(abyannu) une fête amazighe qui remonte a quand - hemmu at debbuz
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8/17/2019 (Abyannu) Une Fête Amazighe Qui Remonte a Quand - Hemmu at Debbuz
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ABYANNU (1) : UNE FETE
AMAZIGHE QUI REMONTEA QUAND ?
ḤEMMU AT DEBBUZ
Je saisis loccasion pour évoquer un tout petit peu Abyannu en traitant
brièvement de certains aspects y afférents. De nos jours, Abyannu est une fête
annuelle se déroulant vers le 10 du mois de Muharrem dans le calendrier lunaire
(premier mois de lannée hégirienne). Bien que dans le stade actuel des choses,
cette fête ouvre lannée lunaire,son origine quant à elle demeure inconnue.
Il est évident que les variantes (abyannu, babyannu, tabennayut, bu-inu, etc.)
proviennent dune même et commune origine. Dans le Mzab, abyannu
symbolise une cérémonie et toute une occasion où des offrandes sont distribuées
aussi aux enfants à lavènement de chaque ɛacura (2). Abyannu traduit quelque
part le souhait de nouvelle année. Ce qui attire lattention, cest aussi dans le
cadre de cette fête que la tradition de consommation des fèves est ancrée dans la
société. Loffrande de plats de fèves aux proches, aux voisins et aux pauvres
compose entre autres cette animation festive. Sans omettre que les fèves
constituaient le plat de base des Amazighes, cest pendant cette occasion comme
bien dans dautres heureux événements que la fève représente dans le
symbolisme amazighe la fécondité, la longévité et la puissance. Y a-t-il lieu ici
de parler de superposition de religions dans un même élan rituel dorigine nord-
africaine ?
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La fête A byannu qui, en nétant pas dorigine arabe (3), existe dans le Mzab, est
célébrée dans les autres régions nord-africaines. Elle doit bien remonter à des
temps fort anciens (un rite dorigine agraire ?). Il est plausible que cet
événement remonte à la période du judaïsme nord-africain. Sur le plan
historique, la fête Abyannu, suite à lavènement de lIslam en Afrique du Nord,
ne fut que la transportation (par lélite théologienne, je pense) de la fête antique
du début de lannée à base agraire. Dailleurs, un grand carnaval appelé « Bu
wkeffus » (dans le Mzab, Keffus est un ancien sobriquet) connu aussi sous
lappellation « uday n teɛcurt » (c=ch) est célébré au Sud-est du Maroc. Y a-t-il
lieu de songer que ce carnaval soit lié à la fête Abyannu ?
Si la forme de célébration diffère sensiblement dune région à une autre, il est
utile daller chercher là les relations profondes de la fête Abyannu qui se
manifeste partout en Afrique du Nord sous des formes plus ou moins proches.
Les diverses données ne cessent dindiquer que lascendance amazighe fut en
mesure dêtre aux rendez-vous auxquels lhistoire - aussi bien que la préhistoire
- les a convoqués : depuis le développement de la civilisation Ibéro-maurusienneet le grand cheminement proto-amazighe en passant par leurs réalisations
civilisationnelles, leur royaumes, leurs principautés…, voilà lIslam venu pour
marquer une étape cruciale dans cette existence amazighe.
De nos jours, la fête dAbyannu célèbre aussi l’Hégire (le départ du Prophète
Mohammed vers Medine). Par ailleurs, selon dautres croyances et en étant aussi
à la base une fête judaïque marquée par un jour de jeûne, cette fête marque aussi
la date de l’exode du peuple d’Israël d’Egypte. Dautres sources font coïncider
cette date avec le jour où le Prophète Noé est sauvé du cataclysme ; cest aussi le
jour où Ibrahim est sorti du feu sain et sauf, la date où Younès (Jonas) est
recueilli dans le ventre d'un grand poisson qui le recrache sur le rivage sauf et
sain,...
Contrairement à dautres régions, à Ouargla, on a bien conservé des
dénominations amazighes pour les mois liturgiques, même achoura/Muḥarram
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se dit Babyannu (4). Selon certains écrits, la fête dAbyannu dans le Mzab qui
est célébrée à larrivée de chaque Achoura, est amenée de Ouargla où on
lappelle la fête de Lalla Babyannu (5) « La dame Babyannu ». Ceci étant dit, le
premier mois est celui de la célébration de « Dame Babyanno » qui correspond à
la fête musulmane de ɛacura.
Ce même nom Babyannu (6) est en outre donné aux rituels de passage à la
nouvelle année julienne, dans la nuit de 1er janvier « iḍ n Yennayer » qui peut,
selon les groupes, prendre des formes variées : tabennayut, tabelyut, bu inni
(Aurès), … Il désigne à la fois les feux de joie des rites de passage et aussi dun
personnage féminin légendaire appelé Lalla Babyannu dans des expressions
rituelles que chantent les jeunes chleuhs en quêtant de maison en maison. Chez
les Isaffen, les enfants donnent le nom de baynu et tabennayut à des baguettes de
laurier-rose dont ils se débarrassent pour éloigner le mal. Cest cette même
tradition de Lalla Babyannu qui se pratique aussi pendant le mois hégirien
achoura. Sa forme byannu se rapporte à la fête (7) qui se déroule chez les
Touaregs de lAïr, au Niger. Chez ces derniers amazighes, elle a lieu le 20ème jour de muharram et est célébrée pendant 2 jours et 2 nuits successifs. Sa
réputation, qui rappelle la nuit de lerreur, est liée au fait de se considérer
licencieux. Ce qui est frappant, cest ladaptation du rituel Abyannu du 1er mois
solaire à celui du 1er mois lunaire liturgique, y compris les croyances et les
pratiques. Comment et dans quelles conditions que cette fête fut-elle transportée
par les anciens Imazighen ? Cest une question qui demeure à ma connaissance
sans réponse.
Dans le Mzab, une légende présente que le mot Abyannu vient de cri ou de
lappel des enfants de Noé à la sortie de lArche, après le Déluge. Ayant faim,
les enfants criaient : Abi a Nuḥ ! « Donne à Noé ». Cet événement festif y est
par excellence la fête du nouvel an. Cest pour cela quon a aussi donné à
Abyannu le sens néologique de « Bonne année » en Tumẓabt (variante amazighe
du Mẓab).
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A ce jour, on na pas décelé la juste étymologie du terme babyannu/abyannu. On
a tenté de rapprocher la forme Babyannu du Latin bonum annum « bonne année
». Par ailleurs, Masqueray a tenté de rapprocher babyannu de « bonus annus »
qui marque les rituels de passage à la nouvelle année julienne. Selon sa
morphologie, le mot Abyannu est linguistiquement un mot amazighe. Les
différentes variantes dAbyannu attestées (babyannu, tabyannut, tabelyut,
tabernayut, bu-inu,…) sont en toute évidence liées les unes aux autres.
Babyannu désigne aussi bien le rituel quun personnage féminin imprécis appelé
lalla babyannu dans les expressions rituelles que chantent les amazighes
icelḥiyyen au Maroc. Et comme Abyannu fait partie des pratiques sociales quisont de traditions orales, on sattend bien à rencontrer tant de versions.
Au Niger, le Byanu est une fête annuelle se déroulant chaque année vers le 10
du mois de Moharem dans le calendrier musulman et dure 23 jours. Chez les
populations touaregs, le Byanu est considéré comme le moment le plus propice
aux pardons des péchés commis au cours de l'année écoulée.
Ce qui nest guère étonnant, quand on sait, quen matière religieuse etdogmatique - dinterprétation du texte sacré en exception -, les avis sont souvent
divergents voire contradictoires, qui, comme lindique bien lhistoire, peuvent
même conduire à des luttes, souvent désastreuses pour les populations
concernées. Même avec laide de la technologie la plus avancée, on remarque
chaque année que tous les pays musulmans ne célèbrent pas par exemple les
fêtes musulmanes telles Laid el-fitr le même jour. Les Musulmans qui observent
le rituel du sacrifice, dorigine proche-orientale, auront remarqué que tous les
pays musulmans narrivent pas de nos jours à saccorder sur une même date
pour sa célébration, qui pourtant, est une fête importante dans le calendrier
musulman. Cette divergence nest pas la caractéristique des seuls Musulmans,
elle existe bien chez les Chrétiens. Cest ainsi, que si la majorité des Chrétiens
de lOccident fêtent la nativité le 25 décembre, les Orthodoxes, quant à eux (y
compris les Grecs Orthodoxes, les Syriens Orthodoxes, les Coptes Orthodoxes,
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les Roumains Orthodoxes et autres), célèbrent la nativité le 6 janvier.
Si dans les villes du nord telles quAlger, Oran et Constantine, la fête Achoura
est célébrée par la préparation de plats traditionnels tels que la rechta et le
roggague, il en est tout autrement dans dautres régions. Au Mzab et selon la
tradition, les préparatifs commencent par le passé tôt, soit une bonne semaine
avant. Entre autres, Abyannu, fête de générosité et de solidarité, est célébré par
la préparation de fèves bouillies dans une eau salée. La chakhchoukha est aussi
un plat qui, chez-nous, annonce lavènement dune bonne nouvelle année. Jadis,
le jour de Mouharrem, les enfants tapaient aux portes des maisons pour ramasser
de la nourriture (fèves, dattes, refis, pain, semoule,…) en répétant « abyannu,abyannu ucaneƔ ad necc ! » (père Noé ! père Noé ! donne-nous à manger !) et
ce, pour en manger avec leurs parents. Donc cela dénote quil y a là un rapport
avec le prophète Noé. En bref, cette ancienne fête aurait pu au fil des siècles être
adaptée à lévolution de lascendance.
Si la fête dachoura coïncide aussi dans le monde musulman avec le 10ème jour
de lannée hégirienne, elle est aussi la fête de lenfance pour les sunnites et cellede deuil pour les chiites qui commémorent le martyr Houssein, fils dAli, époux
de Fatima, fille du prophète Mohammed (QSDDSSL). En Kabylie, cette fête est
célébrée à nos jours et ce, comme étant un des vestiges du Rite chiite en Afrique
du Nord. Là lhistoire nous renseigne bien sur limplantation du rite chiite parmi
les Imazighen de la branche Kutama tout exceptionnellement.
La célébration dabyannu semble bien liée à des occasions de fête venues des
fins fonds des temps et, en subissant diverses influences et différents apports,
elle continue de sadapter à lévolution de la société détentrice. Même si
lorigine de cette fête nest pas définitivement déterminée, on peut remarquer
que ce qui est unique et évident est lempreinte nord-africaine enrichie de
pratiques religieuses et symboliques. De part son caractère de répartition et de
son intégration, cette fête vient de temps très lointains, son origine mystérieuse
précède plausiblement les religions monothéistes. Cest une fête qui a su
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sadapter et évoluer après la disparition des croyances qui lont créé.
Depuis longtemps, les Nord-africains réservaient le jour dAbyannu, outre au
jeûne facultatif, à des festivités carnavalesques dont lorigine remonte à des
temps immémoriaux et ce, selon le processus qui obéit au schéma : croyance
passagère, rite persistant. Si le caractère magico-religieux a perdu au fil des
temps de son aspect primaire, la fête Abyannu ne cesse de devenir un rituel qui
respecte les croyances religieuses. Dans cette vision, cette fête, arrivée à son
stade actuel, doit-elle refléter le passage des sociétés nord-africaines par les
quatre étapes principales : le paganisme-animisme, le judaïsme, le christianisme
et lislamisme ?A légard dAbyannu, il existe encore en Amazighie des traditions très
anciennes remontant au paganisme, au judaïsme et au christianisme que lon a
adapté à lIslam. LHistorien GAID Mouloud écrit dans son ouvrage intitulé
LES BERBERES DANS LHISTOIRE : « Quelle que soit son option, le berber
garde sa véritable personnalité en dépit du mode de vie quil affiche, des
croyances quil pratique, de la civilisation quil adopte et assimile. Ce qui fitdire à Salluste : « Le Berber assimile toutes les « civilisations mais nest
assimilé par aucune ».
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Notes :
1- Ce nom possède aussi une portée toponymique.
2- Achoura qui, en signifian « dix » en langue arabe, soit célébrée le 10
Moharram, premier mois de lannée de lHégire, est par ailleurs la fête de
lenfance (dans le Sunnisme) aussi bien que celle du partage et de la charité. Elle
est célébrée le dix Moharram qui est le premier mois de lannée de lHégire.
3- Il est aussi important de rappeler que tant dauteurs exagèrent trop en voyant
des Arabes là où il ny avait que des musulmans de différentes langues et
différents peuples tels que les Amazighes. Il est largement démontré que lIslam
doit son expansion, son renom, sa puissance et, aussi, son universalisme aux
peuples non arabes quil compte. Pendant des siècles et à ce jour encore, les
Perses, les Amazighes… et les Turcs restent les promoteurs de lIslam.
4- Par rapport au calendrier hégirien, la liste des noms de mois en arabe est
généralement pratiquée dans les différentes régions de Tamazgha, excepté
Ouargla et dans les régions sahariennes et sahéliennes où sont utilisées quasi-
totalement des dénominations amazighes pour chacun de ces mois liturgiques.Voici pour Ouargla la liste telle que lauteur J. Delheure (1988,p.124) la notée
(avec quelques modifications de transcription):
1) Babyannu (muharram) « achoura ».
2) Ğar Babyannu d lmulud (safar entre Babyannu et le mouloud).
3) Lmulud (rrabiɛ lawwel).
4) War isem amizar (rrabiɛ ttani).
5) War isem aneggaru (ljumada lewla).
6) Asgenfu n twessarin (ljumada ttanya).
7) Tiwessarin (rajab).
8) Asgenfu n rremdan (ce3ban).
9) Rremdan (rremdan).
10) Tfaska tixiht (cuwal).
11) Ğar tfaskiwin (du lqi3da).
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12) Tfaska tameqṛant (du lhijja).
5- Il y a lieu de faire remarquer que 3 versions principales sont en circulation à
propos de lorigine de ce nom Abyannu. La 1ère selon laquelle Abyannu ne
serait qu'une déformation de Baba Nuḥ, une f ête qui fut instituée en
commémoration du sauvetage du prophète Nuḥ du déluge cataclysmique. La
2ème autre version est que Babyannu ne serait que le nom d'une princesse ou
reine de la contrée de Warğlan (Ouargla) qui y aurait régnée en des temps
immémoriaux, et qui se serait distinguée par son sens de léquité, de la justice,
de la magnanimité et de la clairvoyance. La dernière, en puisant dans des
sources latines, serait quAbyannu remonte à Appiah Annum qui, en étantdorigine latine, renvoie au sens de « bonne année ». Outre ces versions de
provenance de la région de Ouargla/Mzab, dautres doivent exister ailleurs sur
lensemble de Tamazgha.
6- Il me parait que lélément /ba/ est celui de sanctification conférant au nom un
titre honorifique.
7- Cet événement continue dêtre vivace à Agades. E.Laoust rapporte que legarçon né au cours du mois de muharram, chez les Touaregs de lAïr, porte le
nom Byanu (Laoust, 1920, p.195-197), nom qui est aussi attesté dans lAdghagh
malien.