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42 6 Les études réalisées dans le cadre de ce projet ont permis d’obtenir une cartographie des maladies, des outils de diagnostic des begomo- virus, et de connaître la dynamique de popula- tion du vecteur au cours de l’année et les fac- teurs clés du déclenchement de la maladie. En Guadeloupe, les principales zones à risque pour le développement de la maladie sont les zones de cultures maraîchères où sévissent à la fois les populations de vecteur et les begomovirus. La tomate semble être le principal réservoir de virus. La lutte contre le vecteur seul ne peut être efficace car le nombre d’insectes suffisant pour propager la maladie est très inférieur au seuil que l’on peut espérer atteindre avec des insecticides ou un contrôle biologique des populations. Les stratégies actuelles visent à retarder le plus possible le stade de contamination des par- celles de manière à réduire les pertes de rende- ment sur les plantes. Il s’agit donc de protéger physiquement les pépinières vis-à-vis des vec- teurs, d’éliminer les résidus de culture en fin de récolte, d’éviter de juxtaposer en champ des parcelles infectées et des jeunes parcelles non infectées, ou de placer des jeunes parcelles sous le vent des parcelles infectées. Des études génétiques sont en cours pour iden- tifier des sources de résistance aux begomovi- rus. Il est clair que les variétés résistantes ont un rôle important à jouer dans le contrôle de ces maladies, et que la durabilité des résistances est conditionnée par une réduction de la pression en vecteur infectieux. PERSPECTIVES Sur ces trois exemples, on mesure combien la bonne connaissance des populations patho- gènes est un gage de réussite de la lutte. Pour ces trois bioagresseurs, la solution de l’éradica- tion est complètement illusoire, vu leur poly- phagie, leur capacité d’adaptation à différents milieux, leur capacité de dissémination pour certains. Les agriculteurs doivent désormais s’habituer à vivre avec ces maladies, en utilisant du matériel végétal amélioré et en mettant en pratique des stratégies de lutte qui maintien- nent les populations pathogènes à des niveaux suffisamment bas pour ne pas atteindre le seuil de nuisibilité économique. Sur tomate, par exemple, il faut désormais dis- poser de variétés de tomate cumulant les résis- tances aux Meloidogyne (gène Mi), à Ralstonia solanacearum et aux begomovirus, tout en étant adaptées aux conditions tropicales humides. Des familles comportant la double résistance au flétrissement bactérien et aux virus sont en cours de développement à l’INRA de Guadeloupe (Ano, Anaïs et al., 2004). Le greffage pourrait permettre de cumuler les résistances aux bioagresseurs telluriques (nématodes, R. solanacearum), des caractères agronomiques intéressants et/ou une résistance à des bioagresseurs aériens (begomovirus). Cette technique nécessite cependant un véri- table savoir-faire et est coûteuse en main- d’œuvre. Il y a également la nécessité de mise en place d’une véritable filière de production de plants certifiés sains, capable de fournir aux produc- teurs des plants exempts de virus et d’infections latentes de R. solanacearum apportés par l’eau d’irrigation. Enfin des méthodes de lutte inno- vantes, incluant des rotations assainissantes et non hôtes, l’utilisation de biopesticides, sont à développer et promouvoir. Quénéhervé P.,Topart P. & Martiny B., 1998. Mucuna pruriens and other rotational crops for control of Meloidogyne incognita and Rotylenchulus reni- formis in vegetables in polytunnels in Martinique, Nematropica 28 : 19-30. Urbino C., Gérion A. L. et al., 2003. "Les mala- dies à bégomovirus chez la tomate dans les départements français d'Outre-Mer. I - Les départements français d'Amérique", Phytoma 556 : 52-55. 5556 PRAM 5 8/02/07 9:49 Page 42

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Les études réalisées dans le cadre de ce projetont permis d’obtenir une cartographie desmaladies, des outils de diagnostic des begomo-virus, et de connaître la dynamique de popula-tion du vecteur au cours de l’année et les fac-teurs clés du déclenchement de la maladie. EnGuadeloupe, les principales zones à risque pourle développement de la maladie sont les zonesde cultures maraîchères où sévissent à la fois lespopulations de vecteur et les begomovirus. Latomate semble être le principal réservoir devirus. La lutte contre le vecteur seul ne peutêtre efficace car le nombre d’insectes suffisantpour propager la maladie est très inférieur auseuil que l’on peut espérer atteindre avec desinsecticides ou un contrôle biologique despopulations.

Les stratégies actuelles visent à retarder le pluspossible le stade de contamination des par-celles de manière à réduire les pertes de rende-ment sur les plantes. Il s’agit donc de protégerphysiquement les pépinières vis-à-vis des vec-teurs, d’éliminer les résidus de culture en fin derécolte, d’éviter de juxtaposer en champ desparcelles infectées et des jeunes parcelles noninfectées, ou de placer des jeunes parcelles sousle vent des parcelles infectées.

Des études génétiques sont en cours pour iden-tifier des sources de résistance aux begomovi-rus. Il est clair que les variétés résistantes ont unrôle important à jouer dans le contrôle de cesmaladies, et que la durabilité des résistances estconditionnée par une réduction de la pressionen vecteur infectieux.

PERSPECTIVESSur ces trois exemples, on mesure combien labonne connaissance des populations patho-

gènes est un gage de réussite de la lutte. Pources trois bioagresseurs, la solution de l’éradica-tion est complètement illusoire, vu leur poly-phagie, leur capacité d’adaptation à différentsmilieux, leur capacité de dissémination pourcertains. Les agriculteurs doivent désormaiss’habituer à vivre avec ces maladies, en utilisantdu matériel végétal amélioré et en mettant enpratique des stratégies de lutte qui maintien-nent les populations pathogènes à des niveauxsuffisamment bas pour ne pas atteindre le seuilde nuisibilité économique.

Sur tomate, par exemple, il faut désormais dis-poser de variétés de tomate cumulant les résis-tances aux Meloidogyne (gène Mi), à Ralstoniasolanacearum et aux begomovirus, tout enétant adaptées aux conditions tropicaleshumides. Des familles comportant la doublerésistance au flétrissement bactérien et auxvirus sont en cours de développement à l’INRAde Guadeloupe (Ano, Anaïs et al., 2004). Legreffage pourrait permettre de cumuler lesrésistances aux bioagresseurs telluriques(nématodes, R. solanacearum), des caractèresagronomiques intéressants et/ou une résistanceà des bioagresseurs aériens (begomovirus).Cette technique nécessite cependant un véri-table savoir-faire et est coûteuse en main-d’œuvre.

Il y a également la nécessité de mise en placed’une véritable filière de production de plantscertifiés sains, capable de fournir aux produc-teurs des plants exempts de virus et d’infectionslatentes de R. solanacearum apportés par l’eaud’irrigation. Enfin des méthodes de lutte inno-vantes, incluant des rotations assainissantes etnon hôtes, l’utilisation de biopesticides, sont àdévelopper et promouvoir.

Quénéhervé P., TopartP. & Martiny B., 1998.Mucuna pruriens andother rotational cropsfor control ofMeloidogyne incognitaand Rotylenchulus reni-formis in vegetables inpolytunnels inMartinique,Nematropica 28 : 19-30.

Urbino C., Gérion A. L.et al., 2003. "Les mala-dies à bégomoviruschez la tomate dans lesdépartements françaisd'Outre-Mer. I - Lesdépartements françaisd'Amérique", Phytoma556 : 52-55.

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Christian CHABRIER 1,Hélène MBOLIDI-BARON 2,

Emmanuel WICKER 1,

1 PRAM-Cirad2 CTCS

Plantation d’ananas.Noter les billons qui, enmodifiant les conditions

d’humidité autour desracines, favorisent la

prévention de la pourri-ture à Phytophtora.

Dans les zones tropicales humides, lescultures sont soumises aux attaquesde nombreux parasites et ravageurs

qui peuvent sérieusement réduire la récolte enquantité comme en qualité, voir rendre la cultu-re impossible. En Martinique, sur les principalesgrandes cultures (bananiers, ananas) mais aussisur les cultures maraîchères, les agriculteurs ontlongtemps utilisé des quantités importantes deproduits phytosanitaires : en 1996, près de 1.600tonnes de produits phytosanitaires à usage agri-cole ont été commercialisés (Chabrier et al.,2005). Seule la canne à sucre était cultivée avecdes volumes restreints de pesticides.

D'autres méthodes de lutte permettent de lut-ter contre les parasites et ravageurs. Utiliséesseules ou combinées entre elles, elles permet-tent de réduire l'utilisation des pesticides, voirede les rendre inutiles.

MÉTHODES DE LUTTE CULTURALESLes pratiques culturales peuvent influencer lacroissance et le développement des parasites deplusieurs façons. Elles peuvent :• modifier les conditions édaphiques et clima-

tiques. L'une des principales maladies del'ananas est la pourriture à Phytophtora (P.cinnamomi et P. nicotianae). Ces champi-gnons attaquent aussi bien le système racinai-re, les tiges et les bourgeons terminaux etpeuvent détruire jusqu'à 80 % de la récolte.La culture sur billons élevés, associée à la créa-tion d'un réseau de drainage, permet dediminuer fortement l'humidité autour desracines et du collet, gênant ainsi à la fois lacroissance et la dissémination du champi-gnon. En Martinique, dans la région de BassePointe, cette méthode permet à elle seule decontrôler la maladie.

• réduire, voire détruire les populations deparasites. L’assèchement et l’exposition du solau soleil, liés à des passages répétés d’outilsen conditions sèches, réduisent notablementles populations de nématodes et de certainschampignons. Cet effet peut être direct ouindirect : le travail du sol détruisant lesrepousses de cultures et les plantes réservoirsde parasites et ravageurs. Ainsi, les planteursde banane détruisent les souches de bana-niers morts dans les jachères pour limiter lespopulations de charançons à la replantation.

• favoriser la croissance de la plante qui seracapable de mieux résister aux bioagresseurs.Un bon drainage diminue les risques d'anoxieet un travail de sol adapté favorise la crois-sance des racines. La combinaison des deuxpratiques peut suffire à compenser les perteslièes à la présence de bioagresseurs. Parexemple, les agrumes greffés sur Citrusmacrophylla ou citrange troyer, plantés à plataprès un passage de rotobêche à 40 cm deprofondeur, ne souffrent plus des attaques deDiaprepes abbreviatus, alors que ce charan-çon, responsable du dépérissement desagrumes, a entraîné la destruction de nom-breux vergers de limettiers entre 1980 et1988.

Ces effets sont ainsi étroitement liés à la biolo-gie du parasite visé (capacité de survie, besoinsen eau…) comme à celle de la plante cultivée.

ADAPTATION DES SYSTÈMES DECULTURES : ROTATIONS ETJACHÈRESLa jachère est utilisée depuis très longtempspour lutter contre de nombreux parasites dusol sur des cultures annuelles multipliées pargraines. Elle consiste à interrompre le cycleinfectieux en supprimant la culture hôte.

La réussite de la jachère dépend de la capacitéde survie du parasite visé : de quelques moispour le nématode du bananier Radopholussimilis, à quelques années (6-10 ans) pour lesnématodes à kystes de la pomme de terreGlobodera pallida et G. rostochiensis. Dans lesAndes, région d’origine de la pomme de terre,les systèmes de culture traditionnels doiventainsi faire appel à des rotations longues, sansretour de cette culture avant 10 ans voire plus.A contrario, dans les anciennes bananeraies

Techniques de lutte alternativeTechniques de lutte alternative

Pôlede Recherche Agro-environnementale

de la M ar t in iq u e

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martiniquaises, il est possible de réduire consi-dérablement les populations de R. similis aprèsseulement 10 à 12 mois de jachère.

La réussite de la jachère dépend également de lacapacité de dispersion du ravageur. De faibleintérêt contre des insectes bons voiliers commeOryctes rhinoceros, le scarabée ravageur du coco-tier et des palmiers, la jachère donne des résul-tats souvent intéressants contre les nématodes,microorganismes relativement peu mobiles.

Sur les plantes multipliées par voies végétatives(marcottes, boutures, rejets…), l’utilisation de lajachère s'est longtemps heurtée à l'absence dematériel végétal indemne. Dans le cas du bana-nier, le matériel végétal traditionnel (rejetbaïonnette, souche) était généralement conta-miné par les nématodes et le charançonCosmopolites sordidus. L'intérêt de l'assainisse-ment du sol était alors réduit : les populationsde nématodes se reconstituaient dans des délaistrès courts, obligeant l’agriculteur à appliquerdès la première année des nématicides.

A partir des années 90, le développement de laculture in-vitro a permis de mettre à la disposi-tion des agriculteurs des plants indemnes denématodes. Après une phase de mise au pointnécessaire pour :• maîtriser la qualité des plants, en particulier

leur conformité (suppression des variants) ;• adapter les pratiques horticoles (mode de

plantation, oeilletonnage…) ;• améliorer l’assainissement procuré par la

jachère : méthode de destruction des plants,gestion des adventices hôtes de nématodes.

De nouveaux systèmes de cultures, combinant cetype de plant et l'assainissement des sols parjachères et rotations culturales se sont développés.

Ces pratiques ont permis en seulementquelques années de diminuer considérable-ment les populations de R. similis. De nom-breuses parcelles sont maintenant assainies etconduites sans application de nématicidedurant trois voire quatre années. Ainsi, les pro-ducteurs martiniquais de banane ont pu rédui-re leur consommation de nématicides de plusde 60 % entre 1996 et 2004 (passant de 80tonnes de matières actives en 1996 à moins de30 tonnes aujourd'hui) !

MÉTHODES DE LUTTE PHYSIQUEDésinfection des sols à la vapeurLa désinfection des sols à la vapeur consiste à

faire passer un flux de vapeur d'eau sur un sub-strat (sol, terreau…) pour détruire les orga-nismes vivants à détruire : ravageurs, champi-gnons, bactéries, virus ou adventices(semences, bulbes et rhizomes). La vapeur estissue d'un générateur à fuel et est distribuéedans le sol par des tuyaux perforés, en surfacesous une bâche ou une cloche en coffre. Ladurée d'exposition varie selon les parasitesvisés et la profondeur à désinfecter et le typede sol (les sols sableux se prêtent mieux à cetype de désinfection).

Outre la destruction des organismes vivants, onobtient des effets secondaires sur le sol :• décomposition d'une partie de la matière

organique avec formation d'ammoniaque ;• solubilisation des éléments minéraux du sol ;• augmentation du taux de manganèse assimi-

lable (ce dernier point peut être rédhibitoire :certaines plantes étant très sensible à l'excèsde manganèse) ;

• modification de la structure par fragmenta-tion des agrégats ;

• et dans le cas des allophanes, modificationirréversible du matériau.

En France métropolitaine, la désinfection dessols à la vapeur était couramment pratiquéejusqu'au premier choc pétrolier de 1974 puislargement remplacée par la suite par l’usagedes pesticides. Cette pratique jouit d'un certainregain d'intérêt en maraîchage et est souventindispensable en pépinière. Elle peut être utili-sée en Agriculture biologique.

Solarisation des sols La solarisation est une méthode d'assainisse-ment des sols obtenus par élévation de la tem-pérature du sol grâce à l'énergie solaire. Enpratique, le sol est recouvert par un film plas-tique transparent qui capte l'énergie et accu-mule la chaleur. Près de la surface, la tempéra-ture du sol peut atteindre des niveaux létauxpour de nombreux pathogènes. De plus, lasolarisation peut modifier les caractéristiquesphysiques et chimiques du sol, défavorisantindirectement certains pathogènes.

En Israël, où cette méthode a été mise au pointsur sols sableux, il est possible de détruire cer-tains pathogènes jusqu'à des profondeurs de45 voire 60 cm (Gamliel et al., 2000). EnMartinique, les effets observés sur les néma-todes sont plus modestes : dans les sols récentsà allophanes de la région de Macouba, la des-

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Pose de bâcheplastique pour lutter

contre les parasites dusol (nématodes…) parsolarisation. Les fossés

sont destinés à fixerla bâche en recouvrant

sa bordure de terre.

truction des populations de Rotylenchulus reni-formis n'est vraiment effective que sur les dixpremiers centimètres ; toutefois, cette méthodea entrainé une réduction superficielle despopulations de R. similis dans les sols infestés.

APPORT DE MATIÈRE ORGANIQUEDe manière générale, les apports de matièresorganiques (fumiers, fientes, lisiers, composts),modifient la structure du sol et ses caractéris-tiques chimiques, améliorent la nutrition desplantes et stimulent l’activité biologique globale.

Les amendements organiques modifient égale-ment la structure des peuplements de néma-todes. Plusieurs facteurs interviennent dans cephénomène :• Emission de composés toxiques. Les matières

organiques à carbone-azote de rapport C/Ninférieur à 15, dégageant de fortes quantitésd’ammoniac et de produits dérivés sont lesplus intéressants car ce gaz affecte sérieuse-ment la survie de certains nématodes (en par-ticulier les Meloidogyne) et la germination decertains champignons (notamment les cham-pignons à sclérotes : Verticillium spp,Sclerotium rolfsi, Sclerotinia spp, Rhizoctoniaspp…). L’acide nitreux (HNO2), autre produitde dégradation de la matière organique, tueles microsclérotes de Verticillium dahliae.Toutefois, ces matières organiques riches encarbone peuvent, elles aussi, avoir un effetsuppressif sur certains nématodes et champi-gnons grâce aux composés phénoliques etaux tannins qu'elles contiennent (Kokalis-Burelle & Rodríguez-Kabana, 1994).

• Augmentation de la température du sol lorsde la minéralisation de la matière organique.Cet effet peut améliorer l'efficacité des trai-tements par solarisation.

L’effet suppressif des composts sur les champi-gnons telluriques a été montré essentiellementen mélanges en pot (culture sous abri). Leurefficacité est souvent liée à des apports trèsimportants. Cependant des effets positifs ontété observés au champ, même à faible dose(Villenave et al., 2003).

LA BIOFUMIGATIONLes Brassicacées (moutarde, colza fourrager,choux…) renferment des glucosinolates, dontla dégradation par la myrosinase produit dansle sol des isothiocyanates, très toxiques pour leschampignons et nématodes. Ces substancessont voisines de certains fumigants comme lemetham-sodium. D'où le nom de biofumiga-tion qui a été donné à l'enfouissement de rési-dus de Brassicacées.

De nombreuses expérimentations mettent enévidence une bonne efficacité potentielle.Malheureusement, l’application au champ estrarement réussie : il y a encore beaucoup detravaux à conduire sur les modalités d’enfouis-sement de ces cultures (Brassica juncea, B.napus, Raphanus sativus) pour optimiser l’effi-cacité de la biofumigation.

Cependant, en favorisant l'accumulation degaz en sub-surface, la solarisation amélioreraitfortement l'efficacité de la biofumigation ; lacombinaison de ces techniques a donné d'ex-cellents résultats en Israël contre des champi-gnons (Verticillium, Fusarium) et des bactériesdu sol (Gamliel et al., 2000).

Enfin des résultats prometteurs ont été obte-nus avec des amendements provenant d'autresfamilles botaniques comme les Astéracées (desArtemisia spp peuvent supprimer la croissancede Fusarium oxysporum), les Lamiacées et lesRutacées. Diverses huiles essentielles ont ététestées avec succès contre des bactéries (huilesde palmarosa et de thymol testées en Floridecontre le flétrissement bactérien) et des néma-todes (des combinaisons d'huiles essentielles dePlectranthus et d'Haplohyllum ont un effet lar-vicide sur Meloidogyne javanica).

LUTTE BIOLOGIQUELa lutte biologique consiste à utiliser un auxi-liaire, qui peut être prédateur ou parasite (onparle de parasitoïde pour les insectes préda-teurs d'autres arthropodes) du ravageur ou dupathogène à détruire.

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A gauche :Dégât de borer

Diatraea sp.sur canne à sucre.

A droite :Larve de borer.

Insectes prédateurs et parasitoïdesContre les ravageurs qui s'attaquent au systèmeaérien, plusieurs auxiliaires sont souvent dispo-nibles. Aux Antilles, des programmes de luttebiologique ont été lancés dès les années 60contre le principal ravageur de la canne à sucre,les foreurs, "borers", de la canne à sucreDiatraea spp. par introduction successive dequatre parasitoïdes, deux hyménoptères :Trichogramma fasciatum et Apanteles flavipesainsi que deux diptères : Lixophaga diatraea etMetagonistylum minense (Boulet, 1986).L’introduction de T. fasciatum, en 1960, aentraîné la destruction de 60 à 70 % des œufs.Entre 1961 et 1965, l'introduction de L. diatraeaet de M. minense a réduit de 50 % la propor-tion d’entre-nœuds attaqués et un gain de 25 %du rendement en sucre à la récolte. Enfin ledernier parasitoïde A. flavipes a été introduitd'Asie en 1977. A la fin des années 80, le tauxd’infestation avait ainsi été ramené à moins de6 %, taux jugé économiquement acceptable.Les contrôles effectués par le CTCS au milieudes années 90 ont permis de vérifier la présen-ce des parasites du borer. En 2005, de nouvellesétudes en collaboration avec la FREDON ontconduit aux mêmes conclusions en matière depérennisation des parasitoïdes. Ces travaux ontpar ailleurs montré que l’équilibre biologiques’est non seulement maintenu, mais que le tauxd’infestation est descendu en dessous de 3 %.Depuis près de 30 ans, la lutte biologique s’estainsi montré particulièrement efficace pourcontrôler ce groupe de ravageurs.

De la même façon, plusieurs auxiliaires ont étéidentifiés pour lutter contre la cochenille rosede l'hibiscus, Maconellicoccus hirsutus.L’introduction de la coccinelle prédatriceCryptolaemus montrouzieri et de l'hyménoptèreparasitoïde Anagyrus kamali, lâchés en masse,

ont permis un contrôle satisfaisant de ce rava-geur en Guadeloupe. Contre les aleurodes,principaux ravageurs de la tomate, plusieurshyménoptères et diptères parasitoïdes ont éga-lement donné des résultats satisfaisants.

A contrario, l'usage inconsidéré d’insecticidesdestinés à la lutte contre un ravageur donnépeut, suite à la destruction des auxiliaires natu-rels, entraîner des pullulations d'un autre rava-geur. Ainsi, la destruction des coccinelles dugenre Stethorus spp. et des staphylins préda-teurs par les insecticides peut entraîner defortes attaques d'acariens.

Les milieux insulaires, milieux fermés où lesmigrations d'insectes sont plus faciles à contrô-ler que dans les milieux continentaux, semblentbien se prêter aux programmes de lutte biolo-gique. Cette méthode de lutte est séduisantecar elle permet d'éviter les applications d'insec-ticides et, dans certains cas, de lutter de maniè-re durable et écologiquement pour un faiblecoût économique.

Cependant, la lutte biologique par introduc-tion d’un organisme exogène n'est pas toujourssans danger : un prédateur introduit peut s'at-taquer à des espèces autres que le ravageur viséet entraîner une diminution de la biodiversité.Ainsi, l'escargot prédateur Euglandina rosea,introduit à Tahiti pour lutter contre Achatinafullica, a entraîné la disparition de plusieursdizaines d'espèces de gastéropodes (escargots)

endémiques des îles du Pacifique.

Les effets sur les organismes non-cibles doiventdonc être évalués avant de réaliser une intro-duction. Deux facteurs doivent être pris encompte : la sélectivité de l'auxiliaire (un parasi-

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toïde hautement spécialisé risque moins deposer des problèmes qu'un insecte capable des'attaquer à une vaste gamme d'espèces) et sescapacités de dispersion. On évitera ainsi d'in-troduire un prédateur ou un parasitoïde géné-raliste et apte à voler loin au profit soit d’auxi-liaires très spécifiques, soit d’organismes àfaible capacité de dispersion.

Agents pathogènes d’insectesPour les insectes vivant dans le sol, la lutte bio-logique est plus délicate : l’insecte est plus diffi-cile à atteindre par un prédateur ou un parasi-toïde. Il est également plus difficile à observer ;il est ainsi souvent moins bien connu que lesravageurs aériens, ses ennemis naturels aussi.

Dans le cas du charançon du bananier,Cosmopolites sordidus, œufs, larves et nymphesvivent dans le bulbe des bananiers et sont ainsiabrités. Les adultes, qui vivent généralementenfouis dans les bulbes de bananiers, la litièreou le sol, ne se déplacent que sur des distancesrestreintes. Ils se prêtent donc mal à la luttebiologique par parasitoïdes et prédateurs :ainsi, les tentatives de contrôle avec le préda-teur Plaesius javanus ou le parasitoïdeChrysopila ferruginosa n’ont donné que desrésultats décevants. Leurs principaux préda-teurs sont des insectivores généralistes commele merle Quiqualis lugubris ou le crapaud Bufomarinus ; leurs effets sur les populations de cha-rançons du bananier sont probablement négli-geables. De même, les tentatives d’utilisationd’insectes entomophages contre le ver blancravageur de la canne (Hoplochelus marginalis)se sont soldées par des échecs à la Réunion.

En revanche, plusieurs agents pathogènes d’in-sectes ont été étudiés : des champignons(Beauveria, Verticillium et Metarhizium…), desnématodes entomopathogènes (Steinernema

spp. et Heterorhabditis spp.) et des virus(comme les baculovirus, aujourd’hui dévelop-pés contre les carpocapses ou des noctuelles).Ces pathogènes d’insectes se rencontrent natu-rellement dans les sols et les cadavres d’insectesinfectés.

Signalons enfin des bactéries comme Bacillusthuringiensis. Cet agent pathogène sert aujour-d’hui de base à des préparations insecticides(bio-insecticides) dont certaines sont largementutilisées. Ces produits sont principalement utili-sés contre les insectes aériens.

Contre le charançon du bananier, l'évaluationen laboratoire de nématodes entomopatho-gènes a donné des résultats prometteurs. Lestentatives de lutte au champ n'ont cependantpas donné les résultats escomptés, tant enAustralie, où des nématodes étaient injectésdans des trous réalisés à la base des faux-troncs,qu'en Guadeloupe, où les pathogènes étaientépandus au sol autour des souches. Plusieursfacteurs peuvent expliquer ces échecs, commela sensibilité des nématodes aux conditions demilieu (température et surtout humidité) ouaux produits phytosanitaires, mais surtout lafaible capacité de dispersion des auxiliairessélectionnés ; C. sordidus étant un charançonsédentaire, ce point est limitant. L’utilisationd’entomopathogènes doit être alors combinéeavec d’autres méthodes destinées à attirer unepartie de la population pour la contaminer.

A l’opposé, à la Réunion, le champignonBeauveria tenella permet depuis 12 ans decontrôler efficacement le hanneton H. margi-nalis ravageur de la canne à sucre qui se dépla-ce dans le sol.

Contre les maladies fongiques et les néma-todesSuite à de nombreuses années de recherche, uncertain nombre de formulations d’agents delutte biologique sont produites à l’échelleindustrielle et mises sur le marché. Huit pro-duits à base de bactéries (formulations deBacillus spp., Streptomyces spp., Coniothyriumminitans) sont homologués en cultures maraî-chères par l'Environmental Protection Agencyaux Etats-Unis pour combattre des maladiesfongiques (Pythium, Rhizoctonia, Fusarium,Sclerotinia). Pour contrôler les nématodes, etparmi les nombreux microorganismes antago-nistes (employant le parasitisme ou la préda-tion) testés in vitro, seules quelques espèces

Femelle deSteinernema

carpocapsae extraite del’hémolymphe d’un

charançon noirdu bananier.

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telles l’actinomycète Pasteuria penetrans, maisaussi Bacillus thuringiensis et Streptomycesavermitilius, ont donné des résultats encoura-geants en conditions réelles.

A ces bactéries il faut ajouter des champignonstels que Paecilomyces lilacinus, Trichodermaharzianum, Arthrobotrys irregularis, Hirsutellarhossiliensis et Verticillium chlamydosporiumou V. lamellicola et quelques nématodes né-matophages tels que Seinura sp. etOdontopharynx sp.

UTILISATION DE MÉDIATEURSCHIMIQUES (PHÉROMONES,INDUCTEURS DE RÉSISTANCES …)De nombreux insectes utilisent des substanceschimiques pour communiquer. Attractives ourépulsives, certaines sont utilisées pour attirerun partenaire sexuel (phéromone sexuelle) oudes congénères (phéromone d’agrégation).Certaines d’entre elles sont spécifiques à uneespèce donnée, d’autres non.

Synthétisées par l’homme, ces substances peu-vent être utilisées pour lutter contre des insectes.Plusieurs stratégies sont possibles. On peut citer :• la confusion sexuelle : en diffusant des quan-

tités importantes de phéromone sexuelledans le champ, l’agriculteur gêne considéra-blement l’insecte visé dans sa recherche departenaires sexuels ; ce dernier se reproduitainsi difficilement et ses populations restenten deçà du seuil de nuisibilité ;

• le piégeage de masse : des diffuseurs fixésdans des pièges attirent les insectes d’un sexe(phéromone sexuelle) ou des deux (phéromo-ne d’agrégation). Des pièges à sordidine, phé-romone d’agrégation émise par les mâles deC. sordidus mais qui attirent les individus desdeux sexes, sont commercialisés depuis six ansen Martinique. Ils sont constitués d’un diffu-seur surplombant un bac d’eau dans lesquelsles individus attirés se noient. Cette méthodede lutte permet de retarder la contaminationd’une parcelle et de contrôler les attaqueslorsque les populations sont faibles oumoyennes. Cette méthode marche encoremieux contre O. rhinoceros, scarabée rava-geur des cocotiers, qui est beaucoup plusmobile ;

• le piégeage de contamination : au lieu detuer directement les individus capturés, cespièges mettent en contact l’insecte avec unepréparation contenant un agent pathogène

d’insecte. Contre le charançon des bananiers,insecte sédentaire généralement réparti enagrégats dans les parcelles, cette stratégie adonné des résultats très prometteurs. Nousavons rempli des pièges de sable (au lieud’eau savonneuse) dans lesquels nous avonsapporté chaque semaine des larves deSteinernema carpocapsae ; l’objectif étaitd’infester les charançons piégés afin qu’ilsservent de vecteur au nématode pour conta-miner leurs congénères. A la Martinique,nous avons réussi à diminuer sérieusement lesdégâts de C. sordidus dans des champs forte-ment infestés.

Contre les ravageurs, mais aussi contre lesmaladies des plantes, des inducteurs de résis-tance peuvent également être utilisés. Il s’agitde composés qui initient les réactions de défen-se de la plante et la résistance systémique acqui-se. Parmi eux, citons l’acibenzolar-S-méthyl(analogue structural de l’acide acétyl-salicy-lique), d’efficacité moyenne sur flétrissementbactérien, mais également la protéine hrpNd’Erwinia amylovora, qui aurait un bon effetcontre R. solanacearum.

UTILISATION DE VARIÉTÉS TOLÉ-RANTES ET RÉSISTANTESUtilisée depuis la nuit des temps, cette métho-de est parfois la seule utilisable. Nous citonscette méthode pour mémoire, un article luiétant consacré.

CONCLUSIONDe nombreuses méthodes de lutte alternativesont été étudiées et mises en œuvre. Utiliséesseules ou associées entre elles, ces méthodesont obtenus de grands succès, résolvant parfoisde façon pérenne le problème posé par certainsravageurs majeurs comme les borers de lacanne à sucre en Martinique.

Elles nécessitent cependant : • une bonne connaissance du parasite considé-

ré pour trouver les points faibles de son cyclebiologique et les exploiter ;

• une bonne technicité pour être développées,surtout quand la solution pour contrôler uncortège parasitaire réside dans la mise enœuvre coordonnée de plusieurs stratégies ;

• plus de rigueur que les simples traitementspesticides systématiques ; ainsi, le piégeagede masse nécessite un suivi constant dans letemps comme dans l'espace ;

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RÉFÉRENCESBIBLIOGRAPHIQUES

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Boulet, A., 1986. Luttebiologique contre lesborers de la canne àsucre. En Martinique,exemple d’une interven-tion bien menée,L’approche des solu-tions à des problèmesphytosanitaires des cul-tures des Antilles et dela Guyane, Bulletintechnique d’informa-tion, N°409-411, Avril-Juin 1986 : 363-374.

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• des investissements parfois lourds (achat devitro-plants par exemple) ;

Certaines stratégies nécessitent des actionscoordonnées entre planteurs pour prévenir ladissémination des parasites ou abaisser la pres-sion parasitaire d'ensemble. Les systèmes decultures qui font appel aux rotations sont diffi-ciles à appliquer chez les agriculteurs qui nebénéficient pas de surfaces suffisantes ou qui

occupent des terres de façon temporaire. Sepasser des pesticides est souvent possible, maiscela implique des recherches d'appui, des inves-tissements, des innovations techniques maissurtout une implication humaine importante(formation des agriculteurs, mise en place destructures de coordination et de contrôle…).Toutes ces actions nécessitent des aides gouver-nementales.

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Michel GAYALIN,Anne RIZAND

PRAM-Cemagref

Emploi de la rotobêche :destruction de la

biomasse et préparationdu sol.

L e désherbage demeure un pointextrêmement sensible en Agriculturebiologique et se pose avec encore plus

d’acuité en milieu tropical humide. Il peutmême représenter un facteur limitant pour ledéveloppement de ce type d’agriculture : ledésherbage manuel devient très vite fastidieux,pénible, voire inenvisageable sur de grandessurfaces en raison d’un coût en main-d’œuvre.Il nécessite le recours à plusieurs stratégies et àla combinaison de différents moyens, aussi bienagronomiques que strictement techniques,bien adaptées propres à chaque exploitation età la culture considérée. Il ne s’agit plus d'éradi-quer les adventices mais d’en contenir le déve-loppement à un niveau agronomique et écono-mique supportable.

Plusieurs possibilités s’offrent à l’agriculteur, àcombiner ou à choisir en fonction du systèmede production, des surfaces disponibles, dutype de rotation pratiqué…

ROTATION AVEC ENGRAIS VERTLa règle de base de la rotation est de revenir lemoins souvent possible avec la même culture,sur la même parcelle. En maraîchage, un excel-lent moyen pour y parvenir consiste à modifierla succession culturale, par exemple igname surigname, par l’introduction d’un engrais vert detype sorgho ou Merker à faucher, ou d’uneprairie à Brachiaria, sur 25 à 30 % de la surfacede l’exploitation. De même, la monoculture dela banane peut être interrompue par l’intro-duction d’une prairie qui agira à la fois sur ledésherbage, l'assainissement et la structurationdu sol.

FAUX SEMISLe faux semis est une pratique très anciennequi offre une solution efficace largementrépandue : il s’agit de préparer le sol et d’ef-fectuer des reprises échelonnées dans le tempsaprès la levée des adventices. Sur une parcelledonnée, après enlèvement de la récolte, ondéchaume très rapidement, de manière superfi-cielle (pas plus de 15 cm de profondeur). Le pas-sage de la déchaumeuse ou du désherbeurthermique détruit les mauvaises herbes et pro-voque la germination des graines présentesdans le sol. Après deux semaines environ, unnouveau passage de la déchaumeuse assure unnettoyage efficace de la parcelle. Ensuite,

il faut planter le plus rapidement possible.

PLANTATION AU LIEU DE SEMISDIRECTL’installation d’une prairie par semis demandesept à huit mois avant la mise à l’herbe des ani-maux. La plantation de prairies à partir de bou-tures (stolons de graminées fourragères) per-met de raccourcir de deux ou trois mois cettephase d’installation. La colonisation de la par-celle par l’espèce bouturée étant plus rapideque la levée des adventices, quelques interven-tions mécaniques, voire manuelles, suffisent àlimiter leur développement. En zone tropicale,cette méthode d’installation est d’autant plusintéressante et efficace qu’on utilise leBrachiaria humidicola. En effet, cette espèceconstitue un moyen de lutte contre Mimosapigra, principale adventice des prairies enMartinique. De même, en maraîchage, le faitque la plupart des cultures soient plantées etnon semées, favorise le développement de laculture par rapport à celui des adventices.

BINAGE ET SARCLAGE MÉCANIQUESelon les outils utilisés et l’ampleur de la tâche,le désherbage peut se résumer à une simpleaction de sarclage manuel, voire mécanique, ouse traduire par un binage. Le binage permettout à la fois la destruction des mauvaisesherbes et l’ameublissement de la surface du sol.Sur de petites parcelles, le sarclage manuel sefait avec des outils simples alors que sur degrandes parcelles, le binage mécanique se réa-lise avec des motoculteurs ou des tracteurs

Agriculture biologique et désherbageAgriculture biologique et désherbage

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Outils de sarclagemanuel.

En bas à gauche :Motoculteur

En haut à droite :Bineuse

porte-outils. Ces types d’outils mériteraientd’être davantage utilisés en Martinique.

Au niveau de la parcelle, on distingue le binageentre les rangs et le binage sur le rang.(1) Entre les rangs, on utilise des outils à socs ouà dents, des systèmes à brosses et des multi-fraises, ce dernier système s'adaptant mal auxsols humides et aux adventices à stolon ou rhi-zome.

Ce sont des pratiques désormais intégrées loca-lement par de nombreux agriculteurs et parcertaines filières. Ainsi les producteurs de rhummartiniquais donnent le ton en pratiquant ledésherbage entre les rangs de canne avec untracteur enjambeur (type vigneron) équipé detondo-broyeurs pour la fauche des adventicespendant les premiers mois de végétation. Plustard, le grand développement des cannes suffi-ra à maîtriser la pousse de la plupart des adven-tices à l’exception des volubiles.

Photo 4. Tracteur enjambeur de la canne.

(2) Sur le rang, le désherbage est possible aveccertaines cultures à condition que les plantssoient bien repérables par les machines suscep-tibles d’intervenir. Celles-ci sont simplement desbineuses à doigts en caoutchouc, sachant qu’ilexiste de nombreuses variantes suivant lesconstructeurs de machines et que les machinessont souvent spécifiques à certaines cultures.

(2) Sur le rang, le désherbage est possible aveccertaines cultures à condition que les plants

soient bien repérables par les machines suscep-tibles d’intervenir. Celles-ci sont simplementdes bineuses à doigts en caoutchouc, sachantqu’il existe de nombreuses variantes suivant lesconstructeurs de machines et que les machinessont souvent spécifiques à certaines cultures

DÉSHERBAGE THERMIQUEOutre le désherbage mécanique, enAgriculture biologique, on peut envisager ledésherbage par voie thermique. Il s’agit decréer un choc thermique, en soumettant la par-tie aérienne de la plante à une températureinstantanée suffisamment élevée pour obtenirla coagulation et la vaporisation de l’eau dans

La houe La binette La serfouetteà langue

La serfouetteà fourche

Sarcleur àpousserpour solslégers

Moto bineuse Bineuse Pièces travaillantes

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A gauche :Bineuse entreet sur le rang

A droite :Travail des doigts

sur le rang

les cellules végétales, ce qui entraîne leur écla-tement. La sensibilité des plantes à la chaleurest fonction des espèces, de leur stade de déve-loppement, de l’épaisseur des feuilles et destiges, du degré de lignification, etc. La moindresensibilité des adventices au désherbage ther-mique est surtout due à leur capacité de régé-nération. C’est ainsi que les plantes vivaces sontmoins sensibles que les annuelles, et que lesdicotylédones sont généralement plus sensiblesau traitement thermique que les monocotylé-dones.

Deux techniques sont utilisées : (1) Les brûleurs à phase liquide détendent legaz au niveau du brûleur (pression de 2 bars).Ils ont un effet torche car la chaleur est trèsconcentrée. La régulation de la puissance estfaible, jusqu’à la moitié de la puissance nomi-nale environ. A faible puissance, il y a un risqueimportant d’extinction de flamme.(2) Les brûleurs à phase gazeuse, moins puis-sants, permettent un transport plus sécurisantpuisque la pression n’est que de 300 grammesaprès la détente au niveau de la citerne. L’airest soufflé au niveau du brûleur : la chaleur estainsi très bien répartie par la veine d’air.La régulation est possible sur toute la plagede puissance. Par contre, l’utilisation de brû-leurs en phase gazeuse consomme beaucoupd’énergie.

En Martinique, le besoin de puissance est sansdoute plus important qu’ailleurs, compte tenudes adventices les plus couramment rencon-trées (Cypéracées et Chiendents) : il est doncpréférable de s’équiper de brûleurs à phaseliquide.

Cependant, ce type de technique doit fairel’objet d’une approche économique, car le coûtdu désherbage thermique est loin d’être négli-

geable, d’autant qu’il faut prévoir une fré-quence de passage rapprochée pour être effi-cace et contenir le niveau des adventices à unseuil acceptable.

S’il est vrai que le désherbage thermique main-tient le système racinaire en place et évite lelessivage des sols en pente, un désherbeur estenviron deux fois plus cher qu’un pulvérisateur.Certains fabricants de matériel proposent desmachines polyvalentes adaptées à plusieurstypes de culture, d’autres sont plus spécialiséspour l’arboriculture ou le maraîchage. Pour undésherbage total, la consommation de gaz estde 100 à 120 kg/ha. Le prix du gaz enMartinique est fixé par arrêté préfectoral. Lecoût au 1er novembre 2005 d'une bouteille de39 kg est d'environ 70 €.

Les préconisations varient ensuite en fonctiondu type de spéculation envisagée. On peut ainsipratiquer : • le désherbage en plein, sur sol nu : cette tech-

nique intéresse notamment les maraîchers etles arboriculteurs ;

• le désherbage en dirigé : plus précis, ce trai-tement est utilisable par les pépiniéristes etles producteurs de plantes médicinales.

Toutefois, le désherbage thermique, suscep-tible de perspectives de développement, ne faitpas aujourd’hui partie des demandes expri-mées par les professionnels de l’Agriculturebiologique en raison d'une méconnaissance dela technique et des coûts liés.

AUTRES TECHNIQUES DE DÉSHER-BAGED'autres méthodes simples telles que le pailla-ge du sol (naturel ou artificiel avec bagasse decanne à sucre, copeaux, pailles diverses… ou

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film polyéthylène noir), permettent égalementde lutter efficacement contre les adventices,pour un coût modéré lorsqu’on utilise des sous-produits. La solarisation des serres est aussi unetechnique envisageable : elle consiste à couvrirle sol de la serre de film polyéthylène transpa-rent pendant les deux mois les plus chauds etles plus ensoleillés tout en gardant le sol humi-de. Cela provoque la levée des adventices puisleur éradication avant la mise en culture. Unetechnique expérimentale de désherbage élec-trique a été mise au point par le Cemagref : ils’agit d’électrocuter les jeunes adventices repé-rées préalablement à l’aide d’une caméra. Uncourant électrique de quelques milliampèrescirculant entre deux électrodes pendant 200millisecondes, sous haute tension (20 000 Volts)

détruit les adventices de petite taille. D’unetotale innocuité pour l’opérateur, le dispositifconsomme la puissance d’une bougie de voiture.

CONCLUSIONIl existe de nombreuses techniques de luttecontre les adventices, et on trouve désormaisdivers matériels susceptibles d’intéresser lesagriculteurs en Agriculture biologique ou sou-cieux de pratiquer une agriculture moins pol-luante. Pour être efficace, la lutte contre lesadventices doit combiner plusieurs méthodes,et la meilleure garantie de succès consiste àd’abord placer la plante cultivée dans lesmeilleures conditions de croissance, sur un solsain et bien préparé.

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C et article présente un résumé desréflexions en cours sur les progrès dela recherche agronomique concer-

nant les agricultures raisonnée et biologique. Ils’agit de voir en quoi ces deux approches sontcompatibles et comment elles peuvent inter-agir dans la définition de nouveaux systèmes deculture.

EVOLUTION DE LA RECHERCHEAGRONOMIQUELes impacts négatifs de l’agriculture sur l’envi-ronnement sont mieux connus et de plus enplus mesurés. Il en résulte une forte prise deconscience de la société. La limitation desimpacts négatifs de l’agriculture sur l’environ-nement est une préoccupation majeure de lasociété actuelle.

Dans les systèmes productivistes des années 80,l'objectif concernait essentiellement l’obten-tion de rendements maximaux. Dans ce contex-te, les pesticides et les engrais étaient utiliséssans considération de leurs impacts sur l’envi-ronnement. Dans les années qui suivirent, uneapproche plus globale de l’agriculture s’est tra-duite par la mise en place de pratiques plus res-pectueuses de l’environnement et de la santéhumaine. En agriculture raisonnée, les intrants(pesticides et engrais) ne sont apportés que sinécessaires et sont limités aux besoins de la cul-ture de façon à maintenir des rendements éle-vés tout en préservant au maximum l’environ-nement. En parallèle et par réaction aux pra-tiques productivistes, l’Agriculture biologiques’est beaucoup développée. Elle s’interdit l’usa-ge d’intrants issus de la chimie de synthèse dansun objectif de meilleure préservation de la qua-lité du produit et de l'environnement. Elleaccepte des rendements souvent plus faibles etrépond à un marché spécifique plus rémunéra-teur.

L'agriculture raisonnée s’est développée audépart sans garanties officielles ni contrôles.Elle s'est dotée en France, depuis mai 2002,d'un cadre officiel dont les contraintes sont dif-férentes et moindres que celles de l’Agriculturebiologique.

Certaines pratiques de l'agriculture raisonnéesont susceptibles d'être utilisées en Agriculturebiologique et inversement. De la confrontation

entre ces deux modes de penser l'agriculturerésulte une dynamique de recherche qu’ilconvient d’analyser et de valoriser. Existe-t-il uncontinuum entre production biologique etconventionnelle ? Ou bien, existe-t-il un fosséentre ces modes de culture ?

Pour répondre à ces questions, les recherchesmenées par les différentes équipes du PRAM aucours des dernières années ont privilégié desapproches cognitives : meilleure maîtrise duprocessus de production des cultures, fonction-nement biophysique des agrosystèmes etmeilleure connaissance de la biologie des mala-dies, parasites et ravageurs des cultures. Cestravaux ont visé :• la réduction de l'impact environnemental des

pesticides par une meilleure connaissance desmécanismes de dissipation des polluants chi-miques via les flux hydriques ;

• la réduction de l'impact environnemental desnitrates par une meilleure connaissance desmécanismes du cycle de l’azote dans les sys-tèmes considérés ;

• la compréhension du fonctionnement de labiomasse microbienne du sol lors de ladécomposition de la matière organique ;

• la mise au point de méthodes de diagnosticpour une utilisation raisonnée de pesticideset des fertilisants ;

• l’élaboration de méthodes alternatives delutte envers les bioagresseurs et les adven-tices.

Afin d’apporter des éléments de réflexion, lesexemples des systèmes de culture bananiers,fruits et maraîchers sont analysés.

EVOLUTION DES PRATIQUES CHEZLES AGRICULTEURS, UNE ÉVOLU-TION POSSIBLE VERS LE BIOLOGIQUELe développement de systèmes raisonnés enbananeraies a permis des avancées techniquestrès significatives, mais a surtout contribué àune utilisation plus raisonnée des intrants etnotamment des pesticides. Depuis 1996, les uti-lisations de nématicides ont ainsi diminué de 60 %en surfaces développées, la fréquence moyen-ne de traitement par parcelle passant de 1,8 à0,9 par an (Chabrier et al., 2005).En maraîchage comme en arboriculture fruitiè-re, le développement de systèmes raisonnés apermis d’élaborer des itinéraires techniques

Du raisonné au biologique : convergence ou divergence ?exemple des systèmes de culture bananiers, maraîcherset de l’arboriculture fruitière en Martinique

Du raisonné au biologique : convergence ou divergence ?exemple des systèmes de culture bananiers, maraîcherset de l’arboriculture fruitière en Martinique

Raphaël ACHARD 1,Philippe TIXIER 1,

Line THIEULEUX 2,Christian LANGLAIS 1,

Christian LAVIGNE 1

1 PRAM-Cirad2 UAG

Pôlede Recherche Agro-environnementale

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performants plus durables. Cela s'est traduitpar la mise en place d'une gestion intégrée desbioagresseurs et de la fertilisation.

L’Agriculture biologique, qui exclut toutrecours aux pesticides et fertilisants chimiques,est de plus en plus perçue comme un choix dif-férent. Elle est plus difficile à mettre en œuvredans certaines zones pédoclimatiques. Les prin-cipales solutions techniques à adapter sontrelatives (1) à la gestion de la fertilité du sol (2)à la lutte contre les bioagresseurs et (3) à lamaîtrise des adventices. Le tableau 1 présenteles pratiques disponibles en agriculture raison-née et en Agriculture biologique.

L'ensemble des productions agricoles martini-quaises peuvent être concernées par le passagedu raisonné au biologique. Les systèmes de pro-duction n'en demeurent pas moins assez diffé-rents, avec des produits destinés à l’export ouau marché local (Quénéhervé et al., 2005).

Du fait de leur caractère industriel et des nom-breuses contraintes (parasitaires, commerciales)qui leur sont associées, les systèmes bananiersconstituent un modèle où le raisonnement despratiques dans les systèmes conventionnels etla possibilité de développer la production bio-logique pourraient converger. Les systèmes deculture biologique du bananier n’en sont qu’àleur début en Martinique. Au plan mondial,bien que cela ne représente qu’un faible pour-centage de la production totale, la tendanceest très nettement à l’augmentation (de 22 000à 88 000 tonnes exportées entre 1988 et 2000).La banane biologique est considérée commeune alternative intéressante pour les petits pro-

ducteurs, notamment dans la région Caraïbe.Elle s’est développée en RépubliqueDominicaine en raison de critères économiquesfavorables dans des zones au climat sec.

IMPORTANCE DES CONDITIONSAGRO-CLIMATIQUES POUR LEDÉVELOPPEMENT DE PRODUC-TIONS BIOLOGIQUESDes conditions agro-climatiques favorablesconstituent presque toujours un préalable audéveloppement de systèmes de cultures biolo-giques. Les zones sèches, du fait de la faiblepression parasitaire et de l’extension des sur-

faces irrigables, ont permis l’implantation debananeraies au sud-est de la Martinique, dansla région du Vauclin. Cette région présentel'avantage de conditions pédologiques (verti-sol) et climatiques (pluviosité modérée) moinsfavorables au développement du parasitismetellurique et de la cercosporiose.

En 2002, 13 exploitations (43 ha) étaient certi-fiées en Agriculture biologique. Elles étaientsituées principalement dans les zones de Saint-Joseph, Gros Morne et Fond Saint-Denis. Ceszones, malgré une forte pluviométrie et un fortparasitisme, ont été le foyer du développementdu maraîchage et de l'arboriculture fruitièrebiologiques.

Le développement de nouveaux systèmes decultures biologiques ou raisonnés implique laprise en compte des interactions au sein de sys-tèmes écologiques complexes. Afin d’illustrerces interactions, des exemples concernant la

Tableau 1. Principales pratiques culturales disponibles dans les systèmes de culture raisonnés etbiologiques.

Pratiques Raisonnées Biologiques

Fertilisation Engrais chimiquesEngrais minéraux naturels Engrais minéraux naturelsAmendements divers Amendements diversEngrais organiques Engrais organiquesRésidus de culture Résidus de culture

Lutte contre le parasitisme Chimique sur alertePlants sains sur sol sain Plants sains sur sol sain Lutte non chimique, piégeage Lutte non chimique, piégeageProduits phytosanitaires naturels Produits phytosanitaires naturels

Lutte contre les adventices ChimiqueMécanique MécaniquePlantes de service Plantes de service

Thermique

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gestion de la fertilité du sol, la lutte non chi-mique contre les bioagresseurs et les adven-tices, sont examinés dans les paragraphes sui-vants.

• La gestion de la fertilité du solDe manière générale, la fertilisation a pour butd'améliorer la fertilité et la structure du sol afind'assurer une alimentation optimale et équili-brée de la plante cultivée, compatible avec laprotection de l’environnement.

Par le passé, le sol était considéré comme unsimple support physique auquel il suffisaitd’ajouter des éléments minéraux ; son fonc-tionnement était mal connu. Actuellement, leschercheurs du PRAM s'intéressent aux diffé-rents termes du cycle de l’azote en culturesbananières et étudient le fonctionnement de labiomasse microbienne lors de la minéralisationdes résidus de culture en conditions tropicales.

Un lessivage des nitrates de l’ordre de 60 % aété observé lors d'apports de fertilisants azotés

d’origine chimique en cultures intensives debanane. Le rôle de l’azote organique via laminéralisation a longtemps été considérécomme négligeable face à l’importance du les-sivage. Récemment, il a été montré que si unepart importante de l’engrais azoté n’est pasabsorbée à court terme par la culture, le resten’est pas majoritairement lessivé. En effet, envi-ron 40 % sont réorganisés par la biologie du solet susceptibles d’être à nouveau disponiblespour les plantes (Thieuleux, 2005). Malgré lesfertilisations excédentaires pratiquées sur lessystèmes de culture bananiers intensifs, l’esti-mation des pertes par lessivage n’est donc pasaussi importante qu'attendue. La prise encompte des mécanismes du fonctionnement dela dynamique de l’azote dans le sol permet deréviser à la baisse les quantités d’azote perdupar lessivage (Cabidoche, 2001). De même, lamatière organique du sol et les résidus de cul-tures, souvent riches en azote, ne sont généra-

lement pas comptabilisés pour la détermina-tion des apports d’azote à réaliser. Les dernièresexpérimentations réalisées aux Antilles mon-trent que l’activité biologique (faune micro-bienne et macrofaune) et la fraction grossièrede la matière organique amélioreraient la capa-cité du sol à alimenter la fraction minérale.

L'intérêt d’une fertilisation organique surbananier a été montré : les résultats sont simi-laires à la fertilisation chimique classique pourde moindres quantités d’azote apportées. Parailleurs, l’utilisation d’engrais organiques appa-raît efficace pour résoudre le problème de lafertilisation en période de forte pluviosité. Letableau 2 illustre les performances des engraisorganiques pour la culture du bananier etmontre que le rendement est au moins aussiélevé en fertilisation organique qu’en fertilisa-tion minérale. A la floraison des bananiers, lesplants fertilisés par engrais organique ont pro-duit des régimes de taille équivalente à celle duprogramme de référence, et de taille supérieu-re au programme "minéral allégé".

Par ailleurs, il est observé que les engrais orga-niques, bien que moins disponibles à courtterme, permettent une gestion presque aussiréactive face à la demande de la culture parrapport à l'application d'engrais minéraux(Achard et al., 2005). L'activité biologique dusol, étroitement corrélée aux quantités dematière organique et de biomasse microbien-ne, doit ainsi être prise en compte pour déter-miner les apports d'azote nécessaires.

Dans les systèmes bananiers conventionnels, lerecours aux apports de matière organique esten développement. C’est notamment le cas du"bokashi" (compost de bagasse de canne àsucre et de hampes florales de bananiers).L’utilisation en bananeraie de composts debagasse de canne et de fientes de poules, ou dematières organiques commerciales importées,ne montre qu’un faible impact sur la teneur dela matière organique du sol (les apports repré-

Tableau 2. Mensuration des bananiers à la floraison et taille du régime pour une fertilisation miné-rale standard et pour deux fertilisations à base d’engrais organiques.

Fertilisation Quantité d'azote Fréquence Circonférence Nombre de mainsen g N / pied d’application à 1 m du régime

Minéral 12 3 83 10,8Minéral allégé 12 6 82 10,2Organique 9 6 84 11,2Organique double 18 6 86 11,4

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sentent moins de 5 % de la matière organiquede l’horizon 0-25 cm). Néanmoins, ces apportsinfluent positivement sur l’évolution de lacapacité d’échange cationique du sol. Cettepratique permet de valoriser les résidus de cul-ture mais nécessite une infrastructure spéciale(plate-forme de compostage, matériel d’épan-dage), plus facile à développer dans les grandesexploitations ou dans le cas de regroupementsd’agriculteurs.

En maraîchage, la gestion intégrée de la fertili-té fait intervenir de plus en plus les apportsorganiques, aussi bien en agriculture raisonnéequ’en Agriculture biologique. Ces apports sonttrès divers et peu structurés : il s’agit souventde fumier issu de l’élevage présent sur l’exploi-tation ou récupéré chez un voisin. Certainsagriculteurs font aussi du compost à petiteéchelle. Un producteur de compost de bagassede canne à sucre et de fientes de poules appro-visionne quelques maraîchers. L’introductionde fientes de poules et de résidus d’œufs issusd’un élevage industriel non biologique n’esttoutefois pas autorisée en Agriculture biolo-gique.

• Lutte contre les bioagresseurs dans les sys-tèmes de culture raisonnés et biologiquesLes systèmes de culture bananiers représententun exemple particulièrement réussi d’utilisa-tion de moyens de lutte non chimiques contreles bioagresseurs de cette culture. Ainsi, faceaux problèmes de parasitisme tellurique dusaux nématodes, des moyens de lutte alternati-ve aux solutions chimiques ont été développés.Ils permettent de limiter l’utilisation de némati-cides dont les niveaux de toxicité sont élevés. Laréintroduction de la jachère et des rotationsculturales, en combinaison avec l’utilisation de

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Déchets de bananeet broyeuse

Présentation synthé-tique de l’utilisation de

la jachère et des plantesde couverture afin

d’assainir le sol de sesparasites telluriques.

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matériel de plantation sain (vitro-plants), a per-mis d’obtenir une très bonne maîtrise des infes-tations en nématodes, notamment celles deRadopholus similis qui occasionnent le plus dedégâts.

En agriculture raisonnée, la destruction rapidedes bananiers par injection de glyphosate per-met une optimisation de l’efficacité de la jachè-re. Durant la jachère, le contrôle des adventicesse fait par des applications d’herbicides, per-mettant à la fois d’éviter la persistance deplantes hôtes des nématodes parasites dubananier, et de créer un paillis qui protége lesol de l’érosion. Des études complémentairesvisent à établir des méthodes qui n’utiliseraientpas d’herbicides (destruction de la bananeraieet contrôle des adventices par voie mécanique).

Les principes de l’utilisation de la jachère et deplantes de couverture sont présentés dans lafigure 1. En corollaire de ces pratiques dejachères ou de rotations en Agriculture biolo-gique et en agriculture raisonnée, il convientd’isoler, au niveau hydraulique, la parcelle cul-tivée, afin de limiter sa recontamination par lesnématodes. En bananeraie biologique, du faitqu’aucun produit phytosanitaire n’est autorisé,un soin particulier doit être apporté auxméthodes de plantation de plants sains sur solsain, et de limitation des recontaminations parles eaux de ruissellement des parcelles voisines.

La réflexion, autour de l’amélioration de l’effi-cacité de la jachère et de la mise en place deparcelle expérimentale de production biolo-gique de banane, a mis en évidence l’intérêt del’utilisation de plantes de couvertures durant laphase de jachère, pour supprimer les traite-ments herbicides. Dans ces systèmes de culture,la jachère n’aurait plus exclusivement une fonc-tion de rupture sanitaire entre deux banane-raies mais améliorerait aussi l’ensemble descomposantes de la fertilité (Figure 1).

• Le contrôle de la couverture du sol et desadventicesLa lutte contre les adventices, sans avoir recoursà l’utilisation de produits herbicides, est unpoint clé plus encore en Agriculture biologiquequ'en agriculture raisonnée (cahier descharges, demande sociétale, réduction dunombre de molécules autorisées...). Le contrôledes adventices sans produits phytosanitairesimplique la gestion des résidus de culture, ledésherbage mécanique et l’installation d’une

couverture vivante et maîtrisée. Des systèmesde culture économiquement viables devrontcombiner ces méthodes culturales.

En arboriculture fruitière, l’enherbement par-tiel est actuellement testé. Il s'agit d'un enher-bement à base d’espèces herbacées (non hôtesdes mêmes parasites que la culture principale)et dont le contrôle mécanique est facile. Desexpérimentations en cours dans un verger deLimes de Tahiti montrent qu’une couverture degraminées à faible croissance en hauteur(Brachiaria humidicola) peut être cultivée dansl’entre-rang, fauchée et andainée sur la lignede plantation. Cette procédure est efficace surun terrain relativement plat et peu caillouteux.Aucun herbicide n’a été appliqué sur le vergerexpérimental depuis deux ans. En relief acci-denté, il serait nécessaire d’épandre manuelle-ment un paillage mort de graminées ou debagasse au pied des arbres. L'épandage sur laligne de plantation permet d'éviter la concur-rence entre la culture principale et la plante decouverture vis-à-vis de l’eau et des élémentsminéraux. En agriculture raisonnée, un désher-bage au glyphosate peut être réalisé au pieddes arbres, ce qui supprime la nécessité dupaillage et réduit les coûts. Dans tous les cas, lechoix de l’espèce et de la variété de la plante decouverture dépend des conditions de sol et depluviosité, mais également de la facilité de soninstallation (semis à la volée, bouturage).

En bananeraies, le contrôle des adventices estbasé sur l’application d’herbicides sur l'en-semble de la parcelle au cours des deux pre-miers cycles de culture. Lors des cycles suivants,l'application d'herbicide est réduite (pourtourde la parcelle et réseaux de drainage) et com-plétée par le paillage de l'entre-rang par lesrésidus de culture (feuilles, pseudo-troncs).Pour réduire encore ces apports, des systèmesbasés sur un enherbement du grand rangseront prochainement testés.

La mise au point de systèmes de culture baséssur des plantes de couverture peut être limitéepar l’apparition de nouveaux bioagresseurs oule développement accru de bioagresseurs exis-tants (cas des thrips pour les systèmes bana-niers).

Par le passé, le sol nu était la référence. La ten-dance actuelle est à l'utilisation des plantes decouverture vivantes. Le développement de cespratiques devrait permettre de proposer pour

RÉFÉRENCESBIBLIOGRAPHIQUES

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chaque culture un choix de plantes de couver-ture (adaptées aux conditions pédoclimatiques)et pouvant jouer un rôle annexe (fixation del’azote, répulsif des parasites de la culture,revenu annexe).

LA NOUVELLE DYNAMIQUE INITIÉEPAR L'AGRICULTURE BIOLOGIQUELes nouveaux systèmes de cultures pris enexemple pour le contrôle du parasitisme et desadventices, ou l'amélioration de la gestion de lafertilité, illustrent la complexité de systèmes deculture innovants par rapport à une monocul-ture basée sur une lutte chimique intensive. Lesinnovations techniques, qu’elles soient desti-nées à un système de culture biologique ou rai-sonné, devront prendre en compte les multiplesinteractions qu’elles engendrent au sein de

l’agrosystème. La recherche devra se focalisernon seulement sur la compréhension fine dechacun des mécanismes biophysiques mais éga-lement sur les relations entre ces mécanismes.

Les systèmes d’agriculture raisonnée sont deve-nus la référence. L'Agriculture biologique,encore plus exigeante, incite agriculteurs etorganismes de recherche à développer leursréflexions et à adapter les systèmes de culture.Ces systèmes, qui n’ont pas vocation à occuperla totalité des zones agricoles, dynamisentl’agriculture et obligent les scientifiques enquestion certains dogmes. La production biolo-gique est donc un moteur important dans larecherche de pratiques innovantes, plus respec-tueuses de l’environnement. C'est en raison-nant biologique qu’il convient d’élaborer lesfuturs systèmes de culture.

P., Mbolidi-Baron H.,Soler A., Taupier-Letage B., Toribio A.,2005. "Faisabilité tech-nique de l’Agriculturebiologique à laMartinique :Productions",Agriculture biologiqueen Martinique : quellesperspectives de dévelop-pement ? (M. François,R. Moreau & B.Sylvander coord.),Paris, Editions IRD,cédérom, pp. 149-233.

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Une réflexion sur l'évolution du PRAM a été menée durant toutel'année pour aboutir à des propositions concrètes :• Projet de schéma de site du Pôle de Recherche Agro-environnemen-

tale de la Martinique• Projet de convention créant un Groupement d'intérêt scientifique

Une délégation du Conseil Régional de la Martinique, conduite par lePrésident Alfred Marie-Jeanne, a effectué une visite approfondie duPRAM, le 21 novembre 2005.

Participation à des colloques importants : • 41e Congrès annuel de la Société caribéenne des plantes alimen-

taires (Le Gosier, Guadeloupe, 17-23 juillet 2005) sur le thème :"Alternatives à l'intensification de l'agriculture dans la Caraïbe,vers l'élaboration de systèmes innovants".

• Les écosystèmes forestiers des Caraïbes, entre écologie et dévelop-pement durable. De la connaissance fondamentale à la gestiondurable (Trois-Ilets, 5-11 décembre 2005).

Le site web du PRAM a été élaboré et mis en ligne le 27 septembre2005 : http://www.pram-martinique.org

Comme chaque année, le PRAM a participé activement à la Fête de lascience : stand présentant les recherches menées sur les nouvellesvariétés de banane, café des sciences sur l'Agriculture biologique,portes ouvertes, interventions dans les écoles...

Des publications notables :• Agriculture biologique en Martinique, IRD.• Dossier technique : lutte intégrée sur les cultures maraîchères aux

Antilles-Guyane, Philippe Ryckewaert.

Marie Houdart (Cirad-UAG) a soutenu sa thèse le 8 octobre 2005. Sonsujet de thèse : Organisation spatiale des activités agricoles et pollu-tion des eaux par les pesticides. Modélisation appliquée au bassin-versant de la Capot (Martinique).

En 2005, les chercheurs du PRAM ont publié 12 articles dans desrevues scientifiques et ont participé à 18 congrès scientifiques.

Arrivées de nouveaux chercheurs :• Anne Rizand (Responsable de l'UR Martinique du Cemagref)• Agnès Charlier de Chily (Ingénieur CEA mise à disposition de l'IRD)• Patrick Topart (Ingénieur nématologue de l'IRD)• Philippe Tixier (Agro-modélisateur Cirad)BREV

ESQuelques faits marquants de l’année 2005 au PRAMQuelques faits marquants de l’année 2005 au PRAM

Pôlede Recherche Agro-environnementale

de la M ar t in iq u e

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LES CAHIERS DU PRAM N°5

Edité par le Pôle de Recherche Agro-Environnementale de la Martinique (PRAM)

Directeur de la publication : Thierry GOGUEY (CIRAD)Coordination : Christian LANGLAIS (CIRAD) et Patrick QUENEHERVE (IRD)

Comité de lecture : D. BARRETEAU (IRD), Gérard DESCAS (LEGTA), Thierry GOGUEY (CIRAD), Christian LANGLAIS (CIRAD)Hélène MBOLIDI-BARON (CTCS), Patrick QUENEHERVE (IRD), Anne RIZAND (CEMAGREF), Philippe TIXIER (CIRAD).

Photographies : PRAM et CTCSConception, photogravure, impression : Imprimerie Berger Bellepage 05 96 75 14 15

Tirage : 500 exemplaires – Décembre 2005

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