03 opposition phonétique-phonologie

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LA LANGUE Nous disons que la langue est un système parce qu'elle est constituée d'éléments qui sont en relation les uns avec les autres. Il est possible d'isoler les éléments constitutifs de la langue; par exemple, dans patte, on peut identifier trois sons: /p/ +/a/+ /t/ (même s'il y a cinq lettres, parce que sons et graphies ne correspondent pas nécessairement). Dans mal, on trouve trois lettres pour trois sons ; tel n'est pas le cas pour oiseau où aucune des six lettres n'est effectivement prononcée étant donné que dans la langue parlée on retrouve /w/+ /a/+ /z/ +/o/. Les éléments minimaux de la langue sont les sons (phonèmes). Ces unités forment à leur tour d'autres unités dotées de signification comme les mots. Dans oiseau, la séquence /w/ +/a/ +/z/ +/o/ forme une unité sémantique, c'est -à-dire dotée de sens, bien qu'aucune des unités phoniques prise isolément ne réfère à un sens particulier. Même à l'intérieur d'un mot, il est possible d'isoler deux ou trois sens distincts ; dans la séquence nous changerons, nous pouvons identifier quatre sens: nous (1ère pers. plur.) + chant- (sens de chanter) + -er- (futur) et -ons (1ère pers. plur.). Par contre, dans parce que, on ne retrouve qu'une seule unité de signification, bien qu'on identifie deux mots graphiques, et bien malin celui qui pourrait déterminer avec précision le sens de parce et de que ! Les unités de signification de la langue sont parfois des mots (patte, mal, oiseau, nous), des parties de mots (-er-, -ons, -aient, trans-), des groupes de mots (parce que, de sorte que). Ce sont là des unités minimales de signification. Ces unités peuvent se combiner avec d'autres et former de nouvelles unités sémantiques plus larges. Ce sont les locutions ou syntagmes: par + cœur = par cœur 33 + tour = 33 tours avoir + peur = avoir peur vaisseau + spatial = vaisseau spatial court + vêtu = court-vêtu machine + à + écrire = machine à écrire De même, il est possible de combiner des mots et des groupes de mots afin de former des unités encore plus grandes : des phrases. J'ai cessé d'avoir peur dans un vaisseau spatial. Elle écoute ses 33 tours court-vêtue. Il connait son texte par cœur et peut le taper à la machine à écrire. Ce sont là des exemples de composantes linguistiques. On peut aussi, en examinant le fonctionnement interne de chacune des composantes de la langue et leur emploi, montrer que la langue est un système, c'est-à-dire un ensemble d'éléments en relation les uns avec les autres et occupant une position fonctionnelle. Dans un tel ensemble, toute modification de l'un ou l'autre des éléments, que ce soit dans le choix des éléments eux -mêmes ou dans leur ordre de présentation, peut transformer l'équilibre général du système. P1 - Marie semble malade P2 - Semble malade Marie P3 - Malade Marie semble P4 - Marie malade semble

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  • LA LANGUE

    Nous disons que la langue est un systme parce qu'elle est constitue d'lments qui sont en relation les uns avec les autres. Il est possible d'isoler les lments constitutifs de la langue; par exemple, dans patte, on peut identifier trois sons: /p/ +/a/+ /t/ (mme s'il y a cinq lettres, parce que sons et graphies ne correspondent pas ncessairement). Dans mal, on trouve trois lettres pour trois sons ; tel n'est pas le cas pour oiseau o aucune des six lettres n'est effectivement prononce tant donn que dans la langue parle on retrouve /w/+ /a/+ /z/ +/o/.

    Les lments minimaux de la langue sont les sons (phonmes). Ces units forment leur tour d'autres units dotes de signification comme les mots. Dans oiseau, la squence /w/ +/a/ +/z/ +/o/ forme une unit smantique, c'est--dire dote de sens, bien qu'aucune des units phoniques prise isolment ne rfre un sens particulier. Mme l'intrieur d'un mot, il est possible d'isoler deux ou trois sens distincts ; dans la squence nous changerons, nous pouvons identifier quatre sens: nous (1re pers. plur.) + chant- (sens de chanter) + -er- (futur) et -ons (1re pers. plur.). Par contre, dans parce que, on ne retrouve qu'une seule unit de signification, bien qu'on identifie deux mots graphiques, et bien malin celui qui pourrait dterminer avec prcision le sens de parce et de que !

    Les units de signification de la langue sont parfois des mots (patte, mal, oiseau, nous), des parties de mots (-er-, -ons, -aient, trans-), des groupes de mots (parce que, de sorte que). Ce sont l des units minimales de signification. Ces units peuvent se combiner avec d'autres et former de nouvelles units smantiques plus larges. Ce sont les locutions ou syntagmes:

    par + cur = par cur 33 + tour = 33 tours avoir + peur = avoir peur vaisseau + spatial = vaisseau spatial court + vtu = court-vtu machine + + crire = machine crire De mme, il est possible de combiner des mots et des groupes de mots afin de

    former des units encore plus grandes : des phrases. J'ai cess d'avoir peur dans un vaisseau spatial. Elle coute ses 33 tours court-vtue. Il connait son texte par cur et peut le taper la machine crire.

    Ce sont l des exemples de composantes linguistiques. On peut aussi, en examinant le fonctionnement interne de chacune des composantes de la langue et leur emploi, montrer que la langue est un systme, c'est--dire un ensemble d'lments en relation les uns avec les autres et occupant une position fonctionnelle. Dans un tel ensemble, toute modification de l'un ou l'autre des lments, que ce soit dans le choix des lments eux-mmes ou dans leur ordre de prsentation, peut transformer l'quilibre gnral du systme.

    P1 - Marie semble malade P2 - Semble malade Marie P3 - Malade Marie semble P4 - Marie malade semble

  • Tout locuteur connaissant le franais admet comme seule phrase franaise la squence P1 et comme non franaises les squences P2, P3, P4. Ce sont pourtant les mmes lments; seul l'ordre est chang. La langue est donc un ensemble structur parce qu'il existe des rgles d'organisation rgissant les lments.

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    LES PHONMES

    Les ralisations sonores constituent les manifestations les plus apparentes de la langue. La discipline qui les tudie s'appelle la phontique. Elle analyse les sons dans leur ralisation concrte, matrielle, indpendamment de leur fonction linguistique ; elle tient compte avant tout de la ralit physique sur laquelle s'appuie la communication.

    C'est l'appareil phonatoire lui-mme qui a fourni aux phonticiens la plus grande partie de leur technique et de leur terminologie pour traiter des sons. Il est donc essentiel de bien comprendre le fonctionnement de cet appareil si l'on veut se familiariser avec le systme de description et de classification des sons.

    La phontique permet de savoir comment on produit un son, comment ce son se propage et comment il est peru. Mais la communication n'tant pas base uniquement sur la ralit physique, il faut tenir compte galement de la ralit psychologique. L'esprit humain dtecte un message dans la parole en distinguant des oppositions dans la chane parle. Ce pouvoir de discrimination exerc par l'esprit obit, du moins en partie, des lois qui lui sont propres. Que l'on prononce /mwa/ ou /mwe/, l'on comprendra toujours moi. L'opposition /wa/we/ n'est pas significative en franais dans ce contexte; c'est une opposition strictement phontique, une ralisation diffrente d'une mme valeur (on parlera d'allophones).

    Par contre, l'opposition entre ils ont et ils sont, bien que moins remarquable (/z/s/), a des consquences au niveau de la comprhension. La phonologie est la discipline qui tudie les oppositions distinctives d'une langue. Les sons ne l'intressent que dans la mesure o leurs oppositions entranent un changement de sens (pou/bout /mou/fou/vous/toux/doux/ nous/sous/ etc.). Il y a donc deux niveaux d'tude portant sur les sons : le niveau phontique, qui s'intresse la description physique, physiologique ou articulatoire des sons, et le niveau phonologique, qui analyse la fonction distinctive ou diffrenciative des sons.

    []

    LES MONMES (ou GLOSSMES)

    Les phonmes constituent les units minimales de la langue. Ces units ne rfrent toutefois pas des sens spcifiques ; dans la squence phonique /wazo/ (oiseau), aucun des phonmes pris isolment n'a de valeur par lui-mme. Seule la squence complte /w/ + /a/ + /z/ + /o/ est dote du sens oiseau . Cette squence de phonmes dote de sens est appele morphme ou lexme, selon qu'elle constitue une unit grammaticale ou lexicale. Il s'agit d'une unit minimale de signification indcomposable.

  • Prenons l'nonc suivant: Les petites filles de l'cole chantaient hier. Dans la langue crite, on compte 14 units de signification minimales :

    L- = morphme indiquant la dtermination ; -es = morphme indiquant le pluriel ; petit- = lexme signifiant de taille infrieure la moyenne ; -e- = morphme indiquant le fminin ; -s- = morphme indiquant le pluriel ; fille = lexme signifiant enfant de sexe fminin ; 7.) -s = morphme indiquant le pluriel ; de = morphme indiquant une relation d'appartenance ; l' = morphme indiquant la dtermination ; cole = lexme signifiant tablissement d'enseignement ; chant- = lexme signifiant former avec la voix une suite de sons musicaux ; -ai - = morphme indiquant l'imparfait; -ent = morphme indiquant le pluriel; hier = lexme signifiant jour prcdent celui o l'on parle .

    Parmi ces 14 units minimales de signification, cinq sont des units lexicales porteuses d'un sens plein ou sens de base ; ce sont des lexmes : petit-, fille-, cole-, chant-, hier. Toutes les autres sont des units sens restreint correspondant soit des valeurs grammaticales (le pluriel, le fminin, le temps, la personne, etc.), soit des relations syntaxiques (ex.: de) ; ce sont les morphmes de la langue. On trouve aussi les prfixes et suffixes parmi les morphmes.

    Les morphmes du franais sont en nombre relativement restreint (de 200 300 units) par rapport au nombre trs lev de lexmes (quelques centaines de milliers). La majorit des mots qui apparaissent dans un dictionnaire sont des lexmes. Il est ais pour un francophone de savoir tous les morphmes de sa langue, en raison de leur quantit limite et de leur haute frquence d'emploi. En revanche, il lui est impossible de connatre tous les lexmes du franais. Quand un lecteur ne comprend pas un texte, c'est cause des lexmes et non pas des morphmes, ces derniers ne lui causant gnralement aucune surprise.

    Extraits de LECLERC J., 1979. Quest-ce que la langue ?

    Laval : Mondia diteurs.