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  • 8/7/2019 Alcais. Figures et rcits de Carthage chrtienne, tudes sur le christianisme africain aux IIe et IIIe sicles. 1908. N58

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    Alcais, Abel. Abel Alcais. Figures et rcits de Carthage chrtienne, tudes sur le christianisme africain aux IIe et IIIe sicles.... 1908.

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    THAGE CHRETIENNE

    AUX

    3UXIMBET TROISIMESICLES

    ILLUSTRATION8 HORSTEXTE

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    -FlGlmKS ET HKCITS

    DK

    CAItTHAGE CHRTIENNE

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    .Imprim par les soins

    de la Socit des Publications morales et relit/ieusesde Toulouse.

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    AuuthT,phol.UPSANCIENSPOKTSDECARTHAOK.

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    Afoel ALCAI8

    FIGURES ET RCITSDE

    CAMHAGE CHRTIENNE

    TUDES^- - SURLE

    CHRISTIANISME AFRICAIN AUX II* ET III* SICLES

    ILLUSTRATIONSHORS TEXTE

    PARIS

    LIBRAIRIE FISCHBACHERtocttrt AXOSTXE

    33, RVB DR SBIMB, 331908

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    PRFACE

    Sous Veffort de la France, la Tunisie, cetteancienne Afrique des Romains, se rveille

    aujourd'hui d'un sommeil de quatorze sicles.

    A qui parcourt dsormais ses vastes tendues,c'est plaisir de voir l'animation des labeurs

    fconds et le bruit de la vie y succder la

    lourde torpeur d*>ssicles couls.

    Les espaces mornes s'gaient et l de

    moissons opulentes et de pampres verts, et le

    Franais qui les contemple se sent au coeur un

    peu de fiert nationale en songeant que cette

    trs vieilleterre,

    une de cellesque

    les hommes

    ont le plus ardemment pilines, et que l'Islam

    avait laiss tomber une dsolation de mort, le

    clair gnie de notre pays s'emploie la vivifier,en enfonant dans ses sillons les racines d'une

    conqute autrement sre et lgitime que celle des

    armes.

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    PHPACE. IX

    confiants, de mener une tche de longue haleine,

    trop tt interrompue par des devoirs imprieux,

    et servir peut-tre au milieu de nous la causedu spiritualisme vanglique, par les penses que

    suggre la vie si tourmente d'une des plus

    grandes F g lises des temps anciens.

    A vrai dire, s'il serait videmment impossible,dans l'tat prsent de nos connaissances, d'crire

    une histoire complte des Eglises d'Afrique,celle de Carthagc chrtienne elle-mme, traverse

    tour tour a"ombre et de lumire, se drobe

    trop souvent au regard, aprs quelques vives

    claircies, pour que, ds prsent, on puisse

    prtendreen reconstituer rien de

    plus qu'undessin fragmentaire, des lignes trop vite brises.

    Du moins, la priode de moins de cent ans

    o se renferment ces quelques tudes est-elle

    plus qu'aucune autre, grce aux ouvrages quirestent de Terlullien et de Cyprien, suffisam-

    ment claire, malgr tout, pour qu'ilsoit

    pos-sible d'en dessiner les traits essentiels.

    Esprons que, des travaux de l'pigraphie

    africaine, que poursuivent sans relche, sur les

    traces de leur vieux matre, cet pigraphiste de

    gnie que fut fjon Renier, une pliade de

    savants archologues, aids du bon vouloir de

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    X PHPACE.

    tous ceux que stimule en Afrique la hantise

    d'un grand pass, et de l'appui de Cfilt, un

    ensemble de 'donnes nouvelles se dgagera peu peu, qui permettra un jour, dans une certaine

    mesure tout au moins, de combler des vides

    bants et de fixer des points obscurs dans l'his-

    toire sociale, conomique et religieuse de l'Afri-

    queancienne. Nulle

    part, plus que pourune

    pareille tche, la science historique et le patrio-tisme ne sauraient se donner la main.

    Au surplus, il est superflu de dire que si, dans

    ces tudes, on a toujours pris soin de s'appuyerde l'autorit indiscute des savants qui, en ces

    derniers temps, ont consacr tAfrique duNord des ouvrages de grande valeur, men-

    tionnons ici tout spcialement le grand ouvragede M. Paul Monceaux, rcemment coure nn par

    l'Institut, sur /'Histoire littraire de l'Afriqueancienne (Paris, Ernest Ijeroux, 190$), qui

    nous fut, en maintes rencontres, nous tenons le dire ici, un guide singulirement prcieux nous n'avons point eu la prtention de faireune oeuvre de pure rudition, ni mme de tho-

    logie (\).

    (1) Parmi les publications rcentes sur l'ancienne Afrique

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    XII * PRFACE.

    transformations magnifiques et des dvouement'

    hroques qu'il a produits, en Afrique commeailleurs, que par la comparaison suggestive, qui

    toujours s'impose, du christianisme du Christ,

    si admirablement simple dans son immuable

    grandeur, parce que divin, avec les pdles copies

    qu'en ont essayes successivement les diverses

    glises qui se sont rclames de lui.Et notre souhait se trouverait exauc si quel-

    ques-uns, en fermant ce livre, se sentaient

    presss de redire, avec plus de conviction rfl-chie et plus de ferveur : A qui irions-nous

    qu' toi ? Tu possdes seul les paroles de vie

    ternelle ! //sera bitn permis l'auteur de ces rcits

    d'Afrique d'en offrir ici la primeur quelqu'un

    qui lui tient de fort prs : sa femme, en sou*

    venir des six annes vcues l-bas ensemble, des

    joies et des tristesses qu'elle y a tour tour

    connues, des labeurs dont elle a pris toujourssilencieusement plus que sa part, jusqu'aumoment o, ses forces physiques ployant sous

    l'preuve, la maladie vint arrter l'oeuvre com-

    mence dans la joie.A. A.

    Never*, 7 juin 1907.

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    LA VIK A CAHTIIAGK

    AUSKCO.NDM&CLK

    ET LA PROPAGANDE CHRTIENNE

    Les Romains recueillaient en Afrique le

    fruit de leurs persvrants efforts. Une re

    de prosprit admirable s'tait leve sur tout

    le pays. Les fouilles rcentes et la pioche de

    nos colons font surgir de toutes parts des

    vestiges qui attestent une abondance inoue.

    Ce magnifique essor de In colonisation avait

    fait natre dans toute la province des gots et

    des besoins nouveaux. Les mosaques du

    Bardo nous laissent entrevoir un coin de cette

    vie antique : scnes champtres, chasses,poches, riche maison de matre, corps de

    ferme avec ses dpendances, curies pour les

    chcvaux'dc course, de selle, de trait, de labour;

    tabies bestiaux, celliers et pressoirs; popula-tion d'esclaves sous leurs gourbis de chaume,

    bref, une existence d'abondance et de bonheur

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    2 PIOURKSKT RCITS

    tranquilles au sein d'une longue paix assure.

    Les villes rivalisaient d'embellissements et

    de jeux : le sentiment municipal n'a t nulle

    part plus ardent qu'ici. Beaucoup possdaientdes coles o se donnait un bon enseignement

    classique. On parlait couramment les dialectes

    du pays dans l'intrieur, le latin et le grecdans les villes de la cote. De la fusion plus

    ou moins complte des races en prsence,phnicienne, berbre, latine, tait sortie a

    prsent une bourgeoisie riche, ordonne, fort

    prise des biens de la civilisation, o l'on

    tait fier de se dire citoyen romain, o Ton

    prenait fort au srieux le moindre honneur

    municipal, o l'on s'vertuait A donner tout,A son genre de vie, A sa demeure, mme au

    nom indigne qu'on portait, un air et un ca-

    chet romains (I).Ces bourgeois de province, d'ailleurs, taient

    parfois des philanthropes clairs, comme celui

    qui donna un jour A la ville de Sicca-Vcneria(Le Kef) \ 300 000 sesterces pour que, avec

    1'inlrcl A 5 p. 100, elle nourrit chaque anne

    300 garons et 200 filles pauvres de trois A

    quinze ans (2).

    (1)V.

    Gaucklcr,Archol. de la

    Tunisie, p.57 et

    suiv.,cl G. Boissier, Afrique romaine, p. 330.(2) Gurin, Voy. en Tunisie, t. II, p. 59. Certaines

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    < DE CARTHAGECHRTIENNE. 5

    de Mgara (Marsa), de riches demeures au

    milieu de jardins embaums, des villas enca-

    dres de verdure, des asiles d'ombre et defracheur.

    Mais c'tait de la colline de Byrsa, du hautde l'escalier monumental qui accdait au temple

    d'Eschmoun-EscuIape, qu'on embrassait d'un

    large coupd'oeil tout le panorama de Carthage.Ce

    qui frappait d'abord,c'tait la

    dispositionsymtrique et l'ordonnance d'un plan rgulierunie au pittoresque des dclivits du terrain.

    De grandes avenues bordes de colonnades,ornes de statues, traversaient la ville en se

    croisant A angle droit. Cette distribution rgu-lire, ces

    aspects grandioses,ces

    perspectivesouvertes tour A tour sur la nappe bleue du

    golfe et sur l'intrieur des terres devaient

    donner A Carthage un caractre unique, un

    charme souverain. Si l'on se tournait vers le

    golfe, l'oeil s'gayait du mouvement des voiles

    qui le sillonnaient en tous sens : barques de

    pche, galres armes, lourds transports chargsde Yannone. En avant du vieux port, grouillantde foules bigarres, matelots syriens, mar-

    chands'grecs, courtiers juifs, portefaix ngres,esclaves de tous pays, rgnait une immense

    ligne de quais o s'entassaient les bls de Nu-

    midie, les huiles de toute la contre, les mar-2

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    i DE CARTHAGECHRTIENNE. 7

    ment de tant d'autres difices fameux alors :

    Thermes, Places, Tribunal, Stade, Palestre et

    coGymnase

    oprofessaient

    dovant l'ardente

    jeunesse d'Afrique des matres comme Apolli-naire et Apule, plus tard Cyprien et Augus-tin, o djA Tertullien aiguisait le glaive tin-

    celant de sa dialectique emporte. Du moins,on peut bien penser que ces monuments ne le

    cdaient en rien aux autres et no faisaient pointtache dans la grande cit de lumire et de

    marbre.

    Aussi, quel amour les Carthaginois avaient

    pour leur ville et quelle sduction elle exeraitsur tous les trangers! Un de ses visiteurs,bion plus tard, en faisait le tableau que voici,

    vrai djA A l'poque des Antonins : Parmitant do cits de la contre, il en est une quitait la reine et comme la mre des autres...

    je parle de Carthage... la Rome du monde

    africain. Toutes les grandes institutions poli-

    tiques, tout ce qui concerne l'administration

    ou le gouvernement, elle renfermait tout. \A\se trouvaient tous les services publics, IAtaient

    des coles pour tous les arts libraux, pourtoutes les sectes philosophiques, des gymnasesde tout genre pour l'lude des langues et des

    moeurs ; IAaussi rsidaient des corps de troupes

    et les grands chefs militaires. LA demeurait

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    8 FIGURESET RCITS

    le Proconsul, ce matre et ce juge souve-

    rain... (1)

    Maintenant, repeuplons ces rues, ces places,ces monuments; remplissons-les du bruit, dos

    gestes, des voix, enfin de touto cette vie ar-dente des hommes qui les ont anims autrefois

    do leurs passions, do leurs penses ot do leurs

    rves : alors nous verrons so dossiner devant

    nos yeux les traits ossentiols do la physionomiomoralo do Carthago vers le milieu du second

    sicle.

    C'est uux muses do Carthago et du Bardo

    qu'il faut aller relire, pour en goter touto la

    saveur, les descriptions des auteurs du temps

    sur les moeurs de Carthago. Devant ces mosa-ques, ces bas-reliefs, cos inscriptions, la foule

    do ces menus objets touchs par la main mme

    de leurs contemporains, leurs peintures s'ani-

    ment soudain d'une fracheur do coloris et d'un

    air de vrit saisissants; le rapprochement

    suggestif des donnes du livre avec celles dela pierre donno la sensation et comme la vision

    do la vio A Carthago il y a dix-sept sicles.

    G race aux fouilles rcentes, nous pouvons nous

    reprsenter ces villas somptueuses des quar-tiers aristocratiques de Mgara. Voici, par

    (1) Salvieu, De Gub. Dei, VII, 67, C8.

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    DE CARTHAGECHRETIENNE. 0

    exemple, cello d'une grande famille africaine,

    les Laberii, d'Uthimi (Oudna). La ported'ontro, encadro par doux colonnes doriquos,donne accs dans une premire pice dallo do

    grandes dimensions : c'est la salle do rcep-tion. Elle ne communique avec le reste du logis

    que par une seconde porto intrieure. Les ap-

    partements privs sont distribus autour d'uno

    cour centrale rectangulaire, orne do fontaines,

    d'arbustes, et ceinto d'un pristyle aux cou-

    leurs peintes. La dcoration de ces appartc-monts do matre est des plus riches : pave-ments de mosaques prcieuses, souvent en ftdo verro maill; les murs revtus do marbres

    multicolores encadrent des fresques et des

    peintures ; les plafonds et les votes sont en

    stucs ouvrags, cisels au fer... ; partout l'air,la lumire, tandis quo des eaux vives, jaillis-sant des fontaines dans des vasques en marbre,alimentent des bassins et assurent la fracheur

    des appartements dans les ardeurs de Tt (1). La vie qu'on menait dans ces riches de-

    meures, animes du va-et-vient d'uno popula-tion d'esclaves, tait certes une grande vie, o

    tout parlait de jouissances et de /tes, o touttendait au raffinement des aises, aux molles

    (1) Gauckler, Archol. de la Tunisie, p. 57.

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    10 FIGURESET RCITS

    dtentes de tout l'tre dans toutes les formes

    de la volupt, aux enchantements d'uno exis-tenco aimable sous un ciel d'azur, o flans une

    atmosphre sature do plaisir, les sens se gri-saient do parfums, de couleurs et de sons ; o

    les Ames, enfin, s'imprgnnionl de ce sensua-lisme ardent qui restera la marque du temp-

    rament africain.Dans ce cadre, il faut placer A prsent les

    portraits d'Apulo : tout ce monde lgant de.

    dsoeuvrs et do viveurs, ces amateurs debonne chre et do vins fins, ces enrichis auluxo tapageur, ces gros banquiers carthaginois,

    ces hauts fonctionnaires de Rome et ces offi-ciers qui venaient apporter dans ces milieux

    provinciaux, avec le prestige de leurs titres ou

    de leur costume, les manires, le ton, la der-

    nire mode de la capitale. Nous nous figuronsA merveille, nu milieu de c; luxe, cet enrichi

    accapareur d'hritageset

    usurier,tout alourdi

    au sein do son bien-tre : L'heure du repasvenue, on sort les coupes de cristal ornes de

    pierres prcieuses; on dresse les lits dors re-

    couverts de tapis et d'oreillers de plumes o

    s'enfonce de tout son poids l corps volup-tueux...

    (I)

    Un bas-relief deCarthage

    nous

    (1) Kp. ad Donal., 13.

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    DE CARTHAGECHRTIENNE. 11

    fait voir la toilette d'une grande dame, et, de-

    vant une aussi laborieuso opration, nous sa-

    vourons mieux ces traits d'un crivain du

    temps : On met sur uno robe dix mille ses-

    terces, on pose sur sa tte des Mes, des conti-

    nents; de gros revenus pendent A une oreille;

    chaque doigt de la main porte une fortune...

    Le poids de tant do trsors sur un frle corps

    do femme (1)! >N'allons pas croire toutefois qu'on no connt

    point A Carthago des plaisirs plus relevs.

    D'abord, cette socit mondaine elle-mme, si

    jouisseuse qu'elle ft (2), avait le got, non

    seulement des distractions du thAtre, mais

    des plaisirs littraires, des questions d'art, tletoutes les discussions d'cole A l'ordre du jour,des concours de posie et d'loquence quiavaient lieu frquemment et quo prsidait par-

    Ci) Tertullien, De citltti fem., I, 9.

    (2i Faut-il dire plus? Avons-nous le droit de la direpourrie d'intemprance? Satvien l'a fait pour la Car-thage du Vesicle. Mais,outre ce qu'il y a toujours d'excessifdans ces sortes de gnralisations, le tmoignage de Ter-tullien lui-mme nous arrtera pour la Carthage de cetemps : Ne calomnions pas la chastet de la femmepaenne, il n'est pas rare qu'elle s'interdise le mal!...(De cultu fem., II, 1); mais, cela dit, nous n'oublions pastoutefois que le sicle des Antonins a t aussi celui d'Ha-

    drien et de l'infme Antinous, auxquels tout l'empire levides statues I

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    12 FIGURESET RCITS

    fois le Proconsul en personne. Mais Catibagetait, en outre, une ville savante de premier

    ordre, pourvue de riches bibliothques, dotede grands tablissements d'instruction o s'en-

    seignaient tous les ordres do connaissances,

    grammaire, droit, mdecine, peinture, surtout

    la rhtoriquo et la posie (I). Toute la jeunesse

    d'Afrique venait tudier A Cartilage, qui pos-

    sdait, seule dans la province, avec tous lesinstruments de l'instruction suprieure, des

    matres renomms, et dispensait seule aussi la

    gloire et les honneurs, surtout si l'on avait,

    comme Apule, les qualits et les dfauts in-

    dispensables pour tre un rhteur applaudi.

    Les relations do Carthage taient constantes,non seulement avec Rome, mais avec la Grce

    et tout l'Orient. Le grec tait alors, au moins

    autant que le latin, la langue des gens cultivs

    de l'Afrique. Aussi, toutes les sectes philoso-

    phiques, toutes les coles o s'agitaient alors

    les problmes sur la nature divine cl ses rap-ports avec l'humanit, avaient-elles ici leurs

    reprsentants rivaux, parmi lesquels les im-

    portateurs des thories mananistes du no-

    (1) Sur l'intensit d* cette vie intellectuelle, v. Us Afri-cains, par Paul Momenux, Paris, 1891, pp. 58-77, et

    L'Afrique romaine, pp. 207 et suiv., par G. Boissier,Paris, 1901.

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    DE CARTHAORCHRTIENNE. 13

    platonisme et des thosophies orientales obte-

    naient une vogue chaque jour grandissante

    auprs do ce monde africain, qui trouvait IA Asatisfaire tout A la fois ses ardeurs d'imagina-tion, ses curiosits du mystro et ses instincts

    do mysticisme sensuel. Certes, lorsqu'on se

    figure cette Carthage si pleine de vie, o af-

    fluait de tous les points de l'Afrique une ar-

    dente jeunesse prise do savoir, veille Atoutes les curiosits de l'esprit, assise tour A

    tour au pied des chaires des matres les plusdiffrents, on est mieux prpar A comprendrela personne ot l'oeuvro d'hommes tels quoTer-tullicn, Cyprien, Augustin.

    Mais sous ce inonde de riches oisifs ou dolettrs curieux, il y avait A Carthage, comme

    en tout pays, la multitude obscure des petitesgens, la masse des travailleurs peinant tout le

    long du jour sur leur gagne-pain. Descendons

    vers ces bas quartiers de la ville o grouille

    une populace trangement bigarre, o so par-lent tous les patois drivs de toutes les lan-

    gues, o s'exercent tous les mtiers : savetiers,

    fondeurs, tisserands, corroycurs, menuisiers,

    potiers, d'autres aussi moins avouables ; places

    publiques o prorent des sauteurs de corde

    et des saltimbanques; tavernes ploincs de ma-telots; choppes bruissantes de labeur; carre-

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    H FIGURESET RCITS

    fours encombrs de dsieuvivs, o les voix

    railies do vieux Juifs vendent leur friperie,leurs camelotes, leurs onguents; o des devins

    d'Egypte interprtent les songes, voquent les

    dmons, tendent au plus ofirant d'infaillibles

    recettes, des malfices redouts (I). Sur la vio

    do tous ces pauvres gens, de cette plbo pro-vinciale dont les maigres paules supportaient

    l'empire, les auteurs de l'antiquit sont en g-nral d'un mutisme absolu ou d'un laconisme

    fort sec. Apule lui-mme, ce grand bavard,ne nous montre que des mendiants fripons,des esclaves hAtonns, I\V.A voleurs tle grandchemin; son IhAlro populaire n'est qu'un

    thAtre forain. Pourtant, on entrevoit dans laphysionomie complexe de ce peuple de Car-

    thage un trait caractristique do son tempra-ment. Ce got si vifdes plaisirs dans la riche

    socit se traduisait dans le peuple par un

    amour maladif de l'amphithAtrc. Nulle part

    peut-tre dans les autres grandes cits de l'em-pire, si prises pourtant de ces divertissements,les arnes n'ont retenti autant qu'ici des accla-

    (1) On voit au muse de C'aithapcdt* lamelles d*plombtrouves dans les tombes : ce sont des formules d'impr-cation contre un rival, un ennemi i on priait le mort de lesremettre aux diei\ infernaux

    pourleur ralisation.

    Saint Augustin lui-mme, bien plus tard, croyait cesmalfices(De Civil. Dei, c. 18).

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    DE CARTHAGECHRTIENNE. 15

    mations frntique* des foules devant les com-

    bats dit gladiateurs. Jamais sans doute des

    yeux humains ne se sont repus avec autant dedlices que ceux de ces Africains de ces spec-tacles effroyables, de ce sang coulant, de ces

    visages convulss, de ces os craquants, de ces

    corps pantelants, abattus sur le sable dans un

    dernier spasme nerveux. Quelqu'un qui, dans

    cet amphithAtro mme de Carthago, en res-sentira plus lard l'atroce jouissance, en a d-

    crit l'enivrement dans une pago inoubliable,

    o passe la vision de celte fureur hystrique

    qui s'emparait do ces roules penches avide-

    ment sur ces scnes d'horreur : Aussitt

    qu'il eut vu ce sang, il but A longs traits* lafrocit de ce spectacle, il y plongea ses yeux,il en savoura inconsciemment la fureur, et,enchant de ce criminel combat, il s'enivra

    d'une sanglante volupt... Il regarda, il cria,il s'enflamma, il sortit de l avec un dsir fou

    d'y revenir! (I) Cette fureur de l'amphithtre, entre comme

    un virus dans la vie de ce peuplo et mle peuA peu A son sang, s'tait rpandue dans toute

    l'Afrique, o bientt les moindres bourgadeseurent leurs jeux publics, comme chacun de

    (I) Saint Augustin, Confess., VI, 7.

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    10 FIGURESET RCITS

    nos villages du Midi a actuellement ses courses

    tlo taureaux. Ecolo terrible pour ces popula-tions africaines, qui venaient nourrir IA et

    exasprer leurs instincts violents de sensualit

    et de passion, et dont la physionomie y con-

    tracta un pli amer do duret qui ne s'eflaa

    plus.

    Il

    Les religions Carthage. I

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    ' DE CARTHAGECIIRTIENNB. 17

    dressaient cto A cote les (rois grands templosnationaux du Panthon romain : Jupiter,Junon, Mercure. C'ost dans ces sanctuaires quese clbraient priodiquement, avec toute la

    pompe impriale, les grandes crmonies d'un

    caractre officiel, les ftes en l'honneur de

    Rome, les sacrifices sur l'autel dos emporoursdiviniss, le culto municipal, le culte provin-

    cial, ou mme dos cultes spciaux en l'honneurdo tel ou tel ompereur particulirement popu-laire dans le pays. Cetto religion tout olficiello

    tait d'ailleurs afiairo surtout de pratiquo et

    revtait simplement l'importance d'un acte ci-

    vique, d'une manifestation do loyalisme envers

    lo pouvoir. Aussi avait-elle le sort de toutes lesreligions d'Etat (I) : la froideur solennelle do

    ses pompes n'avait aucune prise sur lo coeur

    et l'Ame des fonles, qui, une fois en rgle avec

    elle et avec l'autorit, retournaient avec amour

    A leurs vieilles divinits indignes, Eschmoun,

    Haal-Hamon, Tanit, A qui il avait suffi deprendre des noms latins : Esculape, Saturne,Junon Cleste. Ces cultos d'ailleurs vivaient

    fort A l'aise A l'ombre du Panthon romain,

    toujours tolrant envers les religions qui con-

    (1) V. le beau livre de M.Jean Rville : La lieliyion sousles Svres.

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    , DE CARTHAGECHRTIENNE. 19

    des taureaux et faisant monter la fume de

    leurs sacrifices dans l'azur du ciel.

    Ce dieu farouche, Imveur de sang humain,dont Tibre avait dj fait pendre les priresaux arbres de sou sanctuaire, continuait pour-tant, au tmoignage de Tertiillieu (I), de re-

    cevoir en secret des sacrifices d'enfants. Ces

    vieux cultes puniques taient alors plus floris-

    sants que jamais en Afrique (2); toutefois, los

    religions orientales, alors A la mode dans tout

    l'empire, y avaient aussi beaucoup le dvots.

    Srapis et Gyblo avaient dos temples A Sicca

    Veneria (Le Kef), A .Macla ri s et ailleurs. Les

    esprits dlicats, les Ames tendres (pie dgo-

    taient los boucheries du Inurohole, allaient de

    prfrence aux mystres d'Isis et cherchaient

    un rconfort dans ses liislralions rgnra-trices. D'autres s'adressaient au culte de Mi-

    thra, dont la voguo fut telle en Occident qu'il

    parut, a dit M. Renan, balancer un moment

    la fortuno du christianisme dans l'humanit (3).Gardons-nous d'ailleurs de chercher dans ^os

    cultes si varis des sentiments qui n'y taient

    (!) /I)K>/.,o.(2) Dans ses savantes Iteeherches des antiquits dans le

    Nord de l'Afrique, 1890, SI. Philippe Berger a montr quela conqute romaine les propagea plus avant dans le pays.(3) MarC'Aurle, p. 579. V. aussi J. Uville, ouvr. cit.

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    20 FIGURESET RCITS

    point : les cris de l'Ame, les angoisses de la

    conscience devant un Dieu saint n'ont ici que

    faire ; il s'agit seulement d'arriver A agir surle dieu par l'accomplissement exact des pres-

    criptions du rituel qui le forcent rpondreau fidle en rgle ds lors avec lui. C'taient

    des cultes purement matrialistes.

    Telle tait alors l'bullition des esprits, la

    fermentation des Ames, que toutes ces reli-gions ne suffisaient point aux ardeurs de la

    dvotion. Chacun courait aux devins, aux ma-

    giciens, aux vendeurs de recettes mystrieuses.Les ttes les plus solides croyaient aux sorti-

    lges et avaient la passion de l'occulte, comme

    Apule. Surtout, elles ne suffisaient pas auxaspirations intimes des souffrants, aux besoins

    des simples, de tous ces pauvres gens dont

    elles se tenaient d'ailleurs A l'cart. Aussi, IA

    fleurissaient les superstitions les plus basses,les contes de sorciers, les histoires de maie-

    main et de mauvais sort. Tandis que, dansles carrefours de Carthage, le peuple, en

    dehors de ses dvotions A Tanit-Cleste et

    A Baal-Saturnc, allait A tous ces prtres vaga-bonds, galles et yoguis, qui lui dbitaient leurs

    talismans et leurs prires, au fond des cam-

    pagnes le paysan berbre allait marmoter aupied des autels rustiques de ses vieilles divini-

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    22 FIGURESET RCITS

    et soyons srs que le cas de conversions sem-

    blables ne fut point trs rare A Carthage. Ces

    hommes, sortis du paganisme pour aller, endpit des prjugs anti-juifs, au Dieu de Mose

    et des Prophtes, devaient reprsenter ce qu'il

    y avait de meilleur moralement dans ce monde

    africain. Mais, dans ces sombres ghettos de

    petits boutiquiers pleins de leur Thorah, tou-

    joursen discussion de

    textes,en chicane de

    mots, dans ces communauts remuantes et

    ergoteuses, quelle effervescence, quels terri-

    bles clats de voix devait provoquer tous les

    jours la grande question du moment, qui est

    reste ds lors celle de tous les temps : Jsus

    de Nazareth,qui

    est-il? Est-il celuiqui

    devait

    venir, ou faut-il en attendre un autre?

    Une obscurit impntrable enveloppe les

    origines et les progrs du christianisme en

    Afrique jusqu' la fin du second sicle. Ph-

    nomne trange ! Ailleurs, on peut voir de

    bonne heure le christianisme aux prises avec

    le paganisme, poursuivant ses progrs aumilieu des hostilits du dehors, des conflits

    du dedans, A la clart rapide des bchers

    ou au bruit des clameurs du cirque. Rien

    de pareil en Afrique. Durant tout le second

    sicle, on y voit passer tour A tour tous les

    aspects du gnie paen, on y assiste A lou-

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    ALMftT,phul.VCKt'.ENRALKDKCARTHAOB.

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    28 FIGURESET RCITS

    rcils qui font pleurer les Ames tendres et illu-

    minent ces intrieurs de misre : la-bas, vers

    l'Orient, tait apparu, sous l'image d'un pau-vre, un tre divin, d'un amour sans borne pourles souffrants, d'une infinie douceur devant les

    outrages et les avanies dont il fut abreuv, tel-

    lement que, du haut de la croix des esclaves

    o les grands de la terre l'avaient fait clouer,

    il laissait tomber encore des paroles de pardonpour tous ces mchants, lin dieu crucifi! Un

    supplici de la croix ressuscit ! Quelle rhabi-

    litation de l'ignoble potence o tels de ces es-

    claves avaient vu nagure, peut-tre, gmir et

    prir un des leurs, innocent aussi!

    Puis,aux rendez-vous

    accoutums,o il

    n'tait question que de lui, o se redisaient

    les divines batitudes, la parabole du Bon Pas-

    teur, les promesses du Consolateur, les parolesdu lis des champs et des oiseaux du ciel, celles

    de sa rsurrection et de sa venue prochaine sur

    les nues,quel

    rconfortpour

    tous ces haras-

    ss! Les violents mme, les piliers de taverne,rsistaient mal parfois A cet ami des pagers

    qui n'apprhendait pas de descendre jusqu'Aleur fange pour les en arracher; et leurs Ames,

    qu'on e dit de pierre, clataient de honte et

    d'amour! Maisqui

    saura les ravissements

    ineffables o le Bon Pasteur jetait son mysti-

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    DE CARTHAGECHRTIENNE. 29

    que troupeau Al'instant solennel de la commu-

    nion? Il se baissait, il murmurait A chacun : Prenez, ceci est mon corps donn pour vous !

    Eailes ceci en mmoire de moi. Celte coupeest la nouvelle alliance en mon sang : faites

    ceci, toutes les fois que vous en boirez on m-

    moire de moi !

    On sortait de ces runions de frres et

    de soeurs pour revenir se courber au dur

    labeur de l'choppe, avec un rayon du cieldans le coeur, prts A vivre, s'il fallait, pourservir, s'entr'aimer, annoncer la bonne nou-

    velle , plus prts A mourir pour aller recevoir

    de la main du Seigneur la palme d'or des ra-

    chets.

    Ah ! plaisirs, fles, palais, pompes de Car-thage paenne, vous ne valez plus un regardd'envie!

    Mais aussi, on peut penser si tant de ferveur

    brlait de se rpandre! Ces artisans, dans les

    coudoiements de l'atelier, du chantier; ces pe-

    tits boutiquiers, dans les contacts journaliersavec leur clientle modeste ; ces esclaves, dansla maison de leurs matres; tous ces humbles,

    dsormais, parla joie de leurs yeux, la paix deleur visage, le rayonnement de leurs vies ler-

    nes, transfigures A prsent el comme rajeu-

    nies, aussi par leur art de tirer occasion de

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    30 FIGURESET RCITS

    tout pour leurs besoins de propagande, racon-

    taient autour d'eux les grandes choses que

    le Seigneur avait faites , et chaque jour ve-nait ajouter A la communaut quelques mem-

    bres de plus, comme la grange, dit Eusbc,

    s'emplit de bon grain au temps de la mois-

    son (!).C'est ainsi que, ds avant la fin du second

    sicle, dans la vieille cil de Tanit. florissaitune des grandes Eglises chrtiennes de ce temps,la mtropole du christianisme africain.

    Car, A coup sr, de ce foyer ardent, l'Evan-

    gile n'a pas tard A rayonner dans le reste de

    l'Afrique romaine. Sa propagation a d suivre

    ici la mme marche qu'ailleurs : de la capitalede la province il s'est progressivement insinu

    dans les autres villes, principalement le longde la cte; puis A l'intrieur du pays, jusque

    parmi les lments les plus rfractaires A son

    action, les paysans.Nous allons

    voir,en

    efTet,dans un coin obs-

    cur de la Proconsulaire, ds 180, puis vingtans plus tard, encore dans l'intrieur du pays,la religion nouvelle saisir d'une treinte si

    forte l'Ame de quelques paysans, qu'elle en fit

    des hros, dont le martyre, sur celte vieille

    (1) Histoire de l'Kylise, II, 3.

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    FIGURESET RCITSDE CARTHAGECHRTIENNE.33

    Mais, par une trange exception A la rgle,il se trouve qu'A l'gard du christianisme il

    n'en est plus ainsi ; on prend vile feu contrelui, il devient la cible de tous les coups, l'objetdes haines violentes, fanatiques, o viennent

    se fondre les clameurs de la populace, les atta-

    ques des rhteurs, les mpris des gens cultivs.

    Qu'avait donc en elle de si particulier la

    religion du Christ, pour rebuter ainsi et indis-poser contre elle A ce point un monde volon-

    tiers tolrant en fait de religion? En abordantce douloureux sujet des perscutions, celte

    question se pose invitablement. Aussi bien,la rponse qu'y feront les faits nous enseigne-

    ra-t-clle tout A la fois A vnrer les martyrschrtiens pour leur admirable hrosme, et A

    juger moins svrement, plus quitablement,

    beaucoup de leurs perscuteurs, dont quelques-uns d'ailleurs sont rests dans l'histoire, indis-

    cutablement, de hautes figures, de grands ca-

    ractres.1

    Possibilit et conditions d'une entente entre le mondeancienet le christianisme. La>tolrance paenne. Lescauses de son opposition au christianisme. ' Les mar-tyrs ont sauv la conscience dans le inonde ancien.

    Disons-nous bien d'abord qu'A la racine de

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    SI FIGURESET RCITS

    ces hostilits, les croyances proprement ditesont t pour bien moins qu'on ne pourrait

    croire Dans ce vieux monde paen, la questiondes croyances tait fort secondaire. No nousen laissons pas trop imposer l-dessus parles polmiques de Celso. Les hommes deco temps avaient l'esprit ouvort A tant d'ides

    nouvelles venues de partout, et les yeux

    amuss de l'incessant dfil do tant de cultesexotiques o l'Orient en loques prdominait!Mme, sans air do paradoxe, pourrait-on,peut-tre, avancer qu'uno moiti de l'Evan-

    gile, devenue plutt, pour beaucoup de nos

    contemporains, la pierre d'achoppement, tait

    propre, au contraire, A piquer la curiosit bien-veillante des personnes instruites de cette po-que : sa cosmogonie n'avait certainement pourelles rien de choquant, sa dmonologie cadraitassez bien avec la croyance aux gnies si

    rpandue partout ; son horizon peupl de mer-

    veilleux devait attirer spontanment beaucoupd'imaginations, qui en raffolaient, veiller tou-tes les curiosits d'un monde tendu passionn*ment vers le mystre dont s'enchantaient et se

    grisaient toutes les ttes, mme les plus fortes.Mieux encore : si l'on songe que jamais,

    peut-tre, autant qu'A cette poque, n'ont tagites les questions de morale et de l'au-delA,

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    36 FIGURESET RCITS

    Quant aux masses, il est plus vident encore

    quede tout autres motifs

    quedes

    antipathiesde croyances sont venues les armer contre leschrtiens de cotte haine tenace, cruelle, allant

    parfois jusqu'A la frocit et qui, bien des fois,

    impatiente de devancer les dits impriaux, oude les provoquer, s'est manifeste contre eux

    par quelques-unes

    de cesexplosions

    localestoutes spontanes o retentissait le refrain ter-rible : Les chrtiens aux lions !

    Haines de dvots, a-t-on dit ! Mais ces d-vots do divinits diffrentes, do sanctuaires

    concurrents, russissaient tout de mmo A se

    tolrer mutuellement dans les murs de la cit

    antique. Pourquoi donc n'ont-ils pu tolreraussi le nouveau venu? Pourquoi, tout de suite,ce concert dans les haines ?

    On a coutume d'expliquer cet antagonisme

    dont pouvait se rgaler ainsi, loisir, notre paen amateur

    de nobles penses! Pour ne citer ni Snque, ni Kpictte,ni Marc-Aurle, en voici de moins frquemment repro-duites : Libres, affranchis, esclaves, nous avons tous lemme Pre : le Ciel (Dion Chrysost., De benef, 3j.c L'homme de bien ne regarde pas les maux d'autrui commelui tant trangers (Juvnal, Sat., 15) La pit consiste,non immoler Dieu des victimes, mais reconnatre sasagesse et sa bont (Gallien, De usu, part. 111,10).Aulu-Gelle qualifie le moraliste qui ne sait que charmer l'oreille

    de joueur de fl'Me. Mais il fallait plus que de beauxlivres, mme d?s Evangiles crits, il fallait des Evangilescirants pour tout changer...

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    DE CARTHAGECHRTIENNE. 37

    irrductible du monde paen A l'gard du chris-tianisme par son caraotre exclusif de religion

    monothiste, Nous ne nions pas la part de v-rit qui, en effet, se trouve dans cette expli-cation. Mais reconnaissons pourtant qu'elle estloin de tout expliquer, puisqu'enfin leur mono-thisme farouche, non seulement ne fut jamais,contre les Juifs rpandus de bonne heure dans

    toutos les parties de l'empire, une cause doperscutions proprement dites, mais n'emp-cha point les empereurs d'tablir A leur inten-tion des statuts adapts A leur loi religieuse (I).Que si, A la vrit, le proslytisme ardent deschrtiens les dsignait autrement que les

    Juifs A l'attention inquite du pouvoir et auxrancunes des autres religions, encore reste-t-il

    que, pour qu'un monde &i incontestablement*tolrant pour tous les cultes, toutes les

    ides, toutes les thories qui tour A tour pas-saient devant ses yeux, ainsi qu'en un mouvant

    cinmatographe, en soit venu contre les chr-tiens A ces haines inexpiables d'o sortit la

    perscution, il a fallu apparemment une causeautrement profonde.

    (1) Kn dehors, en effet, de quelques cas tout fait excep-tionnels qui furent essentiellement de grands coups de

    filets de la police romaine dans les ghettos, la suite d'in-cidents locaux, le pouvoir imprial a toujours laiss lesJuifs en repos..

    4

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    33 FIGURESET RCITS

    Jsus avait voulu crer dans le monde anti-

    que co qu'il appolait : l'homme nouveau .

    Deux mots suffisent A caractriser ce pie, danssa pense, doit tro ici-bas un tel homme :

    l'homme par excellence de la vrit et do la

    saintet. Sur ce haut modle, dont sa personneelle-mme ralisait djA les traits jusqu' la

    perfection, il entreprit, sur l'Ame de quelques

    paysans palestiniens, ce travail do dgrossisse-ment qu'on voit dans les rcits vnngliques.

    Dans un tte-A-tte de tous les jours, par la

    parole vivifie de l'exemple, lentement, patiem-ment, comme le laboureur enfonant dans un

    sol durci le soc do sa charrue, il enfona dans

    leurs consciences le tranchant de ses exigencesmorales. Il s'appliqua A dbarrasser leurs vies

    de toutes les scories qui les recouvraient pour,avant tout, leur inculquer profondment et

    comme insuffler aux sources mmes de leur

    tre moral le culte de la vrit, de la sincrit

    absolue, qui suppose essentiellement une repu*gnance instinctive de tout ce qui, en religion,

    dgnre si aisment en geste mcaniquo, for-

    mule vide, masque d'hypocrisie, spulcreblanchi , ainsi qu'il disait volontiers, o dans

    l'ombre propice se tasse, comme on sait, la

    pire des corruptions : celle de ce qu'il y a demeilleur. Car, pour devenir dans le monde les

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    DE CARTHAGECHRTIENNE. 39

    porteurs de la parole do Vrit , ne fallait-

    il pas tout d'abord dovenir, au sens absolu du

    mot, des hommes vrais ?Alors, par tout son enseignement, son con-

    tact, son exemple, il leur montra que les droitsde la vrit doivent primer A ce point tous les

    autres qu'il faut savoir lui sacrifier tout, quo

    prtendre faire A la vrit sa part, vouloir la

    resserrer dans des accommodements, des re-tranchements, c'est la mutiler, dono l'anantir,

    puisque IA o il lui est interdit d'tre tout, elle

    n'est, du fait de son essence, plus rien. Et sa

    mort sur la croix, au nom des droits de la v-

    rit, vint sceller terriblement A leurs yeux,

    d'une empreinte de sang, .son enseignementsur les droits de la vrit. Puis, sa rsurrec-

    tion leur fut comme un clatant tmoignage de

    Dieu lui-mme en faveur de la forto paroledont ils mesuraient mieux dsormais la hau-teur divine : Je suis la Vrit.

    Voila comment, sous la main de leur divinducateur, par des expriences successives,dans la douleur, les chutes, le remords, les lar-

    mes, du vulgaire limon humain qu'ils taient,se dgagea finalement, ralisation d'une longue

    pense divine, une race d'hommes nouvelle :

    Yhomme vrai, tmoin dans le monde de la vrit.Mais, ducateur de vrit, le Christ tait

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    40 FIGURESET RCITS

    aussi, par IA mme, ducateur do saintet, Ason colo, l'homme pris de vrit apprenaitaussi l'horreur du mal, sous toutes ses formes,dont la Croix rdemptrice devait lui montrer

    tragiquement le pouvoir nfaste, et du piedde laquelle il devait partir rsolu A le traquersans merci, en lui, hors de lui, A mener con-tre lui un train de guerre incessant, cote que

    cote, au prix de son repos, de ses affections,de sa vie mme. Car A prsent ses yeux ravis

    ne savaient plus se dtacher de l'idal de per-fection morale qu'ils avaient contempl troisans dans le monde, sur lequel dsormais il

    s'efforait de mesurer toutes ses penses, tous

    ses actes, comprenant, devant un tel chef-d'oeuvre de vie, quo rien, dans l'univers des

    corps, ne saurait approcher en beaut, en va-

    leur, un mouvement d'amour, de puret, de

    saintet, que tout au monde pAlissait, s'effa-

    ait devant l'clat sublime d'une saintet rali-

    se dans une vie d'homme : celle de Jsus,Sauveur du monde.

    Et aprs que les langues de feu de la Pen-

    tecte eurent illumin la Chambre haute des

    clarts radieuses de l'Esprit, l'oeuvre du divin

    ducateur allait se continuer ailleurs dans le

    monde ;

    quelqu'untait n dans

    l'empireromain : l'homme nouveau !

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    DR CARTHAGECHRTIBNNE. 41

    Nous demandions : sous celte explosiond'hostilits dont le monde paen, par uno

    trange drogation A tous ses usages, accueillitla nouvelle religion, qu'y avait-il dono en

    ralit? N'y cherchons pas surtout une oppo-sition de principe A des ides nouvelles, A des

    croyances, A un culte ; cherchons-y bien plu-tt une opposition profonde de la conception

    de la vie, uno rpugnance spontane, unehaine tenace, irrductible, do tous ses vieux

    instincts ramasss en faisceau, devant l'appa-rition en chair et en os d'un homme, l'homme nouveau , n de l'Esprit. Car un

    tel homme, qu'tait-il essentiellement? Un

    intransigeant. Or, le monde ancien, par prin-cipe, par tradition, par temprament, tait, en

    tout, en religion, en morale, en politique,dans la vie prive et dans la vie publique, tout

    au contraire, essentiellement accommodant.

    Si l'on songe que ce monde no vivait et ne

    pouvaitcontinuer de vivre

    qu'au prixde ses

    accommodements ternels, on comprendra

    que l'homme nouveau sorti des entrailles

    de l'Evangile, tout passionn de vrit et de

    sainlet, s'avanant, uniquement arm de

    l'Esprit, parmi toutes les fictions, les compro-mis, les artifices dont cetto socit

    paenneavait fait comme l'atmosphre hors do laquelle

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    42 FIGURESET RCITS

    la vie qu'elle vivait n'tait plus.possible, devait

    invitablement lui apparatre, en dpit de

    l'humilit do son aspect, de la douceur de saparole, do la candeur de son visage, de l'h-

    rosme tranquille do son martyre, sous les

    traits dtostablcs, intolrables, d'un ennemi

    publio qu'il fallait abattre A tout prix ! Et voila

    pourquoi l'Empire s'est fuit le perscuteur des

    chrtiens.Rendons un peu plus sensible, par un

    exemple prcis, cette opposition de nature quidevait tout do suite heurter l'un contre l'au-

    tre les deux principes en prsence.Tous, alors, s'accordaient dans un respect

    do commande pour deux fictions considrescomme sacres : le culte des dieux du Capilolcel celui des empereurs. Assurment, dans la

    participation de rigueur A ces crmonies

    figes ol froidement officielles, aucun des

    assistants n'tait dupe des sentiments que

    recouvraient en gnral la gravit des altitu-des cl la solennit des gestes (I). Mais ces

    formes majestueusement vides se droulaient

    tout de mme au milieu des respects appa-rents de tous ; et rien ne fait mieux toucher

    (1)On sait la boutade de Caracalla au

    sujetde

    Cela,qu'il avait fait tuer, puis diviniser : Sit tlivus, dum nonsit viens! (Qu'il soit dieu, pourvu qu'il soit mort!)

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    DE CARTIIAGECHRTIENNE. 43

    du doigl les dformations d'Ames d'un tel

    rgime do fictions rputes sacres, autour

    desquelles voluait toute la vie publique, quel'exemple do Marc-Aurlc, la plus belle Ame

    sans doute du monde romain, impuissant

    cependant A comprendre le non possumus tle

    la conscience chrtienne devant ces pratiquesmenteuses, et, de In mme plume qui avait

    crit les Penses, signant un rescrit de pers-cution, pour aller ensuite, sercinement, sur

    les degrs du Capitolc, sacrifier A des dieux

    auxquels, comme philosophe, il ne croyait

    pas!Comme la conscience humaine atteste autre-

    ment sit noblesse dans cette exclamation deTcrtullicn disant pourquoi le chrtien refuse,au pril de su vie, de participer au culte do

    l'Empereur : Je ne l'appelle pas un dieu,

    parce que je ne sais pas mentir, et que je ne

    veux pas me moquer de lui! (I). Dcid-

    ment, du contact de l'Evangile, essentielle-ment intransigeant, avec ce vieux monde essen-

    tiellement accommodant, la perscution devait

    jairlir fatalement.

    Il est temps de voir comment, en Afrique,cette intransigeance de l'Evangile, en appre-

    (I) Apoloyct., 33.

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    44 FIGURESEf RCITS

    nanl A de pauvres gens, balayures du

    monde antique, A mourir pour les droits de la

    sincrit, do la vrit, a finalement sauv dudsastre un bien qui vaut mieux que l'empiredu monde : la Conscience. Quo servirait-il A

    un homme do possder lo monde entier, s'il

    venait A perdre son Ame (1).

    Il

    Les rescriU de perscution sous Marc-Aurle. Les mar-tyrs de Scilliutn Autres martyrs inconnus. Rescritde Septime-Svre en 209. Nombreux martyrs. Lesmartyrs de Thuburbo d'aprs ta Passiu Perpetuae et lesActa abrgs.

    Que de fois , a ditTertullien, une foule

    haineuse nous a, de son propre mouvement,

    lapids ou incendis ! On n'pargne pas mme

    nos morts. On arrache leurs cadavres des tom-

    beaux o ils reposaient! DjA mconnaissables,

    djA corrompus, il n'importe, on les met enpices! (2).

    Cet acharnement inou dans la haine, o se

    retrouve tout l'emportement passionn du tem-

    prament africain, a d faire de bonne heure

    bien des victimes qui ont disparu dans la nuit

    (1) Matth., XVI, 26.(2> Apoloyet., 39.

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    DE CARTHAGECHRTIENNE. 45

    des temps. Il allait pouvoir so dchaner tout

    A l'aise, une fois de plus, aprs un temps de

    relAche.En 177, deux rescrits de Marc-Aurlo taient

    promulgus dans l'empire : l'un interdisait

    l'introduction de nouveaux cultes, sous peined'exil, visant ainsi de biais ceux auxquels il

    tait en ralit destin, les chrtiens; l'autre

    condamnait A mort les chrtiens professants.Nous avons justement un document de la

    perscution qui suivit en Afrique la promul-gation de cet dit. C'est un procs-verbal de

    l'interrogatoire do quelques paysans d'un vil-

    lage de la Proconsulaire, Scillium. Arrts

    comme chrtiens, ils furent traduits A Carthagedevant lo Proconsul de l'Afrique, Vigellius Sa-

    turninus. Cela se passait la premire anne du

    rgne de Commode, le 17 juillet 180 (1). Le

    groupe comprenait sept hommes et cinq fem-

    mes dont quelques-uns paraissent, d'aprs la

    physionomie de leurs noms, d'origine punique.Le procs-verbal mentionne seulement le nom

    de trois hommes : Cittinus, Narlzalus, Spe-

    (1) Depuis la dcouverte d'un texte grec et d'un nouveautexte latin, l'authenticit de ce document, ainsi que la datedu martyre des Scillitaios, a t mise hors de doute. On

    trouvera chez M. P Monceaux, ouv. cit., t. I. pp. 62 et s.,une tude critique des divers manuscrits et de uombreusesrfrences des savants qui s'en sont occups avant lui.

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    46 FIGURESET RCITS

    rat us, et de trois femmes : Donata, Vestia,Secunda.

    Speratussemble avoir t l'orateur

    de la troupe.Voici quelques extraits de ce document, qui

    a bien tout le laconisme d'un procs-verbal.Les douze prvenus sont introduits dans la

    salle du tribunal de Carthago. Lo Proconsul

    Saturninus est sur son sige. Aprs les forma-

    lits d'usage, le haut magistrat romain, en

    quelques paroles empreintes A la fois de mo-

    dration et de fermet, prcise les termes de

    l'accusation, dit l'effet lgal pour chacun des

    prvenus de leur obstination dans la professiondu christianisme et les exhorte, non sans quel-

    que bienveillance, au nom du respect d A laloi, de l'obissance due A l'empereur, A renier

    leur foi : tout cela en quelques mots nets et

    brefs, A la romaine. Speratus dit : Nous n'avons jamais rien

    dit de mal; mais quand on nous maltraitait,

    nous avons rendu grAces, car nous honoronsnotre empereur .

    Le Proconsul Saturninus dit : Nous aussi

    nous sommes religieux, et notre religion est

    simple : nous jurons par le gnie du Seigneurnotre Empereur, nous prions pour son salut ;

    vous aussi vous devez le faire .a Speratus dit : Si tu veux m'couler Iran-

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    DE CARTHAGECHRTIENNE. 47

    quillement, je vais l'expliquer le mystre de la

    simplicit.

    Saturninus dit : Tu vas attaquer notro

    religion ! Jo no t'couterai pas ; jure plutt parlo gnie du Seigneur notro Empereur .

    Speratus dit : Moi, jo no connais pas

    l'empire de co inonde ; mais plutt je sers co

    Dieuqu'aucun

    homme n'a vu ni nepeut

    voir

    avec ses yeux. Jo n'ai point commis de vol ; si

    j'achte quoique chose, je paie l'impt ; car joconnais mon Seigneur, le Roi des rois, l'em-

    pereur de toutes les nations .

    Au cours de l'interrogatoire, apercevant un

    objet plac auprsdes

    prvenus,le Proconsul

    demande : Qu'avez-von s IAdans votre boite?

    Speratus dit : Les livres des Evangiles en

    usage chez, nous et les lettres de Paul, homme

    juste .

    Lo Proconsul se tourne vers les autres rests

    silencieux : Abandonnez cetto croyance!

    Speratus dit: La croyance mauvaise, c'est

    de commettre un meurtre, de rendre un faux

    tmoignage . Le Proconsul Saturninus dit : Ne vous

    associez pas A celte folie !

    Ciltinusdit: Nous ne craignons personne,si ce n'est le Seigneur Dieu qui est au ciel .

    Puis, trois des femmes disent A leur tour

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    48 FIGURESET RCITS

    quelques mots, et tout A fait tels qu'il les fal-

    lait A prsent. Donala dit : Nous honoronsCsar en tant que Csar, mais nous ne crai-

    gnons que Dieu . Vestia dit : Je suis chr-

    tienne . Secunda dit : Je le suis, je veux

    l'tre .

    De guerre lasse, mais sans pourtant se d-

    partir de son calme, le Proconsul les met endemeure de se rtracter : il consentira mme

    A leur accorder un sursis de trente jours. Ils

    refusent sur-le-champ.Alors il se rsigne A rdiger sa sentence :

    Speratus, Nartzalus, Cittinus, Vestia, Donata,Secunda et les

    autres,ont confess

    qu'ilstaient chrtiens. Attendu qu'on leur a offert

    de revenir A la religion des Romains et qu'ilsont refus avec obstination, nous les condam-

    nons A prir par le glaive .

    Le hraut ayant proclam la sentence :

    Speratusdit : Nous rendons

    grcesA Dieu !

    Nartzalus dit : Aujourd'hui nous sommes des

    martyrs au ciel. Grces A Dieu ! Tous disent : Grces A Dieu! Et ainsi tous ensemble

    reurent la couronne du martyre. Et ils r-

    gnent avec le Pre et le Fils et le Saint-Esprit

    pendant tous les sicles. Amen !

    M. Monceaux, A qui nous empruntons ces

    extraits, a justement soulign l'air de vrit

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    frappant qui se dgage des paroles de ce pro-cs-verbal : C'est, dit-il, un petit drame

    poignant et trs humain o l'motion nat,sans phrases, de l'expos des faits. Chaque

    personnage y dit juste ce qu'il doit dire, ce

    qu'il a dit rellement... On comprend, A les

    couler, ce qu'il y a de faux dans tant de rcits

    apocryphes o les furieuses invectives des

    magistrats ont pour cho les rodomontadesdes martyrs : ce n'est pas ainsi que parlaientdes proconsuls ni les aptres d'une religion de

    paix (I).De ces pauvres gens de Scillium, emmens

    du fond de leurs gourbis, un jour de juillet

    180, pour tomber tour A tour sous le glaivedfun licteur romain, que savons-nous? Pres-

    que rien. Pourtant, sous l'criture A moiti

    efface de ce vieux manuscrit, n'esl-il pas vrai

    que, en dpil des sicles qui nous en sparent,leur figure revit pour nous inoubliablement,

    claire d'un rayon de beaut morale que lemonde ancien n'avait pas connue !

    Les martyrs de Scillium ne furent pas alors,en Afrique, les seules victimes de la perscu-tion. Mais il n'est rest aucun autre document

    faisant mention A ce moment d'autres noms

    (1) Ouv. cit, I, p. 68.

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    de martyrs africains, A l'exception d'un esclave

    de Madaure, Namphano, et d'un autre chr-

    tien, Miggin, au sujet desquels d'ailleurs onne sait rien de prcis.

    Il semble que, durant quelque temps, une

    accalmie succda, pour les chrtiens d'Afrique,A ces mesures de rigueur. Du moins fut-elle

    de peu de dure, puisque, ds 197, Terlullien

    montre les prisons de Carthage pleines dechrtiens (i).

    Mais, en 202, un dit du nouvel empereur,Septime-Svre, allait donner une impulsionterrible A la perscution, en ordonnant la miseen jugement, d'office, des nouveaux convertis

    et des auteurs de leur conversion.A cette priode se rattachent les martyres

    de Jucundus, Artaxius, Saturninus, brlsvifs , Quintus mort en prison , /Emiliuset Castus, celui d'une jeune fille, Guddne, et

    Mavilus, d'Hadrumle (Sousse). On voit par

    les crits de Terlullien, que beaucoup, dslors, essayaient d'chapper au martyre par lafuite ou A prix d'argent.

    Ce fut, entre autres, le cas d'un chrtien

    que cite Terlullien, du nom de Rutilius, quiavait eu beau fuir, dit-il, de pays en pays et

    (1) Ad. Martyr., I.

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    donner de l'argent : Au milieu de cette belle

    scurit qu'il avait cru se mnager, il fut arrt

    A ('improviste, traduit devant le proconsul,cartel par les tortures, sans doute comme

    chtiment de sa fuite, puis brl vif. Ainsi ce

    martyre qu'il avait voulu viter, il l'a enfin

    obtenu par la misricorde de Dieu (1).Le feu sacr d l'hrosme vanglique

    brlait pourtant toujours au coeur de beau-coup de chrtiens d'Afrique, comme en tmoi-

    gne admirablement le long document connu

    sous le nom de Passion de Perptua, dont

    nous allons rsumer les pages les plus saisis-

    santes (2).

    Vers la fin de l'an 202, cinq personnes, dontdeux hommes libres, Saturninus et Secundu-

    lus, une jeune femme de vingt-deux ans, Vi-

    bia Perptua, et deux jeunes esclaves, Revo-

    (1) De fuga in persec., 5.(2) Pour la partie critique de ce document, comme pour

    celui des martyrs de Scillium, nous renvoyons IUXtravauxspciaux de l'rudition moderne, qui ont lucid bien despoints rests jusqu' ce jour obscurs : P. Monceaux,ouvr.'cit., que nous avons encore ici beaucoup utilis ; Aube,Les Chrtiens dans t empire romain ; Harris and Gifford,The acls ofthe martyrodom of Perptua and Flicitas,1890; Robinson, The Passion of Perptua (Texts andstudies, 1891). Dans son trait De anima, crit vers 208,Terlullien parle incidemment du martyre de Perptua en

    termes qui montrent qu'il avait ds lors sous les yeux unerdaction de cette Passion.

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    52 FIGURESET RCITS

    calus et Flicitas, taient arrts A Thuburbo (1)sous l'inculpation de propagande chrtienne.

    Vibia Perptua appartenait A la meilleure

    bourgeoisie de Thuburbo, elle tait marie,avait son pre et sa mre, deux jeunes frres

    et un enfant qu'elle nourrissait A ce moment.

    Ces cinq personnes, qui n'taient jusque-l quecathcumnes, venaient de recevoir le bap-tme, en dpit du nouvel dit, et tombaientdonc sous le coup de la loi. Immdiatement,les autorits de Thuburbo les firent conduiredevant le proconsul de Carthage. Celui-ci,

    qui tait cette annc-lA Minucius Timinianus,mourut prcisment au moment d'instruire le

    procs : le gouverneur par intrim, Hilarianus.eut donc la charge de continuer les pour-suites.

    L'affaire en tait l, lorsqu'un certain Sa-

    turus, de Thuburbo, vint A Carthage se pr-senter de lui-mme au magistrat en se dcla-

    rant chrtien comme eux : peut-tre tait-ill'auteur de leur conversion? Ils taient donc

    en tout A prsent six personnes. Tant que dura

    l'instruction, les prvenus furent enferms

    dans la prison du palais du Proconsul, situ,comme on sait, tout au haut de la ville, A

    (1) Tebourba, 58 kil. de Carthage,par la voie ferre.

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    54 FIGURESET RCITS

    au magistrat, d'une vision qu'il a eue en prisonet qu'il a, dit encore ici le rdacteur anonyme,

    crite lui-mme .Enfin la troisime pice est le rcit, par le

    rdacteur, des scnes de l'amphithtre, qu'ila voulu faire, dit-il, pour excuter les vo-

    lonts de la trs sainte Perptua .

    Parcourons d'abord le Journal de Per-

    ptua. Le naturel de cette jeune femme s'ypeint A merveille. J'tais gaie dans ma vie

    charnelle , crit-elle, en se rappelant, du fond

    de son cachot, la vie insouciante et facile

    qu'elle menait A Thuburbo entre son pre et

    sa mre, ses frres, son mari... Puis elle se

    remmore les scnes si pnibles dont sa con-version fut la cause au sein de sa famille, o

    pourtant on l'adorait : Exaspr par mes paroles, mon pre se

    jeta sur moi, voulait m'arracher les yeux, maisil me rudoya seulement et partit vaincu avec

    les arguments du diable. Pendant quelquesjours je ne vis plus mon pre, et j'en rendis

    grces au Seigneur . Et pourtant, on verra

    tout A l'heure ce qu'au fond de son coeur elle

    avait d'affection pour ce pre, paen endurci!

    Ses grands jours de joie dans la prison sont

    ceux de la visite de sa mre et de ses frres :ah! si seulement tous pouvaient se convertir!

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    RUINESDUL'AMPHITHTREDECARTHAGE.ALBEAT,phot.

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    Celte prison lui sembla tout d'abord un lieu

    atroce, tant elle tait obscure, puante, insup-portable A ses sens dlicats : L'obscurit me

    remplissait d'pouvante ; par suite de l'entas-

    sement des prisonniers, on y touffait de cha-

    leur ; des soldats nous poussaient aussi bruta-

    lement . Mais, plus que tout, une pense la

    hante,l'obsde

    chaqueminute du

    jour: son

    enfant que son pre lui a pris! Je me consu-

    mais d'inquitude! Rientt, deux diacres (de

    Cartilage) ayant t autoriss A venir nous

    voir, obtinrent A prix d'argent qu'on nous fit

    passer dans un local plus commode de la

    prison.

    Elle put enfin revoir son enfant : Je pusenfin donner A tter A mon enfant : il mourait

    de faim ! C'est en le lui rapportant appa-remment que son pre tait venu la visiter : Mon pre est venu me voir et m'a dit en me

    suppliant : Ma fille, aie piti de mes che-

    veux blancs! Aie piti de ton pre qui t'aleve jusqu' la fleur de l'Age, toi, son enfant

    prfre! Tu veux donc me rendre l'opprobredes hommes? Songe A ta mre et A les frres !

    Songe A ton enfant qui mourra sans toi!

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    disant : Mon pre, il n'en sera que ce queDieu voudra . Mais enfin, joie suprme au

    milieu de tant de tristesses, elle avait A prsentson enfant, et le directeur de la prison l'auto-

    risait A le garder avec elle ! La prison devint

    tout A coup pour moi comme un palais, et je

    m'y trouvai mieux que partout ailleurs!

    Puis, c'est la scne de l'interrogatoire au

    tribunal : Quand mon tour fut venu de melever pour tre interroge, voil que mon pre

    surgit de la foule tenant mon enfant dans ses

    bras et me criant d'une voix suppliante : Piti pour ton enfant! Alors le magistratme dit : Allons, pargne une telle douleur A

    ton vieux pre! Aie piti de l'Age de ton en-fant l Mais devant ma rponse : Je suis chr-

    tienne! mon pauvre pre se trana sur le sol,s'arracha la barbe, articula des paroles A mou-

    voir n'importe quelle crature. El moi, hlas! que

    pouvais-je, sinon pleurer sur sa vieillesse mal-

    heureuse? . Pour mettre fin A ces scnes p-nibles, le magistrat ordonna aux huissiers

    d'carter le vieillard qui, en se dballant, recul

    un coup de bton de l'un d'eux : Je souf-

    frais, dit Perptua, comme si j'eusse t frappemoi-mme, je souffrais pour sa vieillesse in-

    fortune! De retour au cachot, elle pria un diacre

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    d'aller chercher son enfant, parce qu'il de-

    vait avoir faim , mais son pre, cette fois,

    refusa de le donner. Par la grce de Dieu,note Perptua, mon fils n'a plus demand le

    sein, et mon lait A disparu, en sorte que jen'ai t tourmente ni par des inquitudes sur

    son sort, ni par des douleurs de sein.

    Un autre signe des bonts de Dieu vint

    combler de gratitude les prisonniers. L'esclaveFlicitas, l'autre jeune femme du groupe,tait enceinte de huit mois. Aux termes de la

    loi romaine, son excution devait ds lors tre

    diffre jusqu'A la dlivrance. Flicitas s'affli-

    geait fort de ce dlai qui l'obligeait A paratre

    seule dans l'arne. Son dsir ardent de soute-nir le combat au milieu de ses compa-

    gnons devint un sujet de prires dans le ca-

    chot; il fut merveilleusement exauc : sa

    dlivrance eut lieu trois jours avant la date du

    supplice.

    Comme les douleurs arrachaient A Flicitasdes gmissements, un gelier lui dit : Mais

    que sera-ce donc, quand tu te verras sous la

    dent des fauves? L'esclave trouva dans son

    Ame de chrtienne cette rponse : Ici je suis

    seule A sou firi r, mais A l'amphithtre quel-

    qu'un sera A mes cts pour souffrir avec moi,puisque c'est pour lui que je souffrirai.

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    lui paissaient des milliers d'agneaux toutblancs. Le berger leva la llc et, me regardant,me dit : Salut! mon enfant. Puis, m'invi-tant A m'npprocher, il me donna une bouchede fromage, epic je reus les mains jointes, cl

    je la mangeai, tandis que tous les assistantsdisaient : Amenl (1).

    Ce bruit de voix me rveilla, et je me re-

    trouvai mangeant encore je ne sais quoi dedoux. Je compris qu'il fallait nous prparer Ala mort, et ds lors nous laissmes de cttout souci terrestre.

    Peu de jours aprs, Perptua eut encoreune extase. Elle tait en prires, lorsque tout

    A coup elle vil un de ses frres, Dinocrates,mort A sept ans d'un cancer au visage. L'en-fant apparut A sa soeur dans un endroit obs-

    cur o taient enferms toutes sortes de gens;i? tait morne, dfigur par une plaie, et

    s'efforait de venir jusqu' elle, mais ne le

    pouvait. Il avait une soifdvorante et cher-chait A atteindre un rservoir plein d'eau

    frache ; mais la margelle se trouvait trop

    (1) C'est sous cette forme que se clbrait la communiondans les sectes rigides du montanisme : il est donc vrai*

    semblable que les martyrs de Thuburbo appartenaient cette secte, qui en a d'ailleurs beaucoup fourni au marty-rologe africain.

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    haute pour lai. Perptua, A cette vue, fut si

    afflige, qu'elle s'veilla. Elle ne cessa lesjours suivants de prier le Seigneur pour son

    petit frre.

    Enfin, dans une nouvelle extase, Dinocrateslui apparut encore, mais combien transform!Il tait A prsent vtu de lumire, rayonnait

    de joie et buvait A longs traits de l'eau du r-servoir dans un vase d'or qui ne s'puisait pas,puis se livrait A ses bats d'enfant. Je com-

    pris, dit Perptua, qu'on lui avait fait grcede sa peine (1).

    La veille du supplice, autre extase : Per-

    ptua voyait le diacre de Carthage qui venaitordinairement les visiter, Pomponius, revtud'une robe blanche, frapper A la porte du ca-chot en lui disant : Nous t'attendons,viens ! Ensuite, il la conduisait par la mainau milieu de l'amphithtre, et l'y laissait en

    lui disant : N'aie pas peur : je suis ici avectoi, je combats avec toi. Les gradins taientcouverts de spectateurs; tout d'un coup, unhomme horrible se dressait devant elle et la

    glaait de terreur; mais de beaux jeunes gens

    (1)Un voit

    dj poindrel la foi la vertu des

    prirespour les morts. Terlullien. bientt, crira aussi : Il y aun jour mis part dans l'anne o nous prions pour lesmorts (De Corona, 3).

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    accouraient A son secours. Mais voil qu'on lui

    enlevait ses vtements et qu'elle tait cbangeen homme 1 On la frottait d'huile pour le com-

    bat. Alors un gant, donl la tte dpassait les

    plus hauts gradins de l'amphithtre, apparais-sait vtu d'une belle tunique A bandes de pour-

    pre et tenant dans la main un rameau vert A

    pommes d'or. 11disait A haute voix qu'il dcer-nerait ce rameau au vainqueur du combat.

    L'homme horrible se jetait alors sur Perptua,elle le griffait au visage, puis voilA qu'une force

    invincible la soulevait en l'air, hors des prisesdu monstre qu'elle pouvait ds lors pitiner A

    loisir,lui tordant les

    doigts,lui crasant la

    tte. Enfin elle recevait de la main du beau

    gant le rameau vert A pommes d'or : Alors

    je me rveillai, et je compris que je combat-

    trais, non contre les fauves,.mais contre le

    diable. Mais je savais que je le vaincrais.

    Saturus a aussi sa vision. Il racontequ'aprsle martyre il se vit transport, avec ses com-

    pagnons, vers l'Orient, port par les mains

    des anges. On arrive A un grand jardin pleinde lumire, de verdure, de (leurs. On suit une

    large avenue o se trouvent des chrtiens

    d'Afriquemorts

    prcdemment pourla foi. Un

    grand palais, comme construit de lumire,leur ouvre ses portes. Les anges qui les gui-

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    genre de spectacle. Saturus, devant celle cu-

    riosit malsaine, voulut profiter de l'occasion

    pour frapper la conscience des spectateurs : Le spectacle de demain ne vous suffit donc

    pas?... Examinez bien nos visages afin de

    nous reconnatre au jour du jugement !

    Le narrateur anonyme prend A prsent la

    plume pour le rcit du martyre : Enfin, dit-

    il, brilla le jour de la victoire ! Ils sortirent dela prison et s'avancrent dans l'amphithtrecomme s'ils montaient au ciel, beaux, rayon-nants. S'ils (remblaient, c'tait de joie, non de

    peur. En arrire, venait Perptua, le visagecalme, pareille dans sa dmarche A une ma-

    trone chrie du Dieu Christ. Par l'clat de sonregard, elle forait tous les spectateurs A bais-

    ser les yeux . De mme, Flicitas, ravie de

    son heureuse dlivrance qui allait lui permettrede combattre les btes. Quant A Saturus, son

    ardeur de proslytisme se poursuit jusque dans

    l'arne, mais avec la douceur et le naturel dontaucun ne se dpart un seul instant. Il exhorte

    une dernire fois le gelier Ptidcns qui avait

    paru, dans la prison, tout particulirement

    sympathique A leur sort, et les accompagnaitau supplice. Attaqu par un lopard qui, aprsun

    terrible coup de dent, se reculaet

    laissa savictime couverte de sang, Saturus ramassa ses

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    le narrateur, A la pudeur qu'A la douleur , et

    essaya encore de rassembler ses cheveux en

    lesfixant

    avec une pingle. Puis, apercevantprs d'elle Flicitas tendue sur l'arne, elle

    alla vivement A elle, lui tendit les mains et

    l'aida A se relever. Alors on les ramena hors

    de l'arne, la porte Sanavivaria. LA, Perp-tua, les yeux au ciel, dans un ravissement quilui rendait sa blessure insensible : Quand

    donc, dit-elle, va-l-on enfin nous exposer A

    celle vache? On avait beau lui dire que c'tait

    dj fait, elle ne put le croire qu'en voyantenfin son sang couler. Elle reconnut A quelquespas, dans un groupe de chrliens, son frre : Soyez fermes dans la foi, dit-elle, aimez-

    vous les uns les autres, n'ayez pas honte denotre martyre .

    Mais l'insatiable cruaut de cette populaceafricaine, si capricieuse et avide de sang, r-

    clamait A prsent A grands cris la reprise du

    spcclable. On ramena donc les condamns au

    milieu de l'arne, groups pour recevoir lamort. Ils se donnrent tour A tour le baiser de

    paix ; puis, sans un mot, reurent A tour de

    rle le dernier coup d'pe cl tombrent sur

    le sable en une masse sanglante. Seule, Per-

    ptua, frappe d'un coup maladroit, poussa un

    cri de douleur sous la pointe de l'acier pn-

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    68 FIGURESET RCITSDE CARTHAGECHRTIENNE.

    trant entre ses ctes. Etendue sur l'arne, elleeut encore l'nergie de saisir la pointe de l'pc

    qui tremblait dans la main du gladiateur et dela diriger elle-mme contre sa gorge.

    NOTE

    Ces lignes taient rdiges lorsque M. Hron deVillcfossc a rendu compte l'Acadmie des Inscrip-tions et Bcllcs-Lcltrcs, Asa sance du 27 mars 1907,d'une communication du Pre Delattre, le savantdirecteur du Muse de Carthage, qui l'pigraphicafricaine doit dj de si heureuses dcouvertes,faisant connatre celle Compagnie qu'il venaitde dcouvrir la pierre tombale, en morceaux, desmartyrs de Thuburbo, Mcidfa. Ce point est situ

    enlrcSainle-Moniqueet la Marsa

    ; le Pre Delaltrca eu la bonne fortune de trouver cet endroit unvaste cimetire chrtien o il a dj recueilli prsd'un millier d'inscriptions. M. Hron de Villcfossc,avec une obligeance donl je le remercie encore ici,a bien voulu me transmettre le texte de l'inscrip-tion grave sur celle pierre, que voici textuellementreproduite et qui, d'ailleurs, parait tre, plutt que

    la pierre tombale elle-mme, une memoria marty-rum de date extrmement ancienne :

    ......NT MARTY..I-fSATVRVS SATVllniiJM5fREBOCATVS SecumtulusfFELICIT Pmpelua

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    CARTHAGE CHRETIENNE

    AU TEMPS DE TERTULLIEN

    (190 h 220)

    Le rle de l'Eglise de Carthage dans l'his-

    toire du christianisme en Occident est si con-

    sidrable, qu'il serait difficile, peut-tre, de

    l'exagrer. En Afrique, d'abord, cette Eglisea marqu d'une empreinte si vive le christia-

    nisme de ce pays qu'il s'est toujours born, Ace qu'il semble, A reproduire les traits essen-

    tiels de sa physionomie ; elle l'a li A ses desti-

    nes d'un noeud indissoluble, A travers tout le

    cours agit de son existence, jusqu'A l'effondre-ment dfinitif sous les coups de l'invasion mu-

    sulmane. Pour l'Occident, elle apparat long-

    temps, bien plus que l'Eglise de Rome, comme

    la mtropole intellectuelle de la chrtient. C'est

    chez elle surtout que l'Orient chrtien a nou

    ses attaches avec les Eglises d'Occident. Par\c nombre de ses fidles, l'activit de sapropa-

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    70 FIGURESET RCITS

    gande, l'hrosme de ses martyrs, l'ardeur etla tnacit de ses sectes, l'loquence et la vi-

    gueur d'un apologiste tel que Terlullien, l'au-

    torit si grande de ses voques, comme Cyprien,enfin par son action dcisive dans l'volution

    du christianisme ancien, elle mrite, plus qu'au-cune, peut-tre, des grandes Eglises de ce

    temps, d'attirer les regards, non seulement des

    archologues et des historiens, mais de quicon-

    que a le souci de chercher au fond du passles racines profondes du christianisme occi-

    dental.

    Essayons donc de nous reprsenter cette

    Eglise, au moment o le plus fameux de ses

    fils la remplit des rudes clats de sa voix, dansle cadre de sa vie, de ses usages, de ses moeurs,dans la ferveur premire de sa foi, le zle de

    son apostolat, la fermentation de ses sectes, au

    milieu des cris de haine qui l'assaillent du de-

    hors.

    I

    L'Eglise de Carthage revt l'apparence d'une associationfunraire. Le cimetire chrtien de Carthage. Lac maison de l'Eglise . L'organisation ecclsiastique :l'vque, les prtres, les diacres, les lecteurs. L'Assem-ble gnrale. Les fidles, les catchumnes, lespnitents. Le baptme. Laltgle de foi.

    Nous formons une association, nous avons

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    DE CARTHAGECHRTIENNE. 71

    pour lien la religion, l'unit de la disciplineet une commune

    esprance ;nous nous assem-

    blons pour invoquer Dieu (1). Ces quelquesmots de Terlullien marquent d'un trait net le

    contour extrieur, en pleine Carthage paenne,de la communaut chrtienne A la fin du second

    sicle.

    Ici comme ailleurs,depuis qu'un

    rescrit de

    Scptime-Svre avait autoris dans toutes les

    provinces de l'Empire, parmi la classe ouvrire,la formation de socits de secours mutuels

    pour les crmonies funbres, les chrtiens

    s'taient hAts d'adapter l'organisation de leur

    communaut auxdispositions

    d'une loiqui

    vi-

    sait, A la vrit, des intrts d'un ordre tout

    diffrent et d'un objet beaucoup plus limit.

    C'est sous le couvert de cette loi qu'ils s'taient

    constitus en Association, tenaient leur Assem-

    ble, avaient une caisse commune alimente

    par les cotisations des membres (2) dont le

    produit servait, pour une part, A l'entretiendes ministres du culte, pour le reste aux oeu-

    vres de charit, et possdaient un cimetire

    distinct. Et auss