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alsic.org ou alsic.u-strasbg.fr Volume 11, en cours, 2008 article mis en ligne en mars 2008 Recherche Des baladeurs MP3 en classe d'allemand - L'effet de l'autorégulation matérielle de l'écoute sur la compréhension auditive en langue seconde Stéphanie ROUSSEL 1 , Angelika RIEUSSEC 1 , Jean-Luc NESPOULOUS 1 , André TRICOT 2 1 Université Toulouse le Mirail, France ; 2 IUFM de Midi-Pyrénées, France Résumé : Nous rendons compte de plusieurs expérimentations au cours desquelles des élèves français de secondes LV1 allemand ont écouté plusieurs documents sonores en allemand au format MP3 sur ordinateur. Pendant leur écoute, leur écran a été filmé. Les mouvements de la souris et donc précisément les codes temporels (time codes) des pauses, des retours en arrière et des avances rapides effectués pendant l'écoute ont ainsi été enregistrés, puis analysés. Cette méthode nous a permis de rendre compte des stratégies cognitives d'écoute autorégulée. Les données sont analysées d'un point de vue linguistique et psycholinguistique. Nous avons pu dégager quatre grands types d'écoute. Il en ressort que les auditeurs plus compétents ont une approche plus globale de la tâche d'écoute et que les moins compétents s'arrêtent plus souvent et ont plus de difficultés à comprendre le message. Notre étude montre que la possibilité d'exercer un contrôle sur l'input sonore améliore en règle générale la performance en compréhension. Cette performance dépend elle-même de la stratégie d'écoute utilisée et du niveau initial des auditeurs. 1. Introduction 2. Première contribution empirique : effets des conditions d'écoute et du niveau initial sur la compréhension 3. Deuxième contribution empirique : effet des conditions d'écoute sur la compréhension 4. Analyse des stratégies d'autorégulation matérielle de l'écoute 5. Troisième contribution empirique : effet de l'autorégulation matérielle de l'écoute et du niveau initial sur la compréhension ALSIC : Des baladeurs MP3 en classe d'allemand - L'effet de l'aut... http://alsic.u-strasbg.fr/v11/roussel/alsic_v11_04-rec1.htm 1 sur 32 02/10/08 16:30

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alsic.org ou alsic.u-strasbg.frVolume 11, en cours, 2008

article mis en ligne en mars 2008Recherche

Des baladeurs MP3 en classe d'allemand - L'effetde l'autorégulation matérielle de l'écoute sur la

compréhension auditive en langue seconde

Stéphanie ROUSSEL1, Angelika RIEUSSEC1, Jean-Luc NESPOULOUS1, AndréTRICOT21 Université Toulouse le Mirail, France ; 2 IUFM de Midi-Pyrénées, France

Résumé : Nous rendons compte de plusieurs expérimentations au coursdesquelles des élèves français de secondes LV1 allemand ont écouté plusieursdocuments sonores en allemand au format MP3 sur ordinateur. Pendant leurécoute, leur écran a été filmé. Les mouvements de la souris et donc précisémentles codes temporels (time codes) des pauses, des retours en arrière et desavances rapides effectués pendant l'écoute ont ainsi été enregistrés, puisanalysés. Cette méthode nous a permis de rendre compte des stratégiescognitives d'écoute autorégulée. Les données sont analysées d'un point de vuelinguistique et psycholinguistique. Nous avons pu dégager quatre grands typesd'écoute. Il en ressort que les auditeurs plus compétents ont une approche plusglobale de la tâche d'écoute et que les moins compétents s'arrêtent plus souventet ont plus de difficultés à comprendre le message. Notre étude montre que lapossibilité d'exercer un contrôle sur l'input sonore améliore en règle généralela performance en compréhension. Cette performance dépend elle-même de lastratégie d'écoute utilisée et du niveau initial des auditeurs.

1. Introduction2. Première contribution empirique : effets des conditions d'écoute et duniveau initial sur la compréhension3. Deuxième contribution empirique : effet des conditions d'écoute sur lacompréhension4. Analyse des stratégies d'autorégulation matérielle de l'écoute5. Troisième contribution empirique : effet de l'autorégulation matérielle del'écoute et du niveau initial sur la compréhension

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6. Du discours entendu en L2 au texte rappelé en L1 : quelques hypothèsessur les mécanismes cognitifs en jeu7. Interprétation cognitive et linguistique des mouvements d'autorégulation8. ConclusionRéférences

1. Introduction

a compréhension auditive est une composante essentielle dans l'apprentissage de lalangue seconde (L2). Il semble donc important d'étudier ce processus complexe et plusparticulièrement les mécanismes qui sous-tendent l'écoute de la langue étrangère, premièreétape du chemin qui mène vers la compréhension. Comme un magnétophone dans unlaboratoire de langue, un baladeur MP3 donne la possibilité à chaque élève de régulerlibrement son écoute, c'est-à-dire de s'arrêter, de revenir en arrière, de réécouter despassages du document sonore autant de fois qu'il ou elle le souhaite. Le baladeur MP3permet en outre de réaliser cette activité dans une salle de classe ordinaire à relativementpeu de frais. Cette technologie présente aussi un intérêt méthodologique. Elle devraitpermettre en effet d'analyser finement le processus d'autorégulation de l'écoute et sonincidence sur la compréhension auditive. L'objectif de cette recherche est de commencer àréaliser une telle analyse.

Nous distinguons "l'autorégulation matérielle de l'écoute" à l'aide d'un baladeur MP3, c'est-à-dire les "mouvements" de l'auditeur au sein du document sonore, de ce que les chercheursappellent "la compétence métacognitive d'autorégulation", qui désigne l'ensemble desprocessus selon lesquels l'apprenant contrôle ses activités de compréhension et d'écoute(Flavell, 1979). Si les deux concepts sont à distinguer, nous pensons que les mouvementseffectués par les apprenants pendant l'écoute du document sont de bons indicateurs de leurhabileté à diriger leur activité.

Pour étudier les stratégies d'autorégulation matérielle de l'écoute d'un document sonore enL2, plus précisément ici en allemand et pour caractériser les incidences de l'utilisation deces stratégies sur la compréhension orale, nous avons mis en place un protocole spécifique.Ce protocole spécifique devrait nous permettre d'établir et de décrire les liens entre leniveau initial des apprenants, évalué lors d'une tâche d'écoute et de compréhension enallemand, les stratégies d'écoute utilisées et la compréhension auditive. Nous souhaitonsainsi répondre à différentes questions.

Comment la compréhension auditive dépend-elle du niveau initial des élèves et desdifférentes conditions d'écoute ?

a.

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Quelles sont les stratégies mises en place par les élèves lors de l'écoute autorégulée ?b.

Ces stratégies dépendent-elles du niveau initial des élèves ?c.

Les points d'arrêt, de retour ou de pause des apprenants, correspondent-ils à desdifficultés linguistiques dans le discours écouté ?

d.

Quels sont les processus cognitifs qui permettent de surmonter ces difficultés etd'accéder au sens du discours ?

e.

La recherche en langue seconde a gagné en importance ces dernières années. Cependant L.Vandergrift constate, dans sa très récente revue de littérature sur la recherche dans ledomaine de l'écoute, qu'un certain nombre d'aspects en restent insondés (Vandergrift, 2007).Or, dans l'apprentissage d'une langue vivante, la compréhension de l'oral est unecompétence essentielle. Les apprenants doivent apprendre à donner sens au fluxininterrompu d'une langue méconnue. S'ils en appréhendent l'indéniable importance, ils enperçoivent avec angoisse la difficulté. Elkhafaifi (2005), a montré que l'anxiété liée à latâche d'écoute avait une influence sur la performance en compréhension des apprenants.D'autres études montrent que ces derniers considèrent la tâche d'écoute comme la tâche laplus difficile du domaine de l'apprentissage des langues (Graham, 2003). S. Graham amontré que de jeunes Anglais attribuaient leurs difficultés de compréhension soit à leurpropre inaptitude à comprendre l'oral, soit à la difficulté des supports et des textes, mais trèspeu à l'utilisation de stratégies inadaptées (Graham, 2006 : 178). Il semble donc importantd'étudier les processus en jeu dans la tâche d'écoute - compréhension en L2 et de biendistinguer les effets sur la performance en compréhension de différents facteurs tels leniveau initial, les propriétés linguistiques, la nature des supports et les stratégies mises enœuvre par les apprenants eux-mêmes.

1.1. Les stratégies d'écoute, définition et typologie

Les stratégies d'écoute occupent dans la littérature consacrée à la compréhension auditiveune place grandissante, surtout à partir des années 1980. La littérature concernant lesstratégies d'apprentissage d'une langue étrangère est jusqu'alors constituée essentiellementd'observations des apprenants en classe, de leur manière d'apprendre, de comprendre,d'établir le sens d'un document sonore. De ces recherches est issue tout d'abord laconception selon laquelle certaines stratégies utilisées par les "bons" apprenants leurpermettent d'être plus performants dans leur apprentissage (Naiman et al., 1995 ; Rubin,1975). Ces travaux ont fondé l'idée qu'il était pertinent d'enseigner ces stratégies etd'entraîner les apprenants à accomplir différentes tâches. L'efficacité de cet enseignementstratégique a été étayée empiriquement (Brown et Palincsar, 1982 ; Palincsar et Brown,

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1984 ; Chipman et al. 1985).

Ces observations ainsi que le cadre théorique fourni par la psychologie cognitive ont permisde définir plus précisément le terme de "stratégies". O'Malley et Chamot les définissentcomme "les pensées et les comportements spécifiques que les individus utilisent pours'aider à comprendre, à apprendre et à retenir l'information nouvelle"[1] (O'Malley etChamot, 1990 : 1). Dans leur ouvrage, ils appliquent cette définition en particulier auxstratégies d'apprentissage en langue étrangère. Les recherches antérieures et la psychologiecognitive ont également conduit les chercheurs à élaborer une classification des stratégies,qui distingue une part opératoire (stratégies cognitives) et une part exécutive (stratégiesmétacognitives). Les stratégies cognitives sont directement liées à la tâche d'apprentissageet impliquent une manipulation directe ou une transformation du support d'apprentissage(Brown et Palincsar, 1982 ; O'Malley et Chamot, 1990). M. C. Goh ajoute que lesapprenants utilisent les stratégies cognitives pour stocker et rappeler les nouvellesinformations. Elle donne l'exemple d'apprenants qui infèrent le sens de mots difficiles àpartir du contexte pour faciliter leur compréhension (Goh, 1998 : 126). Plus récemment, L.Vandergrift, se référant au travaux de O'Malley et Chamot (1990) et d'Oxford (1990),définit les stratégies cognitives, comme : "des activités mentales de manipulation dulangage pour accomplir une tâche" (Vandergrift, 2003 : 473, notre traduction).

Les stratégies métacognitives se situent à un niveau supérieur. L'auditeur prend consciencede son processus d'apprentissage et le contrôle. Il réfléchit à la manière dont lesinformations sont perçues et adapte son comportement pour parvenir à les traiter et régulerce traitement. Les stratégies métacognitives comportent la planification de la tâche(planning), l'attention sélective, l'autocontrôle et l'évaluation. M. C. Goh (Goh, 1998 : 126)souligne que les chercheurs s'accordent à dire que les stratégies métacognitives sontimportantes, voire plus importantes que les stratégies cognitives (Wenden, 1987 ; Oxford,1990 ; Paris et Winograd, 1990). Il semble aussi que les apprenants les plus habiles utilisentplus de stratégies métacognitives que les autres.

Les auditeurs plus compétents ont une approche globale de la tâche, inférant lesens à partir du contexte, s'engageant dans un auto-questionnement et reliantce qu'ils ont entendu à leur connaissance du monde et à leur expériencepersonnelle. Leurs pairs moins habiles font moins de connections entre lesinformations nouvelles et leur propre vie. D'un point de vue quantitatif, lesauditeurs les plus habiles contrôlent davantage leur tâche, et utilisent plusl'élaboration et l'inférence que leurs pairs moins habiles[2] (Vandergrift, 2003 :467, notre traduction).

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En 1995, A. U. Chamot, dans "Learning Strategies and Listening Comprehension", lepremier chapitre de l'ouvrage édité par D. J. Mendelsohn et J. Rubin, A guide for theteaching of second language listening écrit qu'il est possible qu'une stratégie d'apprentissagesoit un comportement observable, comme la prise de notes, mais que, le plus souvent, lesstratégies d'apprentissage sont des processus mentaux non observables comme l'associationd'une information nouvelle à des connaissances antérieures ou la visualisation d'une histoireque l'on est en train d'écouter (Chamot, 1995 : 13).

Cette définition nous intéresse particulièrement puisqu'elle conditionne, d'après nous, lechoix de la méthode d'étude des stratégies selon que le chercheur en fait un comportementobservable ou non.

1.2. Les méthodes d'étude des stratégies d'écoute et decompréhension auditive

De nombreuses expérimentations menées dans ce domaine, utilisent différentes méthodespour étudier les stratégies cognitives et linguistiques ou métacognitives. Les chercheurs dudomaine, considérant peut-être que l'on ne peut observer les processus mentaux, préfèrentgénéralement étudier des témoignages écrits ou oraux d'apprenants plutôt que lecomportement effectif d'écoute. Dans les études, il est demandé aux apprenants de rapporterce qu'ils ont compris du discours écouté. Ils doivent ensuite rendre compte de la perceptionqu'ils ont eu de l'accomplissement de leur tâche de compréhension et de leurs stratégies.Pour mettre les stratégies d'écoute en évidence, L. Vandergrift analyse, par exemple, desrapports oraux d'apprenants, leur demandant de raconter ce qui se passe dans leur esprit àl'écoute d'un dialogue en français[3] (Vandergrift, 2003 : 463-496). Notons que c'estl'examinateur qui fait écouter le dialogue c'est-à-dire qui arrête l'enregistrement à desmoments précis pour faire parler l'élève au fur et à mesure. D'autres chercheurs utilisent desrapports verbaux (Goh, 2002), mais aussi des rapports écrits (Goh, 1999) ou desquestionnaires (Vandergrift, 2002 ; Vandergrift, 2005). L. Vandergrift et ses collègues ontmême récemment conçu un questionnaire spécifique appelé MAQ (The MetacognitivesAwareness Listening Questionnaire) dans le but d'accéder aux compétences des apprenants(Vandergrift et al., 2006).

On peut aisément situer ces méthodes dans le domaine de l'analyse des activitésmétacognitives, en utilisant, par exemple, la catégorisation de Mariné et Huet (1998). Ceschercheuses distinguent les analyses dépendantes d'une tâche des analyses indépendantesd'une tâche ; dans chacune de ces deux catégories, elles font aussi la différence entre lesanalyses verbales, qui portent sur l'analyse de ce que dit l'apprenant de sa tâche, et lesanalyses non verbales, qui portent sur d'autres paramètres comme, par exemple sur le

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comportement de l'apprenant pendant sa tâche. Mariné et Huet rapportent les nombreusescritiques dont ont fait l'objet les techniques verbales lors des analyses indépendantes : cesméthodes présupposent une habileté langagière du sujet qui n'est pas toujours donnée.D'autre part, il est délicat de travailler sur ce que le sujet dit de situations hypothétiques oulointaines. Les analyses dépendantes semblent donner de meilleurs résultats, l'idéal étantsans doute de combiner plusieurs outils d'analyse. C'est dans cette perspective que s'inscritnotre recherche : son objectif est d'élaborer un accès direct et précis aux stratégies d'écoute.Direct, dans le sens où nous cherchons à analyser comment les élèves écoutenteffectivement, et non pas uniquement ce qu'ils en disent. Précis, dans le sens où nousvoulons que notre analyse de l'écoute permette de savoir ce que font les élèves au niveau dechaque mot du discours écouté.

1.3. La méthode que nous avons élaborée

Comme nous l'avons dit dans l'introduction, nous pensons que les mouvementsd'autorégulation effectués sur l'outil informatique par les élèves pendant l'écoute relèventbien d'une stratégie d'écoute : ils constituent la part observable de cette stratégie. Ce choixméthodologique n'est en rien contradictoire avec les autres méthodes existantes, il seraitplutôt complémentaire. Notre protocole consiste à enregistrer tous les mouvements que lesapprenants effectuent avec la souris pendant le temps de l'écoute du document sonore(pause, retour en arrière, avance rapide) et à étudier sur quel endroit (i.e. sur quel mot)chaque mouvement aboutit dans le discours entendu. Cette analyse nous permet aussi dedécrire et de "mesurer" l'ampleur de chaque mouvement, c'est-à-dire le temps qui séparedeux mouvements. On inférera, par exemple, qu'un mouvement ample (écoute du discoursentier sans aucune pause) correspond à une stratégie d'écoute globale, tandis qu'unmouvement très court (écoute avec une pause toutes les deux secondes) correspond à unestratégie d'écoute analytique.

Notre protocole d'expérimentation va nous permettre de voir tout d'abord quel est lecomportement de l'élève pendant l'écoute, c'est-à-dire s'il revient ou s'arrête sur lesdifficultés particulières qu'il a repérées, s'il reconnaît la structure du discours et parvient àdécouper son écoute selon les unités de sens. Nous aurons ainsi de bons indicateurs de ceque nous considérons comme la capacité des élèves à planifier et à réguler leur tâche poursurmonter les difficultés qu'ils rencontrent et ainsi accéder au sens. Ensuite, l'analyse desrappels des élèves va nous permettre d'étudier les processus en jeu lors du passage dudiscours entendu en L2 au texte restitué en L1 à l'écrit : les sujets rappellent-ils mot à motce qu'ils ont entendu ? Ont-ils encore assez de ressources cognitives disponibles pourconceptualiser, synthétiser le contenu du discours ? Parviennent-il à comprendre le sensglobal sans pour autant saisir tous les mots ? Leur connaissance du monde leur permet-elle

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de compenser leurs lacunes lexicales ou grammaticales ?

1.4. Présentation de la contribution empirique

Nous nous proposons d'étudier tout d'abord l'influence du niveau initial et des conditionsd'écoute sur la compréhension. Pour ce faire nous avons réalisé trois expérimentations.Dans un premier temps, nous faisons écouter des discours aux élèves dans trois conditions :les élèves écoutent le discours une fois, deux fois ou devant un ordinateur en autonomieavec la possibilité de réguler eux-mêmes leur écoute. Nous supprimons ensuite unecondition d'écoute, les discours sont donc écoutés deux fois ou en écoute autorégulée, puis,dans la dernière expérimentation, le même discours est écouté par tous les sujets en écouteautorégulée. Nous repérons parallèlement les stratégies d'autorégulation matérielle del'écoute des apprenants lorsqu'ils sont en écoute autorégulée. Nous terminerons cette étudepar l'analyse des rappels des élèves associée au repérage temporel de leurs mouvementsd'autorégulation matérielle. Nous émettrons ainsi des hypothèses quant aux processuscognitifs de construction du sens.

2. Première contribution empirique : effets desconditions d'écoute et du niveau initial sur lacompréhension

Pour cette première expérimentation, nous souhaitons vérifier les hypothèses suivantes :

le niveau initial des apprenants a une influence sur la compréhension ;a.

l'écoute autorégulée permet aux apprenants d'avoir de meilleures performances encompréhension ;

b.

les conditions d'écoute et le niveau initial des apprenants ont un effet combiné sur lacompréhension.

c.

Pour vérifier ces hypothèses, nous avons mis en place le protocole d'expérimentation quisuit.

2.1. Participants

L'expérimentation porte sur un groupe classe de trente élèves de seconde apprenantl'allemand en première langue. Dans cette classe 13 élèves appartiennent à la "sectioneuropéenne". Deux d'entre eux sont bilingues. Les trente élèves ont donc 3 heuresd'allemand langue générale par semaine (avec un des auteurs comme enseignant), les treize

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élèves de la "section européenne" ont en plus deux heures d'histoire géographie en allemand(avec un autre professeur). Tous les élèves de cette classe de seconde sont, dans l'ensemble,considérés comme des utilisateurs indépendants (Cadre Européen Commun de Référencepour les Langues, CECRL, 2001 : 25) et leur niveau de langue se situe pour toutes lescompétences langagières globalement au niveau B1 du CECRL (2001), il y a, bien entendu,des différences interindividuelles importantes et les élèves les moins performants peuventêtre considérés comme des utilisateurs élémentaires (A2), mais en aucun cas comme desdébutants absolus. Le niveau de base des élèves en compréhension auditive est établi lorsd'un pré-test : tous les apprenants ont écouté deux fois de façon collective, un discours qu'ilsont ensuite rappelé individuellement en français. Leurs rappels sont ensuite évalués avecune analyse propositionnelle (voir, par exemple, Kintsch et Van Dijk, 1978 ; Denhière,1984). Puis les élèves sont classés selon leur résultat au test en trois groupes de 10, legroupe A désignant les élèves ayant eu les meilleures performances au pré-test, le groupe Bceux ayant eu les performances intermédiaires et le groupe C les moins bonnes.

2.2. Protocole expérimental

Lors des écoutes en langue seconde, il est demandé aux élèves de prendre des notes puis derédiger en français un rappel écrit du discours correspondant à la consigne suivante : "Ditestout ce que vous avez compris de ce discours". Nous comparons les performances desélèves en compréhension dans différentes conditions d'écoute. L'écoute individuelleautorégulée est comparée, pour chaque discours et pour chaque groupe, à deux conditionsd'écoute collective (les élèves ne peuvent pas réguler leur écoute). Cette écoute collectiveest imposée une fois ou deux fois.

Les apprenants écoutent un document sonore sur ordinateur et les mouvements de la sourispendant l'écoute sont enregistrés avec le logiciel Camstudio. Nous avons ainsi pu obtenirplusieurs fichiers vidéo au format ".avi", que nous avons analysés en relevant les momentsprécis (l'unité temporelle est la seconde) auxquels apparaissaient des pauses, des retours enarrière et des avances rapides. Précisément associées au séquençage temporel des supportsaudio, ces vidéos nous permettent de déterminer exactement les mots ou les passages surlesquels l'apprenant s'arrête, revient en arrière ou, au contraire, qu'il dépasse expressément.Cette analyse nous permet ensuite de représenter graphiquement chaque parcours d'écoute.

La première expérimentation porte sur trois discours de même niveau de difficulté. Lesélèves sont soumis à l'écoute des trois discours, selon leur niveau initial (A, B ou C) dansles différentes conditions d'écoute (autorégulée, une écoute imposée, deux écoutesimposées).

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Discours 1 Discours 2 Discours 3

Groupe A Imposée 1 fois Autorégulée Imposée 2 fois

Groupe B Imposée 2 fois Imposée 1 fois Autorégulée

Groupe C Autorégulée Imposée 2 fois Imposée 1 fois

Tableau 1 - Plan d'expérience de la première manipulation.

2.3. Traitement des données

Pour évaluer la compréhension, nous utilisons l'analyse propositionnelle en comptant, dansles rappels en français des élèves, le nombre de propositions correspondant à cellescontenues dans le discours entendu. Nous attribuons un point par proposition rappelée.L'utilisation de synonymes ou expressions équivalentes est considérée comme correcte.

Pour analyser l'activité d'écoute, nous nous appuyons sur les fichiers vidéo recueillis et surles représentations graphiques des parcours des élèves.

2.4. Résultats

2.4.1. Analyse quantitative : influence du niveau initial sur la compréhension

Pré-Test Discours 1 Discours 2 Discours 3

Groupe A(n = 10)

25,6 (10,3) Imposée 1 fois15,4 (6,5)

Autorégulée24,2 (12,1)

Imposée 2 fois35 (7,9)

Groupe B(n = 10)

14 (3,1) Imposée 2 fois8,4 (3,4)

Imposée 1 fois8 (2,0)

Autorégulée28,2 (6,2)

Groupe C(n = 10)

7 (2,4) Autorégulée10,1 (4,7)

Imposée 2 fois8,3 (5,1)

Imposée 1 fois8,3 (2,9)

Tableau 2 - Pourcentage moyen de propositions rappelées (et écart-type) pour chaquediscours, selon chaque groupe et chaque condition d'écoute.

Les discours sources ayant un nombre différent de propositions et le discours 3 étantmanifestement plus aisé à comprendre pour les élèves (ce que nous n'avions pas relevé audépart de l'expérimentation), nous avons transformé les données comme suit. Nous avonsd'abord calculé la proportion de propositions rappelées pour chaque conditionexpérimentale. Ensuite, pour "neutraliser" l'effet de facilité du discours, nous avonstransformé en score Z les résultats. En d'autres termes, nous avons transformé les

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performances de chaque élève de sorte que, pour chacun des trois discours, la moyenne soità 0 et l'écart-type à 1. Ce calcul nous a permis de comparer les groupes d'élèves, malgré ladifférence des textes.

Pré-Test Discours 1 Discours 2 Discours 3

Groupe A(n = 10)

25,6 (10,3) Imposée 1 fois15,4 (0,78)

Autorégulée24,2 (0,99)

Deux fois35 (0,76)

Groupe B(n = 10)

14 (3,1) Deux fois8,4 (-0,55)

Une fois8 (-0,51)

Autorégulée28,2 (0,29)

Groupe C(n = 10)

7 (2,4) Autorégulée10,1 (-0,23)

Deux fois8,3 (-0,48)

Une fois8,3 (-1,06)

Tableau 3 - Pourcentage moyen de propositions rappelées (et score Z) pour chaquediscours, selon chaque groupe et condition d'écoute.

Conformément à nos attentes, il y a une interaction entre l'effet du niveau initial des élèveset celui des conditions d'écoute sur les performances, que ce soit en écoute imposée une fois(F (2,29) = 22,7 ; p < 0,01), en écoute imposée deux fois (F (2,29) = 12,6 ; p < 0,01) ou enécoute autorégulée (F (2,29) = 4,47) ; p < 0,02). Il y a un effet simple des conditionsd'écoute sur les performances : l'écoute autorégulée permet à la majorité des élèves d'obtenirde meilleurs scores que l'écoute imposée, que celle-ci ait lieu une fois (t (29) = -4,45 ; p <0,01) ou deux fois (t (29) = -3,16 ; p < 0,01). Il n'y a pas, en revanche, de différencesignificative entre les deux écoutes imposées.

Le niveau initial garde un rôle fort quelles que soient les conditions d'écoute. Le groupe Areste dans toutes les conditions le groupe qui garde les meilleures performances encompréhension.

2.4.2. Analyse des stratégies d'autorégulation matérielle de l'écoute

En analysant les fichiers vidéo des écoutes autorégulées des élèves nous avons pu dégagerquatre grands types de stratégies d'écoute. Nous les avons représentés sous forme degraphiques avec en abscisse le temps total d'écoute en secondes, c'est-à-dire le temps passépar l'apprenant à écouter le discours et en ordonnée la durée du discours en secondes. Il estainsi aisé de visualiser les pauses pendant l'écoute, les retours en arrière et les avancesrapides.

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Figure 1 - Type 1 : écoute globale ininterrompue suivie d'une écoute analytique.

Figure 2 - Type 2 : écoute analytique suivie d'une ou plusieurs écoutes globales.

Figure 3 - Type 3 : une ou plusieurs écoutes en continu sans mouvementd'autorégulation.

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Figure 4 - Type 4 : écoute exclusivement analytique sans écoute globale du discours.

Type 1. Douze élèves ont utilisé une stratégie de type 1, ils écoutent une fois le texte danssa globalité puis décomposent les écoutes suivantes.

Quatre élèves, du groupe A, effectuent une deuxième écoute très décomposée dudocument sonore, les événements sont courts, nombreux, et très peu espacés. Leursperformances sont excellentes (m = 37,3 %).

Quatre élèves, du groupe B, détaillent leur deuxième écoute puis font d'autres écoutesen continu. Leurs performances sont bonnes (m = 32 %).

Quatre élèves du groupe C, font une seconde écoute décomposée, avec cependant unnombre d'événements bien inférieur à celui des deux scénarii précédents, leursperformances sont faibles (m = 16,1 %).

Type 2. Quatre élèves ont employé une stratégie de type 2, ils réalisent une première écouteanalytique. Peuvent suivre des écoutes ininterrompues tout comme d'autres écoutesfractionnées.

Deux élèves du groupe A réécoutent l'ensemble du texte en continu, après une écoutedécomposée, leurs scores sont au-dessus de la moyenne (m = 23,45).

Deux élèves du groupe B obtiennent un meilleur score en compréhension avec cettemême stratégie (m = 31,7 %).

Type 3. Quatre élèves n'ont effectué aucun mouvement d'autorégulation pendant leurécoute.

Deux de ces élèves appartiennent au groupe A. L'un obtient un très bon score, l'autreun score très faible (m = 13,75).

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Un élève du groupe B obtient un résultat moyen (17,4 %).

Une élève du groupe C obtient un résultat faible (7,4 %).

Type 4. Neuf élèves n'ont à aucun moment écouté le texte dans sa globalité. Lesmouvements sont parfois nombreux et désordonnés.

Deux élèves du groupe A. L'une d'entre eux écoute puis s'arrête pour prendre cequ'elle vient d'entendre sous la dictée. Cette germanophone, bilingue, a utilisé letemps qui lui était imparti pour transcrire la moitié du texte en allemand (ses longuespauses ne lui ont pas laissé le temps de tout écouter). Elle a ensuite traduit avecexactitude ses notes en français afin de rédiger son rappel. Notons ici que sa stratégieest peut-être influencée par notre consigne de départ : "Dites tout ce que vous avezcompris de ce discours". Elle obtient finalement un résultat qui ne correspond pas àson niveau (15,3 %). L'autre élève du groupe A obtient un score de 22,4 %.

Deux élèves du groupe B choisissent cette stratégie (m = 21,35 %).

La plupart des élèves utilisant ce type de stratégie appartiennent au groupe C, les scores encompréhension sont très faibles (m = 7,95 %) et les mouvements difficiles à interpréter carnombreux et désordonnés[4].

L'analyse de l'autorégulation de l'écoute montre que les élèves du groupe A et les élèves dugroupe B ayant un niveau initial élevé ont tendance à choisir une stratégie d'écoute de type1 ou qui y ressemble fortement et obtiennent un très bon résultat en compréhension. Ilsutilisent plus souvent et à meilleur escient les potentialités de l'outil informatique que lesélèves du groupe C. Les élèves du groupe A sont probablement plus à même de se repérerdans le document sonore et de localiser les points clés sur lesquels ils veulent revenir. Lastratégie de type 2 donne de bons résultats si la première écoute décomposée analytique estsuivie d'une écoute globale qui permet la reconstitution du sens général du discours. Lastratégie de type 3 est choisie ici par deux élèves seulement dont le niveau initial est faibleou moyen, ce qui ne nous permet pas encore d'analyser les causes de son utilisation. Lastratégie 4 est, quant à elle, employée par de nombreux élèves, les résultats sont hétérogèneset généralement moins bons qu'avec les autres stratégies. Pour les élèves du groupe C, onpeut penser que l'utilisation de cette stratégie traduit une incapacité à se repérer dans le texteet à contrôler efficacement la tâche d'écoute, ce qui expliquerait en partie le désordre deleurs mouvements de régulation. Ces résultats nous permettent d'affirmer que le facteur"niveau initial" garde un rôle fort sur les résultats en écoute individuelle quelles que soientles stratégies employées par les élèves.

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Dans cette première expérimentation, les caractéristiques linguistiques des discours ne sontpas prises en compte. Pour l'instant nous avons utilisé des discours de même niveau ou deniveau approchant, les caractéristiques linguistiques des discours, (vocabulaire, syntaxe,rythme, intonation, etc.) ne sont pas encore entrées en ligne de compte dans cette étude. Lepremier plan d'expérience ne permet pas de véritablement isoler les effets de chaque facteur.Un même discours n'ayant pas été écouté par des élèves de niveau comparable dans desconditions d'écoute différentes, on ne peut pas véritablement rendre compte de l'effet desconditions d'écoute. C'est pour combler cette lacune que nous avons conduit une secondeexpérimentation.

3. Deuxième contribution empirique : effet desconditions d'écoute sur la compréhension

3.1. Protocole expérimental

Pour compléter la première étude, outre l'analyse linguistique des discours mentionnés plushaut, nous avons conduit une autre expérimentation qui est une réplication de la précédente,avec le même protocole et les mêmes participants. Une élève ayant quitté la classe en coursd'année n'a pu participer aux expérimentations. Nous avons soumis un seul et mêmediscours à écouter aux vingt-neuf élèves. Le premier groupe constitué de quatorze élèves l'aécouté en écoute individuelle avec la possibilité de réguler le rythme d'écoute. Le deuxièmegroupe constitué de quinze élèves l'a écouté collectivement, deux fois, de manière imposée,sans possibilité d'autorégulation. Nous avons établi les deux groupes de sorte qu'ils soientde même niveau. Les moyennes des notes des deux groupes au test initial sont doncidentiques. Nous voulons, en ce sens, examiner tout d'abord l'effet général de la réécoute surle score en compréhension tous niveaux confondus. De manière plus détaillée, nous verronssi les stratégies de réécoute du groupe d'écoute individuelle et le niveau initial desapprenants de ce même groupe ont une influence sur leurs performances en compréhension.Pour la commodité du lecteur nous rappelons, pour ne pas qu'il puisse y avoir de confusion,que les groupes A, B et C renvoient au niveau initial des élèves et que les groupes 1 et 2renvoient ici aux conditions d'écoute pour cette expérimentation.

3.2. Résultats : performances en compréhension

Les élèves sont donc, comme décrit précédemment, répartis en deux groupes. Le discourscomprenait 67 propositions. Nous avons établi, comme pour l'expérimentation précédente,des pourcentages de propositions rappelées en fonction des deux conditions d'écoute.

Groupe Conditions d'écoute Score en compréhension

1 (n = 14) écoute individuelle,autorégulée

21,5 (9,22)

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Tableau 4 - Taux moyen en pourcentage (et écart-type) des propositions rappeléesselon la condition d'écoute.

La moyenne des scores du groupe 1 est de 21,5 % et celle du groupe 2 de 12,5 %. Le teststatistique du t de Student montre que cette différence n'est pas significative (p ≈ 0,09).Autrement dit, les différences entre les performances entre individus à l'intérieur de chaquegroupe sont tellement importantes que la probabilité (p) que la différence entre 21,5 % et12,5 % soit due au hasard est non négligeable. Elle est ≈ 0,09 (c'est-à-dire de 9 %approximativement). Cette absence de signification statistique vient simplement du fait que,à l'intérieur de chaque groupe de 15 élèves, les différences sont fort importantes. En écouteautorégulée, les taux de rappel vont de 2 à 30 %, tandis qu'en écoute imposée deux fois, ilsvont de 0 à 38 %. Si la réécoute semble permettre à chacun d'améliorer la compréhension, lefacteur niveau initial garde un rôle fort sur la compréhension : l'autorégulation de l'écoutene permet pas à un élève de niveau initial faible d'obtenir de meilleures performances qu'unélève de niveau initial élevé écoutant le même discours deux fois.

4. Analyse des stratégies d'autorégulationmatérielle de l'écoute

Sur les quatorze élèves ayant écouté le discours en écoute autorégulée, les six élèves dugroupe A ont utilisé une stratégie de type 1 et ont une moyenne de score de 28 %, ce qui estau-dessus de la moyenne du groupe 1. Parmi les quatre élèves du groupe B présents dans legroupe 1, deux ont choisi une stratégie de type 2 et ont un score moyen de 13,5 %. Un autrea choisi une stratégie de type 1 et obtient un score de 19,5 %, et le dernier une stratégie detype 3. Il obtient un score de 12 %. Parmi les 4 élèves du groupe C, l'un a choisi unestratégie de type 1 et obtient 39 %, le deuxième a choisi une stratégie de type 2 et obtient19,5 %, et les deux autres ont choisi une stratégie de type 4 et obtiennent 6 %.

Même si les élèves sont trop peu nombreux pour que nous puissions tirer des conclusionsgénérales de ces résultats, certaines tendances qui se dessinaient déjà dans la premièreexpérimentation se précisent. Les élèves du groupe A choisissent souvent une écouteglobale suivie d'une écoute décomposée ce qui suppose qu'ils savent repérer les difficultésdu discours et décider des moments de leurs pauses ou de leurs retours en arrière. Lastratégie de type 1 semble entraîner de meilleurs scores en compréhension. Les élèves dugroupe C ou du groupe B avec un niveau initial faible utilisent des stratégies de type 3 ou 4,ce qui suppose qu'ils se repèrent moins bien dans le discours et ne peuvent identifier lesdifficultés.

5. Troisième contribution empirique : effet de

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l'autorégulation matérielle de l'écoute et du niveauinitial sur la compréhension

Pour affiner notre analyse qualitative, tous les élèves sont soumis à l'écoute du même texte,dans les mêmes conditions, les comparaisons entre les utilisations des différentes stratégies,en fonction du niveau initial des élèves et des caractéristiques linguistiques du texte serontplus évidentes.

5.1. Protocole expérimental

Nous avons soumis un seul et même discours à écouter aux vingt-neuf élèves de notremême classe de seconde LV1 (Langue Vivante 1). Tous l'ont, cette fois-ci, écouté enautonomie avec la possibilité de réguler leur rythme d'écoute. Nous voulions pouvoir jugerla compréhension de tous les élèves sur le même discours et examiner de manière plusdétaillée les stratégies d'écoute utilisées ainsi que leur effet sur la compréhension.

5.2. Performance en compréhension

Les élèves ont tous écouté le même discours dans les mêmes conditions d'écoute. Pour unemeilleure lecture des résultats, nous les donnons en fonction du groupe auquel appartenaientles élèves après le test initial. Nous avons établi des pourcentages de propositions rappelées.

Groupes Score encompréhension

Groupe A (n = 10) 54 % (29)

Groupe B (n = 10) 29 % (13)

Groupe C (n = 9) 22 % (13)

Tableau 5 - Pourcentage moyen de propositions rappelées et écart-type selon leniveau initial, en écoute autorégulée.

La moyenne des scores de la classe est de 37 %, ce qui est un bon score moyen encompréhension comparé au score atteint par les apprenants lors de l'écoute des autresdiscours, dans les mêmes conditions et dans des conditions différentes. Les scores desélèves se situent entre 7,5 % et 92,6 %. Le niveau initial garde un rôle fort pendant l'écouteindividuelle sur le score en compréhension : un test de t montre que la différence entre lesgroupes A et B est significative (p < 0,02) de même qu'entre les groupes A et C (p < 0,01),tandis que la différence entre les groupes B et C n'est pas significative (p ≈ 0,1). On

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remarque surtout que certains élèves du groupe B et C ont d'aussi bons scores que les élèvesdu groupe A et inversement. Nous verrons plus bas si les stratégies des élèves ayant lesmêmes scores sont identiques indépendamment de leur niveau initial.

5.3. Analyse des stratégies d'autorégulation matérielle de l'écoute

En général pour ce discours, la stratégie de type 1 est la stratégie la plus employée par lesapprenants, elle est aussi celle qui donne les meilleurs résultats en compréhension. Dixapprenants sur les vingt-neuf utilisent une stratégie de type 1, leur score moyen encompréhension est de 38,16 %, ce qui est supérieur à la moyenne de l'ensemble des scores(37 %). Quatre élèves utilisent des stratégies de type 2, leur score moyen est de 19,3 %.Sept élèves utilisent des stratégies de type 3, où les mouvements sont nombreux etdésordonnés et obtiennent un score moyen de 30,5 %. Enfin huit élèves utilisent desstratégies de type 4 et obtiennent un score moyen de 24,6 %.

Étudions maintenant le type de stratégie utilisé par les élèves en fonction de leur niveauinitial. Dans le groupe A (qui a le meilleur niveau initial), sur dix élèves, sept utilisent desstratégies de type 1, et ont un excellent score moyen de 62 %. Deux choisissent desstratégies de type 2 et obtiennent 40,5 %. Un seulement utilise une stratégie de type 4, sansaucun mouvement, et obtient seulement 17 %.

Dans le groupe B, un élève utilise une stratégie de type 1, et obtient 22 %. Un élève utiliseune stratégie de type 2, et obtient 39 %. Cinq utilisent la stratégie de type 3, leur scoremoyen est de 25,5 % et enfin trois utilisent la stratégie de type 4 et obtiennent 34,2 %.

Dans le groupe C, deux élèves utilisent une stratégie de type 1, leur score moyen est de30,5 %, un élève utilise une stratégie de type 2, son score est de 5 %, deux utilisent unestratégie de type 3, leur score moyen est de 36,5 %. Enfin quatre élèves de ce groupe surneuf, utilisent une stratégie de type 3, ne faisant aucun retour en arrière, aucune pause ouavance rapide et obtiennent un résultat de 23,8 %.

En résumé, ces résultats montrent que :

La stratégie de type 1, est la stratégie la plus employée par les élèves ayant un bonniveau initial, elle est aussi celle qui permet d'obtenir un meilleur score encompréhension, même si le niveau initial garde un rôle fort sur la performance encompréhension. Elle traduit une bonne capacité à se repérer dans le discours et àréguler sa tâche d'écoute.

La stratégie de type 3 est utilisée surtout par les élèves ayant un score au prétestfaible, n'accomplissant aucun mouvement de régulation et ayant du mal à se repérer

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dans le document sonore. Son utilisation implique un score faible en compréhension,sauf quand elle est utilisée par des élèves bilingues qui n'ont aucun besoin de régulerleur tâche puisqu'ils accèdent directement au sens du discours.

5.4. Discussion

L'écoute autorégulée améliore la compréhension de tous les élèves, mais avec beaucoup dedifférences entre les élèves. Nous avons repéré quatre grands types de scenarii d'écoute chezles élèves. Le facteur "niveau initial" garde un rôle fort sur les résultats en écouteindividuelle quelles que soient les stratégies employées par les élèves.

En règle générale, la stratégie de type 1 donne les meilleurs résultats surtout pour les élèvesayant un bon niveau initial. Notons que, dans chaque groupe, l'écart-type est grand, ce quisignifie que les différences entre les élèves sont importantes. La stratégie de type 2 donnedes résultats un peu inférieurs en compréhension et beaucoup d'élèves du groupe Bl'utilisent. La stratégie de type 3 est utilisée par deux catégories d'apprenants. Il y a ceux quiexcellent en compréhension, ils sont parfois bilingues. Pour eux le sens du discours estimmédiat et ils n'éprouvent donc pas la nécessité de revenir en arrière ou de faire des pausespendant leur écoute. Mais cette même stratégie de type 3 est aussi employée par des élèvesen très grande difficulté pour lesquels nous supposons que déterminer un point de repèredans le discours, que ce soit un élément compris ou non, puis y revenir ou le réécouter,représente un coût cognitif trop important. La stratégie de type 4 est, quant à elle, utiliséepar des apprenants dont le niveau initial est généralement faible et qui n'ont peut-êtresimplement pas de véritable stratégie d'écoute, les pauses, les retours en arrière et les raresavances rapides sont nombreux et irréguliers.

Pour justement analyser plus précisément la source de ces mouvements effectués pendantl'écoute, il convient maintenant d'examiner les rappels des élèves associés aux endroitsprécis du discours où ils ont régulé leur écoute. Nous avons donc tout d'abord, grâce àl'analyse des vidéos et au découpage temporel du discours en allemand, déterminé lesmoments précis où l'élève accomplit ces mouvements. Nous connaissons, grâce à cetteméthode, les éléments linguistiques du discours sur lesquels les élèves s'arrêtent oureviennent en arrière. Nous associons ce repérage aux rappels en français des élèves afind'émettre des hypothèses sur les causes linguistiques et cognitives de la régulation.

6. Du discours entendu en L2 au texte rappelé enL1 : quelques hypothèses sur les mécanismescognitifs en jeu

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Nous nous intéressons ici aux rappels en français effectués par les apprenants après l'écoutedu discours. Nous associons, pour chaque apprenant, les éléments linguistiques sur lesquelsportent ses mouvements pendant l'écoute à la manière dont il rend compte de ces mêmeséléments linguistiques dans son rappel en français. Nous considérons les rappels desapprenants comme des transformations du discours entendu. Selon les apprenants et lespassages du rappel, le discours peut être dégradé ou rendu avec exactitude. Parfois même ilarrive que certains rappels contiennent des éléments qui, dans le discours source, ne sontqu'implicites. Pour des questions de place, nous ne donnons ici que les exemples qui,d'après nous, permettent le mieux d'entrevoir les processus cognitifs en jeu lors du passagedu discours en L2 au rappel en L1.

6.1. Quand le sens est dégradé

6.1.1. Omission

Certains élèvent laissent un blanc dans leur rappel ou utilisent des points de suspension pourindiquer qu'ils ont conscience de ne pas rappeler un ou plusieurs éléments. Mareska parexemple écrit dans son rappel : "Puis elle propose d'être manager et ...". L'omission conduità une détérioration du modèle de situation et semble indiquer que la base lexicale estinsuffisante pour identifier les mots entendus. Cette lacune peut cependant être due à unesurcharge en mémoire de travail. Surcharge qui, elle-même, peut avoir comme origine ladifficulté d'encodage de l'information sonore et comme conséquence une impossibilitéd'intégrer les connaissances stockées en mémoire à long terme. Notre protocoleexpérimental ne nous permet pas de choisir entre ces différentes hypothèses.L'interprétation est plus aisée sur l'indice suivant de dégradation du rappel.

6.1.2. De l'allemand dans les rappels en français

D'autres apprenants laissent de l'allemand dans leurs rappels ou transcriventphonétiquement sans tout à fait comprendre. Matthieu (groupe B) et Adélie (groupe C)écrivent par exemple : "Marco serait 'Baur'" : le mot "Bauer" (paysan) n'est pas reconnu, ilest transcrit, certes approximativement. Les deux élèves ont pourtant concentréconsciemment leur attention sur ce mot en le réécoutant, ce qui exclut l'hypothèse de ladifficulté d'encodage ou de segmentation et corrobore celle de lacune lexicale.

6.1.3. Parataxe

De nombreux rappels d'apprenants du groupe C sont peu structurés et constituésd'énumérations d'éléments entendus, peu reliés entre eux par des mots du discours ou desconjonctions. Or la présence de connecteurs, dans le modèle de Van Dijk et Kintsch (1983),

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relatif à la production de textes écrits, témoigne en surface de la mise en place de relationsprédicatives reliant de manière cohérente chaque proposition à la précédente. Lesapprenants du groupe C peinent donc à assurer le maintien de la cohérence du texte, quidemande un effort cognitif important.

6.1.4. Mot à mot

Même quand ils comprennent tous les mots, certains élèves ayant obtenu un score faible autest initial font des erreurs de construction du sens général. Adélie par exemple a biencompris qu'il fallait "dire au revoir au groupe". Elle n'en déduit pas pour autant le sens réelde cette expression qui, dans le contexte de l'interview d'une star du rock, signifie que legroupe se retire de la scène musicale et qu'il ne jouera plus. Elle comprend pourtant qu'il y ades "réactions" du public, mais elle ne relie pas entre eux les éléments qu'elle comprend àun niveau superficiel et local. Sa centration sur le mot à mot et ses faibles connaissanceslexicales ne lui permettent pas de libérer assez de ressources pour élaborer un modèle desituation cohérent, ce qui est aussi l'indice d'une approche de la compréhension ascendante,propre aux auditeurs les plus en difficulté. "Les auditeurs moins compétents ont tendance àsegmenter ce qu'ils entendent sur la base du mot à mot, utilisant presque exclusivement uneapproche ascendante" (Vandergrift, 2003 : 467, notre traduction)[5].

Un autre élève centre son écoute sur la mésaventure de Marco avec la presse. Les mots qu'ilcomprend sont "journaux, télévision" et "énerver". Dans le texte, Marco, célèbre chanteurde rock, a lancé une fausse rumeur pour se moquer des médias, racontant, qu'il allait semarier. Guillaume, avec les mots qu'il a entendus et compris, rappelle : "Elle (la journaliste)lui demande si cela ne l'énerve pas trop qu'on le voit partout à la télévision et dans lesjournaux. Mais lui ça ne le dérange pas". La construction du sens est plausible maisincorrecte. On a ici un bon exemple d'utilisation par l'apprenant de ses connaissances dumonde : on s'imagine facilement en effet qu'une célébrité puisse être exaspérée par ces tropnombreuses apparitions dans les médias. Mais ce processus descendant de construction dusens échoue ici par manque de lexique.

6.2. Quand le sens est intact

6.2.1. Le mot juste

Les apprenants qui trouvent "le mot juste" sont souvent ceux qui ont le meilleur niveauinitial et les connaissances lexicales les plus solides, mais pas seulement. Anne fait partie dugroupe intermédiaire. Après plusieurs écoutes de la description de la chambre d'uneadolescente fan de Leonardo Di Caprio, l'élève rappelle : "... Et que plus tard, elle veut être'Schauspieler', actrice, je suppose". Elle déduit donc le sens d'un mot et avoue au lecteur,

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dans le même temps, par son métacommentaire, qu'il lui était inconnu.

De la même manière, Enaut (groupe A) rappelle : "Il m'a semblé entendre les mots 'nouvelleannée scolaire', donc j'en déduis que le sondage se déroule à la rentrée".

Ces deux élèves produisent ici chacun une inférence linguistique qui leur paraît cohérenteavec ce qu'ils ont déjà entendu et compris. L'inférence est une stratégie cognitive qui peutêtre définie comme "l'utilisation d'informations du discours ou du contexte conversationnel,pour deviner la signification d'éléments langagiers non familiers, associés une tâched'écoute ou pour combler un manque d'informations" (Vandergrift, 2003 : 495, notretraduction)[6].

6.2.2. Des rappels synthétiques

Trouver le mot juste, c'est aussi savoir résumer et conceptualiser en restant le plus prochepossible du sens du discours initial. Dans le discours 2 un mot était particulièrementdifficile car inconnu de la majeure partie des élèves. Il s'agit du mot "Schulfach", quisignifie "la matière scolaire". Certains apprenants ne comprenant pas le mot, formulentl'idée de manière plus globale et juste. Pour l'exemple et pour que le lecteur puissecomparer le discours source et le rappel de l'apprenant, nous donnons la traduction d'unpassage du discours en allemand :

Nous avons interrogé des élèves et des adultes dans la rue. Nous voulions savoir ce que lesélèves munichois devraient apprendre d'autre à l'école. Quelle nouvelle matière scolairedevrait être introduite ?

Mathieu (groupe A) rappelle ce début de discours de manière très générale et synthétiquemais juste, évitant ainsi d'être gêné par le mot qu'il ne connaît pas : "Que pensez-vous d'unemodification du système scolaire ?"

6.3. Quand les apprenants rendent comptent de l'implicite

6.3.1. Des rappels détaillés

Les apprenants reconnaissent la qualité et l'humeur du locuteur à sa voix ou à sonintonation, mais aussi grâce à la dimension paralinguistique de son discours. Mathieu(groupe A) accompagne son rappel des propos des personnages sur l'école par uncommentaire sur leur fonction ou leur qualité qui n'est pas forcément dans le discours : "...la première personne interrogée est une élève... la deuxième personne interrogée est unadulte, il travaille dans les ordinateurs... la troisième personne interrogée est encore unenfant... la quatrième personne interrogée est absolument contre un nouveau système

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scolaire. Il est énervé, cela va encore coûter très cher."

Il en va de même pour Pierre-Antoine (groupe A), qui détaille son rappel, grâce auxéléments paralinguistiques : "... ensuite c'est un homme qui est interrogé, il est offusqué, ilest tout à fait contre l'instauration de ces nouvelles matières, il pense qu'elles ne donnerontpas une éducation de bonne qualité, bref, cela ne correspond pas à sa vision del'éducation...Enfin, la dernière interview est celle d'une femme, elle est un peu indécise, ellea une fille et elle s'inquiète car celle-ci ne sait toujours pas ce qu'elle veut faire plus tard".

Dans le discours 2 on entend effectivement des soupirs et des onomatopées, qui sont dessignes d'indignation ou d'indécision. Pierre-Antoine choisit donc, avec soin, en françaisl'adjectif "offusqué" qui n'est pas dans le texte mais précise que le locuteur est absolumentcontre l'idée d'introduire une nouvelle matière scolaire.

6.3.2. L'ajout de remarques personnelles

Donnons, pour finir, l'exemple d'un apprenant qui ne se contente pas de rappeler ce qu'il aentendu mais ajoute une explication personnelle. "J'ai compris que les enfants dont lesparents avaient le plus d'argent étaient moins gros et les enfants pauvres plus gros, je penseque c'est dû au fait que les gens pauvres ont moins d'argent et achètent donc de lanourriture de mauvaise qualité avec des composants plus gras que dans la nourriture debonne qualité."

L'élaboration est un processus cognitif qui sous-tend ici l'explication personnelle ajoutée parLéonard (groupe A). Contrairement à l'inférence, elle se fait grâce à des éléments extérieursau discours. Vandergrift distingue différents types d'élaboration : l'élaboration grâce àl'expérience personnelle, grâce à la connaissance du monde, grâce à des connaissancesacquises dans des situations académiques, grâce à une combinaison de questions et deconnaissances du monde. Et c'est bien ce que fait Léonard dans l'exemple ci-dessus. Nousentendons ici "inférence" et "élaboration" dans le sens de Vandergrift et non pas dans lesens des psycholinguistes de la compréhension comme Kintsch (1998) ou Le Ny (2005).

6.4. Les métacommentaires

Ils ne relèvent pas des processus cognitifs mais métacognitifs, ils témoignent du contrôlequ'exerce l'apprenant sur son activité de compréhension. Sophie (groupe B) fait souvent partde son incertitude, ce qui montre qu'elle s'interroge sans cesse ce qu'elle a entendu : "Lequatrième est un garçon qui est dans la même chambre que son grand frère qui aime lemétal et qui a des poster de groupes de métal, mais lui préfère les voitures, encore une fois,je n'en suis pas sûre." Elle termine même la fin de son rappel par la remarque suivante :

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"J'ai compris certains éléments et il y en a d'autres dont je ne suis pas vraiment sûre, ce quime permet une approximation de la compréhension de l'écoute".

Pour compléter et préciser notre analyse des processus cognitifs qui sous-tendent laconstruction du sens, nous examinons, maintenant, les caractéristiques des mouvementsd'autorégulation.

7. Interprétation cognitive et linguistique desmouvements d'autorégulation

7.1. Les pauses

Elles permettent aux apprenants de s'arrêter pour prendre des notes.

Elles permettent d'interrompre le flux continu du discours et d'éviter ainsi que lesinformations perçues ne soient trop nombreuses et impossibles à traiter.

Leur nombre varie fortement d'un apprenant à l'autre.

En début de la première ou de la deuxième écoute, elles permettent de fixer d'embléele cadre situationnel : deux élèves par exemple, écoutent et s'arrêtent plusieurs foissur le tout premier passage du discours.

Chez les apprenants des groupes B et C ayant un niveau initial faible, elles sontnombreuses et irrégulières, elles ne correspondent pas vraiment à la fin d'unités desens et sont souvent en milieu de paragraphe. Nous donnons, en exemple, l'écouted'Amaury (groupe B) :

Hallo Leute, hier sind wir wieder mit unserer Sendung ZOOM. Sag uns, wie Duwohnst (pause de 14 s) und wir sagen Dir, wer Du bist. Also, wie sieht DEIN Zimmeraus? Wir haben uns umgehört.

Mich fasziniert Basketball total und deswegen habe ich auch in meinem Zimmer vielePoster von berühmten Basketballspielern hängen. Meine Lieblingsposter sind dieAll-Star-Poster und die Poster von Vince Carter, einem Basketballspieler der TorontoRaptors. Die spielen in der NBA, das ist die weltbeste Basketballliga. Also, ich hab'an allen Wänden Poster, außer über meinem Bett. Mir gefällt's, aber meiner Muttergeht das (pause de 33 s) schon ziemlich auf die Nerven!

Certains élèves, en revanche, se repèrent très bien dans le discours, leurs pauses

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interviennent après les unités de sens, c'est le cas d'Éric (groupe B) : son rappel estd'ailleurs découpé en paragraphes qui coïncident parfaitement avec ceux du discourssource et témoignent de sa capacité à organiser et à hiérarchiser les informations.

Hallo Leute, hier sind wir wieder mit unserer Sendung ZOOM. Sag uns, wie Duwohnst und wir sagen Dir, wer Du bist. Also, wie sieht DEIN Zimmer aus? Wir habenuns umgehört. (pause de 10 s)

Mich fasziniert Basketball total und deswegen habe ich auch in meinem Zimmer vielePoster von berühmten Basketballspielern hängen. Meine Lieblingsposter sind dieAll-Star-Poster und die Poster von Vince Carter, einem Basketballspieler der TorontoRaptors. Die spielen in der NBA, das ist die weltbeste Basketballliga. Also, ich hab'an allen Wänden Poster, außer über meinem Bett. Mir gefällt's, aber meiner Muttergeht das schon ziemlich auf die Nerven! (pause de 10 s)

Na ja, mein Zimmer ist eigentlich das reinste Museum. Ich bewahre alles auf. AlleDinge in meinem Zimmer haben für mich eine besondere Bedeutung. Zum Beispielhab' ich noch immer Muscheln von unserem Italien-Urlaub von vor 5 Jahren. Wasmir gut gefällt, sammle ich, und es kommen nur neue Sachen dazu. Weg kommt nieetwas, weil ... ich kann mich von meinen alten Sachen einfach nicht trennen. (pausede 11 s)

Chez les apprenants du groupe A les pauses sont nombreuses et régulières. Ellestémoignent donc d'une grande capacité à planifier la tâche d'écoute de manièrecohérente, d'une facilité à se repérer dans le discours, d'un parfait repérage des unitésde sens et de la structure du discours. La planification appartient aux stratégiesmétacognitives, elle est ici utilisée avec efficacité. Axel (groupe A) a indéniablementreconnu la structure exacte du discours. Il s'arrête, entre autres, sur "Tango","kennen", "Mathe", "entwickelt" et "leichter im Leben", qui sont l'exacte fin desunités de sens. Il en va de même pour Matthieu (groupe A) et pour Lena, qui s'arrêtepresque exclusivement à la fin des unités de sens :

Für mich wäre Tanzen als Schulfach am interessantesten, mindestens zwei Stundenpro Woche. Der Sportunterricht, vor allem der Gymnastikunterricht, langweilt michtödlich, immer nur Herumturnen mit diesen blöden Gymnastikbällen. Also mit Tanzenwürde die Schule endlich mal auch unsere Interessen und Wünsche berücksichtigen.Aber auf keinen Fall Breakdance, das wollen doch nur die Jungs. Ich wärestattdessen für Mambo, Lambada oder Tango. (pause de 143 s)

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Ich wüsste da sofort was. Ich bin in der Computerbranche tätig und denke, dass manan diesem Medium in Zukunft nicht mehr vorbeikommt -vor allem nicht die Jugend.Computer als Pflichtfach hieße in meinen Augen aber nicht nur, dass dieSchülerinnen und Schüler am Computer, an einigen Programmen, e-mail und Internetherumspielen. Vielmehr fände ich es interessanter, wenn die Schüler über mehrereStunden an einem Projekt arbeiten, bei dem sie den Computer brauchen und alsHilfsmittel einsetzen. Nur so erkennen sie die Möglichkeiten des Computers undlernen vielleicht ihre künftigen Arbeitsfelder kennen. (pause de 143 s)

Ich fände es gut, wenn wir nach dem vielen Unterricht einmal in der Woche einfachkeinen Unterricht hätten. Der Lehrer kann ja dabei sein, ich weiss, dass geht ohneLehrer nicht.... Aber er soll sich in diesen Stunden einfach zurückhalten und uns denInhalt selber bestimmen und gestalten lassen. In dieser Zeit könnten wir dann zumBeispiel Themen besprechen, die uns interessieren oder über Probleme in bestimmtenFächern reden oder ganz einfach lernen... zum Beispiel vor Schulaufgaben. Abereigentlich interessiert mich die Frage, was im Unterricht fehlt weniger als die Frage,wovon es auf jeden Fall zu viel gibt: Mathe. (pause de 60 s)

Was? Ein neues Pflichtfach? Wer soll das denn bezahlen? Wo uns der Staat eh schonständig die Gehälter beschneidet und es darum geht, Stunden zu kürzen. Bevor überein neues Pflichtfach nachgedacht wird, sollten sich erstmal die Bedingungen an denSchulen verbessern. Klassen mit über 25 oder gar 30 Schülern sind doch keinemLehrer mehr zuzumuten, und die Schüler merken auch, dass bei einer solchenKlassengrösse die Qualität des Unterrichts leidet. Da sollte man anfangen, bevorman neue Visionen entwickelt. (pause de 132 s)

Léonard (groupe A) est un exemple de la régularité : lors de sa deuxième écoute, ilfait en moyenne une pause toutes les 10 secondes environ tout au long de son écoute.

7.2. Les retours en arrière

Ils sont les témoins de la réécoute. Ils sont nombreux chez les apprenants de tous lesgroupes et concernent en général les passages les plus difficiles, c'est le cas pour Amaury(groupe B), il réécoute plusieurs fois plusieurs passages du discours, dont en particulierl'intervention du troisième personnage de ce discours mais précise dans son rappel : "Je n'aipas compris le discours de la troisième personne car il employait du vocabulaire qui m'étaitpar trop inconnu". Sur les deux dernières interviews, on ne note chez lui aucune pause niretour en arrière, ce qui prouve que d'une certaine manière, certains apprenants cherchent àsurmonter la difficulté de compréhension par la réécoute et savent repérer les passages qui

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leur posent problème en contrôlant leur écoute.

Élodie (groupe B) réécoute le même passage qu'Amaury. Son rappel est synthétiquemais juste, toutes les interviews du discours sont rappelées en une ou deux phrasescourtes. Pour compenser la difficulté de l'interview n° 3, elle l'a réécoutée plusieursfois. Elle a ainsi pu en faire un rappel équivalent à celui des autres passages. Elle estdonc capable de planifier sa tâche d'écoute de manière cohérente pour aboutir aurésultat recherché.

Philippe aussi concentre son écoute sur les deux interviews les plus difficiles dudiscours (2 et 3). Ses mouvements ne concernent pratiquement que ces passages.

Sophie (groupe B) réécoute plusieurs fois l'interview 2, qui est celle qu'elle comprendle moins bien : " Je n'ai pas bien compris ce que disait la deuxième personne sauf quedans sa chambre, tout pour elle a une signification".

Les retours en arrière sont donc les témoins de la réécoute et d'un choix délibéré de revenirsur certains passages pour des raisons différentes. Ils sont, pour nous, les témoins del'attention directionnelle et donc de l'activité métacognitive. Ils sont moins nombreux chezles élèves du groupe A qui ont moins besoin de réécouter, puisqu'ils comprennent mieux. Ilspermettent aux élèves d'être plus précis dans leurs rappels. Chez les élèves du groupe A, lesretours en arrière concernent les passages les plus difficiles au niveau lexical ou syntaxique.Même si l'effet sur la compréhension n'est pas toujours visible dans les rappels, les élèvesdu groupe B utilisent souvent à bon escient les retours en arrière, tentant de surmonter lesdifficultés d'un passage qu'ils trouvent obscur. Au contraire, les élèves du groupe C ontsouvent tendance à revenir sur des passages compris ou bien rappelés, se concentrant sur cequ'ils connaissent déjà et laissant de côté la difficulté.

7.3. Les avances rapides

Il y en a quelques-unes chez les apprenants ayant un niveau initial faible, mais elles sontmoins nombreuses que chez les apprenants des groupes A et B. Elles sont les témoins d'unebonne maîtrise de la structure du discours et permettent à l'élève de réajuster son retourarrière pour arriver exactement à l'endroit qu'il souhaite réécouter : à deux reprises Amauryse sert de cette possibilité pour cibler l'objet exact de sa réécoute. Élodie ne souhaite pasréécouter le tout début du discours, elle utilise l'avance rapide et se concentre sur un autrepassage.

Chez les apprenants les plus habiles, elles sont encore les témoins d'une très bonne maîtrisede la structure du discours, on observe, par exemple, qu'Axel (groupe A) utilise l'avance

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rapide lorsqu'il est revenu trop en arrière. C'est le cas lors de sa réécoute de la troisièmeinterview. Il s'arrête sur "lassen" (134 s)[7], au milieu de l'interview n° 3, veut la réécouterdepuis le début, et donc revenir sur "kennen" (113 s), il revient en arrière à "wenn dieSchüler" (95 s) puis avance rapidement jusqu'à "einsetzen" (103 s), cela ne correspondtoujours pas à ce qu'il cherche, il effectue donc une seconde avance rapide jusqu'à "kennen"(113 s) puis poursuit son écoute. Axel planifie son écoute, il la structure, et emploie, cefaisant, des stratégies métacognitives efficaces.

Enaut (groupe A) aussi utilise l'avance rapide pour rechercher le passage qu'il veutréécouter, par deux fois, il recherche précisément le même moment pour redémarrer sonécoute, ce qui témoigne d'une importante planification de la tâche d'écoute.

7.4. Discussion : les liens entre stratégies d'écoutes et stratégieslinguistiques

Les apprenants du groupe A ont de solides connaissances lexicales et syntaxiques et un trèsbon niveau initial, ce qui est aussi le cas des quelques élèves du groupe B qui ont un bonscore au prétest. Les stratégies de compréhension qu'ils mettent en place sont donc biendifférentes de celles des autres membres du groupe B et des apprenants du groupe C. Lesstratégies d'autorégulation matérielle de l'écoute ont, chez la plupart des apprenants dugroupe A, les caractéristiques générales suivantes : une écoute en continu puis une écoutedécomposée lors de laquelle les pauses sont nombreuses et régulières et interviennent en find'unité de sens. Les retours en arrière sont peu nombreux, les avances rapides bien plusprésentes que chez les apprenants du groupe C par exemple. Sur le plan linguistique, lerappel de ces apprenants est distancé du discours source, précis et structuré. L'inférence,l'élaboration et le questionnement sont pertinents. Au-delà des stratégies cognitives, cesapprenants, mettent en œuvre des stratégies métacognitives : la régularité des pauses relayéedans leur rappel par une conceptualisation et une formulation pertinente, laisse transparaîtreune forte capacité de planification et d'autocontrôle de la tâche d'écoute. Si le niveau initialgarde pour ces apprenants un rôle fort sur la compréhension, les stratégies d'écoute ont aussileur influence. Ainsi Léonard, Axel et Matthieu (groupe A), obtiennent avec un très bonniveau initial et une stratégie de type 1 de très bons résultats. Anaïs, quant à elle, utilise unestratégie de type 3 et n'obtient malgré son niveau initial qu'un très mauvais score. Lesanalyses linguistiques des rappels des élèves montrent aussi que les stratégies employéesdépendent largement du niveau initial. Les apprenants du groupe C utilisent davantage destratégies de type 3 et 4, les mouvements d'autorégulation sont nombreux et parfoisdifficiles à interpréter. Ces apprenants régulent leur tâche de manière moins précise et leursrappels sont plus proches du mot à mot. Les apprenants du groupe B peuvent être divisés endeux groupes, les apprenants ayant un niveau initial supérieur à la moyenne des apprenants

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de ce groupe ont un comportement comparable aux apprenants du groupe A, ceux qui ontun score plus faible aux apprenants du groupe C.

8. Conclusion

Notre protocole expérimental établit l'effet positif de l'autorégulation de l'écoute sur lacompréhension orale. Nos expérimentations nous permettent aussi de distinguer quatregrands types de stratégies d'autorégulation de l'écoute qui ont un effet sur la compréhension.Dans chacune de ces deux relations de dépendance, le niveau initial des élèves conserve unrôle fort sur leurs performances en rappel. Parmi tous les facteurs testés (niveau initial,stratégie, compréhension), seul le choix fait par les apprenants d'une stratégie d'écoutespécifique ne dépend pas clairement de leur niveau initial ; un élève du groupe C peut toutcomme un élève du groupe A employer une stratégie de type 1. Cependant, il nous semble,et ce point reste à approfondir dans notre recherche, qu'un examen plus détaillé desstratégies nous permettrait de dire que la stratégie de type 1 d'un élève du groupe A n'est pastout à fait identique à la stratégie de type 1 d'un apprenant du groupe C. Le niveau initialdes apprenants garde aussi un rôle fort sur le choix qu'ils font de centrer leur attention surtelle ou telle partie du discours, ainsi que sur le type de processus cognitif en jeu pourrendre compte du sens du discours entendu.

On peut donc émettre l'hypothèse générale selon laquelle l'autorégulation de l'écoute, si ellepermet globalement d'améliorer la compréhension, n'en représente pas moins un coût. Lechoix d'un apprenant de ne pas réguler son écoute pourrait donc être expliqué de deuxmanières. Dans un cas, les apprenants qui comprennent parfaitement le discours entendun'ont pas l'utilité de l'autorégulation. Dans l'autre, les élèves les plus en difficulté estimentque l'énergie dépensée pour réguler leur écoute n'est pas récompensée par une meilleurecompréhension. Il arrive cependant que les élèves les moins compétents, très investis dansla tâche, s'engagent malgré tout dans une autorégulation qu'ils ne parviennent finalementpas à maîtriser. Cela peut donner des parcours d'écoute dont les étapes sont difficiles àexpliquer. Quand le coût de la réécoute est optimal, c'est-à-dire à la fois pas trop élevé etutile, elle est alors utilisée pour, entre autres, revenir sur les passages du discours qui n'ontpas été compris. Chez certains élèves, cette réécoute est réalisée spontanément (elle seraitdéclenchée à l'encodage, lors de l'élaboration du sens littéral du discours), tandis que chezd'autres elle est mise en œuvre après une première écoute complète du discours (la réécouteserait déclenchée par le repérage de lacunes dans le modèle de situation).

Dans une prochaine étude nous souhaitons nous centrer plus avant sur les déclencheurslinguistiques de l'autorégulation de l'écoute. Nous examinerons l'influence de la position dedifficultés linguistiques particulières dans un discours sur le type de stratégie de régulation

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mis en place par l'apprenant.

Références

Les liens externes étaient valides à la date de publication.

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Notes

[1] "The special thoughts or behaviors that individuals use to help them comprehend, learn or retain newinformation".

[2] "More skilled listeners approached the task globally, infering meaning from context, engaging in effectiveself-questioning, and relating what they heard to their world knowledge and personal experience. Their less skilledcounterparts made fewer connections between new information and their own lives. From a quantitativeperspective, more skilled listeners used self monitoring, elaboration and inferencing more than their less skilledpeers."

[3] "What are you thinking now?" "How did you figure that out?", "What's going on in the back of your mind?".

[4] Suite à une erreur de manipulation, lors de l'enregistrement du fichier vidéo, une élève n'est pas prise en comptedans ces observations.

[5] "Less skilled listners tended to segment what they heard on a word by word basis, using almost exclusively abottom-up approch".

[6] "Inferencing: Using information within the text or conversational context to guess the meaning of unfamiliarlanguage items associated with a listening task, or to fill in missing information".

[7] "lassen" se situe 134 secondes après le début du discours.

À propos des auteurs

Stéphanie ROUSSEL est Prag d'allemand à l'université Bordeaux IV et doctorante ensciences du langage sous la direction de Jean-Luc Nespoulous, André Tricot et AngelikaRieussec.Courriel : [email protected]

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Adresse : Université de Toulouse le Mirail, 5 allées Antonio Machado, pavillon de laRecherche, 31058 Toulouse Cedex, France.

Angelika RIEUSSEC est maître de conférences au département d'allemand et chercheuseen psycholinguistique et didactique des langues. Ses travaux portent sur l'étude desprocessus d'apprentissage / enseignement d'une L2 dans des situations de production et decompréhension orales. Un intérêt particulier est porté sur l'étude du lexique mental.Courriel : [email protected] : http://w3.univ-tlse2.fr/lordat/Adresse : Université Toulouse 2, laboratoire Jacques Lordat, Octogone, EA 4156, 5 alléesAntonio Machado, 31058 Toulouse Cedex, France.

Jean-Luc NESPOULOUS est docteur d'état en sciences du langage, titulaire de la chairede neuropsycholinguistique cognitive à l'Institut Universitaire de France, médaille d'argentdu CNRS.Courriel : [email protected] : Université de Toulouse Le Mirail, 5 allées Antonio Machado, pavillon de laRecherche, 31058 Toulouse Cedex, France.

André TRICOT est professeur de psychologie à l'IUFM de Midi-Pyrénées, chercheur aulaboratoire "Travail et cognition" du CNRS (UMR 5263 CLLE CNRS, EPHE et universitéToulouse 2). Ses travaux portent sur l'apprentissage et la recherche d'information avec desdocuments électroniques, selon une perspective ergonomique et cognitive.Courriel : [email protected] : http://perso.orange.fr/andre.tricot/AndreTricot.htmlAdresse : IUFM de Midi-Pyrénées et laboratoire "Travail et Cognition", 56 avenue del'URSS, 31078 Toulouse cedex, France.

Date de réception de l'article : 13 octobre 2007 ; date d'acceptation : 28 octobre 2007.

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