38...rire), il s'adonne une terrible incantation o sont v oque s les misr es du monde, en mots brefs...

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illusionniste virtuose – et assez répétitif – que le genre met parti- culièrement bien en évidence. Un fil rouge traverse en fili- grane tous ces sujets, toutes ces séductions des sens et toutes beauté fragile d’une fleur prête à se faner, la fissure minuscule sur la pierre d’un piédestal ou Jusqu’au 30 novembre, date de la votation sur le nouveau Musée des beaux-arts à Bellerive, une personnalité exprime son point de vue en faveur de ce projet, tout en posant à côté d’une œuvre de son choix, tirée des collections actuelles. «Les Vaudois ont du mal à être fiers de leur culture» «Louis Soutter me touche pro- fondément. Souplesse a beau être l’une de ses œuvres les plus con- nues, elle me bouleverse toujours autant. J’y vois deux corps en danse extatique, mais j’y ressens aussi le mouvement du corps du peintre lui-même. Une sensation très physique et émotionnelle. L’œuvre a dû surgir d’un seul jet, avec cette force expressive in- croyable. J’aime cette immédia- teté du geste sans intermédiaire, puisqu’il peint directement au doigt. On est très loin du travail du chorégraphe qui doit ciseler chaque mouvement et tout pré- voir jusque dans les moindres détails. Mais je dessine aussi. Rien de montrable, mais des corps en mouvement, des corps- signes, des sensations kinesthési- ques qui ne passent pas par le raisonnement mais par l’intérieur du corps. J’aime associer un état de «lâcher-prise» à une grande rigueur. Ce Soutter, monté sauva- gement des profondeurs, est tota- lement maîtrisé plastiquement. Pour Bellerive, j’ai d’abord en- vie de rappeler qu’entre défen- seurs et opposants, nous som- mes tous d’accord pour recon- naître qu’il y a un problème flagrant au Musée des beaux-arts et que la situation actuelle n’est plus tenable. Mais la question du centre-ville me semble un faux problème. J’ai visité plein de mu- sées à l’étranger qui ne sont pas au centre-ville et qui fonction- nent très bien. J’aime bien qu’il y ait une petite balade pour y aller, un sas de décrochement. On ne va pas au musée comme au supermarché! Voyez le succès in- ternational du Théâtre de Vidy: personne ne se plaint qu’il n’est pas au centre-ville! Et puis je découvre avec stupéfaction l’at- tachement de certains Lausan- nois pour un bout de pré com- plètement délaissé… Ils de- vraient au contraire se réjouir de ce qu’on le réhabilite et le mette en valeur. Je comprends mal cette attitude réactionnaire. On vient d’inaugurer le M2 qui a rassemblé toute une population. Le musée nous donne une occa- sion magnifique de nous retrou- ver autour d’un autre grand pro- jet. Les Vaudois ont un pro- blème: ils ont du mal à être fiers de leur culture. Qu’ils saisissent cette belle opportunité pour le devenir enfin!» PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOISE JAUNIN VIVE LE NOUVEAU MUSÉE DE BELLERIVE! IV/X: PHILIPPE SAIRE PHILIPPE MAEDER Philippe Saire devant Souplesse de Louis Soutter. 10

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  • 38 LUNDI 20 OCTOBRE 200824 HEURESCULTURE

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    TroissièclesdeviesilencieuseEXPOSITIOND’amoncellementsde victuailles et de richessesen «Vanités» rappelantla futilité des biens terrestres,la nature morte brille de tousses feux virtuosesau Kunstmuseum.

    FRANÇOISE JAUNIN BÂLE

    E trange tout de même:seuls les Latins la «tuent».En allemand, en anglaisou en hollandais, la «naturemorte» est une «vie silencieuse».A l’enseigne de La magie deschoses, le Kunstmuseum de Bâleréunit un vaste florilège de «viessilencieuses», principalement hol-landaises et allemandes de la findu XVe siècle au XVIIIe, l’âge d’ord’un genre qui, bien que consi-déré mineur dans une hiérarchiequi mettait la peinture d’histoireau sommet, était très prisé descollectionneurs et du public. Envoici donc un ensemble excep-tionnel de plus de nonante ta-bleaux de Breugel le Vieux jusqu’àChardin, en passant par Jan Da-vidsz. de Heem, Abraham Mi-gnon, Georg Flegel et biend’autres.

    Emancipation des objetsdevenant sujets

    L’exposition montre d’abordcomment, à partir de la peinturereligieuse du Moyen Age tardif oùils apparaissaient comme symbo-les ou attributs, les objets s’éman-cipent peu à peu jusqu’à prendretoute la place et devenir le sujetmême du tableau. La peinturecommence à s’intéresser à copierle réel. Elle devient le moyen d’enrecenser les formes, tant animéesqu’inanimées, à travers des bes-tiaires et herbiers naturalistes in-ventoriant la richesse et la diver-sité magnifique de la créationdivine. Elle devient aussi la vitrinede la puissance et de l’opulenced’un pays et de ses marchands –les Pays-Bas – qui ont établi leurscomptoirs dans le monde entier.La vitrine enfin d’un savoir-faireillusionniste virtuose – et assezrépétitif – que le genre met parti-culièrement bien en évidence.

    Parfois hyperspécialisés dansle rendu plus vrai que vrai despoissons, des fruits ou des bou-quets, ces peintres artisans sa-vent comme personne restituerle brillant délicat d’une porce-laine, la transparence d’un cris-tal, les reflets sur la panse d’uneaiguière en argent, le velouté dela peau d’une pêche ou la fa-meuse mouche sur la pomme,que l’on voudrait chasser d’unrevers de la main tant elle sem-ble véridique.

    Le rappel de la précaritéde l’existence

    Un fil rouge traverse en fili-grane tous ces sujets, toutes cesséductions des sens et toutes

    ces compositions, des plus foi-sonnantes et baroques aux plussimples et dépouillées: le rappelde la futilité et de la fugacité detoutes choses terrestres. A l’épo-que baroque, certaines œuvresempruntent clairement leur ti-tre à la latine Vanitas dont ellesrespectent scrupuleusement lessymboles et attributs: tête demort, sablier ou horloge dutemps qui passe, livres du sa-voir, instruments de musiqueévoquant la fugacité des sons,bougies qui se consument…Mais la précarité de l’existencese lit aussi en creux dans labeauté fragile d’une fleur prêteà se faner, la fissure minusculesur la pierre d’un piédestal ou

    l’accumulation de richessesaussi fragiles qu’insolentes.

    «Morceaux de peinture»

    Quand le Français Chardin(1699-1779) tourne soudain ledos à ces élégantes natures mor-tes de cour pour proposer descompositions d’objets rustiquesaux couleurs terreuses qui sontd’abord et avant tout de somp-tueux «morceaux de peinture»,il ouvre à la nature morte uneère nouvelle où brilleront lesnoms de Courbet, Manet, Cé-zanne, Van Gogh ou Picasso. £

    » Bâle, Kunstmuseum jusqu’au4 janvier, ma + je-di 10 h-17 h,me jusqu’à 20 h. 061 206 62 62.

    Laraged’unehumanitébroyée

    THÉÂTREDans un jet de colère, PhilippeSoltermann évoqueles douleurs du mondesur la scène de l’Arsenic.Création au goût de désespoir.

    Philippe Soltermann ne joue plus.Adieu l’humoriste. Le ton achangé. Soltermann est en colère,et ce sentiment porte tout entiersa dernière création, - Je - me - dé-construction, présenté sur la scènede l’Arsenic. Accompagné des co-médiens Annette Gatta (éclatante)et François Karlen (pince-sans-rire), il s’adonne à une terribleincantation où sont évoquées lesmisères du monde, en mots brefset cinglants. «Je me Khmers

    rouge la tête – je me Tutsi les bras– je suis un pays sans statistiques– je guillotine ma conscience…»

    L’humour n’est pas absent de cespectacle, mais cet humour-là faitmal tant il bouscule notre cons-cience et notre quotidien médio-cre et satisfait. Entre les horreursdu monde et nos petites blessurespsychologiques ou nos plaisirs fur-tifs, se dresse le mur de la honte.«Tant que ça se passe si loin, cen’est rien.»

    De manière déconstruite et enplusieurs séquences teintées di-versement, Philippe Soltermannet ses acolytes donnent à entendresa colère. Sa rage contre une hu-manité broyée, et l’autre qui s’en-dort sur son confort. Et la scènemise à nu, de se remplir petit à

    petit d’accessoires absurdes: unepetite moto, un barbecue, autantd’allusions à notre vie qui conti-nue en toute tranquillité, l’air derien.

    Assommant de douleurs? Iné-gal en intensité? Ce spectacle estun formidable acte théâtral, portépar une saine colère et de vraiesconvictions. Et beaucoup de mé-fiance face aux idéologies. Inter-prété par des comédiens vibrants,- Je - me - déconstruction met àmal notre tranquillité. Bousculenotre conscience. Réveille nos tri-pes. Que demander de plus à unecréation contemporaine?

    ANNE SYLVIE SPRENGER

    L’Arsenic, Lausanne. Jusqu’au 26 oct.Durée: 1 h 30. Rés. 021 625 11 36

    - Je - me - déconstruction est un formidable acte théâtral, porté par une saine colère et de vraies convictions.

    Jusqu’au 30 novembre, date de la votation sur le nouveau Muséedes beaux-arts à Bellerive, une personnalité exprime son point de vueen faveur de ce projet, tout en posant à côté d’une œuvre de son choix,tirée des collections actuelles.

    «LesVaudoisontdumalàêtre fiersde leurculture»«Louis Soutter me touche pro-fondément. Souplesse a beau êtrel’une de ses œuvres les plus con-nues, elle me bouleverse toujoursautant. J’y vois deux corps endanse extatique, mais j’y ressensaussi le mouvement du corps dupeintre lui-même. Une sensationtrès physique et émotionnelle.L’œuvre a dû surgir d’un seul jet,avec cette force expressive in-croyable. J’aime cette immédia-teté du geste sans intermédiaire,puisqu’il peint directement audoigt. On est très loin du travaildu chorégraphe qui doit ciselerchaque mouvement et tout pré-voir jusque dans les moindresdétails. Mais je dessine aussi.Rien de montrable, mais descorps en mouvement, des corps-signes, des sensations kinesthési-ques qui ne passent pas par leraisonnement mais par l’intérieurdu corps. J’aime associer un étatde «lâcher-prise» à une granderigueur. Ce Soutter, monté sauva-gement des profondeurs, est tota-lement maîtrisé plastiquement.

    Pour Bellerive, j’ai d’abord en-vie de rappeler qu’entre défen-seurs et opposants, nous som-mes tous d’accord pour recon-naître qu’il y a un problèmeflagrant au Musée des beaux-artset que la situation actuelle n’estplus tenable. Mais la question ducentre-ville me semble un fauxproblème. J’ai visité plein de mu-sées à l’étranger qui ne sont pasau centre-ville et qui fonction-nent très bien. J’aime bien qu’il yait une petite balade pour y aller,un sas de décrochement. On neva pas au musée comme ausupermarché! Voyez le succès in-ternational du Théâtre de Vidy:personne ne se plaint qu’il n’estpas au centre-ville! Et puis je

    découvre avec stupéfaction l’at-tachement de certains Lausan-nois pour un bout de pré com-plètement délaissé… Ils de-vraient au contraire se réjouir dece qu’on le réhabilite et le metteen valeur. Je comprends malcette attitude réactionnaire. Onvient d’inaugurer le M2 qui arassemblé toute une population.Le musée nous donne une occa-sion magnifique de nous retrou-ver autour d’un autre grand pro-jet. Les Vaudois ont un pro-blème: ils ont du mal à être fiersde leur culture. Qu’ils saisissentcette belle opportunité pour ledevenir enfin!»

    PROPOS RECUEILLISPAR FRANÇOISE JAUNIN

    VIVE LE NOUVEAU MUSÉE DE BELLERIVE! IV/X: PHILIPPE SAIRE

    PHILI

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    MAED

    ER

    Philippe Saire devant Souplesse de Louis Soutter.

    DesSuissesauPavillonduCorbusier

    PARISJusqu’au 30 novembre, l’artcontemporain suisse s’exposeà la Cité universitaire.

    Le vernissage de l’exposition «LeSpectrarium - Le fantôme dans lamachine« s’est déroulé samediau Pavillon suisse de la Cité uni-versitaire à Paris. Cet événementaccueille jusqu’au 30 novembreplusieurs artistes contemporainsreconnus ainsi qu’une partie dela jeune garde romande.

    Cette exposition, qui réunit no-tamment des créations de SylvieFleury, Olivier Mosset ou RirkritTiravanija, s’insère dans les festi-vités liées aux 75 ans du Pavilloncréé par Le Corbusier. Conçuecomme une «machine à habi-ter», cette construction moder-niste en béton armé sur pilotis adonné corps aux recherches del’architecte sur l’habitat collectif.

    Les commissaires du «Spectra-rium» ont estimé que l’histoiremouvementée du lieu – qui,outre l’accueil de plusieurs géné-rations d’étudiants, a subi l’occu-pation allemande durant la Se-conde Guerre mondiale – incitaità l’associer au thème de la mai-son hantée. Ils ont donc de-mandé aux artistes de venir para-siter l’architecture ordonnée duPavillon selon le principe d’une«hantise ludique».

    Francis Baudevin proposepeut-être le projet le plus mani-feste à cet égard avec trois pein-tures murales néo-géométriquesen nuances de gris qui s’intè-grent presque trop bien dans lelieu. A se demander si elles sontd’origine.

    La soucoupe volante deGuillaume Pilet, les défenses demammouths qui s’échappentd’un caisson de béton de LaurentKropf, l’aspirateur qui joue legénérique de X-Files d’Olaf Breu-ning ou encore les totems végé-taux façon art brut de ClaudiaComte interviennent sur unmode plus carnavalesque. ATS

    Pavillon suisse - Cité universitaireinternationale de Paris. Jusqu’au30 nov. www.lespectrarium.com.

    FRAGILE Sebastian Stoskopff (1597-1657), Zuber mit Karpfen, Glutherd mit Artischocke und Grünspechte, huile sur toile, 54,5x73 cm.En fil rouge de l’exposition bâloise sur les natures mortes: le rappel de la futilité et de la fugacité de toutes choses terrestres.

    Gottfried von Wedig (1583-1641),Mahlzeit mit Ei bei Kerzenschein,huile sur bois, 34,5 x 27 cm.

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