48 vie sur l’eau bateaux de venise · 2011. 9. 30. · il a participé à la célèbre course...

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L’ œil bleu malicieux et une barbe poivre et sel soigneu- sement taillée, Gilberto Penzo est LE spécialiste des bateaux traditionnels de Venise. Ses parents tenaient un chantier naval à Chioggia, au sud de la lagune, et Gilberto a usé ses fonds de culottes entre les coques des bateaux 48 Vie sur l’eau Ailleurs Les bateaux de Venise Venise abrite toutes sortes de bateaux. À rames ou à moteur, vieux ou flambant neufs, il y en a pour tous les goûts… et toutes les bourses. TEXTE ET PHOTOS J.-F. MACAIGNE Bragozzo sur le Grand Canal.

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Page 1: 48 Vie sur l’eau bateaux de Venise · 2011. 9. 30. · il a participé à la célèbre course d’endu-rance offshore Venise-Monte Carlo. Deux sièges, une banquette, et une petite

L’œil bleu malicieux et unebarbe poivre et sel soigneu-sement taillée, GilbertoPenzo est LE spécialistedes bateaux traditionnels

de Venise. Ses parents tenaient unchantier naval à Chioggia, au sud dela lagune, et Gilberto a usé ses fondsde culottes entre les coques des bateaux

48 Vie sur l’eau Ailleurs

Les bateaux

de Venise

Venise abrite toutes sortes de

bateaux. À rames ou à moteur, vieux

ou flambant neufs, il y en a pour tous

les goûts… et toutes les bourses.

TEXTE ET PHOTOS J.-F. MACAIGNE

Bragozzo sur le Grand Canal.

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de rivières que construisaient les ouvriersdu chantier. Dans ce temps-là, il y avaitencore des voiles. Les copeaux roulaientsous les pieds entre d’énormes tréteauxde bois, les hommes façonnaient lesquilles, les étraves et les étambots, lescouples et les bordés. Depuis, GilbertoPenzo s’est juré de ne jamais laisser perdretout ce savoir-faire, cette connaissanceintime du bateau vénitien. « Les livresn’existaient pas. J’ai donc été obligé de lesécrire ». Ils se sont succédés, emplis decette érudition accumulée au fil desans. On y trouve les plans et les étudesd’à peu près tout ce qui navigue entreChioggia et Torcello. Gilberto Penzo nes’est pas contenté d’étudier. Il a recons-truit en modèles réduits ces barques, cesvoiliers, et aussi ces bateaux modernesque l’on voit tous les jours. Avec un telluxe de détails, qu’exposées dans lavitrine de sa boutique du quartier SanPolo, elles font les délices des passants. Àl’intérieur, le maître enseigne à desétudiants l’art de l’étrave et de la contre-étrave sur ordinateur, gabarit sur l’établi.Le magasin, comme son atelier deuxrues plus loin, fourmille de formes enbois, de poulies anciennes, de maquettes

de barques anciennes et de vaporetti, deplans, et bien sûr, de livres. Gilberto,une forcola en bois d’olivier à la main(pièce de bois qui permet de manœuvrerla rame des gondoles ou des sandoli),reçoit des clients du monde entier luirendre visite ou passer commande. Ilm’apprend que « le premier vaporettoétait français ! ». Là, je hausse un sourcil,prudent. « Le 27 avril 1881 Le ReginaMargherita est venu de Nantes, où il a étéconstruit, , suivi par cinq autres. Ils onttous longé les côtes, puis emprunté le Canaldu Languedoc (Canal du Midi), et ontensuite fait le tour de la botte italienne enlongeant les côtes. Leur arrivée a déclenchéun mouvement de protestation chez lesgondoliers. » Plutôt fier de savoir que lepremier vapeur de tourisme àfréquenter de façon régulière le GrandCanal avait été construit à Nantes,j’écoute Gilberto Penzo qui continue ànourrir ma curiosité sur les bateauxvénitiens. Ce vaporetto désuet, aux siègesen osier sous un auvent blanc, avec unegrosse cheminée noire, évoquel’omnibus Madeleine-Bastille. Depuis, l’eau a coulé sous le Rialto, etles derniers vaporetti sont équipés de

toute la technologie moderne : deux grosFiat de 280 CV chacun et informatiqueembarquée. Les conducteurs manœu-vrent du bout des doigts un petit volantd’une vingtaine de centimètres dediamètre, certains - nous ne sommespas en Italie pour rien - avec des gantsnoirs anti-dérapants. Sur la lagune, oncroise quantité de modèles plus oumoins anciens. Celui que je préfère offrequelques rangées de sièges à l’avantpour profiter du paysage. Mais si vousvous levez pour prendre une photo,soyez sûr de vous faire apostropher parle pilote dont vous bouchez la vue. Unebalade en vaporetto est inoubliable. Ilferraille, roule, tangue, glisse. En été,on étouffe dans la cabine, et aux heuresde pointe, on s’interroge sur le nombrede passagers autorisés. J’ai fait un jourde Noël un trajet de quelques minutessur le Grand Canal qui compte dans lavie d’un homme. La compagnie avaitsupprimé la moitié des lignes en servicece jour-là, et les rares bateaux étaientpris d’assaut. Le vaporetto était remplicomme un plat du dimanche et parmoments le noir de la coque disparaissaitsous l’eau. Dès que quelqu’un bougeait, ilse mettait à rouler à n’en plus finir. Onentendait quelques murmures dans lafoule compacte, debout et stoïque. Quelqu’un suggéra que l’on était peut-être un peu nombreux. Un autre ditalors : « avez-vous déjà entendu parléd’un vaporetto qui ait coulé ? ». J’ai eubeau fouiller ma mémoire, je n’ai pastrouvé de réponse. La suite du trajet estdevenu alors plus sereine, plusvénitienne. Et le dernier vaporetto : celuique l’on pratique de nuit, très tard. Lesgrincements de la coque contre le pontonprennent soudain des dimensions de filmfantastique, les lumières qui se reflètentdans l’eau noire semblent venir dudessous, là où se cachent les anciensmystères vénitiens. On croise parfois untaxi solitaire qui rentre se coucher, ouqui va attendre au bas de l’hôtel unCasanova qui se sauve dans la nuit…

Autre icône locale, le motoscafo, ce fameuxtaxi vénitien en bois verni – ou blanc –que l’on voit partout, conduit par deshommes qui rivalisent d’adresse dans lesrii étroits, et d’éloquence pour vousraconter l’histoire de leur ville chérie.Motoscafo veut dire bateau à moteur.

Naissance d’un mythe

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Gilberto Penzo.

Vaporetto sur le Canal de la Giudecca ; au fond l’église Il Redentore.

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Dans un sens, tout ce qui circule avecautre chose qu’une rame à Venise est unmotoscafo. Mais… la gloire est tenace, etdépasse largement les frontières de lalagune. Un motoscafo, pour le commundes mortels, c’est ce canot luxueux de boisverni, dont la cabine est séparée du pilote,et qui emprunte son dessin aux réputésRivas des années 50-60, vedettes des rivie-ras, des festivals, et favoris en leur tempsdes starlettes, des stars tout court, deshommes d’affaires et des millionnairesde tout poil. Histoire d’en connaître un peu plus, j’aiété visiter le Cantiere MotonauticoSerenella, à Murano, le chantier navalfabuleux d’où sortent ces Rolls de la mer.Dans les sangles de la grue qui accueillele visiteur se balance doucement unepetite merveille de 250 000 € que doitvenir réceptionner le lendemain son pro-priétaire japonais, pour l’emporter àOsaka. Ambiance. Au bout de la cour,

trois hangars blancs et un atelier d’où unhomme sort d’un pas pressé. C’est là quese « finissent » les canots les plus beauxdu monde. Dans l’atelier, des plaques debois achèvent de sécher après le vernis-sage. On dirait les morceaux d’un pianode concert. « Quinze couches appliquées aupinceau, me glisse Federico Feltrin, notreguide à travers cette usine à rêve. C’estnécessaire pour obtenir ce fini si particu-lier ». De fait, on pourrait se raser devant.A l’extérieur, un énorme tronc découpéen planches attend d’entrer dans le han-gar pour y être travaillé. C’est un acajouvenu d’Afrique. Le bois, dont la fragranceexotique parfume l’atelier, est gardé ainsipendant 3 à 4 ans, puis il est travaillé. Toutest réalisé au chantier Serenella, mêmeles berceaux des bateaux. Il en sort enmoyenne canots huit par an. Tous diffé-rents. Au moins 6 mois par projet pour lavingtaine de personnes que compte lechantier pour achever un nouveaubateau. Ils font entre 9 et 12 m de longpour 2,20 m de large. Leurs superstruc-tures très basses leur permettent de pas-ser sous les quelques 450 ponts de la cité.À l’intérieur, air conditionné, TV, frigo,et des sièges en cuir où l’on peut s’aban-donner au rêve. Les Salvagno construi-sent des bateaux à Venise depuis toujours,dit la légende. Je ne contredirai pas, maisquoiqu’il en soit, cela fait très longtempsqu’ils ont ce savoir-faire unique, connudu monde entier. Je rencontre ElioSalvagno dans le hangar du fond, en train

de caresser amoureusement l’acajou d’unbateau qui en train de naître. Cheveux

blancs, œil bleu lavande assorti à la che-mise, Elio est visiblement heureux aumilieu de ses créations. Sa main flatte legalbe d’un bateau – blanc, celui-là – quin’en est qu’à ses premiers bois. Il passe decoque en coque, inspectant minutieuse-ment toutes ces merveilles. La visite sepoursuit avec Federico. Dans un hangardorment trois canots anciens. Le premierressemble à un taxi, mais c’est unelimousine. Propulsée par un gros VolvoPenta de 250CV, son étrave est d’unepureté à couper le souffle. Le deuxièmeest plus récent. Sa place habituelle setrouve dans les entrailles d’un yacht de70 m appartenant à un client russe. À l’in-térieur, cuir blanc matelassé et bois pré-cieux, comme il se doit. Le troisième estun monstre : un canot de 20 ans d’âge mûpar deux Volvo Penta de 280CV ! En 1981,il a participé à la célèbre course d’endu-rance offshore Venise-Monte Carlo. Deuxsièges, une banquette, et une petite cabine

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Un motoscafo devant le Palais Barbarigo.

M. Elio Salvagno,propriétaire et directeur

de Serenella.

Une étrave qui a de la gueule !

Tableau de bord en ronce de noyer et sièges en cuir.

Trois beautés dans l’atelier.

Aux murs, les gabarits. À l’intérieur de l’atelier de menuiserie.

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sous le capot avant pour se reposer. Lesintérieurs de bateaux de course ont pasmal évolué depuis… Une question me brûleles lèvres : combien valent ces bijoux flot-tants ? Les prix sont évidemment varia-bles. Pour un taxi moyen, on tourneautour de 160 000 €, mais dès qu’onmonte en finition, on crève quelques pla-fonds. Du rêve, je vous dis…

Le lendemain, un long capot verni sur-monté d’un requin chromé m’a tiré l’œil.Le logo du Cantiere Serenella à l’arrièrede la cabine m’a immédiatement rensei-gné. MOA NYC venait de Murano, làmême où j’étais la veille. Manuel Scarpa,pilote de cette limousine d’eau (c’est l’ap-pellation), m’a fait faire le tour du pro-priétaire. On entre par l’avant. Etrangede monter à bord d’un bateau dont j’avaisvu la veille fabriquer les frères. La filia-tion était bien là : luxueux comme unsalon anglais, un tableau de bord à l’an-cienne en ronce de noyer, une poupe

Une limousine d’eau

arrondie comme des fesses de starlette,et un son de moteur à rendre jalouse uneFerrari. C’est un Volvo de 200CV quihabite le capot arrière. Il doit avoir deschats dans sa famille, car on l’entend trèsdistinctement ronronner. Manuel habiteVenise et effectue tous les jours unedizaine de courses. Je ne lui ai pasdemandé le prix, ça m’aurait fait tropmal. Histoire de se dire au revoir, demontrer l’aisance d’un engin qui frise les9 m, et de le faire apprécier sous toutesles coutures, il m’a fait admirer sa dex-térité au petit volant de bois, puis estreparti vers de nouvelles aventures. Descanots en bois comme celui-là, on en voitbeaucoup à Venise. La plupart ne sont pasaussi beaux, mais, lorsqu’on occupe uncertain rang dans une administration ouune société qui réussit, il est de bon tonde circuler avec du bois verni autour desoi. Pareil quand on a épuisé les joies dela gondole. Personnellement, je les pré-

fère anciens, avec les formes arrondiesdes meubles des années 50. Les pompiersde San Polo en possèdent un superbe,d’une trentaine d’années, avec cabinecentrale et sièges en tissu bleu, assortisau gyrophare. « Pour le chef », m’a expli-qué Marco Veronese, le pompier qui m’atrès gentiment montré les ressourcesnavales de la caserne. Les autres bateaux,dont les mufles pointent sous les archesbasses du bâtiment, sont utilisés pour lesinterventions de premier secours. Trèspuissants (240 CV), il ont un tirant d’eautrès faible pour passer dans les canaux lesmoins profonds, et toutes les superstruc-tures se replient, pare-brise compris, pourse faufiler sous les ponts les plus bas.Pompes et tuyaux sont à l’arrière. Levolant est en position centrale, ce qui per-met au conducteur de ne pas gêner sescollègues, plus proches ainsi d’un pointd’abordage. Lorsque cela ne passe plus,les pompiers utilisent des bateaux gon-flables. Pour des interventions plusimportantes, les grosses unités sont baséesà Santa Chiara, près de la gare routière.Marco explique qu’ils sortent plus en étéqu’en hiver, principalement pour repê-cher des gens tombés dans l’eau et, aussipour ouvrir des portes bloquées par l’hu-midité. Les pompiers utilisent aussi depetits bateaux rouge à cabine, semblablesà ceux de la police. La police urbaine. Carj’ai rarement vu autant d’administrations

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Marco Veronese.

Le MOA NYC de Manuel Scarpa.

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différentes. Outre la Polizia locale, il y aaussi la police pénitentiaire aux motoscafiblancs et bleus, les carabiniers, laProtection Civile et ses petits dinghiesrapides noirs, jaunes et blancs au lookrigolo, et aussi les gardes-côtes dont lesvedettes ultrarapides sont garées à côté

de l’arrêt San Marco du vaporetto. Je nementionne presque pas les vedettes grisesdes Postes, les vertes et blanches de l’éclai-rage public, les rouges d’Italia Telecomet les bleues et blanches du service anti-pollution. Il y en a certainement d’autres,mais c’est comme en Amazonie, certainesespèces ne sont pas encore découvertes.

Parmi les bateaux que l’on côtoie tous lesjours à Venise, il en est que l’on remarqueplus que d’autres. Ceux qui se sont faitcopieusement arroser à l’arrêt d’un vapo-retto par une ambulance orange ou jaunepassant à proximité toutes sirènes hur-lantes m’auront compris. Lorsqu’onentend la sirène, mieux vaut s’écarter. Lebateau passe, déjaugé au maximum, ensoulevant un sillage conséquent qui vientmordre les murs des maisons alentours.Les moteurs ne sont pas plus puissantsque les autres : des Penta de 200CV. Ilssont simplement plus « sollicités ». Uneéquipe ambulancière œuvre en moyenne14 fois par jour, 6 jours par semaine. Pouren terminer avec la série des vedettes deservice, j’étais curieux de voir à quoi res-semblait un corbillard à Venise. Je pen-sais à un catafalque flottant, tout noir etverni, fendant solennellement les flotspour emmener les défunts à San Michele,l’île cimetière de la cité. Le rendez-vousétait pris dans le bassin d’un chantiernaval de la Giudecca. Première surprise :le bateau du signore Bernardi est d’un jolibleu franc. « Avant, il était noir, mais jel’ai fait repeindre. C’est moins triste ». C’estune vedette comme il y en a beaucoup ici.Un Perkins de 120CV et une petite cabineen bois verni dans laquelle il peut emme-ner deux ou trois passagers. « Les autressuivent en taxi ». À l’arrière du bateau,

Oranges hurlantes

un support métallique noir permet derecevoir le cercueil, et même de l’expo-ser si besoin est. M. Bernardi officieenviron deux fois par jour en moyenneet les trajets sont toujours les mêmes :domicile, hôpital, San Michele. Il fautcompter de 500 à 900 € l’enterrement.Nettement plus cher qu’un taxi, maisdans ces cas-là, on n’a pas vraiment lechoix et les tarifs sont fixés par la com-mune. Les bateaux que l’on rencontre leplus à Venise sont les « camions ». Laplupart sont des mototopi, des comacina,ou des bragozzi, fabriqués depuis des lus-tres à Chioggia. Ils étaient dans l’ancientemps peints de couleurs vives et munisde deux mats et voiles auriques trapé-zoïdales. Tout en bois, ponté, de 10 à 14 mde long pour une largeur variant entre 3et 4,20 m, une énorme barre franche àl’arrière et un tirant d’eau très faible, lebragozzo a longtemps égayé de ses cou-leurs les canaux de la Sérénissime. On envoit encore quelques-uns dans la lagune,

peints et décorés « à l’ancienne », qui ser-vent au transport de touristes entre lesîles. Les autres sont les bons à tout fairede Venise : déménagement, livraisons,transport de gravats, de bagages… Roby,celui de Valerio Trevisan, coque noire etblanche et pont rouge vif, est propulsépar un Ford de 150Cv. Depuis 30 ans, illui sert à transporter un peu tout et n’im-porte quoi. Pour livrer en ville, il faut êtreétroit, et savoir jouer des coudes, pardon,des bordés. Il faut voir Valerio jongleravec son collègue au moment du débar-quement des colis. Il faut faire très vite,car la plupart du temps, on ne peut pass’éterniser à quai. Ensuite, on redémarrelivrer ailleurs. Au chapitre des barques

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Le bragozzo de Valerio Trevisan.La vedette de la Police pénitentiaire.

La peata d’Ernesto Julio, marchand de fruits et légumes.

Un mototopo.

Le corbillard.

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plus importantes en taille, citons la caor-lina avec sa proue relevée, la comacina, etla peata. Si vous voulez voir une peata quiœuvre toujours, allez faire un tour prèsdu Ponte dei Pugni, à côté de l’église SanBarnaba. Depuis 50 ans, Ernesto vend seslégumes superbes, à quai dans son bateauMario I.

On ne saurait conclure cette revue dedétail des bateaux à moteur de Venisesans dire quelques mots de ceux que l’onvoit tous les jours effectuer leur travailavec une conscience qui les honore. Ilssont tous verts, en ferraille plus ou moinsrouillée, avec une petite cabine ou encoreun pare-vent blanc, et sillonnent lescanaux les plus étroits. Comme en France,ils fonctionnent toute la journée, et ilarrive aussi là-bas, que l’on se trouvecoincés derrière eux. Ce sont les bateaux-poubelles, chargés de collecter les orduresménagères des Vénitiens. Croyez-moi, çan’est pas parce qu’on fait ça sur l’eau quec’est plus marrant. Le Vénitien dépose sessacs en plastiques dans des conteneurs àroulettes prévus à cet effet. Dans la jour-née, à la barre de son bateau vert, unéboueur les récupère. Grâce à un brasarticulé, une petite grue s’en saisit et leslève au-dessus d’un conteneur vide dubateau. Le fond s’ouvre et le contenurejoint les ordures déjà collectées. Il n’y apas de système de compactage des détri-tus à bord et les conteneurs sont remplisles uns après les autres, jusqu’à épuise-ment de l’espace vide. Le bateau repartensuite jusqu’au point de déchargementderrière la gare centrale où les conteneursrejoindront de grosses barges pour ral-lier la terre ferme où les ordures seronttraitées.

Fin de l’aventure vénitienne. AlphonseAllais voulait bâtir les villes à la cam-pagne, les Vénitiens l’ont réalisé sur l’eau.Ils ont pris le temps, vous me direz.Comme quoi, il faut savoir peaufiner sonouvrage. ■

Les bateaux verts

Marche arrière dans un rio étroit en cul de sac.

Bateau poubelle devant Ferrovia, la gare centrale.

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