affaire erkek c. turquie

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  • 7/30/2019 AFFAIRE ERKEK c. TURQUIE

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    CONSEILDE LEUROPE COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    DEUXIME SECTION

    AFFAIRE ERKEK c. TURQUIE

    (Requte no

    28637/95)

    ARRT

    STRASBOURG

    13 juillet 2004

    DFINITIF

    13/10/2004

    Cet arrt deviendra dfinitif dans les conditions dfinies larticle 44 2

    de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

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    ARRT ERKEK c. TURQUIE 1

    En laffaire Erkek c. Turquie,La Cour europenne des Droits de lHomme (deuxime section), sigeant

    en une chambre compose de :MM. J.-P. COSTA,prsident,A.B. BAKA,L. LOUCAIDES,C. BIRSAN,M. UGREKHELIDZE,

    Mme A. MULARONI,juges,M. F. GLCKL,juge ad hoc,

    et de Mme S. DOLLE, greffire de section,Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil le 9 novembre 1999 et le

    22 juin 2004

    Rend larrt que voici, adopt cette dernire date :

    PROCDURE

    1. A lorigine de laffaire se trouve une requte (no 28637/95) dirigecontre la Rpublique de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat,M. Serdin Erkek ( le requrant ), avait saisi la Commission europennedes Droits de lHomme ( la Commission ) le 20 avril 1995 en vertu delancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de lHomme

    et des Liberts fondamentales ( la Convention ).2. Le requrant est reprsent par Me H. Ylmaz, avocat Mersin. Le

    gouvernement turc ( le Gouvernement ) na pas dsign dagent pour lereprsenter.

    3. Le requrant allguait que son frre tait dcd suite la tortureinflige par les forces de lordre lors de sa garde vue. Il ninvoquait aucunarticle de la Convention.

    4. La requte a t transmise la Cour le 1 er novembre 1998, datedentre en vigueur du Protocole no 11 la Convention (article 5 2 duProtocole no 11).

    5. La requte a t attribue la premire section de la Cour (article 52 1 du rglement). Au sein de celle-ci, la chambre charge dexaminerlaffaire (article 27 1 de la Convention) a t constitue conformment larticle 26 1 du rglement. A la suite du dport de M. R. Trmen, juge luau titre de la Turquie (article 28), le Gouvernement a dsignM. F. Glckl pour siger en qualit de juge ad hoc (articles 27 2 de laConvention et 29 1 du rglement).

    6. Par une dcision du 9 novembre 1999, la chambre a dclar la requterecevable.

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    7. Tant le requrant que le Gouvernement ont dpos des observationscrites sur le fond de laffaire (article 59 1 du rglement).

    8. Le 1er

    novembre 2001, la Cour a modifi la composition de sessections (article 25 1 du rglement). La prsente requte a t attribue la deuxime section ainsi remanie (article 52 1).

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    9. Le requrant est n en 1966 et rside Mersin.

    A. Les faits

    10. Le 10 dcembre 1992, Cuma Akgn, un commerant de Mersin,informa la police de la visite dune personne qui lui avait demand le

    paiement dune ranon pour refus dexcuter une dcision du PKK, interditcomme organisation terroriste en droit turc, quant la fermeture de soncommerce une date donne.

    11. Le 19 dcembre 1992, le frre du requrant, Namk Erkek, fut arrtpar des agents de la direction de la sret de Mersin, section de la luttecontre le terrorisme ( la direction de la sret ), sur les lieux de rendez-vous de la transaction, puis plac en garde vue. Dans la nuit du 19 au20 dcembre 1992, vers 3 heures, il svada.

    12. Le procs-verbal dincident, tabli le 20 dcembre 1992 vers13 heures et sign par onze agents, mentionna que Cuma Akgn avait reulinstruction, par tlphone, de remettre la ranon le 19 dcembre 1992 vers13 h 30 dans une orangerie. Des policiers staient dploys sur la zone etavaient pris des dispositions afin darrter les racketteurs. Lune des deuxpersonnes arrives sur les lieux avait pris la fuite mais le frre du requrantfut arrt. Conduit dans les locaux de la direction de la sret, il indiqua que

    le fugitif, un certain Apo de Mardin dont il ne connaissait pas ladresse,lui avait demand de laccompagner pour le recouvrement dune cranceprtendument conteste par le dbiteur. Il prcisa quil avait vu cettepersonne sortir plusieurs fois dune maison prs de lorangerie et proposaaux policiers de leur indiquer lendroit. Arrivs proximit des lieux, dansla nuit du 19 au 20 dcembre 1992, vers 3 heures, les policiers lui retirrentles menottes pour ne pas veiller les soupons du fugitif. Ainsi libre de sesmouvements, le frre du requrant poussa brusquement les policiers et se

    jeta dans la rivire. Le procs-verbal prcisa que les recherches entreprisestaient restes vaines et que les policiers navaient pas fait usage de leurs

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    armes pour viter un danger ventuel. Il fut constat enfin que la maison enquestion se trouvait lextrmit oppose de lorangerie.

    13. Le 21 dcembre 1992, la direction de la sret informa le procureurde la Rpublique de Mersin de cette vasion.14. Le 23 dcembre 1992, la direction de la sret informa la Direction

    gnrale de la sret de lvasion et de louverture dune enquteadministrative lencontre des agents responsables.

    15. Le 28 dcembre 1992, le requrant senquit du sort de son frreauprs du procureur de la Rpublique. Il indiqua navoir reu aucunenouvelle de sa part depuis son arrestation et prcisa que, malgr sesdmarches auprs de la direction de la sret, il navait pas obtenudinformations le concernant.

    16. Entendu le 28 dcembre 1992 par des policiers, le requrant indiqua

    que son frre avait disparu depuis dix jours et quil venait dtre inform deson vasion. Il indiqua les adresses de certains de leurs proches, habitantleur village natal, chez qui le fugitif aurait pu se rendre.

    17. Par une lettre du 29 dcembre 1992, la direction de la sretdemanda la direction de la sret de Diyarbakr dentreprendre desrecherches en vue dapprhender le fugitif, en coopration avec lagendarmerie locale.

    18. Le 8 fvrier 1993, la direction de la sret de Diyarbakr informa ladirection de la sret de la diffusion dun avis de recherche concernant

    Namk Erkek.19. Dans une note dinformation date du mme jour au ministre de

    lIntrieur, la direction de la sret relata lincident et prcisa que, seloncertains renseignements, le fugitif aurait rejoint une autre rgion.

    B. La procdure suivie par les autorits internes

    1. Lenqute disciplinaire mene lencontre des policiers

    20. Aussitt aprs lvasion de Namk Erkek, une enqute disciplinairefut entame lencontre des onze policiers responsables pour ngligencedans lexcution de leur tche ayant entran lvasion dun membre

    prsum du PKK. Le directeur de la section dinvestigation de la police( lenquteur) fut charg de mener lenqute.

    21. Le 3 mai 1993, lenquteur se rendit sur les lieux de lincident. Puisil y retourna dans la nuit.

    22. Il constata que le champ de vision tait rduit et le terrainmarcageux favorable une vasion. Il prcisa que les forces de lordrenavaient pas fait usage de leurs armes pour viter un danger ventuel. Uncroquis des lieux de lincident fut dessin.

    23. Par une dcision du 27 juillet 1993, le conseil disciplinaire de lapolice de la province de Mersin conclut que, dans les circonstances de la

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    cause, les lments du dossier ne permettaient pas de prononcer dessanctions lencontre des policiers mis en cause.

    2. Lenqute pnale dirige lencontre des policiers

    24. Le 20 novembre 1994, le requrant porta plainte devant le procureurde la Rpublique contre les policiers responsables de la garde vue de sonfrre. Il fit valoir que les affirmations de la direction de la sret nerefltaient pas la vrit et soutint que son frre tait dcd suite la tortureinflige lors de la garde vue.

    25. Le 29 mars 1995, le procureur de la Rpublique interrogea ladirection de la sret concernant lincident.

    26. Le 11 avril 1995, la direction de la sret informa le procureur de laRpublique que le frre du requrant avait t arrt dans le cadre dun eaffaire de racket, quil stait vad dans la nuit du 19 au 20 dcembre 1992et quune enqute administrative avait t diligente lencontre despoliciers responsables de son vasion. Il y joignit une copie de la dcisiondu conseil disciplinaire de la police du 27 juillet 1993.

    27. Le 22 octobre 1996, le procureur de la Rpublique demanda auxparquets de Siirt et de anlurfa de recueillir les dpositions de deuxpoliciers concernant lvasion.

    28. Dans une lettre date du mme jour la direction de la sret, leprocureur de la Rpublique ritra la convocation des policiers mis encause. Relevant que ses demandes antrieures taient restes sans effet, il

    demanda tre inform des motifs de cette inactivit.29. Le 25 octobre 1996, le procureur de la Rpublique informa leministre de la Justice du droulement des vnements depuis lvasion enquestion. Il indiqua que Cuma Akgn avait t tu, le 30 septembre 1993,par des membres du PKK et que linstruction de laffaire avait t transfreau procureur de la Rpublique prs la cour de sret de lEtat de Konya. Ilajouta que, selon les dclarations de membres prsums du PKK, aprs sonvasion, le fugitif aurait t envoy dans la province de Mu. Il expliquaenfin qu la suite de la plainte dpose par le requrant, une enqute pnaleavait t ouverte lencontre des policiers et que leur audition avait dbut.

    30. Le 16 fvrier 1998, le procureur de la Rpublique rendit une

    ordonnance de non-lieu au motif que les lments du dossier nepermettaient pas dtablir que le frre du requrant avait t tu lors de sagarde vue, et considra les allgations de ce dernier en ce sens infondes.Se rfrant la dcision du conseil disciplinaire de la police du 27 juillet1993 et aux dclarations des membres prsums du PKK, le procureur de laRpublique considra quil ne disposait pas dlment de preuve rendantncessaire louverture de poursuites pnales.

    31. Ceci tant, le procureur de la Rpublique considra que les faitsreprochs aux policiers tombaient sous le coup de larticle 230 du code

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    pnal, rprimant la ngligence dans lexercice de la fonction, et quilstaient prescrits.

    32. Le Gouvernement a produit les procs-verbaux de dposition decertaines personnes accuses dtre membres du PKK. Il en ressort que lundes suspects avait reconnu avoir donn lordre de tuer Cuma Akgn pournavoir pas pay la ranon. Un autre indiqua avoir entendu dire que NamkErkek avait t envoy, aprs son vasion, dans la province de Mu pourparticiper la lutte arme.

    3. La procdure pnale diligente contre le frre du requrant

    33. Le 30 dcembre 1992, le procureur de la Rpublique intenta uneaction contre le frre du requrant, sur le fondement de larticle 188 3 ducode pnal rprimant lusage de la violence ou de menaces pour contraindrequelquun faire ou donner lautorisation de commettre ou de ne pascommettre un acte.

    34. Le 8 janvier 1993, la cour dassises de Mersin se dclara incomptenteratione materiae et envoya le dossier devant la cour de sret de lEtat deMalatya.

    35. Le 13 mai 1995, la cour de sret de lEtat de Malatya dcerna unmandat darrt lencontre du requrant.

    II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    36. Le droit et la pratique internes pertinents sont dcrits dans les arrtsakc c. Turquie ([GC], no 23657/94, CEDH 1999-IV), Kaya c. Turquie(arrt du 19 fvrier 1998, Recueil des arrts et dcisions 1998-I), Tanrkuluc. Turquie ([GC], no 23763/94, CEDH 1999-IV) et Yaa c. Turquie (arrt du2 septembre 1998,Recueil 1998-VI).

    EN DROIT

    I. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 2 DE LACONVENTION

    37. Le requrant soutient que son frre est dcd suite la tortureinflige par les forces de lordre lors de sa garde vue. Il ninvoque aucunarticle de la Convention.

    La Cour examinera ce grief sous langle de larticle 2 ainsi libell :

    1. Le droit de toute personne la vie est protg par la loi. La mort ne peut treinflige quiconque intentionnellement, sauf en excution dune sentence capitaleprononce par un tribunal au cas o le dlit est puni de cette peine par la loi.

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    2. La mort nest pas considre comme inflige en violation de cet article dans lescas o elle rsulterait dun recours la force rendu absolument ncessaire:

    a) pour assurer la dfense de toute personne contre la violence illgale;

    b) pour effectuer une arrestation rgulire ou pour empcher lvasion dunepersonne rgulirement dtenue;

    c) pour rprimer, conformment la loi, une meute ou une insurrection.

    A. Les arguments des parties

    1. Le requrant

    38. Le requrant maintient sa version des faits. Selon lui, le procs-verbal dincident tabli par les policiers infirme la thse de lvasionavance par le Gouvernement. Il soutient en outre que le croquis des lieuxde lincident ne reflte pas la vrit et produit cet gard un autre croquis.

    2. Le Gouvernement

    39. Le Gouvernement soutient que les allgations du requrant sontdnues de fondement et que larticle 2 de la Convention ne saurait treinvoqu en lespce. Daprs lui, la conclusion de lenqute administrativeainsi que les dpositions de certaines personnes accuses dtres membres

    du PKK et impliques dans lincident du racket, corroborent lvasion dufrre du requrant. Il fait valoir en outre que le systme de la Conventionne connaissant pas le systme dactiopopularis en labsence dune personne

    pouvant tre qualifie comme victime, il nest pas possible denvisager lecontrle in abstracto de lapplicabilit du premier alina de larticle 2 .

    40. Quant lenqute sur la disparition de Namk Erkek, leGouvernement fait observer que les autorits ne sont pas restes sansraction face aux allgations du requrant. En ce sens, il soutient quellesont bien men leurs investigations et rendu une ordonnance de non-lieu lalumire des lments du dossier.

    B. Apprciation de la Cour

    1. Quant la disparition de Namk Erkek

    41. La Cour rappelle que larticle 2 de la Convention se place parmi lesarticles primordiaux de la Convention et que, combin avec larticle 3, ilconsacre lune des valeurs fondamentales des socits dmocratiques quiforment le Conseil de lEurope (voir akc, prcit, 86, Finucanec. Royaume-Uni, no 29178/95, 67-71, CEDH 2003-VIII). De surcrot,

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    reconnaissant limportance de la protection octroye par larticle 2, elle doitse former une opinion en examinant avec la plus grande attention les griefs

    portant sur le droit la vie (voir Ekinci c. Turquie, no

    25625/94, 70,18 juillet 2000).42. La Cour relve quil nest pas contest entre les parties que Namk

    Erkek a t arrt par les forces de lordre. Toutefois, leurs versionsdiffrent radicalement quant aux conclusions tirer des faits de la cause auregard de larticle 2 de la Convention.

    43. La Cour examinera les questions qui se posent la lumire desdocuments verss au dossier de laffaire, en particulier ceux soumis par leGouvernement quant aux enqutes judiciaires effectues, ainsi que lesobservations prsentes par les parties. Pour apprcier les preuves, elle sesert du critre de la preuve au-del de tout doute raisonnable (voir,mutatismutandis,Irlande c. Royaume-Uni, arrt du 18 janvier 1978, srie Ano 25, pp. 64-65, 160-161). Toutefois, une telle preuve peut rsulter dunfaisceau dindices, ou de prsomptions non rfutes, suffisamment graves,prcis et concordants (voir Abdurrahman Orak c. Turquie, no 31889/96, 69, 14 fvrier 2002).

    44. En loccurrence, la Cour rappelle que les vnements de la prsenteaffaire se sont drouls Mersin, ville qui ntait pas touche par ltatdurgence en vigueur dans certaines rgions du pays lpoque des faits.

    45. La Cour note quil ressort des lments du dossier denqute que lefrre du requrant a t arrt et plac en garde vue le 19 dcembre 1992,et quil a pris la fuite le 20 dcembre 1992 vers 3 heures lors de sontransport sur les lieux de lincident. Les recherches entreprises aussitt aprslvasion sont restes sans effet. Elle note aussi que le procureur de laRpublique ainsi que la Direction gnrale de la sret ont t rapidementinforms de lincident et quune enqute administrative a t mene, celle-ciayant conclu dailleurs que les conditions taient favorables une vasion(voir paragraphe 22 ci-dessus).

    46. La Cour relve que les allgations du requrant ne sappuient pas surdes faits concrets et vrifiables, et quelles ne sont corrobores, de faonconcluante, par aucune dposition de tmoin ou autre lment de preuve.Dans ces conditions, elle considre quune conclusion selon laquelle le frre

    du requrant a trouv la mort suite la torture inflige par les forces delordre relverait plus du domaine de lhypothse et de la spculation quedindices fiables. Elle est davis que les lments de preuve dont elledispose ne fournissent pas dindices de nature tayer une telle conclusion.

    47. Partant, aucune violation de larticle 2 de la Convention nest tabliede ce chef.

    2. Sur le caractre des investigations menes

    48. La Cour rappelle que lobligation de protger le droit la viequimpose larticle 2 de la Convention, combine avec le devoir gnral

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    incombant lEtat en vertu de larticle 1 de reconna[tre] toute personnerelevant de [sa] juridiction les droits et liberts dfinis [dans] la (...)

    Convention , implique et exige de mener une forme denqute efficacelorsque le recours la force a entran mort dhomme (voir, mutatismutandis, McCann et autres c. Royaume-Uni, arrt du 27 septembre 1995,srie A no 324, p. 49, 161, et Kaya, prcit, p. 329, 105).

    49. La Cour souligne que lobligation susmentionne ne vaut passeulement pour les cas o il a t tabli que la mort a t provoque par unagent de lEtat. Le simple fait que les autorits soient informes du dcsdonnerait ipso facto naissance lobligation, dcoulant de larticle 2, demener une enqute efficace sur les circonstances dans lesquelles il sestproduit (voir, mutatis mutandis, Ergi c. Turquie, arrt du 28 juillet 1998,

    Recueil 1998-IV, p. 1778, 82, Yaa, prcit, p. 2438, 100, et HughJordan c. Royaume-Uni, no 24746/94, 107-109, CEDH 2001-III).

    50. La Cour considre de surcrot que la nature et le degr de lexamenrpondant au critre minimum deffectivit de lenqute dpendent descirconstances de lespce. Il sapprcient sur la base de lensemble des faitspertinents et eu gard aux ralits pratiques du travail denqute. Il nest paspossible de rduire la varit des situations pouvant se produire une simpleliste dactes denqute ou dautres critres simplifis (voir, mutatismutandis, Velikova c. Bulgarie, no 41488/98, 80, CEDH 2000-VI).

    51. Dans le cas prsent, les dmarches entreprises par les autoritscharges de lenqute prliminaire et le parquet comptent la suite delincident ne prtent pas controverse.

    52. La Cour note qu la suite de la communication de la requte, leGouvernement a fourni la copie du dossier denqute ainsi que desinformations sur son droulement.

    53. Il ressort de ces lments quaussitt aprs lvasion du frre durequrant, une enqute disciplinaire a t diligente lencontre des

    policiers responsables pour ngligence dans lexcution de leur tche.Lenqute a t mene par le directeur de la section dinvestigation de lapolice. Le 21 juillet 1993, le conseil disciplinaire de la police de la provincede Mersin, se fondant sur les conclusions de lenquteur, a conclu que leslments du dossier ne permettaient pas de prononcer des sanctions

    disciplinaires.54. Concernant lenqute pnale, la Cour observe qu la suite de laplainte dpose par le requrant le 20 novembre 1994, le procureur de laRpublique a instruit une enqute prliminaire. Il a interrog la direction dela sret de Mersin concernant lincident et convoqu les policiers mis encause afin de recueillir leurs dclarations. En ce sens, la Cour note que, le22 octobre 1996, le procureur de la Rpublique a demand aux parquets deSiirt et de anlurfa de recueillir les dpositions de deux policiersconcernant lvasion. Le mme jour, dans une lettre la Direction gnralede la sret, il a renouvel la convocation des policiers mis en cause dans la

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    mesure o ses demandes antrieures taient restes sans effet et a demand tre inform des motifs de cette inactivit.

    55. La Cour relve quil ne ressort pas des lments du dossierdenqute que les dclarations des policiers ont t recueillies. En effet, le16 fvrier 1998, soit environ trois ans et trois mois aprs le dpt de laplainte, le procureur de la Rpublique a rendu une ordonnance de non-lieufaute de preuve corroborant les allgations du requrant. Il a relev que leconseil de discipline de la police avait estim quil ny avait pas lieu de

    prononcer de sanction lencontre des policiers et que, selon lesdclarations de certains membres prsums du PKK, le fugitif avait tenvoy par cette organisation dans la rgion de Mu.

    56. La Cour constate ainsi que le procureur de la Rpublique na pasentendu les policiers incrimins et sest content des dclarations de

    membres prsums du PKK et de la dcision du conseil disciplinaire du27juillet 1993 pour rendre lordonnance de non-lieu. A cet gard, elle noteque cette dcision de non-lieu se fondait sur une enqute mene par lapolice.

    57. La Cour tient souligner que, dans les circonstances de la cause,laudition des policiers par un organe indpendant revtait une grandeimportance tant donn leur mise en cause directe dans la disparition dufrre du requrant.

    58. Sans pouvoir dire que les autorits sont restes passives face auxdclarations du requrant, la Cour constate que lenqute mene par leprocureur de la Rpublique est incomplte. En consquence, elle conclutque lEtat dfendeur a manqu son obligation de mener une enquteadquate et effective sur les circonstances de la disparition du frre durequrant.

    59. Partant, larticle 2 de la Convention a t viol de ce chef.

    II. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    60. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

    Si la Cour dclare quil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, etsi le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet deffacer

    quimparfaitement les consquences de cette violation, la Cour accorde la partielse, sil y a lieu, une satisfaction quitable.

    A. Dommage

    61. Le requrant na pas prsent de demande relative aux dommagesmatriel et moral subis. Toutefois, au stade de lintroduction de sa requte,il allguait avoir subi un dommage matriel et moral quil valuait 1 000 000 dollars amricains.

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    62. En ce qui concerne le dommage matriel, la Cour relve que lerequrant napporte pas la preuve dune perte de revenus rsultant du dcs

    de son frre. Il ny a donc pas lieu de lui accorder une indemnit ce titre.63. La Cour admet que le requrant pourrait avoir subi un prjudice

    moral qui ne saurait tre rpar par le seul constat de violation. Statuant enquit, elle dcide dallouer au requrant 10 000 euros au titre du prjudicemoral.

    B. Frais et dpens

    64. Le requrant na pas prsent de demande relative aux frais etdpens.

    65. Le Gouvernement ne se prononce pas.66. Compte tenu des lments en sa possession et de sa jurisprudence en

    la matire, la Cour estime quil ny a pas lieu dallouer au requrant unmontant cet effet.

    C. Intrts moratoires

    67. La Cour juge appropri de baser le taux des intrts moratoires sur letaux dintrt de la facilit de prt marginal de la Banque centraleeuropenne major de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, lUNANIMIT,

    1. Ditquil na pas t tabli que le frre du requrant a t tu en violationde larticle 2 de la Convention ;

    2. Dit quil y a eu violation de larticle 2 de la Convention pourmanquement de lEtat dfendeur son obligation de mener une enquteeffective ;

    3. Dita) que lEtat dfendeur doit verser au requrant, dans les trois mois compter du jour o larrt sera devenu dfinitif conformment larticle 44 2 de la Convention, 10 000 EUR (dix mille euros) pourdommage moral, plus tout montant pouvant tre d au titre de la taxe surla valeur ajoute ou toutes autres charges fiscales exigibles au momentdu versement, convertir en livres turques au taux applicable la datedu rglement ;b) qu compter de lexpiration dudit dlai et jusquau versement, cemontant sera majorer dun intrt simple un taux gal celui de la

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    facilit de prt marginal de la Banque centrale europenne applicablependant cette priode, augment de trois points de pourcentage ;

    4. Rejette la demande de satisfaction quitable pour le surplus.

    Fait en franais, puis communiqu par crit le 13 juillet 2004 enapplication de larticle 77 2 et 3 du rglement.

    S. DOLLE J.-P. COSTAGreffire Prsident