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, , C REE le 1er octobre 1840 au camp d'Helfaut, près de Saint-Omer, le 6 e bataillon de chasseurs à pied entre en campagne en Algérie dès iuin 1841. Il Y reste iusqu'en octobre 1847, ayant participé notamment à la bataille de l'Isly. A son retour, il séjourne successivement à Besançon, Strasbourg, Paris et Lyon. Jacques SICARD Ci-dessus. Quelques minutes de halte avant de reprendre la marche dans la neige. Au premier rang, un sergent fourrier porte-fanion. Ce document ouvre une exceptionnelle série de photographies sur plaques de verre dont nous publions dans cet article les plus intéressantes. (Coll. part.) Ci-dessous. On aperçoit au sommet, à l'arrière plan, un des forts de l'Authion: La Forca ou Mille-Fourches construits en 1889 à plus de 2000 mètres d'altitude. (Coll. part.) Puis c'est la campagne de Crimée (1854-1856), celle d'Italie (1859) et le séjour dans les Etats Romains (1867-1870) avant d'être engagé contre l'Allemagne en 1870 au sein de l'Armée de Châlons. Pendant cette période, deux bataillons de marche de chasseurs por- tant le numéro 6 sont créés: l'un à Vierzon combat à l'Armée de la Loire; l'autre à Grenoble combat à l'Ar- mée de l'Est et sera interné en Suisse. Pre iers séjours dans les Alpes En Mars 1871, à son retour de captivité, le 6 e BCP f sionne en Arles avec les deux batail- lons de marche portant ce numéro. Àprès un séjour à Marseille et Aubagne, le bataillon vient & Chambéry en octobre 1873. C'est le début j'une carrière alpine. AprÈS les manœuvres du 14 e CA, le bataillon vient à Emb-un en octobre 1874. Il Y reste peu de temps car en août 1875 il quitte les Alpes pour Paris puis Romorantin (1878). Entre janvier 1885 et novembre 1886, le 6 e est en Algérie, il opère alors dans l'Oranais. L:adaptation de la tenue à la haute montagne reste toute relative en ce tournant du siècle: une corde et un piolet font l'affaire. (Coll. part.)

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LE 6°BACP BATAILLON DE L AUTHION

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Page 1: 6°BACP 1873 19714

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CREE le 1er octobre 1840au camp d'Helfaut,près de Saint-Omer,

le 6e bataillon de chasseursà pied entre en campagneen Algérie dès iuin 1841.Il Y reste iusqu'enoctobre 1847, ayant participénotamment à la bataille del'Isly. A son retour, il séjournesuccessivementà Besançon,Strasbourg, Paris et Lyon.

Jacques SICARD

Ci-dessus.Quelques minutes de halteavant de reprendre la marchedans la neige. Au premierrang, un sergent fourrierporte-fanion. Ce documentouvre une exceptionnellesérie de photographies surplaques de verre dont nouspublions dans cet articleles plus intéressantes.(Coll. part.)

Ci-dessous.On aperçoit au sommet,

à l'arrière plan, un des fortsde l'Authion: La Forca

ou Mille-Fourches construitsen 1889 à plus de

2000 mètres d'altitude.(Coll. part.)

Puis c'est la campagne de Crimée (1854-1856), celled'Italie (1859) et le séjour dans les Etats Romains(1867-1870) avant d'être engagé contre l'Allemagneen 1870 au sein de l'Armée de Châlons. Pendant cettepériode, deux bataillons de marche de chasseurs por-tant le numéro 6 sont créés: l'un à Vierzon combat àl'Armée de la Loire; l'autre à Grenoble combat à l'Ar-mée de l'Est et sera interné en Suisse.

Pre iers séjours dans les AlpesEn Mars 1871, à son retour de captivité, le 6e

BCP f sionne en Arles avec les deux batail-lons de marche portant ce numéro. Àprès unséjour à Marseille et Aubagne, le bataillonvient & Chambéry en octobre 1873. C'est ledébut j'une carrière alpine.

AprÈS les manœuvres du 14e CA, le bataillon vientà Emb-un en octobre 1874. Il Y reste peu de tempscar en août 1875 il quitte les Alpes pour Paris puisRomorantin (1878). Entre janvier 1885 et novembre 1886,le 6e est en Algérie, il opère alors dans l'Oranais.

L:adaptation de la tenue à lahaute montagne reste toute

relative en ce tournant dusiècle: une corde et un

piolet font l'affaire.(Coll. part.)

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Ci-contre.On reprend son souffle avant

de continuer. Des passe-montagne, des gants de laineet des lunettes à neige (pour

éviter la réverbération) ont étédistribués à ces chasseurs

pour les périples en altitude.(Coll. part.)

Ci-dessous.Halte près d'un baraquementdans le massif de l'Authion.C'est ici le collet à capuchonqui est mis en exergue.Impropre à la marche,il est roulé et porté en sautoir,serré par la petite courroiede manteau. Mais au bivouac,couvrant les épaules del'homme, il sera extrêmementapprécié. (Coll. part.)

A son retour, il s'ins-talle à Marseille et s'en-traîne dans les Alpes-

Maritimes d'avril àaoût 1887, puis de juin àseptembre 1888. Au coursde ces manœuvres, il effec-

tue une marche de Toulonà Sospel (72 km dont 32 enmontagne) en 23 heures: du7 août à 20 heures au 8 à19 heures.

Affecté à la défense desAlpes en janvier 1889, il devient

6" bataillon alpin de chasseursà pied (loi du 28 décembre 1888). Dejuin à octobre 1889, il cantonne etexécute des manœuvres dans un ter-rain qu'il connaît déjà: les Alpes Mari-times. Puis il se rapproche de sonsecteur de défense et s'installe àNice (quartier Riquier, construit en1886 et devenu quartier Regnault

Ci-dessous. Un moment de déte te au casernement de Peïra-Cava. Troupe et cadresposent ensemble dans une joyeuse ambiance. (Coll. part.)

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Le 6e BACP, 1873-1914

Ci-dessous.Une vue du quartier Crénant

à Peïra-Cava (ait. 1482 ml,à 8 km de Turini, construit

à la fin du XIX' siècle. Aprèsson occupation avant 1914par le 6' BACP et le 141' RI,

il abritera, entre 1923 et 1939,des détachements

du 22" BCA (1923-1930)puis du 20' BCA (1930-1939).

(Coll. part.)

Ci-contre.Exercices d'été, changement

d'ambiance. Pour les marchesà la belle saison, le pantalonde drap gris de fer foncé est

laissé au quartier et l'on portele pantalon de treillis en toileécrue, serré comme il se doitdans les bandes molletières.le clairon va bientôt sonner

le rassemblement avantla descente.

(Coll. part.)

de Saint-Jean d'Angély en1888), Sospel (deux com-pagnies), Breil et Saorge(deux compagnies). Cha-que année, de juin à sep-tembre, il manœuvre dansla région montagneuse Estdes Alpes Maritimes.

Le 6e dans lemassif del'Authion

A partir de l'hiver1894-1895, deux com-pagnies du 6" BACP •dé h . d 1331. PJ::Il{A .sont etac ees, u U;'=o"",. -CA'!lA I~._" )15 septembre au . - '!lue géné,a.te des CUs.nn ee (en.

15 mai dans le massif ~~;~;;;;;=~---""_....=~~:::::::~_Jde l'Authion " à Peïra-Cava, localité située sur une crête entre les valléesde La Vésubie et de la Bévera. Elles relèvent les com-pagnies du 141" RI qui y séjournent l'été. En 1897, unposte d'hiver est aussi implanté à Plan Caval, près d'unemplacement de batterie.

Comme l'hirondelle qui revient à chaque printempsdans les hautes vallées, le reste du bataillon quitte sesgarnisons pour effectuer, de mai à septembre, des mar-ches-manœuvres dans les Alpes-Maritimes dans lecadre du 11" groupe alpin. Comme toutes les unités del'Armée des Alpes, il effectue des travaux de route et

Ci-dessous.l'ordonnance fait brouterle cheval du capitaine sur uneherbe plutôt rare en altitude.Au fond, la crête-frontièreavec l'Italie. Apprécionsau passage les différentesfaçons de porter le béret, dit« tarte ». On comprend icipourquoi.(Coll. part.)

de sentier améliorant ainsi lacirculation et la vie des villa-geois isolés. En 1901, il élargitle sentier entre Peïra-Cava etMoulinet et refait le sentier desgranges de Fraissine. De 1907à 1909, il effectue des travauxde route dans l'Authion (Pas deRescous, Cabanes-Vieilles ... ).En 1909, la 2" compagnie réparele sentier de La Bollène à Turini.

Puis c'est le retour à Nice.

La marche versla guerre

En juin-juillet 1914, le batailloneffectue ses manœuvres dans sonsecteur habituel lorsqu'il est rap-pelé à Nice le 2 août. Une semaineplus tard, il quitte sa garnison avecla 29" DI et débarque en Lorraine àVézelise.C'est le début d'une guerrede quatre années, loin des Alpes. Il

y gagrera six citations à l'ordre de l'Armée, une à l'or-dre du Corps d'armée et deux à l'ordre de la Divisionet donc la fourragère aux couleurs du ruban de la Légiond'Honneur.

Apr' s quelques mois d'occupation en Allemagne, le6" entamera une nouvelle carrière alpine dans le Dau-phiné. 3renoble sera, de 1922 à 1994, la nouvelle gar-nison des chasseurs à l'hirondelle (devenue le motif de

o

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Ci-contre.Deux détails bien insolites apparaissent sur

ce magnifique cliché. Pourquoi donc un passe-montagne en plein été? Et les brodequins

de repos en toile sont-ils les mieux adaptésaux sentiers de montagne? Mais nous ne

regrettons certes pas de voir de façon aussidétaillée ces deux effets fort rares. (Coll. part.)

Les débutsdes troupes alpines

Depuis 1879, les chasseurs du12' BCP, en garnison à Lyon, parcourentles pentes du Briançonnais, les valléesde la Clarée, de la Guisane et de la Cer-veyrette. En 1887, alors que l'Italie com-plète l'organisation de ses compagniesd'Alpini, deux projets de création de trou-pes spéciales adaptées à la montagnesont présentés à la Chambre des dépu-tés. Lun par le général Ferron, ministrede la Guerre, l'autre par monsieur de Jou-vencel, député. Ces deux projets sontrepoussés, le Conseil supérieur de laGuerre se préoccupant davantage de ladéfense des Vosges. Il ne voulait pas lacréation d'un nouveau corps de « chas-seurs de montagne" qui aurait divisé lasubdivision d'arme des chasseurs à pied(30 bataillons) en deux parties inégales:12 bataillons de chasseurs de montagned'un coté et, de l'autre, 18 bataillons dechasseurs ... de plaine. C'est pourtant cequi sera décidé quelques mois plus tardet les T", 13', 14e et 24e BCP prennentgarnison dans les Alpes. Entre 1886et 1888, sept nouveaux bataillons sontaffectés à la défense des Alpes:

- au 14e CA: le 11 e BCP (venant duTonkin), le 22e (de Morlaix), le 28e (deBayonne), le 3D' (d'Algérie);

- au 15' CA: le 6" BCP (venant d'Al-gérie), les 23' et 27' (de Tunisie).

A partir de 1888, douze BCP sont ainsirépartis le long de la frontière des Alpes:

- 14' CA: 11' (Albertville), 12e

(Embrun), 13e (Chambéry),14'(Greno-ble), 22' (Lyon), 28' et 30e (Grenoble)

Sur les quatre BCP de Grenoble, unbataillon est détaché à tour de rôle àEmbrun pour deux ans.

-15e CA: 6" et r- (Nice), 23e (Grasse),24° (Villefranche sImer) et 27e (Menton).

La Chambre vote alors la loi du28 décembre 1888 qui va modifier l'orga-nisation, l'habillement et l'équipement deces bataillons. Il est décidé de porter leureffectif de quatre à six compagnies. Le com-mandement de la moitié de ces bataillonspourra être exercé par un lieutenant-colo-nel au lieu d'un chef de bataillon.

Depuis 1887, les troupes alpines sedistinguent par une soutache de laineverte autour des parements. Enmars 1889, le ministre décide que les trou-pes alpines feront usage, pendant lesmarches et manœuvres, d'un béret et debandes molletières en laine bleu foncé,ainsi que d'un bâton ferré (Alpenstock).En août 1890, il décide le port d'une cein-ture en laine bleue du modèle des zoua-ves (la taillolle) et d'un gilet de tricot àmanches en laine bleue.

En 1891, le béret sera la seule coiffuredes chasseurs alpins et remplace le képi(il s'agissait au début du béret béarnais)et une vareuse-dolman en drap bleu rem-place la tunique et les épaulettes. Enfinen mars 1892, la capote sera remplacéepar un collet à capuchon. La veste estsupprimée et chaque alpin reçoit unedeuxième vareuse-dolman

Les hommes sont armés du fusilmodèle 1886 (Lebel) et chaque bataillonest doté d'équipages muletiers.

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Le 6e BACP, 1873-1914son insigne). Le 20 mai 1994 à Grenoble, le 6" BCAdéfilait pour la dernière fois s'inclinant devant une déci-sion irrémédiable, la dissolution.

La découverte par un de nos lecteurs d'une série dephotos prises au début du siècle dernier d'une compa-gnie du 6" bataillon manœuvrant dans le massif de l'Au-thion nous permet de vous faire profiter de ces raresdocuments. Nous l'en remercions vivement. 0

Ci-dessous.Un alpin du 6' BACPet son équipement. Cetteautre belle photographiemérite la comparaison avecle document de la pageprécédente. Nous voyonsà présent, de manière pluslogique, les brodequinsde marche à semellescloutées (gare aux glissadessur le rocher !), mais le passe-montagne demeure enfilé,bien visible sous le béret.(Coll. part.)

1.Jusqu'en 1947, le massif de l'Authion (qui culmine à 2082 m)était proche de la frontière qui passait alors par la Cime duDiable, la Cime de la Nauca et Berghe.A la suite desrectificationsde frontières et l'annexion par la France desbourgades de Tende et La Brigue, cette frontière s'est éloignée.

L'auteur et la rédaction remercientJ.-F. Poncinpour la mise àdisposition des photos reproduites dans cet article.

Les Groupes alpinsEn janvier 1885, le ministre décidait qu'il y aurait tous

les ans des manœuvres en pays de montagne:- solt des marches de 10 jours- soit des marches-manœuvres de 15 jours- soit un cantonnement de trois mois en haute

montagne avec manœuvres de trente jours.Les feux de guerre seront exécutés dans la monta-

gne.Ainsi seront créés, pour ces manœuvres, les pre-

miers " groupes alpins ».

Jusqu'alors, le séjour dans les Alpes était considéré,en France, comme un exil, une période sans attrait.Mai~, peu à peu, les chefs de corps donnant l'exemple,la plupart des officiers va prendre un intérêt passionnéau service alpin. La création des unités alpines va ame-ner un renouveau dans la vie des Alpes françaises. Pourles besoins de la défense, on va pousser les voiesferrées jusqu'au fond des vallées principales. On construitdes -outes militaires dites" stratégiques ». Des che-mins muletiers facilitent l'accès aux pâturages etJ'exploitation des forêts.

Le Groupe alpin se constitue au moment de l'arrivéedam, leur secteur du bataillon et de la batterie qui luiest rattachée. Une batterie de montagne (dénomméeplus tard" batterie atpine ») et une section du génie(prélevée sur les 14' et 15' bataillons du génie puis les4' et 7° régiments) - dont des sapeurs télégraphistes-appuient en effet chaque bataillon.

Les six premiers groupes formés en 1887 pour lescantonnements de trois mois ont pour noyau les 6',7',12', 13', 14" et 24" BCP, les batteries provenant des 6"et 38' RA puis des 2" (Grenoble) et 19<RA (Nîmes).

Pa la suite, chaque groupe reçoit, sur la frontière, unsecteur de défense, à étudier en temps de paix, à sur-veiller et défendre en temps de guerre. Ils sont douzeen 1389, numérotés de 1 à 12. Le groupe quitte sesgarnisons fin mai. Il y rentre après les manœuvresd'automne, vers la mi-septembre. Deux mois sont consa-crés à l'étude géographique et topographique dusecteur. Un mois est consacré à des incursions dansun secteur voisin, au nord ou au sud. C'est la" marchede trente jours".

Les officiers dressent le " carnet de secteur» et pré-pare-tt les futures cartes au 1/50.000", accèdent auxhameaux les plus reculés, parcourent les moindres sen-tiers et repèrent tous les passages praticables. Un peuplus tard, l'armée fera connaître le ski aux populationslocales. Un quart de siècle. de 1888 à 1914, a trans-formé l'économie des Alpes.

Voici le numéro, le secteur de défense et la compo-sition de ces douze groupes ainsi que leur garnisond'hiver:

123456789101112

Tarentaise 11' BACP(Annecy)Beaufortin 22' BACP(Albertville)Maurienne 13' BACP(Chambéry)Clarée idemCerveyrette BACPde Grenoble/EmbrunQueyras (12',14",28' et 30c BACPen alternance)Haute-Ubaye idemHauteTinée 23' BACP(Grasse)Tournairet 7' BACP (Draguignan)Roya 24' BACP(Villefranche-siMer)Authion 6' BACP(Nice)Grammondo 27' BACP(Menton)

Er 1890, un treizième groupe, le 3" bis, est formépour renforcer la défense de la vallée de la Maurienne(col de Fréjus - attribué au 1/97" RI), le 3" GA ayant lacharge du col du Mont-Cenis.

L:entrée en campagne en 1914 mettra un terme auxgroupes alpins. Les bataillons formeront des brigadespuis, à partir de novembre 1916, des groupes de chas-seurs et enfin, à partir de 1920, des demi-brigades àtrois oataillons.