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10. LE DON DES PAROLES. CE QUE DIRE VEUT DONNER Alain Caillé in Philippe Chanial , La socivue du don La Découverte | TAP/Bibliothèque du MAUSS 2008 pages 185 à 194 ISBN 9782707154569 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/la-societe-vue-du-don--9782707154569-page-185.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Caillé Alain,« 10. Le don des paroles. Ce que dire veut donner », in Philippe Chanial , La socivue du don La Découverte « TAP/Bibliothèque du MAUSS », 2008 p. 185-194. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut pour le Travail Éducatif et Social - - 188.165.242.48 - 16/04/2015 22h52. © La Découverte Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut pour le Travail Éducatif et Social - - 188.165.242.48 - 16/04/2015 22h52. © La Découverte

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Artigo de Alain Caillé, publicado na Revue du Mauss, que aplica a teoria do dom à questão da linguagem.

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Page 1: Alain Caillé_ Le Don Des Paroles. Ce Que Dire Veut Donner

10. LE DON DES PAROLES. CE QUE DIRE VEUT DONNER Alain Caillé

in Philippe Chanial , La socivue du don La Découverte | TAP/Bibliothèque du MAUSS 2008pages 185 à 194

ISBN 9782707154569

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/la-societe-vue-du-don--9782707154569-page-185.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Caillé Alain,« 10. Le don des paroles. Ce que dire veut donner », in Philippe Chanial , La socivue du don

La Découverte « TAP/Bibliothèque du MAUSS », 2008 p. 185-194.

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Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte.

© La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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10La parole se donne, se prend, se rend et se reprend. Mais qui donne et qui reçoit ? et quoi ? Lorsqu’un orateur achève son discours, il remercie l’auditoire d’avoir bien voulu l’écouter, et le président de séance, qui lui a donné la parole, qu’il a prise, la lui reprend, le remercie à son tour de bien avoir voulu parler. Qui est créancier et qui débiteur ? Le langage du remerciement rituellement employé à cette occasion évoque lui-même les deux dimensions paradoxalement unies dans le don, celle de la grâce et de la gratuité d’une part, et celle de l’obligation. Au donateur de mots, on rend grâces (gracias, grazie, thanks, Danken, etc.), ou on lui est obligé (muito obrigado). En tout état de cause, il y a de fortes chances pour que créanciers et débiteurs, preneurs et donneurs de paroles ne se payent que de mots. Mais est-il au bout du compte possible de payer d’autre chose ? « Assez d’actes, des mots », pouvait-on lire sur les murs de la Sorbonne en 1968.

Une part non négligeable de nos échanges de paroles consiste en dons rituels de petits cadeaux verbaux anodins et parfaitement standardisés. L’expression obligatoire de la sollicitude pour la santé des autres, comme celle des opinions sur le temps qu’il fait, n’engage à rien de particulier et ne crée aucune dette puisque la réciproque et l’équivalent sont fournis immé-diatement. Comme dans le système des tournées dans les bistrots du sud de la France analysé par Claude Lévi-Strauss, chacun régale à tour de rôle.

Dès qu’un peu de sophistication s’introduit au sein du rituel et du sté-réotype, que ce soit par accentuation de la sollicitude et de l’intérêt marqué envers l’autre ou par l’affi chage d’une quelconque marque d’originalité par rapport à l’emploi des formules consacrées, la possibilité est ouverte d’un rapport interpersonnel, que ce soit sous la forme d’une vague sympathie ou connivence, sous celle d’une complicité, ou enfi n d’une camaraderie ou d’une amitié virtuelles. Car c’est bien là à quoi « sert » tout d’abord la

∗ Professeur de sociologie à l’université Paris X.

C) La sociabilité entre amitié et rivalité

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parole et ce que parler veut dire. Comme les biens précieux dans les sociétés archaïques, la circulation de la parole permet de nouer des rapports d’al-liance et d’affi nité. Dont le seul contenu sera d’ailleurs, le plus souvent, de permettre la circulation plus ou moins libre de la parole. Tout bon commer-çant dispose d’un stock de formulations, drôles ou pathétiques, légères ou sentencieuses, qui lui permettent de constituer et de « fi déliser » sa clientèle. Il est d’ailleurs piquant de noter que ce mot désignait à l’origine l’ensemble de ceux qui étaient redevables à une personne parce qu’ils avaient bénéfi cié de ses dons ; alors qu’il dénote maintenant ceux qui payent, mais aussi, manifestement, ceux qui sont attachés au vendeur par autre chose que ses seules qualités fonctionnelles. La plupart de nos marqueurs d’originalité linguistique, intonation, débit, formulations toutes faites mais faites par nous-mêmes, ou en tout cas élues par nous, nos répliques usuelles, tout cela sert comme équivalents de ce que B. Malinowski appelait des opening gifts, des dons de sollicitation. Espèce de pacotille, qui ne nous demande guère d’efforts, vite distribuée et comme sans y penser, mais qui nous permet en un rien de temps d’assurer la présentation de nous-mêmes, de nous situer socialement et d’apprécier à qui nous avons affaire.

Si le don de sollicitation est accepté, si donc les protagonistes se recon-naissent une forme ou une autre de parité, alors peut s’ouvrir le champ de la conversation proprement dite. Qu’il est bien diffi cile, à y réfl échir, de ne pas percevoir comme un parfait analogon des échanges cérémoniels analysés par Marcel Mauss dans son Essai sur le don, des équivalents du potlatch, de la kula, du pilou-pilou, du tee ou du moka. Certes, une diffé-rence majeure saute tout d’abord aux yeux : ce ne sont pas des biens qui circulent, mais des mots, et leur production est supposée ne rien coûter. Leur émission n’appauvrit pas le donateur. Au contraire presque. Mais, souvenons-nous-en, il est impossible en la matière de savoir a priori qui donne, du donateur ou du récepteur. Dans la conversation, peut-être la plus grande part du travail incombe-t-elle à l’auditeur et peut-être est-ce à lui que la parole (de l’autre) coûte le plus. Mais il est peu douteux que l’on régale ou que l’on tente de régaler avec des mots comme on régale avec des mets ou des boissons, ou comme l’on fait des cadeaux de biens précieux. Dans la conversation animée, chacun doit briller par son esprit, par la vivacité de ses réparties, par la force de ses jugements ou l’originalité de l’infor-mation communiquée, de la même manière qu’un Big Man trobriandais brille de l’éclat des biens précieux (vaygu’as) dont il est le détenteur et qu’il s’apprête à offrir à ses hôtes. À l’instar de l’échange cérémoniel, la conversation assume et subsume des fonctions qui lui sont étrangères. De même que dans le cadre de l’échange cérémoniel se nouent les transactions et les ajustements d’intérêts qui scellent les mariages ou les compensations pour vol, meurtre ou blessure, de même une bonne part des conversations ressortit au registre de l’obligation sociale. On se doit d’inviter ses collè-gues, ses supérieurs ou ses inférieurs hiérarchiques, ses voisins, les membres

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de la parentèle. L’échange de propos est alors hautement conventionnel. Mais dès que la conversation s’affranchit des contraintes externes et de ses fi nalités fonctionnelles pour tendre vers la conversation proprement amicale, alors il devient clair qu’elle n’a pas d’autre fi nalité qu’elle-même. Comme le jeu. Une autre différence avec l’échange cérémoniel est que s’il s’agit bien de rendre toujours plus, des mots d’esprit toujours plus drôles ou énormes, des jugements toujours plus déconcertants, des histoires propre-ment sidérantes, la règle n’est pas de rendre plus tard, mais au contraire le plus vite possible. C’est dans l’accélération du rythme des échanges, dans leur profusion, que se trouve la possibilité d’accéder à la « félicité » et à cette euphorie partagée qui fait les soirées réussies – celles dans lesquelles tout le monde, ayant eu le sentiment de donner et de participer, a trouvé sa place et s’est vu offrir un accès à la parole proportionnel au statut qu’il se reconnaît et que lui a reconnu le groupe, au moins pour cette fois. De même que les échanges cérémoniels, notait M. Mauss, baignent dans un climat d’agressivité qui risque à tout moment de dégénérer, de même les conversations les plus amicales n’échappent au registre du convenu, de l’informatif et de l’utilitaire que pour autant qu’elles font planer la menace que tel ou tel des participants ne soit pas à la hauteur du don de paroles et perde la face ; qu’il manque de ce sens de la répartie en quoi consiste l’art de rendre la parole, de la faire circuler dans l’autre sens. La gaieté commune passe, au minimum, par la taquinerie, l’ironie, les craques, les vannes ou les charriages. Les groupes qui fonctionnent au rire ont géné-ralement leur(s) personne(s) à plaisanterie, autrement dit une ou plusieurs victimes euphémisées que leaders et boute-en-train (les Big Men) titillent et apaisent en même temps. Certains convives préfèrent d’ailleurs pren-dre les devants et, grâce à un art consommé de l’autodérision, s’offrir en victimes au groupe, mais en conservant le bénéfi ce d’être à soi-même son propre bourreau.

Comme l’échange cérémoniel, la conversation à plusieurs obéit donc à des règles de défi , fait et accepté, à des normes de partage, et se mêle à une logique sacrifi cielle et vindicatoire. Comme lui, son enjeu propre est l’hon-neur et la face des participants. Comme lui, il fonctionne conformément à la triple obligation de donner, recevoir et rendre, l’obligation paradoxale d’être le plus spontané et le plus généreux possible en paroles. Nous avons émis ailleurs, à plusieurs reprises, l’hypothèse que le champ de ce que nous appe-lons la socialité primaire, le champ des relations de personne à personne, de l’intersubjectivité, est régi par cette triple obligation. Ces quelques pages, on l’aura compris, se proposent de suggérer qu’avant même de fonctionner au don des biens, la socialité primaire se nourrit du don des mots et que, réciproquement, le langage, pour autant qu’il n’est pas seulement vecteur d’informations ou d’ordres, doit être analysé comme instance du don de la parole. Et que linguistes et sociologues gagneraient à le penser comme régi par les lois de la prestation et de la contre-prestation agonistiques. […]

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La face des Américains (Erving Goffman) et l’honneur des Rifains (Raymond Jamous)

Qu’il soit clair que l’hypothèse que nous essayons d’illustrer ici, selon laquelle la première chose que les sujets sociaux se donnent, se prennent et se rendent, c’est la parole, cette hypothèse n’a de sens qu’à être considérée comme préalable à un énorme travail d’investigation empirique, multidisci-plinaire, et encore presque totalement en friche. Dire que les conversations fonctionnent sur le même mode que l’échange cérémoniel des biens vaut à titre de repérage du lieu d’un problème, non de solution toute faite. Les conversations diffèrent considérablement selon les circonstances de leur déroulement, selon qu’elles mettent en présence deux, trois, quatre, cinq ou n partenaires, et selon la provenance et le statut respectifs de ceux-ci. Les règles du don ou de la restitution de la parole varient tout autant selon les cultures comme le degré de spontanéité ou de cérémonialité recherché.

Conversation à la française et conversation à l’américaine

Raymonde Carroll, dans son excellent et si fi n petit livre1 consacré aux différences culturelles qui séparent au jour le jour Français et Américains, montre parfaitement le gouffre qui existe entre les règles de la conversation dans les deux cultures. Les Américains s’étonnent, écrit-elle, de ce que les Français « qui se disent très respectueux des règles de politesse » soient eux-mêmes si grossiers (rude) : « Ils vous interrompent tout le temps dans une conversation » et « ils terminent vos phrases pour vous », « ils vous posent des questions et n’écoutent jamais la réponse », etc. Les Français, en revanche, se plaignent souvent de ce que les conversations américaines soient « ennuyeuses », de ce que les Américains « répondent à la moindre question par une conférence », « qu’ils remontent à Adam et Ève » et « qu’ils ignorent tout de l’art de la conversation » [Carroll, 1987, p. 44]. Pour un Français, une conversation doit être « engagée », « soutenue », alimentée et au besoin « ranimée » si elle est languissante, « détournée » si elle est dangereuse. Pour les Français, poursuit R. Carroll, « ce qui importe, c’est d’établir des liens, de créer un réseau, si ténu soit-il, entre les conversants. La parole que l’on échange au “fi l” de la conversation sert à tisser ces liens entre les conversants. Si l’on imagine la conversation comme une toile d’araignée, on peut voir la parole y jouer le rôle de l’araignée, générer ces fi ls qui relient les participants… On fabrique un tissu de relations de même et en même temps qu’on fait la conversation » [ibid., p. 48]. À l’inverse, les Américains mettent l’accent sur le contenu informatif, la valeur d’usage et l’utilité intrinsèque des messages échangés. Ils communiquent plus qu’ils ne conversent. Surtout, dans la conversation comme dans l’ensemble de

1 Évidences invisibles. Français et Américains au quotidien [1987].

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leurs autres pratiques, ils se mettent dans la position de s’acquitter d’une dette. Ils rendent plus qu’ils ne donnent et cela dans le souci premier d’être quittes de toute obligation et donc de toute relation. La parole revêt ainsi un sens profondément différent dans les deux cultures. Placé face à un voisin inconnu, par exemple au wagon-restaurant, écrit R. Carroll, « un Français recréerait la distance par le silence, l’Américain par la conversation2 » [ibid., p. 57].

La mise en lumière de l’ampleur de ces variations culturelles semblera peut-être rendre intempestive l’émission d’une hypothèse aussi vaste que la nôtre. La parole n’est pas partout universellement donnée ou rendue, pourrait-on dire, et même si tel était le cas, la défi nition de qui est preneur et qui est donneur est tellement variable et dépendante des arbitraires cultu-rels qu’aucune généralité en la matière ne saurait valoir3. Ces objections ne sont pas infondées a priori. Et d’autant moins que, répétons-le, il nous semble souhaitable de ne pas faire fi de la diversité empirique. On aimerait cependant, à titre d’illustration de la fécondité potentielle de notre hypo-thèse, suggérer qu’il existe des invariants ou à tout le moins des enjeux transculturels de la conversation, et qui se révèlent dans des cultures consi-dérablement éloignées – par exemple celle des États-Unis contemporains et celle des Iqar’iyens du Rif marocain. Pour le montrer, en faisant bien sûr largement abstraction des différences, nous prendrons appui sur des travaux d’Erving Goffman [1988a et 1988b] et de l’ethnologue Raymond Jamous [1981]. Ce que l’un et l’autre établissent à l’évidence, c’est que l’enjeu premier de la parole, comme celui du don rituel, c’est ce que R. Jamous nomme l’honneur et E. Goffman la face, et qu’honneur et face se gagnent et se perdent par une certaine gestion du don ou de la rétention de paroles, comme ils se gagnent ou se perdent par une certaine gestion du don ou de la rétention des biens.

2. Raymonde Carroll étudie les différences culturelles entre les deux peuples dans le domaine de la conversation, de la maison, des relations parents-enfants, du couple, de l’amitié, des « petits accidents », etc. À chaque fois, les Français apparaissent passablement puérils par rapport aux Américains. Lorsqu’ils cassent quelque chose chez un ami, loin de proposer de faire réparer ou d’échanger, ils insultent presque leur hôte. Plutôt que de lire une carte dans une ville inconnue, ils préfèrent se laisser guider, etc. C’est que l’idéal français est un idéal d’ouverture d’une dette. Il faut donner aux autres l’occasion d’être obligeants. L’idéal américain, au contraire, est un idéal d’abolition de la dette et de totale indépendance. Les analyses de R. Carroll peuvent sembler rendre notre hypothèse intenable car trop ethnocentrique (en l’occurrence gallocentrique). Seuls les Français donneraient, prendraient, et se couperaient la parole. Les Américains, eux, échangeraient ou communiqueraient. Mais il nous semble que, au regard de l’ensemble des cultures, c’est clairement la culture américaine qui est singulière et dérogatoire. R. Carroll note la proximité entre les règles françaises de la conversation et celles de la conversation chez les Noirs américains. C’est que ces règles, mutatis mutandis, sont celles d’une bonne partie de la planète…

3. La fonction des rites est justement de diviser la société en donneurs et receveurs [Hocart, 1978] dont les positions sont plus ou moins réversibles. L’ethnologie montre que, généralement, les donneurs de femmes jouissent d’une supériorité reconnue sur les preneurs. Mais tel n’est pas toujours le cas. De même, il est permis de penser que la supériorité des donneurs de mots sur les preneurs est très variable selon les cultures.

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Erving Goffman et les règles du pardon conversationnel : la face négative

Le noyau principal de l’œuvre de Goffman est consacré à l’analyse de l’interaction, notamment conversationnelle4. Cette analyse s’inscrit dans le cadre du projet, explicitement formulé par E. Goffman, de contribuer à une sorte d’éthologie humaine, à une histoire naturelle de « l’ordre de l’interaction », c’est-à-dire des situations sociales dans « lesquelles deux individus ou plus sont physiquement en présence de la réponse de l’un et de l’autre » [1988b, p. 191] et notamment de l’interaction en situation de face à face. […]

Les commentateurs de E. Goffman ne prêtent pas assez attention, selon nous, au fait que l’essentiel de son originalité tient à sa tentative, assez largement impressionniste, de transposer les analyses durkheimiennes du rituel religieux archaïque à l’étude du système de la conversation américaine moderne : « On peut traduire les notions durkheimiennes quant à la religion primitive en ces concepts que sont la tenue et la déférence […]. Il s’ensuit que ce monde profane n’est pas aussi irréligieux qu’il y paraît » [1988a, p. 84 ; voir aussi p. 43]. Certes, les dieux ont été mis au rancart, mais il survit cependant une déité d’une importance considérable, l’individu, le moi. « Il avance, écrit E. Goffman, avec une certaine dignité et reçoit un grand nombre de menues offrandes. Il est jaloux de son culte, et pourtant, si l’on sait le prendre, prêt à pardonner ceux qui ont pu l’offenser. Certains voient en lui une source de souillure alors que d’autres craignent de le souiller » [ibid.]. Le « moi » n’est pas une propriété originale de l’individu, mais un prêt à lui consenti par la société [ibid., p. 13] – faisant de tout homme son propre geôlier –, à charge pour lui de prendre soin de ce « moi » et de lui rendre un culte approprié. De cette déité, la face est la manifestation visi-ble et exotérique. Dans la perspective goffmanienne ainsi sommairement décrite, la conversation consiste essentiellement en un travail sur la face (face work), un travail de « fi guration », disent les traducteurs français. Il s’agit de faire bonne fi gure et d’éviter que soi-même ou les autres n’en

4. Cette partie, la partie principale de l’œuvre de E. Goffman, peut être considérée comme relevant du large domaine de « l’analyse conversationnelle ». Néanmoins celle-ci, plus inspirée par Garfinkel que par Goffman, nous semble tendre à l’excès vers un formalisme stérile car prématuré, qui multiplie les distinguos plus ou moins subtils sans suffisamment s’interroger sur les enjeux conversationnels. Se produit ainsi, sous cette rubrique, une vaste littérature de spécialistes qui n’intéresse que les spécialistes et dont le principal et presque unique résultat consiste en la mise en lumière de l’existence de « tours de parole » par Harvey Sacks, Emanuel Schegloff et Gael Jefferson [1978]. Bref, tout le monde ne parle pas en même temps, et ce que l’on dit quand vient son tour est influencé par ce qui a été dit par les autres au tour précédent… L’œuvre de E. Goffman est intéressante lorsqu’elle dépasse le formalisme pour soulever des questions d’ordre anthropologique, d’inspiration durkheimienne. Elle devient passablement ennuyeuse lorsqu’elle se rapproche du courant conversationnaliste. Nous essayons de suggérer ici qu’elle aurait été plus intéressante si elle avait complété sa lecture de Durkheim par celle des œuvres de Marcel Mauss. Sur l’analyse de la conversation, cf. en français : B. Conein, M. de Fornel et L. Quéré (sous la direction de) [1990].

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fassent une trop piètre. Le concept de fi guration (face work) « désigne tout ce qu’entreprend une personne pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne y compris elle-même » [ibid., p. 17]. « Une personne défend sa face et, d’autre part, elle protège la face des autres […]. Désirant sauver la face d’autrui, on doit éviter de perdre la sienne, et, cherchant à sauver la face, on doit se garder de la faire perdre aux autres » [ibid.]. Pour préserver la face de tous et éviter que le groupe ne sombre dans un état d’impureté rituelle insurmontable, deux moyens s’offrent à l’interaction : soit l’évitement, soit la réparation. Dès qu’une menace atteint un « moi » ou un autre se met en place un « échange » qui s’achève par un retour à l’équilibre rituel [ibid., p. 21], après être passé par les quatre phases de la sommation (faite à l’agresseur), de l’offre (de compensation ou d’autopu-nition de la part de l’agresseur), de l’acceptation (de la compensation par la victime) et du remerciement (du transgresseur pour le pardon qui lui a été accordé).

Mais si l’agresseur sent qu’il risque de n’être pas sommé de venir rapi-dement à résipiscence et qu’il peut retirer de l’agression un bénéfi ce pour sa propre face, alors la rencontre est susceptible de devenir non plus le lieu d’une réparation rituelle, mais celui d’un affrontement – qui suppose la présence d’un public et dont l’objectif est de démontrer qu’on est meilleur interactant que ses rivaux. De passif le travail de la face devient actif. Il ne s’agit plus seulement de tirer son épingle du jeu, mais d’avoir beau jeu. On ne cherche plus à minimiser les pertes (maximin), mais bien à maximiser rationnellement les gains (minimax). L’affrontement évoque alors les joutes oratoires décrites par Raymond Jamous.

L’honneur et le défi oratoire

On voit ainsi s’esquisser une distinction, que E. Goffman ne fait pas lui-même de manière explicite, entre ce que P. Brown et S. Levinson [1987a et 1987b] appellent la face négative et la face positive. La face négative désigne le désir que le territoire du sujet soit préservé, la face positive le désir que ses désirs soient désirables pour d’autres. C’est dans l’analyse par R. Jamous de la logique de l’honneur rifain qu’on voit le mieux apparaître l’articulation, à certains égards paradoxale, des deux faces : « L’honneur, écrit-il, consiste en l’exercice d’une autorité sur le domaine de l’interdit (territoires pour les groupes segmentaires, terres et femmes pour chaque chef de maison) » [1981, p. 6]. Autant pour ce que P. Brown et S. Levinson nomment la face négative. Mais l’honneur consiste aussi en un moment actif, « en la transgression du domaine de l’interdit des autres ». De cette inter-dépendance entre dimensions négative et positive de l’honneur naissent les échanges de violence qui revêtent trois formes principales : joutes oratoires, dépenses ostentatoires et violence physique. Il n’est pas d’honneur qui ne s’acquière par la défense de son domaine propre et par l’empiètement sur

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celui des autres comme par la mise au défi de rendre autant de biens et de paroles de valeur rare. Limitons-nous ici à quelques notations sur la « parole d’honneur » ou, plus exactement, sur la parole donneuse d’honneur. « La parole de l’homme d’honneur (ariaz) ne se prononce pas dans n’importe quelle circonstance et ne se répète pas, sinon elle n’a aucune valeur » [ibid., p. 70]. Il existe un devoir d’originalité – ne proférer que des paroles inédites – que remarque également E. Goffman en notant qu’en ce sens, la parole de valeur implique presque un sacrifi ce et consiste en un véritable don puisqu’elle ne pourra pas être répétée. Le véritable don de paroles n’est pas d’abord affaire de quantité. Seuls les fanfarons, les ignorants, les jeunes, irresponsables quant à l’honneur, gaspillent leurs paroles. La vraie dépense, celle qui oblige et qui est donc susceptible de blesser en faisant perdre la face à celui qui la reçoit, ne gaspille pas les mots. « L’ariaz doit se contrôler et peser chaque mot qu’il prononce […]. Il se singularise en utilisant les mots et les phrases qui ont du poids » [ibid.]. L’abondance des mots offerts n’est autorisée et porteuse d’honneur que s’ils sont rares et parfaitement maîtrisés. C’est dans la joute oratoire, véritable potlatch de mots, quintessence de l’échange cérémoniel des belles paroles, que tous ces traits se manifestent et s’actualisent de la façon la plus aiguë et explicite. « Dans ce cadre, il faut savoir trouver ses phrases, utiliser avec soin les mots à sens multiples, riches de signifi cations. L’improvisation imagée, le sens du rythme, de la formule poétique et lyrique sont très appréciés. Dans ces échanges, qui peuvent durer des heures et sont parfois suivis par une foule passionnée, deux hommes peuvent ainsi se mesurer » [ibid.].

À quoi fait pendant ce que E. Goffman nomme l’action et l’assaut de caractère, l’action dans laquelle le caractère, faible ou fort, est la mise [1988a, p. 196]. « C’est pendant l’action que l’individu trouve l’occasion dangereuse de faire voir à lui-même et parfois à autrui comment il se conduit quand les dés sont jetés » [ibid., p. 196]. « Le caractère qu’on nous imputera est la récompense qui nous pousse à redoubler d’efforts5 » [ibid., p. 195]. Or faire preuve de son caractère, cela ne se peut qu’aux dépens du caractère des autres [ibid., p. 198]. Chacun des participants à ce que E. Goffman présente, à juste titre, comme un « devoir fatal » [ibid.] « devient le champ sur lequel l’autre est forcé d’exercer sa bonne ou sa mauvaise conduite. Qui plus est, chacun, non content de désirer son but, se voit obligé de l’exiger, contraint de faire la police dans l’interaction afi n de s’assurer que justice lui est rendue » [ibid., p. 200]. Dans l’assaut de caractère, les motivations se mêlent de manière inextricable. On y trouve « non seulement le désir de gagner une place satisfaisante au sein des défi nitions qui prévaudront,

5. Il est étrange, à la réflexion, que E. Goffman nomme « action » ce qui n’est rien d’autre que le défi agonistique tel que l’analysent Marcel Mauss ou J. Huizinga [1972]. Mais, au fond, n’est-ce pas, là aussi, largement la conception d’Hannah Arendt ?

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mais aussi le droit de recevoir une telle place et le devoir d’insister pour cela […]. Il y va de l’honneur » [ibid.].

Comme R. Jamous, E. Goffman insiste sur la maîtrise de caractère nécessaire à l’assaut d’honneur et sur le fait que l’affi chage de la modestie est à la fois condition du succès et garantie contre l’échec. « La technique de l’“après vous, je vous en prie” fonctionne dans la mesure où celui qui se prive peut compter sur les autres pour le fl atter ou lui céder » [ibid., p. 30]. Les hommes d’honneur iqar’iyens sont des maîtres en la matière6.

L’assaut de caractère est « fatal » dans les deux cultures. Il a la mort pour ligne d’horizon. Le danger de l’agression est proportionnel au risque encouru, et réciproquement. Néanmoins, les règles de la conversation ordi-naire permettent d’éviter l’affrontement gravissime, de calmer les perdants7. Mais dans les joutes oratoires iqar’iyennes, il faut répondre à l’assaut de modestie par un assaut encore plus fort. « Le public est seul juge. Une parole maladroite, un mot mal placé peuvent entraîner la honte, la chute, la mort symbolique de l’un des partenaires » [Jamous, 1981, p. 173] C’est bien d’un jeu avec la mort qu’il s’agit [ibid.]. Car, comme le guerrier sauvage de Pierre Clastres, l’homme d’honneur iqar’iyen, le « grand » (amghar), doit aller toujours plus loin. C’est ce que disent les Iqar’iyens : « Chez nous, on ne supporte pas qu’un homme soit supérieur à un autre […]. On laisse les hommes devenir grands, mais ensuite ils doivent tomber » [ibid., p. 173-174]. Certains « grands » trouvent la mort dans leur lit, mais s’ils deviennent vraiment grands, chefs de ligues, alors ils fi nissent éliminés par leurs dépendants, par leur clientèle. Tout se passe, conclut R. Jamous, « comme si les Iqar’iyens choisissaient des hommes qu’ils comblent de louanges pour ensuite les sacrifi er en quelque sorte devant l’autel de l’hon-neur » [ibid.]. On conçoit que tous n’aient pas envie de jouer le jeu, de toute façon réservé, dans le Rif, aux possesseurs de terres et interdit aux Juifs et aux musiciens. La vie ordinaire, conclut quant à lui E. Goffman, consiste à « rester à l’écart de la fatalité » [1988a, p. 205]. Les rituels conversationnels sont là pour organiser le retrait. […]

Bibliographie

BROWN Penelope et LEVINSON Stephen, [1978] 1987a, « Universals in language use ; polite-ness phenomena », in GOODY Ester (sous la dir. de), Questions and Politeness. Strategies in Social Interaction, Cambridge University Press.

– 1987b, Politeness. Some Universals in Language Use, Cambridge university Press.CARROLL Raymonde, 1987, Évidences invisibles. Français et Américains au quotidien, Le

Seuil, Paris.

6. Mais sûrement beaucoup moins que les hommes d’honneur d’Extrême-Orient.7. Cf. E. Goffman [1989].

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CONEIN Bernard, DE FORNEL Michel et QUÉRÉ Louis (sous la dir. de), 1987, Les Formes de la conversation, 2 tomes, CENT-CNRS, Paris.

GOFFMAN Erving, 1988a, Les Rites d’interaction, Le Seuil, Paris.– 1988b, « L’ordre de l’interaction », in Les Moments et leurs hommes, Le Seuil-Éditions de

Minuit, Paris.– 1989, « Calmer le jobard », in Le Parler frais d’Erving Goffman, Éditions de Minuit,

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Le Parler frais d’Erving Goffman, Éditions de Minuit, Paris.JAMOUS Raymond, 1981, Honneur et baraka. Les structures sociales traditionnelles dans le

Rif, Cambridge University Press et Éditions de la MSH.SACKS Harvey, SCHEGLOFF Emanuel et JEFFERSON Gael, 1978, « Simplest systematics for the

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