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1 "Une vache chez les bonobos" Ou l'histoire d'une famille très ordinaire... Comédie en 2 actes pour onze acteurs de Philippe Lesage

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Page 1: 1 Une vache chez les bonobos - Le Proscenium · m’aurait demandé la recette pour faire des glaçons. Basile : sois gentille, mon amour, c’est ma famille quand même ... restez

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"Une vache chez les bonobos"

Ou l'histoire d'une famille très ordinaire...

Comédie en 2 actes pour onze acteurs de

Philippe Lesage

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Philippe Lesage, 56a, grand-route, 6990 Bourdon - Hotton. +32 497 24 87 65 [email protected] Répertoire SABAM. +32.2.286.82.11

[email protected] http://www.sabam.be

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L’histoire en bref - Les personnages. Edwige, veuve excentrique et dépensière, désire resserrer les liens familiaux d’une

famille dispersée. Elle invite ses enfants dans un vaste gîte aveyronnais cédé par

son ami Jean Balle, Procureur de la République retraité. Seul Basile, le fils aîné,

vendeur de matelas au bord de la faillite répond à l’invitation. Sa stressante épouse

Dolorès aspire au repos. Elle ne supporte plus les ratés, l’incompétence et le

manque d’ambition de son mari qui subit la loi de son épouse. Ils doivent prendre

une pause et surtout penser à se refaire une santé financière. Leur vie de couple en

dépend. Dolorès essaie de forcer la main au Magistrat qui s’apprête à léguer une

partie considérable de sa fortune. Les projets de Dolorès sont systématiquement

contrariés par l’arrivée des autres membres de la famille qui se sont ravisés au

dernier moment. Il y a Camille, fille mystique du couple démuni qui termine sa thèse

de doctorat. Son frère Max, adolescent attardé de 21 ans, rêve de devenir guitariste

professionnel. Jean-Edouard, frère de Basile, analyste financier pincé et sévère

rejoindra la famille avec son épouse Rose-Marie, femme dépressive victime de

T.O.C … En vacances, il y a aussi Agnès, la fille cadette d’Edwige, standardiste un

peu limitée qui a épousé Gédéon, fonctionnaire de l’administration. Lui, il ne quitte

son bureau que pour rejoindre sa moitié. Tous deux ont la passion de leur fonction,

des taille-crayons et des dés à coudre… C’est futile, mais ça peut toujours servir. Au

milieu de ce petit monde, on retrouve Robert, père de Dolorès, divorcé jovial et bon

vivant…

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Traits de caractère.

Edwige : extravagante, fantasque, maniérée, exubérante, maladroite avec son

corps. Bref, une vraie folle, très amoureuse de sa nouvelle conquête le Procureur... Dolorès : autoritaire, stressante, envieuse, cassante et cynique. Bref, une bonne femme détestable qui écrase son mari... Une vraie « vache »... Basile : soumis à sa femme, très paniqueur et un peu lâche. Un homme fatigué qui

voudrait qu’on lui foute la paix... Agnès : très limitée, naïve et ridicule. Bref, une vraie blonde... Gédéon : fonctionnaire moyen à l’accent régional très prononcé. Un homme limité, un peu « nunuche », passionné par ses collections d’objets ridicules... Rose-Marie : femme dépressive, stressée par la vie, maladive (T.O.C) et

paniqueuse. Jean-Edouard : ambitieux, sévère, hautain, méprisant. Un donneur de leçons antipathique et de mauvaise foi. Un homme imbuvable... Camille : au départ, sérieuse, prude et coincée. Puis, en étudiant les bonobos, elle

se métamorphose et devient libérée, sexy avec des idées très larges... Max : adolescent attardé en crise qui, bizarrement, finit par se calmer au contact des musiciens écolos. Robert : le mec sympa, un peu moqueur, jovial, très ouvert et bon vivant. Très

complice avec Max, il relativise les choses... Le Procureur : homme de loi bien élevé, lunatique et très allumé. Complètement fou amoureux d’Edwige et de sa vache Aubrac ...

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ACTE 1.

L’action se déroule sur la terrasse à l’arrière d’un gîte aveyronnais (chaises

longues, parasols…). Il y a deux portes sur la façade arrière de la maison :

l’une donne sur la cuisine et l’autre vers le hall et vers les chambres.

Scène 1.

Edwige est seule en scène. Elle arbore une tenue extravagante et colorée, avec

chapeau excentrique.

Edwige : c’est fou comme ma famille est ordinaire. Moi, j’ai toujours eu le goût du

chic. Je crois que c’est pour ça qu’on m’aime !

Mon mari et moi, nous n’avons pas toujours été d’accord sur le sujet. Pauvre Pierre,

va ! Qu’est-ce qu’il a pu me le répéter : « Edwige, trop de fantaisie, tu sais.» Pauvre

Pierre, je l’ai tellement usé qu’il en est mort. Qu’on me comprenne bien... Je ne l’ai

pas tué, mais il en est mort !

Elle me tenait à cœur cette boutique de chapeaux, mais bon… Je vais probablement

la relancer, mon compagnon, le Procureur, m’a fait de belles promesses… Très sûre

de pouvoir bénéficier des largesses du Procureur…

Mon fils Basile, lui, c’est le même que Pierre, un vrai gentil. Pauvre Basile, va, il ne

saura jamais faire commerce… Et puis, pas trop courageux avec ça ! Enfin, Je suis

heureuse de pouvoir l’accueillir avec son épouse dans la maison de campagne du

Procureur. Momentanément désargentée, mais très heureuse…

Le procureur : appelle de son bureau. Edwige…

Edwige : J’arrive, mon Jeannot.

Scène 2.

Dolorès et Basile arrivent sur la terrasse accompagnés par le chant des cigales

en off…

Basile : enfin arrivés, mon amour. On ne sera pas bien ici ?

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Dolorès : très remontée. C’est mal engagé. Dix-sept heures pour faire huit cents

kilomètres et personne pour nous accueillir, tu rigoles…

Basile : détends-toi, s’il te plait.

Dolorès : j’ai du mal. Là, sur le coup, je suis plutôt retendue !

Basile : je t’avais prévenue, ça serait long !

Dolorès : interminable, tu veux dire… Trois fois le tour de chaque rond-point pour

trouver ta direction… J’ai la nausée, Basile !

Basile : on s’était mis d’accord, Dolorès. Pas d’autoroute, pas de péage et pas de

dépenses inutiles.

Dolorès : et aucun sens de l’orientation avec ça. Si notre commerce était rentable,

voilà longtemps qu’on l’aurait ce G.P.S. J’ai raison quand même.

Basile : mais oui, mon amour, tu sais bien que tu as toujours raison… Même quand

tu as tort !

Dolorès : et ce bit-nike que tu as chargé quand je m’étais assoupie…

Basile : quoi, ce bit-nike ?

Dolorès : pas très frais, celui-là… J’ai la nausée depuis Dijon, Basile !

Basile : reste positive, mon amour. Nous sommes les seuls de la famille à pouvoir

goûter à ce havre de paix.

Dolorès : parlons-en de ta famille…Heureusement qu’ils ont décliné l’invitation ! Une

belle-sœur coincée qui risquait de se perdre en revenant de sa chambre et l’autre qui

m’aurait demandé la recette pour faire des glaçons.

Basile : sois gentille, mon amour, c’est ma famille quand même...

Dolorès : et tes frères, tiens, je vais t’en parler de tes frères… Un fonctionnaire

hyperactif… Et un banquier totalement déjanté ! Je n’en peux plus, Basile.

Basile : tout va bien se passer, mon amour. On va oublier les ronds-points, le bit-

nike, ta belle famille et tous nos petits soucis financiers… Tu m’aimes ?

Dolorès : J’hésite !

Scène 3.

Retour d’Edwige accompagnée du Procureur.

Edwige : bonjour, mes chéris. Vous avez fait bon voyage ?

Basile : aucun problème, maman.

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Dolorès : menteur !

Edwige : quel dommage que les enfants ne vous aient pas accompagnés !

Basile : maman, nous devons leur laisser un peu d’autonomie. Ils sont grands

maintenant. Et puis, tu sais, Camille doit terminer sa thèse.

Dolorès : ironique. « Evolution des sentiments amoureux chez les bonobos… ».

Basile : eh oui, maman, des petits singes du nord Congo… Qui l’eût cru ?

Edwige : très amoureuse. Et bien tant pis… Camille va présenter sa thèse, moi, je

vous présente mon Jeannot, celui qui a la chance de partager ma vie…

Le Procureur : soyez les bienvenus, l’Aveyron vous ouvre les bras. Je me présente,

Jean Balle, Procureur de la République retraité, jamais marié mais toujours bien

accompagné !

Edwige : saute au cou du Procureur. Oh, redis-moi ça, mon Jeannot.

Le Procureur : vous êtes ici comme chez vous. Il y a peut-être mieux, mais c’est

plus cher.

Dolorès : très sèche. On se suffira du pas cher...

Le Procureur : alors, c’est vous qui partagez la vie de Basile ?

Dolorès : oui, c’est ça, Procureur, je partage avec Basile les problèmes que je

n’aurais pas eus toute seule !

Basile : elle plaisante Jeannot, euh, Procureur.

Edwige : enfin Dolorès, respirez, pensez que vous êtes en vacances. Tenez,

demain, vous allez pouvoir faire la grasse matinée aux côtés de Basile.

Dolorès : vous savez, Mamy, habituellement, votre vaillant Basile se lève très tôt.

Ainsi, durant la journée, il a plus de temps à ne rien faire… Vous comprenez ?

Edwige : rigole. Enfin, Dolorès, oubliez tout cela et prenez exemple sur nous !

Le Procureur : Edwige et moi, nous sommes détendus, heureux et … fidèles depuis

bientôt cinq mois et douze jours ! Ce n’est pas beau ça ?

Edwige : nous avons atteint l’équilibre affectif…

Le Procureur : et sexuel !

Dolorès : persiste. C’est comme nous, dès qu’on rentre dans la chambre, nous

avons tous les deux la migraine.

Le Procureur : coupe court. Edwige, si vous serviez le verre de bienvenue à nos

hôtes.

Edwige : une petite coupe de champagne, mes enfants ?

Basile : oui, maman, ça m’aidera quelque peu à oublier.

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Dolorès : oublier quoi ? Comment nous rembourserons nos traites ?

Edwige renverse un verre sur la veste du Procureur.

Le Procureur : Edwige, vous pouvez être parfois maladroite…

Dolorès : Procureur, ce n’est pas neuf, ma belle-mère a toujours eu deux mains

gauches.

Edwige : c’est vrai, je suis gauche…

Le Procureur : mais pas de gauche. Ah, ah, ah !

Edwige se prend le pied dans le parasol ou … et tombe à terre.

Basile : quand je vous le disais, Procureur.

Edwige : au secours, faites quelque chose…

Dolorès : Basile, remue-toi, c’est ta mère, quand même !

Edwige : mon eau de Cologne ou mon Chanel, je me sens partir !

Dolorès : très sèche. Pas tout de suite, restez encore un peu avec nous, Mamy.

Le Procureur : calmez-vous, Edwige, ça va passer. Où avez-vous mal ? Edwige,

enfin, répondez…

Edwige s’évanouit.

Basile : ça y est, elle est partie…

Dolorès : elle reviendra !

Le Procureur : on ne va pas la laisser à terre, elle va prendre froid !

Scène 4.

Arrivée de Rose-Marie et Jean-Edouard.

Basile : tracassé. Vous tombez à pic !

Jean-Edouard : distant. Maman, tu ne vas pas bien ?

Dolorès: moqueuse. Si… Elle s’est assoupie, tout simplement...

Rose-Marie : paniquée. Elle se met à « pleurniche » durant toute la scène en

pratiquant ses T.O.C. Comme elle a la phobie de la poussière, elle essuie les

objets avec son mouchoir ou autre toc... Jean-Edouard, je te l’avais dit que ça se

passerait mal.

Basile : nous allons la mettre au frais, sur le canapé. Prenez-la avec moi, Procureur.

Jean-Edouard : donneur de leçon. Un peu de délicatesse, je vous prie. Ce n’est

pas un vulgaire sac de patates, quand même…Voilà, doucement…

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Basile et le Procureur sont très maladroits, ils lâchent Edwige qui hurle de

douleur…

Edwige : Aie, mon pied…

Dolorès : elle est réveillée, c’est bon signe.

Rose-Marie : j’aurais dû rester à la maison.

Dolorès : moi aussi ! Alors, arrête de pleurer comme vache qui pisse, s’il te plaît !

Edwige : je vous en prie, aidez-moi, j’ai mal.

Dolorès : Oh, vous, arrêtez de geindre, on ne fait que ça !

Rose-Marie : elle va mourir ?

Jean-Edouard : j’ai l’impression que c’est grave. Appelez un médecin, une

ambulance et les pompiers, c’est plus sûr…

Dolorès : et la protection civile, tant que t’y es.

Edwige : oh, je souffre.

Le Procureur : calmez-vous, on veille sur vous, Edwige, j’appelle les secours.

Jean-Edouard : maman, nous sommes très conscients que tu souffres mais

maintenant, tu ne vas pas en faire un plat de ton pied…

Dolorès : un pied de porc, c’est excellent, le pied de porc…

Basile : c’est probablement une fracture.

Jean-Edouard : à tous, avec un certain recul. Maintenant, ça serait intéressant de

savoir si c’est une fracture totale ou partielle. La nuance est importante ! Vous n’êtes

pas de mon avis, Procureur ?

Edwige : je vais agoniser.

Rose-Marie : elle a peut-être raison. A sa place, je paniquerais…

Jean-Edouard : en attendant les secours, procédons avec rigueur et méthode : nous

devons maintenir la victime sous surveillance maximale et la garder en éveil.

Le Procureur : Et cette ambulance qui n’arrive pas !

Basile : maman, nous sommes avec toi, un peu de courage, nous allons te remettre

sur pied de guerre.

Dolorès : avec toi, ça m’étonnerait, mon chéri !

Rose-Marie : coucou, Mamy, je suis là. Si vous avez besoin de moi, vous faites

signe.

Edwige : à l’aide, ma jambe se paralyse !

Rose-Marie : le nerf est peut être sectionné…

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Jean-Edouard : pas de manipulations intempestives. Il s’agit d’immobiliser la

fracture en plaçant une attelle !

Basile : un piquet de parasol ?

Rose-Marie : la raquette de tennis ?

Le Procureur : la canne de mon grand-père ? Elle pourrait faire l’affaire, non ?

Jean-Edouard : une idée prodigieuse, Procureur.

Dolorès : enlève sèchement la cravate de Jean-Edouard. Et la cravate de Jean-

Edouard pour faire le nœud… Ils procèdent à l’immobilisation de la jambe

d’Edwige.

Off : sirène d’ambulance.

Jean-Edouard : dépêchez-vous, une ambulance n’attend pas.

Dolorès : désireuse « d’attaquer » le Procureur. Je vous accompagne, Procureur.

Dolorès et le Procureur évacuent la victime.

Scène 5.

Rose-Marie : pleurnicharde. Décidément, Jean-Edouard, nos vacances

commencent mal. L’Aveyron, ce n’est pas le paradis.

Jean-Edouard : pour le paradis, attends encore un peu, je ne suis pas pressé. Çà

attendra.

Basile : oui, relax, ma petite Rose.

Jean-Edouard : condescendant. Alors Basile, la petite famille, les matelas, tout

roule ?

Basile : Pour le moment, c’est un peu mou mais on ne peut pas toujours être au top

comme me le répète Dolorès. Et vous deux ?

Jean-Edouard : « imbuvable ». Oh nous, c’est le top, tu sais bien ! Une carrière

enviable, des revenus stables et confortables, une épouse qui me chérit… Souvent,

je me dis que nous avons beaucoup de chance. Et puis, aucun enfant pour gâcher

notre bonheur… J’ai bien fait de réprimer les envies de maternité de Rose-Marie…

Juste une petite ombre au tableau : son chat. Il est un peu capricieux ces derniers

temps…

Off : bruit de rapace.

Rose-Marie : je ne suis pas très à l’aise....

Basile : il ne va pas s’abattre sur nous, rassure-toi.

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Jean-Edouard : Basile a raison. Décompresse, ma chérie.

Off : bruit de rapace.

Rose-Marie : je suis en train de te dire que j’ai peur, Jean-Edouard.

Jean-Edouard : c’est un épervier d’Europe. Ce n’est pas le plus grand des rapaces,

tu sais.

Off : bruit de rapace.

Jean-Edouard : tu entends, ce « kikiki » à répétition est tout à fait caractéristique de

l’épervier européen.

Rose-Marie : n’empêche que ce « kikiki » me fait peur.

Jean-Edouard : tu devrais prendre un peu de recul, Rose-Marie. Tiens, si tu allais

récupérer sur la literie indigène…

Rose-Marie monte se reposer.

Basile : et à part te chérir, elle prend toujours le temps de suivre son traitement ?

Jean-Edouard : minimise. Tout ça, c’est une vieille histoire, mon vieux. Maintenant

elle va parfaitement bien ! Tout s’est emballé à cause d’un diagnostic médical erroné

… Pas de chance, nous sommes tombés sur un neuropsychiatre neurasthénique.

Ses t.o.c. , c’est de la foutaise.

Basile : ah, bon.

Scène 6.

Retour de Dolorès.

Jean-Edouard : et alors ?

Dolorès : fracture de deux phalanges au pied gauche consécutive à un manque de

calcium. Je lui avais pourtant dit qu’à son âge, il fallait boire du lait.

Basile : c’est grave ?

Dolorès : oui…, ils ne peuvent pas la garder, l’hôpital est bondé, elle est de retour

dès ce soir pour sa convalescence.

Off : bruit de rapace.

Jean-Edouard : j’irais bien prendre des nouvelles de Rose-Marie, moi. Il sort.

Basile : enfin un peu de répit, mon amour.

Dolorès revient sereinement à l’essentiel... Au fait, Basile, comment trouves-tu

notre cher Procureur ?

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Basile : un homme assez banal… Courtois, aimable mais banal. Mais pourquoi cette

question, mon amour ?

Dolorès : à l’hôpital, dans la salle d’attente, j’ai eu l’occasion d’apprécier les qualités

humaines du vieillard .

Basile : évidemment, maman ne s’y est pas trompé !

Dolorès : non seulement, ta mère a apprécié les qualités de cœur du Procureur,

mais surtout, tu dois savoir qu’elle s’apprête à déguster ses qualités sonnantes et

trébuchantes.

Basile : c'est-à-dire ?

Dolorès : espèce de nigaud, je me demande, parfois, si à la confection, il ne t’a pas

manqué quelques minutes de cuisson …

Basile : pourquoi ?

Dolorès : tu es incapable de comprendre que le magistrat est sur le point de

partager sa fortune avec une bonne femme qui l’aura dépensée avant même qu’il ne

passe l’arme à gauche.

Basile : et alors…

Dolorès : alors, cela s’appelle de la donation à personne en danger.

Basile : maman ne dilapide pas l’argent, disons simplement qu’elle le dépense

autrement que nous autres.

Dolorès : n’empêche que nous, nous allons bientôt toucher le fond, Basile ! Nous

pourrions peut-être négocier avec le Procureur.

Scène 7.

Arrivée de Robert avec Camille et Max.

Robert: jovial. Salut, les loulous !

Dolorès : en aparté. Voilà celui qui manquait.

Robert : alors, devinez qui est venu vous rejoindre avec moi ?

Dolorès : tu vas nous le dire, Papa.

Robert : Camille et Max… Max et Camille rentrent. Je les ai finalement convaincus

d’accepter l’invitation d’Edwige au grand cœur.

Max : désinvolte. Et bien, ne faites pas cette tête là. On vous dérange ?

Robert : ils cachent leur joie, Max.

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Camille : très mystique. J’ai eu du mal à me décider, mais cette nuit, j’ai entendu

une voix grave et énergique me dire : « ma petite Camille, tu dois les rejoindre.» J’ai

profité de cette énergie... Et me voilà...

Robert : personnellement, après mon divorce, je me devais de faire une pause et,

comme le vieil éléphant après l’orage, je sais qu’auprès de vous, je trouverai de l’eau

et du repos …

Max: moi, j’ai pensé qu’après les conflits passés…

Dolorès : et avant ceux qui se profilent à l’horizon…

Max : et bien oui, il fallait anticiper pour installer un nouveau climat de confiance

entre nous.

Dolorès : c’est vrai que toi, pour ce qui est de l’anticipation, tu as le nez fin, hein,

mon grand. Dommage que ton nez soit plus fin que ton esprit…

Robert : Dolorès, tu ne vas pas encore revenir sur ce petit échec scolaire. Max m’a

promis…

Basile : que l’année prochaine, il sécherait davantage les bistrots pour aller au

cours, c’est cela ?

Robert : voyons le bon côté des choses… Le ménagement de Max pendant l’année

scolaire lui permet d’être en pleine forme pour les vacances…

Max : restez calmes ! Si je me donnais à fond…

Dolorès : ce qui ne risque pas d’arriver…

Max: justement, je risquerais de devenir ingénieur ou pharmacien et là, sincèrement,

je n’y tiens pas trop.

Camille : tu as raison, Max. Vous devez comprendre que la vraie passion de Max,

c’est la musique. Il chemine pas à pas dans son projet pour atteindre sa destinée…

Et voilà, durant ces délicieux moments de retrouvailles, je suis sûre que nous allons

vivre l’harmonie des corps et des esprits. Mamy, où est-elle ?

Basile : ta grand-mère a pris un petit pied-à-terre à l’hôpital, mon lapin, mais ce n’est

pas bien grave…

Robert : laissez-moi deviner : intoxication alimentaire, entaille de la main gauche,

insolation… Elle a avalé le noyau avec l’abricot peut-être ?

Basile : entorse ou fêlure du pied gauche.

Dolorès sort.

Basile : Dolorès, où vas-tu ?

Dolorès : Je vais prendre l’air du village.

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Basile : attends, j’arrive. Dolorès et Basile sortent.

Scène 8.

Camille : très mystique. J’ai l’intuition que l’Aveyron me portera chance dans mes

recherches : après tout, que sais-je de moi et des bonobos ? Pas grand-chose… Qui

sont ces animaux ? Et moi, qui suis-je ? Est-ce que je m’aime ? Quelle direction dois-

je prendre ?

Robert : conduit Camille vers la porte. La salle de bains doit être au premier, ma

puce, et ta chambre au second. Cherche un peu, ça va aller…

Robert : très complice. Max, pourrais-tu me dire ce qui s’est passé dans la tête de

ta sœur, pour qu’elle consacre le plus clair de son temps à cette espèce de

chimpanzé africain ?

Max : bonobo, mon Bob.

Robert : à une époque, je pensais qu’elle entrerait en religion. Eh bien non, elle

s’est tournée vers des singes…

Max : et pas n’importe quels singes, tu sais…

Robert : ah bon !

Max : les plus sociables, parait-il. Les seuls dont l’activité sexuelle débordante ne

sert pas seulement à la reproduction mais surtout à éviter les tensions et les conflits

dans le groupe.

Robert : ah bon !

Max : des singes qui privilégient toujours la paix à la guerre !

Robert : nous, pauvres humains, nous devrions nous en inspirer, quoi ?

Max : très sérieux. Par contre, ce qui me fait marrer, Bob, c’est quand elle me dit

sérieusement que les mâles en érection se balancent régulièrement dans les arbres

en faisant de l’escrime avec leur pénis. Tu comprends ça, toi ?

Robert : à vrai dire, pas vraiment.

Max : bon, ce n’est pas tout ça, j’ai la dalle, moi ! Y va falloir becqueter !

Robert : complice. T’as raison, mon grand. La campagne, ça creuse ! Va voir s’il ne

reste pas un peu de tambouille en cuisine et profites-en pour visiter les appartements

du patron. On va se gêner, tiens !

Arrivée d’Agnès et Gédéon (habillés comme en hiver).

Robert : moqueur. Ah, voilà la fonction publique ! Comment allez-vous ?

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Agnès : naïve. Je n’imaginais pas que l’aviron, c’était aussi loin…

Robert : vous n’avez pas trop ramé pour arriver en aviron ?

Gédéon : Aveyron, Agnès. Aveyron avec « Y ».

Robert : avec un « Y » comme dans Beyrouth, sinon, ça fait « biroute ».

Agnès : on ne peut pas tout savoir.

Robert : non, juste un peu de tout, ça peut servir.

Retour de Max.

Max : impertinent. Salut, les fossiles. Dites donc, vous n’avez pas l’air d’avoir

rajeuni, vous deux !

Gédéon : Max, ce n’est pas parce qu’il y a de la neige sur la cheminée, qu’elle ne

tire plus…

Agnès : naïve. Et Maman ?

Max: à l’hosto.

Agnès : panique. Et vous ne me dites rien, pas trop grave, j’espère ?

Robert : non, elle n’a pas su lever le pied, comme à son habitude.

Gédéon : à part cela, tout le monde va bien ?

Max : je viens de voir Jean-Ed au premier. Il rassure Rose-Marie qui veut retourner à

la capitale. Les bruits de la cambrouse la font flipper !

Gédéon : et ta sœur ?

Max : ma sœur, elle est sur son plumard en méditation transcendantale. Elle vous

remet le bonjour des bonobos.

Retour de Jean-Edouard et Rose-Marie.

Robert : quand on parle du loup…

Max : dans le dos de Rose-Marie. Ouh, ouh…

Jean-Edouard : fâché. Enfin, Max, je ne suis pas sûr que tes parents

apprécieraient .

Rose-Marie : dépitée. Vous allez-bien, vous autres ?

Agnès : ah ben oui qu’on va bien, hein, Gégé, qu’on va bien !

Rose-Marie : dépoussière les objets (t.o.c.). Moi aussi, je vais bien mais je dois

essayer de me détendre.

Gédéon : alors, Jean-Edouard, toujours aussi actif ?

Jean-Edouard : hautain, coupe court. As-tu appris que je vais accéder à de

nouvelles responsabilités ?

Agnès : tu vas encore « graviter » des échelons ?

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Robert : moqueur. Eh oui, Agnès, pendant que le fonctionnaire fonctionne, le

banquier gravite.

Gédéon : « gravir », Agnès.

Agnès : on ne peut pas tout savoir.

Robert : non, juste un peu de tout, ce n’est pas plus mal.

Agnès : heureusement que tu es « polygame », Jean-Edouard.

Max : félicitations, tonton ! A Rose-Marie. Pas trop dur de partager, Rose-Marie ?

Jean-Edouard : très pédant. Agnès veut probablement signifier que ce sont mes

compétences linguistiques qui permettent de concrétiser mes ambitions

professionnelles.

Robert: en gros, ça veut dire qu’il est polyglotte.

Rose-Marie : et vos collections, Gédéon, elles progressent ?

Gédéon : ça se passe bien et nous comptons bien faire toutes les brocantes du coin,

hein, Agnès.

Agnès : ah oui, ça. C’est pour ça qu’on est venus, hein, Gégé.

Robert : vous faites quoi, là, maintenant ? Les cure-dents, les casse-noisettes, les

pinces à épiler ou les savonnettes ?

Gédéon : on essaye d’enrichir notre collection de taille-crayons. Ça m’a pris quand

je suis rentré à l’administration et depuis lors elle ne me lâche plus !

Max : mine de rien, ça doit être excitant, tout ça.

Agnès : convaincue. Moi, je viens tout juste de dépasser la centaine de dés à

coudre. On est fiers, hein, Gégé qu’on est fiers ! Secrète. Mais, vous ne savez pas

tout…

Robert : il n’y a plus de secret entre nous, Agnès.

Max : vas-y, déballe, tantine.

Agnès : on leur dit, Gégé ?

Jean-Edouard : écoute, Agnès, si tu ne veux pas qu’on le sache, alors, tais-toi !

Gédéon : n’allez pas raconter la nouvelle autour de vous, parce que vous, avec vos

langues de vipère…

Robert: n’ayez crainte, on restera muets comme des carpes.

Agnès : soulagée. Eh bien, voilà, ça fait maintenant trois mois qu’on a décidé, Gégé

et moi, d’acheter tous nos taille-crayons et tous nos dés à coudre en double

exemplaire, hein, Gégé !

Robert : vous n’en faites pas un peu trop ?

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Gédéon : très fier. Quand on aime, on ne compte pas. Ma dernière acquisition

remonte à la semaine dernière : une superbe paire de taille-crayons qui auraient,

figurez-vous, appartenu au secrétaire particulier de Léopold premier ?… Avec

certificat d’authenticité !

Robert : moqueur. Ah, c’est bien ça… Je te reconnais bien là, Gédéon.

Rose-Marie : ça ne coûte pas trop cher, tous ces bidules ?

Agnès : justement, maintenant, on fait des économies. La deuxième pièce est

pratiquement toujours à moitié prix.

Robert : et vous n’avez jamais pensé collectionner des ciseaux ?

Gédéon : pourquoi ?

Robert : vous ne seriez pas obligés d’acheter les doublures, vous auriez les paires

directement… Ah, ah, ah…

Jean-Edouard : dédaigneux. Jai du mal à penser que des gens puissent

s’intéresser à de telles futilités.

Agnès : et ça ne ramasse pas trop la poussière, toute cette breloque ?

Max : non seulement la poussière, mais les acariens, hein, tantine.

Rose-Marie : effectivement, vous y avez pensé aux acariens ?

Max : ces affreuses bestioles qui pondent à une vitesse fulgurante…

Rose-Marie : imaginez un seul de ces petits monstres dans chacun de vos taille-

crayons ou dés à coudre et ce sont des générations entières d’acariens qui vous

dévorent l’appartement.

Agnès : nous, on n’a jamais vu ces monstres-là, hein, Gégé.

Jean-Edouard : militaire. Nous, nous leur menons la vie dure à ces acariens. Nous

avons d’ailleurs remplacé la moquette…

Max : espiègle. Vous l’avez fumée ?

Jean-Edouard : impertinent.

Robert : espiègle… tout au plus.

Jean-Edouard : Je disais donc que nous avions remplacé la moquette par un

parquet haut de gamme qui m’a coûté la peau des fesses.

Rose-Marie : chez nous, on ne plaisante pas avec l’hygiène !

Robert : c’est bien beau tout ça, mais moi, j’ai faim !

Jean-Edouard : c’est une excellente maladie, Robert. D’ailleurs, j’allais vous

proposer que ce soir, c’est moi et Rose-Marie qui régalions. De quoi vous exposer

nos talents culinaires. Que diriez-vous d’un canard aveyronnais !

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Robert : va pour le canard aveyronnais ! Max, viens avec moi, on va acheter ce qu’il

faut pour l’apéro. Robert et Max sortent.

Rose-Marie : craintive. On va y arriver, tu crois ?

Jean-Edouard : enfin Rose-Marie, ce n’est pas la première fois que tu vas faire un

canard …

Rose-Marie : oui, mais ici, il est aveyronnais.

Jean-Edouard pousse Rose-Marie en cuisine … Lui sort par le hall.

Scène 9.

Agnès : quelle chaleur, hein, Gégé !

Retour de Dolorès et Basile.

Basile : je me doutais bien que vous seriez de la partie.

Dolorès : très déçue. Et bien voilà, on est au grand complet maintenant. Pas trop

froid, vous deux ?

Gédéon : nous avons pris nos précautions…

Dolorès : vous avez bien fait !

Gédéon : Vous allez rire …coupé.

Dolorès : non…

Gédéon : et bien, l’année passée, en Ardèche, Agnès a « attrapé un mauvais froid »

en plein mois d’août !

Dolorès : sait-on jamais, ici en Aveyron, avec un peu de chance, elle va en

« attraper un bon »…

Agnès : viens, Gégé, on va se changer !

Agnès et Gédéon sortent vers les chambres.

Dolorès : tu m’avais dis repos dans un havre de paix, c’est ça ?

Off : téléphone.

Basile : répond à sa maman. Mais oui maman, nous allons prendre soin de toi…

Ne te tracasse pas… A tout de suite… Il raccroche. Voilà, elle revient de l’hôpital

d’ici peu.

Dolorès : pressée. Donc, comme on a dit, dès que ta mère est au frais, je veux dire

à l’étage, je persuade le Procureur.

Basile : commence à paniquer. Je répète, moi à l’étage avec la convalescente et

toi au rez avec le Procureur, c’est cela ?

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Dolorès : c’est cela. Dis-toi bien, Basile, que si les matelas ne rapportent plus rien,

Jeannot peut nous procurer tout !

Arrivée d’Edwige accompagnée du Procureur.

Edwige entre en scène, jambe en l’air, plâtrée… Incapable de s’assoir, elle

s’aide de béquilles et est soutenue par le Procureur.

Dolorès : fausse. Très heureuse de vous retrouver, Mamy !

Edwige : vous êtes des anges, mes enfants. Je suis vraiment désolée de perturber

votre séjour.

Dolorès : Ne vous tracassez pas, Mamy, vous allez récupérer à l’étage, en position

horizontale !

Edwige : comment cela, à l’étage ?

Basile : tu as besoin de calme. Maman !

Basile prend sa Maman par le bras et la dirige vers la sortie.

Le Procureur : venez, Edwige.

Dolorès : récupère le Procureur et s’adoucit. Laissez faire, Procureur, Basile est

un grand garçon maintenant. Asseyez-vous et remettez-vous de vos émotions…

Le Procureur : je suis ravi de voir à quel point vous êtes attentionnée pour votre

belle-mère. Malheureusement, cet incident ne vous ont pas encore permis de goûter

à la beauté de notre village aveyronnais ?

Dolorès : oh, vous savez, les vieilles pierres m’intéressent très peu. Beaucoup

moins que les gens.

Le Procureur : et bien, vous avez tort, Dolorès. Les deux ne sont pas incompatibles,

vous savez.

Dolorès : se rapproche. Dites-moi tout, Procureur !

Entrée de Jean-Edouard.

Scène 10.

Jeu soutenu.

Jean-Edouard : accapare le Procureur. Quelle bonne nouvelle, Procureur ! Vous

êtes rentré ?

Dolorès : en aparté. Non, il est sorti « Ducon » !

Jean-Edouard : permettez-moi de vous dire que Saint-Jean du Bruel est un village

magnifique, Procureur…

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Dolorès : en aparté. Ta mère se rétablit à l’étage, si tu veux aller la saluer, c’est le

moment !

Jean-Edouard : pendant que Rose-Marie est en train de vous mitonner le plat du

soir, je suis allé me pencher sur la Dourbie… Alors là…

Le Procureur : une des plus belles rivières de France, mon cher !

Dolorès : insiste. Jean-Edouard, ta Maman se rétablit à l’étage…

Jean-Edouard : ignore Dolorès. Très savant. Vous savez, Procureur, je connais

déjà pas mal de choses au sujet de votre département : les grands causses, la route

des seigneurs, le trésor de Conques et puis Millau et son viaduc, bien sûr…

Dolorès : en aparté. Il ne va pas nous refaire le guide du routard, non plus !

Le Procureur : mais vous oubliez le nec plus ultra ! Notre vache Aubrac.

Jean-Edouard : étonné. La vache Aubrac ! Tiens, tiens.

Le Procureur : la plus belle race bovine de France ! J’en suis amoureux depuis plus

de soixante ans !

Dolorès : Oh, la vache…

Le Procureur : délire. Une superbe bête à la robe fauve sur peau noire. Des

qualités maternelles exceptionnelles… Des aplombs remarquables… Une bête aussi

belle de fesses que de face.

Jean-Edouard : remarquez, Procureur, je suis aussi très attaché, comment vais-je

dire…

Dolorès : en aparté. Tu vas te détacher oui…

Jean-Edouard : à votre culture…. Et la gastronomie du terroir m’intéresse

particulièrement.

Dolorès : à propos de gastronomie, tu n’irais pas rejoindre Rose-Marie au fourneau,

par hasard ?

Le Procureur : et puis, n’oubliez pas votre maman, Jean-Edouard, nous

poursuivrons notre conversation tout à l’heure. …

Jean-Edouard : revient à la réalité. Ah oui, ma chère mère ! Au fait, comment se

porte-t-elle ?

Dolorès : pas trop mal, chambre 2, premier étage !

Jean-Edouard : on se retrouve tout à l’heure, Procureur. Il sort.

Scène 11.

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Dolorès : nous en étions où, Jean ? Vous permettez que je vous appelle Jean ?

Le Procureur : délire à nouveau. Mais oui ! J’étais en train de vous dire que les

hommes, les pierres et les bêtes ne forment en réalité, qu’un tout indissociable.

Tenez, cette vache Aubrac, elle porte en elle le gène merveilleux et fascinant qu’on

appelle beauté naturelle !

Téléphone : voix off d’Edwige : allo, Jean, je te téléphone pour te dire que je

t’aime.

Le Procureur : moi aussi, je vous aime, Edwige.

Dolorès : continuez, Jean, je bois du petit lait.

Le Procureur : quand vous aurez croisé le regard de ce fabuleux animal…

Arrivée de Rose-Marie paniquée.

Rose-Marie : je cherche Jean-Edouard !

Le Procureur : devient fou, tourne autour des deux femmes. Ou mieux encore,

quand vous aurez observé pendant des heures le comportement du taureau

batifolant au milieu de son troupeau de génisses, vous vous direz que rien au

monde, pas même la fortune du Roi d’Espagne, ne pourrait remplacer ce spectacle

hallucinant…

Rose-Marie : c’est une blague ?

Dolorès: attaque franchement sans se soucier de Rose-Marie. Justement, Jean,

en parlant de fortune, vous est-il déjà arrivé de penser que vous pourriez partager la

vôtre ? Après tout, l’argent n’a pas d’odeur, n’est-ce pas, pas même celle d’une

bouse d’Aubrac !

Rose-Marie : Jean-Edouard me dit qu’il s’absente pour dix minutes et il n’est

toujours pas rentré après un quart d’heure ! Je suis inquiète. Elle rentre dans la

cuisine.

Dolorès : insistante. Dites, Jean, que pensez-vous de l’adage populaire qui dit que

bien souvent, les riches préfèrent perdre de l’argent que d’en donner ?

Le Procureur : et bien, chère Dolorès, je vous dirai que la question m’a souvent

taraudé. A l’heure où je vous parle, je pense avoir la réponse… Ce n’est d’ailleurs

pas indiscret de vous dire que votre belle-mère sera bientôt largement récompensée

pour tout l’amour qu’elle me prodigue ! Il hésite. Quoique, à bien y réfléchir…

Dolorès espère impatiemment mais… Arrivée de Gédéon et Agnès en tenue

légère de mauvais goût.

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Dolorès : en aparté. Dites-moi que je rêve, c’est le carnaval du soleil…

Désespérée, elle sort.

Scène 12.

Agnès : je parierais que c’est vous le… Comment on dit, Gégé ?

Gédéon : Procureur, Agnès. Monsieur le Procureur, je vous présente mon épouse

Agnès, standardiste, réceptionniste, GSM, téléphone fixe au service des plaines de

jeux de la ville de Liège. C’est en Belgique, Procureur.

Agnès : je travaille au sixième étage. Au début, j’avais un peu le vertige, mais

maintenant, je m’y suis fait. Gégé, lui, il a de la chance, il travaille au premier…

Le Procureur : c’est évidemment plus commode pour trouver la porte de sortie… Et

que faites-vous au premier, Gégé ?

Gédéon : je suis au service administratif de la propreté de notre cité ardente. Entre

nous, je ne me tue pas à la tâche, vous savez. J’ai la chance de pouvoir planifier…

Ecoutez, c’est bien simple, si je ne prolongeais pas la pause café du matin, j’aurais

de grosses difficultés à trouver de l’ouvrage pour l’après midi.

Le Procureur : et bien maintenant, vous allez prendre le temps de vous reposer

quelques jours avant d’être à nouveau fatigué…Votre sincérité mérite ma plus

grande reconnaissance, Gédéon.

Retour de Basile.

Le Procureur : ah, vous voilà, Basile ! Je suis content d’aller prendre le relais auprès

de ma petite fée du logis.

Basile : elle aussi, elle vous mène à la baguette, Procureur...

Gédéon : des vrais chefs d’orchestre, quoi !

Basile : à qui le dis-tu… Et puis, contrariantes avec çà. Tiens, l’autre jour, la mienne

me dit : « je n’ai pas l’air un peu enveloppée dans ce tailleur là ? »

Agnès : naïve et ridicule. Et alors ?

Basile : je lui réponds : « ce n’est pas le tailleur qui te donne l’air grosse, c’est le

chocolat. »

Agnès : Et alors ?

Basile : elle ne m’a pas répondu !

Le Procureur : et bien vous ? Basile, vous savez parler aux femmes.

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Basile : notez que j’aurais pu ajouter : « ma chérie, si tu mesurais 10 cm de plus, je

n’y aurais rien vu… ». Ah, ah, ah… Mais je me suis abstenu...

Le Procureur : vous avez bien fait, Basile. Dites-moi, comment se porte ma chère

Edwige ?

Basile : elle est en grande conversation avec Camille. L’intérêt que Maman

manifeste à l’évolution sentimentale des bonobos est vraiment poignant !

Retour de Dolorès très sexy (talons hauts) embarrassée d’un gros cadeau

(vache en plastique) et d’une bouteille de champagne. Elle ne remarque pas

Agnès et Gédéon.

Téléphone : voix off d’Edwige : mon Jeannot, viens me rejoindre, j’ai besoin de toi.

Le Procureur veut sortir...

Dolorès : le retient. Attendez, Procureur…

Le Procureur : je reviens dans un instant. Il sort.

Dolorès : Evidemment, tu n’as pas su le retenir. Tu resteras un incapable, Basile.

Basile : sidéré. Enfin, mon amour, tu ne vas pas te prostituer, quand même. Dolorès

tu es devenue folle ?

Agnès: finalement, Basile, avec ses talons hauts, elle les a pris ses 10 cm…

Basile : Vous n’iriez pas faire un tour au marché public, vous ? Vous pourriez

éventuellement dénicher un coupe-papier électrique, une agrafeuse 1900 ou…

Dolorès : des épingles en or massif…ou quelques boutons de culotte de Napoléon…

Il est passé par ici…

Basile : et il repassera peut-être par là…

Agnès : on n’y avait pas pensé...

Agnès et Gédéon sortent.

Scène 13.

Jeu rapide.

Basile : on pourrait prendre l’apéro ! Je suppose que Jean-Edouard ne devrait plus

tarder à nous faire déguster son canard aveyronnais.

Dolorès : J’ai prévu ce qui fallait ! Elle débouche une bouteille de champagne,

sort la boite de pilules, en laisse tomber plusieurs dans le futur verre du

Procureur et lit la notice. « Spirit clean ». Ecoute-moi ça.

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Effets secondaires en cas de surdosage :

1) dépendance excessive aux personnes. Là, ce sont les 30.000 premiers €.

2) partage surdimensionné des sentiments : 20.000 €.

3) difficultés sévères à retenir les événements du passé avec renforcement exacerbé

des convictions du moment : 200.000 €. Total : 250.000 €, de quoi vivre un peu plus

à l’aise et relancer notre petite entreprise…

Basile : paniqué. Au fait, tu pourrais me préciser la maladie visée par « Spirit

clean », s’il te plaît ?

Dolorès : faiblesse dépressive légère à modérée.

Basile : tu ne serais pas en train de te tromper de cible, par hasard ?

Dolorès : C’est « spirit clean », ou, retour à l’enfer du matelas !

Basile : j’ai mes nerfs qui lâchent, moi.

Dolorès : ça passe ou ça casse ! On ne peut plus reculer, Basile !

Basile : la France extrade les criminels vers leur pays d’origine. Tu es au courant ?

Apparition de Rose-Marie, paniquée.

Rose-Marie : Jean-Edouard n’est toujours pas là, et je n’arrive pas à découper le

canard…

Basile : stressé. Un bon conseil, ma petite Rose, toujours commencer par lui couper

les ailes : c’est plus sûr, sauf s’il est boiteux…

Rose-Marie : si vous voulez manger, il va falloir m’aider.

Retour de Jean-Edouard. Il ignore Rose-Marie.

Jean-Edouard : maman va beaucoup mieux. Basile, je te sens un peu stressé, mon

vieux…

Basile : c’est Dolorès, euh, Rose-Marie, qui m’inquiète…

Dolorès : oui, ça fait quand même 20 minutes que tu l’as quittée…

Basile : et je crois savoir qu’elle n’est pas très à l’aise avec ton canard.

Jean-Edouard : qu’est-ce que vous imaginez ? D’ici peu, c’est le grand festin ! Alors,

tu viens, Rose. Se retourne vers Basile en regardant la tenue de Dolorès.

Totalement déplacée, ton épouse… Ils sortent vers la cuisine.

Scène 14.

Rythme très soutenu.

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Dolorès au téléphone: Mamy, vous pourriez nous envoyer le Procureur, s’il vous

plaît ?

Voix off d’Edwige : comment, c’est un ordre ?

Dolorès : pas du tout, c’est une demande, un souhait si vous préférez.

Voix off d’Edwige : il arrive.

Basile : on pourrait peut-être reporter ton plan à plus tard, ma chérie…

Dolorès : une fois de plus, tu te dégonfles, Basile.

Basile : et ce cadeau, c’est quoi au juste, un fusil hypodermique, une camisole de

force, un piège à con ??

Dolorès : fais-moi confiance, je t’en prie.

Arrivée du Procureur.

Le Procureur : Edwige va beaucoup mieux ! Basile, je vous sens un peu stressé,

mon garçon.

Basile : c’est vous, euh, enfin, c’est Dolorès qui m’inquiète.

Dolorès : se rapproche langoureusement du Procureur. Basile me trouve un peu

légère. Qu’en pensez-vous, Procureur ?

Le Procureur : vous êtes ravissante à souhait.

Dolorès : tend le verre et le cadeau au Procureur. Cadeau, Procureur !

Basile : en aparté. Pauvre homme, il est cuit.

Le Procureur : boit l’apéro. Qu’est-ce qui me vaut tous ces égards ?

Dolorès : votre hospitalité nous va droit au cœur, Procureur. Vous le méritez bien.

Le Procureur : découvre la vache en plastique. Reboit l’apéro. Ah ! Alors là, si je

m’y attendais …

Basile : en aparté. Alors là… moi, pas du tout…

Le Procureur : les premiers effets se font sentir. Il devient complètement

dépendant de la… vache. Regardez-moi cette bête… La robe lisse, les jarrets

larges et solides… Le museau court. Quelle belle gueule, n’est-ce pas ? Observez

ses yeux, Basile, quelle douceur dans le regard, vous ne trouvez pas ?

Basile : Oui, effectivement, à bien y regarder, vous avez raison…

Les acteurs ne remarquent pas l’entrée de Camille qui ne voit pas la vache.

S’en suit un quiproquo : confusion entre la vache et Dolorès.

Dolorès : Vous reprendrez bien un peu de champagne, Procureur.

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Le Procureur : et puis ces lèvres pulpeuses, soulignées d’un léger petit trait noir…

Quelle élégance, n’est-ce pas ?

Dolorès : vous trouvez, Procureur ?

Le Procureur : continue à divaguer en ignorant la présence de Camille. J’aime

ces hanches pleines, ce poitrail large…

Camille : se retourne pour ne pas voir le tableau. Papa, tu laisses faire ?

Basile : ah, tu es là, mon lapin ?

Camille : Papa, quand tu auras le temps, tu pourras m’expliquer ce que maman fait

dans cet accoutrement ridicule ?

Basile : perdu. Toi aussi, tu la trouves sexy ?

Le Procureur : rien à redire, de vraies mensurations de star…

Camille : Maman, il faudrait peut-être qu’on parle, tu ne vas pas bien pour le

moment !

Dolorès : ne s’intéresse qu’au Procureur. Procureur, vous reprendrez bien une

petite coupe ? Elle lui tend un verre dans lequel elle a laissé tomber quelques

pilules.

Basile : stressé, en aparté. Je crois rêver…

Le Procureur : non, Basile, vous ne rêvez pas… Vous l’ignoriez peut-être, mais

malgré sa rusticité apparente, ses performances sont tout simplement

époustouflantes !

Camille : toujours retournée. Maman, c’est une aventure sans lendemain. Je doute

de la sincérité de ses sentiments.

Dolorès : commence à se rendre compte que le Procureur est réellement

« épris » de la vache. Enfin, Procureur, est-ce que tout cela est bien sérieux ?

Le Procureur : rustique et performante à la fois.

Dolorès : reprenez une petite coupe, Procureur !

Camille : ne comprend rien. Maman, j’étais loin de m’imaginer que…

Basile : calme-toi, mon lapin. On va tout t’expliquer.

Le Procureur : s’apprête à aller rejoindre Edwige. Et surtout, Basile, n’allez pas

croire que je partage avec elle des sentiments surdimensionnés. Depuis ma plus

tendre enfance, je l’affectionne. J’ai un souvenir très précis des doux moments

passés en sa compagnie. Votre cadeau ne fait que renforcer mes convictions. Il

prend sa vache et sort.

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Camille : inutile de me mentir, maman. Pourquoi ce besoin d’évasion et de

nouveauté ?

Basile : il faut que je t’explique, Camille… Le Procureur a un petit faible pour cette

vache et…

Camille : une vache… Tu traites maman de vache ? Mon Dieu, quelle sensualité !

Dolorès : enfin Camille, c’est un malentendu… Disons que la maladresse de ton

père…

Basile : comment ?

Dolorès : oui, tout à fait ! Tu as été maladroit ! Une fois de plus, Basile !

Camille : vous êtes fatigués. Mesurez bien les risques que vous prenez… Elle sort.

Scène 15

Rythme très soutenu.

Dolorès : tu n’es pas à la hauteur, Basile.

Basile : comment cela, pas à la hauteur ?

Dolorès : tu resteras petit, Basile…: petit mari, petit vendeur dans un petit

commerce…

Basile : de petits matelas… Je sais…

Dolorès : aucune initiative, manque de motivation et panique dans le mode

opératoire. Résultat : mon plan à échoué. Conséquence : retour à la case départ !

Basile : tu as peut-être commis une petite erreur d’appréciation dans le choix de ton

cadeau mon amour…

Retour du Procureur avec sa vache.

Le Procureur : ravie, elle est ravie ! Je savais qu’un jour Edwige apprécierait les

qualités intrinsèques de cet animal. Allez Basile, remettez-moi un verre.

Basile : pas d’exagération, Procureur, ce n’est pas du petit lait…

Arrivée d’Edwige.

Le Procureur : Edwige, mon Amour, pas d’imprudence, je vous prie.

Edwige : félicitations Dolorès, vous aurez remarqué que le Procureur apprécie votre

délicate attention.

Dolorès : tant mieux.

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Le Procureur : à Edwige. Et bien, je constate que la démarche est assurée. Vous

allez pouvoir poursuivre votre rééducation parmi nous ! Il lui tend un verre. Tenez, à

notre bonheur. Nous allons bientôt pouvoir concrétiser nos rêves les plus fous…

Edwige : par exemple, nous pencher sur le budget nécessaire à l’ouverture de ma

boutique de chapeaux, n’est-ce pas…

Le Procureur : tout à fait. Et n’oubliez pas nos croisières à venir…

Edwige : Basile, tu apprécies ? En montrant la tenue vestimentaire de Dolorès.

Basile : à moitié…

Edwige : Je ne voudrais pas m’immiscer dans vos choix vestimentaires, Dolorès,

mais permettez-moi de vous dire que vous commettez une grossière faute de goût.

Vous vous croyez chez les bonobos, ou quoi ?

Dolorès : vexée. Bonsoir. Elle sort en claquant la porte.

Edwige : je ne sais pas si c’est le champagne ou l’air de l’Aveyron, mais ton épouse

est très remontée, Basile… Ah, ah, ah…

Basile : détendu et un peu ivre, il se lâche. Ecoutez !

Les autres : quoi ?

Basile : Ecoutez, je vous dis. Vous n’entendez pas qu’il fait beaucoup plus calme

depuis qu’elle est partie… Ah, ah, ah… Allez, à vos amours. Il sert à boire.

Edwige : grisée. Et Jean-Edouard ?

Basile : commence à être saoul. Ah, celui-là, ça fait bientôt 50 ans qu’il me gave,

alors maintenant, laisse lui gaver son canard… Ah, ah, ah…

Edwige : Basile, un peu de respect s’il te plaît. Elle s’arrête brusquement. Oh là, je

pense que le champagne est une boisson très diurétique ! Pressée, elle se dirige

vers les toilettes en se trébuchant…

Le Procureur : je ne sais pas si c’est le champagne ou l’air de l’Aveyron, mais elle

est vraiment…

Basile : « elle est vraiment originale, tra la la la …. » Ils chantent et tournent

autour de la terrasse.

Arrivée de Jean-Edouard.

Basile : saoul, lui tend un verre. Allez, bois-ça, c’est comme les tomates, ça rend

aimable…

Le Procureur : à votre santé, Jean-Edouard. Essayez de vous détendre... Oh là, j’ai

un petit coup de fatigue, moi… Il s’assoupit.

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Jean-Edouard : Basile, pourquoi faut-il que tu donnes une image aussi minable de

la famille ?

Basile : vous entendez, Procureur ? Procureur… Le Procureur s’est endormi.

Jean-Edouard : tu abuses, Basile !

Basile : moi, abuser ?

Jean-Edouard : tu es ivre, Basile !

Basile : tu vis trop vite, mon gars. Tu n’es pas bien ici au calme ?

Bruit off venant de la cuisine. « Boum ».

Basile : Rose-Marie !

Jean-Edouard : mon canard…

Ils ouvrent la porte. De la fumée sort de la cuisine…

Musique - Rideau.

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ACTE 2.

L’action se déroule dans le même décor.

Scène 1.

Le Procureur est toujours profondément endormi dans son fauteuil de jardin.

Basile et Dolorès arrivent un après l’autre.

Basile : seul en scène, se tient la tête. Jeu soutenu. J’ai dû passer la nuit à côté

d’un réacteur, ou alors, à l’intérieur d’une essoreuse, ça doit être ça ! Je pense que

mon crâne va se séparer en deux !

Arrivée de Dolorès.

Basile : Dolorès, mon amour, tu n’aurais pas un peu d’aspirine, ou quelque chose

qui y ressemble, s’il te plaît ?

Dolorès : l’aspirine, c’est en prévention de la gueule de bois, jamais pendant. C’est

trop tard, assume !

Basile : je ne voudrais pas te contrarier, mon amour, mais je doute de tes

connaissances pharmacologiques ! T’as vu le Procureur ?

Dolorès : très détachée. Quoi, qu’est-ce qu’il a, le Procureur... ? Il récupère... C’est

tout. Le « spirit clean », lié à la prise d’alcool, a dépassé ses capacités d’élimination,

voilà tout.

Basile : très inquiet, paniqué et désemparé. Mais enfin, Dolorès, il est dans cet

état là depuis bientôt une douzaine d’heures et il n’a pas bougé d’un iota.

Dolorès : il récupère, je te dis.

Basile : et puis ce teint ….

Dolorès : qu’est-ce que tu lui trouves à son teint ?

Basile : il est gris…, ou plutôt, vert de gris…Prend le pouls et panique. Et ses

pulsations ! Dix par minute, à tout casser, t’imagines !

Dolorès : commence sérieusement à s’inquiéter. C’est un peu bas

effectivement…

Basile : Il va falloir faire quelque chose.

Dolorès : qu’est-ce que tu me suggères ?

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Basile : de plus en plus paniqué. Enfin Dolorès, tu te rends compte, nous voilà

avec un demi-cadavre sur le dos, tout ça pour une ridicule histoire d’argent, ou de

vache, ou des deux, enfin je ne sais plus…

Dolorès : on va le réveiller, je te dis.

Basile : paniqué et très agité. On pourrait peut-être appeler un médecin. Je ne sais

pas, moi.

Dolorès : t’as pas mieux ? Arrête de paniquer, on va le réveiller, je te dis.

Basile : et comment, tu peux me donner la solution ?

Dolorès : l’antidote, t’y as pensé à l’antidote ?

Scène 2.

Arrivée d’Agnès et Gédéon. Basile, angoissé, jette une serviette de bain ou

coussin de fauteuil ou… sur le Procureur et s’assied (se couche) dessus…

pour le dissimuler.

Agnès : bonjour, vous deux.

Gédéon : voit Basile dans une mauvaise posture. Oh, toi, tu as des problèmes de

dos.

Basile : très embarrassé. Euh, c'est-à-dire, comment vais-je dire….

Le Procureur gémit doucement puis de plus en plus fort. Gédéon est interloqué

et Agnès n’y voit goutte.

Gédéon : tu ne vas pas bien, Basile ?

Basile : ça devrait aller, mon bon Gégé…

Gédéon et Agnès ne comprennent rien.

Gédéon : à Agnès. Bon, on va quand même penser au petit-déjeuner.

Gédéon et Agnès sortent vers la cuisine.

Basile : se relève brusquement. Et maintenant, qu’est-ce que tu me proposes ?

Dolorès : relativise. Restons lucides, il n’est pas mort.

Basile : exact, tout au plus, un petit peu défaillant.

Dolorès : l’antidote à « spirit clean », il doit bien exister, non. Elle sort vers le hall et

Basile se relève. Retour d’Agnès et Gédéon, un après l’autre. Ils dressent la

table du petit déjeuner.

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Agnès : très naïve, voit le Procureur. Tiens, il est revenu ?

Basile : joue les innocents et rentre dans le jeu d’Agnès. Oh oui, ça alors.

Agnès : c’est qu’il a l’air de dormir paisiblement, notre proviseur.

Gédéon : Procureur, Agnès.

Basile : vous n’avez pas oublié les croissants ? C’est qu’ils sont excellents, en

France, les croissants.

Gédéon : t’as raison, on y va.

Agnès suit Gédéon. Direction boulangerie.

Basile : Procureur, fini de rire, il est temps de vous lever maintenant.

Scène 3.

Arrivée de Rose-Marie défigurée par l’explosion de la veille. Basile jette une

serviette sur le Procureur. Jeu soutenu.

Rose-Marie : perdue. Je pensais les avoir déposés ici.

Basile : tu me parles de quoi, là, ma petite Rose ?

Rose-Marie : mes médicaments, je cherche mes médicaments. Elle cherche dans

le moindre recoin.

Basile : veut l’aider, mais l’empêche de découvrir le Procureur. Ma petite Rose,

quand as-tu pris ta potion pour la dernière fois ?

Rose-Marie : ne répond pas, continue à chercher… Si j’arrête mon traitement, je

ne réponds plus de rien.

Basile : d’accord, mais pour l’instant, réponds-moi. On n’est pas à trois minutes près.

Réfléchis… On finira bien par lui mettre la main dessus, à ta boîte de cachets.

Elle se met à quatre pattes pour chercher en dessous de la table etc…

Basile : Arrête, Milou, tu n’as quand même pas planqué ta came en-dessous de la

table…

Rose-Marie : si j’arrête mon traitement, je suis foutue.

Basile : tu n’as pas autre chose à me dire ?

Rose-Marie : si je ne retrouve pas mon « spirit clean »

Basile : et bien voilà, y fallait me le dire plus tôt. Tu vois, quand tu veux…Il

« retrouve » le médicament au milieu des pots et des verres de la veille. Le

problème, tu vois, c’est qu’elle est vide ta boîte à pilules, ma petite Rose…

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Rose-Marie : je ne réponds plus de rien. Elle s’empare d’un grand couteau pour

se suicider.

Basile : panique, essaie de la dissuader. Ecoute, Rose-Marie, sois raisonnable, je

comprends ta déception, mais bon, on va arranger ça.

Rose-Marie : persiste. J’assume…Dis au revoir à Jean-Edouard de ma part.

Entrée de Jean-Edouard équipé pour partir en randonnée.

Jean-Edouard : tiens donc, qu’est-ce qui se passe, Rose-Marie ? Tu ne te sens pas

bien ? Oppressée par l’air de la campagne, peut-être ?

Basile : ironique. Juste un petit besoin de changer de décor… N’est-ce pas, Rose-

Marie ?

Rose-Marie : je n’en peux plus, lâchez moi, j’irai jusqu'au bout…

Jean-Edouard : Rose-Marie, je finirai par ne plus supporter tes débordements.

Lâche ce joujou, je t’en prie !

Rose-Marie lâche le couteau et, prostrée, va s’asseoir docilement.

Jean-Edouard : voilà, c’est bien, je savais que tu ne céderais pas à la tentation… A

Basile. Ce n’est qu’une petite crise passagère…

Basile : t’es bien sûr ?

Jean-Edouard : j’ai toujours voulu qu’elle s’exprime librement. Toi, dans ton couple,

tu devrais jouer avec plus de subtilité, mon vieux ! Il prend Rose-Marie et sort vers

le hall.

Scène 4.

Basile dissimule le Procureur en dessous d’un parasol, derrière un muret, un

paravent ou…

Retour d’Agnès et de Gédéon.

Agnès : tiens, il n’est plus là ?

Ils se mettent à table.

Basile : non, il est monté à l’étage. Dévie la conversation. Alors, Gégé, des choses

intéressantes, hier aux puces ?

Gédéon : un peu déçu, je suis bien tombé sur deux gros taille-crayons à manivelle,

mais il leur manquait la manivelle.

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Basile : ça, c’est dommage.

Gédéon : finalement, j’ai ramené deux porte-documents pour ranger mes

documents.

Basile : après tout, ça sert à ça…

Gédéon : et au prix où ils étaient, je n’ai pas hésité, j’en ai pris quatre !

Basile : t’exagères vraiment, Gégé…

Agnès : moi, je n’ai pas vu de dés à coudre, mais j’ai acheté dix boîtes d’épingles à

cheveux pour le prix de neuf...

Basile : l’affaire du siècle, quoi…

Agnès : et puis aussi, deux porte-bougie pour le prix de trois.

Basile : ça, c’est intéressant…

Agnès : j’ai aussi acheté deux nains pour le jardin. Tu passes à côté d’eux, ils

détectent le mouvement, et je ne te dis pas ce qu’ils font…

Gédéon : des nains péteurs. Ah, ah, ah.

Retour de Jean-Edouard.

Jean-Edouard : voilà, le malaise est résolu. Elle est très heureuse… Il s’installe à

table en bousculant les autres. Pas de pains au chocolat ? C’est excessivement

énervant... Pour demain, tâchez d’y penser, les gars ! Le Procureur n’est pas encore

levé ?

Basile : il récupère.

Jean-Edouard : il m’avait pourtant laissé sous entendre qu’il nous accompagnerait

sur la route des causses.

Basile : je crains que ça ne soit pas possible…

Jean-Edouard : comment ça, pas possible ?

Gédéon : ce matin, je le trouvais un peu affaibli…

Jean-Edouard : comment ça, ce matin ?

Basile : à Gédéon. Tu veux dire hier soir.

Agnès : mais non, ce matin…

Jean-Edouard : je ne comprends rien. Tant pis, ça sera pour une prochaine fois.

Basile : c’est cela, ça sera pour demain. Enfin, s’il s’en relève…

Jean-Edouard : comment cela, s’il s’en relève ?

Agnès : beh oui, de son fauteuil, puisqu’il dort assis !

Jean-Edouard : vexé, ne comprend rien. Vous m’expliquerez plus tard. Pour

l’instant, puisque vous voulez m’accompagner, écoutez-moi,! Très militaire. Ici, en

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Aveyron, la nature a été créée pour les sportifs… Les plateaux, les vallées et les

gouffres se succèdent à un rythme vertigineux !

Agnès : les gaufres ?

Gédéon : les gouffres, Agnès.

Agnès : niaise. Ça fait peur, hein, Gégé !

Jean-Edouard : ici, le paysage a été sculpté pour l’exercice physique ! Les chemins

ne se révèleront qu’aux meilleurs. Primo, savoir s’orienter.

Gédéon : si tu l’avais dit avant, on aurait pris une boussole !

Agnès : on en a trois paires à la maison…

Jean-Edouard : Agnès, peux-tu me préciser quelle est la forme du ciel ?

Agnès : le ciel ?

Basile : oui, le ciel, là, au-dessus de toi…

Agnès : ah oui, le ciel…

Jean-Edouard : c’est cela. Au-dessus de l’horizon… Tu sais, cette ligne autour de

toi où le ciel et la terre semblent se toucher… Eh bien, au-dessus de l’horizon, tu

remarqueras que le ciel a l’aspect d’une voûte, ou mieux, d’une coupole. Elle

tourne béatement sur elle-même. Et au sommet de cette coupole, il y a le zénith.

La courbure de l’horizon et de cette coupole signifie dès lors, que la terre ne peut

être que ronde. Tu piges ?

Agnès : beh…

Jean-Edouard : toutes les directions de l’orientation… Elle est distraite. Tu

m’écoutes ? Toutes les directions de l’orientation, je disais donc, sont basées sur la

courbure décrite par le soleil dans cette coupole. Tu piges ?

Agnès : beh oui…

Basile : ce n’est quand même pas compliqué à comprendre…

Jean-Edouard : à toi, Gégé. Pourrais-tu me dire dans quelle direction se trouve le

soleil, à son lever ?

Gédéon : à son lever ?

Basile : oui… A son lever, quand tu pars au boulot.

Gédéon : qu’est-ce que tu veux que je te dise moi, je ne pars pas tous les jours en

même temps que lui…

Jean-Edouard : le matin, le soleil se lève à l’est. Et par extension, on trouve les trois

autres directions, qu’on appelle les points « ca, ca, ca »….

Agnès : « carrés » ?

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Jean-Edouard : cardinaux, Agnès.

Basile : donc Jean-Edouard, si on a compris ça, pas besoin de boussole…

Jean-Edouard : très bien, Basile, tu as tout compris. Il déplie une carte. Sur notre

carte, le nord se trouve au dessus, le sud en bas, l’est à droite, et l’ouest à…

Agnès : gauche !

Jean-Edouard : très bien, Agnès ! Tu comprends vite, dommage qu’il faut

t’expliquer longtemps…

Gédéon : et si on imagine qu’on n’est pas revenus pour la nuit ?

Jean-Edouard : alors on travaille avec l’étoile polaire.

Agnès : regarde vers le ciel. Où ça ?

Jean-Edouard : je t’expliquerai plus tard, Agnès… Secundo, l’équipement. Je

constate que vous négligez l’importance de votre équipement, tant pis pour vous.

Agnès : c’est grave ?

Basile : peut-être bien, tu ne te rends pas compte.

Jean-Edouard : se vante. Personnellement, j’ai consacré un certain budget à mon

équipement, mais je peux me le permettre. Rien que du bon.

Agnès : et du beau… Hein, qu’il est beau Jean-Edouard, Gégé !

Jean-Edouard : d’abord les chaussures. Important les chaussures. Daim véritable !

Forme haut de tige, décroché à l’arrière pour un meilleur confort du mollet. Semelle

double densité pour l’absorption des chocs au talon. Coût : 450 €. Ensuite, la veste…

Couple ample, respirabilité optimale ! 28 poches principales plus une poche de

sécurité à fermeture éclair ! Rien que de la qualité ! Détail de finition non

négligeable : deux bandes réfléchissantes !

Basile : un vêtement qui réfléchit, t’imagines, Agnès…

Jean-Edouard : combien à votre avis, cette veste ?

Gédéon : tu ne va pas tarder à nous le dire.

Jean-Edouard: 400 €. Last but not least: le sac. Capacité : 75 litres. Bretelles

ergonomiques. Sangle de poitrine pour la stabilité. Système de réglage au dos pour

la répartition des charges. Coût : 300 €.

Agnès : et ton appareil photos, explique-nous un peu, Jean-Edouard.

Gédéon : il a certainement tous les accessoires…

Jean-Edouard : je vous le présente… 20.000.000 de pixels !

Tous : oh !

Jean-Edouard : 15 images par seconde en mode rafale, avec stabilisateur intégré !

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Tous : oh !

Jean-Edouard : performances époustouflantes en condition d’éclairage faible. Bref,

un bijou d’électronique.

Agnès : pour combien, celui-là ?

Jean-Edouard : 4.500 € !

Tous : oh !

Jean-Edouard : Tertio, votre condition physique ! Important, votre condition

physique. On sous-estime souvent à tort la difficulté de la marche à pied ! 1500

Kilojoules par heure : juste avant le cyclisme sur route, et bien après le tir à l’arc…

Personnellement, je ne crains rien : musculature aiguisée et mollets en acier trempé,

vous l’aurez remarqué !

Basile : on ne saura jamais te suivre, Jean-Edouard…

Agnès : tu nous attendras, Jean-Edouard ?

Jean-Edouard : l’échauffement doit vous permettre d’augmenter vos performances

musculaires, mais surtout, il réduira considérablement les risques de blessure.

Primo, les quadriceps, important les quadriceps ! Position debout, les gars ! Vous

saisissez votre jambe droite au niveau de la cheville. Comme ceci…Il montre

l’exercice en vacillant…

Agnès : et si je suis gauchère ?

Jean-Edouard : tu la saisis quand même ! Agnès essaie de saisir sa jambe droite

avec sa main gauche… Et vous poussez votre genou vers l’arrière. Le Procureur

commence à délirer : aïe… J-Edouard ne se rend compte de rien, Basile étouffe

le bruit… C’est normal, vous devez sentir la tension... Vous gardez la position !

Le Procureur se fait entendre à nouveau : aïe…

Basile : étouffe le bruit et simule une crampe… Ouaïe ! Ca y est, c’est la

crampe… Il se tord de douleur en tournant autour de la terrasse. Tout compte

fait, je me demande si je vais partir avec vous…

Jean-Edouard : offusqué. Qu’à cela ne tienne, mon vieux, nous partirons sans toi.

Jean-Edouard, Agnès et Gédéon sortent.

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