28 - ernesto bozzano - les phenomenes de hantise - fr

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  • 8/14/2019 28 - Ernesto Bozzano - Les Phenomenes de Hantise - Fr

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    ERNEST BOZZANO

    LES PHNOMNESDE HANTISE

    Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

    http://spirite.free.fr

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    Chapitre 1

    INTRODUCTION

    Parmi les phnomnes supranormaux ou mtapsychiques, ceux de hantise sont les plusfrquents et les plus gnralement connus. Il en est question dans les chroniques de tous lespeuples, depuis lantiquit la plus recule jusqu nos jours ; les explorateurs en trouvent partoutdes traces, aussi bien parmi les Esquimaux du Groenland que parmi les aborignes de lAfrique,chez les Peaux-Rouges des Montagnes Rocheuses comme chez les indignes de la Micronsie ;toutes les langues, tous les dialectes possdent des termes pour les dsigner. Afin de les dfinir,nous dirons que les phnomnes de hantise comprennent cet ensemble de manifestations

    mystrieuses et inexplicables dont le trait caractristique essentiel est de se rattacher dunefaon spciale un lieu dtermin.Dans leur forme auditive, ils comprennent toutes sortes de sons sans cause apparente,

    depuis des coups et craquements de diffrentes intensits, jusqu des bruits imitant la chute demeubles ou le bris dobjets de mnage, tels que bouteilles, vaisselle, vitrages ; on croit entendrese fermer violemment des portes et des fentres, traner de lourds objets sur le sol, comme destonneaux ou autres ustensiles roulants, des chaises furieusement secoues, de grosses ferraillesscrouler avec un tapage infernal. En dautres cas, ce sont des sons et des bruits qui semblent deprovenance humaine, surtout des pas mesurs qui parcourent un couloir ou qui montent etdescendent un escalier ; plus rarement on peroit un trange frou-frou de robes de soie passant etrepassant devant les assistants, ou lcho de cris plaintifs, de gmissements dchirants, de

    sanglots, de soupirs, de murmures, de mots et de phrases articules ; il arrive mme parfoisdentendre des passages de psalmodies liturgiques, de chants, de churs, de concerts musicaux,en des lieux anciennement destins des exhibitions analogues.

    Lobservation nous montre que ces sons, ces bruits sont en partie subjectifs ouhallucinatoires et en partie objectifs ou rels ; ceux de nature subjective sont cependant debeaucoup les plus frquents. En effet, les portes et les fentres dont on entend les claquementsrestent assez souvent fermes ; les meubles qui se renversent, la vaisselle qui se brise, sontretrouvs intacts leur place ; en certains cas, des tapages jugs assourdissants par les personnesqui les peroivent ne sont mme pas entendus par quelques-uns des assistants. Par contre, il nestpas rare quil se produise des sons et des bruits incontestablement objectifs, puisquon constateque les portes et fentres se sont rellement ouvertes ou quon les a surprises au moment mme

    o elles claquaient ; on retrouve les meubles dplacs ou renverss, la vaisselle en morceaux oubien, tous les assistants peroivent simultanment des sons, des bruits, des gmissements quideviennent parfois si formidables que des passants ont pu les entendre des distancesconsidrables. Il faut donc enregistrer lexistence de sons perception collective et dautres perception lective ; les premiers sont gnralement rels ; les deuximes ne peuvent trequhallucinatoires, bien que tout tende prouver que les sons hallucinatoires tirent leur origine deconditions positivement extrinsques.

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    Dans leur forme visuelle, les phnomnes de hantise comprennent des manifestationslumineuses et des apparitions de fantmes. Les manifestations lumineuses sont assez frquentes ;les plus souvent, ce sont des clarts diffuses, illuminant les lieux de faon rendre visible lefantme qui se montre ; ou bien, ce sont des lueurs manant du fantme lui-mme. Ellesprennent, en certains cas, laspect de lumires sphrodales aux contours indcis, qui parcourent

    rapidement une courte trajectoire, puis svanouissent ; plus rarement, elles empruntent la formede lumires globulaires aux contours prcis, et persistent longtemps en planant en lair. Il y aenfin des cas o la lumire proviendrait dune bougie ou dune petite lampe de naturehallucinatoire, porte en main par le fantme ou encore de tisons, non moins hallucinatoires,dune chemine teinte, et prs de laquelle le fantme se tient accroupi.

    Les fantmes visualiss, sauf quelques apparitions danimaux, revtent toujours uneforme humaine ; loin de se montrer entours du blanc linceul spectral dont il est question dans lesvieux contes, ils paraissent vtus des costumes de lpoque laquelle ils vcurent. Gnralement,ils se prsentent dune manire si raliste, quon pourrait les croire vivants ; quelquefois ils semontrent distinctement, mais transparents ; en dautres cas, ils ne sont que des ombres avec formehumaine. La plupart du temps, ils semblent entrer par une porte, poursuivre leur chemin et entrerdans une autre chambre, o ils disparaissent ; mais souvent ils apparaissent subitement etsvanouissent sur place comme de la vapeur ; ou mme ils sen vont en passant travers unemuraille ou une porte ferme. Parfois ils marchent, dautres fois ils glissent, suspendus en lair.Dans la plupart des cas, ils se manifestent durant une longue srie dannes, par intermittences,avec de longues priodes de relche, et en certaines circonstances des dates fixes ; maisgnralement la dure de la hantise ne dure que quelques annes, et souvent quelques mois, oumme seulement quelques jours. Leur manifestation est presque toujours prcde par lesentiment vague dune prsence , qui saisit le percipient et lamne se retourner du ct ose trouve le fantme ; si celui-ci sapproche, le percipient ressent comme une sorte de vent glac.Lun des traits caractristiques les plus frquents que prsentent les fantmes, cest leur apparenteindiffrence vis--vis des vivants qui les contemplent, ou plutt, leur apparente ignorance dumilieu dans lequel ils se trouvent. Ils montent un escalier, traversent un corridor, pntrent dansune chambre sans aucun but manifeste et sans se soucier des personnes quils rencontrent ; oubien ils vaquent quelque fonction domestique, font des gestes de dsespoir, saccroupissent ct du feu, en des conditions videntes d absence psychique , comme si les actions quilsaccomplissent se droulaient par automatisme somnambulique . Tout cela nempcheaucunement que cette rgle comporte de nombreuses exceptions dans lesquelles le fantmemontre apercevoir les assistants, auxquels il sadresse souvent intentionnellement par des gesteset des paroles circonstance qui complique considrablement le problme rsoudre.

    En ce qui concerne les phnomnes visuels, il nous faut rpter ce que nous avons dit ausujet des fantmes auditifs, savoir, que la perception des lueurs et des fantmes peut revtir uncaractre collectif ou un caractre lectif dans le premier cas, tout prouve quil ne sagitpas toujours de manifestations purement subjectives.

    Dans leur forme tactile, les phnomnes de hantise sont rares et peu varis. Il sagit alorsde sensations de poids ou de pression sur quelque partie du corps, correspondant la prsenceignore dun fantme assis sur le lit du percipient, ou exerant une pression sur sa personne ; cesont des mains glaces et gluantes qui treignent, palpent, sintroduisent entre les draps et lecorps ; dans une srie de cas fort connus et suffisamment documents, les mains fantomatiquesqui serrrent les percipients aux poignets, ou qui touchrent les objets environnants, auraientlaiss des empreintes indlbiles de brlures, comme sil sagissait de mains enflammes.

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    Quant aux phnomnes de forme olfactive, ils sont encore plus rares que ceux tactiles, etvarient depuis la puanteur cadavrique en rapport avec un drame de sang ou un cadavre nonenterr, jusquau parfum de violette rappelant un gracieux pisode survenu au lit de mort dudfunt qui se manifeste.

    Dans leur forme physique, outre les phnomnes auxquels nous avons dj fait allusion,

    de meubles qui se dplacent, de fentres et portes qui claquent, de vaisselle qui se brise, il sagittrs souvent de sonnettes qui ne cessent de sagiter bruyamment sans cause apparente, mmeaprs quelles ont t isoles par la suppression des cordons et des fils. Tout aussi frquents sontles cas de pluies de pierres , prsentant des traits caractristiques fort remarquables, commelorsque les pierres parcourent des trajectoires contraires aux lois physiques, ou sarrtent en lair,ou tombent lentement, ou frappent avec une dextrit non commune un but dtermin, ouheurtent sans faire de mal, ou bien sans rebondir ensuite, comme si elles taient empoignes parune main invisible ; ou comme lorsque ces pierres se trouvent tre chaudes, voire mmebrlantes. En dautres circonstances les draps sont violemment arrachs des lits de personnescouches, ces dernires tant souleves et dposes doucement sur le sol, si toutefois les lits eux-mmes ne sont pas renverss. Plus rarement on a des chutes abondantes deau, de boue, decendre, des disparitions soudaines dobjets, qui sont restitus plus tard dune faon tout aussimystrieuse ; moins frquemment encore se produisent des phnomnes perscuteurs, au coursdesquels les vtements sallument sur la victime dsigne ; le feu prend mme quelquefois au litsur lequel elle est couche, la maison quelle habite dans ces cas il arrive dassister audgagement par en bas, dtincelles bleutres ptillantes qui foncent sur la victime, sur le lit, surla maison.

    Telles sont les principales formes des phnomnes de hantise, do il ressort quilscomprennent deux catgories radicalement diffrentes de manifestations : dun ct celles subjectives ou hallucinatoires, de lautre celles objectives ou physiques. Et si lon analyse lestraits caractristiques de chacune de ces deux catgories, on remarque entre elles dautresdiffrences importantes, consistant en ceci, que les phnomnes de hantise de forme subjectivepersistent longuement, concident dhabitude avec quelque vnement de mort qui sest produitdans les lieux hants, et sont marqus par des apparitions de fantmes ; tandis que lesphnomnes de forme objective sont de trs courte dure, ne concident que rarement avec descas de mort et ne sont presque jamais accompagns dapparitions de fantmes. En outre, ilsoffrent ce caractre distinctif dtre en rapport direct avec la prsence dun sensitif . Endautres termes : les premiers semblent des phnomnes de nature plutt tlpathique ; lesseconds, de nature plutt mdiumnique.

    Ces diffrences radicales dans la forme des phnomnes en question sont, depuislongtemps, bien connues des personnes soccupant de recherches mtapsychiques, qui lespartagent en deux catgories diffrentes, et dsignent les uns sous le terme de phnomnes dehantise proprement dite , les autres sous celui de phnomnes de poltergeist (mot allemandcompos, qui signifie littralement : esprits tapageurs ). Au cours de cet ouvrage je meconformerai donc aussi ces subdivisions et ces termes consacrs par lusage, bien que lesphnomnes de la deuxime catgorie puissent tre plus justement appels phnomnes dehantise mdiumnique .

    Maintenant, je mempresse de formuler une restriction relative cette subdivision desphnomnes de hantise en catgories, subdivision qui, bien que lgitime et opportune au point devue de la clart, doit tre, toutefois, considre comme provisoire et conventionnelle. En effet, si,au lieu denvisager les phnomnes tels quils apparaissent aux limites extrmes duneclassification des cas, on se prenait analyser sparment tous les cas, on constaterait que, pour

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    la plupart, ils contiennent des phnomnes subjectifs et objectifs entremls les uns aux autres detelle faon quon ne tarderait par reconnatre que la seule diffrence entre les deux catgoriesconsiste en ceci : que dans lune on trouve runies les manifestations en majorit subjectives,dans lautre celles en majorit objectives. Quant lexistence de cas extrmes exclusivementsubjectifs ou objectifs, elle ne serait gure de nature modifier ces conclusions, comme

    lexistence dexceptions ne suffit pas dtruire une rgle. Il est donc lgitime de prsumer que laphnomnologie des hantises toute entire noffre en ralit quun caractre unique ; en ce cas,mme au point de vue thorique, on devrait dgager en elle un lment de causalit unique,pouvant consister dans la gense transcendantale de la grande majorit des phnomnes, aveccette diffrence que, dun ct, ils se raliseraient par suite dune action plus particulirementtlpathique ; de lautre ct, par une actionplus particulirement mdiumnique.

    Quoi quil en soit, il nest pas moins vrai que leur subdivision en catgories ne correspondpas aux modes de production des phnomnes, et quelle doit par suite tre considre commetant purement conventionnelle ; ce qui nempche dailleurs pas quelle peut tre juge utilepour faciliter la discussion.

    Nanmoins, il faut reconnatre que cette promiscuit dans la forme des manifestations estde nature crer un embarras srieux ceux qui se proposent de classer les faits ; tellesenseignes que, dans cet ouvrage, jai du me rsoudre enregistrer les cas plus gnralementauditifs (par suite, surtout subjectifs) dans la catgorie des phnomnes de hantise proprementdite , en rservant pour la catgorie des phnomnes de poltergeist les cas extrmes demanifestations positivement objectives. Jobserverai ce sujet que, quand mme on adopteraitune subdivision diffrente, en enregistrant parmi les phnomnes de poltergeist lesmanifestations plus spcialement auditives, en plus des objectives (tlkinsiques), en gardantpour lautre catgorie les manifestations en majorit visuelles avec apparitions de fantmes, en cecas galement, on se trouverait en face des mmes difficults, parce quil existe trs peu de casdapparition de fantmes non accompagns de manifestations auditives.

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    Je vais prsent exposer quelques donnes statistiques laborieusement runies, et quicontribueront plus tard dgager les traits caractristiques gnraux des phnomnes de hantise.

    Je dirai dabord que les cas de hantise que jai jugs suffisamment documents pourpouvoir tre utiliss comme lments statistiques, sont au nombre de 532 ; parmi eux, il y en a491 concernant des locaux hants, et 41 concernant des localits hantes ; ces derniers setrouvent donc dans la proportion de 13 pour 100 par rapport aux premiers.

    Jobserverai donc que sur les 532 cas en question, il y en a 374 appartenant la catgoriedes phnomnes de hantise proprement dite , et 158 qui concernent les phnomnes de poltergeist ; ces derniers sont ainsi dans la proportion de 28 pour 100 par rapport auxpremiers.

    Si lon examine sparment les catgories, on constate que dans celles des phnomnes de poltergeist on ne rencontre que bien peu de donnes statistiques intressantes. Je signalerai 46cas de pluie de pierres , 39 cas de sonnettes se faisant entendre spontanment, 7 cas de phnomnes incendiaires, et 7 autres cas auditifs dans lesquels des voix humaines rellesappelaient les personnes de la maison, ou rpondaient leurs appels, ou parlaient longuement etsouvent, en donnant des conseils et des ordres.

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    Par contre, les donnes statistiques importantes abondent dans lautre catgorie des phnomnes de hantise proprement dite , qui est de beaucoup la plus importante.

    On a pu voir que les cas en question figurent dans ma classification au nombre de 374 surun total de 532, cest--dire dans la proportion de 72 pour 100. On a vu en outre quune de leurs principales caractristiques consiste se trouver gnralement en rapport avec quelque

    vnement de mort la plupart du temps tragique stant produit dans les locaux ou leslocalits hantes, alors que les prcdents de ce genre ne se rencontrent que rarement dans lesphnomnes de poltergeist .

    La porte thorique de cette singularit me semble tellement important que je crois utiledexposer en entier les calculs statistiques qui la confirment, nous montrant que les 374 cas enquestion peuvent tre diviss en plusieurs groupes trs distincts et fort suggestifs. Ainsi, parexemple, dans un premier groupe de 180 cas et sur la base de renseignements presque toujourssrs et seulement en quelques cas de nature purement traditionnelle lorigine de la hantiseconciderait avec un vnement tragique stant produit dans cet endroit. Dans un autre groupe de27 cas, labsence de documentation serait remplace par la dcouverte de restes humains enterrsou murs dans ces lieux : indice manifeste de drames de sang ignors. Dans un troisime groupede 11 cas, le prcdent se bornerait au fait quun cas de dcs quelconque stait produit dans lelocal ; et dans un quatrime groupe de 26 cas, la personne dcde qui se manifeste ne serait pasmorte dans les locaux hants, mais elle y aurait vcu longtemps.

    Dans 304 cas sur un total de 374, existerait ainsi le prcdent dun cas de mort, concidantavec la hantise. Resteraient 70 cas dans lesquels aucun prcdent de mort nexisterait, ou pourtre plus exact, dans lesquels on nen aurait pas connaissance. De toute faon, cette majoritnorme de cas avec prcdent de mort sur les autres, semble dj suffisante pour lgitimerlhypothse dexistence dun lien plus que probable entre les causes des deux ordres de faits ;dautant plus que, comme il a t dit, les cas ngatifs ne sont pas tels, le plus souvent, par suite decirconstances bien tablies, mais uniquement par manque de documentation. Ainsi, par exemple,les prcdents de mort manquent dans plusieurs cas dhabitations trs anciennes et depuislongtemps considres comme hantes, pour lesquels il est permis de supposer que les origines dela hantise sont tombes dans loubli par suite de lanciennet et de lintermittence desmanifestations. En dautres cas, ce sont les rapporteurs qui ngligent den parler, ou qui nont paseu le temps daccomplir des investigations plus compltes ; en dautres circonstances encore, lescas ngatifs peuvent trouver une explication facile dans les rticences intresses despropritaires des locaux hants. Il y a en outre des cas o la hantise sest droule dans uncimetire ; on pourrait raisonnablement les enregistrer parmi les cas avec prcdent de mort.Dans un cas, le fantme apparat avec la gorge coupe symbole vident de suicide ou de crime.Quelques pisodes, enfin, sont de nature prmonitoire, ce qui devrait les faire exclure du groupestatistique des phnomnes de hantise proprement dite . Dans les 12 cas qui restent, la hantisese manifeste en des circonstances de lieu et de temps permettant daffirmer avec certitudequaucun vnement de mort nest en rapport avec les locaux hants. Cette circonstance nenlverien limportance de la rgle nonce, celle-ci, de mme que les autres rgles, est sujette quelques exceptions, qui la confirment indirectement. Dailleurs, ces exceptions peuventsexpliquer de diffrentes manires : en premier lieu, parce que lexistence dun monde spirituelune fois admise, il ny aurait aucune raison de ne pas admettre quune entit spirituelle puisse semanifester ailleurs que dans les endroits o elle a vcu ; cela ne devrait toutefois se produirequexceptionnellement, puisquil est tout naturel de penser que les visites de trpasss et lesmanifestations de hantise soient dtermines en rapport avec la localit o vcut le dfunt qui semanifeste. En deuxime lieu, parce quon a enregistr des cas trs rares, mais bien constats, de

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    hantise de vivants ; enfin, parce quil y aurait des cas susceptibles dtre expliqus par unehypothse proche de celle psychomtrique , et dont nous parlerons plus loin.

    Tels sont les premiers rsultats qui semblent ressortir des donnes statistiques enquestion ; elles modifient quelque peu les conclusions auxquelles sont parvenus mes minentsprdcesseurs : Mrs. Sidgwick, N. Frank Podmore, le Dr Maxwell, etc., relativement au mal

    fond de la croyance populaire selon laquelle les hantises sont en rapport avec des vnementstragiques arrivs dans le lieu hant, croyance qui serait dmentie par lenqute sur les faits. Or lastatistique prouve bien que lenqute sur le fait ne confirme pas entirementcette croyance, maiselle la justifie dans la plupart des cas, tant donn que sur 374 cas, il y en aurait 207 concidantavec des vnements tragiques. Si mes prdcesseurs parvinrent des conclusions diffrentes,cest probablement quils nont pas exclu des calculs statistiques les cas de poltergeist ,ressortissant du mdiumnisme, cas que lon ne doit pas enregistrer parmi ceux de hantise proprement dite . Enfin la statistique nous montre bien que, si la croyance populaire nesapplique pas un plus grand nombre de cas de hantise, cest quelle ne concerne que les vnements tragiques ; il nen serait pas de mme si lon y ajoutait les vnements de mortquelconque. Or, jinsiste pour dire quil est scientifiquement lgitime de les y ajouter, cettegnralisation tant fonde sur des calculs statistiques recueillis en nombre suffisant ; nouscroyons mme pouvoir affirmer que tous ceux qui, aprs nous, entreprendront le mme travail,parviendront ncessairement aux mmes conclusions.

    Il est noter que cette gnralisation a t entrevue par quelques-uns de mesprdcesseurs, tels que Dale Owen, Aksakoff, dAssier et Mrs. Sidwick. Parmi eux, M. dAssierest le plus explicite, puisquil affirme que :

    Dans beaucoup de cas, les manifestations doutre-tombe noffrent rien de particulier qui indique dunemanire prcise leur auteur. Cependant, on ne peut se tromper dans cette recherche, car ces vnements sont toujours

    prcds de la mort dune des personnes de la maison. DASSIER,LHumanit Posthume, page 35.

    Et M. Dale Owen :

    La leon que nous devons retirer cest que les crimes ne sont pas toujours ncessaires pour attirer les esprits de trpasss leur demeure terrestre ; il suffit dune mentalit exclusivement mondaine du dfunt, une deces mentalits qui nont jamais consacr une pense quelque chose de plus lev que les proccupations terrestres,ne se souciant que de lide de la proprit, de lavidit du gain - DALE OWEN, Footfalls on the Boundary ofAnother World, page 313.

    Et Mrs. Sidgwick :

    Sil est vrai que les phnomnes de hantise sont en quelque sorte dus laction des trpasss, qui tcheraientde se faire reconnatre au moyen de la projection dun fantme leur ressemblant, il nous faut persister avec constancedans nos recherches, et nous pouvons nous attendre obtenir tt ou tard une quantit de preuves de nature relierdune faon certaine lorigine de toute hantise avec la mort dune personne donne, et tablir nettement

    lidentification du fantme avec la personne dcde. Proceedings of the S.P.R., vol III, page 147.

    Conformment aux donnes recueillies, les cas auxquels fait allusion Mrs. Sidgwick etdans lesquels il sagit dune ressemblance ou identification entre le fantme apparu et unepersonne dcde, seraient assez frquents ; en effet sur 311 fantmes, il y en aurait 76 dereconnus ; il y a mieux : dans 41 cas, les fantmes, qui ntaient pas connus, de leur vivant, parles percipients, ont t ensuite identifis par des portraits, des descriptions, ou par le costumedans lequel ils apparurent.

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    En examinant ultrieurement les donnes recueillies, je trouve que parmi les 311 cas defantmes en question, il y en a 114 qui parurent discerner les personnes prsentes circonstanceremarquable, car gnralement les fantmes dambulent, gesticulent, sassoient, travaillent sansmontrer apercevoir les vivants.

    Cependant, si le fait dapercevoir les assistants montre dj chez le fantme un tat

    apparent de connaissance du milieu dans lequel il se trouve, il ne suffit pas encore prouver uneintention quelconque. Mais il y a des cas dans lesquels lintention est vidente, bien quelle naitsouvent quun caractre trangement insignifiant ; on serait donc port supposer quil ny a aufond de cette intention quune forme de monodisme post-mortem , absolument analogueaux monodismes somnambuliques . Les cas dont il sagit sont, dans notre statistique, aunombre de 91, parmi lesquels se trouvent quelques pisodes o lintention ressort bien desmanifestations physiques, cest--dire, en labsence de tout fantme. Je note 11 cas dans lesquelslintention a t exprime par des coups frapps en succession alphabtique ; 21 cas dans lesquelselle sest manifeste par la parole ; 12 cas dans lesquels elle fut exprime au moyen de gestes demimique significative ; 8 cas o elle est ressortie du fait que les fantmes aperus furentprmonitoires de mort ; pour les autres, on peut la dduire de lattitude plus ou moins symboliqueprise, en des circonstances spciales, par les fantmes.

    Jobserve encore que les fantmes stant exprims en paroles (perues subjectivement, par aveu des percipients eux-mmes), furent en tout 41 (sans compter les 7 cas de voixobjectives enregistrs parmi les phnomnes de poltergeist ) ; ce qui ne prouve pas que par lefait de parler, ils aient tous donn une preuve dune relle intention, puisquil sagit assez souventde phrases peu concluantes, quon peut surtout considrer comme des automatismes verbaux.

    Poursuivant lexamen des donnes, je trouve 39 cas dans lesquels des petits enfantsperurent les fantmes ou notrent les bruits et les autres manifestations de hantise, parfois enmme temps que les adultes, dautres fois indpendamment.

    Je note en outre 59 cas dans lesquels, des animaux (chiens, chats, chevaux, oiseaux)perurent en mme temps que lhomme les manifestations fantomatiques, en donnant les signesvidents dune grande terreur ; par contre, dans trois cas les animaux ne parurent ni entendre nivoir. Il y a enfin 9 cas dapparitions danimaux (chiens, chats, chevaux, porcs, bufs).

    Dans 11 cas, les manifestations fantomatiques prennent la forme de spectaclecinmatographique dvnements passs (une route, vide de tout tre vivant, mais peuple depassants-fantmes en costumes anciens ; localit vue telle quelle tait un certain momenthistorique ; duels, disputes) ; et 3 autres cas du mme genre sont purement auditifs (cho bruyantdun banquet ; escalade dun chteau, etc.).

    Un petit groupe thoriquement intressant, constitu de 9 cas, est celui dans lequel lesfantmes furent vus rflchis dans le miroir, ensuite perus directement. Par contre, il y a un caso le fantme sarrte devant un miroir sans y projeter aucune image. Dans un autre cas lefantme, au contraire, projette son ombre sur la paroi.

    Un autre petit groupe galement intressant est celui dans lequel les manifestationsempruntent une forme priodique, cest--dire quelles se produisent une heure ou une datefixe. Jen ai recueilli en tout 7 cas. Parmi ceux-ci, il y en a 5 o ce sont les manifestations elles-mmes ou quelques-unes dentre elles, qui se produisent toujours la mme heure ; dans les deuxautres cas, la priodicit des manifestations est limite chaque date anniversaire de la mort de lapersonne qui avait habit les lieux hants.

    Je note enfin 6 cas de hantise ayant vraisemblablement pour cause un vivant.

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    Jai ainsi termin lexpos des donnes recueillies, que jemploierai la recherche descauses.

    Restent numrer les diffrentes hypothses proposes pour expliquer les phnomnesde hantise ; je le ferai de faon que quelques commentaires suffisent ensuite dgager lidedirective que je suivrai dans cet ouvrage.

    Je toucherai dabord une ide insoutenable, et malgr cela digne dtre rappele : cestlhypothse de M. Adolphe dAssier, qui, en partant de sa conception positiviste de lUnivers conception lempchant dadmettre lexistence dune me survivant la mort du corps et bienquayant eu toutefois des preuves incontestables de la ralit des phnomnes de hantise et dulien originaire qui les relie au dcs de personnes habitant dans le lieu hant, imagina une thoriecapable de tourner le prtendu obstacle positiviste, en sefforant de prouver que les phnomnesde hantise, bien que dus laction dun fantme posthume sentant et conscient, nimpliquaientpas la survivance de lme, puisque tout concourait dmontrer la nature phmre du fantme,destin se dsagrger rapidement sous laction des forces physiques, chimiques, atmosphriquesqui lassaillaient sans relche, en lobligeant svanouir, molcule par molcule, dans le milieuplantaire.

    Toute opinion doit tre accueillie avec dfrence, et plus encore lorsquelle est exposepar un homme de talent tel que M. dAssier ; malgr cela, lopinion dont il sagit est vraimenttrop invraisemblable ; en effet, comment expliquer quun fantme sentant et conscient puissesurvivre la mort uniquement pour faire une fin si malheureuse ? Au point de vue scientifique, legrand problme rsoudre est justement celui de lexistence de fantmes posthumes sentants etconscients ; si on parvenait le rsoudre dans le sens affirmatif, lexistence et la survivance delme, dans la pleine signification du mot, seraient ainsi prouves ; il est en effet inconcevable je le rpte que lme survive seulement pour mourir de nouveau. On peut ajouter quonconnat des cas de fantmes hanteurs qui persistent se manifester depuis des sicles ce quisuffirait , infirmer compltement lhypothse de M. dAssier.

    Restent trois autres hypothses, dignes toutes les trois dtre srieusement envisages.La premire identifie en fait les phnomnes de hantise avec ceux de la tlpathie entre

    vivants ; cest lhypothse propose par M. Podmore, qui, partant de cette thorie que les phnomnes en question doivent tre considrs en bloc comme dorigine subjective ethallucinatoire, seffora de prouver quils taient le rsultat de laction tlpathique, ou depersonnes habitant la maison hante, ou de personnes lointaines y ayant vcu dans le pass, outout simplement de personnes au courant des faits, qui, songeant aux vnements tragiquesarrivs dans ces lieux, ou lpouvante prouve quand elles y vivaient, taient la causeinconsciente de ce que leur pense se transmettait tlpathiquement aux autres personnes qui setrouvaient dans les lieux en question ; ainsi seraient engendrs les phnomnes de hantise, et loncontribuerait leur perptuation. Cette hypothse, bien qutant insoutenable dans lextensionexagre que lui donna M. Podmore, ne doit cependant pas tre compltement repousse,puisquil y a des cas et des incidents qui semblent ltayer.

    Conformment la deuxime hypothse, les phnomnes de hantise sexpliqueraient parune loi de physique transcendantale connue sous le non de persistance des images ( clichsastraux des occultistes, empreintes dans lakasha des thosophes, tlesthsiertrocognitive de Myers). Selon cette hypothse, les fantmes vus, rsulteraient dune sortedmanation subtile des organismes vivants, se perptuant dans un milieu habituellement

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    inaccessible nos sens ; la mme chose se produirait pour les phnomnes auditifs, puisque, dansle milieu mtathrique (pour employer le terme cre par Myers) se conserveraient aussi bienles empreintes des sons que celles des formes ; les uns et les autres, en certaines circonstances,seraient susceptibles de se dgager de ltat latent dans lequel ils se trouvent, pour produire chezles vivants des phnomnes de perception subjective des vnements qui les produisirent. Cette

    hypothse, en apparence hardie au del des bornes du vraisemblable, semble au contraire avoirdes bases solides dans les faits observs ; elle aurait seulement besoin dtre partiellementcorrige, de faon la rapprocher, et peut-tre lidentifier, avec lhypothse psychomtrique .Nanmoins, elle aussi est bien loin dtre applicable la meilleure partie des phnomnes dehantise.

    La troisime hypothse est la spirite, de beaucoup la plus importante, la seule capabledexpliquer tous les cas dont les autres hypothses ne suffisent pas rendre compte ; elle est denature surmonter toute difficult, condition toutefois de renoncer la version populaire delhypothse en question, selon laquelle dans les cas de hantise il sagirait toujours delintervention directe et de la prsence relle des esprits hanteurs ; alors que tout tend fairesupposer que, dans la grande majorit des cas, lintervention des esprits hanteurs prend laforme de transmission tlpathique consciente ou inconsciente de leur pense, intensmenttourne, ce moment, vers les lieux o ils vcurent et les vnements tragiques qui sydroulrent. Il sen suivrait que les fantmes vus dans les maisons hantes seraient de la mmenature que ceux tlpathiques, et leur tour reprsenteraient lagent spiritique auquel ils serapportent, mais sous forme dhallucination vridique projete distance par sa pense. Cetteinterprtation, complte par les considrations du Dr Du Prel sur les monodismes post-mortem (qui seraient la cause principale des phnomnes de hantise) serait de nature expliquer suffisamment les automatismes si frquents chez les fantmes hanteurs, etthoriquement si embarrassants.

    Telles sont les hypothses qui ont t proposes jusquici pour expliquer les phnomnesde hantise. Les quelques commentaires dont je les ai accompagnes suffisent montrer le conceptclectique auquel je me rapporterai au cours de la recherche des causes. La ncessit de sen tenir ce systme se dgage nettement et invitablement de linvestigation compare des faits ne seprtant pas rentrer dans le cadre dune hypothse unique. A mon avis, lerreur de bien deschercheurs dans le domaine mtapsychique, consiste justement vouloir tout enfermer dans uneformule unique ; erreur commune aussi bien aux partisans de lhypothse spirite quauxdfenseurs de lhypothse tlpathique, subconsciente et mdiumnique.

    On pourrait mobjecter quau point de vue de labstraction scientifique et philosophique,le fait de rsoudre les difficults en appliquant plusieurs hypothses la mme classe dephnomnes, nest pas conforme aux postulats de la science et heurte les tendances innes de lamentalit humaine, qui par suite dune loi psychique inluctable nest pas satisfaite tant quellenentrevoit pas lunit dans la diversit ; tendance qui a en elle quelque chose dintuitif et qui,partant, ne pourrait tre que lexposant dune haute vrit cosmique, laquelle nous devons noustenir si nous voulons agir conformment la raison. A quoi je rpondrai que je suis pleinementde cet avis ; mon intention na pas t de condamner le principe des gnralisations unitaires,mais seulement de mettre en garde contre les gnralisations trop htives, grce auxquelles ce quiest htrogne est trop souvent confondu avec ce qui est homogne et, par consquent, expliqu par une hypothse unique ne reprsentant en ralit quune face du prisme-vrit ; ce quiempche de reconnatre que la synthse unificatrice du prisme se trouve bien plus au fond, etquon ne peut latteindre quen tenant compte de lensemble de ses faces.

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    Or la synthse unificatrice des phnomnes de hantise doit tre, son tour, recherchedans quelque chose de plus profond que ne lest le simple fait de les expliquer par une hypothseunique ; on y parviendra en trouvant llment commun tous les phnomnes ; cet lment doittre de nature coordonner entre elles les diffrentes hypothses en question, et ne pourrait pastre considre comme dmontre . Dans notre cas, llment commun tous les phnomnes est

    facile reconnatre ; cest lesprit humain dans son double tat, incarn et dsincarn lmentqui peut admirablement servir coordonner entre elles les trois hypothses que nous avonsexposes, lment servant aussi les confirmer.

    ** *

    Je termine par quelques mots destins expliquer les rgles que jai suivies dans cetouvrage, qui ne sera pas un ouvrage de classification comme ceux qui lont prcde, cause delnorme quantit de matriaux recueillis et de la longueur excessive de plusieurs parmi lesprincipaux rcits ; un millier de pages ny suffiraient point. Jai donc t amen changer desystme ; jai consacr deux chapitres lexpos dexemples typiques de hantise proprementdite , les faisant suivre dautres chapitres dans lesquels seront discutes les trois hypothsesnonces concernant les phnomnes en question ; La citation dexemples spciaux destins les confirmer, en dmontrera galement la validit. Je passerai ensuite lexpos analytique desphnomnes de poltergeist , que je ferai suivre de la synthse concluante.

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    Chapitre 2

    CAS DE HANTISE PROPREMENT DITESECTIONAUDITIVE

    Je rapporterai dans ce chapitre quelques cas de hantise proprement dite dordre auditif , dont les pisodes sont en majorit de cette nature, en rservant pour un autre chapitreles cas surtout dordre visuel-fantomatique. Seulement, en raison de la longueur excessive desrcits, je me verrai dans la ncessit de me borner quelques exemples des deux groupes ;parfois, mme, je ne pourrai faire autrement que de les rsumer en partie, ou bien den citer

    uniquement les passages principaux, afin de reproduire toujours intgralement lensemble desmanifestations, et de ne rien enlever de leur efficacit.

    CAS I. Je le tire du deuxime rapport prsent la Society for Psychical Research deLondres, par le Comit que cette Socit avait nomm pour ltude de phnomnes de hantise, etdont faisaient partie M. Frank Podmore, le Pr F. S. Hugues, le rvrend W. D. Bushell, le jugeHensleigh Wedgewood, M. A. P. Perceval Keep, et le secrtaire de la socit, M. Edward R.Pease.

    Je reproduirai presque intgralement ce premier cas, qui nest pas excessivement long.Les rapporteurs font prcder leur rcit des claircissements suivants :

    Le rcit qui va suivre constitue un exemple clair et remarquable dune maison o lon percevait des bruits de

    toutes sortes, sans quon ny vit rien. Il a t rdig par un dignitaire trs connu de lEglise Anglicane et a t envoy notre comit par sa veuve, qui fut tmoin des faits relats et garantit lexactitude de la narration dans ses moindresdtails. Le cas est aussi remarquable par la priodicit des bruits, circonstance assez rare dans les phnomnes dehantise.

    Voici le rcit :

    Il y a 18 ans environ, ayant termin mes deux annes de stage aprs mon ordination au diaconat, jtais danslattente dun vicariat ; celui qui me fut offert tait trs tendu, bien quil se trouvt dans un lieu cart, dans le comtde S. ; il tait administr par un vicaire sans coadjuteur. Jacceptai loffre et jallai avec ma femme en prendre

    possession. Le vicariat tait un btiment assez vaste, loign du village et entour de trois cts dun pr avec haie,jardin et potager ; de lautre ct, il donnait sur une route qui le sparait de deux ou trois pauvres maisonnettes, lesseules quil y et dans le voisinage. Les chambres taient grandes, tout semblait parfaitement en ordre ; nous fmes

    donc ravis de possder une habitation aussi belle et confortable.Nous tions arrivs au vicariat dans laprs-midi dun sombre vendredi de fvrier ; en travaillant trs dur, on

    tait parvenu rendre habitables deux ou trois pices pour le samedi soir. La nuit tant tombe, nous fermmes lesvolets, mmes le verrou la porte et allmes nous coucher, fatigus de deux jours de travaux manuels. Nayant pas dedomestiques, nous avions eu recours aux services dune bonne femme du voisinage ; elle tait la seule personne quidormit avec nous dans le vicariat.

    Nous tions plongs dans un sommeil profond, lorsquun bruit pouvantable vint nous rveiller en sursaut.Je sautai de lit, en dressant loreille avec anxit, pendant que ce vacarme formidable semblait sloigner etsteindre dans le silence de la nuit. Ma femme stait rveille non moins brusquement, et tous les deux nous

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    veillmes dans lattente que la mystrieuse perturbation se renouvelt mais notre attente fut vaine. Je pensai,naturellement, quil y avait probablement des intrus chez nous et, mtant habill sommairement, je me mis en devoirde commencer quelques recherches ; mais regardai dabord lheure : il tait 2 h. 5 du matin circonstance surlaquelle jattire tout spcialement lattention.

    Aprs avoir inutilement examin tous les coins de la maison, ainsi que les portes et les fentres, je revins mecoucher, en mefforant de ne plus songer ce qui stait produit, quoique la chose ne ft pas facile, puisque ni mafemme ni moi ne pouvions admettre nous tre tromps : ce vacarme infernal avait interrompu brusquement notresommeil et avait frapp nos sens par une telle suite dclats, quil nous tait impossible de douter de sa ralit, etencore moins parvenions-nous effacer limpression quil nous avait produite. On et dit le bruit quauraient donndes barres de fer prcipites den haut sur le parquet ; ctait bien un dur son mtallique qui dominait ce tapage. Enoutre, celui-ci stait prolong ; au lieu darriver nous dun point donn, il avait parcouru la maison avec unesuccession dclats terribles, qui paraissaient sentremler les uns aux autres. Et je nen parle pas uniquement cause des impressions de cette nuit, mais en me rapportant ses caractres constants, car ma connaissance de cemystrieux tonnerre ne se borna pas lexprience de ce dimanche.

    Naturellement, quand je rentrai dans ma chambre, ma femme et moi songemes nous assurer si la bonnefemme qui se trouvait chez nous avait aussi t rveille par le bruit ; mais comme elle ne semblait pas avoir donnsigne dalarme, nous ajournmes au lendemain le soin de la questionner. Le restant de la nuit fut calme ; quand lematin arriva, nous constatmes que le troisime membre de la communaut avait partag avec nous lalarmenocturne ; elle aussi, la bonne femme, avait t rveille brusquement et avait veill longtemps, en proie lpouvante. Seulement, ce qui stait produit ne lui paraissait pas aussi trange qu nous ; elle dclara

    mystrieusement : Je savais tout ; mais je navais pas encore entendu, et je dsire ne jamais plus entendre . Ilparat que certains bruits couraient ce sujet dans le pays ; mais il ne nous fut pas possible dobtenir desclaircissements par notre bonne, qui vitait absolument dy faire allusion ; quand on lui adressait des questions ellese tirait daffaire en disant : Ce sont des superstitions . Elle ne se montra bien franche et rsolue que sur un seul

    point : cest sur la ncessit soudaine quelle avait prouve de rentrer chez elle tous les soirs pour garder lesenfants : elle pouvait nous consacrer toute la journe, mais la nuit elle devait la consacrer sa famille. Il fallut en

    prendre son parti et rester seuls, la nuit, garder le vicariat contre les attaques possibles des forces tangibles et desbruits impalpables.

    Je consacrai le dimanche mes devoirs religieux, rencontrant, pour la premire fois, lglise, mesparoissiens qui taient accourus en foule ; je les jugeai tre une congrgation trs attentive et srieuse, bien quils nebrillassent pas au point de vue de lintelligence ; je ne pouvais donc mempcher de songer linvraisemblance quily eut quun de ces frustres paysans, aux visages tonns, tourns vers la chaire, se ft rendu coupable envers moidune factie de mauvais genre.

    Quand le soir arriva, ma femme et moi nous nous trouvmes seuls au vicariat, assis dans le petit salon, prsdu feu. Vers 8 heures, nous dcidmes de faire un dernier tour dans la maison, bien que nous eussions pris djtoutes les prcautions possibles. Arrivs dans lentre, nous nous arrtmes un peu surpris ; tous les deux nous avionsentendu un bruit non quivoque : ctait lcho dun pas mesur qui allait et venait lentement, mais fermement dansle couloir de ltage au-dessus, sur lequel donnaient toutes les chambres. Il ny avait pas derreur possible, tellementles pas taient nets et sonores. Je montai lescalier en courant, un bougeoir la main ; mais quand jarrivai dans lecouloir, je ne vis rien, tout tait termin. Aid de ma femme, je cherchai minutieusement partout, et toujoursinutilement. Si un vivant stait trouv dans le couloir, il naurait pas pu disparatre dune faon aussi nigmatique.

    Nous recommenmes visiter tous les coins de la maison ; nous dmes enfin nous convaincre que, quelle que ft lacause des pas entendus, une chose tait certaine : que nous ne logions pas dans le vicariat des htes en chair et os. Jevoulus visiter aussi les alentours et, enlevant le verrou, jarrivai au jardin ; mais aussitt je fus rappel par ma femme,qui avait entendu de nouveau les pas mystrieux dans le corridor ; mon retour, ils avaient dj cess, mais ilsrecommencrent une fois encore quelques minutes avant daller nous coucher.

    Maintenant, il me faut sincrement avouer que, quand nous rentrmes dans le salon, ma femme et moi fmesvaguement allusion la possibilit dtre tombs dans une maison hante . Je dois mme ajouter que nous ne noussentions pas assez obstinment incrdules au sujet du surnaturel pour repousser cette possibilit comme tantabsurde, sans examiner le cas plus fond. Nous ne parvnmes cependant pas tout dun coup cette conclusion ; pourle moment, nous nous bornmes reconnatre que les manifestations semblaient assez mystrieuses et pas du toutdsirables.

    Le restant de la deuxime nuit se passa sans incident ; durant deux semaines environ, nous ne remarqumesrien de singulier. En attendant, mous avions mis en ordre la maison et avions pris notre service une robuste

    paysanne et un garon de 44 ans. Ce dernier tait charg de surveiller un couple de chevaux et de soccuper dequelques travaux manuels ; mais il ne couchait pas dans le vicariat. Nous continumes donc tre trois, sauf dans les

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    cas assez rares o nous arrivaient des htes. Jajouterai que la domestique venait dun village assez lointain ; il nenous semblait pas quelle et des connaissances dans le pays.

    Nous continumes durant quelque temps encore sans tre excessivement troubls ; lcho des pasinexplicables se faisait bien entendre de temps autre, mais sans nous inquiter ; nous avions fini par conclure quequelle quen ft la cause, ils semblaient inoffensifs et ne compromettaient pas notre tranquillit. Mais nous netardmes pas tre gratifis de nouveaux phnomnes assez troublants, dont lintensit allait en progressant. Levicariat tait pourvu de vastes mansardes, que nous trouvmes vides et en excellent tat ; nous les avions doncutilises en y plaant malles, caisses, valises. On y montait par un petit escalier spcial, dont on avait ferm clef la

    porte aussitt quon y eut plac les malles.Or il arriva quune nuit, alors que nous tions couchs depuis peu et ntions pas encore bien endormis, on

    commena entendre un tapage formidable venant des mansardes ; le sommeil disparut aussitt de nos yeux. Et cetapage avait des causes assez vulgaires : ctaient les malles, les caisses, les valises qui semblaient sagiter toutes enmme temps, en montant les unes sur les autres, retombant sur le plancher, soulevant un brouhaha assourdissant quine paraissait pas vouloir finir de sitt. Une enqute immdiate simposait, nous courmes tous les deux auxmansardes, mais inutilement, notre prsence y avait ramen le calme ; les malles semblaient en ordre parfait, chacune lendroit o elle avait t place. Nous demeurmes plus embarrasss et humilis que jamais, devant limpossibilitde rsoudre le mystre.

    A titre de divertissement complmentaire, nous tions aussi gratifis dune srie de coups trs fort,paraissant saluer notre apparition. Ils variaient de mode et de tonalit ; parfois ils taient rapides, vhments,impatients ; dautres fois, ils taient lents et hsitants ; de toute faon, quils appartinssent au premier ou au deuxime

    type, nous en tions rgals en moyenne quatre nuits par semaine ; ctait le phnomne le plus frquent, tel pointquon tait rarement du en lattendant. Toutefois, comme ils ntaient point inquitants, on ne tarda gure sefamiliariser avec eux. A ce sujet, il vaut la peine denregistrer une circonstance intressante. De temps autre, alorsque, dans mon lit, jcoutais les coups frapps, je me sentais pouss les apostropher sarcastiquement. Par exemple,

    je madressais lagent hypothtique en lui disant : Tais-toi donc, ne drange pas les honntes gens quand ilsdorment . Ou bien je le dfiais en lui criant que, sil avait quelque chose communiquer ou quelque plainte formuler, il le fit dune manire ouverte et franche . Assez souvent ces remontrances taient mal accueillies ; alorsles coups rsonnaient plus fort et se succdaient avec une rapidit vertigineuse, on et pu les appeler des coups

    passionns . Mes lecteurs souriront peut-tre en me voyant faire allusion un rapport possible entre mesremontrances et lintensit croissante des coups ; je ne puis dailleurs pas affirmer nettement quil en ft bien ainsi, jeveux seulement constater un fait : celui dune concidence incontestable entre lintensit des coups et mes phrases dedfi. Je mabstiens de faire des thories, en me bornant exposer des faits rigoureusement contrls et honntementrapports. Peut-tre sagissait-il dune pure concidence et pas dautre chose.

    Maintenant, on pourrait me demander si les voisins taient informs de ce qui se produisait entre nosmurailles domestiques. Nous navons rien laiss entrevoir pendant longtemps, et ceci pour diffrentes raisons.Dabord, parce que, en parlant dans le pays dvnements aussi mystrieux, on aurait soulev un toll (gnral) dontle rsultat aurait t limpossibilit pour nous de trouver et de garder une domestique ; ensuite parce que, neconnaissant presque pas le caractre de nos paroissiens, nous avions pens que, si la hantise tait luvre dunmauvais plaisant, on aurait dcouvert les coupables plus aisment en gardant le silence ; et surtout, la suite de notreapparente indiffrence, ils se seraient plus rapidement fatigus. Par consquent, chaque fois que la domestique, jeunefille nergique et vigoureuse se permettait de faire timidement allusion certaines alarmes nocturnes dont elle avaiteu souffrir, nous ne manquions jamais dluder la question, de faon ne pas lencourager nous confier sesinquitudes.

    Jusquici je me suis strictement limit rapporter ce que jai personnellement entendu et constat. Mafemme et moi-mme navons connu que les coups frapps, les bruits dans les mansardes, les pas mesurs dans lecorridor et lpouvantable vacarme satanique. Ces phnomnes qui staient tous fait entendre dans les premiers

    temps de notre arrive, continurent durant tout notre sjour C. et, apparemment, nous les avons laisss en hritage nos successeurs. Le grand bruit satanique qui avait salu notre arrive tait le plus terrifiant de ces phnomnes,mais aussi le plus rare. On ne lentendait souvent pas durant plusieurs semaines conscutives ; mais chaque fois quilclatait en nous veillant en sursaut, et que nous consultions la pendule, nous constations infailliblement quil seralisait 2 heures, un matin de dimanche.

    Plus tard, nous pmes noter dune faon certaine que le vacarme pouvait se manifester auprs des htes denotre maison, sans se faire entendre de nous ; sachantfort bien par exprience combien il tait formidable quandctait nous quil se faisait entendre, je considre cette circonstance comme la plus tonnante entre toutes. Voici unexemple de ce que javance :

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    Au printemps commencrent les visites des parents et des amis ; parmi les premiers arrivs se trouvait unejeune dame, proche parente de ma femme. Nous nous gardmes bien de lui faire part de nos observations ; dabordpour ne pas la troubler davance, ensuite parce que nous dsirions obtenir un tmoignage indpendant et nonprconu sur ces faits ; tmoignage qui ne tarda gure se produire. Aprs quelques jours, elle commena nousquestionner sur les motifs, qui nous dterminaient excuter des travaux bruyants aux heures o les autresdormaient ; nos rponses devaient lui paratre bien vagues et insuffisantes. Une ou deux fois elle demanda si on

    prparait quelque enterrement, ayant entendu, durant la nuit la bche du fossoyeur creuser la terre, juste au-dessousde sa fentre ; elle se montrait surprise que le fossoyeur choist des heures aussi extraordinaires pour excuter samacabre besogne. Nous lui assurmes que personne ntait dcd et que ce qui avait t peru ne pouvait serapporter une bche creusant une fosse, puisque le cimetire se trouvait de lautre ct de la maison. Malgr cela,elle continuait affirmer que le bruit quelle avait entendu tait bien celui dune bche creusant la terre. Je ne douteaucunement de la ralit de ses perceptions, bien que je naie jamais entendu moi-mme le bruit en question.Une autre fois elle raconta que, durant la nuit, elle avait entendu quelquun se promener dans le corridor, sarrtant,ensuite pour frapper sa porte. Elle avait alors demand qui ctait et ce quon voulait, sans obtenir de rponse etsans que personne nentrt.

    Enfin le matin du premier dimanche quelle passa dans le vicariat, aussitt quelle nous vit, elle scria : Mais quavez vous donc fait cette nuit ? Quel tapage assourdissant ! Vous mavez rveille en sursaut et jauraiscouru voir ce quil y avait si je navais pas eu peur de vos chiens. Jen fus si trouble que lenvie de dormir disparutaussitt, et je me mis la fentre pour respirer librement ; 2 heures sonnaient lhorloge de lglise . A ces mots,ma femme et moi changemes un regard significatif ; notre parente avait donc entendu le satanique vacarme du

    dimanche , qui ne stait pas fait entendre de nous ! Nous mmes alors notre htesse au courant de ce que nousavions entendu nous-mmes, et nous constatmes que ses impressions correspondaient parfaitement aux ntres.

    Encore un pisode qui se rapporte des faits constats par dautres observateurs. Je nen citerai pas dautres,parce que je pense que la valeur et lintrt de mon rcit ne peuvent driver que de nos observationspersonnelles.

    Au commencement de lautomne, nous nous absentmes durant une quinzaine de jours ; notre retour, ladomestique raconta ce qui suit : Un soir elle stait rendue au village, laissant le garon pour garder la maison. Il taitassis la cuisine prs du fourneau, lorsquil perut nettement le pas mesur qui allait et venait dans le corridor au-dessus. Il monta pour voir qui tait lintrus et ce quil dsirait, mais il ne trouva personne. Rentr la cuisine, il netarda pas entendre de nouveau le mme pas lourd et sonore ; alors il remonta en tremblant lescalier et regardaencore dans le couloir, mais toujours sans rien voir. Redescendu la cuisine, il sassit prs du feu ; mais quand pourla troisime fois, il entendit lcho des pas mystrieux, il se sentit son sang se glacer de peur et il senfuit en courant

    jusqu la maisonnette assez lointaine de ses parents, qui coutrent avec tonnement ltrange histoire. Ils nesavaient rien des manifestations qui se produisaient chez nous.

    Plus tard, je me dcidai en parler une veille et pieuse dame, depuis longtemps malade, dont la maisonslevait en face du vicariat, de telle faon quelle pouvait fort bien le voir de la chambre o elle se tenait couche. Jela mis au courant des choses mystrieuses qui se passaient chez nous, lui demandant si elle navait jamais entendu

    parler de rien. Elle me rpondit quelle avait entendu parler souvent de perturbations analogues qui staientproduites au vicariat et qui avaient fortement prouv quelques-uns de mes prdcesseurs. Elle ajouta que, de sonct, elle apercevait souvent travers les lucarnes des luminosits oscillantes et intermittentes qui se dplaaient lintrieur des mansardes : cette observation nest pas dpourvue dintrt, si lon songe que les locaux suprieurs dela maison ntaient pas habits, que personne ny montait (sauf la nuit o lon entendit le premier vacarme), et quilny avait quun seul petit escalier pour y accder ; la porte en tait ferme clef.La dame en question raconta aussi certains vnements qui eurent pour thtre le vicariat, au sicle dernier, et dontelle avait entendu parler par ses parents ; vnements qui, sils taient vrais, et si on parvenait les rattacher comme cause et effet - aux manifestations qui se produisaient, aideraient certainement indiquer la source relle deces perturbations.

    A prsent, voici une dernire circonstance qui mrite dtre examine par ceux qui se proposent derechercher les causes des phnomnes. Je possdais deux chiens terriers de race pure, trs bons pour la garde de lamaison. Une fois, pendant notre sjour C., on eut dplorer dans le pays quelques vols et cambriolages nocturnes ;une tentative fut faite aussi contre le vicariat. Mais les chiens veillaient et ne tardrent pas donner lalarme enaboyant furieusement ; je pus ainsi prendre mes dispositions pour dpister les cambrioleurs qui prirent la fuite. Je mesuis intress cet pisode afin de noter le contraste du comportement des chiens dans cette circonstance, et leurconduite loccasion des mystrieux bruits hanteurs.

    On dira que probablement ils ne les entendaient point, mais il y a des circonstances qui prouvent lecontraire ; celle-ci entre autres : chaque fois que, par suite des perturbations, je me dcidais entreprendre lesrecherches habituelles, je trouvais les chiens blottis dans un coin, dans des conditions pitoyables de terreur ; je puis

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    affirmer avec certitude quils taient les seuls individus de la maison qui sen effrayaient le plus. Quand ils ntaientpas en laisse, ils couraient la porte de notre chambre et y restaient blottis en gmissant tant quon ne les en chassaitpas.

    Nos observations stendirent sur une priode de douze mois, aprs lesquels je fus nomm bnficiaire dansun autre pays dAngleterre et je dus renoncer au vicariat ; nous le quittmes sans trop de regret, esprant pouvoirdsormais dormir sans trouble ; nous aurions seulement voulu avoir dcouvert les causes des manifestations(Proceedings of the S. P. R. ; vol. II, p. 144).

    Bien que le cas ci-dessus puisse tre considr comme lun des plus simples du genre, ontrouve dj en lui les principaux traits caractristiques des phnomnes de hantise proprementdite ; tels que les circonstances de laudition souvent lective des bruits (par consquent, deleur nature subjective ou hallucinatoire) ; de lintelligence se manifestant dans les coups frappsplus ou moins vivement ou rapidement, du fait que les phnomnes se montraient indpendantsdes personnes habitant la localit hante (puisque la hantise tait antrieure larriv du vicaire etavait persist aprs lui) ; de lexistence dvnements dramatiques, ou dvnements de morts, oude traditions en ce sens, concidant avec lorigine de la hantise et en rapport avec lesmanifestations ; enfin de la participation des animaux la perception des phnomnes.

    On y rencontre en outre une singularit assez rare dans les phnomnes en question :

    savoir, la priodicit de quelques-uns dentre eux ; dans notre cas, il sagissait du vacarmesatanique , se ralisant toujours une heure et une date fixes, et plus exactement, 2 heuresdu matin le dimanche. Cette priodicit montre de manire irrfutable lexistence dune intentionquelconque dans lagent hanteur ; ce qui sert liminer plusieurs hypothses proposes pourexpliquer les manifestations ; par consquent, si lon parvenait recueillir un nombre suffisantdincidents semblables, ils revtiraient une trs grande valeur thorique, favorisant lhypothsespirite. Mais pour le moment ces faits sont rares, telle enseigne que, dans lIntroduction de cetouvrage, jai fait noter comment, sur un total de 374 cas recueillis, on rencontrait peine 7incidents analogues. De toutes faons, bien que ntant pas nombreux, ils ne peuvent quavoirleur poids dans la balance des probabilits thoriques, pourvu quils soient bien constats ; il nesemble pas quon puisse douter de celui que nous venons dexposer.

    CAS II. Il a t publi en deux fois par les Annales des Sciences psychiques dans lesannes 1892-1893 ; cest un cas fort intressant, dont la narration prsente lavantage de consisteren un journal rdig aussitt, au moment o se produisaient les phnomnes, ce qui limine touteprobabilit derreurs mnmoniques.

    La publication du journal, avec labondante documentation qui laccompagne, remplit 40pages desAnnales ; je devrai donc me limiter reproduire ses principaux pisodes et les passagesessentiels des documents lappui, qui contiennent des incidents et des observations importantes.La publication du cas est due M. G. Morice, docteur en droit qui, pour complaire au Pr Richet etrendre service aux buts scientifiques que ce dernier se proposait de divulguer par la revue fondepar lui, voulut bien lui communiquer une copie du journal en question, avec lautorisation de son

    auteur, M. F. de X Il se rendit donc chez ce dernier pour obtenir des renseignementssupplmentaires et les adresses des principaux tmoins, afin de les questionner et runir toutes lespreuves possibles ; il put remplir trs heureusement sa tche, comme le montrent les nombreusespices publies.

    Il sera utile de faire prcder le rcit par la lettre suivante que le propritaire du chteauhant et rdacteur du journal adressait M. Morice :

    Monsieur,

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    En principe, mon plus grand dsir et t que personne ne soccupt de moi ni de ce qui a pu se passerchez moi lpoque o jhabitais le T Ayant t tmoin de tous ces phnomnes, je nai pu en conserver quunsouvenir peu agrable, vous en conviendrez, et, tant donn les opinions, souvent bien lgrement formules, dumonde ce sujet, je nen parle qu ceux qui ne me paraissent envisager les choses quau point de vue le plussrieux, comme du reste vous le faites, Monsieur.

    Puisquun travail dun caractre scientifique vous est demand sur ce sujet, je viens mon tour madresser votre dlicate attention pour vous prier de me montrer votre travail avant sa publication, et surtout, de taireabsolument mon nom ; je vous demande aussi de remplacer par X tous ceux que vous y rencontrerez. Beaucoup deceux qui furent les tmoins de ces phnomnes sont encore en vie, et il serait possible que, par suite dun sentimentque nous devons respecter en eux, ils ne veuillent nullement voir leur nom figurer dans ce rcit imprim. Il nen est

    pas de mme des notes que javais prises cette poque ; javais lautorisation de mes tmoins, et ces notes elles-mmes taient, dans mon esprit, destines rester dans lintimit de la famille (Sign : F. de X - le 3 aot 1891).

    EXPOSDESPHNOMENESETRANGESDUCHTEAUDE T

    M. Morice publie dabord les claircissements suivants :

    Vers 1835, existait dans cette commune (Calvados), un ancien chteau appartenant la famille de B. Cettehabitation se trouvait dans un tel tat de vtust que la restauration en fut juge inutile. Elle fut remplace par une

    autre habitation rige environ 450 mtres au nord de lancienne. M. de X en hrita en 1867 et en fit sarsidence.Au mois doctobre de cette mme anne, il y eut une srie de faits extraordinaires. Cette habitation fut

    hante par des fantmes plus ou moins malfaisants ; La famille de X ignorait tous ces bruits lorsquelle en pritpossession.

    Aprs quelques mois de sjour, certains faits se manifestrent mais seulement dune faon intermittente ; cenest quaprs quils eurent quitt leur chteau pour se rendre chez des parents que les faits se produisirent avec lecaractre dintensit et de continuit que nous retrouvons en 1875. Les domestiques mouraient de frayeur et sur leurdemande M. et Mme de X rentrrent aprs une absence dun mois.

    Les mmes faits se renouvelrent aprs leur retour ; M. de X fit pendant plusieurs nuits de minutieusesperquisitions, mais ne dcouvrit rien.

    Tout rentra peu prs dans le calme au commencement de lanne 1868, les faits cessrent compltement.

    Aprs cette sorte dintroduction, M. Morice cde la parole au rapporteur, M. F. de X,qui continue en disant :

    Depuis cinq ans nous avions repris notre calme et notre scurit et nous ne parlions plus de tout cela quelorsque nos parents ou nos amis nous interrogeaient ce sujet. Aussi notre dception est-elle grande en voyant quede nouveaux bruits, semblables ceux de 1867, viennent nous troubler et nous font craindre que le chteau o noussommes ne soit destin tre lobjet dune srie de phnomnes qui en rendraient le sjour impossible.

    Nous sommes en octobre 1875. Je me propose de noter ici et de consigner chaque jour ce qui se sera passdans la nuit prcdente. Je dois faire remarquer que lorsque les bruits se produisaient pendant que la terre taitcouverte de neige, il ny avait aucune trace de pas autour du chteau. Jai tendu secrtement des fils toutes lesouvertures : ils nont jamais t briss.

    En ce moment, octobre 1875, notre maison est ainsi compose : M et Mme de X, et leur fils ; M labbD, prcepteur ; Emile, boucher ; Auguste, jardinier ; Amlina, femme de chambre ; Clina, cuisinire. Tous les

    domestiques couchent dans la maison ; ils mritent notre plus entire confiance.Mercredi 13 octobre 1875. Comme M. labb D nous a dit quil est certain que son fauteuil change de

    place, nous laccompagnons, ma femme et moi, dans sa chambre, et nous constatons minutieusement la placeoccupe par chaque objet. Nous attachons du papier gomm qui fixe au parquet le pied du fauteuil. Nous quittons M.labb ; je lui recommande de mappeler sil arrive quelque chose dextraordinaire. A 10 heures moins un quart M.labb entend sur le mur de la chambre une srie de petits coups, assez forts cependant pour quils soient entendusgalement par Amlina, qui couche dans la chambre en face. Il entend ensuite dans un angle de sa chambre le bruitde lencliquetage de la roue dune grosse horloge quon remonte, puis un chandelier de mtal qui change de placesur sa chemine, en grinant ; enfin il entend et il croit voir son fauteuil se promener ; il nose se lever, et sonne ; jy

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    vais. Ds que jentre, je constate que le fauteuil a chang de place dau moins un mtre : il est tourn devant lachemine ; une bobche place au pied du chandelier sest replace sur le chandelier ; lautre chandelier a t dplacet pos de manire ce quil dpasse de plusieurs centimtres le bord de la chemine. Une petite statue place contrela glace a t avance de 20 centimtres. Je me retire au bout de 20 minutes. Nous entendons deux violents coupschez M. labb, qui sonne et qui massure que ces coups ont t frapps sur la porte de son cabinet, au pied de son lit.

    Vendredi 15 octobre. - A 11 heures un quart, tout le monde est rveill par une srie de trs forts coupsdans la chambre verte. Auguste et moi faisons une ronde partout et, pendant que nous sommes dans le salon nousentendons des coups prs de la lingerie. Nous y allons : rien. Nous redescendons. Madame et Amlina entendenttraner un meuble ltage au-dessus, o il ny avait personne. Le meuble semble tomber lourdement.

    Lundi 18 octobre. - Tout le monde est veill par le bruit dune grosse boule pesante, qui descendlescalier du second au premier en sautant de marche en marche, puis aprs une demi minute, par un coup isol trsviolent, puis neuf ou dix gros coups sourds.

    Dimanche 31 octobre. Nuit trs agite. Il semble que quelquun monte, plus rapidement quun hommepuisse le faire, lescalier du rez-de-chausse, en affectant de frapper des pieds. Arriv sur le palier, cinq grands coupssont frapps tellement forts que les objets suspendus aux murs se mettent battre sur place. On dirait quune lourdeenclume ou une grosse poutre a t projete sur un point des murs, de manire branler la maison ; personne ne

    peut prciser le point do ces coups partent. Tout le monde se lve et se runit dans le corridor du premier tage.Nous faisons une visite minutieuse, mais nous ne trouvons rien. Nous nous recouchons, mais de nouveaux bruitsnous obligent nous relever. Nous ne pouvons nous reposer que vers 3 heures.

    Mercredi 3 novembre. Ds 10 h 20, tout le monde est rveill par des pas bruyants qui montent

    rapidement lescalier. Une srie de coups fait trembler les murs. Nous nous levons immdiatement. Peu de tempsaprs, nous entendons le bruit dun corps pesant et lastique qui aurait descendu lescalier du second au premier, ensautant vivement de marche en marche. Arriv au bas, il continue sa course en glissant dans le corridor et sarrte au

    palier. Aussitt partent deux coups trs clatants, puis un coup formidable, comme dun maillet de charpentier lanc tour de bras sur la porte de la chambre verte. Plusieurs sries de coups sautillants et rpts imitant des pasdanimaux se font entendre.

    Samedi 5 novembre. A 2 heures, un tre quelconque slance toute vitesse dans lescalier, du vestibuleau premier, traverse le corridor, et sengage rapidement dans lescalier du second avec un fort bruit de pas qui nontrien du pas humain. Tout le monde a entendu : on et dit deux jambes prives de leurs pieds et marchant sur deuxmoignons. On entend ensuite de nombreux et forts coups dans lescalier et dans la porte de la chambre verte.

    Mercredi 10 novembre. A 1 heure, une galopade prcipite dans le vestibule et lescalier surgit. Un fortcoup sur le palier se fait entendre, suivi dun autre trs violent sur la porte de la chambre verte ; dure 20 minutes.Une tempte avec vent, tonnerre, clairs, vient encore rendre la nuit plus affreuse. A 1 h 20, on clenche la porte de la

    chambre verte. Aussitt partent deux forts coups sur la porte, trois dans lintrieur de la chambre, trois autres sur laporte, et enfin de longs tapotements au second tage, quarante au mois ; dure 10 minutes et demie. A ce moment,tout le monde entend comme nous un cri, comme un long son de corne dappel qui domine la tempte ; il me semblevenir du dehors. Peu aprs tout le monde entend trois cris aigus ; ils viennent du dehors mais se rapprochent trssensiblement de la maison. A 1 h 30, un coup sourd au deuxime tage ; encore un trs long cri, puis un second,comme une femme qui appelle au dehors. A 1 h 15, subitement nous entendons trois ou quatre grands cris dans levestibule, puis dans lescalier. Nous nous levons tous et faisons comme toujours une minutieuse perquisition. On serecouche. A 3 h 20, une galopade se fait entendre dans le corridor. Nous entendons deux cris plus faibles, mais biendans la maison.

    Vendredi 12 novembre. - A minuit, tout le monde se lve : on entend des cris dans la cave, puis lintrieur de la chambre verte, enfin les sanglots et les cris dune femme qui souffre horriblement.

    Samedi 13 novembre. Non seulement, nous sommes tracasss la nuit, mais voici que nous le sommes lejour ; 3 heures, coups dans loffice de la salle manger ; perquisition inutile ; 3 h 15, bruits dans la chambre verte :

    nous y allons, un fauteuil tait dplac et pos contre la porte, afin quon lempche de souvrir : nous le replaons. 3h 10, pitinements dans la chambre de Mme de X ; un fauteuil sy est promen. Deuxime visite dans la chambreverte : le fauteuil est de nouveau plac de faon empcher la porte de souvrir

    Samedi 13 novembre (la nuit). Minuit 15 minutes, deux cris trs forts au palier ; ce nest plus le cri dunefemme qui pleure, mais des cris aigus, furieux, maudits, dsesprs, des cris de damns ou de dmons. Pendant plusdune heure encore des coups violents se font entendre.

    Mardi 21 dcembre. Le soir, nous entendons des coups dans la chambre de Mme de X, et une chute deplusieurs objets qui scroulent ; perquisition inutile, rien de drang.

    Lundi 27 dcembre. 6 h 30 : Clina, qui descend, est suivie par des coups qui la poursuivent, de notrechambre nous avons trs bien entendu. Elle na rien vu.

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    Mercredi 29 dcembre. - Mme de X, entendant du bruit dans la chambre de M. labb, y monte, suiviede ce dernier. Elle entend remuer dans la chambre, elle avance la main droite pour prendre la clenche de la porte etouvrir : avant quelle ne la touche elle voit la clef qui se dtache, en tournant rapidement dans la serrure, et vient lafrapper la main gauche. M. labb a t tmoin. Le coup tait assez fort pour que deux jours aprs lendroit frappft encore sensible et visible

    Dimanche 2 janvier 1876. 6 h 30 minutes : il est noter que, depuis trois matins, ceux qui descendent deleur chambre sont suivis jusquau rez-de-chausse, pas pas et de marche en marche, par des coups sarrtant etrepartant avec eux. M. le vicaire de la paroisse de T a t suivi de cette manire et na rien vu.

    Lundi 3 janvier. Le soir, jtais seul dans le salon, vers 5 heures un quart ; javais de la lumire, jentendssix coups bien accentus, frapps sur le guridon qui se trouvait, ce moment, 10 mtres de moi. Je me retourne etne vois rien.

    Mercredi 5 janvier. Le Rvrend Pre H. L., religieux, est envoy ici par Monseigneur pour juger les faitset nous venir en aide (Sjour du Rvrend Pre H. L.) - A partir du moment o le Rvrend Pre H. L. est ici, lecalme se fait subitement et dune manire absolue. Rien, ni le jour ni la nuit. Le 15 janvier il fait une crmoniereligieuse. A partir de ce jour, nous entendons quelques bruits, isols et extraordinaires la nuit, et toujours dans desendroits trop loigns du Pre H. pour quil puisse les entendre. Le Rvrend Pre nous quitte le lundi 17, et sondpart est suivi aussitt dune nouvelle srie de faits aussi intenses et aussi graves que ceux qui ont prcd sonarrive.

    Nuit du 17 au 18 janvier. A 11 heures, un coup comme un corps qui tombe dans le corridor du premiertage, suivi comme dune boule qui roule et va frapper un coup violent dans la porte de la chambre verte.

    Interminable galopade au second, suivie de vingt coups sourds au mme endroit, dix-huit dans lintrieur de lachambre verte. Il est 11 h 35 minutes ; cinq grands coups sur la porte de la chambre verte, quinze coups sourds danslescalier du second tage. Deux coups de semelle au palier, dix coups sourds dans lescalier du second, tout entremble autour de nous.

    Nuit du 20 au 21 janvier. 1 h 25 minutes. Tout le monde entend quatre grands cris, comme desbeuglements venant du dehors, mais la hauteur de la fentre, puis aussitt comme deux coups de baguette danslescalier. Peu aprs, dix coups plus forts, puis un tambourinage au second 5 h 15 minutes. Cette mme nuit, Mmede X, qui avait de la lumire, entend un corps assez volumineux qui tombe lourdement de sa table terre, elleregarde et ne dcouvre rien.

    Journe du 25 janvier. - 5 h 10 minutes. M. labb lisait son brviaire ; quoiquil ft depuis trois jours untemps superbe, une masse deau tombe, par la chemine, sur le feu quelle teint, et fait voler la cendre : M. labbest aveugl, il en est couvert.

    Nuit du 25 au 26 janvier. 1 h 30 minutes. La maison est secoue vingt fois, sept coups sur la porte de la

    chambre verte, suivis de coups si rapides quon ne peut les compter ; deux sur la porte de la chambre verte, douzeauprs de la chambre de Maurice, treize qui font tout trembler, puis cinq, puis dix, puis dix-huit, faisant tremblermurs et meubles ; peine a-t-on le temps dcrire. Neuf coups effroyables sur la porte de la chambre verte, untambourinage accompagn de gros coups secs qui font tout trembler, un trs sonore, puis une srie de dix coupsfrapps deux deux. A ce moment, on entend comme des cris de taureau, puis dautres, inhumains, enrags, dans lecorridor, prs de la porte de Mme de X qui alors se lve et sonne pour faire lever tous les domestiques. Pendantque tout le monde tait lev et runi dans la chambre de M. labb, on a entendu encore deux beuglements et un cri.A 4 h 20 minutes seulement on se recouche ; Mme de X entend un coup assez fort frapp sur lorgue plac dans sachambre deux mtres de son lit ; il est suivi de trois autres coups dont elle ne peut en saisir la direction. Les bruitsont t trs bien entendus de la ferme.

    28 janvier. Nous avons fait dire une neuvaine de messes Lourdes ; le Rvrend Pre a fait les exorcismeset tout a cess

    Je termine ici les citations du Journal de M. F. de X, et je rapporte les principauxpassages des nombreuses confirmations des tmoins.Voici dabord une lettre de M. labb D, prcepteur du fils de M. et Mme de X Elle

    est adresse M. Morice en date du 12 janvier de 1893.

    Jai lhonneur de rpondre votre lettre en date du 9 prsent. Je vous dirai dabord que je possdegalement une copie du manuscrit de M. de X ; je peux vous attester que jai t tmoin de tous les faits qui sesont passs au chteau du T, depuis le 12 octobre 1875 au 30 janvier 1876. Je peux vous attester que les faitsrelats dans le manuscrit ne peuvent tre luvre dun homme : tous ces bruits ont t entendus non par une

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    personne, mais par un grand nombre de tmoins, et les coups taient tellement forts quon pouvait les entendre unedistance de 500 mtres. Je ne vous ferai pas un nouveau rcit des faits, puisque vous les connaissez. Des faits de cegenre se passaient galement dans lancien chteau, danciens serviteurs mont dclar avoir eux aussi entendu des

    bruits.Pendant toutes ces tracasseries, M. de X a pris toutes les prcautions imaginables. Comment un homme

    aurait-il pu sintroduire dans ma chambre, changer les objets de place sans que je le voie ? Pourquoi laisser troisvolumes dEcriture Sainte leur place, tandis que tous les autres volumes taient jets sur le plancher ? Commentmonter sur le haut de la chemine, rpandre de leau sur mon feu de manire me couvrir de cendre ? Et cela se

    produisait pendant le jour, en temps de scheresse. Mon lve fut tmoin du fait, et je crois encore le voir courir.Comment se fait-il quau milieu des plus grands bruits, la chienne de M. de X, qui tait cependant bien dresse, nemanifestait aucun tonnement ? Comment expliquer quune fentre bien ferme souvre delle-mme, en prsence deM. de X et de moi ? Les cris que nous avons entendus ntaient pas des cris humains ; souvent les murs du chteautaient tellement branls que je craignais de voir le plafond tomber sur ma tte. O trouver un homme qui puissefaire tout cela ? Pour moi je ne connais que le diable.

    Relativement la prtendue efficacit des exorcismes, voici une rectification de M.Morice, adresse au Dr Dariex, directeur desAnnales :

    Mon cher Docteur,

    Comme nous lavons vu par la dernire phrase de son manuscrit, M. de X, attribuant la crmonie delexorcisme et aux prires qui avaient t dites la suite de la crmoniale, la cessation des phnomnes, taitcertainement de bonne foi ; les vnements ne devaient pas tarder le dtromper.

    Par elle-mme, la crmonie de lexorcisme ne donna aucun rsultat : elle fut pratique en effet le 14 ou le15 janvier, et nous connaissons par le rcit mme de M. de X ce qui sest pass depuis cette date jusquau 29

    janvier. On doit toutefois reconnatre qu la suite des prires ordonnes par le prtre exorciste, le calme semblarenatre la fin de janvier.

    Cette priode de tranquillit se prolongea pendant quelques mois, mais la fin daot et surtout enseptembre, le chteau de T redevint le thtre de faits aussi tranges que ceux que nous connaissons dj. Il estregrettable que M. de X nait pas pris le soin, comme pour les autres, de les enregistrer et de les analyser au fur et mesure quils se produisaient (Sign : M. G. Morice, en date du 12 janvier 1893).

    Pour obtenir des renseignements au sujet de la deuxime srie de phnomnes, M. Moricesadressa M. labb M qui, en fvrier 1876, avait remplac labb D, en qualit deprcepteur du fils de M. et Mme de X

    Dans une lettre date du 20 janvier 1893, labb M rpond comme il suit M. Morice :

    Monsieur,

    Jai mis du retard rpondre et vous remercier du numro de la Revue que vous mavez adresse, mais lescirconstances mexcusent.

    Pourquoi M. de X termine-t-il si brusquement son journal ? Aprs les exorcismes une grande accalmie seproduisit. Un fait mme, presque incroyable, eut lieu, qui donna beaucoup despoir pour lavenir.

    Voici le fait : Vous avez vu dans le journal que des mdailles de saint Benot, des croix indulgencies, desmdailles de Lourdes avaient t places toutes les portes. Toutes ces mdailles et croix formaient un paquetvolumineux. Vous avez vu aussi que, dans la nuit qui suivit, un vacarme effrayant stait produit, et que lelendemain, mdailles et croix avaient disparu sans quil ait t possible de les retrouver, et cependant elles taientnombreuses et les portes taient nombreuses aussi. Or, les exorcismes taient termins et furent suivis de quelques

    jours de calme. Vous devez bien penser combien ce temps parut agrable ; mais voil que deux ou trois jours aprs,Madame crivait quelques lignes genoux auprs dun petit bureau, lorsque tout coup, un immense paquet demdailles et de croix tomba devant elle, sur le petit bureau. Il pouvait tre environ dix heures et demie du matin.Do tombaient ces mdailles ? Ctaient bien toutes les mdailles places aux portes, lexception des mdaillesvolumineuses

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    Un autre jour, M. de X ouvre son harmonium et joue pendant trs longtemps. Comme il fermaitlinstrument, une partie des airs quil venait de jouer se rpte dans le coin oppos du salon, et cela pendant un tempsassez notable

    Une autre fois, dans ma chambre, une commode lourdement charge de livres et remplie de linge se soulve cinquante centimtres du parquet, et reste quelque temps dans cet tat. Mon jeune lve me le fait remarquer. Jemappuie sur la commode, elle ne cde pas, puis elle se remet delle-mme en place. Il pouvait tre trois heures delaprs-midi

    La lettre suivant, quune autre dame, tmoin des faits, adressait au Dr Dariex en date du14 septembre 1892, fournit des renseignements sur les phnomnes qui se produisaient danslancien chteau, dmoli depuis. Mme Le N. de V raconte ce qui suit :

    Le chteau est venu par voie dhritage, je crois, M. de X Lancienne propritaire, Mlle de Z, seraitmorte dans limpnitence finale, et il va de soi quelle passait pour revenir dans le chteau. Je ne sais pas quel tempssest coul entre sa mort et la mise en place de ses hritiers.

    Quand les premiers bruits se produisirent, M. de X pensa avoir affaire des vivants dsireux de leffrayerassez pour lui faire abandonner le chteau, qui et dans ces circonstances : vendu vil prix, ainsi que les terres endpendant. Il fit donc faire dexactes recherches, sonder les murs, les caves, pour tcher de dcouvrir les passagesoublis par lesquels on pouvait y pntrer. Malgr la plus exacte vigilance, on ne put rien dcouvrir de plausible sur

    lorigine de ces bruits qui allaient en augmentant, en dpit des prcautions.Il acheta deux redoutables chiens de garde quon lchait toutes les nuits ; rien ny fit.Un jour, les animaux se mirent hurler, dans la direction dun des massifs du jardin, avec une telle

    persistance, que M. de X crut que des malfaiteurs sy taient cachs. Il sarma, fit armer ses domestiques, on cernale massif et on y lcha les chiens. Ils sy prcipitrent avec fureur, mais peine y eurent-ils pntr, que leurshurlements se changrent en aboiements plaintifs, comme ceux des chiens recevant une correction ; ils senfuirent laqueue basse, et on ne put les y faire rentrer. Les hommes entrrent alors dans le massif, le fouillrent dans tous lessens et ny trouvrent absolument rien Ctait avant la dmolition du vieux chteau.

    Je ne me rappelle plus dans lequel des deux chteaux se sont passs les faits que je vais vous raconter. Unami ou cousin, officier, voulut coucher une nuit dans la chambre particulirement hante et o ne couchaithabituellement personne. Il avait son revolver, se promettant bien de tirer sur quiconque viendrait troubler sonsommeil. Il avait gard de la lumire. Il fut rveill par le froufrou dune robe de soie, et sentit quon lui tirait soncouvre-pieds ; il interpella le visiteur nocturne sans obtenir de rponse et alluma sa bougie qui steignit aussitt ;

    trois fois il la ralluma, trois fois elle fut teinte, et toujours le froufrou de la soie et le mange des couvertures sur soncorps lui indiquant la position occupe par ltre qui le tirait et quil devait atteindre presque bout portant. Il fit feusans aucun rsultat ; pourtant les balles navaient pas t enleves des cartouches, puisquon les retrouve le matindans la muraille

    A propos de limpression que les phnomnes produisent sur les animaux, jenregistreraiencore ce passage concernant lattitude des chevaux passage sans doute insuffisant au point devue probant, parce quil est fond sur de simples souvenirs, mais qui acquiert une certaine valeurpar la circonstance quil a t fourni indpendamment par deux tmoins. M. labb D crit Dr Dariex en date du 21 fvrier 1893 :

    Je pourrais vous citer un autre fait : je crois que les chevaux taient aussi tourments ; le matin on a d les

    trouver en sueur, la paille renvoye derrire eux

    Avant lui, M. Morice, dans une lettre au mme Dr Dariex, en date du 23 septembre 1891,en avait parl ainsi :

    Ce que je sais cest que parfois, dans les curies du chteau, les chevaux semblaient avoir peur et que lematin on les trouvait quelquefois couverts de sueur, comme sils avaient fait une longue course.

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    Comme on le voit, les souvenirs des deux tmoins concordent parfaitement, et confrentau fait une importance non ngligeable.

    Je termine ici les citations. Outre les tmoignages que nous avons reproduits, les Annalesprsentent ceux de trois prtres : le cur M. J, M. labb M et le Rvrend Pre H. L, quiavait pratiqu la crmonie de lexorcisme. Je ne les reproduis pas, parce quils napportent rien

    de nouveau la recherche des causes ; ils nont de valeur que pour mieux tayer encorelauthenticit des faits.Ce que jai expos suffit montrer limportance du cas, lun des plus complexes et des

    mieux documents que lon connaisse dans le groupe envisag ici. Je note que, bien quil soitsurtout dordre auditif, il est nanmoins entreml de phnomnes physiques assez varis etimportants ; on aurait donc pu le faire galement rentrer dans le groupe des phnomnes de poltergeist ; de telles incertitudes de classification sont frquents dans la casuistique dontnous nous occupons. Ainsi que je lai fait remarquer, des manifestations bien distinctessexpliqueraient en supposant que les phnomnes de hantise proprement dite (essentiellementsubjectifs et tlpathiques), se combinassent parfois des racines mdiumniques (essentiellementobjectives et animiques), et vice versa ; ainsi, dans notre cas lagent hanteur se serait trouv mme dexercer subjectivement son pouvoir sur la matire, et en outre de lexercersubjectivement sur le sensoriel des assistants.

    En tous cas, jai class ce cas dans la prsente catgorie parce quil est de nature surtoutauditive, et parce quil manque des traits caractristiques essentiels aux phnomnes de poltergeist , cest--dire : la courte dure, le fait de se drouler autour dune personne donne ;alors que les traits caractristiques des phnomnes de hantise proprement dite consistentdans la longue dure, dans lapparente indpendance des phnomnes de toute personne prsente indpendance symptomatique, laissant supposer quen ces contingences, lnergiemdiumnique dont se sert lagent hanteur provient dinfluences locales , plutt quedorganismes humains.

    Pour contribuer claircir le cas en question, il importe aussi de noter que dans les calculsstatistiques que nous avons donns, il figure dans le groupe des 70 cas formant exception largle selon laquelle les phnomnes de hantise seraient presque toujours en rapport direct avecdes vnements de morts, gnralement tragiques ; si je me suis dcid le classer parmi les casngatifs, cest que le renseignement fourni par Mme Le N. de X, selon lequel le fantme delancienne propritaire apparaissait souvent dans le chteau, montrerait bien lexistence dunprcdent de mort en relation avec la hantise ; mais malheureusement il est trop vague pourpouvoir tre retenu. Il nen est pas moins vrai que le chteau tait hant depuis un temps nonprcis ; on pourrait donc appliquer ce cas les considrations contenues dans lintroduction, savoir que, en pareilles circonstances, il est loisible de prsumer que les origines de la hantisepeuvent tre tombes dans loubli par suite de lanciennet et de lintermittence de la hantise enquestion . Par consquent, ce cas ne serait point prcisment ngatif relativement la rgleindique, mais seulement incertain.

    Pour ce qui a trait au caractre principal des manifestations, on peut dire quelles noffrentrien de nouveau dans leur forme, mais quelles se font remarquer par lextraordinaire intensitdes coups, des vacarmes et des cris. On apprend, en effet, par le journal de M. de X que laviolence des coups tait telle quelle branlait ldifice dans ses fondements et faisait rebondir lesobjets pendus aux parois et que les coups et les cris taient entendus par les habitants de la ferme, une distance de 500 mtres. Si on envisage que les circonstances faisaient que tout tait li, queles manifestations auditives taient toujours perues collectivement, nous serions ports croireque les phnomnes auditifs taient en grande partie de nature objective ; ce qui serait rendu plus

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