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15 ANS APRÈS Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques

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15 ANS APRÈS

Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques

et diplomatiques

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L’EFFET 11 SEPTEMBRE

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L’EFFET 11 SEPTEMBRE

15 ans après

Préface de Charles-Philippe David

Avec les contributions de

Zoé BarryAdib Benchérif

Andréanne BissonnetteVincent Boucher

Christophe CloutierLouis ColleretteFrançoise Conea

Frédérick GagnonWilliam Grenier-Chalifoux

Josselyn GuillarmouNicolas Pellerin-Roy

Mylène Repentigny-CorbeilMaxime RicardJulien TourreilleÉlisabeth Vallet

Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques

et diplomatiques

Septentrion

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Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres.

Cartes en C2-C3 : Philippe RekacewiczÉdition : Sophie ImbeaultRévision : Carole PâquetMaquette de la couverture : Olivia GrandperrinMise en pages : Pierre-Louis Cauchon

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRIONvous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :835, av. Turnbull Diffusion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1R 2X4 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2Dépôt légal :Bibliothèque et Archivesnationales du Québec, 2016 Ventes en Europe :ISBN papier : 978-2-89448-859-1 Distribution du Nouveau MondeISBN PDF : 978-2-89664-978-5 30, rue Gay-LussacISBN EPUB : 978-2-89664-979-2 75005 Paris

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PRÉFACE

Charles-Philippe David

L ’année 2015 aura marqué un tournant dans la vie politique internationale, de la même manière que les

évènements du 11 septembre et les débuts du printemps arabe l’ont fait depuis le tournant du siècle. Marquée successive-ment par les attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre à Paris, ceux de San Bernardino en décembre en Californie, et la montée en violence des groupes s’alignant sur une espèce d’arc de crise se déclinant de la Syrie (avec l’État islamique) jusqu’au Nigéria (avec Boko Haram), l’année 2015 aura consacré le repli des sociétés européennes derrière des murs illusoires, la mise en place de l’état d’urgence en France, et le retour d’un climat de suspicion et de délation aux États-Unis. La génération Z (née après 1995) n’aura donc connu des relations internationales qu’un état de guerre quasi permanent, contre un ennemi invisible, prêt à frapper de l’intérieur. Ce qui était l’exception est devenu la norme alors que ni les ennemis ni les alliés ne sont les mêmes qu’au début de ce siècle. Ainsi, pour introduire ce vaste sujet qu’est le terrorisme international, dans sa forme actuelle et avec les conséquences qu’il entraîne depuis que Daech notam-ment a pris les devants de la scène, trois thèses semblent pertinentes pour la lecture de cet ouvrage.

1. On ne peut comprendre le phénomène du terrorisme actuel par la seule analyse du radicalisme. Celui-ci est largement le fait et le produit d’une géopolitique bien particulière des dernières années. Autant Daech que le radicalisme religieux

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10 L’EFFE T 11 SEP TEMBRE

qui l’accompagne sont le résultat direct d’une dégradation géopolitique importante et déroutante en Syrie et en Irak. Quelles sont ainsi les origines de cette crise terroriste que nous traversons ?

• Elle prend ses racines dans le pourrissement de la situation en Syrie et en Irak. Les États déliquescents, faillis ou implosés représentent toujours un défi de taille pour la sécurité régionale et internationale. Que serait-il advenu de la situation en Irak si la relation américano-irakienne avait été gérée différemment sous Obama, notamment le retrait précipité de l’Irak en décembre 2011 ? Et si le pré-sident américain avait décidé d’intervenir en Syrie en septembre 2013 durant l’épisode de la « ligne rouge », sup-posée infranchissable ? Aurions-nous assisté au retour de la Russie, comme défenseur du régime d’Assad, dans les dernières semaines de l’année 2015 ? La géopolitique dans ces deux pays est déterminante pour comprendre les ori-gines de Daech et de la crise actuelle – notamment des migrants. Rarement a-t-on vu en relations internationales un pays comme la Syrie se vider de sa population – l’équi-valent d’une fois et demie la population du Québec est désormais déplacée. Ce conflit s’est régionalisé et interna-tionalisé. La double implosion syro-irakienne est une dure réplique des espoirs du printemps arabe, éteints par une violence dont on n’imaginait pas l’ampleur qu’elle prendrait il y a deux ans seulement. Jean-Pierre Filiu conclut à la « contre-révolution » des régimes arabes contre leurs populations1, coupables d’avoir eux-mêmes nourri trop souvent des factions extrémistes jugées utiles pour justifier les politiques de répression. La géopolitique de la région n’a pas fini de nous surprendre – pensons par exemple aux

1. Jean-Pierre FILIU, From Deep State to Islamic State : The Arab Counter-Revolution and its Jihadi Legacy, Londres, Oxford University Press, 2015, 311 p.

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PRÉFACE 11

perspectives d’avenir du régime wahhabite en Arabie Saoudite. Selon Charles Tilly, « les États font la guerre et la guerre fait les États ». Ainsi, il ne fait pas de doute que les guerres actuelles, en Irak, en Syrie et au Yémen reconfigu-reront pour longtemps la géopolitique moyen-orientale et la place de l’État comme garant ou adversaire de la sécurité.

• La réflexion sur l’Afrique est certainement différente, même si là aussi le lien est souvent établi avec le djihad. Boko Haram et le groupe armé Shabab sont responsables des trois quarts des victimes des attentats djihadistes. Sans oublier la situation au nord du Mali qui affecte tous ses voisins. Peut-on véritablement parler d’un arc de crise de l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique de l’Est, en passant par le Maghreb et l’Afrique du nord ? Certains affirment qu’Al-qaida et Daech rivalisent pour obtenir le soutien et la loyauté des groupes radicaux dans ces régions – mais là aussi les liens sont pour le moins ténus et les États fragiles. Encore faut-il apporter toutes les nuances. La question toutefois mérite d’être posée : jusqu’à quel point le radicalisme prend-il pied dans la société et peut-on croire possible un jour que l’idée du califat d’Al-Bagdadi au Levant soit « exportable » dans le cadre des conflits africains ? De la réponse apportée découle une apprécia-tion rassurante ou alarmante de la menace terroriste tant redoutée. À bien des égards, la dimension locale est bien plus prédominante que la dimension internationale. Une chose est sûre : les frontières ne veulent rien dire, l’État est fragile là aussi comme au Moyen-Orient, l’extrémisme se propage en raison de griefs, de frustrations et de dis-criminations, sur fond de tensions et d’inégalités qui perdurent depuis des décennies, et que les groupes djiha-distes exploitent avec succès et dans la violence – au Nigeria, au Mali comme en Somalie – sans que les solu-tions envisagées parviennent à les contrer.

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2. Le phénomène du terrorisme international – à distinguer du terrorisme interne ou national – n’est pas nouveau et le radicalisme qui anime particulièrement les « loups solitaires » est probablement une réalité largement exagérée, lié au pre-mier phénomène ce qui ne fait qu’accroître la peur et le durcissement des lois dans les pays occidentaux. Quelle est exactement la nature de la menace ?

• Daech n’est pas si mystérieux. Groupe né des prisons irakiennes durant l’occupation américaine (le journaliste Martin Chulov qui a enquêté sur ses origines parle « d’usines du djihad2 »), Daech est le résultat de la plus grande erreur de l’histoire contemporaine de la politique étrangère américaine (et britannique). Son leader, Al-Bagdadi, est lui-même un diplômé prestigieux de cette usine – lui comme les trois quarts des dirigeants actuels de Daech. Myriam Benraad parle de « revanche du califat » et pour cause : « L’offensive djihadiste était en réalité prévisible3. » « Frankenstein », pour reprendre son expression, a profité du climat délétère en Irak et de la faillite de toute la stratégie américaine au Levant et en Mésopotamie. En cela, l’histoire se répète : Daech est la créature de l’Amérique comme Al-qaida l’a été en Afghanistan dans les années 1980. En revanche, les efforts de recrutement de combattants étrangers par Daech, son rayonnement médiatique et dans les réseaux sociaux, sa mise en scène des décapitations, son exploi-tation des opportunités territoriales et des frontières poreuses, ses tactiques de combat asymétriques, ses soutiens extérieurs et l’attentisme de certains voisins (pensons notamment à la Jordanie mais surtout à la

2. Martin CHULOV, « ISIS : The Inside Story », The Guardian, 11 décembre 2014, p. 1 et suivantes.

3. Myriam BENRAAD, « La revanche du Califat », Politique internationale, no 145, automne 2014, p. 44.

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PRÉFACE 13

Turquie) font en sorte que Daech est bien plus qu’un groupe terroriste. C’est en fait un groupe armé classique selon l’experte Audrey Kurth Cronin4. Elle affirme, d’une part, que Daech n’a rien d’un groupe terroriste et, d’autre part, qu’une stratégie occidentale antiterroriste, voire anti-insurrectionnelle, est condamnée à l’échec. On peut contenir Daech mais non le combattre de la même manière qu’Al-qaida, selon elle. Elle conclut en disant que « l’EI ne représente pas tant un groupe d’insurgés qu’un adversaire dans une guerre civile opposant un territoire rebelle à un État faible ». En d’autres termes, la structure armée, l’organisation, le financement, les ambitions et stratégies territoriales, le leadership, le recrutement, la gouvernance, l’idéologie de Daech ne sont pas comparables avec le fonctionnement d’Al-qaida, dans la mesure où Daech déclasse son prédécesseur. Après tout, Daech contrôle encore un tiers du territoire irakien et environ la moitié du territoire syrien. Plus méthodique, au fond plus classique, mieux armé et mieux soutenu, Daech est plus à craindre localement qu’Al-qaida. En outre, et depuis les attentats de Paris du 13 novembre 2015, Daech semble aussi avoir pour ambi-tion d’attaquer directement des cibles occidentales… Néanmoins, il faut demeurer prudent dans les analyses inflationnistes de la menace terroriste : elle est surtout présente, selon l’Institute for Economics and Peace, dans cinq pays qui subissent 60 % des actes terroristes dans le monde et 80 % des 18 000 victimes tuées par ces actes, soit dans l’ordre : l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan, le Nigéria et la Syrie5. En dehors de ces pays, la menace n’est, selon les termes du journaliste Jason Burke du

4. Audrey Kurth CRONIN, « ISIS Is Not a Terrorist Group », Foreign Affairs, vol. 94, mars-avril 2015, p. 95.

5. Consulter le rapport annuel de l’Institute for Economics and Peace, 2015 Global Terrorism Index, New York, IEP, novembre 2015, 111 p.

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Guardian, pas plus importante qu’avant ou après le 11 septembre 20016.

• En revanche, faut-il craindre les « loups solitaires » qui s’autoradicalisent selon les termes du journaliste français Nicolas Hénin ? Quelle est la part du religieux dans ce processus de radicalisation ? Assez souvent, on établit le lien entre radicalisation et exclusion, entre solitude, problèmes psychologiques, réseau social (ou pas) et atti-rance pour l’extrémisme violent. Il faut toutefois veiller à ne pas associer automatiquement radicalisme et terro-risme. Dans la mesure où Daech accomplit ses objectifs, et parvient à convaincre la base potentielle de recrues terroristes – où qu’elles soient – du message apocalyptique justifié par une instrumentalisation de la religion musul-mane, on peut être porté à redouter la prolifération de ces « loups solitaires ». D’autant que, contrairement à Al-qaida, l’EI réalise ses prophéties. Le message de l’EI s’exprime avec force tandis qu’il conserve ou gagne du terrain – tout le contraire d’Al-qaida après 2001. Dans la surenchère djihadiste, qui aurait cru à une telle confrontation san-glante entre les deux groupes ? Le seul fait que Daech réussisse semble attirer les « loups solitaires ». Le terro-risme est après tout un phénomène de moindre ampleur (bien plus de gens meurent sur les routes), et bien que la guerre en Syrie ait mobilisé plus de combattants étrangers provenant d’Europe et d’Amérique que toutes les guerres des vingt dernières années, il faut prendre l’exacte mesure de cette menace. En l’état actuel, des experts comme Jason Burke, Daniel Byman et Jeremy Shapiro, affirment qu’il n’y a pas de raison de croire que les djihadistes occiden-taux qui reviendront de Syrie seront plus dangereux que

6. Jason BURKE, « No Silver Bullet : The Myths of Terrorism », The Guardian Weekly, 18 septembre 2015, p. 27-28.

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PRÉFACE 15

ceux qui sont revenus d’Afghanistan ou de Bosnie – sans doute plus désillusionnés que mobilisés. À ce titre, une étude des services de renseignement européens7 affirme qu’un combattant sur neuf ayant voyagé d’Europe vers une zone de conflit entre 1990 et 2010 est revenu avec l’idée ferme de commettre un attentat. Dans le même esprit, l’étude de Risa Brooks aux États-Unis se voulait également rassurante : « En réalité, la menace d’un terro-riste musulman américain commettant un attentat en sol américain ne s’est pas accrue8. » Selon les compilations de l’auteur, on dénombre 175 individus identifiés comme musulmans (résidents ou citoyens) qui ont été accusés de complot terroriste aux États-Unis, entre 2001 et 2010, soit une moyenne de 17 personnes par année. En comparaison, pour la même période, 80 complots d’extrême droite ont été déjoués ou perpétrés… Les attentats du marathon de Boston en avril 2013, les attaques sur le parlement à Ottawa et à Saint-Jean-sur-Richelieu en octobre 2014, celles de Charlie Hebdo en janvier, puis du Bataclan en novembre, enfin de San Bernardino en décembre 2015 semblent vouloir démontrer que la tendance pourrait s’inverser et qu’avec la montée en puissance de l’EI, l’action des « loups solitaires » soit à redouter davantage. Ici seul le recul permettra d’en juger.

3. En présence du terrorisme international et du radicalisme, les réponses ont été sans doute largement démesurées, les conséquences de l’effet 11 septembre toujours omniprésentes. Pour autant, la réponse militaire semble à bien des égards inadéquate, celle du renseignement jamais suffisante en  apparence pour déjouer les complots, et la réponse

7. Daniel BYMAN et Jeremy SHAPIRO, « Homeward Bound ? Don’t Hype the Threat of Returning Jihadists », Foreign Affairs, vol. 93, p. 42.

8. Risa BROOKS, « Muslim “Homegrown” Terrorism in the United States », International Security, vol. 36, automne 2011, p. 9-10.

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humanitaire souvent absente, inadéquate et a posteriori. Comment apprécier les effets des stratégies de lutte contre le terrorisme et le radicalisme à l’échelle internationale ?

• Selon les stratégies mises en place actuellement, la guerre contre le terrorisme ne semble pouvoir se gagner que par les seuls moyens militaires – la stratégie pour l’instant privilégiée depuis plus d’un an par la coalition menée contre Daech par les États-Unis. Que ce soit le recours aux drones armés ou aux opérations spéciales, la collecte et l’analyse du renseignement, la cyberguerre pour affronter le cyberterrorisme, ces méthodes sont au cœur de la stratégie occidentale et notamment américaine. Absente est la réponse politique et diplomatique de la lutte contre le terrorisme – la seule réponse qui ultime-ment et historiquement est en mesure selon bien des experts de saper sur le long terme la légitimité et les actions d’un groupe terroriste. L’insuffisance des objectifs et des moyens sur ce plan est criante : il n’existe pas de leadership sunnite crédible et légitime en Irak. Or, la délégitimation du terrorisme est le meilleur moyen de défaire Daech comme Al-qaida et les mouvements ter-roristes (et de guérillas) en général ; et c’est dans ce sens que vont les cinq recommandations d’Olivier Roy9 : (1) renforcer les oppositions locales, notamment les Kurdes ; (2) prendre en considération le mécontentement des Arabes sunnites et éviter la création d’une sorte de « Sunnistan » radicalisé en Irak ; (3) éviter de trop « glo-baliser » la nature de la menace ; (4) comprendre que le djihadisme fascine les jeunes pour la cause qui fait peur, pour « le héros négatif », et plutôt faire entendre des messages contraires, par exemple d’ex-djihadistes en

9. Entretien avec Olivier ROY par Mikaël GUEDJ, « La mécanique djihadiste », Politique internationale, no 147, printemps 2015, p. 201-218.

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menant une contre-propagande séductrice et non répres-sive, en mettant sur pied des programmes de déradicali-sation ; enfin (5) éviter toute intervention au sol de la coalition qui serait totalement contre-productive. Pour leur part, James Fromson et Steven Simon concluent : « la gouvernance et le financement, plus que tout autre fac-teur, seront les talons d’Achille du groupe EI et contri-bueront à sa dégénérescence10 ». Il sera intéressant, un jour, d’expliquer comment sera survenue la fin de Daech et de la comparer à celle d’Al-qaida…

• « Daech, affirme la directrice du centre Carnegie sur le Moyen-Orient, Lima Khatib, est comme l’eau qui s’infiltre à travers les failles de la communauté internationale11 ». À cet égard, le recul de la communauté internationale, particulièrement dans le domaine humanitaire, est, depuis plusieurs années, criant. Or le but du terrorisme est justement de terroriser, pas seulement d’attaquer, et cela fonctionne plutôt bien dans la mesure où l’État est tenté par le recours quasi permanent aux mesures d’ex-ception. Cette mise en garde, notamment faite par Jason Burke dans son dernier ouvrage, où il insiste sur les réponses inadéquates et les erreurs de l’Occident dans sa guerre contre le terrorisme, vaut la peine d’être conservée en mémoire – surtout lors des périodes de crise12. À cet égard, comme le montre cette publication sur les quinze ans du 11-Septembre, la tentation de l’exagération sécuri-taire est difficilement réversible. Mais cela est possible. Il en va de même pour l’action humanitaire, grandement

10. James FROMSON et Steven SIMON, « ISIS : The Dubious Paradise of Apocalypse Now », Survival, vol. 57, juin-juillet 2015, p. 36.

11. Citée par Régis LE SOMMIER, « Réfugiés : Pourquoi Daech est là pour durer », Paris Match, 11 septembre 2015, p. 75.

12. Jason BURKE, The New Threat from Islamic Militancy, Londres, The New Press, 2015, 304 p.

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absente depuis plusieurs années dans le cadre du conflit en Syrie. Ainsi, les demandes répétées de l’ONU en 2014 pour une aide de plus de 8 milliards de dollars sont restées insatisfaites, à peine la moitié de la somme ayant été consentie par les pays membres. Le rapporteur spécial des Nations Unies, François Crépeau, juge nettement insuffisante la réaction de la communauté internationale devant la misère des réfugiés et des personnes déplacées en raison du conflit en Syrie13. À ce stade, il convient de souligner que la « re-barriérisation » de l’Europe est une conséquence directe et imprévue de la mauvaise gestion géopolitique de la crise au Moyen-Orient et en Afrique. Pour paraphraser Tolstoï, « si vous ne vous intéressez pas aux conflits, ceux-ci s’intéressent à vous ».

Ainsi, il est plus que nécessaire que le terrorisme soit analysé au-delà du radicalisme religieux et de la seule pers-pective nationale. C’est un phénomène plus fluide, plus international et plus imprévisible que jamais. Il semble que la dimension géopolitique est cruciale pour mieux com-prendre son évolution.

Je suis donc particulièrement heureux de préfacer ce nouvel ouvrage de la Chaire Raoul-Dandurand sur les quinze ans du 11 septembre. Nous sommes en effet dans un état de guerre « quasi permanent » depuis plus d’une décennie maintenant. Dans la présente publication, trois objectifs importants sont en perspective. Premièrement, mieux faire comprendre la nature du terrorisme auquel nous faisons face, particulièrement provenant du groupe Daech mais aussi de ce que nous appelons communément les « loups solitaires ». Deuxièmement, mieux expliquer le lien

13. François CRÉPEAU, « La dimension humanitaire du terrorisme et l’enjeu des personnes déplacées », Colloque international : Terrorisme international et radicalisme au Moyen-Orient et en Afrique : Origines, menaces, conséquences, Chaire Raoul-Dandurand, 13 novembre 2015.

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PRÉFACE 19

entre terrorisme et radicalisme dans des régions qui sont largement sources de préoccupation, notamment le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Enfin, mieux évaluer l’efficacité ou non des réponses occidentales, notamment militaires, dans la lutte contre le terrorisme. En particulier, mieux mesurer l’impact de cet état d’exception « quasi permanent » sur les sociétés occidentales, la société américaine et sur les rapports entre le Canada et les États-Unis. Je vous souhaite une excellente lecture de cet état des lieux éclairant.

Montréal, le 31 décembre 2015

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INTRODUCTION

15 ans après, l’état d’exception permanent

Où étiez-vous et que faisiez-vous au moment des attaques du 11 septembre 2001 ? Impossible de ne pas

s’en souvenir. Les images de l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center resteront à jamais gravées dans la mémoire de ceux et celles qui les ont vues en direct ce matin-là, ou en boucle durant les jours, les semaines et les mois qui ont suivi. Comme le 7 décembre 1941 (attaque japonaise de Pearl Harbor), le 22 novembre 1963 (assassinat de John F. Kennedy) ou le 9 novembre 1989 (début de la démolition de mur de Berlin), le 11  septembre 2001 nous oblige à parler d’un « avant » et d’un « après ». On ne compte ainsi plus les publications expliquant que le 11 septembre a bouleversé les priorités de nos sociétés1, nos discours et convictions relativement au rôle que nos gouvernements devraient jouer dans le monde2, notre manière de concevoir le terrorisme3, de faire la guerre4 et le droit5 ou encore de définir l’identité nationale de nos pays6. Des séries à succès

1. Allan CIGLER (dir.), Perspectives on Terrorism : How 9/11 Changes U.S. Politics, Boston, Wadsworth, 2002.

2. Antje HOLTMANN, « War on Terror – How Discourse Changed after 9/11 », Norderstedt, Grin, 2010.

3. Charles-Philippe DAVID et Benoît GAGNON (dir.), Repenser le terrorisme : concepts, acteurs et réponses, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2007.

4. James BURK (dir.), How 9/11 Changed our Ways of War, Stanford, Stanford University Press, 2013.

5. David JENKINS, Amanda JACOBSON et Anders HENRIKSEN (dir.), The Long Decade : How 9/11 Changed the Law, Oxford, Oxford University Press, 2014.

6. Joseph MARGULIES, « What Changed When Everything Changed : 9/11 and the Making of National Identity », New Haven et Londres, Yale University Press, 2013.

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACECharles-Philippe David 9

INTRODUCTION15 ans après, l’état d’exception permanent 20

Remerciements 24

CHAPITRE 1Un environnement international crispé autour d’une violence mal appréhendée 25

1.1 Le terrorisme : entre mythes et réalités 26Le terrorisme, une hausse réelle à mettre en perspective 27Le terrorisme, des méthodes spectaculaires,

des cibles plus accessibles ? 32Existe-t-il un nouveau terrorisme ? 35Et si le terrorisme était « global-local » ? 46

1.2 Frontières : de l’exception à la normalisation 55L’Amérique du Nord : le laboratoire de sécurité

frontalière ? 57Protéger les frontières physiques et cybernétiques :

le coût financier de la sécurité 58L’exception frontalière étendue au reste du monde 62Le perfectionnement du contrôle frontalier européen 64La fuite en avant de l’Europe : une solution inefficace,

un coût humain croissant 67Une exception frontalière contreproductive 70

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CHAPITRE 2Les États-Unis redéfinis par l’empreinte persistante de la lutte contre le terrorisme 84

2.1 Une société toujours plus surveillée et toujours plus anxieuse 86La lutte contre le terrorisme : un attachement

aux libertés civiles à mettre en perspective 87Une opinion volatile au regard du phénomène

terroriste international 89Des frontières plus dures, plus étanches :

l’état d’exception relatif à l’immigration 96

2.2 Un droit malmené, une conscience malléable 100Le spectre de Guantanamo 102Le maintien de pratiques de tortures 104L’acceptation de la surveillance électronique 107Moins libres et pas plus en sécurité : le cas

particulier du transport aérien 113La guerre intérieure : la militarisation de la police

et la manifestation de l’état d’exception 123

2.3 Une politique étrangère bridée par l’effet 11 septembre 130Une politique étrangère marquée par la lutte

contre le terrorisme 133Une politique boomerang au Moyen-Orient 136Le pivot vers l’Asie : mythe ou réalité ? 144

Chapitre 3Le Canada, un état d’exception permanent à l’américaine ? 150

3.1 La prévalence de la lutte contre le terrorisme en politique intérieure 151La redéfinition de l’architecture de la sécurité

intérieure 152

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Une menace terroriste exagérée ou mal évaluée ? 156L’état d’exception est-il permanent ? 160

3.2 Une politique étrangère canadienne musclée articulée autour de la lutte contre le terrorisme 164Une politique étrangère (presque) militariste 167La fin de la tradition diplomatique canadienne ? 173Une diplomatie prisonnière du carcan national 176

3.3 La relation canado-américaine : le bon voisinage nord-américain 181Le maintien de la « relation spéciale »

au-delà des tensions politiques 182Perceptions mutuelles : le recul de

l’antiaméricanisme et la bonne réputation du Canada aux États-Unis 184

La relation énergétique canado-américaine : après l’âge d’or, un avenir incertain 188

La frontière canado-américaine : collaborer pour la sécurité et la prospérité 191

CONCLUSION 195

BIOGRAPHIES DES AUTEURS 199

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cet ouvrage est composé en minion pro corps 11selon une maquette réalisée par josée lalancette

et achevé d’imprimer en mars 2016sur les presses de l’imprimerie marquis

à montmagnypour le compte de gilles herman

éditeur à l’enseigne du septentrion