur modèle de l’alliance thérapeutique. Ainsi, la relation affective éducateur-adolescent
est sous l’influence de déterminants environnementaux. Par exemple, les normes
institutionnelles sur la distance professionnelle, les normes institutionnelles sur l’aspect
répressif et autoritaire de l’intervention auprès d’adolescents judiciarisés ou plus
simplement la charge de travail et l’augmentation des ratios adolescents/éducateurs
influencent négativement la relation affective (Matthews & Hubbard, 2007). Plus
spécifiquement, l’amour compassionnel des éducateurs pourrait lui-même être affecté
par des éléments du contexte organisationnel, tels que la charge de travail, les normes
émotionnelles ou encore le sentiment de recevoir du soutien social de la part de ses
collègues ou de la hiérarchie. Ce dernier élément est particulièrement intéressant ici
puisqu’il peut inviter à interpréter l’engagement affectif des professionnels,
manifestation de leur système de caregiving, comme une conséquence de leur propre
sécurisation. La dynamique des systèmes comportementaux proposée par la théorie de
l’attachement pourrait alors s’appliquer aux professionnels et non plus seulement aux
adolescents qu’ils accompagnent. L’hypothèse d’un lien entre le soutien reçu par les
professionnels de la part de leurs collègues et de leur supérieur d’un côté et leur
engagement affectif de l’autre est donc testée dans la présente étude.
Objectif et hypothèses
33 La présente étude répond au besoin de comprendre davantage les déterminants de
l’alliance avec les jeunes qui présentent des comportements antisociaux (Matthews &
Hubbard, 2007). Il s’agit plus précisément d’évaluer le lien entre l’engagement affectif des
professionnels, opérationnalisé à l’aide du concept d’amour compassionnel, et la relation
affective éducateur-adolescent. La première hypothèse est la suivante :
34 1. L’amour compassionnel des professionnels de la PJJ est prédictif de la qualité des
relations affectives avec les adolescents, même après contrôle de leur style
d’attachement.
35 Par ailleurs, cette étude vise également à évaluer le rôle d’un facteur contextuel, le
soutien social au travail, sur l’engagement affectif des professionnels. La deuxième
hypothèse est donc la suivante :
36 2. Plus les professionnels estiment recevoir du soutien de la part des collègues et de la
hiérarchie, plus leur engagement affectif envers les jeunes suivis est important.
37 Enfin, l’étude s’intéresse à l’amour compassionnel des éducateurs conçu comme une
source de motivation au travail. La troisième hypothèse est la suivante :
38 3. Il existe un lien positif entre l’engagement affectif des professionnels et leur auto-
motivation professionnelle.
39 Les liens supposés entre toutes les variables mobilisées par ces trois hypothèses
apparaissent dans la figure 1.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
11
Figure 1. Modèle englobant les trois hypothèses
Matériel et méthode
Procédure
40 Les données ont été recueillies entre septembre 2013 et mars 2014 à l’aide d’un
questionnaire en ligne sur la plateforme Epsyline du laboratoire Epsylon (Université de
Montpellier). Le lien vers le questionnaire a été envoyé aux professionnels de la
Protection judiciaire de la jeunesse par voie hiérarchique, un courriel du service en
charge de la recherche à la direction de la PJJ ayant été transmis aux directions
interrégionales puis transféré aux professionnels2. Le temps moyen pris par les
professionnels pour répondre est de 20 minutes.
Participants
41 L’échantillon est composé de 107 professionnels (96 éducateurs de la PJJ et 11 autres
personnels éducatifs tels que des professeurs techniques ou des responsables d’unité
éducative). Les professionnels, âgés de 27 à 63 ans (m = 41,7 ans, ET = 7,9 ans), sont
majoritairement des femmes (66 %) et ont entre 1 et 41 ans d’ancienneté (m = 14,8 ans,
ET = 8,4 ans). Ils travaillent en milieu ouvert (60 %), en hébergement (22 %), en insertion
(8 %), en établissement pénitentiaire pour mineurs ou en maison d’arrêt (8 %) ou encore
en centre éducatif fermé (3 %). Ils sont mariés (37 %), célibataires (19 %), en concubinage
(17 %), divorcés (15 %) ou pacsés (12 %).
Mesures
42 Caractéristiques sociodémographiques. En début de questionnaire, les participants ont
donné leur âge, leur genre, leur statut marital, leur fonction professionnelle, leur
ancienneté et le type de structure où ils exercent au moment de l’enquête.
43 Amour compassionnel des professionnels. Le premier outil psychométrique utilisé est
une échelle d’amour compassionnel. Il s’agit de la traduction française (Virat, Trouillet, &
Favre, 2018) de la version “specific close others” de l’échelle anglophone d’amour
compassionnel (Sprecher & Fehr, 2005), les personnes proches ayant été ici nommées
« les jeunes dont j’ai le suivi ». La version utilisée ici contient 21 items (cf. annexe),
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
12
chacun évalué sur une échelle de Likert en 7 points (1 = pas du tout vrai pour moi ;
7 = tout à fait vrai pour moi). L’analyse factorielle exploratoire indique une solution
unifactorielle (saturations supérieures à .30 ; variance totale expliquée 31 %), comme la
version anglophone. Cela contraste avec les résultats d’une première validation française
auprès d’une population d’enseignants (Virat et al., 2018), qui fait apparaître deux
facteurs, nommés sensibilité et dévouement (exemples : « Je ressens beaucoup d’amour
compassionnel pour les adolescents dont j’ai le suivi » et « Je m’engagerais davantage
dans des actions qui aident les adolescents dont j’ai le suivi plutôt que dans des actions
qui m’aident moi »). Avec le présent échantillon, un seul score a été calculé, en réalisant
la moyenne des scores obtenus aux 21 items. L’échelle a une consistance interne
excellente (α(amour compassionnel) = .90).
44 Relation affective éducateur-adolescent. Pour évaluer la qualité des relations affectives
entre un éducateur et les adolescents qu’il accompagne, c’est une échelle psychométrique
issue des travaux sur la relation enseignant-élève qui a été retenue. La Student-Teacher
Relationship Scale, inspirée par la théorie de l’attachement et développée par Pianta and
Nimetz (1991) puis Pianta (2001), existe sous plusieurs formes. Pianta (2001) recommande
d’utiliser la version courte bidimensionnelle, traduite en français par Perreault (2011).
Cette version contient 15 items, chacun évalué sur une échelle de Likert en 5 points
(1 = ne s’applique pas du tout ; 5 = s’applique tout à fait). Avec le présent échantillon, une
analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin direct) soutient une
structure à deux facteurs (saturations supérieures à .50 ; variance totale expliquée 39 %),
à condition de supprimer cinq items qui nuisent aux qualités psychométriques de l’outil.
Au final, le premier facteur, nommé proximité, inclut cinq items (exemple : « Je partage
des relations chaleureuses et amicales avec les jeunes dont j’ai le suivi ») et sa consistance
interne est correcte (α(proximité) = .70). Le second facteur, nommé conflit, inclut
également cinq items (exemple : « Les jeunes dont j’ai le suivi se mettent facilement en
colère contre moi ») et sa consistance interne est correcte (α(conflit) = .71). Les scores des
deux sous-échelles ont été obtenus en calculant la moyenne des scores obtenus aux cinq
items de chaque facteur.
45 Questionnaire d’attachement pour adultes. La version française (Bouthillier, Tremblay,
Hamelin, Julien, & Scherzer, 1996) de l’Adult Attachment Questionnaire (Simpson, 1990) a
été utilisée pour évaluer, selon une approche dimensionnelle, les styles d’attachement des
éducateurs. L’échelle contient 13 items, chacun évalué sur une échelle de Likert en 5
points (1 = fortement en désaccord ; 7 = fortement en accord), qui permettent d’évaluer
deux dimensions de l’insécurité d’attachement : l’anxiété et l’évitement. Avec le présent
échantillon, une analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin
direct) soutient une structure à deux facteurs (saturation supérieures à .30 ; variance
totale expliquée 33 %), à condition de retirer trois items, conformément aux
recommandations des traducteurs de l’échelle qui signalent les faibles qualités de ces
trois items (Bouthillier et al., 1996). Le premier facteur, nommé anxiété, inclut cinq items
(exemple : « Je m’inquiète souvent que (mon/ma ou mes) partenaire(s) ne m’aime(nt) pas
vraiment ») et sa consistance interne est insuffisante (α(anxiété) = .56), comme dans les
études précédentes (Bouthillier et al., 1996 ; Simpson, Rholes, & Nelligan, 1992). Le second
facteur, nommé évitement, inclut également cinq items (exemple : « Je n’aime pas que les
gens cherchent à être trop intimes avec moi ») et sa consistance interne est correcte (α(évitement) = .72). Les scores des deux sous-échelles ont été obtenus en calculant la
moyenne des scores obtenus aux cinq items de chaque facteur.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
13
46 Motivation au travail. L’échelle retenue est la version française de la Motivation At
Work Scale (Gagné et al., 2010). Basée sur la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan,
2008), elle évalue quatre types de motivation au travail : deux types de motivation hétéro-
déterminée (motivation extrinsèque et régulation introjectée, exemples : « Je fais mon
travail pour le salaire » et « Je fais mon travail parce que ma réputation en dépend ») et
deux types de motivation autodéterminée (régulation identifiée et motivation
intrinsèque, exemples : « Je fais mon travail parce qu’il concorde bien avec mes valeurs
personnelles » et « Je fais mon travail pour les moments de plaisir qu’il m’apporte »).
Chacune des quatre sous-échelles contient trois items, chacun évalué sur une échelle de
Likert en 7 points (1 = pas du tout ; 7 = exactement). Avec le présent échantillon, une
analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin direct) soutient une
structure à quatre facteurs (saturations supérieures à .40 ; variance totale expliquée 55 %
). La consistance interne des sous-échelles est variable (α(extrinsèque) = .59 ; α(introjectée) = .74 ; α(identifiée) = .57 ; α(intrinsèque) = .83). Les scores des quatre sous-
échelles ont été obtenus en calculant la moyenne des scores obtenus aux trois items de
chaque facteur.
47 Soutien social au travail. L’échelle de soutien social au travail est tirée du Job Content
Questionnaire (Karasek et al., 1998), traduit et validé en français (Niedhammer, Ganem,
Gendrey, David, & Degioanni, 2006). Les six items, chacun évalué sur une échelle de Likert
en 4 points (1 = pas du tout d’accord ; 4 = tout à fait d’accord), évaluent le soutien
instrumental et émotionnel que le professionnel estime recevoir de la part de ses
collègues et de son supérieur. Avec le présent échantillon, une analyse factorielle
(factorisation en axes principaux, rotation oblimin direct) soutient une structure à deux
facteurs (saturations supérieures à .60 ; variance totale expliquée 65 %). Le premier
facteur, nommé soutien du supérieur, inclut quatre items (exemple : « Mon supérieur se
sent concerné par le bien-être de ses subordonnés. ») et sa consistance interne est bonne
(α(soutien du supérieur) = .88). Le second facteur, nommé soutien des collègues, inclut
quatre items (exemple : « Les collègues avec qui je travaille me manifestent de l’intérêt. »)
et sa consistance interne est bonne (α(soutien des collègues) = .87). Les scores des deux
sous-échelles ont été obtenus en calculant la moyenne des scores obtenus aux trois items
de chaque facteur.
Stratégie analytique
48 Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide de IBM SPSS Statistics 22. En raison de la
taille limitée de l’échantillon, des analyses par équations structurelles n’ont pas pu être
réalisées. Les hypothèses ont donc été testées à l’aide de régressions linéaires multiples,
qui permettent de neutraliser l’effet des variables contrôlées. Face à l’inflation du risque
de faux positifs lors de tests multiples, la correction de Bonferroni-Holm a été appliquée.
Le calcul des p-value ajustées a permis de repérer les résultats significatifs. Pour cela les
p-value ont été multipliées par un coefficient qui dépend du classement croissant de ces
p-value : nombre de tests (ici 28) – rang du test + 1. L’hypothèse nulle est rejetée lorsque
les p-value ajustées sont inférieures au seuil de 5 %.
Résultats
49 Les statistiques descriptives apparaissent dans le tableau 1.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
14
Tableau 1. Statistiques descriptives et corrélations
50 Les résultats des régressions linéaires multiples apparaissent dans le tableau 2. L’amour
compassionnel des professionnels se montre prédictif des scores obtenus à la sous-échelle
proximité de la relation affective éducateur-adolescent, même après contrôle de leur
style d’attachement (β = .32, t = 4,04, p < .01). Par ailleurs, l’engagement affectif des
professionnels a également été régressé sur le prédicteur soutien social au travail. La
perception de soutien de la part du supérieur se montre prédictive de l’amour
compassionnel des éducateurs (β = .28, t = 2,89, p < .05). Enfin, l’amour compassionnel
permet de prédire l’auto-motivation au travail des éducateurs, en particulier la
motivation à régulation identifiée (β = .29, t = 2,95, p < .05). Ce résultat apparaît quelle que
soit par ailleurs la qualité des relations établies avec les adolescents, contrôlée dans le
modèle. En outre, la qualité de la relation est elle-même prédictive d’une auto-motivation
plus importante, qu’il s’agisse de motivation à régulation identifiée (β = .29, t = 3,14, p <
.01 pour la dimension proximité) ou de motivation intrinsèque (β = .50, t = 5,86, p < .001
pour la dimension proximité et β = -.26, t = -3,17, p < .01 pour la dimension conflit).
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
15
Tableau 2. Régressions linéaires multiples
51 Pour finir, des comparaisons de moyennes ont été réalisées. Aucune différence
significative d’amour compassionnel n’apparaît en fonction du genre des professionnels
(M = 4,17 et 4,34, respectivement pour les hommes et les femmes, t = -1,002, p > .30).
Concernant le type de structure où exercent les professionnels, les effectifs n’ont permis
qu’une comparaison de moyenne entre ceux exerçant en milieu ouvert et ceux exerçant
en hébergement. Le score moyen d’amour compassionnel est plus important chez ces
derniers (M = 4,75 vs 4,21, t = -2,88, p < .01). Enfin, aucune différence significative d’amour
compassionnel n’apparaît en fonction du statut marital des professionnels (F = 1,52, p >
.20).
Discussion
52 Tout d’abord, les résultats obtenus étayent la première hypothèse de cette recherche
selon laquelle l’amour compassionnel des professionnels de la PJJ est prédictif de la
qualité des relations affectives avec les adolescents (dimension proximité), même après
contrôle de leur style d’attachement. Les corrélations sur lesquelles sont basés les
résultats ne révèlent aucune relation de causalité et il n’est pas exclu que l’amour
compassionnel des professionnels soit lui-même influencé par la qualité des relations
établies avec les adolescents. Toutefois, la mesure utilisée est une mesure d’amour
compassionnel global, c’est-à-dire pour l’ensemble des jeunes suivis, qui semble être une
disposition relativement stable des individus (Sprecher & Fehr, 2005 ; Virat et al., 2015),
contrairement à la qualité de la relation avec les adolescents qui peut varier fortement
d’un suivi à l’autre. Il est donc permis de faire l’hypothèse interprétative selon laquelle
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
16
l’amour compassionnel des professionnels influence positivement l’alliance avec les
adolescents.
53 Cela n’est pas sans rappeler les qualités du thérapeute, ou de tout autre professionnel du
soutien, telles que les a définies Rogers (1957) : congruence, regard positif inconditionnel
et empathie. Les résultats obtenus par Horvath et Greenberg (1989) à l’occasion de la
validation du Working Alliance Inventory indiquaient justement un lien fort entre
l’empathie des thérapeutes et la qualité de l’alliance thérapeutique, en particulier sa
dimension de lien affectif. Pourtant, l’empathie n’est pas toujours conçue comme une
forme d’engagement affectif et Rogers ne qualifie pas la posture de l’aidant comme étant
affective. Ici, la mesure d’amour compassionnel utilisée pointe sans ambiguïté le rôle de
l’engagement affectif des professionnels. Lorsqu’ils perçoivent cette implication affective,
les adolescents se sentent reconnus et soutenus sur le plan émotionnel, c’est-à-dire qu’ils
considèrent que le professionnel leur envoie un message qui pourrait se résumer
ainsi : » quoi qu’il arrive, je suis là pour toi » (Noddings, 1984, 2002 ; Virat, 2015).
54 Au vu de ces résultats, il paraît intéressant de définir la relation éducative de telle sorte
que sa dimension affective soit reconnue comme un élément, non pas problématique ni
simplement inévitable et accessoire, mais bien central. À cette intention, la relation
éducative peut être définie comme « une relation asymétrique où l’adulte se montre
sensible et disponible, où il se sent responsable du développement de l’enfant et où il lui
fournit aide et soutien, en particulier sur le plan émotionnel, tout en se préoccupant de la
manière dont l’enfant reçoit ce soutien » (Virat & Cheval, 2017).
55 L’amour compassionnel des professionnels peut être considéré de deux manières. Tout
d’abord, il peut être regardé comme une caractéristique individuelle, un trait de
personnalité (Sprecher & Fehr, 2005). Des résultats suggèrent ainsi une importante
stabilité temporelle de l’engagement affectif des professionnels (Virat et al., 2018). Il peut
également être considéré comme un état temporaire, sujet à variations. Il paraît dès lors
compréhensible que le contexte influence significativement l’engagement affectif des
professionnels. C’est ce qu’indiquent les résultats obtenus dans cette étude, qui étayent la
deuxième hypothèse de recherche : moins les professionnels se sentent soutenus par
leurs supérieurs, notamment sur le plan affectif, moins ils se déclarent engagés
affectivement avec les adolescents qu’ils accompagnent. Ce résultat pourrait être illustré
par le propos d’une éducatrice PJJ, interrogé à l’occasion d’une autre enquête, qui met en
lien le soutien de son supérieur et son engagement avec les adolescents (Virat, 2014) :
« Moi ce que j’attends d’un chef, […] c’est de sentir qu’il soutient mon travail. [...]Mais je suis consciente que c’est quelque chose qui est [présent] ici, donc peut-êtrequ’avec d’autres chefs je ne m’autoriserais pas… Voilà, donc après je serais moinsimpliquée, d’une certaine façon, moins impliquée dans la relation je pense, c’estune façon de se protéger aussi. Tout ça est lié. »
56 Le lien entre le soutien perçu et l’engagement affectif peut être rapproché des travaux sur
l’épuisement professionnel. En effet, l’une des trois composantes de l’épuisement
professionnel a été définie comme la dépersonnalisation, c’est-à-dire la tendance à se
comporter de manière détachée, négative ou impersonnelle avec les autres, à ne plus les
considérer comme des individus vulnérables avec des besoins particuliers (Maslach &
Jackson, 1981). Ainsi, la perception d’un manque de soutien au travail par les travailleurs
socio-éducatifs est un facteur de dépersonnalisation dans la relation avec les usagers
(Ben-Zur & Michael, 2007 ; Halbesleben, 2006). De même, d’autres facteurs liés à
l’organisation du travail, tels que la surcharge de travail ou la dissonance émotionnelle,
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
17
peuvent conduire à la dépersonnalisation (Brotheridge & Grandey, 2002 ; Hülsheger &
Schewe, 2011). Par conséquent, certains auteurs ont conçu la dépersonnalisation comme
une forme de désengagement affectif, c’est-à-dire une véritable stratégie visant à se
protéger dans une situation professionnelle qui rend l’engagement affectif trop coûteux
(Carmack, 1997 ; Dagot & Perié, 2014). Il semble donc intéressant de ne pas considérer
l’amour compassionnel comme une caractéristique purement individuelle qui ne
relèverait que de la personnalité des professionnels. Au contraire, le contexte de travail
influence l’engagement affectif et peut le réduire considérablement.
57 Cet effet du contexte explique peut-être la différence observée dans les résultats de cette
recherche entre l’engagement affectif des professionnels qui travaillent en milieu ouvert
et l’engagement affectif de ceux qui travaillent en hébergement. L’engagement affectif
pourrait être facilité par la fréquence et la durée des interactions avec les adolescents,
plus importantes dans les lieux d’hébergement. En effet, construire un lien affectif de
qualité avec les adolescents prend du temps et nécessite de nombreuses interactions
(Moore, Moretti, & Holland, 1997), si possible sur des sujets variés. Étant davantage en
mesure de construire des liens de ce type, les éducateurs d’hébergement s’engageraient
davantage affectivement. Corollairement, le désengagement affectif, quelles qu’en soient
les raisons personnelles ou organisationnelles, paraît générer moins de dissonance pour
les professionnels qui ont moins d’interactions avec les adolescents qu’ils accompagnent.
58 La troisième hypothèse de recherche se trouve également étayée par les résultats
obtenus : l’amour compassionnel est associé à une plus grande auto-motivation
professionnelle. De plus, quel que soit le niveau d’amour compassionnel des
professionnels, l’établissement de relations affectives de qualité avec les adolescents est
prédictif de leur auto-motivation professionnelle. L’aspect relationnel et affectif du
métier semble donc constituer un élément de motivation important pour les
professionnels de la PJJ, comme c’est le cas pour les autres travailleurs socio-éducatifs
(Bjerregaard, Haslam, Morton, & Ryan, 2015 ; Hussein, Stevens, & Manthorpe, 2010).
59 Enfin, les résultats obtenus à l’aide du questionnaire d’attachement méritent d’être
évoqués. En effet, différentes enquêtes montrent que les professionnels du travail socio-
éducatif se caractérisent par des expériences précoces plus douloureuses, où les carences
affectives sont plus présentes, que celles des adultes de la population générale (Guédeney,
2008). Par exemple, une enquête réalisée sur une trentaine de futurs travailleurs sociaux
anglais indique que pratiquement la moitié d’entre eux a connu la perte ou la séparation
précoce d’avec un ou deux parents (Vincent, 1996). Autre exemple, comparativement à
des étudiants en arts, les étudiants en psychologie qui se destinent à un métier où il s’agit
d’aider autrui, rapportent une expérience infantile où les parents se sont montrés moins
soutenants affectivement (DiCaccavo, 2002). L’implication dans le travail socio-éducatif
en général et l’engagement affectif avec les usagers en particulier pourraient donc
procéder d’un mécanisme de caregiving compulsif, dont la finalité n’est pas tant le soutien
altruiste d’autrui que la réparation de soi-même. Il ne s’agirait alors plus totalement
d’amour compassionnel. Toutefois, les résultats obtenus ici n’indiquent aucune
corrélation significative entre l’amour compassionnel des professionnels et les mesures
d’insécurité affective (anxiété et évitement). L’engagement affectif ne semble donc pas
tellement relever de ce que Bowlby a nommé le soutien compulsif. Ce point est important,
dans la mesure où le soutien compulsif pourrait faire courir aux professionnels un double
risque. Le premier risque serait de ne pas prêter suffisamment attention à la manière
dont les adolescents accueillent et éventuellement déclinent le soutien. C’est pourquoi la
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
18
proposition de définition de la relation éducative ci-dessus tient compte de cet aspect-là.
Le second risque pourrait se caractériser par une forme de possessivité, les professionnels
ayant du mal à accepter que certains de leurs collègues tissent également un lien affectif
avec les adolescents. Concevoir l’engagement affectif à partir du concept d’amour
compassionnel aide à écarter ce double risque.
Conclusion et limites
60 Il n’est pas inutile de rappeler les différentes responsabilités relatives à l’engagement
affectif des professionnels. Tout d’abord, la responsabilité individuelle des professionnels
paraît évidente, puisque ce sont bien leurs comportements qui permettent aux
adolescents de percevoir leur engagement affectif : partage de temps, intérêt et écoute,
manifestation du plaisir pris dans l’accompagnement ou dévoilement de soi (Matthews &
Hubbard, 2007 ; Ross et al., 2008), par exemple au travers du partage de son vécu et de ses
émotions personnels et professionnels, partage qui peut être interprété comme une
forme de don témoignant de l’implication personnelle et affective (Fustier, 2005 ; Le
Scelleur & Garneau, 2016). Les professionnels peuvent également cultiver leur propre
engagement affectif en accomplissant un travail sur eux-mêmes, sur leur disponibilité,
leur ouverture. Surtout, ces résultats indiquent le rôle du contexte organisationnel sur
l’engagement affectif des professionnels. Par exemple, le manque d’effectif, le turnover
des personnels ou la courte durée des prises en charges limitent l’engagement affectif et
les relations sécurisantes entre éducateurs et adolescents. De même, la qualité du soutien
reçu au travail par les éducateurs, la reconnaissance ou plus simplement la charge de
travail sont susceptibles d’influencer le lien entre les éducateurs et les adolescents. Enfin,
la culture professionnelle, qui s’exprime en particulier à travers la norme de distance ou
la valorisation de l’autorité et du contrôle, risque de placer les professionnels engagés
affectivement en situation de dissonance émotionnelle. Cette dissonance peut, à son tour,
favoriser l’épuisement professionnel ou, pour s’en protéger, inciter à un certain
désengagement affectif qui, comme permettent de le croire les résultats évoqués en
introduction, a des conséquences négatives sur la prise en charge des adolescents
judiciarisés en raison des comportements délinquants qu’ils ont commis.
61 Différentes limites à cette recherche méritent finalement d’être évoquées. Tout d’abord,
aussi bien l’engagement affectif des professionnels que la qualité de la relation affective
éducateur-adolescent ont été évalués par les professionnels. Il se pourrait que réside là un
biais, lié à l’usage de mesures à source unique, dans la mesure où les professionnels les
plus engagés affectivement pourraient aussi avoir tendance à surestimer la qualité de la
relation avec les adolescents. Toutefois, d’autres travaux mobilisant la même échelle
d’amour compassionnel avec des enseignants montrent que l’importance du lien avec la
qualité de la relation enseignant-élève ne diminue pas lorsque ce sont les élèves qui
évaluent la qualité de la relation affective (Virat, Trouillet, & Favre, 2014).
62 Ensuite, la méthode de sélection des participants pourrait avoir introduit un biais,
puisque seuls des professionnels volontaires ont répondu aux sollicitations reçues via un
courriel institutionnel qui leur proposait de participer à une enquête sur « les émotions
des éducateurs ». Les individus les moins disposés à évoquer leurs propres émotions, ceux
qui récusent l’engagement personnel et affectif dans le travail éducatif ou encore ceux
dont le niveau de motivation est le plus bas se trouvent peut-être sous représentés dans
l’échantillon, parce qu’ils n’auraient pas souhaité participer à l’enquête. Toutefois, des
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
19
résultats obtenus par ailleurs avec un échantillon captif d’éducateurs stagiaires de la
Protection judiciaire de la jeunesse donnent des scores d’amour compassionnel tout-à-fait
comparables à ceux obtenus ici (résultats non publiés). De plus, si l’on voit comment ce
possible biais d’échantillonnage pourrait influencer les statistiques univariées, il est plus
difficile de faire des hypothèses sur les altérations qu’il pourrait provoquer sur les liens
entre variables.
63 Par ailleurs, cette recherche interroge des professionnels qui exercent dans des
structures de divers types. Or il est possible d’émettre l’hypothèse que l’engagement
affectif des éducateurs n’influence pas autant la relation affective avec les adolescents
dans tous les contextes interactionnels (milieu ouvert, hébergement…). De même, cette
recherche inclut quelques professionnels éducatifs qui ne sont pas éducateurs de statut,
mais leur nombre insuffisant ne permet pas de réaliser une véritable comparaison. Une
question reste en suspens : l’engagement affectif est-il aussi influent selon le statut ou la
fonction du professionnel ?
64 Enfin, les résultats obtenus sur le soutien social en provenance du supérieur conservent
un certain flou, dans la mesure où il n’est pas possible de savoir à quel supérieur les
professionnels pensent lorsqu’ils répondent au questionnaire. S’agit-il du Responsable
d’unité éducative ? S’agit-il du Directeur de service ? Des travaux qualitatifs pourraient
compléter avantageusement les résultats sur ce point.
BIBLIOGRAPHIE
Andrews (D. A.), Bonta (James) et Hoge (Robert D.), « Classification for Effective Rehabilitation :
Rediscovering Psychology », Criminal Justice and Behavior, vol 17, n° 1, 1990, p. 19‑52.
Andrews (D. A.), Zinger (Ivan) Hoge (Robert D.), Bonta (James), Gendreau (Paul) et Cullen (Francis
T.), « Does Correctional Treatment Work ? A Clinically Relevant and Psychologically Informed
Meta-Analysis », The Philosophy and Practice of Corrections, vol 28, n° 3, 1990, p. 369‑404.
Ayotte (Marie-Hélène), Lanctôt (Nadine) et Tourigny (Marc), « How the Working Alliance with
Adolescent Girls in Residential Care Predicts the Trajectories of Their Behavior Problems »,
Residential Treatment for Children & Youth, vol 33, n° 2, 2016, p. 135‑154.
Barbot (Janine) et Dodier (Nicolas), « Que faire de la compassion au travail ? La réflexivité
stratégique des avocats à l’audience », Sociologie du Travail, vol 56, n° 3, 2014, p. 365‑385.
Ben-Zur (Hasida) et Michael (Keren), « Burnout, Social Support, and Coping at Work Among
Social Workers, Psychologists, and Nurses: The Role of Challenge/Control Appraisals », Social
Work in Health Care, vol 45, n° 4, 2007, p. 63‑82.
Bjerregaard (Kirstien), Haslam (S. Alexander), Morton (Thomas) et Ryan (Michelle K), « Social and
relational identification as determinants of care workers’ motivation and well-being », Frontiers
in Psychology, n° 6, 2015.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
20
Bonnet (Thomas), « Des émotions professionnelles dans la relation socio-éducative à l’hôpital et
dans la police. Une construction collective et individuelle de l’intelligence émotionnelle, Sociétés
et jeunesses en difficulté, n° 20, 2018.
Bordin (Edward S.), « The generalizability of the psychoanalytic concept of the working
alliance », Psychotherapy: Theory, Research & Practice, vol 16, n° 3, 1979, p. 252‑260.
Boujut (Stéphanie), « Le travail social comme relation de service ou la gestion des émotions
comme compétence professionnelle », Déviance et Société, vol 29, n° 2, 2005, p. 141‑153.
Bouthillier (Donald), Tremblay (Nicole), Hamelin (F.), Julien (D.) et Scherzer (P.), « Traduction et
validation canadienne-française d’un questionnaire évaluant l’attachement chez l’adulte »,
Canadian Journal of Behavioural Science/Revue canadienne des sciences du comportement, vol 28, n° 1,
1996, p. 74‑77.
Bowlby (John), « Forty-four juvenile thieves: Their characters and home-life », The International
Journal of Psycho-Analysis, n° 25, 1944.
Bowlby (John), Attachement et perte, vol. 1, L’attachement, Paris, Puf, 1969.
Bronfenbrenner (Urie), « Toward an experimental ecology of human development », American
Psychologist, vol 32, n° 7, 1977, p. 513‑531.
Brotheridge (Céleste M.) et Grandey (Alicia A.), « Emotional Labor and Burnout: Comparing Two
Perspectives of “People Work” », Journal of Vocational Behavior, vol 60, n° 1, 2002, p. 17‑39.
Carmack (Betty J.) « Balancing engagement and detachment in caregiving », Journal of Nursing
Scholarship, vol 29, n° 2, 1997, p. 139–143.
Cassidy (Jude), « The complexity of the caregiving system: A perspective from attachment
theory », Psychological inquiry, vol 11, n° 2, 2000, p. 86–91.
Charles (Charlène), « Rhétorique émotionnelle et précarité dans le travail social », La nouvelle
revue du travail, n° 6, 2015. Consulté le 30 juin 2018. URL : https://journals.openedition.org/
nrt/2093 ; DOI : 10.4000/nrt.2093
Collins (Nancy L.), Kane (Heidi S.), Metz (Molly A.), Cleveland (Christena), Khan (Cynthia),
Winczewski (Lauren) et Prok (Thery), « Psychological, physiological, and behavioral responses to
a partner in need: The role of compassionate love », Journal of Social and Personal Relationships, vol
31, n° 5, 2014, p. 601‑629.
Cortoni (Franca) et Lafortune (Denis), « Le traitement correctionnel fondé sur des données
probantes : une recension », Criminologie, vol 42, n° 1, 2009, p. 61-89.
Dagot (Lionel) et Perié (Oriane), « Le burnout et la dissonance émotionnelle dans l’activité de care
en centre d’appel », Le travail humain, vol 77, n° 2, 2014, p. 155‑175.
de Grenier de Latour (Elsa), Évaluation de la colère en situation professionnelle critique chez les
éducateurs de la PJJ : quelles règles du jeu émotionnel, quelles attributions causales ? Travail d’étude et
de recherche présenté pour l’obtention du Master 2 mention « Psychologie » », Université de
Lille, 2017.
Deci (Edward L.) et Ryan (Richard M.), « Self-determination theory: A macrotheory of human
motivation, development, and health », Canadian Psychology/Psychologie Canadienne, vol 49, n° 3,
2008, p. 182‑185.
DiCaccavo (Antonietta), "Investigating individuals’ motivations to become counselling
psychologists: The influence of early care taking roles within the family", Psychology and
Psychotherapy: Theory, research and practice, 75, n° 4, 2002, 463–472.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
21
Dodge (Kenneth A.), Bates (John E.) et Pettit, (Gregory S.), « Mechanisms in the cycle of
violence », Science, vol 250, n° 4988, 1990, p. 1678–1683.
Dodge (Kenneth A.) et Pettit (Gregory S.), « A biopsychosocial model of the development of
chronic conduct problems in adolescence », Developmental psychology, vol 39, n° 2, 2003,
p. 349‑371.
Dowden (Craig), & Andrews (D. A.), « The Importance of Staff Practice in Delivering Effective
Correctional Treatment: A Meta-Analytic Review of Core Correctional Practice », International
Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, vol 48, n° 2, 2004, p. 203‑214.
Dumont (Jean-François), « Émotions et relation éducative », Empan, n° 4, 2010, p. 150–156.
Ekman (Paul) et Friesen (Wallace V.), « The repertoire of nonverbal behavior: Categories, origins,
usage, and coding », Semiotica, vol 1, n° 1, 1969, p. 49‑98.
Fearon (R. Pasco), Bakermans-Kranenburg (Marian J.), Van IJzendoorn (Marinus H.), Lapsley
(Anne-Marie) et Roisman, (Glenn I.), « The significance of insecure attachment and
disorganization in the development of children’s externalizing behavior: a meta-analytic study »,
Child Development, vol 81, n° 2, 2010, p. 435–456.
Filloux (Jeanine), « Relation éducative et autonomie du sujet », Revue Belge de Psychologie et de
Pédagogie, n° 6, 1991, p. 19‑23.
Florsheim (Paul), Shotorbani (Solmaz), Guest-Warnick (Ginger), Barratt (Ted) et Hwang (Wei-
Chin), « Role of the working alliance in the treatment of delinquent boys in community-based
programs », Journal of Clinical Child Psychology, vol 29, n° 1, 2000, p. 94‑107.
Flückiger (Christoph), Del Re (A. C.), Wampold (Bruce E.), Symonds (Dianne) et Horvath (Adam
O.), « How central is the alliance in psychotherapy? A multilevel longitudinal meta-analysis »,
Journal of Counseling Psychology, vol 59, n° 1, 2012, p. 10‑17.
Fonagy (Peter), Target (Mary), Steele (Miriam) et Steele (Howard), « The development of violence
and crime as it relates to security of attachment », dans Osofsky, J., Children in a violent society,
New York, Guilford Press, p. 150-177.
Fortino (Sabine), Jeantet (Aurélie) et Tcholakova (Albena), « Émotions au travail, travail des
émotions. Présentation du Corpus », La nouvelle revue du travail, n° 6, 2015.
Fustier (Paul), Le lien d’accompagnement : entre don et contrat salarial, Paris, Dunod, coll. Santé
social, 2005, 256 p.
Gaberan (Philippe), Oser le verbe aimer en éducation spécialisée : La relation éducative 2, Toulouse,
Eres, coll. L’éducation spécialisée au quotidien, 2016, 296 p.
Gagné (Marylène), Forest (Jacques), Gilbert (Marie-Hélène), Aubé (Caroline), Morin (Estelle) et
Malorni (Angela), « The Motivation at Work Scale : Validation evidence in two languages »,
Educational and Psychological Measurement, vol 70, n° 4, 2010, p. 628‑646.
Giesbrecht, (Norman D.), « Caregiving in sociocultural context », dans Fehr (Beverley), Sprecher
(Susan) et Underwood (Lynn G.), The science of compassionate love: Theory, research, and applications,
Malden, Blackwell, 2009, p. 373‑401.
Graber (David R.) et Mitcham (Maralynne D.), « Compassionate clinicians: Exemplary care in
hospital settings », dans Fehr (Beverley), Sprecher (Susan) et Underwood (Lynn G.), The science of
compassionate love: Theory, research, and applications, Malden, Blackwell, 2009, p. 345-372.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
22
Greenberg (Mark T.), Speltz (Matthew L.) et DeKlyen (Michelle), « The role of attachment in the
early development of disruptive behavior problems », Development and Psychopathology, vol 5, n
° 1‑2, 1993, p. 191‑213.
Guédeney (Nicole), « Les émotions négatives des professionnels de l’enfance confrontés à la
situation de placement : l’éclairage de la théorie de l’attachement », Devenir, vol 20, n° 2, 2008,
p. 101-117.
Halbesleben (Jonathon R.), « Sources of social support and burnout: a meta-analytic test of the
conservation of resources model », Journal of Applied Psychology, vol 91, n° 5, 2006, p. 1134‑1145.
Handwerk (Michael), Huefner (Jonathan), Ringle (Jay), Howard (Brigid), Soper (Stephen),
Almquist (Julie), Chmelka (M. Beth), » The Role of Therapeutic Alliance in Therapy Outcomes for
Youth in Residential Care », Residential Treatment For Children & Youth, vol 25, n° 2, 2008,
p. 145‑165.
Henriksen (Anna), Degner (Jürgen) et Oscarsson (Lars), « Youths in coercive residential care:
attitudes towards key staff members’ personal involvement, from a therapeutic alliance
perspective », European Journal of Social Work, vol 11, n° 2, 2008, p. 145‑159.
Hirschi (Travis), The causes of delinquency, Berkeley, University of California Press, 1969, 309 p.
Hochschild (Arlie Russell), « Travail émotionnel, règles de sentiments et structure sociale »,
Travailler, vol 9, n° 1, 2003, p. 19‑49.
Hoeve, Machteld), Stams (Geert Jan J. M.), van der Put (Claudia E.), Dubas (Judith Semon), van der
Laan (Peter H.) et Gerris (Jan R. M.), « A Meta-analysis of Attachment to Parents and
Delinquency », Journal of Abnormal Child Psychology, vol 40, n° 5, 2012, p. 771‑785.
Horvath (Adam O.) et Greenberg (Leslie S.), « Development and validation of the Working
Alliance Inventory », Journal of Counseling Psychology, vol 36, n° 2, 1989, p. 223‑233.
Horvath (Adam O.) et Symonds (B. Dianne), « Relation between working alliance and outcome in
psychotherapy: A meta-analysis », Journal of Counseling Psychology, vol 38, n° 2, 1991, 139-149.
Hülsheger (Ute R.) et Schewe (Anna F.), « On the costs and benefits of emotional labor: A meta-
analysis of three decades of research », Journal of Occupational Health Psychology, vol 16, n° 3, 2011,
p. 361‑389.
Hussein (Shereen), Stevens (Martin) et Manthorpe (Jill), International social care workers in England:
Profile, motivations, experiences and future expectations, London, Social Care Workforce Research
Unit, King’s College London. Consulté à l’adresse : https://www.kcl.ac.uk/sspp/policy- institute/
scwru/pubs/2010/husseinetal2010internationalfinalreport.pdf
Hussein (Shereen), Stevens (Martin) et Manthorpe (Jill), « International social care workers in
England: Profile, motivations, experiences and future expectations », 2010.
Hwang (Jeong Yeong), Plante (Thomas) et Lackey (Katy), « The Development of the Santa Clara
Brief Compassion Scale: An Abbreviation of Sprecher and Fehr’s Compassionate Love Scale »,
Pastoral Psychology, vol 56, n° 4, 2008, p. 421‑428.
Jamet (Ludovic), « La professionnalisation des éducateurs de justice : dynamique et tensions d’un
processus complexe », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », n° 12, 2010, p. 141‑154.
Jeantet (Aurélie), « L’émotion prescrite au travail », Travailler, 9, n° 1, 2003, p. 99‑112.
Jeffries (Vincent), « Religiosity, benevolent love, and long-lasting marriages », Humboldt Journal of
Social Relations, vol 30, n° 1, 2006, p. 77‑106.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
23
Karasek (Robert), Brisson (Chantal), Kawakami (Norito), Houtman (Irene), Bongers (Paulien) et
Amick (Benjamin), « The Job Content Questionnaire (JCQ), an instrument for internationally
comparative assessments of psychosocial job characteristics », Journal of occupational health
psychology, vol 3, n° 4, 1998, p. 322-355.
Korczak (Janusz), Le droit de l’enfant au respect, Paris, Fabert, 2009, 136 p.
Kunce (Linda J.) et Shaver (Philip R.), « An attachment-theoretical approach to caregiving in
romantic relationships », Advances in Personal Relationships, n° 5, 205‑237, 1994.
Lambert (Michael J.) et Barley (Dean E.), « Research summary on the therapeutic relationship and
psychotherapy outcome », Psychotherapy: Theory, Research, Practice, Training, vol 38, n° 4, 2001,
p. 357‑361.
Le Scelleur (Hélène) et Garneau (Stéphanie), « L’auto-divulgation délibérée au prisme du travail
social : entre délégitimation professionnelle et requalification des savoirs d’expérience »,
Intervention, n° 144, 2016, p. 29‑41.
Lenoir (Yves) et Vanhulle (Sabine), « Les finalités en éducation : des discours socio-idéologiques
aux positionnements épistémologiques et axiologiques », dans Favre (Daniel), Hasni (Abdelkrim)
et Reynaud (Christian), Les valeurs explicites et implicites dans la formation des enseignants. Entre
« toujours plus » et « mieux vivre ensemble », Bruxelles, De Boeck, 2008, p. 55-72.
Lenzi (Catherine) et Pény (Bernard), L’ordre éducatif recomposé. De l’art de la prudence dans
l’accompagnement des mineurs sous main de justice. Rapport final de recherche pour le compte de la
mission Droit et, justice, 2015, consulté à l’adresse http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-
content/uploads/2016/03/RapportGIP_MINEURS_PJJ_250216_VF_CL-1.pdf
Lipsey (Mark W.), « The Primary Factors that Characterize Effective Interventions with Juvenile
Offenders: A Meta-Analytic Overview », Victims & Offenders, vol 4, n° 2, 2009, p. 124‑147.
Loeber (Rolf), « Development and risk factors of juvenile antisocial behavior and delinquency »,
Clinical Psychology Review, vol 10, n° 1, 1990, p. 1‑41.
Malti (Tina) et Krettenauer (Tobias), « The Relation of Moral Emotion Attributions to Prosocial
and Antisocial Behavior: A Meta-Analysis », Child Development, vol 84, n° 2, 2013, p. 397‑412.
Manso (Ana), Rauktis (Mary Elizabeth) et Boyd (A. Suzanne), « Youth Expectations about
Therapeutic Alliance in a Residential Setting », Residential Treatment For Children & Youth, vol 25, n
° 1, 2008, p. 55‑72.
Maslach (Christina) et Jackson, (Susan E.), « The measurement of experienced burnout », Journal
of Organizational Behavior, vol 2, n° 2, 1981, p. 99–113.
Matthews (Betsy) et Hubbard (Dana), « The Helping Alliance in Juvenile Probation: The Missing
Element in the “What Works” Literature », Journal of Offender Rehabilitation, vol 45, n° 1‑2, 2007,
p. 105‑122.
Meirieu (Philippe), « Praxis pédagogique et pensée de la pédagogie », Revue Française de Pédagogie,
vol 120, n° 1, 1997, p. 25‑37.
Mikulincer (Mario), Shaver (Phillip R.) et Gillath (Omri), « A behavioral systems perspective on
compassionate love », dans Fehr (Beverley), Sprecher (Susan) et Underwood (Lynn G.), The science
of compassionate love: Theory, research, and applications, Malden, Blackwell, 2009, p. 223-256.
Mikulincer (Mario), Shaver (Phillip R.), Gillath (Omri) et Nitzberg (Rachel A.), « Attachment,
caregiving, and altruism: boosting attachment security increases compassion and helping »,
Journal of Personality and Social Psychology, 89, n° 5, 2005, p. 817‑839.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
24
Mikulincer (Mario), Shaver (Phillip R.) et Pereg (Dana), « Attachment theory and affect
regulation: The dynamics, development, and cognitive consequences of attachment-related
strategies », Motivation and Emotion, vol 27, n° 2, 2003, p. 77‑102.
Miller (Jonas G.), Kahle (Sarah), Lopez (Monica) et Hastings (Paul D.), « Compassionate love
buffers stress-reactive mothers from fight-or-flight parenting », Developmental Psychology, vol 51,
n° 1, 2015, p. 36‑43.
Moore (Ken), Moretti (Marlene M.) et Holland (Roy), « A New Perspective on Youth Care
Programs: Using Attachment Theory to Guide Interventions for Troubled Youth », Residential
Treatment For Children & Youth, vol 15, n° 3, 1997, p. 1‑24.
Neff (Lisa A.) et Karney (Benjamin R.), « Compassionate love in early marriage », dans Fehr
(Beverley), Sprecher (Susan) et Underwood (Lynn G.), The science of compassionate love: Theory,
research, and applications, Malden, Blackwell, 2009, p. 201‑222.
Niedhammer (Isabelle), Ganem (Valérie), Gendrey (L.), David (Sandra) et Degioanni (Stéphanie),
« Propriétés psychométriques de la version française des échelles de la demande psychologique,
de la latitude décisionnelle et du soutien social du « Job Content Questionnaire » de Karasek :
résultats de l’enquête nationale SUMER », Santé publique, vol 18, n° 3, 2006, p. 413‑427.
Noddings (Nel), Caring: A feminine approach to ethics and moral education, Berkeley, University of
California Press, 1984, 236 p.
Noddings (Nel), Starting at home: Caring and social policy, Berkeley, University of California Press,
2002, 349 p.
Oman (Doug), « Compassionate love: accomplishments and challenges in an emerging scientific/
spiritual research field », Mental Health, Religion & Culture, vol 14, n° 9, 2011, p. 945‑981.
Oman (Doug), Thoresen (Carl E.) et Hedberg (John), « Does passage meditation foster
compassionate love among health professionals?: a randomised trial », Mental Health, Religion &
Culture, vol 13, n° 2, 2010, p. 129‑154.
Omoto (Allen M.), Malsch (Anna M.) et Barraza (Jorge A.), « Compassionate acts: motivations for
and correlates of volunteerism among older adults », dans Fehr (Beverley), Sprecher (Susan) et
Underwood (Lynn G.), The science of compassionate love: Theory, research, and applications, Malden,
Blackwell, 2009, p. 257-282.
Orsi (Mylène Magrinelli), Lafortune (Denis) et Brochu (Serge), « Care and Control: Working
Alliance Among Adolescents in Authoritarian Settings », Residential Treatment For Children & Youth,
vol 27, n° 4, 2010, p. 277‑303.
Perreault (Michelle E.), « Vérification des liens entre les stresseurs, le soutien social, la santé
psychologique au travail et la qualité de la relation élève-enseignant », Thèse de doctorat de
psychologie, Université de Montréal, 2011, consulté à l’adresse https://
papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/5481
Pianta (Robert C.), Student-Teacher Relationship Scale: Professional Manual, Lutz, Psychological
Assessment Resources, 2001.
Pianta (Robert C.) et Nimetz (Sheri L.), « Relationships between children and teachers:
Associations with classroom and home behavior », Journal of Applied Developmental Psychology, vol
12, n° 3, 1991, p. 379‑393.
Postic (Marcel), La relation éducative, Paris, PUF, coll. Éducation et formation/ Recherches
scientifiques, 2001, 336 p.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
25
Rogers, (Carl R.), « The necessary and sufficient conditions of therapeutic personality change »,
Journal of Counseling Psychology, n° 21, 1957, 95‑103.
Ross (Elizabeth C.), Polaschek (Devon L. L.) et Ward (Tony), « The therapeutic alliance: A
theoretical revision for offender rehabilitation », Aggression and Violent Behavior, vol 13, n° 6, 2008,
p. 462‑480.
Sallée (Nicolas), « Les mineurs délinquants sous éducation contrainte. Responsabilisation,
discipline et retour de l’utopie république dans la justice des mineurs française. », Déviance et
société, vol 38, n° 1, 2014, p. 77–101.
Scholte (Evert M.) et Van Der Ploeg (Jan D.), « Exploring Factors Governing Successful Residential
Treatment of Youngsters with Serious Behavioural Difficulties Findings from a Longitudinal
Study in Holland », Childhood, vol 7, n° 2, 2000, p. 129‑153.
Shirk (Stephen R.) et Karver (Marc S.), « Prediction of treatment outcome from relationship
variables in child and adolescent therapy: A meta-analytic review », Journal of Consulting and
Clinical Psychology, vol 71, n° 3, 2003, p. 452‑464.
Shirk (Stephen) R., Karver (Marc S.) et Brown (Renee), « The alliance in child and adolescent
psychotherapy », Psychotherapy, vol 48, n° 1, 2011, p. 17‑24.
Simpson (Jeffry A.), « Influence of attachment styles on romantic relationships », Journal of
Personality and Social Psychology, vol 59, n° 5, 1990, p. 971‑980.
Simpson (Jeffry A.), Rholes (William S.) et Nelligan (Julia S.), « Support seeking and support giving
within couples in an anxiety-provoking situation: The role of attachment styles », Journal of
Personality and Social Psychology, vol 62, n° 3, 1992, p. 434‑446.
Smith (Amie E. M.), Msetfi, (Rachel M.) et Golding (Laura), « Client self rated adult attachment
patterns and the therapeutic alliance: A systematic review », Clinical Psychology Review, vol 30, n
° 3, 2010, p. 326‑337.
Sprecher (Susan) et Fehr (Beverley), « Compassionate love for close others and humanity »,
Journal of Social and Personal Relationships, vol 22, n° 5, 2005, p. 629‑651.
Sprecher (Susan) et Fehr (Beverley), « Dispositional attachment and relationship-specific
attachment as predictors of compassionate love for a partner », Journal of Social and Personal
Relationships, vol 28, n° 4, 2011, p. 558‑574.
Sprecher (Susan), Zimmerman (Corinne) et Abrahams (Erin M.), « Choosing Compassionate
Strategies to End a Relationship: Effects of Compassionate Love for Partner and the Reason for
the Breakup », Social Psychology, vol 41, n° 2, 2010, p. 66‑75.
Steinert (Tilman) et Whittington (Richard), « A bio-psycho-social model of violence related to
mental health problems », International Journal of Law and Psychiatry, vol 36, n° 2, 2013, p. 168‑175.
Underwood (Lynn G.), « Compassionate love: A framework for research », dans Fehr (Beverley),
Sprecher (Susan) et Underwood (Lynn G.), The science of compassionate love: Theory, research, and
applications, Malden, Blackwell, 2009, p. 3-25.
van Dierendonck (Dirk) et Patterson (Kathleen), « Compassionate Love as a Cornerstone of
Servant Leadership: An Integration of Previous Theorizing and Research », Journal of Business
Ethics, vol128, n° 1, 2015, p. 119‑131.
Van IJzendoorn (Marinus H.), « Attachment, Emergent Morality, and Aggression: Toward a
Developmental Socioemotional Model of Antisocial Behaviour », International Journal of Behavioral
Development, vol 21, n° 4, 1997, p. 703‑727.
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
26
Van Ijzendoorn (Marinus H.), Schuengel (Carlo) et Bakermans-Kranenburg (Marian J.),
« Disorganized attachment in early childhood: Meta-analysis of precursors, concomitants, and
sequelae », Development and psychopathology, 11, n° 2, 1999, p. 225‑250.
Vial (Michel), Le travail des limites dans la relation éducative : Aide ? Guidage ? Accompagnement ?,
Paris, L’Harmattan, 2010, 294 p.
Virat (Mael), Dimension affective de la relation enseignant-élève : effet sur l’adaptation psychosociale des
adolescents (motivations, empathie, adaptation scolaire et violence) et rôle déterminant de l’amour
compassionnel des enseignants, Thèse de doctorat, Université Paul Valéry-Montpellier III, 2014,
consulté à l’adresse http://www.theses.fr/2014MON30048
Virat (Mael), « Le care dans le discours des enseignants spécialisés : une modalité relationnelle
avec les adolescents « difficiles » », Penser l’Éducation, n° 37, 2015, p. 133‑152.
Virat (Mael) et Cheval (Perrine), « Je t’aime, moi non plus », Les Cahiers Dynamiques, n° 1, 2017,
p. 67–80.
Virat (Mael), Trouillet (Raphaël) et Favre (Daniel), L’amour compassionnel des enseignants : un
déterminant de la qualité de la relation enseignant-élève, dans Poncelet (Déborah) et Vlassis
(Joëlle), Décrocher n’est pas une fatalité. Le rôle de l’école dans l’accrochage scolaire. Actes du 2ème
colloque international du Lasalé sur le décrochage scolaire, p. 36‑45, 2014, consulté à l’adresse :
http://www.hepl.ch/files/live/sites/systemsite/files/uer-ps/documents/lasale%20actes%20du%
20colloque%202%20luxembourg%202014.pdf
Virat (Mael), Trouillet (Raphaël) et Favre (Daniel), « A French adaptation of the Compassionate
Love Scale for teachers : validation on a sample of teachers and correlation with teacher
autonomous motivation », Psychologie Française, 2018. https://doi.org/10.1016/j.psfr.2018.03.003
Volling (Brenda L.), Kolak (Amy M.) et Kennedy (Denise E.), « Empathy and compassionate love in
early childhood: Development and family influence », dans Fehr (Beverley), Sprecher (Susan) &
Underwood, Lynn G), The science of compassionate love: Theory, research, and applications, Malden,
Blackwell, 2009, p. 161-200.
Willer (Erin K.), « Health-care Provider Compassionate Love and Women’s Infertility Stressors »,
Communication Monographs, vol 81, n° 4, 2014, p. 407‑438.
Zack (Sanno Elena), Castonguay (Louis G.) et Boswell (James Franklin), « Youth Working Alliance:
A Core Clinical Construct in Need of Empirical Maturity », Harvard Review of Psychiatry, vol 15, n
° 6, 2007, p. 278‑288.
Zegers (Monique A.), Schuengel (Carlo), van IJzendoorn (Marinus H.) et Janssens (Jan M.),
« Attachment representations of institutionalized adolescents and their professional caregivers:
Predicting the development of therapeutic relationships », American Journal of Orthopsychiatry, vol
76, n° 3, 2006, p. 325‑334.
NOTES
1. « L’action de la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sera recentrée sur les
mineurs délinquants ».
Décisions du conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008, p. 2. Consulté à
l’adresse : http://www.sup-equip.org/actualite/actu/medad-2008/rgpp_11-06-2008/
rgpp-11-06-2008_decisions-cmpp.pdf
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
27
2. L’auteur tient à remercier l’administration centrale de la Protection judiciaire de la jeunesse et
en particulier Luc-Henry Choquet, responsable du pôle recherche, pour avoir rendue possible
l’enquête présentée ici.
RÉSUMÉS
Les effets positifs de l’alliance entre les éducateurs et les adolescents qu’ils accompagnent, en
particulier en contexte judiciaire, commencent à être documentés. Cette alliance, qui repose
notamment sur la création d’un lien affectif, est déterminée par différents facteurs, liés aux
individus ou à l’environnement au sein duquel ils interagissent. Cette étude s’intéresse au rôle de
l’engagement affectif des professionnels sur l’établissement de relations affectives avec les
adolescents et au rôle du soutien social, perçu au travail par les professionnels, sur leur
engagement affectif. Elle s’intéresse également à la motivation professionnelle. Le concept
mobilisé ici de manière novatrice est celui d’amour compassionnel conçu, dans la perspective de
la théorie de l’attachement, comme une manifestation du système de caregiving (ou d’attention et
de soin) des professionnels.
Après avoir été contactés par courriel, 107 professionnels de la Protection judiciaire de la
jeunesse ont répondu à un questionnaire utilisant différents outils psychométriques.
Les résultats indiquent que l’amour compassionnel des professionnels est associé à des relations
avec les adolescents où la proximité affective est plus grande. De plus, le soutien reçu de la part
des collègues est lié à l’amour compassionnel. Enfin, l’engagement affectif et les relations
affectives sont associés à une plus grande motivation professionnelle. Ces résultats suggèrent
donc que les éducateurs mais également les équipes et les institutions partagent la responsabilité
de l’alliance créée avec les adolescents.
The positive effects of the alliance between youth workers and the adolescents they accompany,
particularly in the judicial context, are beginning to be documented. This alliance which is
especially based on the creation of an emotional bond is influenced by various factors related to
the individuals or the environment in which they interact. This study examines the role of
juvenile justice youth workers’ affective engagement in creating emotional relationships with
adolescents and the role of perceived social support at work on affective engagement. It also
focuses on motivation at work. We mobilize here the concept of compassionate love which is
conceived as a manifestation of the caregiving system in an attachment perspective.
Contacted by email, 107 juvenile justice youth workers responded to a questionnaire using
different psychometric tools.
The results indicate that workers’ compassionate love is associated with greater affective
closeness in relationships with adolescents. In addition, the support received from coworkers is
related to compassionate love. Finally, affective engagement and affective bonds are associated
with greater motivation at work. These results suggest that social workers and also work teams
and organizations share the responsibility for the alliance created with adolescents.
Los efectos positivos de la alianza entre los educadores y los adolescentes a los que asisten, en
particular en el contexto judicial, se están comenzando a documentar. Esta alianza, que se basa
fundamentalmente en la creación de un vínculo afectivo, se ve influenciada por diferentes
factores relacionados con las personas o con el entorno en el que interactúan. Este estudio
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
28
examina el papel del compromiso afectivo de los profesionales en la creación de relaciones
afectivas con los adolescentes y el papel del apoyo social que perciben los profesionales en el
trabajo en relación con su compromiso afectivo. Asimismo, también aborda la motivación
profesional. El concepto que se aplica aquí de manera innovadora es el del amor compasivo
concebido, desde la perspectiva de la teoría del apego, como una manifestación del sistema de la
asistencia que proporcionan los profesionales.
Tras haber sido contactados por correo electrónico, 107 profesionales de la Protección Judicial de
la Juventud respondieron a un cuestionario utilizando diferentes herramientas psicométricas.
Los resultados indican que el amor compasivo de los profesionales se asocia con relaciones con
los adolescentes en las que la cercanía afectiva es mayor. Además, el apoyo recibido por parte de
los compañeros de trabajo está relacionado con el amor compasivo. Finalmente, el compromiso
afectivo y las relaciones afectivas se asocian con una mayor motivación profesional. Estos
resultados sugieren, por tanto, que los educadores, y también los equipos y las instituciones,
comparten la responsabilidad de la alianza que se crea con los adolescentes.
INDEX
Mots-clés : adolescence, alliance, amour compassionnel, attachement, délinquance, justice des
mineurs, motivation, soutien social au travail
Keywords : adolescence, attachment, compassionate love, delinquency, juvenile justice,
motivation, social support at work, working alliance
Palabras claves : adolescencia, alianza, amor compasivo, apego, delincuencia, justicia de
menores, motivación, apoyo social al trabajo
AUTEUR
MAEL VIRAT
Mael Virat est chercheur en psychologie à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse
(ENPJJ) et associé au laboratoire Psitec, EA 4072, Université de Lille et au Lirdef, EA 3749,
université de Montpellier.
Adresse électronique : [email protected]
Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...
Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018
29