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«De Vincennes à Saint-Denis» Abécédaire 14 janvier au 26 février 2O1O Du lundi au vendredi de 11h à 17h Hall d’exposition de l’université Paris 8 2, rue de la liberté 93526 - Saint-Denis

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«De Vincennes à Saint-Denis» Abécédaire

14 janvier au 26 février 2O1ODu lundi au vendredi de 11h à 17h Hall d’exposition de l’université Paris 82, rue de la liberté93526 - Saint-Denis

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Il y a exactement un an, nous inaugurions, à la Cartoucherie de Vincennes, les manifestations du quarantième anniversaire de Paris 8. De nombreux colloques, spectacles, publications, expositions et festivités ont ponctué cette année jubilaire et permis de nous retrouver autour des valeurs fondatrices du Centre expérimental de Vincennes et de revisiter les grandes pages de son histoire. Au-delà de la célébration et du plaisir des (re)trouvailles et des rencontres intergénérationnelles, des moments chaleureux et festifs que nous avons partagés, les « 40 ans de Paris 8 » auront certainement prouvé le profond attachement de notre université au service public de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi qu’aux valeurs et principes républi-cains. A 40 ans, notre université a atteint l’âge de la maturité, celui où elle peut donner ses plus beaux fruits. C’est pourquoi cet anniversaire, loin d’être une simple commémoration, a contribué à orienter Paris 8 sur les chemins de l’avenir.Puisse cet « abécédaire » de Vincennes à Saint-Denis être une trace originale illustrant le lien qui unit le passé, le présent et notre futur commun.

Pascal Binczak Président de l’université Paris 8

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En résonance avec l’abécédaire « De Vincennes à Saint-Denis », l’exposition « affiches et slogans de mai 68 », installée une première fois par la bibliothèque universitaire en mai 2008, est à nouveau présentée à Paris 8.

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Affiches de mai 68

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À l’occasion du quarantième anniversaire de Mai 68, la Bibliothèque universitaire de Paris 8 avait monté une exposition d’affiches, intitulée « Mai s’affiche », qui avait rencontré un succès patent.Il nous a semblé pertinent pour les 40 ans de l’Université Paris 8 de reprendre ces mêmes affiches et de les associer à “l’Abécédaire de Vincennes à Saint-Denis” conçu pour cet événement. Dans ce nouveau contexte elles s’éclairent d’un jour nouveau.Les affiches exposées appartiennent au fonds Vincennes conservé par la Bibliothèque universitaire. Celui-ci regroupe, sur des supports très divers, des documents produits ou diffusés dans l’Université Paris 8 depuis son origine. Ces pièces ont été choisies dans le souci de restituer la diversité expressive et thématique de Mai 68.Les deux textes suivants, émanant d’universitaires, précisent le sens et la portée des affiches exposées.Danielle Tartakowsky, historienne, spécialiste des formes de la culture politique dans la France du 20e siècle, a consacré en 2008 l’un de ses séminaires au mouvement de Mai 68. Elle présente ici un exposé historique et synthétique des événements qui, prenant en compte l’immense littérature accumulée sur la question et les tendances actuelles de la recherche, fait le point sur une description et une compréhension vraisemblables des événements et de leur sens pour notre temps.Henriette Touillier-Feyrabend, spécialiste de l’histoire culturelle des images, aborde les affiches de Mai sous l’angle de l’esthétique de l’imagerie politique. Le style propre à ces affiches n’est pas une création ex nihilo. Il s’agit donc d’identifier et de caractériser les sources et les influences de l’iconographie de Mai 68. Sans pouvoir se détacher de la réalité à laquelle elle renvoie, on ne saurait éviter de se demander si ces affiches sont plaisantes, belles ou simplement décoratives, humo-ristiques ou diffamatoires.

Carole Letrouit Directrice de la Bibliothèque universitaire de Paris 8 Saint-Denis, le 8 janvier 2010

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Par Danielle Tartakowsky, professeur au département d’Histoire de Paris 8

Un mouvement transnationalDans les années soixante, I’arrivée à l’âge adulte de la génération du baby boom, la croissance et l’accès a une consommation de masse (dans les pays industrialisés en premier lieu), l’allongement de la scolarité, la démocratisation de I’enseignement et la transfor-mation des mœurs autorisent l’émergence de ce nouveau groupe social qu’est «la jeunesse». Son affirmation, d’abord culturelle (hip-pies, blousons noirs, jeunes gens en colère..), amplifie la crise des formes d’encadrement de la jeunesse constituée après la seconde guerre et doit à la guerre du Vietnam de bientôt revêtir un tour plus politique. Aux États-Unis, la contestation étudiante débute en 1964 à Berkeley. En Europe, elle émane de la mouvance communiste et de mouvements d’extrême gauche. De nouveaux modes d’action s’affirment qui empruntent indifféremment au mouvement améri-cain pour les droits civiques, à la Subversive Action berlinoise, aux Zengakuren japonais, aux Provos d’Amsterdam... et n’excluent pas la violence.Cette contestation dont l’assise étudiante est forte se circonscrit principalement en Amérique du Nord et en Europe occidentale mais affecte également, sous d’autres formes et sur d’autres thèmes, cer-tains pays socialistes (Pologne, Tchécoslovaquie), I’Espagne fran-quiste, l’Amérique Latine (Mexique) ou le Japon. Parmi d’autres.Le « mai français » participe de cette vague de fond mais présente la particularité de combiner une crise étudiante à une crise sociale d’ampleur (qui n’a d’égal qu’en Italie) et de revêtir une dimension politique, ailleurs inexistante. C’est que la France est le seul pays industriel à devoir affronter cette crise à teneur anthropologique avec un régime tout juste âgé de 10 ans. Traversée par les inquié-

tudes que soulèvent I’ampleur des redéfinitions économiques et sociales corollaires du Ve plan, elle connaît une crise composite dont les différents aspects se surimposent et s’entrechoquent sans pleinement se confondre.

« La commune étudiante »L’explosion scolaire et universitaire a, partout, généré une tension entre la masse accrue des étudiants et des universités que rien n’avait préparés à faire face à tel afflux. À Paris, la fermeture de l’universite de Nanterre, le 3 mai, suite aux agissements du Mouve-ment du 22 mars puis, par ricochet, de la Sorbonne vaut à l’agitation endémique depuis des semaines de gagner la rue. Elle atteint la quasi-totalité des villes universitaires et culmine avec la nuit des barricades (10-11 mai) qui réactive de vieux fantasmes. Ces bar-ricades qui «ferment la rue mais ouvrent la voie» constituent un «événement critique» qui vaut à «des événements historiques qui devaient normalement s’ouvrir et se clore en ordre dispersé » de précipiter en une crise générale née de leur conjonction (P. Bourdieu). L’intervention des forces de l’ordre se solde par près de 460 interpellations et plus de 350 blessés, soit des effets mesu-res rapportés à la Commune de Paris, redevenue modèle et drapeau, aux manifestations ayant marque le terme de la guerre d’Algérie où a la répression meurtrière qui frappe alors même les étudiants mexicains. Mais elle concerne un milieu qui doit à son âge et son statut de jouir, depuis des années, d’un fort capital de sympathie. Dans un pays tout juste sorti d’un état de guerre presque ininter-rompu depuis 1940 (mars 1962, accords d’Evian), I’affaissement du seuil de tolérance sociale à la violence contribue à l’ampleur de l’émotion.L’implication politique du mouvement syndical s’est affirmée forte-ment durant la guerre d’Algérie puis manifestée, sur un mode plus

convenu, à la faveur des journées interprofessionnelles de 1966 et 1967 destinées à contrer les orientations économique et sociale du régime. Cette configuration prévaut de nouveau après la nuit des barricades. La FEN, la CGT et la CFDT répondent favorablement à 1’appel à l’aide qui leur est lancé par I’UNEF et s’accordent sur le principe d’une journée de grève avec manifestations, le 13 mai. FO s’y rallie sur un appel séparé. L’effacement du pouvoir parlemen-taire, la faiblesse des corps intermédiaires valent au chef de l’État de se trouver exposé en première ligne. Les manifestations dont le nombre et I’ampleur sont sans précédent résonnent des cris de « 10 ans ça suffit», étrangers à la liste des mots d’ordre initialement convenus.

Un mouvement social d’ampleurLe chef de l’État tient d’abord les incidents du Quartier latin pour un problème d’ordre public, traité comme tel. Cette approche s’in-fléchit après que Georges Pompidou I’a convaincu de jouer I’apaise-ment. La réouverture de la Sorbonne, effective le 13, est cependant trop tardive pour désamorcer un mouvement en plein essor. Dans la nuit du 13, les étudiants occupent la Sorbonne puis la plupart des universités et l’Odéon, devenus autant de forums ou la parole se libère. Des comités de toute espèce se multiplient. La réforme et I’utopie se confondent (« prenons nos désirs pour des réalités ») tandis que le marxisme, le situationnisme et la pensée libertaire s’affirment et se combinent sur des modes inédits.Dès le 14, les occupations s’étendent à certaines usines (Sud-Avia-tion, Renault-Cléon). Le 16, la CGT et la CFDT appellent, chacune à leur manière, à amplifier action sans appel explicite à la grève générale. La grève avec occupations du moins se généralise en réactivant la mémoire de 1936, son esthétique, ses pratiques et le mythe de la Grève générale. Elle est sensiblement plus ample qu’en

Une crise sociale complexe

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1936 des [ors qu’étendue au secteur public et a I’encadrement et, par là, plus complexe. Dans les entreprises dépourvues de syndicats (Citröen), elle permet de poser (et de résoudre) des problèmes qui le furent, ailleurs, en 1936. Dans les bastions cégétistes (secteur pu-blic), elle permet à des revendications en suspens depuis des mois de trouver une issue. Dans certains secteurs de pointe où la CFDT prédomine prévalent les thèmes autogestionnaires. Les journalistes de I’ORTF se battent pour la liberté d’information. L’enseignement secondaire et le monde agricole se mobilisent également.Contestation et occupations s’étendent à la plupart des structures d’encadrement en n’épargnant ni les églises ni les associations, des fédérations sportives aux parents d’élèves en passant par le Mouve-ment familial.. Les ordres d’architectes, de médecins, d’avocats sont affectés. Les festivals de Cannes et d’Avignon mis à mal. Tandis que « L’imagination prend [souvent] le pouvoir» et que s’affirment des aspirations à vivre autrement glissant à l’hédonisme et un commun rejet de I’autoritarisme.Cette généralisation pose bientôt la question de la crise et de sa nature. S’agit-il d’UN mouvement dont tous s’essaient, alors, à dé-finir le principe unifiant et à s’approprier le leadership ou de mou-vements disjoints dont les manifestions conflictuelles déployées à Paris révèlent les contradictions ? La grève se résume-t-elle a un mouvement revendicatif? Constitue-t-elle une modalité nouvelle du politique ? Dessine-t-elle une perspective autogestionnaire (CFDT) ? S’agit-il d’une « grève insurrectionnelle » (UNEF-PSU : « le pouvoir est dans la rue» ) ?D’une « grève de masse », susceptible d’engager le pays dans la voie d’une mutation politique profonde en hâtant la ratification d’un programme commun d’union de la gauche (CGT et PCF) ? Autant de questions dont les réponses conditionnent bientôt les attitudes face a d’éventuelles négociations.

Une crise politique Les contradictions n’épargnent pas la majorité où la question de l’après gaullisme paraît ouvertement posée. Le 24 mai, le général de Gaulle abandonne à son premier Ministre la carte de la négociation

et se réserve d’annoncer au pays un referendum visant à instaurer la participation et la régionalisation. Sans résultats probants.Des stratégies concurrentes de relève politique vont alors se mul-tipliant. Le PCF préconise I’ouverture de négociations mais invite simultanément à constituer des « comités pour un gouvernement populaire et d’union démocratique ». La CFDT regarde du côté de Mendès France qui se compromet, pour lui, à Charléty, le 27, aux côtés d’une fraction de l’extrême gauche. La CGT rencontre le PCF et la FGDS et, constatant leurs divergences, mise résolument sur un nouveau Matignon. Les négo-ciations s’engagent le 25 mai au ministère du travail, rue de Grenelle mais s’avèrent infiniment plus délicates qu’en 1936: les syndicats de salariés sont, cette fois, nombreux et divisés, et l’État présent au titre d’arbitre mais également d’employeur. On doit se contenter d’un « constat» d’accords (augmentation de 35% du SMIC, suppression des abattements de zone...) et de désaccords, sensiblement plus nombreux. Les grèves se prolongent et les négociations se déplacent sur le terrain des branches.La présidentialisation et la personnalisation qui valent au chef de l’État d’avoir été dès le 13 une cible majeure le dotent, aussi bien, des moyens de survivre a une crise qui eut emporté n’importe quel gouvernement de la IVe République. Le 29 mai, sa «disparition » laisse accroire à d’aucuns (F. Mitterrand) que le pouvoir est vacant. Le général s’est, en fait, rendu à Baden-Baden où il a rencontré le général Massu. II réapparaît le 30 quand se déroule une formida-ble manifestation à l’appel de ses partisans qui réactive la mémoire d’août 1944 et, dans une allocution radiodiffusée, dénonce le « complot» ourdi par le « communisme totalitaire », annonce la dis-solution de l’Assemblée nationale et des élections nouvelles.Ce choix contraint chacun à accepter l’issue parlementaire où à se mettre en marge du consensus républicain en se condamnant alors à un échec obligé; soit un choix auquel les formations d’extrême gauche dont les adhérents, âgés pour beaucoup de moins de 21 ans, sont exclus du jeu électoral, seront seules à se résoudre (« élections trahison »). La Sorbonne est évacuée par la force et les syndicats précipitent les grèves dans une issue négociée. Le 23

juin, la majorité, chancelante de 1967 sort confortée de l‘épreuve et I’emporte par 358 sièges sur 485 mais cette victoire est, bien-tôt, suivie du vote de lois propres à satisfaire à quelques-unes des aspirations du mouvement dont celle sur la création de la section syndicale d’entreprise (décembre 1968) et la loi d’orientation de I’en-seignement supérieur (novembre 1968), à I’origine des universités de Dauphine et de Vincennes. II s’agit pourtant d’une victoire à la Pyr-rhus pour le chef de l’État. Les événements qui viennent de conforter le pouvoir en le dotant d’une chambre introuvable accentuent les contradictions internes à sa majorité. Le referendum organisé en avril 1969 pour tenter de mettre en œuvre les réformes préconisées le 24 mai se solde par un résultat négatif, fruit d’une convergence conjoncturelle mais efficace entre la droite modernisatrice qui a ma-nifesté ses impatiences au cœur même de la crise et les acteurs, disparates, du mouvement de mai. Cette défaite entraîne le départ du général de Gaulle en sonnant le glas du gaullisme historique. Ce qui peut se donner à chaud pour une victoire politique différée du mouvement de mai/juin ouvre la voie a des redéfinitions politiques majeures. Le régime survit à la crise mais se transforme.

Une postérité complexe« 68 » ne saurait se réduire au temps court de la crise ouverte ou de son immédiate issue. Les aspirations autogestionnaires qui s’étaient alors exprimées trouvent à s’affirmer dans la contre-culture qui s’épanouit après la disparition du gauchisme politique (1972) par l’entremise de medias (Actuel) et des « nouveaux mouvements so-ciaux », féministes, régionalistes, écologistes, antimilitaristes, ho-mosexuels ... Elles deviennent une référence mobilisatrice et iden-titaire pour la CFDT et certains mouvement de contestation (LIP). La libéralisation culturelle entre quasi simultanément dans la loi à l’initiative, cependant, de Valéry Giscard d’Estaing : abaissement à 18 ans de la majorité (5 juillet 1974), transformation du statut de I’ORTF (7 août), installation de l’IVG (17 janvier 1975), divorce par consentement mutuel (2 juillet). Ces délais et distorsions interdi-sent de les assimiler à « 68 » (comme ce fut le cas, en 1936, pour les congés payés).

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Que la victoire du libéralisme politique et cette libéralisation de la société soient quasi contemporaines d’un retournement de cy-cle contribue à brouiller les repères et filiations. Le nouveau cycle libéral trouve un terreau fertile dans la mise à mal de toutes les procédures d’encadrement mais, par là, de régulation ayant caracté-risé les 30 glorieuses qui s’est opérée en 1968. De nouveaux modes d’articulation entre I’individu et le collectif mettant au cœur I’efface-ment de l’État, le rejet des règles au profit de la liberté individuelle et I’individuation grandissante constituent un terrain propice aux dérégulations. Cette postérité complexe répond d’une progressive mise à distance de «68» par la plupart de ses acteurs, de sa faible mobilisation mémorielle par les mouvements sociaux ultérieurs. Les attaques contre « la pensée 68 » relayées par les plus hauts sommets de l’État et la forte mobilisation médiatique dont le 40è anniversaire est l’occasion n’ont pas occasionné de mutations radi-cales à cet égard.

Ouvrages de Danielle Tartakowski sur le sujet:1968 : Exploration du Mai français, avec R.Mouriaux, A.Percheron, A.Prost, L’Harmattan, 1992Le pouvoir est dans la rue : crises politiques et manifestations en France, Aubier, 1998La Manifestation, avec Olivier Fillieule, Presses de Sciences Po, 2008

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Affiches et slogans de mai 68Par Henriette Touillier-Feyrabend, chargée de recherche au CNRS

L’ampleur de la révolte des étudiants de mai 68 a transformé en référent un phénomène pourtant nul-lement unique dans le contexte politique et artistique mondial de l’époque. La génération née après-guerre subissait une grande pesanteur moralisatrice, un autoritarisme tant institutionnel que familial, et surtout une guerre, très controversée, au Vietnam. Divers mouvements artistiques contestataires européens, comme le groupe COBRA, acronyme de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam, exerçaient une certaine influence dans un cercle estudiantin restreint mais actif, alors même qu’aux Etats-Unis, à Monterey en Californie, en 1967, un grand rassemblement musical hippy, gratuit, réunissait les plus grands artistes pops devant des milliers de personnes sur fond de paix, d’amour, de marijuana et de LSD. Ce concert eut un retentissement mondial car il concentrait tous les ingrédients de la transgres-sion à laquelle la jeunesse aspirait.

En France, la télévision était aux ordres du gouvernement ainsi que nombre de media. Aussi, comme dans toute situation de révolte, les contestataires eurent recours aux affiches, aux tracts, aux jour-naux spontanés... mais affiches et slogans, parfois peints a la bombe directement sur les murs, furent seuls porteurs des messages au plus grand nombre. Les affiches tirées au début à une cinquantaine d’exemplaires puis à plus de trois cents démultiplièrent par leur omniprésence, principalement au Quartier latin, l‘influence de leurs slogans. Repris dans des chansons enregistrées dont les ventes devaient soutenir les étudiants et les grévistes, clamés dans les manifestations, ils sont restés dans les mémoires.

Les étudiants des Beaux-Arts et des Arts Décoratifs qui s’étaient mis en grève en soutien aux étu-diants du Quartier latin réalisèrent grand nombre de ces affiches. Pensant créer une nouvelle société qui serait collectiviste, les étudiants rejetèrent la signature, propre de l’artiste, signe d’individualité. Articles et affiches furent donc anonymes porteurs seulement d’un cachet permettant d’identifier les lieux de production : Atelier populaire, ARZA, ENSBA... Quelques artistes de renom : Alechinsky, Helion, Zao Wou Ki ainsi que des membres fondateurs de COBRA Karel Appel, Asger Jorn... manifes-tèrent leur intérêt pour ce mouvement en réalisant quelques lithographies ou sérigraphies, mais les étudiants se méfièrent de ces artistes qui s’emparaient du thème.

Les affiches étaient réalisées à la suite d’une demande extérieure émanant d’usines ou d’entreprises en grève - « la grève continue », « la lutte continue » -, ou en réaction à des événements quotidiens. Ainsi de l’intervention radiodiffusée du général De Gaulle décrétant « la réforme oui la chienlit non », à laquelle la riposte repris ce mot inusité, reste depuis lié à cette époque la chienlit, c’est lui »; ou encore de Daniel Cohn-Bendit, acteur phare des manifestations, attaqué sur ses origines puis interdit de territoire, déci-sion qui suscita une grande solidarité parmi les étudiants - « nous sommes tous indésirables », « nous sommes tous des juifs allemands »...

Exécutées d’abord en lithographie, ces affiches furent vite réalisées en sérigraphie, procédé plus lé-ger, peu coûteux, donnant une impression de relief et permettant des tirages plus importants.C’était d’ailleurs resté un procédé apprécié par les groupuscules politiques. Un petit nombre d’affiches ont également été tirées à partir de photos parues dans la presse, entre autres celle Cohn-Bendit, l’un des leaders du mouvement du 22 mars, moqueur, face à un CRS menaçant ou celle d’un jeune à l’arcade sourcilière ensanglantée.

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Imprimées sur des rouleaux de fin de bobines venant de différentes imprimeries, puis sur des listings d’ordinateurs, du papier kraft, du papier de boucherie..., disposant de peu de temps, la couleur propre du papier utilisé servit de fond à ces affiches, ce qui explique l‘importance des fonds blancs. Géné-ralement réalisées en une seule couleur, le noir (meilleure lisibilité et révolte contre I’ordre établi ; seules les affiches officielles avaient le droit d’être imprimées en noir sur blanc selon la loi de 1943) et le rouge prédominent (« on parlait rouge parce qu’on parlait révolte »). La couleur ne couvre pas toute la composition, elle n’est souvent qu’un contour, esthétique existant déjà dans les comités Vietnam et tirée de I’esthétique révolutionnaire cubaine.

Dans ces affiches, c’est à l’image que la place la plus importante est réservée. Le texte n’y a d’ailleurs ni place ni forme attitrées : pavé, bulle, inclus dans I’image ou en dehors. La typographie fait souvent partie de I’iconographie : « Liaison effective Flins » dont le L forme la cheminée de I’usine, « la muta-tion gaulliste » dont le 0 adopte le signe fasciste, les S reprennent la typographie nazie...

Les deux signes iconographiques les plus fréquents sont assurément I’usine et le poing. L’usine sty-lisée avec son toit en arêtes aigues et sa cheminée support de métaphores : le cigare du capitalisme, la hampe du drapeau rouge, la base du poing brandi... Symbole du monde ouvrier, I’usine aura été en mai 68, pour la première fois, représentée au premier plan dans des affiches contestataires. Le poing stylisé, à la position des doigts si particulière, semble devoir être attribué aux fenêtres ROSTA, affiches artisanales exposées dans les vitrines des magasins vides en Russie et réalisées par Maïakovski entre 1919 et 1922. Repris par les mouvements révolutionnaires en Chine dont les affiches étaient connues des étudiants, ce poing devint le symbole de la révolte étudiante. II fut maintes fois repris par des mouvements contestataires : les Black Panthers, le MLF...

Dès I’apparition des fenêtres satiriques ROSTA, I’information transformée en images et le graphisme révolutionnaire fait de personnages typiques et de leurs attributs étaient mis en place. Si Mai 68, malgré la légende, ne fut pas, en la matière, vraiment créateur, son originalité tient à son ironie, à un certain humour car, tout en tenant un discours d’agitation, les étudiants voulaient avoir les rieurs de leur côté. Ce style gavroche un peu frondeur était dû essentiellement à la jeunesse des participants.

Henriette Touillier-Feyrabend a participé aux ouvrages suivants :- L’Art dans la pub, Union centrale des arts décoratifs, Ed. Alternatives, 2000- De la censure à 1’autocensure, PUF, 2006

Quelques ouvrages de reproduction d’affiches :- Les 500 affiches de Mai 68, Vasco Guasquet, Balland, 1978

- Mai 68 ou l’imagination au pouvoir, Bruno Barbey [et al.], Galerie Beaubourg, Ed.de la Différence, 1998- Mai 68 : L’affiche en héritage, Michel Wlassikoff, Alternatives, 2008

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