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N°10 JUIN 2011 CAMBODGE RÉPUBLIQUE DOMINICAINE ESTONIE ALGÉRIE QUÉBEC ITALIE

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N°10 JUIN 2011

CAMBODGE

RéPUBLIQUE DOMINICAINE

ESTONIE

ALGéRIE

QUéBEC

ITALIE

juin 2011 / Francophonie 3

ContributeursEdito

Jack LANG Edito P.2M.C. SARAGOSSE « Terriennes » P.4Ameziane FERHANI Molière et le butin P.5Pascal PARADOU Atiq Rahimi P.7Xavier MARQUET Liberté de la presse P.8Frédéric BILLET Francophonie en Estonie P.9Alain PILOT Luc De Larochellière P.11

Christian CONNAN Le français au Cambodge P.12Clémentine DEROUDILLE Expo Brassens P.13Xavier LAMBRECHTS Internationales P.14Dr SERIBA Volontariat international OIF P.16Joe FARMER Les musiciens américains à Paris P.18LA FRANCOPHONIE EN BREF P.19COCO Dessinatrice au féminin P.20

JEAN-NOËL SCHIFANO« Conjuguons nos langues», cette phrase de Jean-Noël Schifano témoigne de son intérêt à la fois pour les mots, les hommes, le monde et sa diversité. Avec la collection Continents Noirs qu’il dirige, il parcourt l’Afrique au travers de l’écriture, avec ses romans et ses traductions, il montre son attachement à la langue française et avec son amour pour Naples, il porte un regard où se mêlent les parfums, les accents, les couleurs et la passion qui est à l’origine de tous ses appétits.

LEONEL FERNàNDEZSaint-Domingue, capitale de la République dominicaine. Le Président de la République de ce petit état, Léonel Fernandez, le confirme, c’est une ville mais aussi des plages, du soleil et des pluies tropicales. Et c’est encore, et il en est le garant, une ville où règnent l’énergie des entrepreneurs, la sérénité des cités historiques et un je ne sais quoi de douceur de vivre. Un pays qui parle espagnol mais qui a aussi le français en partage avec son voisin haïtien et le français surtout comme base des échanges économiques ou juridiques.

JEAN-PAuL REBAuDBrésilianiste de formation, œuvre depuis une vingtaine d’années dans le domaine de la politique culturelle et linguistique française à l’étranger. Il a exercé différentes fonctions à l’étranger (Brésil et Portugal) et au ministère des Affaires étrangères et européennes à Paris. Il est, depuis septembre 2007, sous-directeur du français à la DGCID, et, depuis mars 2009, sous-directeur de la diversité linguistique et du français de la nouvelle DGM (Direction générale de la mondialisation, du dévelop-pement et des partenariats).

MICHEL ROBItAILLEMichel Robitaille est depuis moins d’un an le Délégué général du Québec à Paris et le Représentant personnel du Premier Ministre dans les Instances de la Francophonie. Ce diplomate féru aussi d’économie a, en 2008, mis sur les rails le Centre de la Francophonie des Amériques à Québec. Un projet que la France avait applaudi et soutenu. Il est arrivé à Paris à point nommé pour organiser le 50eme anniver-saire de l’implantation de sa Représentation diplomatique en France. Juin sera notam-ment marqué par un grand concert sur la Place de la Bastille et un colloque consa-cré à la langue française à l’UNESCO. Ce qui n’empê-chera pas Michel Robitaille de mener à bien des initiatives qui touchent au quotidien des jeunes Québécois et des jeunes Français tentés par l’expatriation.

2 Francophonie /juin 2011

Sommaire N°10 JUIN 2011

dire les musiques, du jazz à la techno et au rap, pénétrèrent résolument les lieux les plus inattendus -hôpitaux, prisons, etc. Les chorales se multiplièrent, le cœur des villes résonna de rythmes nouveaux, venus d’horizons très divers. Dans plus de cent pays, s’exportant sur les cinq continents, la Fête de la musique se forgea en quelques années une identité « sans frontière », à l’énergie constamment renouvelée, l’inventivité permanente.

Mais elle prit l’an dernier à Shanghai, à l’occasion de l’Exposition Universelle de 2010, une dimension supplémentaire : pour cette première en Chine populaire, elle s’im-posa aux yeux (et aux oreilles) des autorités locales et de la population comme un étrange et insoupçonné facteur de démocratisation. Il me sembla alors entendre sur place les paroles de La Musique adoucit les mœurs, la chanson de MC Solaar:« Ecarte Descartes et toutes les philosophies, Etudie les lois universelles de la vie ».

Jack LANG

La première Fête de la Musique date du 21 juin 1982. On peut considérer qu’elle avait un caractère païen en ce qu’elle coïncidait très précisé-ment, ce n’était pas tout à fait

un hasard, avec le solstice d’été.

Rien ne laissait en tout cas présager qu’elle prendrait un jour, et si vite, l’aspect de ritualisation, pour ne pas dire de « sacra-lisation » qu’elle allait revêtir par la suite. En fait, modestement, ce qui me portait à promouvoir cette initiative était le sentiment qu’il convenait de donner, de rendre, à la musique - et à ses interprètes, de tous poils, de tous niveaux - un esprit davantage festif, populaire, ouvert, une dimension esprit « libéré » du trop de conventions pouvant s’attacher à la discipline.

J’entendais également que la musique investît l’espace, l’espace urbain en particu-lier, qu’elle secouât la tiédeur des centres-villes. Qu’elle bousculât les principes sacerdotaux du genre, selon lesquels la « bonne » musique ne pouvait s’entendre que de manière savante et dans des lieux appropriés - donc payants. Qu’il y aurait d’uncôté la musique « sérieuse » et, de l’autre, une expression vague, marginale, pour tout dire « secondaire » -la musique folklorique et traditionnelle, le rock, l’accordéon, sans parler du balafon ou du vulgaire bidon. J’espérais en résumé que la musique deviendrait un « art de la rue » à proprement parler, que se l’approprierait qui le souhaitait, seul ou en groupe, avec professionnalisme ou non. Le célèbre « Faîtes de la musique » devait bientôt plus que combler mes voeux.

De fait, de façon inattendue, cette idée « généreuse » (mais qui sur l’instant ne m’avait pas semblé autrement révolution-naire) emporta très rapidement l’adhésion, non seulement dans notre pays mais aussi au-delà de nos frontières. Ne se limitant plus à l’acoustique feutrée des conservatoires et des salles de concert, la musique, je devrais

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4 Francophonie /juin 2011

“Quel malheur que d’être une femme! Et pourtant le pire malheur quand on est femme est au fond de ne pas comprendre que c’en est un” disait Kierkegaard dans Le Journal d’un Séducteur en 1843.

Depuis, on a bien compris que « c’en était un » et du coup, pas mal de progrès ont pu être accomplis. Mais être une femme est toujours un malheur dans trop d’endroits de la planète et peut l’être encore pas très

loin de chez nous. Au fond, comme l’affirmait le com-pagnon de Simone de Beauvoir (un certain Jean-Paul Sartre) ne sommes-nous pas tous et toutes, plus ou moins, « à moitié victimes, à moitié complices, comme toujours » ? Pour faire mentir son affirmation, TV5MONDE lance un portail Internet entièrement dédié aux femmes, ni victimes, ni complices, pas plus courageuses, géné-reuses ou sages que l’autre moitié de l’humanité, mais convaincues que si être une femme n’est ni un défaut ni une qualité, cela ne doit plus jamais être un « malheur ».

Ce portail baptisé « Terriennes » témoignera de la réalité de la condition des femmes de par le monde, dénoncera avec impertinence et/ou indignation tout ce qui doit l’être, se moquera des machistes de tout sexe, se réjouira des avancées et des succès remportés, donnera la parole à celles et ceux qui ont des choses à dire, le tout, autant que possible, avec un zeste d’humour parce qu’il faut faire gaiement les choses sérieuses ! Il apportera aussi des informations précises dans les domaines du droit, de

“SALUT LES TERRIENNES ! ”

MOLIèRE ET LE BUTIN

juin 2011 / Francophonie 5

la santé, de la politique, de l’éducation, de l’économie, de la culture, de la sexualité, rassemblera les adresses des blogs ou sites traitant également de ces questions et proposera de découvrir le parcours de « terriennes » du monde entier, le tout aussi bien à travers des documents écrits, que sonores ou visuels.

Bien sûr, le site ne manquera pas de rendre compte aussi des actions entreprises par la Francophonie dans le domaine de l’égalité des genres. Une idée hautement symbolique serait déjà de cesser de parler de droits de l’homme. Désigner par un des deux sexes les deux, c’est accréditer l’idée que le masculin est universel et que le féminin est condamné à être second. Pourquoi ne pas reprendre le concept, déjà largement répandu dans les pays francophones hors France, de « droits humains » ? Après tout le français n’est pas une langue moins précise que l’anglais qui depuis toujours utilise « human rights ».

Le « rêve modeste et fou », comme disait Aragon, que nous poursuivons, épaulés par nos parrains et marraines (Gisèle Halimi, Abdou Diouf…) est qu’un jour on puisse affirmer sans mentir par exemple : « Plus aucune femme n’est excisée dans le monde ! », « Il y a autant de postes à responsabilité occupés par des hommes que par des femmes, et à travail égal tout le monde est payé pareil », « Les tâches domestiques sont réparties équitablement entre les hommes et les femmes », « Le nombre d’Etats dirigés par des femmes est sensiblement le même que celui de ceux dirigés par des hommes », « Les richesses à travers le monde sont détenues à part égale entre les hommes et les femmes »…

Bref, un vaste programme auquel Terriennes et Terriens sont invités à participer parce que, comme le disait Simone de Beauvoir « il est nécessaire que par delà leurs différenciations naturelles, hommes et femmes affirment sans équivoque leur fraternité » (sororité ?).

Marie-Christine SARAGOSSEDirectrice générale de TV5MONDE

L’image d’Epinal de l’école à la Ferry, dispensant généreu-sement sa langue, a fait long feu. L’historien

Charles-Robert Ageron, signalait qu’en novembre 1954, au déclenchement de la guerre d’indépendance, l’enseignement primaire n’accueillait que 12,75 % des enfants musulmans scolarisables* ! Ce seul chiffre suffirait à justifier la saillie de l’écrivain Kateb Yacine qualifiant le français de butin de guerre. Or, jamais la langue française n’a été autant enseignée en Algérie que depuis l’indépendance, du fait de la démocratisation de l’enseignement. Aujourd’hui, on compte plus de 8 millions d’écoliers et de lycéens qui, tous, reçoivent des cours de français dès la 2e année de primaire. A l’université, avec 1,2 millions d’étudiants, les cursus les plus recherchés sont enseignés en français (médecine, archi-tecture…) Certes, le nombre

d’heures de français par élève a diminué et l’on s’amuse parfois ici à comparer le niveau de français entre un titulaire de CEP de 1950 et un actuel licencié. La perte de qualité, indéniable, n’est cependant pas propre au français et touche l’ensemble des matières, y compris la langue arabe, dans un enjeu embras-sant tout le système scolaire.

En revanche, si la langue française a perdu de sa substance académique, elle n’a jamais été plus pratiquée que de nos jours. Les étrangers, en visite en Algérie, sont d’abord frappés par sa présence sur les enseignes et plaques d’indication, avant de découvrir qu’elle est utilisée largement, y compris dans les emprunts de l’arabe parlé. Créée en 1994, la chaîne de TV satellite, Canal Algérie, diffusant en français, est en seconde

position. L’édition et la littérature accordent une grande place au français et si, dans la presse, les titres les plus vendus sont de langue arabe, le tirage global en français reste supérieur. Dans la pratique économique et même administrative, le français est largement présent. Les CCF d’Al-gérie croulent sous les demandes d’inscription. Et l’extraordinaire dynamique des paraboles, d’Internet et des mobiles est loin d’être réfractaire à cette langue.

Aussi, si Molière a reculé – comme en France d’ailleurs –, l’Algérie continue à entretenir son butin dans une soif décomplexée d’ouverture qui intègre l’arabe classique, les parlers arabes et berbères et la découverte d’autres langues, texto compris.

Ameziane FERhANi Responsable des pages Arts & Lettres d’El Watan. Expert en communication. * «Histoire de l’Algérie contemporaine», T. 2. Presses Universitaires de France, Paris, 1979. (p 535).

On lit et entend souvent, çà et là, que la langue française a reculé en Algérie. Ce propos a fini par s’imposer comme une belle évidence.

Mais de quel recul parle-t-on ? Ceux qui l’affirment ont les yeux braqués sur la mince élite algérienne qui, durant la colonisation, avait réussi à pénétrer la langue de Molière avec une application,

un acharnement et, souvent, une maîtrise qui pouvait étonner.

Elevé à Kaboul, il fait sa scolarité au lycée franco-afghan jusqu’à son exil. En pleine guerre contre l’invasion sovié-tique, il refuse de faire son service mili-taire, fuit vers le Pakistan puis vers la

France. Arrivé en 1985, le 30 avril précisément, sa langue est le persan. Il rêve, pense en persan mais désire en français. Initié à Hugo, ébloui par ses descriptions des égouts de Paris sur 40 pages qu’il a pu lire, gamin, dans une traduction en persan, il va décou-vrir, dès son arrivée, Marguerite Duras qui, cette année- là, obtient le Goncourt pour l’Amant. Son livre était dans toutes les vitrines, valait

50 francs, une fortune, mais il l’achète. Refusant d’apprendre le français dans un cours, voulant se confronter à la littérature, il s’enferme pendant huit mois avec l’Amant pour en comprendre la rhéto-rique. L’amant sera son vade-mecum.

Dans ces années là, le futur écrivain écrira sa thèse de cinéma en français mais le roman lui semble encore inaccessible. Il se sent incapable. Se dit impressionné. La littérature ne change pas le monde mais cela nous permet de changer du monde … ou de monde. Atiq Rahimi hésite encore, en rit et s’enthousiasme sur les subtilités de la langue française. En persan, il n’existe pas de U, il n’y a donc pas de différences entre de et du, il n’y a pas d’articles non plus. Aujourd’hui encore, il cherche, esquive et se souvient. Au début je commandais toujours deux baguettes chez le boulanger car je ne savais pas s’il fallait dire un ou une baguette. Paradoxalement, c’est à son retour au pays

ATIQ RAHIMI, L’EXILE ETERNEL ...

natal en 2002, à la chute des talibans, qu’il s’autorise (inconsciemment) à écrire en français. Ce sera Syngue Sabour. Le français empê-chant tout lyrisme, toute poésie, permettait d’être précis, net, rapide. La pièce était petite, tels furent les débuts d’Atiq Rahimi dans la littérature française.

« Quand je suis en France, je me sens afghan », dit-il, « quand je suis à Kaboul, je me sens français, quand j’écris en français, la rhétorique persane s’impose, je me bats pour m’en débar-rasser. Quand j’écris en persan c’est la rhétorique française qui vient m’assaillir ». Ni l’un, ni l’autre, les deux à la fois. Atiq Rahimi est persuadé, par cette double culture, d’inventer une nouvelle langue. En français, il omet les articles ou les pronoms. En persan il déplace les verbes. Pour tout lecteur, sa langue est donc une nouveauté et pour lui un amusement. Le regard vif, le sourire éternel, Atiq Rahimi dit sa jouissance à circuler entre les langues, se définit comme un exilé perpétuel qui a choisi la France pour sa littérature, son cinéma, ses vins et … le pastis !

RFi- Pascal PARADOU Culture vive Atiq Rahimi « Maudit soit Dostoïevski » aux éditions POL.

Monsieur Léonel Fernàndez, vous êtes le Président de la République de cet état, est-ce aussi une République francophone ? En principe, la langue off iciel le de mon pays est l ’espagnol . Nous avons un Lycée f rançais t rès f réquenté, des Al l iances f rançaises, et i l y a toujours eu, dans notre pays, une at t i rance t rès for te pour le f rançais, la cul ture f rançaise et la f rancophonie.

* Jean Solito Délégué des Alliances françaises en République dominicaine / RFI St Domingue 90.9 FM

“ POUR UN DOMINICAIN, CURIEUSEMENT LA LANGUE FRANçAISE EST PERçUE COMME UNE LANGUE ROMANTIQUE ! ” *

L’ambassadeur de France à Saint-Domingue, Roland Dubertrand, ajoute à son rôle de représentant diplomatique, politique ou économique, celui de défenseur de la langue française dans un pays qui n’est pas francophone au départ.

« La République dominicaine est un pays hispanophone mais l’enseignement du français comme seconde langue obligatoire dans l’enseignement secondaire, a fortement influencé la présence du français dans ce pays qui est, rappelons-le, le seul avec le Costa Rica en Amérique latine, à avoir adopté cette pratique. La proximité avec Haïti joue aussi un rôle d’incitation et a contribué peut-être à ce que la République dominicaine, en octobre der-nier, est entrée comme observateur à l’Organisation Internationale de la Francophonie. Le nombre de francophones n’est pas considérable mais cela facilite beaucoup les relations avec le voisin haïtien. Les gens ont appris le français, un français qui n’est pas mâtiné par d’autres influences locales, soit pendant leurs études, ici ou en France, soit à l’Alliance française qui a six implantations sur l’île ».

Est-ce dû à la proximité de Haït i , un pays de langue française ?Non, je cro is que c’est propre à la Républ ique dominicaine, avec le Code Napoléon qui est à l ’or ig ine de notre système jur id ique, mais aussi aux études suiv ies par les médecins domi-nicains en France. Par is est un peu considérée comme La Mecque par les inte l lectuels et le f rançais fa i t part ie des huma-ni tés étudiées dans notre pays.

Les tour istes français v iennent nombreux ic i mais les entrepr ises françaises choisissent-el les aussi de venir s ’y instal ler ?Pour vous répondre, deux exemples, une communauté importante de Français (13 000 personnes environ) s’est établ ie à Las Terrenas pour y v ivre et travai l ler et de nombreuses entrepr ises de l ’hexagone comme Orange ou Alsthom se sont implantées ic i .

Vous par lez parfai tement le français, pourquoi ?J’ai moi aussi étudié le droi t et donc été obl igé d’apprendre le français pour traduire les textes de lo i en espagnol.

Mais aujourd’hui vous cont inuez à prat iquer ? Oui , en écoutant RF I à Sa int-Domingue.

RFi-Entretiens Vicky SOMMET

La République dominicaine, avec sa capitale Saint-Domingue, est un territoire de près de 10M d’habitants qui parlent l’espagnol. Ce pays des Grandes Antilles occupe les deux tiers de l’île d’Hispaniola en mer des Caraïbes, Haïti occupant le tiers ouest. C’est Christophe Colomb qui, en 1492, a fait escale sur cette terre qui devint le site des premières colonies européennes en Amérique et Saint-Domingue la première capitale espagnole du Nouveau Monde.

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Entre deux langues, entre deux pays, l’écrivain Atiq Rahimi, prix Goncourt en 2008 pour Syngue Sabour, Pierre de patience, poursuit son œuvre en français avec un nouveau roman Maudit soit Dostoïevski. C’est la première phrase qui donne le ton, qui décide de la langue … il dit écrire d’instinct mais sa langue ne doit rien au hasard.

6 Francophonie /juin 2011

8 Francophonie /juin 2011 juin 2011 / Francophonie 9

“LA FRANCOPHONIE EN ESTONIE EST PLUS VIVANTE QU’ON NE LE CROIT”

« Chacune de mes rencontres avec des écoles en Estonie renforce ma conviction qu’il y a véritablement une place pour la Francophonie et le français dans votre pays,

et ce, aux côtés des autres cultures et langues étrangères ».

iLa langue de Molière, de Rousseau et aussi de Césaire, Senghor, Alain Mabanckou, Dany Laferrière, Tahar

Bekri…. Au fil des jours l’Egypte, la Libye, le Yémen, la Syrie et même Bahreïn se sont passés le mot. Non au népotisme, non aux inégalités. Partout les mêmes revendications : liberté, justice, dignité.

Les manifestants tunisiens puis égyptiens ont renversé pacifique-ment l’ordre établi et bousculé les préjugés. L’épouvantail isla-miste a fait long feu. Les scènes de fraternité avenue Bourguiba à Tunis et place Tahrir au Caire ont inondé les écrans du monde

“ MAGHREB-ORIENT EXPRESS ” L’éMISSION DES RéVOLUTIONS Renversant le 14 janvier à coups de « dégage Ben Ali » son président et le régime dont elle ne voulait plus, la Tunisie a ouvert la voie démocratique en français, la langue du pays qui inventa les droits de l’homme ...

entier. Femmes et hommes, jeunes et vieux, musulmans et chrétiens, riches et pauvres, tous unis avec le même impétueux désir de liberté.

Dans ce monde en mutation, les soulèvements ne sont pas le fruit du hasard. En recevant des personnalités du monde culturel, politique, économique et médiatique, Mohamed Kaci décrypte le printemps des peuples en Méditerranée. Lancée quelques jours après la fuite de Ben Ali, Maghreb Orient Express* accueille des regards neufs : la blogueuse égyptienne Shahinaz Abdel Salam, la metteure en scène tunisienne Myriam Marzouki, l’artiste suisso-syrienne Samia Tawil, la chanteuse tunisienne Emel Mathlouthi, l’écrivain marocain Abdellah Taïa, le journaliste marocain Karim Boukhari, le réalisateur syrien Meyar Al-Roumi. La plupart ont fait leur baptême médiatique sur le plateau de l’avenue de Wagram. En plein débat sur les réformes au Maroc, à l’heure où les Tunisiens se

préparent à voter et où les Algériens bravent les interdits chaque samedi et défilent.

Maghreb-Orient Express accompagne ces peuples dans leur quête de changement. Les difficultés à venir sont réelles. Les sociétés civiles sont fragiles car muselées pendant des décennies. Mais les Tunisiens et les Egyptiens ont prouvé aux yeux du monde qu’une dictature peut durer longtemps et tomber en quelques jours. Comme disait la romancière algérienne Kaouther Adimi dans l’émission du 24 avril : « Ces soulèvements sont une formidable leçon d’es-poir pour ma génération qui n’a pas connu l’indépendance mais qui a vécu cet instant. L’être humain est capable de faire bouger les lignes et c’est très bien que l’Occident le sache ».

TV5MONDE- Xavier MARQUETRédacteur en chef adjoint*Maghreb-Orient Express chaque dimanche à 18h TU sur TV5MONDE Maghreb-Orient, TV5MONDE France Belgique Suisse, TV5MONDE Afrique et TV5MONDE Europe.

Monsieur Frédéric Billet *, quelle est la place de la Francophonie en Estonie ?Permettez-moi de commencer par une réflexion personnelle.A l’heure du village planétaire et de la communication tous azimuts, la langue n’est pas simplement un outil linguistique mais c’est aussi un vecteur politique, économique et culturel très puissant. La préservation du pluralisme linguistique va de pair avec la diffusion des valeurs politiques véhiculées par la Francophonie et dont le monde a besoin. C’est avec cet état d’esprit que j’ai abordé ma mission en Estonie. Je me suis résolument engagé dans cette voie aux côtés de mes partenaires estoniens, qu’ils soient institutionnels ou de la société civile. Je me félicite que ce pays ait fait le choix de rejoindre l’Organisa-tion Internationale de la Francophonie au Sommet de Montreux (octobre 2010) avec le statut d’Observateur.

Comment procédez-vous et quelles initiatives avez-vous prises ?Comme l’avait dit, il y a quelques années, Boutros Boutros-Ghali à un Sommet de la Francophonie : « la Francophonie sera imaginative ou ne sera pas ». Je m’efforce d’appliquer cette recommandation dans mon action au quotidien. J’utilise tous les vecteurs dont je dispose et j’essaie d’être innovant. Tout d’abord, les rencontres avec les écoles et les élèves apprenant le français que j’essaye de visiter mensuellement. Ceci me permet de sillonner l’Estonie et ses territoires et de constituer des réseaux de « Petits ambassadeurs de la Francophonie ». J’ai fait moi-même l’effort d’apprendre l’estonien - langue que j’utilise au quotidien, ce qui est plus simple pour faire passer mes messages. « Vous apprenez le français, je sais que c’est une langue difficile… mais l’Ambassadeur de France rencontre des difficultés identiques avec l’estonien ». Ce genre de message passe très bien auprès de mes interlocu-teurs. Je communique également beaucoup sur la Francophonie et la langue française par le biais de la radio et de la télévision. Au cours des derniers mois, que ce soit dans le cadre de l’année Chopin ou à l’occasion de la semaine de la Francophonie en Estonie, j’ai donné plusieurs interviews radio et télévision pour des medias estonophones et russophones, car je m’exprime également en russe. Enfin, je participe aux cours de français organisés par l’Institut français au profit de fonctionnaires estoniens. Nous en formons 400 par an. Il s’agit tout simple-ment d’animer un cours à partir d’un sujet choisi par les appre-nants et je constate que cette formule connaît une grande réussite. Je voudrais également remercier mes autres collègues - Ambassadeurs francophones à Tallinn - que j’ai associés à l’animation de ces cours et qui font un travail remarquable.

Je les invite également aux déplacements que je fais en province sur le thème de la Francophonie.

Et plus spécifiquement que faites-vous en matière scolaire ?Avec le soutien de l’Ambassade, nous avons ouvert à la rentrée 2010 une classe maternelle francophone à Tallinn ; c’est un peu notre pépinière de futurs talents francophones et nous en sommes très fiers. Afin de répondre à la demande estonienne pour le scolaire, grâce au soutien du ministère français de l’Education nationale, nous avons mis à la disposition d’un établissement scolaire estonien un professeur de langue fran-çaise qui a ouvert une section francophone pour le bac interna-tional dans cet établissement. Face au succès que connaît cette initiative, nous avons le projet d’ouvrir une seconde section francophone pour le primaire dans cet établissement à la rentrée 2011. Nous ambitionnons également, en 2012, la mise en place d’une section francophone en province, au Lycée Descartes de la ville universitaire de Tartu (seconde ville d’Estonie).

La Francophonie et la société civile estonienne ?Dans mon action en faveur de la Francophonie, je m’applique non seulement au renforcement du français comme outil de communication et par extension comme langue de support à un dynamisme culturel et intellectuel novateur, mais j’essaye également d’impliquer la société civile. C’est ce que je fais, par exemple, dans le domaine du sport (je suis membre d’une fédération sportive estonienne). Le sport est un très bon vecteur de diffusion des valeurs de la Francophonie.

Quels sont les premiers enseignements que vous tirez au bout de 18 mois de séjour pour ce qui est de la Francophonie et du français ?Je suis heureux de constater que les graines que nous avons semées durant ces dernières années commencent à donner de jolies pousses. Je me réjouis que de plus en plus la Haute Fonction publique et l’Administration estonienne comptent des responsables francophones ayant eu une formation universitaire en France ou dans des pays francophones. Ceci vaut également pour le Gouvernement estonien qui compte un Ministre, celui de l’Education, qui est francophone. Ces développements très encourageants m’incitent à aller de l’avant et je suis convaincu que la Francophonie et la langue française ont de très belles pages à écrire dans le grand livre de la culture estonienne.

RFi - Entretien Vicky Sommet * Ambassadeur de France en Estonie

10 Francophonie /juin 2011 juin 2011 / Francophonie 11

En 1982, le 21 juin, date qui correspond à l’arrivée de l’été dans l’hémisphère nord, devient désormais également synonyme de Fête de la Musique en France et ailleurs dans le monde.

LA FETE DE LA MUSIQUE 30ème éDITION

Déjà, à l’époque, des milliers de musiciens descendent dans la rue pour partager, avec un public

mélomane et curieux, le plaisir de jouer et d’écouter de la musique ensemble. Une coutume annuelle qui a fait, depuis, des petits à travers le monde, une centaine de pays sont désormais fidèles à ce rendez-vous. Trois décennies plus tard, c’est toujours la même effervescence côté musiciens et le même plaisir côté spectateurs d’un soir. A chaque fois, une bonne occasion de voir un sacré bon gros concert, puis de partir déambuler dans les rues, de groupes en groupes, de surprises en surprises. Pour être très honnête et moins chauvin, il faut préciser que cette manifestation a d’abord été conçue en 1976 par le musi-cien américain Joel Cohen qui travaillait alors pour la radio de Radio France, France Musique. Après les élections présidentielles de 1981, l’idée sera reprise par Maurice Fleuret, compositeur, journaliste et organisateur de festivals et mise en place par Jack Lang, Ministre de la culture de l’époque. La première édition a donc lieu le 21 juin 1982 mais elle est officiellement reconnue le 21 juin 1983.

En 2011, cette fête s’est largement internationalisée : en moins de quinze ans, elle est reprise dans 110 pays sur

les cinq continents, dès 1985 en Europe et les deux hémis-phères, avec plus de 340 villes participantes dans le monde, la dernière en date étant Shangaï. D’autres Fêtes de la Musique ont vu le jour par la suite comme la Festa della Musica chez les Italiens, Więto Muzyki en Pologne, Praznic Musike en Bosnie, sans oublier Dünya Müzik Günü pour les Turcs.Lors de son passage sur RFI dans « La Bande Passante », le chanteur québécois Luc De Larochellière confiait : « Au Québec les beaux jours sont attendus avec tant d’impatience que, dès qu’ils arrivent, les concerts en plein air pullulent, la Fête de la Musique passe donc un peu inaperçue, puisque c’est tout l’été la fête à la musique chez nous! ». Pas vexée pour deux sous, la France se fera un plaisir d’accueillir la crème de la chanson québécoise en ce 21 juin. Dans le cadre du 50ème anniversaire de la Délégation générale du Québec à Paris, ce concert événement gratuit qui se tiendra sur la place de la Bastille et intitulé tout bonnement « Le Québec prend la Bastillle » réunira Pierre Lapointe, Ariane Moffatt, Robin Leduc, Yann Perreau, Alfa Rococo et Karkwa, côté français on annonce la participation entre autres de Grand Corps Malade.

Notez enfin que dans le cadre de l’Année des Outre-mer, une

attention particulière sera portée, pour ce trentième anniversaire de la Fête de la Musique, à la richesse et à la diversité des cultures musicales ultramarines. Ce qui signifie que vont résonner encore plus que d’habitude gwokas guadeloupéens, biguines martiniquaises, mayola réunionnais et autres tamure polynésiens. Un bel anniversaire aux arômes insulaires.

RFi - Alain PiLOT La bande passante

Luc de Larochellière a reçu le Félix 2010 (l’équivalent d’une Victoire de la Musique au Québec) de l’auteur-compositeur de l’année pour le disque UN TOI DANS MA TÊTE sorti en août 2009.

Inaugurée en 1961, la Délégation générale du Québec à Paris a joué un rôle central dans la construction de la relation directe et privilégiée entre le Québec et la France.

LA DéLéGATION GéNéRALE DU QUéBEC A 50 ANS !

iDans le cadre de sa première visite officielle en France, le premier ministre du Québec Jean Lesage inaugurait le 5 octobre 1961, en présence du ministre français de la Culture André Malraux, la Maison

du Québec, qui allait devenir quelques années plus tard, la Délégation générale du Québec, une mission diplomatique dûment accréditée.

Cinquante ans plus tard, le Québec entretient avec la France une relation d’État à État qui, d’audace en audace, ne cesse de s’enrichir et de se renouveler. C’est notre attachement à cette relation directe et privilégiée, fondée sur la fraternité entre nos deux peuples, que nous célébrerons tout au long de cette année avec une programmation d’activités riche et diversifiée.

Ancrée dans le partage de la langue française, la relation franco-québécoise est nourrie par la culture et trouve sa plus belle expression par la présence de nos artistes en France. Les célébrations de ce 50e anniversaire en seront le reflet avec plusieurs manifestations artistiques exceptionnelles, dont notamment un grand spectacle inédit réunissant les grands noms de la nouvelle chanson québécoise francophone, présenté le 21 juin* sur la place de la Bastille à Paris. Par ailleurs, notre Délégation aux Affaires

francophones et multilatérales organisera le 20 juin, en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères et européennes de la République française, l’OIF et l’UNESCO, un colloque pour réfléchir à la place du français dans le rééquilibrage en cours des langues sur la scène internationale.

Le Québec et la France sont aujourd’hui portés par une génération nouvelle, ouverte au monde et à sa diversité. Une génération qui embrasse les valeurs sur lesquelles se bâtissent le Québec et la France de demain : une conscience universelle, une soif de découvertes et de réussite qui fait peu de cas des frontières, une sensibilité à l’environnement et au développement durable. C’est pour elle que ce partenariat d’exception, fondé sur l’histoire, la langue et la culture, doit contribuer à une mondialisation responsable et d’avant garde.

*Partenaire du Cinquantième, TV5MONDE retransmet, entre autres, le concert sur ses antennes cet été et célèbre l’événement en consacrant une nuit de programmation aux fictions québécoises.

Michel ROBiTAiLLEDélégué général du Québec en Francewww.quebec.fr/50

12 Francophonie /juin 2011 juin 2011 / Francophonie 13

Depuis 2007, les acteurs internationaux de la francophonie au Cambodge, notamment l’Agence univer-sitaire de la francophonie, l’OIF et la coopération française, œuvrent dans le cadre du projet régional de Valorisation du français en Asie du Sud-Est à la relance de l’enseignement de la langue française dans le système éducatif, en soutien de la politique volontariste du gouvernement cambodgien.

Il déclinait le compliment pour répondre: “je ne suis qu’un humble faiseur de chansons”. Cette humilité, que l’on peut trouver à juste titre un peu surjouée, montre à l’évidence le petit quiproquo au sujet du chanteur Brassens.

A vingt ans, vivant à l’écart de la place publique, comme son mentor, François Villon, qu’il aime autant pour ses vers que pour sa vie de bandit, il plonge dans la littérature pour ne plus jamais

en ressortir. Il se rêve grand écrivain. Il lit ses aînés, se plonge dans les traités de versification et peaufine le tout grâce au dictionnaire offert par son grand-père. Mais, ne remportant aucun succès avec ses écrits, il se rend vite compte que la forme poétique ou romanesque n’est pas celle où il excelle. Parallèlement à ses travaux d’écriture, il écrit des chansons qu’il destine à d’autres interprètes. Pourtant, c’est en 1952 en interprétant lui-même ses chansons chez Patachou qu’il remporte le succès qui ne le quittera plus. C’est donc dans cet art si particulier que Brassens va exceller : celui de trousser des couplets sur un rythme bien personnel.

Il met alors en place un véritable rituel immuable pour ce travail d’orfèvre. Dès cinq heures du matin, installé à sa table de travail, Brassens note tout de peur d’oublier. Dès qu’une idée apparaît, il la capture, puis la couche sur le papier sous une forme approximative. Tel un sculpteur, il peaufine les strophes, cisèle les vers, revisite des mots, des expressions et s’amuse à faire coexister un vocabulaire populaire avec des mots tombés en désuétude ... Ecouter une chanson de Brassens,

c’est plonger dans la richesse de la langue française qu’il rend accessible: « je chante pour les concierges cultivées » aimait- il à dire ! Si un mot ne lui convient pas, il change, rature, reprend la chanson en entier pour trouver le ton juste. Il travaille le rythme des heures durant tapant du pied, coupant ses vers pour qu’il rentre dans le style de la chanson. Il passe ainsi beaucoup de temps sur ses brouillons, esquisses de ses futures chansons. On sait que « Supplique pour être enterré à la plage de Sète » demandera plusieurs années de travail avant de sortir enfin de ses carnets. Presque vingt ans sur une chanson... C’est le prix à payer pour qu’à la fin, il n’y ait plus rien à modifier. « Cent fois, j’ai essayé de changer une virgule dans tes chansons, avouera Jacques Brel. Et n’y suis jamais arrivé. ».

Brassens a donné ses lettres de noblesse à la chanson et avec plus de 1500 interprètes à travers le monde, il est aujourd’hui le plus bel ambassadeur de la langue française. Un poète, peut-être mais un grand auteur de chansons assurément !

Clémentine DEROUDiLLE« Brassens ou la liberté » jusqu’au 21 août à la Cité de la Musique. En partenariat avec TV5MONDE , retrouvez l’exposition et l’émission Acoustic spéciale «Brassens» : tv5monde.com/musique

GEORGES BRASSENS éTAIT-IL UN POETE ?

AU CAMBODGE, LA FRANCOPHONIE FAIT SON “CINEMA”

iLes efforts conjoints des autorités et de la communauté francophone ont permis d’obtenir des résultats tangibles, puisque l’on a assisté ces dernières années à une véritable montée en puissance du français à l’école (45 500 apprenants en

2007/2008, ils sont 128 000 en 2010/2011). Le programme des classes bilingues franco-khmères, pierre angulaire du dispositif, touche près de 5000 élèves. Ce programme de qualité avec 100 % de réussite au baccalauréat est présent sur l’ensemble du territoire (une centaine de classes bilingues dans une vingtaine d’établissements) et irrigue les filières francophones des universités cambodgiennes. Ces dernières, symboles d’excellence, comptent environ 6000 étudiants, dont une centaine bénéficie chaque année de bourses d’études en France. L’Institut français, quant à lui, enregistre 6500 inscriptions en cours de français langue étrangère pour 2010-2011.

Une initiative originale est née cette année à l’Institut français du Cambodge* à l’occasion de la Semaine de la Francophonie. Intitulé Destination francophonie, ce projet est mis en œuvre en partenariat avec le bureau national de l’AUF et TV5MONDE. Il propose à tous les internautes intéressés de déposer en ligne, sur un site dédié, de courtes créations vidéo et les invite à un voyage dans l’espace francophone. Organisé autour d’un concours, Destination Francophonie permet notam-ment aux étudiants de mettre en scène, sous la forme de très courts métrages vidéo (une minute maximum), un aspect de leur ville ou de leur pays. Le choix du sujet est libre : habitudes alimentaires, mode, danse, pagode. La réalisation et la ligne édito-riale sont simples. Le mode de filmage est libre: téléphone portable, appareil photo. Les seuls impératifs sont d’utiliser le français et de mettre le sujet retenu en relation avec l’espace francophone. Enfin, en clin d’œil à la diversité linguistique, les réalisateurs sont invités à employer dans leur mini-reportage un mot, une expression ou un proverbe tiré de leur langue et à le traduire en français.

Le projet, né à Phnom Penh, est ouvert à tous les francophones de la planète. Il a vocation à exister par lui-même et à se développer. En avril dernier, deux cents participants cambodgiens, vietnamiens et indonésiens étaient inscrits sur le site et une centaine de vidéos avaient déjà été postées. Original et reposant sur l’implication des enseignants de français et sur l’enthousiasme, la curiosité et l’inventivité des participants, Destination Francophonie vise avant tout à favoriser l’échange entre jeunes francophones, dans le cadre d’un réseau social dépassant les frontières et fonction-nant à l’échelle de la francophonie toute entière.

Christian CONNANAmbassadeur de France

* http://ccf-cambodge.org/** www.destinationfrancophonie.org et vimeo.com/groups/destinationfrancophoniehttp://www.tv5.org/cms/Asie/

14 Francophonie /juin 2011 juin 2011 / Francophonie 15

Jean-Noël Schifano, un père sicilien, une mère lyonnaise, êtes-vous franco-italien ou italo-français, napolitano-français ?Naples est un modèle d’existence, de culture et un miroir de ce que pourrait être l’Europe. C’est à Naples que s’est stratifiée au cours des siècles toute l’Europe. A Naples, j’ai fait en sorte de conjuguer les langues et les cultures, c’est-à-dire que je faisais venir des écrivains comme Edouard Glissant, Michel Tournier, Jean d’Ormesson ou Régis Debray et autour, l’expression artistique avec des Napolitains, des Français et d’autres Européens.

A la tête de l’Institut français de Naples, avez-vous essayé de créer un espace francophone dans le sud de l’Italie ?J’ai fait enseigner le napolitain, je ne dis pas l’italien mais la langue napolitaine, à l’Institut français de Naples parce que l’ADN de la culture, c’est la langue. Et si, dans nos échanges culturels, on ne tient pas compte de ça, si on ne fait que des tableaux, des sculptures, du visuel et qu’on ne tient pas compte de la langue, alors on perd le contact. La langue fran-çaise est une langue vivante contrairement à la langue italienne qui est une langue standardisée. Un paysan de Toscane qui lit la « Nazione », le journal de Florence, dans son champ peut tout aussi bien lire Dante. Je ne vois pas, même quelqu’un de très cultivé à Paris, pouvoir passer du jour-nal Le Monde au Roman de la Rose sans à-coup, en comprenant tout.

Ecrivain, comment vous est venu l’amour des « belles langues » ?J’ai reçu Edouard Glissant et sa conférence avait pour titre « De l’oral à l’écrit ». J’invite Michel Tournier et il fait une conférence « De l’écrit à l’oral », Hector Bianciotti lui me propose « D’un pays à l’autre, d’une langue à l’autre ». Sylvie Kandé, née en France mais de père sénégalais et de mère fran-

“JE ME CONSIDèRE COMME UN NAPOLITANO-FRANçAIS”

çaise, vit à New York et a écrit une épopée « La quête infinie de l’autre rive », la quête de ceux qui quittent leur pays, comme les Africains, par bateau sur Lampedusa. Au 13ème siècle, Aboubakar, un empereur du Mali, décide de voir ce qu’il y a de l’autre côté de l’océan. Probablement a-t-il été le premier à découvrir l’Amérique ! On a dans cette quête infinie de l’autre rive, une quête du Graal mais en même temps une quête de la langue.

Mais vous êtes aussi traducteur ?C’est dans mes gènes. Je me suis aperçu que lorsque je traduis, je fais acte de créa-teur. Je viens d’un mélange de pays parce qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, la Sicile était loin de Lyon. Mon père parlait très peu, comme tous les Siciliens, et il avait une langue française un peu heurtée. Je vivais avec une langue pure, la langue de ma mère, et une langue impure, celle de mon père. Je me devais de trouver ma propre langue en tant qu’écrivain. Et quand je traduis, par exemple les romans de Eco, je refais l’acte procréateur d’où je viens.

Vous dirigez la collection « Continents noirs ». Quel est son rôle ?Je me suis tourné vers la plus jeune littérature du monde. « Continents noirs » veut dire que chaque écrivain, d’où qu’il vienne, quelle que soit sa couleur, est un continent dans la société, c’est-à-dire un

point qui révèle par contraste tous les hiatus, qui est là comme le révélateur le plus fin de ce qui nous arrive et qui agit comme un passeur et qui nous dit « Attention !». « Continents noirs », ce sont tous des écrivains, blancs, rouges, jaunes ou noirs, mais en choisissant l’Afrique, en particulier la diaspora africaine, je tou-chais tous les continents ; certains vivent à Pékin, au Canada, d’autres en Europe, mais aussi des Togolais en Allemagne et des Togolais à Paris, la possibilité enfin de créer une littérature universelle.

Italien ou français, dans quelle langue écrivez-vous ?La question a été posée à Hector Bianciotti. Il a répondu « J’ai commencé à écrire et j’ai abandonné l’espagnol quand j’ai commen-cé à rêver en français ». Ce n’est pas mon cas, quand il le faut j’écris en italien, mais tout ce que j’ai écrit est en français et je me refuse de voir des traductions italiennes. Peut-être ferais-je l’inverse de Casanova. Casanova a écrit en italien, sauf l’histoire de sa vie qu’il a écrite en français et en italien mâtiné de vénitien. Peut-être écrirai-je mes mémoires en italo-napolitano-français!

RFi-Entretien Vicky SOMMETJean-Noël Schifano : « Le vent noir ne voit pas où il va » aux éditions Fayard

Andy Warhol, Vésuve 1985, Acrylic sur toile, 230 x 300cm. Musée Capodimonte de Naples

Bruno Daroux (RFI) et Xavier

Lambrechts (TV5MONDE)

“INTERNATIONALES” : UNE TRIBUNE MONDIALE« Internationales » … est un mot qui pèse lourd !Il nous faut donc commencer par lever un possible malentendu. Il ne s’agit pas pour nous de célébrer une lutte finale qui sera le genre humain … mais tout simplement de résumer en un mot l’ambition de cette émission : parler d’un monde pluriel, tel qu’il est … et parfois tel qu’il pourrait être, avec ceux et celles qui font l’actualité internationale en France et à l’étranger. « Internationales » est née en 2008, elle aura bientôt 3 ans et cette ambition est restée intacte.

« Internationales », ce sont près de 110 invité(e)s :présidents, ministres, patrons d’organisations internationales , responsables de partis politiques. Ils viennent d’horizons ou de sensibilités différentes, ils sont français, brésiliens, sénégalais, suisses, équatoriens, égyptiens, sud-Coréens, belges, maliens, turcs, israéliens, palestiniens … impossible de les citer tous !Des hommes et des femmes (pas encore assez

nombreuses !) de conviction et d’engagements, qui ont compris l’intérêt de cette formidable tribune planétaire, en français ou en traduction simultanée pour ceux qui ont choisi de s’exprimer dans leur langue d’origine. L’association TV5MONDE – RFI – Le Monde permet en effet de toucher une audience francophone ou francophile, inégalée sur les 5 continents, partout où la francophonie s’est implantée au cours des siècles et en particulier en Afrique !

Donner la parole et débattre en toute liberté sont deux des vertus premières de la démocratie, des valeurs qu’ « Internationales » essaye, modestement, de promouvoir tous les dimanches.

Pour parodier une formule bien connue à TV5MONDE … on peut dire qu’« Internationales », c’est dire ici ce qui compte ailleurs et dire ailleurs ce qui compte ici …

TV5MONDE-Xavier LambrechtsRédacteur en chef

« Internationales» est diffusée chaque dimanche en direct sur tous les signaux de TV5MONDE , sur RFI et sur www.internationales.fr

16 Francophonie /juin 2011 juin 2011 / Francophonie 17

UN PROGRAMME POUR LA JEUNESSE FRANCOPHONE

DES ETATS GENERAUX A PARIS30 ANS DE POLITIQUE PUBLIQUE AU SERVICE DE LA LANGUE FRANçAISE

En cette Année internationale de la jeunesse, le Secrétaire Général de la Francophonie, S.E Abdou DIOUF a dédié à l’occasion de la journée du 20 mars, un message aux jeunes de tous les pays

et de tous les continents. Il a souligné « […] qu’il est de la responsabilité des Etats et gouvernements d’initier des politiques nationales innovantes et ambitieuses en matière d’éducation, de formation, d’enseignement supérieur, d’insertion professionnelle, mais aussi d’emploi stables et qualifiés ». Le développement du programme de Volontariat international de la Francophonie, inscrit sur la planification 2010-2013, marque bel et bien cet engagement. Initié en 2007, ce programme original est mis en œuvre par l’OIF sous la conduite de Clément DUHAIME, en partenariat avec l’AUF et avec le soutien de TV5MONDE et de l’AIMF. Il s’adresse aux jeunes, femmes et hommes, qui souhaitent mettre leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être au profit des projets de la Francophonie. Il répond à une triple attente : celle des jeunes en quête de mobilité internationale, de tremplin professionnel, de renforcement et d’acquisition de nouvelles compétences dans un environnement social et culturel différent; celle de partenaires de la Francophonie souhaitant l’appui d’un volontaire pour initier, développer ou suivre un projet ; enfin celle de la complémentarité des programmes de l’OIF et des opérateurs directs de la Francophonie. Les 150 prochains volontaires seront répartis en trois promotions 2011, 2012, 2013. Ils contribueront à

cette synergie sur les programmes propres de la Francophonie développés sur les cinq continents tels que l’initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM) ; les maisons des savoirs (MDS) ; ou encore dans le cadre de l’appui de la Francophonie à la reconstruction et au développement d’Haïti, sans oublier le renforcement des partenariats avec d’autres Organisations internationales (le Conseil de l’Europe, la Commission de l’Océan Indien..).

Lors de l’appel à candidatures de la promotion 2011, l’OIF a recueilli 3250 dossiers provenant de 40 pays. La moyenne d’âge des candidats est de 28 ans, 55% d’entre eux ont effectué au moins quatre années d’études et plus de 34% sont des candidatures féminines. Cette future promotion sera lancée sous le haut patronage du Secrétaire général et le parrainage de personnalités émérites de la Francophonie. L’OIF développera la mise en réseau des volontaires francophones grâce à une plateforme de communication interactive et permanente sur son site portail. Résolument tournée vers la jeunesse, la Francophonie entend donner à ce programme de volontariat international toute sa place dans sa politique rénovée en faveur des jeunes. « Jeunesse, talent, solidarité, diversité francophone sont la clé voûte de ce programme».

Mahaman LAwAN SERiBADirecteur de la jeunesse (OIF)www.jeunesse.francophonie.org - www.francophonie.orgwww.auf.org - www.aimf.asso.fr - www.tv5monde.com

Jean-Paul Rebaud *, 30 ans de politique publique en matière de langue française, à l’étranger, les attentes à l’égard de la France ont-elles fondamentalement évolué en la matière ?Nous savons que les attentes restent fortes et nous y répondons le mieux que nous pouvons. Le monde a changé bien sûr, mais la promotion de la langue française partout dans le monde est toujours au cœur de nos priorités. Il y a 30 ans les initiatives décidées par la France dans ce domaine (création d’un ministère de la Francophonie, associée à celle, pour traiter les questions politiques, d’un Service des Affaires Francophones, et à celle, pour traiter les questions de promotion de la langue, de la Sous-direction du Français) illustraient notre volonté de mettre en œuvre une politique organisée de défense et de promotion car nous sentions bien que la langue française avait perdu du terrain et que sa place de grande langue internationale était menacée. Aujourd’hui, nous pensons que, grâce à cette politique volontariste et dans le cadre de l’action multilatérale pilotée par l’OIF, les positions de la langue française sont stabilisées et que nous avons su tous ensemble, et, en particulier, avec les professeurs de français, relever ce défi, même si certaines évolutions, comme en Europe, nous inquiètent. Les cours de français pour adultes en Afrique du Nord, en Amérique Latine, en Europe, en Chine n’ont jamais été aussi courus : est-ce à dire que le français est toujours perçu comme une grande langue internationale, utile dans une carrière professionnelle?Oui, les chiffres montrent que le nombre de personnes qui apprennent le français augmente, aussi bien dans les pays où le français est une langue première ou seconde que dans les pays où il est une langue étrangère. Après l’anglais, le français est la deuxième langue étrangère la plus enseignée dans le monde.

Cet enseignement est présent dans tous les pays ou presque. Les raisons qui incitent ces personnes à faire ce choix sont sans doute nombreuses et complexes à analyser. Mais la dimension professionnelle est pour nous essentielle. Il nous semble évident également que cette présence mondiale et le statut de langue de travail dans de nombreuses organisations internationales sont des arguments stratégiques. C’est pourquoi nous nous efforçons de développer cet enseignement partout dans le monde, dans nos Instituts et Centres Culturels Français, dans les alliances françaises que nous soutenons, et avec les universités et les écoles professionnelles étrangères.

Quelle est, à vos yeux, la plus belle initiative qu’a prise votre Ministère pour accompagner ou susciter les actions sur le terrain?Pour nous, les priorités sont d’abord l’appui à l’enseignement de la langue et aux enseignants de français. Sans eux, aucune politique sérieuse de promotion n’est envisageable. Les actions de terrain menées dans ce sens sont très nombreuses et il est difficile et injuste

d’en détacher une, d’autant que ces actions sont d’abord l’illustration d’un militantisme francophile remarquable, présent sous toutes les latitudes. Et pour ne pas en rester à la seule évocation nostalgique, mais pour surtout parler de l’avenir, je préfère citer notre nouveau grand projet de méthode de français sur internet qui s’appellera «Parlons français» et que nous créons avec nos grands partenaires (le CIEP, TV5MONDE, la Fondation Alliance française, le CAVILAM de Vichy, le CLA de Besançon, l’Institut Français). Le paradoxe entre cette présence sur la toile et l’appui à des actions de terrain n’est qu’apparent car nous sommes persuadés que ce nouvel outil numérique pourra être un produit d’appel et une vitrine accessible à tous pour le travail quotidien et souvent peu visible de tous les acteurs de terrain que sont d’abord les professeurs de français

TV5MONDEEntretien Michèle JACOBS *Sous-directeur de la Diversité linguistique et du français au Ministère des Relations étrangères et européennes

Parlonsfrançais!Parlons

français!

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juin 2011 / Francophonie 19

DIRECTION PUBLICATION RFI/John Maguire - TV5MONDE/Michèle Jacobs

DiRECTiON DE LA COMMUNiCATiON RFI/Françoise Hollman - TV5MONDE/Agnès Benayer

RéDACTION EN CHEF RFI/Vicky Sommet assistée d’Erika Bernard - TV5MONDE/Philippe Dessaint

CRéDITS-PHOTO Aurelia Blanc TV5MONDE / Libro « Nuevas perspectivas : Republica dominicana » Iniciativa de FUNGLODE/GFDD / Sébastien Bonijol / Marie-Pierre Mattera / Destination Francophonie CCF du Cambodge / MAEE - DGM -

CFR – F / Wikicommons - Tom Palumbo / William Gottlieb - Library of Congress - Wikicommons / Carl Van Vechten - Library of Congress - Wikicommons / RFI –Patrick Lazic / OIF – Michel Brown Womue / Fotolia

CONTACT [email protected] / [email protected]

RéALISATION [email protected]

IMPRESSION éOLE La Station graphique - 93165 Noisy-le-Grand cedex

MORCEAuX EXQuISNée de la volonté conjointe de la Fondation EDF, du musée national des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM*) et du CNRS, l’exposition « Morceaux exquis » propose un voyage sensible et ludique dans la géographie du corps humain faisant découvrir ses représentations dans les diverses communautés culturelles du bassin euro-méditerranéen. Articulée autour des parties les plus symboliques du corps et des dictons qui les utilisent, l’exposition mobilise des savoirs populaires, montre plus de 300 objets d’art et a recours aux mots, aux expressions et aux dictons de plus de 27 langues nationales et vernaculaires. Un regard sur le corps drôle, émouvant, philosophique, roublard. Du 27 mai au 25 septembre à la Fondation Electra. Paris 7ème En partenariat avec RFI et TV5MONDE, à découvrir sur www.tv5monde.com/mediterranee

uN ACCORD DE COOPERAtIONL’Egypte vient de vivre une étape impor-tante de son histoire politique. Dans les nombreux projets qu’elle met en œuvre, l’un concerne sa volonté de retenir les compétences linguistiques parmi les critères d’avancement et d’affectation de ses fonctionnaires, et par là même de faire progresser l’usage du français pour les interventions de ses diplomates dans les organisations internationales, aux Nations-Unies ou à l’Union africaine. L’OIF et les autorités égyptiennes ont donc signé un accord pour prévoir, sur 3 ans, la mise en œuvre d’un plan de formation au français de 1500 diplo-mates et fonctionnaires. L’Egypte, qui est membre de l’OIF depuis 1983, est le premier pays du continent africain à avoir souscrit à ce programme.

ILS ONt CHOISI D’éCRIRE EN FRANÇAISJorge Semprùn, Samuel Beckett, Milan Kundera ou Jonathan Littell sont originaires de différents pays mais ont un point en commun, ils écrivent tous en français. Une manière pour chacun d’entre eux de dire son amour pour la culture française et pour une langue qui porte en elle une part d’universalité. Ils ont tous acquis cette langue soit dans leur enfance dans un Lycée français, soit dans leur jeunesse à l’université ou plus souvent en choisissant de résider dans un pays francophone où ils ont baigné quotidiennement dans une atmosphère « à la française ». Restent ceux qui ont tout appris par eux-mêmes, par gourmandise et par plaisir ! C’est le thème de l’exposition installée jusqu’à fin juin à la bibliothèque du Lycée français de Madrid pour le public qui découvrira que de la Comtesse de Ségur

à Assia Djebar ou d’Alain Mabanckou à Eugène Ionesco, « ils ont choisi d’écrire en français ».

La en brefLa relation intime que le peuple américain entretient avec la France est inscrite dans un patrimoine commun ancestral. C’est la fascination de la grande Amérique pour notre savoir-vivre, notre richesse culturelle, et notre bon goût…

Mais c’est aussi l’admiration du vieux conti-nent pour le sens du spectacle, le souci de la perfection et la force de persuasion américaine. Ce respect mutuel a rapproché nos cultures et facilité les échanges tran-

satlantiques. Si la capitale du jazz s’appelle New York, Paris est, sans nul doute, l’oasis, le refuge de nombreux musiciens américains en quête de liberté artistique.

La romance musicale de Miles Davis et Juliette Gréco en 1949, le succès phénoménal de Sidney Bechet à l’Olympia en 1955, les concerts mémorables du Golden Gate Quartet au Casino de Paris en 1959 en présence d’Elvis Presley et Line Renaud, la venue régulière des plus grandes figures de la musique noire, de Dizzy Gillespie en 1937 au Moulin Rouge à Prince en 2010 au Grand Palais, tous ces exemples symbolisent avec force le regard révérencieux des artistes américains pour notre pays.

Cet attachement à notre belle France se traduit même parfois par une volonté farouche d’adopter notre mode de vie, nos traditions, nos habitudes. Pour un citoyen américain,

UN AMéRICAIN à PARIS

18 Francophonie /juin 2011

résider en France est une preuve de réussite sociale. Le saxophoniste Archie Shepp, le pianiste Kirk Lightsey, l’organiste Rhoda Scott, le guitariste Elliott Murphy, parmi tant d’autres, ont choisi la France pour son rayonnement culturel international, mais aussi et surtout, pour son ouverture d’esprit.

David Murray, saxophoniste : « Mon arrivée à Paris a considérablement fait évoluer ma perception des choses. Quand j’étais à New York, j’avais une vision plus réduite de mon existence. Cette ville m’a ouvert les yeux et m’a offert un accès plus direct au reste de la planète. Sans forcément quitter la ville, vous pouvez entrer facilement en contact avec les différentes communautés qui peuplent cette capitale. A New York, vous avez bien sûr de nombreux groupes ethniques, mais ils vivent en autarcie, ils ne cherchent pas à se rencontrer. A Paris, il y a plus de générosité. Je vis dans le 20ème arrondissement, dans le quartier de Ménilmontant, où se croisent nombre de musiciens issus de plusieurs cultures. Il m’arrive de jouer à l’improviste dans les bars du coin et de partager avec des Français de toutes origines. Vous pourriez me rencontrer au détour d’une rue, le sax à la main, à Paris ! » (RFI- 22/11/ 2004).

La France reste donc une terre d’accueil, cosmopolite et fraternelle… Le jazzman Hal Singer n’a jamais oublié ce sentiment profond de soulagement et de sérénité qui avait accompagné son arrivée à Paris en 1965 où il vit toujours à 91 ans : « Disons que j’ai découvert le mot « liberté » ici, quand j’ai choisi de demeurer en France. Là, j’ai enfin été respecté, j’ai pu vivre comme un être humain ! » (RFI- 10/01/ 2005).

RFi - Joe FARMERL’épopée des musiques noires.

Sidnet Bechet

Miles Davis et Dizzy Gillespie

Le cLin d’oeiL de caro *

Journée Internationale des femmes dans le monde...

* Caricaturiste suisse , Caroline Rutz / Caro est illustratrice et publie dans de nombreux journaux. Elle est régulièrement invitée dans l’émission Kiosque sur TV5MONDE.

Elle est membre de la fondation Cartooning for Peace, crée par Plantu en 2006.