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UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL FACULTE DE DROIT DROIT COMMERCIAL COURS DE Mme TENENBAUM LICENCE 2 Année universitaire 2011/2012

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UNIVERSITE PARIS EST CRETEILFACULTE DE DROIT

DROIT COMMERCIAL

COURS DE Mme TENENBAUM

LICENCE 2

Année universitaire 2011/2012

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SOMMAIRE

INTERROGATION DE COURS DE 45 MINUTES LA SEMAINE DU 24 OCTOBRE

GALOP D’ESSAI LE JEUDI 17 NOVEMBRE DE 14h à 16h (à la place du cours d’amphi)

Thème 1 : Méthodologie et exercice d’application

Thème 2 : Les actes de commerce (1)

Thème 3 : Les actes de commerce (2)

Thème 4 : Le commerçant (1)

Thème 5 : Le commerçant (2)

Thème 6 : Le fonds de commerce (1)

Thème 7 : Le fonds de commerce (2)

Thème 8 : Le fonds de commerce (3)

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

1. Vocabulaire juridique

CABRILLAC (sous la dir. de), Dictionnaire du vocabulaire juridique, coll. Objectif droit, LitecCORNU, Vocabulaire juridique, PUF

2. Manuels (seuls quelques manuels portant sur la matière, parmi les plus récents, sont cités)

BLAISE, Droit des affaires, LGDJ 2009DECOCQ, Droit commercial, Dalloz, coll Hypercours, 2009DEKEUWER-DEFOSSEZ et BLARY-CLEMENT, Activités commerciales, commerçants, fonds de commerce, concurrence, consommation, Montchrestien 2010HOUTCIEFF, Droit du commerce et des affaires : actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, instruments de paiement et de crédit, Sirey 2008LEGEAIS, Droit commercial et des affaires, Sirey 2007PIEDELIEVRE, Droit commercial, Dalloz coll. Cours éd. 2011REINHARD, THOMASSET-PIERRE Actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, concurrence, consommation, Litec 2008

3. Grands traités (seuls les traités ayant des éditions postérieures à 2000 sont cités)

P. DIDIER et Ph. DIDIER, Droit commercial - Tome 1, Introduction générale, l'entreprise commerciale, Economica 2004GUYON, Droit des affaires, Tome 1 Droit commercial général et sociétés, Economica 2003 RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, Tome 1 commerçants, tribunaux de commerce, fonds de commerce, propriété industrielle, concurrence - Droit communautaire et français, par VOGEL et GERMAIN, LGDJ 2001

4. Revues et encyclopédies

Revues généralistes : Dalloz – Semaine juridique (ou JCP), édition générale et édition E (entreprise)Revues spécialisées : RTD Com (revue trimestrielle de droit commercial) – Revue Lamy de droit des affaires – Bulletin rapide de droit des affaires – Revue de jurisprudence de droit des affairesEncyclopédies : Jurisclasseur commercial - Répertoire Dalloz de droit commercial – Lamy droit commercial - Dictionnaire permanent de droit des affaires

5. Ressources internet

www.legifrance.gouv.fr: portail du droit français en accès gratuit, notamment pour les codes et pour le lien vers le site de la Cour de cassationwww.europa.eu: portail du droit communautaire, en accès gratuit

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THEME 1

METHODOLOGIE ET EXERCICE D’APPLICATION

1. METHODOLOGIE

A lire (et à relire) très attentivement

A. Comment préparer la séance de TD   ?

Le TD constitue une application et un approfondissement de la matière présentée en cours. Le TD n’est pas une redite du cours ou un cours « bis ». Il n’y aura pas de résumé ou topo du cours présenté par le(a) chargé(e) de TD au début de chaque séance. Le cours doit donc être étudié, su et approfondi avant chaque séance. Vous devez assister au TD en apportant les textes du Code de commerce qui sont utiles pour la séance.

Les outils de la préparation du TDIl est indispensable d’avoir ou de consulter l’un des manuels cités en bibliographie. Des documents fondamentaux sont, en outre, accessibles gratuitement en ligne : le Répertoire commercial Dalloz (qui est accessible en ligne, à distance et gratuitement via le portail Mercure (accès depuis le site de l’université dans la rubrique bibliothèque) sous rubrique « à la carte » puis « dalloz.fr ») et le Code de commerce (accessible en version intégrale et gratuitement sur le site www.legifrance.gouv.fr). Hormis un manuel, vous disposez donc de toute la documentation nécessaire en ligne et gratuitement pour travailler correctement.

Les règles d’or de l’apprentissage Apprendre n’est pas survoler une fois les notes de cours (les siennes ou celles d’un autre…).Il faut reprendre ses notes en établissant un plan très détaillé de la partie du cours étudié, à l’aide du plan de cours et d’un manuel. Il faut être capable de retenir ce plan détaillé en comprenant comment les parties s’enchaînent : la compréhension de la logique des développements permet de retenir le détail des règles et non l’inverse. Apprendre par cœur au kilomètre sans comprendre l’ordonnancement général de ce que l’on récite ne sert à rien. Toutefois, il faut vous résoudre à apprendre certaines règles par cœur (par ex certains textes courts du Code de commerce fondamentaux comme celui sur la compétence d’attribution des tribunaux de commerce), à connaître précisément des définitions qui sont données en cours et donc à consulter les références de textes (notamment le Code de commerce), de jurisprudence et doctrine indiquées en cours.

Comment apprendre le cours ? Dans un premier temps, on doit reprendre les notes prises en cours avec un dictionnaire de vocabulaire juridique grâce auquel on peut établir un glossaire de la matière étudiée : aucun mot technique expliqué en cours et utilisé en TD ne doit rester flou. Apprendre le cours, c’est d’une part comprendre les enchaînements du raisonnement qui ont été exposés en cours et d’autre part, bien entendu, connaître le détail des règles analysées.

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Dans un second temps, il faut se reporter au moins à l’un des manuels cités dans la bibliographie ou au Répertoire commercial Dalloz. Il est indispensable de maîtriser la recherche par ces bases de données et la plupart des références données en cours et dans les séances de TD sont référencées sur le site dalloz. Pour réussir en TD et à l’examen, ce travail de préparation est obligatoire : le cours donne les grandes lignes et indique les pistes à suivre pour l’approfondissement.

Comment traiter les thèmes de la séance de TD ? Une fois le travail préparatoire décrit ci-dessus accompli, on peut passer à la préparation de la séance de TD. Chaque séance ne reprend pour approfondir que certains aspects d’une question plus vaste étudiée en cours ex/ sur la séance sur l’acte de commerce, seuls certains points spécifiques relatifs aux actes de commerce par nature sont étudiés. Il sera donc nécessaire sur un point particulier de creuser la question à l’aide du cours, d’un manuel et du Répertoire commercial Dalloz. Chaque fiche de TD vous soumet des exercices qui sont tous obligatoires, le plus souvent des cas pratiques. Pour chaque exercice à préparer, certains documents complémentaires sont reproduits ainsi que des « conseils de lecture »… qui sont plus que vivement recommandés.

B. L’exercice du cas pratique

Dans le cas pratique, on vous soumet des faits qui soulèvent des questions juridiques. Vous devez dégager de ces faits les questions de droit posées et répondre par une analyse juridique motivée qui fait appel aux connaissances que vous aurez révisées dans le cours et approfondies en suivant la méthode rappelée ci-dessus. Le cas pratique est donc un exercice fondamental d’argumentation juridique.

Quel est le but du cas pratique ? Le but du cas pratique est double D’abord, et avant tout, il permet de mettre en application des connaissances. Donc, sans connaissances, pas de possibilité de répondre aux questions posées car il ne s’agit pas de formuler des réponses qui s’apparentent à des discussions de comptoir de café, du pseudo bon sens ou, encore, qui vous paraissent « justes ». Il s’agit de raisonner en droit, selon les règles applicables. Ensuite, le cas pratique doit permettre d’exercer vos qualités de rédaction qui sont essentielles pour tout juriste, quels que soient les modalités et le domaine d’exercice de son activité. La forme est donc primordiale également.

Comment s’y prendre pour le résoudre ? Le travail préparatoireIl consiste à lire l’énoncé plusieurs fois en entier. Il faut ensuite sélectionner les faits significatifs (l’énoncé du cas raconte une histoire dont tous les éléments ne sont pas juridiquement pertinents et utiles) et qualifier juridiquement les personnes, les situations et les prétentions. Attention toutefois de ne pas empiéter sur le raisonnement à proprement parler ex/ désigner l’une des personnes par « le commerçant » si, précisément, la question posée porte sur cette qualification.

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Sur le fondBien souvent, les questions sont posées de manière précise et orientée ex/ est-ce que Mme DUMONT peut saisir le tribunal de commerce ? Pour répondre à chaque question, il faut que l’on retrouve la structure suivante qui met en évidence un va et vient entre la règle applicable et l’application aux faits de l’espèce :

- quelle est la question de droit posée ex/ (en reprenant la question de Mme DUMONT) comment est déterminée la compétence d’attribution du Tribunal de commerce ?

- quelles sont les règles applicables ? Vous devez exposer dans l’ordre, en suivant la hiérarchie des normes : la loi (Code commerce notamment, en citant correctement et précisément les dispositions concernées), les usages, la jurisprudence (en citant précisément des arrêts en donnant au moins l’année de la décision) et éventuellement la doctrine qui permet d’éclairer les sources

- comment ces règles s’appliquent-elles à l’espèce ? Il ne s’agit pas de recopier alors l’énoncé mais de vérifier si les conditions d’application des règles citées sont réunies. Chaque affirmation doit être motivée au regard de la règle dégagée.

Il arrive que la réponse ne puisse pas être ferme et tranchée en raison des hésitations sur l’interprétation jurisprudentielle de telle ou telle règle. Dans ce cas, c’est évidemment la partie « application à l’espèce » et la discussion qui seront importantes. Dans l’exercice universitaire du cas pratique, le sens de la réponse est parfois indifférent ; il est évident que dans la « vie réelle », les questions sont souvent orientées dans un sens ou dans un autre dans l’intérêt de la personne représentée : il sera alors nécessaire de trouver tous les arguments dans un sens déterminé. Dans le cadre du TD, ce qui est primordial est d’avoir compris et exposé tous les sens possibles de la réponse si des hésitations sont soulevées.

Sur la formeIl n’y a pas de forme imposée en plan et parties/sous parties comme dans une dissertation ou un commentaire. Il vaut mieux traiter les questions dans l’ordre (qui obéit à une logique) en reprenant leur numérotation. La structure évoquée ci-dessus ne doit pas apparaître formellement (« règles applicables », « application ») mais se dégager de la fluidité de la rédaction. Il est donc nécessaire de faire des paragraphes clairs pour montrer les étapes du raisonnement, en se plaçant du point de vue d’un lecteur non juriste. Tout doit être écrit mais seulement ce qui est nécessaire : en d’autres termes, il ne s’agit pas de faire une dissertation en plaquant toutes vos connaissances sur la question – il faut sélectionner les connaissances utiles pour le cas – l’exposé des règles est tout aussi important que l’application l’espèce qui ne doit pas être un recopiage de l’énoncé mais une démonstration.

L’introduction consiste en un rappel synthétique et concis des faits, qualifiés juridiquement (là non plus, il ne s’agit pas de recopier l’énoncé). La conclusion consiste à résumer la réponse à la question (avec éventuellement indication d’alternatives si l’application des règles à l’espèce pose des difficultés).

Tout texte de loi (notamment articles du Code de commerce) doit être cité précisément – tout arrêt également. Quand on cite un arrêt au soutien de son raisonnement, il faut connaître le sens et la portée de l’arrêt (faits/point de droit et solution) car cela ne sert à rien de retenir des dates par cœur (jour, mois, année) pour citer des arrêts au kilomètre. Mieux vaut n’en citer qu’un mais l’exploiter sur le fond, que d’en citer 20 dont on ne connaît que les dates.

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Le style est pris en compte (ainsi que la syntaxe et l’orthographe de base) : c’est en relisant le cours, en lisant des manuels, des commentaires etc que l’on s’imprègne du style et de la terminologie juridiques. Il ne sera pas admis que des mots techniques soient mal orthographiés ex/ fonds de commerce – achalandage – clause compromissoire - artisan (au féminin, artisane). Il faut travailler avec un dictionnaire ordinaire et un vocabulaire juridique. Aucun travail écrit rendu (et cela vaut pour l’examen) ne doit comporter d’abréviations. Tout doit être rédigé, ce qui interdit des présentations sous forme de tirets ou autres signes car le cas pratique n’est pas un plan de cours ou des notes à votre usage.

2. EXERCICE D’APPLICATION   : LE CAS PRATIQUE PAS A PAS

M. SAINT-ESTEPHE est viticulteur dans la région Bordelaise depuis 1985. Son activité est prospère et il profite chaque année de l’augmentation du prix des primeurs bordelais. Il vend sa production en faisant appel à des courtiers chargés de trouver des négociants pour commercialiser les bouteilles produites par M. SAINT-ESTEPHE.

En 2009, il a vendu sa récolte à un négociant, la société BAGES établie à Bordeaux, par l’intermédiaire d’une société de courtage, la société COURTAGE DE L’AQUITAINELa société COURTAGE DE L’AQUITAINE a envoyé un bordereau de confirmation à M. SAINT-ESTEPHE et à la société BAGES et a réclamé le paiement de sa commission à la société BAGES.

La société BAGES estime qu’elle n’est tenue d’aucun paiement à la société COURTAGE DE L’AQUITAINE. Elle considère que la vente n’est pas parfaite dans la mesure où ne figurent sur le document ni la signature du représentant de la société BAGES, ni celle de M. SAINT-ESTEPHE.

La société COURTAGE DE L’AQUITAINE voudrait intenter une action contre la société BAGES en paiement de la commission : elle estime que la commission lui est due car il existe un usage bordelais qui prévoit que l’envoi du bordereau de confirmation équivaut à une vente parfaite.

Que pensez-vous de cet argument ?

Pour répondre à cette question, envisager les points suivants : 1) Identifier les faits pertinents en qualifiant les parties et les prétentions de ces

dernières2) Identifier et formuler la question de droit posée3) Recenser les règles applicables4) Apporter une réponse quant à la possibilité pour la société COURTAGE DE

L’AQUITAINE d’invoquer cet usage bordelais

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THEME 2

LES ACTES DE COMMERCE (1) – LA DEFINITION

1. Les actes de commerce par nature Exercices (on se reportera aux manuels cités dans la bibliographie et à l’article L 110-1, 1° à 8° du Code de commerce dont le texte devra être apporté lors de la séance de TD)

Pour chaque cas suivant, exposer de manière détaillée et argumentée si on peut caractériser un acte de commerce par nature au regard des règles du Code de commerce et de la jurisprudence (les règles et les arrêts exploités doivent être cités correctement et analysés de manière détaillée avant de passer à l’application à l’espèce) :

- Mlle PONTE est retraitée. Elle a acheté une commode ancienne en 2010 dans une brocante. En 2011, elle décide de déménager dans un appartement plus petit dans lequel il n’y a plus de place pour la commode. Sur les conseils de son neveu, elle la met en vente sur le site internet « leboncoin.fr ». L’achat et la revente de la commode sont-ils des actes de commerce ?

- M. PILE est carreleur. Il travaille seul. Il doit poser du carrelage dans la cuisine de clients qu’il connaît bien. Il leur a proposé d’acheter le carrelage et de leur revendre au prix auquel il l’a acheté chez le grossiste. Accomplit-il un acte de commerce ?

- M. SIFFRE est un expert maritime indépendant: il expertise les épaves maritimes notamment dans le cadre de litiges relatifs à des cas de pollution par hydrocarbures. Les prestations de M. SIFFRE sont-elles des actes de commerce ?

2. Les actes de commerce par accessoire et les actes de commerce qualifiés par la jurisprudence

Exercice : résoudre le cas pratique suivant (on se reportera aux manuels cités dans la bibliographie et à l’article L 110-1, 9° du Code de commerce dont le texte devra être apporté lors de la séance de TD)

M. PIETRA est domicilié à Paris et détient une participation majoritaire dans la société anonyme VALTECK qui fabrique et commercialise des parquets. Il décide en 2009 de céder cette participation. Dans le cadre de cette opération, il conclut un contrat avec la société anonyme EURAZEO afin que cette dernière le conseille sur le plan financier. La personne intéressée par l’acquisition de la participation de M. PIETRA n’a pu finalement obtenir le prêt nécessaire à cette acquisition. L’opération ne peut donc se réaliser. M. PIETRA refuse de payer à la société EURAZEO les honoraires convenus pour la mission de conseil financier. La société EURAZEO vient vous consulter : peut-elle assigner M. PIETRA devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement de ses honoraires ?

Conseils de lecture : Cass. Com. 13 mai 1997, RTDcom 1997.427, obsv. DERRUPPE – Cass. Com. 15 novembre 2005, RTDcom 2006.563, obsv. SAINTOURENS - Cass. com. 10 juil. 2007, D. 2007.2764, obsv. R. SALOMON, D. 2008.518, note D. THEVENET-MONTFROND

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THEME 3

LES ACTES DE COMMERCE (2) - LE REGIME

Se reporter aux manuels cités en bibliographie sur le régime des actes de commerce. Etudier particulièrement les règles relatives au contentieux et à la preuve ainsi que la définition et le régime des actes mixtes.

Exercices

1. Résoudre le cas pratique suivant

Mlle PINCEMAILLE exploite un commerce à TROUVILLE : elle vend des jouets et jeux de plage pour enfants. Elle convoite depuis longtemps la boutique qui jouxte la sienne et qui vend des crêpes et des confiseries. Ayant l’opportunité d’acquérir ce fonds de commerce en juin 2009, elle prend rendez-vous avec son conseiller bancaire qui rapidement lui confirme que la banque n’est pas disposée à accorder le prêt nécessaire pour financer cet achat.

Mlle PINCEMAILLE sollicite alors son amie d’enfance, Mlle PLANCHETTE, qui est salariée dans un grand groupe hôtelier de la région : elle est en charge de l’organisation d’événements. Devant le désarroi de son amie, Mlle PLANCHETTE décide de lui proposer de lui prêter 5 000 euros. Mme PINCEMAILLE, folle de joie, lui promet de lui rembourser cette somme dans les 6 mois et lui remet une lettre datée du 1er juillet 2009 indiquant la somme prêtée et précisant que la somme doit financer l’acquisition du fonds de commerce de crêpes et confiseries.

Mlle PLANCHETTE a saisi fin 2009 une opportunité professionnelle et a rejoint le siège à Nice du groupe hôtelier pour lequel elle travaille. Son installation lui a occasionné des frais et elle compte bien sur le remboursement par Mlle PINCEMAILLE de la somme prêtée.

Sans nouvelles de son amie en dépit de ses multiples appels, Mlle PLANCHETTE vient vous consulter en mars 2010 : elle veut savoir si la lettre du 1er juillet 2009 peut lui permettre de réclamer à Mlle PINCEMAILLE la somme prêtée.

DOCUMENT : Cass. Com. 13 novembre 2007, inédit

2. Résoudre le cas pratique suivant

Mme POUDRAIT habite à la campagne et elle a décidé de mener une activité de commerce de proximité. Elle veut en effet se rendre de village en village pour vendre des produits de beauté. Elle achète auprès du Garage NORMANDIE SA un véhicule utilitaire. Le véhicule est défectueux et, après expertise, Mme POUDRAIT envisage d’intenter une action contre le Garage NORMANDIE SA. Quel serait le tribunal compétent pour connaître de cette action ? Le contrat de vente du véhicule aurait-il pu stipuler une clause compromissoire ?

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DOCUMENT : Cass. Com. 13 novembre 2007, inédit

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société anonyme d'aménagement et de développement (la SAD), promoteur immobilier, a confié à la SCI Val vert tertiaire (la SCI), propriétaire d'un terrain à Seynod, la réalisation et la commercialisation de deux bâtiments à usage de bureaux, l'un destiné à la "CDG", l'autre à La Poste ; qu'une convention de maîtrise d'oeuvre a été signée pour la réalisation du bâtiment destiné à la CDG avec la société Studio d'architecture Florent X... (la société X...) ; que, n'ayant pu obtenir le règlement de ses honoraires pour les prestations relatives à l'immeuble destiné à La Poste, la société X... a assigné la SAD et la SCI en paiement d'une provision ;Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande contre la SCI et la SAD et d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes en restitution de la somme de 10 000 euros formée par ces sociétés, alors, selon le moyen :1 / qu'un acte accompli par un non-commerçant devient un acte de commerce lorsqu'il est passé dans le but d'exercer un commerce et qu'il est indispensable à celui-ci ; que la SCI avait pour objet la réalisation et la commercialisation d'immeubles sur la commune de Seynod ; que le contrat de maîtrise d'oeuvre qu'elle a conclu avec la société d'architecture Florent X... pour la réalisation des immeubles en question, en vue de leur revente, était donc nécessairement commercial et pouvait se prouver par tous moyens ; qu'en faisant application des règles de la preuve civile, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 110-3 du code de commerce 2 / que la demande de permis de construire pour un bâtiment signé du maître d'ouvrage sur lequel figure le nom de l'architecte et le permis de construire pour cette construction mentionnant le nom du maître de l'ouvrage valent commencement de preuve par écrit d'un contrat de maîtrise d’oeuvre entre le maître de l'ouvrage et l'architecte concernant ce bâtiment ; qu'en l'espèce, la SAD et la SCI ont versé aux débats leur demande de permis de construire pour les deux bâtiments, sur lequel figure le nom de la société X... et l'architecte a produit le permis de construire obtenu pour la construction des deux bâtiments qui mentionne comme pétitionnaire la SAD ; que ces documents valaient commencement de preuve par écrit de l'existence d'un contrat de maîtrise d'oeuvre pour le bâtiment B ; qu'en affirmant qu'il n'existait aucun écrit pouvant valoir commencement de preuve écrite émanant des sociétés appelants par lequel celles-ci formeraient une demande relative à la construction du bâtiment B, la cour d'appel a violé les articles 1341 et 1347 du code civil ;Mais attendu qu'après avoir relevé que la SCI a été constituée en vue d'acquérir un terrain situé à Seynod et y édifier des immeubles en vue de leur revente, ce dont il résultait que la SCI n'effectuant pas d'actes de commerce n'avait pas la qualité de commerçant, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, constaté que tous les écrits invoqués émanaient de la société X... et qu'il n'existait aucun écrit pouvant valoir commencement de preuve par lequel la SCI formerait une demande relative à la construction du bâtiment B ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;Mais sur le moyen, pris en sa première branche, lequel est recevable, s'agissant d'un moyen de pur droit :Vu les articles 1315 du code civil et L. 110-3 du code de commerce ;Attendu que, pour rejeter la demande de la société X... contre la SAD, l'arrêt retient qu'aux termes des articles 1341 et 1347 du code civil , il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toute chose excédant la valeur de 800 euros, sauf lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu'il représente et qui rend vraisemblable le fait allégué ;Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la SAD, société anonyme, était commerciale par sa forme et qu'à l'égard des commerçants, un acte de commerce peut être prouvé par tous moyens, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application et le second par refus d'application ;PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Studio d'architecture Florent X... de ses demandes contre la Société aménagement et développement, l'arrêt rendu le 30 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble

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THEME 4

LE COMMERCANT (1)

1. La liberté d’entreprendre

DOCUMENT 1 : M. KDHIR « Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie : mythe ou réalité », D. 1994, chron. p. 30

DOCUMENT 2 : Cass. Com. 4 janvier 1994, D. 1995.205, note Y. SERRA (non reproduite)

Exercice : résoudre le cas pratique suivant

La société anonyme FIZOLU établie à la Défense et la société à responsabilité limitée FRERES LAMOTHE établie à Créteil sont en négociation pour conclure un contrat de 5 ans aux termes duquel la société FRERES LAMOTHE s’engagerait à distribuer en Ile de France du fioul domestique produit la société FIZOLU. Le directeur juridique de la société FIZOLU vient vous consulter car il veut insérer une clause de non concurrence dans ce contrat. Il vous demande de lui soumettre un projet de clause qui intégrerait les éléments suivants : la société LAMOTHE FRERES s’engagerait pendant une durée de 10 ans sur tout le territoire de l’Ile de France et la région Nord à ne pas commercialiser de produits pétroliers ou tout autre dérivé de tels produits. Vous devez rédiger le mémo qui explique de manière détaillée et argumentée au Directeur juridique de la société FIZOLU si une telle clause serait valable au vu de la jurisprudence et émettre en conséquence, le cas échéant, des suggestions de modification.

Conseils de lectures complémentaires : M. DEPINCE, « La clause de non concurrence post contractuelle et ses alternatives », RTD Com 2009.259 ; M. LOMBARD, « A propos de la liberté de concurrence entre opérateurs privés et opérateurs publics », D. 1994, chron. 163 ; J. –L. MESTRE, « Le Conseil constitutionnel, la liberté d’entreprendre et la propriété », D. 1984, chron. 3.

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2. La qualification du commerçant

Exercices : Pour résoudre les cas pratiques suivants, vous devrez vous-même, en partant des manuels indiqués en bibliographie, chercher les références de jurisprudence ou de doctrine et les indiquer dans votre travail.

M. DONGE est peintre spécialisé dans les peintures décoratives. Il travaille avec deux salariés. Il propose parfois à ses clients d’acheter au prix de gros la peinture spéciale pour réaliser les décors demandés, et il refacture alors au client cette peinture au prix d’achat majoré de 20%. Est-il commerçant ou artisan ?

Mme VASCO est une figure connue des Halles car elle a été grossiste en fruits et légumes pendant 30 ans. Depuis la cessation de son activité, elle se charge quand on lui demande, moyennant le paiement d’une commission, de présenter des marchands de détail aux grossistes des Halles en fruits et légumes. Elle commence à être âgée et demande de l’aide à des deux fils instituteurs pendant les vacances scolaires car c’est bien entendu à ce moment qu’ils sont le plus disponibles. Les deux fils sont de plus en plus présents auprès de leur mère. Ils songent à exercer leur métier d’instituteurs à mi-temps pour consacrer plus de temps à cette activité qu’ils veulent à terme développer ; dans cette perspective, ils cherchent à assurer la sécurité du paiement de leur commission et veulent rapidement négocier avec les grossistes un contrat d’agence commerciale. Mme VASCO est-elle commerçante ? Les fils peuvent-ils être qualifiés de commerçants ? S’ils négocient par la suite un contrat d’agence commerciale, seront-ils commerçants ?

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DOCUMENT 1 : M. KDHIR « Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie : mythe ou réalité », D. 1994, chron. p. 30

« Il n'y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manière, que celui de liberté. » MONTESQUIEU, De l'Esprit des lois, XI, II.Pierre angulaire de l'économie libérale, la liberté du commerce et de l'industrie joue un rôle décisif dans le système juridique et économique français. L'art. 7 de la loi des 2-17 mars 1791, toujours en vigueur, définit cette liberté comme le droit reconnu à toute personne de faire « tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon (1) ».Texte de « circonstance » dont l'objet consistait à remplacer les impôts professionnels de l'Ancien Régime par un texte unique, la patente, et d'une pérennité très exceptionnelle - la plupart des textes votés et promulgués à la même époque ont été abrogés - le principe de la liberté du commerce et de l'industrie est très fréquemment visé dans les décisions des juridictions, aussi bien de l'ordre judiciaire que de l'ordre administratif. Pourtant, ce principe ainsi proclamé et confirmé (2) ne s'est pas toujours imposé depuis la Révolution ; d'aucuns estiment même qu'il fut constamment violé. Le problème a donné lieu à d'âpres débats et de farouches polémiques. C'est une question toujours « disputée » et la discussion autour de tels sujets sensibles ne s'apaise jamais vraiment (3).Laissons de côté ces redoutables débats pour ne tenter de considérer que la réalité de ce principe en cherchant à connaître son contenu (II) après avoir justifié au préalable ses fondements (I).I. - Les fondements juridiques du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.Il convient d'étudier les fondements juridiques de ce principe non seulement en droit interne (A) mais également en droit communautaire (B).A. - En droit interne.C'est à la Révolution française que remonte le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Par l'instauration d'un régime de liberté, la révolution a libéré le citoyen des liens traditionnels qui entravaient sa vie quotidienne.Il ressort des débats de la Constituante que l'homme n'est pas seulement libre de sa personne, ses opinions, sa pensée, ses écrits, mais également de son industrie et ses travaux. Selon Sieyès : « Tout citoyen est pareillement libre d'employer ses bras, son industrie et ses capitaux, ainsi qu'il le juge bon et utile à lui-même. Nul genre de travail ne lui est interdit. Il peut fabriquer et produire ce qui lui plaît, et comme il lui plaît ... La loi seule peut marquer les bornes à cette liberté, comme à toutes les autres (4) ».La liberté économique est donc apparue dans l'histoire au moment de l'affirmation des droits de l'homme de 1789. C'est « une conquête de la révolution et la soeur de la liberté politique » (5).Les constituants se prononçaient même en faveur de la « liberté du commerce et de l'industrie sans oser toutefois condamner formellement le système corporatif » (6), car ils hésitaient « à le faire disparaître immédiatement » (7).La liberté en général affirmée par les textes de 1789 inclut donc la liberté du commerce et de l'industrie mais il faudra attendre la loi des 2-17 mars 1791 - dite décret d'Allarde - pour qu'un texte législatif pose clairement le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. L'affirmation de la liberté économique est complétée par la fameuse loi dite « le Chapelier » des 14-17 juin 1791 qui supprime les groupements professionnels et les coalitions.La liberté économique s'est traduite par une place de choix accordée au contrat et à la volonté. L'art. 1134 c. civ. compare le contrat à la loi. La liberté des conventions, expression de l'individualisme libéral de 1789, est une pièce essentielle d'un régime qui admet la propriété privée et la liberté du travail. Produit et symbole du libéralisme, la liberté du commerce et de l'industrie a subi depuis cette époque de multiples restrictions sous l'empire des nécessités

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économiques et de l'intérêt général. Le principe passe désormais derrière les impératifs de l'ordre public (8), du droit des consommateurs, de l'environnement (9), de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'hygiène, de la santé, de l'exigence d'une certaine qualification professionnelle et de la subordination, la plupart du temps, à autorisation préalable de l'activité projetée ... (10) ; mais malgré l'érosion du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, celui-ci subsiste en tant que liberté publique, selon le Conseil d'Etat (11). La Haute juridiction administrative le considère même comme un principe général du droit applicable indépendamment de tout texte (12) et parle plus directement du « principe de la liberté du commerce » (13), ce qui implique que le principe déborde la loi des 2-17 mars 1791. Certains voient même dans la liberté du commerce et de l'industrie un principe à valeur constitutionnelle (14). Nous ne le pensons pas, le principe a une simple valeur législative, son contenu est plus ou moins large selon l'appréciation et le choix du législateur. Ainsi, par exemple, le Conseil d'Etat a annulé l'art. 1er du décret du 22 sept. 1989 (15) qui limitait à deux fois par an la possibilité de procéder à des soldes périodiques ou saisonniers au motif que cet article porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et que de telles dispositions ne peuvent résulter que de la loi. Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie a donc une valeur infraconstitutionnelle mais supraréglementaire dans la hiérarchie des normes (16), et, comme le dit le Conseil d'Etat, dès lors qu'une disposition réglementaire trouve sa source dans un texte législatif, la violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne peut être invoquée à son encontre (17). Ainsi, à une disposition générale on peut toujours opposer une limitation résultant d'un autre texte de même valeur et, dans cette hypothèse, le texte restrictif l'emporte sur le texte général (18).Juridiquement protégé en droit interne, malgré l'interventionnisme de la puissance publique, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie s'impose-t-il également au niveau communautaire ?B. - En droit communautaire.D'inspiration néo-libérale, la CEE repose sur quatre libertés fondamentales : la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. Véritable clé de voute de la construction européenne, le régime de liberté instauré a pour objectif de promouvoir dans le marché commun une concurrence qui, selon l'expression de l'art. 3 f, ne soit point faussée ; elle garantit ainsi l'égalité des chances entre tous les opérateurs économiques et interdit toute aide sous quelque forme que ce soit qui fausse ou menace de fausser la concurrence (19). Le traité CEE crée un ordre juridique propre et les Etats membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires à assurer l'exécution qui leur incombe en vertu du droit communautaire (20).Selon la CJCE : « le juge national chargé d'appliquer dans le cadre de sa compétence les dispositions du droit communautaire a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel » (21). Les principes d'effet direct et de primauté s'imposent donc aux juridictions nationales. Le juge français, sur la base de l'art. 55 de la Constitution, n'hésite plus aujourd'hui à faire prévaloir le droit communautaire sur le droit interne. La jurisprudence inaugurée par l'arrêt Nicolo (20 oct. 1989) affirmant la suprématie des traités sur les lois internes a été enrichie par l'arrêt Boisolé (24 sept. 1990) confirmant la supériorité des règlements communautaires sur les lois internes, et développé par l'arrêt Stés Rothmans et Philip Morris (28 févr. 1992) en ce qui concerne la primauté des directives communautaires sur les lois internes (22).Le marché commun est basé sur une conception libérale de l'économie (23). La liberté constitue ainsi un principe fondamental commun pour tout ce qui concerne les activités économiques qui se rapportent aux échanges à l'intérieur de la Communauté. Le droit

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communautaire est la source directe du droit économique national. Juridiquement donc, les Etats membres n'ont pas le plein contrôle de leur politique économique. Tant au niveau national expressément, qu'au niveau communautaire implicitement, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie est affirmé ; mais quel est le contenu de ce principe ?

II. - Le contenu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie implique la liberté d'entreprendre (A) et la liberté de concurrencer (B).A. - La liberté d'entreprendre.Issue de la Révolution française, la liberté d'entreprendre est une règle à valeur constitutionnelle, qui trouve sa racine dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Dans sa décision du 16 janv. 1982, sur les nationalisations, le Conseil constitutionnel estime que « la liberté qui aux termes de l'article 4 de la déclaration consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre ». L'intérêt de la valeur constitutionnelle de la liberté d'entreprendre est de pouvoir l'opposer à la loi. Autrement dit, elle s'impose même au législateur qui ne peut pas la restreindre d'une manière arbitraire ou abusive.Cette interprétation « libérale » de la liberté d'entreprendre par le Conseil constitutionnel a été, à la fois, vigoureusement critiquée (24) et énergiquement approuvée (25) par la doctrine. Dans une autre décision, le Conseil constitutionnel estime que la liberté d'entreprendre « n'est ni générale ni absolue et ne peut exister que dans le cadre d'une réglementation instituée par la loi » (26). Ainsi, par exemple, il reconnaît au législateur la possibilité de limiter la liberté d'entreprendre dans un souci de protection de la santé publique (27). Le Conseil d'Etat affirme le principe du « libre accès à l'exercice par les citoyens de toute activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale » (28). En réalité, la loi peut restreindre la liberté d'entreprise, notamment lorsqu'elle soumet une activité à autorisation, elle permet également à l'administration de prendre des mesures restrictives dans le but du maintien de l'ordre public. Le Conseil d'Etat affirme dans un arrêt de principe que le maire détient « le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux inconvénients qu'un mode d'exercice de la profession (...) peut présenter pour la circulation et l'ordre public » (29).La Cour de cassation estime que l'arrêté du préfet de police de Paris du 26 juin 1933, qui interdit sur la voie publique l'offre d'opérations commerciales et notamment le racolage des clients éventuels (...) comportement de nature à troubler l'ordre, la tranquillité publique ainsi que la liberté et la commodité de la circulation, n'entrave en rien le principe de la liberté du commerce et de l'industrie (30). Il reste qu'il n'existe pas en droit français une énumération limitative des activités commerciales ou industrielles autorisées par la loi et que toute personne physique ou morale (31) peut entreprendre, sauf exception, les activités de son choix dans un système de compétition et de concurrence.

B. - La liberté de concurrencer.Le principe de la libre concurrence (32) supposant des conditions d'égale compétition, cela implique la non-ingérence des collectivités publiques qui, par des privilèges exorbitants dont elles disposent, n'auraient aucun mal à éliminer les concurrents privés. C'est la raison pour laquelle l'activité économique est réservée à l'initiative privée à l'exclusion de l'ingérence de la puissance publique. Par nature, dans une économie libérale, les activités économiques et commerciales sont réservées aux particuliers. Le libre jeu des forces du marché doit être le moins possible altéré par l'interventionnisme de l'Etat ; ce système d'autorégulation de l'économie est l'affaire de la « société civile » qui, selon la délicieuse formule de Hobbes, est

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« le champ de bataille de l'intérêt privé individuel de tous contre tous ».L'interdiction faite aux collectivités publiques de dénaturer, par leurs interventions, la concurrence est consacrée par le Conseil d'Etat : « les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à l'initiative privée » (33).Cependant, la puissance publique n'a jamais renoncé à son action économique. Les guerres, les crises, les pénuries, les abus de monopoles et de concentrations (34) et enfin l'inaptitude du marché à trouver par lui-même les ajustements nécessaires à la satisfaction des besoins de l'intérêt général ont amené l'Etat à intervenir pour assurer « la police » de l'économie (35) tantôt par voie d'injonctions et d'impératifs, tantôt par voie de négociations, d'orientations, d'incitations, de concertations et d'accords. Il en résulte que le système économique français est un système mixte (36), dualiste, où coexistent : entreprises privées et entreprises publiques, initiative privée et action publique, liberté et interventionnisme.La libre concurrence rencontre de multiples limitations et, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, les personnes publiques peuvent intervenir sans qu'on puisse leur opposer le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, pour améliorer « le fonctionnement du service public de l'hygiène », créer des théâtres municipaux, un terrain de camping ou une boucherie municipale ; ouvrir un cabinet dentaire ; édifier un bâtiment à usage de bar restaurant (37), etc.Plus généralement, la jurisprudence admet l'intervention des collectivités publiques en raison des circonstances particulières de temps et de lieu et lorsqu'un intérêt public le justifie, ou si l'initiative privée est défaillante ou absente qualitativement ou quantitativement le juge tente ainsi un nécessaire compromis protégeant la liberté de l'initiative privée et reconnaissant en même temps un droit raisonnable d'intervention économique au profit de la puissance publique.

Conclusion.Il faut renoncer à la fiction d'un principe clos sur sa propre abstraction. Expression de base du système juridique et économique français, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas statique, mais dynamique ; il est soumis précisément selon les circonstances à une profonde transformation qui va de concert avec les changements de l'ordre social concret dans lesquels il déploie ses effets. Il s'agit d'un principe à « géométrie variable ».Historiquement constante, la remarquable extension de l'intervention de l'Etat ne peut qu'entraver le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Celui-ci reste cependant le soubassement sur lequel s'appuient les juges interne et communautaire.Il s'agit de la recherche permanente d'un équilibre, d'un compromis, d'une proportion entre liberté du commerce et de l'industrie et interventionnisme. Ce n'est pas le moindre paradoxe que de faire coexister mythe et réalité dans le même principe. C'est peut-être le propre de la plupart des principes juridiques que d'avoir des contenus nuancés voire contradictoires.

(1) En droit international, la CPJI définit la liberté du commerce comme « la faculté, en principe illimitée, de se livrer à toute activité commerciale, que celle-ci ait pour objet le négoce proprement dit, c'est-à-dire la vente et l'achat de marchandises, ou qu'elle s'applique à l'industrie ..., qu'elle s'exerce à l'intérieur ou qu'elle s'exerce avec l'extérieur par importation ou exportation » (arrêt du 21 déc. 1934, aff. O. Chin., série A/B n° 63, p. 84). La libéralisation des échanges a été adoptée en 1964 dans l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Celui-ci est fondé sur deux grands principes : la non-discrimination et le désarmement douanier. La liberté du commerce mondial doit s'épanouir dans le cadre d'une concurrence saine et loyale ; mais les Etats n'ont pas la même interprétation de ce point, d'où la difficulté actuelle de parvenir à un accord, notamment entre les grandes puissances commerciales USA et CEE.(2) On retrouve dans la Constitution de l'an III une référence à la liberté du commerce et de l'industrie ; l'art. 355 de cette Constitution affirme qu'il n'y a pas de limitation à la liberté du commerce, ni à l'exercice de l'industrie. De même l'art. 13 de la Constitution de 1848 garantit aux citoyens la liberté de l'industrie et la liberté du travail.

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En revanche, les Constitutions de 1946 et de 1958 ne font pas allusion à cette liberté.(3) Tantôt on affirme : « là où aucune loi n'est intervenue, le principe subsiste toujours qui demeure le droit commun de l'activité industrielle en France » (concl. Gazier sur CE 22 juin 1951, Daudignac, D. 1951.589, note J. C.). Tantôt on affirme : « notre système économique ne repose plus sur cette liberté » (concl. Jacomet sur CE 14 mai 1954, Feuger, Lebon, p. 274 ; RPD adm., juin 1954.125.(4) Archives parlementaires, 1787-1799, t. 8, p. 260, col. 2.(5) G. Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ, n° 98, p. 292.(6) J. -L. Mestre, Le Conseil constitutionnel, la liberté d'entreprendre et la propriété, D. 1984. Chron. 3.(7) J. Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l'Empire, PUF, 2e éd., 1968, p. 214.(8) Le pouvoir de police est expressément prévu par la loi des 2-17 mars 1791.(9) Ainsi, par exemple, le juge censure l'étude d'impact qui n'est pas conforme aux dispositions combinées de la loi du 10 juill. 1976 et du décret du 12 oct. 1977 (V. CAA Lyon, 21 janv. 1992, Cie COGEMA, Lebon, p. 497).(10) Le droit français est dominé par le principe général selon lequel « la liberté est la règle, la restriction de police l'exception ». Mais, en matière de liberté du commerce et de l'industrie, les restrictions sont si nombreuses qu'on peut presque être tenté d'inverser le principe : « La restriction de police devient la règle, la liberté, l'exception » !(11) CE 28 oct. 1960, Laboulaye, AJDA 1961.20 ; ass., 16 déc. 1988, Assoc. des pêcheurs aux filets et engins, Garonne, Isle et Dordogne, D. 1990.201, note F. Llorens et P. Soler-Couteaux.(12) CE 26 juin 1959, Syndicat gén. des ingénieurs-conseils, D. 1959.541, note J. L'Huillier.(13) CE 23 oct. 1981, Min. Economie c/ Sté Sagmar, AJDA 1982.162.(14) V., par exemple, concl. X. Prétot, sur TA Versailles, 17 oct. 1989, AJDA 1990.53.(15) CE 22 mars 1991, AJDA 1991.650, note J. -P. Théron.(16) En dépit de l'affirmation contraire de M. Fournier, commissaire du Gouvernement, selon lequel l'évolution récente ne permettait pas « de classer cette liberté parmi les règles fondamentales qui s'imposent à l'autorité réglementaire » (CE 26 juin 1959, Syndicat gén. des ingénieurs conseils, RD publ. 1959.1004).(17) CE 19 nov. 1986, Sté Smanor, Lebon, p. 259.(18) CE 6 déc. 1989, Martellet, rep. n° 72.442, 72.443, à propos de l'art. L. 631-7 CCH.(19) L'art. 92, § 1, formule l'interdiction de principe des aides. Les Etats membres sont tenus de restituer des aides contraires au droit communautaire (sur le régime des aides, V. le dossier spécial, Aides publiques, AJDA 1993.395).(20) Dans un arrêt du 19 nov. 1991 (Francovich et Bonifaci, aff. C-6-90 et C-9-90, Rec. CJCE, p. 5357 ; JCP 1992.II.21783, note A. Barav ; D. 1992. IR. 1). La CJCE a reconnu la responsabilité de l'Etat italien pour défaut de transposition d'une directive (80-987-CEE du Conseil du 20 oct. 1980).(21) CJCE 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106-77, Rec. CJCE, p. 629.(22) Même dans son rôle consultatif, le Conseil d'Etat exige désormais le respect des procédures communautaires. Ainsi, « il rejette tout projet de loi ou de décret qui lui est présenté sans avoir été au préalable soumis à l'avis de la Commission des Communautés européennes lorsqu'un tel avis est prévu par une règle communautaire » (B. Stirn, Le Conseil d'Etat et le droit communautaire : de l'application à l'élaboration, AJDA1993.245).(23) Les « lois du marché » se généralisent. V. A. Bockel, Communisme et économie de marché, la nouvelle constitution du Vietnam, RD publ. 1992.1707. Selon Mme Lavigne, il n'y a plus qu'un système : l'économie de marché, par définition le meilleur puisqu'il a triomphé (L'Europe de l'Est : du plan au marché, éd. Liris, Paris, nov. 1992).(24) F. Savy, La constitution des juges, D. 1983. Chron. 105.(25) J. -L. Mestre, Le Conseil constitutionnel, la liberté d'entreprendre et la propriété, D. 1984. Chron.1.(26) Décis. n° 83-162 DC des 19-20 juill. 1983, JO 22 juill., p. 2267 ; rect. 31 juill., p. 2531.(27) V. à propos des dispositions relatives à la lutte contre l'alcoolisme et la tabagie, Cons. const. 8 janv. 1991, décis. n° 90-283 DC, JO 10 janv., p. 524.(28) CE 22 juin 1963, Synd. du personnel soignant de la Guadeloupe, AJDA 1963.460.(29) CE 22 juin 1963, préc.(30) Cass. crim., 8 avr. 1992, Gaz. Pal. 1993.1.8, note J. -P. Doucet.(31) Littéralement, la loi proclamant la liberté du commerce et de l'industrie au profit de « toute personne » pourrait être invoquée par les personnes morales de droit public. Rien ne permet, en effet, sur la base du texte de faire une discrimination entre personnes morales de droit public et personnes privées. En réalité, le principe est interprété dans le sens d'une activité économique réservée à l'initiative privée (individu, entreprise) à l'exclusion des personnes publiques ; sauf si la loi, l'ordre public ou l'intérêt général imposent de limiter cette liberté.(32) Comme toute liberté, la liberté du commerce et de l'industrie se définit par des « frontières » qui limitent son exercice. Le cercle peut paraître vicieux puisque l'abus de liberté commande l'intervention qui détruit la liberté. En réalité, on restaure la liberté par une réglementation opportune de la concurrence. La Cour de cassation a, dans un arrêt du 22 oct. 1985, considéré que « l'abus de la liberté du commerce causant

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volontairement ou non un trouble commercial est constitutif de concurrence déloyale ou illicite » (D. 1986. IR.339, obs. Y. Serra).(33) CE 30 mai 1930, Ch. synd. du commerce en détail de Nevers, GAJA, n° 48.(34) V. M. Kdhir, Le système français du contrôle administratif des concentrations économiques, RD publ. 1992.1103.(35) Le principe fondamental est que la réglementation ne doit pas consister en une interdiction générale et absolue. Elle doit se contenter d'une simple limitation. Ainsi, par exemple, le Conseil d'Etat n'hésite pas à annuler les arrêtés municipaux édictant une interdiction générale et absolue (un maire peut interdire la vente ambulante sur les plages, pour des raisons de tranquillité et d'hygiène publiques, mais il ne saurait interdire cette vente sur tout le territoire de la commune, ni même sur l'ensemble des « abords » de la plage, CE 21 févr. 1986, 2 arrêts, Cne d'Agdeet Cne de Fleury d'Agde c/ Roustan, JCP 1986.II.20680, note R. Rézenthal).(36) Selon la théorie du Belge H. de Man, l'économie mixte a été conçue, à l'origine, dans les années trente, comme une solution de compromis, étape transitoire vers le socialisme ; force est de constater qu'on assiste aujourd'hui à un revirement total de ces perspectives puisque l'économie mixte, loin d'être un facteur de contestation du libéralisme, est, au contraire, devenue un mode de rationalisation de l'économie de marché (V. l'ouvrage de J. Kerninon, Les cadres juridiques de l'économie mixte, LGDJ, coll. Systèmes, 1992).(37) Le Conseil d'Etat admet que la création d'un bar-restaurant peut être un élément d'animation de la vie locale (V. CE 25 juill. 1986, Cne de Mercoeur, Dr. adm. 1986.489).

DOCUMENT 2 : Cass. Com. 4 janvier 1994

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 50 de l'ordonnance n° 47-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix ;

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. X..., qui exerce, à titre indépendant, l'activité professionnelle de chauffeur de véhicules de petite remise, a signé un contrat, le 23 janvier 1986, avec la société Locafret, devenue ultérieurement la société 3 V, en vue d'utiliser les services d'un central radio exploité par cette entreprise à Versailles ; que, le 20 juillet 1989, M. X... a résilié cette convention ; que la société Locafret l'a alors assigné en dommages-intérêts devant le tribunal de commerce pour concurrence déloyale au motif qu'au mépris d'une clause du contrat qui lui interdisait, en cas de résiliation, " d'exploiter directement ou indirectement une activité similaire et particulièrement l'activité de taxi à Versailles-Le Chesnay-Rocquencourt-Buc, pendant une période de 3 ans, dans un rayon de 30 kilomètres à vol d'oiseau de la mairie de Versailles ", il continuait d'exercer son activité professionnelle dans ce secteur réservé ;

Attendu que pour accueillir la demande de la société 3 V, la cour d'appel a relevé que " les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la clause combattue est limitée dans le temps et dans l'espace ; que la licéité des restrictions aux libertés individuelles qu'elle stipule est reconnue " ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause litigieuse, même limitée dans le temps et dans l'espace, n'était pas disproportionnée au regard de l'objet du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

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THEME 5

LE COMMERCANT (2)

1. Le choix de la forme de l’entreprise commerciale

DOCUMENT 1 : Extraits du Rapport de X. DE ROUX de novembre 2008 : « La création d’un patrimoine d’affectation », Documentation française.

Exercice : résoudre le cas pratique suivant

M. GERARD tient, avec l’aide de quatre employés, un commerce de boucher prospère dans un petit village du Sud de la France. Il a fréquenté Mlle POLLY pendant deux ans et ils ont décidé de se marier en novembre 2008 et de s’installer dans l’appartement dont M. GERARD est propriétaire derrière la boutique, au même étage. Mlle POLLY est inquiète car depuis quelques mois l’activité décline. Elle vient vous consulter en octobre 2009 car elle craint que les créanciers de M. GERARD finissent par saisir tous les biens du couple. a) Avez-vous besoin d’informations sur le régime matrimonial du couple, et dans l’affirmative, expliquer pourquoi ? b) Que peut faire M. GERARD pour mettre à l’abri l’appartement ? c) Mlle POLLY a entendu parler par une amie dont le mari est également commerçant de l’avantage « de se mettre en société ». Elle vous demande de lui expliquer de manière détaillée ce que cela veut dire et pourquoi cette possibilité serait intéressante compte tenu de la marche des affaires de M. GERARD. d) Mlle POLLY qui désormais s’intéresse aux solutions juridiques qu’elle pourrait suggérer à M. GERARD a entendu récemment parler de l’Entreprise individuelle à responsabilité limitée. Elle vous demande de lui expliquer ce nouveau statut et de lui indiquer l’intérêt qu’il présenterait pour elle et M. GERARD

Conseil de lecture complémentaire : Loi n°2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée

2. Le statut du conjoint coexploitant

DOCUMENT 2 Com. 4 octobre 1994, Bull. civ. IV, n° 271

Exercice : comparer la solution de l’arrêt reproduit dans le document 2 à celle rendue dans l’arrêt de la même chambre le 15 octobre 1991 dont le principal attendu est reproduit ci-après

« Après avoir constaté que le conjoint d'un commerçant non seulement entretenait avec les clients du magasin de son épouse des relations suivies et fréquentes, et avait une procuration sur le compte bancaire du commerce, mais surtout qu'il avait conclu le contrat d'assurance du magasin et que son nom figurait, comme celui de son épouse, dans la publicité du magasin, une cour d'appel peut, en l'état de ces constatations et sans inverser la charge de la preuve, retenir que ce conjoint était commerçant pour avoir, de manière indépendante, exercé des actes de commerce et en avoir fait sa profession habituelle. »

Conseil de lecture complémentaire : V. Barabé-Bouchard, D. 1995.456

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DOCUMENT 1 Extraits du Rapport de X. DE ROUX, « La création d’un patrimoine d’affectation »

Par lettre du 18 juillet 2008, Madame le Ministre de l’Economie, Madame le Garde des Sceaux et Monsieur le Secrétaire d’Etat à l’Artisanat et au Commerce m’ont demandé de procéder :à une évaluation de la situation patrimoniale actuelle de l’entrepreneur individuel ;à l’analyse des difficultés qui seraient posées par la création d’un patrimoine d’affectation réservé à cet entrepreneur, qu’il soit commerçant ou artisan ;et à un examen des solutions juridiques de nature à permettre de les surmonter.

-ooOoo—

1- L’entrepreneur individuel, qu’il soit artisan, commerçant, ou qu’il exerce une activité libérale, est celui qui possède et exploite son entreprise. Il existe en France 2 352 800 PME de moins de 250 salariés dont 1 211 200 n’emploient aucun salarié.Elles exercent leurs activités dans les domaines les plus divers et ce nombre a tendance à augmenter d’une part parce que la création d’entreprises a été fortement encouragée par les politiques gouvernementales successives menées depuis 1993, notamment dans le domaine de la simplification du droit commercial, et d’autre part parce que les délocalisations massives d’entreprises de main d’oeuvre ont conduit beaucoup d’anciens salariés à créer leur propre activité. En 2007, 295 516 entreprises nouvelles sont nées, et on constate que l’entreprise individuelle peut prendre des formes juridiques très différentes. En effet, une entreprise peut être possédée et exploitée par une même personne, mais peut choisir aussi bien le nouveau statut d’auto-entrepreneur que celui de personne morale comme une EURL, voire une société anonyme simplifiée. Elle peut encore être une société fictive comme une SARL dont en réalité, toutes les parts sont entre les mains d’un seul entrepreneur.En 2007, la moitié des créateurs d’entreprises ont choisi l’activité individuelle, 35 % la SARL, 11 % l’EURL et 2 % la SAS. La raison de ces choix n’apparaissent pas très clairement et ils ne sont pas toujours rationnels.L’article 2284 du Code civil instituant un gage général des créanciers sur le patrimoine du débiteur, la forme sociétale a pour objet de distinguer du patrimoine de l’entrepreneur, le patrimoine affecté à son activité, qui ne doivent pas être mêlés ou confondus sous peine de sanctions dont la première est de n’être plus à l’abri des poursuites des créanciers …Le législateur a expressément prévu cette séparation en instituant par une loi du 11 juillet 1985 la société unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) pour restreindre les risques encourus par les entrepreneurs individuels qui, faute d’avoir recours à la personnalité morale, sont tenus des dettes de leur entreprise sur la totalité de leur patrimoine, alors que l’unique associé de l’EURL ne doit supporter les dettes sociales qu’à concurrence du montant de ses apports. Rappelons qu’à l’époque, le législateur a fait fi de la doctrine qui soutenait qu’il ne pourrait y avoir de société, c’est-à-dire de personne morale, s’il n’y avait pas au moins deux associés. Le législateur a estimé qu’il fallait mettre le droit en conformité avec la réalité en évitant le recours aux sociétés fictives composées de prête-noms. Déjà lors de la discussion de cette loi, la question du patrimoine d’affectation consistant à séparer le patrimoine de l’entrepreneur pour en affecter une partie à l’activité de son entreprise sans création de personnalité morale a été longuement débattue. Le législateur de 1985 a écarté cette solution en la trouvant « extrêmement compliquée ».L’EURL, objet de la loi, semblerait une bien meilleure réponse. En effet, c’est une société à responsabilité limitée. Elle est soumise à toutes les règles applicables à cette forme de société. Elle permet une transmission des parts aux héritiers, et donc de respecter le principe d’égalité

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sans évaluation compliquée d’un fonds de commerce. Elle impose une gestion comptable et financière. Cependant, beaucoup d’entrepreneurs individuels estiment que les obligations qui en découlent –tel le dépôt annuel des comptes au Tribunal de Commerce ou la tenue d’un registre des décisions- constituent une sorte d’obstacle culturel et psychologique freinant l’initiative. D’ailleurs, la société ne peut ni consentir un prêt à l’associé unique, ni garantir ses activités personnelles. Ils estiment surtout que la limitation de responsabilité de l’associé unique au montant de ses apports est illusoire en raison des garanties que demandent les créanciers, au premier plan desquels, les banques. (…)L’EURL n’a pas eu le succès escompté. 5 % seulement des 2 352 000 PME existantes empruntent la forme de l’EURL, tandis que les entreprises individuelles représentent 58,2 % du total.

2- La question se pose donc de savoir si une opération d’affectation de patrimoine à l’activité sans création d’une personne morale supportant ce patrimoine est de nature à apporter une réponse aux demandes des professionnels.Les Chambres de Métiers insistent pour que l’affectation du patrimoine à une activité ne puisse se faire uniquement par la création d’une personne morale. Elles estiment que l’entreprise « sous la forme individuelle est le mode d’accès à l’entreprenariat le plus aisé » et qu’au nom de la liberté d’entreprendre il convient de ne créer aucune forme de discrimination, notamment fiscale, entre les différentes formes d’activités.Les Chambres de Métiers souhaitent deux mesures essentielles :- une séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel,- une fiscalité et des charges sociales basées uniquement sur le revenu du professionnel tiré des bénéfices de l’entreprise.Elles estiment que la possibilité donnée à une personne physique, et donc à l’entrepreneur individuel, de constituer une fiducie ne trouve pas d’application concrète dans l’activité normale d’une entreprise artisanale et ne saurait remplacer le patrimoine d’affectation tel qu’il est demandé.

3- Avant d’examiner la faisabilité de l’affectation d’un patrimoine à une activité sans création d’une personne morale, on peut toutefois souligner que l’utilisation rationnelle du droit des sociétés, et notamment l’application de la loi du 11 juillet 1985 instituant l’EURL, permet de résoudre l’essentiel du problème posé. La mission des Chambres des Métiers est d’assurer par un minimum de pédagogie la formation des candidats à l’installation artisanale. Cette formation devrait comporter un minimum de notions de droit et de comptabilité. Elle pourrait être complétée –ce qui existe parfois- par une aide au choix de la forme juridique à utiliser, et par une mise en ligne des formalités à accomplir, qui pour une EURL sont réduites à la plus simple expression, si l’on veut bien ne pas y ajouter une complexité inutile.Au Tribunal de Commerce de Paris, le Greffe permet la création d’une EURL sous quarante huit heures dès lors que les statuts sont déposés. Il se trouve qu’aucune pédagogie favorisant l’EURL n’a été faite depuis la publication de la loi de 1985.Or, une EURL peut se faire sans capital minimum, elle peut avoir son siège au domicile de l’associé unique, sans désormais l’exigence d’un bail commercial ; elle peut être domiciliée dans les bureaux d’une autre entreprise ou même dans les bureaux d’une société de domiciliation. Enfin, l’article L.210-2 du Code de Commerce impose que soient seulement indiqués dans les statuts, outre la forme, la durée, le siège, l’objet et le montant du capital, la raison sociale choisie et l’évaluation de l’apport en nature, s’il existe.Mais cette simplification des formalités du droit des sociétés reste largement ignorée ; les derniers débats parlementaires lors de la loi sur la modernisation de l’économie l’ont une fois

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de plus montré. En effet, les mêmes demandes ont été faites et les mêmes amendements déposés que lors de la discussion de la loi Jacob-Dutreil sur les PME ou de la loi Breton sur la confiance et la modernisation de l’économie. Or, ces textes contiennent justement les dispositions simplificatrices du droit faites pour faciliter la création d’entreprises. Il est parfois étonnant de constater qu’il y a peu de liens entre l’effet et la cause et que l’objet du texte est oublié par le législateur lui-même.

4- Pour que l’affectation d’un patrimoine à une activité soit bien la solution à un problème incontestablement existant, encore faut-il que les formalités soient plus simples et plus efficaces que celles nécessaires à la création d’une personne morale réalisant cette séparation du patrimoine.Il est certain qu’un entrepreneur individuel, commerçant ou artisan, simplement inscrit au Registre du Commerce ou au Répertoire des Métiers, engage la totalité de son patrimoine dans son activité et parfois sans en avoir une très claire conscience. Peu d’entrepreneurs individuels usent de la faculté de rendre insaisissable l’immeuble dans lequel ils résident et dont ils ont la propriété. Une défaillance professionnelle peut donc signifier la ruine de l’entrepreneur et de sa famille. Or, cette défaillance ne provient pas simplement de risques exagérés, d’erreurs ou de faute de gestion qui doivent être assumés, mais aussi d’évènements sur lesquels l’entrepreneur a peu de prise.C’est le cas des entreprises de sous-traitance qui dépendent de leurs donneurs d’ordre dont la solvabilité est mise en cause ou qui rompent leurs contrats. C’est le cas des entreprises qui doivent faire face à l’insolvabilité d’un client, à un événement accidentel ou plus simplement à l’interruption de l’accès au crédit soit parce que l’entreprise a une croissance trop rapide et que ses besoins de financement liés aux investissements nécessaires ne sont plus trouvés, soit parce que les comptes de l’entreprise n’offrent pas aux banques les ratios nécessaires à l’obtention d’un crédit, qui risquent d’ailleurs, vu les circonstances actuelles, de devenir une denrée rare !Certes, là encore, le droit commercial a fait des progrès récents et la loi « de sauvegarde des entreprises » a créé des outils pour mieux mettre à l’abri l’activité économique, mais les commerçants et les artisans ne sont pas toujours informés des procédures qui seraient susceptibles de les mettre sous protection de justice et qui ont plutôt tendance à les alarmer ! Cette fragilité des petites entreprises très faiblement capitalisées constatée par le nombre de défaillances rend également fragile l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur, et donc sa sécurité matérielle et morale et celle de sa famille.On comprend, dès lors, que la limitation de sa responsabilité soit pour lui un sujet essentiel. Créer de nouveaux instruments de cette limitation peut sembler tentant, pour autant qu’ils n’apparaissent pas plus complexe que ceux existants déjà.L’affectation du patrimoine à une activité peut donc être envisagée pourvu que cette affectation soit simple, et sa simplicité est parfois difficile à faire vivre.

5- L’affectation d’un patrimoine à une activité peut apparaître comme un facteur de sécurité et de limitation du risque entrepreneurial. (…)

6- Peut-on, en droit, permettre d’affecter des biens à une activité professionnelle et opter pour une fiscalité reposant sur une comptabilisation de ces activités ?La société n’est pas la seule technique d’organisation de l’entreprise, mais la personne morale, elle est évidemment le meilleur outil pour affecter des biens, des capitaux, des droits et des obligations à une activité déterminée par son objet.

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Peut-on affecter des biens, des capitaux, des droits à une activité sans créer une personne morale mais en les isolant dans son propre patrimoine ?En droit, la question a été largement débattue. Certes, le principe de l’unicité du patrimoine semblait assez bien ancré en droit français qui a longtemps répugné à l’idée qu’une universalité de droits ou d’obligations ne soit pas attachés à une personne. La théorie de l’unicité du patrimoine a été développée au XIXème siècle à partir d’une interprétation de l’ancien article 2092 du Code civil qui dispose « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». Messieurs Aubry et Rau ont défini alors le patrimoine comme « l’ensemble des biens d’une personne envisagé comme formant une universalité de droits ». Selon eux « l’idée du patrimoine se déduit directement de celle de la personnalité ». Le patrimoine serait ainsi, comme la personnalité, une et indivisible. Cette thèse a longtemps été admise par la jurisprudence et enseignée dans nos facultés. Laissés en tête du Livre quatrième du Code civil « Des sûretés » créé par la réforme du 23 mars 2006, les articles 2284 et 2285 du Code civil ont repris sans changement les anciens articles 2092 et 2093 créant le gage général.Ce droit de gage constitue simplement la norme à laquelle toute sûreté déroge, et la réforme de mars 2006, modernisant les sûretés du droit français, en a augmenté l’autonomie et la diversité.En effet, le lien entre la personne et l’universalité des droits correspond de moins en moins à la réalité économique et sociale. Il y a bien longtemps que le droit anglo-saxon, comme d’ailleurs de nombreux droits continentaux, ont reconnu une existence propre à un ensemble de biens (…)..Mais très tôt, la thèse d’Aubry et Rau a été combattue. Il suffit de constater qu’un patrimoine peut exister sans l’existence d’une personne … et notamment au décès de cette dernière. Certes, selon le vieil adage « le mort saisit le vif », mais l’acceptation d’une succession sous bénéfice d’inventaire fait qu’un patrimoine existe avec ses droits et ses obligations avant d’être intégré au patrimoine des héritiers, ou à défaut avant d’être liquidé. Accepté sous bénéfice d’inventaire par l’héritier, le patrimoine du défunt reste le gage des créanciers puisque l’héritier n’est tenu de ses dettes que dans les limites de l’actif successoral. Dans ses « Leçons de droit civil », le Professeur Michel de Juglart reprenant l’oeuvre d’Henri, Léon et Jean Mazeaud écrit déjà en 1965 (5ème édition, 1er volume, p. 325) : « il serait souvent souhaitable qu’un commerçant puisse n’affecter à son entreprise qu’une masse de biens déterminée de façon à préserver pour la sécurité de sa famille une fraction de son capital contre les risques d’une faillite », et il ajoutait « du moment que des biens sont affectés à un but particulier, ils forment nécessairement un tout qui doit pouvoir vivre une vie juridique commune ». (…) Cela signifie que l’on peut parfaitement affecter une masse de biens, un ensemble de droits et d’obligations à un but déterminé, et ce but déterminé peut parfaitement être une activité économique. Dès lors, la théorie d’Aubry et Rau qui est elle-même datée ne constitue pas un principe supérieur de droit auquel le législateur ne pourrait pas déroger. Il est cependant évident que la création d’un droit permettant d’affecter une partie d’un patrimoine à une activité nécessite la modification de l’article 2284 du Code civil puisque l’obligation de l’entreprise est bien celle personnelle de l’entrepreneur. Il conviendrait d’écrire « Sauf affectation spéciale d’une partie du patrimoine à une activité, quiconque est obligé … ».Une autre solution pourrait consister à doter l’activité d’une personnalité à laquelle on rattacherait les éléments du patrimoine transférés par l’entrepreneur (…). Cette nouvelle entité ressemblerait alors étrangement à une personne morale. La différence avec une EURL serait très faible si ce n’est que les règles d’une société commerciale ne seraient pas automatiquement applicables.

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Certains auteurs, comme Maître Frédéric Roussel, défendent la création de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) ( Semaine Juridique, n° 37, 12 juin 2008) (…)

7 – Vers la création d’un patrimoine affecté à l’entrepriseL’entrepreneur va dédier à son activité un ensemble de moyens, matériels et financiers, qui constitueront le patrimoine professionnel de l’entreprise défini par son objet.Dès l’abord se pose la question de savoir si le patrimoine rattaché à l’activité, et qui sera comptablement décrit dans le bilan et les comptes de résultat, devient indépendant de celui de son fondateur sans plus de lien avec la personne, ou s’il s’agit pour la même personne de posséder deux patrimoines, l’un personnel et l’autre professionnel.

(I) L’entreprise individuelle à responsabilité limitéeLa question n’est pas simplement théorique puisque va se poser la question de la propriété. Si le patrimoine dépend de l’activité, et non plus de l’entrepreneur ou du fondateur, on invente un nouvel être juridique que certains qualifient « Entreprise individuelle à responsabilité limitée ».Cet être nouveau va être susceptible d’être propriétaire d’un immeuble, d’un fonds de commerce, de matériel, et il va être débiteur d’obligations vis-à-vis des tiers. On ne voit pas ce qui le distingue alors d’une personne morale, sauf que la loi pourrait préciser que cette entreprise n’a pas la personnalité morale ; elle est une universalité titulaire de droits et d’obligations, susceptible d’être propriétaire.Il conviendra donc de faire en sorte que les tiers et les cocontractants, qu’ils connaissent son objet et ses capacités financières, soient parfaitement informés de la personne avec laquelle ils contractent.En conséquence de quoi, il conviendra de l’immatriculer au registre du commerce ou au répertoire des métiers, en précisant son objet, son siège, sa raison sociale, le montant et la nature des apports, sa création devra faire l’objet d’une annonce légale. Elle devra tenir une comptabilité régulière conforme au plan comptable, que ce soit le plan comptable général ou le plan comptable particulier à une activité s’il existe. (…)On se rend compte très vite que les tenants de l’EIRL ne font que réinventer l’EURL à laquelle ils aboutissent si l’on dote l’EIRL de la personnalité morale et que l’on copie si l’on conserve simplement l’universalité des biens attachés à une activité.En pratique, les formalités seront les mêmes, ou tout au moins comparables, et la sanction du non-respect de la forme sera l’inexistence de l’affectation du patrimoine, et donc le retour au droit commun.(II) L’entrepreneur à patrimoine affectéC’est donc vers la séparation du patrimoine de l’entrepreneur qu’il convient de revenir. La loi doit affirmer clairement qu’une personne peut avoir plusieurs patrimoines affectés à des buts différents. C’est ce que fait le droit allemand. Michel de Juglart affirmait « C’est vers cette notion de patrimoine d’affectation, de patrimoine existant comme universalité dès qu’il est destiné à un but que devrait résolument se diriger notre droit » (Leçons de Droit civil – déjà cité). Et il ajoute « Dans le système français, la personne domine le droit : on ne conçoit pas un droit dont une personne ne serait pas titulaire. D’aucuns hésiteront donc à adopter la conception qui est celle du droit allemand, d’un patrimoine sans maître, et par suite de droits n’ayant pas une personne pour titulaire » … « il est en tout cas une réforme qui s’impose, celle du cloisonnement ou de la division du patrimoine : les droits dont une personne est titulaire doivent pouvoir constituer des masses de biens distincts … ».Le statut de l’entrepreneur à patrimoine affecté serait justement cette réforme. L’entrepreneur serait propriétaire de deux patrimoines : le patrimoine général et celui spécialement affecté à l’exercice de son activité professionnelle.

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(1) L’affectation du patrimoine passe évidemment par une déclaration au Registre du Commerce ou au Répertoire des Métiers, voire au Registre de la propriété foncière, et à une publication légale, de façon à le rendre opposable aux tiers.(2) L’entrepreneur sera propriétaire des biens affectés à l’objet de l’entreprise qu’ils soient meubles ou immeubles.(3) L’entrepreneur établira une comptabilité retraçant les activités de l’entreprise, bilan et compte de résultats annuels conformes au plan comptable.(4) Les créanciers auront pour gage les actifs de l’entreprise tels qu’ils apparaissent à l’origine dans la déclaration puis tels qu’ils sont ensuite retracés dans les bilans.(5) L’entrepreneur sera soumis sur le plan fiscal à un régime réel d’imposition normal ou simplifié (BIC, BNC, BA) à moins que le législateur décide de lui appliquer le régime dont bénéficie aujourd’hui l’EURL.(6) La responsabilité financière de l’entrepreneur sera limitée à l’actif du patrimoine affecté ; en cas de défaillance, seul le patrimoine affecté constituera le gage des créanciers, sauf évidemment faute de l’entrepreneur conformément au droit commun.La difficulté sera de prévoir une déclaration simple d’affectation de patrimoine. Il sera nécessaire pourtant de publier le nom de l’entrepreneur, son adresse, l’objet de son activité, la nature et la consistance des biens affectés, puis ensuite chaque année, rendre public les comptes de façon à ce que les tiers puissent connaître l’évolution du patrimoine affecté puisqu’il s’agit de leur gage. (…)

CONCLUSIONS1. La séparation du patrimoine de l’entrepreneur individuel pour mettre à l’abri son patrimoine familial et lui assurer une certaine sécurité est une idée ancienne.2. Le législateur en créant l’EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) en 1985 avait cru apporter la solution. Cette formule en créant une personne morale à laquelle l’entrepreneur apporte le patrimoine nécessaire à son activité, réalise juridiquement une séparation efficace. Elle crée cependant deux patrimoines distincts liés à deux personnes différentes, une personne morale et une personne physique.3. L’EURL n’a pas connu le succès espéré et malgré une récente progression, n’apporte pas, sans doute pour des raisons culturelles, la réponse attendue.4. Différentes propositions de séparation du patrimoine ont été faites. Il apparaît qu’il n’existe pas de principe supérieur de droit s’opposant à la séparation d’un patrimoine, et à l’affectation d’une partie d’un patrimoine à une activité. Le législateur peut donc créer une telle séparation, ayant pour conséquence qu’une même personne aura plusieurs patrimoines.5. Lier une partie du patrimoine à l’activité pour inventer une EIRL reviendrait à créer une personne distincte de l’entrepreneur et reviendrait pratiquement à l’EURL si décriée.6. La solution semble être la création d’un Entrepreneur à patrimoine affecté instaurant un double patrimoine pour une même personne. Si ce statut était créé, il conviendrait d’examiner plus en détail son effet sur les régimes matrimoniaux, l’accès au crédit ainsi qu’une fiscalité adaptée.

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DOCUMENT 2 : Com. 4 octobre 1994

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations du premier des arrêts attaqués (CA Riom, 18 mars 1992) que, par acte du 11 janv. 1974, les époux Celle, « boulangers à Araules », Reconnaissaient avoir reçu de Mme Georges Navant, minotier, la somme de 20 000 F à titre de prêt et s'engageaient à la lui rembourser avec intérêts le 11 janv. 1975 ; que, le 24 juill. 1990, MM. Paul et André Navant, en qualité d'héritiers de Mme Navant (les consorts Navant), ont assigné les époux Celle devant le tribunal de grande instance pour obtenir le remboursement de ce prêt ; que, par jugement du 20 déc. 1991, le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les époux Celle au profit de la juridiction commerciale, au motif notamment que Mme Celle n'avait pas la qualité de commerçante ;(…)Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'art. 631 c. com. ; - Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt ne se prononce pas sur la qualité d'institutrice de Mme Celle, invoquée par les consorts Navant ; - Attendu qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si Mme Celle n'exerçait pas de manière habituelle une autre activité que celle de commerçante, exclusive de celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs [...], casse [...] renvoie devant la Cour d'appel de Bourges.

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THEME 6LE FONDS DE COMMERCE (1)Nature et éléments constitutifs

1. La nature du fonds de commerce Documents 1 et 2 : Com 12 novembre 1992 et 16 février 1993, RTD com 1993.285, obsv. J. DERRUPPE

2. Zoom sur deux éléments constitutifs du fonds de commerce

A. le nom commercialDocument 3 : Cass. Com 27 février 1990, JCP 1990 II 21545 note POLLAUD-DULLIAN (non reproduite)Document 4 : Cass. Com 6 mai 2003, D. 2003.2228, note G. LOISEAU (non reproduite)

B. La clientèle Document 5 : clientèle et commerçant satelliteCass. Civ 3ème, 19 mars 2003, D. 2003.973, note Y. ROUQUET

Documents 6 et 7 : clientèle et réseaux de distributionCom 27 février 1973, 2 espèces, D. 1974, jur. 283, note J. DERRUPPE (non reproduite) Cass. Civ 3ème 27 mars 2002, D. 2002.2400, note H. KENFACK

Exercices : 1. résoudre les cas pratiques suivants :

A. M. DUCROS exploite une activité de vente d’épices pour laquelle il est très connu, en France comme à l’étranger. Il décide de se lancer dans de nouvelles activités : il souhaite commercialiser des DVD de recettes de cuisine régionales à base d’épices. Pour ce faire il veut fonder avec des amis une société dont la dénomination serait DUCROS EPICEAL. Un des amis sollicité par M. DUCROS est un biologiste qui travaille plus particulièrement sur le développement de recettes de soins cosmétiques à base de plantes. Il vient vous consulter et vous pose les questions suivantes : - la société peut-elle s’appeler DUCROS EPICEAL ? - la société pourrait-elle par la suite déposer la marque DUCROS COSMEPICE pour commercialiser des recettes de produits cosmétiques à base d’épices ?

B. Mlle INES exploite un local bien situé à Lille dans lequel elle vend des accessoires de toilette anciens. Elle souhaite diversifier son activité. Elle décide de solliciter les musées privés de Lille et de la Région pour installer des petites boutiques dans lesquelles elle vendrait ses bouteilles et même des accessoires de maquillage anciens. Un Musée privé, La Piscine de Roubaix, est particulièrement intéressé. Le responsable a pris contact avec Mlle INES et lui a remis un document assez détaillé : la boutique

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serait installée dans un local loué à Mlle INES pour une duré de 9 ans – le local est situé dans une galerie d’accès au Musée – Mlle INES pourrait choisir le jour de fermeture de la boutique et les horaires – elle serait responsable du paiement de ses charges – elle serait néanmoins tenue au moment des grandes expositions d’ouvrir aux horaires du Musée Mlle INES vient vous consulter pour savoir si elle pourrait bénéficier du statut des baux commerciaux. Vous répondrez de manière argumentée et détaillée.

2. En vous appuyant sur les arrêts reproduits dans les documents 4 et 5, exposer de manière détaillée les solutions retenues et expliquer de manière argumentée si les différences constatées du point de vue du rattachement de la clientèle ente la situation du locataire gérant de station service (espèces de 1973) et du franchisé (arrêt de 2002) vous paraissent justifiées. Pour résoudre cette question, chaque étudiant devra avoir cherché les définitions de la location gérance (synonyme : gérance libre) et de la franchise (synonyme : contrat de franchisage) dans un dictionnaire de vocabulaire juridique et apporter le texte de l’art. L 145-1 al 1er Ccom.

Conseil de lectures complémentaires : - J. DERRUPPE, « Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ? »,

AJPI (Actualité Juridique de Droit Immobilier – revue disponible sur le site Dalloz) 1997, p. 1002

- J. DERRUPPE, « L’avenir du fonds de commerce et de la propriété commerciale », Mélanges Terré, Dalloz-Litec 1999, p. 577

- B. BOCCARA, « Fonds de commerce, le renouvellement des concepts (en marge des droits des franchisés », D. 2000.15.

- G. PARLEANI, « Après Bordas et Petrossian, Ducasse : précisions sur les droits du titulaire d'un nom notoire inséré dans une dénomination sociale », Revue des sociétés 2003.548

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1. La nature du fonds de commerce

DOCUMENT 1 : Cass. Com. du 12 novembre 1992

Sur le moyen unique pris en sa première branche : Vu l'article 1er de la loi du 17 mars 1909, ensemble l'article 1840 du Code général des impôts ;

Attendu qu'un fonds de commerce est une universalité mobilière insusceptible de cession partielle; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par acte du 27 novembre 1982, les époux X... ont vendu un fonds de commerce aux époux Y... ; que, par acte du 20 janvier 1983, les parties ont évalué le stock à la somme de 233 478,26 francs et décidé que le prix en serait payé à tempérament ; qu'elles signaient, le 14 mars suivant, un document intitulé " factures ", portant la mention " stock déclaré aux impôts " et évaluant le stock à la somme de 151 275,32 francs ; qu'un litige est ensuite survenu concernant le montant des sommes dues au titre du stock, les vendeurs invoquant l'acte du 20 janvier 1983 tandis que les acquéreurs s'en tenaient aux mentions portées sur le document du 14 mars 1983; Attendu que, pour fixer la valeur du stock à la somme figurant sur ce dernier document, l'arrêt, après avoir analysé celui-ci comme un acte ostensible destiné à l'administration fiscale et l'acte du 20 janvier 1983 comme une contre-lettre, retient que le stock appartenait au fonds cédé, dont la vente était soumise aux dispositions de l'article 1840 du Code général des impôts, et qu'il ne saurait suffire aux parties, pour s'affranchir des prescriptions de ce texte, de séparer en autant d'actes distincts la vente des différents éléments constitutifs d'un fonds de commerce; Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs d'ordre général, impropres à établir que la cession du stock litigieux était l'accessoire de celle du fonds, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

DOCUMENT 2 : Cass. Com, 16 février 1993

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Daltroff a assigné la société Meubles Erbsmann (la société) en paiement de sommes dont elle se prétendait créancière, pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1981, au titre d'un contrat de location-gérance de fonds de commerce du 20 décembre 1972 ; que la société a soutenu qu'en dépit de la qualification donnée par les parties à ce contrat, il ne s'agissait pas d'une location-gérance de fonds de commerce, mais d'un bail commercial, dès lors que, le 21 mai 1946, date de la conclusion d'un premier contrat de "location-gérance" entre une société Meubles Mayer frères et Mme Daltroff, le fonds exploité jusqu'en 1940 par le père de cette dernière avait disparu par suite de l'interruption de l'exploitation de 1940 à 1946 ; que la société a soutenu, subsidiairement, que, dans le cas où la convention litigieuse serait qualifiée de location-gérance, la clause prévoyant l'indexation de la redevance sur l'indice du coût de la construction devrait être déclarée nulle, faute d'être en relation directe avec l'objet du contrat ;

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Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;Mais sur le second moyen :Vu l'article 79 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958, modifiée par la loi du 9 juillet 1970 ; Attendu que, pour déclarer valable la clause prévoyant l'indexation de la redevance due par le locataire-gérant sur l'indice national du coût de la construction, l'arrêt retient qu'en vertu de la loi du 9 juillet 1970, qui répute en relation directe avec l'objet d'une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l'indice national du coût de la construction, il convient de déclarer régulière la clause d'indexation retenue par les parties Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de location-gérance d'un fonds de commerce est relatif à un bien meuble incorporel et non à un immeuble bâti, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Meubles Erbsmann à payer à Mme Daltroff la somme de 11 397,73 francs après avoir déclaré régulière la clause d'indexation insérée au contrat conclu entre les parties, l'arrêt rendu le 6 décembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.

Observations J. DERRUPPE, RTD Com. 1993 p. 285

 

En déclarant, d'une part, que le fonds de commerce est une universalité mobilière (Com. 12 nov. 1992), d'autre part, qu'il est un bien meuble incorporel (Com. 16 févr. 1992), la Cour de cassation rappelle des solutions au classicisme éprouvé. Les conséquences qu'elle en tire illustrent l'intérêt de la qualification.La première affaire concernait l'application de l'article 1840 du code général des impôts qui sanctionne par la nullité toute contre-lettre, c'est-à-dire l'acte secret et non l'acte ostensible (V. cette Revue 1981. 718), consacrant une dissimulation du prix de vente d'un immeuble ou d'un fonds de commerce. En l'espèce, la cession du fonds et celle du stock avaient fait l'objet de deux actes distincts. La Cour suprême décide l'article 1840 CGI inapplicable à la cession du stock s'il n'est pas établi que cette cession n'était que l'accessoire de la vente du fonds. Elle justifie sa position par l'affirmation qu'un fonds de commerce est une universalité mobilière insusceptible de cession partielle. Il faut entendre par là que la cession d'un élément isolé d'un fonds de commerce n'est pas une cession de fonds de commerce dès lors qu'elle ne s'accompagne pas de la transmission d'un bloc autonome de clientèle. Car il est bien acquis qu'un fonds de commerce peut être décomposé par scission de ses branches d'activité regroupant chacune une clientèle distincte (Com. 14 avr. 1992, Bull, civ. IV, n° 161, p. 113, supra, p. 82).Dans la seconde affaire, était en cause l'indexation d'un loyer sur l'indice du coût de la construction. A la base du litige avait surgi un différend bien connu. Le bailleur estimait avoir donné en location un fonds de commerce. Le preneur prétendait qu'il ne s'agissait que d'un bail d'immeuble à usage commercial car, lors de la location, le fonds de commerce avait cessé d'être exploité depuis six ans. La cour d'appel (Metz 6 déc. 1990) retient qu'il y avait eu location-gérance de fonds de commerce au motif que l'interruption de l'exploitation n'avait pas entraîné la disparition de la clientèle.

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Question de fait pour laquelle son appréciation était souveraine (Cf. nos obs. cette Revue 1978. 559 et 1989. 645). Mais simultanément elle valide la clause d'indexation du loyer en se référant à l'article 79 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 70-601 du 9 juillet 1970, répute en relation directe avec l'objet d'une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l'indice national du coût de la construction. Elle est censurée sur ce point parce que le contrat de location-gérance d'un fonds de commerce est relatif à un bien meuble incorporel et non à un immeuble bâti.

2. Zoom sur deux éléments constitutifs du fonds de comemrce

A. Le nom commercial

DOCUMENT 3 : Com 27 février 1990Attendu que, selon l'arrêt attaqué, la société Editio, ayant droit de la société Les Editions Contemporaines et invoquant le nom commercial " Editions d'Art Lucien X... ", a demandé que soit prononcée la nullité de la marque X... déposée le 25 novembre 1982 par son président, M. Lucien X..., et enregistrée sous le n° 1 219 864 pour désigner des produits et services des classes 9, 16 et 41, notamment les livres et l'activité d'édition ; que M. X... a formé une demande reconventionnelle pour contrefaçon de marque et atteinte à son nom patronymique ;. Sur le premier moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964 ; Attendu que, pour rejeter la demande en nullité de la marque, la cour d'appel énonce qu'il n'existe pas dans la convention du 6 septembre 1945 conclue à Genève entre les fondateurs de la société Les Editions Contemporaines la moindre relation d'un accord de M. Lucien X... pour faire un apport de son patronyme en tant que nom commercial sous l'appellation " Editions d'Art Lucien X... " ; qu'il n'est produit aucun écrit constatant expressément un accord de M. Lucien X... pour faire l'apport de son nom patronymique à titre de nom commercial à la société Editio ; qu'il n'est allégué aucune insertion de ce nom dans les statuts de cette société ; que les faits invoqués par celle-ci sont insuffisants par eux-mêmes pour faire admettre, en l'absence de toute manifestation expresse de volonté de Lucien X..., un accord de cette nature ; que l'ensemble des circonstances relevées par l'arrêt rend explicable la tolérance par M. X... de l'utilisation de son patronyme sur le " papier commercial " et sur les contrats de la société Editio ; Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, après avoir relevé que l'acte du 6 septembre 1945 précisait que la société Les Editions Contemporaines, dont la société Editio est ayant droit, avait pour but notamment l'exploitation exclusive des Editions d'Art Lucien X... et que la publication en Suisse de la constitution de la société indiquait que M. Lucien X... faisait apport de l'exclusivité de l'exploitation des Editions d'Art Lucien X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, dont il résultait que, par une cession implicite, le patronyme était devenu un signe distinctif qui s'était détaché de la personne physique qui le porte, pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue, et devenir ainsi objet de propriété incorporelle ; (…) PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches ou moyens : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles

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DOCUMENT 4 : Cass. Com 6 mai 2003LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;Attendu que le consentement donné par un associé fondateur, dont le nom est notoirement connu, à l'insertion de son patronyme dans la dénomination d'une société exerçant son activité dans le même domaine, ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou services ;Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Aix-en-Provence, 27 avr. 2000), que M. Alain Ducasse, chef cuisinier d'un restaurant auquel un guide gastronomique avait accordé un an auparavant « trois étoiles », a constitué avec deux autres associés la société Alain Ducasse diffusion (société ADD) en vue notamment de la « commercialisation de la ligne Alain Ducasse » ; qu'après constitution de cette société il a déposé la marque « Alain Ducasse » puis a racheté une marque comportant son nom et son prénom, déposée en 1988 par une tierce personne ; qu'ayant appris que la société ADD avait déposé deux marques comportant son patronyme, il a assigné celle-ci en nullité de ces dépôts effectués en fraude de ses droits ;Attendu que pour rejeter la demande de M. Ducasse, l'arrêt relève que celui-ci, en sa qualité d'associé fondateur de la société ADD, lui a donné ipso facto l'autorisation de faire un usage commercial de son patronyme, qu'il a ainsi perdu l'usage de celui-ci qui est devenu par l'insertion dans les statuts de la société un signe distinctif qui s'est détaché de la personne physique qui le porte pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue et devenir un objet de propriété incorporelle, et que c'est dans le libre exercice de son droit de propriété sur le signe litigieux que la société ADD a déposé les marques ; - Attendu, qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était ni établi, ni même allégué que M. Ducasse aurait renoncé à ses droits de propriété incorporelle sur son patronyme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;Par ces motifs, casse et [...] renvoie devant la Cour d'appel de Lyon

B. La clientèle

DOCUMENT 5 : Clientèle et commerçants satellites / Cass. Civ 3ème, 19 mars 2003

 Sur le premier moyen : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 5 octobre 2001), rendu sur renvoi après cassation (Civ3 7 octobre 1998 n° 1517 D), que Mmes X... et Y... ont exploité depuis 1977 un chalet situé sur la commune d’Orcières, destiné à la vente de “casse-croûte” et boissons ;  qu’à cette fin, la régie des remontées mécaniques d’Orcières Merlette, aux droits de laquelle se trouve la commune d’Orcières, leur a consenti des contrats successifs intitulés “location saisonnière”, puis le 20 mai 1985, pour une durée de 6 ans à compter du 1er novembre 1984, un contrat dénommé “gérance libre de fonds de commerce”, enfin le 22 décembre 1990 un contrat de “bail précaire à caractère saisonnier” pour la période du 15 décembre 1990 au 15 avril 1991 ; que le 7 août 1991, la régie des remontées mécaniques a refusé de renouveler le contrat et demandé la remise des clefs ; que Mmes X... et Y... l’ont assignée en revendication du bénéfice du statut des baux commerciaux et paiement d’une indemnité d’éviction ;Attendu que la commune d’Orcières fait grief à l’arrêt de dire que Mmes X... et Y... sont titulaires d’un bail commercial régi par le décret du 30 septembre 1953 depuis le 20 décembre 1978 qui lui est opposable et de la condamner en conséquence à leur payer une indemnité d’éviction d’un certain montant, alors, selon le moyen :1 / que le contrat de location portant sur un local faisant partie du domaine public d’une collectivité locale n’entre pas dans le champ d’application des dispositions des articles L. 145-

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1 et suivants du Code de commerce ; que la cour d’appel a constaté que le Chalet, appartenant à la commune d’Orcières Merlette était situé sur son domaine skiable ; qu’il résultait ainsi des propres constatations des juges du fond que le Chalet appartenait au domaine public de la commune ; qu’en jugeant néanmoins que le contrat était soumis au statut des baux commerciaux, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce ;2 / que la seule immatriculation des locataires au Registre du commerce et des sociétés ne saurait faire présumer leur droit à bénéficier du statut des baux commerciaux, à charge pour le propriétaire de rapporter la preuve contraire ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du Code civil et L. 145-1 du Code de commerce ;3 / que le locataire qui exerce son activité dans l’enceinte d’un autre établissement ne peut prétendre à la propriété commerciale qu’à la condition qu’il dispose d’une clientèle propre prépondérante par rapport à celle attachée à l’activité de l’établissement dans lequel il est installé ; qu’en jugeant en l’espèce que les locataires du Chalet de Rocherousse disposaient d’un bail commercial sans caractériser le fait que Mmes Z... bénéficiaient d’une clientèle propre prépondérante par rapport à celle de la Régie, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce ;4 / que, en tout état de cause, le contrat entre la Régie et Mmes A... le 22 décembre 1990, intitulé “contrat de bail précaire à caractère saisonnier” stipulait expressément que “cette location est faite à titre précaire et à durée limitée. En aucun cas, la société locataire pourra prétendre à un quelconque droit de propriété commerciale” ; qu’en estimant que le bail s’était “renouvelé par tacite reconduction, nonobstant la qualification des conventions”, et que le statut des baux commerciaux devait s’appliquer, la cour d’appel a méconnu la loi des parties et a violé l’article 1134 du Code civil ;Mais attendu, d’une part, que la commune d’Orcières n’ayant pas soutenu devant les juges du fond que le contrat de location portait sur un local faisant partie du domaine public, et comme tel exclu du champ d’application du statut des baux commerciaux, le moyen est nouveau de ce chef, mélangé de fait et de droit ;Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que Mme Y... et Mme X..., régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis 1978 et 1979, exerçaient dans les lieux loués, dont elles avaient la libre disposition toute l’année, un commerce de vente de “casse-croûte” et boissons et qu’elles possédaient, en dehors de la clientèle de la régie des remontées mécaniques, une clientèle propre constituée par les amateurs de ski de fond, les randonneurs, les promeneurs en raquette et les amateurs d’équitation, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de rechercher si cette clientèle personnelle, dont elle constatait souverainement l’existence, était prépondérante par rapport à celle de la régie, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que les preneuses bénéficiaient du statut des baux commerciaux ;D’où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n’est pas fondé pour le surplus ;(…) PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

 Note Y. ROUQUET, D. 2003.973

Parmi les conditions requises pour bénéficier du statut des baux commerciaux, il ressort de l'article L. 145-1 du Code de commerce que le preneur doit établir qu'il exploite dans les lieux loués un fonds de commerce lui appartenant. Or, pour pouvoir se targuer de posséder un fonds de commerce, il faut établir qu'une clientèle lui est attachée.Si, la plupart du temps, cette preuve sera rapportée sans difficulté, la tâche se compliquera

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singulièrement lorsque le preneur exploitera son commerce dans l'enceinte d'autres établissements (boutique installée dans une galerie marchande, commerce exploité dans le hall d'un hôtel, buvette dans un camping ou dans un hippodrome...). Alors, le preneur ne pourra revendiquer la propriété commerciale que pour autant qu'il arrivera à démontrer qu'il dispose d'une clientèle propre, c'est-à-dire autonome à l'égard de celle fréquentant l'enceinte dans laquelle il est installé (en ce sens, V. l'arrêt de principe, Ass. plén. 24 avr. 1970, Bull. civ. n° 3 ; D. 1970, p. 381, note R. L. ; JCP 1970, II, n° 16489, note Boccara).Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 19 mars 2003 (qui sera publié au Bulletin), c'est bien la difficulté à laquelle était confronté le locataire, exploitant un commerce de vente de sandwiches et de boissons, installé dans un chalet sur un terrain communal, à proximité de remontées mécaniques.Après avoir été déboutée en appel, aux motifs que le locataire disposait d'une clientèle propre, constituée de toutes les personnes n'utilisant pas les remontées mécaniques (skieurs de fond, randonneurs, promeneurs en raquette et amateurs d'équitation), la commune, bailleresse via sa régie de remontées mécaniques, s'est pourvue en cassation.A cette occasion, elle a notamment fait valoir que, faute de pouvoir exciper d'une clientèle propre prépondérante, l'exploitant n'avait pas droit au renouvellement.Cet angle d'attaque était pertinent puisque, encore dans un passé récent, la Haute juridiction avait formulé pareille exigence (précisant que ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux, le commerçant exploitant un banc de poissons installé à proximité d'un supermarché dès lors que la clientèle de ce commerce est constituée, de manière largement prédominante, par celle du supermarché exploité par la société propriétaire du local, V. Cass. 3e civ., 27 nov. 1991, Bull. civ. III, n° 289 ; jugeant que le locataire qui exerce une activité commerciale dans le hall d'un hôtel ne peut prétendre au bénéfice du statut que si sa clientèle personnelle est prédominante par rapport à celle de l'hôtel, V. Cass. 3e civ., 4 nov. 1992, D. 1994, Somm. p. 51, obs. L. Rozès; Gaz. Pal. 1993, 2, p. 308, note J.-D. Barbier ; V encore, Cass. 3e civ., 8 janv. 1997, Administrer mai 1997, p. 34, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat ; Gaz. Pal. 1997, p. 547, obs. J.-D. Barbier ; Cass. 3e civ., 5 févr. 1997, Loyers et copr. 1997, n° 170, obs. Ph.-H. Brault et C. Mutelet).Le rejet du pourvoi indique donc clairement que la Cour de cassation se contente désormais, pour les fonds dépendants, de la preuve d'une clientèle propre.On notera que ce revirement de jurisprudence transparaissait d'ailleurs déjà d'un arrêt du 5 février 2003, qui aura aussi les honneurs du Bulletin, par lequel les Hauts magistrats ont approuvé la cour d'appel pour avoir relevé (« à bon droit »), à propos d'un locataire titulaire d'un emplacement dans un centre commercial, que le statut des baux commerciaux est applicable à tout local stable et permanent, disposant d'une clientèle personnelle et régulière (Cass. 3e civ., 5 févr. 2003, D. 2003, AJ p. 910, obs. Y. Rouquet ; V aussi, bien qu'il ne s'agisse que d'un arrêt « D », Cass. 3e civ., 10 févr. 1999, Administrer avr. 1999 p. 32, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat).Enfin, on retiendra de cet arrêt qu'il est dommage que le bailleur - et son conseil - n'aient pas pensé à invoquer l'inapplicabilité du statut des baux commerciaux aux contrats portant sur un local faisant partie du domaine public avant ce stade de la procédure, la Cour de cassation ne pouvant examiner ce moyen du pourvoi, mélangé de fait et de droit (jugeant que le statut des baux commerciaux ne s'applique pas aux conventions ayant pour objet des biens situés sur le domaine public de l'Etat, V. notamment Cass. 3e civ., 24 janv. 1996, Bull. civ. III, n° 23 ; D. 1996, IR p. 46 ; Dalloz Affaires 1996, p. 314 ; jugeant que la solution est la même lorsque la convention, portant sur des biens dépendant du domaine public, a été conclue entre des personnes de droit privé, V. Cass. 3e civ., 20 déc. 2000, Bull. civ. III, n° 194 ; D. 2001, AJ p. 480, obs. Y. Rouquet ; ibid.2001, Somm. p. 3520, obs. L. Rozès ; pour d'autres exemples de

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non-application du statut à un preneur installé sur le domaine public, V. Code des baux Dalloz, éd. 2002 commentée, p. 596, note 12).

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DOCUMENTS 6 et 7 : Clientèle et réseaux de distribution

Com 27 février 1973, 2 espèces : clientèle et distributeur intégré de carburants

1ère espèceSur le moyen unique, pris en ses trois branches : attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaque (Reims, 12 octobre 1970), la Société champenoise des carburants, aux droits de laquelle se trouve la compagnie française de distribution Total, a, par contrat du 24 mars 1958, confié aux époux Simon la location gérance d'une station service qu'elle venait d'édifier ; Qu'une ordonnance d'expropriation étant intervenue le 19 septembre 1966 et la compagnie Total ayant réclamé l'attribution d'une indemnité en sa double qualité de propriétaire de l'immeuble et de propriétaire du fonds, les époux Simon ont prétendu que la convention de 1958 avait été inexactement qualifiée de location-gérance, qu'il s'agissait en réalité d'une location de locaux à usage commercial, qu'ils étaient donc les véritables propriétaires du fonds de commerce qu'ils avaient créé et que, par suite, c'était à eux que devait revenir l'indemnité prévue de ce chef ; Attendu qu'il est reproché à la Cour d'appel d'avoir débouté les époux Simon de leurs prétentions alors, d'une part, que la location-gérance d'un fonds de commerce suppose l'existence du fonds, et qu'il ne peut exister de fonds sans clientèle préexistante, étant constaté que la station-service n'avait pas de clientèle quand les exposants l'avaient ouverte, une clientèle en puissance ne suffisant pas, que si d'excellentes installations de matériel et la possibilité de diffuser les produits d'une marque donnée peuvent attirer des clients, il n'en reste pas moins que la location de locaux parfaitement agences ne constitue qu'une location de locaux commerciaux et que la possibilité de diffuser les produits d'une marque donnée qui n'appartient pas au fonds de commerce lui-même, ne saurait avoir pour effet de créer un fonds de commerce, alors, d'autre part, que les époux Simon avaient fait valoir, dans des conclusions demeurées sans réponse sur ce point, que leurs activités annexes étaient importantes, que la station était implantée au centre d'une ville, que la clientèle était attachée au fonds en raison de ses services et que la distribution de carburants dépendait de ceux-ci, alors enfin que les juges du fond ne pouvaient statuer en termes hypothétiques, ni refuser de voir les conséquences légales de leurs propres constatations et que la Cour d'appel ne pouvait refuser de considérer que les époux Simon n'avaient pas créé la clientèle de la station-service en retenant, dans un motif qui, au surplus, confond les notions d'achalandage et de clientèle, que les premiers clients de passage n'avaient peut-être même pas désiré se faire servir par les époux Simon ou par le réseau Total, mais ont, tout simplement, cherché à satisfaire leur besoin immédiat de carburant ; Mais attendu qu'après avoir relevé qu'aux termes du contrat du 24 mars 1958, signe en parfaite connaissance par les époux Simon, le fonds de commerce de distribution de carburants par eux pris en location-gérance comprenait clientèle et achalandage, la cour d'appel, considérant à juste titre que la charge de prouver l'inexactitude de ces mentions incombait auxdits époux, a retenu que ceux-ci n'établissaient pas avoir personnellement attiré les clients, qu'en réalité la clientèle était indissociable des autres éléments du fonds, notamment de l'excellence des installations modernes mises à la disposition des exploitants et de la notoriété de la marque " Total " et que, lorsqu'il a été donné en location-gérance aux époux Simon, le fonds de commerce existait déjà dans son universalité, y compris la clientèle, laquelle était non pas seulement potentielle ou en puissance, mais réelle et certaine ; Attendu qu'en déclarant, dans ces circonstances et abstraction faite d'autres motifs critiques qui peuvent être tenus pour surabondants, que les époux Simon... n’étaient pas fondés à

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prétendre avoir créé une clientèle attachée à un fonds qu'ils ont seulement loue et dont ils n'ont jamais acquis la propriété, la Cour d'appel, qui n'a pas statué en termes hypothétiques et qui a répondu aux conclusions, a usé de son pouvoir souverain ; Que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; Par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre l'arrêt rendu le 12 octobre 1970 par la Cour d'appel de Reims

2ème espèceSur le moyen unique, pris en ses trois branches : attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaque (Lyon, 5 janvier 1971), la société Desmarais Frères, aux droits de laquelle se trouve la compagnie française de distribution " Total " a, par contrat du 8 juillet 1958, donné en gérance libre à Jouenne une station-service neuve ;

Que, Total lui ayant notifié congé pour le 31 décembre 1969, Jouenne a prétendu qu'il avait créé le fonds de commerce, dont il avait été le premier exploitant et a soutenu que la convention de 1958, inexactement qualifiée de location-gérance, constituait en réalité une location de locaux à usage commercial, que, par suite, conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, il avait droit au renouvellement du bail ou, à défaut, à une indemnité d'éviction ;

Attendu qu'il est reproché à la Cour d'appel d'avoir débouté Jouenne de ses prétentions alors, d'une part, que la location-gérance d'un fonds de commerce suppose l'existence d'un fonds et qu'il ne peut exister de fonds sans clientèle préexistante, les conclusions de Jouenne faisant valoir que le caractère spécialisé d'un immeuble ne peut suffire à attribuer au bailleur la propriété du fonds installé dans cet immeuble, alors, d'autre part, que l'achalandage constitue par des clients de passage ne doit pas être confondu avec la clientèle fixe du fonds de commerce qui s'approvisionne toujours au même endroit, alors, enfin, que le droit de distribution exclusive des produits d'une marque donnée n'implique pas que la clientèle d'un fonds appartient au propriétaire de la marque ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'aux termes du contrat du 8 juillet 1958, le fonds de commerce de distribution de carburant exploite sous l'enseigne " Azur - Desmarais frères ", donne en gérance à Jouenne, comprenait non seulement le matériel, les installations, les aménagements et les autorisations administratives nécessaires à l'exploitation, mais encore la clientèle et l'achalandage, la Cour d'appel constate que Jouenne ne rapporte nullement la preuve de l'inexactitude de ces mentions, qu'au contraire, il est constant que tous les éléments y compris les éléments incorporels, appartenaient à la société Desmarais Frères, que Jouenne n'a fait aucun apport personnel dans la création du fonds et qu'il ne peut prétendre n'avoir trouvé aucune clientèle à son entrée, que, dès le premier jour, des automobilistes se sont ravitaillés à la station-service, indifférents à la personnalité du gérant, que la clientèle existait déjà comme une réalité présente ;

Attendu qu'en déclarant dans ces circonstances et abstraction faite d'autres motifs critiques qui peuvent être tenus pour surabondant, que les prétentions de Jouenne étaient sans fondement, la Cour d'appel a usé de son pouvoir souverain ;

Que le moyen ne peut être accueilli, en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 5 janvier 1971 par la Cour d'appel de Lyon dispense d'amende

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Cass. Civ 3ème 27 mars 2002 : clientèle et franchiséAttendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 juillet 2000), que les consorts Z..., propriétaires de locaux à usage commercial donnés à bail à la société Climatex, ont renouvelé le contrat de location le 19 août 1979 au profit de la société Confort Service qui, le 16 septembre 1986, a souscrit un contrat de franchise avec la société Conforama ; que le 29 mai 1987, les consorts Z... ont notifié à la société Confort service, aux droits de laquelle viennent désormais les époux X..., un congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction ; que les locataires ont assigné leur bailleur pour avoir paiement de l'indemnité d'éviction ; (le premier moyen n’est pas reproduit)Sur le deuxième moyen : Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt de faire droit à la demande d'indemnité d'éviction des époux X..., alors, selon le moyen : 1° que, pour qu'un locataire franchisé ait un fonds de commerce en propre, il faut qu'il justifie soit qu'il a une clientèle liée à son activité personnelle indépendamment de son attrait en raison de la marque du franchiseur, soit que l'élément du fonds qu'il apporte, le droit au bail, attire la clientèle de manière telle qu'il prévaut sur la marque ; qu'en se bornant à retenir de manière générale que la société franchisée, aux droits de laquelle viennent aujourd'hui les époux X..., disposait sur les éléments constitutifs de son fonds de l'" abusus ", ce même si l'intuitu personae nécessaire à l'exécution du contrat de franchise avait conduit les parties à stipuler au profit du franchiseur un droit d'agrément ou de péremption en cas de cession de capitaux de nature à modifier le poids des associés sans rechercher ni apprécier en quoi le franchisé avait une clientèle liée à son activité personnelle, indépendamment de son attrait en raison de la marque du franchiseur, ou en quoi l'élément du fonds qu'il avait apporté, le droit au bail, attirait la clientèle de manière telle qu'il prévalait sur la marque, la cour d'appel a violé l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 ; 2° que si les parties ont la faculté de soumettre leurs rapports au statut des baux commerciaux même si le bail ne présente pas de caractère, encore faut-il que cette volonté soit clairement exprimée ; qu'en retenant, pour considérer que les époux X... pouvaient réclamer le paiement d'une indemnité d'éviction, que les bailleurs savaient lorsqu'ils ont délivré le congé avec offre de payer une indemnité d'éviction le 29 mai 1987 que la société locataire qui exploitait son fonds à l'enseigne Conforama était liée par un contrat de franchise souscrit au mois de septembre 1986, qu'ils ont, nonobstant ce changement dans la situation de leur locataire, continué de reconnaître à celui-ci le bénéfice du statut du décret du 30 septembre 1953 auquel s'étaient référés tous les actes antérieurs et renouvellement du bail et qu'un accord s'est par conséquent formé entre les parties, sans caractériser de manière précise et détaillée la volonté non équivoque des consorts Z... de soumettre le bail litigieux au statut des baux commerciaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 ; Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, d'une part, que si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en oeuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l'élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en oeuvre à ses risques et périls, d'autre part, que le franchiseur reconnaissait aux époux X... le droit de disposer des éléments constitutifs de leur fonds, la cour d'appel en a déduit exactement que les

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preneurs étaient en droit de réclamer le paiement d'une indemnité d'éviction et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ; Par ces motifs : REJETTE le pourvoi.

Note H. KENFACK, D. 2002.2400

1 - Le franchisé bénéficie-t-il du statut des baux commerciaux ? Cette question est au centre de l'arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 27 mars 2002 dont la griffe à elle seule justifie l'importance (FS-P+B+R+I) (2) et qui sert de prétexte à ces brèves observations. Même s'il est de rejet, il s'agit d'un arrêt de principe. Le litige naît à propos d'une affaire classique : un bailleur notifie à son locataire franchisé un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction. Le commerçant franchisé réclame alors sans succès le paiement de ladite indemnité et assigne son bailleur. Il convient d'avoir à l'esprit que, si aux termes de l'art. L. 145-14 c. com., le refus de renouveler un bail commercial donne au locataire évincé le droit, sauf exceptions, à une indemnité d'éviction, encore faut-il que ce locataire soit le propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux loués (art. L. 145-8 c. com.). Par conséquent, la question se pose nécessairement de savoir si le franchisé remplit cette qualité. Or, en droit français, la clientèle est considérée comme l'élément central du fonds de commerce. On en vient ainsi à la question qui divise doctrine et juges du fond : le franchisé est-il titulaire de la clientèle attachée à son fonds ? 2 - Comment en est-on arrivé à cette interrogation conduisant parfois à refuser le statut des baux commerciaux à un commerçant indépendant alors qu'il est paradoxalement accordé à des professionnels civils ? Inspirée par des arrêts déjà anciens de la Cour de cassation à propos des commerces dits « satellites » (3) et des stations-service (4), la Cour de Paris a refusé au franchisé le statut des baux commerciaux dans un arrêt de 1996 avant de le lui accorder dans deux arrêts du 4 oct. 2000. Ramené à l'essentiel, dans l'arrêt de 1996, elle a décidé que « ce qui attire la clientèle d'un prestataire de services franchisé ou concessionnaire, c'est la charte de la marque qui se traduit par la proposition de contrats types qui garantissent le principe d'une exécution dépourvue d'aléa ». Il ne peut en être autrement que si le franchisé prouve que « l'élément du fonds qu'il apporte, le droit au bail, attire la clientèle de manière telle qu'il prévaut sur la marque » (5). Ainsi, elle a posé le principe que, sauf preuve contraire apportée par le franchisé, la clientèle appartient au franchiseur. Dans les arrêts de 2000, ce principe a été renversé : la Cour de Paris a changé de jurisprudence et a décidé que le franchisé est propriétaire de son fonds de commerce, sauf s'il est dans un état de dépendance vis-à-vis du franchiseur (6).3 - Un arrêt de la Cour de cassation était attendu pour fixer la jurisprudence. La question posée est d'une telle clarté et d'une telle simplicité que la réponse doit être sans ambiguïté. La troisième Chambre civile de la Cour de cassation décide que, lorsqu'un fonds de commerce est exploité dans le cadre d'une franchise, c'est le franchisé qui a le droit d'invoquer le renouvellement du bail. L'attendu de principe mérite d'être entièrement cité : « [...] d'une part [...] si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en oeuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l'élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en oeuvre à ses risques et périls, d'autre part, que le franchiseur reconnaissait aux époux Basquet le droit de disposer des éléments constitutifs de leur fonds

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[...] ». Cette décision emporte l'adhésion même si l'argument invoqué dans le « d'autre part » est maladroit. Il n'est plus utile de rechercher qui a créé la clientèle, ou même si le client est attiré par la marque du franchiseur ou par les qualités personnelles du franchisé. Dans l'arrêt du 27 mars 2002, le franchisé bénéficie du statut des baux commerciaux parce qu'il a une clientèle attachée à son fonds de commerce. Y a-t-il une seconde condition consistant au droit, pour le franchisé, de disposer de son fonds de commerce ?4 - La clientèle est attachée au fonds de commerce du franchisé. Pour le décider, la Cour de cassation se fonde sur une argumentation économique proche de celle adoptée par les arrêts de la Cour de Paris du 4 oct. 2000. Cette approche économique n'est pas isolée en droit de la distribution, qu'il s'agisse des aspects contractuels ou concurrentiels, comme l'illustre le nouveau règlement relatif aux accords verticaux (7). Dans l'arrêt annoté, comme déjà dans ceux de la Cour de Paris, la prise en compte de l'exploitation « à ses risques et périls » est un élément déterminant dans l'attribution d'une clientèle au franchisé (8). Mais il n'est pas le seul.La Cour insiste également sur le fait que ce qui compte, ce n'est pas la propriété des éléments d'attraction de la clientèle, mais leur simple maîtrise juridique (9). Ce point de vue doit être approuvé. Sans remettre en cause la conception traditionnelle du fonds de commerce, cette position de la Cour est conforme à la nature de cette technique originale qu'est la franchise. Le franchisé paie un droit d'entrée et des redevances au franchiseur. En retour, il reçoit le droit d'utiliser une marque, une enseigne... des signes de ralliement de la clientèle, ainsi que la communication d'un savoir-faire et une assistance technique et/ou commerciale. Grâce à tous ces éléments pour lesquels il verse une rémunération, à son emplacement, à ses qualités personnelles, le franchisé, en son nom et pour son propre compte, de façon indépendante, met en oeuvre une activité qui génère une clientèle. Comment a-t-il pu être décidé qu'il s'agit de la clientèle du franchiseur ? Cette clientèle est attirée par tous les éléments mis en oeuvre par le franchisé, qu'ils proviennent ou non du franchiseur. En effet, pas plus que le bailleur qui loue un emplacement de qualité, l'inventeur qui concède une licence d'exploitation (10) ou le publicitaire qui réalise une publicité particulièrement attractive de clientèle (11), le franchiseur ne peut être considéré comme bénéficiaire de la clientèle générée par les éléments organisés par le franchisé.La Cour de cassation opère, enfin, une distinction entre les clientèles, la clientèle locale étant attachée au fonds de commerce du franchisé alors que la clientèle nationale est attirée par la notoriété de la marque du franchiseur. Même si elle n'affirme toutefois pas que la clientèle du franchiseur est uniquement constituée de franchisés (12), cette idée du partage de clientèle est curieuse. Qui sont ces clients nationaux du franchiseur ? S'agit-il de personnes attirées exclusivement par la marque ou par l'enseigne du franchiseur ? Un franchiseur qui ne développe pas une activité à côté de la franchise, par exemple en possédant des magasins propres ou en commercialisation par d'autres canaux, aurait une clientèle différente de celle du franchisé. De tels clients seraient différents des clients locaux attirés par les éléments mis en oeuvre par le franchisé. En d'autres termes, certains clients seraient exclusivement attirés par les moyens développés par le franchisé, et notamment par les éléments corporels de son fonds de commerce ou par l'élément incorporel que constitue le droit au bail, alors que d'autres seraient attirés par le franchiseur directement : par quels moyens ? Mal interprété, et malgré la formulation générale adoptée par la Cour de cassation, ce partage de clientèle peut marquer un recul : dans un réseau de franchise dont la marque est particulièrement notoire et attractive, un juge du fond pourrait-il décider que la clientèle locale n'existe pas ?Comme on l'a déjà dit, il est hasardeux d'essayer de déterminer la part de chacun des éléments de la franchise dans l'attraction et la fidélisation de la clientèle. Il n'est pas besoin d'opérer un partage entre une clientèle locale et une clientèle nationale pour attribuer au franchisé la titularité de la clientèle de son fonds de commerce. Il suffit, comme le décide d'ailleurs la Cour de cassation dans l'arrêt annoté, de se fonder sur la nature de la franchise en relevant que

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c'est le franchisé, certes avec l'aide du franchiseur, qui exerce, à son nom et pour son propre compte, une activité qui, grâce aux moyens qu'il met en oeuvre, attire une clientèle. Peu importe qu'elle soit locale, nationale, de passage ou fixe. C'est bien le franchisé qui, de manière indépendante, livre le produit ou fournit le service au consommateur. Il est logique qu'il soit titulaire d'une clientèle. Il a par conséquent un fonds de commerce et bénéficie du statut des baux commerciaux. C'est ce que décide l'arrêt annoté et cette décision doit être approuvée. Le second élément de l'argumentation de la Cour laisse perplexe.5 - La Cour de cassation se fonde également sur le droit, pour le franchisé, de disposer de son fonds de commerce. Après avoir accordé le statut des baux commerciaux au franchisé parce qu'il a, d'une part, une clientèle attachée à son fonds de commerce, la Cour de cassation ajoute, d'autre part, que le franchiseur reconnaissait au franchisé le droit de disposer de son fonds de commerce. Ce « d'autre part » superflu et inutile contribue à obscurcir l'arrêt. L'absence d'une stipulation contractuelle conférant au franchisé le droit de disposer de son fonds de commerce entraîne-t-elle qu'il n'a pas de clientèle et n'a pas droit au statut des baux commerciaux ? La solution de l'arrêt du 27 mars 2002 pourrait-elle être exclue en l'absence d'une telle clause ? Il est d'ailleurs permis de se demander dans quels cas un franchisé peut ne pas avoir le droit de disposer de son fonds de commerce. Il n'est pas discutable que le contrat de franchise est intuitu personae. Toutefois, comme l'a décidé la Cour de cassation, ce simple caractère n'empêche pas la cessibilité du contrat mais exige simplement le consentement du cocontractant cédé (13). L'agrément du franchiseur doit donc être obtenu avant toute cession. Un tel agrément n'est pas en principe discrétionnaire, et il est possible que la jurisprudence qualifie d'abusif un refus d'agrément sans motif (14) ou alors une succession de refus d'agrément. De plus, il ne concerne que le seul contrat de franchise et non tout le fonds de commerce, même si l'essentiel du fonds repose sur le contrat de franchise.Il est permis d'espérer qu'il ne s'agit pas d'une véritable seconde condition (15). Par ce « d'autre part » sans intérêt, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a peut-être simplement voulu indiquer que le franchisé ne doit pas être entièrement dominé par le franchiseur et qu'il doit avoir une certaine indépendance, comme l'avait déjà exigé la Cour de Paris dans les arrêts du 4 oct. 2000. En réalité, une telle précision est superflue : ou bien il s'agit d'un franchisé et il est indépendant, au moins juridiquement, ou bien il est dépendant et ne peut avoir une telle qualité. La Cour de cassation a d'ailleurs procédé à des requalifications de contrat de franchise en contrat de travail (16) ou même simplement appliqué les dispositions du code du travail à des relations qualifiées par les parties de franchise (17). Dans de telles hypothèses, le « franchisé » ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux. Par conséquent, il peut être logique de penser que le « d'autre part » ne constitue pas une véritable condition et qu'en l'absence de clause conférant au franchisé un droit de disposer du fonds, la solution reste inchangée.6 - En définitive, cet arrêt accroît l'importance des éléments corporels du fonds de commerce et celle de l'activité du franchisé. Il apporte à la question de la clientèle du franchisé une réponse qu'on espère définitive. En mettant entre parenthèses les interrogations relatives essentiellement au droit du franchisé de disposer de son fonds de commerce, par sa formulation générale, l'arrêt du 27 mars 2002 marque un coup d'arrêt à la casuistique inaugurée par l'arrêt de l'Assemblée plénière de 1970 (18) et poursuivie par celui de la Cour de Paris du 6 févr. 1996. Désormais, le franchisé (et la solution vaut pour le concessionnaire) est propriétaire de son fonds de commerce. Encore faut-il qu'il s'agisse d'un franchisé, la tâche des juges devant se limiter à cette qualification

(1) Ces quelques lignes sont écrites à la mémoire du Professeur Jean Derruppé qui avait souhaité la solution adoptée par la Cour de cassation dans l'arrêt annoté. Il a marqué de sa plume plusieurs domaines du droit commercial et du droit international privé, notamment celui de la propriété du fonds de commerce dans la franchise et la concession exclusive. V., notamment, La propriété commerciale des franchisés, note sous CA

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Paris, 4 oct. 2000 (2 arrêts), Petites affiches, 16 nov. 2000, p. 11 ; La propriété commerciale des franchisés et concessionnaires, Petites affiches, 23 avr. 1997, p. 70 ; Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ?, AJPI 1997, p. 1002.(2) Bull. civ. III, n° 77 ; D. 2002, AJ p. 1487, obs. E. Chevrier ; JCP 2002, Act. n° 196.(3) Cass. ass. plén., 24 avr. 1970, Bull. ass. plén., n° 3 ; D. 1970, Jur. p. 381, note R. L. ; JCP 1970, II, n° 16489, note B. Boccara.(4) V., notamment, Cass. com., 27 févr. 1973, D. 1974, Jur. p. 283, note J. Derruppé ; Cass. 3e civ., 13 févr. 1980, Bull. civ. III, n° 3 ; RTD com. 1980, p. 760, obs. J. Derruppé.(5) CA Paris, 6 févr. 1996, D. 1997, Somm. p. 57, obs. D. Ferrier ; JCP 1997, II, n° 22818, obs. B. Boccara ; Gaz. Pal. 1996, 1, Doctr. p. 538, obs. P. de Belot ; RTD com. 1996, p. 238, obs. J. Derruppé.(6) CA Paris, 4 oct. 2000, D. 2001, Somm. p. 301, obs. D. Ferrier ; ibid. 2001, Jur. p. 1718, et notre note; JCP 2001, II, n° 10467, note B. Boccara.(7) Règl. n° 2790/1999/CE, 22 déc. 1999, relatif aux restrictions verticales.(8) Pour une critique de cet argument économique tout en approuvant la solution adoptée, V. J. Derruppé, note préc., et notre note préc. sous CA Paris, 4 oct. 2000.(9) V., déjà, B. Boccara, Fonds de commerce : le renouvellement des concepts (en marge des droits des franchisés), D. 2000, Chron. p. 15 ; J. Derruppé, La propriété commerciale des franchisés et concessionnaires, préc.(10) V. J. Derruppé, note préc. sous CA Paris, 4 oct. 2000.11) V. notre note préc. sous CA Paris, 4 oct. 2000.(12) Dans ce sens, J. Derruppé, Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ?, préc. ; B. Boccara, chron. préc.(13) V., récemment, Cass. 1re civ., 6 juin 2000, Bull. civ. I, n° 173 ; RTD civ. 2000, p. 571, obs. J. Mestre et B. Fages ; Defrénois 2000, art. 37237, n° 69, obs. P. Delebecque ; D. 2001, Jur. p. 1345, note D. Krajeski. V., déjà, Cass. com., 7 janv. 1992, Bull. civ. IV, n° 3 ; D. 1992, Somm. p. 278, obs. L. Aynès; JCP 1992, I, n° 3591, obs. C. Jamin ; RTD civ. 1992, p. 762, obs. J. Mestre.(14) Rappr. CA Lyon, 17 mai 2001, RJDA 2001, n° 1204.(15) Dans le même sens, V. E. Chevrier, obs. préc.(16) V., notamment, Cass. com., 3 mai 1995, JCP éd. E 1995, II, n° 748, obs. L. Leveneur ; D. 1997, Jur. p. 10, note L. Amiel-Cosme ; Cass. soc., 25 févr. 1998, JCP éd. E 1998, p. 536, note P. Morvan.(17) Cass. soc., 4 déc. 2001 (trois arrêts), Bull. civ. V, n° 373 ; D. 2002, Jur. p. 1934, et notre note.(18) Précité.

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THEME 7

LE FONDS DE COMMERCE (2)Location-gérance et vente

1. La location géranceDOCUMENT 1 : Cass. Com. 4 mai 1999, D. 2000.135, note Th. LANGLES

Exercice : résoudre le cas pratique suivant en répondant de manière argumentée et détaillée. Chaque étudiant devra apporter pour la séance le texte des articles L 144-1 à L 144-13 du Ccom

M. CAUSSIGNAC a changé de vie professionnelle depuis un an. Il a démissionné de son poste d’analyste financier en raison du stress lié à son travail et a décidé de revenir dans sa ville natale en province pour ouvrir une petite épicerie de produits bios. Son commerce marche bien mais malheureusement, M. CAUSSIGNAC apprend qu’il est gravement malade et qu’il doit aller suivre un traitement spécialisé aux Etats-Unis. M. CAUSSIGNAC a investi beaucoup d’énergie dans le lancement de son commerce et il ne veut pas que tous ses efforts soient gâchés par son absence qui risque de durer un certain temps. Son voisin et ami, M. LECLERC, est prêt à reprendre l’affaire. M. CAUSSIGNAC et M. LECLERC viennent vous consulter pour savoir s’ils peuvent conclure un contrat de location gérance et dans l’affirmative, s’il y a des publicités qui doivent être effectuées. Le traitement de M. CAUSSIGNAC est miraculeux et il revient finalement plus tôt que prévu, cinq mois après vous avoir consulté(e) pour la première fois et avoir, sur vos conseils, conclu le contrat de location gérance. Il prend rendez-vous, cette fois-ci seul, pour une nouvelle consultation juridique. Il s’inquiète car des clients en ville lui ont dit que M. LECLERC n’était jamais présent : le magasin est tenu depuis le départ de M. CAUSSIGNAC par une cousine de M. LECLERC. Par ailleurs, il a reçu une lettre recommandée d’un grand traiteur de la région qui lui réclame le paiement d’une somme de 10 000 euros pour un buffet haut de gamme commandé par M. LECLERC à l’occasion d’une soirée organisée par ce dernier, quelques jours après le départ de M. CAUSSIGNAC, dans les locaux de l’épicerie pour des clients fidèles. M. CAUSSIGANC veut savoir si M. LECLECRC a pu consentir valablement une sous-location à sa cousine et d’autre part s’il est tenu de payer le montant qu’on lui réclame.

Conseil de lecture complémentaire : H. KENFACK, Location gérance de fonds de commerce, Rép. Com Dalloz

2. La venteDOCUMENT 2 : Cass. Com 26 janvier 1976DOCUMENT 3 :Cass. Com 23 octobre 2007DOCUMENT 4 : Cass. Com. 13 février 1990, Rev, sociétés 1990.251, note P. LE CANNUExercice : en vous fondant sur les arrêts reproduits dans les documents 2, 3 et 4, expliquer de manière détaillée quels sont les critères de qualification de la vente de fonds de commerce adoptés par la jurisprudence.

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1. La location-géranceDOCUMENT 1 : Cass. Com. 4 mai 1999

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Deloumeaux, qui exploitait une station-service que la société Esso Antilles Guyane (Essant) lui avait donnée en location-gérance, a négligé de s'acquitter des cotisations de retraite complémentaire dont il était redevable auprès de la Caisse guadeloupéenne de retraites par répartition (CGRR) ; que celle-ci a obtenu sa condamnation, à ce titre, au paiement d'une somme de 122 096,23 francs, solidairement avec la société Essant en application de l'art. 8 de la loi du 20 mars 1956, le contrat de location-gérance n'ayant jamais été publié ; que la société Essant a contesté sa condamnation ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu l'art. 8 de la loi n° 56-277 du 20 mars 1956 ; - Attendu que, pour l'application de ce texte, aux termes duquel, jusqu'à la publication du contrat de location-gérance et pendant un délai de six mois à compter de cette publication, le loueur du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation de ce fonds, il suffit que les dettes impayées aient été nécessaires à l'exploitation du fonds donné en location-gérance ; - Attendu que, pour infirmer le jugement du tribunal de commerce et rejeter la demande de la CGRR, la cour d'appel retient que l'art. 8 de la loi du 20 mars 1956 ne vise que les dettes d'origine contractuelle et que tel n'est pas le cas d'une cotisation sociale qui résulte de la loi ; - Attendu qu'en statuant ainsi, tout en retenant que les cotisations dues pour les retraites complémentaires des salariés de la station-service exploitée par Serge Deloumeaux étaient des dettes liées à l'exploitation de ce fonds, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte susvisé ; Et sur le même moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'art. 8 de la loi du 20 mars 1956 ; - Attendu que, dès lors que le contrat de location-gérance n'a pas été publié, le loueur est, en application de ce texte, solidairement responsable des dettes contractées par le locataire-gérant pour l'exploitation du fonds de commerce, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le créancier avait eu connaissance de la mise en location-gérance de ce fonds ; - Attendu que, pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel retient aussi que l'art. 8 de la loi du 20 mars 1956 est destiné à protéger les tiers ignorant l'existence du contrat de location-gérance, ce qui n'est pas le cas de la Caisse régionale de retraites et de répartition, qui recevait les déclarations de M. Deloumeaux ; - Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;Par ces motifs, [...] casse [...] renvoie devant la Cour d'appel de Fort-de-France [...].

Note Th. LANGLES, D. 2000.135, « Responsabilité solidaire du loueur de fonds pour dettes d'origine légale du gérant » La loi n° 56-277 du 20 mars 1956 relative à la location-gérance des fonds de commerce et des établissements artisanaux dispose, en son article 8, que « jusqu'à la publication du contrat de location-gérance et pendant un délai de six mois à compter de cette publication, le loueur du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du fonds ».La formule finale de cette disposition devait, dès son introduction dans le décret n° 53-874 du 22 septembre 1953 (1), susciter des interprétations divergentes de la part des commentateurs. Quel est en effet le sens précis de l'expression « dettes contractées (...) à l'occasion de l'exploitation du fonds » ? Renvoie-t-elle exclusivement aux dettes d'origine contractuelle ou englobe-t-elle également les dettes trouvant leur source dans la loi ? C'est cette importante question que la Cour de cassation tranche pour la première fois, par l'arrêt de sa Chambre

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commerciale du 4 mai 1999 (2).En l'espèce, le locataire-gérant d'une station-service avait omis de payer les cotisations de retraite complémentaire de ses salariés. Le Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre condamna solidairement le loueur et le gérant à verser les sommes dues à la Caisse de retraites. La Cour d'appel de Basse-Terre (3) infirma le jugement, en ses dispositions retenant la solidarité, aux motifs que la dette résultait de la loi et que la Caisse de retraites n'ignorait pas le contrat de location-gérance.La Cour suprême prononce une cassation partielle qui lui fournit avant tout l'occasion de préciser l'objet de la solidarité passive du loueur de fonds (I). Elle rappelle également que celle-ci est dissociée de la connaissance que le créancier peut avoir de la mise en location-gérance. Il s'agit là d'une solution acquise, mais sa reprise est l'occasion de s'interroger sur le fondement de l'obligation solidaire du loueur de fonds (II).

I - L'objet de la solidaritéLa présente décision devrait simplifier le débat relatif aux contours de la solidarité supportée par le loueur de fonds. A l'avenir, les discussions ne devraient plus porter sur la nature de la dette (A) mais se concentrer, ce qui est déjà le cas en pratique, sur sa nécessité au regard de l'exploitation (B).A - La nature de la detteA première vue, l'expression « dettes contractées » semble renvoyer aux seules dettes d'origine contractuelle, à l'exclusion de celles ayant leur source dans la loi. Mais, à y regarder de plus près, le doute se fait jour, car le mot « contracter » est un de ces termes polysémiques dont le sens juridique est plus restrictif que le sens courant. Dans la langue commune, contracter une dette signifie simplement assumer un engagement, s'en reconnaître débiteur sans que cela préjuge de sa nature. Au contraire, dans le langage technique du droit, contracter veut dire s'engager par contrat.Les travaux préparatoires du décret n° 53-874 du 22 septembre 1953 ne contiennent aucune indication de nature à dissiper le doute. En revanche, une réponse ministérielle, apportée quelques semaines après la publication du texte, accorde une portée très générale à l'expression litigieuse (4). Dans leur grande majorité, les premiers commentateurs du décret de 1953 firent cette interprétation extensive, selon laquelle la notion de « dettes contractées » englobait tant les obligations d'origine contractuelle que légale (5). Il eût été salutaire que, à l'occasion de la réforme du régime de la location-gérance, le législateur précisa sa volonté sur la question. Malheureusement, la loi du 20 mars 1956, qui reprit à l'identique la formule litigieuse, ne modifia pas les données du problème. La doctrine, dans son ensemble, se prononça à nouveau pour son interprétation extensive (6).Dans la présente affaire, les premiers juges avaient considéré que l'expression « dettes contractées » désignait, conformément au sens commun, les dettes « nées » à l'occasion de l'exploitation. Leur interprétation fut censurée par les juges du second degré pour qui le mot « contracté » devait s'entendre « des dettes d'origine contractuelle, à l'exclusion des dettes résultant de la loi comme les cotisations sociales ». La motivation de leur décision était toutefois critiquable. L'affirmation était motivée par l'existence, en matière fiscale, d'un texte spécial (7) prévoyant la solidarité du loueur pour les impôts directs. Cela revenait à considérer que l'article 1684-3 CGI constituait une exception à un principe, selon lequel les dettes légales seraient exclues du domaine de la solidarité (8). Or, l'antériorité du texte fiscal invite à rejeter cette thèse, voire à inverser la proposition, en décelant dans ce dernier une application d'un principe selon lequel les dettes d'origine légale entreraient dans le champ de la solidarité. Autrement dit, si le texte spécial devait déroger au régime de la solidarité du loueur de fonds, ce serait uniquement parce qu'il prolonge ses effets au-delà du terme que la loi lui assigne normalement (9). Il nous semble cependant vain de chercher à déterminer les contours de

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cette solidarité en liant les deux textes, l'article 1684-3 CGI n'étant vraisemblablement qu'une illustration de l'autonomie du droit fiscal (10).Quoi qu'il en soit, le demandeur au pourvoi reprochait à la cour d'appel d'avoir violé l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 en affirmant que la solidarité ne s'appliquait qu'aux seules dettes contractuelles. La Chambre commerciale accueille le moyen, précisant que, pour l'application de l'article 8, « il suffit que les dettes impayées aient été nécessaires à l'exploitation du fonds donné en location-gérance ». Cette solution, dont le principe pourra susciter l'étonnement, nous semble cependant mériter l'approbation. Elle est conforme à la volonté du législateur de l'époque, qui n'a probablement pas souhaité cantonner la solidarité aux seules dettes contractuelles. Au surplus, allant dans le sens d'une plus grande protection des tiers, l'interprétation retenue par la Haute Cour est en accord avec la ratio legis inspirant la loi de 1956. Certes, on objectera qu'elle est contraire à la lettre du texte. Cela est incontestable, mais cette contradiction ne doit pas être l'occasion d'oublier l'esprit de la loi. Elle invite plutôt à dénoncer l'imprécision dont le législateur a fait preuve sur le plan terminologique. Ce mal, qui demeure malheureusement d'actualité, prive le langage juridique de la rigueur qui doit être la sienne, et contribue à entretenir des controverses qui, comme en l'espèce, ne devraient pas être.De surcroît, nous ne pensons pas que la solution retenue remette en cause la rigueur à laquelle, dans son ensemble, la jurisprudence nous a habitués dans la mise en oeuvre de l'article 8. En effet, l'exigence dont elle a jusqu'ici fait preuve, et dont on ose espérer qu'elle ne se départira pas, s'exerçait, non sur l'origine contractuelle ou légale de la dette, mais sur sa nécessité au regard de l'exploitation.B - Le caractère nécessaire de la detteL'article 8 de la loi de 1956 ne prévoit l'obligation solidaire du loueur que pour les dettes contractées par le locataire-gérant « à l'occasion de l'exploitation du fonds ». Fort imprécise, cette formule fut d'abord interprétée largement par la jurisprudence, qui retenait la solidarité dès lors que la dette était liée, d'une manière ou d'une autre, à l'exploitation du fonds (11). Mais l'exigence d'un simple rattachement à l'exploitation lui apparut rapidement insuffisante et elle exigea par la suite que la dette répondit à une nécessité propre de l'exploitation (12).Eu égard au caractère exorbitant de droit commun de la garantie instituée par la disposition précitée (13), cette exigence apparaît pleinement justifiée. C'est pourquoi on doit approuver la Cour de cassation de s'être prononcée en faveur d'une interprétation stricte de l'article 8, au motif qu'il « déroge au principe général de la relativité des conventions » (14). Il faut, en effet, garder à l'esprit que le locataire-gérant est un commerçant qui exploite à ses risques et périls et non un préposé du loueur. Celui-ci étant étranger à la gestion du fonds donné en location, il est impératif de n'admettre que restrictivement son obligation aux dettes du locataire-gérant.Ainsi, ni les dettes strictement personnelles du locataire-gérant, telles les sommes dues au titre de ses cotisations d'assurance vieillesse (15) ni, plus largement, celles qui ne répondent à aucune nécessité propre de l'exploitation (16), ne sauraient entraîner la mise en oeuvre de la garantie du loueur. La solidarité est pareillement exclue quand le créancier a commis une imprudence à l'origine de son préjudice (17) ou lorsque la dette présente un caractère frauduleux (18). Enfin, il nous semble que le critère de la nécessité de l'exploitation commande d'exclure les dettes de nature délictuelle du champ de la solidarité (19). En effet, si de telles dettes peuvent incontestablement être liées à l'exploitation du fonds, on conçoit difficilement qu'elles puissent jamais être une nécessité propre de celle-ci.Dans l'affaire commentée, la cour d'appel avait bien constaté que les cotisations dues pour les retraites complémentaires des salariés de la station-service étaient des dettes liées à l'exploitation du fonds, mais, s'arrêtant à leur origine légale, les avait exclues de la solidarité. Assez habilement, le moyen du pourvoi faisait valoir, à titre subsidiaire, que les sommes dues au titre des cotisations sociales avaient une cause contractuelle, car il s'agissait d'obligations

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qui sont la suite légale d'opérations contractuelles (20) - engagements de salariés - passées par le gérant. Il n'était cependant pas nécessaire que la Cour de cassation entre dans ce débat pour censurer la décision qui lui était déférée. Il lui suffisait de relever la violation de l'article 8 par la cour d'appel qui, tout en constatant le lien de nécessité existant entre la dette et l'exploitation, n'avait pas retenu l'obligation solidaire du loueur. La cause semble ainsi entendue. Peu importe la nature de la dette, pourvu qu'elle soit nécessaire à l'exploitation du fonds. La cour de renvoi est invitée à relever que le paiement des cotisations sociales des salariés est une nécessité de l'exploitation devant entraîner la condamnation solidaire du loueur avec le locataire-gérant.

II - Le fondement de la solidaritéQuel est le fondement de la garantie solidaire due par le loueur de fonds ? Une chose est certaine, ce n'est pas la théorie de l'apparence (A). D'autres explications ont été proposées mais aucune n'apparaît pleinement satisfaisante (B).A - Le rejet de l'apparenceDans la présente affaire, le contrat de location-gérance n'avait pas donné lieu à la publication d'un avis dans un journal d'annonces légales, comme le requiert l'article 8 de la loi de 1956. La Caisse régionale de retraites par répartition en avait néanmoins eu indirectement connaissance, au travers des déclarations qu'elle recevait du locataire-gérant. Moyennant quoi, la cour d'appel, considérant que l'article 8 était destiné à protéger les tiers ignorant l'existence du contrat de location-gérance, avait retenu cette circonstance pour écarter la garantie solidaire du loueur.Cette motivation revenait à fonder la solidarité sur la notion d'apparence (21). Les règles qui gouvernent celle-ci commanderaient en effet d'écarter la garantie du loueur dès lors que les créanciers ont eu connaissance de la situation réelle. Mais le raisonnement de la cour d'appel n'avait aucune chance de prospérer. On sait en effet, depuis un arrêt rendu par la Chambre commerciale en 1992 (22), que lorsqu'un contrat de location-gérance n'a pas été publié, il n'y a pas lieu de rechercher si le créancier a eu connaissance de la mise en location-gérance du fonds. Cette solution est reproduite dans la présente décision.La censure est, là encore, pleinement justifiée. Certes, à l'époque où le contrat de location-gérance n'était soumis à aucune publicité légale, l'obligation solidaire du loueur pouvait être justifiée par le recours à la théorie de l'apparence. Celle-ci permettait d'expliquer la protection réservée aux créanciers qui avaient traité avec le gérant en considération de la valeur du fonds mais dans l'ignorance de sa qualité. Il était alors légitime que le droit attache une telle conséquence à la croyance erronée du créancier, le plus souvent provoquée par une faute ou une négligence du loueur. Mais, depuis le décret de 1953, date à laquelle la publicité légale des contrats de location-gérance a été imposée, il ne nous paraît plus possible de recourir à la théorie de l'apparence pour expliquer l'obligation solidaire du loueur au paiement des dettes nées en la personne du locataire-gérant dans le délai de six mois suivant la publication du contrat (23). Le caractère objectif normalement attaché à la publicité légale s'y oppose formellement, puisqu'il commande de ne pas prendre en considération la bonne ou mauvaise foi du tiers. Tout comme l'accomplissement de la publicité légale interdit au tiers à qui elle est opposée d'alléguer sa bonne foi parce qu'il l'a ignorée, les effets attachés au défaut de publicité se produisent sans qu'il soit permis au loueur d'opposer au créancier le fait qu'il avait connaissance du contrat de location-gérance.Cela étant, le système retenu en 1956, qui maintient la solidarité pendant six mois à compter de l'accomplissement de la publicité, se marie mal avec le caractère objectif de celle-ci et la présomption irréfragable d'information des créanciers qui en découle. Il en ressort en effet que c'est l'écoulement du délai de six mois qui conduit à présumer de la connaissance du contrat chez les créanciers du locataire-gérant alors que cela devrait être sa publicité par insertion

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d'un extrait au journal d'annonces légales (24).B - Les autres explicationsAu lendemain de la publication du décret de 1953, on constata que le législateur avait souhaité créer une espèce de « communauté active et passive d'intérêts entre le bailleur et le locataire » (25). Désormais, le premier demeurait associé aux risques de l'exploitation qui n'étaient plus intégralement supportés par le second. L'obligation solidaire du loueur aux dettes du locataire-gérant était totale jusqu'à l'accomplissement des formalités de publicité, puis limitée à la valeur du fonds, une fois celles-ci réalisées. Cette association forcée, qui visait à protéger les créanciers du gérant mais aussi à limiter le recours à location-gérance, permit de suggérer d'autres explications de l'obligation du loueur.On évoqua ainsi l'existence d'une société en commandite entre les parties au contrat de location-gérance, le loueur se trouvant dans la situation d'un commanditaire (26). Mais l'idée n'était pas convaincante, car ce dernier ne collabore pas avec le gérant à la réalisation d'une oeuvre commune (27). Surtout, l'obligation solidaire qu'il supporte n'est pas assimilable à la participation aux pertes de l'associé, ne serait-ce qu'en raison du recours dont il dispose contre le gérant après avoir désintéressé le créancier.Plus séduisante fut l'idée qui consista à voir dans cette communauté d'intérêts une application de la notion d'entreprise (28). Dans cette optique, le fonds de commerce constitue une entreprise et sa mise en location-gérance marque seulement un changement de direction de celle-ci. Les dettes qui naissent à l'occasion de l'exploitation sont donc celles de l'entreprise, ce qui justifie que son propriétaire puisse en être tenu (29). Toutefois, si cette explication pouvait être admise quand le loueur demeurait responsable à concurrence de la valeur du fonds après l'accomplissement des formalités de publicité, elle ne l'est plus depuis que la réforme de 1956 a prévu la disparition de son obligation solidaire après l'écoulement d'un délai de six mois à compter de celles-ci.Il est en définitive bien difficile de trouver une explication satisfaisante à l'obligation solidaire du loueur de fonds de commerce. Ses contours actuels sont le fruit d'un compromis entre ceux qui souhaitaient la supprimer à compter de l'accomplissement des formalités de publicité, et ceux qui étaient partisans de la maintenir au-delà de cette date (30). On ne peut s'empêcher de penser que ce moyen terme n'est pas suffisant. Il est encore marqué du sceau de la méfiance dont le législateur a toujours fait preuve vis-à-vis de cette opération. La limitation dans le temps qu'il a substituée à la limitation en valeur traduit probablement la persistance de sa volonté de renforcer le crédit du locataire-gérant aux premiers temps de son exploitation (31). Ce n'est pas là son rôle. Le moment ne serait-il pas venu de reconnaître toute son efficacité à la publicité légale en supprimant la responsabilité du loueur après l'accomplissement des formalités de publicité (32) ?

(1) A peine publié, ce texte fut modifié dans son art. 4 par un décret n° 53-963 du 30 sept. 1953.(2) Sur cet arrêt, V. aussi, Petites affiches, 27 avr. 1999, p. 8, note P. M. ; Dalloz Affaires 1999, p. 825, obs. A.-L. M.-D. ; RTD com. 1999, p. 635, n° 6, obs. J. Derruppé ; D. 1999, IR p. 143.(3) CA Basse-Terre, 13 janv. 1997, Bull. inf. C. cass. 1er oct. 1997, p. 32 ; BRDA 1998, n° 1, p. 10 ; RJDA 2/1998, n° 167 ; Gaz. Pal. 1997, Somm. p. 406, obs. H. Vray.(4) Rép. min. n° 8863 à M. Baylet, JOAN Q, 12 nov. 1953, p. 5025, dont il ressort que l'expression « dettes contractées à l'occasion de l'exploitation du fonds » « englobe toutes les dettes de l'espèce (dettes commerciales, fiscales et sommes dues à la Sécurité sociale, d'une manière générale, toutes créances privilégiées ou chirographaires se rapportant au fonds) ».(5) En ce sens, R. Houin, Location-gérance de fonds de commerce et communauté d'exploitation, RTD com. 1954, p. 21 ; P. Esmein, Gaz. Pal. 1953, 2, Doctr. p. 60 ; A. Cohen, La location des fonds de commerce d'après les décrets des 22 et 30 sept. 1953, JCP 1953, I, n° 1127 ; contra, J.-P. Vencent, Journ. not. 1954, art. 44173, p. 5.(6) Sur cette loi, R. Maus et S. Lidsky, D. 1957, Lég. p. 269 ; R. Maus, La résurrection du contrat de gérance, D. 1956, Chron. p. 69 ; R. Houin, Le nouveau régime de la location-gérance de fonds de commerce, RTD com. 1956, p. 197 ; A. Cohen, Le nouveau statut de la gérance libre, JCP 1956, I, n° 1301.

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(7) Il s'agit de l'art. 1684-3 CGI, texte issu d'un décret-loi du 2 mai 1938.(8) En ce sens, H. Vray, obs. sous CA Basse-Terre, 13 janv. 1997, préc.(9) La solidarité cesse normalement six mois après la publicité du contrat de location-gérance.(10) En ce sens, Rép. min. n° 15139 à M. Bérard, JOAN Q, 20 févr. 1971, p. 475.(11) Cass. com., 19 févr. 1969, Bull. civ. IV, n° 70.(12) Cass. com., 8 févr. 1972, Bull. civ. IV, n° 52 ; Cass. com., 15 juin 1993, RTD com. 1994, p. 244, obs. J. Derruppé.(13) En ce sens, A. Cohen, art. préc., JCP 1953, I, n° 1127 et JCP 1956, I, n° 1301, spéc. n° 44.(14) Cass. com., 8 janv. 1980, JCP 1980, II, n° 19358, note A. S. ; RTD com. 1980, p. 318, n° 9, obs. J. Derruppé.(15) Cass. com., 6 juin 1972, 2 arrêts, D. 1972, Jur. p. 580 ; Journ. not. 1973, p. 435, note Viatte ; JCP 1973, II, n° 17332, note A. S. ; RTD com. 1973, p. 73, n° 32, obs. A. Jauffret.(16) Pour l'achat d'une caisse enregistreuse très coûteuse, Cass. com., 8 janv. 1980, préc.(17) Cass. com., 17 oct. 1995, Dalloz Affaires 1995, p. 127 ; RJDA, 1/1996, n° 54 ; RTD com. 1996, p. 51, obs. J. Derruppé ; D. 1995, IR p. 236.(18) Cass. com., 6 juin 1972, préc.(19) En ce sens, R. Houin, art. préc., RTD com. 1954, p. 21 ; R. Maus et S. Lidsky, préc., D. 1957, Lég. p. 269 ; contra, J.-P. Vencent, art. préc., Journ. not. 1954, p. 5 ; A. Cohen, art. préc., JCP 1953, I, n° 1127, spéc. n° 42.(20) En ce sens, A. Cohen, art. préc., JCP 1953, I, n° 1127, spéc. n° 42.(21) Sur la question, V. notamment, J. Calais-Auloy, Essai sur la notion d'apparence en droit commercial, préf. Cabrillac, 1961.(22) Cass. com., 7 janv. 1992, RJDA 2/1992, n° 148, p. 111 ; D. 1992, IR p. 52 ; RTD com 1992, p. 355, n° 5, obs. J. Derruppé.(23) L'apparence pourrait toutefois être source de responsabilité pour les dettes postérieures au délai de six mois. En ce sens, Cass. com., 22 déc. 1980, Bull. civ. IV, n° 439 ; contra, Cass. com., 12 mars 1979, Bull. civ. IV, n° 95.(24) En ce sens, R. Roblot, Traité de droit commercial, LGDJ, t 1, 16e éd. par M. Germain, p. 440, n° 589. Cette distorsion pourrait justifier le maintien de l'apparence comme fondement de la solidarité du loueur. En ce sens, J. Calais-Auloy, op. cit., spéc. n° 63 s.(25) R. Houin, art. préc., RTD com. 1954.(26) P. Esmein, art. préc., Gaz. Pal. 1953, 2, Doctr. p. 60.(27) Toutefois, pour une solution inédite dans laquelle la présence d'un intérêt économique commun est pris en compte pour caractériser l'existence d'un contrat de location-gérance, Cass. com., 23 mars 1999, RJDA 5/1999, n° 548, p. 431 ; RTD com. 1999, p. 633, n° 5, obs. J. Derruppé ; D. 1999, IR p. 110 ; Dalloz Affaires 1999, p. 825, obs. A.-L. M.-D.(28) Sur cette idée, V. notamment, C. Hannoun, F. Derrida et E. Kornprobst, Rép. com. Dalloz, v° Location-gérance de fonds de commerce, mars 1997, p. 6, n° 32 s.(29) A condition toutefois de ne pas y voir une application de la théorie de l'enrichissement sans cause. En effet, antérieurement à 1953, la Cour de cassation refusa de faire droit aux demandes des fournisseurs impayés sur ce fondement, car l'enrichissement du loueur avait une juste cause dans le contrat de location-gérance et les obligations qui en découlaient pour le locataire-gérant. En ce sens, Cass. req., 22 févr. 1939, Gaz. Pal. 1939, I, p. 779 ; Cass. civ., 28 févr. 1939, Gaz. Pal. 1939, I, p. 813 ; D. 1940, I, p. 9. V. cependant sur cette question les auteurs cités à la note précédente, op. cit., spéc. n° 299, p. 28.(30) R. Maus et S. Lidsky, préc., D. 1957, Lég. p. 269.(31) Y. Guyon, Droit des affaires, t 1, 10e éd., Economica, n° 715-1.(32) Contra, approuvant le système retenu en 1956, R. Houin, art. préc., RTD com. 1956, p. 206.

2. La vente du fonds de commerce

DOCUMENT 2 : Cass. Com. 26 janvier 1976  Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : attendu que, selon les énonciations du jugement attaqué (tribunal de grande instance de Narbonne, 20 juin 1974), Egretier a donne a bail à la société Usine du parc des locaux dans lesquels il exploitait un fonds de commerce, qu’il lui a cédé le mois suivant divers éléments matériels de ce fonds ;Que l’administration fiscale considérant qu’il y avait eu cession du fonds a notifié à ladite société un avis de mise en recouvrement des droits éludés et des pénalités encourues ;

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Attendu qu’il est fait grief au jugement d’avoir débouté l’Usine du parc de son opposition à cet acte, alors, selon le pourvoi, que, d’une part, les juges du fond n’ont pas répondu aux conclusions de la société qui faisait valoir que les éléments qu’elle avait acquis ne pouvaient caractériser une mutation secrète de la propriété du fonds de commerce et notamment les brevets d’invention qui lui avaient été cédés n’avaient pas fait partie du fonds, alors que, d’autre part, les juges du fond ont à tort estimé qu’il ne leur appartenait pas de réviser l’évaluation du fonds faite par l’administration et ont reproché à tort à la société de n’avoir pas souscrit une déclaration détaillée à laquelle elle ne pouvait se croire tenue des lors qu’elle croyait avoir seulement acquis des éléments divers et non pas un fonds de commerce ;Mais attendu, d’une part, que le jugement constate que l’Usine du parc a bénéficié de la clientèle d’Egretier, qu’elle exerçait son activité sous une même enseigne et dans les locaux précédemment utilisés par Egretier ;Que des achats importants de matière première ont été comptabilises par elle, alors qu’ils faisaient l’objet de factures antérieures au bail, qu’elle a vendu des produits de sa fabrication sous la marque Egretier et qu’elle a repris le compte clients d’Egretier en portant dans un compte ouvert au nom de celui-ci les sommes qu’elle recevait à ce titre ;Que les juges du fonds, qui n’étaient pas tenus de suivre l’Usine du parc dans le détail de son argumentation, ont ainsi répondu aux écritures de cette société, qui prétendait ne pas avoir acquis le fonds de commerce d’Egretier ;(…) Qu’en ses deux branches, le moyen est mal fonde ;Par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre le jugement rendu le 20 juin 1974 par le tribunal de grande instance de Narbonne.

DOUCMENT 3 : Cass.com. 23 octobre 2007Sur le moyen unique :Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 mai 2006), que la société de la fromagerie Boursin (la société Boursin) a cédé, par deux actes du 30 juin 2000, à la société anonyme Bongrain (la société) les droits de possession industrielle afférents à la fabrication du fromage Boursault et la marque Boursault ; que ces cessions ont été soumises à l'enregistrement au droit fixe de l'article 731 du code général des impôts ; que par acte du même jour, la société Boursin et la société Nouvelle commerciale Boursin ont cédé à la société par actions simplifiée Bongrain Gérard la clientèle, le matériel et les objets mobiliers servant à l'exploitation de la marque Boursault ; que cette cession a été soumise aux droits d'enregistrement prévus à l'article 719 du code général des impôts ; que l'administration fiscale, estimant que la cession de la marque Boursault et des droits de possession industrielle afférents à la fabrication du fromage Boursault étaient également passibles des droits proportionnels d'enregistrement de l'article 719 du code général des impôts a notifié, le 4 mai 2001, à la société un redressement ; qu'après rejet de sa demande, la société a assigné le directeur des services fiscaux de l'Eure devant le tribunal pour obtenir le dégrèvement de cette imposition ;Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :1°/ que l'article 731 du code général des impôts dans sa version applicable à l'espèce énonce que "les cessions de brevets sont enregistrées au droit fixe de 75 euros" et que l'article 719 du code général des impôts soumet aux droits proportionnels d'enregistrement "les mutations de propriété à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèle" ; qu'il résulte de ces dispositions que les cessions de marques ou de droits de possession industrielle sont soumises aux droits fixes de l'article 731 du code général des impôts excepté lorsque ces éléments sont cédés en même temps que le fonds de commerce dont ils dépendent ou, pour ce qui est des marques, lorsque la clientèle qui leur est attachée est également transmise au cessionnaire, auxquels cas lesdites cessions relèvent des tarifs de l'article 719 du code général des impôts ;

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qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Bongrain a acquis par deux actes du 30 juin 2000 la marque Boursault et les droits de possession industrielle afférents à la fabrication du fromage Boursault tandis que la clientèle attachée à cette marque ainsi que le matériel et les objets mobiliers nécessaires à l'exploitation ont été cédés à la société Bongrain Gérard (et non à la société Bongrain SA comme l'affirme la cour par erreur) par un troisième acte du même jour ; que, dès lors, s'agissant de cessions isolées, la cession de la marque Boursault et des droits de possession industrielle doivent être enregistrées au droit fixe de l'article 731 du code général des impôts ; qu'en considérant néanmoins que lesdites cessions devaient être assujetties aux droits prévus à l'article 719 du code général des impôts, la cour a violé les textes susvisés ;2°/ qu'aux termes de l'article 1134 du code civil "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites" ; que, par ailleurs, l'article L. 64 du livre des procédures fiscales énonce que "ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse" ; que si une clientèle est en principe attachée à une marque exploitée aucun texte n'interdit de céder contractuellement de manière séparée ces deux éléments mobiliers composant le fonds de commerce ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la marque Boursault a été cédée à la société Bongrain SA et la clientèle attachée à cette marque à la société Bongrain Gérard ; que l'administration n'a pas non plus fait usage de la procédure de répression des abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédure fiscale ou remis en cause la valeur des éléments cédés ; que, dès lors, l'existence et la sincérité des actes litigieux n'est pas contestée ; qu'en décidant toutefois que la société Bongrain SA aurait acquis la clientèle attachée à la marque Boursault ainsi que l'ensemble du fonds de commerce, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;Mais attendu qu'après avoir rappelé que lorsque la marque est cédée dans le même temps que le fonds qui l'exploite, elle constitue un élément du fonds de commerce et supporte, avec l'ensemble des autres éléments, le droit de mutation applicable aux cessions de fonds de commerce et qu'il en est de même pour la cession des droits de propriété industrielle, dès lors qu'ils sont cédés en même temps que tout ou partie d'un fonds de commerce dont ils dépendent, l'arrêt retient qu'à raison de son exploitation antérieure par la société Boursin, la marque Boursault bénéficiait d'une renommée et d'une notoriété certaines et, de ce fait, d'une clientèle propre qui lui était attachée, de sorte que sa cession, ainsi que celle des droits de possession industrielle, par la société Boursin au profit de la société, devenue ainsi propriétaire de l'ensemble des éléments constitutifs du fonds de commerce afférents à la fabrication et à la vente du fromage Boursault, devait être soumise au droit de mutation de l'article 719 du code général des impôts, peu important que la mutation du fonds ait été opérée par deux cédants au bénéfice de deux acquéreurs ; que la cour d'appel, qui a déduit de ces constatations et appréciations la mutation occulte de l'universalité du fonds de commerce au profit de la société Bongrain, a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;PAR CES MOTIFS : Rejette le pourvoi.

DOCUMENT 4 : Cass. Com. 13 février 1990Sur le moyen unique : Vu l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Ratao et MM. Goncalves et Gonsart ont conclu un accord selon lequel ces derniers s'engageaient à acquérir les parts de la société Ratao Frères, propriétaire d'un fonds de commerce, et versaient la somme de 45 000 francs, que la vente

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n'ayant pas été réalisée, M. Gonsart a demandé le remboursement de cette somme et que les premiers juges ont accueilli sa demande ; Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que, si la cession des parts sociales ne s'analyse pas, fiscalement, en une cession de fonds de commerce, il n'en est pas de même dans les relations entre cédant et cessionnaire, qu'en conséquence la cession litigieuse constituait, au sens de l'article 12 de la loi du 29 juin 1935, une vente de fonds de commerce sous la forme d'un autre contrat et que, faute de comporter les énonciations légales, elle était nulle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen

Note P. LE CANNU, Rev. sociétés 1990.251, note P. LE CANNUL'arrêt Ratao (RTD com. 1990.185, obs. J. Derruppé, 582, obs. C. Champaud et 590, obs. Y. Reinhard, D. 1990.470, note C. d'Hoir-Lauprêtre) va permettre à de nombreux praticiens de respirer plus librement ; il se prononce avec une grande netteté pour la cassation d'un arrêt qui pouvait créer quelque inquiétude en exigeant les mentions obligatoires de la vente de fonds de commerce pour une convention finalement qualifiée de cession de parts sociales (Versaille, 13e Ch., 4 nov. 1987, Bull. Joly, 1987.975, § 388, note D.L.). Il vient confirmer l'opinion de la Chambre commerciale sur un sujet où la première chambre civile avait employé récemment des formules trop catégoriques (Cass. civ. 1re, 17 nov. 1987, Bull. Joly, 1987.977, § 389, note D. Lepeltier ; Rev. sociétés, 1988.65, et notre note ; RTD com., 1988.423, obs. J. Derruppé ; 454, obs. Y. Reinhard ; M. JEANTIN, La cession massive des titres d'une société et la transmission du fonds de commerce dont la société est propriétaire au regard du droit privé, JCP, éd. N.I.608), qui ont déjà inspiré au moins une autre décision (Bordeaux, 2e Ch., 8 nov. 1989, Bull. Joly, 1990.180, § 47, et nos obs.).Sur la question, il semble qu'il existe trois positions possibles. Elles guideront les brèves réflexions qui semblent encore utiles, en raison du présent arrêt, sur un sujet déjà bien étudié.La thèse de l'assimilation automatique.Cette thèse semble être celle de l'arrêt du 17 novembre 1987. Pour cette décision (qui se prononce sur l'application de la loi du 2 janv. 1970), la cession de la totalité des actions d'une société commerciale exploitant un fonds de commerce porte « nécessairement sur la transmission du fonds de commerce lui-même ». La formule ne laisse guère de liberté d'appréciation. Tout au plus peut-on jouer sur l'objet social, ou sur l'activité effective de la société, en faisant valoir qu'ils ne se résument pas à l'exploitation du fonds en cause. Mais la plasticité de la notion de fonds de commerce peut limiter l'intérêt de ce genre de raisonnement.De plus, une telle jurisprudence irait vraiment à contre-courant, à une époque où la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont accepté, sur le plan fiscal, de bien faire la différence entre les cessions de droits sociaux et les cessions d'actif (cf. D. LEPELTIER et M. JEANTIN, note et art. préc. ; B. MERCADAL et Ph. JANIN, Sociétés commerciales, 1990, n° 645.9). Enfin, cette position ne cadre guère avec la jurisprudence antérieure relative à la vente de fonds de commerce (J. DERRUPPE, obs. préc.), et en particulier avec celle de la Chambre commerciale sur l'application de la loi Hoguet (Cass. com., 26 févr. 1979, Juris-data, n° 0083).Dans ces conditions, nonobstant la généralité de la formule employée par la première chambre civile, l'arrêt du 17 novembre 1987 peut donner le sentiment qu'il désire appliquer un traitement égal aux cessions d'actions et aux cessions de parts, comme le suggère une

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interprétation logique de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970, qu'il s'agissait d'appliquer en la cause (cf. J. DERRUPPE, obs. préc. ; v. cependant les obs. de notre collègue M. JEANTIN, qui considère que la motivation de l'arrêt aurait dû être formulée différemment pour que l'on puisse retenir cette interprétation).La thèse médiane : requalification aisée.Face au motif trop peu nuancé de l'arrêt du 17 novembre 1987, la tentation pouvait exister d'une voie moyenne, que symbolise assez bien l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 8 novembre 1989 (préc.). Cet arrêt reprend la formule très définitive « cession qui porte nécessairement sur le fonds de commerce lui-même ». Cependant, il n'applique pas la loi Hoguet, mais la loi du 29 juin 1935 ; il prend donc soin de démontrer que le contrat de cession d'actions déguise une vente de fonds de commerce. N'y est-il pas invité par le texte même de l'article 12 de cette loi (« dans tout acte constatant une cession amiable de fonds de commerce, consentie même sous conditions et sous la forme d'un autre contrat..., le vendeur est tenu d'énoncer... ») ?Pour arriver à cette fin, il souligne le pouvoir de requalification du juge ; puis il observe qu'outre le nombre des actions cédées, la clause de non-concurrence, présentée comme une condition essentielle de la cession, interdit de s'intéresser « à tout commerce similaire de la société ».Ce genre de notation serait inutile si le nombre des actions cédées révélait à lui seul la nature véritable de l'acte. Mais il faut aussi avouer que l'élément supplémentaire est assez ténu, car la clause de non-concurrence prend bien en compte l'existence de la société ; elle n'est pas uniquement centrée sur le fonds exploité par celle-ci. Un tel élément n'est sans doute pas suffisant devant la Chambre commerciale, dont la position est elle aussi très catégorique, comme le montre le visa de l'arrêt Ratao.Or, l'arrêt rendu par la Cour de Versailles le 4 novembre 1987 se prêtait lui aussi à une interprétation moyenne. Il relevait que l'acte litigieux combinait plusieurs opérations incompatibles entre elles (une promesse unilatérale d'achat assortie d'un dédit, une promesse de bail commercial consentie par le bailleur et une convention de gérance à durée déterminée ; il est difficile d'acheter et de louer tout à la fois). Il indiquait que « la cession de parts sociales en leur quasi-totalité, 95 %, constituait bien, au sens de l'article 12 précitée, une vente de fonds sous forme d'un autre contrat ».C'était noyer la référence à l'article 12 et au déguisement de l'acte sous la seule considération de la quantité de parts cédées. De plus, motif aggravant, la cour d'appel commençait son analyse juridique par un motif très entier, qui est épingle dans l'arrêt du 12 février 1990 : « considérant que, même si la cession de parts ne s'analyse pas fiscalement en une cession de fonds de commerce, il n'en est pas de même dans les relations entre cédant et cessionnaire ».Les juges du fond soumis à la juridiction de la Chambre commerciale sauront mieux désormais que c'est là une voie qu'il ne faut pas suivre. En revanche, un arrêt d'appel motivé par une qualification globale des conventions entre les parties a beaucoup plus de chance de passer l'épreuve du pourvoi. Il faudra noter, élément d'analyse à l'appui, que la commune intention des parties était de céder le fonds de commerce.La Cour de Versailles (12e Ch., 25 févr. 1988, D. 1988, IR 94) a d'ailleurs rendu un arrêt de ce type depuis l'arrêt cassé, en annulant « la cession de parts de SARL qui n'a eu d'autre but que de dissimuler une cession de fonds de commerce afin de ne pas avoir à fournir les renseignements exigés par l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 » (ces expressions sont celles du sommaire de l'arrêt au Dalloz). Mais encore aimerait-on connaître les éléments qui ont permis aux magistrats de connaître la véritable intention des parties. Si cette révélation découle de la seule proportion des parts cédées dans le capital, l'arrêt n'emporte pas l'adhésion.A titre de contre-épreuve, deux arrêts de la Chambre commerciale de la Cour de cassation exigent des éléments supplémentaires pour requalifier. L'un (17 juill. 1973, D. 1973.605 ;

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Rev. sociétés 1974, note J.P. Sortais ; RTD com., 1973.830, obs. R. Houin) a approuvé la Cour de Toulouse d'avoir refusé une requalification de la cession de la totalité des actions parce que, postérieurement à la convention, la vie sociale s'était poursuivie à l'initiative du cessionnaire ; deux assemblées générales s'étaient réunies (mais l'arrêt note que la société n'avait qu'un seul actionnaire...), et une augmentation de capital avait été effectuée. Pourtant, dans ce cas, l'unicité d'actionnaire fournissait un élément de requalification tentant. La nouveauté de l'article 9 de la loi de 1966, à l'époque, l'avait désamorcé. Le second arrêt se prononce de la même manière, toujours à propos d'une société à associé unique, mais en se contenant de relever, que, pour la cour d'appel, la simulation n'était pas démontrée (Cass. com., 4 janv. 1971, Rev. sociétés, 1972.239, note J.H. ; RTD com., 1971.650, obs. A. Jauffret ; comp., avant 1966, Paris, 4 nov. 1963, RTD com., 1964.286, obs. A. Jauffret).La thèse classique : l'autonomie de la personnalité morale.M. Jean DERRUPPE a montré (obs. préc., RTD com., 1988.423) que la Chambre commerciale de la Cour de cassation n'a admis que très rarement la requalification. Pour lui, seul un arrêt du 29 novembre 1971 (Rev. sociétés 1972.703, note critique B. Oppetit) peut être cité en ce sens, mais il ne se prononce pas sur l'application de la loi de 1935 (c'est un problème de garantie due au cessionnaire nommé président du conseil d'administration, puis révoqué), et les actes en cause étaient particulièrement complexes. De plus, un autre arrêt (3 nov. 1980, Bull. civ. IV, n° 358, p. 288) a bien appliqué la loi de 1935, mais à une promesse de cession de parts souscrite par une personne se portant fort pour tous les associés ; cette personne prenait toutes les décisions nécessaires à la gestion de la société en fonction de ses seuls intérêts et s'occupait seule des affaires sociales ; la cour d'appel a pu en déduire qu'elle était le seul propriétaire exploitant.Dans un autre cas, la Chambre commerciale n'a pas censuré une cour d'appel qui assimilait à une vente de fonds de commerce la cession des parts sociales à un couple pour lui appliquer la loi de 1935 ; mais la nullité a été écartée dans cette espèce, faute d'erreur des cessionnaires (Cass. com., 2 févr. 1970, Bull. Joly 1970.528, § 183, et l'arrêt frappé de pourvoi, Paris, 5e Ch., 13 oct. 1967, même réf.). Il faut enfin citer un arrêt du 5 février 1970, de la troisième Chambre civile (Bull. Joly 1970.555, § 192), qui a admis la résiliation d'un bail commercial parce que le bailleur n'avait pas été appelé à la cession de toutes les parts de la société locataire. Mais cette décision semble isolée (Cass. civ., 3e, 22 juin 1988, Bull. civ. III, p. 63, n° 114).En revanche, les autres arrêts de la Chambre commerciale écartent la requalification, parce que les éléments de la simulation ne sont pas établis (en ce sens, 17 avr. 1972, Bull. civ. IV, n° 110, p. 111 ; 12 avr. 1976, Bull. civ. IV. p. 104, n° 121 ; 1er mars 1982, Bull. Joly, 1982.395, § 163).Le présent arrêt se distingue quand même des précédents par son visa de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966. Mais, de la sorte, il marque son attachement aux principes classiques de la personnalité morale. La cession des parts ou des actions n'équivaut pas à la cession de l'actif, même si cet actif reçoit une qualification globale, qui est celle de fonds de commerce. Le patrimoine de la société doit être distingué du patrimoine des associés ; ce n'est que dans ce dernier que l'on trouve les parts sociales, qui donnent des droits sur le patrimoine de la société.Ajoutons que la solution doit rester la même si la société dont les parts ou actions sont acquises n'a qu'un seul associé. Il faut en effet que celui-ci décide la dissolution pour que le fonds lui soit personnellement attribué (Art. 1844-5, dernier al., C. civ.). Or, dans cette hypothèse, l'associé unique ne se voit pas seulement transmettre l'actif, mais aussi le passif ; la différence avec la cession de parts ou d'actions apparaît nettement. L'idée a été discutée devant la Cour de Rouen (8 déc. 1988, Juris-data, n° 051096) à propos de la cession de toutes les parts d'une société en nom collectif à une seule personne. Cette cession n'est pas traitée

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comme une vente de fonds de commerce, car le fonds ne constituait qu'une partie des actifs de la société, le concessionnaire avait acquis les comptes créditeurs, et l'activité s'était poursuivie dans le cadre de la société.On peut être étonné, dans l'arrêt commenté, par l'absence de toute référence à la possibilité de requalification avancée par l'article 12 de la loi du 29 juin 1935. La cassation est prononcée sur les principes. Il n'est même pas dit que le nombre de parts cédées ne suffit pas, à lui seul, à justifier une assimilation de la cession de ces parts à la vente d'un fonds de commerce. La volonté de couper net aux supputations qu'ouvré l'arrêt du 17 novembre 1987 n'en est que plus claire.Dès lors, si le motif de cet arrêt de 1987 devait vraiment être pris au pied de la lettre, on serait forcé de conclure à une divergence entre les deux chambres. Nous avons pensé, dès 1987, que cette interprétation n'était pas souhaitable, et probablement pas la bonne. Mais seule la Première chambre civile peut elle-même apporter une réponse dénuée d'équivoque.Même si elle fait une place à l'habileté juridique, la position de la Chambre commerciale est de très loin préférable. Non seulement elle s'accorde mieux avec l'évolution de la jurisprudence en matière fiscale, non seulement elle correspond aux décisions précédentes de la même chambre, mais encore elle assure la sécurité juridique indispensable à ceux qui concluent de tels actes. Enfin, elle s'appuie sur des principes à la valeur éprouvée et dont les applications sont nombreuses par ailleurs.La cession de la totalité ou de la quasi-totalité des parts ou actions peut certes justifier quelques particularités. Par exemple, la Chambre commerciale elle-même lui reconnaît un caractère commercial (Cf. not. 28 nov. 1978, D. 1980.316, note. J. Cl. Bousquet ; 28 avr. 1987, Rev. sociétés, 1987.391, note J.-Cl. Bousquet ; mais les juridictions du fond ont tendance à élargir la brèche ; Trib. com. Grenoble, réf. 21 janv. 1988, Rev. jur. com., 1988.224, note D. Vidal ; Trib. com. Paris, réf. 2 avr. 1990, Bull. Joly, 1990). Seulement cette originalité (V. D. ROUX, La spécificité des cessions de contrôle, Rev. sociétés, 1980.49) ne peut aller jusqu'à dénier la nature même du bien transféré, sauf en cas de fraude ou de simulation établie.

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THEME 8

LE FONDS DE COMMERCE (3) LE DROIT AU BAIL COMMERCIAL

Pour cette séance, chaque étudiant(e) devra apporter lors de la séance de Travaux dirigés le texte des articles L 145-1, L 145-8 à L 145-13, L 145-47 à L 145- 55 du Code de commerce.

Pour les cas pratiques BILLOT et RUBANI, l’étudiant(e) devra indiquer de manière détaillée et précise les textes applicables, l’état de la jurisprudence (en citant précisément les arrêts invoqués) en s’appuyant sur les arrêts reproduits dans la fiche et sur la jurisprudence citée dans les manuels de base figurant dans la bibliographie du cours.

1. Les conditions du statut des baux commerciaux

DOCUMENT 1 : Cass. Civ. 3ème 19 mars 2008, Bull. III n° 52

Exercice M. BILLOT exploite depuis 1998 un commerce de bijoux anciens dans un magasin situé Place Vendôme à Paris qu’il loue à la société PALACE. Attenant au magasin se trouve un atelier de réparation qui appartient à un ancien joaillier de la Place Vendôme et que M. BILLOT loue également. M. BILLOT a donné son fonds de commerce en location gérance en 2000. Expliquer de manière détaillée et argumentée s’il bénéficie du statut des baux commerciaux en ce qui concerne le magasin d’une part et l’atelier d’autre part.

2. L’exécution du bail commercial

DOCUMENT 2 : Cass. Civ. 3ème 19 mai 2004, D. 2004, juris. 1669, note Y. ROUQUET (non reproduite)

Exercice Mme RUBANI exploite un commerce de ventes de vêtements pour enfants dans un petit magasin dans le centre ville de Lille qu’elle loue à la société EURALILLE. Elle a conclu un bail commercial avec cette société le 1er juin 2007. Elle vient vous consulter car elle souhaite diversifier son activité en vendant des jouets en bois pour enfants et des produits alimentaires bios pour bébés : elle veut savoir si elle doit avertir le bailleur d’une telle diversification et si ce dernier pourrait, de ce fait, lui imposer une révision du loyer.

3. La résiliation

Exercice Rechercher les arrêts Civ 3ème 10 juin 2009 : deux espèces (n° 07-18.618 SARL Halles des Viandes c/ Pugliese et a. et n° 08-14.422, Pedemonte c/ SCI Liberté 11 et a.), note F. AUQUE, JCP 2009, n° 42, 330. (arrêts disponibles sur le site internet légifrance, rubrique jurisprudence judiciaire)Faire une fiche d’arrêt détaillée sur chaque arrêt en expliquant la portée des solutions données.

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1. Les conditions du statut des baux commerciaux

DOCUMENT 1 : Cass. Civ 3ème 19 mars 2008Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties :Vu l'article L. 145-1-I-1° du code du commerce ;Attendu que les dispositions du chapitre V du titre IV du code de commerce s'appliquent aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal ; qu'en cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe ;Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2006), que, par acte du 9 août 1999, Mme X... a donné à bail à la société Thor un appartement ; que, par acte du 22 février 2002, M. Y..., venu aux droits de Mme X..., a délivré à la locataire un congé pour reprise à effet du 1er septembre 2002, puis l'a assignée en validité de ce congé ;Attendu que pour rejeter cette demande et dire que le bail liant les parties est un bail commercial, l'arrêt retient que, suivant acte notarié du 2 juillet 2001, Mme X... a vendu à M. Y... l'appartement, qu'il était stipulé à cet acte que l'entrée en jouissance aura lieu par la perception des loyers selon les conditions de location consentie par l'ancienne propriétaire à la société Thor et parfaitement connue du nouveau propriétaire, que parmi les documents annexés à l'acte de vente figure un procès verbal en date du 13 mars 2001 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble, que dans sa résolution n° 21, il est indiqué "il est fait état des nuisances résultant de l'appartement Argyropoulos lequel sert aussi bien d'entrepôt que de location au personnel du locataire en titre, le renouvellement constant de ces "sous locataires" entraînant une difficulté de gestion des étiquettes de la boîte aux lettres", que les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ne régissent pas les locations consenties à des personnes morales, le fait d'avoir utilisé pour la rédaction du contrat un document préimprimé visant cette loi ne suffisant pas pour démontrer une volonté non équivoque des parties de soumettre le bail à ces dispositions législatives, que la société Thor justifie que l'appartement loué servait à l'hébergement de son personnel, que cet hébergement était connu des copropriétaires suivant le procès-verbal de l'assemblée générale susvisé, la société utilisant aussi l'appartement comme entrepôt, que, par ailleurs, compte tenu de la nature de ses activités, de l'emploi d'un personnel en majorité d'origine étrangère travaillant pour de courtes périodes et de ce que la fourniture d'un logement constitue un avantage en nature consenti aux employés et artistes recrutés, il s'avère que ce local accessoire à l'exploitation est nécessaire à celle-ci, étant relevé que cette nécessité d'avoir un local accessoire doit s'apprécier sans considération de relogement en d'autres lieux ;Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'appartement avait été loué au vu et au su du bailleur originaire en vue de son utilisation pour l'activité principale exploitée par la société locataire dans d'autres locaux appartenant à un propriétaire différent, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée (…)

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2. L’exécution du bail commercial

DOCUMENT 2 : Cass. Civ. 3ème 19 mai 2004LA COUR : - Sur le premier moyen : - Vu l'article L. 145-47, alinéa 3, du Code du commerce, ensemble l'article L. 145-15 de ce Code ; - Attendu que, selon le premier de ces textes, lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l'alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-38, être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 novembre 2002) rendu en matière de référé, que M. X... a donné à bail à Mme Y... un local à usage de café, bar, PMU ; que par avenant du 6 février 1998 à effet du 15 janvier 1998, les parties sont convenues d'adjoindre aux activités initiales les activités de tabac, journaux, loterie moyennant une augmentation du loyer ; que des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire avant de l'assigner en constatation de la résiliation du bail ; que Mme Y... a soutenu que l'avenant était contraire aux dispositions de l'article L. 145-47 du Code de commerce ; - Attendu que, pour débouter Mme Y... de sa demande en annulation de l'avenant du 6 février 1998, l'arrêt retient que l'article L. 145-47 du Code de commerce n'interdit pas une modification contractuelle des loyers mais ne fait que préciser dans son alinéa 3 les conditions de cette modification en l'absence de dispositions conventionnelles librement consenties entre les parties ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 145-47 sont d'ordre public et ne peuvent être écartées que par une renonciation intervenant une fois acquis le droit à la déspécialisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, [...] casse et annule, [...] renvoie devant la cour d'appel de Chambéry [...].