afrique vision - edition 2018 centre d’excellence pour la … · 2019. 7. 25. · central du...

23
La Voix Des Participants EDITION 2018 Centre d’Excellence pour la Gouvernance des Industries Extractives en Afrique Francophone Editorial Des avancées non négligeables dans la gouvernance des industries extractives grâce à différents acteurs Les actions pour la bonne gouvernance des ressour- ces naturelles se poursui- vent dans les pays et notamment ceux d’Afrique francophone. Ces actions mobilisent différentes parties prenantes : les formateurs, les ONG, les parlementaires, les journalistes et les organisations de la société civile. Chacune d’elles doit jouer son rôle pour aboutir à un cadre plus propice à la bonne gouvernance des industries extractives et à des retombées bénéfiques pour les communautés, notamment les plus défavorisées. Ces actions sont complémentaires de celle des gouvernements. L’action des parlementaires est primordiale. Ils votent les lois et contrôlent l’action du gouvernement. C’est ainsi que certains parlementaires, conscients de la place qu’ils occupent dans ce combat et jouant pleinement leur rôle, suscitent des avancées dans l’amélioration de la gestion des ressources naturelles. Ainsi, dans un pays producteur d’or comme le Burkina Faso, le Parlement a mis en place une commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières dont les recommandations ont abouti, entre autres, à la loi n°028-2017/AN du 18 mai 2017 portant organisation de la commercialisation de l’or et des autres substances précieuses dans le pays. Cette dernière permet la présence des représentants de l’État dans la salle de coulage de l’or. Ce type d’exemple montre que des résultats satisfaisants sont possibles au niveau des États dont les parlements exercent un contrôle suffisant de l’action gouvernementale dans le domaine des industries extractives. L’encadrement juridique fait partie des éléments évoqués pour accroître la valeur ajoutée des industries extractives dans les pays d’Afrique. L’adoption de la Vision minière africaine (VMA) en février 2009 en témoigne. Rappelons que la VMA a comme objectif d’aider les pays africains à bénéficier au maximum de l’exploitation des ressources de leur sous- sol. Elle se traduirait à l’échelle nationale par la négociation de contrats avec les entreprises afin de générer des revenus équitables de l’extraction des ressources. Dans cette dynamique, les codes minier ou pétrolier ont été révisés dans certains pays à l’instar du Niger, de la République de Guinée, du Mali, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, de la République démocratique du Congo ou encore du Cameroun. Ces réformes intègrent un certain nombre de dispositions relatives à la transparence, à la lutte contre les conflits d’intérêts, à la lutte contre la corruption et à la promotion du contenu local. Cependant, certains experts prescrivent de procéder Magazine d’information des apprenants de CEGIEAF Éditorial ................................................. 1 Actu-campus ....................................... 2 Tribune libre......................................... 9 Interview ............................................ 11 Transcendance ................................ 13 Focus sur les certificats ................ 20 Dr Achille SAA LAPA

Upload: others

Post on 28-Jan-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • La Voix Des Participants

    EDITION 2018

    Centre d’Excellence pour la Gouvernance des Industries Extractives en Afrique Francophone

    EditorialDes avancées non négligeables dans la gouvernance des industries extractives grâce à différents acteurs

    Les actions pour la bonne gouvernance des ressour- ces naturelles se poursui- vent dans les pays et notamment

    ceux d’Afrique francophone. Ces actions mobilisent différentes parties prenantes : les formateurs, les ONG, les parlementaires, les journalistes et les organisations de la société civile. Chacune d’elles doit jouer son rôle pour aboutir à un cadre plus propice à la bonne gouvernance des industries extractives et à des retombées bénéfiques pour les communautés, notamment les plus défavorisées. Ces actions sont complémentaires de celle des gouvernements.

    L’action des parlementaires est primordiale. Ils votent les lois et contrôlent l’action du gouvernement. C’est ainsi que certains parlementaires, conscients de la place qu’ils occupent dans ce combat et jouant pleinement leur rôle, suscitent des avancées dans l’amélioration de la gestion des

    ressources naturelles. Ainsi, dans un pays producteur d’or comme le Burkina Faso, le Parlement a mis en place une commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières dont les recommandations ont abouti, entre autres, à la loi n°028-2017/AN du 18 mai 2017 portant organisation de la commercialisation de l’or et des autres substances précieuses dans le pays. Cette dernière permet la présence des représentants de l’État dans la salle de coulage de l’or. Ce type d’exemple montre que des résultats satisfaisants sont possibles au niveau des États dont les parlements exercent un contrôle suffisant de l’action gouvernementale dans le domaine des industries extractives.

    L’encadrement juridique fait partie des éléments évoqués pour accroître la valeur ajoutée des industries extractives dans les pays d’Afrique. L’adoption de la Vision minière africaine (VMA) en février 2009 en témoigne. Rappelons que la VMA a comme objectif d’aider les pays africains à bénéficier au maximum de l’exploitation

    des ressources de leur sous-sol. Elle se traduirait à l’échelle nationale par la négociation de contrats avec les entreprises afin de générer des revenus équitables de l’extraction des ressources. Dans cette dynamique, les codes minier ou pétrolier ont été révisés dans certains pays à l’instar du Niger, de la République de Guinée, du Mali, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, de la République démocratique du Congo ou encore du Cameroun. Ces réformes intègrent un certain nombre de dispositions relatives à la transparence, à la lutte contre les conflits d’intérêts, à la lutte contre la corruption et à la promotion du contenu local. Cependant, certains experts prescrivent de procéder

    Magazine d’information des apprenants de CEGIEAF

    Éditorial .................................................1

    Actu-campus .......................................2

    Tribune libre .........................................9

    Interview ............................................ 11

    Transcendance ................................ 13

    Focus sur les certificats ................ 20

    Dr Achille SAA LAPA

  • 2

    à l’harmonisation du cadre juridique dans les pays d’Afrique producteurs miniers. Ce processus est avancé en Afrique de l’Ouest et est en cours dans la zone CEMAC, où un projet de code minier communautaire est disponible.

    Des actions importantes sont encore attendues des autres parties prenantes, cibles du programme CEGIEAF, notamment les

    organisations de la société civile et les journalistes, qui peuvent se constituer en associations ou en réseaux pour influencer positivement la gestion des ressources naturelles. Les activités menées sont consignées dans des rapports, qui contiennent des recommandations et des pistes d’action exploitables. Les espaces de partage et d’évaluation des expériences se multiplient :

    forums, conférences, ateliers ou encore séminaires de formation. La suite logique serait la mise en œuvre d’actions permettant de capitaliser ces productions. Les retours d’expérience, qui sont fortement encouragés pour témoigner de l’impact des différentes initiatives individuelles ou collectives, demeurent un point central du magazine.

    Actu-campusGouvernance des industries extractives en Afrique francophone : 33 acteurs renforcent leurs capacités

    La huitième session de formation sur la gouvernance des ressour- ces naturelles en Afrique francophone s’est tenue

    du 30 juillet au 10 août 2018 à l’Université catholique d’Afrique centrale sise à Yaoundé au Cameroun. Au total, trente-trois participants ont pris part à la rencontre, notamment des journa- listes, des acteurs de la société civile et des parlementaires, œuvrant tous à la transparence du secteur minier, gazier et pétrolier. Des employés des sociétés minières ainsi que des cadres des administra-tions publiques y ont également pris part.

    Selon Évelyne Tsague, codirectrice de Natural Resource Governance Institute (NRGI) pour l’Afrique francophone, cette initiative a été lancée en 2011 ; l’objectif est de renforcer les capacités des organes de surveillance du secteur extractif.

    Les participants venaient du Burkina Faso, du Congo-Brazzaville, de Côte d’Ivoire, de Guinée, de RDC, du Togo et du Sénégal. Pendant deux semaines, ces acteurs ont été outillés sur toute la chaîne de valeur des industries extractives, de la phase d’exploration jusqu’à la fermeture des sites, en passant par la produc-tion. Les modules ont notamment porté sur le contenu local, la res- ponsabilité sociale et sociétale des entreprises (RSE), les impacts so-ciaux et environnementaux, les mé-canismes de suivi environnemental, la fiscalité minière, l’économie poli-tique des industries extractives, les techniques de plaidoyer et l’investi-gation journalistique dans le secteur.

    La rencontre a consisté en plusieurs sessions et a adopté une approche participative. Chaque jour, un audi-teur a ainsi été désigné pour faire le feed-back de la journée précédente ; les groupes de travail ont varié selon le thème. La tenue d’une conférence à dimension internationale avec pour thème « la diversification et résilience des économies d’Afrique centrale riches en ressources extrac- tives » est venue en appoint aux

    autres séances. Cet échange facilité par des experts avérés a permis aux participants d’approfondir la ré- flexion sur les enjeux et les défis des ressources naturelles en Afrique.

    Pour lier la théorie à la pratique, les participants se sont rendus sur le site de l’entreprise Gaz du Cameroun à Douala, la capitale économique du pays. L’entreprise gazière bâtie sur une superficie de 20 hectares exploite le gaz depuis l’année 2013. La délégation a échangé avec deux ingénieurs employés dans cette industrie sur divers sujets, dont le mécanisme de fonctionnement de l’entreprise, sa relation avec les communautés, la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), le contenu local, etc. La visite a permis aux participants d’acquérir de nou-velles connaissances sur le fonction-nement de l’industrie gazière.

    Les participants ont particulière-ment apprécié la contribution active d’une députée du Parlement burkinabé et également d’un con-seiller juridique du ministère des Hydrocarbures du gouvernement central en République démocra-tique du Congo (RDC).

    Par Mamadou III DIALLO, Guinée (Conakry)

  • 3

    Actu-campusL’Afrique serait-elle esclave des industries extractives ?

    Par Golota Raphaël LAMAH,Guinée (Conakry)

    Les ressources naturelles, notam-ment celles des industries extrac-tives, font à la fois le bonheur et le malheur du continent. Syndrome hollandais ou malédiction des res-sources : serait-ce ce dont souffre le continent ?

    Le secteur extractif en Afrique est le principal atout économique de nombreux États. Selon des statis-tiques sur les ressources minérales, il constitue les trois quarts de l’offre mondiale de platine, les deux tiers de la production mondiale de cobalt et la moitié de l’offre de diamants et de chrome. La production du con-tinent couvre aussi un cinquième des besoins en or et en uranium. L’Afrique est aussi productrice de bauxite, de pétrole et de gaz.

    C’est dire que le potentiel du sous-sol du continent semble animer le rêve de la classe dirigeante. Malgré l’exploitation de ces ressources, la majorité de la population africaine vit toujours dans la pauvreté, avec des franges importantes qui croupissent en dessous du seuil de pauvreté ; la dette extérieure reste énorme et l’on note une dépendance notoire à l’aide

    internationale pour subvenir aux besoins des populations. Ceci amène les observateurs à interroger la gestion des recettes issues du secteur extractif. Comment comprendre que des États comme la République démocratique du Congo, la République de Guinée (véritables scandales géologiques), le Tchad, le Niger, le Congo, l’Angola et autres ne soient pas en mesure d’assurer les services sociaux de base pour leurs populations respectives ? Quelle gouvernance extractive pour les États africains ?

    Pour certains comme Moustapha Doukoure, spécialiste en ges-tion des finances publiques et

    consultant à la Banque mondiale et à la Banque asiatique de développe-ment, le problème se trouve dans un déficit de vision : « Les États africains doivent avoir une vision et une constance au niveau de leur développement. Je pense qu’il se-rait naïf de croire que les dirigeants africains ne connaissent pas le défi qui les attend pour le développe-ment de leurs pays. Ils sont con-scients des enjeux, mais la plupart ont une vision à court terme, ce qui ne favorise pas un développement durable ». S’il est vrai que nos États manquent de vision sur le long terme, que pourrait donc apporter la Vision minière africaine (VMA) au développement du continent ?

    D’autres observateurs soulignent le déficit de compétences. Le développement économique basé sur les ressources extractives connaît un manque de compétences avéré sur toute la chaîne de valeur avec peu de maîtrise des valeurs boursières et en amont, une opacité et un manque de probité dans la négociation et la gestion des contrats. Ils vont plus loin et indiquent le potentiel agricole comme une alternative pour une stabilité macro et micro-économique de nos États.

    Moustapha DOUKOURE, spécialiste en gestion des finances publiques

  • 4

    Actu-campusDiversification et résilience des économies d’Afrique centrale riches en ressources extractives : regards croisés des professionnels et experts sur la question

    Par Prosper KOUAYEP, Cameroun

    Le 8 août 2018, le campus de Nkolbisson de l’Université catholique d’Afrique centrale à Yaoundé, au Cameroun, a servi de cadre à une conférence internatio- nale sur le thème : « Diversification et résilience des économies d’Afrique centrale riches en ressources extrac-tives ». L’activité était organisée par le Centre d’excellence pour la gou-vernance des industries extractives en Afrique francophone (CEGIEAF) dans le cadre de son Université d’été sur la gouvernance des industries extractives. Le but de la rencontre était d’interroger les économies des pays d’Afrique subsaharienne et d’analyser leur potentiel pour une meilleure croissance. Une centaine de personnes venues des pays de l’Afrique subsaharienne franco-phone ont pris part à l’évènement. Elles représentaient différentes catégories d’intervenants dans le secteur des industries extractives, dont l’administration publique, le secteur privé, les organisations de la société civile, les étudiants chercheurs, les journalistes et les parlementaires.

    Selon le FMI, un pays est dit riche en ressources naturelles s’il satisfait à certains critères, notamment si un pourcentage moyen d’au moins 25 % des recettes budgétaires totales dérivent des hydrocarbures et/ou des minerais. Vu sous cet angle, plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne francophone, notamment le Tchad, la Guinée équatoriale et la RDC, sont

    identifiés comme tels. Seulement, leur classement selon l’indice de gouvernance des ressources naturelles 2017 publié par Natural Resource Governance Institute (NRGI) reste médiocre voire défaillant, puisqu’ils occupent respectivement la 72e, la 84e et la 85e places. De fait, en Afrique centrale, la grande majorité des pays dépendent du secteur pétrolier et/ou minier ; le choc dû à la crise pétrolière de 2016 a donc fortement impacté leur vie économique et sociale. Ceci démontre la fragilité de ces États en particulier et de nombreux autres pays d’Afrique en général. On peut par conséquent s’interroger sur l’approche de ces pays en matière de diversification économique et sur leur capacité de résilience.

    Le moment d’échanges entre uni-versitaires, praticiens et acteurs de la société civile trouve ainsi

    sa raison d’être. Les idées issues de ces débats ont certainement édifié les participants. Elles pour-raient participer au changement de paradigme dans leurs États. Le Dr N’Djomon, le Dr Gilbert Maoundonodji, M. Strafort Pedie et le Dr Kouakam ainsi que les interventions des participants ont en conséquence permis de mieux comprendre les concepts de rési- lience et de diversification et, bien plus, de convaincre de la nécessité contextuelle de cette dernière. L’on a également pu échanger sur les en-traves à cette diversification et sur les pistes pour sortir de l’impasse.

    Comprendre la diversification

    La définition de cette notion est présentée par le Dr N’Djomon et M. Strafort Pedie. Les deux con-vergent pour ce qui est de la double dimension horizontale et verticale de la diversification. Strafort Pedie

    Le panel de la conférence (de gauche à droite : Dr Gilbert MAOUNDONODJI, Dr Abel N’DJOMON, Prof. Estelle KOUOKAM et M. Strafort PEDIE)

  • 5

    la définit comme « une stratégie de développement qui consiste à prendre position sur de nouveaux marchés pour maîtriser les aléas de la conjoncture et réduire l’impact des fluctuations des cours des pro-duits de base sur les économies ». Sur le plan horizontal, il s’agit de faire émerger un nouveau secteur d’activité. La diversification verti-cale consiste quant à elle à élargir la gamme des produits fabriqués dans un même secteur, afin d’aboutir à la constitution d’une filière complète, allant du produit de base jusqu’aux produits ou services incorporant une plus forte valeur ajoutée.

    Abordant le concept d’un point de vue macroéconomique, le Dr N’Djomon le définit comme « un processus de transformation structurelle d’une économie qui l’amène à passer de la domination d’un secteur particulier, en général le secteur primaire, vers une plus importante contribution des autres secteurs, en général les secteurs secondaire et tertiaire, à la création de richesse ».

    Au regard de ces définitions, la diversification, pour les pays dépendant des ressources extrac-tives, consisterait à investir dans d’autres secteurs – l’agro-industrie, par exemple (diversification horizontale) – ou à investir dans la chaîne de valeur des ressources naturelles, entre autres, plutôt que dans l’exportation.

    La diversification, une nécessité contextuelle

    Selon le Dr N’Djomon, il apparaît clairement que les économies africaines sont fortement tributaires des facteurs exogènes, c’est le cas du cours des ressources naturelles. Il rappelle les différents chocs pétroliers qu’a connus l’Afrique, notamment la crise économique qui a suivi les

    instabilités macro-économiques et la volatilité des cours du pétrole dans les années 70 ; celle des années 1982-1992 ; la crise financière internationale de 2008 et le choc pétrolier intervenu à partir de 2015. Ces crises ont eu comme conséquence une détérioration des comptes publics et des comptes extérieurs, ce qui a impacté durablement la vie sociale dans les différents pays. Ces faits montrent clairement la nécessité de la diversification.

    Les experts s’accordent d’ailleurs pour dire que la diversification est un passage obligé vers les écono-mies modernes. Les pays du golfe de Guinée et le Tchad sont forte-ment interpellés compte tenu de la contribution substantielle des hy-drocarbures dans leur PIB, leurs re-cettes d’exportation et budgétaires. C’est ce qu’affirme le Dr Gilbert Maoundonodji, qui ajoute que le choc actuel appelle à la résilience de la part de ces pays. La diversifica-tion des économies est une option pour renforcer cette résilience. Elle passe aussi par des politiques budgétaires anticycliques, sources d’une croissance plus forte.

    Ces pratiques qui entravent la mise en œuvre de la diversification

    Pour les pays riches en ressources naturelles, la volatilité des prix est le principal choc exogène auquel leurs économies sont confrontées, déclare le Dr G. Maoundonodji. Il évoque quelques facteurs économiques pour illustrer cette affirmation, à savoir le ralentissement de l’économie chinoise et le boom de la production de pétrole nord-américain. Mais en interne, certaines pratiques constituent une entrave à la diversification, affirme le Dr N’Djomon : c’est le mauvais climat des affaires, la difficile mise en œuvre de l’intégration sous-régionale, etc. qui relève surtout de la compétence des décideurs publics de la zone CEMAC. Cet universitaire explique que la structure d’exportation et d’importation des pays de cette zone est basée sur les théories traditionnelles (classiques et néoclassiques) du commerce extérieur, c’est-à-dire une production tournée vers l’exportation au détriment d’une pré-transformation ou

    Intervention d'un particpant à la conférence

  • 6

    d’une transformation totale avant toute exportation. Le Dr G. Maoundonodji y voit un risque d’effondrement du tissu économique national. Strafort Pedie met en cause une totale dépendance des économies de la CEMAC à une poignée de produits principaux. C’est le cas du Tchad, dont le pétrole en 2013 représentait 90,8 % des exportations contre moins de 5 % pour les autres produits de base comme le coton et l’or ; au Congo, le rapport est de 71,1 % pour le pétrole brut contre moins de 10 % pour le cuivre et le bois. En Guinée équatoriale, le rapport est de 86,2 % pour les hydrocarbures. Au regard de ces statistiques, on constate par ailleurs que la gestion des fonds issus de l’exploitation des ressources extractives est gangrenée par la malgouvernance, alors qu’elles auraient pu servir à la diversification des économies.

    Sortir de l’impasse

    Strafort Pedie propose la mise en œuvre des politiques de trans-formation structurelle. Il donne en exemple le cas du Gabon et du Cameroun. Pour ce qui est du Gabon, ce pays s’est engagé à la transformation de son potentiel dans l’industrie du bois et a interdit l’exportation à l’état brut. Pour consolider la diversification de son économie, le Cameroun a quant à lui élaboré un plan directeur d’industrialisation adossé sur cinq (5) piliers industriels structurants : forêt/bois, textile/confection/cuir, mines/métallurgie/sidérur-gie, hydrocarbures/pétrochimie/raffinage et chimie/pharmacie.

    Le Dr G. Maoundonodji estime que la diversification passe par une bonne gestion des revenus issus de l’exploitation des ressources extractives. Celle-ci nécessite la mise en œuvre des mécanismes et

    instruments tels les Fonds de sta-bilisation, les Fonds de stérilisation et les Fonds pour les générations futures (FGF).

    Somme toute, pense le Dr N’Djomon, augmenter de façon substantielle le capital global des pays dotés de ressources extractives nécessite une croissance impor-tante de leur capital intangible.

    La conférence qu’animait un trio d’intervenants – le Dr N’Djomon, expert universitaire, M. Pedie, cadre au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (MINEPAT – Cameroun) et Dr Maoundonodji, consultant dans le secteur des ressources naturelles –, était modérée par le professeur Kouakam de l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC). En trois heures de débats, cet espace a ainsi permis aux nombreuses personnes présentes de croiser leurs regards sur les politiques, enjeux, défis et perspectives de ce qu’on pourrait considérer comme les leviers de croissance des pays d’Afrique subsaharienne. À l’issue des échanges, Mme Évelyne Tsague, co-directrice de NGRI Afrique francophone, qui supervisait les discussions et y prenait part, a exprimé toute sa satisfaction de voir un tel débat se tenir en présence de nombreux acteurs. Elle a émis le vœu que ces échanges enrichissent le plaidoyer des acteurs de la société civile pour la diversification des économies des pays riches en ressources naturelles, afin de les rendre moins vulnérables à la volatilité des prix des ressources extractives.

    Une vue des participants à la conférence

  • 7

    Actu-campusContrôle parlementaire des industries extractives au Burkina Faso : entretien avec Mme Karidia Zongo-Yanogo, députée à l’Assemblée nationale du Burkina FasoSource : https://resourcegovernance.org/blog/controle-parlementaire-des-industries-extractives-au-burkina-faso

    Entretien réalisé par Christophe TIYONG

    Au début du mois d’août, 34 partici- pants venant de 9 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont pris part à la huitième session de l’Uni-versité d’été sur la gouvernance des industries extractives organisée par le Natural Resource Governance Institute et l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC) dans le cadre du Centre d’excellence pour la gouvernance des industries ex-tractives en Afrique francophone (CEGIEAF) à Yaoundé, Cameroun. Christophe Tiyong a eu l’occasion d’échanger avec l’une des partici-pantes, Mme Zongo-Yanogo, députée à l’Assemblée nationale du Burkina Faso et ingénieur hydrogéologue de formation. Le Burkina Faso est un pays riche en ressources minières, dont principalement l’or, le zinc, le cuivre, le manganèse, le phosphate et le calcaire. Leur entretien a porté sur une initiative inédite au Burkina, la commission d’enquête parlementaire sur le secteur extractif, et sur les per-spectives ouvertes par la formation.

    Christophe Tiyong : En 2016, le Parlement du Burkina Faso a mené une enquête parlemen-taire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières. Pouvez-vous nous parler de cette initiative, qui est assez rare en Afrique francophone ? Qu’est-ce qui a motivé le Parlement ?

    Mme Zongo-Yanogo : Depuis que l’exploitation de l’or a commencé au Burkina Faso, les populations disent toujours : « On ne sent pas les retombées de l’or ». Au contraire, il y a beaucoup de plaintes des populations ; les conflits entre les sociétés minières et les communautés sont récurrents. Sur le plan de l’environnement, on a vu sur certains sites des fosses béantes qui sont abandonnées par les entreprises minières. Dans le cadre de nos prérogatives de contrôle de l’action gouvernementale qui constitue un axe important de notre Plan stratégique 2016-2020 et ayant à cœur ces préoccupations, le Parlement a décidé unanimement,

    par la résolution n°019-2016/AN du 12 avril 2016, de mettre en place une commission d’enquête. Depuis 2009, la question minière est devenue essentielle pour nous. L’or est devenu le premier produit d’exportation du Burkina, devant le coton. Nous avons voulu comprendre le paradoxe entre cette richesse et les plaintes des populations. De plus, des scandales politico-judiciaires dans le secteur ont entraîné le pays devant les tribunaux internationaux et ces procès nous ont fait perdre des milliards de francs CFA. Des contrats ont été signés, annulés et attribués à d’autres entreprises minières par le truchement d’actions que je qualifierais de peu orthodoxes de la part de nos responsables, nos ministres des Finances et des Mines de l’époque. La commission d’enquête était composée d’une équipe de dix députés qui représentent la configuration des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale.

    Christophe Tiyong : À l’issue de cette enquête, vous avez rédigé un rapport avec plusieurs recommandations. Avez-vous le sentiment aujourd’hui que ces recommandations sont en train d’être mises en œuvre ?

    Mme Zongo-Yanogo : Tout à fait. Après la publication du rapport, un comité de suivi composé de six députés a été mis en place. Je

    Mme Karidia ZONGO-YANOGO, députée à l'Assemblée nationale du Burkina Faso

  • 8

    suis membre de ce comité. Nous avons d’abord formulé 2 ou 3 résolutions pour l’Assemblée nationale et une soixantaine de recommandations pour le gouvernement. Le Parlement devait entre autres adopter une loi pour la prise en compte de certains aspects de notre rapport. Pour ce qui concerne les recommandations au gouvernement, nous avons eu ensemble des séances de travail après transmission du rapport. Ensuite, le gouvernement s’est exécuté. Je précise que certaines recommandations commençaient déjà à être mises en œuvre sur initiative du gouvernement. À ce jour, 49 % des recommandations sont déjà appliquées, 38 % sont en cours et 13 % en attente d’exécution.

    Christophe Tiyong : Pouvez-vous nous parler de quelques-unes de vos recommandations au gouvernement ?

    Mme Zongo-Yanogo : Dans l’une de nos recommandations, nous demandions au gouvernement d’ouvrir une enquête judiciaire sur la responsabilité des anciens ministres des Mines, pour les premiers contentieux sur Tambao, et de celui des Finances sur la gestion et la destination du bonus versé par la société Pan African. Nous avons aussi demandé que le ministère des Mines renforce ses compétences, son personnel, etc. Le gouvernement a mis 1 milliard de francs CFA à la disposition du ministère des Mines pour renforcer le personnel. Ensuite, pour les cas emblématiques dont je vous ai parlé, des procédures judiciaires ont été engagées.

    Nous nous sommes intéressés aussi au secteur de l’orpaillage et avons

    demandé qu’il soit mieux organisé. À la suite de l’enquête, le ministère des Mines et des Carrières a accéléré la mise en place de l’ANEEMAS (Agence nationale d’encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées). Une loi sur la commercialisation de l’or, qui avait été ajournée par l’Assemblée nationale en attente des conclusions de l’enquête parlementaire, a été réexaminée et votée en prenant en compte certaines recommandations. Cette loi permet désormais la présence de l’État dans la salle de coulage de l’or.

    Nous nous sommes aussi rendu compte que l’État perdait beaucoup d’argent avec les exonérations et qu’il n’avait pas les moyens de mesurer celles qu’il avait autorisées. Nous avons donc demandé qu’un système soit mis en place pour que l’État soit capable d’évaluer ce qu’il perd en termes de dépense fiscale. Le gouvernement a mis en place un logiciel, Infocentre, qui permet de collecter les données sur le secteur minier pour procéder aux différentes analyses.

    Au moment de l’enquête, il y avait une prolifération d’octrois de titres miniers alors que le cadastre minier était encore en cours d’informatisation. Nous avons donc recommandé la suspension de l’octroi des titres miniers et cela a été fait. Aujourd’hui, on attend de mettre de l’ordre avant de reprendre la délivrance des titres.

    Sur la question de l’emploi national, le code minier n’est pas précis. Il souhaite simplement que les sociétés minières emploient les nationaux en priorité et qu’elles aient un plan de remplacement des expatriés par des nationaux.

    Des observations ont été faites, le gouvernement y réfléchit et je pense qu’à la prochaine relecture du code, cet aspect sera mieux précisé pour permettre un suivi et des contrôles de sa mise en œuvre.

    De manière générale, nous notons la bonne volonté du gouvernement à mettre en œuvre nos recommandations parce que c’est une question qui préoccupe tout le monde.

    Christophe Tiyong : La formation vous a-t-elle donné des orientations utiles pour la suite de votre engagement ?

    Mme Zongo-Yanogo : Ces deux semaines de formation m’ont appris beaucoup de choses. J’ai appris grâce aux cours théoriques, à la sortie sur le terrain et aux échanges avec les autres camarades. Au départ, j’utilisais certains termes dont je ne maîtrisais pas forcément le contenu, et j’en ai découvert d’autres. Il y a des questions que je pourrais faire intégrer dans les prochaines recommandations, notamment le contenu local. Il y a aussi la question de la modélisation financière comme outil de négociation des contrats. J’en parlerai au comité de suivi et nous allons vérifier l’existence et l’utilisation des modèles financiers des différents projets et éventuellement interpeller le gouvernement au moyen des questions orales pour qu’il développe ses propres modèles financiers. Par le biais des questions orales et des questions écrites, je ferai en sorte que ce que j‘ai appris ici puisse servir à la bonne gouvernance.

  • 9

    Tribune libre« Les sessions étaient dans l’ensemble à la hauteur des attentes des participants ? »

    Je suis Christelle Yesalaso Nzumba, j’ai été émue et honorée de prendre part au cours d’été sur la gouvernance des indus-

    tries extractives en Afrique franco-phone. J’ai été particulièrement marquée par le respect mutuel, la tolérance, l’unité et l’amour qui ont caractérisé le groupe. Nous étions devenus comme des personnes originaires d’un même pays. On s’entraidait, on partageait la nourriture, etc.

    Les sessions étaient dans l’ensem-ble à la hauteur des attentes des par-ticipants. Elles ont été de véritables moments d’apprentissage, le per-sonnel du CEGIEAF et les facilita-teurs ayant mis à notre disposition des supports de cours et l’ensem-ble du matériel didactique pour une meilleure appropriation de la formation. Lors des sessions, nous n’étions pas face à des informateurs

    qui monopolisent la parole. Nous étions plutôt face à des communi-cateurs qui attendaient toujours une réaction de notre part, pour nous remettre sur la voie ou nous recadrer. Nous étions face à de vrais pédagogues et andragogues.

    La descente sur le terrain a été aussi pour moi une façon de découvrir une entreprise gazière. Dans mon pays, il y a un projet d’exploitation gazière. Ce fut une belle expérience et je garde le souvenir d’une visite guidée très instructive. Mais comme toute entreprise, Gaz du Cameroun (Victoria Oil and Gas) a aussi des informations qu’elle n’a pas mises à notre disposition, elle nous a ren-voyés à l’État pour les cas présumés de violations des droits humains, comme la pollution de l’air et la délocalisation des communautés.

    Il faut dire qu’avant cette formation, j’intervenais déjà dans le secteur extractif, mais il y avait beaucoup de choses qui me semblaient confuses. Cette formation apporte de la valeur ajoutée à ma vie professionnelle et quotidienne. Elle me sera d’un grand intérêt, particulièrement dans mon travail avec les communautés

    locales par le bais des radios com-munautaires en RDC.

    Comme souvenirs, le plus im-portant, c’est ce moment partagé ensemble. Mais c’est aussi :

    • le partage de nos expériences professionnelles et culturelles, qui n’a pas seulement enrichi les participants, mais aussi les formateurs ;

    • nos discussions au restaurant après les cours, ce que chaque personne avait à dire sur la situation de son pays ;

    • nos sorties organisées par le CEGIEAF ;

    • ces petits surnoms attribués à plusieurs d’entre nous : « Parlement » pour représenter madame la députée du Burkina Faso, « gouvernement » pour représenter le conseiller du ministre des Hydrocarbures de la RDC, « baril, carré minier » pour parler d’une belle femme, etc.

    Ce fut merveilleux !!!

    Par Christelle YESALASO NZUMBA, Congo (Brazzaville)

  • 10

    Tribune libre« J’ai lu sur ces visages le grand regret de chacun de savoir qu’on se séparait, puisqu’on était déjà une famille et cette séparation a été aussi dure pour moi. »

    Je suis Blaise Bulambo Bubala, du groupe de travail thématique Mines de l’ONG ACADHOSHA en République démocratique du Congo. C’est pour moi une grande satisfaction d’avoir participé à la formation. J’ai beaucoup apprécié la qualité des sessions de la formation, les formateurs, l’organisation et l’accueil au CEGIEAF, y compris tous les autres aspects liés à la formation. Si dans l’ensemble toutes les sessions nous ont été bénéfiques,

    les thèmes du contenu local, de la modélisation financière, de la gestion des revenus infranationaux et des fonds de développement communautaire, de l’indice de gouvernance des ressources naturelles, de l’encadrement des contrats, des mécanismes et outils de surveillance des impacts socio-environnementaux, de la RSE, du genre et des industries extractives sont ceux qui m’ont le plus marqué. Avant la formation, j’avais une connaissance assez vague de la gouvernance des ressources naturelles, et je tâtonnais dans le domaine des industries extractives et de l’artisanat, mais après la formation, j’ai des orientations claires.

    Je tire un coup de chapeau particulièrement à Évelyne Tsague de NRGI, aux enseignants et particulièrement au professeur Kouakam et à tous les collègues venus des différents pays. La visite de terrain effectuée à Gaz du Cameroun (Victoria Oil and

    Gas) à Douala du 4 au 5 août 2018 a été très importante, car c’était pour moi la première visite d’une entreprise qui exploite le gaz.

    Je garde, à l’issue de cette édition, des souvenirs inoubliables des travaux en petits groupes et de restitution en plénière, des échanges qui m’ont fait énormément plaisir au vu de la qualité des interventions et des orientations des facilitateurs, sans oublier les deux repas récréatifs de Douala et de Yaoundé.

    La séparation a été dure pour les uns et les autres. À la remise des attestations, on pouvait quasiment voir des larmes sur le visage crispé de certains, marques d’un grand regret, tant on s’était familiarisé. Je dois avouer que j’étais de ceux-là... Cette tristesse ne pouvait cependant vaincre le désir de nous voir avancer dans le travail pour la bonne gouvernance des ressources naturelles partout en Afrique.

    Par Blaise BULAMBO BUBALA, RDC

  • 11

    InterviewAdrien Somda : « L’exonération fiscale n’est pas l’élément fondamental de l’attractivité »

    Propos recueillis par Fatoumata KANTE, Guinée (Conakry)

    VDP : L’exonération est souvent utilisée par nos États pour atti- rer les investisseurs étrangers. Est-elle l’unique moyen ?

    Adrien Somda : Partant d’une étude réalisée par une institu-tion de référence, qui présente les éléments sur lesquels un porteur de projet extractif s’appuie pour décider d’investir dans un pays, nous avons constaté que l’exonéra-tion fiscale ou décharge fiscale n’est pas l’élément fondamental qui pousse un investisseur à venir. Il faut conseiller à toutes les parties prenantes du secteur d’utiliser cet outil fiscal de manière beaucoup plus mesurée et responsable, et de mettre des indicateurs en place. Si nous exonérons, l’État s’attendra peut-être à beaucoup plus ul-térieurement. Il faut qu’il soit en mesure d’assurer le suivi et de dire aux citoyens pourquoi une entre-prise est exonérée d’impôts et ce qu’il attend en retour en dehors du revenu. L’esprit de l’exonération, c’est cela, sinon elle ressemble à des cadeaux ou bonus que l’on fait. Il y a beaucoup d’outils, on peut donc indexer les exonérations sur des niveaux de rentabilité, des niveaux d’investissement. Il y a plusieurs critères, il faudrait que les gouver-nants et les techniciens acceptent d’aller vers cette approche nouvelle plutôt que de rester avec ce dont nous avons hérité.

    VDP : Malgré l’existence de ces outils, on constate que les États continuent toujours à utiliser l’exonération pour appâter

    les investisseurs. Selon vous, qu’est-ce qui explique cet en-têtement ?

    A. S. : Plusieurs éléments expliquent la persistance de cette pratique, bien que les États d’origine de ces multinationales exploitantes ne pratiquent plus l’exonération comme nous le faisons. Alors il y a un premier élément que tout le monde, notamment les non-techniciens en matière de fiscalité, qualifie d’incitatif, qui vise à amener les investisseurs à venir. Aujourd’hui, nous constatons tous que ce n’est pas le niveau de prélèvement qui détermine le choix de la venue ou non d’une entreprise extractive dans un pays. Il y a bien d’autres éléments plus importants, notamment le risque politique, la stabilité économique d’un pays, la disponibilité des infrastructures et équipements. En venant, les entreprises font ce calcul. J’aime le dire souvent, ce sont des commerçants et non des bâtisseurs.

    Avant d’exploiter, s’ils réalisent qu’ils doivent investir dans l’équipement collectif, cela peut les décourager parce qu’ils n’ont pas d’argent pour cela. Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile de lever des fonds pour venir investir dans ce secteur. Il y a donc ces trois éléments. Nous avons peut-être le risque de guerre ou autres ; nous constatons aujourd’hui dans notre sous-région (NDLR : Afrique de l’Ouest) que malgré le risque des attaques terroristes, il y en a qui continuent d’exploiter. L’attractivité, ce n’est pas l’unique aspect des exonérations.

    VDP : Malgré les aspects liés aux infrastructures et aux équipe-ments, y a-t-il des moyens pour nos États de faire fi de cette pra-tique, qui pèse lourd sur eux en termes de fiscalité ?

    A. S. : Les pays d’origine de ces entreprises multinationales qui opèrent aujourd’hui chez nous sont passés à d’autres outils fiscaux qui ressemblent aux exonérations, mais qui font moins perdre d’argent à leurs États. C’est pour dire que les techniques fiscales et les exonérations évoluent et c’est un peu triste de voir qu’on ne fait pas l’effort de s’approprier ces nouveaux outils et de les introduire dans le circuit de production économique dans nos États. Toutes ces méthodes et autres, on les a empruntées, mais de ce côté, les gens en sont restés à l’ancienne pratique. Peut-être que cela les arrange. Politiquement, cela arrange les gouvernants. Comme on l’a vu, les exonérations ressemblent un peu

    Adrien SOMDA (Burkina Faso), Expert et facilitateur à l'Université d'été sur la gouvernance des industries extractive du CEGIEAF

  • 12

    à des subventions. Politiquement, quand les gouvernants accordent une exonération, ce n’est pas visible alors que sur le plan de la gestion budgétaire, si le gouvernement dit qu’il va décaisser des fonds pour subventionner une entreprise, les gens vont crier. Donc vous voyez que c’est subtil.

    VDP : La Vision minière africaine promeut l’harmonisation des politiques en matière de gouvernance minière. Est-ce qu’une harmonisation de la politique fiscale pourrait aider nos États à faire face à ce défi ?

    A. S. : Tout à fait. Je prendrai l’exemple de l’UEMOA qui, pour la convergence et l’harmonisation des politiques fiscales, a déterminé les matières sur lesquelles on ne peut pas accorder d’exonérations. Donc on peut aller en ce sens pour dire, en fonction des zones, que les États peuvent s’accorder sur les exonérations d’impôts éventuelles. Ils peuvent également s’accorder sur la durée d’une exonération. La directive de la CEDEAO prévoit par exemple, en dépit de l’existence du régime de stabilisation, qu’on revoie votre contrat tous les deux ou cinq ans. Si on constate que vous n’avez pas atteint ce pour quoi on vous a exonéré, on le remet en cause. C’est pour vous dire que l’harmonisation est possible. Mais il ne s’agit pas de dire à tout le monde de faire la même chose, mais de définir la fourchette dans laquelle les pays peuvent évoluer. Je vais prendre l’exemple de l’Afrique de l’Ouest : l’UEMOA a dit de se fixer entre 25 % et 30 %. Les États africains ont la

    possibilité d’évoluer dans ce cadre et de ne jamais être en dessous. Cela est une pratique que l’Union africaine peut proposer dans un premier temps. Il y a des cadres qui permettent de le faire.

    VDP : En attendant que nos États se tournent vers l’harmonisation, qu’est-ce que les exonérations nous coûtent ?

    A. S. : Cela nous coûte cher. Je prendrai l’exemple de la gestion des exonérations, cela a un coût. On paye des fonctionnaires, des douaniers, les cadres des administrations pour surveiller ces exonérations. Ils ne font pas entrer d’argent, donc l’État dépense déjà. En plus de cela, il y a des petits malins qui abusent des exonérations et des moyens de contrôle, sans compter que l’État renonce à une bonne partie de l’argent. Avec la modélisation et l’actualisation, il n’est pas sûr qu’au bout de cinq ans l’État puisse gagner le même montant qu’il aurait pu gagner s’il avait commencé à réclamer des impôts dès la première année.

    Je schématise un peu pour que vous voyiez le volume des pertes qui peuvent s’accumuler. Donc des coûts, sans qu’en retour l’État dégage des revenus du contrôle des exonérations. On retarde le prélèvement des impôts sans être sûr qu’au moment du paiement, on puisse rattraper ce pour quoi l’exonération a été faite. C’est vrai que l’on peut motiver l’exonération, parce qu’on attend une valeur ajoutée, notamment la création d’emplois et autres. On sait qu’on n’évalue pas tout ceci très bien dans

    nos États.

    Mais il faut noter que c’est aussi une pratique nécessaire. Il ne faut pas non plus supprimer toutes les exonérations, certaines sont nécessaires pour la rentabilité du projet. Il s’agit entre autres de la suspension des droits de douane sur les gros porteurs qu’on ne fabrique pas dans nos pays et qu’on fait rentrer pour les besoins de l’exploitation.

    VDP : Quel rôle pourrait jouer la société civile dans ce cas ?

    A. S. : Les expériences sont diverses, la société civile a fait pas mal de plaidoyer ces dernières années pour que les États revoient un peu la dimension des exonérations qui sont accordées ; pour que ce soit des exonérations utiles qui peuvent améliorer l’efficacité et la production, et partant, augmenter et améliorer le revenu que l’État va tirer de l’exploitation des ressources. Il y a également plusieurs stratégies que la société civile peut utiliser, notamment faire des études. Elle peut aussi demander des explications sur les raisons des exonérations ou sur ce que l’État gagne en les faisant. En matière de veille, de questionnement et d’interpellation du gouvernement, je pense que la société civile peut jouer un grand rôle. Tout cela n’est possible que lorsqu’elle a la bonne information. Au besoin, elle peut se faire expliquer les choses pour bien les comprendre avant d’engager des actions qui vont permettre au gouvernement de prendre ses responsabilités.

  • 13

    Transcendance Et si la surveillance dans les industries extractives montait d’un cran au Cameroun ?

    Par Mohamadou DIALLO, Cameroun En début d’année 2018, le Cameroun a accueilli le Forum international sur la fraude et la corruption dans le secteur minier en Afrique francophone. Organisé par les pouvoirs publics camerou-nais avec l’appui de la Coopération canadienne dans le cadre du Projet d’amélioration de la surveillance de l’industrie extractive en Afrique francophone subsaharienne (PASIE), le but de ce forum était d’offrir aux institutions supérieures de contrôle des pays participants une plate-forme unique de partage des connaissances, des expériences et des expertises sur les questions de fraude et de corruption dans le secteur minier, en vue d’identifier des solutions viables en matière de prévention de tout aspect de malgouvernance dans le secteur extractif.

    Si dans l’ensemble ce forum a per-mis de formuler plusieurs proposi-tions à l’intention de divers acteurs,

    il convient de s’attarder sur celles destinées à la société civile.

    Ainsi, pour asseoir une relation efficace entre les institutions supérieures de contrôle (ISC) et les organisations de la société civile (OSC), le forum propose :

    • la mise en place d’un mécanisme de certification des déclarations de revenus miniers par les ISC ;

    • la création d’une plate-forme de concertation entre les ISC et les OSC en matière de surveillance du secteur extractif ;

    • la révision de la stratégie de communication des ISC pour accroître la visibilité de leurs missions et de leurs actions, et faciliter l’accès des OSC à une information de qualité ;

    • le renforcement des capacités et de l’encadrement des OSC pour permettre une meilleure surveillance des industries

    extractives de façon concertée avec les ISC ;

    • e développement des mécanismes de protection des lanceurs d’alerte qui dénoncent les cas de fraude et de corruption dans le secteur minier ;

    • l’association des OSC à l’exécution des audits dans le secteur minier et leur implication dans l’évaluation des politiques publiques en la matière, dans les pays où le cadre juridique le permet ;

    • une meilleure implication des OSC dans le suivi de la mise en œuvre des recommandations des audits portant sur le secteur minier.

    Toutes ces recommandations, et d’autres encore, permettront dès l’entame de leur mise en œuvre de commencer à répon-dre à la problématique globale de gouvernance.

  • 14

    Transcendance Décision d’extraire, propriété réelle et clauses de stabilisation : faut-il relancer le projet GEOVIC ?

    1 Cf. Cameroon Tribune du vendredi 23 février 20182 Cf. Investir au Cameroun, 6 mars 20183 www.mediapart.fr/journal/international/240413/le-fmi-vise-par-une-plainte-aux-etats-unis4 actucameroun.com/2018/02/24/exploitation-miniere-geovic-de-retour-cameroun-apres-scandale-financier-de-2013/

    Détentrice depuis 2003 du tout premier permis d’exploita-tion minière au Cameroun, pour le

    gisement de nickel, cobalt et manganèse de Nkamouna, dans la région de l’est du Cameroun, Geovic Mining n’a jamais entamé l’exploita-tion. De surcroît, cette entreprise a déserté le pays en 2014 sans plus donner de nouvelles. Réapparu le 21 février 20181 alors que ledit permis devait lui être retiré en raison de l’incapacité de cette junior minière à faire avancer le projet de Nkamouna depuis 15 ans, Alan Buckovic, le fondateur de cette société, est sorti plein d’assurance d’un entretien avec le ministre, Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la Présidence de la République2.

    Le modus operandi de Geovic, que le gouvernement semble avoir oublié à la suite de cet échange, invite à s’interroger sur la perti-nence de replacer ce projet entre les mains d’une junior et dans le cas d’espèce, de Geovic. Dans le but d’inciter le gouvernement à revoir sa décision d’extraire, nous nous intéresserons à trois points : (1) le flou qui a toujours encadré ce projet, (2) ses problèmes environ-nementaux et (3) la problématique du gel du cadre juridique dans la

    convention minière entre Geovic et le gouvernement.

    Geovic, un mélange d’opacité et de spéculation : une mauvaise affaire pour l’État

    Geovic est une junior minière américano-canadienne créée le 16 novembre 1994, dans le paradis fiscal du Delaware aux USA par William Buckovic et cotée à la bourse de Toronto et à l’OTC Bulletin Board. Elle détient 60 % de Geovic Cameroun PLC (GeoCam) via une société-écran imma-triculée aux îles Caïman, qui gère les droits exclusifs sur le permis de Nkamouna.

    L’exploration achevée, Geovic a déclaré avoir découvert un gisement important. Ce qui lui a permis de mobiliser, en 2007, 66 millions de dollars à la Bourse de Toronto et en 2008, 60 millions de dollars de la part de l’État par le biais du FMI et de quelques dirigeants du pays3, sans enquête préalable sur ses ca-pacités financières et ses dirigeants. Elle s’est ensuite évaporée, sans que les véritables responsables de cette arnaque impliquant certains hauts responsables de l’État aient été punis. Aujourd’hui, Geovic revient avec la même approche : c’est une junior qui sollicite encore le soutien financier du gouvernement4.

    Cette société étant logée dans un paradis fiscal, le gouvernement ne peut pas facilement effectuer le suivi de ses activités et il est presque

    impossible d’en identifier les vérita-bles propriétaires. L’enquête menée par Emmanuel Freudenthal, un journaliste indépendant, a révélé que ces juniors utilisent des prête-noms – des étudiants, des écologis-tes, des chauffeurs – pour cacher les véritables propriétaires des actifs de leurs sociétés, qui dans ce projet étaient susceptibles d’avoir des con-flits d’intérêts parce qu’ils occupent de hautes fonctions gouvernemen-tales ou qu’ils ont des liens avec de hauts fonctionnaires (personnes politiquement exposées). L’on peut à ce titre comprendre tout l’intérêt de l’ITIE à s’attaquer à la probléma-tique de la propriété réelle.

    Le gouvernement gagnerait, avant d’octroyer un permis ou de s’investir dans un projet minier, à prendre le temps de rassembler le maximum d’informations sur les investisseurs. Car en réalité, ce sont souvent des juniors ne cherchant qu’à gagner de l’argent grâce à la spéculation aussi bien sur le dos des citoyens que du gouvernement.

    Un projet dont la gestion environnementale prête à controverse

    Le projet Geovic se situe dans une zone forestière, à une quarantaine de kilomètres de la réserve de faune du Dja (RFD), une aire protégée, inscrite en 1987 sur la Liste du patrimoine mondial.

    Ayant réalisé une étude d’impact environnemental et social (EIES) entre 2004 et 2006, Geovic a

    Par Eric ETOGA, Cameroun

    https://www.mediapart.fr/journal/international/240413/le-fmi-vise-par-une-plainte-aux-etats-unishttps://actucameroun.com/2018/02/24/exploitation-miniere-geovic-de-retour-cameroun-apres-scandale-financier-de-2013/https://fr.wikipedia.org/wiki/Toronto_Stock_Exchangehttps://fr.wikipedia.org/wiki/OTC_Bulletin_Boardhttps://fr.wikipedia.org/wiki/OTC_Bulletin_Board

  • 15

    obtenu un certificat de conformité environnementale le 29 mai 20075. Pourtant, les deux missions organisées en 2006 puis en 2009 par le Centre du patrimoine mondial (WHC) de l’UNESCO et l’Union internationale pour la conservation de la nature ont mis en exergue la menace que constitue ce projet minier pour la RFD et conclu que l’EIES devait être refaite, car elle ne tient pas compte de la proximité avec l’aire protégée. Reprise en 2010, l’EIES sera à nouveau contestée6, non seulement parce qu’elle ne porte que sur le périmètre du permis d’exploitation sans considérer la proximité de l’aire protégée ni sa sensibilité, mais qu’en plus, elle se fonde pour l’essentiel sur des références documentaires ne permettant d’apprécier ni l’état des lieux de la biodiversité locale ni les risques environnementaux, directs et indirects, qui pèsent sur la réserve.

    À la suite de la mission de suivi conjointe UNESCO/UICN de 20157, l’UNESCO a demandé à l’État de veiller à ce que les impacts potentiels sur la valeur universelle exceptionnelle du bien soient évalués avant toute reprise des activités, conformément à la Note de conseil de l’UICN sur le patrimoine mondial : l’évaluation environnementale8.

    Le gel des textes : une pratique négative pourtant adoptée dans la convention minière

    Signée en 2002 pour 25 ans conformément à la durée du permis, la convention minière entre Geovic et l’État camerounais a consigné des dispositions qui

    5 EIE-Geovic, 2010. Projet Nkamouna, Cameroun, Évaluation environnementale et sociale, par Knight Piésold et coll, Rainbow Environment Consult

    6 WHC-UICN, 2012, Rapport de mission de suivi réactif de la Réserve de Faune du Dja7 République du Cameroun, Rapport de mission de suivi réactif conjointe UNESCO/UICN à la réserve de faune du Dja, 28 Novembre-05

    Décembre 20158 WHC, 2015, Décisions adoptées par le Comité du patrimoine mondial lors de sa 39e session (Bonn, 2015)

    gèlent le cadre juridique minier, fiscal et douanier sous lequel la convention a été signée. Si le gouvernement permet à Geovic de reprendre ses activités, les textes adoptés après la signature de cette convention seront inopposables dans le cadre de ce projet.

    L’encadrement juridique et institutionnel du secteur minier au Cameroun a beaucoup évolué, avec un impact significatif en termes d’une meilleure prise en compte des intérêts de l’État et des communautés. Les avancées favorables à l’entreprise étant exclues du champ du gel (article 15.1 de la convention), toute disposition nouvelle défavorable est inopposable à Geovic, réduisant à néant les progrès réalisés ci-après présentés de manière non exhaustive :

    • Le Cameroun a adhéré à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives et a récemment promulgué la loi N 2018-011 du 11 juillet 2018 portant code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun. Ces instruments juridiques améliorent la gouvernance du secteur extractif, rendant désormais public tout contrat extractif et octroyant à tout citoyen un droit de regard et de censure sur la gestion des ressources naturelles, avec notamment un accent sur la propriété réelle, la divulgation des paiements, dépenses et recettes effectuées,

    • la contribution à l’économie du pays, aux niveaux national et local.

    • En décembre 2016, un nouveau code minier a été adopté qui apporte au secteur minier des changements significatifs avec notamment : (1) l’obligation de respecter les initiatives internationales de bonne gouvernance envers lesquelles le gouvernement s’est engagé et de divulguer les propriétaires réels ; (2) l’interdiction de l’exercice de l’activité minière à tout fonctionnaire au sein de l’Administration publique et au personnel des organismes publics rattachés ou sous tutelle du MINMIDT ; (3) la limitation des clauses de stabilisation dans le temps, soit en fonction de la phase du projet, de la nature du titre ou de la nature de la taxe, soit s’il est avéré que l’investisseur a atteint un taux de rentabilité interne de 15 % ; (4) l’amélioration du contenu local grâce à l’approvisionnement par le promoteur d’un compte spécial de développement des capacités locales ; (5) l’obligation de se conformer aux règles de sécurité, d’hygiène et de santé qu’il applique, le cas échéant, dans un autre pays si elles sont supérieures à celles en vigueur du Cameroun ; (6) l’obligation de transformer au moins 15 % de la production au niveau local.

    • Concernant les redevances proportionnelles, notamment celles minières et superficiaires, pour ce qui est de la taxe ad valorem, le prix de référence de

  • 16

    la valeur taxable des produits sur le carreau de la mine est désormais basé sur le cours de la substance sur le marché international. Cette taxe est passée de 2,5 % à 5 % pour les métaux de base et autres substances minérales. Pour la taxe superficiaire, elle a été revue à la hausse, passant de 50 000 francs CFA/km²/an à 100 000 francs CFA/km²/an pour le permis d'exploitation industrielle.

    Pour un État, vouloir exploiter ses ressources n’est pas une mauvaise chose en soi. Le plus important est d’assurer la gestion la plus avisée, durable et rentable possible de ces ressources afin que cet État et ses populations puissent effectivement

    en profiter, car elles ne sont pas éternelles. Il est de ce fait nécessaire que la décision d’extraire repose notamment sur une bonne connaissance des réserves (quantité et qualité), des investisseurs avec lesquels on a affaire et du marché international ; il faut en outre une bonne fiscalité et la prise en compte des intérêts sociaux et environnementaux, le tout dans un système qui prône la transparence, la redevabilité et la participation citoyenne. Encore faut-il veiller à actualiser ses politiques sur la base des leçons apprises et les appliquer. Ces précédents nous permettent donc de dire d’une part que l’État camerounais doit améliorer sa décision d’extraire dans le cadre du projet Geovic et des autres projets

    miniers. Considérant, d’autre part, le fait que le Cameroun dispose d’un secteur minier encore embryonnaire, le gouvernement doit revoir sa politique relative aux mesures de stabilisation, car elle constitue un obstacle à la bonne gouvernance dont des investisseurs spéculatifs qui n’ont pour seul but que de se remplir les poches peuvent profiter aisément. De quel côté se situeraient les promoteurs actuels de Geovic ? L’expérience précédente que nous avons décrite ci-dessus nous amène à nous demander s’il faut encore relancer ce projet. Si oui, dans quelles conditions et avec l’application de quel cadre légal et juridique ?

    Transcendance Le droit minier en Afrique occidentale et centrale: entre volonté d’harmonisation, avancées et limites

    Par Guy Lebrun AMBOMO, Cameroun Pour permettre aux pays d’Afri-que de l’Ouest et du Centre de tirer pleinement profit de l’exploitation de leurs ressources minières, les États de ces sous-régions se sont engagés dans l’harmonisation de leurs cadres juridiques en rapport avec le secteur minier. La raison d’être d’une telle démarche est que l’existence d’une norme régionale ou sous-régionale constitue un élément indéniable de sécurité et de stabilité. Une telle communautari-sation est pertinente, car les sujets à traiter dans le cadre d’un projet minier dépassent les frontières d’un seul État. C’est le cas du projet de fer Nabéba-Mbalam, à cheval

    entre le Cameroun et la République du Congo. C’est pour cette raison, rappelle Nadine Koné, coordina-trice régionale des politiques des industries extractives chez Oxfam, que « les compagnies minières ne peuvent plus s’appuyer sur la concurrence entre les pays pour imposer leurs conditions et elles ne peuvent plus non plus forcer la main à certains pays qui seraient dans une situation de faiblesse dans le processus de négociation ». Un même niveau de normes oblige-rait les investisseurs miniers à s’y conformer, indépendamment des pays dans lesquels ils opèrent. Et par ricochet, les pays se trouve-raient en position de force et pour-raient négocier ensemble face à ces compagnies.

    Une volonté manifeste d’harmonisation du droit minier en Afrique de l’Ouest et du Centre

    L’idée d’une harmonisation du droit minier en Afrique a vu le jour en 2003 à l’occasion de l’African Mining Indaba, la conférence internationale annuelle de l'investissement minier en Afrique tenue au Cap, en Afrique du Sud. En effet, c’est au cours de cette rencontre que pour la première fois, l’idée de l’élaboration d’un texte uniforme couvrant le droit minier et le droit pétrolier avait été évoquée. Même si cette proposition a essuyé de vives critiques à l’origine, il faut dire que très peu de temps après l’Indaba de 2003, l’Union économique et monétaire

  • 17

    ouest-africaine (UEMOA) a adopté le règlement n°18/2003/CM/UEMOA du 23 décembre 2003 portant adoption du code minier communautaire de l’Union, dont la valeur normative est supérieure aux différentes normes minières des États parties.

    À côté de l’UEMOA en Afrique de l’Ouest, il y a la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à compétence géographique plus importante. Sous l’impulsion de l’ONG Oxfam et de la société civile ouest-africaine, la CEDEAO a adopté, à l’issue de la 62e session ordinaire du Conseil des ministres tenue du 26 au 27 mai 2009 à Abuja, la directive C/DIR3/D5/D9 sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier. Plus tard, cette directive, qui a lié les États quant aux résultats, a été complétée par l’Acte additionnel A/SA.16/02/12 du 17 février 2012 portant adoption de la politique de développement des ressources minérales de la CEDEAO (PDRMC), assortie d’un plan d’action.

    L’Afrique centrale ne voulant pas rester à l’écart de ce processus de communautarisation, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) a également entamé l’harmonisation du droit minier de ses États membres. C’est dans ce sens qu’en mai 2016, le projet Renforcement de la gouvernance des matières premières en Afrique centrale (REMAP/CEMAC) de la Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) a lancé une étude sur l’élaboration d’un code minier communautaire. Ce travail avait pour objectif de développer et proposer un cadre réglementaire adapté aux législations des États de la sous-région et aux principes

    de la Vision minière africaine adoptée en 2009, sur la base des textes en vigueur dans les pays de la CEMAC. Le projet de ce code minier communautaire CEMAC, préparé par le cabinet Emery Mukendi Wafwana & Associates et dont l’adoption reste attendue, a été présenté le 29 septembre 2017 à Yaoundé, par l’ambassadeur d’Allemagne au Cameroun, aux autorités communautaires, qui l’ont approuvé dans ses grandes lignes.

    Par leur volonté de se doter d’une politique minière commune qui leur soit directement applicable, les États de l’Afrique de l’Ouest et de la CEMAC ont renoncé, en partie, à leur souveraineté sur leurs droits de contrôle de l’exploitation de leurs ressources minières.

    Les avancées des codes miniers communautaires

    En lisant les codes miniers communautaires de l’Afrique de l’Ouest et de la CEMAC, on peut relever quelques avancées. C’est le cas de l’obligation faite par le projet de code minier CEMAC aux titulaires de droits miniers de réaliser et de faire approuver un plan d’atténuation et de réhabilitation des sites préalablement au démarrage de la recherche minière.

    Contrairement au code UEMOA et au projet de code CEMAC, la directive de la CEDEAO semble avoir nettement progressé. On peut relever à cet égard la prise en compte des meilleures pratiques internationales, notamment pour le calcul des indemnisations versées aux personnes affectées par un projet minier et l’acquisition d’un titre minier dans les États membres. D’après cette directive, les zones à forte sensibilité environnementale, sociale et culturelle sont exclues de l’activité minière. Notons aussi que

    c’est la seule norme communautaire qui prévoit formellement la prise en compte de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives dans la gouvernance du secteur minier.

    En plus des éléments sus-évoqués, il faut relever que la directive de la CEDEAO conditionne les exonérations douanières au respect, par l’opérateur minier, de ses obligations socio-environnementales et de ses obligations à l’égard des communautés minières, et l’octroi d’un droit minier à la mise en œuvre de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) minières. De même, il y a l’institution de sanctions à l’encontre des entreprises minières pour divulgation d’informations qui sont fausses, incomplètes ou délibérément trompeuses. Eu égard à l’impact négatif des activités sur les femmes, le texte de la CEDEAO oblige les États membres à prendre en compte les femmes dans l’activité minière. Quant aux compagnies minières, elles ont l’obligation d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des communautés locales avant le démarrage de tout projet minier, et ce, dans toutes ses phases. Dans le prolongement de cette exigence, les États, les titulaires de titres miniers et les organisations de la société civile doivent mettre en place des cadres de dialogue en vue d’une collaboration fructueuse et d’une cohabitation pacifique pendant la durée du projet. Par ailleurs, il est attendu des titulaires de titres miniers et autres parties prenantes qu’ils créent et abondent un fonds de développement socio-économique visant au développement des communautés affectées par le projet.

  • 18

    Une communautarisation laissant transparaître quelques limites

    Ce qui frappe, à première vue, lorsqu’on consulte tant le code minier de l’UEMOA que le projet de code communautaire de la CEMAC, c’est le recours abusif au renvoi dans les cadres juridiques des États. Pourtant, c’est la diversité des normes sur le secteur minier qui a fait naître l’idée d’une harmonisation des législations des États, parce qu’il était vital pour ces pays de parler un même langage et de mettre fin à la compétition interétatique malsaine qui ne profitait qu’aux compagnies. Par conséquent, et vu la marge de manœuvre laissée aux États et aux entreprises minières, l’impression qui se dégage, dans une certaine mesure, est qu’on n’a pas beaucoup avancé dans la communautarisation du droit minier en Afrique de l’Ouest et en zone CEMAC. La réticence de certains États vis-à-vis de ces normes communautaires peut expliquer cet état de choses, puisque jusqu’ici, certains pays n’ont ni publié dans leurs journaux officiels ni internalisé la directive CEDEAO et son Acte additionnel. Pourtant, le délai prévu à cet effet était le 1er juillet 2014. Tout cela ne contribue qu’à fragiliser la valeur de ce cadre juridique lié au secteur minier de l’Afrique de l’Ouest.

    Par ailleurs, s’il faut toujours s’inspirer de ce qui a été fait

    ailleurs, et même si le règlement de l’UEMOA jouit d’une antériorité certaine, il faut déplorer que le projet de code minier de la CEMAC reprenne, à quelques exceptions près, celui de l’UEMOA. Car si le droit doit organiser la vie en société, il doit aussi et surtout refléter les réalités sociales et culturelles de chaque territoire. Et dans ce cas, le contexte de l’Afrique de l’Ouest ne sera jamais celui de l’Afrique centrale.

    Relativement au régime fiscal prévu dans les codes miniers communautaires qui font l’objet de la présente analyse, il faut regretter la stabilité indéfinie de ce régime fiscal dans le cadre des activités minières. Ainsi, au lieu de le stabiliser dans son ensemble, et ce, pour la durée de l’exploitation, l’on aurait pu mettre en place un régime dynamique qui accorde des avantages fiscaux en fonction des phases du projet.

    Une autre anomalie caractérisant le code minier de l’UEMOA et le projet de code de la CEMAC concerne les avantages fiscaux accordés aux titulaires de titres miniers en phase de recherche et d’exploitation. En effet, les textes en cause exonèrent les opérateurs miniers de l’impôt sur les bénéfices lors de la recherche minière. Seulement, la question qui se pose est de savoir quel bénéfice on réalise en phase de recherche. Par

    ailleurs, qu’est-ce qui peut justifier l’exemption de l’impôt sur les bénéfices en phase d’exploitation ? Pourtant, il faut remarquer, pour le cas de l’UEMOA, que tous les pays soumettent le bénéfice à imposition dans leurs lois minières, ce qui va à contre-courant des instruments juridiques communautaires. Ainsi, ces codes miniers communautaires, à l’image des cadres juridiques des États qui les ont précédés en la matière, brillent par leur caractère assez incitatif. Pourtant, la raison d’être de la communautarisation était d’avoir des codes de développement et non plus des codes miniers qui attirent les investisseurs. Mais, curieusement, le code minier de l’UEMOA et le projet de code de la CEMAC posent que tout nouveau régime fiscal et douanier de droit commun plus favorable sera étendu aux titulaires des droits miniers s’ils l’adoptent intégralement ou en font la demande. Il est évident que ces entreprises minières vont l’adopter ou le demander. Car, comme l’a relevé Nadine Koné, « souvent, l’on a tendance à oublier que ce sont des entreprises commerciales, à but lucratif […] qui ne sont pas là-bas pour la philanthropie, mais pour plutôt faire du profit. Donc, moins elles paient de taxe à l’État et mieux cela est pour elles parce que ça veut dire que les bénéfices qu’elles remportent sont beaucoup plus élevés ».

  • 19

    Transcendance Guinée : Le contenu local, un outil pour le développement du tissu économique local

    Par Mamoudou CONDE, Guinée (Conakry)

    L’ONG Action Mines a mené une campagne de sensibilisa-tion des communautés rive-raines des zones minières sur le contenu local au mois de mai 2018. Objectif : présenter aux communautés les opportunités que le contenu local offre en matière de formation, d’emploi et de fourniture de biens et ser-vices aux populations des zones d’exploitation (voir les articles 107, 108 et 109 du code minier).

    La République de Guinée est réputée être riche en ressources extractives. Les ressources naturelles guinéennes sont diverses et variées. Le pays dispose d’importantes réserves de minerais de bauxite, de fer, d’or et de diamant, entre autres. II dépend fortement de la rente minière pour son développement, comme en témoignent les chiffres du rapport ITIE 2016, qui indiquent que la contribution du secteur minier est de 25,1 % pour les recettes courantes, de 97,8 % pour les recettes d’exportation, de 22,7 % pour le PIB et de 5,2 % pour l’emploi.

    La promotion de l’emploi et l’utilisation des fournisseurs locaux par les sociétés minières ont toujours été intégrées dans les différents accords miniers existants, sans être définies dans le code minier.

    En 2011, les autorités guinéennes ont engagé de vastes réformes visant à améliorer la rentabilité du secteur minier. L’un des points

    clés de cette réforme est la révision du code minier. Cette révision a été marquée par la prise en compte effective du contenu local, notamment aux articles 107 (la sous-traitance), 108 (l’emploi) et 109 (la formation).

    La mise en place de la Direction générale des relations communautaires et du développement du contenu local au sein du ministère des Mines et de la Géologie, et l’instauration d’une politique de contenu local illustrent cette volonté de rendre le secteur minier plus apte à contribuer au développement du tissu économique local.

    Le contenu local constitue en effet une véritable source de conflits avec les communautés riveraines, qui réclament du travail à tout prix sans parfois remplir les conditions d’accès aux emplois fournis par les sociétés. Sensibiliser les communautés sur le concept du contenu local, ses avantages et ses implications va contribuer à la conscientisation des communautés sur la nécessité de créer les conditions à sa mise en œuvre conformément aux prescriptions légales en la matière. Une telle action permettrait aux communautés de tirer plein profit des opportunités qui résultent de l’implantation des sociétés minières dans leurs localités.

    C’est dans cette optique qu’Action Mines Guinée a organisé des séances de sensibilisation des communautés riveraines des zones d’exploitation minière sur le concept du « contenu local »,

    en français et dans les langues nationales.

    400 personnes ont été sensibilisées sur ce nouveau concept dans 4 communes urbaines et 8 communes rurales.

    Au cours de la mission, Action Mines Guinée a constaté qu’un certain nombre de facteurs empêchent la mise en œuvre effective du contenu local, à savoir :

    • le manque de textes d’application des articles 107, 108 et 109 du code minier, qui parlent du contenu local ;

    • le manque d’adhésion de certaines sociétés minières à la mise en œuvre du contenu local ;

    • la non-conformité de certains contrats miniers à la nouvelle législation ;

    • la non-maîtrise du concept par certains acteurs du secteur minier ;

    • le manque de suivi de la mise en application du contenu local par les acteurs ;

    • le manque de dialogue entre les communautés et les entreprises sur le concept ;

    • le manque de formalisation de certaines entreprises locales ;

    • l’insuffisance des programmes d’aide au développement des producteurs locaux ;

    • l’absence de politiques de développement du tissu industriel au niveau local ;

  • 20

    • le manque de régime graduel de sanctions dans les contrats en cas de non-respect du contenu local par les sociétés ;

    • le manque de formations adaptées aux besoins des entreprises minières et destinées aux communautés.

    Pour la mise en œuvre effective du contenu local dans le secteur minier

    guinéen, il faut l’engagement de toutes les parties prenantes. La mise en œuvre du contenu local pourrait créer un réservoir de travailleurs qualifiés et de cadres compétents et disponibles.

    En outre, elle permettrait d’assurer le transfert des compétences vers les entrepreneurs locaux, les groupements d’intérêts économiques et les jeunes dans

    les localités minières. La mise en œuvre du contenu local en Guinée pourrait également aider à former un réseau d’entrepreneurs et de fournisseurs locaux capables de répondre directement aux besoins du secteur minier et de diversifier l’économie par la création et le développement d’activités génératrices de revenus en dehors de l’exploitation minière.

    Focus sur les certificats Étude des impacts sociaux de l’exploitation minière à Yokadouma, à Coalwood et à CarboniaPrésentation du dossier de synthèse relatif à l’étude faite par Dr Kouam sur le même thème dans le cadre du programme académique du certificat Gestion des impacts sociaux et environnementaux du CEGIEAF

    Bref résumé

    Le Cameroun, les États-Unis d’Amérique et l’Italie sont des lieux d’exploitation des ressources minières. Dans le premier,

    elle est en plein essor et connaît un boom, tandis que dans les deux autres, les phases de stagnation et de déclin se succèdent. L’exploitation minière ne pourra jamais s’effectuer en arguant qu’il n’y a aucun impact social et que tous les droits sociaux sont respectés. Quels sont les impacts sociaux qui découlent des activités minières à Yokadouma, Coalwood et Carbonia ? Ces cités ouvrières situées respectivement au Cameroun, aux États-Unis d’Amérique et en Italie sont celles prises en considération dans notre dossier de synthèse. Existe-t-il des similitudes ? Des dissemblances ?

    Après avoir présenté les sites choi-sis, le dossier dresse un état des lieux des impacts sociaux de l’ac-tivité minière dans ces espaces et en fait une analyse comparative avant de conclure en préconisant une plus grande attention à la personne humaine.

    Résultats obtenus

    Les trois exemples pris en considéra-tion dans notre travail montrent que l’exploitation minière com-porte toujours des impacts sociaux négatifs. Dans les zones concernées, une partie de la population connaît des conditions de vie où l’éduca-tion et le bien-être ne sont pas bien assurés. Les mêmes conditions sont observées dans la plupart des pays riches en ressources minières. Dans les trois localités prises en compte, on retrouve :

    1 une qualité de vie dégradée

    par l’absence d’infrastructures

    sociales utiles pour la

    population,

    2 une santé des travailleurs

    fragilisée,

    3 un climat social lourd et

    toujours sous tension,

    4 une marginalisation des

    travailleurs,

    5 un désengagement manifeste

    des autorités administratives.

    Nos conclusions nous poussent à affirmer que l’Homme est le même partout, même si chaque réalité conserve ses spécificités et ses caractéristiques. Nous encouragerons les décideurs politiques des pays où l’exploitation minière en est encore à ses débuts à tirer des conséquences de ce qui est déjà arrivé dans les pays qui ont une tradition plus ancienne en matière d’exploitation minière. Les États devraient investir dans le capital humain en imposant aux parties prenantes de l’exploitation minière des mesures qui tiennent compte des besoins de formation pour préparer et armer une bonne

    Prof. Valérie joelle KOUAM NGOCKA, Cameroun

  • 21

    ressource humaine compétente et qualifiée. Parmi les initiatives en faveur de la prise de conscience et de la formation, nous pouvons citer :

    • La création d’universités avec notamment une faculté des mines et de géologie dans chaque zone minière ; elle se-rait un atout pour la formation des personnes résidant dans les zones minières.

    • Le renforcement des capacités et connaissances, et l’amélioration des capacités des populations pour leur permettre de mieux

    s’approprier les ressources minières.

    • Des espaces de travail et d’échanges réguliers avec les populations pourraient accroître leur implication et leur intérêt, mais surtout leur formation et leur estime de soi. Elles apprendront à mieux se valoriser et pourront peut-être mieux défendre leurs propres droits.

    De telles réalisations pourraient sans doute permettre d’aborder avec un certain réalisme l’équité dans le

    partage des bénéfices provenant des exploitations minières.

    Sentiments personnels

    1 Sentiment de joie, un désir

    de ne pas rester passive et de

    mettre à profit les connaissances

    acquises pour le bien des

    Hommes.

    2 Volonté de participer

    efficacement et activement

    aux initiatives plus ou moins

    importantes qui surgissent dans

    le cadre du débat actuel sur les

    activités extractives.

    Focus sur les certificats Responsabilité sociale des entreprises dans l’industrie extractive : défis et opportunités pour le CamerounUne présentation de l'étude réalisée par Irène Guessele sur le thème : « Responsabilité sociale des entreprises du secteur extractif : défis et possibilités pour le Cameroun », rapport présenté dans le cadre de la formation certifiante en Gestion des impacts sociaux et environnementaux des industries extractives à l’UCAC (Yaoundé, Cameroun)

    Une large proportion de la population mondiale, soit 3,9 milliards de personnes, vit dans des pays où le secteur extractif est

    très important, avec des industries exploitant les ressources du sous-sol. En dépit du fait que ce secteur constitue un créneau de prospérité, son bilan à ce jour en Afrique n’est pas rose. En effet, depuis des décennies, les activités minières n’ont pas été en mesure d’apporter une contribution significative à l’amélioration des conditions socio-économiques. Bien au contraire, les guerres, la

    misère, la pollution, les déplacements de population sont juste quelques exemples de leurs multiples conséquences visibles et désastreuses. Cette conclusion générale a donné lieu à une prise de conscience collective sur la nécessité de changer de paradigme économique, en passant d’une simple croissance économique à un développement qui intègre les dimensions sociales, économiques et environnementales. Dans cette logique, les entreprises devraient être des acteurs clés dans la sphère sociétale et contribuer à l’atteinte des conditions préalables au développement durable, au moyen de la mise en œuvre du concept de responsabilité sociale des entreprises (RSE).

    La pratique de la RSE, qui est suffisamment bien avancée dans les pays développés, n’en est qu’à ses débuts en Afrique. Cet état de choses est surprenant en raison de la présence d’entreprises multinationales sur le continent et des besoins importants, en termes d’intervention sociale, qui pourraient permettre de rehausser l’image de ces entreprises à travers le monde. L’Afrique regorge d’importantes réserves de ressources naturelles, qui font de ce continent la première destination des investissements dans le domaine extractif. D’où la pertinence d’une étude sur la RSE en Afrique, notamment dans le cas du Cameroun, dont la stratégie de développement repose essentiellement sur la promotion

    Par Irène Ornéla GUESSELE, Cameroun

  • 22

    de son industrie extractive. Quelle est la place de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans ce secteur ? L’industrie extractive contribue-t-elle à l’amélioration des conditions de vie des populations ?

    La présente étude recourt à des méthodes d’enquête pour illustrer la pratique. Le rapport commence par un aperçu panoramique de ce concept, ses diverses origines et le cadre normatif aux niveaux national, sous-régional et international. Ensuite, il expose l’expérience des entreprises, les

    écueils qui réduisent l’impact bénéfique de la RSE, notamment les facteurs endogènes tels que le manque de ressources ou le faible engagement institutionnel des entreprises, ou les facteurs exogènes liés au manque de coordination entre les autorités gouvernementales. Le rapport se termine par des recommandations.

    La bonne conduite de cette étude a été rendue possible grâce à l’application de l’ensemble des outils théoriques et pratiques qui nous ont été transmis au

    cours de la certification sur « La gestion des impacts sociaux et environnementaux dans les industries extractives ». Cette formation nous a permis de toucher du doigt les problèmes actuels d’un secteur en pleine émergence au Cameroun, qui constitue en lui-même un véritable atout.

    Mots clés : RSE, image de l’entreprise, réputation, éthique des affaires, secteur extractif, Cameroun, prospérité partagée.

    Focus sur les certificats La participation communautaire dans l’exploitation des ressources naturellesPrésentation du dossier de synthèse réalisé par Casimir DJEGUEDEM pour le programme de certificat Gestion des impacts sociaux et environnementaux du CEGIEAF

    Par Casimir DJEGUEDEM, Tchad

    Dans la quête du développement, les pays riches en ressources naturelles s’engagent le plus souvent dans la mise en valeur de leurs ressources en vue de générer les moyens nécessaires pour le financement des projets de développement. Cette mise en valeur, communément désignée par les termes « exploitation » ou « extraction », nécessite des moyens considérables sur les plans financier, matériel, technologique et humain. Les États ne disposant généralement pas de ces moyens sont obligés de conclure des contrats d’exploitation avec des entreprises multinationales. Les enjeux économiques sont aussi considérables que les risques immédiats sur les populations

    locales. Il sied de s’interroger sur le sort réservé à ces populations relativement à leurs droits subjectifs, et de voir dans une perspective d’inclusion comment les rendre acteurs de leur propre développement.

    Cette sollicitude pour les communautés locales trouve son intérêt dans le fait que les activités des industries extractives produisent des impacts sociaux et environnementaux. Comme le disait John Ruggie, « nul autre secteur n’a une influence aussi grande et aussi envahissante sur le plan social et environnemental que celui des industries extractives ».

    Nos recherches, aussi modestes qu’elles soient, nous ont permis d’appréhender un encadrement juridique international mis

    en œuvre dans certains États africains. Une panoplie de textes, notamment en droit international des droits de l’homme, en droit international de l’environnement, en droit des peuples autochtones, pour ne citer que ceux-là, ont consacré le principe de participation communautaire. Ce principe a été abordé sous plusieurs angles, mais la forme la plus élaborée et la plus claire se trouve dans le fameux principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, complété par l’article 22 du droit des peuples autochtones à un consentement préalable, libre et éclairé (CPLE). Relativement à la mise en œuvre de ces instruments juridiques, nos recherches nous ont permis d’appréhender d’abord les études d’impacts environnementaux (EIE)

  • 23

    comme étant le cadre d’expression de la participation communautaire du fait des avis sur l’environnement humain et écologique recueillis auprès des communautés locales. Les EIE sont préalables au démarrage du projet extractif, ceci donnera l’opportunité aux populations de se prononcer en connaissance de cause. Il faut aussi noter que le Plan de développement local est une autre forme de participation qui a pour but d’atténuer les souffrances des communautés locales, notamment lorsque nos codes miniers obligent les industries extractives à soutenir les initiatives locales et à participer

    au développement des populations affectées par leurs activités.

    Vu l’état de sous-développement de nos pays et la situation socio-économique précaire des populations locales, cette mise en œuvre du principe de participation demeure un discours utopique.

    Sentiments personnels : La problématique des industries extractives est incontournable, surtout dans nos États où une grande partie des finances publiques vient des secteurs minier et pétrolier. Il semble donc important de s’attaquer aux

    questions liées aux ressources naturelles pour comprendre les problèmes que connaissent nos États et éventuellement relever les défis du développement auquel nous aspirons. C’est pourquoi nous rendons un vibrant hommage au CEGIEAF pour ses louables activités, notamment pour avoir initié la formation certifiante en gestion des impacts sociaux et environnementaux. Cette formation nous a donné un certain nombre d’éléments aussi bien théoriques que pratiques et fait de nous de véritables acteurs du développement. Merci CEGIEAF !

    Equipe de Rédaction Superviseur : Evelyne Tsague

    Directeur de Publication : Dr. Sa’a Lapa Achille

    Concepteur et coordonnateur du magazine : Prosper Kouayep

    Secrétariat de rédaction : Christophe Tiyong

    Ont contribué à cette édition :

    • Mohamadou Diallo, Cameroun• Mamoudou Conde, Guinée • Valérie Joëlle Kouam Ngocka, Cameroun• Mamadou III Diallo• Irène Ornéla Guessele, Cameroun• Fatoumata Kante, Guinée• Casimir Djeguedem, Tchad• Guy Lebrun Ambomo, Cameroun • Raphael Lamah. Golota, Guinée • Eric Etoga, Cameroun• Prosper Kouayep, Cameroun • Christelle Yesalaso Nz