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Les tests UE pour évaluer les effets des pesticides sur les abeilles seront encore moins protecteurs! SEPTEMBRE 2020 Nadine Lauverjat Hans Muillerman Nicolas Malval François Veillerette

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ABEILLES ET PESTICIDESLes tests UE pour évaluer les effetsdes pesticides sur les abeillesseront encore moins protecteurs!

SEPTEMBRE 2020

Nadine LauverjatM I S E E N F O R M E

Hans MuillermanNicolas Malval

C O N S E I L S - T R A D U C T I O N

François VeilleretteR É D A C T I O N

CONTEXTE

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entraînera une exposition négligeabledes abeilles, oun’aura pas d’effets inacceptables aigusou chroniques sur la survie et ledéveloppement des colonies,

Pour mémoire le Règlement européen1107/2009 sur la mise en marché despesticides prévoit qu’une substance activepesticides ne peut être homologuée que sielle :

Ces effets inacceptables doivent être définipar l’EFSA , précisément dans un documentguide : le ‘Bee Guidance’.

En 2013 l’EFSA a publié son documentguide pour l’évaluation du risque despesticides pour les abeilles (appelé enabrégé ‘Bee Guidance’). A l’époque cedocument avait été salué par des ONGcomme un progrès significatif pour laprotection des abeilles par rapport auxeffets des pesticides

Le document indiquait que les effets nepouvaient plus être considéré commenégligeables au-dessus d’une mortalité de7% par rapport à la population contrôledans les tests chroniques de 10 jours. Plusquestion donc de tolérer une diminution dela taille des colonies de plus de 7% en lienavec l’utilisation d’un pesticide.

L ’EFSA PROPOSE UN DOCUMENT GUIDE POURL ’ÉVALUATION DU RISQUE DES PESTICIDESPOUR LES ABEILLES PROTECTEUR….MA ISJAMA IS ACCEPTÉ PAR LES ETATS MEMBRES !

Malheureusement, le comité permanentdes végétaux, des animaux, des denréesalimentaires et de l’alimentation animale(Scopaff, composé de représentants desEtats membres) a refusé l’adoption du Bee-guidance de 2013 rédigé par l’EFSA. Laraison ? Probablement une peur de la partde l’industrie qui affirmait qu’une grandemajorité des pesticides seraient interditsavec ce nouveau guide.

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A la suite de cette décision, la DG santéa mandaté l’EFSA pour réviser sondocument en prenant en compte lespoints de vue des industriels et decertains états qui leur sont favorablespour que des niveaux plus larges de «mortalité de fond » soient pris encompte. Cela entrainera sans aucundoute une protection plus faible desabeilles. Des décisions européennes trèsimportantes seront prises ce 8 octobre2020 à huis clos, et vaudront pour lesdix prochaines années. La protection desabeilles, qui préoccupe tant de citoyenseuropéens, sera finalement décidéederrière des portes closes par unepoignée de représentants des étatsmembres, pour la plupart issus desministères de l'agriculture, tandis queles experts indépendants et les partiesprenantes ne seront probablementconsultés que lorsque la décision auraété prise et ne pourra plus être modifiée!

LA COMMISSION EUROPÉENNE DEMANDE ÀL ’EFSA DE RÉVISER SON DOCUMENT GUIDEPOUR L ’ÉVALUATION DU RISQUE DESPESTICIDES POUR LES ABEILLES .

E N Q U O I C O N S I S T E C E T T E A P P R O C H E ?

CONTENU DU NOUVEAUBEE-GUIDANCE

Dans cette édition révisée, l’EFSA propose 4 approchesdistinctes. Parmi celles-ci, une majorité d’étatsmembres ont, semble-t-il, choisi de privilégierl’approche 2 (même si certains états s’y sont opposéscomme la France). Cette approche permettrait « dedériver le seuil d’effet acceptable sur la taille descolonies en fonction de leur variabilité naturelle ».

Principe : Elle suppose que l’effet de l’exposition à unpesticide sur la taille d’une colonie reste acceptable tantque celle-ci reste dans une fourchette définie sur la base dela ‘variabilité naturelle attendue’. Cette variabilité naturelle, c’est-à-dire les évolutionspossibles dans les populations d’abeilles, sera déterminéepar un modèle de simulation de la dynamique des coloniesappelé BEEHAVE. Il sera ainsi déterminé lefonctionnement normal d’une colonie témoin, s’exprimantsous la forme d’une plage de fonctionnement normal de lacolonie (allant de la population minimum donnée par lemodèle à la population maximum = «pourcentage devariabilité de fond de la taille des colonies d'abeillesmellifères» ,BVB en anglais abrégé).

Le seuil légal sera dérivé de ce BVB qui sera calculé avec lemodèle BEEHAVE. Un «exemple illustratif» produit parl’EFSA avec BEEHAVE montre que le BVB peut conduire àdes diminutions «acceptables» massives de la taille descolonies (abeilles adultes) dans différents scénarios àtravers l’Europe. Les États membres du comité permanentauront la possibilité de choisir un «percentile» du BVB, leprétendu «niveau de protection». Plus la restriction estélevée (c'est-à-dire plus proche de la taille moyenne de lacolonie), plus la réduction autorisée est faible, et donc plusl'évaluation des risques est stricte, et vice versa.

C R I T I Q U E 1C R I T I Q U E 1

QUELLES CRITIQUES CETTE NOUVELLEAPPROCHE SOULÈVE-T-ELLE ?

Les nouvelles mesures, le pourcentage de variabilité de fondde la taille des colonies d'abeilles mellifères, ne sont pasnaturelles comme le prétend l'EFSA.

Il est difficile de comprendre pourquoi la Commission et l'EFSA ont fait lechoix d’adopter cette notion étrange de «pourcentage de variabilité defond de la taille des colonies d'abeilles mellifères» (BVB). Aucunejustification n'est donnée, si ce n'est qu'elle est basée sur la science. Maisquelle science? Le BVB est-il naturel, est-ce réel? Aucune explication n'estdonnée. Le BVB peut-il être causé par la pollution de fond par lespesticides qui couvre les zones agricoles ou par des maladies ou par lemanque de biodiversité? L'EFSA n'a présenté aucune preuve que son BVBsoit naturel et non causé par la pollution, l'effondrement de la biodiversitéou d'autres facteurs de stress. Et les données utilisées par l'EFSA (son bilan2020) et les données de BEEHAVE (paramètres inclus en 2013) neproviennent pas de zones vierges sans facteurs de stressenvironnementaux. Les données proviennent de zones polluées. Parconséquent, l'affirmation de l'EFSA selon laquelle cette variation de fondest naturelle est trompeuse.

C R I T I Q U E 2C R I T I Q U E 2Le nouveau seuil n'a aucun lien prouvé avec la protection desabeilles.

Le règlement impose de définir une «exposition négligeable» des abeillesqui n’entraîne aucun effet inacceptable. Quelle est la protection que prévoitle nouveau seuil (% de diminution acceptable d'une colonie)? Pour l'instant,l'EFSA et la Commission ne justifient pas le choix effectué. Quelpourcentage de diminution de la colonie conduit à quel niveau quantitatifde protection? Personne ne le sait, c'est une boîte noire. Tant que les pilotesdu BVB sont inconnus, personne ne peut dire ce que cela signifie. Et encoremoins si l'approche est adaptée pour protéger les abeilles. Le BVB et lepourcentage acceptable de diminution des colonies d'abeilles qui en résultene constituent donc pas un moyen de protection de l'abeille domestiqueavéré. Comment les gestionnaires des risques peuvent-ils prendre unedécision éclairée sur le centile à choisir? Ils ne peuvent pas.

C R I T I Q U E 3C R I T I Q U E 3L'approche 2 n'est pas du tout scientifique.

L'affirmation de la Commission européenne et de l’EFSA selon laquelleleur approche est plus scientifique que celle du guide 2013, n'est pasfondée. Aucune science n'est appliquée du tout. L'approche 2 n'est passeulement basée sur une notion ( le BVB) avec une relation non prouvéeavec la protection des abeilles, elle est de plus calculée avec un modèle nonvalidé (BEEHAVE). Ce modèle date de 2013 et est conçu pour «jouer» avecles effets du stress sur les colonies d'abeilles, principalement l'acarienVarroa. Il n’y a rien de mal avec le modèle tant que vous l'utilisez pour descomparaisons scientifiques et pour jouer avec les effets de Varroa, paspour prétendre qu’il rend compte de la réalité. Le modèle BEEHAVE n'estpas validé avec des tests sur le terrain et a donc peu de valeur réelle. Et iln'est ni conçu (paramètres d'entrée, algorithme), ni mis à jour (donnéesd'entrée de 2013) ni validé pour le calcul du BVB, la nouvelle métrique.L’affirmation de la Commission selon laquelle l’approche 2 est scientifiqueest donc trompeuse.

C R I T I Q U E 4C R I T I Q U E 4Le choix d'un centile de BVB fait de toute la procédure uneblague.

Afin d’atténuer la diminution extrêmement élevée des colonies calculée parBEEHAVE comme BVB, l’EFSA invitera le comité permanent à décider du«centile» du BVB à prendre en compte. De cette manière, les gestionnairesdes risques décident du «niveau de protection», selon l’affirmation del’EFSA. Compte tenu de l'absence de relation entre la BVB et la protectiondes abeilles, comment les gestionnaires des risques sauraient-ils quelpercentile de BVB est lié à quel niveau quantitatif de protection desabeilles? Il y a un grand risque que les ministères donnent la priorité àl'approbation de plus de pesticides plutôt qu'à la protection des abeilles, etopteront pour une grande variabilité. Aucune science ne serait alorsimpliquée dans la décision.Compte tenu du mauvais état de la biodiversité et des abeilles, pourquoil'EFSA n'envisage-t-elle pas de valoriser les abeilles et de ne pas autoriserde mortalité (variabilité de 0%) à la place?

C R I T I Q U E 5C R I T I Q U E 5La pollution chronique par les pesticides entraîneral'approbation d'un plus grand nombre de pesticides.

Il est de notoriété publique que les zones agricoles sont sujettes à unepollution de fond par les pesticides, même les zones de conservation lesont. Et généralement par un cocktail de pesticides qui pourrait mêmeaugmenter la toxicité. Ainsi, si la Commission souhaite calculer lepourcentage de mortalité de fond acceptable des abeilles, elle prendra encompte (en partie) les effets nocifs des pesticides sur les abeilles dans lecalcul. Ceci est injustifié. La pollution de fond due aux pesticides conduiraà des distributions plus larges de BVB et, en fin de compte, à plus depesticides approuvés.

C R I T I Q U E 6C R I T I Q U E 6Plus les abeilles ont besoin de protection, moins elles enauront.

BEEHAVE est un modèle assez simple avec des paramètres d'entrée fixes etun algorithme. La plus grande partie de la variabilité de la taille descolonies d'abeilles est causée par le paysage (alimentation) et les conditionsmétéorologiques entre les ruches. BEEHAVE sera utilisé par l'EFSA pourcalculer la BVB pour différents scénarios, différents paysages en Europe, 19au total. Pour les zones avec le plus grand effondrement de la biodiversité(moins de fleurs pour les abeilles), le modèle calculera une grandevariabilité (les abeilles ont besoin de beaucoup de temps pour trouver de lanourriture et risquent de mourir) et cela conduira ainsi à une moindreprotection. Là où les abeilles ont le plus besoin de protection, elles enauront le moins, ce qui est totalement absurde.

C R I T I Q U E 7C R I T I Q U E 7Effets cocktails des pesticides non comptés

Les abeilles ne sont pas exposées à un seul pesticide à la fois comme lesprocédures réglementaires aiment nous le laisser croire. Elles sontexposées à un cocktail de pesticides chaque jour (tout comme les humains).L'industrie est autorisée à tester un pesticide de manière isolée et cela n'aaucune valeur réelle. Pour un guide sur les abeilles, un facteur de sécurité(10) devrait toujours être appliqué pour tenir compte des effets de cocktail.

C R I T I Q U E 8C R I T I Q U E 8L’approche de l’EFSA permettra à l’industrie de masquer latoxicité de ses pesticides.

La variabilité calculée avec le modèle de la taille d'une colonie seratraduite par l'EFSA en quelque sorte en mortalité des abeilles butineuses.Nul doute que la mortalité acceptable dérivée des abeilles mellifères seraimportante. Beaucoup plus que les 7% tolérés par le Guide EFSA de 2013 !Ces taux de mortalité autorisés créeront une opportunité fantastique pourl'industrie de cacher la toxicité de ses pesticides (faux négatifs). Si, parexemple, une mortalité de 20% ou 30% est autorisée, la mortalité desabeilles de 20% ou 30% causée par un pesticide sera alors considéréecomme «sans effet».

C R I T I Q U E 9C R I T I Q U E 9La mortalité des abeilles n'est pas le bon seuil pour laprotection des abeilles.

Le BVB n'est pas apte à dériver un seuil pour protéger les abeilles étantdonné l'énorme variabilité qui est calculée avec le modèle. La production dereines ou le succès de la pollinisation pourraient être une meilleure mesurepour protéger les abeilles.

C R I T I Q U E 1 0C R I T I Q U E 1 0Permettre de prendre en compte une hypothétique«récupération» des colonies d’abeilles serait le dernier coupdur pour les abeilles.

Il est incroyable que l'EFSA propose aux représentants d'ajouter lapossibilité de considérer la «récupération» des colonies d’abeilles commeoutil pour décider de la protection des abeilles. Cet outil permet unemortalité plus élevée que le seuil arrêté, avec l'affirmation que les abeillesse rétabliront à un stade ultérieur. Le rétablissement est un outil trèscontroversé utilisé dans le guide sur les arthropodes (une élimination à100% des arthropodes est acceptable sur le terrain avec l'illusion qu'ils ` «reviendront » »' à un stade ultérieur) et a probablement considérablementcontribué à l'effondrement des insectes auquel nous assistons actuellement.. Cet outil n'est que spéculation et n'a jamais été appliqué avec des preuvesexpérimentales. Ce n'est pas scientifique, juste une hypothèse non vérifiée.

NOSDEMANDESConvaincre les autresétats membres de l’Unioneuropéenne de renoncer àce projet!

Générations Futures demande à laFrance de toute faire pourconvaincre les autres états membresde l’Union européenne de renoncer àce projet de nouveau guide qui seraittrès néfaste pour la survie desabeilles et des autres pollinisateurs,à l’heure ou l’effondrement de labiodiversité ne fait que se confirmertous les jours. Nous pensons que lesdispositions du guide l’EFSA de 2013constitueraient un minimum àappliquer en Europe car reposant surune démarche plus scientifique etune tolérance aux impacts négatifssur les abeilles bien inférieure à celledu nouveau projet de guideactuellement présenté par l’EFSA, quiest catastrophique.

C O N T A C T S

François VEILLERETTE I 06 81 64 65 [email protected]

Nadine LAUVERJAT I 06 87 56 27 [email protected]

@genefuturesgenerations-futures.fr