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1 Séquence 9 – HG11 Les Français et la République Sommaire Introduction 1. La République, trois républiques 2. La République et les évolutions de la société française Séquence 9 © Cned - Académie en ligne

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1Séquence 9 – HG11

Les Français et la République

Sommaire

Introduction

1. La République, trois républiques

2. La République et les évolutions de la société française

Séquence 9

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2 Séquence 9 – HG11

Des années 1870 à nos jours, la France a connu quatre régimes poli-tiques différents – dont trois républiques. Le régime républicain est

inséparable de l’histoire contemporaine de la France. Il trouve ses ori-gines dans la Révolution française au cours de laquelle, pour la première fois, la République a été proclamée en France, en septembre 1792. Néanmoins, il a fallu plus d’un siècle pour que la République s’installe de façon pérenne.

C’est en 1870 que la IIIe République voit le jour. Née dans le contexte peu favorable d’une défaite militaire et d’abord dominée par une majorité monarchiste, la IIIe République est pourtant le régime qui va parvenir à installer le fait républicain en France. Inséparable de l’œuvre scolaire et de l’affirmation de valeurs qui demeurent aussi fondamentales que la laïcité, la IIIe République va parvenir à faire des Français d’authentiques républicains.

La fin du régime est particulièrement dramatique puisqu’il sombre dans la défaite de 1940 et dans le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pé-tain, le 10 juillet 1940. Alors, pour quatre ans se met en place le régime autoritaire, collaborationniste de l’État français installé à Vichy.

Mais, dès la Libération, le régime républicain renaît de ses cendres. En 1946, les Français adoptent la constitution d’une nouvelle République, qui ressemble beaucoup à la précédente. La IVe République s’écroule fi-nalement dans le contexte de la guerre d’Algérie. De Gaulle revient alors au pouvoir ; nous sommes en 1958. Il fait adopter une constitution dont l’esprit s’éloigne largement des deux précédentes républiques. Désor-mais, ce ne sont plus le Parlement et le pouvoir législatif qui dominent dans l’équilibre des pouvoirs mais l’exécutif. Et, au sein de l’exécutif, c’est désormais le président de la République et non plus le chef du gou-vernement qui domine. En 1962, une révision constitutionnelle majeure va permettre aux Français d’élire le chef de l’État au suffrage universel direct. Cette réforme s’applique pour la première fois en 1965, élection présidentielle dans laquelle le général de Gaulle se trouve confronté, au deuxième tour, à François Mitterrand. Même si elle demeure critiquée par certains, l’élection présidentielle constitue depuis cette date un des moments clés de la vie politique française et la constitution de la Ve Ré-publique, conçue en 1958 pour « l’homme du 18 juin » s’est révélée remarquablement souple au cours de son demi-siècle d’existence.

Introduction

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3Séquence 9 – HG11

Comment une démocratie républicaine va-t-elle finir par s’imposer en France à partir de la fin du XIX° siècle ?

Problématique

Plan Notions clés Repères

1. La République, trois républiques

A. L’enracinement de la culture répu-blicaine dans les années 1880 et 1890.

B. Les combats de la Résistance et la refondation républicaine.

C. 1958-1962 : Une nouvelle République

RépubliqueDémocratie

Régime libéral

CollaborationRésistanceLibération

GaullismePouvoir exécutif

Étude d’un texte de loi : les lois Ferry sur l’école.

Analyse d’un document iconographique : l’Affaire Dreyfus.

Étude de texte : le témoi-gnage d’un Résistant de la première heure, Jean-Pierre Vernant.Étude de texte : le discours de Bayeux, 16 juin 1946.

Étude d’un organigramme : les institutions de la Ve Répu-blique en 1958.

Étude d’un texte : discours du Général de Gaulle annonçant la réforme institutionnelle de 1962.

2. La République et les évolutions de la société française

A. La République et la question ouvrière : le Front Populaire.

B. La République, les religions et la laïcité depuis les années 1880.

C. Les femmes dans la vie politique et sociale de la France au XXe siècle

Front PopulaireSyndicat

CommunismeGrève

LaïcitéCléricalisme

AnticléricalismeSécularisation

Concordat

Code civil Suffragettes

Parité

Analyse d’une affiche : le Front Populaire, marionnette de Moscou.Étude d’un discours prononcé par Léo Lagrange le 10 juin 1936.

Étude de plusieurs docu-ments : la Séparation de l’Église et de l’État.

Étude d’un texte : extrait du Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir.

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4 Séquence 9 – HG11

1 La République, trois républiques

L’enracinement de la culture républicaine dans les années 1880 et 1890

Comment la IIIe République a-t-elle réussi à s’enraciner durablement après un siècle d’instabilité politique chronique ?

1. Des débuts difficiles

E La IIIe République naît de la défaite militaire de la France contre la Prusse en 1870. Cette défaite a eu pour conséquence l’effondrement du Second Empire et a débouché sur un épisode révolutionnaire, la Commune de Paris, en 1871 (voir cours sur la République et les ou-vriers). Elle a été proclamée le 4 septembre 1870 par Léon Gambetta. Les élections organisées le 8 février 1871 portent au pouvoir une as-semblée conservatrice, dominée par les monarchistes qui espèrent profiter de l’incertitude politique pour rétablir une monarchie constitu-tionnelle. Néanmoins, c’est une république qui se met en place.

E Jusqu’en 1875, l’avenir de la République ne semble donc guère as-suré. Le régime républicain fait encore peur : il est associé à la Terreur de 1793, aux barricades…Pour les Républicains, l’enjeu est donc de transformer l’image du régime pour s’assurer du soutien de la majorité des électeurs par le vote au suffrage universel.

E En 1875, le maréchal de Mac Mahon, favorable à une restauration mo-narchique, est élu président de la République et succède à Adolphe Thiers. Pourtant, cette restauration butte sur le refus du prétendant au trône, le comte de Chambord (descendant de Charles X), d’accep-ter tout geste d’apaisement, et notamment d’abandonner le drapeau blanc (donc le drapeau de la monarchie absolue d’avant 1789), au profit du drapeau tricolore. La solution monarchique est donc jugée irréaliste par les monarchistes modérés, qui acceptent de voter les lois constitutionnelles de 1875.

E La situation se dénoue avec la crise de 1877 : les républicains gagnent par une écrasante majorité les législatives de 1876 ; mais ils doivent toujours composer avec un président de la République monarchiste. Le 16 mai 1877, Mac-Mahon tente d’imposer le retour d’Albert de Broglie et il décide de dissoudre la Chambre le 25 juin 1877. Les législatives

A

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5Séquence 9 – HG11

des 14 - 28 octobre 1877 confirment la victoire des républicains. Mais il faut attendre le 30 janvier 1879 pour que Mac-Mahon démissionne ; il est alors remplacé par Jules Grévy.

La République s’est donc imposée sur le plan des institutions. Elle doit encore s’imposer sur le plan de la culture politique collective.

2. Le triomphe de la République et de ses valeurs

Quelles sont les valeurs du nouveau régime et comment parvient-il à les enraciner ?

a. Quelles valeurs ?

Une république libérale et parlementaire : le nouveau régime se veut conforme aux principes de 1789. Il fonde donc une démocratie libérale, c’est-à-dire un régime politique fondé sur les principes libéraux de 1789 – égalité civile, libertés fondamentales, souveraineté nationale - et sur les acquis ultérieurs de la démocratie – suffrage universel, égalité so-ciale. La devise du régime reflète cet idéal : Liberté – Egalité – Fraternité.

Le nouveau régime garantit donc les libertés fondamentales, par une sé-rie de grandes lois :

– 1881 : Liberté de la presse et droit de réunion.

– 1884 : La loi Waldeck-Rousseau autorise les syndicats, ac-corde au monde ouvrier la possibilité légale de s’organiser et de défendre ses intérêts.

– 1901: Liberté d’association

Une république démocratique : le régime repose sur l’exercice de la dé-mocratie lors des élections. Le suffrage universel masculin direct permet d’élire les représentants du peuple à la Chambre des députés. Cette dé-mocratie – qui exclut les femmes (voir le chapitre sur la République et les femmes) – s’exerce aussi au niveau communal, avec l’élection du conseil municipal.

La fin du XIXe siècle correspond donc à une intense phase d’appren-tissage politique, qui se structure au début du XX° siècle dans le cadre de partis politiques : Parti Radical en 1901, SFIO (le parti socialiste) en 1905. Cette vie politique est doublée d’une intense vie associative.

b. L’apprentissage de la République

Cet apprentissage repose sur des symboles issus de la Révolution fran-çaise, qui s’imposent dans l‘espace public : le drapeau tricolore – créa-tion de la Révolution française, drapeau officiel depuis la Monarchie de Juillet - la Marseillaise, qui devient l’hymne national en 1879, la fête nationale du 14 juillet à partir de 1880.

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La rue Saint-Denis à Paris, fête du 30 juin 1878, Tableau de Claude Monet

Surtout, la culture républicaine s’apprend à l’école républicaine.

L’école est au cœur du projet républicain car elle forme les futurs ci-toyens, détenteurs du suffrage universel. L’œuvre scolaire est donc es-sentielle pour les Républicains, et se met en œuvre avec les lois Ferry de 1881-1882). Il serait inexact de croire que tout commence avec Jules Ferry. La loi Guizot de 1833 qui impose aux communes de créer une école primaire de garçons, avait permis de notables progrès au cours du XIXe siècle. Néanmoins, vers 1880, il demeurait de fortes inégalités

Document 1

© akg-images/Erich Lessing

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entre une France du nord et de l’est plus urbaine et plus scolarisée et une France du sud et de l’ouest plus rurale et où l’analphabétisme était plus répandu. À cela s’ajoutait le retard très net de l’enseignement féminin.

n Lois Jules Ferry :

1881 : l’enseignement primaire devient gratuit

1882

Article 2

Les écoles primaires publiques vaqueront1 un jour par semaine, en outre2 du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, l’instruction religieuse en dehors des édi-fices scolaires.

Article 3

L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants, âgés de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les établis-sements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles pu-bliques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute autre personne qu’il aura choisie.

Ces lois instituent donc l’instruction laïque et obligatoire et l’école publique.

1 À quoi sert le jour de congé instauré par l’article 2 ? Que cela signifie-t-il pour les écoles publiques ?

2 Quelle va être la conséquence principale de la généralisation de l’ins-truction primaire ? Pourquoi la gratuité est-elle importante ?

3 Pourquoi ces lois sont-elles pleinement républicaines ?

1 Le jour de congé sert à donner une instruction religieuse aux enfants, hors de l’école publique.

2 La généralisation de l’instruction primaire va permettre à la république d’enraciner son projet politique au sein des familles en diffusant ses valeurs de liberté, égalité et fraternité auprès des enfants. Les familles seront d’autant plus intéressées à envoyer leurs enfants à l’école que celle-ci devient gratuite.

3 Ces lois s’insèrent dans le projet républicain d’instaurer une nation unie autour de ses valeurs de laïcité, de progrès et de patriotisme.

Les lois Ferry vont avoir pour objet de généraliser l’école pour tous les petits garçons et les petites filles de France. Elles apportent également un changement en terme qualitatif en modifiant le contenu et l’esprit des programmes scolaires.

Questions

Réponses

1. Cela signifie que les élèves n’ont pas cours ce jour là.

2. en plus

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8 Séquence 9 – HG11

Il s’agit notamment de laïciser l’enseignement primaire, tant dans les lieux scolaires – on retire les crucifix des salles de classe – que dans les programmes enseignés. Ceux-ci sont totalement refondus afin d’offrir aux élèves un condensé du savoir de la science moderne et de les sous-traire à l’influence exclusive de l’Église tout en lui apprenant l’amour de la liberté, de la République et de la patrie.

Les lois scolaires

Loi du 16 juin 1881 sur la gratuité

« Il ne sera pas perçu de rétribution scolaire dans les écoles primaires publiques ni dans les salles d’asile publiques. » (…)

Loi du 28 mars 1882 sur l’obligation scolaire

Il est institué un certificat d’études primaires décerné après un examen public auquel pourront se présenter les enfants dès l’âge de 11 ans.

Loi du 30 octobre 1886 sur la laïcité de l’enseignement

« Dans les écoles publiques de tout ordre, l’enseignement est exclusive-ment confié à un personnel laïque. »

L’opinion et les polémistes catholiques comme Louis Veuillot s’opposent avec violence à cette nouvelle école. Pour eux, l’école sans Dieu est une école sans morale. Les républicains répondent à ces attaques en mettant en avant la morale laïque.

Les nouveaux instituteurs de la République vont constituer de puis-sants vecteurs de la « républicanisation » des Français. Surnommés par Charles Péguy les « hussards noirs de la République », ils atteignent une dimension quasi mythique dans l’imaginaire français.

Les « hussards noirs » de la République

« De jeunes maîtres de l’école normale venaient chaque semaine nous faire la classe. Ils étaient toujours prêts à crier « Vive la République, Vive la Nation ! » On sentait qu’ils l’eussent crié jusque sous le sabre prussien (référence à la guerre de 1870-1871).

Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés. Sérieux et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omniprésence. (…)

Ils croyaient, et si je puis dire ils pratiquaient, que d’être maître et élève, cela constitue une liaison sacrée, fort apparentée à cette liaison qui de filiale devient paternelle. Ils pensaient que l’on a pas seulement des de-voirs envers ses maîtres mais que l’on en a aussi, et peut-être surtout envers ses élèves. Nous allions au catéchisme le jeudi (c’est alors le jour de congé) je pense, pour ne pas déranger les heures de classe. La Répu-blique et l’Église nous distribuaient des enseignements diamétralement opposés. »

Charles Péguy, L’Argent. © Éditions GALLIMARD. « Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la

consultation individuelle et privée est interdite ». www.gallimard.fr

Document 2

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9Séquence 9 – HG11

L’armée à travers la généralisation du service militaire en 1883 contribue également à «nationaliser les Français» dans la mesure où elle est un puissant vecteur de diffusion de la langue française.

c. Bases sociales solides

Enfin, l’enracinement de la République se fait par la conquête d’une ma-jorité de la population en faveur du régime. Deux groupes sociaux en particulier apportent leur soutien au régime :

– Les paysans, pourtant perçus comme conservateurs. Il était d’autant plus important pour les Républicains de conquérir cet électorat que les ruraux représentent encore 55% de la population en 1911. Ces ru-raux apprécient les références à 1789 – année de l’abolition des pri-vilèges – la garantie apportée à la petite propriété et l’œuvre scolaire des Républicains. La République finit donc par représenter la stabilité garante de prospérité.

– L’importance des « couches nouvelles » : c’est Léon Gambetta, le fon-dateur de la République, qui prend en compte cette nouvelle catégorie sociale, qu’on peut appeler classe moyenne, dès le début des années 1870. Cette catégorie est sensible à l’idéal de méritocratie républi-caine, permettant l’ascension sociale des meilleurs élèves, aux valeurs de modernité portées par le régime, à l’ouverture de la vie politique notamment au niveau local.

3. Une grande crise de la IIIe République : l’Affaire Dreyfus

« L’Affaire », c’est-à-dire l’affaire Dreyfus est la crise politique la plus grave de la IIIe République. Celle-ci va mettre aux prises deux France, une France cléricale, nationaliste, militariste et antisémite, et une autre pour laquelle les droits de la personne sont imprescriptibles et passent avant tout, y compris la Revanche ou l’honneur de l’armée.

Chronologie de l’« Affaire » (1894-1906)

▶ 1894 : condamnation du capitaine Alfred Dreyfus pour haute-trahison. Le conseil de guerre le condamne au bagne à perpétuité.

▶ 1896 : janvier, le lieutenant-colonel Picquart devient chef des services de renseignement militaires.

▶ 1896 : 2 novembre, faux Henry. Le colonel Henry, arrêté le 30 août 1898 se tranche la gorge le lendemain dans son cachot du Mont Valérien.

▶ 1898 : 10 janvier, acquittement d’Esterhazy par le Conseil de guerre, à l’unanimité.

▶ 1898 : 13 janvier, « J’Accuse » de Zola, publié dans « l’Aurore », le journal de Clemenceau. Le titre est de Clemenceau lui-même.

Document 4

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10 Séquence 9 – HG11

▶ 1899 : nouveau procès de Dreyfus à Rennes, condamné à 10 ans de réclusion mais il est grâcié par le Président de la République Emile Loubet.

▶ 1906 : réhabilitation de Dreyfus et du lieutenant-colonel Picquart qui réintègrent l’armée.

▶ 1908 : Dreyfus est blessé par balles à l’occasion du transfert des cendres d’Emile Zola au Panthéon, à Paris.

L’Affaire Dreyfus commence comme une banale affaire d’espionnage. Les services secrets français se rendent compte que des « fuites » ont lieu au niveau de l’état-major et que des informations confidentielles sont ainsi obtenues par les Allemands. Après une enquête bâclée et sans preuve aucune, la justice militaire croit avoir découvert le coupable. Il s’agit du capitaine Alfred Dreyfus. Né à Strasbourg dans une famille juive qui a choisi la France après le traité de Francfort, Alfred Dreyfus constitue un coupable idéal. Il est dégradé et condamné au bagne à perpétuité en 1894. Il part pour le bagne de Cayenne, en Guyane. La « Libre parole » de Drumont titre le 1er novembre 1984, « Haute trahison. Arrestation de l’officier juif A. Dreyfus ».

La famille de Dreyfus qui ne croit pas à sa culpabilité fait appel au journa-liste Bernard Lazare pour reprendre l’enquête et, en 1896, le lieutenant-colonel Picquart, nouveau chef du renseignement militaire, découvre que le traître est en fait le commandant Esterhazy qui touche de l’argent de l’ambassade d’Allemagne. Dans le même temps, le colonel Henry, ami d’Esterhazy et en conflit avec Picquart transmet à ses supérieurs un document, émanant soi-disant de l’ambassade d’Allemagne qui atteste-rait de manière irréfutable la culpabilité de Dreyfus. Il s’agit en fait d’un faux grossier composé par ses soins. Devant les preuves apportées par Picquart, l’état-major va chercher à étouffer l’affaire. Peine perdue, l’Af-faire Dreyfus prend de plus en plus d’importance dans la presse et dans les débats.

En 1898, Esterhazy passe devant le Conseil de guerre mais est lavé de tous soupçons. Ce déni de justice manifeste pousse Emile Zola à pu-blier son article intitulé « J’accuse » où il dénonce les militaires qui ont condamné Dreyfus et qui le maintiennent au bagne.

Dans la presse, la haine atteint son paroxysme. Dreyfusards, parmi les-quels Jean Jaurès, Clemenceau, Zola, l’écrivain Octave Mirbeau, et an-tidreyfusards se déchirent par journaux interposés. Des émeutes anti-sémites éclatent dans plusieurs régions françaises, faisant même des morts notamment à Alger…

Finalement, Dreyfus est rejugé en 1899, à Rennes. L’autorité militaire le condamne à nouveau en lui accordant les circonstances atténuantes. Devant l’ineptie d’un tel jugement, le Président de la République Emile Loubet gracie Dreyfus qui devra cependant attendre jusqu’en 1906 pour réintégrer l’armée.

Première grande crise antisémite de la modernité, l’« Affaire » a profon-dément divisé la France, la plaçant au bord de la guerre civile. L’événe-

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11Séquence 9 – HG11

ment a également eu un retentissement international. Très suivie dans les pays germaniques, elle a notamment contribué à convaincre l’Autri-chien Theodor Herzl, de l’impossibilité de l’assimilation et de la néces-sité pour les Juifs de créer leur propre État.

L’Affaire Dreyfus vue par le caricaturiste Caran d’Ache, Le Figaro, 14 février 1898

1 Quelle est la scène représentée par Caran d’Ache ? Dans quel milieu social se trouve-t-on ?

2 Qu’est-ce que cette caricature illustre avec humour ?

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Caricature 2

© Roger-Viollet.

Caricature 1

Questions

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12 Séquence 9 – HG11

1 La scène représentée est celle d’un repas de famille. Nous nous trou-vons dans une famille fort « convenable », une famille de la bonne bourgeoisie parisienne comme en témoigne la présence des domes-tiques et les toilettes des dames et des messieurs. La caricature est pu-bliée dans un des journaux de la bourgeoisie, Le Figaro qui fut un des très rares journaux de droite à défendre des positions dreyfusardes.

2 Dans le milieu policé de la bonne bourgeoisie, les controverses ne sont pas censées, d’ordinaire, se régler à coups de poings. Afin d’aug-menter l’effet comique, l’artiste représente un pugilat général où même les femmes se battent. À travers l’outrance, cette caricature té-moigne, avec un grand sens politique, des haines et des oppositions qui se développèrent à l’occasion de l’affaire Dreyfus.

Les combats de la Résistance et la refondation républicaine

1. La France vaincue

n La Drôle de guerre et la France occupée

La France déclare la guerre à l’Allemagne, avec la Grande-Bretagne, le 3 septembre 1939. Hormis l’opération de Narvik, marquée par une tenta-tive de débarquement de troupes françaises et britanniques en Norvège pour couper à l’Allemagne « la route du fer » et qui se solde par un échec même si les troupes alliées résistent à la contre-offensive allemande jusqu’au 7 juin, le front ne bouge pas pendant plusieurs mois. L’armée française, est en partie enfermée dans la ligne Maginot et massée le long de la frontière belge avec le corps expéditionnaire britannique qui ne bouge pas. C’est la « Drôle de guerre ».

En mars 1940 ; Edouard Daladier est remplacé par Paul Reynaud au poste de Président du Conseil. En avril l’invasion des Pays-Bas et de la Belgique par les troupes allemandes provoque l’avancée des troupes franco-britanniques au delà de la frontière. C’est alors que les chars du Général Guderian percent le front français à Sedan, le 10 mai 1940. L’avance allemande est irrésistible malgré plusieurs engagements de chars remportés par les Français. Dès le 14 juin, elles pénètrent dans Paris, déclarée ville ouverte et défilent sur les Champs Elysées et sous l’Arc de Triomphe alors que le gouvernement français s’est replié sur Bordeaux. Dès le 10 juin, c’est l’Exode. Près de huit millions de Fran-çais fuient devant la Wehrmacht sur les routes du nord de la France, sou-vent mitraillés par les avions de la Luftwaffe. Ils sont le plus souvent mal accueillis dans les régions où ils cherchent refuge.

Réponses

B

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13Séquence 9 – HG11

La France divisée en 1940

Paris

Seine

Loire

Garonne

Bordeaux

100 km

Strasbourg

LyonVichy

Lille

L i gn

e de

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rca

tio

n

Rhôn

e

Occupation allemandede la zone libre en novembre 1942

Zone annexée

Occupation italiennede la zone libre

Zone rattachée militairementà la Belgique

Occupation allemande

Discours radiodiffusé du maréchal Pétain, 20 juin 1940

« J’ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités. J’ai pris cette décision, dure au cœur d’un soldat, parce que la situation l’impo-sait. Cet échec vous a surpris, vous en cherchez les raisons, je vais vous les dire.

Le 1er mai 1917, nous avions encore 3 280 000 hommes aux armées. A la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500 000 de moins. L’infério-rité de notre matériel a été encore plus grande que celle de nos effectifs. L’aviation française a livré ses combats à un contre six. Moins forts qu’il y a vingt-deux ans, nous avions aussi moins d’amis, trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés.

Depuis la victoire de 1918, l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a valu épargner l’ef-fort, on rencontre aujourd’hui le malheur. J’ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et je resterai avec vous dans les jours sombres. »

Document 6

Document 7

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14 Séquence 9 – HG11

1 Quelles sont les raisons matérielles qui expliquent, selon Pétain, la défaite de la France en mai-juin 1940 ?

2 Quelles sont les raisons morales ?

3 Qu’annonce-t-il aux Français sur son propre avenir politique ?

4 Quel ton Pétain prend-il pour justifier l’armistice ?

1 Pétain cherche à expliquer la défaite de la France, en premier lieu, par son infériorité matérielle par rapport à l’Allemagne. Elle disposait de moins d’hommes (500 000 de moins qu’en 1918), de moins de maté-riels, il prend l’exemple de la supériorité aérienne écrasante des Alle-mands, et de trop peu d’alliés, sous entendant pour l’occasion que les Britanniques constituaient des alliés peu sûrs. Même si ces éléments ne sont pas totalement dénués de vérité, force est de constater que Pétain oublie la nette supériorité numérique des Franco-Britanniques en matière de chars et le fait que la défaite française, c’est d’abord la défaite de l’état-major français qui, inspiré par les idées de ce même Pétain, misa tout sur une stratégie défensive alors que les Allemands cherchèrent à exploiter au maximum la mobilité de leurs blindés.

2 Plus encore que son infériorité matérielle, la France doit sa défaite à son indignité morale. D’après Pétain, les Français ont désappris depuis 1918 le sens du sacrifice et du devoir, ils se sont abandonnés à l’esprit de jouissance. Même s’il demeure dans l’implicite, Pétain attaque ici le Front populaire et les deux semaines de congés payés instaurées par celui-ci… Pour que la France se relève, il faudra donc mener une « œuvre de restauration nationale » qui mettront fin aux errements de la période précédente.

3 Tout en restant évasif, Pétain annonce aux Français qu’il restera à leurs côtés dans cette épreuve. Dès le 20 juin 1940 il a bien l’inten-tion de demeurer au pouvoir même s’il ne dit encore rien des formes que celui-ci prendra.

4 Le discours du maréchal Pétain évolue entre divers registres émotion-nels. Celui de l’accusation à l’égard de ceux qui se sont abandonnés à l’esprit de jouissance, mais aussi celui de la compassion à l’égard du peuple français. Arguant de la douleur et de la souffrance de ce dernier, il prétend déjà « faire don » de sa personne pour sauver la France.

n L’État français et la révolution nationale

L’effondrement militaire de la France se double d’un effondrement poli-tique. La petite ville de cures thermales Vichy est choisie par défaut comme capitale de la zone libre. Elle est proche de la ligne de démar-cation et dispose d’une hôtellerie capable d’héberger le gouvernement

Questions

Réponses

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15Séquence 9 – HG11

les principaux services centraux de l’État français, le 10 juillet 1940, les sénateurs et les députés votent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, seuls 80 d’entre eux, dont Léon Blum, sur 649 votent contre. Pétain reçoit tous les pouvoirs pour une durée indéterminée. Il s’agit d’une véri-table dictature qui repose sur la popularité du vainqueur de Verdun.

Pétain et les hommes qui l’entourent entendent profiter de « la divine surprise » (voir Charles Maurras) pour reconstruire la France selon leurs principes qui s’incarnent dans la devise Travail, Famille, Patrie en pre-nant, à cette occasion, leur revanche sur la République, la démocratie et la gauche en particulier.

Cette révolution nationale doit s’incarner dans le culte du chef, protec-teur et sauveur de la France, le maréchal Pétain, restaurer la France tra-ditionnelle faite d’agriculture, de ruralité, contre la ville jugée corruptrice (voir le slogan de l’époque, « La terre, elle, ne ment pas ! ») et d’arti-sanat, d’attachement à la famille (le divorce est interdit par le nouveau régime), de retour à la religion catholique… Ce choix peut paraître tout à fait paradoxal de la part d’un libre penseur comme Pétain ! Les hommes de gauche, syndicalistes (les syndicats sont interdits) militants poli-tiques, instituteurs sont poursuivis comme corrupteurs de la jeunesse. La légion des volontaires français, créée en août 1940 par Xavier Vallat et qui regroupera jusqu’à 650 000 anciens combattants, est chargée de propager ces valeurs.

Le régime de Vichy est essentiellement composé d’hommes de droite et d’extrême droite mais quelques personnalités de gauche le rejoignent comme René Belin, ministre du Travail, ancienne personnalité notable de la CGT.

2. La Résistance, de la lutte contre l’occupa-tion allemande à la réaffirmation de l’idéal républicain

n Les débuts de la Résistance

On doit distinguer au sein de la Résistance, la Résistance intérieure et la Résistance extérieure qu’on appelle la France Libre. L’acte de naissance de la France libre, c’est l’appel du 18 juin du général de Gaulle. L’appel à la résistance de ce général encore peu connu sur les ondes de la BBC ne fut sans doute entendu que par bien peu de Français. De fait, les débuts de la France Libre furent extrêmement modestes. En juin 1940, de Gaulle n’avait encore autour de lui que quelques milliers d’hommes et de femmes et Félix Eboué, le gouverneur du Tchad, seul gouverneur colonial à s’être rallié à lui dès 1940.

Le premier acte de la résistance intérieure fut le dépôt d’une gerbe de fleurs sur la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de triomphe, le 11 novembre 1940 par un groupe d’étudiants.

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16 Séquence 9 – HG11

Dès la fin de l’année 1940, on voit apparaître les premiers journaux, les premiers tracts appelant à la résistance contre l’occupant nazi.

La motivation première de l’entrée dans la Résistance est donc le refus de l’occupation allemande.

Le témoignage d’un résistant de la première heure, l’historien Jean-Pierre Vernant

Le 18 juin 1940, je me trouve à Narbonne avec mon frère, ma belle-sœur et ma femme. Je m’étais retrouvé là, affecté comme aspirant, avec les débris de mon régiment. Je n’ai pas entendu le général de Gaulle, j’ai écouté pour la première fois la radio de Londres quelques jours après (…). Le 17 juin, le discours de Pétain a été diffusé par haut-parleurs dans les rues de Narbonne, précédé d’une Marseillaise qu’on écoutait au garde-à-vous. J’étais effondré. J’avais honte. Rien ne serait plus comme avant. Avec ma femme et ma belle-sœur, à mes côtés, nous pressentions le pire. Autour de nous pourtant l’armistice était bien accueilli (…).

Alors, avec mon frère, ma belle-sœur et ma femme, nous avons com-mencé notre résistance à notre façon, seuls, tous les quatre, en famille, avec une petite imprimerie portative. Nous tirions des tracts. Je les ai en mémoire : « Si la France est par terre, c’est la faute à Hitler, son drapeau dans l’eau sale, c’est la faute à Laval ».

Entretien avec Jean-Pierre Vernant, chef FFI de Haute-Garonne, Le Matin, 18 juin 1985

1 Dans quel contexte se situe l’entrée en Résistance de Jean-Pierre Vernant ?

2 Quelles motivations donne-t-il pour expliquer son entrée en Résis-tance ?

3 Fait-il au début partie d’un mouvement organisé ?

1 Jean-Pierre Vernant situe son refus de l’occupation allemande très tôt, dès l’effondrement militaire de la France. Le Maréchal Pétain, auréolé du prestige de Verdun et de la Première Guerre Mondiale a remplacé Paul Reynaud au poste de Président du Conseil le 16 juin. Dès le len-demain, il a annoncé son intention de signer un armistice avec l’Alle-magne : c’est ce discours qui est diffusé à la population de Narbonne, où se trouvent J.-P. Vernant et sa famille.

2 Ce résistant de la première heure évoque la honte qu’il a alors ressen-tie : « j’avais honte », et un sentiment d’accablement « J’étais effon-dré ». Le sentiment que le pire est à venir semble aussi avoir joué un rôle important dans sa décision. Ce sentiment de honte face à la dé-faite de la France revient souvent dans les témoignages de résistants.

Document 7

Questions

Réponses

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17Séquence 9 – HG11

3 En 1940, J.-P. Vernant et sa famille n’appartiennent à aucun mouve-ment : leurs actes de résistance sont des actes individuels. Cela passe dans un premier temps par la diffusion de tracts visant à entretenir le sentiment patriotique et à lutter contre la propagande officielle – alle-mande et vichyste.

n Lutter contre l’occupation allemande

L’invasion de l’URSS, le 22 juin 1941 change la situation en provoquant l’entrée des communistes – l’appareil du parti et le nombre de ses mili-tants – dans la Résistance.

De fait, même s’ils ne furent pas seuls, les communistes jouèrent un rôle essentiel dans la Résistance. Ils organisent ainsi la première structure militaire de la résistance, les FTP (Francs tireurs et partisans). Le 21 août 1941, Pierre Georges, dit le Colonel Fabien, tue un soldat allemand sur le quai du métro de la station Barbès-Rochechouart, à Paris. Les Allemands répondent à ce genre d’action en fusillant des otages.

L’instauration du service du travail obligatoire (STO) en 1943 pousse de nombreux jeunes gens à rejoindre les premiers maquis qu’on trouve dans les zones montagneuses, comme le Vercors, ou encore en Bretagne. En 1943, on peut estimer le nombre des maquisards à quelques centaines de milliers d’hommes qui mènent des actions de guérilla contre l’occupant et les collaborateurs : embuscades, déraillement de trains, etc.

En 1943, grâce à Jean Moulin, se met en place le CNR (Conseil natio-nal de la Résistance) qui permet à la fois de coordonner l’action des différents réseaux de résistance et d’assurer le lien entre le général de Gaulle et la résistance intérieure. Ce n’est qu’avec difficulté, et grâce au soutien de la Résistance intérieure, que de Gaulle parvient à s’imposer aux Alliés, et notamment à Roosevelt qui ne l’aimait pas, comme le seul représentant officiel de la France. Le 2 juin 1944, c’est la naissance du GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) dont de Gaulle a la présidence.

La Résistance participe également à l’effort de guerre aux côtés des Al-liés. Les FFL (Forces françaises libres) jouent également un rôle impor-tant dans la Libération. Ce sont plus de 250 000 Français qui débarquent en Provence le 15 août (pour un total de 500 000 hommes) et, après l’in-surrection de Paris lancée par le communiste Rol-Tanguy le 19 août, c’est la 2e DB du général Leclerc qui libère Paris le 25 août 1944. Le 26 août, le général de Gaulle descend les Champs Elysées au milieu d’une foule im-mense et d’un enthousiasme indescriptible alors que quelques miliciens embusqués sur les toits des immeubles tirent encore sur le cortège.

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3. La refondation de la République au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

a. Le gouvernement provisoire (septembre 1944- janvier 1946)

L’épisode des Champs Elysées donne une légitimité populaire réelle au général de Gaulle. Bénéficiant du soutien des Britanniques, et en dépit de la méfiance du Président des États-Unis, Franklin Roosevelt, qui envi-sage même de placer la France sous administration militaire, De Gaulle parvient à s’imposer. Il installe le Gouvernement provisoire de la Répu-blique française (GPRF) à Paris, tout de suite après la libération de la ville.

Ce gouvernement rassemble des représentants de toutes les forces po-litiques du moment, des communistes au centre droit, à l’exception de l’extrême droite et de la fraction de la droite qui s’est compromise avec Vichy.

Pour affirmer la légitimité du GRPF, de Gaulle accomplit de nombreux voyages en province. A chaque fois, il met en place des représentants of-ficiels du gouvernement, parfois au détriment des représentants locaux de la Résistance, qui doivent se soumettre aux chefs qu’il a nommés.

Dans le cadre de cette restauration des pouvoirs de l’État, il décide l’inté-gration des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) et des FTP (Francs-Tireurs partisans) à l’armée régulière.

b. La mise en place d’une épuration officielle

Une « épuration » spontanée s’est mise en place à la Libération, visant les collaborateurs et les profiteurs du marché noir. Cette épuration a d’abord été spontanée : menée par un sentiment de vengeance, parti-culièrement forte après les années d’occupation allemande, elle prend parfois le visage d’un règlement de comptes. Cette épuration sauvage s’étend de juin à novembre 1944. Elle se traduit par l’exécution som-maire de 8000 à 9000 personnes et à la tonte de milliers de femmes accusées le plus souvent d’avoir été la maîtresse d’Allemands.

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Femme battue et tondue devant la préfecture de police de Paris

Le nouveau gouvernement décide de mettre en place une épuration légale, qui relaie et canalise l’épuration spon-tanée. Cette épuration prend la forme de procès, menés par une magistrature qui a elle-même été épurée au préa-lable. Des cours spéciales de justice examinent les cas de collaboration avec l’ennemi ; une Haute Cour de Justice est chargée de juger les principaux respon-sables du gouvernement de Vichy et des collaborateurs les plus en vue. Cette épuration légale a été d’une ampleur incontestable : 310 000 dossiers ont été ouverts, cela touche presque un Français sur 100. 140 000 dossiers ont été classés avant information (dossiers vides), 43000 après. Il reste donc 127 000 dossiers, qui ont abouti à 767 exé-cutions.

De nombreuses peines de prison ou de dégradation nationale (cela veut dire que l’on est privé de ses droits civils et politiques et exclu de la fonction publique ou des emplois semi publics) ont été prononcées. Cette épuration a néanmoins été sélective : elle a beaucoup plus frappé les intellectuels et les hommes politiques que les milieux économiques, relativement épargnés.

Le procès le plus retentissant est celui du Maréchal Pétain à l’issue du-quel il est condamné à mort. Sa peine a été commuée en peine d’empri-sonnement à perpétuité : détenu sur l’île d’Yeu, il y meurt en 1951.

Ces procès permettent de souder l’opinion dans l’opposition au régime de Vichy, et à la politique de collaboration d’État, incarnée par Pétain et Laval.

c. Le vote d’une nouvelle constitution

Dès octobre 1945, des élections sont organisées pour élire une assem-blée constituante (une assemblée qui a à charge de rédiger une nouvelle constitution). Cette assemblée est dominée par le P.C.F. (qui prend l’ap-pellation de « parti des 75 000 fusillés », alors que le nombre des fusillés pendant l’Occupation est d’environ 25 000 au total) qui tire bénéfice de son rôle majeur dans la Résistance, la S.F.I.O. et le M.R.P. (mouvement républicain populaire), parti chrétien-démocrate qui se place au centre droit.

Cette assemblée propose aux Français un modèle de constitution ins-piré de celui de la IIIe République. Celle-ci favorise le Parlement au détri-

Document 8

© Alinari/Roger-Viollet.

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20 Séquence 9 – HG11

ment du Président de la République. Hostile à ce projet, de Gaulle quitte donc le gouvernement en janvier 1946 et, dès le 16 juin 1946, dans le discours de Bayeux il se déclare en faveur d’une nouvelle république fondée sur un pouvoir exécutif fort. Il crée en 1947, le R.P.F. (Rassemble-ment du peuple français), un nouveau parti chargé d’assurer un débou-ché politique à ses idées.

Le discours de Bayeux, 16 juin 1946

Il est clair et il est entendu que le vote définitif des lois et des budgets revient à une assemblée élue au suffrage universel et direct. Mais le pre-mier mouvement d’une telle assemblée ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières.

Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée élue et composée d’une autre manière la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets.

Du Parlement composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir légis-latif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder sous peine d’aboutir à cette confusion des pouvoirs dans lequel le gouvernement ne serait bientôt plus rien qu’un assemblage de délégations. (…)

Or, comment cette unité (du gouvernement), cette cohésion, cette disci-pline seraient-elles maintenues à la longue si le pouvoir exécutif émanait de l’autre pouvoir auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du gouvernement (…) n’était à son poste que le mandataire d’un parti ?

C’est donc du chef de l’État, placé au-dessus des partis, élu par un col-lège qui englobe le Parlement, mais beaucoup plus large, que doit pro-céder le pouvoir exécutif.

Au chef de l’État, la charge d’accorder l’intérêt général, quant au choix des hommes, avec l’orientation qui se dégage du Parlement, à lui la mis-sion de nommer les ministres, et d’abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du gouvernement ; au chef de l’État la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets ; à lui la tâche de présider les conseils du gouvernement et d’y exercer cette influence de la continuité dont une nation ne se passe pas.

Général de Gaulle.

1 Quelles sont les fonctions des Chambres dans l’organisation politique proposée par de Gaulle ? Est-il surprenant qu’il propose l’existence de deux chambres ?

2 Que signifie la phrase « Du Parlement composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder » ?

3 Pourquoi, selon de Gaulle, la dépendance du pouvoir exécutif par rap-port au pouvoir législatif est mauvaise ?

Document 9

Questions

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21Séquence 9 – HG11

4 Quelles doivent être les fonctions du chef de l’État selon le général de Gaulle ? Quelles sont ses relations avec le gouvernement ?

5 Les idées du général de Gaulle ont-elles influencé la constitution de la IVe République ?

1 La Chambre des députés a pour fonction, dans l’esprit de de Gaulle, de voter les lois et le budget. Mais, elle doit composer avec une deu-xième assemblée, en l’occurrence le Sénat, pour déterminer le texte définitif des lois. Cet attachement de de Gaulle au système bicaméral n’est guère étonnant dans la mesure où la plupart des régimes qui se sont succédés en France depuis 1791 ont possédé deux assemblées législatives.

2 Sous la IIIe République et sous la IVe également, le chef de l’État, c’est-à-dire le Président de la République est élu par le Parlement. Le Prési-dent du Conseil quant à lui, c’est-à-dire le chef du gouvernement, est investi par la Chambre des députés et n’en est que l’émanation. De Gaulle critique cette situation où le pouvoir exécutif – c’est-à-dire le Président de la République et le Président du Conseil - dépend entiè-rement du pouvoir législatif, c’est-à-dire des chambres.

3 Cette soumission de l’exécutif au législatif est pour de Gaulle une des raisons fondamentales des difficultés de la IIIe République finissante. C’est elle qui explique la « valse des ministères », c’est-à-dire la chute très rapide des gouvernements. Dépendant des Chambres, le chef du gouvernement passe l’essentiel de son temps à négocier avec les par-tis de la Chambre afin de se maintenir au pouvoir au lieu de s’occuper des affaires de la France.

4 Le chef de l’État, c’est-à-dire le Président de la République doit être indépendant des Chambres, il doit être au-dessus des partis. Pour cela, il doit être élu par un groupe beaucoup plus large que celui des parlementaires afin que sa légitimité s’impose à tout le pays. Le chef du gouvernement, que de Gaulle appelle Premier ministre, est nommé par ses soins et n’est donc plus le résultat d’un équilibre politique savant entre les différents partis présents à l’Assemblée nationale.

5 Les voies proposées par le général de Gaulle en juin 1946 n’inspi-rent aucunement la constitution de la IVe République. Celle-ci met en place un régime fondamentalement parlementaire où le Président de la République aura peu d’influence. L’instabilité politique du régime tout au long des années 1950 donnera rétrospectivement raison au général de Gaulle.

La nouvelle constitution est rejetée par les Français qui majoritairement votent NON au référendum de mai 1946. Une nouvelle assemblée consti-tuante doit donc être élue en juin 1946 et c’est en octobre 1946, à la suite d’un second référendum, que la constitution de la IVe République est acceptée par les Français. Celle-ci institue un régime de type parle-mentaire donnant la primauté à l’Assemblée nationale.

Réponses

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22 Séquence 9 – HG11

Les premières élections législatives de novembre 1946 confirment la domination du P.C. La S.F.I.O et le M.R.P. forment avec le P.C. un gouver-nement de coalition mais ils se divisent au moment de la grande crise sociale, marquée par des grèves très dures, et notamment celle des doc-kers de Marseille, qui touche la France en 1947. Les ministres commu-nistes, dans un contexte de guerre froide qui se met en place, sont alors exclus du gouvernement en mai 1947 par Paul Ramadier, Président du Conseil socialiste.

d. Les réformes économiques et sociales de la Libération

Le G.P.R.F. mène de nombreuses réformes tant politiques sociales. Une des premières décisions imposées par de Gaulle, par décret, dès avril 1944 fut le droit de vote des femmes. La Libération est également marquée par un vaste mouvement de nationalisations (l’État s’approprie des entreprises privées avec ou sans indemnités) notamment prévues par le programme du C.N.R. (Conseil national de la Résistance). Celles-ci concernent les secteurs de l’énergie avec la constitution d’EDF-GDF en 1946 et de Charbonnage de France, certaines banques (La Banque de France), les transports (formation de la Compagnie aérienne nationale Air France). D’autres entreprises sont nationalisées sans indemnités pour faits de collaboration, c’est en particulier le cas de Renault.

L’influence de la Résistance, à travers le programme du C.N.R. est égale-ment déterminante dans la mise en place d’un système de sécurité so-ciale par les ordonnances d’octobre 1945. Celle-ci est financée conjoin-tement par les salariés et les employeurs et garantit à chaque salarié une assurance maladie, une assurance chômage et une assurance vieillesse.

1958-1962 : une nouvelle République

1. De nouvelles institutions

De Gaulle devient le dernier Président du Conseil de la IVe République le 1er juin 1958.

Il confie la rédaction de la nouvelle constitution à un comité composé de parlementaires gaullistes comme Michel Debré mais aussi des MRP, des radicaux et des socialistes comme Guy Mollet qui joua un rôle non négligeable dans la rédaction finale du texte.

Présentée aux Français, la nouvelle constitution est adoptée par référen-dum par une majorité de près de 80 % de OUI (en dépit de l’opposition des communistes, de Mendès France et de Mitterrand) le 28 septembre 1958. Promulguée le 4 octobre par le président de la République René Coty, elle donne officiellement naissance à la Ve République.

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23Séquence 9 – HG11

La constitution de 1958 met en place un régime de type semi-prési-dentiel où le chef du gouvernement, nommé par le Président de la Ré-publique et désormais appelé Premier ministre, demeure responsable devant les chambres (Assemblée nationale et Sénat). Mais le person-nage central est désormais le Président de la République qui dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale. Il joue par ailleurs un rôle fondamental en matière de politique étrangère, domaine réservé du Président, et oriente la politique du gouvernement, le Premier ministre devant en principe se contenter d’interpréter et d’appliquer les volon-tés présidentielles. Conformément aux idées qu’il énonçait déjà dans le Discours de Bayeux, de Gaulle a donné la primauté à l’exécutif sur le législatif, seul type d’organisation politique susceptible de répondre à la gravité de la situation en Algérie, selon lui. Après une large victoire de l’U.N.R. (Union pour la nouvelle république, c’est le nouveau nom du parti gaulliste) aux législatives de novembre, de Gaulle est élu Président de la République, au suffrage universel indirect par 80 000 grands élec-teurs, en décembre 1958.

Les institutions de la Ve République (en 1962)

élis

ent

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loi

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question de confiance

motion de censure

réfé

rend

um

peut

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soud

re

élis

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motion de censure

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Suffrage universel direct

Président de la République (élu pour 7 ans)

• députés• conseillers régionaux• conseillers généraux• conseillers municipaux

260 000 électeurs

Sénatsénateurs élus pour 9 ans

renouvelables par tiers

Assemblée nationaledéputés élus pour 5 ans

Premier ministregouvernement

art. 16pouvoirs

exceptionnelsen cas de crise

Document 10

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24 Séquence 9 – HG11

La réforme constitutionnelle de 1962 annoncée par le général de Gaulle

« Depuis que le peuple français m’a appelé à reprendre officiellement place, à sa tête, je me sentais naturellement obligé de lui poser, un jour, une question qui se rapporte à ma succession, je veux dire celle du mode d’élection du chef de l’État.

Qui ne se souvient pas de la mortelle échéance devant laquelle se trou-vait, en mai 1958, le pays et la République, en raison de l’infirmité, orga-nique, du régime d’alors ? Dans l’impuissance des pouvoirs, apparais-saient tout à coup l’imminence des coups d’État, l’anarchie généralisée, la menace de la guerre civile.

C’est alors qu’assumant de nouveau le destin de la patrie, j’ai, avec mon gouvernement, proposé au pays l’actuelle constitution. Celle-ci, qui fut adoptée par 80 % des votants, a maintenant quatre ans d’existence.

Or, la clé de voûte de notre régime, c’est l’institution nouvelle d’un prési-dent de la République désigné par la raison et le sentiment des Français pour être le chef de l’État et le guide de la France.

Sans que doivent être modifiés les droits respectifs, ni les rapports réci-proques des pouvoirs exécutifs, législatif, judiciaires, tels que les fixe la constitution, mais en vue de maintenir et d’affermir nos institutions vis-à-vis des entreprises factieuses de quelque côté qu’elles viennent, ou bien des manœuvres de ceux qui de bonne, ou de mauvaise foi, voudraient nous ramener au funeste système d’antan, je crois donc faire au pays la proposition que voici : quand sera achevé mon propre septennat, ou si la mort ou la maladie l’interrompait avant le terme, le président de la République sera désormais élu au suffrage universel. »

Discours du général de Gaulle, 20 septembre 1962.

1 En observant l’organigramme du document 10, quelles différences percevez-vous entre les institutions de la IVe République et celles de la Ve ?

2 Pourquoi peut-on dire que le gouvernement reste responsable devant le Parlement ?

3 De quelle façon de Gaulle décrit-il la situation de 1958 ? N’y a-t-il pas quelque chose de paradoxal dans ce discours ?

4 En quoi consiste la réforme constitutionnelle de 1962 ? Pourquoi mo-difie-t-elle plus l’équilibre des pouvoirs que de Gaulle veut bien l’af-firmer ?

1 La constitution de la Ve République fait désormais du chef de l’État l’élément principal. Un rééquilibrage se produit au profit de l’exécu-tif. En terme de légitimité, celle du chef de l’État ne dépend plus des chambres, elle est beaucoup plus large. Il nomme par ailleurs le Pre-mier ministre. Ce glissement de sens pour nommer le chef du gouver-

Document 11

Questions

Réponses

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25Séquence 9 – HG11

nement qui perd désormais son titre de Président du Conseil est éga-lement significatif. Il n’y a désormais plus qu’un seul président, titre qui rehausse encore la primauté du chef de l’État. Celui-ci possède encore la possibilité d’exercer des pouvoirs exceptionnels en cas de crise en vertu de l’article 16 de la constitution. Il nomme encore trois des juges du Conseil constitutionnel, qui constitue une autre innova-tion de la constitution de 1958. Il peut enfin dissoudre l’Assemblée nationale et décider souverainement de convoquer de nouvelles élec-tions législatives. À l’inverse, hormis des cas de haute trahison, rien ne permet au pouvoir législatif de forcer le Président de la République à quitter son poste.

2 Le chef du gouvernement, désormais Premier ministre est nommé par le Président. Celui-ci doit évidemment tenir compte de la majo-rité parlementaire mais son choix est souverain quant au choix de l’homme qu’il désire placer à la tête du gouvernement. Cette situation est encore en rupture avec la pratique parlementaire des IIIe et IVe Ré-publiques. Pourtant, le gouvernement reste pleinement responsable devant les chambres. En effet, une fois nommé, le Premier Ministre doit recevoir l’investiture par un vote de l’Assemblée nationale. Afin de relégitimer son pouvoir, il peut demander aux députés un vote de confiance. Enfin, en cas de conflit entre le gouvernement et les dé-putés, ceux-ci peuvent le renverser par une motion de censure. Le Premier Ministre est renversé si plus de la moitié des députés vote contre lui. C’est ce qui est arrivé au gouvernement Pompidou, le 5 oc-tobre 1962, après l’annonce, par le général de Gaulle, de la réforme constitutionnelle instituant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.

3 Lorsqu’il revient sur les événements de 1958, et ceux qui ont suivi – la guerre d’Algérie, la journée des barricades, le 13 mai 1958, le putsch des généraux d’Alger en avril 1961 – il stigmatise l’impuissance de la IVe République qui a mis le pays au bord de la guerre civile. Faisant un parallèle avec 1940, il se présente comme celui qui est venu sau-ver le pays. Au-delà de l’aspect plus ou moins polémique d’une telle présentation des faits, de Gaulle omet de préciser que sans la journée des barricades, qui répondait clairement à une logique factieuse, il ne serait sans doute jamais revenu au pouvoir.

4 La réforme de 1962 modifie le fonctionnement constitutionnel plus que le général de Gaulle ne veut le reconnaître. Il est exact que les prérogatives des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire telles que fixées dans le texte de 1958 ne sont en rien modifiées. Néan-moins, en décidant de faire élire le président de la République au suf-frage universel direct, de Gaulle modifie en profondeur l’esprit de la constitution. Tout en donnant un rôle éminemment important au chef de l’État, celui-ci était toujours élu au suffrage universel indirect, et en partie par les parlementaires. L’élection au suffrage universel direct est à l’inverse un processus de démocratie directe qui rompt avec la tradition parlementaire.

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26 Séquence 9 – HG11

2. Le renforcement de la fonction présidentielle

Le général de Gaulle transforme complètement la fonction présidentielle, en rupture avec les régimes parlementaires de la IIIe et IVe Républiques, et en conformité avec le discours de Bayeux (voir plus haut).

Ce renforcement se situe dans le contexte de la crise algérienne. La manière dont de Gaulle va aborder cette crise va aussi lui permettre de renforcer la rôle du Président de la République.

Confronté à la question algérienne, de Gaulle se rend en Algérie dès juin 1958. D’abord hésitant, il s’oriente rapidement vers la solution de l’autonomie. Dès le mois de septembre 1959, il évoque l’autodétermina-tion des Algériens. Les Pieds noirs et les militaires d’Alger considèrent ce changement d’opinion comme une trahison.

Plusieurs anciens officiers de l’armée d’Algérie (les généraux Salan, Challe, Jouhaud, Zeller) organisent un coup d’État militaire à Alger, en avril 1961 que de Gaulle parvient à juguler en appelant les troupes du contingent à désobéir à leurs chefs. La plupart le font. Le coup d’État est un échec et la République sort raffermie de cette épreuve. Raoul Salan rentre alors dans la clandestinité et devient un membre actif de l’O.A.S. L’O.A.S. (Organisation de l’armée secrète, créée à Madrid en février 1961), organisation secrète composée de militaires déçus, de Pieds noirs extrémistes et de militants d’extrême-droite, organise alors une campagne d’attentats en France et en Algérie. On évalue le nombre de ses victimes entre 1700 et 2000 personnes. C’est notamment l’O.A.S. qui organise l’attentat du Petit Clamart, le 22 août 1962, où de Gaulle échappe à la mort de justesse.

La DS du général de Gaulle criblée de balles après l’attentat du Petit Clamart (22 août 1962)

Document 12

© Rue des Archives/AGIP.

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27Séquence 9 – HG11

Des négociations s’ouvrent à Evian le 20 mai 1961 et aboutissent à la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962. Le référendum organisé pour approuver ces accords obtient 90% de oui.

E Le poids déterminant de la guerre d’Algérie dans la vie politique fran-çaise au début de la V° République a pour effet de renforcer considéra-blement l’autorité du général de Gaulle.

E Ces événements dramatiques lui permettent d’atteindre une popula-rité exceptionnelle : la pratique des étapes progressives qu’il a choisie vers l’indépendance de l’Algérie correspond à l’évolution de l’opinion publique sur le sujet, de plus en plus favorable à l’indépendance.

E De Gaulle va prendre une série de décisions qui vont toutes dans le sens d’un renforcement du rôle du Président dans les institutions.

– L’idée d’un « domaine réservé » du Président de la République : la défense nationale, la diplomatie.

– Le rôle subordonné du gouvernement : le Premier ministre est plus un exécutant de la politique fixée par le chef de l’État. La politique du gouvernement est celle décidée par le chef de l’État.

– Le général de Gaulle propose l’élection du chef de l’État au Suffrage universel direct : cette réforme est approuvée par référendum le 28 octobre 1962. C’est une victoire de la lecture présidentielle de la Constitution.

3. La pratique gaulliste du pouvoir

E Dans le contexte de la forte croissance et de la prospérité des Trente Glorieuses, de Gaulle met en avant l’intervention de l’État dans l’éco-nomie.Il cherche également à orienter l’économie française vers des réalisations de prestige et de haute technologie. C’est à ce moment que la France se dote de sa première bombe atomique, qu’est lancé commercialement un remarquable avion de ligne, la Caravelle, que le projet Concorde est lancé (premier vol du premier avion supersonique civil en 1969).

La firme française Dassault, quant à elle, remporte un succès inter-national avec le Mirage III, un des meilleurs avions de chasse de sa génération. L’État échoue cependant à mettre en place une industrie nationale de l’informatique performante (Plan Calcul). L’agriculture française, favorisée par la mise en place de la politique agricole com-mune (P.A.C.) dans le cadre de la CEE est alors en plein développement et conquiert de nouveaux marchés, en particulier chez ses partenaires européens.

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E Le général de Gaulle accompagne ce volontarisme économique de la volonté de faire entendre la voix de la France.

Voyage officiel de de Gaulle en URSS (1964)

© akg-images/RIA Nowosti.

Grâce à la technologie nucléaire, la France se dote de sa propre force de dissuasion en dépit de l’hostilité américaine et entend maintenir son in-dépendance à l’égard de l’allié américain. De Gaulle se montre critique, dès la fin des années 1960, à l’égard de la politique américaine au Viêt-Nam. Il décide surtout de faire sortir la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966, ce qui se traduit par la fermeture des bases militaires américaines en France dans un contexte général d’anti-américanisme.

Le retrait de la France du commandement intégré de l’O.T.A.N.

Si la France considère qu’encore aujourd’hui il est utile à sa sécurité et à celle de l’Occident qu’elle soit alliée à un certain nombre d’États, notam-ment à l’Amérique, pour leur défense et pour la sienne dans le cas d’une agression commise contre l’un d’eux, si la déclaration faite en commun, à ce sujet, sous forme du traité de l’alliance atlantique signé à Washington le 4 avril 1949, reste à ses yeux toujours valable, elle reconnaît, en même temps, que les mesures d’application qui ont été prises par la suite ne ré-pondent plus à ce qu’elle juge satisfaisant, pour ce qui la concerne dans les conditions nouvelles.

Je dis : les conditions nouvelles. Il est bien clair en effet qu’en raison de l’évolution intérieure et extérieure des pays de l’Est, le monde occidental n’est plus aujourd’hui menacé comme il l’était à l’époque où le protecto-rat américain fut organisé en Europe sous le couvert de l’OTAN. (…)

Document 13

Document 14

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D’autre part, tandis que se dissipent les perspectives d’une guerre mon-diale éclatant à cause de l’Europe, voici que des conflits où l’Amérique s’engage dans d’autres parties du monde, comme avant-hier en Co-rée, hier à Cuba, aujourd’hui au Vietnam risquent de prendre en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est, dans l’OTAN, celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu.

Charles de Gaulle, Conférence de presse du 21 février 1966.

Le général de Gaulle commence par préciser qu’il ne remet pas en cause l’alliance militaire française avec les États-Unis, pour autant, il considère que la politique étrangère américaine, fait courir un risque réel à l’Europe en général et à la France en particulier, pouvant les entraîner dans des conflits qu’elles ne désirent pas. La situation internationale a également grandement évolué depuis l’époque de Staline et le président français considère que le bloc de l’Est ne menace plus réellement l’Europe de l’Ouest. Il souhaite donc soustraire les troupes françaises au comman-dement américain, ce qu’il appelle s’affranchir du protectorat américain. Le mot est fort et connoté. Le général n’est pas loin de sous-entendre en cette occurrence que les États-Unis ont tendance à considérer l’Europe en colonie et non en alliée.

Le discours de Gaulle à Montréal où il clame, « Vive le Québec libre », le 24 juillet 1967, est l’occasion d’une nouvelle brouille avec les États-Unis. Les médias américains, et notamment Newsweek, se déchaînent contre la France et son président.

Dans le même temps il cherche à créer des liens privilégiés avec cer-tains pays du Tiers monde, les pays arabes en particulier en menant une politique objectivement pro-arabe notamment visible à partir de la guerre des Six Jours, en 1967. La France maintient également des liens politiques et militaires (présence de bases militaires françaises dans plusieurs États dont la Côte-d’Ivoire et la République centrafricaine ou encore Djibouti et Madagascar) privilégiés avec les anciennes colonies françaises d’Afrique noire (le « Pré carré »).

Au niveau européen, la réconciliation franco-allemande, lancée sous la IVe République, est réaffirmée en 1963 par le traité de l’Elysée, signé avec le chancelier Konrad Adenauer. Le couple franco-allemand joue alors un rôle moteur dans la construction européenne.

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2 La République et les évolutions de la société française

Cette partie s’intéresse à la façon dont la République s’est adaptée aux évolutions de la société française de 1880 à nos jours.

Le régime républicain tel qu’il se définit et s’enracine dans les années 1880 ne prend quasiment pas en compte les ouvriers en tant que groupe social. Ces derniers sont d’autant plus absents des préoccupations des fondateurs du régime qu’ils sont associés aux désordres de la Commune de 1871.

Les femmes, quant à elles, ne sont pas considérées comme dignes de se voir confier la responsabilité de l’exercice du droit de vote. Il va falloir bien des combats et des évolutions pour que la citoyenneté se féminise – sans parler du pouvoir politique.

Enfin, la IIIe République définit une approche originale des rapports entre l’Eglise et l’État :la laïcité. Ce mouvement correspond à une ten-dance générale à la sécularisation des États et des sociétés en Europe. Elle constitue en même temps une singularité française, intrinsèque-ment liée à son identité républicaine.

Comment la République va-t-elle contribuer à faire évoluer la société fran-çaise ? Pourquoi l’épisode du Front Populaire reste-il une étape essentielle pour le monde ouvrier ? Comment la République a pu garantir aux femmes un accès progressif vers l’égalité des droits ?

Problématique

La République et la question ouvrière : le Front Populaire

1. La République et les ouvriers avant le Front Populaire

Un traumatisme initial : la Commune de 1871.

De mars à mai 1871, la population de Paris s’est soulevée contre le gou-vernement conservateur dirigé par Adolphe Tiers. La Commune naît du refus de la défaite militaire contre la Prusse et du rejet de Thiers, symbole

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du conservatisme. La Commune autonome de Paris proclame la liberté de la presse, accorde le droit de vote aux femmes. Elle se prononce en faveur de nombreuses réformes sociales comme le moratoire sur les loyers, la relance des ateliers municipaux qui donnent du travail aux chômeurs, la séparation de l’Eglise et de l’État… Mais elle est violem-ment réprimée lors de la semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871 ; les Versaillais, sous les ordres de Mac-Mahon, reprennent la ville et c’est la semaine sanglante entre les 21 et 28 mai 1871.

En représailles, les Communards, également appelés Fédérés, exécutent plusieurs dizaines d’otages, en particulier des prêtres dont l’archevêque de Paris Georges Darboy, mais aussi le président de la cour de cassa-tion Bonjean. Plusieurs bâtiments officiels sont incendiés dont l’Hôtel de ville et le château des Tuileries. Le Louvre échappe à la destruction grâce à Gustave Courbet.

La répression est terrible. Les derniers communards sont fusillés sur les barricades, comme Eugène Varlin à Montmartre et surtout au cimetière du Père Lachaise (XXe arrondissement de Paris) au mur dit des Fédérés.

La répression au cours de la Semaine sanglante fait au moins 17 000 morts, auxquels il faut ajouter les peines d’emprisonnement et de dé-portation en Nouvelle-Calédonie, comme ce fut le cas de Louise Michel, surnommée la Vierge Rouge.

L’amnistie des Communards n’intervint qu’en 1880.

Corps de communards exécutés pendant la « semaine sanglante »Document 14

© akg-images.

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Les ouvriers représentent une catégorie sociale de plus en plus nom-breuse avec la diffusion de l’industrialisation et prennent progressive-ment conscience de leur identité collective. Les lois libérales de la Répu-blique légalisent les syndicats (loi Waldeck-Rousseau de 1884).La C.G.T. (Confédération Général du Travail) est ainsi créée en 1985. Progressi-vement une législation sociale est adoptée, légalisant le droit de grève (1864) et réduisant progressivement le temps de travail : en 1919, la journée de travail ne peut excéder 8 heures.

Néanmoins, les manifestations ouvrières sont durement réprimées alors que la grève est le moyen d’action le plus utilisé par les syndicats ou-vriers. Le 1er mai devient une date phare de mobilisation dans les an-nées 1880, il est chômé à partir de 1919 en France.

2. Le Front Populaire : la reconnaissance des ouvriers par la République

n La France du Front populaire

Le terme de Front populaire désigne à l’origine une simple alliance électorale entre les trois partis de la gauche française de l’époque, le parti radical, parti essentiellement centriste, la S.F.I.O. et le P.C.F.. Mais c’est sur-tout le changement d’attitude du Parti communiste qui rend pos-sible cette alliance.

Mais le développement des ligues d’extrême-droite et l’émeute du 6 février 1934 à Paris, que les partis de gauche ont interprété comme une tentative de coup de force fasciste, modifie l’attitude du PCF. Les communistes acceptent à par-tir de cette date, avec l’accord de Staline, de former des Fronts Po-pulaires avec les autres partis de gauche. En effe Jusqu’au congrès d’Ivry, en juin 1934, le parti com-muniste et son secrétaire géné-ral, Maurice Thorez, dénoncent la S.F.I.O. et les radicaux comme étant des partis bourgeois, traîtres

Document 15 : Affiche de propagande : Staline faisant main basse sur la France.

© Roger-Viollet.

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à la classe ouvrière. Ils récusent toute idée d’alliance. En effet, afin d’évi-ter de voir la totalité de l’Europe occidentale basculer dans le fascisme, Staline intime l’ordre aux communistes français de changer de stratégie et de s’allier aux autres partis de gauche.

La campagne électorale pour les législatives se déroule dans une atmos-phère de tensions où les violences entre militants des différents partis ne sont pas rares.

1 Que représente la scène ?

2 Quel est le sens de ce message de propagande ?

1 On voit au premier plan un paisible village symbolisé par son église. Au second plan, le géant Staline s’approche, comme dans une lé-gende, tel le Diable surgissant de l’horizon et va s’emparer d’un pays dans l’incapacité de se défendre.

2 Cette affiche de propagande des républicains sociaux (parti de droite) est destinée à faire peur à l’électorat conservateur, rural et catholique du pays qui peut s’identifier à ce village français. Ici, le message est que le Front populaire est le jouet de Moscou et des communistes ou acheté par Staline et le Komintern, les socialistes et les radicaux sont des traîtres qui vont vendre la France à l’étranger. Cette affiche témoigne de la violence des rapports politiques des années Trente. La France est alors coupée en deux, avec deux France qui se haïssent et ne vont pas tarder à en découdre pendant l’Occupation (voir la sé-quence 4 « La guerre au XXe siècle », chapitre 2, partie C).

n La victoire de la gauche aux élections législatives de 1936

Le Front populaire gagne les élections législatives d’avril-mai 1936 et le premier secrétaire de la S.F.I.O., Léon Blum, devient le nouveau Président du Conseil. Il forme un gouvernement de coalition avec des socialistes, comme Léo Lagrange nommé titulaire du nouveau sous-secrétariat au sport et aux loisirs, ou Roger Salengro au ministère de l’Intérieur et des radicaux comme Jean Zay à l’éducation nationale (exécuté par les milice de Vichy en 1944). Edouard Daladier devient ministre de la Défense. Officiellement pour ne pas effrayer l’électorat radical, les communistes refusent d’entrer au gouvernement.

À l’annonce de la victoire électorale du Front populaire, les ouvriers dé-clenchent un vaste mouvement de grève et d’occupation des usines, sans violences. On compte bientôt deux millions de grévistes dans l’in-dustrie mais aussi les transports et même les grands magasins. Dans ce vaste mouvement social, l’atmosphère rappelle davantage celle d’une

Questions

Réponses

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fête populaire que celle de la révolution communiste pourtant crainte par la droite.

Les négociations entre le patronat et la CGT (Confédération générale du Travail) du socialiste Léon Jouhaux, menées sous la conduite de Léon Blum, aboutissent aux accords Matignon, signés le 8 juin 1936.

Par ce texte, le patronat consent à des augmentations importantes de salaires (de 7 à 15 %) et reconnaît l’existence des syndicats à l’intérieur de l’entreprise.

Le gouvernement de Léon Blum complète ces mesures par la création des premiers congés payés qui offrent à des millions d’ouvriers l’opportunité de partir pour la première fois en vacances, la semaine de 40 heures (non appliquée par le patronat), la création d’un Office du blé afin de garantir un revenu minimum aux agriculteurs.

Le gouvernement mène également une ambitieuse politique de loisirs confiée à Léo Lagrange.

Discours radiodiffusé de Léo Lagrange, 10 juin 1936

Notre but, simple et humain, est de permettre aux masses de la jeunesse française de trouver dans la pratique des sports la joie et la santé et de construire une organisation des loisirs telle que les travailleurs puissent y trouver une détente et une récompense à leur dur labeur.

J’ai employé le mot « masse » et je l’ai employé volontairement. En effet, dans le sports nous devons choisir entre deux conditions différentes :

la première se résume dans le sport-spectacle et la pratique de sports restreints à un petit nombre de privilégiés.

Selon la deuxième conception, tout en ne négligeant pas le côté spectacle et la création de champions qui ont leur raison d’être, c’est du côté des grandes masses qu’il faut porter le plus grand effort.

La plus grande partie de la jeunesse de France ne peut pas pratiquer au-jourd’hui les sports. Les causes sont multiples. Manque de terrains et de stades, manque d’instructeurs et d’entraîneurs, manque de temps pour les jeunes qui travaillent, frais trop élevés.

Nous allons attaquer de front tous ces problèmes. Nous ne voulons pas que notre action ait pour seul objet de mettre dans les mains de nos jeunes un fusil. C’est en messager de la vie et non pas de la mort que nous voulons nous présenter ».

1 Quelle est la vision du sport que défend Léo Lagrange ? À quoi s’op-pose-t-elle ?

2 Quelles sont les raisons pour lesquelles le sport n’est pas assez pra-tiqué en France selon Léo Lagrange ? Quelles mesures compte-t-il prendre à ce sujet ?

Document 16

Questions

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35Séquence 9 – HG11

3 Que veut dire Léo Lagrange lorsqu’il déclare « Nous ne voulons pas que notre action ait pour seul objet de mettre dans les mains de nos jeunes un fusil. C’est en messager de la vie et non pas de la mort que nous voulons nous présenter » ?

1 Léo Lagrange constate l’opposition entre deux visions du sport. Celle du sport comme pratique élitiste, qui peut à la rigueur faire l’objet d’un spectacle pour les masses. C’est la conception originelle du sport tel qu’il est apparu aux XVIIIe-XIXe siècles en Angleterre. De nombreux sports ont conservé, ou conservent encore ces caractéristiques, ainsi le tennis, le golf, le polo. Ce n’est pas cette vision du sport qui inté-resse Léo Lagrange, même s’il lui reconnaît une légitimité. Ce que le nouveau sous-secrétaire d’État au sport et aux loisirs cherche à déve-lopper, c’est la pratique des sports de masse dans une sorte de visée hygiéniste. La pratique du sport rendra les vies ouvrières plus saines, elle les détournera également du bistrot, souvent le seul loisir offert aux classes populaires.

2 La France manque de stades, de gymnases, d’entraîneurs. La pratique du sport est par conséquent souvent onéreuse et hors de portée des catégories populaires. Léo Lagrange annonce donc une ambitieuse politique de loisirs. Le Front populaire va en effet financer la construc-tion de nombreux stades, aider les municipalités à mettre en place des activités sportives.

3 Dans les années 1930, le sport est à la mode, en particulier dans les dictatures totalitaires qui l’utilisent comme un moyen fort efficace de propagande. La pratique du sport est également encouragée par ces régimes afin de faire des jeunes de futurs bons soldats. Récusant cette conception guerrière du sport, Léo Lagrange, fidèle au pacifisme des socialistes français, considère que le développement de la pra-tique sportive aura pour objet exclusif de rendre la jeunesse française plus heureuse et plus saine.

n La fin du Front Populaire

Le Front Populaire est rapidement confronté à d’importantes difficultés. Le gouvernement Blum refuse de soutenir officiellement les Républicains espagnols pendant la Guerre d’Espagne, alors que les troupes de Franco reçoivent le soutien de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste.

De plus, le gouvernement est confronté à l’opposition des milieux finan-ciers et patronaux, et doit dévaluer deux fois le franc en un an – ce qui entretient l’inquiétude et l’hostilité de ces milieux.

Après s’être vu refuser les pleins pouvoirs financiers par le Sénat, Léon Blum est contraint à la démission le 22 juin 1937.

Réponses

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3. Le Front Populaire et le renouvellement de l’identité ouvrière

Le Front Populaire constitue un moment important de la mémoire ou-vrière. Les grèves de mai-juin 1936 sont largement un mouvement festif, incluant des catégories qui étaient jusque-là peu habituées à se mobi-liser collectivement, comme les vendeuses des Grands Magasins pari-siens.

Les grèves de mai-juin 1936, ouvriers de Singer occupant leur usine

© Collection Dupondt/akg-images.

De plus, la politique d’amélioration de la vie – congés payés, loisirs et éducations populaires – permet aux ouvriers d’accéder à une revendica-tion qui leur était jusque-là interdite : le droit au bonheur. En témoigne l’importante production cinématographique qui prend pour sujet la vie, le travail, les aspirations des ouvriers au moment du Front Populaire : La vie est à nous de Jean Renoir ou La Belle Equipe de Julien Duvivier datent tous deux de 1936.

La République, les religions et la laïcité depuis les années 1880

1. La laïcité républicaine : la Séparation de l’Église et de l’État

« Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ». Cette exclamation de Gambetta, pro-noncée le 4 mai 1877 pendant la campagne électorale pour les législa-

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B

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tives qui allait voir la victoire des républicains, en dit long sur les rap-ports conflictuels entre l’Église catholique et la République.

Malgré des accommodements ponctuels, l’Église et la République s’op-posèrent à de nombreuses reprises. La première crise éclate à l’occasion de la mise en place de l’école laïque par Jules Ferry. Un conflit larvé se poursuit tout au long de la fin du XIXe siècle. Après des années d’oppo-sitions (politique scolaire, lois sur les congrégations…), les tensions avec le pape Pie X, qui succède à Léon XIII en 1903, aboutissent à la rupture des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la IIIe République, alors dirigée par le gouvernement d’Emile Combes. Grande figure de l’anticléri-calisme républicain, Emile Combes prépare le chemin à la rupture défini-tive entre l’Église et l’État. La loi de séparation de l’Église et de l’État est finalement votée le 9 décembre 1905, sous le successeur d’Emile Combes à la Présidence du Conseil, Maurice Rouvier. La loi est suivie en 1906 de la campagne des inventaires où l’État veut dresser l’inventaire des biens possédés par les églises. Les milieux catholiques tentèrent de s’y opposer et on assista à de véritables batailles rangées devant les églises de France entre les activistes catholiques et les forces de l’ordre.

La loi du 9 décembre 1905 (extraits)

Art. 1er : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre-exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

Art. 2 : La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne au-cun culte.

Art. 3 : Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l’administration des domaines à l’inventaire - 1e des biens mobiliers et immobiliers des établissements publics de culte (c’est-à-dire les paroisses catholiques et protestantes, les synagogues juives). 2e des biens de l’État, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.

Art. 4 : Dans le délai d’un an à partir de la promulgation de la présente loi, les biens et immobiliers des établissements publics du culte seront transférés aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées pour l’exer-cice du culte.

Art. 19 : Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exer-cice d’un culte.

Art. 26 : Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte. »

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La papauté contre la loi

« Rien n’est plus contraire à la liberté de l’Église que cette loi. En effet, la loi de séparation empêche les pasteurs (c’est-à-dire les membres du clergé et notamment les évêques) d’exercer la plénitude de leur autorité quand elle attribue la juridiction suprême sur associations au Conseil d’État. Que fait-elle sinon placer l’Église dans une sujétion humiliante. (…) Aussi n’est-ce pas seulement en restreignant l’exercice de son culte (…) que l’État blesse l’Eglise, c’est encore en faisant des obstacles à son influence toujours si bienfaisante sur le peuple, en paralysant de mille manières différentes son action. »

Pie X, Encyclique Vehementer nos, 11 février 1906.

Ouverture par la force de l’église Saint-Pierre du Gros Caillou (7e arron-dissement de Paris) pendant la campagne des inventaires (1906)

1 Quelles sont les dispositions de la loi de Séparation de l’Église et de l’État ? Quel est son objectif principal ?

2 Quelle est la réponse de l’institution catholique ? Comment justifie-t-elle sa position ?

3 En quoi consiste la campagne des inventaires ? Que s’est-il passé, pourquoi ?

1 La loi du 9 décembre 1905 affirme que l’État ne reconnaît, ne subven-tionne ni ne salarie plus aucun culte. En effet, en vertu du concordat signé entre Napoléon et le pape Pie VII en 1801, l’État versait un sa-laire aux religieux. En contrepartie, il exerçait une tutelle sur les dif-férents cultes. La loi de 1905 met fin à cette situation. Désormais, la

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Questions

Réponses

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République ne versera plus d’argent aux cultes, et ceux-ci reprennent leur indépendance. La finalité de la loi est donc de couper la relation entre religion et politique. Pour la République, la religion est une af-faire privée qui n’a pas à interférer dans les débats publics comme le précise l’article 26 qui déclare qu’ « Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte. »

2 L’institution oppose une fin de non-recevoir à la loi. C’est pourquoi elle refuse également de créer les associations prévues par la loi pour gérer et administrer les lieux de culte. Devant ce refus, l’État sera donc contraint de devenir propriétaire des lieux de culte catholiques – mais non protestants ou juifs car ces deux communautés ont quant à elles accepté la loi – et donc de pourvoir à leur entretien. Les raisons avan-cées par le pape Pie X sont d’ordres divers. Il considère que les asso-ciations cultuelles seraient en fait placées sous le contrôle de l’État, ce qui constituerait une atteinte insupportable à la liberté de l’Eglise. Mais l’essentiel est ailleurs. Le pape considère surtout qu’il est inac-ceptable pour le gouvernement républicain de prétendre interdire à l’Église d’intervenir dans le débat public. Il faut cependant remarquer qu’une fraction minoritaire du monde catholique français, par exemple le courant social incarné par Marc Sangnier, accueillit favorablement cette loi qui rendait toute leur liberté d’action aux catholiques.

3 En raison du refus de l’Église catholique d’accepter la séparation, la campagne des inventaires des biens d’Église se solda par de multiples violences, des blessés et même des morts. Face à cette situation qui risquait d’entraîner la révolte des catholiques des grandes villes de France, le président du Conseil Georges Clemenceau conseilla la pru-dence aux forces de l’ordre. Celles-ci reçurent ainsi comme consignes de concentrer leur action sur les églises non barricadées.

2. L’apaisement

La Première Guerre mondiale constitue un tournant majeur dans l’his-toire des rapports entre la IIIe République et les Catholiques. L’expé-rience combattante vécue pendant le conflit apaise les divisions et per-met l’intégration des catholiques à la République laïque.

Cet apaisement se traduit par un ralliement officiel de l’Église catholique à la République pendant l’Entre-deux-guerres. En effet, le retour de l’Al-sace et de la Moselle pose un problème particulier, ces territoires n’étant pas français au moment de l’adoption de la loi de 1905. Ils connaissent donc un statut particulier, leur permettant de continuer d’appliquer les lois antérieures à 1906. On appelle ce statut concordataire, par référence au statut antérieur, celui du Concordat napoléonien de 1801.

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Ce statut repose sur la reconnaissance officielle par l’État français des quatre cultes de l’époque, catholique, luthérien, réformé et israélite. Les archevêques de Strasbourg et de Metz, le président et le vice-président des organisations protestantes et les présidents de consistoires juifs sont juridiquement nommés par l’État. L’État prend en charge la rémuné-ration des ministres de ces quatre cultes. Enfin, l’enseignement religieux est obligatoire dans les écoles publiques, même si les parents peuvent demander une dispense.

Enfin, le pape Pie XI lui-même accepte le principe de laïcité en 1924, dans son encyclique Maximam gravissimamque.

3. Les nouveaux défis de la laïcité à la française

Le principe de laïcité est inscrit dans le préambule de la Constitution de la IVe République, en 1946. Ce principe s’exprime dans l’enseignement mais aussi dans l’encadrement des relations financières entre les col-lectivités publiques et les religions et par le principe de neutralité des services publics.

À partir de la Seconde Guerre mondiale, les grandes religions – et le ca-tholicisme en particulier sont confrontés à un fort déclin de la pratique religieuse. En 2006, si 65% des Français se déclarent catholiques, ils ne sont que 10% à pratiquer régulièrement cette religion.

La question scolaire reste un enjeu sensible. En 1959, la loi Debré crée les écoles privées sous contrat. Ces écoles bénéficient d’un financement public – leurs enseignants sont rémunérés par l’État – mais sont sou-mises aux obligations de service public. Pour autant, les tensions autour de la division école publique/école privée n’ont pas disparu. En 1984, le projet du gouvernement socialiste porté par le Ministre de l’Education Nationale, Alain Savary, vise à créer un « service public unifié et laïc de l’éducation nationale ». Les associations des parents de l’école libre se mobilisent contre ce projet de loi et organisent le 24 juin 1984 des ma-nifestations qui regroupent entre 550 000 et 2 millions de personnes se-lon les sources, en présence des responsables de l’Église catholique. A l’inverse, la tentative de réforme de la loi Falloux par François Bayrou en 1993, ministre de l’Education Nationale d’un gouvernement de droite, est vivement critiquée par les partis de gauche et entraîne une manifes-tation de plusieurs centaines de milliers de personnes.

Aujourd’hui, la laïcité est confrontée à de nouveaux enjeux. La loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics li-mite le port de signes religieux dans le cadre scolaire. Discutée dans son principe même, cette loi semble plutôt bien respectée et n’a pas entraîné d’opposition profonde.

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Les femmes dans la vie politique et sociale de la France au XXe siècle

1. Une condition féminine en contradiction avec les idéaux républicains

Statue de la République

Les femmes avaient été largement tenues à l’écart de l’émancipation po-litique de 1789. Le Code civil de 1804 a, quant à lui, institutionnalisé leur infériorité. La femme doit obéissance à son père, puis a le statut d’être mineur et incapable quand elle se marie. Elle n’a aucun droit politique.

L’évolution se fait très lentement : en 1875, une loi permet aux femmes mariées d’ouvrir un livret de Caisse d’Epargne, mais il faut attendre 1895 pour que les femmes puissent en retirer leur argent sans l’autorisation de leur mari.

Pourtant, c’est une femme, Marianne, qui est l’allégorie de la Répu-blique.

C

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Statue de la République, inaugurée le 14 juillet 1883, Place de la République à Paris. La Répu-blique est personnifiée par le personnage de Marianne, habillée à l’antique, portant le rameau d’olivier, en signe de paix, elle tient les tables de la Loi de sa main gauche.

© akg-images.

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Dans les faits, les Républicains s’opposent à l’idée d’accorder le droit de vote aux femmes. Leur crainte principale est liée à l’idée que les femmes sont plus pratiquantes que les hommes, et seraient influençables : dès lors, leur donner le droit de vote, c’est autoriser le curé à influencer leur suffrage.

2. La conquête des droits politiques

Cette situation est de plus en plus dénoncée par des groupes actifs de militantes, les féministes. Elle est en effet en contradiction avec :

E Le désir d’émancipation des femmes qui accèdent progressivement aux études. Ainsi en 1900, Jeanne Chauvin devient la 1ere femme à prêter le serment d’avocat, ce qui donne lieu à une importante produc-tion de caricatures représentant un monde bouleversé par l’irruption des femmes dans les bastions masculins.

La femme avocat - suspension d’audience, carte postale des années 1900

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Photo : MORINET

© Jean Vigne / Kharbine-Tapabor

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E Le tableau suivant fait apparaître le caractère tardif de cette obtention.

1893 : instauration du vote des femmes en Nouvelle-Zélande

1902 : instauration du vote des femmes en Australie

1907 : Finlande

1913 : Norvège

1915 : Danemark

1918 : Grande-Bretagne, Suède, Allemagne, Russie soviétique, Po-logne, Canada (sauf le Québec, en 1919)

1934 : Turquie

1935 : Philippines ; les femmes votent dans tous les pays d’Europe à l’exception de la Suisse, de l’Italie, des États des Balkans … et de la France

Dès lors, la conquête des droits politiques va être entreprise par une ac-tion militante, sur le modèle des mouvements de suffragettes très actifs aux États-Unis et en Grande-Bretagne avant la Première Guerre mondiale. A la fin du XIXe siècle, quelques militantes lancent des mouvements féministes et expriment leurs revendications dans des publications : Hubertine Auclert lance le journal La Citoyenne en 1881, Maria Mar-tin crée le Journal des femmes dix ans plus tard, Marguerite Durand, la Fronde en 1893. Les mouvements féministes se regroupent dans le Conseil national des femmes françaises en 1901 et organisent des mani-festations, lancent des pétitions, perturbent les séances de l’Assemblée nationale ou la tenue des élections. Le mouvement reste limité à des cercles très restreints : la grande manifestation suffragiste organisée à Paris en juillet 1914 ne réunit que 6000 personnes.

La Première Guerre mondiale constitue un tournant important dans l’his-toire des femmes : mobilisées à l’arrière, émancipées de fait par l’ab-sence des hommes partis au combat, elles obtiennent à son issue le droit de vote dans de nombreux pays européens encore réticents, comme la Grande-Bretagne (voir chronologie). Pourtant, en 1922, le Sénat refuse d’examiner les articles de la proposition de loi sur le vote des femmes.

Dès lors, la mobilisation féministe prend de l’ampleur. La militante Louise Weiss mène cette mobilisation : son association « la femme nou-velle » fondée en 1934 en faveur de l’égalité des droits civiques multi-plie les actions spectaculaires. Le 2 juin 1936, elles apportent devant le Sénat des chaussettes où est brodée cette inscription : « même si vous nous accordez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées ». En 1936, Léon Blum fait entrer trois femmes dans son gouvernement au poste de sous-secrétaires d’État, alors qu’elles ne peuvent voter ni être élues : Cécile Brunschvig à l’Education Nationale, la grande scientifique

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Irène Joliot-Curie, fille de Marie Curie, à la recherche scientifique et Su-zanne Lacore à la santé publique.

Une de l’hebdomadaire La Française, 5 juin 1936 « Trois femmes font partie du gouvernement ».

© Bibliothèque Marguerite Durand / Roger-Viollet

Néanmoins, il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que les Françaises obtiennent le droit de vote, le 21 avril 1944, qu’elles exercent pour la première fois en avril 1945. Cette conquête consacre l’engagement des femmes dans la Résistance française, incarnées par de grandes figures comme Emilie Tillion (gazée à Ravensbruck en 1945),

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sa fille Germaine Tillion ou Lucie Aubrac. Les femmes représentent 20% des membres de la Résistance.

3. Émancipation et persistance des inégalités

Les facteurs de l’émancipation :

E L’émancipation économique et sociale : une série de lois consacre l’évolution sociale qui a vu l’augmentation du taux d’activité féminin et l’augmentation du niveau de qualification des femmes : en 1964, le nombre de bachelières est pour la première fois supérieur à celui des bacheliers et les filles sont aujourd’hui plus diplômées que les garçons. En 1965, les Françaises obtiennent l’autorisation de pouvoir travailler sans l’accord préalable de leur père ou de leur mari. En 1972, une loi impose l’égalité salariale homme/femme, qui n’est toujours pas respectée aujourd’hui – à qualification équivalente, les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que leurs collègues masculins. De plus, les études sur la pauvreté montrent que ce sont les familles monoparentales – pour la plupart des femmes élevant seules leurs enfants – qui sont victimes de la pauvreté. Les femmes non quali-fiées sont souvent contraintes d’accepter des emplois à temps partiel contraint, précaires, aux horaires tardifs…

E L’émancipation des corps : dans les années 1960 et 1970, les reven-dications féministes se déplacent sur la maîtrise du corps féminin et donc les questions de contraception et d’avortement. La loi Neuwirth de 1967 libéralise l’accès à la contraception répondant à la revendica-tion « Un enfant quand je veux ». Il faut attendre 1975 pour que la loi Veil, du nom de Simone Veil, légalise l’avortement. Cette dernière doit affronter l’opposition virulente d’une partie des députés de sa propre famille politique. De plus, le viol est considéré comme un crime par la loi en 1980, et la loi de 1992 condamne le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

E L’égalité politique, de fait, se traduit difficilement par un égal accès au pouvoir politique. Les femmes ont longtemps été très peu présentes dans les gouvernements, même si cette féminisation augmente pro-gressivement. Il n’y a eu qu’une femme Premier Ministre, Edith Cresson en 1991, et aucune femme Présidente de la République. De même, les effectifs de l’Assemblée Nationale et du Sénat restent majoritairement masculins. La loi du 6 juin 2000 sur la parité en politique a nécessité une réforme constitutionnelle. L’article 3 de la Constitution énonce do-rénavant : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Cette parité s’impose pour les scrutins de liste, comme les élections municipales ou régio-nales, mais pas pour les scrutins majoritaires uninominaux, comme les élections législatives. Dès lors la portée en est pour le moment restée limitée.

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Étude de document

On ne naît pas femme : on le devient (…) Jusqu’à douze ans, la fillette est aussi robuste que ses frères, elle manifeste les mêmes capacités intel-lectuelles ; il n’y a aucun domaine où il lui soit interdit de rivaliser avec [eux]. Une grande partie du travail domestique peut être accomplie par un très jeune enfant ; on en dispense d’ordinaire le garçon ; mais on per-met, on demande même à sa sœur, de balayer, épousseter, éplucher les légumes, laver un nouveau-né, surveiller le pot-au-feu. […] La fillette sera épouse, mère, grand-mère ; elle tiendra sa maison exactement comme le fait sa mère, elle soignera ses enfants comme elle a été soignée : elle a douze ans et déjà son histoire est écrite au ciel ; elle la découvrira jour après jour sans jamais la faire ; elle est curieuse mais effrayée quand elle évoque cette vie dont toutes les étapes son d’avance prévues et vers laquelle l’achemine inéluctablement chaque journée.

Simone de Beauvoir, le Deuxième sexe.© Éditions GALLIMARD. « Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés.

Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la consultation individuelle et privée est interdite ». www.gallimard.fr

1 Expliquez la première phrase du texte.

2 Comment Simone de Beauvoir définit-elle la destinée féminine ?

3 Que peut-on dire de ce texte cinquante ans après ?

1 « On ne naît pas femme, on le devient » : Simone de Beauvoir montre que la différenciation homme/femme est moins naturelle que cultu-relle. Les jeunes enfants ne montrent pas de caractéristiques très différentes en termes de capacités intellectuelles ou physiques. La construction de l’identité – l’invention du « genre » masculin et fé-minin – est donc très largement le résultat d’un processus social et culturel.

2 L’éducation reçue par la petite fille des années 1940 la destine à être une bonne mère de famille, une bonne ménagère, une bonne épouse. L’injuste partage du travail domestique la différencie de son frère et la prépare à ce qui sera le cœur de son existence : le foyer et les enfants.

3 L’émancipation politique et sociale des femmes dans la seconde moi-tié du XXe siècle permet de mesurer le chemin parcouru depuis 1949. Pourtant, les femmes assument toujours la plus grande partie des tâches ménagères et ont du mal à accéder aux postes les plus hauts placés dans l’entreprise, l’université, au sein des partis politiques et de l’administration. Les femmes de pouvoir sont encore présentées comme remarquables… La situation a donc évolué mais ne s’est pas radicalement transformée.

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Questions

Réponses

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