aide À domicile n n om : bourges. s’adapter au poids · mise en scène ludique et pédago ......

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EN ENTREPRISE travail & sécurité n° 748 – mars 2014 A ssise devant une table, dans la salle de formation de l’agence Adhap Services Bour- ges, au cœur du département du Cher, Sabrina Tessiau, jeune auxiliaire de vie, fait une expérience saisissante. Équipée d’une combinaison conçue pour simuler les effets du vieillissement (raideur articu- laire, surdité, baisse de la vue…), elle reproduit, à la demande de Véronique Roux, infirmière coor- dinatrice de la structure, une série de gestes simples : ouvrir une bouteille, se servir un verre d’eau, chercher des pièces dans un porte-monnaie… « Les mou- vements sont découpés comme ceux d’un robot. On a une sen- sation d’enfermement qui per- met de se rendre mieux compte des difficultés que rencontrent les personnes âgées », explique la jeune femme. Testé par l’en- semble des auxiliaires de vie au cours de l’année 2013, l’équipe- ment s’intègre au programme de formation de l’agence, au même titre que la formation à l’utilisa- tion du lève-malade. « Depuis l’ouverture du centre, en avril 2009, nous avons la volonté de pérenniser une démarche innovante en matière de préven- tion des risques professionnels, affirme Claude Le Juge, directeur de l’agence. La présence d’une professionnelle de santé au sein n LA PRéSENCE de l’infirmière coordinatrice, impliquée dans la formation et le suivi des auxiliaires de vie, contribue à limiter le stress des interventions. Celle-ci aborde très tôt les risques rencontrés au domicile. n UNE COMBINAISON simulant les effets du vieillissement est utilisée en formation pour mieux comprendre la situation des bénéficiaires, et au cours d’ateliers sur la manipulation des personnes. L’essentiel 6000 salariés en CDI sont employés par le réseau Adhap Services, qui possède 146 implantations en France. LE CHIFFRE AIDE À DOMICILE S’adapter au poids des années DEPUIS SA CRéATION, en 2009, l’agence Adhap Services Bourges met l’accent sur la formation des auxiliaires de vie afin que les interventions à domicile se déroulent dans les meilleures conditions de sécurité possibles. Une combinaison simulant les effets du vieillissement est utilisée lors de formations pour faire mieux comprendre aux intervenantes les difficultés du quotidien des bénéficiaires. Fiche d’identité n NOM : Adhap Services Bourges. n ACTIVITé : Aide au quotidien (toilette, repas, courses, ménage…), service d’accompagnement, installation de téléassistance, aide administrative. n EFFECTIF : 31 salariés dont 25 auxiliaires de vie, exclusivement des femmes (deux d’entre elles sont animatrices). n ZONE D’ACTIVITé : Bourges, Vierzon et les communes voisines, dans un périmètre de 25 km. n FLOTTE : 9 véhicules. 40 41 Grégory Brasseur © Patrick Delapierre pour l’INRS

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en entreprise

travail & sécurité – n° 748 – mars 2014

Assise devant une table, dans la salle de formation de l’agence Adhap Services Bour­ges, au cœur du

département du Cher, Sabrina Tessiau, jeune auxiliaire de vie, fait une expérience saisissante. Équipée d’une combinaison conçue pour simuler les effets du vieillissement (raideur articu­laire, surdité, baisse de la vue…), elle reproduit, à la demande de Véronique Roux, infirmière coor­dinatrice de la structure, une série de gestes simples : ouvrir une bouteille, se servir un verre d’eau, chercher des pièces dans un porte­monnaie… « Les mou-vements sont découpés comme

ceux d’un robot. On a une sen-sation d’enfermement qui per-met de se rendre mieux compte des difficultés que rencontrent les personnes âgées », explique la jeune femme. Testé par l’en­semble des auxiliaires de vie au cours de l’année 2013, l’équipe­ment s’intègre au programme de formation de l’agence, au même titre que la formation à l’utilisa­tion du lève­malade. « Depuis l’ouverture du centre, en avril 2009, nous avons la volonté de pérenniser une démarche innovante en matière de préven-tion des risques professionnels, affirme Claude Le Juge, directeur de l’agence. La présence d’une professionnelle de santé au sein

n La présence de l’infirmière coordinatrice, impliquée dans la formation et le suivi des auxiliaires de vie, contribue à limiter le stress des interventions. Celle-ci aborde très tôt les risques rencontrés au domicile.

n Une combinaison simulant les effets du vieillissement est utilisée en formation pour mieux comprendre la situation des bénéficiaires, et au cours d’ateliers sur la manipulation des personnes.

L’essentiel

6 000salariés en cDi sont employés par le réseau adhap services, qui possède 146 implantations en France.

le chiffre

AIDE À DOMICILE

S’adapter au poids des années

DepUis sa création, en 2009, l’agence Adhap Services Bourges met l’accent sur la formation des auxiliaires de vie afin que les interventions à domicile se déroulent dans les meilleures conditions de sécurité possibles. Une combinaison simulant les effets du vieillissement est utilisée lors de formations pour faire mieux comprendre aux intervenantes les difficultés du quotidien des bénéficiaires.

Fiche d’identitén nom : Adhap Services

Bourges.

n activité : Aide au quotidien (toilette, repas, courses, ménage…), service d’accompagnement, installation de téléassistance, aide administrative.

n eFFectiF : 31 salariés dont 25 auxiliaires de vie, exclusivement des femmes (deux d’entre elles sont animatrices).

n Zone D’activité : Bourges, Vierzon et les communes voisines, dans un périmètre de 25 km.

n FLotte : 9 véhicules.

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en entreprise

travail & sécurité – n° 748 – mars 2014

Testée par l’ensemble des auxiliaires de vie au cours de l’année 2013, la combinaison s’intègre au programme de formation de l’agence, au même titre que la formation à l’utilisation du lève­malade.

de la structure est un véritable atout. Véronique est très impli-quée dans la formation des per-sonnels aux pathologies lourdes, telles que la maladie d’Alzheimer ou la sclérose en plaques. Elle les soutient et les rassure. » Il y a un an et demi, alors qu’il s’inquiète du nombre d’arrêts de travail et des difficultés liées à la manipu­lation des personnes, le réseau Adhap Services, auquel l’agence appartient, lui propose un outil ingénieux : une combinaison destinée à faire l’expérience du vieillissement. « Il est important de connaître le métier de l’inté-rieur. Les personnes âgées ne font pas exprès de mettre du temps à se lever, à venir ouvrir la porte. Or le facteur temps est très anxiogène pour les auxiliaires de vie, dont les plannings sont serrés », souligne l’infirmière coordinatrice.

Mieux comprendreLes essais, dont elle assure une mise en scène ludique et pédago­gique, se font par ateliers de trois salariées. Pendant une vingtaine de minutes, l’une va jouer son rôle d’auxiliaire de vie, l’autre celui de la personne âgée, tandis que la troisième apportera un point de vue extérieur. Puis, on inverse les rôles. L’auxiliaire, « entravée » dans la combinaison, est confron­tée à des besoins primaires : se déplacer, manger, boire, monter une marche… Le temps consa­cré à s’équiper permet de revoir la théorie (pathologies arthro­siques, incontinence…). En complément, Véronique Roux organise des ateliers de trans­fert (déplacement de personnes immobilisées), car c’est dans ces moments que le dos de l’aidant est bien souvent mis à l’épreuve. « Les gestes sont différents suivant que la personne âgée est active ou passive pendant la manipu-lation. Si l’auxiliaire ne parvient pas à faire le transfert ou si elle commet des erreurs techniques, la gestuelle est revue. Ainsi, on évitera peut être le lumbago en situation réelle, explique­t­elle. La tenue, modulable à l’infini, est utilisée pour simuler différentes pathologies. » À la suite des tests, les salariées remplissent un questionnaire.

L’idée est d’évaluer l’impact du dispositif sur l’augmentation de l’empathie, la capacité à se mettre dans la situation de la personne âgée, la compréhen­sion de l’état physique des béné­ficiaires, l’évolution de la relation à la personne âgée et des gestes

réalisés, la compréhension des risques domestiques… En se mettant « dans la peau de la personne âgée », les interve­nantes discutent de l’efficacité de certaines manipulations à l’aide des aides techniques. La plupart reconnaissent mieux comprendre pourquoi certains gestes deviennent inefficaces. « Après, elles reprennent le volant moins stressées », ajoute Sabrina Tessiau, qui deviendra bientôt animatrice et sera pré­sente auprès des auxiliaires qui en manifesteront le besoin.

Un encadrement permanentD’un point de vue organisa­tionnel, le planning des sala­riées leur est donné en fin de mois pour le mois suivant : nom, adresse, téléphone des béné­ficiaires et, si possible, parti­cularités liées aux domiciles. Il

est cependant parfois modifié. « Pour chaque nouveau bénéfi-ciaire, une évaluation est faite au domicile, afin de repérer les risques liés à l’habitat, les risques infectieux, les risques liés aux manutentions, communiquer les protocoles à suivre et prévoir le matériel adapté », explique Véro­nique Roux. Avec le personnel, elle organise un rendez­vous d’une durée minimale de 2 h 30, quelques jours avant le début du la prestation. La tenue de travail et le carnet de bienvenue sont remis à l’auxiliaire. Y figurent les recommandations, les fiches de consignes et des informations sur l’organisation de l’entreprise, les mesures d’urgence et l’uti­lisation des documents admi­nistratifs permettant de suivre les bénéficiaires. Dans le cas de situations difficiles (bénéfi­ciaires résentant des séquelles importantes à la suite d’AVC, d’Alzheimer ou de démence…), la première intervention est programmée en binôme, avec l’infirmière coordinatrice ou une animatrice. La coordinatrice reste ensuite très présente dans la gestion de ces situations et procède à des contrôles réguliers sur le terrain. « Si elles rencontrent des difficul-tés, elles savent qu’elles peuvent me joindre à tout moment », insiste­t­elle. « L’entreprise s’est montrée très autonome sur la formation pour permettre la montée en compétence des auxi-liaires de vie. Nous allons désor-mais l’accompagner dans la lutte contre les troubles musculosque-lettiques (TMS) et la prévention du risque routier », ajoute Florian Simon, contrôleur de sécurité à la Carsat Centre. Actuellement, les salariées sont sensibilisées au bon usage des véhicules. Le parc automobile est contrôlé réguliè­rement, les déplacements opti­misés et des GPS prêtés. « Nous réfléchissons à de nouvelles for-mations au risque routier, ainsi qu’à la mise à disposition dans tous les véhicules d’aides tech-niques : disques de transfert, draps de glissement… », indique Claude Le Juge. Une façon, tou­jours, d’aborder l’ensemble des situations rencontrées au domi­cile avec plus de sérénité. n©

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Les personnes âgées ne font pas exprès de mettre du temps à se lever, à venir ouvrir la porte.