4 journÉe rÉgionale d’Échanges et de rÉflexions sur la ... · jean-robert lopez, préfet du...

36
4 ÈME JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA COOPÉRATION ET LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE Lundi 8 juillet 2013 Conseil général du Territoire de Belfort (Belfort) ÉCHANGE PARTENARIAT ÉDUCATION AU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDAIRE INTERCULTUREL AIDE AU DÉVELOPPEMENT HUMANITAIRE CITOYENNETÉ INTERNATIONALE VOLONTARIAT MÉCÉNAT FORMATION COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE MUTUALISATION EFFICACITÉ DE L’AIDE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

Upload: others

Post on 29-Sep-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

4ÈME JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA COOPÉRATION ET

LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

Lundi 8 juillet 2013Conseil général du Territoire de Belfort (Belfort)

ÉCHANGE PARTENARIAT

ÉDUCATION AU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDAIRE

INTERCULTUREL

AIDE AU DÉVELOPPEMENTHUMANITAIRE

CITOYENNETÉ INTERNATIONALEVOLONTARIAT MÉCÉNAT

FORMATION

COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

MUTUALISATION

EFFICACITÉ DE L’AIDE

SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

Page 2: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 2

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Le CERCOOP Franche-Comté remercie l’ensemble des participant-es et des intervenant-es qui ont accepté d’animer cette journée.

Ces actes ont été réalisés avec la collaboration de Madame Annick BÉNÉZET, Madame Émeline BRAUD, Madame Vanessa CAMPAN, Madame Samia DERRER et Monsieur Ousmane SYLL.

Ces actes présentent un résumé des interventions de chacun-e. Pour une communication complète, contacter le CERCOOP Franche-Comté.

Page 3: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 3

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

SOMMAIRE

Séance d’ouverture

Samia JABER, Vice-présidente du Conseil général du Territoire de Belfort chargée de la coopération dé-centralisée avec le Liban, Adjointe au Maire de Belfort, Déléguée au commerce, à l’implication citoyenne, à la communication et à la coopération décentralisée,Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

Table ronde 1 : « L’accès à l’eau, une démarche collective d’apprentissage ci-toyen »

Animateur : David ELOY, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

Intervenant-es : Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine,Christophe EGGENSCHWILLER, Correspondant international, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, Délégation de Besançon,Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente de l’ONG Eau Vive,Ornella PUSCHIASIS, Doctorante en géographie, Laboratoire Mosaïque, Paris Ouest Nanterre La Dé-fense,Pierre MORET, Vice-président de l’association Amitiés berbères.

Table ronde 2 : « Comment l’approche par le genre, intégrée dans les projets d’accès à l’eau, est-elle facteur d’émancipation et de progrès ? »

Animateur : David ELOY, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

Intervenant-es :Danièle DULMET, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Franche-Comté,Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération,Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante genre, Maturesence, Enda Europe, Psytel,Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur de l’ONG Eau Vive France.

Séance de clôture

Yves ACKERMANN, Président du Conseil général du Territoire de Belfort,Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional,Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort.

Liste des sigles utilisés

Page 4: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 4

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

SÉANCE D’OUVERTURE

Samia JABER, Vice-présidente du Conseil général du Territoire de Belfort chargée de la coopération dé-centralisée avec le Liban, Adjointe au Maire de Belfort, Déléguée au commerce, à l’implication citoyenne, à la communication et à la coopération décentralisée.

Samia JABER salue l’ensemble de l’assemblée qu’elle remercie d’être présente à ce rendez-vous d’échanges et de partage sur la coopération décentralisée et la solidarité internationale. Elle réaffirme l’engagement du Conseil général du Territoire de Belfort, la Ville de Belfort et la Communauté de l’Ag-glomération Belfortaine (CAB) dans des actions de solidarité internationale.

Samia JABER souligne que le Conseil général du Territoire de Belfort, la Ville de Belfort et la Commu-nauté de l’Agglomération Belfortaine (CAB) possèdent des coopérations historiques avec le Burkina Faso mais aussi avec le Liban et des pays européens tels que l’Allemagne et la Serbie. Les collectivités se sont engagées très tôt dans le domaine de la coopération à une époque où ce n’était pas simple et elles ont œuvré « en catimini » jusqu’à ce que la loi légitime leur intervention.

Elle se réjouit d’accueillir le CERCOOP Franche-Comté, dont la mission répond à une forte attente : travailler en mutualisant les approches.

La CAB est engagée dans la politique de l’eau avec une intervention complémentaire grâce au travail fait dans le domaine agricole.

Samia JABER remercie à nouveau le CERCOOP Franche-Comté et l’ensemble des participants.

Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

Les relations entre le CERCOOP Franche-Comté et le Territoire de Belfort sont anciennes. Elles s’étaient étiolées lorsque le CERCOOP Franche-Comté a connu des difficultés mais elles ont repris vie sous une autre forme. Les liens avec le Conseil général du Territoire de Belfort se sont resserrés et le travail élaboré au Burkina Faso repose sur un travail largement mutualisé.

Page 5: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 5

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Éric DURAND remercie la CAB, Yves ACKERMAN, Président du Conseil général du Territoire de Bel-fort, Étienne BUTZBACH, Maire de Belfort et Président de la CAB, les élu-es et les services des collec-tivités territoriales, d’accueillir cette 4ème journée d’échange et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale. Il remercie également les participants, les intervenants, les collectivités dont celles qui ont rejoint récemment le CERCOOP Franche-Comté (Grand Dole).

Cette rencontre a pris toute sa place dans le paysage de la coopération. Fidèle à ses engagements le CERCOOP Franche-Comté se délocalise chaque année pour mettre en lumière les actions que mènent les collectivités et permettre à davantage d’acteurs de participer aux travaux.

La tâche de cette 4ème journée est vaste. L’eau est un enjeu, une convoitise financière. La Ville de Besan-çon et la CAB sont parmi les chefs de file qui refusent la marchandisation et font un formidable travail d’information, d’appui-conseil, créant un réseau de militants de l’eau publique. L’eau est un enjeu de santé, d’éducation, d’émancipation mais aussi un enjeu politique dont les collectivités franc-comtoises prennent pleinement la mesure, notamment celles qui mènent des coopérations sur ce thème. Il existe aussi un enjeu environnemental avec les problématiques du contrôle des rejets des effluves, des res-sources.Parmi les multiples thèmes possibles d’étude, le CERCOOP Franche-Comté en a retenu deux, au cœur de la problématique de l’eau. La première table ronde intitulée « L’accès à l’eau : une démarche col-lective d’apprentissage citoyen » interroge l’histoire de nos pratiques : combien de coopérations ont commencé par un forage dans un village, implanté sans concertation avec les habitants et finalement laissé à l’abandon au grand dam des généreux donateurs ? Heureusement ces temps-là paraissent révolus. La façon de s’impliquer dans l’aide au développement s’est largement modifiée au fil des années. Pour autant, l’amélioration de l’accès à l’eau potable est un but toujours à atteindre, comme le rap-pellent les Objectifs du Millénaires pour le Développement (OMD) et les réflexions en cours sur les objectifs du développement durable. Souvent, les grands programmes sont plus soucieux de renta-bilité financière et de visibilité que de service aux populations. Ils contribuent parfois à accentuer les disparités dans l’accès à l’eau au sein d’un même pays entre citadins et villageois, quartiers riches et quartiers pauvres. Le phénomène de l’eau rappelle celui des terres, qui souvent se trouvent dans cette même logique de marchandisation. Heureusement d’autres logiques se mettent en place, entre les partenaires de terrains et les actions de coopération décentralisée. Rien ne se fera sans renforcement des compétences des usagers, sans appui technique aux communes, sans aide aux entrepreneurs locaux. Il s’agit d’apprentissage citoyen.

Cet apprentissage citoyen, comment le mettre en œuvre ? L’approche par le genre peut être un des éléments de réponse à la question de la seconde table ronde « Comment l’approche par le genre, inté-grée dans des projets d’accès à l’eau, est-elle facteur d’émancipation et de progrès ? ». En analysant et en prenant en compte ces différences de hiérarchisation socialement construite, le genre est un outil qui permet de structurer et de promouvoir l’égalité hommes-femmes. C’est une approche pertinente à la problématique de l’accès à l’eau potable. Quelques chiffres du Programme pour l’environnement des Nations Unies sont édifiants : pendant que les hommes et les garçons participent à des activités sociales, économiques ou politiques, 90% du temps des femmes et des filles est passé à effectuer des tâches domestiques (cueillette du bois, assai-nissement et transport de l’eau, préparation des repas). En Afrique, 4 à 6 heures par jour sont consa-crées aux tâches domestiques, improductives pour les femmes mises à l’écart de la gouvernance. De surcroît, l’analphabétisme, le manque d’assurance, la faible autonomie financière, sont autant de freins à la prise de responsabilités des femmes. Comment peuvent-elles alors trouver leur place dans les structures de concertation, de décision ? Comment soutenir leur intégration dans les organes de gestion, comment les encourager à se faire élire et à participer aux décisions ? Les pratiques des ac-teurs de la coopération au développement sont-elles à la hauteur de l’enjeu ?

Toutes ces questions seront sans doute l’objet de vifs débats. Le monde change, les façons de faire de la coopération aussi. Le CERCOOP Franche-Comté a cette volonté de se remettre en cause et ses partenaires avec lui, pour avancer sur le chemin d’une coopération ambitieuse qui donne à chacun-e sa chance.

Page 6: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 6

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Éric DURAND espère que cette journée donnera quelques idées clés et souhaite à tous un excellent moment d’échanges sur tous ces sujets.

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

David ELOY excuse Jean-Michel DESPAX, Délégué pour l’Action Extérieure des Collectivités Territo-riales, Direction générale de la mondialisation, Ministère des Affaires étrangères (MAE).Cette première table ronde est plus particulièrement consacrée à la politique de développement. Que peut-on en dire, au-delà de la question de l’eau ?

Samia JABER, Vice-présidente du Conseil général du Territoire de Belfort chargée de la coopération dé-centralisée avec le Liban, Adjointe au Maire de Belfort, Déléguée au commerce, à l’implication citoyenne, à la communication et à la coopération décentralisée.

Jean-Michel DESPAX aurait dit que la question de l’eau est, avec les déchets ménagers, un des sujets les plus importants de la coopération internationale. La question de l’eau est centrale : s’il ne s’agit pas de l’accès à l’eau (les pays développés en bénéficient), il s’agit de l’assainissement, qui est loin d’être réglé. Avec la question des déchets ménagers, ce sont deux problématiques auxquelles sont confrontés les élu-es de collectivités peu dotées en moyens humains et financiers qui doivent faire face, du jour au lendemain, à des problématiques auxquelles ni les élu-es ni les administrations ne sont préparées. C’est complexe, car nous intervenons dans des pays où les dotations ne sont pas celles que nous connaissons, et où le financement, par l’usager, de la ressource et du traitement, n’est pas mis en place. Nous pouvons donc apporter un appui tout à fait intéressant puisque ce sont des politiques que nous développons depuis très longtemps. Nous avons l’expérience, le regard sur le passé, et même en Palestine où nous intervenons plutôt sur le patrimoine historique et sur l’éducation. Ces choix ont été faits en fonction des partenaires.

C’est au Burkina Faso que nous intervenons sur la question de l’eau, avec une démarche que nous avons lancée en 2007, suite au vote de la loi Oudin.

La question du financement est importante, car la coopération en matière d’eau, comme en matière de déchets, nécessite des financements importants. Les collectivités ne sont pas toujours en mesure de dégager des budgets en matière de coopération internationale notamment sur les investissements. La loi Oudin a facilité l’intervention des collectivités françaises dans ce cadre et la CAB a donc pu lancer une coopération avec le Burkina Faso lors d’un déplacement de son Président. Nous avons rassemblé autour de nous d’autres collectivités, notamment le syndicat des eaux du Territoire de Belfort. C’est important puisque ces structures intercommunales, outre leur technicité, peuvent être un exemple d’organisation pour les territoires sur lesquels nous intervenons.

Nous avons fait le choix, dans notre approche, d’interpeller les acteurs usagers. Il y a beaucoup d’ini-tiatives et d’investissement dans le forage de puits, mais assez peu de cohérence entre les agences humanitaires qui mènent chacune leur programme sans concertation. Il y a peu d’actions de sensibi-lisation à l’utilisation de la ressource et à l’aménagement extérieur de ces puits. Il nous a donc paru important d’intervenir plutôt sur la sensibilisation des acteurs, sur l’accompagnement à la formation, avec la création d’une cellule intercommunale de gestion pour que les locaux soient aussi acteurs de la gestion de cette ressource. La sensibilisation est essentielle autour de la problématique de pollution.Grâce à la loi Oudin, nous finançons le projet burkinabè par un prélèvement de 0,25% sur les budgets eau et assainissement. C’est une petite goutte pour le consommateur belfortain mais un levier impor-tant pour la collectivité avec un budget de 23 000 euros par an. Ce qui permet de lever un financement de l’État, du MAE et de l’Agence de l’eau RMC. Le Conseil général fait aussi indirectement un travail sur la question de l’eau, avec une politique agricole sur les mêmes territoires et une sensibilisation à l’utilisation de l’eau dans la production maraîchère.

Page 7: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 7

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

L’agglomération a donné du souffle à la coopération décentralisée. Le rôle des collectivités locales dans l’action internationale est de plus en plus reconnu, il l’a été lors des Assises du Développement et de la Solidarité Internationale. Nous parlons de l’acte III de la décentralisation qui va conférer aux collectivités locales plus de capacités à agir à l’international. Quelles seront ces évolutions ?

Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

Le ministre du Développement, Pascal CANFIN, prépare une loi qui devrait connecter toutes les possi-bilités offertes aux collectivités sur la coopération internationale. De plus, le pourcentage collecté sur la vente de l’eau (1%) pourrait être élargi au service des déchets. Lorsque nous allons dans les pays en développement, nous voyons bien que le développement est allé plus vite que la mise en place des politiques de déchets. C’est dommageable pour l’environnement, les gens et la santé. Si cette possibi-lité pouvait vraiment se concrétiser, tous les syndicats de collecte de déchets pourraient mettre leurs compétences au service des collectivités et de nombreuses actions pourraient être menées.

Samia JABER, Vice-présidente du Conseil général du Territoire de Belfort, chargée de la coopération dé-centralisée avec le Liban, Adjointe au Maire de Belfort, Déléguée au commerce, à l’implication citoyenne, à la communication et à la coopération décentralisée.

Pendant plusieurs années, malgré le soutien du MAE, les collectivités ont travaillé à l’international « en catimini », toujours avec l’idée de devoir justifier cette action. La diplomatie des villes est à développer car l’action d’un pays se bâtit aussi avec des relations particulières, d’élu-e à élu-e, de collectivité à col-lectivité. Le nouveau gouvernement affirme son souhait de pousser les collectivités, de les sécuriser.Nous avons le sentiment que se construit une nouvelle étape de l’action de l’État, des collectivités et des associations, que se rapprochent développement humanitaire et coopération décentralisée. Nous pouvons être complémentaires sur un même territoire, notamment avec la montée en puissance des collectivités dans les pays où l’on intervient. Aujourd’hui, le processus est en train de se structurer. Les organismes humanitaires et de solidarité internationale vont aussi devoir travailler avec les élu-es locaux sur les territoires dans lesquels ils interviennent, en développant une relation de confiance et un partenariat.

Danièle TOUR-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

En complément de ce qui a été dit sur la loi Oudin et l’acte III de la décentralisation, il convient de parler de l’acte II et de la loi Thiollière. C’est celle-ci qui transfère la compétence internationale aux collec-tivités territoriales avec pour seule contrainte de tenir compte de la politique internationale du pays.

Anny MOREL-GRÜNBLATT, Vice présidente CAB.

Les politiques menées en région ne peuvent pas se déconnecter d’une politique internationale du droit d’accès à l’eau. Certains barrages coupent l’accès à l’eau à la source. Les actions doivent être concomi-tantes pour pouvoir continuer. Y-a-t il un moyen de peser sur les grandes entreprises qui signent des contrats avec les pays en développement et les envahissent de plastiques, de déchets etc. sans mettre en place une politique de traitement de déchets ? Peut-être par une taxe ? Il faut faire pression sur ces entreprises pour les responsabiliser face à cette production de déchets retrouvés à même les rues, qui entraînent des problèmes de pollution, de santé.

Page 8: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 8

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

Nous pouvons noter un changement radical dans les orientations de l’Agence Française de Dévelop-pement (AFD), voulu par la nouvelle équipe gouvernementale : les projets qui déstructuraient l’en-vironnement sont abandonnés. L’AFD met fin à une partie de sa politique désastreuse et se tourne vers une politique de développement durable des pays en développement. Il semble toutefois difficile de mettre en place, dans les pays du Sud, une politique telle que celle liée aux déchets lorsque nous voyons combien il a été difficile de mettre en œuvre le système de prélèvement dans un pays avec une gouvernance et une démocratie plus avancées.

Patrick HENRIET, Directeur de la préfecture de Belfort.

Quelques chiffres sont à noter ici. Nous recensons 4 806 collectivités françaises engagées à l’interna-tional, 10 230 partenaires représentant 147 pays et 12 623 projets de coopération. L’effort financier des collectivités territoriales se chiffre à 70 millions d’euros (2011). Tout cela pour confirmer que la coopération décentralisée pour l’État est un véritable levier.

La loi Thiollière a juridiquement apporté quelque chose d’important : la compétence à part entière. Le travail de l’État et des collectivités a pour but de mieux organiser cette relation dans le cadre de l’enga-gement international et de mieux associer les collectivités territoriales aux stratégies internationales destinées à répondre aux enjeux globaux. Il s’agit aussi de renforcer la cohérence et la lisibilité des actions entreprises avec l’atlas (base de données) pour se tenir informé des projets. L’objectif est de reconnaître le savoir-faire des collectivités.

Il est à souhaiter, en ce sens, que les projets de lois en cours sur l’acte III de la décentralisation ren-forcent notamment les compétences des collectivités. C’est aussi concrétiser les engagements en ma-tière d’appui à la gouvernance locale, articuler l’action extérieure des collectivités territoriales avec l’action bilatérale de la France pour que tout le monde soit en phase, pour que l’action de l’État et celle des collectivités aillent de pair dans la coopération décentralisée.

Samia JABER, Vice-présidente du Conseil général du Territoire de Belfort chargée de la coopération dé-centralisée avec le Liban, Adjointe au Maire de Belfort, Déléguée au commerce, à l’implication citoyenne, à la communication et à la coopération décentralisée.

Il y a l’action de l’État à l’international et l’action des collectivités grâce à la mise en place de pro-grammes avec les partenaires. Il faut souligner la sollicitation des ambassades, notamment celle des services de coopération et d’action culturelle (SCAC), qui mènent à leur échelle des politiques d’en-seignement universitaire et de culture. À chaque rencontre d’ambassadeurs ou de personnes char-gées de développer ces programmes, les collectivités sollicitent une aide pour des expertises ou le développement de l’accueil des étudiants étrangers (logement, bourses, réduction du coût des envois des étudiants). Sur des secteurs où nous avons du mal à faire de la coopération, il est intéressant de passer par l’intermédiaire de l’ambassade pour appuyer des actions et faire en sorte que Belfort reste présente.

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

La France a la volonté de réaffirmer le rôle de différents acteurs. Les Assises du développement et de la solidarité internationale ont rassemblé des acteurs qui interviennent dans le champ de la coopération pour porter une politique qui soit la plus intéressante possible.

Page 9: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 9

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Ousmane SYLL, Directeur du CERCOOP Franche-Comté.

Dans la loi d’orientation en préparation, le soutien financier apporté par les collectivités aux asso-ciations de leur territoire est pris en compte afin d’éviter des déconvenues en cas de contestation de citoyen-nes ou d’élu-es. Un autre volet va dans le sens de la concertation avec la création, pour la fin de l’année, d’un Conseil national pour le Développement et la Solidarité internationale. Voilà un espace multi-acteurs de dia-logue et de propositions où se retrouveront l’État, les collectivités territoriales, les entreprises, les syndicats et les organisations non gouvernementales (ONG) de développement et d’humanitaire.

Projection d’un film présentant la coopération de la Ville de Belfort avec deux collectivités au Burkina Faso (Tanghin-Dassouri et Komki-Ipala). Le documentaire a été réalisé il y a 3-4 ans pour montrer le travail mené par le Territoire de Belfort et ses partenaires.

Page 10: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 10

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

TABLE RONDE 1

« L’accès à l’eau, une démarche collective d’apprentissage citoyen »

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

L’eau, ressource vitale pour l’homme, n’est pas un bien comme les autres. L’Assemblée générale des Nations Unies l’a elle-même affirmé en reconnaissant, le 28 juillet 2010, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit humain fondamental.Et pourtant, encore aujourd’hui le scandale persiste. Les chiffres sont connus mais méritent d’être rappelés : Dans le monde, 780 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et près de 2,5 mil-liards n’ont pas accès à des services d’assainissement adéquats. 6 à 8 millions de personnes meurent chaque année des suites de catastrophes et de maladies liées à l’eau. Près de 66% de l’Afrique est aride ou semi-aride et, sur 800 millions d’habitants en Afrique sub-saharienne, près de 300 millions ne disposent que de faibles ressources en eau. Alors que la disponibilité en eau devrait diminuer dans de nombreuses régions, la consom-mation mondiale en eau agricole devrait croître d’environ 19% d’ici 2050 et elle risque d’être plus importante encore en l’absence de tout progrès technologique ou d’intervention politique.

L’ONU a consacré l’année 2013 : Année internationale de la coopération dans le domaine de l’eau. Pour l’organisation internationale, la coopération est surtout vue sous l’angle de la coopération trans-frontalière, entre états ou territoires partageant la même ressource. L’enjeu est de taille et mérite d’être traité. Les conflits liés à l’eau sont une réalité, partout dans le monde, que le spectre du changement climatique et des déséquilibres dans l’accès à l’eau ne fait que renforcer.Pourtant, la coopération dans le domaine de l’eau n’est pas que l’affaire des états, elle est aussi celle d’acteurs très divers, au Nord comme au Sud : les associations de solidarité internationale, les collec-tivités territoriales, les usagers, le secteur privé, etc.En matière de coopération décentralisée dans le domaine de l’eau, la France s’est dotée avec la Loi Oudin-Santini, adoptée en février 2005, un puissant outil puisque cette loi autorise les collectivités territoriales, les syndicats des eaux ou d’assainissement et les agences de l’eau à affecter jusqu’à 1 % de leurs ressources du secteur eau et assainissement pour la coopération internationale dans ces deux domaines.Mais au-delà des textes et des dispositifs, la coopération dans l’accès à l’eau est surtout une démarche collective où des autorités locales, des associations, des populations… tout un ensemble d’acteurs doivent apprendre à se connaître, à coopérer, pour faire de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement un droit effectif.

David ELOY propose aux intervenant-es de cette première table ronde de se présenter et d’énoncer pourquoi et en quoi, la problématique de l’eau les concernent.

Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine.

Le programme appuie les partenaires burkinabè, deux communes rurales, dans l’accès et la gestion de l’eau et de l’assainissement. Il est l’une des actions de coopération structurante de ces dernières années. Ces communes, qui regroupent environ 70 000 habitants, ont la particularité d’être en pé-riphérie de Ouagadougou avec des problématiques à dimensions sociales, économiques et périur-baines. Le jumelage existe depuis trente ans mais le programme de la coopération sur l’eau a démarré en 2007. Les collectivités ont donc, avec leurs partenaires burkinabè, une certaine expérience dans la conduite du programme ainsi que dans les politiques d’accès à l’eau potable. Ce dernier point est éga-

Page 11: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 11

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

lement un enjeu important car c’est un véritable service public local, en gestion communale directe, que portent les communes burkinabè.

Christophe EGGENSCWHILER, Correspondant international, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, Délégation de Besançon.

L’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse (Agence de l’eau RMC) est un établissement public de l’État sous tutelle du Ministère de l’Écologie et du Développement durable. Historiquement, sa mission principale est la mise en œuvre de la politique nationale de l’eau, notamment au niveau des bassins versants et hydrographiques. Elle travaille avec les collectivités du Nord et leur apporte une aide financière, dans un premier temps pour les aider à mettre en place les infrastructures : réseau d’assainissement, stations de traitement et usines d’eau potable.

En 2007, après le vote de la loi Oudin, elle a souhaité accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de cette loi et les aider à mobiliser le 1% pour financer des projets de coopération. Dans les années à venir, dans le cadre de ses politiques, elle a pour ambition de consacrer 1% de son budget, soit environ 5 millions d’euros chaque année, à des actions de coopération internationale. À titre d’exemple, sur l’ensemble du bassin méditerranéen, pour trente départements et environ qua-torze millions d’habitants, le budget est d’environ 500 millions d’euros.

L’Agence de l’eau RMC développe également des partenariats avec certaines associations, notam-ment en Bourgogne Franche-Comté : Doubs Besançon Samogohiri, Koassanga, Afrique 70, EauSoleil Franche-Comté. Historiquement elle a des partenariats avec la Ville de Besançon, Pays de Montbéliard Agglomération (PMA), la Ville de Lons-le-Saunier et des discussions sont en cours avec la Ville de Belfort et la CAB. Elle travaille également avec la Ville de Dijon, l’établissement public territorial des bassins Saône Doubs (EPTB) qui vient de s’engager dans la coopération en lien avec la Ville de Mâcon. L’objectif pour les années à venir est d’aller vers d’autres collectivités de taille plus petite.

Ornella PUSCHIASIS, Doctorante Laboratoire Mosaïques, Université Paris Ouest Nanterre La Défense.

Dans le cadre d’un doctorat en géographie, sa recherche porte sur les questions d’usage, de gestion de l’eau dans la région de l’Everest au Népal. Il s’agit plus précisément d’apporter des éléments sur les pratiques, les discours et les enjeux du changement climatique. Ornella PUSCHIASIS a réalisé une étude après une immersion d’un an et demi au Népal sur la façon dont les gens appréhendent la ressource en eau et ce que le changement climatique implique au quotidien sur les questions de disponibilité en eau.

Pierre MORET, Vice président de l’association Amitiés Berbères.

L’association locale du Nord Franche-Comté, Amitiés Berbères, compte une vingtaine d’adhérents dont une dizaine d’actifs. Elle a été créée par des gens qui voyageaient au Maroc dans les hautes val-lées, à la rencontre des populations berbères isolées qui vivent à 2 000 mètres d’altitude.

Suite à la demande des villageois, un projet d’adduction d’eau a été élaboré avec eux. Il a débuté en 2009 et a connu de nombreuses péripéties notamment un changement structurel administratif. La commune, qui se trouvait initialement dans la province de Ouarzazate, a été rattachée à une nouvelle province créée en 2011 : la province de Tinghir, moins impliquée dans le projet. De ce fait, le projet a dû être revu à la baisse. Trois villages sont engagés et, après avoir fait un captage de sources à 2 500 mètres d’altitude, un château d’eau, pris en charge par la commune, a été construit. Cette année, les conduites de distribution doivent normalement être posées et la construction de sept à huit fontaines est prévue. Outre les fonds propres de l’association, le projet a été financé par le Conseil régional de Franche-Comté, Hydraulique sans Frontières (HSF), Programme Solidarité Eau (pS-Eau).

Page 12: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 12

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

Eau Vive, ONG qui existe depuis 35 ans, s’investit dans les projets de développement, plus particu-lièrement les projets d’accès à l’eau. Depuis le début, elle a respecté les principes de base : ne pas parachuter en Afrique des projets conçus en Europe, mais répondre à la demande locale et laisser la responsabilité des travaux puis la gestion aux populations concernées. Une autre de ses particularités : le personnel présent en Afrique est uniquement africain à travers des délégations au Mali, Niger, au Sénégal, au Burkina Faso, au Togo. Eau Vive est présente en Afrique de l’Ouest avec neufs autorités de bassins comme l’autorité de bassin du Niger, du Sénégal etc.

Les interventions d’Eau Vive visent à organiser et défendre tous les usagers de l’eau. Son travail avec les populations commence avant le forage. C’est à ce moment qu’il faut définir les enjeux, la propreté de l’eau, l’hygiène, l’entretien du matériel. Le forage est ensuite effectué par une entreprise locale et la population, qui participe financièrement au projet, a en charge sa pérennité. Eau Vive tient compte de la décentralisation et œuvre aux côtés des collectivités locales françaises elles-mêmes en partenariat avec des collectivités locales africaines.L’intitulé de la table ronde « une démarche collective d’apprentissage citoyen » correspond très bien aux buts de l’association : développer la démocratie ici et là-bas.

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

La gestion de l’eau, en France, relève d’un service public garanti par des collectivités territoriales et des institutions bien installées. En matière de coopération internationale, nous sommes rarement dans ce cas de figure. Comment impulser la dynamique ? Quelle est la pierre fondatrice d’un projet de coopé-ration en matière d’accès à l’eau ?

Pierre MORET, Vice président de l’association Amitiés Berbères.

Pour l’association, il s’agissait de prendre en compte la demande de la population pour installer l’eau dans des zones très reculées et montagneuses du haut de l’Atlas. La demande a été faite après des ac-tions menées par l’association dans le domaine de l’éducation (création d’écoles, obtention d’institut et d’intervenants). Les différences entre ethnies et cultures entrainent des difficultés pour exprimer une demande auprès des autorités. L’association a joué le rôle d’intermédiaire à certains moments et réalisé un pré-projet en évaluant les besoins techniques et financiers. Il fallait également trouver, localement, des personnes responsables et donc créer une association des villageois. Les autorités souhaitaient une association des usagers.

Il existe déjà des programmes d’adduction d’eau au Maroc, mais les populations délaissées sont mises à l’écart de ces projets. L’apprentissage citoyen et associatif a été difficile. Une association marocaine, installée à proximité et qui avait déjà œuvré dans des actions d’adduction d’eau, a accepté de faire de la médiation et de devenir notre partenaire. Elle a proposé d’être éventuellement notre relais et de faire de la formation à la gestion d’une association et à la gestion de l’eau.

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

La démarche « parfaite » émane d’une communauté en capacité d’organiser une demande collective. Il est nécessaire, pour ne pas être « hors la loi », de prendre en compte les autorités locales, sans oublier les autorités traditionnelles même si elles n’ont plus de pouvoir officiel. Cela suppose un important travail social de terrain en amont du projet. Ces éléments doivent être pris en compte pour que le projet soit réalisable, finançable (malgré des lourdeurs chez les bailleurs européens) et qu’il bénéficie à la communauté.

Page 13: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 13

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

Eau Vive œuvre depuis 35 ans. Qu’est-ce que la décentralisation, plutôt récente, a changé dans vos pratiques ? Quelle inflexion a pu avoir aujourd’hui l’arrivée d’une coopération décentralisée avec les collectivités locales ?

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

Dans le travail d’Eau Vive, l’appui à la maîtrise d’ouvrage a une place essentielle. Les élu-es se re-trouvent avec des responsabilités auxquelles ils ne connaissent rien, des fonds qui ne sont pas tou-jours transférés. Une formation des élu-es est tout à fait importante. En France, les élu-es locaux ne sont pas non plus très préparés à une action de coopération décentralisée et là aussi, il y a de la for-mation à faire.

Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine.

La communalisation intégrale au Burkina Faso date de 2006. Nous avons répondu à une demande directe de collectivités burkinabè qui venaient de se créer. L’accès à l’eau et l’assainissement était le premier besoin. Les communes ont tout de suite voulu intégrer cette thématique essentielle dans le cadre de la coopération décentralisée. Nous avons donc démarré la construction de ces politiques avec eux. L’enjeu majeur est cet accompagnement et cet appui en termes de gestion. Les communes ont fait le choix de s’organiser en cellule mutualisée, forme d’intercommunalité, pour travailler au niveau des populations des villages (entre 80 et 100 villages).

Ornella PUSCHIASIS, Doctorante Laboratoire Mosaïques, Université Paris Ouest Nanterre La Défense.

Il convient d’aborder, en plus de la démarche des besoins et des financements, la question de la re-cherche et la part qu’elle occupe dans la mise en marche d’un projet. Nous avons souvent l’habitude d’associer des projets de recherche à la mise en place de projets de développement, notamment ceux concernant l’accès à l’eau. Finalement la question est vraiment : comment mettre en place un bon pro-jet de développement pour aboutir à l’adduction d’eau ? Comment choisit-on un terrain, un territoire ? Quels sont les moyens ou les conditions ? Comment évalue-t-on les besoins ? Plusieurs questions doivent se poser : d’où vient cette eau ? Il faut comprendre son origine, prendre en compte les problèmes de changement climatique (fonte des glaciers entre autres), les précipitations, les réserves souterraines. qu’est-ce que cette eau ? Quelles valeurs (nourricières, culturelles) lui sont associées locale-ment ? Mettre en place ces projets c’est aussi évaluer les usages (agricole, pastorale, approvisionne-ment pour le tourisme, domestique) de l’eau. quels acteurs travaillent sur ce territoire ? Comprendre, évaluer les besoins, répertorier les usages, élaborer la démarche de pré-projet est indispensable à la mise en place d’un projet de déve-loppement.

Christophe EGGENSCWHILER, Correspondant international, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, Délégation de Besançon.

L’Agence de l’eau RMC est régulièrement sollicitée par des associations pour soutenir un certain nombre de projets. Il faut alors se poser trois principales questions : comment se finance le projet ? (aide du bailleur, prise en charge de l’auto financement, etc.) quelle sera la gouvernance locale du système dans le pays du Sud ? (qui va décider, qui va gérer, entretenir ?). C’est souvent le point faible des projets de coopération. comment seront entretenues les infrastructures financées par le projet, afin d’éviter qu’elles soient à l’abandon et sans aucune gestion ?

Page 14: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 14

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

Le comité de gestion ou, au moins, une personne responsable, doivent être désignés en amont du pro-jet. Des personnes sont nommées au sein du comité de gestion, les personnes qui viennent chercher de l’eau la paient car se pose la question de l’utilisation globale de l’eau, du respect de la ressource et du gaspillage. Souvent ce sont les femmes qui gèrent l’eau. Lorsque l’équipement est en panne, c’est l’argent des « contribuables » qui va servir parce que l’équipement appartient à la population qui l’utilise.

Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine.

Le processus de paiement demande plusieurs étapes, plusieurs outils. Aujourd’hui, au Burkina Faso, nous arrivons progressivement à percevoir les redevances de l’usager. Il a fallu pour cela qu’une véri-table gouvernance locale se mette en place avec des associations d’usagers de l’eau imposées par la loi burkinabè dans chaque village. Sous la houlette des communes, un processus de création de ces associations et de formation des bu-reaux est enclenché. Un forum se tient tous les six mois ; le dernier a permis d’obtenir une tarification de l’eau qui inclut les préoccupations sociales avec une décision partagée. L’étape suivante a été celle des délibérations prises en conseil municipal pour rendre moins contrai-gnante ces redevances acceptées petit à petit par les usagers. Parallèlement, des outils permanents sont là pour renforcer le processus : malles pédagogique, théâtre forum. À la moindre réparation sur un forage, les équipes formées dans le cadre de la coopération décentralisée font un travail de sensi-bilisation au quotidien.

Pierre MORET, Vice président de l’association Amitiés Berbères.

Nous parlons d’entretien, de gestion, de coûts mais encore faut-il que les populations puissent payer quelque chose. Dans le cas de notre association, nous sommes en face de populations démunies de tout et nous avons essayé de les amener à réfléchir à ce qui pouvait être fait le plus simplement. L’en-tretien est assuré par le responsable de chaque fontaine, les réparations se font par des personnes formées, et l’association des usagers, qui dispose d’une certaine somme, couvre ces dépenses.

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

Il faut intégrer ce paiement, cette responsabilité financière. Pour simplifier, les gens n’ont pas les moyens de payer l’eau, mais ont les moyens d’acheter des recharges pour leur téléphone portable. Il y a donc des choix à faire. Le développement n’est pas quelque chose de fixe, c’est un circuit économique. L’argent est donc un élément important. La personne qui fait partie du comité de gestion peut avoir une petite rémuné-ration. Mais il y a d’autres moyens que l’argent liquide. L’usager peut apporter sa contribution, par exemple sous forme de quelque matériau. Cette contribution, qui s’apparente au « troc », va montrer qu’il fait un effort en échange du service dont il a bénéficié. « Le gratuit tue le développement ».

Ornella PUSCHIASIS, Doctorante Laboratoire Mosaïques, Université Paris Ouest Nanterre La Défense.

En haute montagne, au Népal, il y a un problème d’accès à l’électricité. Beaucoup de petits projets de construction de centrales hydroélectriques dans cette région ont été financés par de généreux dona-teurs (touristes). Il y a donc maintenant pléthore de centrales non entretenues.Pour exemple, une organisation internationale autrichienne s’est associée aux Nations Unies et à la population locale, pour mettre en place, en accord avec les villageois, une micro-centrale hydroélec-trique qui alimentait onze villages. Il y a eu au départ une appropriation financière et technique des

Page 15: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 15

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

ONG, il y a eu aussi toute une démarche de formation des populations locales qui aujourd’hui sont les gestionnaires, les usagers et les responsables de cette centrale. Voilà un exemple de projet de déve-loppement réussi et d’appropriation locale.

Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine.

Nous ne pouvons pas généraliser le fait que les populations locales n’ont pas les moyens de contri-buer à ce service public. Depuis le lancement du programme, dans les activités de sensibilisation et d’éducation, le message à faire passer est que le paiement de l’eau potable est aussi une économie pour d’autres dépenses, notamment celles liées à la santé. En revanche, il faut prendre en compte les réalités sociales. Le prix de l’eau n’est pas fixé à prix coûtant, ce sont des barèmes fixés par ménage avec une claire différenciation selon l’usage.

Christophe EGGENSCWHILER, Correspondant international, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, Délégation de Besançon.

Une bonne expertise préalable est nécessaire avant le démarrage d’un projet. Dans cette expertise se posera la question du financement des infrastructures : pour exemple, une association a mis en place des latrines sèches sur un territoire et utilise les sous-produits d’assainissement dans un objectif de fertilisation des terres. Les rendements sont très intéressants, toute une économie se met en place autour de l’utilisation de ces sous-produits et la personne qui s’occupe de la gestion perçoit une rému-nération assez importante. Dans les projets, on peut, par des actions de sensibilisation (notamment auprès des enfants) faire participer les habitants à la construction des structures. C’est le début d’un autofinancement. Bien entendu, cela prend du temps.

Pierre MICHAILLARD, Président de l’Association ARTOUDE France.

Aujourd’hui retraité, il a beaucoup travaillé au Niger, au Mali et au Burkina Faso dans le cadre de Vétérinaires Sans Frontières et ensuite comme conseiller technique de l’administration territoriale. Il souligne que la demande locale, telle qu’elle est décrite, est dorénavant du passé. Elle était formatée par tous les contacts que les gens avaient depuis quarante ans avec les ONG ou les associations.Nous sommes maintenant en décentralisation et les associations de villageois ont remplacé les comi-tés de gestion. Habituellement, les comités de gestion s’occupaient des forages avec une personne responsable et motivée. Cette formule n’a pas été retenue pour l’application de la loi sur l’eau. Nous avons donc créé des associations d’usagers de l’eau qui regroupent les comités de gestion de plu-sieurs villages.Ce qui est très important actuellement, dans les coopérations décentralisées qui ont la chance de fonctionner, c’est qu’elles aident à améliorer les politiques nationales. Cela modifie le rôle des ONG, des associations, responsabilise les collectivités françaises qui agissent également pour favoriser la maîtrise d’ouvrage. Dans ces pays, nous avons à faire à des élu-es locaux de plus en plus motivés et des équipes formées. Si la décentralisation continue à monter en puissance, nous aurons aussi la pos-sibilité d’avoir des techniciens dans les communes, et il faut aller dans le soutien à ce genre d’action. Ce qui manque le plus, c’est un appui à l’éducation au sens large.

Eva PEDROCCHI, Secrétaire départementale d’Europe Écologie Les Verts (EELV).

Comment les pratiques de gestion de l’eau dans les pays du Sud peuvent questionner, voire nour-rir, transformer, notre propre gestion de l’eau dans les pays du Nord comme la France ? Prenons en exemple la gestion de l’eau dans la CAB : c’est une compétence qui est du ressort intercommunal et on s’aperçoit qu’il y a quelques problèmes sur le réseau. Nous avons longtemps repoussé une certaine

Page 16: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 16

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

hausse ou augmentation progressive du prix de l’eau qui aurait dû permettre, peut-être, de ne pas être redevable aujourd‘hui de gros travaux d’investissement, qui nécessite justement de demander des dotations et des ressources suffisantes. Dans vos rapports avec les pays du Sud, la gestion de l’eau a-t-elle interrogé votre connaissance, et dans quelle(s) mesure(s) cela pourrait-il modifier nos propres modes de consommation ?

Mélanie BUGNON, Chargée de mission à la Direction générale adjointe du développement social et éducatif, Conseil général du Territoire de Belfort.

Le Conseil général du Territoire de Belfort a participé au financement et au montage d’un barrage qui permet de relever le niveau d’eau dans les puits paysans. Sur ce projet agricole, notre référent au Bur-kina Faso travaille avec une main d’œuvre importante, puisqu’il avait mobilisé toute la population pour faire le travail de damage, de portage des pierres. Une centaine de personnes chaque jour étaient pré-sentes pour participer à ce projet dans lequel elles avaient un intérêt direct : celui d’avoir de l’eau plus facilement accessible dans le puits. Ce projet a couté au départ 6 millions de francs CFA alors qu’au final c’est un projet qui a une valeur de 30 millions de francs CFA. Voilà un exemple de mobilisation des populations qui y voient leur intérêt.

Allel LOUNES, Président de l’association France Palestine Solidarité.

Quelles sont les difficultés d’intervention auxquelles vous êtes confrontés suivant le contexte politique du site ? Il y a en effet beaucoup d’actions faites sur l’Afrique où malheureusement il existe des pro-blèmes politiques d’insécurité et où des groupes armés peuvent empêcher l’accès à l’eau.

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

La décentralisation a changé la donne. Il faut tenir compte des autorités locales et leur donner les moyens de mener à bien leur mission. Précisément, si l’on veut un développement de la démocratie et une réelle décentralisation, il faut une intervention à chaque niveau de la pyramide avec le niveau local comme intermédiaire et une participation de la population. Les élus locaux doivent être un véritable pouvoir face à l’état central. Par exemple Eau Vive Niger et Eau Vive Basse Normandie sont maîtres d’œuvres déléguées par les élus locaux français et nigériens. Ce n’est pas l’ONG qui dirige, ce sont les élus locaux qui sont très contents d’avoir cette aide.

Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine.

Sur la question de la répercussion de nos pratiques ici au Nord, en Franche-Comté en particulier, nous avons mobilisé directement les services de l’agglomération belfortaine au moment du lancement du programme dans les communes burkinabè en 2007. Nous avons rapidement vu les limites de cette démarche car les fonctionnements sont différents. Les deux communes rurales n’ont pas de système d’approvisionnement par réseau. Nous sommes sur des problématiques d’exploitation de forage. L’échange de pratique et le fonctionnement en réseau ne sont pas opérationnels dans le cadre de ce partenariat et nous avons donc préféré faire appel à de l’expertise essentiellement locale.

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

Il y a un gros travail pour sensibiliser les populations, les associer à la définition des projets, éventuel-lement à leur gestion. Est-ce que ce sont des choses qui se font ici ou qui pourraient être renforcées, consolidées ? Est-ce que la participation au Sud pourrait être reproduite ici ?

Page 17: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 17

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Christophe EGGENSCWHILER, Correspondant international, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, Délégation de Besançon.

Au niveau national au Nord, la population n’est pas du tout associée aux projets d’eau et d’assainis-sement car ce sont les collectivités territoriales qui représentent les usagers et mènent les projets. Nous pourrions associer davantage les populations locales au déroulement des projets, même si cela reste très difficile. Il y a d’ailleurs des instances qui sont là pour donner une vue sur la gestion des services publics d’eau et d’assainissement. Cela fait partie des axes d’amélioration que nous pouvons/devons avoir.La gestion publique/privée est de la responsabilité des collectivités. Dans les deux systèmes de ges-tion, il y a à la fois des avantages et des inconvénients. Il y a eu des dérives dues au non intéressement des collectivités, des élus et des populations à la gestion de l’eau.

Ornella PUSCHIASIS, Doctorante Laboratoire Mosaïques, Université Paris Ouest Nanterre La Défense.

L’intervention au Népal se situe dans un contexte géopolitique très stratégique : le combat entre la Chine et l’Inde, les deux géants qui entourent ce pays. Pour reprendre la question des financements, au Népal, 20 % du budget national provient de dotations et de financements internationaux. Il est donc facile d’imaginer, dans les stratégies de développement, le poids de donateurs qui peuvent être à la fois la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement. Nous parlons de coopération Nord-Sud mais nous pouvons également parler de la coopération Sud-Sud. Au Népal, elle n’atteint pas 6% de financements qui viennent majoritairement de l’Inde. Plus le pouvoir politique est faible, plus l’influence des donateurs est grande. Il y a également la question de corruption et de transparence.

Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

En France, dans l’esprit de la population, l’eau est très abondante et de bonne qualité. De ce fait, les gens ne s’interrogent pas sur le fonctionnement, la qualité ou l’approvisionnement. Est-ce pour cette raison que, dans les pays du Sud, où l’eau n’est pourtant pas un bien abondant, il n’y a pas d’intérêt de la population pour ces questions ? N’est-ce pas alors à nous de rappeler cette fragilité ? Est-ce que vous avez commencé à construire un système de maintien de la protection de la ressource ? Est-ce que vous êtes parvenus à motiver les élus et les usagers à cette problématique ?

Anny MOREL-GRÜNBLATT, Vice présidente de la CAB.

Ces questions intéressent les élu-es car, dans le Territoire de Belfort, nous avons aussi un problème avec l’eau. Un travail a été fait sur les cours d’eau et sur la qualité de l’eau. La CAB connaît aussi des problèmes d’approvisionnement. Nous effectuons des forages, nous travaillons sur les fuites d’eau, car nous sommes en dessous de la moyenne nationale pour le rendement du réseau (70% au lieu de 73%). Effectivement, à partir du moment où l’eau arrive au robinet, les personnes sont moins sensi-bilisées. Un travail est fait dans les maisons de l’environnement, dans les écoles et tous les journaux locaux informent les citoyens des grands projets en matière d’eau.

Jérôme THÉVENOT, Pays de Montbéliard Agglomération, Directeur général adjoint développement, aménagement solidarité, Président Oikocrédit Franche-Comté Bourgogne.

La question de la réciprocité est essentielle. En effet, tant que nous n’avons pas conscience de sa rareté, l’eau n’est pas un bien précieux. Comment identifie-t-on les différents usages de l’eau ? Il y a eu ici une réponse uniforme sur l’eau courante mais on sait aujourd’hui qu’elle est beaucoup trop précieuse pour servir à tous les usages. Y-a-t-il eu des expériences dans les différentes structures et associations pour distinguer l’eau de pluie, l’eau courante, la récupération, la graduation des différents types d’eau ?

Page 18: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 18

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Gaël BISSOUE, Président de l’Association Internationale pour le Développement Rural en Afrique.

Toute l’Afrique ne connaît pas des problèmes d’eau. Certains pays en ont beaucoup (Gabon, Came-roun). Le problème relève de l’exploitation et de la distribution. Quelle est la place de l’eau de pluie, qui est très écologique, dans le système de gestion de l’eau ?La coopération est plus axée sur certaines zones de l’Afrique, notamment l’Afrique de l’Ouest, mais la situation est différente selon les zones : certains pays sont presque désertiques, d’autres ont de l’eau et ne savent pas la gérer. Est-ce qu’avec votre expérience, il n’y a pas eu lieu d’établir d’autres parte-nariats avec d’autres pays dans l’idée de faire des retours d’expériences ?

Michel DELHON, Association Archipel Indonésia.

Dans les pays où œuvre l’association, il n’y a pas de problème d’abondance mais plutôt de potabilité. La plupart des cours d’eau sont devenus des égouts à ciel ouvert et le recyclage de l’eau est véritable-ment un problème, en plus de celui de la gestion.

Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine.

La réciprocité dans les échanges de la Ville de Belfort et de la CAB avec ses partenaires est très impor-tante. Les syndicats des eaux de Giromagny et de Rougemont-le-Château sont très intéressés par les espaces de concertation existants à Tanghin-Dassouri et à Komki-Ipala, sous la forme de rencontres périodiques ou de théâtre forum. Ce sont des choses sur lesquelles ils ont réfléchi pour les intégrer aux pratiques locales.La réciprocité, c’est aussi tout ce que nous pouvons organiser périodiquement sur le territoire. Les actions d’éducation au développement sont des occasions de nous interroger sur nos pratiques, d’ap-prendre aussi beaucoup de nos partenaires et de leur expérience. Pour cela, nous conduisons des temps forts avec le CERCOOP Franche-Comté et avec d’autres collectivités de Franche-Comté, en ac-cueillant régulièrement nos partenaires. Ils peuvent ainsi venir témoigner auprès de nos populations de leurs expériences là-bas et nous pouvons nous interroger ensemble sur ces problématiques de droit, d’accès à l’eau, les confronter à nos préoccupations et apporter des réponses communes.

Nous fêtons les 30 ans de la coopération avec le Burkina, ce sont des relations historiques entre les territoires communaux. Mises en place en premier lieu à travers des jumelages, elles se sont trans-formées en partenariats de coopération décentralisée. Aujourd’hui, il est difficile d’élargir le réseau déjà très dense de villes partenaires : le conseil municipal ne souhaite pas l’étendre parce que nous ne pouvons répondre à l’ensemble des sollicitations faute de moyens techniques et financiers.

Pierre MORET, Vice président de l’association Amitiés Berbères.

Pour préserver la ressource et sa qualité, le projet initialement prévu était le captage d’une partie des sources. Les habitants étaient conscients qu’il fallait prélever le strict nécessaire pour eux afin de pré-server la ressource tout en donnant aux bergers la possibilité d’abreuver leurs animaux.

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

Nous parlons des usages de l’eau mais nous ne disons rien sur ses origines. Il faut différencier l’eau de surface de l’eau souterraine. Rien n’est fait pour récupérer et protéger l’eau de pluie qui provoque des inondations avant de s’évaporer et de disparaître. Or, elle pourrait être utilisée. Dans les pays d’Afrique subsaharienne, l’agriculture est exclusivement pluviale ; rien n’est fait contre le manque de pluie. Dans les pays submergés par l’eau, il n’y a pas d’accès à l’eau potable. Ce sont deux choses différentes. Pour protéger la ressource, nous n’avons pas les mêmes perceptions qu’ici.

Page 19: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 19

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Avons-nous des exemples à tirer de ce qui se passe en Afrique ? Cela ramène à l’exemple de la rede-vance à Ouagadougou où les prix sont différents en fonction du nombre de personnes par famille et du volume de consommation.

Christophe EGGENSCWHILER, Correspondant international, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, Délégation de Besançon.

Pour mettre en avant la question de la nécessité de l’eau au-delà du petit cycle (eau potable et assai-nissement), il s’agit d’avoir une réflexion sur le grand cycle qui contient la préservation des ressources. C’est plutôt le modèle du Nord qui doit servir au Sud. Nous avons, en Europe et en France depuis quelques années, une réflexion sur le grand cycle, la préservation des eaux humides, la lutte contre les eaux diffuses. Nous voyons malheureusement les mêmes problématiques arriver dans les pays du Sud. Il faut que la préservation de la ressource en quantité et en qualité soit prise en compte le plus en amont possible.

Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine.

À Tanghin-Dassouri et Komki-Ipala, le prix de l’eau est fixé par rapport au nombre de personnes. L’eau est plus chère pour les personnes qui en ont une utilisation commerciale ainsi que pour les éleveurs et les maraîchers. Le prix du m3 diffère selon l’utilisation.

Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération.

PMA et la Ville de Montbéliard ont des partenariats avec la commune rurale de Zimtanga au Burkina Faso. Nous sommes dans le cadre d’un projet mutualisé à la fois entre les collectivités franc-comtoises et les collectivités burkinabè. Dans ce contexte, il semble important de montrer l’intérêt pour les gens de sortir de leur pré carré et de promouvoir les échanges d’expériences pour montrer « qu’ailleurs, c’est possible » : réparer les puits, commencer d’autres ouvrages, assurer la pérennité, mettre en place une redevance, etc. Une association d’usagers de l’eau est mise en place dans chaque village.

Virginie GENEVOIS, Présidente de l’association Andes Fertiles.

L’association Andes Fertiles, qui existe depuis neuf ans, intervient en Bolivie et n’a jamais reçu d’aide du Conseil général. C’est une petite association de terrain, qui travaille avec les municipalités locales avec un partenariat solide. Comment accéder à des financements pour travailler plus efficacement ? La Région soutient l’association mais l’Agence de l’eau semble n’aider que les grosses structures.

Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

En Franche-Comté, il y a plusieurs appels à projets (Région, Jura, Doubs, Territoire de Belfort). Au CERCOOP Franche-Comté, nous essayons de travailler sur la mise en cohérence des critères des ap-pels à projets, afin de s’approcher d’un même cahier des charges dans toute la région, avec des cri-tères de sélection sur la pérennité du projet, la gouvernance, la viabilité, l’appui aux opérateurs et le renforcement des capacités des acteurs locaux.

Mélanie BUGNON, Chargée de mission à la Direction générale adjointe du développement social et éducatif, Conseil général du Territoire de Belfort.

Les demandes de subvention adressées au Territoire de Belfort dans le cadre de l’appel à projets

Page 20: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 20

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

seront examinées et soumises pour avis technique au CERCOOP Franche-Comté. Toutefois, la déci-sion d’octroyer ou pas une subvention est du ressort du Conseil général.

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

En supposant que tout le monde ait accès à l’eau potable, cela ne règle pas le problème du revenu des gens et du développement économique. S’il n’y a pas d’emploi à la campagne, tout le monde part en ville. Le problème de l’eau et de l’accès à l’eau et à l’assainissement se pose de plus en plus dans les milieux périurbains.

Pierre MORET, Vice président de l’association Amitiés Berbères.

L’important est d’arriver à faire prendre en compte les souhaits des gens. Nous nous sommes aperçu qu’en traitant avec les autorités administratives, tout n’est pas acquis. Nous avons dû abandonner un projet, faute d’accord-cadre qui ne pouvait être signé de notre côté par exemple.

Ornella PUSCHIASIS, Doctorante Laboratoire Mosaïques, Université Paris Ouest Nanterre La Défense.

Cette journée est importante car elle permet la rencontre des collectivités territoriales, des acteurs du développement, des universitaires. Elle permet aussi de poser les questions plus globales de finan-cement, de corruption, de relations, de stratégie… et d’aborder l’aspect technique pour comprendre l’eau dans sa dimension hydro sociale (les représentations, les techniques d’usages etc.). Est-ce que l’eau peut être aussi un miroir de la société ?

Christophe EGGENSCWHILER, Correspondant international, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, Délégation de Besançon.

Dans le cadre du projet 2013-2018, l’Agence de l’eau RMC est susceptible de financer les projets des collectivités, des associations : de 40 à 50% de subventions pour les travaux ; jusqu’à 80% pour les expertises. L’instruction technique des projets et l’accompagnement sont faits en partenariat avec le CERCOOP Franche-Comté.

Amel DJAFFAR, Responsable des relations internationales, Ville de Belfort, Communauté d’Aggloméra-tion Belfortaine.

En tant que collectivité et animateur d’un partenariat en coopération décentralisée, notre préoccupa-tion est de pouvoir renforcer la maîtrise d’ouvrage communale, aussi bien de manière politique que technique. Cette dimension reste l’enjeu le plus important et suppose un travail quotidien fait par les élu-es et les techniciens sur place pour rester en phase avec la population et faire en sorte qu’elle s’ap-proprie les projets. Au cœur de tout cela, se pose la question de la capacité de gestion et de la prise en compte des dispositions locales.

Page 21: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 21

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

TABLE RONDE 2

« Comment l’approche par le genre, intégrée dans les projets d’accès à l’eau, est-elle facteur d’émancipation et de progrès ? »

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

Les femmes et les hommes contribuent de manière différente, et souvent inégale, à la gestion de l’eau dans le Sud, aussi bien au niveau du ménage que de la communauté. C’est peu de le dire. Le Rapport 2012 de l’ONU sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) souligne qu’en Afrique subsaharienne, 71% du fardeau de la collecte d’eau incombe aux femmes et aux filles. Au niveau mondial, on estime que les femmes passent plus de deux cents millions d’heures par jour à collecter de l’eau.Ce qui a fait dire à Michelle BACHELET, ex-présidente du Chili et directrice de l’ONU Femmes en 2012 : « Les femmes et les filles attendent avec impatience une eau salubre et potable qui soit dis-ponible, accessible et abordable. Nous ne pouvons plus mettre en péril leur potentiel à devenir des dirigeantes inspirées, des entrepreneuses à succès ou des mères en bonne santé, à cause du lourd fardeau que constitue la collecte de l’eau ».Toujours selon ONU Femmes, la recherche a montré également que la représentation accrue des femmes dans les lieux de décision faisait la différence. En Inde, le nombre de projets d’eau potable se-rait de 62% plus élevé dans les régions où les collectivités sont dirigées par des femmes. Et pourtant la participation des femmes à la prise de décisions sur l’eau reste faible et elles ne sont pas suffisamment prioritaires dans les politiques, programmes et infrastructures hydrauliques.

La Déclaration finale de la Conférence sur le développement durable de Rio+20 : L’avenir que nous vou-lons souligne clairement l’engagement de la communauté internationale à « la réalisation progressive de l’accès à de l’eau potable saine et abordable et à l’assainissement de base pour tous, le cas échéant, pour l’éradication de la pauvreté, l’autonomisation des femmes et la protection de la santé humaine ».La coopération de collectivité à collectivité, de société civile à société civile a un grand rôle à jouer pour traduire les intentions en faits. C’est ce dont témoignent les projets menés dans le domaine de l’accès à l’eau et à l’assainissement.

David ELOY excuse Madame Evelyne SAGON, Présidente de l’association Solidarité avec les femmes du Bénin (SOFEMBE), et Madame Pauline CHABBERT, de la sous-direction santé, sécurité alimentaire et développement humain du ministère des Affaires étrangères (MAE) qui n’ont pu se rendre dispo-nibles.

Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération.

Agnès ROSSETTI excuse et remplace Yves LANÇON, indisponible aujourd’hui. En tant qu’ancienne directrice générale des services techniques de PMA, Agnès ROSSETTI a travaillé en 2008 à un projet de maraîchage au bénéfice d’un groupement de femmes dans la région de Zimtanga (120 kilomètres au Nord de Ouagadougou au Burkina). C’est à la suite de cette première expérience qu’a été soulevé le problème d’accès à l’eau. PMA, qui exerce cette compétence, a saisi l’opportunité de la loi Oudin-San-tini, pour engager un projet eau/assainissement en 2011.

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

En France, Eau Vive conduit un projet transversal à tous les pays, axé sur la citoyenneté, l’émancipa-tion sociale et économique etc. Il y a une dizaine d’années, Eau Vive a commencé, comme beaucoup d’autres, à creuser des puits

Page 22: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 22

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

sans concertation. Ce fut un échec considérable. Il n’y a maintenant plus rien, les habitants ne se sont pas approprié un projet fourni clé en main. Nous nous sommes rendus compte très vite qu’une partie du public bénéficiaire n’était pas « autour de la table ». Depuis, une grande part de la population est représentée dans les comités avec lesquels nous travaillons.

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

Urbaniste de formation, elle a travaillé en Colombie autour des questions de développement urbain dans les quartiers populaires. Elle a également exercé au Népal avec une approche genre pour étu-dier l’impact sur les femmes des mauvais fonctionnements de la plupart des services publics (eau, électricité, transport…). Marie-Dominique DE SUREMAIN a récemment travaillé en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Burkina Faso).

Danièle DULMET, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Secrétariat Général des Af-faires Régionales de la Préfecture de Franche-Comté.

Elle travaille à la mise en œuvre de l’égalité entre les hommes et les femmes en Franche-Comté. Un travail a débuté avec le CERCOOP Franche-Comté pour intégrer l’approche genre dans les projets de coopération décentralisée et de solidarité internationale.

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

On reproche souvent au concept de genre d’avoir émergé dans le milieu anglo-saxon. Nous pouvons donc, dans un premier temps, nous demander ce qu’est le genre ? Est-ce le droit des femmes, l’égalité homme/femme ? Que recouvre concrètement cette problématique de genre ?

Danièle DULMET, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Franche-Comté.

La notion de genre est un concept sociologique. C’est aussi une méthode, des outils que nous utilisons pour arriver à l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce concept sociologique, au-delà du sexe, exa-mine les rapports sociaux entre les sexes, et cherche à dépasser les valeurs du masculin et du féminin dans la hiérarchie des normes.

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

Cette définition est tout à fait correcte. Ce sont les rapports sociaux entre les hommes et les femmes, les inégalités entre les hommes et les femmes et le fait de les analyser, de les considérer.Il convient de différencier les projets femmes et développement de ceux appelés genre et développe-ment. Nous avons réclamé, dans les projets de coopération, des ressources pour pouvoir travailler et rendre visible les rapports particuliers des femmes avec les différentes thématiques. Les projets femmes et développement ont très vite montré leurs limites : il s’agissait de petits projets marginaux, dirigés vers les femmes sans remettre en cause les structures générales. Par exemple, un projet de maraîchage femmes et eau recouvre un grand projet de développement. Une petite partie des femmes en est bénéficiaire sans que soit discutée la participation hommes/femmes. Le concept de genre a permis de d’aborder l’ensemble des questions.

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

L’engagement des femmes dans les projets ne résout qu’une partie des questions. La place des femmes dans le processus de décision n’était toujours pas prise en compte. Il y avait derrière cela

Page 23: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 23

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

une notion d’éducation. Les hommes doivent aussi se rendre compte de ce que les femmes peuvent apporter dans les cadres de concertation.

Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération.

Les objectifs de départ du projet de maraîchage étaient d’abord de faciliter la création d’un groupe-ment de femmes. Comment aider des femmes disposant de très peu de moyens à développer leur capacité à faire du maraîchage pour leur permettre de générer un revenu et donc avoir un peu plus d’autonomie ? Lorsque les femmes ont un revenu, cela profite à toute la famille. Un tiers des crédits était affecté au renforcement de capacités : techniques de maraîchage et de compostage, alphabétisa-tion de base, apprentissage de la gestion, etc. Concrètement, le compost était fabriqué par les femmes mais les maris se l’appropriaient pour leurs propres champs. Nous avons travaillé avec une ONG burkinabè locale, avec des femmes en direc-tion des femmes sans pouvoir modifier sensiblement les habitudes. Il y a des points plus positifs, les champs dédiés aux femmes généraient un revenu qui leur permettait d’avoir plus d’autonomie, de mobilité, de payer l’école aux filles, etc.Le genre était une opportunité et est devenue une préoccupation notamment dans l’accès à l’eau. Les associations d’usagers étaient composées d’un tiers de femmes. Les hygiénistes, au nombre de deux par village, comprenaient un homme et une femme de façon à pouvoir toucher les deux sexes. Nous avons encore peu de recul sur ces projets récents.

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

Ce que nous avons appris de la thématique de l’eau, c’est de voir des choses que nous n’avions pas l’habitude de voir. Pour reprendre une phrase célèbre de Lévi-Strauss « Tout le monde partit en pi-rogue, nous laissant dans le village abandonnés avec les femmes et les enfants ». Ce point de vue masculin est porté par beaucoup de techniciens, parfois même des femmes. Nous utilisons le terme de chef de familles, les outils ne sont pas neutres.En faisant une étude à Bogota, où 90% des quartiers sont raccordés au réseau d’eau, nous nous sommes rendu compte que 65% des personnes enquêtées ont l’eau à la maison mais de façon in-termittente et sans horaire fixe, parfois la nuit. Il n’est donc pas suffisant d’avoir des tuyaux… La vie n’est pas possible sans eau. Ce sont des quartiers où les femmes portent l’eau au quotidien. Qui fait le travail ? Lequel est payé et reconnu ? Lequel est gratuit ?

Nous avons fait une enquête auprès de 2 000 femmes à Bogota sur le problème de l’eau pour le mettre dans l’agenda public et dans l’agenda des services sociaux qui travaillent sur cette question. Dans le cas de la construction d’une garderie, la fourniture de l’eau est très importante. Nous avons fait des installations qui permettaient d’alléger le travail des gardiennes d’enfants. Il a fallu travailler, faire des ateliers hommes/femmes d’entretien de la plomberie, etc.

Danièle DULMET, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Secrétariat Général des Af-faires Régionales de la Préfecture de Franche-Comté.

Nous sommes un peu plus avancés en France sur la question d’égalité entre les hommes et les femmes, bien qu’il y ait encore du chemin à parcourir. Nous retrouvons les mêmes stéréotypes, notamment sur les métiers techniques, réputés pour ne pas être des métiers pour les femmes. Si nous ne rendons pas visible la place des hommes et des femmes dans certains projets, nous continuerons à avoir des inégalités et peut-être même à être contre-productifs au niveau du développement.

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

Comment faisons-nous alors dans les projets sur le terrain pour que les femmes trouvent une place ?

Page 24: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 24

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

Les choses évoluent. Le phénomène de la décentralisation aide beaucoup à cela. Aujourd’hui même si les compétences sont infimes, même si les moyens ne sont pas là, il y a des cadres qui s’installent. Dans les interventions faites par Eau Vive, lorsqu’un plan de développement communal est lancé, il y a pratiquement 50% de femmes dans les assemblées plénières. Évidemment, au moment de désigner un représentant, il n’y a plus qu’un tiers de femmes. Des comités de développement sont constitués par village et, là encore, nous retrouvons une dizaine, une quinzaine de femmes. Beaucoup d’entre elles sont investies, ont la capacité de parler au nom des leurs, d’aller à la rencontre des autres dans les villages.

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

Doit-on attendre que les femmes conquièrent les espaces de décisions ? Ou faut-il accompagner ce mouvement et créer des cadres ou des dispositifs permettant d’aller plus vite qu’une évolution obte-nue grâce à l’action d’autres acteurs ?

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

Tout un public de femmes prend maintenant des places qui n’existaient pas avant, ou parvient à les créer.

Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération.

Nous restons tout de même sur un système traditionnel très fort, avec la polygamie. Par contre, le Maire de Zimtanga a cette préoccupation. Ceci explique la représentation féminine dans les différentes instances. Pourtant, dans notre travail et notre dialogue avec des ONG locales, l’homme est là comme porteur de la science malgré les discours ouverts. Nous avons voulu avoir des dialogues directs avec les femmes pour mesurer leurs propres avancées, les limites. Malheureusement, cela s’est soldé avec pour fin « si ce projet là ne fonctionne pas, c’est de la faute de la femme ».

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

Lorsque nous travaillons sur ces sujets, nous avons souvent le sentiment que des forces adverses brident les femmes. Mais quand nous travaillons en direct avec elles, elles déploient une créativité, une énergie, une force vitale qui portent les projets. Nous travaillons avec les femmes qui font des avancées considérables, mais il y a parfois un évènement qui vient casser le déroulement du projet. Les choses avancent mais nous sommes toujours menacés de recul ou de retour de bâton.

David ELOY, Animateur, Rédacteur en chef de la revue Altermondes.

Comment faisons-nous bouger les choses ? Nous pouvons accompagner par l’éducation mais qu’y-a-t il d’autre pour modifier les mentalités ? Par exemple à travers les projets eau.

Danièle DULMET, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Secrétariat Général des Af-faires Régionales de la Préfecture de Franche-Comté.

Il est important d’avoir un certain nombre de marqueurs pour évaluer l’avancée d’un projet. Lorsque nous disons que les femmes participent davantage, nous avons l’illusion de l’égalité mais il est difficile, surtout au début d’un projet, d’avoir des statistiques permettant d’évaluer les avancées. Il faut tenir

Page 25: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 25

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

compte de tout l’environnement socioculturel de ces femmes et du poids de la culture, de la religion, des mœurs. Il s’agit donc de favoriser leur autonomie dans la gouvernance des projets.

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

Il y a un processus irréversible. Mais, une fois que le principe de la participation des femmes est ac-quis, cela de ne se fait pas « de but en blanc ». Nous avons souvent des difficultés à trouver des finan-cements pour ces activités. Tout le travail de diagnostic entrepris en amont est financé en partie par les fonds propres. Il y a des coûts qui ne sont pas pris en compte par les financements mobilisés.

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

La difficulté se trouve dans le développement de cette partie de l’ingénierie sociale. L’évolution des mécanismes de financements de projets montre aujourd’hui un certain formatage. Nous voulons du résultat, des chiffres, des cadres logiques, une cohérence des projets. Parfois cela va trop loin et la forme prend le dessus sur le fond. Le travail est mal financé, il faut faire plus avec moins, au détriment parfois de la qualité des projets.

Cette évolution n’est pas forcement favorable alors que le genre devient de plus en plus formaté. En France, nous avons un retard abyssal par rapport aux autres pays européens. Il a fallu beaucoup pous-ser quelques personnes d’ONG très militantes sur ce sujet pour obtenir un premier document d’orien-tation stratégique (DOS) en 2007 et quelques programmes de mise en œuvre des formations pour plus de pouvoir et d’autonomie. Le DOS sera mis à jour et couvre maintenant la coopération décentra-lisée. L’AFD doit aussi se doter d’un document global et, peu à peu, la plupart des acteurs de la coopé-ration française devraient être accompagnés pour améliorer l’articulation entre les différents acteurs et faciliter l’utilisation des différents outils. L’idée est d’avancer ensemble pour pouvoir mieux faire.

Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

Comment les critères sont-ils fixés ? Comment savons-nous qu’une association de solidarité interna-tionale intègre le genre dans ses actions et comment cela est-il évalué ?

Jean-Pierre AMIOTTE, CCFD Terre Solidaire.

Le financement du travail qu’il faut mener en amont des projets : l’état des lieux, les repères à avoir, etc. est souvent oublié. Nous pourrions relier ça à des activités d’éducation au développement. Il y a des choses à faire bouger dans les têtes. Lorsque nous parlons de solidarité internationale, c’est tra-vailler avec les gens dans le Sud mais c’est aussi agir et faire réfléchir chez nous.

Intervention d’une personne du public.

Par rapport à l’approche genre par l’accès à l’eau, y-a-t’il une similitude avec l’octroi des microcrédits aux femmes leur permettant d’accéder à une émancipation qui bénéficie en priorité aux femmes et aux filles ? Y-a-t il une approche sociologique étudiant le fait que les femmes sont multitâches ?

Bernadette BAUDET, Médecins d’Afrique Franche-Comté.

Un des premiers objectifs de l’association Médecins d’Afrique est de promouvoir les soins de santé primaires en privilégiant le couple mère-enfant. Un des premiers projets a été l’alphabétisation des mères. C’est à partir de la femme que l’éducation et la santé de l’enfant va se faire. Ce projet n’a pu

Page 26: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 26

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

être évalué car nous avions commencé au Congo Brazzaville et avons été arrêtés par les épisodes de guerre. Le projet a repris et pourra être évalué prochainement avec des résultats quantifiables.

Danièle DULMET, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Secrétariat Général des Af-faires Régionales de la Préfecture de Franche-Comté.

Pour l’octroi de fonds européens, la mise en place de l’égalité homme/femme doit faire partie du pro-jet. Nous avons mis en place une méthodologie, qui nécessite une analyse de la situation au départ. Il faut se donner des objectifs chiffrés, trouver des marqueurs pour mettre en place les moyens humains et financiers. Nous pouvons maintenant mesurer certains projets européens.La Région et l’État ont comme critère l’accès des filles aux formations scientifiques et techniques. Dans les écoles d’ingénieurs où il y a moins de 15% de filles en Franche-Comté, une école d’ingénieur a augmenté de dix points le nombre de filles en se donnant les moyens pour atteindre les objectifs.

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

Eau Vive France met en place des modules de formations destinés aux enseignants. Nous analy-sons ensuite les résultats. Combien d’enseignants ont pu dispenser eux-mêmes des formations aux classes ? Combien d’entre eux ont suivi ces formations ? Nous apprécions également l’augmentation du renforcement de capacités dans les publics visés.L’obtention de document administratif est également importante. Une femme qui n’existait pas socia-lement va désormais faire des démarches pour obtenir une carte d’identité, une carte d’électeur. Cela est très significatif, la femme est citoyenne.

Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération.

Le renforcement des capacités est important. Dans le cadre du projet de PMA, le premier chemine-ment a été de permettre les formations d’alphabétisation de base pour que les femmes soient recon-nues, qu’elles aient l’estime de soi et qu’elles augmentent leur savoir-être et leur savoir-faire.L’accès aux microcrédits, l’un des premiers éléments mis en place, a plutôt été utilisé pour sortir de moments difficiles que pour servir à l’entreprenariat. Mais le souhait reste intact, et nous nous plaçons dans des processus longs. Nous n’avons pas structuré non plus la formation des hommes à l’accep-tation d’un projet où ils voient leur femme progresser. Nous nous en sommes rendu compte après discussion et analyse.

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

Nous pouvons nous demander si les projets « femmes et eau » ne sont pas la même chose que « femmes et microcrédits » : nous enfermons les femmes dans de petits financements pour de petites activités et nous ne pensons pas à l’emploi formel des femmes.Dans le monde des projets, nous nous focalisions sur les activités génératrices de revenus (AGR), cela a été assez critiqué. Les femmes remboursent mieux les petits crédits que les hommes pour des raisons de rapport à l’argent que nous pouvons analyser en termes de genre. Les femmes paient car elles sont plus dépendantes du contrôle social et en même temps il y a toujours les deux faces. Parfois c’est une gestion de la pauvreté et non pas du développement.

Les femmes font des économies et gardent de l’argent. Cet argent, la Banque Mondiale veut le capter. Il y a un double discours autour du microcrédit, car il est aussi la volonté d’intégrer massivement dans l’économie monétaire des gens qui étaient à l’extérieur. En même temps, les femmes ont besoin de gagner de l’argent car l’homme ne paiera pas forcément. Il y a une pression à la monétarisation, une très forte pression sociale qui fait que les femmes paient le crédit. Dans de nombreux pays, des formes de solidarité traditionnelle permettent aux femmes de

Page 27: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 27

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

faire des échanges de services monétaires ou non et de produire du bien-être là où il n’y a pratique-ment rien. Cette énergie est un apport au monde. Même si c’est le fruit de l’exploitation des femmes, c’est aussi une vitalité, un grand nombre de services de ce que nous avons appelé l’économie du Care.

Des concepts ont été créés pour analyser ces choses, nous appelons cela les besoins pratiques et stra-tégiques de genre. L’eau est un besoin pratique des femmes. Aujourd’hui, dans les relations initiales des femmes, si elles n’ont pas de garderie, pas d’eau, elles ne peuvent pas jouer leur rôle convention-nel dans la reproduction sociale ; mais, ce faisant, surgissent des besoins stratégiques de genre qui induisent des changements dans les rôles homme/femme. Il faut arriver à faire reconnaître dans les évaluations une partie qualitative qui vient de témoignages de femmes reconnues par les autorités, par leur communauté etc. Il y a d’autres programmes à mettre en place avec les hommes pour travail-ler l’évolution de la masculinité, de la fraternité et de la paternité et comprendre comment ils vivent ce changement.

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

Le microcrédit n’est pas une fin en soi. À partir du moment où nous faisons des infrastructures qui de-mandent de l’argent pour être entretenues, il faut donner plus de moyens aux gens. Il faut également trouver l’activité économique qui parle aux femmes, aux jeunes etc., et que cela soit financé par des bailleurs extérieurs sinon ces gens-là retourneront tôt ou tard chercher l’eau aux précédentes sources.

Marie-Pierre RIOT-BETTIG, Responsable entreprises CRIF Formation et Conseil.

Il aurait été judicieux d’avoir à cette table une personne ayant profité de largesse du maraîchage ou autre pour savoir ce qu’elle en pense. Vient ensuite une question en lien avec l’émancipation : est-ce que les femmes ont su essaimer ce que vous leur avez apporté ? Nous sommes dans un cocon assez fermé. Qu’est-ce que les femmes ont fait de leur expérience et de ce que vous leur avez apporté ?

Gaël BISSOUE, Président de l’Association Internationale pour le Développement Rural en Afrique.

En Afrique, une conception globalisée de la parité est inexacte. Les cultures en Afrique ne sont pas les mêmes selon le pays. Les relations entre les femmes et les hommes ont beaucoup changé. Au Rwanda par exemple, la parité a peut-être même dépassé celle de la France. Nous avons l’impression qu’en Afrique les femmes sont marginalisées mais, avec le temps, les choses évoluent. De nos jours, ce sont même plutôt les hommes qui font tout. Le rôle de la femme, si elle ne travaille pas, se limite aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants. Si elle travaille, l’homme utilise son argent, ses économies, ses investissements personnels pour payer la maison. L’homme est le chef de la famille donc s’occupe du logement, des enfants. L’argent de la femme sert à sa beauté, son épargne personnelle etc. La vision est focalisée sur un petit échantillon, certaines choses sont en train d’évoluer mais il y a encore beaucoup à faire.

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

Est-ce que nous poussons les choses ou est-ce que nous les laissons se faire naturellement ? Il ne faut surtout pas prendre la France en référence, car en matière d’égalité et de parité homme/femme, nous pouvons trouver meilleur exemple. Certaines choses sont arrivées tardivement, comme le droit de vote ou l’autorité parentale par exemple. La parité dans certaines instances (conseils régionaux, généraux) a été imposée. La décolonisation des têtes - y compris celles de certaines femmes - doit se passer en Afrique peut-être, mais aussi en France. Au niveau européen également, la parité n’est pas respectée. C’est vrai que des femmes en Afrique font ce qu’on n’imaginerait même pas ici.

Page 28: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 28

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Élisabeth NAVEAU, RéCiDev.

Pour continuer à nuancer le discours, la place des femmes dans certaines sociétés est déjà énorme. Il ne faut pas pour autant se reposer sur ces acquis. Comment, dans le projet, intégrer la femme sans mettre mal à l’aise les hommes et sans détruire ou affecter la place de l’homme ou une société déjà existante.Par rapport à l’éducation au développement il y a un important travail à mener pour l’éducation des hommes et des relations homme/femme.

Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération.

Dans notre projet, les femmes n’ont pas cherché à transmettre à d’autres ce qu’elles avaient appris lors de leur formation. Cela nous a fait « tomber de haut ». Aujourd’hui nous allons privilégier une personne par village qui aura un rôle et une mission clairs. Il peut y avoir plusieurs raisons à la non diffusion du savoir entre villages. Nous sommes passés d’un groupement pour un village, à deux grou-pements pour chaque village. C’est aussi l’expérience qui nous apprend aujourd’hui que nous avons ciblé le projet uniquement sur les femmes et non pas sur la communauté ; que les femmes ont avancé en responsabilité, en forma-tion sur la prise d’autonomie, etc. sans que leurs maris aient aussi leur propre cheminement. Nous attendions aussi que l’ONG locale nous alerte sur certains blocages car nos sociétés fonctionnement différemment. Nous avons à apprendre mutuellement.

Danièle DULMET, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Secrétariat Général des Af-faires Régionales de la Préfecture de Franche-Comté.

Au Burkina, si nous regardons les chiffres, 60 % des activités sont faites par les femmes, cela repré-sente environ 70% du PIB. Nous pouvons donc nous demander comment passer d’activités généra-trices de revenus à des emplois véritables qui permettront de faire vivre la famille ? Comment dépasser ces mœurs traditionnelles pour faire des femmes des actrices du développement ?

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

L’Afrique est diversifiée, l’analyse de genre est un point de vue situé dans un contexte. Il y a des ten-dances presque universelles dans l’analyse des relations homme/femme selon certaines situations ou dans certaines conditions. Mais elles se combinent de manière différente selon les pays. Certains métiers, masculins dans une communauté, sont féminins dans une autre.

Il ne faut pas oublier non plus les analyses selon les classes sociales. De plus en plus, des femmes commerçantes circulent en Afrique. Beaucoup de choses bougent et il faut arriver à les analyser de façon précise. Nous pouvons également travailler assez finement sur « qu’est-ce-que c’est que de gagner de l’argent ? », parfois cela fait avancer l’économie, avec une reconnaissance de la place des femmes ; dans d’autres endroits, cela ne doit pas se savoir.

Enfin, le rôle de la société civile des pays du Sud est important. Les mouvements sociaux nationaux font avancer les sociétés. Quand le gouvernement local ne finance pas, la coopération internationale joue un rôle de solidarité très important. Et la société civile est en bonne partie financée par la coopéra-tion internationale. Mais cela relève de la capacité de la société civile à faire avancer la nation.

Pour revenir en Afrique, certaines écrivaines africaines ont parlé du négo-féminisme, c’est-à-dire le féminisme de la négociation, en travaillant à l’émancipation des femmes par le contournement des obstacles, sans aller trop vite. Ce sont forcément les sociétés du Sud qui doivent mettre le curseur. Être mis au banc de la société est beaucoup plus coûteux pour une femme africaine que pour une femme française.

Page 29: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 29

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

Il y a bien une histoire de rythme entre ce qu’on voudrait faire et ce que veulent en faire les gens pour qui nous nous battons. Il faut beaucoup de pragmatisme. Entre les maires et les communes, ce sont eux qui vont passer un appel d’offres. Si nous ne laissons pas le droit à l’erreur ou le droit à ce que le projet mette un peu plus de temps, là aussi nous nous trompons.

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

Nous ne résolvons pas la pauvreté mais nous construisons des sociétés. Chaque projet n’a pas réduit la pauvreté mais participe à des changements sociétaux. Des femmes bénéficiaires de projets sont devenues dirigeantes, ont créé elle-même leur association et accèdent elles-mêmes à la coopération internationale. Elles définissent leurs besoins et ce qu’elles veulent faire.

Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

Est-ce-que finalement, les femmes sont le meilleur vecteur pour aborder la problématique du genre ? Est-ce la bonne solution que de miser uniquement sur les femmes pour enfin atteindre la parité ? Ne faut-il pas s’adresser aussi aux hommes ?

Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération.

Si cela était à refaire, nous aurions une approche différente et aborderions les choses autrement, par exemple en nous adressant davantage aux chefs de familles. Les femmes ont progressé (éducation, finances, travail etc.). Il ne faut pas regretter ce qui a été fait mais il faut réfléchir à améliorer la suite de nos actions.

Ousmane SYLL, Directeur du CERCOOP Franche-Comté.

Dans le cadre des coopérations comme Zimtanga, nous souhaitons aussi que les opérateurs locaux soient à l’initiative. Le problème est qu’ils ne sont pas sensibilisés toujours au genre et eux aussi croient à ces représentations traditionnelles dans leurs sociétés. Il fallait peut-être agir sur deux niveaux, et pas seulement avec les femmes. Nous sommes parfois dans l’impossibilité de faire évoluer les gens pour que la question du genre soit abordée de l’autre côté. Cela peut donner lieu à des incompréhensions qui peuvent se créer entre le partenaire du Nord et son opérateur ou partenaire du Sud qui n’est pas dans la même approche.

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

Lorsque nous invitons tout le monde à travailler sur le sujet, nous avons une très grande majorité de femmes. Mais travailler avec les femmes n’est pas suffisant. Il faut faire évoluer cela de manière un peu plus volontariste et les femmes sont reconnaissantes quand l’ONG intervient directement auprès des maris. Les étapes de reconnaissance du travail des femmes par leur mari, sont intégrées depuis peu et plus explicitement travaillées.

Danièle TOURE-ROBERGET, Présidente d’Eau Vive.

Il ne faut pas condamner le microcrédit dans son ensemble. Le microcrédit est une notion et différents organismes gèrent ces programmes. En Afrique, dans certains endroits, l’épargne locale finance le dé-veloppement local et cela fonctionne. Quel est le premier type de client ? Les groupements de femmes

Page 30: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 30

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

et quelques femmes individuellement. Du côté des hommes le rapport est inversé car il n’y a pratique-ment pas de groupements d’hommes.

Danièle DULMET, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Secrétariat Général des Af-faires Régionales de la Préfecture de Franche-Comté.

Le débat sur l’eau, nous l’avons en France également. C’est un débat international avec pour but d’amener l’égalité entre les hommes et les femmes. Il faut le préciser une fois encore : quand nous parlons d’égalité entre les hommes et les femmes, ce n’est pas l’égalité pour l’égalité qui ne veut rien dire. Il y a beaucoup d’autres enjeux : économiques, géographiques, environnementaux, mais aussi personnels et familiaux pour les hommes et pour les femmes. Quand nous parlons de genre, nous voulons essayer de nous interroger sur les comportements de chacun et la compréhension que nous pouvons avoir du fonctionnement de la société pour améliorer le bien-être collectif. Ce n’est pas une liberté de sexe. Nous avons parlé des besoins des femmes à satisfaire mais il y a toute cette réflexion sur le plus long terme qui est l’autonomie.

Marie-Dominique DE SUREMAIN, Formatrice et consultante en genre.

Quand on parle des différentes approches Nord/Sud, nous avons parfois l’impression que le Nord va plaquer son modèle social sur le Sud. L’ensemble de l’humanité est en train de se poser des questions. Il s’agit d’une nouvelle étape humaniste, un modèle, un style de vie. Le lien entre l’argent, la vie per-sonnelle, le soin des autres, celui de la planète sont des questions qui doivent se poser à tout le monde. Nous contribuons tous à inventer un monde un peu différent, c’est un mieux être de l’humanité.

Jean-Baptiste MÉNÉTRIER, Directeur Eau Vive France.

Il y a monde en marche que l’on est en train d’accompagner. Chacun-e, à l’endroit où il est, va prendre ses dispositions, va s’intégrer, s’engager et définir ce qui est bon pour son parcours de vie.

Agnès ROSSETTI, Pays de Montbéliard Agglomération.

Aragon disait « la femme est l’avenir de l’homme ». Aucune société n’a intérêt à laisser la moitié de l’humanité de côté.

Page 31: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 31

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

SÉANCE DE CLÔTURE

Éric DURAND, Président du CERCOOP Franche-Comté, Conseiller régional.

Éric DURAND remercie les participants de leur présence et félicite les co-organisateurs, Ville de Belfort et CAB, Conseil général du Territoire de Belfort, les élus, les équipes qui se sont beaucoup investies pour le bon déroulement de cette journée.

Nous n’en ressortons pas avec des solutions toutes faites mais avec des pistes de réflexion pour conduire des projets à venir. C’est pour cela que le CERCOOP Franche-Comté organise ces rencontres, afin que les acteurs franc-comtois de la solidarité internationale se retrouvent et échangent. Les dis-cussions ont été riches au cours des deux tables rondes et, de manière un peu moins convenue, ce midi au moment du temps de pause. Ce sont des moments utiles où nous voyons des acteurs de la solidarité internationale échanger pour avancer sur ce qu’ils font au quotidien.

Éric DURAND remercie également les grands témoins qui sont intervenus lors des tables rondes. Il les félicite pour la qualité de leur propos et pour être venus en Franche-Comté partager leurs expériences, notamment sur des domaines dont nous traitons assez peu comme la question du genre. Cette ques-tion n’est pas facile à aborder et reste relativement confidentielle. Ce que nous avons entendu cette après-midi nous aidera, collectivités, CERCOOP Franche-Comté… à réfléchir à la façon d’intégrer des critères genre dans les appels à projets.

Yves ACKERMANN, Président du Conseil général du Territoire de Belfort.

Yves ACKERMANN remercie le CERCOOP Franche-Comté d’avoir organisé cette journée. C’est son rôle que de faire se rencontrer les divers intervenants de la coopération internationale afin qu’ils puissent réfléchir sur les thèmes importants tels que l’eau et le genre. Ces sujets sont complexes à régler lorsque nous sommes sur le terrain. Le CERCOOP Franche-Comté est tout à fait dans son rôle lorsqu’il agit en transversalité pour faire en sorte que les acquis des uns et des autres puissent être mis en commun.

Samia JABER, qui a accueilli ce matin les participants, a la chance d’avoir la double casquette de vice-présidente chargée de la coopération internationale au Conseil général mais aussi de chargée de la coopération à la Ville de Belfort. La CAB travaille en étroite symbiose avec la Ville de Belfort. Il

Page 32: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 32

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

y a également Daniel FORTET, impliqué dans d’autres lieux que Samia JABER car au Conseil géné-ral, nous avons mis en place une sorte de partition de la coopération décentralisée afin que chaque vice-président soit responsable d’un projet de coopération, afin que le réseau d’élu-es soit beaucoup plus dense.

L’un des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui, c’est la difficulté à faire comprendre l’utilité de la coopération décentralisée à la population… Les maires des communes sont de plus en plus réticents à s’engager à l’international : chaque fois qu’ils essaient de le faire, certains conseillers mu-nicipaux interviennent en expliquant qu’ « il y a assez de pauvres chez nous ». Il y a aujourd’hui une montée du nationalisme et il est important que ce débat ait lieu dans les collec-tivités parce que, lorsqu’il a lieu, les gens sont convaincus de l’utilité et de l’importance même, pour notre propre équilibre, de nos interventions à l’international. Le monde d’aujourd’hui s’ouvre de plus en plus à la mondialisation. Comment comprendre la mondialisation dans laquelle nous vivons au jour le jour si nous ne sommes pas nous-mêmes préparés à aller voir ce qui se passe dans les autres pays, à essayer de comprendre et à mener des actions qui nous permettent d’aller plus loin collectivement ?Ce sont des questions que nous nous posons depuis longtemps. Cette année nous fêtons le trentième anniversaire de la coopération avec le Burkina Faso. La coopération a totalement changé. Auparavant, la mentalité était de ne pas passer par les États, de peur de se faire prendre de l’argent pour porter des armes ou mener des révolutions. Il fallait donc travailler directement en circuit court avec les habi-tants. Nous avons fait le constat que les choses n’allaient pas mieux en travaillant de cette façon. Nous sommes dans des États administrés, décentralisés, qui prennent des décisions nationales, même s’ils ont un peu de mal à les faire appliquer. En travaillant sur les politiques de l’eau, beaucoup d’erreurs ont été commises : nous créons des retenues d’eau, nous creusons des puits et nous ne nous préoccu-pons pas de ce qui se passe chez le voisin en matière d’assainissement. Cela entraine la pollution des points de captage et des maladies telles que le choléra, tout simplement nous ne tenons pas compte du fait que nous sommes dans un état centralisé, qu’il y a des règles, des politiques agricoles, et que tout doit se faire en liaison avec cet État centralisé. Trop d’ONG ou d’associations sont venues de ma-nière totalement indépendante.Nous arrivons parfois à un phénomène de gaspillage et il faut évidemment que tout cet argent soit canalisé. La création des communes de plein exercice a permis d’avoir des élu-es locaux qui s’inté-ressent à leur territoire, prennent les choses en mains et nous permettent de contractualiser pour que les actions menées sur le territoire des communes soient intégrées dans les grands programmes nationaux. C’est ce schéma là qui nous a permis de redémarrer et de faire en sorte que nous puissions contractualiser avec Komki-Ipala et Tanghin-Dassouri.

Le sauvetage de l’Afrique passe par la décentralisation car si personne ne s’intéresse à la proximité, à la vie au quotidien, il n’y aura pas de solutions pérennes. Il faut encourager les élu-es, continuer la formation et faire en sorte qu’ils puisent dans nos expériences la réflexion qui ne sera pas la même que la nôtre. La contrepartie, c’est ce que l’Afrique peut nous apporter en matière de culture, de philosophie de la vie, de recul sur l’existence. Ce sont des choses que les civilisations occidentales sont en train de perdre. Nous sommes dans les pays les plus riches du monde et le taux de suicide des jeunes est l’un des plus élevés d’Europe. Alors que le Burkina, qui n’a rien, garde un formidable espoir et un opti-misme dont nous avons de grandes leçons de vie à tirer. Les groupes de jeunes qui sont allés sur place en sont revenus transformés. Nous avons parlé de la coopération avec le Burkina mais nous pourrions aussi parler de la coopération avec la Serbie qui, aujourd’hui, frappe à la porte de l’Europe. Il faut aussi travailler avec nos partenaires européens, promouvoir la mobilité européenne pour faire en sorte que les coopérations en Afrique soient menées avec eux. Il y a beaucoup de choses à faire, mais il faut surtout que les élu-es de France aient la volonté et le courage, appuyés par les associations, d’affronter les populations de plus en plus étroites d’esprit qui croient que l’entre-soi nous sauvera des péripéties mondiales auxquelles nous sommes confrontés. Certains élu-es cèdent face à cette montée. C’est peut-être aujourd’hui plus difficile de faire de la coopération décentralisée. Il faut en prendre conscience, organiser la résistance en s’appuyant sur les pouvoirs publics et faire en sorte que nous puissions être les relais. C’est aussi l’influence de la France dans le monde qui est en jeu, une certaine façon d’appréhender la vie, la défense des critères

Page 33: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 33

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

qui sont les nôtres, en particulier celui, si important, de laïcité. Les collectivités territoriales, les élu-es ont beaucoup à apporter en la matière.

Yves ACKERMANN remercie l’ensemble des participants pour le travail qui est fait et espère que la journée a été profitable.

Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort.

Cette journée d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale témoigne de la mobilisation des compétences et des talents de toute nature qui sont la richesse des collectivités franc-comtoises. Elle a permis d’aborder une large palette de thèmes essentiels qui concernent l’envi-ronnement, le développement, la sécurité, la gouvernance. Soyez convaincus que pour l’État, le développement de la coopération régionale dans toutes ces dimensions représente une opportunité à ne pas manquer pour toutes les collectivités de la région Franche-Comté. L’international contribue à la croissance et à l’emploi au sein de nos économies. Les sujets qui ont été débattus aujourd’hui contribuent au rayonnement de notre pays. Ils contribuent aussi à améliorer les conditions de vie des Francs-Comtois. Ceux-ci doivent mesurer les retombées économiques des partenariats avec les états qui font appel à nos savoir-faire et à nos compétences dans le domaine de l’eau. Alors que certains se font les chantres de la démondialisation et pensent que la France doit rester repliée derrière ses frontières et ses certitudes, nous sommes ici un certain nombre à penser que notre avenir, la défense de nos valeurs et la préservation de notre croissance économique passent par l’ouverture au monde et à la compréhension des autres. C’est l’esprit même de la Franche-Comté qui le démontre depuis tant d’années.

En quinze ans, le monde à considérablement changé. La Chine, l’Inde, le Brésil se sont affirmés comme de nouvelles puissances. Pendant ce même temps, la pression sur les pays touchés par le changement climatique s’est considérablement accrue. Des progrès spectaculaires en matière d’accès à la santé, à l’éducation ont été réalisés. Ces progrès ont permis à 600 000 millions d’hommes et de femmes de sortir de la pauvreté. Les OMD ont été un formidable catalyseur mais il reste beaucoup à faire. Comme vous l’avez souligné tout au long des échanges, les raisons de se mobiliser ne manquent pas. Nous n’avons pas le droit de nous résigner et derrière ces abstractions, il y a des enfants, il y a des femmes privées de leur dignité. C’est pour défendre les valeurs essentielles de la dignité humaine que la France est intervenue au Mali, où la situation est préoccupante avec le manque d’eau, d’électricité, de centres de santé, de médicaments dans une grande partie du pays. Au Mali, la bataille des acteurs sera de gagner la paix. Au Mali comme ailleurs, il n’y aura pas de développement possible sans sécuri-té mais il n’y aura pas de sécurité durable sans développement. C’est pour tous ces hommes et toutes ces femmes qui vivent au sud de l’Europe que nous agissons. C’est pour eux et avec eux que nous sommes engagés pour le développement et la solidarité internationale. C’est pour eux et avec eux que nous nous battons pour cet objectif qui est d’éradiquer la faim et l’extrême pauvreté. La liberté la plus essentielle de l’Homme est celle de choisir son avenir. Ce combat est mené au nom des valeurs de la République, de l’égalité, de la liberté, de la fraternité, au nom des valeurs universelles pour une France ouverte sur le monde. La pauvreté ne connaît pas les frontières, la solidarité ne doit pas les connaître non plus. Mais cette politique de développement doit être menée dans une relation d’égal à égal dans un monde pourtant parcouru par les tensions. La première de celles-ci est celle des inégalités. Le monde s’est rétréci et la mondialisation des trans-ports a porté la communication qui va bien au-delà des seuls échanges économiques. Internet a rap-proché les Hommes mais ce rapprochement n’a pas permis de résorber les inégalités. Dans ce monde, le défi posé est celui du vivre ensemble à l’échelle de la planète. La seconde tension est celle qui pèse sur l’équilibre naturel de notre planète et ses ressources. Le temps où l’Homme pouvait puiser de manière insouciante dans des ressources inépuisables est der-rière nous. Nous sommes dans une nouvelle ère où, pour la première fois, nous devons gérer en-semble le capital de notre planète. Nous aurons besoin de partager et d’inventer, voilà deux valeurs clés de la politique de développement de l’État. Il n’y a plus d’un côté la lutte contre la pauvreté et de l’autre la recherche d’un développement soutenable. Comme le montre la Banque mondiale dans son récent rapport, un monde à plus de 4 degrés, c’est un aussi un monde où plus d’enfants mourront

Page 34: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 34

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

avant l’âge de cinq ans à cause de la sécheresse. Tout le monde est conscient qu’il n’y a pas d’un côté une logique économique qui serait prioritaire et de l’autre le développement durable qui ne le serait que par ellipse.

Le Président de la République a fixé un axe pour notre pays : faire de la France le pays de l’excellence environnementale. Il a indiqué clairement la voie à suivre pour amener la France dans la transition énergétique fondée sur la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables. Et, plus globalement, dans la transition écologique en les inscrivant dans les cadres communautaires et internationaux. Le gouvernement a voulu pour cela un grand débat national sur la transition énergétique ouvert aux ci-toyens. Quelle énergie dans 10, 20, 30, ou 40 ans ? Quels sont les investissements nécessaires ? Comment développer les énergies renouvelables ? Comment optimiser au maximum nos consomma-tions, utiliser au mieux l’énergie disponible ? Telles sont les questions sur lesquelles les Français sont invités à débattre. Le débat qui se déroule depuis quelques mois dans toute la France et qui se termine bientôt conduira à un projet de loi de programmation à l’automne 2013. Cette exigence d’inventivité et de nouveauté, la France la porte dans de nombreux domaines. Quand elle défend une agriculture familiale et durable, quand elle promeut une couverture sanitaire universelle, quand on elle met en place des financements innovants pour le développement, quand elle est la première à appuyer une initiative « Inspecteurs des impôts sans frontières » de l’OCDE, quand elle est la première à financer le fonds de la Banque mondiale pour renforcer les compétences juridiques des états du Sud. Autant de sujets où la France a aujourd’hui un leadership reconnu. Mais il faut s’attacher à inscrire notre politique de développement dans un cadre européen. Les chefs d’états se sont mis d’accord pour que le Fonds européen pour le développement dispose de 27 milliards d’euros pour la période 2014-2020, soit une capacité d’engagement préservée pour les sept prochaines années. Une capacité forte dans un contexte particulièrement difficile de pression à la baisse du budget européen. Il faut maintenant le faire vivre.La France s’engage pleinement dans la conférence climatique de 2015 qui doit définir le grand com-promis climatique de la prochaine décennie. Le Président de la République a proposé de l’accueillir en France, ce qui nous donne une responsabilité immense. La politique de développement du pays traduit sa vision du monde mais traduit aussi notre vision de nous-mêmes et de notre pays. La France contri-bue au renforcement des sociétés civiles en appuyant les libertés et celles de ceux qui les portent. La France est le premier donneur en matière de santé et permet à 4 millions de malades du SIDA d’avoir accès à des traitements à travers le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, le paludisme et la tubercu-lose. L’AFD a permis, en 2011, à 1 700 000 personnes d’avoir accès à l’eau potable, libérant ainsi des hommes et des femmes de la corvée d’eau quotidienne. Enfin 3 millions de Français sont engagés, par leurs actions ou leurs dons, dans la solidarité internatio-nale mais il faut citer aussi les 500 000 personnes qui se mobilisent lors de la Semaine de la solidarité internationale (SSI), les 3 000 associations qui agissent pour le Sud, les 5 000 collectivités territoriales qui mènent des actions de coopération décentralisée.

Jean-Robert LOPEZ salue à ce titre le rôle moteur du CERCOOP Franche-Comté et la forte implication du Territoire de Belfort pour l’action, partagée avec l’État, de développement des actions de préserva-tion de la ressource en eau. Pour la Franche-Comté notamment, 187 projets sont en cours, dont certains depuis 1985. Plus de 170 collectivités locales sont engagées dans des projets de coopération avec 34 pays. L’aide publique au développement est conséquente en Franche-Comté sur des crédits du Ministère des Affaires étran-gères. Le CERCOOP Franche-Comté a d’ailleurs reçu, au titre du contrat triennal, des subventions pour l’ani-mation du réseau régional pour un projet de coopération avec le Burkina Faso. Jean-Robert LOPEZ souhaiterait également souligner l’engagement du CERCOOP Franche-Comté pour le renforcement de l’engagement en matière de solidarité internationale, pour mettre en œuvre les droits à l’eau, à l’assainissement au profit de l’ensemble des populations.Le soutien à l’innovation et à la mise en œuvre des politiques sectorielles sont aussi présents dans cette région puisqu’en Franche-Comté nous disposons de nombreux outils de gestion : le schéma di-recteur d’aménagement et de gestion des eaux, le schéma régional du climat, de l’air et des énergies, le schéma régional de cohérence et d’écologie et le schéma départemental d’aménagement et de ges-tion de l’eau, le développement des échanges sur la politique de l’eau et de la formation pour l’amélio-

Page 35: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 35

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

ration de la qualité de l’eau et de la gestion de cette ressource. Notre région, en tête du bassin Rhône Méditerranée, bénéficie d’une bonne part des cours d’eau en bon état écologique mais reste en deçà de nos engagements européens. Aussi pour maintenir cette qualité des eaux, des actions sont iden-tifiées, la restauration de la fonctionnalité des milieux, la lutte contre la pollution par les substances dangereuses, l’amélioration de la gestion quantitative en eau, la lutte contre la pollution diffusée par les pesticides.

Dans notre région, ou sur le territoire national, notre culture de l’eau est faite. Nous sommes un pays où le marché de l’eau atteint un chiffre d’affaire de plus de 15 milliards d’euros et mobilise plus de 110 000 emplois. Un pays qui possède trois leaders mondiaux, des constructions pour les services des eaux potables et des eaux usées ; un pays qui a su faire de la filière eau et assainissement, sa filière verte la plus mature. C’est avec tous ces acquis que la France doit s’exprimer à l’échelle mondiale, forte des liens tissés entre l’État, les élu-es, les collectivités territoriales et tous les acteurs de l’eau pour transposer à plus grande échelle ce mode de gouvernance qui a été et reste un véritable gage de succès et d’intérêt commun à partager. L’eau traverse aisément mais aussi difficilement les nations. C’est sûrement un des enjeux du siècle qui s’ouvre. De l’avenir de l’eau dépend l’avenir de l’Homme pour que tous les Hommes, à l’image de René CHAR, soient demain des Hommes de jour pur et d’eau courante.

Page 36: 4 JOURNÉE RÉGIONALE D’ÉCHANGES ET DE RÉFLEXIONS SUR LA ... · Jean-Robert LOPEZ, Préfet du Territoire de Belfort. Liste des sigles utilisés. 4 CERCOOP FC A J ’ 2013 SÉANCE

CERCOOP Franche-Comté www.cercoop.org 36

Actes - Journée régionale d’échanges et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale 2013

LISTE DES SIGLES UTILISÉS

AFD Agence Française de Développement

AGR Activités génératrices de revenus

CAB Communauté de l’Agglomération Belfortaine

DOS Dossier d’Orientation Stratégique

EELV Europe Écologie Les Verts

EPTB Établissement public territorial du bassin Saône Doubs

HSF Hydraulique Sans Frontières

MAE Ministère des Affaires étrangères

NU Nations Unies

OCDE Office de Coopération et de Développement Économiques

OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement

ONG Organisation Non Gouvernementale

PIB Produit Intérieur Brut

PMA Pays de Montbéliard Agglomération

pS-Eau Programme Solidarité Eau

SSI Semaine de la Solidarité Internationale