alimentation des chats en soins intensifs par i. goy-thollot et d.a

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DMV, Responsable des Éditions Scientifiques, Communication, Groupe Royal Canin DMV, PhD, Dipl. ACVN, Dipl. ECVCN Directeur Scientifique Nutrition-Santé pour le Centre de Recherche Royal Canin BVSc (Hons) PhD, Dipl. ACVIM, Dipl. ACVN Directrice Scientifique Royal Canin aux États-Unis Pascale Pibot Vincent Biourge Denise Elliott Nutrition Encyclopédie de la Clinique Féline Fermez cette fenêtre pour retourner sur IVIS Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien.

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Page 1: Alimentation des chats en soins intensifs par I. Goy-Thollot et D.A

DMV, Responsable desÉditions Scientifiques,

Communication,Groupe Royal Canin

DMV, PhD, Dipl. ACVN, Dipl.

ECVCNDirecteur ScientifiqueNutrition-Santé pour

le Centre de RechercheRoyal Canin

BVSc (Hons) PhD,Dipl. ACVIM, Dipl. ACVNDirectrice

Scientifique Royal Canin aux

États-Unis

Pascale Pibot Vincent Biourge Denise Elliott

NutritionE n c y c l o p é d i e d e l a

Clinique Féline

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Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien.

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Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

1. Besoins nutritionnels et conséquences du jeûne chez le chat en bonne santé . . . . . . . . . . xxx

2. Conséquences du jeûne chez le chat en état critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

3. Évaluation nutritionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

4. Calcul des besoins nutritionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

5. Alimentation entérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

6. Nutrition parentérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

Questions fréquemment posées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

Informations nutritionnelles Royal Canin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxx

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Alimentation des chatsen soins intensifs

Isabelle GOY-THOLLOTDVM, MSc, PhD

Denise A. ELLIOTTBVSc (Hons) PhD Dipl. ACVIM, Dipl. ACVN

AAR: acide aminé ramifiéAGL : acide gras libreAGPI : acide gras polyinsaturéATP : adénosine triphosphateBEB : besoin énergétique de base BEE : besoin énergétique d’entretien BER : besoin énergétique au reposCK : créatine kinase

DHA : acide docosahexaénoiqueEPA : acide éicosapentaénoiqueGLN : glutamineIGF1 : insuline growth factor 1IV : voie intraveineuseLHF : lipidose hépatique félineNP : nutrition parentéraleNPC : nutrition parentérale centrale

NPP : nutrition parentérale partiellePEG : gastrostomie endoscopique percutanée(percutaneous endoscopic gastrostomy)PO : per osSC : voie sous-cutanéeTNF-a : tumor necrosis factor

ABRÉVIATIONS UTILISÉES DANS CE CHAPITRE

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Le chat ne doit pas être considéré comme un petit chien, surtout dans le domaine de la médecine d’urgence.

La réponse physiologique au choc, les procédures mises en œuvrelors de la réanimation et le monitorage pendant les soins intensifsnécessitent une approche particulière dans l’espèce féline. En outre, la majorité des affections félines (à l’exception du diabète sucré et de l’hyperthyroïdie) se traduisent par une anorexie partielle ou totale qu’il faut prendre en compte.

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Isabelle GOY-THOLLOTDVM, MSc, PhDDiplômée de l’École Nationale Vétérinaire de Maisons-Alfort en 1989, Isabelle a effectué un internat en médecine interne des animaux de

compagnie à Maisons-Alfort de 1989 à 1991. Elle est co-fondateur du SIAMU (unité de soins intensifs, anesthésie et médecine d’urgence)

à l’École Nationale Vétérinaire de Lyon en 2000. Actuellement, elle est responsable de cette structure et en charge de l’enseignement des

urgences et des soins intensifs pour les animaux de compagnie. Présidente de la Société européenne de soins intensifs et de médecine d'ur-

gence (EVECCS) depuis 2005, Isabelle est également membre de comités scientifiques de diverses revues et associations de vétérinaires en

France.

Denise A. ELLIOTTBVSc (Hons) PhD Dipl. ACVIM, Dipl. ACVNDenise Elliott obtient son doctorat de Médecine vétérinaire avec mention à la faculté de Médecine vétérinaire de l’Université de Melbourne

en 1991. Après un internat en Médecine et Chirurgie des petits animaux à l’Université de Pennsylvanie, Denise effectue un résidanat de

Médecine Interne des petits animaux et de Nutrition clinique à l’Université de Davis (Californie). Elle bénéficie d’une bourse universitaire

en Médecine rénale et en hémodialyse. Denise devient membre du Collège Américain de Médecine vétérinaire Interne en 1996, et du Collège

américain de Nutrition vétérinaire en 2001. Elle obtient son PhD de Nutrition à l’Université de Davis en 2001, pour ses travaux sur l’ana-

lyse de l’impédance bioélectrique à multifréquence chez les chats et les chiens en bonne santé. Denise occupe actuellement la fonction de

Directrice de la Communication scientifique dans la filiale Royal Canin aux USA.

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IntroductionAvec l’importance accordée au diagnostic de la maladie sous-jacente, l’alimentation est souvent unepréoccupation thérapeutique tardive, qui apparaît lorsque le patient est déjà hospitalisé depuis 4-5 jourset n’a reçu que peu de soutien nutritionnel. De plus, il est courant d’attendre juste encore 24 heures,dans l’espoir que l’anorexie présente depuis des jours se résolve spontanément. Les solutés administréspar voie intraveineuse (IV) sont trop souvent considérés comme un apport suffisant. En réalité, la perted’appétit est l’un des symptômes les plus importants et durables des maladies graves. Il faut donc tou-jours considérer que l’appétit ne reviendra pas simplement et qu’il est impératif de mettre en place sansattendre un protocole de soutien nutritionnel.

De nombreux travaux de recherche ayant montré les avantages de l’ali-mentation entérale et révélé les complications secondaires à l’atrophie desvillosités intestinales, les spécialistes de médecine d’urgence humaineréalimentent maintenant leurs patients beaucoup plus précocementqu'auparavant. Cette pratique permet d’obtenir de meilleurs résultats etdiminue le risque de complications. En médecine vétérinaire, une évolu-tion semblable commence à se dessiner et tend à devenir la règle.

Pour alimenter un chat en soins intensifs, il existe deux stratégies :- l’alimentation entérale, qui implique l’utilisation d’une portion du tube

digestif- et l’alimentation parentérale, qui utilise une autre voie que le tube diges-

tif, le plus souvent une voie veineuse centrale ou périphérique.

Au cours de ces dernières années, des méthodes relativement inefficacescomme l’alimentation forcée ou à la seringue, le chauffage des alimentset l’ajout de facteurs d'appétence ont progressivement laissé la place àl’utilisation précoce de sondes d’alimentation. Ces nouvelles stratégiesd’alimentation ont permis d'améliorer le taux de survie des chats ensoins intensifs.

1 -Besoins nutritionnels etconséquences du jeûne chezle chat en bonne santé

Besoins nutritionnels spécifiques

> Le chat est un carnivore

Carnivore par nature, le chat a des besoins élevés en protéines et nerequiert pas un apport glucidique important. Deux à trois fois plus de pro-téines sont nécessaires à un chat adulte, comparé à une espèce omnivore.Le métabolisme énergétique du chat nécessite un apport élevé en un cer-tain type d’acides aminés indispensables (Zoran, 2002). En outre, le méta-bolisme protéique du chat est incapable d’épargner l’azote et d’adapter lesenzymes du cycle de l’urée ou les aminotransférases à un apport protéiquediminué. Enfin, le chat utilise les protéines pour maintenir sa glycémieconstante, même lorsque l’apport alimentaire est pauvre en protéines.Ces particularités aident à comprendre le développement rapide d’un étatde malnutrition protéique chez les chat anorexiques (Zoran, 2002; Cen-ter 2005) (Figure1).

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FIGURE 1 - ÉQUILIBRE AZOTÉ CHEZ UN CHAT EN SOINSINTENSIFS ET CHEZ UN CHAT EN BONNE SANTÉ

Chat sain Alimentation

normale

Apportd’acides aminés

Pas d’apportalimentaire

d’acides aminés

Catabolismemusculaire

Production et libération

d'acides aminés pour

le foie

Néoglucogénèse Uréogénèse Synthèseaccrue de protéines :processus inflamma-

toires, défensecontre

l’agression (sepsis, choc...)

Balance azotée

négative Chat malade

Fonte de la masse musculaire squelettique

(lyse des cellules musculaires)

Synthèse de protéines

Métabolismede baseEntretienSynthèse

d’hormonesProductiond’énergie

Chat maladePrivation

alimentaireÉtat critique,choc, sepsis,

brûlures

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Une utilisation importante des protéines, couplée à une incapacité à épargner ou à synthétiser certainsacides aminés, implique, chez le chat, que l’alimentation apporte plus de protéines que pour la plupartdes autres espèces (Kerl et Johnson, 2004; Kirby, 2004; Center, 2005). • Le déficit en taurine est connu pour provoquer des cardiomyopathies dilatées, des troubles de la repro-

duction et une dégénérescence rétinienne.• L’arginine a de multiples rôles : en plus d’intervenir dans le cycle de l’urée, elle stimule l’activité sécré-

toire endocrinienne, elle améliore la rétention azotée, elle réduit les pertes azotées en période post-opératoire, elle stimule la synthèse du collagène lors de la cicatrisation et elle favorise la croissancelymphocytaire et le fonctionnement des lymphocytes T (Morris et Rogers, 1978; Barbul et Hurson,1994; Zoran, 2002; Center, 2005; Saker, 2006). L’arginine est également un précurseur du monoxyded’azote (NO) (Barbul et Hurson 1994).

• La méthionine et la cystéine sont les principaux donneurs du radical méthyl, essentiel pour la pro-duction de nombreux métabolites comme la glutathione, et qui est aussi un antioxydant importantet un piégeur de radicaux libres (Zoran, 2002; Center, 2005).

• La glutamine (GLN) a été décrite comme un acide aminé “essentiel sous certaines conditions”. Unbesoin accru en GLN, associé à un apport insuffisant chez les patients en soins intensifs, peut com-promettre l’intégrité de la barrière muqueuse de l’intestin, facilitant ainsi la translocation bacté-rienne et les infections systémiques. De plus, le déficit en GLN peut induire un dysfonctionnementréticuloendothélial et une diminution de la production d’anticorps augmentant ainsi le risque de sep-sis et de défaillance organique multiple (Elliott et Biourge, 2006). La GLN joue également un rôleimportant dans l’équilibre acido-basique. Après une maladie grave ou un traumatisme le taux de GLNplasmatique peut diminuer de 58 % et rester bas pendant 3 semaines,. Cette baisse persistante estassociée à une hausse de la mortalité chez des patients en soins intensifs (Wischmeyer, 2003).

> Le chat a un faible besoin glucidique

Le chat présente plusieurs adaptations physiologiques à une alimentation pauvre en glucides. Le chatne possède pas d’amylase salivaire qui est l’enzyme initiatrice de la digestion de l’amidon. L’activité desamylases intestinale et pancréatique est faible ainsi que celle des disaccharidases qui digèrent les glu-cides dans l’intestin grêle. Ces particularités enzymatiques ne signifient pas pour autant que le chat estincapable de digérer l’amidon: les glucides digestibles sont efficacement métabolisés. En outre, l’acti-vité de la glucokinase hépatique et de la glycogène synthétase du chat sont également minimes, sansdoute à cause d’un métabolisme tourné préférentiellement vers l’utilisation des matières grasses et desacides aminés issus de la néoglucogénèse, plutôt que vers celle de l’amidon. En conséquence, le chat aune capacité limitée à contrôler l’hyperglycémie secondaire à une absorption importante de glucose(Zoran, 2002).

Par ailleurs, un apport glucidique alimentaire trop important est susceptible de diminuer la digestibi-lité des protéines. Ceci est dû à l’association de plusieurs facteurs, dont l’accélération du transit intes-tinal. Enfin, un aliment riche en glucides augmente les fermentations microbiennes dans le côlon ainsique la production d’acides organiques (Kienzle, 1994).

> Le chat a des besoins spécifiques en acides gras essentiels

Les matières grasses fournissent l’essentiel des calories. Les acides gras essentiels sont, chez le chat: lesacides linoléique, linolénique, arachidonique, eicosapentaénoïque et docosahexaénoïque. La plupartdes espèces peuvent convertir l’acide linoléique en acide arachidonique qui est un précurseur des pros-taglandines, des leucotriènes et du thromboxane. L’acide arachidonique est nécessaire au renouvel-lement des membranes cellulaires et à l’intégrité tissulaire. Il est présent dans les aliments contenantdes graisses d’origine animale. Cependant, le chat ne possède pas l’équipement enzymatique (activitétrès faible de la D-6-désaturase et d’autres désaturases hépatiques) permettant de synthétiser les dérivésde l’acide arachidonique (Zoran, 2002). Par conséquent, l’acide arachidonique est un nutriment essen-tiel de l’alimentation du chat (Kirby, 2004).

> Les besoins en vitamines du chat sont particuliers

Comparé à d’autres espèces, le chat nécessite des apports plus élevés en plusieurs vitamines hydroso-lubles du groupe B comme la niacine, la thiamine et la pyridoxine. En cas de jeûne prolongé, ses réserves

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s’épuisent rapidement. De plus,lors de certaines maladies, le chata besoin d’une supplémentationen cobalamine (B12) (Zoran,2002; Kirby, 2004). Le chat nepeut pas convertir le b-carotèneen vitamine A active (rétinol). Illui manque les enzymes (dioxygé-nases) intestinales qui coupent lamolécule de b-carotène pourdonner l’aldéhyde vitamine A(rétinal). Ainsi, l’alimentationdoit apporter de la vitamine Achez le chat (Zoran, 2002). Parailleurs, un déficit en vitamines Eet K peut également s’installerrapidement chez le chat lors dejeûne prolongé (Zoran, 2002).

Conséquences du jeûne chez le chat en bonne santé

Chez l’animal en bonne santé, le métabolisme nutritionnel est adapté à une alternance entre la prisede nourriture et le jeûne. Dans la phase postprandiale, la réponse hormonale à l’apport de glucose etd’acides aminés consiste à augmenter la sécrétion d’insuline et à réduire la sécrétion de glucagon(Tableau 1). Ceci aboutit à une stimulation de la glucogénèse, à un stockage du glycogène, à une aug-mentation de la synthèse des protéines et au stockage des acides gras. Pendant la phase de jeûne, lesconcentrations plasmatiques en glucose et en acides aminés chutent, la sécrétion d’insuline diminueet la sécrétion de glucagon augmente, stimulant ainsi la néoglucogénèse et la glycogénolyse.

Les périodes de jeûne excédant 3 à 5 jours induisent un état de privation. Dans cette situation, la baissede la sécrétion d’insuline couplée à l’augmentation de la sécrétion de glucagon est encore plus nette.De plus, une activation modérée du système sympathique stimule la lipoprotéine lipase hormono-sensible ce qui augmente la libération d’acides gras libres (AGL) depuis le tissu adipeux. L’excès d’AGLest converti en corps cétoniques par le foie, qui se substituent au glucose comme substrats énergétiquespour le cerveau et d’autres organes. Les corps cétoniques aident à limiter le catabolisme musculaire etla libération des acides aminés en abaissant le besoin minimum en glucose ainsi que la néoglucogénèse.Si le jeûne se prolonge, le taux de glucagon retrouve son niveau de post absorption et les taux de caté-cholamines diminuent. Le métabolisme de base diminue parallèlement suite à une réduction de laconversion périphérique de thyroxine (T4) en triiodothyronine (T3) (Atkinson et Worthley, 2003).

Chez un carnivore strict comme le chat, les stocks de glycogène sont rapidement épuisés ce qui conduità la mobilisation des acides aminés musculaires. En quelques jours, l’adaptation métabolique au jeûnepousse dans un premier temps l’organisme à utiliser préférentiellement les réserves adipeuses afin delimiter le catabolisme musculaire (Chan, 2006; Chan et Freeman, 2006) (Figure 1).

2 -Conséquences du jeûne chez le chat en phase critique

Conséquences générales du jeûne sur un organisme en état de stress

Chez le chat, toute affection aiguë provoque des modifications métaboliques qui l’exposent à la mal-nutrition et à ses effets délétères. Cependant, la réponse à un déséquilibre nutritionnel diffère selon quel’individu est gravement malade ou qu’il est en bonne santé (Michel, 2004; 2006; Chan et Freeman2006) (Tableau 2).

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TABLEAU 1 - CONTRÔLE HORMONAL DU MÉTABOLISME NUTRITIONNELD’après Atkinson et Worthley, 2003

Hormone Facteurs stimulant lasécrétion

Stimule Inhibe

Insuline HyperglycémieAcides aminés (arginine,leucine)

GlycogénèseLipogénèseSynthèse des protéines

NéoglucogénèseCétogénèseProtéolyseLipolyse

Glucagon HypoglycémieStimulation sympathique Alanine

NéoglucogénèseCétogénèseGlycogénolyse

GlycogénèseLipogénèse

Catécholamines Stimulation sympathique Hypoglycémie

NéoglucogénèseSécrétion de glucagonLipolyse

Libération d’insulineEffets de l’insuline

TABLEAU 2 - JEÛNE SIMPLECOMPARÉ AU JEÛNE DE STRESS

D’après Michel (2004, 2006)

Jeûne simple Jeûne de stress

- Médiateurs sécrétésen réponse à unmanque d’aliment

- Épargne des protéines endogènes

- Se résout avec lareprise de l’alimentation

- Médiateurs sécrétésen réponse à uneatteinte tissulaire ouà une inflammation

- Catabolisme des protéines endogènes

- Se résout avec lacicatrisation ou letraitement de lamaladie sous-jacente

Page 7: Alimentation des chats en soins intensifs par I. Goy-Thollot et D.A

Chez un animal souffrant d’une affection critique, la sécrétion des hormones digestives n’est plus uni-quement régulée par les apports en nutriments. Afin de maintenir l’homéostasie de l’individu en phasecritique, le tonus orthosympathique et la sécrétion des catécholamines (adrénaline et noradrénaline)sont augmentés. Les catécholamines stimulent la glycogénolyse et la sécrétion de la protéine lipase hor-mono-sensible afin d’augmenter les niveaux plasmatiques d’AGL, de glucose et d’insuline qui inhibela cétogénèse. La stimulation sympathique augmente la résistance à l’insuline des tissus périphériques.Dans les états septiques, la réponse au stress est exagérée par la libération de médiateurs de l’inflamma-tion comme le facteur de nécrose tumorale (TNFa) et l’interleukine 1 qui sont responsables de dys-fonctionnements hépatiques, d’une intolérance accrue au glucose et d’une aggravation du catabolismemusculaire (par la voie de conjugaison des protéasomes lié à l’ubiquitine) (Atkinson et Worthley, 2003).La réponse inflammatoire modifie également les concentrations en hormones et en cytokines etoriente le métabolisme vers un état catabolique qui accélère la protéolyse. En conséquence, la balanceazotée devient nettement négative (Figure 1). Dans cette situation, le chat peut paradoxalementconserver des réserves adipeuses, ce qui masque la fonte musculaire (Chan et Freeman, 2006). La pertede masse maigre entraîne secondairement un retard de cicatrisation, un état d’immunosuppression, unecapacité musculaire réduite (muscles squelettiques et respiratoires), et enfin une augmentation de lamorbidité et de la mortalité (Marik et Zaloga, 2001; Atkinson et Worthley, 2003) (Figure 2).

Particularités à prendre en compte chez le chat en soins intensifs

> Modifications du métabolisme des glucides

Le métabolisme glucidique du chat en état critique subit des modifications comparables à celles obser-vées chez l’homme et qui contribuent à l’hyperglycémie fréquemment observée en soins intensifs. Cesaltérations du métabolisme glucidique incluent l’augmentation de la production de glucose (néoglu-cogénèse), la diminution de la glycogénèse, l’intolérance au glucose et l’insulinorésistance périphérique.Les concentrations en glucagon, cortisol et adrénaline sont augmentées et ces hormones jouent un rôledans l’augmentation de la néoglucogénèse. En outre, la néoglucogénèse hépatique semble devenir résis-

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FIGURE 2 - CONSÉQUENCES GÉNÉRALES DU JEÛNE CHEZ LES CHATS EN SOINS INTENSIFS

Trauma - Chirurgie - Processus inflammatoires - Hospitalisation

Diminution de la vitesse et du taux de guérison

Néoglucogénèse Augmentation de la consommation des acides aminés(immunoglobulines, protéines, inflammatoires,

facteurs de coagulation)

Augmentation des dépenses énergétiques au repos liées à la pathologie

Diminution de l’appétit, anorexieImpossibilité de se nourrir

Carences protéiquesÉquilibre énergétique et nutritionnel négatif

Diminution de l’efficacité du traitement médical Retard de cicatrisation Immunodépression locale

et généraleAtrophie de l’épithémium

intestinal

Augmentation de la durée de convalescence

Augmentation du risque de sepsis,infections et complications

Risque accru de translocation bactérienne

La nutrition a des répercutions directes sur l’évolution et le succès cliniques.

Page 8: Alimentation des chats en soins intensifs par I. Goy-Thollot et D.A

tante aux effets régulateurs de l’insuline et du glucose sanguin, ce qui contribue à l’installation de l’hy-perglycémie.

La production de cytokines inflammatoires et la stimulation des voies neuroendocriniennes joueraientun rôle clé dans le métabolisme des lipides, des protéines et des glucides. Les interactions entre les dif-férentes voies métaboliques contribuent elles aussi probablement à l’hyperglycémie. Chez l’homme, ila été trouvé une corrélation positive entre l’intolérance au glucose et la sévérité de la maladie. De plus,l’hyperglycémie est associée à un mauvais pronostic en soins intensifs (Van den Berghe, 2004) et desétudes montrent qu’il existe un intérêt à mettre en place une insulinothérapie chez certains maladescritiques (Van den Bergh, 2004).

Chez le chat, les effets de l’hyperglycémie sur la survie en soins intensifs ne sont pas bien caractérisés.Une étude rétrospective de Chan et coll (2006) montre que chez les chats admis au service d’urgence,la probabilité de décès ou d’euthanasie est plus élevée pour les animaux hyperglycémiques que pour lesnormoglycémiques. Cependant, dans cette étude, la gravité de l’hyperglycémie ne semble pas influen-cer le pronostic final. Par ailleurs, chez le chat en phase critique, la nutrition parentérale (NP) est unfacteur de risque de développement d’hyperglycémie ; cette dernière est présente dans 75 % des cas(selon Lippert et coll, 1993; Syring et coll, 2001) ou 20 % des cas (selon Crabb et coll, 2006). En outre, le développement d’une hyperglycémie chez des chats alimentés par voie parentérale est un facteur pronostic négatif (Pyle et coll, 2004). Finalement, une étude de Chan et coll (2006) montre que lesconcentrations en glucose, lactate, glucagon, acides gras non-estérifiés et cortisol circulants sont augmentées chez les chats en phase critique par rapport à celles des chats témoins, sains. De plus, l’insulinémie et le ratio insuline:glucagon sont plus faibles chez les malades que chez les chats témoins.En résumé, l’hyperglycémie chez les chats en soins intensifs est un phénomène complexe, incomplète-ment élucidé, faisant vraisemblablement intervenir de multiples mécanismes physiopathologiques.

> Motricité gastrointestinale et intégrité de la muqueuse

La probabilité d’appartition d’un iléus paralytique est importante chez les chats en phase post-anes-thésique ou post-opératoire (surtout après une chirurgie abdominale intéressant le tube digestif). Cerisque existe également chez les chats hypokaliémiques, souffrant de maladies digestives, réticuloen-dothéliales ou neuromusculaires ainsi que chez ceux recevant des narcotiques analgésiques. Plusieursparticularités de la physiologie digestive et de la microbiologie intestinale des chats suggèrent un rôlepossible des bactéries dans ces anomalies. En effet, il semble que l’importance de la flore bactérienneintestinale du chat faciliterait la digestion des protéines et des matières grasses (Zoran, 2002). Lorsd’iléus, le chat serait alors exposé à la translocation des bactéries et des endotoxines, à une mauvaisedigestion et absorption des nutriments, aux ulcères gastrointestinaux et aux vomissements. L’ausculta-tion abdominale et la recherche des borborygmes intestinaux doivent être répétées au moins trois foispar jour (Kirby, 2004). De plus, les nombreux médicaments administrés aux chats en soins intensifspeuvent provoquer de l’anorexie, des nausées et des vomissements (Tableau 3).

> Lipidose hépatique féline

La lipidose hépatique féline (LHF) est l’affection métabolique hépatique la plus fréquente chez le chataffectant plus particulièrement des animaux obèses ou stressés (Zoran, 2002; Center, 2005). Bien quel’étiopathogénie de la LHF soit incomplètement expliquée, il est établi que dans plus de 95 % des cas,il existe une maladie ou des conditions qui favorisent un état catabolique (Center, 2005). La taurine,l’arginine, les AG non estérifiés et les vitamines du groupe B pourraient être impliqués dans la patho-génie de la LHF (Zoran, 2002).

La réussite du traitement de la LHF est conditionnée par la précocité de la mise en place d’un soutiennutritionnel adéquat. Les chances de survie sont proches de 90 % chez les chats pour qui le soutiennutritionnel est adapté et précoce, alors qu'elles sont seulement de 10 à 15 % dans le cas contraire.Bien que le régime diététique idéal pour les chats atteints de LHF reste à définir, les protéines jouentun rôle majeur en freinant l’accumulation des lipides hépatiques et en aidant à maintenir l’équilibreazoté et énergétique (Biourge et coll, 1994; Center, 2005) (voir chapitre 4 ).

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TABLEAU 3 - LISTE DESMÉDICAMENTS SUSCEPTIBLES

D’ENTRAÎNER ANOREXIE, NAUSÉES ET VOMISSEMENTS

CHEZ LE CHATD’après Michel, 2006

AmoxicillineCéphalexineChloramphénicolAmoxicilline/Acide clavulaniqueÉrythromycineTétracyclinesTriméthoprime/SulphadiazineGlycosides cardiaquesAnti-inflammatoires non stéroïdiensAgents de chimiothérapieNarcotiques

L’obésité est une forme de malnutritionsouvent responsable de complicationsen cas de soins intensifs.

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Objectifs du soutien nutritionnel chez les chats en soins intensifs

Le premier objectif du support nutritionnel chez les chats hospitalisés n’est pas de leur faire prendre dupoids, mais plutôt de minimiser les pertes de masse maigre. L’alimentation assistée ne peut pas suppri-mer les facteurs associés aux état septiques ou au stress responsables de la protéolyse, de la néogluco-génèse ou de la lipolyse. Le traitement doit se focaliser sur la diminution de la sécrétion des catécho-lamines en corrigeant l’hypotension, l’hypoxie et la douleur (antibiotiques, fluidothérapie…). Le sou-tien nutritionnel ne modifie pas la réponse catabolique mais favorise la synthèse des protéines et peutainsi, s’il est intégré précocément au protocole thérapeutique du patient malade en phase aiguë, limi-ter la perte protéique (Atkinson et Worthley, 2003; Kirby, 2004; Chan et Freeman, 2006).

3 -Évaluation nutritionnelleL’évaluation nutritionnelle permet d’identifier les patients qui ont besoin d’un support nutritionnelimmédiat et ceux chez qui il permet de limiter les risques de malnutrition. L’objectif de l’évaluationnutritionnelle ne se réduit pas à diagnostiquer un état de malnutrition, il est de déterminer dans quellemesure la malnutrition peut avoir un impact sur l’évolution clinique. Un support nutritionnel estactuellement recommandé dans les cas suivants : commémoratifs de maladie ou de perte de poids, mau-vaise condition corporelle ou perte brutale de 5% de poids corporel, commémoratifs d’anorexie ou dedysorexie depuis plus de 3 jours (déficit d’apport alimentaire existant ou à prévoir).

L’évaluation nutritionnelle détermine tout d’abord le statut nutritionnel du patient. Cette évaluationest subjective et repose sur l’historique médical et l’examen clinique. La consommation calorique duchat doit ensuite être déterminée. Le statut nutritionnel du chat et la prise alimentaire sont en géné-ral corrélés avec la sévérité de la maladie. L’instabilité de la fonction cardiovasculaire, des anomaliesélectrolytiques, une hyperglycémie, une hypertriglycéridémie et une maladie rénale ou hépatiqueconcomitante sont également des facteurs à prendre en compte avant d’établir le programme nutri-tionnel.

Toutes ces informations permettent au clinicien de déterminer quelle méthode d’alimentation est laplus appropriée, les apports initiaux ainsi que la voie d’administration la plus sûre, la plus efficace et lamieux tolérée par le patient (Michel, 2006). Il est important de se rappeler que beaucoup de chats ensituation critique arrivent aux soins intensifs après avoir passé plusieurs jours voire plusieurs semainessans soutien nutritionnel approprié. L’alimentation des chats en situation critique doit démarrer dèsqu’elle ne présente pas de danger pour l’animal. Ce moment varie d’un patient à l’autre. Cependant, enpratique, la tendance des cliniciens est souvent d’attendre trop longtemps (Chan, 2006; Chan et Free-man 2006).

Détermination du statut nutritionnel

Chez l’homme, une méthode d’évaluation globale subjective (subjective global assessment ou SGA) a étédéveloppée il y a une vingtaine d’années pour évaluer de manière standardisée le statut nutritionneldes patients (Detsky et coll, 1987). Bien qu’aucun système de notation similaire n’existe à l’heureactuelle en médecine vétérinaire, les principes de la SGA peuvent être appliqués afin d’intégrer lescommémoratifs, les données cliniques et paracliniques dans l’évaluation des patients en soins intensifs(Michel, 2006; Elliott, 2008).

> Anamnèse et commémoratifs

Il est tout d’abord nécessaire de déterminer si le chat mange ou non. Il faut ensuite comptabiliser lenombre de jours d’anorexie avant et pendant l’hospitalisation. Il est important de distinguer la quan-tité de nourriture offerte à l’animal et celle qu’il consomme réellement. Cette estimation est difficile sile chat sort, vit avec plusieurs chats et/ou que l’alimentation est en libre service. La fréquence et laquantité des vomissements et/ou des diarrhées doit également être évaluée.

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La réussite du traitement de la lipidose hépatiqueféline est conditionnée par la précocité de la miseen place d’un soutien nutritionnel adéquat.

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> Examen clinique

L’examen clinique doit s'attacher à rechercher les modifications de la compositioncorporelle, et particulièrement la perte de masse grasse ou maigre, la présence d’œ-dème ou d’ascite, l’existence de lésions muqueuses ou cutanées ainsi que l’aspect dupelage. La mise en place d’un support nutritionnel est impérative en cas de blessuresempêchant une préhension orale adéquate (lésions de la face, douleur prolongée nontraitée, lésions nécessitant une correction chirurgicale) ou de pertes protéiques exces-sives (fuite péritonéale, plaies cutanées, insuffisance hépatique ou rénale, perte pro-téique secondaire à une néphropathie ou une entéropathie).

> Poids corporel

Le poids corporel est un indicateur approximatif des réserves d’énergie corporelletotales et les modifications de poids reflètent l’équilibre énergétique et protéique.Chez l’animal en bonne santé, le poids corporel varie peu d’un jour à l’autre. Enrevanche, plusieurs facteurs sont à prendre en considération chez le patient en soinsintensifs. L’œdème et l’ascite entraînent une augmentation relative des fluides extra-cellulaires et peuvent masquer une fonte musculaire ou une perte de tissu adipeux.De même, une croissance tumorale massive ou une organomégalie peut cacher uneperte de masse grasse ou maigre. De plus, le poids corporel peut être modifié par ladéshydratation ou une accumulation liquidienne. Enfin, il peut exister de grandesvariations entre les différentes balances, c’est pourquoi il est important d’utiliser tou-jours la même pour un suivi pondéral chez un animal. Le poids d’un chat étant rela-tivement faible, la balance doit être précise et capable de mesurer des variations sub-tiles (Chan, 2006; Elliott, 2008).

Une mesure isolée du poids corporel présente peu d’intérêt. C’est son évolution qu’ilimporte de suivre.

> Score corporel

Plusieurs excellents systèmes d’évaluation du score corporel ont été développés chezle chat. Le plus fréquent est le système en 5 points (Figure 3), pour lequel un scorede 3 est considéré comme idéal, 5 = obèse, et 1 = cachectique (voir chapitre 1). Cessystèmes de scores corporels permettent d’évaluer les réserves adipeuses. Chez unchats en soins intensifs, la perte de tissu maigre est souvent disproportionnée alorsque la masse grasse semble adéquate. Ainsi, une évaluation attentive de la masse mus-culaire, par palpation des muscles squelettiques en regard des proéminences osseuses comme la scapu-la ou la colonne vertébrale, est nécessaire. Freeman et coll (2006) préconisent d’utiliser un système denotation de la cachexie afin d’évaluer la masse maigre, dans lequel un score de 0 est considéré commenormal et un score de 4 indique une cachexie sévère.

> Indicateurs biologiques de malnutrition

Il n’existe pas d’analyses biologiques qui permettent d’identifier de manière fiable les chats mal nourrisou qui facilitent le suivi pendant l’alimentation assistée. L’hypoalbuminémie, la diminution de l’uréesanguine, l’hypocholestérolémie, l’anémie et la lymphopénie sont actuellement utilisés comme desindicateurs biologiques de malnutrition. Cependant, les variations de ces indicateurs en fonction de laprise alimentaire sont souvent indifférenciables de celles induites par la maladie concomitante. L’hypo-albuminémie est par exemple plus souvent due à une fuite d’albumines qu’au déficit nutritionnel. Atkinson et Worthley (2003). Fascetti et coll (1997) montrent que la concentration sérique en créatinekinase (CK) est significativement plus élevée chez les chats anorexiques que chez les chats en bonnesanté. De plus, la concentration en CK diminue de manière significative dans les 48 heures qui suiventla mise en place du support nutritionnel. La disponibilité et la facilité de la quantification de l’activitéde la CK rendent cette méthode potentiellement intéressante dans l’évaluation nutritionnelle et lesuivi des chats.

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FIGURE 3 - ÉVALUATION DU SCORE CORPORELCHEZ LE CHAT

Notation Caractéristiques

Très maigre :- Côtes, colonne vertébrale, os du bassin

facilement visibles (poils courts)- Perte évidente de masse musculaire- Pas de graisse palpable sur la cage

thoracique

Maigre :- Côtes, colonne vertébrale,

os du bassin visibles- Ceinture abdominale (taille) évidente- Graisse abdominale minimum

Idéal :- Côtes, colonne vertébrale non visibles

mais facilement palpables- Ceinture abdominale (taille) évidente- Faible quantité de graisse abdominale

Excès de poids :- Côtes, colonne vertébrale

palpables avec difficulté- Ceinture abdominale absente- Distension abdominale évidente

Obèse :- Dépôts adipeux massifs sur

le thorax, la colonne vertébrale et dans l’abdomen

- Distension abdominale massive

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D’autres marqueurs possibles du statut nutritionnel comme la préalbumine, la transferrine, la capacitétotale de fixation du fer, la fibronectine, l’IGF1, la retinal binding protein, la céruloplastine, l’ a-1-anti-trypsine, l’a-1-glycoprotéine acide et la protéine C réactive n’ont pas été évaluées chez le chat (Elliott,2008).

> Synthèse des données

Toutes les étapes du protocole nutritionnel doivent être reportées complètement et clairement dans ledossier médical. L’importance de la clarté des informations est soulignée par une étude réalisée sur 276chiens pour lesquels la balance énergétique était restée négative pendant 73% des jours d’hospitalisa-tion. Dans 22% des cas, ce déficit énergétique était le résultat d’instructions mal rédigées (Remillard etcoll, 2001). En outre, la précision des informations facilite la communication entre les différentsmembres de l’équipe vétérinaire et conforte l’importance de la nutrition dans l’ensemble des soins.

Évaluation de la prise alimentaire volontaire

Pour évaluer si la consommation alimentaire du chat est adéquate, il est nécessaire de déterminer unobjectif de couverture calorique, de choisir une alimentation appropriée et d’écrire des recommanda-tions nutritionnelles précises pour le patient. Des instructions claires permettent une meilleure esti-mation de la quantité d’aliment à proposer, ainsi qu’une évaluation plus facile de la prise alimentairebasée sur la quantitée ingérée (Michel, 2006).

Choix du type d'assistance nutritionnelle

Le support nutritionnel des patients en soins intensifs peut se faire par voie entérale ou parentérale.Débats et controverses durent depuis plusieurs dizaines d’années à propos des intérêts respectifs dechaque méthode. Actuellement, il existe un consensus pour affirmer que les deux méthodes sontvalables et jouent chacune un rôle important en soins intensifs. Une assistance nutritionnelle efficacedoit utiliser tous les outils disponibles pour prévenir la malnutrition chez les patients en soins inten-sifs, tout en optimisant les avantages et en minimisant les risques de la méthode choisie.

Le choix de la meilleure voie d’assistance nutritionnelle dépend principalement de l’état du patient et,dans une moindre mesure, de considérations pratiques comme la disponibilité d’aliments adaptés et desolutions nutritionnelles ou la possibilité d’une surveillance vétérinaire 24 heures sur 24 (Michel, 2006)(Tableau 4). À chaque fois que cela est possible, la voie entérale doit être choisie en priorité pour soncaractère physiologique, facile et sans danger (Chan, 2006). Cette méthode est également la moinscoûteuse (Yam et Cave 1998). Si l’alimentation entérale est généralement reconnue comme la méthodede choix, en pratique, les troubles de la motricité gastrointestinale ou la diarrhée peuvent altérer lesrésultats en empêchant la couverture des besoins quotidiens (Atkinson et Worthley, 2003). Cependant,même si les patients ne peuvent tolérer que de petites quantités d’aliments par voie entérale, ce typed’alimentation doit être poursuivi et associé à l’alimentation parentérale pour satisfaire les besoinsnutritionnels. Seuls les chats en soins intensifs qui ne peuvent vraiment pas tolérer l’alimentation enté-rale doivent être nourris exclusivement par voie parentérale (Figure 4).

Lors de l’évaluation de la fonction gastrointestinale, le clinicien doit rechercher des nausées et desvomissements ainsi que des signes de dysfonctionnement digestif comme un iléus paralytique ou unphénomène de malabsorption. Il est également important de se renseigner sur les traitements en courspouvant provoquer des nausées ou un iléus gastrointestinal. Il faut finalement tenir compte de l’éven-tualité d’une intervention ou d’un traumatisme gastrointestinal récent qui imposerait de shunter le tubedigestif.

Le bilan clinique et biologique du chat se poursuit par la recherche de déficiences organiques éven-tuelles qui pourraient altérer sa capacité à tolérer certains nutriments. L’insuffisance rénale ou hépa-tique peut affecter la tolérance aux protéines. Les maladies infiltrant les muqueuses peuvent altérer l’as-similation des matières grasses. À l’exception des sondes naso-œsophagiennes, la pose de sondes enté-rales nécessite une tranquillisation ou une anesthésie générale. Le clinicien doit donc anticiper la néces-sité de poser une sonde lorsque le chat subit des examens diagnostiques ou une chirurgie. Si une sondeentérale doit être posée chirurgicalement, la fonction de coagulation du patient doit être évaluée. Il

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TABLEAU 4 - INFORMATIONSÀ INTÉGRER DANS L’ÉVALUATIONNUTRITIONNELLE D’UN PATIENT

D’après Michel, 2006

1. Évaluation de la fonction gastrointestinale2. Évaluation des autres systèmes organiques pou-

vant influencer la tolérance vis-à-vis de certainsnutriments

3. Évaluation de la tolérance vis-à-vis de la posed’une sonde d’alimentation

4. Évaluation du risque de pneumonie par aspira-tion

5. Évaluation de la possibilité d’obtenir un accèsveineux

6. Évaluation de la tolérance aux fluides

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faut également s’inquiéter des conditions sous-jacentes ou de l’utilisation de médicaments pouvantperturber le processus de cicatrisation. Même la pose d’une sonde naso-œsophagienne nécessite unecontention physique et certains chats souffrant d’insuffisance respiratoire peuvent ne pas tolérer cettesimple procédure.

Si la NP est envisagée, il est nécessaire de vérifier si un accès veineux central ou périphérique estpossible. De plus, la tolérance du patient aux fluides doit être évaluée (Michel, 2004; Michel, 2006).Idéalement, la NP est administrée par un cathéter veineux central, ce qui implique un monitorageattentif afin de détecter d’éventuelles complications métaboliques. Un chat nourri par NP doit doncêtre gardé dans une structure permettant des soins intensifs et la réalisation de tests biologiques 24heures sur 24.

Le type de soins que le chat doit recevoir influence le choix de la sonde et de la voie d’alimentation.Par exemple, s’il est prévu qu’un chat rentre chez lui avec une sonde, celle-ci doit permettre l’admi-nistration d’une alimentation fractionnée, à moins que le propriétaire ne soit capable de garder le chaten cage et d’assurer une administration continue de l'alimentation.

La nature et la consistance de l’aliment choisi influencent le choix du type de sonde et du site d’ad-ministration. S’il s’agit d’une préparation mixée, alors le choix se limite à l’usage de sondes larges pla-cées dans l’œsophage ou l’estomac (Michel, 2004; Michel, 2006).

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FIGURE 4 - ARBRE DÉCISIONNEL POUR LE CHOIX DU TYPE DE SUPPORT NUTRITIONNEL(D’après Delaney et coll, 2006))

Les patients doivent être stabilisés avant d’êtreanesthésiés, peu importe l’urgence à commencer le support nutritionnel (Chan et Freeman,2006a).

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Soutien nutritionnel indiquéChoix entre la voie entérale

et la voie parentérale.Le BER peut-il être couvert par une

alimentation à la seringue ou à la main ?

Vomissementsincoercibles ?

Diarrhée sévère ?

Pancréatiteaiguë ?

Sonde naso-œsophagienne :

3-5 FrAliment de

convalescence liquide

Nutrition assistée par voie parentérale

Aliment de convalescence :• densité énergétique élevée

• > 4 kcal/g matière sèche (MS)• facilement seringable

• à forte teneur en protéines

Pancréatite ?Chirurgie gastro-

intestinale majeure ?Nécessité de court-circuiter l’estomac ou le duodénum ?

Sonde d’œsophagostomie5 Fr

Œsophage fonctionnel ?et

nutrition assistée < 2 mois ?

Soutien nutritionnel conseilléContinuer l’alimentation spontanée avec

un aliment de convalescence adapté.Réévaluer régulièrement pendant l’hospitalisation.

S’assurer que les besoins énergétiquessont couverts et que le chat maintient

son poids.

Sonde d’œsophagostomie8-12 Fr

Aliment de convalescence adapté :- densité énergétique

> 4 kcal/g MS- facilement seringable

- forte teneur en protéines

Sonde de gastrostomie16-20 Fr

Aliment de convalescence adapté :- densité énergétique

> 4 kcal/g MS- facilement seringable

- à forte teneur en protéines

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* Calcul du Besoin Energétique au Repos (BER)BER = 70 x (poids vif en kg) 0,73

Résultats en kilocalories par jour

Réévaluer tous les jours la situation pendant l’hospitalisation :Examen physique - Peser l’animal -

Calcul du BER et comparaison avec l’ingéré calorique - Bilan sanguin : électrolytes, glycémie, albuminémie, hématocrite

Anorexie de plus de 3 jours. Jeûne anticipé de plus de 3 jours Consommation spontanée< Besoin énergétique au repos (BER)*ouou

Nutrition assistée par sonde entéraleAnesthésie générale possible ?

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4 -Calcul des besoins nutritionnelsUne fois la décision prise de mettre en place un support nutritionnel, un processus par étape permetde calculer les besoins énergétiques et de sélectionner la formulation idéale apportant un équilibre entreles protéines, les glucides et les matières grasses. Les besoins en eau doivent également être évalués.

Besoins énergétiques

Le calcul des besoins énergétiques des patients en état critique a fait l’objet de nombreux débats. Il n’estpas possible de mesurer directement la consommation énergétique du chat. En conséquence, plusieurséquations sont recommandées pour estimer ses besoins. Ces équations évaluent soit le besoin énergé-tique au repos (BER), soit le besoin énergétique de base (BEB) ou le besoin énergétique d’entretien(BEE). Le BER est l’énergie requise par un animal au repos et inclut les dépenses physiologiques et l’as-similation des nutriments (Elliott et Biourge, 2006; Michel 2006). La formule toutes espèces (1) est laplus utilisée par les auteurs. La formule (2) est une équation alternative qui peut être utilisée pour éva-luer le BER chez les chats.

Formule 1 : BER = 70 x (poids corporel actuel en kg) 0,73 kcal/jourFormule 2 : BER = 40 x (poids corporel actuel en kg) kcal/jour

Afin d’éviter les complications liées à la réalimentation des patients en soins intensifs (voir plus bas),c’est le poids corporel réel du chat (insuffisant ou excessif) qui doit être utilisé pour calculer le BER ini-tial. L’apport calorique peut ensuite être ajusté au jour le jour afin de s’assurer qu'il est suffisant pourmaintenir le poids corporel. Lorsque l’animal est sorti de la phase critique, l’apport calorique peut êtrerecalculé pour permettre soit une prise de poids chez les chats maigres, soit un amaigrissement chez leschats obèses (voir chapitre 1).

Certains auteurs recommandent de multiplier le BER par un coefficient d’ajustement en fonction dela maladie (0,5 à 2,0) pour compenser l’hypermétabolisme (Bartges et coll, 2004). D’autres suggèrentque le BER des animaux en soins intensifs, déterminé par calorimétrie indirecte, n’est que peu aug-menté par rapport à la normale (O’Toole et coll, 2004). En outre, l’excès d’apport énergétique peutinduire l’apparition du syndrome de réalimentation, à savoir : des complications gastrointestinales, desdéséquilibres électrolytiques, un dysfonctionnement hépatique, ainsi que des anomalies cardiaques,(Solomon et Kirby, 1989; Miller et Bartges, 2000; Armitage-Chan et coll, 2006). De plus, l’énergie appor-tée en excès peut entraîner une augmentation de la production de dioxyde de carbone préjudiciablechez les patients présentant des difficultés respiratoires (Lippert et coll, 1993). Enfin, une étude a mon-tré une association entre l’utilisation d’un coefficient d’ajustement du calcul du BER et le développe-ment d’une hyperglycémie chez les chats recevant une NP (Crabb et coll, 2006). La tendance actuelleconsiste à calculer les besoins énergétiques des chats en soins intensifs sur la base de leur BER, mais pasplus (O’Tool et coll, 2004).

Protéines

Afin de rétablir une balance azotée positive en cas d’hypermétabolisme et d’hypercatabolisme graves,il peut être nécessaire de fournir des quantités de protéines supérieures aux besoins normaux (Elliott etBiourge, 2006) (Tableau 5). Bien que le bilan azoté soit souvent utilisé pour déterminer les besoins pro-téiques chez l’homme en soins intensifs, celui-ci n’est pas fréquemment mesuré chez les animaux enétat critique. Pour un chat en soins intensifs, les protéines doivent représenter 30 à 50% des calories(Chan et Freeman, 2006). L’évaluation du besoin protéique repose généralement sur l’examen cliniqueen sachant que certaines maladies (péritonite, plaies suintantes, brûlures sévères…) nécessitent unapport augmenté et d’autres un apport limité (urémie, encéphalopathie hépatique…). Les sources deprotéines doivent être hautement digestibles et contenir tous les acides aminés indispensables. L’utili-sation de préparations liquides pour l'alimentation entérale humaine est généralement déconseilléechez le chat. En effet, ces formulations ne couvrent pas les besoins protéiques particulièrement élevésdu chat et peuvent occasionner des carences en nutriments essentiels comme l’arginine, la taurine etl’acide arachidonique.

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TABLEAU 5 - LES BESOINSPROTÉIQUES SONT GÉNÉRALEMENT

PLUS ÉLEVÉS CHEZ LES CHATS EN SOINSINTENSIFS QUE CHEZ LES CHATS

EN BONNE SANTÉ

Ratio protido-calorique conseillé : 110 g/1000 kcalcontre 80 g/1000 kcal chez les chats sains.

Les protéines doivent représenter au moins 40%du BER contre 28 % chez les chats sains.

Spécificités des chats :- catabolisme protéique important- besoins spécifiques en taurine et arginine

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Les acides aminés ramifiés (AAR), leucine, isoleucine et valine (ou leurs métabolites), peuvent favo-riser la régulation et l’anabolisme protéique soit en augmentant la synthèse des protéines musculaires,soit en ralentissant la dégradation protéique. Quelques études faites chez l’homme, mais pas toutes,décrivent un effet positif des AAR sur l’équilibre azoté des patients ayant subi un stress (Skeie et coll,1990). A ce jour, il n’existe pas d’étude évaluant les avantages des AAR chez les chats en soins inten-sifs. Cependant, le métabolisme de ces acides aminés dans cette espèce suggère que les AAR pourraientprésenter des avantages (Elliott et Biourge, 2006).

Peu d’études sont disponibles sur l’intérêt de la supplémentation en GLN chez le chien ou le chat ensoins intensifs. Un aliment purifié à base d’acides aminés et supplémenté en GLN s’est avéré insuffi-sant pour préserver la fonction intestinale chez des chats souffrant d’entérite induite expérimentale-ment par le méthotrexate (Marks et coll, 1999). Chez l’homme, de nombreuses études ont cherché àévaluer les effets de la GLN administrée par voie entérale ou parentérale chez les patients en soinsintensifs. Certaines décrivent un effet positif de la supplémentation en GLN sur la barrière gastroin-testinale et le pronostic, alors que d’autres ne mettent pas de différence en évidence. En résumé, lesdonnées humaines disponibles suggèrent que la GLN pourrait produire des effets bénéfiques sur la fonc-tion gastrointestinale des chats en soins intensifs.

Glucides

Le chat est peu dépendant des glucides qu’il utilise comme une source énergétique alternative. Ils jouentcependant un rôle dans la préservation de la masse maigre corporelle en régulant à la baisse la néoglu-cogénèse. Un excès en glucides simples doit être évité chez les chats en soins intensifs car ils favorisentl’hyperglycémie (Lippert et coll, 1993; Chan et coll 2002; Pyle et coll, 2004) (Tableau 6). La sécrétionconsécutive d’insuline peut entraîner ou exacerber l’hypophosphatémie et l’hypokaliémie ainsi qued’autres perturbations métaboliques (Elliott et Biourge 2006). De plus, le chat a une capacité digestivelimitée vis-à-vis de l’amidon. Les régimes riches en glucides ne sont donc pas recommandés chez le chaten soins intensifs.

En revanche, l’ajout de fibres fermentescibles ou de prébiotiques comme la pulpe de betterave ou lesfructo-oligosaccharides peut être recommandé dans les états critiques. Les fibres fermentescibles ont uneffet bénéfique sur la barrière mucosale en stimulant la croissance des bactéries intestinales comme lesLactobacilii and Bifidobacteria qui freinent la croissance de germes pathogènes comme les Clostridia etE. coli. De plus, les fibres fermentescibles produisent des acides gras à chaîne courte (AGCC) commele butyrate, l’acétate et le proprionate, qui fournissent de l’énergie pour les colonocytes. Les AGCCfavorisent l’absorption du sodium et de l’eau, augmentent le flux sanguin muqueux et la libération deshormones gastrointestinales. Ces mécanismes confèrent un rôle trophique aux AGCC sur la muqueuseintestinale en stimulant la prolifération des entérocytes et des colonocytes (Elliott et Biourge, 2006).

Lipides

Les aliments riches en matières grasses (plus de 40 % de l’apport calorique total) sont recommandéscar le patient critique est catabolique et couvre l’essentiel de ses besoins énergétiques avec les acidesgras libres plutôt qu’avec le glucose. L’apport d’acides gras permet également d’éviter le catabolismeénergétique des protéines et d’orienter leur utilisation vers l’anabolisme. De plus, les matières grassesapportent une quantité de calories plus de deux fois supérieure par unité de poids que les protéines etles glucides, ce qui permet de proposer un aliment plus concentré (Tableau 7).

Les acides gras polyinsaturés (AGPI) sont essentiels au maintien de l’intégrité des membranes cellu-laires car ils s’intègrent aux phospholipides membranaires et fournissent des substrats pour la synthèsedes eicosanoïdes (prostaglandines, thromboxanes et leucotriènes). Les eicosanoïdes régulent la pro-duction de plusieurs cytokines comme l’interleukine-1 et le TNF-a et sont impliqués dans les réponsesinflammatoires et immunitaires en phase critique. Les acides gras à chaîne longue de la série oméga-3comme l’EPA (acide eicosapentaénoïque) et le DHA (acide docosahexaénoïque) freinent la synthèsedes médiateurs de l’inflammation (action COX-2 inhibitor-like, inhibition de la production de PGE2,diminution de la translocation nucléaire du NF-kB, et inhibition de la production de cytokines). Ilsprésentent en outre des bénéfices cliniques dans de nombreuses maladies, dont les états septiques. Par

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TABLEAU 6 - CHEZ LES CHATS EN SOINSINTENSIFS, LA CONSOMMATION

DE GLUCIDES DOIT ÊTRE INFÉRIEUREÀ CELLE DES CHATS EN BONNE SANTÉ

Ratio glucido-calorique conseillé :40-60 g/1000 kcal contre 60-90 g/1000 kcal chez les chats sains.Les glucides doivent représenter 15-20 % du BERcontre 20-30 % chez les chats normaux.

TABLEAU 7 - CHEZ LES CHATS EN SOINSINTENSIFS, LES BESOINS EN LIPIDES SONT

GÉNÉRALEMENT PLUS ÉLEVÉSQUE CHEZ LES CHATS EN BONNE SANTÉ

Ratio lipido-calorique conseillé :60-80 g/1000 kcal contre 60 g/1000 kcal chez les chats sains.Les lipides doivent représenter 50-70 % du BERcontre 50 % chez les chats normaux.

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ailleurs, les acides gras de la série oméga-6 ont un rôle significatif dans l’immunosuppression, la crois-sance tumorale, et l’inflammation (Kerl et Johnson, 2004; Saker, 2006).

Vitamines et minéraux

Les vitamines et les minéraux interviennent dans des réactions métaboliques complexes et jouent unrôle clef dans les mécanismes antioxydants (Saker 2006). Les concentrations en électrolytes (phos-phore, potassium et magnésium) doivent être surveillées attentivement dans les aliments formulés pourles chats en soins intensifs afin de prévenir le syndrome de réalimentation (Solomon et Kirby, 1989; Jus-tin et Hohenhaus, 1995; Miller et Bartges, 2000; Armitage-Chan et coll, 2006). Une supplémentation enzinc peut être bénéfique dans les états critiques. En effet, le zinc renforce les mécanismes immunitaireset active la cicatrisation. Les chats en soins intensifs peuvent aussi avoir des besoins accrus en vita-mines hydrosolubles du groupe B. La vitamine B12 est particulièrement importante pour les chats souf-frant de pancréatite ou de maladie intestinale chronique.

Nutriments particuliers

L’association entre la malnutrition et la vulnérabilité aux infections est connue depuis l’antiquité. L’ef-ficacité de la supplémentation en certains nutriments pour moduler le système immunitaire a été éva-luée dans de nombreuses études (Heyland et Dhaliwal, 2005). Les nutriments généralement considéréscomme pourvus de propriétés immunomodulatrices sont : la GLN, l’arginine, les acides gras à chaînelongue oméga-3, les antioxydants (vitamines C et E, taurine, caroténoïdes) et les nucléotides (Chan etFreeman, 2006a). Cependant, la nature et la/les quantité(s) optimales de nutriments immunomodula-teurs à apporter aux chats en soins intensifs ne sont pas encore connus (voir chapitre 15).

Les radicaux libres sont des molécules instables, générées par de nombreux mécanismes exogènes etendogènes. L’hypovolémie et les phénomènes d’ischémie-reperfusion sont fréquents dans les états cri-tiques et peuvent augmenter la production des radicaux libres. Ces derniers sont à l’origine de lésionscellulaires oxydatives, qui peuvent finalement entraîner des dysfonctionnements organiques. L’orga-nisme se défend contre les dommages oxydatifs grâce à des molécules piégeant les radicaux libres commela superoxyde dismutase, la gluthation péroxydase, la catalase, les vitamines E et C, la taurine et lescaroténoïdes. Cependant, lors de maladie grave, un déséquilibre entre les réactions d’oxydation et lessystèmes antioxydants peut se produire. Il est donc prudent que les animaux en phase critique reçoi-vent une alimentation supplémentée en antioxydants.

Pour résumer, les effets bénéfiques provenant d’un support nutritionnel adéquat incluent : renforcementde la fonction immunitaire, cicatrisation, réponse au traitement, temps de guérison et durée de survie(Figure 5).

Eau

Les besoins en eau du chat sont proches de ceux de ses ancêtres carnivores qui vivaient en zones déser-tiques et dont les proies suffisaient à couvrir leurs besoins hydriques. Le chat est généralement moinssensible à la soif et à la déshydratation que le chien.

Néanmoins, les chats en soins intensifs sont généralement déshydratés ou hypovolémiques. La restau-ration de leur équilibre hydrique et électrolytique ainsi que celle de leur volume sanguin circulant néces-sitent un apport liquidien par voie intraveineuse. Parallèlement, il est important de s’assurer que leschats en soins intensifs reçoivent un apport hydrique par voie entérale ou parentérale.

5 -Alimentation entéraleUne étude s’est intéressée au pourcentage ingéré d’alimentation entérale prescrite chez 23 chats et 2chiens (Michel et Higgins, 2006). Cette étude montre que l’observance est satisfaisante lorsque les pres-criptions alimentaires sont clairement édictées. De plus, une consultation avec le service d’alimentationaugmente la probabilité que l’alimentation prescrite couvre correctement le BER estimé du patient.

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Alimentation “assistée”

Les chats sont connus pour avoir des préférences alimentaires marquées et sont susceptibles de fairepreuve d’aversion alimentaire. Lorsqu’une odeur ou un aliment sont associés à des sensations agréables,l’aliment est mangé à nouveau. À l’inverse, si l’odeur ou l’aliment sont associés à un stress, comme uneexpérience déplaisante ou une hospitalisation, l’aliment est boudé. Ce phénomène d’aversion se meten place très rapidement chez le chat. Il est recommandé de résister à la tentation de contraindre unchat anorexique à manger. Forcer un chat à s’alimenter accroît le risque de fausse déglutition et d’aver-sion alimentaire.

La simple odeur d’un aliment associé à des troubles digestifs suffit à provoquer une aversion. Un chatva jusqu’à refuser son aliment habituel s’il est servi en présence d’une odeur dégagée par un autre ali-ment contre lequel il a développé une aversion. Il est donc important de faire attention lors de la pré-paration des repas pour les chats hospitalisés. Il est ainsi préférable de préparer le repas dans un endroitoù les odeurs alimentaires sont minimales.

Lorsqu’un chat montre un certain intérêt pour la nourriture, plusieurs méthodes peuvent être essayéespour tenter d’accroître sa motivation à manger : varier les conditions d’alimentation ou choisir uneautre personne pour donner à manger. Caresser le chat et lui parler peuvent l’encourager à se nourrir(Figure 6).

Le chat a besoin de se sentir en sécurité dans son environnement. Pour cela, le vétérinaire et le pro-priétaire doivent fournir des structures compatibles avec l’éthogramme du chat qui doit pouvoir dis-poser d’une aire d’alimentation, de repos et le jeu. Il faut également s’assurer que le chat a la possibilitéde gérer son stress en se cachant et en se mettant en retrait. Un des problèmes liés à l’hospitalisationest que le chat est constamment exposé et donc vulnérable. Prendre des mesures pour fournir au chat

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FIGURE 5 - POINTS NUTRITIONNELS CLÉS PERMETTANTD’AMÉLIORER LA RAPIDITÉ DE RÉCUPÉRATION ET LE SUCCÈS CLINIQUE

Figure 6 - L’appétit d’un chat peutêtre stimulé si une petite quantité denourriture est placée dans la bouche,sur les lèvres ou les pattes

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Trauma – Chirurgie – Processus inflammatoires – Hospitalisation

NéoglucogenèseAugmentation de la consommation des acides

aminés (immunoglobulines, protéines inflammatoires, facteurs de coagulation)

Augmentation des dépenses énergétiques au repos liées à la pathologie

Acides aminés ramifiés

Teneur accrue en EPA et DHA

Retard de cicatrisation Immunosupression locale et générale

Atrophie de l’épithéliumintestinal

ZincFibres

fermentescibleset arginine

Vitesse de récupération et succès clinique favorisés

Complexe synergiqued’antioxydants

Teneur élevée en glutamine

Diminution de l’efficacité du traitement

médical

Carences protéiquesÉquilibre énergétique et nutritionnel négatif

Acides aminés hautement digestibles Diminution de l’appétit, anorexie

Impossibilité de se nourrir

Forte densité énergétique

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un environnement physique et odorant constant et prévisible aide à améliorersa sécurité. Un chat hospitalisé peut refuser de manger quand l’espace dévolune respecte pas la configuration spatiale requise (Figure 7).

La satiété précoce est fréquente chez un patient anorexique, ainsi il est recom-mandé de diviser la ration quotidienne en le plus grand nombre possible depetits repas. Ceci est particulièrement important chez les chats puisque leurcomportement naturel les pousse à fractionner leur prise alimentaire chaquejour. Ils mangent également jour et nuit. En conséquence, pour les encoura-ger à manger même en milieu hospitalier, il faut s’inspirer de leur comporte-ment naturel en fournissant de multiples petits repas fraîchement préparésrépartis sur le nycthémère.

Il est important de garder à l’esprit que le goût est très important pour les chats. En général, ils sontparticulièrement sensibles au degré d’humidité de l’aliment, à la teneur en matières grasses et en pro-téines. Les chats sont attirés par les aliments ayant un goût acide et des arômes puissants. L’additiond’eau à un aliment sec ou sa substitution par un aliment en boîte peut augmenter l’appétence de lanourriture. La plupart des chats préfèrent un aliment à température corporelle. Donc, réchauffer l’ali-ment avant de le servir peut encourager les chats anorexiques à manger. En revanche, pour les chatsqui montrent un certain intérêt pour la nourriture, mais rechignent à manger quand elle est réchauf-fée, il est suggéré d’essayer d’offrir un aliment réfrigéré (Michel, 2001). Lorsque les méthodes ci-dessuss’avèrent insuffisantes pour obtenir que le chat couvre ses besoins, une alimentation entérale ou paren-térale s’impose afin de permettre un soutien alimentaire efficace (Michel, 2001; Elliott, 2008).

Stimulation pharmacologique de l’appétit

Quelques rares médicaments, associés à de nombreux effets secondaires, sont utilisés comme stimulantsde l’appétit chez les chats (Tableau 8). Pour beaucoup d’auteurs, ils n’ont pas leur place dans la gestionnutritionnelle des patients hospitalisés en soins intensifs. Il est important de souligner que seule l’ali-mentation assistée peut permettre d’assurer une couverture calorique adéquate (sonde d’alimentationentérale ou NP). Les stimulants de l’appétit peuvent être utilisés chez chat convalescent lorsqu’il estrentré à la maison (Chan, 2006).

Sondes d’alimentation entérale

L’alimentation entérale utilise des sondes naso-œsophagienne, œsophagienne, gastrique ou jéjunale(Marks, 1998). Ces sondes d’alimentation existent en différentes tailles et modèles. Elles sont en latexou en silicone. Les premières sont moins chères mais doivent être généralement remplacées après 8 à12 semaines pour cause d’usure et de déchirures. Les sondes en silicone ont une durée de vie moyennede 6 à 12 mois et sont moins irritantes au niveau du site d’insertion. Différents adaptateurs peuventêtre fixés la sonde afin de faciliter l’administration d’aliments.

Figure 7 - Placer les chats dans descages plus larges destinées aux chiensqui permettent la séparation des airesd’alimentation, de repos et la litièrepeut aider à restaurer l’appétit de cer-tains chats

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TABLEAU 8 - STIMULANTS DE L’APPÉTITD’après Chan, 2006

Molécules Posologie Commentaires

Benzodiazépines :- Diazépam- Oxazépam

- 0,2 mg/kg IV- 0,5 mg/kg PO 1 à 2 fois/j

Sédatifs.Contre-indiqués chez les chatsinsuffisants hépatiques.Leurs effets diminuent avec letemps lorsqu’ils sont utilisés chezdes animaux malades.

Cyproheptadine 0,5-0,5 mg/kg PO 2 fois/j Antisérotoninergique.Peut provoquer excitabilité,agressivité et vomissements.

Chlorhydrate de miansérine

2,4 mg/kg PO 1 fois/j Excitabilité, agressivité et vomissements.

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Figure 8 - Sonde naso-œsophagienne en place.La plupart des chats en phase critique tolèrent sans problème la posed’une sonde naso-œsophagienne, mais une tranquillisation est nécessaire pour certains individus.

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La commercialisation de ces moléculesà destination de l’espèce féline varieselon les pays et les lois en vigueur.

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> Sondes naso-œsophagiennes

Les sondes naso-œsophagiennes sont les sondes de choix lorsque l’hospitalisation est de courte durée(< 5 jours) (Figure 8). Leur mise en place est décrite dans le Tableau 9. Il est recommandé de ne pasfaire pénétrer l’extrêmité de la sonde naso-œsophagienne dans l’estomac, mais de rester dans l’œso-phage distal. En effet, si la sonde passe la jonction gastro-œsophagienne, elle pourrait provoquer unreflux acide induisant ainsi un risque d’œsophagite, de vomissements et d’irritation.

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TABLEAU 9 - SONDES NASO-ŒSOPHAGIENNESGoy-Thollot et Verset, 2007; d’après Bosworth et Snow 2004; Chan, 2006

Indications Contre-indications

• Animaux anorexiques dont le système digestif reste fonctionnel• Alimentation par sonde de courte durée (<5 jours)• Alimentation spontanée contre-indiquée ou impossible :

fractures mandibulaires, chirurgie ORL

• Vomissements incontrôlables• Chirurgie de la bouche, du pharynx, de l’oesophage• Traumatisme ou sténose de l’œsophage• Trouble de la déglutition/ transit œsophagien• Altération de l’état de conscience• Vidange gastrique retardée • Chirurgie des canaux biliaires • Fractures des cavités nasales ou rhinites• Thrombocytopénie/pathie grave• Traumatisme crânien ou hypertension intra-crânienne (les éternuements

augmentent la pression intra-crânienne)

Avantages Inconvénients

• Coût faible• Pose facile• Anesthésie facultative• Les animaux peuvent boire et déglutir avec la sonde• Pas de temps d’attente avant l’utilisation ou le retrait

• Alimentation à court terme• Sondes inconfortables et de petit diamètre • Alimentation liquide et gros volumes obligatoires à cause du petit

diamètre• Port de collerettes pouvant gêner la reprise de l’alimentation spontanée

Préparatifs

Équipement Chat

• Sondes d’alimentation pédiatrique de 3-5 Fr (PVC, silicone, Téflon)• Spray à la lidocaïne• Gel de lidocaïne• Fil en monofilament non résorbable et aiguille et/ou cyanoacrylate• Collerette

• Spray à la lidocaïne dans le nez • Animal assis ou en décubitus sternal• Cou fléchi

Mise en place

• Mesurer la longueur de la sonde (depuis le méat nasal jusqu’au 9e espace intercostal) et faire une marque sur la sonde avec une encre indélébile• Mettre du gel de lidocaïne autour de la sonde • Insérer la sonde ventromédialement et la descendre jusqu’au sphincter de l’œsophage• Sécuriser la sonde avec un point de colle, une suture ou une agrafe chirurgicale latéralement aux narines• Vérifier la position de la sonde par radiographie• Mettre une collerette

Après la pose

Soins Complications/retrait

• Alimentation progressive• Avant chaque utilisation : vérifier le placement en aspirant avec une

seringue et contrôler la présence de contenu gastrique• Après chaque utilisation : rincer avec de l’eau tièdie (5-10 mL) pour

prévenir l’obstruction

• Surcharge alimentaire (nausées, reflux, vomissements, diarrhée)• Pneumonie par fausse route• Epistaxis, rhinite, inflammation des glandes lacrymales • Reflux gastro-œsophagien et oesophagite • Obstruction de la sonde• Retrait : reprise de l’alimentation spontanée

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Figure 11 - Sonde gastrique en place chez un chat vigile.Dans la plupart des cas, les sondes gastriques sont relativement bien tolérées par les chats.

Figure 9 - Sonde d’œsophagostomie en place.Les sondes d’œsophagostomie peuventêtre posées avec une anesthésie decourte durée et un équipement minimal.

Figure 10 - Sonde gastrique enplace chez un chat anesthésié.Une sonde gastrique doit rester enplace au minimum 7 à 10 jours pourque se forme une réaction cicatricielleavec la paroi abdominale.

Les contre-indications des sondes naso-œsophagiennes incluent :les traumatismes faciaux sévères impliquant les narines, des vomis-sements prolongés et/ou des régurgitations, un état de consciencealtéré, des anomalies anatomiques ou fonctionnelles du larynx, dupharynx ou de l’œsophage (Marks, 1998). Les sondes naso-œso-phagiennes sont petites, de 3 à 5 Fr. Ce faible diamètre imposel’utilisation d’aliments liquides ou d’aliments en poudre reconsti-tués. Certains chats en soins intensifs ne tolèrent pas les volumesrequis par de telles préparations (Marks, 1998; Yam et Cave, 2003;Chan, 2006).

> Sondes d’œsophagostomie

Les sondes d’œsophagostomie nécessitent une anesthésie decourte durée et un équipement minimal (Tableau 10). La seulevéritable complication est le risque d’infection du site d’insertion.Des soins méticuleux sont à apporter afin de maintenir la sonde enplace. Dans une étude concernant 67 chats (46 nourris par sondeœsophagienne et 21 par sonde gastrique posée par endoscopie per-cutanées ou PEG), les auteurs mentionnent que les sondes œso-phagiennes constituent une excellente alternative, moins invasive,que les sondes gastriques (Ireland et coll, 2003). De nombreuxnutritionnistes considèrent les sondes d’œsophagostomie commeessentielles aux protocoles de soutien nutritionnel des chats enétat critique et que cette voie d'alimentation devrait être adoptéedans la plupart des structures vétérinaires (Chan, 2006) (Figure 9).

> Sondes gastriques

Les sondes gastriques sont très utiles pour le support nutritionnel à long terme (Figure 10). Les sondesgastriques peuvent être placées chirurgicalement ou par des techniques percutanées endoscopiques ouà l’aveugle. Des sondes de 16-20 Fr conviennent chez les chats. Elles doivent rester en place au mini-mum 7 à 10 jours pour que se forme une réaction cicatricielle avec la paroi abdominale. Ces sondespeuvent facilement rester en place pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois chez un maladechronique ou anorexique (Elliott et coll, 2001; Luhn et coll, 2004, Mesich et Snow 2004, Thompson et coll2004) (Figure 11). La péritonite est une complication possible si la fixation de la sonde gastrique n’estpas étanche ou si la sonde est retirée trop tôt. Les auteurs présentent les techniques de PEG dans laFigure 12.

> Sondes jéjunales

La sonde jéjunale court-circuite l’estomac et le pancréas et peut être utilisée lors de pancréatite sévère,de maladie infiltrative diffuse de la muqueuse gastrique, de vomissements répétés ou de vidange gastriqueretardée. Les sondes jéjunales nécessitent un placement chirurgical sous anesthésie générale et après

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Introduction de l’endoscope dans l’estomac et dilatation de ce dernier, puis ponction cutanée et gastrique à l’aide de l’aiguille.

FIGURE 12 - MÉTHODE PERCUTANÉE ENDOSCOPIQUE (PEG)

Fixation de la sonde au guide par le système d’accrochage.

Passage d’un guide dans l’aiguille etpréhension de celle-ci avec la pince del’endoscope en direction de la gueulejusqu’à ressortir de celle-ci.

Traction du guide et de la sonde en direction de l’estomac jusqu’à ce que l’extrémité en champignon bute sur la paroi gastrique.

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TABLEAU 10 - SONDES D’ŒSOPHAGOSTOMIEGoy-Thollot et Verset, 2007 (d’après Von Werthern et Wess, 2001; Bosworth et coll, 2004; Vannatta et Snow 2004; Chan, 2006)

Indications Contre-indications

• Alimentation entérale > 7 jours• Anorexie prolongée• Post-opératoire des chirurgies de la sphère orale et de la tête• Affections de la cavité orale • Contre-indications des sondes naso-œsophagiennes

• Vomissements incontrôlables• Troubles œsophagiens primaires ou secondaires (œsophagite,

mégaœsophage, traumatisme, sténose)• Corps étranger, chirurgie ou tumeur œsophagienne• Retard à la vidange gastrique • Chirurgie des canaux biliaires

Avantages Inconvénients

• Bonne tolérance • Coût faible• Pose facile• Sondes de large diamètre• Permet l’utilisation d’aliments à forte densité calorique• Alimentation de longue durée (1-12 semaines)

• Anesthésie générale obligatoire pour la pose• Procédure chirurgicale

Préparatifs

Équipement Chat

• Sonde endotrachéale• Clamp de Rochester courbe• Sonde d’alimentation pédiatrique de 8-12 Fr et 40 cm (PVC ou silicone)• Fil monofilament non résorbable et matériel de suture• Collerette

• Anesthésie générale avec pose d’une sonde endotrachéale• Décubitus latéral droit• Tonte et préparation chirurgicale de la zone cervicale latérale gauche

Mise en place

• Mesurer la longueur de la sonde (depuis le tiers proximal de l’œsophage jusqu’à la 8e ou 9e côte) et faire une marque à l’encre indélébile• Élargir l’orifice de sortie de la sonde avec une petite lame• Repérer les veines jugulaire, rétromandibulaire et orales/faciales• Introduire le clamp dans la cavité orale et le diriger vers l’œsophage proximal, caudalement à la thyroïde et à l’entrée du larynx• Faire tourner le bout du clamp dorsalement, en poussant l’œsophage vers la peau• Palper l’extrémité courbe du clamp à travers la peau• Inciser l’œsophage à travers la peau au niveau de l’extrémité courbe du clamp (la muqueuse de l’œsophage est plus difficile à inciser que la peau)• Forcer doucement l'extrémité courbe du clamp à travers l’incision • Élargir légèrement l’incision pour permettre au bout du clamp de s’ouvrir• Placer la sonde d’œsophagostomie dans le clamp• Fermer le clamp et le retirer de la cavité orale avec la sonde • Désengager le clamp• Recourber le bout de la sonde dans la bouche et l’introduire en sens inverse dans l’œsophage• Alors que la sonde est repoussée dans l’œsophage, son extrémité proximale est doucement tirée en même temps vers l’extérieur• Rediriger la sonde dans l’œsophage et imprimer discrètement une force• Inspecter l’oropharynx pour s’assurer que la sonde n’y est plus présente• Re-désinfecter le site d’incision, faire une suture en bourse suivie d’un lacet chinois• Faire un pansement étanche autour du cou• Confirmer avec une radiographie que le positionnement de la sonde est correct

Après la pose

Soins Complications/retrait

• Vérifier la plaie et changer les pansements au bout de 3-5 jours puistous les 2-3 jours

• Attendre 24 heures avant usage• Réalimenter progressivement• Avant chaque utilisation : s’assurer du bon positionnement en inspirant

avec une seringue et contrôler le contenu gastrique • Après chaque utilisation : rincer avec de l’eau tièdie

• Surcharge alimentaire (nausées, reflux, vomissements, diarrhée)• Perforation de la jugulaire pendant la pose• Pneumonie par fausse déglutition• Reflux œsophagien, vomissement/régurgitation• Infection locale au site de stomie• Obstruction• Cellulite si la sonde est retirée prématurément

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laparotomie. Il a récemment été décrit une nouvelle technique: la sonde jéjunale est introduite via unesonde gastrique et dirigée au travers du pylore avec un endoscope (Heuter 2004; Jergens et coll, 2007).Le faible diamètre de la sonde, et son positionnement dans le jéjunum impose une alimentation liquideadministrée en continu grâce à une pompe. Ainsi, les sondes jéjunales sont limitées à un usage hospi-talier. Un retrait précoce de la sonde induit un risque de péritonite. Ascite, péritonite, immunosup-pression et obstruction de l’intestin grêle distal constituent des contre-indications à la pose d’une sondejéjunale (Heather et coll, 2004).

> Protocoles de nutrition

Le support nutritionnel doit être mis en place graduellement. En général, un tiers à un quart des calo-ries quotidiennes sont administrées le premier jour. En l’absence de complication, la quantité est pro-gressivement augmentée pour finalement couvrir la totalité du besoin énergétique au bout de trois ouquatre jours (Bartges et coll, 2004; Elliott et Biourge, 2006) (Tableau 11). Si nécessaire, l’aliment peutêtre mixé avec de l’eau pour faciliter le passage par la sonde d’alimentation. Le volume quotidien totalest administré en 4 à 6 fois en fonction de la durée de l’anorexie et de la tolérance du patient.

Les troubles de la motilité gastrique sont fréquents chez les malades en soins intensifs. Les agents pro-kinétiques semblent avoir un effet bénéfique sur la motricité gastrointestinale et la tolérance aux ali-ments chez ces patients (Corke, 1999; Booth et coll, 2002). L’utilisation d’anti-émétiques doit être envi-sagée chez les chats lors de vomissements et de nausées (Tableau 12). Le métoclopramide, en plus deses effets anti-émétiques, est intéressant lors de retard de vidange gastrique (Michel, 2001; Mohr et coll,2003). Chan et Freeman (2006) recommandent une perfusion en continu de métoclopramide à la dosede 1-2 mg/kg/jour. Plus récemment, des anti-émétiques puissants de la famille des HT3-antagonistes(ondasétron, dolanstéron) ont été recommandés, bien que des essais cliniques fassent défaut. Un nou-veau type d’anti-émétique (maropitant, un antagoniste NK-1) est apparu. Cependant, aucune expé-rience clinique n’est actuellement disponible chez le chat.

Contrairement à une idée fausse assez répandue, les chats alimentés par sonde peuvent recommencerà manger spontanément. Il est ainsi recommandé de leur laisser une gamelle d’aliment à disposition.L’anorexie disparaît après traitement de la maladie causale. Proposer de la nourriture aux chats permetd’évaluer leur appétit et aide à déterminer le moment où la sonde n’est plus nécessaire.

> Complications

• Pneumonie par fausse déglutitionLa complication la plus grave de l’alimentation entérale est la pneumonie par fausse déglutition. Ellepeut être fatale aux chats en soins intensifs. Un épisode antérieur de fausse déglution, un état de vigi-lance altéré (sédation, analgésie ou troubles neurologiques), un réflexe de toux ou de déglutition dimi-nué ou absent, et la ventilation assistée sont des facteurs prédisposants (Michel, 2004; 2006). Le mau-vais positionnement d’une sonde naso-œsophagienne dans la trachée est également responsable depneumonie par fausse route. Ce risque peut être réduit en s’assurant que la sonde est correctement posi-tionnée.

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TABLEAU 12 - CHOIX D'UN AGENT ANTI-ÉMÉTIQUED’après Michel, 2001

Principe actif Posologie Commentaires

Métoclopramide 0,2-0,4 mg/kg IV, SCou PO 3 x/jour1-2 mg/kg/jour IV(perfusion)

Facilite la vidange gastrique et agit centralement sur leschémorécepteurs de la trigger zone (effets centraux moinspuissants chez le chat que dans d’autres espèces)

Ondansétron 0,1-0,15 mg/kg IVlente 2x/jour

Agit centralement sur les chémorécepteurs de la triggerzone (antagonistes 5HT3)

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TABLEAU 11 - PROGRAMMEDE RÉALIMENTATION

Cas A: chat anorexique depuis moinsde 3 jours - programme pour couvrirle besoin énergétique de repos (BER)en 3 jours

Jour 1 : 1/3 du BERJour 2 : 2/3 du BERJour 3 : totalité du BER

Cas B: chat anorexique depuis plusde 3 jours - programme pour couvrirle BER en 5 jours

Jour 1 : 1/4 du BERJour 2 : 1/2 du BERJour 3 : 2/3 du BERJour 4 : 3/4 du BERJour 5 : totalité du BER

Tableau indicatif : la commercialisation de ces molécules à destination de l’espèce féline varie selon les payset les lois en vigueur.

Page 22: Alimentation des chats en soins intensifs par I. Goy-Thollot et D.A

• Complications mécaniquesLes problèmes mécaniques, comme l’obstruction de la sonde, son retrait prématuré ou son déplacementsont des complications fréquentes liées à l’alimentation entérale. Le risque d’obstruction de la sondepeut être minimisé par une dilution et une homogénéisation adéquate de l’aliment avant administra-tion. L’aliment ne doit jamais stagner dans la sonde et celle-ci doit être rincée avec de l’eau tiède aprèschaque repas ou lors de reflux gastrointestinaux. Le risque d’obstruction des sondes œsophagiennes peutêtre aussi limité en élargissant l’extrêmité distale avant la pose. En cas d’obstruction, plusieurs tech-niques sont utilisables : masser la sonde tout en la rinçant et en aspirant l’eau, instiller une boissongazeuse, utiliser des enzymes protéolytiques ou une solution d’enzymes pancréatiques pendant 15 à 20minutes. Il est également possible de repousser doucement l’élément obstructif en utilisant un cathé-ter en polyuréthane. En dernier recours, la sonde doit être enlevée puis replacée.

Bien qu’il soit tentant d’utiliser les sondes pour administrer ses médicaments au chat, cette pratiquedoit être limitée si possible aux médicaments sous forme liquide. Les médicaments visqueux doiventêtre dilués avec de l’eau et les comprimés écrasés en une fine poudre avant d’être mélangés à l’eau. Unseul médicament doit être administré à la fois et, à l’exception des chélateurs de phosphates lors d’in-suffisance rénale, à distance des repas afin d’éviter les interactions médicamenteuses ainsi que les inter-actions entre nutriments et médicaments.

Le retrait prématuré de la sonde ou son déplacement peut être évité en choisissant une sonde confor-table pour le patient et en utilisant une collerette, ou des bandages. Marquer la zone de sortie de lasonde avec de l’encre indélébile peut être utile pour pouvoir éventuellement repérer si elle a bougé parrapport à sa position initiale. Toute position douteuse de la sonde doit être vérifiée par radiographie.Un produit de contraste iodé peut être injecté par la sonde gastrique ou intestinale afin de vérifier qu’iln’y a pas de fuite dans la cavité péritonéale (Michel, 2004).

• Intolérance alimentaire La surcharge gastrique est une complication fréquente, particulièrement chez les animaux en soinsintensifs. Les chats qui vomissent de manière répétée et fréquente (plus de 3 fois par jour) ne devraientprobablement pas être alimentés par voie entérale. Pour les chats qui vomissent de petites quantitéspas trop fréquemment (moins de 2 fois par jour), il est recommandé de modifier la stratégie d’alimen-tation. Par exemple, l’administration plus lente de plus petits volumes, en augmentant la fréquence,peut améliorer la tolérance. Si l’administration du bol alimentaire continue de poser problème, l’ad-ministration continue peut améliorer la situation. Il est recommandé de débuter à un rythme très lent,par exemple 2mL/heure et de l’accélérer progressivement en fonction de la réaction de l’animal, jus-qu’à ce que l’apport calorique optimal soit atteint. Dans de tels cas, atteindre cet objectif peut prendrequelques jours de plus (Marks, 1998; Michel, 2004; Chan, 2006; Chan et Freeman, 2006).

• Complications métaboliquesDifférents types de complications métaboliques peuvent survenir lors d’alimentation entérale.

- Incapacité du chat à assimiler les nutrimentsPar exemple, un chat souffrant d’insuffisance rénale peut développer une azotémie si l’aliment est tropriche en protéines. Ce problème peut être anticipé par une évaluation nutritionnelle précise de l’ani-mal avant de mettre en place le protocole d’alimentation.

- Syndrome de réalimentationLe syndrome de réalimentation peut se développer chez des chats présentant une importante fonte mus-culaire consécutive à un jeûne prolongé ou une maladie catabolique (Michel, 2004; Armitage-Chan etcoll, 2006). Ce syndrome, relativement rare, constitue la complication la plus grave associée au supportnutritionnel en soins intensifs et peut survenir avec une alimentation orale, entérale ou parentérale.Chez l’homme, ce syndrome entraîne divers effets systémiques: dépression de la fonction myocardique,arrythmies cardiaques, hypoventilation, convulsions et troubles nerveux, diminution de l’activité neu-trophilique, faiblesse musculaire et anémie hémolytique.

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Bien qu’il soit tentant d’utiliser les sondes pouradministrer ses médicaments au chat, cette pratique doit être limitée si possible aux médicaments sous forme liquide.

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La plupart de ces effets font suite à une hypophosphatémie, bien qu’un déficit en magné-sium ou en potassium puisse également y contribuer. L’hypophosphatémie se développesecondairement à l’augmentation rapide de la sécrétion d’insuline lors de la réintroduc-tion de la nourriture. L’augmentation de l’activité insulinique stimule les processus ana-boliques, qui consomment des phosphates pour la synthèse des substrats hautement éner-gétiques comme l’adénosine tri-phosphate (ATP) et le 2,3-diphosphoglycérate. Il y a alorsun transfert intratranscellulaire des phosphates qui conduit à une hypophosphatémie àcause de la déplétion de la réserve corporelle globale en phosphates. La diminution de lasynthèse d’ATP et le déficit énergétique qui en découlent sont à l’origine de beaucoupdes signes cliniques associés au syndrome de réalimentation (Solomon et Kirby, 1990; Miller, 2000; Armitage-Chan et coll, 2006). Une anémie hémolytique secondaire à l’hy-pophosphatémie lors d’un syndrome de réalimentation a été décrite chez le chat (Justinet Hohenhaus, 1995). Les malades souffrant d’hypophosphatémie sévère répondent engénéral favorablement à une supplémentation en phosphates à un rythme de 0,01-0,06mmol/kg/heure (Justin et Hohenhaus, 1995).

- HyperglycémieL’hyperglycémie est une autre complication métabolique fréquente à laquelle la médecine vétérinaireporte attention depuis peu. Chez les animaux en soins intensifs, une hyperglycémie peut augmenter lesrisques infectieux ainsi que la mortalité. Il n’est pas encore sûr qu’une administration d’insuline soitrecommandée ni qu’elle exerce une influence sur le pronostic (voir § 2,b,1) (Chan et coll, 2006; Crabbet coll, 2006). Le risque d’hyperglycémie lors de nutrition assistée est plus fréquent avec la NP (Crabbet coll, 2006).

- Surcharge liquidienne ou hyperhydratationLes aliments administrés par des sondes entérales contiennent plus de 80 % d’humidité et de l’eau estutilisée pour nettoyer la sonde à la fin du repas. Une surcharge liquidienne peut ainsi survenir chez leschats recevant une alimentation assistée. Le risque est surtout important chez ceux qui présentent unecardiopathie sous jacente et chez ceux qui reçoivent de gros volumes d’alimentation entérale tout enétant perfusés. Dyspnée, œdème pulmonaire et épanchement pleural sont les signes cliniques associésà la surcharge liquidienne. La prévention repose sur une évaluation clinique méticuleuse afin d’iden-tifier les patients à risque. Il convient également d’équilibrer l’alimentation et la fluidothérapie demanière à maintenir une hydratation normale et à éviter la surcharge (Chan et Freeman, 2006).

> Suivi et réévaluation

Les paramètres à contrôler chez les chats recevant une alimentation entérale sont : le poids corporel,les électrolytes sériques, la perméabilité de la sonde d’alimentation, l’aspect du site de stomie et l’ap-parition éventuelle de signes cliniques compatibles avec une intolérance gastrointestinale, une hyper-volémie ou une pneumonie par fausse déglutition (Chan et Freeman, 2006). L’apport calorique et la for-mulation du régime choisi doivent parfois être ajustés en fonction des modifications des besoins et dela tolérance de l’animal. Chez les chats qui ne tolèrent pas les quantités prescrites, le clinicien doitenvisager de les diminuer et de compléter l’alimentation entérale par une NP. Grâce à une évaluationconstante, le clinicien peut déterminer quand arrêter l’assistance nutritionnelle et reprendre une ali-mentation volontaire. L’assistance nutritionnelle n’est arrêtée que lorsque le patient consomme spon-tanément au moins 75 % de son BER (Chan, 2006).

6 -Nutrition parentérale (NP)La NP devient incontournable en présence de vomissements incontrôlables, de régurgitations, de pan-créatite aiguë, d’obstruction intestinale, de malabsorption sévère, d’iléus prolongé et d’incapacité à pro-téger les voies respiratoires. La NP peut être administrée par voie veineuse centrale (NP centrale ouNPC) ou par une veine périphérique (NP partielle ou NPP). La NPC permet de couvrir la totalité desbesoins caloriques et protéiques de l’animal. La NPP ne fournit qu’une partie de l’énergie et des nutri-ments requis (Chan et Freeman, 2006; Delaney et coll, 2006).

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La prévention du syndrome de réalimentation nécessite la stabilisation du statut hydrique, électrolytique et acido-basique du patient avant l’instauration d’unsupport nutritionnel, en plus de l’apport progressif de nourriture(Armitage-Chan et coll, 2006).

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La NPC est séduisante pour les chats, car elle permet de couvrir à la fois les besoins énergétiques etprotéiques. En revanche, son coût est élevé et elle induit un risque accru de complications métabo-liques. De plus, l’osmolarité élevée des solutions de NP totale étant associée à un risque accru de throm-phlébite, leur administration doit se faire par voie centrale (cathéter jugulaire ou fémoral) (Chandler etcoll, 2000). Assez peu d’informations sont disponibles quant à l’utilisation de la NP chez le chat (Lip-pert et coll, 1993; Chan et coll, 2002; Pyle et coll, 2004; Crabb et coll, 2006). L’indication majeure danscette espèce semble être la pancréatite (Chan et coll, 2002; Pyle et coll, 2004; Crabb et coll, 2006).

Composition des solutions d’alimentation parentérale

NPC et NPP reposent sur l’administration d’une association de solutions de glucose, d’acides aminéset de lipides. Les acides aminés essentiels pour les chats, sauf la taurine, entrent dans la compositiondes solutions d’acides aminés les plus couramment utilisées. Cependant, puisque la NP n’est en géné-ral pas mise en place au-delà de 10 jours, le déficit en taurine ne crée pas de complication clinique. Lessolutions d’acides aminés sont disponibles avec ou sans électrolytes. Lorsque l'ionogramme plasmatiqueest dans les valeurs usuelles, des solutions d’acides aminés avec électrolytes peuvent être administrées.En revanche, lors de perturbations électrolytiques, des solutions d’acides aminés sans électrolytes sontpréférables. Dans ce cas, les déséquilibres électrolytiques sont corrigés parallèlement et indépendam-ment (Chan et Freeman, 2006; Freeman et Chan, 2006). L’osmolarité est significativement plus élevéepour les solutions d’acides aminés avec électrolytes que pour celles qui en sont dépourvues. Si la NPPest choisie, l’osmolalité de la solution finale doit être inférieure à 600 mmOsm/L. En conséquence, laNPP utilise préférentiellement des solutions d’acides aminés sans électrolytes.

Les émulsions lipidiques représentent à la fois une une source d’énergie concentrée et d’acides grasessentiels. Le ratio glucides/lipides doit être choisi en fonction du bilan hormonal et du fonctionne-ment hépatique. Les émulsions lipidiques sont isotoniques. Elles contiennent en général de l’huile desoja et de carthame et fournissent essentiellement des acides gras polyinsaturés à chaîne longue commeles acides linoléique, oléique, palmitique et stéarique. Ces solutions sont émulsifiées avec des phos-pholipides de jaune d’œuf et leur tonicité est ajustée avec du glycérol. Les particules de matières grassesémulsifiées ont une taille comparable à celle des chylomicrons et sont captées dans la circulation parl’action de la lipoprotéine lipase périphérique. Les solutions lipidiques ne semblent pas augmenter lasécrétion pancréatique ou aggraver les pancréatites, sauf lorsque les triglycérides sériques sont déjà éle-vés (altération de la clairance des triglycérides). Bien que la quantité maximale tolérable de lipidesadministrable chez les chats critiques ne soient pas connue, il semble prudent de maintenir une trigly-céridémie normale chez les chats nourris par NP (Chan et Freeman, 2006; Freeman et Chan, 2006).

Les solutions parentérales doivent contenir 40 mEq/L de potassium afin de compenser le passage trans-cellulaire de potassium dû à la sécrétion d’insuline induite par la réalimentation. De même, un conte-nu minimal de 5-10 mM/L en phosphore est recommandé. Une préparation regroupant les vitamineshydrosolubles du groupe B peut être ajoutée à la solution parentérale. Ces préparations ne contiennenten général pas d’acide folique à cause de son incompatibilité avec la riboflavine en solution. Les vita-mines liposolubles, les oligo-éléments et le calcium ne sont habituellement pas ajoutés aux solutionsde NP si la durée supposée du traitement est inférieure à une à deux semaines. L’ajout de calcium estpeu fréquent à cause du risque de précipitation. Un déficit en calcium semble bien toléré sur le courtterme. Les quantités d’oligo-éléments à inclure dans la solution parentérale ne sont pas connues aveccertitude. La vitamine K ne doit pas être ajoutée à la solution mais doit être administrée indépendam-ment une fois par semaine.

Préparation et prescription

La NP nécessite un mode de préparation précis afin de maintenir la stérilité et d’éviter la précipitationde ses composants. Les macronutriments doivent être combinés dans l’ordre suivant: glucose, puisacides aminés puis lipides. Pour des raisons pratiques et économiques, les solutions de NP sont géné-ralement fabriquées à l’avance pour plus d'une journée, sans toutefois dépasser trois jours de stockageet de réfrigération. Les solutions ne doivent jamais être congelées ou chauffées et ce qui n’est pas uti-lisé doit être jeté (Campbell et coll, 2006; Freeman et Chan, 2006).

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Les fiches présentées dans les Tableau 13 et 14 sont conçuespour préparer un mélange suffisant pour 24 heures lorsqu’il estadministré de manière constante. Les sachets de NP ne doiventpas rester à température ambiante plus de 24 heures.

Administration

La NP impose la mise en place d’un cathéter (central ou péri-phérique) de manière stérile (Tableau 15). Une asepsie stricteet un entretien régulier du cathéter minimisent le risque decolonisation bactérienne et d’infection. Le choix du type decathéter varie en fonction des solutions à administrer (osmola-rité et composition), de la tendance aux saignements du chat etde l’accès veineux disponible. Les cathéters IV centraux à triplelumière sont souvent utilisés pour la NPC. Le première voie per-met les prises de sang et l’administration intermittente de médi-caments, la deuxième sert à l’administration continue de médi-caments et de fluides et la troisième est dédiée à la seule admi-nistration de la NPC (Campbell et coll, 2006; Delaney et coll,2006). Les solutions de NPC sont administrées à travers un filtrede 1,2 µm, en continu grâce à une pompe à perfusion (Chan etFreeman, 2006).

Les déséquilibres hydroélectrolytiques et acido-basiques doiventêtre corrigées avant le début de l’administration de la NP, carcelle-ci risque de les aggraver. La NPC doit être mise en placede manière progressive en 24 à 48 heures. En l’absence de com-plications, le rythme d’administration peut être augmentétoutes les 4 heures, jusqu'à atteindre le rythme escompté(Campbell et coll, 2006). Dans la plupart des cas, le protocolesuivant est appliqué et bien toléré : administration de 50 % desbesoins totaux le premier jour et de 100 % le second. Enrevanche, les chats anorexiques depuis longtemps nécessitentun protocole progressif de réalimentation (33 % le premier jour,66 % le deuxième et 100 % le troisième). La NPP ne nécessitepas de mise en place graduelle et 100 % des apports peuvent êtreadministrés dès le premier jour. Il est important d’ajuster levolume des fluides perfusés lors de la mise en route de la NP afind’éviter toute surcharge volumique (Campbell et coll 2006, Dela-ney et coll 2006; Freeman et Chan 2006).

Tous les chats placés en soins intensifs qui reçoivent un soutiennutritionnel parentéral doivent être étroitement monitorés aumoins deux fois par jour : température corporelle, rythme car-diaque et respiratoire, poids corporel, statut d’hydratation etcomportement. Les éventuelles complications associées à la NPsont détectées grâce à un bilan biochimique toutes les 4 à 6heures : hématocrite, protéines totales, urémie, électrolytessériques (sodium, potassium, chlore, calcium ionisé), gaz san-guins veineux et glycémie (Tableau 16). La glycosurie doit êtrevérifiée quotidiennement. Les concentrations en triglycéridessériques et en ammoniac sont à contrôler tous les jours.

Complications

Les complications métaboliques, mécaniques et septiques sontrelativement fréquentes chez les chats recevant une NP.

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TABLEAU 13 - FICHE DE CALCUL D’ALIMENTATIONPARENTÉRALE PARTIELLE CHEZ UN CHAT

d’après Freeman et Chan, 2006

1. Calcul du besoin énergétique de repos (BER)70 x (poids corporel actuel en kilogrammes)0,73 = kcal/jour

2. Calcul du besoin énergétique partiel (BEP)BEP= BER x 0,70 = kcal/jour

3. Définition de la composition en différents nutriments Pour les chats de moins de 3 kg, l’apport liquidien est supérieur aux besoinsd’entretien. S’assurer que l’animal peut supporter un tel volume.a. Chats de 3 à 5 kg

BEP x 0,20 = kcal/jour de glucoseBEP x 0,20 = kcal/jour de protéinesBEP x 0,60 = kcal/jour de lipides

b. Chats de 6 à 10 kgBEP x 0,25 = kcal/jour de glucoseBEP x 0,25 = kcal/jour de protéinesBEP x 0,50 = kcal/jour de lipides

4. Calcul des volumes quotidiens de solution requise pour chaque nutrimenta. solution de glucose à 5 % = 0,17 kcal/mL et 253 mOsm/L

kcal de glucose ÷ 0,17 kcal/mL = mL glucose/jourb. solution d’acides aminés dépourvues d’électrolytes à 8,5 % = 0,085 g

protéine/mL = 0,34 kcal/mL et 890 mOsm/Lkcal de protéines ÷ 0,34 kcal/mL = mL acides aminés/jour

c. solution de lipides à 20 % = 2 kcal/mL and 260 mOsm/Lkcal de lipides ÷ 2 kcal/mL = mL lipides/jour

5. Calcul du volume quotidien total de solution parentérale à administrermL volume quotidien total de solution de nutrition parentérale partielle

(NPP) = mL d’une solution de glucose à 5 % + mL d’une solutiond’acides aminés à 8,5 %+ mL d’une solution de lipides à 20 %

6. Calcul de l’osmolaritéElle doit être inférieure à 600 mOsm/L pour une administration veineuse périphérique

mL d’une solution de glucose à 5 %* 0,253 mOsm/mL = mOsmmL d’une solution d’acides aminés à 8,5 % * 0,890 mOsm/mL = mOsm mL d’une solution de lipides à 20 % * 0.26 mOsm/mL = mOsmmL volume total de la solution de NPPmOsm de la solution de NPPmOsm/L de la solution de NPP = 1000*( mOsm de NPP ÷ mL volume

total de NPP)

7. Calcul du rythme d’administration Cette équation fournit un rythme d'entretien approximatif.

mL/heure de nutrition parentérale partielle = mL volume total de solution de NPP/24 heures

NotesCalories apportées par les protéines : 4 kcal/gCalories apportées par les glucides : 4 kcal/gCalories apportées par les lipides : 9 kcal/g

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TABLEAU 14 - FICHE DE CALCUL DE NUTRITION PARENTÉRALE CENTRALE TOTALE CHEZ UN CHATD’après Freeman et Chan, 2006

1. Calcul du besoin énergétique de repos (BER)70 x (poids corporel actuel en kilogrammes)0,73 = kcal/jour

2. Calcul des besoins protéiquesStandard 6 g / 100 kcalBesoins diminués (insuffisance rénale ou hépatique) 3-4 g / 100 kcal

BER ÷ 100 x g / 100 kcal = g protéine / jour

3. Calcul des volumes quotidiens de solution requise pour chaque nutriment Solution d’acides aminés avec électrolytes à 8,5% = 0,085 g protéine/mL = 0,34 kcal/mL

g protéines requises/ jour ÷ 0,085 g/mL = mL d’acides aminés /jourCalories non-protéiques

Les calories fournies par les protéines sont soustraites du BER pour obtenir le besoin total en calories non protéiquesg protéines requises/ jour x 4 kcal/g = kcal fournis par les protéines

BER – kcal fourni par les protéines = kcal non protéiques requises / jourLes calories non protéiques sont généralement fournies par un mélange 50/50 de lipides et de glucose. Ce ratio peut être modifié si le chat présentecertaines affections (diabète, hypertriglycéridémie).

Pour fournir 50 % d’énergie non protéique avec les lipidesVolume de lipides requis = ( kcal non protéique requis / jour * 0,5) ÷ 2 kcal/mL = mL d’une solution de lipides à 20 %

Pour fournir 50 % d’énergie non protéique avec le glucoseVolume de glucose requis = ( kcal non protéique requis / jour * 0,5) ÷ 1,7 kcal = d’une solution de glucose à 50 %

4. Volume total de solution de nutrition parentérale totale (NPT)Volume total de la solution de NPT = mL de solution d’acides aminés avec électrolytes à 8,5 % + mL de solution lipidique à 20 % + mL d’unesolution de glucose à 50 %= mL

5. Calcul de la quantité de potassium et de phosphore à ajouter à la solutionLa concentration de potassium sérique souhaitée = mEq/L.Une solution d’acides aminés avec électrolytes à 8,5% contient 60 mEq/L potassium.Calcul de la quantité de potassium fournie par la solution d’acides aminés: = ( mL d’acides aminés *60 mEq/L) ÷ 1000 = mEq dans mL volumetotal de la solution TPN = mEq /L.Volume de potassium à ajouter à la solution parentérale pour obtenir la concentration en potassium sérique souhaitée = (kaliémie souhaitée mEq/L –kaliémie actuelle mEq /L) * mL volume totale de la solution NPT = mEq K à ajouter.La concentration en phosphore sérique désirée = mM/L.Une solution d’acides aminés avec électrolytes à 8,5 % contient 30 mM/L de phosphore.Calcul de la quantité de phosphore fournie par la solution d’acides aminés : = ( mL d’acides aminés *30 mM/L) ÷ 1000 = mM.Calcul de la quantité de phosphore fournie par la solution lipidique : = ( mL d’acides aminés *15 mM/L) ÷ 1000 = mM.Quantité de phosphore fournie par la solution parentérale = mM/L d’une solution d’acides aminés + mM/L d’une solution lipidique dans mLvolume total de solution NPT = mM /L.Volume de phosphore à ajouter à la solution parentérale pour obtenir la concentration en phosphore sérique souhaitée = (phosphorémie souhaitée mM/L – phosphorémie actuelle mM /L) * mL volume total de solution NPT = mM de phosphore à ajouter.

6. Envisager une supplémentation en vitamines du groupe B

7. Rythme d’administrationJour 1 : mL/heureJour 2 : mL/heureJour 3 : mL/heure

TABLEAU 15 - CATHÉTERS INTRAVEINEUX CENTRAUX ET PÉRIPHÉRIQUES RECOMMANDÉSPOUR LA NUTRITION PARENTÉRALE CENTRALE (NPC) ET PÉRIPHÉRIQUE (NPP) CHEZ LES CHATS

D’après Campbell et coll, 2006

Cathéter Matériel Orifices Taille Longueur

Jugulaire central pour NPC Polyuréthane 2-3 4-5,5 Fr. 8-13 cm

Saphène latérale périphérique pour NPC Polyuréthane 3 5,5-7 Fr. 30 cm

Périphérique pour NPP Absence de recommandation particulière

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Des études rapportent des pourcentages de complicationsmétaboliques chez les chats en état critique compris entre28 et 32 % (Tableau 16). Les complications métaboliquessont moindres lorsque l’apport énergétique reste en-deçà dubesoin théorique calculé (Crabb et coll, 2006). Hyperglycé-mie, glycosurie, hyperlipémie, hypokaliémie, azotémie,hypocalcémie, hyperchlorémie, hypertriglycéridémie, hypo-phosphatémie, syndrome de réalimentation et thrombocy-topénie sont les complications métaboliques les plus fré-quentes décrites chez les chats (Lippert et coll, 1993; Chan etcoll, 2002; Pyle et coll, 2004; Campbell et coll, 2006; Crab etcoll, 2006). Ces complications imposent d’ajuster les équi-libres nutritionnels, de diminuer le rythme de la perfusion,d’administrer de l’insuline ou de complémenter en potas-sium ou en phosphore. L’hyperglycémie semble être la com-plication métabolique la plus fréquente (Crab et coll, 2006).En outre, une insuffisance cardiaque congestive peut surve-nir suite à une hypervolémie (Freeman et Chan, 2006).

Les pourcentages de complications mécaniques varie entre9 et 56 % (Lippert et coll, 1993; Chan et coll, 2002; Pyle etcoll, 2004; Crab et coll, 2006). Les problèmes rapportésconcernent un dysfonctionnement ou un déplacement ducathéter, l’apparition d’une thrombophlébite, un endomma-gement, une perte d’étanchéité, une obstruction ou une rup-ture des voies d’administration ou encore une pompe à per-fusion défectueuse. Lorsque ces événements sont identifiéset corrigés rapidement, ils ont généralement peu de consé-quences sur le pronostic (Campbell et coll, 2006).

Le pourcentage de complications septiques varie entre 3 et16 % (Lippert et coll, 1993; Chan et coll, 2002; Pyle et coll,2004). La translocation bactérienne depuis l’intestin, facili-tée par l’atrophie des villosités intestinales chez les animauxalimentés uniquement par NP à long terme favorise l’instal-lation d’un sepsis (Campbell et coll, 2006). Le risque d’infec-tion au site d’administration peut être minimisé par une exi-gence de stérilité lors de la mise en place du cathéter et dela préparation des solutés de NP. En outre, un entretienrigoureux des cathéters par un personnel spécialisé est

recommandé (Campbell et coll, 2006). Le retrait rapide d’un cathéter suspect d’être à l’origine d’uneinfection locale ou systémique est recommandé. Le diagnostic de complications septiques repose surune hémoculture positive, un site de cathétérisme infecté, une culture positive de l’extrêmité du cathé-ter ou des solutions parentérales et/ou une neutrophilie anormalement élevée chez les animaux fébriles(Campbell et coll, 2006).

Les pourcentages globaux de mortalité chez les chats nourris par NP se situent entre 19 et 52 % maisces chiffres sont probablement influencés par la gravité de leur état (Lippert et coll, 1993; Chan et coll,2002; Pyle et coll, 2004; Campbell et coll, 2006). Chan et coll (2002) ne mettent pas en évidence de dif-férence quant à l’incidence des complications métaboliques, mécaniques ou septiques chez les chatsnourris par NPC ou NPP. Par ailleurs, cette étude montre qu’une nutrition entérale concommitante àla NP est associée à une meilleure espérance de survie.

Arrêt de l’alimentation parentérale

Le passage à l’alimentation orale ou entérale doit intervenir le plus tôt possible afin d’éviter l’atrophie desvillosités intestinales. En médecine vétérinaire, la NP est classiquement utilisée moins d’une semaine.

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TABLEAU 16 - COMPLICATIONS POTENTIELLES DE L’ALIMENTATIONPARENTÉRALE

D’après Freeman et Chan, 2006

Type de complication Comment réduire le risque

Mécanique Tubulure cassée Tubulure mâchéeTubulure déconnectéeInflammation périvasculaireObstruction du cathéterPhlébiteThrombose

Pose stérile du cathéterManipulation stérile du cathéter etdes tubuluresUtilisation de collerettesChanger les pansements et vérifierle site d’insertion du cathéter quoti-diennement (gonflement, érythème,malpositionnement)

Métabolique HyperglycémieHypoglycémie (lors d’arrêt de l’alimentationparentérale)Hyper/hypokaliémieHyper/hypochlorémieHyper/hyponatrémieHyper/hypophosphatémieHyper/hypomagnésémieHyperbilirubinémieHypertriglycéridémieHypercholestérolemieSyndrome de réalimentation

Utiliser le BER pour le calcul desbesoins caloriquesInitier et arrêter l’alimentationparentérale totale progressivement Contrôler la glycémie et l’iogrammeplasmatique quotidiennement

Septique Signes cliniques d’infectionen association avec une cul-ture de l’extrémité ducathéter ou une hémocultu-re positive

Mettre en place un cathéter appro-priéCathéter composé de matériaux defaible activité thrombogéniqueMise en place et manipulation sté-riles des cathéters et tubuluresChanger les cathéters régulière-mentContrôler la température corporelle,le site du cathéter, le comportementgénéralSi une infection est suspectée, uneculture de la solution parentérale etde l'extrémité du cathéter doiventêtre réalisées.

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Il est important de s’assurer que le chat tolère la consommation orale ou entérale de nourriture et eningère des quantités suffisantes (couvrant au moins 75 % de son BER) avant d’arrêter la NP. Une foisque le chat est capable de manger, la nourriture doit lui être proposée de manière régulière pour éva-luer son appétit ou une sonde d’alimentation entérale doit être mise en place si l’animal est anorexique.Il est suggéré de diminuer graduellement le rythme d’administration de la NPC sur une période de 12à 24 heures, permettant aux mécanismes hormonaux de régulation de la glycémie de se mettre en placeet ainsi de prévenir le risque d’hypoglycémie. En revanche, la NPP peut être arrêtée de manière bru-tale sans diminution progressive (Campbell et coll, 2006; Freeman et Chan, 2006).

L’utilisation de la NP comme partie intégrante du programme de soins intensifs peut présenter un grandintérêt chez des animaux correctement sélectionnés. Étant donnés les besoins nutritionnels et les par-ticularités métaboliques uniques du chat, il est probable que des études à venir permettront le déve-loppement de formulations mieux adaptées aux chats, associées à un taux de complications plus faible.

ConclusionL’alimentation en soins intensifs est un sujet en rapide évolution et le comportement des cliniciens aconsidérablement changé. Il n’est plus question d’attendre que le chat se décide à manger de lui-même(et souffre d’une grave perte de sa masse corporelle) avant de mettre en place une assistance nutri-tionnelle. Celle-ci est aujourd’hui instaurée dès que l’état de l’animal le permet.

Les maladies graves induisent chez le chat des modifications significatives qui altèrent le métabolismenutritionnel et aggravent la morbidité et la mortalité. Les étapes incontournables de leur prise encharge incluent : la reconnaissance précoce du besoin de nourrir l’animal malade, l’adaptation de lacouverture calorique et nutritionnelle à l’environnement métabolique et le suivi continu permettantd’optimiser la prescription et de minimiser le risque de complications. Un soutien nutritionnel bienconduit améliore non seulement les chances de survie du chat en soins intensifs, mais favorise égale-ment une convalescence et un retour à la maison plus rapides.

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Quelques idées fausses à propos de l’alimentation en soins intensifs

“La nutrition n’est pas le problèmemajeur. Ce n’est ni une priorité, ni une urgence comparée à tous lesautres traitements et soins à faire.”

Le soutien nutritionnel n’est pas à faire “à la place” des traitements d’urgence visant à soutenir lesgrandes fonctions vitales. Cependant, il ne doit pas être négligé pour autant. L’évaluation du sta-tut et des besoins nutritionnels doit être faite chaque jour dans le cadre de l'examen global du chaten période de soins intensifs. Le soutien nutritionnel doit avoir sa place dans le protocole de soins.

“Le chat va bien se mettre à mangertout seul dans un jour ou deux.”

Le temps passe vite aux soins intensifs et la période pendant laquelle le chat ne mange pas cor-rectement est toujours sous-évaluée. Le soutien nutritionnel prend du temps et requiert parfois desprocédures invasives (ex : œsophago- ou gastrostomie) que les cliniciens repoussent en espéranttoujours une reprise de la consommation alimentaire spontanée. L’anorexie est un des signes cli-niques les plus fréquemment observés en unités de soins intensifs : les traitements, les anesthésies,la chirurgie et le stress de l’hospitalisation sont autant de facteurs anorexigènes.

“La perfusion nourrit le chat.”

La fluidothérapie de maintenance ne peut être considérée comme un soutien nutritionnel, mêmesi elle apporte du glucose. Si elle vise à corriger la volémie, la déshydratation et des déséquilibresélectrolytiques et acido-basiques, son rôle n’est pas de nourrir le chat. Seuls les solutés de nutritionparentérale totale ou partielle, administrés selon des protocoles précis, remplissent cette fonction.

“Si le chat ne veut pas manger, il n’y a qu’à commencer un protocolede nutrition parentérale.”

La solution de la nutrition parentérale est toujours tentante car elle autorise un calcul précis desapports avec la certitude de les maîtriser totalement. Cependant, la nutrition parentérale n’est passans risque et demande un contrôle soutenu de la part d’un personnel qualifié. Les complicationsseptiques sont fréquentes et les nombreuses analyses biologiques requises coûtent cher.

“L’hyperglycémie induite par la nutrition parentérale n’est pas un vrai problème: au moins le chat reçoit de l’énergie.”

Chez l’Homme, l’hyperglycémie est corrélée avec un pronostic négatif. Chez le chat, elle est cor-rélée avec la gravité de l’affection. Des études manquent dans cette espèce pour déterminer l’in-fluence de l’hyperglycémie sur le pronostic et sur la nécessité de la contrôler par insulinothérapie.Il est actuellement conseillé d’éviter les traitements susceptibles d’induire une hyperglycémie.

“Les chats nourris par sondes d’alimentation n’ont pas faim. Ce n’est pas la peine de leur proposer à manger.”

Il est au contraire important de proposer de la nourriture aux chats nourris via des sondes d’ali-mentation. Cela permet de tester leur intérêt pour les aliments et de repérer la reprise de l’appé-tit. Cette démarche aide le clinicien à décider du moment le plus opportun pour le retrait de lasonde d’alimentation.

“Les sondes d’alimentation sont très pratiques pour l’administrationdes médicaments.”

Même si cela est tentant, il est déconseillé d’administrer les médicaments par la sonde d’alimen-tation. Réduire les médicaments en poudre peut modifier leur absorption et leur tolérance diges-tive. D’autre part, l’absorption de certains médicaments est modifiée par la composition des ali-ments (suivant leur teneur en lipides). Enfin, des interactions médicamenteuses peuvent naître del’administration simultanée de plusieurs médicaments.

“Les solutions parentérales peuvent corriger des déséquilibresélectrolytiques.”

L’objectif de la nutrition parentérale est d’apporter des nutriments par une voie différente de lavoie digestive et non de corriger les déséquilibres électrolytiques. La correction de ces déséquilibresdoit être faite indépendamment, avec des solutés classiques de fluidothérapie.

Il est cependant conseillé de vérifier le contenu en électrolytes des solutés de nutrition parentéraleutilisés. S’ils contiennent des électrolytes, ils ne doivent être administrés qu’à des animaux dontle bilan électrolytique est normal. De plus, l’équilibre électrolytique doit être surveillé chez ceschats, afin de surveiller l’apparition éventuelle de perturbations induites par la nutrition parenté-rale. Si le bilan électrolytique du chat est perturbé, il est conseillé d’utiliser des solutés de nutri-tion parentérale ne contenant pas d’électrolytes et de corriger indépendamment et parallèlementles anomalies de l’ionogramme du patient.

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Le support nutritionnel fait partie intégrante du traitement des animaux hospitalisés en situation critique.

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Facteurs prédisposant à la malnutrition

Quatre facteurs de risque peuventêtre cités, qui peuvent éventuelle-ment s’additionner:- la consommation spontanée du

chat tend à diminuer ou à s’inter-rompre pendant des épisodespathologiques ;

- certains traumatismes ou deslésions de la sphère orale peuventperturber l’ingestion;

- des examens complémentaires oudes interventions chirurgicalesimposent parfois un jeûne prolon-gé à l’animal ;

- les besoins nutritionnels augmen-tent lors d’affections aiguës et/oufébriles.

Bénéfices attendus du soutien nutritionnel

Il existe un vrai consensus médical àpropos de l’importance d’un soutiennutritionnel précoce quelle que soit la

cause de la diminution de l’appétit.Dans tous les cas où cela est possible,la voie orale doit être privilégiée: “Sil’intestin fonctionne, il faut l’utiliser.”Cette alimentation per os permet unemeilleure préservation de la barrièreintestinale. En l’absence de consom-mation spontanée, le soutien nutri-tionnel peut être apporté par voienaso-œsophagienne.

D’une manière générale, le soutiennutritionnel mis en place précoce-ment permet d’obtenir :

- une amélioration clinique et unevitesse de récupération plus rapide

- un temps d’hospitalisation pluscourt

- une diminution des complicationsen cas d’intervention chirurgicale

- un meilleur taux de survie chez lesanimaux en situation critique.

Points clésà retenir à propos de :

l’intérêt d’un soutien nutritionnel chez les chats en situation critique

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PRINCIPALES INDICATIONSDES ALIMENTS DE CONVALESCENCE

POUR CHIENS ET CHATSEN CLINIQUE VÉTÉRINAIRE

Source : enquête réalisée par Royal Canin dans 5 cliniques vétérinaires en France

(juin à septembre 2006)

La facilité d’utilisation des alimentsdistribués aux chats hospitalisés estun critère de choix important quipeut permettre de gagner beaucoup detemps lors des soins aux animaux.

24% Diarrhée/vomissements

16% Soins post-opératoires

11% Inflammation et/ou infection

11% Traumatismes

11% Malnutrition/anorexie

8% Appétit capricieux

19% Causes variées

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L’utilisation d’aliments spécialementétudiés pour la prise en charge nutri-tionnelle des animaux en soins inten-sifs facilite le travail des cliniciens etdes équipes soignantes.

Appétence maximale

Les chats malades présentent géné-ralement une baisse de l’appétit et une perte de poids. L’aliment pro-posé doit aider à surmonter ce han-dicap par la meilleure appétencepossible.

Formulation adaptée à des besoinsnutritionnels accrus

Forte concentration énergétique

Une haute densité énergétique estimportante pour proposer un maxi-mum de calories sous un faiblevolume. Cela permet de compenserle faible appétit des chats qui s’ali-mentent par eux-mêmes et facilitel’administration lors d’alimentationforcée.

Pour atteindre une concentrationénergétique élevée, les alimentsadaptés aux périodes de soins inten-sifs doivent être riches en matièresgrasses (> 40 % des calories totales).

Seuls les cas de pancréatite aiguë etd’hyperlipidémie peuvent présenterdes contre-indications aux régimeshyperlipidiques.

Haute teneur protéique

Les états pathologiques entraînentune activation du métabolisme: lecatabolisme tissulaire est en effetaccru et doit être compensé par dessynthèses tissulaires plus intenses. Lefait d’apporter 30 à 50% de l’énergietotale sous forme protéique aide àlutter contre la perte de massemaigre. Les protéines doivent être :

- de haute valeur biologique pourcouvrir les besoins en acides aminésindispensables

- de haute digestibilité afin de pro-duire un minimum de déchets azo-tés et ne pas surcharger ainsi lesfonctions rénales et hépatiques.

Seuls les cas d’encéphalose hépa-tique et d'insuffisance rénale auxstades III/IV peuvent ne pas tolérerdes régimes hyperprotéiques.

Richesse en antioxydants

L’hypovolémie et les lésions de reper-

fusion habituellement présentes ensituation critique augmentent la pro-duction de radicaux libres. Un com-plexe synergique d’antioxydants(vitamines E et C, taurine, pigmentscaroténoïdes, etc.) aide à luttercontre les agressions cellulaires duesau stress oxydatif et participe aubon fonctionnement immunitaire.

Facilité d’utilisation

Les aliments sous forme humide sontgénéralement mieux acceptés par leschats en soins intensifs ou convales-cents, dont l’appétit est limité. Ilspeuvent aussi être réchauffés à tem-pérature corporelle avant distribu-tion.

La forme humide se prête égalementmieux à différents modes de distri-bution : directement dans unegamelle, à la main ou par des sondesd’alimentation entérale. La texturedoit être telle que l’aliment puisseêtre administré à la seringue, avec ousans dilution préalable. L’alimentdoit allier la facilité de manipulation,quelle que soit la voie d’administra-tion, à la possibilité de rationner demanière précise.

Quelques critères pratiques pour le choix des aliments destinés aux chats en situation critique

La forme humide se prête à différents modes de distribution : directementdans une gamelle, à lamain ou par des sondesd’alimentation entérale.

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Fiche individuelle de rationnement pour un chat en soins intensifs

Étape 1 • Calcul du Besoin Energétique au Repos (BER) BER = 70 x (poids vif en kg)0.73 kcal / jour = = kcal / jour

Étape 2 • Caractéristiques de l’aliment de convalescenceNom de l’aliment sélectionné:Densité énergétique:en kcal/g : [ou en kcal/mL] :

• Cas d’un aliment dilué* : calcul de la densité énergétique Aliment : kcal/mL x volume d’aliment une fois mixé : mL = kcal pour le mélange totalEau : mL + volume d’aliment mixé : mL = mL pour le volume totalMélange final : kcal ÷ volume total : mL = kcal/mL pour le mélange*pour favoriser le passage dans une seringue ou une sonde d’alimentation

Étape 3 • Calcul de la quantité d'aliment à donner par jour(En gramme [g] ou en millilitre [mL])

Pour un mélange solide (g)BER : kcal/jour ÷ Aliment : kcal/g = g d’aliment/jourPour un aliment liquide (mL)BER : kcal/jour ÷ Aliment : kcal/mL = mL d’aliment/jourPour un mélange liquide (mL)BER : kcal/jour ÷ mélange : kcal/mL = mL d’aliment/jour

Étape 4 • Choix du rythme d’alimentationCas A : anorexie < 3 jours => viser la couverture du BER au bout de 3 jours :J1 : 1/3 du BER = aliment/jour : g (ou mL) x 0.33 = g (ou mL)J2 : 2/3 du BER = aliment / jour : g (ou mL) x 0.66 = g (ou mL) J3 : 100% du BER = aliment / jour : g (ou mL) x 1 = g (ou mL) Cas B : anorexie > 3 jours ==> couverture du BER au bout de 5 joursJ1 : 1/4 du BER = aliment / jour : g (ou mL) x 0.25 = g (ou mL) J2 : 1/2 du BER = aliment / jour : g (ou mL) x 0.5 = g (ou mL) J3 : 2/3 du BER = aliment / jour : g (ou mL) x 0.66 = g (ou mL) J4 : 3/4 du BER = aliment / jour : g (ou mL) x 0.75 = g (ou mL) J5 : 100 % du BER = aliment / jour : g (ou mL) x 1 = g (ou mL)

Étape 5 • Choix du nombre de repas par jourEn général donner de 4 à 6 repas par jour en fonction de la tolérance digestive de l’animalNombre de repas par jour :

Étape 6 • Calcul de la quantité de nourriture par repasCas A : couverture du BER en 3 joursJ 1 : [g (ou mL) pour jour 1 ÷ nombre de repas par jour] = g (ou mL) par repas J 2 : [g (ou mL) pour jour 2 ÷ nombre de repas par jour] = g (ou mL) par repas J 3 : [g (ou mL) pour jour 3 ÷ nombre de repas par jour] = g (ou mL) par repas Cas B : couverture du BER en 5 joursJ 1 : [g (ou mL) pour jour 1 ÷ nombre de repas par jour] = g (ou mL) par repas J 2 : [g (ou mL) pour jour 2 ÷ nombre de repas par jour] = g (ou mL) par repas J 3 : [g (ou mL) pour jour 3 ÷ nombre de repas par jour] = g (ou mL) par repas J 4 : [g (ou mL) pour jour 4 ÷ nombre de repas par jour] = g (ou mL) par repas J 5 : [g (ou mL) pour jour 5 ÷ nombre de repas par jour] = g (ou mL) par repas

Penser à ajuster la fluidothérapie intraveineuse en fonction de la quantité d’eau qui a été ajoutée à la nourriture.