acide_sulfurique-girardin

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    De l'acide sulfurique.Girardin M. : Leons de chimie lmentaire applique aux arts industriels

    De tous les acides connus, il n'en est pas qui prsente autant d'intrt, soit pour le savant, soitpour l'industriel, que l'acide sulfurique. Son nergie, bien plus puissante que celle de tous lesautres composs du mme genre, et surtout son bas prix, l'ont rendu l'agent le plus utile et le plusfrquemment employ de la plupart des arts, qui, sans lui, manqueraient certainement desproduits qui leur sont le plus indispensables. La fabrication des autres acides, de la soudeartificielle, de l'alun, du chlore, du phosphore, des eaux minrales gazeuses, des bougiesstariques; l'affinage de l'argent, le dcapage du fer et d'autres mtaux; la saccharification de lafcule, la dissolution de l'indigo, l'puration des huiles brler, la prparation de la garancine, ledbourrage des peaux qu'on doit soumettre l'opration du tannage, le blanchiment des toiles, et,pour miens dire, presque toutes les oprations des manufactures et des laboratoires rclament sonsecours.

    Son histoire se lie donc d'une manire intime a celle de la science et de l'industrie, et l'on peutconsidrer sa dcouverte comme le fait qui a le plus contribu l'avancement des connais= sauceshumaines et l'accroissement des arts. Si l'on possdait, dit M. Dumas, un tableau exact des

    quantits d'acide sulfurique consommes annuellement dans divers pays ou diverses poques, iln'est pas douteux que ce tableau prsenterait en mme temps la mesure prcise du dveloppementde l'industrie gnrale pour ces poques ou pour ces pays (l).

    Cet acide tait inconnu des anciens, et c'est sans doute cette circonstance qu'il faut attribuer lepeu de progrs qu'ils firent dans la carrire des arts industriels. Il est assez difficile de fixer l'poqueprcise laquelle cet agent si puissant a t dcouvert. Il en est fait mention pour la premire fois,mais en termes obscurs et ambigus, dans les ouvrages d'Abou-bekr Al Rhass,;,mort en 940. Autreizime sicle, Albert le Grand le dsigna sous les noms de soufre des philosophes et d'esprit devitriol romain. Au milieu du quinzime sicle, Basile Valentin, clbre alchimiste,d'Erfurt et moine del'ordre des Bndictins, exposa parfaitement sa prparation. Mais c'est Grard Dorneeus quidcrivit, le premier, ses caractres distinctifs en 4570.

    Le procd suivi dans l'origine pour obtenir cet acide consistait calciner dans une cornue du

    sulfate de fer, alors nomm couperose et vitriol vert. Comme l'acide trs-concentr qui se rassem-blait dans -le rcipient avait la consistance d'une huile, et que d'ailleurs on ignorait compltement sanature, on lui donna le nom impropre d'huile de vitriol, et les noms de rose et d'esprit de vitriol,quand il tait tendu d'eau. La plupart des chimistes, partir du seizime sicle, ont tudi cetacide, dont les proprits si remarquables ne tardrent pas recevoir d'utiles applications dans lesarts. Jusqu' l'poque des travaux de Lavoisier sur la combustion, on commit l'erreur, sur l'autoritde Stahl, de le croire tout form dans le soufre, qu'on regardait alors comme un compos d'huile devitriol et de la partie la plus pure du principe inflammable, dsigne sous le nom de phlogistique. Lechimiste franais dmontra, d'une manire irrcusable, que l'acide vitriolique ou sulfurique estcompos de soufre et d'oxygne, dans des proportions diffrentes de celles qui produisent l'acidesulfureux. Ses successeurs n'ont fait que complter l'histoire de cet acide et rectifier les lgreserreurs commises par Lavoisier dans son analyse, erreurs qu'on doit uniquement attribuer l'imperfection des mthodes analytiques employes de son temps.

    Combin aux oxydes mtalliques et formant des sels qu'on dsigne sous le nom de sulfates, l'acidesulfurique est trs-commun dans la nature. II n'en est pas de mme lorsqu'il est l'tat de libert;car, outre que les circonstances de sa formation sont trs-peu nombreuses, il a une trop grandeaffinit pour les bases pour qu'on en trouve jamais de grandes quantits l'tat pur. On l'indiqueseulement dans quelques grottes, distillant de leurs votes, ou dans les eaux de quelques sourcesou rivires. Presque toutes les sources qui coulent dans le voisinage des volcans de l'Amrique duSud, contiennent de l'acide sulfurique libre; tels sont entre autres, d'aprs MM. de Humboldt etBoussingault, le Rio Vinagre ou Pasambio, originaire du volcan de Purac dans les Andes, lasource de Ruiz qui sort du Paramo de Ruiz, volcan de la Nouvelle-Grenade dans la Cordillirecentrale, les belles cascades de Genoi, prs du cratre de Pasto, dans la mme rgion (L'eau du Rio-

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    Vinagre contient 1gr., 11 d'acide sulfurique par litre; celle du Ruiz, dont la temprature est de + 690 4 centigrades, enrenferme 5r., 181, c'est dire prs de 5 fois autant).

    Leschenault, naturaliste franais, a rapport de l'acide sulfurique qu'il avait puis dans un lac quioccupe le sommet du mont Idienne, Java. M. Landerer a constat, en 1851, la prsence du mmeacide dans l'eau de mer qui baigne les les volcaniques de l'Archipel grec, notamment Mylos etSantorin (Les navires de guerre doubls de cuivre se rendent dans la baie de Santorin afin d'y dpouiller leur carne del'oxyde ou vert-de-gris par la prsence de ces sources volcaniques qui sont acides. En effet, aprs quelques jours de

    mouillage et si la mer est agite par le vent, le cuivre devient poli comme s'il tait neuf. Il est clair que l'oxyde, le sous-chlorure et le carbonate de cuivre adhrant au doublage, se dissolvent et se transforment en sulfate de cuivre.Indpendamment de leur utilit aux btiments, les eaux acides de Santorin sont trs-conseilles pour la gurison dediffrentes maladies de la peau et procurent des cures inespres ).

    Enfin dans le comt de Genesse (tats-Unis), il y a des sources trs-charges de cet acide, aupoint qu'elles coagulent le lait.II existe dans le commerce deux sortes d'acide sulfurique1 L'acide sulfurique proprement dit, nomm huile de vitriol ou acide anglais;2 L'acide fumant de Saxe ou de Nordhausen. Examinons-les successivement.

    I - ACIDE SULFURIQUE ORDINAIRE OU HUILE DE VITRIOL.

    Il se prsente sous la forme d'un liquide incolore, inodore, d'une consistance olagineuse. Sa

    saveur est des plus acides; aussi est-ce un caustique violent qui brle et ronge tous les tissus enles colorant en noir. A de trs-petites doses, il dtermine assez promptement la mort desanimaux, qui succombent en proie aux douleurs les plus aigus (Dans les empoisonnements par l'acidesulfurique, qui sont trs-commun parmi les ouvriers, il faut tout de suite administrer aux malades une grande quantitd'eau, ou de lait, ou d'huile d'olives, ou de l'eau de savon, et mieux encore, de la magnsie caustique, dlaye dans del'eau, ou dans de l'huile, afin d'tendre et de neutraliser l'acide, en mme temps qu'on provoque des vomissements pouren oprer le rejet). .

    Une goutte suffit pour rougir une grande quantit de teinture de tournesol.Dans son plus grand tat de concentration, il marque 66 degrs l'aromtre de Baum, ce quicorrespond une densit de 1,845 la temprature de + 15 degrs.Dans cet tat, il retient toujours de l'eau en combinaison ; sur 100 parties en poids, il est formde :

    { soufre. ... 32;78Acide sulfurique sec ou anhydre .. 81,68 = {

    { Oxygne .. 48,90Eau de combinaison......... . 48,32

    100,00

    C'est donc un compos proportions constantes d'eau et d'acide sec, qu'on nomme en chimieacide sulfurique hydrat ou mono hydrat. Ce compos est trs-stable, puisqu'il bout + 325et distille sans prouver aucune altration. Ce n'est qu' une temprature rouge qu'il estdcompos et transform en :

    2 volumes de gaz acide sulfureux;1 volume d'oxygne;2 volumes de vapeur d'eau.

    Expos un froid de -34 degrs, il cristallise en prismes rguliers 6 pans. Mais lorsqu'il marque 62

    degrs l'aromtre, et alors renferme 29 p. 400 d'eau, il se congle + 4 degrs et laisse dposerde beaux cristaux volumineux et transparents.

    Je vous ai dj dit plusieurs fois que l'acide sulfurique a une trs grand affinit pour l'eau, et c'est pourcette raison, qu' on en imbibe les fragments de pierre-ponce travers lesquels on fait passer les gazque l'on veut desscher compltement. Plac dans une atmosphre sature d'humidit, il absorbe 15fois son propre poids d'eau, si l'on a soin de mler souvent les diverses couches du liquide et deprolonger suffisamment l'exprience. Consquemment, pour le conserver dans son tat deconcentration, il faut le renfermer dans des vases bouchs l'meri. Cette prcaution est encoreindispensable pour viter qu'il ne se colore; car il devient bientt brun au contact de l'air. Cet effet

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    dpend de ce que les poussires organiques, qui flottent sans cesse dans l'atmosphre, tombentdans cet acide et sont promptement dcomposes et charbonnes par lui.

    La cause de cette destruction dpend de la grande affinit de l'acide pour l'eau. Il dtermine larunion, sous forme d'eau, de l'hydrogne et de l'oxygne de ces substances, et donne naissance aun acide trs-riche en carbone, fortement color, l'acide Ulmique, qui reste en suspension dans leliquide et le colore, ainsi que je l'ai dcouvert. Les auteurs ont donc tort de dire que c'est le carbonedes matires organiques qui est mis nu. Si l'on plonge quelques fragments de paille ou desallumettes dans l'acide concentr, le phnomne de coloration a lieu sur-le-champ.

    Ainsi tendu d'eau et color, l'acide sulfurique est ramen son point primitif de concentration etdcolor, lorsqu'on le chauffe dans un vase jusqu' ce qu'il commence produire des vapeursblanches. L'eau trangre se volatilise, en mme temps qu'il se dgage des acides sulfureux etcarbonique, qui proviennent de la dsoxygnation partielle d'une portion de l'acide par le charbon del'acide ulmique. Je vous ai montr, dans la dernire leon, que de l'acide sulfurique chauff sur ducharbon se trouve ramen par ce dernier l'tat d'acide sulfureux.

    La plupart des autres corps simples agissent de mme sur lui. L'acide sulfurique est miscible l'eauen toutes proportions. Lorsqu'on en verse peu peu dans ce liquide, il coule travers comme un siropet gagne promptement la partie infrieure, en raison de sa plus grande densit. Aussitt qu'on agitepour mler les deux couches superposes, la combinaison s'opre instantanment avec un granddgagement de chaleur. Celui-ci est proportionnel la quantit d'acide mis en contact avec l'eau.Ainsi, parties gales des deux liquides produisent une lvation de temprature de +95 degrscentigrades, degrs centigrades, tandis que 4 parties d'acide et 1 partie d'eau font monter lethermomtre jusqu' + 120 degrs, c'est--dire au del du point d'bullition de l'eau, Vous ne serezdonc pas surpris d'apprendre, d'aprs cela, que Lavoisier et Laplace aient trouv qu'en mlant 734grammes d'eau et 9 79 grammes d'acide sulfurique concentr, il se produise assez de chaleur Pourfondre 1 kg, 529 de glace.

    La glace ou la neige mle ~, l'acide sulfurique, dans certaines La glace ou la proportions, se fondtrs-promptement, et produit tantt beaucoup de chaleur, tantt beaucoup de froid. Une partie deglace avec quatre parties d'acide concentr donnent un liquide dont la temprature parvientrapidement jusqu'+ 400 degrs. Avec 4 parties de glace pour 1 partie d'acide, on obtient, aucontraire, un abaissement de temprature de - 20 degrs. Ces phnomnes, en apparencecontradictoires, se comprennent aisment. Rflchissez que l'acide, avec peu d'eau, forme unecombinaison qui, comme toutes les combinaisons chimiques, est accompagne d'un dve-

    loppement de chaleur, tandis que la glace a besoin, pour se liqufier, d'absorber beaucoup decalorique et elle en prend au corps avec lequel elle est en contact. Dans le cas que nousexaminons, c'est l'acide sulfurique qu'elle en enlve. Suivant les proportions respectives de l'acideet de la glace, l'un des deux effets indiqus doit l'emporter sur l'autre; d'o il rsulte tantt de la cha-leur, tantt du froid.

    A mesure que l'acide sulfurique s'affaiblit par son mlange avec l'eau, sa densit diminue ets'approche de plus en plus de celle de ce dernier liquide; en mme temps son point d'bullitions'abaisse graduellement, sans toutefois descendre jusqu'+100 degrs.

    Vauquelin et Darcet ont publi des tables trs-commodes pour les industriels, qui indiquent lesquantits relatives d'eau et d'acide contenues dans l'acide du commerce, divers degrs del'aromtre de Baum ou diverses densits, la temprature de -1- te degrs. Parker et le docteurUre en ont dress de semblables. Mais en comparant toutes ces tables entre elles, on est frapp des

    divergences qu'elles prsentent.

    Ces divergences, peu importantes peut-tre, lorsqu'il ne s'agit que de la valeur vnale de l'acidesulfurique, ont le grave inconvnient, lorsqu'on doit dterminer la valeur des potasses, des soudes,des borax, de donner lieu des rsultats diffrents entre les plus habiles oprateurs qui obtiennentdes titres tantt suprieurs, tantt infrieurs aux titres rels.

    M. Bineau, de Lyon, voulant remdier cet tat de choses, a dress lui-mme, en 1848, un tableaureprsentant la valeur exacte des dilutions aqueuses de l'acide sulfurique mono hydrat, c'est--dire 66 degrs.

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    Il faut savoir, toutefois, que les bons acides du commerce contiennent ordinairement 5 p. 100 d' eauen excs.

    Il est alors prfrable, pour plus d'exactitude dans les essais commerciaux, de prendre cettecomposition pour point de dpart, et de considrer l'acide commercial ordinaire comme renfermant les95 p. 100 de son poids d'acide mono hydrat.

    Voici en consquence, les tables correspondantes des deux acides :RICHESSE DES DISSOLUTIONS AQUEUSES D' ACIDE SULFURIQUE SUIVANT LEUR

    DENSIT, d'aprs M. Bineau.

    densitdes mlanges

    + 15

    DEGRSA L'AROM.DE BADMH

    -}- 15-.

    ACI DEMonohydrates

    sur 100.

    ACI DECOMMERCIAL ORDINAIRE

    sur 100.

    1,032 4,5 5 5,26

    1,068 9,2 10 10,521,106 13,9 15 15,781,144 18,1 20 21,041,182 22,2 25 26,301,223 28,2 30 31,57

    1,264 30,1 35 36,841,306 33,8 40 42,081,351 37,5 45 47,36

    1,398 41,1 50 52,60

    1,418 4-1,7 55 57,891,501 48,2 60 63,141,557 51,6 65 68,421,615 55,0 70 73,68

    1,675 58,2 75 78,941,734 61,1 80 84,161,786 63,5 85 89,471,822 65,1 90 94,72

    1,8;18 65,8 95 100,00

    1,842 66,0 100 105,20

    Je devrais maintenant vous dire l'aide de quels procds on obtient l'acide sulfurique ordinaire dontje viens d'exposer les caractres les plus saillants. Mais je prfre ne traiter cette question qu'aprsl'tude des acides de l'azote, parce que la connaissance de ces derniers composs est indispensablepour bien comprendre la thorie de cette importante fabrication.

    II. - ACIDE SULFURIQUE DE SAXE.

    C'est un liquide olagineux, trs-acide, corrosif au suprme degr, presque toujours colorlgrement en brun cause des matires organiques qu'il a charbonnes accidentellement. Il laissechapper des fumes blanches lorsqu'on le met au contact de l'air.

    Sa densit est de 1,89 1,90. Il marque habituellement 67 degrs au pse-acide.

    Il se congle par le froid bien plus facilement que l'acide ordinaire et il se prend en cristaux lamelleux,cassants et non tenaces.

    Projet dans l'eau, il dtermine le mme effet qu'un fer rouge. Il entre en bullition + 40 ou + 50degrs C.

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    Figure 63.

    Si on le chauffe doucement dans une cornue en verre (fig. 63) dont le col effil vient s'engager dansun grand tube en U, maintenu au milieu d'un mlange rfrigrant, il donne, comme produit, une ma-tire blanche , opaque, se dposant dans le tube en longs cristaux aiguills, d'un clat soyeux,ressemblant beaucoup l'amiante. C'est de l'acide sulfurique anhydre ou priv d'eau.

    Cet acide solide et pur a la composition suivante :

    Soufre................................. 40,00Oxygne..................... ......... .60,00

    100,00

    On peut aussi le reprsenter par une combinaison de :

    2 volumes de gaz acide sulfureux;1 volume d'oxygne.

    Mais il est t rs-difficile de conserver .l'acide solide. Il se rduit compltement en vapeurs blanches latemprature de +30 degrs. Il attire l'humidit de l'air avec une trs-grande force, aussi rpand-ild'paisses vapeurs au contact de ce fluide; il prend alors la forme liquide et se change en acidesulfurique ordinaire ou mono hydrat, qu'il est impossible, par la chaleur ou par tout antre citoyen, de

    ramener l'tat d'acide anhydre et solide. Quand on le projette dans l'eau, il fait entendre un bruitanalogue celui d'un fer rouge qu'on mouille.

    L'acide de Saxe doit toutes ses proprits sa composition spciale; il est constitu par un mlanged'acide anhydre et d'acide mono hydrat ou huile de vitriol; il contient, mais accidentellement, del'acide sulfureux.

    En somme, il ne renferme que 10 11 p. 0/0 d'eau, et 100 parties de cet acide quivalent 110parties d'huile de vitriol.

    C'est d'abord Nordhausen, petite ville de Saxe, qu'on a commenc fabriquer en grand l'acidesulfurique fumant par la calcination de la couperose ou sulfate de fer. Mais depuis une quarantained'annes, les anciennes fabriques de Saxe ont succomb devant la concurrence des nombreusesusines qui se sont leves en Bohme ; c'est de ces usines qu'est expdi Nordhausen l'acide quiest export, sous le nom de cette localit, dans les autres parties de l'Allemagne, en France et enAngleterre.

    Il est notamment employ de prfrence l'huile de vitriol pour la prparation du carmin d'indigo et dela dissolution de l'indigo qui sert la teinture des laines en ces nuances qu'on dsigne sous les nomsde bleu et vert, de Saxe. Tandis qu'il faut 7 8 parties d'huile de vitriol pour dissoudre une partied'indigo, 3 4 parties d'acide de Nordhausen suffisent, en raison de l'acide anhydre qu'il contient; lasolution est plus parfaite, elle contient moins d'acide, et de plus, comme ce dernier ne renferme jamaisen mlange aucun des composs de l'azote, ce qui arrive frquemment pour l'acide sulfurique hydrat, on est certain de ne pas attaquer et dtruire d'indigo, que ces composs de l'azote convertis. sentinstantanment en une substance jaune.

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    En Bohme, notamment aux environs de Carlsbad, pour fabriquer l'acide fumant on tire parti deseaux-mres incristallisables provenant de la prparation de la couperose au moyen des argilespyriteuses ; on vapore ces eaux-mres et on chauffe assez le rsidu pour le convertir en sous-sulfatede peroxyde de fer. En le chauffant au rouge en vase clos, l 'acide se spare de l'oxyde et distille. Si lesel tait entirement sec, il ne se dgagerait que de l'acide anhydre, mais comme il est difficiled'atteindre ce rsultat, il se trouve toujours dans les produits de la distillation une certaine quantitd'acide sulfurique hydrat; il passe aussi un peu d'acide sulfureux.

    La calcination s'opre dans des cornues en terre (fig. 64) A,A, de petites dimensions, places sur troistages, les unes ct des autres, au nombre de deux cents, dans un four de galre chauff par troisfoyers. Chaque cornue est mise en communication par son col avec un rcipient en terre B,B, quirepose, en prsentant une forte inclinaison, sur un banc de briques qui rgne dans toute la longueurdu four. Dans les rcipients, on met un peu d'huile de vitriol pour mieux absorber les vapeurs quisortent des cornues. '

    Les deux cents cornues, dans chacune desquelles le sulfate de fer a t introduit au moyen d'unesorte de cuiller en fer, ne contiennent que 225 250 kg de sel. Une opration dure quarante-huitheures; elle produit 100 110 kit. d'acide fumant. Les rcipients qui reoivent l'acide servent pourquatre distillations. Quand l'opration est termine, on enlve le peroxyde de fer qui reste dans lescornues, au moyen d'une petite curette en fer. Cet oxyde se vend sur place 2 fr. 25 le quintal m-trique; il prend le nom de colcothar ou de rouge de Prusse; il sert dans la peinture commune etpour le polissage des glaces.

    Les 100 kg. d'acide fumant se vendent sur les lieux 23 fr. ; arrivs en France, ils valent 140 150 fr., cause des droits levs l'importation, des frais de transport, de casse, de commission,etc. On en importe, anne commune, 30,000 kg.

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    On en fabrique, aux environs de Paris, une certaine quantit, en calcinant du bisulfate de potasse oude soude pralablement dessch. On ne recueille pas les premiers produits qui renferment'beaucoup d'eau; les.derniers sont, au contraire, trs-riches en. acide fumant. Le rsidu, qui consisteen sulfate neutre de potasse ou de soude, est transform de nouveau en bisulfate en le traitant par_l'acide sulfurique ordinaire. La mme quantit de sulfate peut donc servir indfiniment. L'acide fumant,ainsi prote duit, se vend 1 franc le kilogramme.. C'est encore beaucoup trop cher.

    T I p. 143 153 de l'dition de 1860

    FABRICATION DE L' ACIDE SULFURIQUE.

    Sommaire. - Historique de la fabrication de l'acide sulfurique. - Procd actuel - Chambres de plomb. -Concentration de (acideproduit dans les chambres - Impuret de l'acide commercial. - Sa purification. -

    Comme appendice l'histoire des acides du soufre et de l'a je dois maintenant, Messieurs, vousparler de la fabrication l'acide sulfurique, que j'avais passe sous silence dessein, parce que pour labien comprendre il y a ncessit de connatre l'avance tous les corps qui y prennent part.

    Je vous l'ai dit dans la septime leon (page 144), le premier procd mis en usage pour obtenirl'acide sulfurique consistait dans la distillation du vitriol ou sulfate de fer dans des cornue de grs. Aucommencement du dix-septime sicle, Angelus Sala ayant reconnu qu'il se forme de l'acidesulfurique par la combustion du soufre en vase humide, on ne tarda pas adopter ce moyen dans les

    pharmacies, et cause de la forme des vases, on donna l'acide, ainsi produit, le nom d'huile ouesprit de soufre par la cloche.

    Longtemps aprs, sur le conseil de Le Fvre (1) et de Lmery (2), on ajouta au soufre, pour enfavoriser la combustion, une certaine quantit de nitre ou salptre. (,'est en Angleterre qu'on excutad'abord en grand le procd de ces- deux chimistes franais. Un nomm Ward tablit, sur ce principe,une fabrique Richmond, prs de Londres. Les ballons dans lesquels on oprait avaient une grandecapacit, quelquefois celle de 300 litres. On les plaait sur deux rangs dans un long bain de sable, demanire que leurs cols fussent couchs horizontalement. Dans chaque col, o tait place unebrique, un ouvrier dposait sur celle-ci une cuiller de fer rouge qu'il remplissait ensuite d'unmlange de soufre et de nitre ; puis il bouchait aussitt le col avec un tampon de bois, et passaitau ballon suivant, qu'il chargeait de mme, faisant de la sorte le tour du bain de sable. Revenu aupoint de dpart, il rechargeait successivement les ballons d'un nouveau mlange. Les vapeursrsultant de la combustion agissaient dans l'intrieur des ballons, et l'acide sulfurique produit sedissolvait dans l'eau, qu'on avait soin de mettre en certaine quantit avant l'opration danschacun des ballons. Ce procd, bien combin dans son ensemble, excut par Ward sur uneassez grande chelle, rduisit de beaucoup le prix de l'acide sulfurique, puisque de 32 fr. 70 cent.le kilogramme, qu'on le vendait d'abord, il tomba bientt 6 fr. 20 cent.

    C'est vers 1746 qu'on remplaa les ballons de verre par de vastes chambres de plomb, au centredesquelles on faisait rouler sur un chemin de -fer un chariot supportant une large capsule plate en tledans laquelle brlait le mlange de soufre et de nitre. Cette importante amlioration, qui est unvnement mmorable dans l'histoire des progrs de cette industrie, est due deux Anglais, Roebucket Garbett; ils firent construire la premire chambre de plomb Birmingham, suivant les uns, Pres-tonpans en cosse, suivant les antres. C'est de cette poque que, le prix de l'acide tant tomb 40

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    ou 50 centimes le kilogramme, on put l'appliquer aux travaux d'une foule d'arts jusqu'alors demeursstationnaires. Depuis lors, on n'a fait que modifier et perfectionner le procd anglais.

    C'est en 1766, Rouen, rue Pave, au faubourg Saint-Sever, que fut tablie la premire fabrique ol'on fit usage des chambres de plomb. Cette importation est due Holker (3). - En 1774, un desmembres de l'Acadmie des sciences de Rouen, l'ingnieux de La Follie, conseilla unperfectionnement remarquable, l'injection de la vapeur d'eau pendant le cours de la combustion dusoufre. - Enfin, vers 1840, c'est encore Rouen que fut imagin le systme de combustion continuequi, de prime abord, leva cette industrie au niveau de la science. C'est Jean Holker, petit-fils del'importateur des chambres de plomb (4), qui est l'auteur du procd vraiment mthodique que suiventactuellement nos grandes fabriques de Rouen, Paris, Marseille, Saint-Gobain, Thann, Dieuze, Lyon,Lille, Amiens, Caen, Montbrison, etc. On peut donc dire que la fabrication de l'acide sulfurique est uneindustrie toute rouennaise.

    Le nom qu'on donne aux appareils employs cette fabrication indique assez leur forme gnrale.

    Reprsentez-vous une grande caisse rectangulaire A (fig. 98), dont toutes les parois sont formes pardes lames de plomb soigneusement soudes entre elles, de manire qu'il n'y ait aucun jour. Le fondde cette caisse repose sur des dalles de pierre b, b, b, qui l'lvent 2 mtres environ au-dessus dusol. Les cts c, c et le toit d sont isols de toutes parts et soutenus par une charpente extrieure.Cet isolement permet de reconnatre trs-promptement les fuites qui se manifestent quelquefoisdans les lames, et, pour faciliter la visite de l'extrieur, il y a des galeries e, e, tout autour del'appareil. La grandeur de ces chambres varie l'infini. Celle qui est le plus gnralement adoptepar les fabricants qui n'en possdent qu'une seule est de 684 mtres cubes. Le plus souvent,actuellement, on fait communiquer plusieurs chambres ensemble, et, dans ce cas, chacune d'ellesn'a que 100 mtres cubes, except pourtant celle du milieu, qui a jusqu' 1000 mtres cubes.

    Figure 98.

    La fabrication de l'acide sulfurique, telle qu'on l'excute aujourd'hui, comprend trois oprationsdistinctes, savoir

    1 Combustion du soufre ou production de l'acide sulfureux;2 Oxydation de l'acide sulfureux ou formation de l'acide sulfurique ;3 Concentration de l'acide sulfurique faible obtenu. Examinons successivement ces trois phases dela fabrication.

    I - Production de l'acide sulfureux. Elle a lieu par la combustion directe du soufre brut de Sicile l'air; elle s'excute dans un four f deforme rectangulaire plac au dehors et au-dessous des chambres. La sole et la vote de ce four sont

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    en fonte ou en forte tle, les cts en briques et mortier. A sa partie antrieure existe une ouverturepour le chargement du soufre et l'introduction de l'air. La surface de la sole est calcule de tellemanire qu'on peut brler au moins 66 kg de soufre par 24 heures et par mtre carr. L'entre de l'airest tablie sur cette donne qu'il faut de 6 7 mtres cubes d'air par kilogramme de soufre brl. -Au-dessous de fa plaque sur laquelle brle le soufre, il y a le plus souvent un foyer.

    Dans ces circonstances, le soufre chauff au-dessus de 440, absorbe l'oxygne de l'air pour donnernaissance de l'acide sulfureux qu'un tuyau de tle t dirige dans l'intrieur des chambres. Mais ls'arrte la puissance de l'oxygne atmosphrique; il ne peut, sans l'intervention d'un nouvel agent,s'unir l'acide sulfureux produit pour le convertir en acide sulfurique.

    II. Oxydation de l'acide sulfureux.-Elle est effectue au moyen d'un compos oxygn de l'azote.

    Dans l'origine, on ajoutait au soufre une certaine quantit de nitre, soit 40 kg, 650 pour 130 135kilogrammes de soufre, ce qui produisait du bioxyde d'azote que l'air des chambres convertissaitinstantanment en acide hypoazotique.

    Plus tard, on dirigeait dans les chambres un mlange de bioxyde d'azote et d'acide hypoazotique,qu'on obtenait en faisant ragir 11 kg,470 d'acide azotique sur 4 kg, 350 de mlasse ou de fculede pommes de terre, raction qu'on oprait soit dans des matras placs au dehors des chambres,soit dans une capsule de platine dispose un peu au-dessus du four soufre.

    A une poque plus rapproche de nous, on imagina de placer au-dessus du four soufre une patreen fonte contenant an mlange de 20 kg. de salptre et 16 kg. d'acide sulfurique 64 degrs. Cemlange fournissait des vapeurs d'acide azotique et d'acide hypoazotique. - Par mesure d'conomie,des fabricants ajoutaient au soufre, avant sa combustion, 6 7 p. 100 (le son poids d'azotate desoude, et mouillaient lgrement ce mlange avec de l'acide sulfurique 50 ou 55 degrs.

    Aujourd'hui; on se borne faire arriver dans l'une des chambres de l'appareil de l'acide azotiqueliquide 32 degrs. Cet acide dcoule goutte goutte, d'un rservoir extrieur, l'aide d'un tube enverre recourb en S, dans l'intrieur de la chambre o se trouvent disposes en tagre six terrinesen grs munies de becs recourbs, de telle manire qu'elles peuvent dverser de l'une dans l'autre leliquide acide qui arrive d'abord dans la plus leve. D'autres fois, les terrines sont remplaces par destagres en grs sur lesquelles l'acide coule en cascades de plateau en plateau. Ainsi expos par unegrande surface au contact de l'acide sulfureux, l'acide azotique cde ce dernier de l'oxygne pour le

    convertir en acide sulfurique, et se change lui-mme en acide hypoazotique qui continue la ractiondont je vais parler. La proportion d'acide azotique qu'on introduit dans les chambres est de 6 7 p.100 du soufre brl.

    Pour que les ractions qui doivent produire l'acide sulfurique puissent s'effectuer convenablement etd'une- manire continue, il faut de toute ncessit la prsence d'une grande quantit de vapeurd'eau. Pour remplir cette condition, on couvre le sol des chambres d'une lgre couche d'acidesulfurique faible, et on injecte dans l'intrieur, pendant le cours de l'opration, de la vapeurprovenant d'une chaudire agissant sous une lgre pression. Pour 100 kg. de soufre brl, on faitarriver dans les chambres 210 kg. d'eau. Le gnrateur est assez grand pour fournir 300 kg. devapeur afin de parer aux pertes.

    Par ces dispositions, on a donc, dans les chambres, de l'air en excs, de l'acide sulfureux, de l'acideazotique et de la vapeur d'eau. Voici la manire dont il faut comprendre les ractions qui s'tablissententre tous ces gaz.

    L'acide azotique cde 1/5 de son oxygne l'acide sulfureux qui devient ainsi acide sulfurique , et ilse produit de l'acide hypoazotique. Mais celui-ci, en prsence d'une grande quantit d'eau, seconvertit, nous l'avons dj dit, en acide azotique et en bioxyde d'azote. Ce dernier gaz, rencontrantde l'air au moment o il apparat, reproduit de l'acide hypoazotique, que la vapeur d'eau ne tarde pas changer une seconde fois en acide azotique et en bioxyde d'azote.

    Vous voyez donc, Messieurs, que c'est, en dfinitive, l'acide azotique, sans cesse reproduit parl'oxygne de l'air, aid de vapeur aqueuse, qui convertit en acide sulfurique tout l'acide sulfureux qui

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    afflue dans la chambre, de sorte que, s'il n'y avait aucune perte dans les appareils, une trs-minimeproportion de cet acide azotique, et toujours la mme, suffirait sur oxygner des quantits indfiniesde gaz sulfureux.

    L'appareil perfectionn que l'on emploie aujourd'hui repose sur le principe de la combustion continue,imagin par Jean Holker, et rendu manufacturier par Holker, Chaptal et Darcet. Une fois l'oprationcommence dans cet appareil, on ne l'interrompt que lorsqu'il y a des rparations faire dans leschambres. on est arriv ce double rsultat d'augmenter considrablement la production, ; et dediminuer notablement la proportion du compos azotique indispensable la transformation de l'acidesulfureux.

    Voici la description succincte de cet appareil que la figure 99 reproduit dans son ensemble.

    A, A' sont deux fourneaux dans lesquels on brle le soufre; ils sont accoupls; on les suppose coupsdans la figure, afin de faire voir leur disposition intrieure. Le soufre brle sur une large plaque en tle.La chaleur produite par cette combustion, est utilise pour fournir la quantit de vapeur d'eauncessaire la raction dans les chambres de plomb. A cet effet, une chaudire est place, danschaque fourneau, immdiate ment au-dessus de la sole sur laquelle le soufre brle. Un tuyau cdconduit cette vapeur dans les diverses chambres.

    A l'extrmit de chacun des deux fours, un gros tube en tle B porte les gaz de la combustion dansune chemine commune B', dont la section de passage est gale la somme des sections des deuxtubes B, B. Cette chemine doit avoir au moins une hauteur de 6 7 mtres, afin que les gazacquirent une force ascensionnelle assez grande pour traverser les diverses parties de l'appareil.Elle conduit le mlange de gaz sulfureux et d'air atmosphrique dans une premire petite chambre enplomb, CC', dite premier tambour, o se trouvent disposes des tablettes en plomb inclines. Onfait tomber sur la tablette suprieure un courant continu et convenablement rgl d'un acide sulfuriqueconcentr, fortement charg de produits nitreux, dont j'indiquerai tout l'heure l'origine. Cet acide estrenferm dans le vase h. L'acide coule, en nappes minces et en cascades, le long des planchettes etse runit sur le fond du tambour. Une partie des produits nitreux ragit sur le gaz sulfureux qu'elletransforme en acide sulfurique; le reste se dgage au milieu du mlange d'acide sulfureux et d'air.Une injection de vapeur, lance par un troit orifice, dans la direction des gaz qui s'coulent de lachemine, concourt au tirage des fours, et favorise les ractions indiques.

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    Le mlange gazeux, pouss par les produits successifs de la combustion du soufre passe du premiertambour, par un tuyau a dans une chambre en plomb C', dite deuxime tambour ou

    dnitrificateur, de 100 mtres cubes environ de capacit. A l'origine mme dit tuyau, on fait arriverpar le tube H dans la chambre un jet de vapeur sous une pression leve. L'acide sulfurique produittombe sur le sol de la chambre, o arrive galement par un tube en plomb celui qui runit au fond dupremier tambour.

    Les gaz se rendent ensuite, par un tuyau, dans un troisime tambour de mmes dimensions que lesecond. Au-devant de l'orifice du tuyau sont places deux pices en terre cuite, en grs ou enporcelaine E. E, ayant la forme d'un chteau d'eau plusieurs cascades, au sommet desquelles onfait tomber un filet continu et convenablement rgl d'acide azotique. Cet acide est renferm. dans

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    des vases en grs i, placs au dehors de la chambre. L'acide azotique est dcompos; il se forme del'acide sulfurique, et les gaz nitreux produits dan la raction se mlent avec le gaz sulfureux et l'airatmosphrique. L'acide sulfurique qui se produit dans cette chambre est charg de composs nitreux;il tombe sur le sol de cette chambre, et coule de l l'aide d'un petit tuyau F dans le deuximetambour, o il se trouve en contact avec des gaz renfermant d'acide sulfureux; qui lui enlvent sesproduits nitreux. Le sol du troisime tambour est cet effet, un peu plus lev que celui du deuxime.

    Les gaz, continuant leur route, sont conduits par un autre tuyau dans une quatrime chambre GG, ditegrande chambre, qui peut avoir environ 1,000 mtres cubes, et o se passe principalement laraction des gaz sulfureux, nitreux et oxygne, parce que ces gaz y sjournent longtemps. Des jetsde vapeur H, H, H arrivent dans cette chambre sur plusieurs points, y font tourbillonner les gaz etfavorisent les ractions. C'est dans cette chambre que se rend tout l'acide sulfurique form dans lesautres; aussi son niveau est-il infrieur. Une grande chambre de 1 000 mtres cubes suppose unappareil de 1,500 mtres cubes de capacit. Un pareil systme procure une combustion de 1,000 kg.de soufre en 24 heures, et par consquent une production de 3 000 kg. d'acide sulfurique.

    Les gaz, au sortir de la grande chambre, ne sont pas encore perdus dans l'atmosphre. Latemprature est trs-leve dans cette chambre, et une portion assez considrable d'acide sulfuriquey existe l'tat de vapeur. De plus, les gaz renferment encore des produits nitreux qu'on peut leurenlever, de manire conomiser sur la dpense de l'acide azotique.

    On fait passer les gaz, au sortir de la grande chambre, travers deux tambours N, dits tambours enqueue, de 100 mtres cubes de capacit, qui servent de rfrigrants, et dans lesquels sontdisposes des tablettes qui interrompent le courant gazeux et facilitent ainsi le dpt desvapeurs. Les gaz se rendent de l dans un troisime rfrigrant LL, refroidi extrieurement avecde l'eau; enfin ils arrivent dans un dernier tambour R, qui a pour objet d'absorber les gaz nitreux;et de l ils se dgagent dans l'atmosphre par le tuyau V.

    Le tambour R est rempli de gros fragments de coke maintenus par un diaphragme S, sur lesquelson fait tomber un courant continu d'acide sulfurique concentr provenant du rservoir o. Cetacide, 62 ou 64 degrs, laisse chapper l'azot et l'oxygne, mais absorbe trs-bien lesvapeurs nitreuses. Les gaz non absorbables sortent continuellement par le tuyau V qui surmontele tambour. Ils constituent, en quelque sorte, un rsidu gaziforme inutile au fabricant, tandis quel'acide sulfurique qui filtre sur le coke et descend dans le rservoir i, ramne avec lui le gaz hypo-azotique qu'il a retenu au passage.

    C'est cet acide sulfurique nitreux, que l'on fait remonter dans le vase suprieur gh, pour le fairetomber de l dans le premier tambour, o il se dnitrifie. Une disposition trs-simple, etfrquemment employe clans les fabriques, permet d'lever facilement cet acide, du rservoir idans le vase gh. A cet effet, le haut de celui-ci communique avec le bas il a rservoir i par letuyau ef. Le haut du vase i" porte un tub robinet qui s'embranche sur le tuyau gnral devapeur cd. Pour faire monter le liquide du rservoir i" dans le vase gh, il suffit d'ouvrir le robinet;la pression de la vapeur dans la chaudire, pression qui est toujours de plusieurs atmosphres,s'exerce alors la surface du liquide i" et le fait monter au niveau g. On ferme le robinet gh,quand le vase est plein.

    Au moyen de l'addition du tambour coke et de l'ingnieuse disposition que je viens de dcrire,dont l'ide premire appartient Gay-Lussac, on est parvenu rduire de moiti la quantitd'acide azotique ncessaire la conversion de 100 kg. de en acide sulfurique. Au lieu de prs de8 kilo. qu'on dpensait autrefois, on n'en consomme plus que 4 5 kilo. Un autre avantage

    immense, c'est que, ramenant chaque Jour dans les chambres les produits azotiques qu'onlaissait perdre jadis, on vite au voisinage les inconvnients des vapeurs rutilantes insalubres.

    III - Concentration de l'acide sulfurique. L'acide sulfurique, tel qu'il sort des chambres, marque 40, 45, 50 ou 55 degrs tout au plus, Il est trs-impur. Outre l'eau qu'il contient en assez forte proportion, il renferme habituellement de l'acideazotique ou hypoazotique, du sulfate de plomb d ce que le plomb des chambres est oxyd par lesvapeurs nitreuses, et ce que l'oxyde se dissout ensuite dans l'acide sulfurique qui ruisselle sur lesparois des chambres, enfin du sulfate de chaux provenant de l'eau que l'on met sur le sol deschambres au dbut des oprations.

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    Figure 100.

    Cet acide brut est employ dans certaines industries, telles que la fabrication du sulfate de fer, dusulfate d'ammoniaque, de l'acide azotique, de l'acide starique pour les bougies; mais pour l'affinagedes mtaux prcieux, pour la dissolution de l'indigo, la fabrication de la garancine, et une fouled'autres emplois, il y a ncessit de le concentrer et de le purifier des matires trangres. L'aciden'est reu dans le commerce que lorsqu'il marque 66 degrs.

    La concentration de l'acide des chambres s'opre en deux poques distinctes. On l'amne d'abord 5 ou 60 degrs dans des bassins en plomb peu profonds et trs-larges A, A, placs en tages sur un

    fourneau commun (fig. 100). On ne peut. pousser la concentration au del, parce qu' 60 ou 62degrs de densit, l'acide bout entre 195 200 degrs, et qu'alors il commence attaquer le plomb.

    On termine la concentration dans un vase ou cucurbite en platine, muni d'un chapiteau et d'unserpentin de mme mtal B ce dernier est continuellement refroidi par de l'eau; on agit ainsi parce quela vapeur entrane toujours une certaine portion d'acide. Ces eaux acides sont reportes dans leschambres o elles se concentrent. Lorsque l'acide de la cucurbite est arriv 66 degrs, on le soutire l'aide d'un siphon en platine C, qui est adapt sur la cucurbite, et dans lequel il se refroidit avantd'arriver.dans les cruches en grs o on le reoit; les deux branches de ce siphon sont plonges,sous une certaine inclinaison, dans un rfrigrant D, dont l 'eau est sans cesse renouvele.

    Ce n'est que depuis une quarantaine d'annes qu'on fait usage de vases en platine pour laconcentration de l'acide sulfurique. Un appareil en platine, pesant en tout 81 kilogrammes, coteenviron 80,000 fr.; l'intrt et l'us reprsentent 24 fr. par jour. Cette somme rpartie sur 4,000

    kilogrammes, produit de la concentration journalire, quivaut, pour chaque quintal mtriques 60centimes seulement.

    Avant l'introduction des vases de platine dans les fabriques, on se servait de cornues de verre d'unecapacit de 50 80 litres, lutes l'argile, qu'on disposait, au nombre de 100 environ; sur unfourneau de galre. Chaque cornue ne faisait pas plus de cinq concentrations, en moyenne; ellecotait gnralement 6 fr. Il est inutile de faire ressortir les avantages du nouveau mode de con-centration.

    Par suite de cette concentration, l'acide s'est dpouill de son eau et de la presque totalit descomposs nitreux, mais il renferme encore des sels trangers dont la proportion, toutefois, estassez faible pour ne pas changer ses caractres. On reconnat leur quantit en faisant vaporer50 ou 60 grammes d'acide dans une capsule de platine ou de porcelaine. Dans la pratique, onregarde l'acide comme bon lorsqu'il ne laisse qu'un rsidu de 5 milligrammes.

    Chaque 100 kilogrammes de soufre devrait fournir 306 kilogrammes d'acide sulfurique 66degrs, puisque l'acide est form de :

    Soufre.... ........... ..... .... 100Oxygne....................... 150Eau .......................... 56

    Total 306

    Dans une bonne fabrication, on ralise 290 295 kilogrammes, rarement 300 kilogrammes, parce quele soufre brut employ contient, terme moyen, de 3 4 p. 900 de matires terreuses, et que, d'autre

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    part, il est impossible d'viter une foule de petites pertes qui se manifestent trop souvent sur lesimmenses surfaces du plomb des appareils. Dans tous les cas, ceux-ci fonctionnent avec assez deperfection pour permettre de livrer 1 acide au prix moyen de 20 centimes le kilogramme.

    .L'acide du commerce, mme le mieux prpar, est trop impur, pour pouvoir servir aux recherches deslaboratoires.

    On y reconnat la prsence du plomb, en l'tendant d'eau et y faisant passer un courant d'hydrognesulfur, qui forme dans ce Cas un prcipit noir ou brun.

    On constate aisment celle des composs nitreux au. moyen de ,:quelques gouttes d'une dissolutiontrs-affaiblie d'indigo qui se trouve dcolore ds qu'on chauffe. Comme ce sont surtout cescomposs qui rendent l'acide sulfurique impropre une foule de ractions, il faut toujours avoir laprcaution, avant de s'en servir, de le faire chauffer avec 2 3 millimes de sulfate d'ammoniaque,ainsi que M. Pelouze l'a conseill le premier.

    Dans-ce cas, l'ammoniaque de ce sel dcompose, par son hydrogne, les divers composs oxygnsde l'azote, en formant de l'eau en donnant de l'azote. C'est ce que montre la lgende suivante qui meten prsence de l'acide hypoazotique et de l'ammoniaque :

    6 volumes d'acide azotique = 6 vol. oxygne.... + 3 vol. azote;8 volumes ammoniaque = 12 vol. Hydrogne.. + 4 vol. azote;Produit..... = 2 vol. vapeur d'eau.. + 7 vol. azote.

    Pour purifier l'acide sulfurique des sels trangers non volatils, il faut le soumettre la distillation. C'estune opration assez dangereuse, cause des soubresauts que produit le liquide en bullition. On lesvite en le chauffant, non par-dessous, mais latralement. Pour cela, on fait usage d'une galerie engrillage de fil de fer, ouverte son centre pour laisser passer la panse de la cornue, comme dans lafigure 901. On fait le feu dans la galerie circulaire g, et pour viter le courant d'air froid, on recouvre lacornue c d'une garniture chancre en tle d qui pose sur la galerie. On engage le col de la cornuedans celui d'un ballon en verre b. On ne refroidit aucune partie de l'appareil, pour lequel, d'ailleurs, onn'emploie ni luts ni bouchons, afin de ne pas colorer l'acide.

    Vous me pardonnerez, Messieurs, les dtails un peu longs dans lesquels je viens d'entrer, en raisonde l'importance extrme, polir tous nos arts industriels, d'un acide dont la production s'lveannuellement, en France, -plus de 70 millions de kilogrammes.

    T I p. 236 248 de l'dition de 1860

    Notes:

    (1) Nicolas Le Fvre est un des chimistes les plus clbres de la fin du dix-septime sicle. II fut le premier dmonstrateurde chimie au Jardin des Plantes de Paris et l'un des premiers membres de l'Acadmie royale des Sciences, institue en1666. Aprs avoir profess pendant quelque temps avec succs, Le Fvre passa en Angleterre, o il fut appel par Jacques11, qui lui confia le laboratoire' Saint-James, tabli l'occasion de la cration de la Socit royale de Londres. Le Fvren'et il pas publi d'excellents ouvrages, que son nom serait encore sauv de l'oubli par cette puissante raison qu'il fondal'enseignement public de la chimie dans les deux royaumes les plus importants de l'Europe civilise.

    (2) Nicolas Lmery, fils d'un procureur au parlement de Normandie, naquit Rouen, le 17 novembre 1645. II entra d'aborddans une pharmacie, puis, voulant se livrer tout entier la chimie, il vint Paris, en 1666, tudier sous Glaser ; mais, rebutpar le caractre dur et ombrageux de ce chimiste, il se rendit Montpellier, o il fit bientt aprs des cours publics qui furenttrs-suivis. Ramen Paris en 1672, il y professa avec une vogue inexprimable. Son laboratoire, situ rue Galande, tait

    une cave et presque un antre magique, claire de la seule lueur des fourneaux. L'affluence tait telle qu'il n'avait plus deplace pour excuter ses oprations; les dames mmes augmentaient son auditoire, o l'on voyait les hommes les plusinstruits de cette poque. Toute la rue Galande tait. occupe par ses lves. C'est qu' l'art des manipulations, Lmeryjoignait celui d'exposer d'une manire simple et lucide les nombreux phnomnes d'une science qui, jusque-l, avait tinaccessible cause du langage nigmatique et barbare de ses adepte,. Les prparations qui sortaient de la pharmacie deLmery avaient un tel dbit, que le seul magister de bismuth ou blanc de fard, dont il possdait le secret, Payait toute ladpense de sa maison.

    En 1675, il fit imprimer son Cours de chimie, qui fut bientt traduit dans toutes les langues et dont il paraissait chaque anneune nouvelle dition. L'auteur en fut appel le Grand Lmery. Mais, en 1651, les perscutions contre les protestantsl'obligrent fuir en Angleterre. Rentr en France, deux ans aprs, il se fit recevoir mdecin, et, pour viter la misre et denouvelles perscutions, il embrassa la religion catholique avec sa famille, en 1686. Il publia en 1697 sa Pharmacopeuniverselle, et peu de temps aprs son Trait des drogues simples. En 1699, il entra l'Acadmie des Sciences, et, en

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    1707, il donna son Trait de l'antimoine. II mourut d'une attaque d'apoplexie, le 15 juin 1715, en laissant un fils qui, commelui, s'est occup de chimie, mais avec bien moins de succs et d'originalit. On peut dire que presque toute l'Europe appritde lui la chimie, et qu'il fut un de ceux qui contriburent le plus aux progrs de cette science.

    (3) Holker, n aux environs de Manchester, vers le commencement du dix-huitime sicle, tait la tte d'une filatureimportante, lorsqu'en 1745 le prince Charles-douard arriva en cosse pour reconqurir la couronne de ses anctres.Dvou aux Stuart, Holker rejoignit immdiatement le prince, se distingua la fameuse bataille de Culloden, o il reutune blessure et mrita une pe d'honneur, puis fut fait prisonnier Carlisle et condamn mort. tant parvenu s'-chapper la veille du jour fatal, il se rfugia en France, o il ne tarda pas recevoir le brevet de capitaine dans le

    rgiment irlandais O'Glevy. Ses connaissances industrielles firent que bientt, en lui donnant la croix de Saint-Louis, le_ministre d'alors l'engagea quitter le service militaire, pour faire jouir les tablissements franais des perfectionnementsde l'industrie anglaise. 11 fut, cet effet, naturalis, eut la reconnaissance de ses titres de noblesse, et fut nomminspecteur-gnral des manufactures. Peu de temps aprs, il vint tablir Rouen des calandres chaud pour l'apprt detoutes les toffes, des filatures de coton, monter la teinture en bleu chaud, et des fabriques de plusieurs espces detissus de coton, particulirement de velours de coton, alors inconnus dans le pays. A Sens, Montereau, Montargis et Lyon, il cra de semblables tablissements. Bien qu'il ft sous le coup d'une condamnation capitale, il ne craignit pointde retourner en Angleterre, sous un dguisement, pour attirer en France des ouvriers de toute espce. C'est sonretour, en 1766, qu'il fit construire la premire fabrique d'acide sulfurique par le systme des chambres de plomb. Ceservice lui seul tait assez grand pour lui assurer la reconnaissance de sa nouvelle patrie et justifier les faveurs dont ilavait t combl. Holker mourut Rouen en 1786.

    (4) Cet Holker tait, sous l'empire, la tte de l'tablissement de produits chimiques fond Rouen par son aient. Ayantreconnu qu'on tait loin de convertir en acide tout le soufre employ dans la combustion intermittente, il fit de nombreux essais,et parvint dcouvrir les meilleures conditions pour la combustion du soufra. En 1810, il se rendit Paris pour former avecJacquemart et Darcet une association dont le but tait l'exploitation de son procd. En 1813, il constitua avec Chaptal etDarcet une nouvelle socit qui leva, aux Thernes et la Folie, prs Nanterre, des fabriques de produits chimiques dont leprincipal tait l'acide sulfurique. Peu peu son procd fut connu des autres fabricants, et aujourd'hui tous les grands

    tablissements travaillent d'aprs sa mthode. Holker est mort Paris dans le courant de 1844. - On peut donc dire que laFrance est entirement redevable d'une de ses industries chimiques les plus importantes la famille Holker. C'est l un titre degloire pour cette famille, et Rouen, qui plus que toute autre ville a profit de ses dcouvertes, ne doit pas laisser tomber dansl'oubli un nom aussi honorable

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