aikido mag 2003/12

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AÏKIDO AÏKIDO m a g a z i n e FÉDÉRATION FRANÇAISE D’AIKIDO AIKIBUDO ET AFFINITAIRES Alain VERDIER L’expérience tranquille Josette NICKELS Marc BACHRATY KINOMICHI L’ART DU MOUVEMENT LE DOSHU MORITERU UESHIBA À PARIS IKI M G 13 DEF 5/12/03 08:25 Page 1

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Le magazine de la Fédération française d'Aïkido, dAïkibudo et Affinitaires. Numéro de décembre 2003.

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AÏKIDOAÏKIDOm a g a z i n e

F É D É R A T I O N F R A N Ç A I S E D ’ A I K I D O A I K I B U D O E T A F F I N I T A I R E S

AlainVERDIERL’expériencetranquille

JosetteNICKELS

MarcBACHRATY

KINOMICHIL’ART DU MOUVEMENT

LE DOSHU MORITERUUESHIBA À PARIS

IKI M G 13 DEF 5/12/03 08:25 Page 1

VERS LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE

L’aïkidoka doit être déterminé.Impatience, pusillanimité, et autres manifestations caractérielles n’y sont pas de bon aloi car elles ne fontqu’empêcher l’aboutissement vers une solution juste.Ce qui doit être évident sur le tatami l’est tout autant en dehors.C’est pourquoi il ne faut pas être attristé par le fait que la fusion complète des Fédérations actuellement existantes n’a pas pu être acceptée par nos partenaires dans l’UFA car cette fusion va être actée comme inéluctable.Et surtout, grâce à l’infinie patience dont nous sommes redevables à Jean-Luc Rougé, médiateur pour le compte du ministère, cette fusion se fera sur des bases saines.Concrètement, il a été conclu, outre une refonte des jurys d’examen qui ne seront plus paritaires, qu’il n’y apas plusieurs aïkidos mais une discipline unique.En conséquence, il est aujourd’hui écrit que pour cette Fédération unifiée à venir, il ne pourra y avoir « derétrocession sur les licences à des écoles ou des groupes ».C’est une nouvelle ère qui s’ouvre.Il ne faut pas oublier que la discipline est jeune, et qu’après une période très marquée par les différentes personnalités de ceux qui apprirent auprès de O’ Sensei, nous arrivons maintenant au stade de la maturité en revenant à l’unicité originelle.Persévérer dans la dispersion aurait conduit à la disparition de la discipline, alors que le seul objectif de notreorganisation est d’en assurer le développement.Mais pour assurer l’avenir, dont nous sommes responsables, de ceux qui viennent à cette discipline, il fallaitfaire admettre, comme nous avons pu le faire vivre au sein de la FFAAA, que l’aïkido appartient à tous à égalité.Chacun peut et pourra donc suivre et contribuer à l’école qui lui plaira sans quecelle-ci ne puisse se détacher de la communauté qui lui a permis d’éclore.La primauté des enseignants pour dire ce qu’est l’aïkido n’en est d’ailleurs queplus évidente parce que plus libre.Bien sûr, pour qu’une telle organisation de l’ampleur de celle à venir puisse fonc-

tionner démocratiquement, c’est-à-dire sans tyranni-ser qui que ce soit, il y faudra encore là une vraievolonté.Et entre maintenant et cette fusion que nous sou-haitons proche, il n’y aura pas trop de temps pourque chacun prenne en charge le sort de la collecti-vité en même temps que le sien propre.Il faudra certainement rappeler à de multiples occa-sions que la démocratie n’est pas plus une donnéenaturelle qu’une incantation ou le résultat d’uneméditation assise, mais simplement une envie departager, de participer, de bouger, de vivre.La Démocratie est l’art des faibles, me direz-vous,mais justement c’est cela un art martial et encoreplus l’aïkido qui nie toute force, toute injustice,toute suprématie jusqu’à refuser même toute victoire.

Maxime DelhommePrésident de la FFAAA

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éDITO par maxime delhomme

AÏKIDO MAGAZINE décembre 2003 est édité par FFAAA, 11 rue Jules Vallès - Tél: 01 43 48 22 22 - Fax: 01 43 48 87 91.www.aikido.com.fr - Email : [email protected]

Directeur de la publication: Maxime Delhomme. Directeur administratif: Sylvette Douche.Photographe: Jean Paoli. Illustrateur: Claude Seyfried - stix. Toutes reproductions interdites sans autorisation préalable. Réalisation: Rose Night

Le Président,le Comité

Directeur et lesecrétariat de

la FFAAA souhaitent que

l’année 2004

soit pour vouset les vôtres

source de paix et

de bonheur.

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infos-stagesSTAGES NATIONAUX ET STAGES JEUNESSAISON 2003/2004

DÉCEMBRE 200307 décembre Christian Tissier - Paris21 décembre Christian Tissier - Dijon

JANVIER 200404 janvier Christian Tissier - Lyon10 janvier Christian Tissier - Marseille10 et 11 janvier Franck Noël - Pont à Marcq11 janvier Christian Tissier - Bordeaux ou Lormont18 janvier Bernard Palmier - Troyes18 janvier Franck Noël - Rouen

FÉVRIER 200407 et 08 février Doshu - Paris10 au 15 février Jean-Michel Mérit - Guadeloupe28 et 29 février Franck Noël – Nantes

MARS 200413 mars Christian Tissier - Pont à Mousson14 mars Christian Tissier - Brest21 mars Christian Tissier - Clermont Ferrand21 mars Franck Noël - Paris28 mars Bernard Palmier - Toulouse

AVRIL 200404 avril Christian Tissier - Poitiers18 avril Alain Guerrier - Boulouris

MAI 200402 mai Christian Tissier - Lons le Saunier15 au 23 mai Franck Noël - Saint Denis La Réunion29 et 30 mai Paul Muller - Corte20/21 et 22 mai Jean-Michel Mérit - Narbonne-jeunes

JUILLET 200405 au 09 juillet G. Maillot / P. Muller / G. Rettelstage préparation BEES 1er et 2è degrés.

AOUT 200423 au 27 août B. Palmier / F. Noel - Dinardstage enseignants et futurs enseignants

AU REVOIR MICHEL…

Michel Leveaux nous aquittés. Toutes celles etceux, anciens et plusjeunes, qui l’ont connu,côtoyé se souviendront delui, qui jusqu’au bout seramonté sur le tapis et se seraentraîné avec chacund’entre nous avec gentilles-se, humilité et passion.Pionnier de l’Aïkido dans leNord, il commença à prati-quer cette discipline auclub de Cambrai auquel il

restera toujours fidèle. En1977 il entrera au comitédirecteur de l’UNA.Aujourd’hui encore,membre de la commissiondes anciens de la ligue, ilavait à cœur de donner unpeu de son temps àl’Aïkido.Michel, nous chercheronslongtemps encore, lors denos stages, ta silhouette surle tatami, nous rappelantalors que tu as rejoint parune dernière esquive leparadis des aïkidokas.

STAGES- Fréjusstage dirigé par Alain Guerrier 6e dan,et Phillipe Grangé 4e dan du 29 au 31mai 2004. Rens : 0494531400

- Ile de Noirmoutierstage dirigé par Joel Roche 5e dan, du29 au 31 mai et du 12 au 18 juillet 2004.Rens : 0241487566

- St Pierre d’Oléronstage dirigé par Franck Noel 6e dan, du19 au 31 juillet 2004. Rens : 0561261031

- Hendayestage dirigé par P. Grangé 4e dan, du 11 au 17 juillet 2004. Rens : 0556808658

- La Plaine Toniquestage dirigé par Patrick Bénézi 6e dan,

du 11 au 23 juillet 2004.Rens : 0148086442 - 0611401931

- Creststage dirigé par Alain Guerrier 6e danet Phillipe Grangé 4e dan, du 19 au 25juillet 2004. Rens : 0663061400

- Roquebrune / Argensstage dirigé par Christian Tissier 7e dan, du 25 juillet au 6 août 2004.Rens : 0603247649

- Porto Vecchiostage dirigé par Christian Mouza 4e dan, du 26 au 31 juillet 2004. Rens : 0608162488

- Estavarstage dirigé par Franck Noel 6e dan, du7 au 14 août 2004. Rens : 0561261031

STAGE EXCEPTIONNEL à PARISLes 7 et 8 Février 2004

dirigé par Moriteru Ueshiba,

doshupetit-fils du fondateur de l’Aïkido

Stade Charléty17, Ave Pierre de Coubertin - 75013 Paris

Inscriptions auprès de votre club pour le stage,

le cocktail et le diner spectacle au Paradis Latin.

AIKIDOOrigine et TransmissionDurée 1h 08mn - VHS Pal ou DVD

Réalisation :

Alain GUERRIER 6e dan

de l’Aïkikaï de Tokyo

Le réalisateura retracé la

vie de Morihei UESHIBA

depuis sa maison natale

de Tanabé jusqu’au nord

de Hokkaïdo en s’arrê-

tant sur les lieux qui

furent marquants dans l’élaboration de cet art.

Dans ce film, réalisé en vidéo numérique, Alain

Guerrier a inclus des prises de vue réalisées par

lui-même en super-8 lorsqu’il résidait au Japon,

concernant les maîtres qui ont assuré la succession

directe : Kishomaru Ueshiba, Yamaguchi Seigo,

Osawa, mais aussi, pour la transmission en France :

Tadashi Abe à Marseille en 1959, Mutsuro Nakazono

en démonstration à Valence puis à Marseille sur la

Canebière à l’occasion des fêtes du 1er mai ;

Masamichi Noro au cours de son 1er stage au Dojo-

Beach, à Fréjus-Plage, en plein mois d’août.

Prix DVD : 39€ Frais de port : 5€

Prix VHS : 35€ Frais de port : 6€

Pour toute commande :

Tél / Fax : Alain Guerrier : 04 94 53 14 00

ATTENTION ! AVANT LE 1ER JANVIER POUR LA SOIRÉE CABARET DU SAMEDI

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kinomichi

le mouvementuniversel du ki

SENSEI, VOUS AVEZ DÉBUTÉLA PRATIQUE PAR LE KENDO,JE CROIS, ET PLUS TARDL’AÏKIDO, QUELLES ÉTAIENT

VOS MOTIVATIONS ?D’abord, je dois dire, qu’enfant j’étaistrès souvent malade, c’était affreux. Jedevais souvent rester au lit. Vers 8, 9ans, j’étais un petit garçon plutôtfaible. À la sortie de la dernière guerre,beaucoup d’officiers se sont retrouvéssans travail. Un de ces officiers ami,qui passait chez nous, dès qu’il m’a vu,a dit : « Un garçon faible comme ça, cen’est pas possible. Il faut lui faire fairedes exercices physiques. » Mon pèreétait très content, il pensait que cet offi-cier ferait de moi un être raisonnable.L’officier a déclaré : « Je sais faire beau-coup de choses, je suis kendoka. Jevais lui apprendre le Kendo. Il fautqu’il pratique le Kendo. » J’avais 10 ans à ce moment-là. Dans lemême temps, il a dit : « J’ai rencontréMaître Ueshiba. Il a des techniquesmagnifiques. » Le nom de l’Aïkido étaitdéjà dans ma tête, mais comme il étaitspécialiste de Kendo, j’ai fait duKendo. Mon père était vraimentcontent, il voyait que petit à petit, je medéveloppais. Ensuite, j’ai commencé àm’intéresser au corps, au mouvement

du corps. Mais à cette époque mesparents voulaient que je devienne unjour médecin, c’était leur principalepréoccupation. Ma famille résidaitdans le nord du Japon. J’ai été envoyéau lycée à Tokyo. Les premières annéesj’ai étudié très sérieusement pour faireplaisir à mes parents. Mais un jourquand j’ai vu du Judo, j’ai voulu enfaire. Je suis rentré au dojo de la police,je suis rapidement devenu 1er dan etpuis j’ai fini par rentrer en faculté demédecine.

C’EST À CETTE ÉPOQUE LÀ QUEVOUS AVEZ RENCONTRÉ MORIHEIUESHIBA.Je n’acceptais pas de passer montemps à faire des études. Je l’ai dit àmon oncle qui était un ami d’école deKisshomaru Ueshiba, le fils du fonda-teur de l’Aïkido, dont j’avais entenduparlé 10 ans auparavant. Il m’a répon-du : « Si tu réussis en médecine, je teprésenterais au grand maître del’Aïkido et tu pourras pratiquer. Jet’amènerai au dojo du fondateur. »Immédiatement je me suis mis auxétudes, et j’ai été reçu 2éme auconcours d’entrée à la faculté. C’étaiten 1955, mon oncle m’a emmené audojo de Morihei Ueshiba. J’ai commen-

cé la pratique tout de suite, le premiercours du matin. Kishomaru m’a attra-pé, m’a fait shiho nage… j’étais judokadepuis plusieurs années, je n’auraisjamais pensé que quelqu’un puisse meprojeter comme ça. C’était pas pos-sible. J’ai été très étonné de cette tech-nique, maître Ueshiba avait été sanspitié pour moi, mon poignet été devenutrès douloureux. Deux jours plus tard,Morihei Ueshiba était là. J’ai vu, j’aicompris, c’était magnifique ! Un vieilhomme comme lui, faisant de telsmouvements, se déplaçant remarqua-blement, avec ses cheveux et cettebarbe blanches, c’était incroyable. Jeme demandais où j’étais. Dès les pre-miers jours j’ai décidé de m’installercomme deshi. Je suis venu avec monfuton, j’ai salué le maître Ueshiba quim’a introduit, puis je me suis installé. Àcette époque là il y avait déjà, Tamurasensei, Arikawa sensei, il y avait égale-ment Okumura sensei, Tada senseientres autres comme externes. Nousn’étions pas nombreux, parfois 5, 6pratiquants seulement. À l’époque,Kishomaru Ueshiba était salarié dansune entreprise pour subvenir auxbesoins de sa famille, et de O senseison père également. La vie n’était pasfacile, ils vivaient tous avec très peu de

moyens. Mais tout se passait magnifi-quement, alors j’ai pris ma décision. Jesuivrai les trois cours quotidiens, dontun dirigé par Osawa sensei. J’étais vrai-ment enthousiasmé.

EN QUOI LA RENCONTRE AVECMORIHEI UESHIBA A ÉTÉ DÉTERMI-NANTE POUR VOUS ?Le contact avec O sensei est inexpli-cable. Tout s’est fait très simplement. Ilétait là, par sa seule présence, par toutce qui émanait de sa personne, j’ai étéemporté. O sensei nous disait : « Ma viec’est la réalisation de l’amour. » J’aivoulu dès cet instant devenir très viteson « chou chou ». Je me disais qu’il fal-lait que j’arrive à être bien avec lui pourprogresser le plus vite possible. Pourqu’il me donne beaucoup. Un an plustard, j’étais par mon travail un de sesélèves les plus proches. Un matin O sen-sei me dit : « Noro, tu es libre ? » Commeje lui répondais par l’affirmative, il pour-suit : « Nous allons à Iwama. » J’ai prisnos bagages, et nous sommes partispour Iwama. C’était ma première ren-contre avec ce lieu aujourd’huimythique.À Iwama, il y avait Saïto et Isoyamasensei entre autres. Je dormais dans ledojo. À 5 h 30, O sensei commençait la

À l’Aïkikaï de Tokyo Masamichi Noro, surdoué de l’Aïkido, devient très vite un desuchi-deshi préférés de Morihei Ueshiba, qui n’hésite pas à l’envoyer, malgré sonjeune âge, comme délégué officiel de l’Aïkikaï pour l’Europe et l’Afrique. MasamichiNoro arrive en France en 1961, il a tout juste 25 ans. Succédant ainsi à Tadashi Abe,il va ouvrir près de 250 clubs d’Aïkido et verra arriver en France Tamura Nobuyoshiainsi que Nakazono Mutsuro. En constante recherche, il crée sa propre voie en 1979,sur les bases d’exercices mis au point pour se remettre d’un très grave accidentdont il fut victime en 1961 : le Kinomichi, littéralement Voie de l’Énergie. En 2001, le groupe NoroKinomichi a rejoint la FFAAA comme discipline affinitaire.Dans son Korindo dojo de l’avenue des Batignolles, Masamichi Noro nous reçoit pourévoquer ce parcours d’exception et sa pratique, sans jamais se départir de ce sourire chaleureux que tous ceux qui furent ses élèves lui connaissent bien.

masamichi noro

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journée par la prière avant de passeraux exercices. Un jour il dit : « Noro,viens, prends un bokken. » J’arrive trèsému avec mon bokken. Tout d’un coup,il frappe mon bokken… Mon corps aété comme électrifié… j’ai lâché le bok-ken. Il a fait une moue de pitié en medisant : « Noro, ça va pas, ça va pas ? »Il me dit : « Jo, maintenant. » J’ai pensé,il va frapper comme avec le bokken. Jem’y attendais. Au même instant il frap-pe avec le jo. Il s’est passé le contraire.Lui même a du sentir mon énergie, ilm’a dit : « Noro tu vas faire du jo…»Mais attention, mon bokken il est pasmal non plus ! Cependant depuis cemoment je fais quelques complexes vis-à-vis du bokken. Il a voulu que je conti-nue l’exercice après le cours. Il m’amontré des roseaux géants dans le jar-din et m’a dit : « Voilà ton partenaire. »Il m’a montré un mouvement techniqueen me disant : « Fais ça ! » « Oui sen-sei. » Je commence, mais au Japon, onn’arrête pas la pratique avant que lemaître le dise. Il s’était assis à unetable et me regardait. Le temps s’écou-lait, je faisais la technique, combien detemps je ne sais pas, mais jusqu’àépuisement. Je me suis approché de lui à quatrepattes pour demander pardon de m’êtrearrêté. Mais en fait, il dormait… !

COMMENT A ÉTÉ DÉCIDÉ VOTREDÉPART POUR LA FRANCE ?Normalement c’est Tada sensei et moiqui devions venir en Europe après leretour au Japon de Tadashi Abe, pourlui succéder dans ses fonctions. Nousétions délégués pour l’Europe et pourl’Afrique. C’est O sensei qui a décidésur une proposition de Kishomaru.C’est comme ça qu’en 1961, j’ai débar-qué à Marseille, après une longue tra-versée en bateau. Je me suis d’abordinstallé à Cannes. J’étais seul, Tadafinalement avait décidé de rester auJapon. Je devais changer de pays tousles trois mois car je n’avais pas de visade séjour, Italie, Allemagne, Afrique. Jesuis resté 8 ans sans pouvoir rentrer auJapon. C’était pas possible, ça coûtaittrès cher et j’avais très peu de moyens,malgré les 250 sections que j’avaisréussi à ouvrir. Fin 1968, je suis rentréau Japon parce que mon père était trèsmalade. Dès que j’ai posé le pied, jesuis allé directement à l’Aïkikaï, c’estnormal. Je suis resté dormir et j’ai assis-té au cours de O sensei dans le nou-veau dojo où il y avait maintenantbeaucoup de pratiquants. Il était trèsâgé, sa mémoire était devenue trèsfaible. J’étais en seiza parmi les autres,O sensei s’approche de moi et medemande : « Qui es-tu ? » « O sensei, je

suis Noro. » Puis il part et puis revient: « D’où viens-tu ? » « D’Europe, Osensei » Il m’a redemandé 4 ou 5 fois.Alors Kishomaru s’est approché et lui adit que j’arrivais de Paris. Tout d’uncoup, il a réagi et s’est mis à sauter dejoie en disant : « Noro est là, Noro estlà ! » Je voyais que tout le monde sedemandait ce qu’il avait. C’était dansles derniers moments de sa vie. Peu detemps après il est décédé.

J’IMAGINE QUE LE PROCESSUS DECRÉATION DU KINOMICHI A ÉTÉASSEZ LONG, QUAND S’EST-ILIMPOSÉ À VOUS ?Tout d’abord il y a eu ce premier chocpour moi. Un accident de voiture en1966 où j’ai été laissé pour mort. Lavitesse me passionnait. Quand je suisrevenu à moi, je me souviens bien,deux ou trois de mes élèves étaient àmes côtés qui me regardaient. Ils m’ontdit : « Vous avez eu un accident en voi-ture. » Tout le monde était très inquiet.J’étais allongé dans mon lit, tout desuite j’ai fait bouger un pied puisl’autre. Donc je pouvais faire quelquesmouvements. La main droite pas deproblème, la main gauche, paralysée,aucune sensation. J’ai demandé à par-ler à un médecin à qui j’ai demandécomment ça se fait que ma main neréagit pas. Il m’a répondu : « D’iciquelques mois ça reviendra. » J’étaissoulagé. J’avais conservé la possibilitéde bouger. Mais durant ces momentsde souffrance, je me suis posé beau-coup de questions. Je me disais :Qu’est-ce que c’est que cette vie là ?Que suis-je moi-même ? J’ai dit aumédecin que je voulais quitter la cli-nique dans une semaine, que je vou-lais faire des exercices pour développermon corps de nouveau. Il ne voulaitpas me libérer avant un mois. Ce

À mainsnues ou aux

armes leKinomichi

reprendtoutes les

techniquesde bases,de

l’Aïkido.

NAISSANCE DE LATENUE DU KINOMICHI

Reconnaissable entre tous, lehakama du Kinomichi est né, audébut des années 80, de l’inspira-tion d’une élève de maître Noro.Styliste chez Hanae Mori, la mai-son de haute couture de renom-mée internationale, Mouchy, surla demande de maître Noro va luiproposer divers croquis, directe-ment inspirés des tenues dessamouraï du 17e et 18e sièclesqu’elle avait référencée lors deses multiples séjours au Japon.La tenue blanche actuelle et laveste blanche que portent leshakama sont fabriqués en Franceà partir de l’un de ses croquis.Le hakama rayé, fabriqué auJapon, est référencé dans lagamme des échantillons fournispour les hakama traditionnels.

Le MON estl’emblème dela famillepaternelle demaître Noro.

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kinomichi

n’était pas possible. Mais comme je fai-sais bêtises sur bêtises, il a fini pardemander à mon élève de m’emmenerailleurs. J’ai commencé les exercices,j’ai demandé à Asaï qui est enAllemagne de venir me rejoindre et jelui ai dit : « Asaï, à partir de mainte-nant, exercices tous les deux. »Dix jours après l’accident, je commen-çais les exercices, mais mon corps nesuivait pas. J’avais partout des cica-trices. Le choc avait été très dur, maisj’avais envie de m’en tirer. Je m’entraî-nais sans cesse, et dans le même tempsje me questionnais encore, ma vie,cette énergie en moi. Que suis-je ?J’avais une énergie extraordinaire. Jesentais la flamme en moi. Je voulaisdans mes exercices dépasser meslimites. Je ne pensais qu’en termesd’énergie. Je me rappelais les parolesde O sensei : « Homme, ciel, terre. » Il

disait souvent : « C’est cercle, carré, tri-angle. Le cercle c’est l’univers entier, lecarré c’est la terre, le triangle c’estl’homme. L’harmonisation de ces élé-ments, c’est le ki. » Tous ces exercices,je les faisais à partir du centre vital, lehara. C’est le moteur de l’énergie, detout. C’est cette force qui est en contactavec le ciel et la terre. Je saisissais tou-jours plus les paroles de MoriheiUeshiba.Un jour, plusieurs années après monaccident, comme je marchais dans laforêt, en regardant un arbre j’ai repen-sé à O sensei qui avec sa main réalisaitl’harmonie entre l’arbre et lui-même. Jem’interrogeais. Comment l’arbre réaliseson énergie de vie ? Il puise sa forcedans la terre par ses racines, elle passepar le tronc pour s’élever vers le ciel encréant un espace vital. C’est ça, c’est çaqu’il faut, me suis-je dit. Je cherchais

partout comment réaliser l’équilibredans mon corps, ça devenait plus clair.Si nous réalisions l’énergie entre ciel etterre. Si mon corps énergie est harmo-nisé avec le souffle de la terre. Ce n’estpas simple mais c’est là notre force devie. Un jour Graf von Durckheim, queje considérais comme mon ami, et dontje suivais l’enseignement, me dit : «Qu’elle est ton idée ? » Je lui ai répon-du que le hara, c’est l’outil pour réali-ser l’énergie. L’homme doit utiliser sonénergie vitale centrée dans le hara.Pour se réaliser, il doit harmonisercette énergie, la force de la terre avec laforce du ciel. Pour vivre, notre forcedoit rester sur terre. Si nous élevons

cette force vers le ciel, il nous renvoiesa force d’équilibre. La force du cielpasse par notre corps vers la terre ; lesdeux forces se rejoignant au cœur denotre corps. J’étais convaincu que tantque nous vivons, nous devons faire desexercices de terre-ciel pour garder cetteénergie. En Aïkido, on parle égalementde centre vital. De fait, j’étais arrivé àune réalisation personnelle, parfois enopposition avec la pratique de monmaître Morihei Ueshiba. À ce momentlà, j’ai pensé qu’il fallait que je quittel’Aïkido. Ce n’était pas facile à assu-mer. J’en ai parlé à mes proches. Je leurai dit qu’avec l’Aïkido j’avais connu laréussite, mais que maintenant, lemoment était venu de créer ma proprevoie. Que je la nommais, Kinomichi, lavoie de l’énergie. Que maintenant, lavie sera peut-être moins facile, moinsconfortable… J’aurais pu continuer àenseigner l’Aïkido, mais il aurait falluque je triche avec moi-même.Inimaginable. En décidant de me lan-cer dans cette voie, je prenais desrisques importants, notamment de nepas être suivi par mes élèves. Il y avaitbeaucoup de raisons objectives que jepuisse me tromper. Tant d’idées, par-fois géniales, n’ont jamais abouti. Jepouvais me retrouver dans l’impossibi-lité de nourrir ma famille et même meretrouver mendiant…J’ai demandé àOdyle mon épouse ce qu’elle pensaitdu nom Kinomichi. Elle m’a répondu : « Kinomichi… Kinomichi…Ça va, c’estbien. » Voilà comment j’ai annoncé lacréation de ma voie. C’était en 1979.Treize ans après mon accident, j’étais

parvenu à la réalisation de ma proprevoie. J’avais expérimenté pendant cesannées un certain nombre de tech-niques de kinésithérapie pour retrou-ver mon équilibre. Le Kinomichi estfondé sur l’ensemble de cette expérien-ce énergétique. Un mois plus tard, tousmes instructeurs sauf deux ou trois ontdémissionné. J’ai aussi perdu la moitiéde mes hakama, j’étais déçu, triste.Entre temps, j’avais eu des mots assezdurs avec Kishomaru Ueshiba concer-nant cette nouvelle organisation demon enseignement, mais nous noussommes finalement et définitivementréconciliés en 1986. Aujourd’hui, jesuis très heureux que le DoshuMoriteru Ueshiba ait répondu favora-blement à l’invitation de la FFAAA devenir diriger un stage en 2004 à Paris.J’avais prévenu ma famille que celapouvait arriver. Maintenant il fallaitreconstruire, mais sur de bonnesbases, lentement, avec le temps.

À QUEL MOMENT AVEZ-VOUSRENONCÉ AU CARACTÈRE MAR-TIAL DE L’AÏKIDO ?Cela fait déjà bien longtemps. Voussavez, toutes les techniques, commeshiho nage par exemple, il fallaitqu’elles soient efficaces. Mais moi jen’ai jamais aimé l’affrontement. J’aitoujours pensé aux paroles révolution-naires de Morihei Ueshiba : « La tech-nique est au service de l’amour. » Aufond de moi je n’aime pas l’affronte-ment, alors le temps était arrivé d’éli-miner tout affrontement. Mais malgréça, si quelqu’un de très puissant, dephysiquement bien développé se pré-sente avec sa force, je lui dis : viens,bouscule moi…Je passe alors ma tech-nique pour montrer que je suis encoredans la recherche.

PRÉCONISEZ-VOUS UN TRAVAILPARTICULIER SUR LE KI ?Beaucoup de pratiquants d’arts mar-tiaux parlent de ki, mais ce ki, ils l’uti-lisent pour s’affronter. Un jour je voisdeux de mes élèves qui pratiquentcomme dans un affrontement. Dansl’exercice, ils étaient très contractés.L’un dit : « Toi, tu as du ki. » Alors jeleur ai dit, ça ce n’est pas du ki. Le kic’est le souffle universel, c’est unsouffle créatif. Ce qui est destructif, cen’est pas du ki. Le ki c’est l’amour etl’amour doit être harmonisation.L’énergie c’est la rencontre homme-

Initiation 1 :3 mouvements de ciel et 3 mouve-ments de terre constituent l’essen-tiel des bases et permettent l’ap-prentissage des positions fonda-mentales : étirements, spirale, dia-gonale et notion de contact avec lepartenaire.

Initiation 2 :les débutants peuvent y participer àpartir de 20 leçons effectuées eninitiation 1. reprise des bases dansle dynamisme.

Initiation 3 :à partir de 90 leçons et avec l’auto-risation de maître noro.initiation 4 et 5 : perfectionnement réservé auxfuturs hakama et aux hakama.

Pratique du jo et du bokken :symbole de la chevalerie japonaise,leur utilisation contribue à affinerles sensations corporelles et lespositions de base.

PROGRESSION DANS L’INITIATION AU KINOMICHI

masamichi noro

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terre-ciel. Quelqu’un qui dans unaffrontement projette son partenairetrès loin, ça ce n’est pas du ki. Dansces moments là, je me dis que tout çadoit changer. Nous devons changer.Quel est le sens de cette vie moderne,qui établit cette relation entre les êtres,quand je vois le monde d’aujourd’huiavec tous ces conflits ? La véritableforce est dans celui qui crée une rela-tion d’amour entre les hommes. Entrel’homme et la nature, entre l’homme etl’univers. C’est cette énergie que leKinomichi veut développer par sesexercices. Mais malgré cela quelqu’unpeut arriver, se durcir et briser cetteharmonie.

QUELS SONT LES PRINCIPES FON-DAMENTAUX QUI DÉTERMINENTLE KINOMICHI ?La rencontre, la communication,l’amour, la paix. Souvent je dis dansmes cours : quand on commence l’édu-cation dans l’enfance, tout n’est queméfiance. Beaucoup de méfiance.Attention, méfie-toi ! À l’école, qui t’asfrappé ? Untel, alors va le tabasser.Quelle note ? Qui est fort ? Qui estfaible ? Plus tard dans la vie active, larivalité s’installe. Il faut être le meilleur.Plus fort, plus beau, etc. Je dis l’énergiedu Kinomichi, ce n’est pas ça. C’estl’esprit d’ouverture, le contact parl’exercice. Cet exercice, c’est commentoptimiser cette énergie qui passe par laterre et s’élève vers le haut en traver-sant le corps. Bien sûr le Kinomichin’est pas seul à utiliser ce principe. Àl’origine de la danse déjà ce principe

dominait. Dans les danses primitivescomme dans les danses modernes,l’énergie s’élève des pieds vers la tête,de la terre vers le ciel. Aujourd’hui mal-heureusement, il n’existe plus de disci-pline qui travaille ce principe terre-ciel.

QUE DEVIENT LA RELATION TORI-UKÉ COMME LA CONNAISSENTLES PRATIQUANTS D’AÏKIDO ?Kinomichi, c’est l’art du mouvement.C’est dans le mouvement que s’expri-me cette énergie dont nous avonsparlé. Tori est au centre de cette spira-le, uké, comme un atome, est en engravitation autour de ce centre. L’espritest dans ce mouvement d’harmonisa-tion entre tori et l’attaque de uké. C’està cela qu’il faut arriver, faire disparaîtrele désir de domination par l’affronte-ment. Tori et uké c’est l’harmonisation.Ce doit être une rencontre pour créer lesouffle de l’harmonisation.

LES TECHNIQUES DE BASES DEL’AÏKIDO SE RETROUVENT-ELLESDANS LE KINOMICHI ?Toutes. Nous travaillons toutes lestechniques de l’Aïkido. Parce que je neconnais que l’Aïkido, pas autre chose.Mais, la première chose à faire, parexemple shiho nage. Nage, projection.Dans la tête vient tout de suite l’idée deprojeter. Ikkyo, autre exemple, immobi-lisation. Déjà, c’est deux exemplesd’un début d’affrontement dans lesesprits, alors j’ai supprimé tous cesnage et immobilisations. De mêmepour ce qui concerne les attaques. J’aigommé l’esprit guerrier de l’attaque,

donc la forme combative des défenses.Les techniques de l’Aïkido sont utili-sées comme vecteur de communica-tion, d’harmonisation, dans l’espritdéfini par O sensei. L’aspect extérieurde shiho nage reste shiho nage, mais àl’intérieur de la forme, ce n’est qu’har-monie. C’est pourquoi je l’ai nommé :premier mouvement du ciel. Et ikkyo :premier mouvement de la terre.

LE TOUCHER, DANS VOTRE PRA-TIQUE, SEMBLE ÊTRE UN ACTELIBÉRATEUR.Bien sûr. Attention ! Le toucher peutaussi être un piège. Dans le Kinomichi,le toucher est un facteur de communi-cation partagé. Il faut faire une distinc-tion, dans le toucher les deux soufflesne doivent pas s’affronter, sinon c’est ladestruction.

AVEZ-VOUS ÉGALEMENT ADAPTÉLE TRAVAIL AUX ARMES DEL’AÏKIDO À VOTRE PRATIQUE ?Tout à fait, les armes de l’Aïkido seretrouvent dans la pratique duKinomichi. L’arme doit être un moyende développer le ki, comme nousl’avons défini précédemment, principa-lement le bokken et le jo. C’est le pre-mier Shogun, Tokugawa, qui a déclaréau XVIIe siècle : « Maintenant assezde guerre, le Japon doit retrouver lapaix. » C’est sous son ère que le sabredu samouraï a évolué vers un instru-ment au service de la paix. L’arme nedevait plus servir à tuer mais aucontraire à favoriser l’équilibre inté-rieur, tout en devenant un symbole depureté comme on le vit aujourd’hui.C’est dans cet esprit que le samouraï

devait utiliser son arme. C’est aussi àce moment que le bujutsu (techniquede guerre), a évolué vers le bugeï (artde paix). La pratique des armes étaitdevenue une pratique dans la joie devivre. C’est dans cet esprit là qu’elles’intrègre dans le Kinomichi. Encoreune fois, la voie que nous a montréeMorihei Ueshiba.

À QUI S’ADRESSE LA PRATIQUE DUKINOMICHI ?À personne en particulier, à tout lemonde, aux enfants comme auxadultes jusqu’à un âge avancé. J’aimême une pratiquante de 80 ans, elleest magnifique, extraordinaire. Il estbien sûr possible de s’initier à tout âge.Le devoir des anciens est de s’ouvriraux débutants. Cette communicationest inscrite implicitement dans leKinomichi.

LE KINOMICHI EST EN QUELQUESORTE L’ŒUVRE DE VOTRE VIE,COMMENT LE VOYEZ-VOUSAUJOURDH’HUI ?Déjà presque 25 ans que nous déve-loppons notre art. Je suis très enthou-siaste. Cet exercice me paraît nécessai-re pour l’humanité. Nous noussommes développés dans de nom-breux pays, en Europe et dans lemonde entier. Le mois prochain jeserais au Mexique où j’ai beaucoupd’élèves. Nous pouvons créer uneautre dimension dans la relationhumaine. Nous sommes déjà nom-breux dans cette pratique. Je ne saispas exactement à quel stade noussommes arrivés, mais le Kinomichi faittoujours plus d’adeptes. ❁

…De fait, j’étais arrivé à une réalisation personnelle, parfois enopposition avec la pratique de mon

maître Morihei Ueshiba. À ce moment là, j’ai pensé qu’il

fallait que je quitte l’Aïkido. Ce n’était pas facile à assumer.

J’en ai parlé à mes proches. Je leur ai dit qu’avec l’Aïkido j’avais

connu la réussite, mais que maintenant, le moment était venu

de créer ma propre voie…

Une recherche d’esthétisme etd’harmonie domine la pratiquedu Kinomichi.

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L’EXPÉRIENCETRANQUILLE

alain verdier

entretien avec

D’avoir reçu l’enseignement des senseis àl’Aïkikaï de Tokyo a-t-il influencé votre concep-tion de l’art martial ?

N’étant pas, je pense, complètement imperméable à mescongénères, il serait quelque peu présomptueux de mapart de dire que ma conception de l’aïkido est sortieindemne des divers enseignements que j’ai pu recevoir àl’Aïkikaï, ou en France d’ailleurs dans la mesure où c’estmoins une question de lieu que de personne. Au premierplan, il y a en effet les maîtres, les enseignants et l’attrait,donc l’influence qu’exerce sur votre pratique tel ou tel, laperspective qu’il représente. La qualité de cette influenceest certainement en partie fonction de la qualité de la rela-tion entre l’enseignant et l’élève et cela ne se décrète pas.Je suis souvent surpris par le manque de pudeur d’aïkido-kas même confirmés qui, en la matière, pensent qu’il suf-fit d’avoir choisi un maître pour que celui-ci les ait élus.Outre le paradoxe évident que représente cette attitude, ils’agit là d’une belle illustration de cette étape égocentriquepar laquelle doit passer tout aïkidoka et qui aurait tout àgagner à rester une étape. Après, bien sûr, il y a le contexte un peu particulier, un peumythique je dirai, de l’Aïkikaï, l’organisation spécifiquedes cours, leur succession tout au long de la journée du

matin très tôt jusqu’au soir, avec des maîtres différentsmais tous de valeur, une « clientèle » également différenteselon les moments de la journée. Tout ceci permet au pra-tiquant curieux et assidu d’enrichir considérablement sapratique, de varier les expériences ; il en arrive même par-fois à oublier qu’il fait un art martial tellement « le coursd’aïkido » est inscrit dans son quotidien et c’est là peut-être qu’il s’imprègne le plus des valeurs essentielles del’aïkido ; tout ceci évidemment est à la mesure de la per-méabilité dont on est capable à ce moment-là.

Faut-il s’imprégner de culture japonaise, de sesrituels, pour mieux comprendre l’aïkido ?Cela ne peut pas faire de mal !Plus sérieusement, cette question soulève deux pro-blèmes. Un premier que je formulerai ainsi : « faut-il oudoit-on rester fidèle aux origines de l’aïkido ? » Je sais qu’ils’agit d’un sujet sensible chez nombre d’aïkidokas ;répondre positivement relève, à mon avis, d’une forme de« primordialisme » qu’on pourrait définir comme l’idée, lavolonté, l’invocation d’une fidélité intégrale aux origines.Cette idée me semble nier complètement le fait que, sil’histoire de l’aïkido n’a pas forcément un sens, elle a enrevanche un cours, un déroulement. La création de l’aïki-do est, par définition, un moment essentiel de ce déroule-ment et il ne s’agit pas bien sûr d’en contester l’impor-

Très investi dans la marche en avant de l’Aïkido en France, comme membre duCollège Technique ainsi que de la Commission Paritaire, Alain Verdier 5e dan, nouslivre son point de vue, riche d’une expérience précoce à l’Aïkikaï de Tokyo, sur sapratique et l’enseignement de l’Aïkido .

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tance. Il n’en reste pas moins qu’il serait aberrant que l’aï-kido se donnât comme objectif ou aboutissement la stricteobservance de ses origines. Cette forme d’intégrisme, quipar définition n’a que le temps en sa faveur, pourrait avoircomme effet pervers de dispenser de toute réflexion activesur ce que l’on fait, ce qui irait certainement à l’encontredes valeurs que souhaite promouvoir l’aïkido.Le deuxième problème tient à l’aspect universel de l’aïki-do. Si, comme l’a voulu le fondateur, l’aïkido se situe au-delà de toute culture, de toute époque, de toute race etreligion, il serait quelque peu paradoxal de devoir s’impré-gner de culture japonaise pour pratiquer le « véritable aïki-do ». Qu’un minimum soit souhaitable et souhaité, je leconçois tout à fait, et on ne peut que se féliciter de l’apportque constitue à cet égard l’enseignement de ceux qui ontlongtemps séjourné au Japon.En revanche, la compréhension, telle qu’on l’entend pourl’aïkido, c’est à dire non pas seulement intellectuelle maisaussi psychologique et physique, voire sensorielle, néces-site une certaine réceptivité qui peut être fonction desconditions d’accès à l’aïkido. En dehors du Japon, semettre à la pratique de l’aïkido est souvent perçu par l’in-téressé comme un événement à la mesure de la rupturepsycho-sociologique qu’il constitue. Au contraire, leJaponais, ou le Français vivant au Japon, ne ressent pas,me semble-t-il cette rupture, ce qui lui permet d’entrer deplain-pied dans la pratique, sans traumatisme, et d’adhé-rer plus simplement et immédiatement au projet qui lui estproposé. Je pense que l’enseignement de l’aïkido en France doitaussi prendre en compte cet état de fait et s’efforcer dedédramatiser cet aspect de la pratique afin qu’elle puisseêtre vécue pleinement.

Chaque discipline martiale a son efficacité spéci-fique, quelle serait celle de l’aïkido ?L’efficacité peut se décliner à différents niveaux. Au-delàde celle qui consiste à réduire momentanément ou défini-tivement, partiellement ou complètement, un adversaire

ou réputé tel, il y a d’autresformes d’efficacité plus large-ment opérationnelles qui mesemblent pouvoir être déve-loppées par l’aïkido ; la plusintéressante à mes yeux estcelle liée à ce qu’on peutappeler, faute de mieux, laprésence ; une présence quiserait autre chose que laconcentration au sens où onl’entend habituellement etqui confine parfois à l’obses-sion, une présence qui selibérerait de toute visée nar-cissique, une présence qui, àtravers un conflit dont on nesait jamais complètement s’ilest « pour de faux ou pour devrai », serait faite de disponi-bilité, de lucidité, une présen-ce qui serait productrice d’un

espace commun entre les protago-nistes, une présence qui ne senourrirait pas de l’élimination,même symbolique, de l’autre. Lavéritable supériorité de l’aïkido entant que système éducatif est biendans la reconnaissance qu’au-delàde la fusion ou de la séparation il ya la place pour un espace communoù chacun justement peut affirmersa présence. Quelle discipline col-lective, à part peut-être la démo-cratie dans le domaine politique,peut se prévaloir d’une telle aspi-ration ?Bien sûr, pour nous aïkidokas, l’aï-kido a toutes les vertus, en tout cascelles qu’on veut bien lui prêter ;gardons nous de croire cependantque l’aïkido crée « naturellement »cette présence, il ne fait que porteren lui cette opportunité qu’ilappartient à chacun d’entre nous de révéler par une pra-tique assidue et vivante.

Après toutes ces années de pratique de l’aïkido,quelle est l’orientation principale de votre ensei-gnement ?Elle est très liée à ma réponse précédente. C’est tenter demettre en oeuvre les moyens permettant de faire émergeret s’affirmer cette présence. Quels sont-ils ? Ce peut être,par exemple, de montrer que la concentration n’est pas lefait de centrer son attention sur un point, de se fixer maisau contraire d’être relâché, dans le sens de « serein », c’està dire d’être disponible pour intervenir à tout moment sansdonner de point d’appui au partenaire. C’est, dans le droitfil, essayer d’avoir l’esprit libre, libre de tout objectif, detout résultat susceptible d’être utilisé pour une reconnais-sance de soi par les autres, c’est éviter d’avoir une vision

Au-delà de la technique,l’aïkidoest un étatharmo-nieuxentre soiet son par-tenaire,sans consi-dérationde culturede race ou de religion.

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linéaire du temps où il y aurait un début et une fin et oùl’on serait à la fois prisonnier du passé et dans l’angoissedu futur, c’est vivre plus intensément le présent pour cequ’il est et qui ne vaut que pour ce qu’il est. Bien entendu, à un niveau « technique » moindre, je m’at-tacherai à faire prendre conscience aux débutants du plai-sir qu’ils peuvent éprouver à se mouvoir par rapport à unpartenaire, à chuter pour mieux se relever... en évitant éga-lement que ces objectifs ne deviennent pour moi une idéefixe ! De façon générale, je m’efforce de solliciter progres-sivement et le plus intensément possible la « présence »chez les élèves, en étant convaincu qu’il s’agit là d’un puis-sant levier d’autonomie et de responsabilité en mêmetemps qu’un moyen non négligeable d’améliorer la qualitédes relations.

Quel principe majeur proposez-vous à vos élèvespour progresser plus rapidement ?Au bout de plusieurs années d’enseignement, on sait tousqu’il est un peu vain de vouloir faire progresser plus rapi-dement les élèves : l’aïkido n’est pas une course, même pasune course de fond. La bonne vitesse de progression, c’estcelle où l’élève a l’intime conviction, corroborée par le

regard de l’enseignant, qu’il progresse. Le problème récur-rent de la pédagogie touche au choix de la logique d’en-seignement : faut-il privilégier une logique de la restitutionou une logique de la compréhension ? Bien sûr, ce n’estpas aussi tranché que ça mais on penche tous d’un côté oude l’autre. En ce qui me concerne, je penche plutôt du côtéde la compréhension, car ce me semble plus prometteur,mais je ne minimise pas du tout l’intérêt de la restitution.Surtout si c’est une restitution bien comprise ! Ce qu’il fautéviter à tout prix, c’est que l’aïkido ne devienne par tropréducteur et n’enferme ses pratiquants dans des schémasstéréotypés, auquel cas on se dirigerait tout droit vers lamort de ce qui est vivant. Pour répondre plus directementà votre question, je crois que la progression est directementfonction du plaisir que l’on a à se sentir progresser et qu’el-le se moque un peu des délais de livraison.

Les techniques d’armes peuvent-elles avoir un effetdans ce sens ?C’est une question qui aura du mal à être tranchée ! Faut-il avoir fait du latin et du grec pour s’exprimer plus vite etcorrectement en français, pour être un bon écrivain ? Jen’ai pas d’avis arrêté, mais concernant le sujet qui nousoccupe, je ne demande qu’à être convaincu tant je suisintimement persuadé, pour l’avoir vécu de façon furtive,qu’il y a un lien mais qu’il n’est pas toujours là où onessaie de nous faire croire qu’il est. Il n’est pas rare que lapratique des armes soit considérée par les enseignantscomme un dérivatif à l’aïkido. Il n’est pas rare non plusque cette même pratique soit vue comme parfaitementindispensable à toute progression en aïkido. Alors, fusion ?séparation ? Il y a sûrement un espace commun entre aïki-do et armes où les positions peuvent s’affirmer sans serejeter. Même si pour d’aucuns, le travail des armes donnel’illusion d’un plus grand réalisme, au fond il est plus aus-tère, dans un premier temps moins chargé de valeur « com-munication », le contact y est plus virtuel et, de ce fait, ilme semble que c’est une pratique qui exige beaucoup detemps et d’investissement avant de pouvoir faire un débutde lien avec l’aïkido. Ce n’est bien entendu pas une raisonpour ne pas s’y adonner, ce pourrait même être une raisonpour le faire mais, dans tous les cas, je ne crois pas à l’ef-fet d’accélérateur que cela pourrait avoir sur la progressionen aïkido.

…Ce n’est qu’en améliorant la qualité du passeur et la qualité de la « marchandise » passée qu’on améliorera la transmission. En aïkido, les deux sont intimementliés même si certains considèrent unpeu schizophréniquement que pédagogie et contenu peuvent fairel’objet d’un traitement séparé. Je pense par exemple que, dans l’enseignement de l’aïkido, il ne fautpas systématiser le recours à desartifices pédagogiques.…

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Est-il nécessaire de faire un travail particulier dedéveloppement et maîtrise de l’énergie interne ?Je n’y ai jamais pensé tout à fait en ces termes là. Il m’estarrivé, il y a de cela très longtemps, de faire des stages derespiration. Est-ce cela l’énergie interne ? Toujours est-ilqu’un ami m’ayant fait remarquer que, lui, il n’arrêtaitjamais de respirer et que cela lui semblait même préfé-rable, j’ai cessé de me polariser sur cet aspect des choses !Depuis, j’ai eu tout loisir de vérifier que, effectivement,quand on fait de l’aïkido, on continue de respirer !

Comme membre du collège technique, quelles pro-positions faites-vous pour améliorer encore latransmission de l’aïkido ?Quand on transmet un savoir, quel qu’en soit le niveau, onest dans un rôle de passeur. Le passeur se trouve face àune demande, une envie et je crois que, comme le dit lachanson, il ne faut pas trop donner avant même l’envie. Cen’est pas une question de rétention d’informations maisbien d’adéquation, de décalage pouvant exister entre leprojet de l’enseignant et la capacité réceptive de l’élève. Cen’est qu’en améliorant la qualité du passeur et la qualitéde la « marchandise » passée qu’on améliorera la trans-mission. En aïkido, les deux sont intimement liés même sicertains considèrent un peu schizophréniquement quepédagogie et contenu peuvent faire l’objet d’un traitementséparé. Je pense par exemple que, dans l’enseignement del’aïkido, il ne faut pas systématiser le recours à des artificespédagogiques. L’aïkido porte déjà en lui tout l’enseigne-ment dans la mesure où il est avant tout communication etque communiquer, c’est transmettre ; la moindre techniqued’aïkido est chargée d’informations à l’attention du parte-naire. Donc, ce qu’il nous faut améliorer avant tout c’est laqualité de notre pratique : pour cela on a la chance en aïki-do de pouvoir faire autant de « brouillons » qu’on veut,

des brouillons écrits au propre immédiatement, avec plusou moins de fautes d’orthographe, plus ou moins de fautesde grammaire ; jamais d’œuvre définitive comme peuventl’être un livre, une peinture, un poème qui auraient étérepris cent fois, corrigés, polis.Il ne faut donc pas laisser passer cette chance qui permetde prendre le recul suffisant pour analyser sa technique,car c’est ce qui nous rendra plus tolérants à nos différenceset peut-être même les effacera partiellement. C’est ce quipermettra également à l’aïkido de ne pas devenir unchamp insularisé pour spécialistes, tant la spécialisation,en limitant la zone du savoir, me semble bornée et pro-ductrice de postures. Le véritable risque est bien là, que laréalité devienne une réalité pour chacun. Alors, peut-êtreles enseignants doivent-ils se souvenir que l’aïkido, àl’image du labyrinthe, est une énigme qui, pour être réso-lue, suppose de valoriser l’échec, de tirer parti desimpasses et des impossibilités, de faire face, de persévérer,de se souvenir, de jouer, d’accepter de se perdre pour trou-ver des issues qui sont la plupart du temps provisoires. Seperdre n’est jamais un échec, « c’est seulement une occa-sion d’aller là où on n’est pas attendu. » Dans ce sens-là,nul doute qu’une valorisation raisonnable de l’échec pro-duit de la confiance en soi. Or, la confiance en soi et ledoute sont bien les deux moteurs qui nous permettent d’al-ler de l’avant.

Quelle est la finalité de l’aïkido ?C’est arriver à traverser des labyrinthes sans cesse réin-ventés par ceux que nous trouvons sur notre route, parfoisen travers de notre route. L’aïkido, c’est un peu un miroirqu’on transporte tout au long de cette route. Ce miroir, ilfaut en prendre soin, ne pas l’ébrécher, ne pas le casser etc’est quand même mieux de le nettoyer de temps en temps.Faute de quoi, il pourrait être tenté de renvoyer des imagesbrouillées. Je me plais à imaginer que quand on habitecomplètement l’image renvoyée par un miroir en bon état,alors on doit pouvoir vivre sans réticence, jusqu’au derniermoment. t

entretien avec

Commepasseur de

savoir,Alain

verdiers’appuiesereine-

ment surune expé-

rience rareainsi que

sur une grande

maîtrisedes tech-

niques.

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alain verdier

Alain Verdierenseigne audojo AMBV

84, cours Aristide Briand

33000 Bordeaux Tel : 05 56 92 12 91

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rencontre avec

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GÉNÉRATIONPLURIELLE

marc bachraty

Technicien exemplaire de la génération montante de l’Aïkidofrançais, Marc Bachraty, 4e dan, a suivi un formation pluridis-ciplinaire qui donne à son enseignement un attrait particulier.

Vous avez une pratiquedu budo assez com-plète, quelles écoles

vous ont le plus marqué?En effet , j’ai pratiqué pendant 5 ansle judo, comme beaucoup d’enfantsqui souhaitent commencer un artmartial. Ce n’est qu’ à l’âge de 16ans, en 1985 que j’ai découvert l’aï-kido. C’est dans le dojo de MarianoAristin que j’ai fait mes premiers pas.J’aimais la dynamique et le sérieuxqui se dégageaient de ses cours.Mariano Aristin nous donnait aussiune fois par semaine un coursd’armes essentiellement basé surl’étude de l’aiki-ken et de l’aiki-jo.Après quoi l’on pratiquait le iaido del’école seitei-iai.Assez rapidement, les anciens duclub m’ont poussé à faire des stageset c’est ainsi que j’ai fait mon premierstage avec Endo sensei en 1987. Il yavait présents tous les hauts gradés

qui font aujourd’hui la fédération. Etc’est là aussi que j’ai fait la rencontrede Christian Tissier, qui passaitparmi les élèves pour nous aider àdécrypter les techniques que nousenseignait Endo sensei. Depuis cejour je n’ai cessé de participer auxstages de ligues et à ceux deChristian Tissier. Plus tard je suis allérejoindre le Cercle Christian Tissier àVincennes.Par ailleurs, sur les bancs du lycéeon échangeait nos techniques res-pectives avec des amis qui prati-quaient le karaté. c’est ainsi que jeme suis rendu compte qu’il fallaitque j’améliore ma compréhensiondes frappes pour rendre ma pratiquede l’aïkido plus pertinente. J’aidécouvert le karaté Goju-ryud’Okinawa par l’intermédiaire deZenei Oshiro. Pendant des années,j’y suis allé deux fois par semainedans un petit dojo du 12è arrondis-

sement de Paris. Ce style de karatétrès sobre et très pragmatique s’utili-se sur des distances courtes. Lespositions sont plutôt hautes et natu-relles ; on y cherche à concentrertoute la puissance dans le hara afind’être stable et enraciné. Ce styleaccorde une place importante au tra-vail à deux et il y a même des exer-cices qui s’apparentent au travail desmains collantes du Tai-chi chuanque je pratique un peu. Par ailleursZenei Oshiro qui a été l’élève demaître Matayoshi aussi un expert duKobudo d’Okinawa. Alors parallele-ment au karaté je pratique aussicette discipline, depuis maintenantune dizaine d’années.C’est ainsi que je perçois le budocomme une voie initiatique qui vise àla formation physique et spirituellede l’individu, dans un engagementsur le long terme. Il y a dans le budocette volonté constante de faire de sa

pratique un lieu de vie et d’éveil enconsidérant notre corps comme unmoyen d’aller à la rencontre de nous-même et des autres. Il faut s’efforcerpar un travail corporel de com-prendre les principes qui donnent dusens à la vie. La pratique du budoexige de la volonté, de la conviction,de l’humilité pour accepter deremettre sans cesse en cause sonsavoir ou ce que l’on croit posséder.

Pourquoi avoir choisil’Aïkido comme pratiquecentrale aujourd’hui ?L’une des compréhensions fondamen-tales du budo est sa relation étroiteavec les questions existentielles quel’on peut se poser. Il nous permetchaque jour qui passe d’apprécierintensément la vie en respectant lesautres, la nature et de se connaîtredavantage, pour trouver la sérénité.L’Aïkido est ce moyen d’y parvenir, et

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peut se définir par ces deux mots :l’empathie et la clémence. Dans la relation que l’on établie, il ya toujours cette volonté d’écouter, desentir, de comprendre les intentionsdu partenaire. Toute la pratique del’aïkido doit tendre à nous harmoni-ser ; faire que l’on assure notre deve-nir dans la rencontre avec l’autre, entrouvant les principes qui animenttoute rencontre.On s’efforcera de res-pecter sans cesse l’intégrité du parte-naire en assurant sa propre sécurité.Je crois que le pouvoir de contrôlerses émotions a d’énormes répercus-sions sur la façon dont on organisesa pensée, et sur la façon dont onexécute une technique.L’aïkido, est aussi le seul art martialoù il est fait cas du travail de uke.Celui-ci nous rappelle sans cesse quedes évènements imprévus peuventarriver à tout instant, nous obligeantà s’adapter aux circonstances.L’Aïkido, c’est aussi avoir un espritprésent, vigilant et attentif à tout cequi nous entoure.Enfin, j’aime l’esthétique de l’aïkido,son raffinement lorsqu’il est animépar la fluidité et la dynamique.

Suivez vous un senseiparticulièrement ?En aïkido, je suis l’enseignement deChristian Tissier depuis de nom-

breuses années maintenant.Christian Tissier est une personnalitéà part dans le monde de l’Aïkido.C’est un être brillant que j’ai la chan-ce de côtoyer un peu. Son attitudeest exemplaire et de toutes les ren-contres que j’ai faites c’est certaine-ment la personne qui influence leplus ma pratique.Dans ses cours, il a toujours le désirde nous transmettre un enseigne-ment rigoureux et profond, faire ensorte que nous puissions com-prendre ce qui est important dansune technique, et aller directement al’essentiel. Sa façon de concevoir etd’expliquer un geste est sans nulautre pareil. Il est toujours très pur etle plus simple possible dans sesdémonstrations. Mais nous savonstous que la conception simple, sanssuperflu d’un geste techniquedemande une longue maturation etdes années de travail et derecherche. C’est ainsi que du débu-tant au plus gradé, chacun pourratrouver les outils nécessaires à sacompréhension pour améliorer satechnique. Ce qui me marque le plus en lui, c’estcette capacité à renouveler sanscesse sa pratique et à nous apporterde la nouveauté. Il est en constanterecherche. Par sa clairvoyance et sondiscernement, sa constance et sa

rigueur, il est capable de nous pous-ser loin dans nos objectifs afin d’éle-ver notre niveau.Il y a également Zenei Oshiro, quiavec patience et gentillesse dispenseses cours avec un rare enthousiasme.Il me permet de comprendre un peuplus la pensée japonaise dans laconception du karaté et les valeurshumaines qu’exige cette discipline.C’est aussi une personnalité discrèteet rayonnante. Merci à eux deux.

À vous voir pratiquer, ilsemble que la vitessed’exécution soit un fac-teur primordial dans latechnique ?La vitesse est une qualité qu’il nousest offerte de découvrir, aussi je pensequ’elle est utile.C’est une des expressions de la vitali-té. Personnellement, j’ai toujours étéimpressionné par cette qualité chezles kendoka, qui dans leur concentra-tion extrême et leur apparente tran-quillité extérieure, sont capable defaire jaillir en une fraction de secon-de, une frappe incisive et détermi-nante en clouant littéralement surplace l’adversaire.Mais bien sûr, la vitesse rime aveclenteur et ce sont ces deux expres-sions de l’énergie qui vont donner lerythme à la technique.J’aime cette capacité à être vif,tonique et dynamique. Du reste le

travail des armes nous donne l’occa-sion d’exprimer cette notion.La vitesse n’est possible que si lecorps est suffisamment relâché pourlaisser fuser le geste. En d’autresmots le relâchement peut être lamesure de la vitesse.Pour ma part et en rapport à monâge, je pense que cela correspond àune étape qu’il faut expérimenterpour voir ce qu’il y a derrière. Lavitesse est inscrite dans l’esprit desarts martiaux japonais. Il y a toujourscette volonté d’optimiser un gestepour le rendre le plus spontané et leplus pertinent possible à l’instar del’archer qui n’aurait qu’une seuleflèche dans son carquois pouratteindre une cible mouvante.La vitesse fait aussi appel au mental,où il lui est demandé de prendre unedécision juste, claire et immédiatesans tergiverser.

Vous utilisez beaucouples atemis, dans quellesphases sont-ils le plusefficaces ? En première analyse, il convient defaire une différence entre les atemisportés en karaté et en aïkido. Eneffet, en karaté on étudie l’atemicomme un geste optimal qui permetde neutraliser un individu. Aussi seforge-t-on une arme avec toutes lesparties du corps. Cela permet d’ac-croître une relative confiance en soiet de comprendre quels sont lespoints faibles du corps. De ce fait lanotion d’altérité est importante, carà travers le travail spécifique des

Beaucoup derelâchement

dans unegrande

rigueur tech-nique produit

une qualitéd’aïkido

exemplaire.

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atemis on en apprend un peu plussur le fonctionnement bio-méca-nique du corps et de sa propre fragilité.Cela étant dit, l’approche de l’atemien aïkido me semble toute différente.En effet, pour nous autres aïkidokal’atemi est conçu comme l’une descomposantes à la construction de latechnique. En cela il oblige au cen-trage à travers le placement, à l’at-tention portée au geste ; il permet degérer la distance, et de générer etentretenir un déséquilibre, de proje-ter en donnant un sens de chute ; parailleurs il permet de dissuader, dedonner du rythme à la technique,d’apprécier la qualité des angles don-née à la technique, etc. Il permetaussi de prendre conscience de notrepropre schéma corporel. Je crois qu’ilest une part importante de l’aïkido.

Quelle place faites-vousau Tai sabaki ?Le Tai sabaki est fondamental enaïkido, dans la mesure où il intègredans sa pratique les notions Ma-ai(la distance) et le De-ai (l’anticipa-tion).Le tai sabaki renvoie aussi aux prin-cipes de fluidité, de non opposition,et d’orientation de la force.Il nous force aussi à l’attention etpermet d’adhérer au mouvement, decréer une relation, de l’entretenir. D’un point de vue corporel, il déve-loppe l’équilibre en apprenant à pla-cer son centre de gravité le plus baspossible. C’est un exercice important

pour le placement des hanches, larecherche de l’assise à travers lamobilité. Il oblige à unifier toutes lesparties du corps et l’esprit afin de lesconcentrer pour un geste parfait.Le tai sabaki nous permet de com-prendre que le hara, les hanchessont l’un des moteurs du corpshumain ainsi que le siège de l’équi-libre mais également que les jambessont des outils qu’il faut énormémenttravailler pour développer, améliorernos habiletés motrices. Ces mouve-ments qu’ils soient irimi, irimi tenkanou henka, offrent au corps une capa-cité à trouver de la vigueur, de lavitesse, et d’acquérir une force élastique.Le henka est le point charnière auirimi tenkan. Il est très intéressant àtravailler car il oblige un placementcorrect des hanches ainsi que desangles fins pour laisser passer l’at-taque et construire la technique. Lesjambes sont les piliers et le soutiendu corps humain.Dans mon enseignement, j’y accordeune large place.J’ai toujours été très impressionnépar le irimi tenkan de ChristianTissier sur le katate dori Shiho nageUra. Dans son pivot, il est capablede nous laisser sur place avec unevitesse et une stabilité, qui glacent.

Pratiquez vous les armesparallèlement à l’aïkido ?Oui en effet, je pratique le Ken et lejo. En ce qui concerne le travail duKen, je pratique l’aiki-ken et le ken-

jutsu que Christian Tissier nousenseigne. Le ken est essentiel à mapratique car il permet de mieux com-prendre l’aïkido et de développer desqualités spécifiques. Ainsi en aiki-ken, on s’efforce des’harmoniser aux attaques de l’autreet ainsi développer une perceptionplus fine de la qualité des angles. Onapprendra à effacer les hanches, letravail de liaison avec le partenaire.Rapidement, des formes de corpsapparaîtront plus claires pour mieuxappréhender l’aïkido.En kenjutsu, on insistera davantage

sur les postures, les démarrages, ladétermination, sur le sens de l’enga-gement, sur Irimi, etc.Psychologiquement, le kenjutsul’éveil et forge le mental au danger. Ilstimule donc notre attention et obli-ge à la vigilance. Il nous apprend àcontenir nos émotions. Le danger esttoujours présent dans le travail auken. C’est en ce sens qu’il aiguisenotre esprit. De plus, en ken la relation martialeest souvent plus forte qu’en aïkido,ainsi il n’y a pas de place pour la tri-cherie, pour la supériorité de poids,

rencontre avec

…La technique est un alphabet, un langage qu’il

faut s’approprier par la répé-tition, afin que le corps

acquiert des qualités qui avecle temps, prendront tout

leur sens et dimension.L’esprit en revanche va

animer et personnifier latechnique, faire en sorte que

chacun va s’approprier latechnique, la digérer et

la faire sienne…

marc bachraty

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ni même pour la spéculation. On sedoit d’être intransigeant et sansconcession envers son partenaire.Seul le travail prévaut. Toute la pra-tique du ken s’attache à améliorernos qualités techniques. On y déve-loppe l’anticipation, la coordinationainsi que la tenue du corps, la posi-tion du dos, des hanches, le relâche-ment des épaules, etc.C’est en cela qu’il est nécessaire àl’étude de l’aïkido. En ce qui concer-ne le travail du jo, bien qu’il en res-sorte les mêmes qualités qu’au ken, iloffre une plus grande liberté d’action,de fluidité de mouvement et de sou-plesse. En jo la notion du uke naga-shi (Ukeru signifie recevoir. Nagashivient du verbe Nagareru qui équivautà : fluidité. On peut donc le traduirepar « recevoir l'attaque de façon flui-de ) est très importante, dans laquel-le la recherche de la défense se fondavec celle de la riposte. L’étude du jopermet de mettre en place l’alternan-ce du jeux de la contraction-décon-traction du poignet, ainsi que savitesse de rotation.

A quoi faut-il attacherle plus d’importance enaïkido, à l’esprit ou à latechnique ?L’esprit et la technique participenttous les deux de manière significativedans la pratique de l’aïkido.La technique est un alphabet, un lan-

gage qu’il faut s’approprier par larépétition, afin que le corps acquiertdes qualités qui avec le temps, pren-dront tout leur sens et dimension.L’esprit en revanche va animer et per-sonnifier la technique, faire en sorteque chacun va s’approprier la tech-nique, la digérer et la faire sienne.La technique est un legs que nous onttransmis des générations de maîtresen remontant jusqu’au fondateur,pour nous donner les principes philo-sophico-spirituels de l’aïkido.L’esprit quant à lui permet de faireévoluer la compréhension de la tech-nique et d’affiner notre interprétation.Il donne du sens à ce que noussommes et ce que nous voulonsdevenir. C’est d’ailleurs la raison pourlaquelle l’aïkido est un art vivant. En fait, c’est comme si vous avieztoujours à lire le même livre. Achaque nouvelle lecture se fait jourune compréhension différente, pluspointue.L’esprit offre à tout le monde l’oppor-tunité d’explorer des pistes de tra-vail, et d’oser entreprendre un che-min. Par conséquent c’est l’esprit quiva donner corps et forme à la tech-nique. Le corps par la technique vapermettre à l’esprit de s’incarner etde s’exprimer.

Quels sont les aspectstechniques qui vousparaissent incontour-

nables pour une bonnepratique de l’aïkido ?En aïkido, il existe de nombreusestechniques mais qui répondent à desconstructions assez semblables dansl’ensemble. C’est à dire qu’il faut audelà de la simple technique trouverles principes qui les lient entre elles.C’est peut être a travers cette exigen-ce que l’on comprendra ce qu’estl’aïkido dans son essence.Alors il y a effectivement des aspectstechniques à souligner comme :La recherche du placement juste,qui implique une bonne compréhen-sion du ma-ai (cet intervalle d’espa-ce-temps où les deux protagonistesentrent en relation et qui conditionnela mise en œuvre de la technique etsa parfaite réalisation. C’est là aussique vont se créer le rythme, le mou-vement) et du de-ai (ce que l’onappelle l’anticipation, cette capacitéà envoyer un stimulus chez le parte-naire pour le faire agir ou réagir. C’estle point crucial à ne pas manquer,car c’est lui qui va cristalliser ledébut de la relation et influer sur ledénouement final) ;La qualité du déplacement parl’exercice des tai sabaki permet lacréation et la conduite du déséqui-libre pour conclure sur une projec-tion ou une immobilisation ;La notion de centrage, qui supposeque l’on puisse contrôler la totalitéde l’axe du partenaire. D’un point de

vue psychologique il faudra toujourss’efforcer d’être attentif à l’autre pourpercevoir ces intentions. Il faut gar-der une entière maîtrise de soi et êtrecapable de contrôler ses émotions.Nous devons toujours agir avec un

maximum de sincérité, de détermina-tion et d’honnêteté pour s’inscriredans une relation la plus vraie pos-sible. L’engagement doit être total. Ilfaut faire en sorte de travailler avecesprit ouvert pour entrevoir toutes lesopportunités de travail ; ce quiimplique une totale disponibilité ducorps et de l’esprit pour ne pas géné-rer de raideur, de crispation et derefus (lequel est toujours sclérosantet ennuyeux). Il faut toujours accep-ter de remettre en cause son savoir àchaque fois que l’on monte sur letatami, car c’est à ce prix seulementque l’on trouvera les ressources pourprogresser et continuer dans cettevoie ;Enfin il y a la notion de vigilance(zanshin), c’est à dire de pouvoir àchaque instant de la techniqueconserver son potentiel physique etémotionnel intact. t

Marc Bachraty enseigneau Gymnase du Fort,56, rue de Fontenay,

92140 ClamartTèl : 06 71 12 90 03.

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Pour Marc Bachraty, vigilance, anticipation, distance, sont autant de

points majeurs à développer pour unebonne exécution des techniques d’aïkido.

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transmission

Josette Nickels-Grolier est venue à l’aïkido du temps où Le ComitéNational de l’Aïkido était encore au sein de la FFJDA. C’est à LouisClériot, son professeur et mentor, qu’elle doit confie-t-elle “rigueur autravail et sincérité sur le tatami”. Aujourd’hui 4e dan, secrétaire de laLigue de l’Ile de France, Josette Nickels-Grolier enseigne avec une prédilection toute particulière pour la transmission aux plus jeunes, enfavorisant “l’accession à l’autonomie du pratiquant”, thème qu’elledéveloppa pour l’obtention du Tronc Commun de son BEES 2e degré.

Ya-t-il un aspect fonda-mental dans l’aïkido quiretient l’attention plus

que tout autre ?L’accession à l’autonomie du pratiquant metient tout particulièrement à cœur car ellesous-tend l’intérêt que je porte à mon rôled’enseignante.L’aïkido se développe aujourd’hui dans lemonde entier et son expression est multiplecar il répond partout aux besoins culturels etéthiques des hommes qui le pratiquent en secolorant des particularismes continentaux,voire régionaux. Cependant, quelles quesoient les modalités de ces diverses pratiques,

les principes ne semblent jamais dénaturer. Ces principes forment le liant de la relationaïki, les techniques ne représentant alors queles vecteurs physiques permettant de mieuxles appréhender. La singularité dans la rela-tion interpersonnelle s’appuie, en effet, surl’universalité de principes tels que l’harmonie,la sincérité, le respect de l’intégrité, l’unité ducorps et de l’esprit. Le rôle de l’enseignant est d’apprendre àdécliner ses principes en capacités à dévelop-per. En choisissant de développer l’une oul’autre de ces capacités, l’enseignant se donnedes objectifs pédagogiques lui permettantd’organiser ses cours et ses séquences péda-

gogiques. En faisant participer ses élèves à sarecherche, il les incite à la réflexion et à unretour sur leur propre compréhension desprincipes, un pas vers l’autonomie.

Quand Morihei Ueshiba, lefondateur, dit « L’artsuprême en aïki est degagner le combat sans combattre. » Quel sens luidonnez ?Dans la famille des arts martiaux, l’aïkido sesingularise par l’absence de compétition. Il nes’agit pas pour le pratiquant d’acquérir plusde puissance ou plus de force pour battre unadversaire en combat. Il n’est nul combat sice n’est contre soi-même. La notion d’adver-saire n’existant pas, seul l’entraînement exis-te et il se fait avec un « partenaire ». Les deuxpartenaires alternant systématiquement etrégulièrement les rôles, ils se trouvent indiffé-remment confrontés aux états de l’être liés àla victoire, à la défaite. Leur ambition est alorsle respect de l’intégrité physique et mentalede l’autre dans une relation où prévaut larecherche de l’harmonie qui sous-tend la non-violence. Le corps devient l’instrument d’unemise en scène dans laquelle l’interactionentre deux individus vise à une meilleurecompréhension mutuelle par la perception deleurs limites relationnelles respectives dansun cadre conflictuel normé. Il est question icide développement personnel.Cette vision idéale de la pratique ne va passans soulever une question fondamentale :Quelle part l’enseignant devra-t-il prendre

L’émancipationpar L’AUTONOMIE

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dans cette recherche éminem-ment personnelle pour favori-ser la construction de l’indivi-du et son accession à l’autono-mie ? En aïkido, les conditions del’autonomie sont mises en jeud’autant plus par l’enseignantqu’il demeure lui-même unpratiquant. Il est question deréaliser une solidarité apaiséepar une bonne distance avecl’autre. L’imitation initiale destechniques proposées par l’en-seignant permet la transmis-sion de la discipline au traversdes savoirs-faire qui laconstruisent. La coopérationqui naît de la réciprocité de larelation en aïkido favorisel’émancipation progressive dupratiquant par rapport aumodèle de l’enseignant. En luifaisant toucher du doigt lesprincipes au cœur de l’aïkido, l’enseignantparticipe à l’élaboration de savoirs-être quiassureront la continuité de la démarche autravers de la pratique et de l’évolution del’élève.

Il semble nécessaire pourcomprendre le rôle de l’enseignant de s’interrogersur ce qu’implique la relationéducative.L’imitation, accès aux savoirs-faireEn aïkido, comme dans tout enseignement,l’accès au savoir est indispensable à l’émer-gence du pratiquant. L’imitation est nécessai-re à l’apprentissage car elle est source de

motivation. Elle naît du désir triangulaireinhérent à la relation entre le modèle éduca-teur, l’élève et l’objet du savoir. On veut ceque l’autre nous montre à désirer, plus sim-plement on veut ce qu’il veut. On désire cequ’il nous désigne comme désirable, ce quinous fait convoiter secrètement l’objet de sondésir. On capte chez l’autre ce qui le poussevers l’objet de son désir, on l’adopte ou on sel’approprie. Trois étapes jalonnent donc le parcours initia-tique du pratiquant : imitation des formesextérieures du modèle (l’enseignant), imita-tion des comportements, des attitudes, imita-tion de l’autre, c’est-à-dire reproduction durapport du modèle à l’objet de son désir.

Le processus éducatif coïncide pendant unmoment avec le processus d’identification àla personne même de l’enseignant dans unerelation ternaire élève/enseignant/objet dusavoir. Mais avec le temps, le modèle peut devenirun obstacle en lui-même. Il est celui quienseigne quelque chose à quelqu’un, mais ilest aussi celui qui suscite le désir de substitu-tion du moi au modèle. Quand le modèleimité devient obstacle et rival, le désir de sub-stitution est source de conflit. Quand lesrivaux sont obsédés l’un par l’autre, ils délais-sent l’objet même de leur désir.

La médiation, accès aux savoirs-être.Lorsque la distance entre le médiateur (l’en-seignant) et le pratiquant est grande (statut,autorité, temps, espace, etc.) aucune rivalitén’est possible. Le contexte est favorable à unapprentissage intensif. C’est le temps pourl’élève de l’acquisition des savoirs. Il est moti-vé par son développement personnel au tra-vers de l’image d’un modèle avec lequel aucu-ne confusion n’est possible. La distance nepouvant induire la conformité, l’élève voit sonchoix limité à la ressemblance. On peut vivre en harmonie avec un « sem-blable. », tandis qu’on ne peut que souhaiterla disparition d’un « même » ou d’un «double » (théorie de l’ontogenèse).Ainsi lorsque le modèle se rapproche, les par-tenaires de la relation tirent ombrage de cette

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transmission

promiscuité. L’élan vers l’objet est l’élan versle médiateur. Lorsque l’enseignant décide debriser cet élan ou que l’élève tente de répudierses liens à l’enseignant, la relation passe de lavénération à la rancune. Le modèle choisit bientôt d’être un obstaclepour ne pas être déformé, spolié, remplacé ouévincé par celui qui voulait l’imiter. Il peutaussi, à l’inverse, vouloir impérativementinduire de la part de l’élève une dépendanceen exigeant une sorte de réverbération de sonenseignement. Il refuse touteinfluence autre que la sienne,condamne les divergences, barre lesissues propres à l’élève. Le médiateur qui empêche de satis-faire le désir qu’il a suggéré devient

objet de haine. L’enseignant qui exige de l’élè-ve qu’il corresponde à un idéal projeté etimposé par lui ne souhaite que de se voirconfirmer dans sa propre voie.

Comment s’articule cetterelation éducative dans lecadre particulier de la pratique de l’aïkido ?Le rôle de l’enseignantL’enseignant doit se placer comme médiateur

entre l’élève et le savoir en lui permettant d’yaccéder sans se situer comme un obstacle. Ilne peut être question de confronter l’élève àune injonction paradoxale qui voudrait que :« je t’enseigne mais n’espère pas devenircomme moi sinon tu me perdras ! »Cependant, le rôle de l’enseignant qui con-siste à transmettre des savoirs, savoirs-faireétroitement liés aux savoirs-être, afin quel’élève se construise et évolue dans un cadrerigoureux mais ouvert, se trouve cependanttrès souvent dénaturé par l’envie, si ce n’est lavolonté d’être et de demeurer le modèle, laréférence technique qui donne notoriété etpouvoir. Il n’est plus question alors de libérerl’élève du piège de la rivalité dans la relationéducative mais au contraire de la construireautour d’une identification impossible. Endistillant les savoirs-faire avec parcimonie, endétachant les techniques des principes ôtantainsi toute cohérence à la pratique, l’ensei-gnant met l’élève devant une alternative dou-loureuse, la dépendance ou la rébellion. Tellen’est pas la finalité de l’aïkido.L’enseignant se doit d’identifier les principes,les structures et les relations pour qu’à termel’élève puisse réaliser la même identification.Il doit se comporter comme un intermédiairedans la transmission du savoir. Il a pour fonc-tion d’enseigner des contenus et ne doit enaucune manière « s’enseigner. » Il doit renon-cer à être le « modèle/obstacle », voire mêmele modèle tout en assumant au mieux les obli-gations de l’enseignement tant sur le plantechnique que sur le plan éthique. La relationn’est pas de disciple à gourou, mais d’élève à

L’équilibre subtil del’aïkido passe par unerelation sincère entreTori et uké commeentre l’enseignant etl’élève.

…En aïkido, les conditions del’autonomie sont mises en jeud’autant plus par l’enseignantqu’il demeure lui-même un pratiquant. Il est question deréaliser une solidarité apaiséepar une bonne distance avecl’autre…

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maître. La fonction de l’enseignant en tant quemodèle sera de disparaître, là se situe le « maître. »De plus, comme il est un enseignant mais n’endemeure pas moins un pratiquant, il se doit depoursuivre sa propre évolution, un processusqui pour lui aussi deviendra source de créati-vité et donc d’autonomie.

L’accession à l’autonomie du pratiquantPour le pratiquant, l’autonomie passe par lacapacité de se séparer de son désir de s’appro-prier la personne de l’enseignant. L’élève doit sedétacher de l’autre pour n’être mobilisé que parle savoir. Il lui faut acquérir les connaissancesde manière à ce qu’elles deviennent siennesafin de pouvoir construire son parcours person-nel, son do.L’autonomie est alors conquête. Elle est lerésultat d’un processus de libération des liens àl’autre, enseignant et/ou partenaire. Le prati-quant peut faire usage de sa liberté pour choisirses modèles et tenter de les vivre dans unedynamique relationnelle apaisée. Son autono-mie passe par l’aveu du lien et de la ressem-blance puis par l’affranchissement progressif dela relation avec son ou ses enseignants, son ouses partenaires, le ou les gradés de référence. Il assume l’héritage en reconnaissant l’imita-tion. Il s’émancipe en trouvant son désirpropre. Il peut alors accéder techniquement àune créativité critique qui lui est personnelletout en ne renonçant pas aux principes fonda-teurs de l’aïkido.

Morihei Ueshiba affirmait : « Chacun d’entrenous doit ouvrir son propre chemin, ouvrir sapropre porte sur la vérité. » « Les techniquesd’aïkido changent constamment ; chaque ren-contre est unique et la réponse appropriéedevrait émerger naturellement. Les techniquesd’aujourd’hui seront différentes demain. Nevous laissez pas prendre à la forme et à l’ap-parence. » Ce que nous proposait Morihei Ueshiba, c’estla liberté, non pas une illusoire « indépendan-ce absolue », mais l’autonomie qui nous auto-rise à choisir nos modèles, à nous libérer desliens à l’autre, à trouver nos propres réponsesaux fluctuations qui caractérisent les relationsinterpersonnelles, à évoluer pour nousconstruire en tant que pratiquant, mais sur-tout en tant qu’être humain. L’autonomie nouspermet d’être partie prenante de notre deveniret du devenir des autres.

Josette Nickels-Grolier

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L'ESSENCE PURE DU BUDO

Nous sommes à la recherche d'un accord de tout notreêtre mais nous ne poursuivons pas les raisons qui justifient cet accord, par manque de savoir, par

orgueil, par fainéantise.Pour beaucoup, le Budo est une démarche philosophiquequ'ils entrevoient de manière bien simpliste, d'autresdétournent la tête, la philosophie pour eux sentant le moisiet restent alors devant la porte sans jamais pénétrer ni comprendre l'essence propre à ces arts.Le propos n'est pas de vouloir ressembler à un samouraï,ce qui serait bien naïf, car de plus le code d'honneur quirégissait leur existence, parfois météorique, ne s'adaptaitqu'à une caste bien particulière.Cependanr, morale, art de vivre, sont les buts du Budo quienseigne une autre conception de la dignité, une autrenotion du dépassement, une autre façon d'évaluer la vie.Bien connu et insuffisament réfléchi, le dicton "quand l'élève est prêt le maître arrive" bien sûr et c'est grandementsouhaitable, d'autres chercheront encore de multitudesdéfinitionsau Budo, au Kyudo, mais il faudra d'abord sedébarrasser de certains artifices pour ne mettre en lumièreque l'essentiel.Le chemin est long et ce n'est qu’à force d'expériences toujours sans cesse renouvelées, que le disciple verra unjour l'idéal et la lumière.

Jacques Normand.

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Maître Minoru Mochizuki estné le 11 avril 1907 àShizuoka, Préfecture de

Chiba (Japon). Son grand père étaitle dernier descendant d'une lignéede Samourai et enseignait l'art dusabre. Le père de MochizukiMinoru en revanche n'était qu'unsimple paysan qui fut d'abord l'élè-ve du grand père avant de devenirson gendre et de prendre son nom.Le père étant venu s'établir àTokyo, le jeune Minoru y commen-ça l'étude du Judo dès l'âge de 5 ans, chez Me Takebe. À 17 ans ils'inscrivit au Kendokan, qui était

alors le dojo du grand maître deJudo Toku, par ailleurs, un escri-meur hors pair. Peu après il s'ins-crivit au dojo de Me Kano, leKodokan. Reçu au 1er dan en juin1926 à 19 ans ; l'année suivante ilpassait 2ème dan et devint l'assis-tant de Me Mifune Kyuzo, unexpert dans l'art du sutemi.Maître Kano souhaitant que lesjeunes judoka n'oublient pas lesarts ancestraux, créa une sectionen 1928, la kobudo Kenkyukai, etpaya des professeurs du KatoriShinto ryu pour enseigner leur artaux judokas. Me Mochizuki se pas-

MINORU MOCHIZUKI Le dernier des

samouraï

aïkibudo

" Le Daito ryu Aikijujutsu et leKatori Shinto ryu sont les deuxberges d’un fleuve dont le YoseikanShinto ryu est le lit, dans lequels’écoule l’Aikibudo. Les deux bergesde ce fleuve sont les rails de latradition, et l’Aikibudo le flux dela modernité. " (Maître Alain Floquet)

Minoru Mochizuki, 1907-2003 :Fondateur du Yoseikan bu dojomenkyo kaiden daito-ryuaikijujutsu 10e dan Aikido - meïjin9e dan nihon jujutsu8e dan judo8e dan katori shinto ryu7e dan iaido5e dan kendo5e dan jodo5e dan karaté

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sionna pour cet art, à tel point qu'illui fut proposer d'épouser la fille dusoké (héritier) de l'école, IizasaMorisada soké, mort sans laisserd'héritier mâle, et de devenir ainsile nouveau soké. Comme cettesituation l'aurait cependantconduit à s'établir à Narita et doncà quitter maître Kano, maîtreMochizuki refusa cette proposition.Il s'est également retrouvé dans ledojo du maître Tokusanbo, leKendokan, où il pratiquait le Judo.Dans cette même période, il a aussipratiqué du Gyokushinryu Jujutsuavec Sanjuro Öshiam et duKenjutsu avec un ex-samuraï. En1926, il s'est inscrit au Kodokan,dojo de Jigoro Kano Shihan. Il estrapidement devenu un disciple par-ticulier de Kyuso Mifune sensei(10e dan de Judo) au point qu’ildemeurait chez lui. C'était un temps de pleine expan-sion pour le Kodokan. Kano senseiencourageait ses élèves à étudierd'autres disciplines. Sous la tutelledu fondateur du Judo, maîtreMochizuki devint le plus jeunemembre du Kobudo Kenkyukai -organisation pour l'étude, la pré-sentation et le développement desarts martiaux classiques - établieau sein du Kodokan, dans laquelleil pratiqua entre autres le KatoriShinto-ryu (entre autres: le Iai, leKen, le Bo, le Naginata), du Jujutsuavec Takaji Shimizu sensei au DojoMumon et du Kendo au dojoYushinkan avec HakukoNakayama Shihan. Voyant qu'ilmaîtrisait rapidement ces arts,Jigoro Kano sensei l'a envoyé étu-dier au dojo Kobukan sous MoriheiUeshiba sensei, shibucho deDaîtoryu Aîki-jujutsu d'O senseiTakéda Sokaku. En plus de la tâcheévidente d'en apprendre le plusqu'il pouvait, il devait aussi se rap-porter régulièrement à Kano senseipour un compte-rendu de sonentraînement et ses progrès. En 1930, Me Kano l'envoya étudierun art nouveau auprès d'un maîtreà la réputation grandissante ,Morihei Ueshiba (cf. biographie).De la même façon ; il lui fit étudierle Shindo muso ryu ju jutsu auprèsde maître Shimizu. maîtreMochizuki est devenu rapidementl'assistant de maître Ueshiba et

obtint deux certificats en Daito-ryuen juin 1932 ("Goshinyo no te" et"Hiden ogi no koto"). En 1933 et en1935, il fut l'uchi-deshi de MoriheiUeshiba au Kobukan Dojo pourune année avant d'ouvrir sonpropre dojo dans la ville deShizuoka en 1935 : le Yoseikan(maison de l'enseignement de ladroiture). Il y enseigna alorsnotamment le Judo et l'Aïki-jujutsudu maître Ueshiba.

DDéélléégguuéé ppoouurrllaa FFrraannccee ppaarrllee KKooddookkaannEn 1938, lors de la guerre sino-japonaise, maître Mochizuki futenvoyé en Mongolie, puis nommésous-préfet du département de Seisu ga. Il en profita pour enseigneraux Mongols le Judo le Kendo etl'Aiki-jutsu. C'est à cette époquequ'il rencontra un autre japonaisoriginaire des Ryu kyu (archipel ausud d'Okinawa), qui l'initia auKaraté. Il y fût actif en tant qu'édu-cateur et entrepreneur de travauxdestinés à améliorer les communi-cations et l'irrigation. Son idée decombattre le communisme par l'ap-plication des principes d'"entraideet prospérité mutuelle" et de "lameilleure utilisation de l'énergie"de Jigoro Kano contribua au déve-loppement de sa région. De plusson projet d'irrigation fut complétéaprès la deuxième GuerreMondiale par les autoritésChinoises.En 1947, il retourna au Japon etreconstruisit son dojo à Shizuoka.Peu de temps après il vint enFrance. C'était en 1951. Il est restéen France durant 3 ans. Venu ausein d'une mission culturelle offi-cielle, comme expert délégué par le

Kodokan, donc pour le Judo, il eul'occasion de démontrer son exper-tise de la pratique de l'Aiki(do) -jujutsu, art qui subjugua un bonnombre de pratiquants de Judo,ainsi que le Iai et un peu de Karaté.Il retourna au japon en 1953.En 1954, un jeune judoka, enthou-siasmé par ce qu'il avait vu enFrance, fut admis au Yoseikan demaître Mochizuki. Il s'appelait JimAlcheik, y resta trois ans et deretour en France, enseigna ce qu'ilavait reçu sous le nom d'Aikido-jujutsu du Yoseikan (communé-ment appelé alors Aïkido-Yoseikanou Aïkido-Mochizuki), créa laFédération française d'Aikido-tai-jitsu et de Kendo et fut le premierprofesseur de maître Alain Floquet.En 1957, Jim Alcheik revenant duJapon représenta officiellement enEurope l'Aikido-jujutsu du Yoseikanet créa la Fédération Françaised'Aikido-taijitsu et de Kendo. AlainFloquet devint l'un de ses moni-teurs-assistants. Jim Alcheck dispa-rut tragiquement en 1962.Pour assurer l'avenir de l'Aïkido-Jujutsu en France, Alain Floquet,déjà le plus jeune 2ème dan deFrance, prit alors contact avecmaître Mochizuki qui proposa queson fils Hiroo se rende auprès de laFFATK à Paris pour aider à la sau-vegarde de la fédération et de sonart et répondre ainsi aux inquié-tudes d'Alain Floquet. En 1966,Alain Floquet fut nommé DirecteurTechnique de l'école d'Aïkido-yoseikan pour la France. En 1973,il fonde le C.E.R.A ( Cercle d'Etudeet de Recherche sur l'Aikibudo). En 1978, Mochizuki Minoru luidélivra le grade de 7ème dan et letitre de "Kyoshi", reconnaissantainsi l'importance de son action.

En 1980, maître Floquet décida denommer le contenu de sa pratique,son style et l'Art qui en découle :"Aikibudo" cela en plein accordavec Mochizuki Minoru. Il renoua également avec l'écolemère et l'héritier du Daito ryuAikijujutsu, Takeda Tokimune, filsdu grand maître Takeda Sokaku,qui lui confia la mission de lereprésenter. Il intégra cetteconnaissance originelle de l'Aikijujutsu dans son enseignement del'Aikibudo, aux côtés de celle del'école d'armes du Katori Shintoryu. En 1987, "l'Aikibudo ", s'unit àl'Aikido afin de fonder en tant queco-discipline, la FédérationFrançaise d'Aikido, Aikibudo etAffinitaires (F.F.A.A.A.).

LLee ppaattrriimmooiinneejjaappoonnaaiissDepuis, sous l'impulsion de maîtreAlain Floquet, cet art se développedans le monde entier où il trouvede plus en plus d'adeptes. Puisantses racines dans les écoles tradi-tionnelles du patrimoine martialjaponais, l'Aïkibudo, recueilliauprès de sources historiquesinconstestables, dépasse le simplecadre de la pratique technique. Depuis 1970, Mochizuki Minoru areçu régulièrement maître Floquetau Yoseikan, ainsi que ses princi-paux disciples. Il est égalementvenu animer des stages à plusieursreprises en France. MochizukiMinoru s'est éteint en France, prèsd'Aix en Provence, le 30 mai 2003.Minoru Mochizuki avait puisé etdéveloppé son expertise martialeen prenant ses sources dans lesBudo classiques nippons qu’il avaiteu la chance d’étudier auprès des plus grands. Son expérience

Maîtres Mifune, Mochizuki et Jim Alcheik.Maîtres Ueshiba et Mochizuki.

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martiale authentique associée àcelle plus dramatique de la guerre,lui avait fait adopter une gentilles-se, une modestie et un souci péda-gogique hors pair dans la trans-mission la plus fidèle et la pluscomplète possible de ses connais-sances :«En temps de paix, l’essence desarts martiaux c’est l’enseignement.Dans le mot ryu (école), il y a l’idéede courant. Do, c’est la voie, c’estquelque chose qui passe. Si on arrê-te d’enseigner, ce n’est plus la voie,c’est seulement une technique. Latechnique martiale vise uniquementà tuer, alors que le but des arts mar-tiaux est de former la personnalité.»Il aimait à préciser l’importance del’enseignement et se dépensait

sans compter aux travers de sescours ou des stages qu’il animait.Sa recherche personnelle a permisl’élaboration d’un système intégréregroupant en son sein de nom-breuses dsciplines martiales.

LLaa ffllaammmmee ddee MMiinnoorruuMMoocchhiizzuukkiiSa maîtrise plus particulière destechniques de sutemi waza (tech-niques de sacrifices) enchaînéespar un travail en shime waza(étranglements) ou kansetsu waza(luxations), constitue une «marquede fabrique» autant qu’un attache-ment particulier à maître Mifunedu Kodokan. Minoru Mochizuki avait choisi

d’être conduit en sa der-nière de-meure dans laplus stricte intimité. Sesdernières volontés ont étérespectées, et une cérémo-nie particulière a permisde présenter un mémorialen sa mémoire au mois dejuillet 2003.Il reste du devoir de tousles pratiquants, ensei-gnants ou non, de mainte-nir aussi vive que possiblela flamme que MinoruMochizuki senseï a portétoute sa vie : l’apport tech-nique de ce maître excep-tionnel, ses qualitéshumaines et son engage-ment d’enseignant font delui, au-delà de tous lestitres, grades et honneursqu’il a pu recevoir au coursde son existence, un modè-le incontournable dans lemonde du Budo, dont lestraditions martiales ont gui-dés son existence…L’École de Police deRouen-Oissel organise le6 décembre 2003 unemanifestation d’arts mar-tiaux en l’honneur et enmémoire de MinoruMochizuki. Cet évène-ment se double d’unengagement en faveur dela recherche médicale et,est associé à la campagnenationale de don dans lecadre du TELETHON.

Cette démarche n’aurait pas étépour déplaire à maître Mochizuki ,tant il faisait sienne les deuxmaximes chères à feu maître JigoroKano, fondateur du Judo :« Sei ryoku zen yô », Le meilleurusage de l’énergie.« Ji ta kyô ei » , Entraide etProspérité Mutuelle.

LL’’hhoommmmaaggee aauuggrraanndd mmaaîîttrreeNombreux sont les pratiquantsprestigieux ou anonymes qui sesont engagés aux côtés du MajorDauby (responsable de l’organisa-tion), d’un des petits-fils du maîtreet des équipes nationales Police(F.S.P.F.) afin que cette Nuit desarts martiaux soit à la fois un fan-tastique hommage au senseï dispa-ru, à son exceptionnel apport tech-nique et pédagogique ainsi qu’unsoutien conséquent à la cause duTELETHON. Maître Alain Floqueten sa double qualité de disciple defeu Minoru Mochizuki senseï etd’ancien fonctionnaire de Polices’est fait un devoir de conduirel’équipe de démonstrationAïkibudo pour cet évènement.Que ces quelques lignes exprimentle modeste hommage de la commu-nauté Aïkibudo envers le dernierdes grands maîtres traditionnels,dont l’enseignement constituera àjamais l’un des piliers de notre art.Le Cercle d’Etude et de Rechercheen Aïkibudo (CERA) publiera pro-chainement un numéro spécial desa lettre consacré à la vie et àl’œuvre de maître MinoruMochizuki

CERA

Stage Aïkibudo-Applications self-défense et

bâton de défense, sous ladirection de Alain Floquet

assisté de J. P. Vallé, (responsable national

FSPF Aïkibudo) Dojo d’Aïkibudo

7 décembre 2003,Salle des Sports,

rue Vittecocq 76230 Bois-Guillaume

Inscriptions et renseignements : Ligue

Aïkibudo de Normandie.

Séminaire monitorat fédéral et BEES Aïkibudo,

sous la direction de Paul-Patrick Harmant.

Conférencier réglementa-tion Gérard Clérin.

Mont Saint-Martin, du 29 avril au 2 mai 2004,

Salle de la Fraternelle, Rue Jeanne d’Arc,

54350 Mont Saint-Martin Inscriptions et

renseignements :03.90.23.16.17.(pro.)

03.88.72.36.89.(dom.)

Séminaire brevetsfédéraux Tenshin Shoden

Katori Shinto ryu, sous la direction de

Paul-Patrick Harmant,assisté de Frédéric Floquet.

Gymnase de Grigny les 27 et 28 mars 2004,

Dojo de Haricot, allée destuileries (près de la gare),

91350 GrignyInscriptions et

renseignements :03.90.23.16.17.(pro.)

03.88.72.36.89.(dom.)

aïkibudo

Maître Mochizukidans sa pratiquede sabre.

Minoru Mochizukiet Alain Floquet.

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FFAAA11, rue Jules Vallès

75011 Paris

tél: 01 43 48 22 22

fax: 01 43 48 87 91

3615 FFAIKIDO

www.aikido.com.frEmail: [email protected]

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