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Compte rendu de la séance du 10 janvier 2013 [email protected] www.amis-de-montlucon.com 1 SOCIÉTÉ DHISTOIRE ET DARCHÉOLOGIE n° 182 - 18 e année AMBASSADEURS BOURBONNAIS POUR LA MÉDITERRANÉE ET L’ORIENT À LA FIN DU MOYEN ÂGE En ouvrant cette première séance de l’année 2014, le président Jean-Paul Michard présente les excuses de plusieurs personnes et signale le décès de deux membres de la société (Mme Parelle et M. Gourbet). Au nom du conseil d’administration, il présente aux cinquante personnes présentes ainsi qu’à leurs proches les vœux de bonne et heureuse année. Il donne quelques informations sur la société et signale que Jean-Yves Bourgain est actuellement au château de Bien-Assis pour deux semaines, afin de commencer le nettoyage et les réintégrations des peintures murales. En principe, il devrait venir à Bien- Assis deux semaines par mois car il envisage de terminer ces travaux d’ici la fin de l’année. Le président signale la souscription pour un ouvrage intitulé La chapelle de Jean II de Bourbon à la collégiale de Moulins, chef-d’œuvre oublié de Hugo Van der Goes et manifeste du pouvoir princier, par Marie-Élisabeth et Jean-Thomas Bruel. Cet ouvrage de 140 pages, édité par la Société bourbonnaise des études locales, est en souscription au prix de 46 €. Après le 14 avril il sera en vente au prix de 55 €. Il signale également le cycle de trois conférences qui sont organisées par Connaissance de l’Histoire de Domérat. Au cours de la première, samedi 18 janvier à 15 h à la médiathèque de Domérat, Jean-Paul Perrin parlera de Domérat et les Domératois à l’épreuve de la Grande Guerre. La seconde se déroulera le samedi 8 février : Guy Gozard y parlera de Montluçon, une ville industrielle dans la Grande Guerre. Enfin le samedi 1 er mars, Jean-Paul Perrin évoquera La mémoire de la grande Guerre à travers l’histoire des monuments aux Morts : Domérat, les alentours… Ensuite Olivier Troubat prend la parole et pendant plus d’une heure va captiver l’auditoire en le faisant voyager tout autour du bassin méditerranéen à la suite des ambassadeurs de Louis II de Bourbon. Â la fin du XIV e siècle et au début du XV e siècle, le duc Louis II de Bourbon mène une politique active en Méditerranée occidentale et orientale. Il y envoie plusieurs émissaires, dont les chevaliers Jean de Châteaumorand et Guillaume de Montrevel, dit L’Ermite de la Faye. Les deux hommes vont devenir de grands voyageurs au service de leur prince, mais aussi, au fil du temps, commis à tous les intérêts du royaume de Vendredi 14 février 2014, 17 h 30, salle Salicis Patrick DEFAIX : Un moulin à écorce en Bourbonnais : le moulin à tan d’Orval Samedi 8 mars 2014, 16 h 30, salle Robert-Lebourg Samuel GIBIAT : André GUY (1913-2008), une figure de l’érudition locale dans le Centre de la France Vendredi 18 avril 2014, 17 h 30, salle Salicis Antoine ESTIENNE- Matthieu PERONA : Moissat-le-Moutier (63), une fondation oubliée de Guillaume le Pieux, une église majeure disparue À noter sur votre agenda… Un Orient rêvé et imaginé depuis les croisades Olivier Troubat

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Page 1: a lettre des - Amis de Montluconamis-de-montlucon.com/lettres/182-janvier-2014.pdf · Nicopolis, le 25 septembre 1396, qui se mua en désastre. Jean sans Peur était fait prisonnier

Compte rendu de la séance du 10 janvier 2013 [email protected]

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La lettre desAmis de MontluçonSociété d’hiStoire et d’archéologie

n° 182 - 18e année

AmbAssAdeurs bourbonnAis pour lA méditerrAnée

et l’orient à lA fin du moyen Âge

En ouvrant cette première séance de l’année 2014, le président Jean-Paul Michard présente les excuses de plusieurs personnes et signale le décès de deux membres de la société (Mme Parelle et M. Gourbet).

Au nom du conseil d’administration, il présente aux cinquante personnes présentes ainsi qu’à leurs proches les vœux de bonne et heureuse année.

Il donne quelques informations sur la société et signale que Jean-Yves Bourgain est actuellement au château de Bien-Assis pour deux semaines, afin de commencer le nettoyage et les réintégrations des peintures murales. En principe, il devrait venir à Bien-Assis deux semaines par mois car il envisage de terminer ces travaux d’ici la fin de l’année.

Le président signale la souscription pour un ouvrage intitulé La chapelle de Jean II de Bourbon à la collégiale de Moulins, chef-d’œuvre oublié de Hugo Van der Goes et manifeste du pouvoir princier, par Marie-Élisabeth et Jean-Thomas Bruel. Cet ouvrage de 140 pages, édité par la Société bourbonnaise des études locales, est en souscription au prix de 46 €. Après le 14 avril il sera en vente au prix de 55 €.

Il signale également le cycle de trois conférences qui sont organisées par Connaissance de l’Histoire de Domérat. Au cours de la première, samedi 18 janvier à 15 h à la médiathèque de Domérat, Jean-Paul Perrin parlera de Domérat et les Domératois à l’épreuve de la Grande Guerre. La seconde se déroulera le samedi 8 février : Guy Gozard y parlera de Montluçon, une ville industrielle dans la Grande Guerre. Enfin le samedi 1er mars, Jean-Paul Perrin évoquera La mémoire de la grande Guerre à travers l’histoire des monuments aux Morts : Domérat, les alentours…

Ensuite Olivier Troubat prend la parole et pendant plus d’une heure va captiver l’auditoire en le faisant voyager tout autour du bassin méditerranéen à la suite des ambassadeurs de Louis II de Bourbon.

 la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle, le duc Louis II de Bourbon mène une politique active en Méditerranée

occidentale et orientale. Il y envoie plusieurs émissaires, dont les chevaliers Jean de Châteaumorand et Guillaume de Montrevel, dit L’Ermite de la Faye. Les deux hommes vont devenir de grands voyageurs au service de leur prince, mais aussi, au fil du temps, commis à tous les intérêts du royaume de

Vendredi 14 février 2014, 17 h 30, salle Salicis

Patrick DEFAIX :Un moulin à écorce en Bourbonnais : le moulin à tan d’Orval

Samedi 8 mars 2014, 16 h 30, salle Robert-Lebourg

Samuel GIBIAT :André GUY (1913-2008), une figure de l’érudition locale dans le Centre de la France

Vendredi 18 avril 2014, 17 h 30, salle Salicis

Antoine ESTIENNE- Matthieu PERONA :Moissat-le-Moutier (63), une fondation oubliée de Guillaume le Pieux, une église majeure disparue

À noter sur votre agenda…

Un Orient rêvé et imaginé depuis les croisades

Olivier Troubat

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France. Ils vont être de toutes les relations avec les républiques génoises et vénitiennes, le royaume de Naples, les états pontificaux, la Morée, Chypre, l’empire de Constantinople, le sultan ottoman et même le conquérant Tamerlan.

Sous le règne de Charles VI, Louis II sera le prince qui s’intéressera le plus aux affaires étrangères. C’est vers lui que vont les ambassadeurs. Il est en contact – au nom du roi – avec de nombreux souverains européens. Son rôle est actif, et les quelques traces que nous en avons montrent sa connaissance approfondie des relations internationales.

Jean de Châteaumorand et l’Ermite de la Faye, jeunes chevaliers du duc depuis le début des années 1370, ont participé avec leur maître à plusieurs de ces voyages. Ils sont devenus très proches du prince et se voient dotés de mission de confiance à partir des années 1380. Ils vont être les deux hommes clés des négociations méditerranéennes, tant de leur prince que du royaume de France.

La préparation d’une ambassade

Nous avons la chance de conserver, dans les archives des Bourbons, les détails d’un voyage fait par Bertrand Lesgare, fourrier du duc de Bourbon, envoyé à Chypre pour rappeler au roi les traités négociés par l’Ermite de la Faye, qui avait déjà fait une ou deux fois le voyage de Chypre.

Bertrand nous raconte son voyage du 21 août 1398 au 7 février 1400. Ses comptes sont précis, dès les « 50 escuz », reçu le jour de son départ du trésorier du duc, ou les 8 sols parisis pour avoir le sauf-conduit et le sceau du roi. Il part de Paris où se trouve à ce moment le duc de Bourbon et son trésorier général.

Son rapport fait état des aléas du voyageur. Son cheval meurt et il doit en louer un sur la route d’Avignon. Il chevauche jusqu’à Aigues-Mortes. Il s’y achète un matelas et une couverture avant de s’embarquer sur un bateau. Le bateau fait bientôt le tour de l’Italie et arrive au sud de la Grèce. Hélas, « rompy la nef ou j’estoie en l’isle de Sapience devant Moudon » (Sapienza devant Modon). Il doit remarchander son voyage vers Rhodes. Arrivé là le 19 novembre, il ne trouve pas de bateau pour Chypre avant le 19 janvier et n’arrive que le 3 février 1399 à Limassol, puis Nicosie.

Son voyage passionnant se poursuit ainsi et durera un an et demi.

Les ambassades de Chypre

Revenons maintenant à nos deux hommes.

C’est l’Ermite de la Faye qui va avant tout s’occuper des affaires de Chypre. Elles vont concerner essentiellement des héritages dus au duc de Bourbon, de par son cousin Hugues de Lusignan, fils de Marie de Bourbon.

L’Ermite de la Faye va faire de nombreux voyages à Chypre pour son maître. Ce sont à chaque fois des voyages qui durent environ une année. Il travaille bien, et un accord est trouvé pour un versement libératoire et forfaitaire de 55 000 ducats d’or. Plusieurs termes sont convenus et les sommes doivent être versées auprès du banquier italien Dino Rapondi, par un intermédiaire vénitien. L’accord est bien parti, mais il sera remis en question en 1397 par l’aventure de Nicopolis, dont nous parlerons plus loin.

Cependant Louis II de Bourbon est aussi un prince de France. Il profite de ses affaires personnelles pour favoriser son pays. Ainsi fait-il le lien entre les rois de France et de Chypre, afin que soit convenue une alliance entre les deux pays. Ce fut chose faite par l’intermédiaire de nos deux voyageurs. Châteaumorand ou l’Ermite avaient établis les contacts, et un traité était signé à Paris par Jean de Lusignan, seigneur de Beyrouth, le 7 janvier 1398.

Jean de Châteaumorand et les négociations avec le sultan

La libération des prisonniers de Nicopolis

En 1396, une armée française menée par Jean sans Peur, comte de Nevers et futur duc de Bourgogne, venait à l’aide du roi de Hongrie qui souhaitait empêcher les Turcs de passer le Danube. Les Français écoutèrent peu les conseils avisés du roi hongrois. Contre son avis, ils engagèrent une bataille à Nicopolis, le 25 septembre 1396, qui se mua en désastre. Jean sans Peur était fait prisonnier et plusieurs grands seigneurs avec lui. De nombreux compagnons de L’Ermite et de Châteaumorand étaient mis aux fers par les Turcs. Le propre fils de l’Ermite était dans ce cas. La nouvelle du désastre arriva en France au cours de l’automne.

On se tourna alors vers le duc de Bourbon, habitué aux contacts avec l’Orient. Il fut décidé d’envoyer une ambassade solennelle vers le sultan, menée par un homme d’expérience. Ce ne fut pas l’Ermite, trop impliqué sans doute par la captivité de son fils. Le choix se porta sur Jean de Châteaumorand.

L’expérience des hommes de Bourbon était évidemment précieuse. Quand il fallut choisir les cadeaux à emmener Embarquement de Louis II à Gênes

pour la croisade d’Afrique de 1390

Lefkara à Chypre, héritage revendiqué par Louis II

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au sultan, lors de l’ambassade qu’on préparait, les Français avaient tout naturellement pensé aux objets précieux qu’ils appréciaient en Occident  : soieries, parfums et épices. Mais ces objets n’avaient pas la même rareté en Orient. Les émissaires bourbonnais choisirent tout au contraire des objets occidentaux recherchés en Orient, tels que gerfauts, cuirs travaillés, harnais, étoffes de Flandres, lévriers et pierres précieuses.

Ils demandèrent également son aide au roi de Chypre, évidemment bon connaisseur des Turcs. Ce roi aida beaucoup dans les traités et dépensa de fortes sommes pour soutenir les Français. Châteaumorand put donc se rendre devant le sultan en février 1397, bien informé et introduit avec toute la diplomatie nécessaire à l’Orient et à cette ambassade si particulière. Le sultan reconsidéra ses prisonniers, tenus jusque là en dure prison, et dont beaucoup moururent. Des rançons furent convenues en juin 1397 et le chevalier put ramener les prisonniers en août suivant.

La défense de Constantinople

Jean de Châteaumorand et l’Ermite de la Faye, que nous avons vu ambassadeurs, restent des chevaliers idéalistes que leur maître «  mande par le monde pour acquérir honneur  ». Nous allons le voir à l’occasion d’une des plus belles aventures de leur vie de chevaliers.

En 1397, après sa victoire à Nicopolis, le sultan turc Bajazet entreprenait le siége de la cité de Constantinople. Devant la situation difficile de la ville, l’empereur envoya une ambassade demander des secours en France. Rappelons-nous qu’un interlocuteur séjournait déjà en Orient : Jean de Châteaumorand, chargé alors de négocier la libération des prisonniers de Nicopolis. Ce connaisseur de la situation locale va être présent dans toutes les étapes de cette aventure. Dès 1398, il semble que le duc de Bourbon ait envisagé d’envoyer des hommes ou de se rendre lui-même à Constantinople.

Finalement, c’est en juin 1399 qu’une flotte s’embarque à Aigues-Mortes, menée par le Maréchal Boucicaut, élevé dans l’hôtel de Bourbon et entouré par tous ses compagnons d’armes, tel Jean de Châteaumorand, premier lieutenant du maréchal, l’Ermite de la Faye et d’autres frères d’armes encore de cet hôtel chevalier. Leur arrivée à Constantinople provoqua une joie indescriptible. Ils avaient forcé le blocus et ils ré-alimentaient la ville. Ils prenaient bientôt les places turques des environs et libéraient le détroit du Bosphore. Pourtant, ils avaient bien conscience de la fragilité de ces succès et les Français persuadaient l’empereur de se rendre lui-même en Occident pour convaincre la chrétienté de soutenir durablement les restes de l’empire. L’empereur partait bientôt avec sa famille et la flotte française quittait Constantinople le 10 décembre 1399.

Châteaumorand était nommé capitaine de Constantinople et restait dans la ville avec un peu plus de deux cents hommes d’armes. Il va défendre la cité contre les attaques turques, de décembre 1399 à l’été 1402. Châteaumorand est un homme d’une grande modestie. Ce chevalier, qui a été l’informateur du chroniqueur du duc Louis II de Bourbon, n’a pas glissé un mot de cette extraordinaire aventure qu’il a mené avec courage pendant près de trois ans. Pourtant, c’est à Châteaumorand qu’on doit que Constantinople soit restée encore indépendante durant un demi-siècle supplémentaire, jusqu’à sa chute en 1453.

Les négociations avec le conquérant Tamerlan

Si le siége de la cité byzantine était levé en juillet 1402, c’était à cause d’une autre guerre, livrée contre le sultan ottoman Bajazet par le conquérant Tamerlan venu d’Asie centrale. A cette date, il défaisait le sultan à la bataille d’Ankara.

Une négociation est alors engagée entre les défenseurs de Constantinople et Tamerlan, qui venait de battre leur ennemi. Le négociateur est probablement le capitaine de la ville, Châteaumorand. C’est en tout cas un français, puisqu’il présenta le roi de France Charles VI comme le plus grand seigneur du monde chrétien. Ainsi conserve-t-on aux Archives Nationales une lettre de Tamerlan au roi de France, lui proposant de traiter de la paix entre l’Asie, qu’il estimait représenter, et l’Occident, qu’il croyait dominé par Charles VI. Il n’y a bien sûr pas loin à penser qu’il devait cette façon de voir à celui qui était alors le capitaine de Constantinople.

On imagine que Tamerlan ait pu être impressionné et flatté par les paroles d’un fier chevalier plein de panache, lui décrivant les terres lointaines d’où il venait, et un roi si puissant qu’il disait dominer une partie de la terre, tout cela avec la très bonne connaissance de ce monde d’Orient que Châteaumorand maîtrisait si bien depuis ses négociations avec le sultan, quelques années plus tôt. Tamerlan fut de fait impressionné. Aussi voulut-il s’accorder avec ce prince lointain. Il rendit aux négociateurs franco-byzantins toutes les terres conquises par le sultan Bajazet autour de Constantinople, qui retrouvait ainsi son arrière-pays.

Les voyages pour la cité de Gênes

La ville italienne de Gênes, incapable de résoudre ses conflits internes, s’était donnée au roi de France en 1396. La ville fut française jusqu’en 1409. Par ses nombreux comptoirs dans la Méditerranée, c’était pour la France une formidable passerelle vers l’Orient. En 1401, Jean le Meingre dit Boucicaut en était nommé gouverneur. Le chevalier, qui avait grandi dans l’hôtel du duc de Bourbon, s’entourait de tous ses anciens compagnons. Après 1402, ses trois conseillers principaux à Gênes seront Jean de Châteaumorand, l’Ermite de la Faye et Gilbert Motier de la Fayette.

En janvier 1403, Châteaumorand est chargé d’inspecter les comptoirs génois d’Orient. Il négociera avec les princes chrétiens et musulmans voisins, pour que la paix soit maintenue avec eux.

Au printemps 1403, c’est l’Ermite de la Faye qui résout à Chypre le conflit entre Gênes et Chypre sur l’occupation du port de Famagouste.

Bajazet soumis à Tamerlan

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Toujours la même année, les deux hommes se retrouvent avec Boucicaut et d’autres de leurs compagnons de l’hôtel Bourbon, et attaquent Iskenderum, Tripoli et les côtes syriennes.

Au retour, ils passent devant Modon en Morée. C’est un comptoir vénitien, et Venise est ennemie de Gênes. Une bataille s’engagea, qui tourna au désavantage des franco-génois. Boucicaut put s’enfuir ; on ne sait pas si l’Ermite était là, mais Châteaumorand fut fait prisonnier avec plus de 400 hommes.

Un chroniqueur témoigne du courage de Châteaumorand : « Le bon Châteaumorand, le sage au coeur constant, en qui ne manque aucune vertu que doit avoir tout bon, vaillant et preux, lui qui pour aucune mauvaise fortune ne se trouble... réconforta et redonna aux hommes espérance en Jésus-Christ et foi en la chevalerie ». La captivité fut longue, d’autant que Boucicaut ne pensait qu’à venger sa défaite, et les Vénitiens firent dure prison à leurs ennemis, dont plus du quart mourut. Les prisonniers survivants ne furent libérés, en 1404, qu’au bout de six mois de captivité.

Châteaumorand et le projet de voyage en Orient du duc de Bourbon

En 1409, Louis II a 72 ans. Il a envoyé ses hommes – et Châteaumorand est un de ses plus intimes – dans tout l’Orient, qui lui ont ramené des récits passionnants pour ce prince curieux de l’étranger et épris d’aventure. Il a déjà traversé la mer pour combattre contre la ville de Mahdia. Il veut faire un dernier grand voyage.

Châteaumorand part pour préparer l’expédition. Il se rend d’abord en Aragon pour programmer le voyage de Yolande d’Aragon vers Naples où elle doit épouser Louis,

duc d’Anjou et roi de Sicile, Bourbon devant l’emmener. Elle rejoindra finalement son futur époux en Provence.

En février 1409, Louis II écrit à Boucicaut à Gênes. Il le presse de réunir les navires destinés à son voyage. Son désir est de partir en pèlerinage à Jérusalem.

Sur le chemin, il passera par la Morée. Il y possédait des héritages de par sa tante Marie de Bourbon, impératrice de Constantinople et princesse de Tarente. On a la trace du passage, à plusieurs reprises, d’un ambassadeur du duc en Morée. Châteaumorand lui-même s’y est rendu à au moins trois reprises.

Or, la principauté de Morée est dans un état de division et de guerre, qui a poussé les barons moréotes à chercher des solutions d’union qui se sont à chaque fois soldées par des échecs. Les Moréotes regrettaient le gouvernement de Marie de Bourbon et de son fils Hugues de Lusignan. N’était-ce pas ce prince qui était leur héritier, au moins, semble-t-il pour la baronnie moréote de Kalamata  ? N’était-ce pas encore ses hommes qui venaient de sauver Constantinople, de débarquer sur les côtes syriennes et qui s’opposaient avec les Génois aux ennemis Vénitiens ?

Louis II reçoit donc l’appel des barons de Morée. En 1409, il se prépare au voyage. Mais il en est empêché au printemps par l’agression contre ses terres, dans les Dombes, d’un reitre à la solde du duc de Bourgogne Jean sans Peur. Ses tentatives de maintien de la paix civile le retiennent encore en France l’année suivante. Et c’est au cours de l’été 1410 qu’il va mourir, sans avoir pu réaliser son projet.

Olivier TROUBAT

Carte de la Méditerranée après la bataille de Kosovo de 1389.En détouré rouge : la principauté de Morée, héritage de Louis II en Grèce.