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UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL FACULTE DE DROIT DROIT EUROPEEN DES SOCIETES Suite du fascicule de TD Tome 2 COURS DE MADAME TENENBAUM FILIERE JEAN MONNET 3 ème ANNEE

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UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL FACULTE DE DROIT

DROIT EUROPEEN DES SOCIETESSuite du fascicule de TD

Tome 2

COURS DE MADAME TENENBAUM

FILIERE JEAN MONNET3ème ANNEE

2013/2014

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SOMMAIRE

Thème 4 : La Société européenne

Thème 5 : Les procédures d’insolvabilité

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THEME 6

LA SOCIETE EUROPENNE

1. Les textes

Le règlement n° 2157/2001 du Conseil de l’Union européenne du 8 octobre 2001 portant statut de la société européenne (SE) : JOCE n° L 294, 10 novembre 2001, p. 1.

La directive 2001/86 du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne sur l’implication des travailleurs : JOCE n° L 294, 10 novembre 2001, p. 22. (non reproduite)

2. Doctrine et rapport

Documents reproduits- J. BEGUIN, « Le rattachement de la société européenne » in La société européenne,

organisation juridique et fiscale, intérêts et perspectives, Dalloz 2003, p. 31- F. BLANQUET, « Pourquoi créer une société européenne ? » in La société européenne,

organisation juridique et fiscale, intérêts et perspectives, Dalloz 2003, p. 3- COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENT du 17 novembre 2010 (EXTRAITS)Accompanying document to the Report from the Commission to the European Parliament and the Council on the application of Council Regulation 2157/2001 of 8 October 2001 on the Statute for a European Company (SE) COM(2010) 676

Documents complémentaires non reproduits- G. BLANC, « La société européenne : la pluralité des rattachements en question », D.

2002.1052 - N. LENOIR, P.-P. BRUNEAU et M. MENJUCQ, « Les enjeux de la localisation de la SE

dans l’espace européen », Droit et patrimoine, n° 163 oct. 2007, p. 62- M. LUBY, « La Societas europea (SE) : beaucoup de bruit pour rien (ou si peu…) ! »,

Droit des sociétés février 2002, p. 4- V. MAGNIER, « La société européenne en question », Rev. crit. DIP 2004, p. 555 - M. MENJUCQ, « Rattachement de la Société européenne et jurisprudence

communautaire sur la liberté d’établissement : incompatibilité ou paradoxe ? », D. 2003.2874

Piste de travail En vous appuyant sur les documents reproduits et indiqués en complément, commenter la réflexion de M. MENJUCQ (extr.du Jurisclasseur Sociétés, fasc. 195-10) : « En raison de la dualité de son rattachement, la SE est une société européenne à variation nationale »

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Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE)

Journal officiel n° L 294 du 10/11/2001 p. 0001 - 0021

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 308,vu la proposition de la Commission(1),vu l'avis du Parlement européen(2),vu l'avis du Comité économique et social(3),

considérant ce qui suit:

(1) L'achèvement du marché intérieur et l'amélioration de la situation économique et sociale qu'il entraîne dans l'ensemble de la Communauté impliquent, outre l'élimination des entraves aux échanges, une adaptation des structures de production à la dimension de la Communauté. À cette fin, il est indispensable que les entreprises dont l'activité n'est pas limitée à la satisfaction de besoins purement locaux puissent concevoir et entreprendre la réorganisation de leurs activités au niveau communautaire.

(2) Une telle réorganisation suppose que les entreprises existantes d'États membres différents aient la faculté de mettre en commun leur potentiel par voie de fusion. De telles opérations ne peuvent être réalisées que dans le respect des règles de concurrence du traité.

(3) La réalisation d'opérations de restructuration et de coopération impliquant des entreprises d'États membres différents se heurte à des difficultés d'ordre juridique, psychologique et fiscal. Le rapprochement du droit des sociétés des États membres par voie de directives fondées sur l'article 44 du traité est de nature à remédier à certaines de ces difficultés. Ce rapprochement ne dispense toutefois pas les entreprises relevant de législations différentes de choisir une forme de société régie par une législation nationale déterminée.

(4) Le cadre juridique dans lequel les entreprises doivent exercer leurs activités dans la Communauté reste principalement fondé sur des législations nationales et ne correspond donc plus au cadre économique dans lequel elles doivent se développer pour permettre la réalisation des objectifs énoncés à l'article 18 du traité. Cette situation entrave considérablement le regroupement entre sociétés d'États membres différents.

(5) Les États membres sont tenus de veiller à ce que les dispositions applicables aux sociétés européennes en vertu du présent règlement n'aboutissent ni à des discriminations résultant de l'application d'un traitement différent injustifié aux sociétés européennes par rapport aux sociétés anonymes, ni à des restrictions disproportionnées à la formation d'une société européenne ou au transfert de son siège statutaire.

(6) Il est essentiel de faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que l'unité économique et l'unité juridique de l'entreprise dans la Communauté coïncident. Il convient à cet effet de prévoir la création, à côté des sociétés relevant d'un droit national donné, de sociétés dont la constitution et les activités sont régies par le droit résultant d'un règlement communautaire directement applicable dans tous les États membres.

(7) Les dispositions d'un tel règlement permettront la création et la gestion de sociétés de dimension européenne en dehors de toute entrave résultant de la disparité et de l'application territoriale limitée du droit national des sociétés.

(8) Le statut de la société anonyme européenne (ci-après dénommée "SE") figure parmi les actes que le Conseil devait adopter avant 1992 aux termes du Livre blanc de la Commission sur l'achèvement du marché intérieur qui a été approuvé par le Conseil européen qui s'est réuni en juin 1985 à Milan. Lors de sa réunion de Bruxelles en 1987, le Conseil européen a manifesté le souhait qu'un tel statut soit rapidement mis en place.

(9) Depuis que la Commission a présenté, en 1970, une proposition, modifiée en 1975, de règlement portant un statut des sociétés anonymes européennes, les travaux portant sur le rapprochement du droit national des sociétés ont notablement progressé, de sorte que, dans des domaines où le fonctionnement d'une SE n'exige pas de règles

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communautaires uniformes, il peut être renvoyé à la législation régissant les sociétés anonymes de l'État membre du siège statutaire de la SE.

(10) L'objectif essentiel poursuivi par le régime juridique régissant la SE exige, au minimum, sans préjudice des nécessités économiques qui pourraient apparaître à l'avenir, qu'une SE puisse être constituée aussi bien pour permettre à des sociétés d'États membres différents de fusionner ou de créer une société holding que pour donner la possibilité à des sociétés et à d'autres personnes morales exerçant une activité économique et relevant du droit d'États membres différents de créer des filiales communes.

(11) Dans le même esprit, il convient de permettre à une société anonyme ayant son siège statutaire et son administration centrale dans la Communauté de se transformer en SE sans passer par une dissolution, à condition que cette société ait une filiale dans un État membre autre que celui de son siège statutaire.

(12) Les dispositions nationales applicables aux sociétés anonymes qui proposent leurs titres au public ainsi qu'aux transactions de titres doivent également s'appliquer lorsque la SE est constituée par la voie d'une offre de titres au public ainsi qu'aux SE qui souhaitent faire usage de ce type d'instruments financiers.

(13) La SE elle-même doit avoir la forme d'une société de capitaux par actions, qui répond le mieux, du point de vue du financement et de la gestion, aux besoins d'une entreprise exerçant ses activités à l'échelle européenne. Pour assurer que ces sociétés ont une dimension raisonnable, il convient de fixer un capital minimum de sorte qu'elles disposent d'un patrimoine suffisant, sans pour autant entraver les constitutions de SE par des petites et moyennes entreprises.

(14) Une SE doit faire l'objet d'une gestion efficace et d'une surveillance adéquate. Il y a lieu de tenir compte du fait qu'il existe actuellement dans la Communauté deux systèmes différents pour ce qui concerne l'administration des sociétés anonymes. Il convient, tout en permettant à la SE de choisir entre les deux systèmes, d'opérer une délimitation claire entre les responsabilités des personnes chargées de la gestion et de celles chargées de la surveillance.

(15) En vertu des règles et des principes généraux du droit international privé, lorsqu'une entreprise contrôle une autre entreprise relevant d'un ordre juridique différent, ses droits et obligations en matière de protection des actionnaires minoritaires et des tiers sont régis par le droit dont relève l'entreprise contrôlée, sans préjudice des obligations auxquelles l'entreprise qui exerce le contrôle est soumise en vertu des dispositions du droit dont elle relève, par exemple en matière d'établissement de comptes consolidés.

(16) Sans préjudice des conséquences de toute coordination ultérieure du droit des États membres, une réglementation spécifique pour la SE n'est actuellement pas requise dans ce domaine. Il convient dès lors que les règles et principes généraux du droit international privé s'appliquent tant dans le cas où la SE exerce le contrôle que dans le cas où la SE est la société contrôlée.

(17) Il y a lieu de préciser le régime effectivement applicable dans le cas où la SE est contrôlée par une autre entreprise et de renvoyer à cet effet au droit applicable aux sociétés anonymes dans l'État membre du siège statutaire de la SE.

(18) Chaque État membre doit être tenu d'appliquer, pour les infractions aux dispositions du présent règlement, les sanctions applicables aux sociétés anonymes relevant de sa législation.

(19) Les règles relatives à l'implication des travailleurs dans la SE font l'objet de la directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs(4). Ces dispositions forment dès lors un complément indissociable du présent règlement et elles doivent être appliquées de manière concomitante.

(20) Le présent règlement ne couvre pas d'autres domaines du droit tels que la fiscalité, la concurrence, la propriété intellectuelle, ou l'insolvabilité. Par conséquent, les dispositions du droit des États membres et du droit communautaire sont applicables dans ces domaines, ainsi que dans d'autres domaines non couverts par le présent règlement.

(21) La directive 2001/86/CE vise à assurer aux travailleurs un droit d'implication en ce qui concerne les questions et décisions affectant la vie de la SE. Les autres questions relevant du droit social et du droit du travail, notamment le droit à l'information et à la consultation des travailleurs tel qu'il est organisé dans les États

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membres, sont régies par les dispositions nationales applicables, dans les mêmes conditions, aux sociétés anonymes.

(22) L'entrée en vigueur du règlement doit être différée pour permettre à chaque État membre de transposer en droit national les dispositions de la directive 2001/86/CE et de mettre en place au préalable les mécanismes nécessaires pour la constitution et le fonctionnement des SE ayant leur siège statutaire sur son territoire, de sorte que le règlement et la directive puissent être appliqués de manière concomitante.

(23) Une société n'ayant pas son administration centrale dans la Communauté doit être autorisée à participer à la constitution d'une SE à condition qu'elle soit constituée selon le droit d'un État membre, qu'elle ait son siège statutaire dans cet État membre et qu'elle ait un lien effectif et continu avec l'économie d'un État membre conformément aux principes établis dans le programme général de 1962 pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement. Un tel lien existe notamment si la société a un établissement dans l'État membre à partir duquel elle mène des opérations.

(24) Une SE doit avoir la possibilité de transférer son siège statutaire dans un autre État membre. La protection appropriée des intérêts des actionnaires minoritaires qui s'opposent au transfert des créanciers et des titulaires d'autres droits doit s'inscrire dans des limites raisonnables. Le transfert ne doit pas affecter les droits nés avant le transfert.

(25) Le présent règlement ne préjuge pas les dispositions qui seront éventuellement insérées dans la Convention de Bruxelles de 1968 ou dans tout texte adopté par les États membres ou par le Conseil qui se substituerait à cette convention, concernant les règles de compétence applicables en cas de transfert du siège statutaire d'une société anonyme d'un État membre vers un autre.

(26) Les activités des établissements financiers sont régies par des directives spécifiques et les dispositions nationales transposant lesdites directives et les règles nationales supplémentaires régissant lesdites activités sont pleinement applicables à une SE.

(27) Compte tenu de la nature spécifique et communautaire de la SE, le régime du siège réel retenu pour la SE par le présent règlement ne porte pas préjudice aux législations des États membres et ne préjuge pas les choix qui pourront être faits pour d'autres textes communautaires en matière de droit des sociétés.

(28) Le traité ne prévoit pas, pour l'adoption du présent règlement, d'autres pouvoirs d'action que ceux de l'article 308.

(29) Étant donné que les objectifs de l'action envisagée, tels qu'esquissés ci-dessus, ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres dans la mesure où il s'agit d'établir la SE au niveau européen et peuvent donc, en raison de l'échelle et de l'incidence de celle-ci, être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, le présent règlement n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs,

A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

TITRE I DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier1. Une société peut être constituée sur le territoire de la Communauté sous la forme d'une société anonyme européenne (Societas Europaea, ci-après dénommée "SE") dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement.2. La SE est une société dont le capital est divisé en actions. Chaque actionnaire ne s'engage qu'à concurrence du capital qu'il a souscrit.3. La SE a la personnalité juridique.

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4. L'implication des travailleurs dans une SE est régie par les dispositions de la directive 2001/86/CE.

Article 21. Les sociétés anonymes qui figurent à l'annexe I, constituées selon le droit d'un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté, peuvent constituer une SE par voie de fusion si deux d'entre elles au moins relèvent du droit d'États membres différents.2. Les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée qui figurent à l'annexe II, constituées selon le droit d'un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté, peuvent promouvoir la constitution d'une SE holding si deux d'entre elles au moins:a) relèvent du droit d'États membres différents, oub) ont depuis au moins deux ans une société filiale relevant du droit d'un autre État membre ou une succursale située dans un autre État membre.3. Les sociétés, au sens de l'article 48, deuxième alinéa, du traité, ainsi que d'autres entités juridiques de droit public ou privé, constituées selon le droit d'un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté, peuvent constituer une SE filiale en souscrivant ses actions, si deux d'entre elles au moins:a) relèvent du droit d'États membres différents, oub) ont depuis au moins deux ans une société filiale relevant du droit d'un autre État membre ou une succursale située dans un autre État membre.4. Une société anonyme, constituée selon le droit d'un État membre et ayant son siège statutaire et son administration centrale dans la Communauté, peut se transformer en SE si elle a depuis au moins deux ans une société filiale relevant du droit d'un autre État membre.5. Un État membre peut prévoir qu'une société n'ayant pas son administration centrale dans la Communauté peut participer à la constitution d'une SE, si elle est constituée selon le droit d'un État membre, a son siège statutaire dans ce même État membre et a un lien effectif et continu avec l'économie d'un État membre.

Article 31. Aux fins de l'article 2, paragraphes 1, 2 et 3, la SE est considérée comme une société anonyme relevant du droit de l'État membre de son siège statutaire.2. Une SE peut elle-même constituer une ou plusieurs filiales sous forme de SE. Les dispositions de l'État membre du siège statutaire de la SE filiale exigeant qu'une société anonyme ait plus d'un actionnaire ne sont pas d'application pour la SE filiale. Les dispositions nationales adoptées conformément à la douzième directive 89/667/CEE du Conseil du 21 décembre 1989 en matière de droit des sociétés concernant les sociétés à responsabilité limitée à un seul associé(5) s'appliquent mutatis mutandis aux SE.

Article 41. Le capital de la SE est exprimé en euros.2. Le capital souscrit doit être d'au moins 120000 euros.3. La législation d'un État membre prévoyant un capital souscrit plus élevé pour les sociétés exerçant certains types d'activités s'applique aux SE ayant leur siège statutaire dans cet État membre.

Article 5Sous réserve de l'article 4, paragraphes 1 et 2, le capital de la SE, son maintien, ses modifications ainsi que les actions, les obligations et autres titres assimilables de la SE sont régis par les dispositions qui s'appliqueraient à une société anonyme ayant son siège statutaire dans l'État membre où la SE est immatriculée.

Article 6Aux fins du présent règlement, l'expression "statuts de la SE" désigne à la fois l'acte constitutif et, lorsqu'ils font l'objet d'un acte séparé, les statuts proprement dits de la SE.

Article 7Le siège statutaire de la SE est situé à l'intérieur de la Communauté, dans le même État membre que l'administration centrale. Un État membre peut en outre imposer aux SE immatriculées sur son territoire l'obligation d'avoir leur administration centrale et leur siège statutaire au même endroit.

Article 81. Le siège statutaire de la SE peut être transféré dans un autre État membre conformément aux paragraphes 2 à 13. Ce transfert ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle.2. Un projet de transfert doit être établi par l'organe de direction ou d'administration et faire l'objet d'une publicité conformément à l'article 13, sans préjudice de formes de publicité additionnelles prévues par l'État

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membre du siège. Ce projet mentionne la dénomination sociale, le siège statutaire et le numéro d'immatriculation actuels de la SE et comprend:a) le siège statutaire envisagé pour la SE; b) les statuts envisagés pour la SE, y compris, le cas échéant, sa nouvelle dénomination sociale; c) les conséquences que le transfert pourrait avoir pour l'implication des travailleurs dans la SE; d) le calendrier envisagé pour le transfert; e) tous les droits prévus en matière de protection des actionnaires et/ou des créanciers.3. L'organe de direction ou d'administration établit un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques du transfert et expliquant les conséquences du transfert pour les actionnaires, les créanciers et les travailleurs.4. Les actionnaires et les créanciers de la SE ont, au moins un mois avant l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le transfert, le droit d'examiner, au siège de la SE, le projet de transfert et le rapport établi en application du paragraphe 3, et d'obtenir gratuitement, à leur demande, des copies de ces documents.5. Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les SE immatriculées sur son territoire, des dispositions destinées à assurer une protection appropriée aux actionnaires minoritaires qui se sont prononcés contre le transfert.6. La décision de transfert ne peut intervenir que deux mois après la publication du projet. Elle doit être prise dans les conditions prévues à l'article 59.7. Avant que l'autorité compétente ne délivre le certificat visé au paragraphe 8, la SE doit prouver qu'en ce qui concerne les créances nées antérieurement à la publication du projet de transfert, les intérêts des créanciers et titulaires d'autres droits envers la SE (y compris ceux des entités publiques) bénéficient d'une protection adéquate conformément aux dispositions prévues par l'État membre où la SE a son siège statutaire avant le transfert.Un État membre peut étendre l'application du premier alinéa aux créances nées (ou susceptibles de naître) avant le transfert.Le premier et le deuxième alinéas sont sans préjudice de l'application aux SE de la législation nationale des États membres en ce qui concerne le désintéressement ou la garantie des paiements en faveur des entités publiques.8. Dans l'État membre du siège statutaire de la SE, un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente délivre un certificat attestant d'une manière concluante l'accomplissement des actes et des formalités préalables au transfert.9. La nouvelle immatriculation ne peut s'effectuer que sur présentation du certificat visé au paragraphe 8 ainsi que sur preuve de l'accomplissement des formalités exigées pour l'immatriculation dans le pays du nouveau siège statutaire.10. Le transfert du siège statutaire de la SE, ainsi que la modification des statuts qui en résulte, prennent effet à la date à laquelle la SE est immatriculée, conformément à l'article 12, au registre du nouveau siège.11. Lorsque la nouvelle immatriculation de la SE a été effectuée, le registre de la nouvelle immatriculation le notifie au registre de l'ancienne immatriculation. La radiation de l'ancienne immatriculation s'effectue dès réception de la notification, mais pas avant.12. La nouvelle immatriculation et la radiation de l'ancienne immatriculation sont publiées dans les États membres concernés conformément à l'article 13.13. La publication de la nouvelle immatriculation de la SE rend le nouveau siège statutaire opposable aux tiers. Toutefois, tant que la publication de la radiation de l'immatriculation au registre du précédent siège n'a pas eu lieu, les tiers peuvent continuer de se prévaloir de l'ancien siège, à moins que la SE ne prouve que ceux-ci avaient connaissance du nouveau siège.14. La législation d'un État membre peut prévoir, en ce qui concerne les SE immatriculées dans celui-ci, qu'un transfert du siège statutaire, dont résulterait un changement du droit applicable, ne prend pas effet si, dans le délai de deux mois visé au paragraphe 6, une autorité compétente de cet État s'y oppose. Cette opposition ne peut avoir lieu que pour des raisons d'intérêt public.Lorsqu'une SE est soumise au contrôle d'une autorité nationale de surveillance financière conformément aux directives communautaires, le droit de s'opposer au transfert du siège statutaire s'applique également à cette autorité.L'opposition est susceptible de recours devant une autorité judiciaire.15. Une SE à l'égard de laquelle a été entamée une procédure de dissolution, de liquidation, d'insolvabilité, de suspension de paiements ou d'autres procédures analogues ne peut transférer son siège statutaire.16. Une SE qui a transféré son siège statutaire dans un autre État membre est considérée, aux fins de tout litige survenant avant le transfert tel qu'il est déterminé au paragraphe 10, comme ayant son siège statutaire dans l'État membre où la SE était immatriculée avant le transfert, même si une action est intentée contre la SE après le transfert.

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Article 91. La SE est régie:a) par les dispositions du présent règlement; b) lorsque le présent règlement l'autorise expressément, par les dispositions des statuts de la SE,ouc) pour les matières non réglées par le présent règlement ou, lorsqu'une matière l'est partiellement, pour les aspects non couverts par le présent règlement par:i) les dispositions de loi adoptées par les États membres en application de mesures communautaires visant spécifiquement les SE; ii) les dispositions de loi des États membres qui s'appliqueraient à une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire; iii) les dispositions des statuts de la SE, dans les mêmes conditions que pour une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire.2. Les dispositions de loi adoptées par les États membres spécifiquement pour la SE doivent être conformes aux directives applicables aux sociétés anonymes figurant à l'annexe I.3. Si la nature des activités exercées par une SE est régie par des dispositions spécifiques de la législation nationale, celles-ci s'appliquent intégralement à la SE.

Article 10Sous réserve des dispositions du présent règlement, une SE est traitée dans chaque État membre comme une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire.

Article 111. La SE doit faire précéder ou suivre sa dénomination sociale du sigle "SE".2. Seules les SE peuvent faire figurer le sigle "SE" dans leur dénomination sociale.3. Néanmoins, les sociétés et les autres entités juridiques immatriculées dans un État membre avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, dans la dénomination sociale desquelles figure le sigle "SE", ne sont pas tenues de modifier leur dénomination sociale.

Article 121. Toute SE est immatriculée dans l'État membre de son siège statutaire dans un registre désigné par la législation de cet État membre conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE du Conseil du 9 mars 1968 tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58, deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers(6).2. Une SE ne peut être immatriculée que si un accord sur les modalités relatives à l'implication des travailleurs au sens de l'article 4 de la directive 2001/86/CE a été conclu, ou si une décision au titre de l'article 3, paragraphe 6, de ladite directive a été prise, ou encore si la période prévue à l'article 5 de ladite directive pour mener les négociations est arrivée à expiration sans qu'un accord n'ait été conclu.3. Pour qu'une SE puisse être immatriculée dans un État membre ayant fait usage de la faculté visée à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 2001/86/CE, il faut qu'un accord, au sens de l'article 4 de ladite directive, sur les modalités relatives à l'implication des travailleurs, y compris la participation, ait été conclu, ou qu'aucune des sociétés participantes n'ait été régie par des règles de participation avant l'immatriculation de la SE.4. Les statuts de la SE ne doivent à aucun moment entrer en conflit avec les modalités relatives à l'implication des travailleurs qui ont été fixées. Lorsque de nouvelles modalités fixées conformément à la directive 2001/86/CE entrent en conflit avec les statuts existants, ceux-ci sont modifiés dans la mesure nécessaire.En pareil cas, un État membre peut prévoir que l'organe de direction ou l'organe d'administration de la SE a le droit d'apporter des modifications aux statuts sans nouvelle décision de l'assemblée générale des actionnaires.

Article 13Les actes et indications concernant la SE, soumis à publicité par le présent règlement, font l'objet d'une publicité effectuée selon les modes prévus par la législation de l'État membre du siège statutaire de la SE conformément à la directive 68/151/CEE.

Article 141. L'immatriculation et la radiation de l'immatriculation d'une SE font l'objet d'un avis publié pour information au Journal officiel des Communautés européennes après la publication effectuée conformément à l'article 13. Cet avis comporte la dénomination sociale, le numéro, la date et le lieu d'immatriculation de la SE, la date, le lieu et le titre de la publication, ainsi que le siège statutaire et le secteur d'activité de la SE.

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2. Le transfert du siège statutaire de la SE dans les conditions prévues à l'article 8 donne lieu à un avis comportant les indications prévues au paragraphe 1, ainsi que celles relatives à la nouvelle immatriculation.3. Les indications visées au paragraphe 1 sont communiquées à l'Office des publications officielles des Communautés européennes dans le mois suivant la publication visée à l'article 13.

TITRE II CONSTITUTION

Section 1   :Généralités

Article 151. Sous réserve des dispositions du présent règlement, la constitution d'une SE est régie par la loi applicable aux sociétés anonymes de l'État où la SE fixe son siège statutaire.2. L'immatriculation d'une SE fait l'objet d'une publicité conformément à l'article 13.

Article 161. La SE acquiert la personnalité juridique le jour de son immatriculation au registre visé à l'article 12.2. Si des actes ont été accomplis au nom de la SE avant son immatriculation conformément à l'article 12 et si la SE ne reprend pas, après cette immatriculation, les engagements résultant de tels actes, les personnes physiques, sociétés ou autres entités juridiques qui les ont accomplis en sont solidairement et indéfiniment responsables, sauf convention contraire.

Section 2   : Constitution d'une SE par voie de fusion

Article 171. Une SE peut être constituée par voie de fusion conformément à l'article 2, paragraphe 1.2. La fusion peut être réalisée:a) selon la procédure de fusion par absorption conformément à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 78/855/CEE(7), oub) selon la procédure de fusion par constitution d'une nouvelle société conformément à l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive.Dans le cas d'une fusion par absorption, la société absorbante prend la forme de SE simultanément à la fusion. Dans le cas d'une fusion par constitution d'une nouvelle société, la SE est la nouvelle société.

Article 18Pour les matières non couvertes par la présente section ou, lorsqu'une matière l'est partiellement, pour les aspects non couverts par elle, chaque société participant à la constitution d'une SE par voie de fusion est soumise aux dispositions du droit de l'État membre dont elle relève qui sont applicables à la fusion de sociétés anonymes conformément à la directive 78/855/CEE.

Article 19La législation d'un État membre peut prévoir qu'une société relevant du droit de cet État membre ne peut participer à la constitution d'une SE par voie de fusion si une autorité compétente de cet État membre s'y oppose avant la délivrance du certificat visé à l'article 25, paragraphe 2.Cette opposition ne peut avoir lieu que pour des raisons d'intérêt public. Elle est susceptible de recours devant une autorité judiciaire.

Article 201. Les organes de direction ou d'administration des sociétés qui fusionnent établissent un projet de fusion. Ce projet comprend:a) la dénomination sociale et le siège statutaire des sociétés qui fusionnent ainsi que ceux envisagés pour la SE; b) le rapport d'échange des actions et, le cas échéant, le montant de la soulte; c) les modalités de remise des actions de la SE; d) la date à partir de laquelle ces actions donnent le droit de participer aux bénéfices ainsi que toute modalité particulière relative à ce droit; e) la date à partir de laquelle les opérations des sociétés qui fusionnent sont considérées du point de vue comptable comme accomplies pour le compte de la SE;

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f) les droits assurés par la SE aux actionnaires ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres autres que des actions ou les mesures envisagées à leur égard; g) tout avantage particulier attribué aux experts qui examinent le projet de fusion ainsi qu'aux membres des organes d'administration, de direction, de surveillance ou de contrôle des sociétés qui fusionnent; h) les statuts de la SE; i) des informations sur les procédures selon lesquelles les modalités relatives à l'implication des travailleurs sont fixées conformément à la directive 2001/86/CE.2. Les sociétés qui fusionnent peuvent ajouter d'autres éléments au projet de fusion.

Article 21Pour chacune des sociétés qui fusionnent et sous réserve des exigences supplémentaires imposées par l'État membre dont relève la société concernée, les indications suivantes doivent être publiées dans le bulletin national de cet État membre:a) la forme, la dénomination sociale et le siège statutaire de chacune des sociétés qui fusionnent; b) le registre auprès duquel les actes visés à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 68/151/CEE ont été déposés pour chacune des sociétés qui fusionnent, ainsi que le numéro d'inscription dans ce registre; c) une indication des modalités d'exercice des droits des créanciers de la société en question, fixées conformément à l'article 24, ainsi que l'adresse à laquelle peut être obtenue, gratuitement, une information exhaustive sur ces modalités; d) une indication des modalités d'exercice des droits des actionnaires minoritaires de la société en question, fixées conformément à l'article 24, ainsi que l'adresse à laquelle peut être obtenue, sans frais, une information exhaustive sur ces modalités; e) la dénomination sociale et le siège statutaire envisagés pour la SE.

Article 22En lieu et place des experts opérant pour le compte de chacune des sociétés qui fusionnent, un ou plusieurs experts indépendants, au sens de l'article 10 de la directive 78/855/CEE, désignés à cet effet et sur demande conjointe de ces sociétés par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève l'une des sociétés qui fusionnent ou la future SE, peuvent examiner le projet de fusion et établir un rapport unique destiné à l'ensemble des actionnaires.Les experts ont le droit de demander à chacune des sociétés qui fusionnent toute information qu'ils jugent nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission.

Article 231. L'assemblée générale de chacune des sociétés qui fusionnent approuve le projet de fusion.2. L'implication des travailleurs dans la SE est décidée conformément à la directive 2001/86/CE. L'assemblée générale de chacune des sociétés qui fusionnent peut subordonner le droit à l'immatriculation de la SE à la condition qu'elle entérine expressément les modalités ainsi décidées.

Article 241. Le droit de l'État membre dont relève chacune des sociétés qui fusionnent s'applique comme en cas de fusion de sociétés anonymes, compte tenu du caractère transfrontière de la fusion, en ce qui concerne la protection des intérêts:a) des créanciers des sociétés qui fusionnent; b) des obligataires des sociétés qui fusionnent; c) des porteurs de titres, autres que des actions, auxquels sont attachés des droits spéciaux dans les sociétés qui fusionnent.2. Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les sociétés qui fusionnent et qui relèvent de son droit, des dispositions destinées à assurer une protection appropriée aux actionnaires minoritaires qui se sont prononcés contre la fusion.

Article 251. Le contrôle de la légalité de la fusion est effectué, pour la partie de la procédure relative à chaque société qui fusionne, conformément à la loi relative à la fusion des sociétés anonymes qui est applicable dans l'État membre dont elle relève.2. Dans chaque État membre concerné, un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente délivre un certificat attestant d'une manière concluante l'accomplissement des actes et des formalités préalables à la fusion.3. Si le droit d'un État membre dont relève une société qui fusionne prévoit une procédure permettant d'analyser et de modifier le rapport d'échange des actions, ou une procédure visant à indemniser les actionnaires minoritaires, sans empêcher l'immatriculation de la fusion, ces procédures ne s'appliquent que si les autres

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sociétés qui fusionnent et qui sont situées dans un État membre ne prévoyant pas ce type de procédures acceptent explicitement, lorsqu'elles approuvent le projet de fusion conformément à l'article 23, paragraphe 1, la possibilité offerte aux actionnaires de la société qui fusionne dont il est question d'avoir recours auxdites procédures. Dans ce cas, un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente peut délivrer le certificat visé au paragraphe 2, même si une procédure de ce type a été engagée. Le certificat doit cependant mentionner que la procédure est en cours. La décision prise à l'issue de la procédure lie la société absorbante et l'ensemble de ses actionnaires.

Article 261. Le contrôle de la légalité de la fusion est effectué, pour la partie de la procédure relative à la réalisation de la fusion et à la constitution de la SE, par un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente dans l'État membre du futur siège statutaire de la SE pour contrôler cet aspect de la légalité de la fusion de sociétés anonymes.2. À cette fin, chaque société qui fusionne remet à cette autorité le certificat visé à l'article 25, paragraphe 2, dans un délai de six mois à compter de sa délivrance ainsi qu'une copie du projet de fusion, approuvé par la société.3. L'autorité visée au paragraphe 1 contrôle en particulier que les sociétés qui fusionnent ont approuvé un projet de fusion dans les mêmes termes et que des modalités relatives à l'implication des travailleurs ont été fixées conformément à la directive 2001/86/CE.4. Cette autorité contrôle en outre que la constitution de la SE répond aux conditions fixées par la loi de l'État membre du siège, conformément à l'article 15.

Article 271. La fusion et la constitution simultanée de la SE prennent effet à la date à laquelle la SE est immatriculée conformément à l'article 12.2. La SE ne peut être immatriculée qu'après l'accomplissement de toutes les formalités prévues aux articles 25 et 26.

Article 28Pour chacune des sociétés qui fusionnent, la réalisation de la fusion fait l'objet d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par la loi de chaque État membre, conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE.

Article 291. La fusion réalisée conformément à l'article 17, paragraphe 2, point a), entraîne ipso jure et simultanément les effets suivants:a) la transmission universelle à la société absorbante de l'ensemble du patrimoine actif et passif de chaque société absorbée; b) les actionnaires de la société absorbée deviennent actionnaires de la société absorbante; c) la société absorbée cesse d'exister; d) la société absorbante prend la forme de SE.2. La fusion réalisée conformément à l'article 17, paragraphe 2, point b), entraîne ipso jure et simultanément les effets suivants:a) la transmission universelle de l'ensemble du patrimoine actif et passif des sociétés qui fusionnent à la SE; b) les actionnaires des sociétés qui fusionnent deviennent actionnaires de la SE; c) les sociétés qui fusionnent cessent d'exister.3. Lorsqu'en cas de fusion de sociétés anonymes, la loi d'un État membre requiert des formalités particulières pour l'opposabilité aux tiers du transfert de certains biens, droits et obligations apportés par les sociétés qui fusionnent, ces formalités s'appliquent et sont effectuées, soit par les sociétés qui fusionnent, soit par la SE à dater de son immatriculation.4. Les droits et obligations des sociétés participantes en matière de conditions d'emploi résultant de la législation, de la pratique et de contrats de travail individuels ou des relations de travail au niveau national et existant à la date de l'immatriculation sont transférés à la SE au moment de l'immatriculation du fait même de celle-ci.

Article 30La nullité d'une fusion au sens de l'article 2, paragraphe 1, ne peut être prononcée lorsque la SE a été immatriculée.L'absence de contrôle de la légalité de la fusion conformément aux articles 25 et 26 peut constituer une cause de dissolution de la SE.

Article 311. Lorsqu'une fusion conformément à l'article 17, paragraphe 2, point a), est réalisée par une société qui détient toutes les actions et autres titres conférant des droits de vote dans l'assemblée générale d'une autre société, les

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dispositions de l'article 20, paragraphe 1, points b), c) et d), de l'article 22, et de l'article 29, paragraphe 1, point b), ne sont pas d'application. Toutefois, les dispositions nationales dont relève chacune des sociétés qui fusionnent et qui régissent les fusions de sociétés anonymes conformément à l'article 24 de la directive 78/855/CEE s'appliquent.2. Lorsqu'une fusion par absorption est effectuée par une société qui détient 90 % ou plus mais pas la totalité des actions ou autres titres conférant un droit de vote dans l'assemblée générale d'une autre société, les rapports de l'organe de direction ou d'administration, les rapports d'un ou de plusieurs experts indépendants ainsi que les documents nécessaires pour le contrôle seront requis uniquement dans la mesure où ils sont requis par la loi nationale dont relève la société absorbante ou par la loi nationale dont relève la société absorbée.Les États membres peuvent toutefois prévoir que le présent paragraphe peut s'appliquer lorsqu'une société détient des actions conférant 90 % ou plus mais pas la totalité des droits de vote.

Section 3   : Constitution d'une SE holding

Article 321. Une SE peut être constituée conformément à l'article 2, paragraphe 2.Les sociétés qui promeuvent la constitution d'une SE, conformément à l'article 2, paragraphe 2, subsistent.2. Les organes de direction ou d'administration des sociétés qui promeuvent l'opération établissent dans les mêmes termes un projet de constitution de la SE. Ce projet comporte un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de la constitution et indiquant les conséquences pour les actionnaires et pour les travailleurs de l'adoption de la forme de SE. Ce projet comporte en outre les indications prévues à l'article 20, paragraphe 1, points a), b), c), f), g), h) et i), et fixe le pourcentage minimal des actions ou parts de chacune des sociétés promouvant l'opération que les actionnaires devront apporter pour que la SE soit constituée. Ce pourcentage doit consister en actions conférant plus de 50 % des droits de vote permanents.3. Pour chacune des sociétés promouvant l'opération, le projet de constitution de SE fait l'objet d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par la loi de chaque État membre, conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE, un mois au moins avant la date de la réunion de l'assemblée générale appelée à se prononcer sur l'opération.4. Un ou plusieurs experts indépendants des sociétés promouvant l'opération, désignés ou agréés par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève chaque société selon les dispositions nationales adoptées en application de la directive 78/855/CEE, examinent le projet de constitution établi conformément au paragraphe 2 et établissent un rapport écrit destiné aux actionnaires de chaque société. Par accord entre les sociétés qui promeuvent l'opération, un rapport écrit peut être établi, pour les actionnaires de l'ensemble des sociétés, par un ou plusieurs experts indépendants désignés ou agréés par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève l'une des sociétés promouvant l'opération ou la future SE selon les dispositions nationales adoptées en application de la directive 78/855/CEE.5. Le rapport doit indiquer les difficultés particulières d'évaluation et déclarer si le rapport d'échange d'actions ou de parts envisagé est ou non pertinent et raisonnable, en précisant les méthodes suivies pour sa détermination et si ces méthodes sont adéquates en l'espèce.6. L'assemblée générale de chacune des sociétés qui promeuvent l'opération approuve le projet de constitution de SE.L'implication des travailleurs dans la SE est décidée conformément aux dispositions de la directive 2001/86/CE. L'assemblée générale de chacune des sociétés qui promeuvent l'opération peut subordonner le droit à l'immatriculation de la SE à la condition qu'elle entérine expressément les modalités ainsi décidées.7. Les dispositions du présent article s'appliquent, mutatis mutandis, aux sociétés à responsabilité limitée.

Article 331. Les actionnaires ou porteurs de parts des sociétés qui promeuvent l'opération disposent d'un délai de trois mois pendant lequel ils peuvent communiquer aux sociétés promotrices leur intention d'apporter leurs actions ou parts en vue de la constitution de la SE. Ce délai commence à courir à la date à laquelle l'acte de constitution de la SE a été établi conformément à l'article 32.2. La SE n'est constituée que si, dans le délai visé au paragraphe 1, les actionnaires ou les porteurs de parts des sociétés qui promeuvent l'opération ont apporté le pourcentage minimal d'actions ou parts de chaque société fixé conformément au projet de constitution et si toutes les autres conditions sont remplies.3. Si les conditions pour la constitution de la SE sont toutes remplies conformément au paragraphe 2, ceci fait l'objet, pour chacune des sociétés promotrices, d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par le droit national dont relève chacune de ces sociétés, qui ont été adoptées conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE.

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Les actionnaires ou porteurs de parts des sociétés qui promeuvent l'opération, qui n'ont pas communiqué dans le délai visé au paragraphe 1 leur intention de mettre leurs actions ou parts à la disposition des sociétés promotrices en vue de la constitution de la SE, bénéficient d'un délai supplémentaire d'un mois pour le faire.4. Les actionnaires ou porteurs de parts ayant apporté leurs titres en vue de la constitution de la SE reçoivent des actions de celle-ci.5. La SE ne peut être immatriculée que sur preuve de l'accomplissement des formalités visées à l'article 32 et des conditions visées au paragraphe 2.

Article 34Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les sociétés qui promeuvent l'opération, des dispositions destinées à assurer la protection des actionnaires minoritaires qui s'opposent à l'opération, des créanciers et des travailleurs.

Section 4   :Constitution d'une SE/filiale

Article 35Une SE peut être constituée conformément à l'article 2, paragraphe 3.

Article 36Sont applicables aux sociétés ou autres entités juridiques participant à l'opération les dispositions qui régissent leur participation à la constitution d'une filiale ayant la forme d'une société anonyme en vertu du droit national.

Section 5   : Transformation d'une société anonyme en SE

Article 371. Une SE peut être constituée conformément à l'article 2, paragraphe 4.2. Sans préjudice de l'article 12, la transformation d'une société anonyme en SE ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle.3. Le siège statutaire ne peut pas être transféré d'un État membre à un autre conformément à l'article 8 à l'occasion de la transformation.4. L'organe de direction ou d'administration de la société considérée établit un projet de transformation et un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de la transformation et indiquant les conséquences pour les actionnaires et pour les travailleurs de l'adoption de la forme de la SE.5. Le projet de transformation fait l'objet d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par la loi de chaque État membre, conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE, un mois au moins avant la date de la réunion de l'assemblée générale appelée à se prononcer sur la transformation.6. Avant l'assemblée générale visée au paragraphe 7, un ou plusieurs experts indépendants désignés ou agréés, selon les dispositions nationales adoptées en application de l'article 10 de la directive 78/855/CEE, par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève la société qui se transforme en SE, attestent, conformément à la directive 77/91/CE(8), mutatis mutandis, que la société dispose d'actifs nets au moins équivalents au capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.7. L'assemblée générale de la société considérée approuve le projet de transformation ainsi que les statuts de la SE. La décision de l'assemblée générale doit être prise dans les conditions prévues par les dispositions nationales adoptées en application de l'article 7 de la directive 78/855/CEE.8. Les États membres peuvent subordonner une transformation au vote favorable d'une majorité qualifiée ou de l'unanimité des membres au sein de l'organe de la société à transformer dans lequel la participation des travailleurs est organisée.9. Les droits et obligations de la société à transformer en matière de conditions d'emploi résultant de la législation, de la pratique et de contrats de travail individuels ou des relations de travail au niveau national et existant à la date de l'immatriculation sont transférés à la SE du fait même de cette immatriculation.

TITRE IIISTRUCTURE DE LA SE

Article 38La SE comporte dans les conditions prévues par le présent règlement:a) une assemblée générale des actionnaires, et

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b) soit un organe de surveillance et un organe de direction (système dualiste), soit un organe d'administration (système moniste) selon l'option retenue par les statuts.

Section 1   : Système dualiste

Article 391. L'organe de direction est responsable de la gestion de la SE. Un État membre peut prévoir qu'un directeur général ou des directeurs généraux sont responsables de la gestion courante dans les mêmes conditions que pour les sociétés anonymes ayant leur siège statutaire sur son territoire.2. Le ou les membres de l'organe de direction sont nommés et révoqués par l'organe de surveillance.Toutefois, un État membre peut prévoir, ou donner aux statuts la possibilité de prévoir, que le ou les membres de l'organe de direction sont nommés et révoqués par l'assemblée générale dans les mêmes conditions que pour les sociétés anonymes ayant leur siège statutaire sur son territoire.3. Nul ne peut simultanément être membre de l'organe de direction et de l'organe de surveillance de la SE. Toutefois, l'organe de surveillance peut, en cas de vacance, désigner un de ses membres pour exercer les fonctions de membre de l'organe de direction. Au cours de cette période, les fonctions de l'intéressé en sa qualité de membre de l'organe de surveillance sont suspendues. Un État membre peut prévoir que cette période est limitée dans le temps.4. Le nombre des membres de l'organe de direction ou les règles pour sa détermination sont fixés par les statuts de la SE. Un État membre peut toutefois fixer un nombre minimal et/ou maximal de membres.5. En l'absence de dispositions relatives à un système dualiste en ce qui concerne les sociétés anonymes ayant un siège statutaire sur son territoire, un État membre peut adopter les mesures appropriées concernant les SE.

Article 401. L'organe de surveillance contrôle la gestion assurée par l'organe de direction. Il ne peut exercer lui-même le pouvoir de gestion de la SE.2. Les membres de l'organe de surveillance sont nommés par l'assemblée générale. Toutefois, les membres du premier organe de surveillance peuvent être désignés par les statuts. La présente disposition vaut sans préjudice de l'article 47, paragraphe 4, ou, le cas échéant, des modalités de participation des travailleurs fixées conformément à la directive 2001/86/CE.3. Le nombre des membres de l'organe de surveillance ou les règles pour sa détermination sont fixés par les statuts. Un État membre peut toutefois fixer le nombre des membres de l'organe de surveillance pour les SE immatriculées sur son territoire ou un nombre minimal et/ou maximal de membres.

Article 411. L'organe de direction informe l'organe de surveillance au moins tous les trois mois de la marche des affaires de la SE et de leur évolution prévisible.2. Outre l'information périodique visée au paragraphe 1, l'organe de direction communique en temps utile à l'organe de surveillance toute information sur des événements susceptibles d'avoir des répercussions sensibles sur la situation de la SE.3. L'organe de surveillance peut demander à l'organe de direction les informations de toute nature nécessaires au contrôle qu'il exerce conformément à l'article 40, paragraphe 1. Un État membre peut prévoir que chaque membre de l'organe de surveillance peut également bénéficier de cette faculté.4. L'organe de surveillance peut procéder ou faire procéder aux vérifications nécessaires à l'accomplissement de sa mission.5. Chacun des membres de l'organe de surveillance peut prendre connaissance de toutes les informations transmises à cet organe.

Article 42L'organe de surveillance élit en son sein un président. Si la moitié des membres ont été désignés par les travailleurs, seul un membre désigné par l'assemblée générale des actionnaires peut être élu président.

Section 2   : Système moniste

Article 431. L'organe d'administration gère la SE. Un État membre peut prévoir qu'un directeur général ou des directeurs généraux sont responsables de la gestion courante dans les mêmes conditions que pour les sociétés anonymes ayant un siège statutaire sur son territoire.

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2. Le nombre des membres de l'organe d'administration ou les règles pour sa détermination sont fixés par les statuts de la SE. Un État membre peut toutefois fixer un nombre minimal et, le cas échéant, maximal de membres.Néanmoins, cet organe doit être composé de trois membres au moins, lorsque la participation des travailleurs dans la SE est organisée conformément à la directive 2001/86/CE.3. Le ou les membres de l'organe d'administration sont nommés par l'assemblée générale. Toutefois, les membres du premier organe d'administration peuvent être désignés par les statuts. La présente disposition vaut sans préjudice de l'article 47, paragraphe 4, ou, le cas échéant, des modalités de participation des travailleurs fixées conformément à la directive 2001/86/CE.4. En l'absence de dispositions relatives à un système moniste en ce qui concerne les sociétés anonymes ayant un siège statutaire sur son territoire, un État membre peut adopter les mesures appropriées concernant les SE.

Article 441. L'organe d'administration se réunit au moins tous les trois mois selon une périodicité fixée par les statuts pour délibérer de la marche des affaires de la SE et de leur évolution prévisible.2. Chacun des membres de l'organe d'administration peut prendre connaissance de toutes les informations transmises à cet organe.

Article 45L'organe d'administration élit en son sein un président. Si la moitié des membres ont été désignés par les travailleurs, seul un membre désigné par l'assemblée générale des actionnaires peut être élu président.

Section 3   : Règles communes aux systèmes moniste et dualiste

Article 461. Les membres des organes de la société sont nommés pour une période fixée par les statuts, qui ne peut excéder six ans.2. Sauf restrictions prévues par les statuts, les membres peuvent être renommés une ou plusieurs fois pour la période fixée en application du paragraphe 1.

Article 471. Les statuts de la SE peuvent prévoir qu'une société ou autre entité juridique peut être membre d'un de ses organes, à moins que la loi de l'État membre du siège de la SE applicable aux sociétés anonymes n'en dispose autrement.La société ou autre entité juridique désigne une personne physique pour l'exercice des pouvoirs dans l'organe concerné.2. Ne peuvent être membres d'un organe de la SE, ni représentants d'un membre au sens du paragraphe 1, les personnes qui:a) ne peuvent faire partie, selon la loi de l'État membre du siège de la SE, de l'organe correspondant d'une société anonyme relevant du droit de cet État membre; b) ne peuvent faire partie de l'organe correspondant d'une société anonyme relevant du droit d'un État membre en raison d'une décision judiciaire ou administrative rendue dans un État membre.3. Les statuts de la SE peuvent fixer, à l'instar de ce qui est prévu par la loi de l'État membre du siège de la SE pour les sociétés anonymes, des conditions particulières d'éligibilité pour les membres qui représentent les actionnaires.4. Le présent règlement ne porte pas atteinte aux législations nationales qui permettent à une minorité d'actionnaires ou à d'autres personnes ou autorités de nommer une partie des membres des organes.

Article 481. Les statuts de la SE énumèrent les catégories d'opérations qui donnent lieu à autorisation de l'organe de direction par l'organe de surveillance, dans le système dualiste, ou à décision expresse de l'organe d'administration, dans le système moniste.Toutefois, un État membre peut prévoir que, dans le système dualiste, l'organe de surveillance peut soumettre lui-même à autorisation certaines catégories d'opérations.2. Un État membre peut déterminer les catégories d'opérations devant au minimum figurer dans les statuts des SE immatriculées sur son territoire.

Article 49Les membres des organes de la SE sont tenus de ne pas divulguer, même après la cessation de leurs fonctions, les informations dont ils disposent sur la SE et dont la divulgation serait susceptible de porter préjudice aux

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intérêts de la société, à l'exclusion des cas dans lesquels une telle divulgation est exigée ou admise par les dispositions du droit national applicables aux sociétés anonymes ou dans l'intérêt public.

Article 501. Sauf dans les cas où le présent règlement ou les statuts en disposent autrement, les règles internes concernant le quorum et la prise de décision des organes de la SE sont les suivantes:a) quorum: la moitié au moins des membres doivent être présents ou représentés; b) prise de décision: elle se fait à la majorité des membres présents ou représentés.2. En l'absence de disposition statutaire en la matière, la voix du président de chaque organe est prépondérante en cas de partage des voix. Toutefois, aucune disposition statutaire contraire n'est possible lorsque l'organe de surveillance est composé pour moitié de représentants des travailleurs.3. Lorsque la participation des travailleurs est organisée conformément à la directive 2001/86/CE, un État membre peut prévoir que le quorum et la prise de décision de l'organe de surveillance sont, par dérogation aux paragraphes 1 et 2, soumis aux règles applicables, dans les mêmes conditions, aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre concerné.

Article 51Les membres de l'organe de direction, de surveillance ou d'administration répondent, selon les dispositions de l'État membre du siège de la SE applicables aux sociétés anonymes, du préjudice subi par la SE par suite de la violation par eux des obligations légales, statutaires ou autres inhérentes à leurs fonctions.

Section 4   : L'assemblée générale

Article 52L'assemblée générale décide dans les matières pour lesquelles une compétence spécifique lui est conférée par:a) le présent règlement,b) les dispositions de la législation de l'État membre où la SE a son siège statutaire, prises en application de la directive 2001/86/CE.En outre, l'assemblée générale décide dans les matières pour lesquelles une compétence est conférée à l'assemblée générale d'une société anonyme relevant du droit de l'État membre où la SE a son siège statutaire, soit par la loi de cet État membre, soit par les statuts conformément à cette même loi.

Article 53Sans préjudice des règles prévues par la présente section, l'organisation et le déroulement de l'assemblée générale ainsi que les procédures de vote sont régis par la loi de l'État membre du siège statutaire de la SE applicable aux sociétés anonymes.

Article 541. L'assemblée générale a lieu au moins une fois par année calendrier, dans les six mois de la clôture de l'exercice, à moins que la loi de l'État membre du siège applicable aux sociétés anonymes exerçant le même type d'activité que la SE ne prévoie une fréquence supérieure. Toutefois, un État membre peut prévoir que la première assemblée générale peut avoir lieu dans les dix-huit mois suivant la constitution de la SE.2. L'assemblée générale peut être convoquée à tout moment par l'organe de direction, par l'organe d'administration, par l'organe de surveillance, ou par tout autre organe ou autorité compétente conformément à la loi nationale de l'État membre du siège statutaire de la SE applicable aux sociétés anonymes.

Article 551. La convocation de l'assemblée générale et la fixation de l'ordre du jour peuvent être demandées par un ou plusieurs actionnaires disposant ensemble d'actions représentant 10 % au moins du capital souscrit, un pourcentage plus bas pouvant être prévu par les statuts ou par la loi nationale dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés anonymes.2. La demande de convocation doit préciser les points à faire figurer à l'ordre du jour.3. Si, à la suite de la demande formulée selon le paragraphe 1, l'assemblée générale n'est pas tenue en temps utile et en tout cas dans un délai maximum de deux mois, l'autorité judiciaire ou administrative compétente du siège statutaire de la SE peut ordonner la convocation dans un délai déterminé ou donner l'autorisation de la convoquer, soit aux actionnaires qui en ont formulé la demande, soit à un mandataire de ceux-ci. Cela ne préjuge pas des dispositions nationales qui prévoient éventuellement la possibilité pour les actionnaires mêmes de procéder à la convocation de l'assemblée générale.

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Article 56Un ou plusieurs actionnaires disposant ensemble de 10 % au moins du capital souscrit peuvent demander l'inscription d'un ou plusieurs nouveaux points à l'ordre du jour de toute assemblée générale. Les procédures et délais applicables à cette demande sont fixés par la loi nationale de l'État membre du siège statutaire de la SE ou, à défaut, par les statuts de la SE. Le pourcentage visé ci-dessus peut être abaissé par les statuts ou par la loi de l'État membre du siège dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés anonymes.

Article 57Les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majorité des voix valablement exprimées, à moins que le présent règlement ou, à défaut, la loi applicable aux sociétés anonymes dans l'État membre du siège statutaire de la SE ne requière une majorité plus élevée.

Article 58Les voix exprimées ne comprennent pas celles attachées aux actions pour lesquelles l'actionnaire n'a pas pris part au vote ou s'est abstenu ou a voté blanc ou nul.

Article 591. La modification des statuts requiert une décision de l'assemblée générale prise à une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des voix exprimées, à moins que la loi applicable aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre du siège statutaire de la SE ne prévoie ou ne permette une majorité plus élevée.2. Toutefois, un État membre peut prévoir que, lorsque la moitié au moins du capital souscrit est représentée, une majorité simple des voix indiquées au paragraphe 1 est suffisante.3. Toute modification des statuts de la SE fait l'objet d'une publicité conformément à l'article 13.

Article 601. Lorsqu'il existe plusieurs catégories d'actions, toute décision de l'assemblée générale est subordonnée à un vote séparé pour chaque catégorie d'actionnaires aux droits spécifiques desquels la décision porte atteinte.2. Lorsque la décision de l'assemblée générale requiert la majorité des voix prévue à l'article 59, paragraphe 1 ou 2, cette majorité doit être également requise pour le vote séparé de chaque catégorie d'actionnaires aux droits spécifiques desquels la décision porte atteinte.

TITRE IV COMPTES ANNUELS ET COMPTES CONSOLIDÉS

Article 61Sous réserve de l'article 62, la SE est assujettie, en ce qui concerne l'établissement de ses comptes annuels et, le cas échéant, de ses comptes consolidés, y compris le rapport de gestion les accompagnant, leur contrôle et leur publicité, aux règles applicables aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre de son siège statutaire.

Article 621. Les SE qui sont des établissements de crédit ou des établissements financiers sont assujetties, en ce qui concerne l'établissement de leurs comptes annuels et, le cas échéant, de leurs comptes consolidés, y compris le rapport de gestion les accompagnant, leur contrôle et leur publicité, aux règles prévues dans le droit national de l'État membre du siège en application de la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice(9).2. Les SE qui sont des entreprises d'assurances sont assujetties, en ce qui concerne l'établissement de leurs comptes annuels et, le cas échéant, de leurs comptes consolidés, y compris le rapport de gestion les accompagnant, leur contrôle et leur publicité, aux règles prévues dans le droit national de l'État membre du siège en application de la directive 91/674/CEE du Conseil, concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des entreprises d'assurance(10).

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TITRE VDISSOLUTION, LIQUIDATION, INSOLVABILITÉ ET CESSATION DES PAIEMENTS

Article 63En ce qui concerne la dissolution, la liquidation, l'insolvabilité, la cessation des paiements et les procédures analogues, la SE est soumise aux dispositions de loi qui s'appliqueraient à une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire, y compris celles relatives à la prise de décision par l'assemblée générale.

Article 641. Lorsqu'une SE ne remplit plus l'obligation de l'article 7, l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire prend les mesures appropriées pour obliger la SE à régulariser la situation dans un délai déterminé:a) soit en rétablissant son administration centrale dans l'État membre du siège; b) soit en procédant au transfert du siège statutaire par la procédure prévue à l'article 8.2. L'État membre du siège prend les mesures nécessaires pour assurer qu'une SE qui ne régulariserait pas sa situation, conformément au paragraphe 1, soit mise en liquidation.3. L'État membre du siège statutaire institue un recours juridictionnel contre tout constat d'infraction à l'article 7. Ce recours a un effet suspensif sur les procédures prévues aux paragraphes 1 et 2.4. Lorsqu'il est constaté, soit à l'initiative des autorités, soit à l'initiative de toute partie intéressée, qu'une SE a son administration centrale sur le territoire d'un État membre en infraction à l'article 7, les autorités de cet État membre en informent sans délai l'État membre où est situé le siège statutaire de la SE.

Article 65L'ouverture d'une procédure de dissolution, de liquidation, d'insolvabilité ou de cessation des paiements, ainsi que sa clôture et la décision de poursuite de l'activité, font l'objet d'une publicité conformément à l'article 13, sans préjudice des dispositions de droit national imposant des mesures de publicité additionnelles.

Article 661. La SE peut se transformer en société anonyme relevant du droit de l'État membre de son siège statutaire. La décision concernant la transformation ne peut être prise avant deux ans à partir de son immatriculation et avant que les deux premiers comptes annuels n'aient été approuvés.2. La transformation d'une SE en société anonyme ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle.3. L'organe de direction ou d'administration de la SE établit un projet de transformation et un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de la transformation et indiquant les conséquences pour les actionnaires et pour les travailleurs de l'adoption de la forme de société anonyme.4. Le projet de transformation fait l'objet d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par la loi de chaque État membre, conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE, un mois au moins avant la date de la réunion de l'assemblée générale appelée à se prononcer sur la transformation.5. Avant l'assemblée générale visée au paragraphe 6, un ou plusieurs experts indépendants désignés ou agréés, selon les dispositions nationales adoptées en application de l'article 10 de la directive 78/855/CEE, par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève la SE qui se transforme en société anonyme, attestent que la société dispose d'actifs au moins équivalents au capital.6. L'assemblée générale de la SE approuve le projet de transformation ainsi que les statuts de la société anonyme. La décision de l'assemblée générale doit être prise dans les conditions prévues par les dispositions nationales adoptées en application de l'article 7 de la directive 78/855/CEE.

TITRE VIDISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES ET TRANSITOIRES

Article 671. Chaque État membre peut, si et aussi longtemps que la troisième phase de l'Union économique et monétaire (UEM) ne lui est pas applicable, appliquer aux SE ayant leur siège statutaire sur son territoire les dispositions applicables aux sociétés anonymes relevant de son droit en ce qui concerne l'expression de leur capital. La SE peut en tout cas exprimer son capital également en euros. Dans ce cas, le taux de conversion entre la monnaie nationale et l'euro est celui du dernier jour du mois précédant la constitution de la SE.

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2. Si et aussi longtemps que la troisième phase de l'UEM n'est pas applicable à l'État membre du siège statutaire de la SE, celle-ci peut cependant établir et publier ses comptes annuels et, le cas échéant, ses comptes consolidés en euros. L'État membre peut exiger que les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés de la SE soient établis et publiés dans la monnaie nationale dans les mêmes conditions que celles prévues pour les sociétés anonymes relevant du droit de cet État membre. Ceci ne préjuge pas de la possibilité additionnelle pour la SE de publier, conformément à la directive 90/604/CEE(11), ses comptes annuels et, le cas échéant, ses comptes consolidés en euros.

TITRE VIIDISPOSITIONS FINALES

Article 681. Les États membres prennent toute disposition appropriée pour assurer la mise en oeuvre effective du présent règlement.2. Chaque État membre désigne les autorités compétentes au sens des articles 8, 25, 26, 54, 55 et 64. Il en informe la Commission et les autres États membres.

Article 69Au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur du présent règlement, la Commission présente au Conseil et au Parlement européen un rapport sur l'application du règlement et, le cas échéant, des propositions de modifications. Le rapport examine en particulier s'il convient:a) de permettre à une SE d'avoir son administration centrale et son siège statutaire dans des États membres différents; b) d'élargir la définition de la fusion prévue à l'article 17, paragraphe 2, afin d'inclure également des types de fusion autres que ceux définis à l'article 3, paragraphe 1, et à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 78/855/CEE; c) de réviser la règle de compétence figurant à l'article 8, paragraphe 16, à la lumière de toute disposition qui aura pu être insérée dans la convention de Bruxelles de 1968 ou de tout texte remplaçant cette convention qui serait adopté par les États membres ou par le Conseil; d) de permettre qu'un État membre autorise, dans la législation qu'il adopte conformément aux pouvoirs conférés par le présent règlement ou pour assurer l'application effective du présent règlement à une SE, l'insertion, dans les statuts de la SE, de dispositions qui dérogent à ladite législation ou qui la complètent, alors même que des dispositions de ce type ne seraient pas autorisées dans les statuts d'une société anonyme ayant son siège dans l'État membre en question.

Article 70Le présent règlement entre en vigueur le 8 octobre 2001.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Luxembourg, le 8 octobre 2001.

Par le ConseilLe présidentL. Onkelinx

(1) JO C 263 du 16.10.1989, p. 41 et JO C 176 du 8.7.1991, p. 1.(2) Avis du 4 septembre 2001 (pas encore publié dans le Journal officiel).(3) JO C 124 du 21.5.1990, p. 34.(4) Voir page 22 du présent Journal officiel.(5) JO L 395 du 30.12.1989, p. 40. Directive modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de 1994.(6) JO L 65 du 14.3.1968, p. 8.(7) Troisième directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 fondée sur l'article 54, paragraphe 3, point g), du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes (JO L 295 du 20.10.1978, p. 36). Directive modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de 1994.(8) Deuxième directive 77/91/CEE du Conseil du 13 décembre 1976 tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58, deuxième

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alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO L 26 du 31.1.1977, p. 1). Directive modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de 1994.(9) JO L 126 du 26.5.2000, p. 1.(10) JO L 374 du 31.12.1991, p. 7.(11) Directive 90/604/CEE du Conseil du 8 novembre 1990 modifiant la directive 78/660/CEE sur les comptes annuels et la directive 83/349/CEE sur les comptes consolidés en ce qui concerne les dérogations en faveur des petites et moyennes sociétés ainsi que la publication des comptes en écus (JO L 317 du 16.11.1990, p. 57).

ANNEXE I

SOCIÉTÉS ANONYMES VISÉES À L'ARTICLE 2, PARAGRAPHE 1BELGIQUE:la société anonyme//de naamloze vennootschapDANEMARK:aktieselskaberALLEMAGNE:die AktiengesellschaftGRÈCE:>ISO_7>áíþíõìç åôáéñßá>ISO_1>ESPAGNE:la sociedad anónimaFRANCE:la société anonymeIRLANDE:public companies limited by sharespublic companies limited by guarantee having a share capitalITALIE:società per azioniLUXEMBOURG:la société anonymePAYS-BAS:de naamloze vennootschapAUTRICHE:die AktiengesellschaftPORTUGAL:a sociedade anonima de responsabilidade limitadaFINLANDE:julkinen osakeyhtiö//publikt aktiebolagSUÈDE:publikt aktiebolagROYAUME-UNI:public companies limited by sharespublic companies limited by guarantee having a share capital

ANNEXE II

SOCIÉTÉS ANONYMES ET SOCIÉTÉS À RESPONSABILITÉ LIMITÉE VISÉES À L'ARTICLE 2, PARAGRAPHE 2BELGIQUE:la société anonyme//de naamloze vennootschapla société privée à responsabilité limitée//besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheidDANEMARK:aktieselskaberanpartselskaberALLEMAGNE:die Aktiengesellschaft

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die Gesellschaft mit beschränkter HaftungGRÈCE:>ISO_7>áíþíõìç åôáéñßáåôáéñßá ðåñéïñéóìÝíçò åõèýíçò>ISO_1>ESPAGNE:la sociedad anónimala sociedad de responsabilidad limitadaFRANCE:la société anonymela société à responsabilité limitéeIRLANDE:public companies limited by sharespublic companies limited by guarantee having a share capitalprivate companies limited by sharesprivate companies limited by guarantee having a share capitalITALIE:società per azionisocietà a responsabilità limitataLUXEMBOURG:la société anonymela société à responsabilité limitéePAYS-BAS:de naamloze vennootschapde besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheidAUTRICHE:die Aktiengesellschaftdie Geseffschaft mit beschränkter HaftungPORTUGAL:a sociedade anonima de responsabilidade limitadaa sociedade por quotas de reponsabilidade limitadaFINLANDE:osakeyhtiöaktiebolagSUÈDE:aktiebolagROYAUME-UNI:public companies limited by sharespublic companies limited by guarantee having a share capitalprivate companies limited by sharesprivate companies limited by guarantee having a share capital

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LE RATTACHEMENT DE LA SOCIETE EUROPÉENNEJacques BÉGUIN

1. En Droit international positif, une société commerciale doit avoir un rattachement étatique ou interétatique. Ce rattachement revêt deux aspects qui sont souvent confondus, mais qu’il convient de distinguer. Le premier est celui du rattachement de la société en tant qu’entreprise juridiquement organisée. C’est celui de la loi applicable au fonctionnement et à la vie de la société, liquidation incluse, en interne et vis à vis de ses partenaires économiques.Le second est celui du rattachement de la société en tant qu’unité économique, c’est à dire faisant partie du système économique d’un Etat. C’est celui de la nationalité de la société. Les deux raisonnements sont différents.La recherche de la loi applicable à une société, indépendante ou filiale d’un groupe, est une question qui se pose en matière de société exactement comme en toute autre matière. Il faut savoir quelles règles appliquer dans une situation que plusieurs lois auraient une vocation éventuelle à régir.La détermination de la nationalité d’une société (ou, éventuellement d’un groupe) est une question qui se pose lorsque un Etat décide que l’exercice de tel droit ou de telle activité obéit à des règles différentes selon que l’opérateur économique est membre de la communauté nationale ou non 1.La question que nous nous posons est celle de savoir quel est ou quels sont, sous l’un et l’autre de ces deux angles, le ou les rattachement(s) de la société européenne [SE].

2. Si l’on ne connaissait pas l’histoire du difficile avènement de la société européenne, on serait tenté de répondre d’emblée que le rattachement qui s’impose tout naturellement dès l’instant que le législateur européen met en place une société de type européen est un rattachement européen.La réponse à la double interrogation que l’on vient de formuler serait simple.La loi applicable à la société européenne serait le Droit européen.Le nationalité de la société européenne serait la nationalité européenne.Et, honnêtement, cette double réponse simple aurait bien correspondu à ce que l’on était en train de faire.Il s’agissait de mettre en place un modèle approprié à des sociétés ayant vocation à déployer leur activité sur tout le territoire de l’Union. Donc d’un modèle de société identique pour tous les opérateurs européens quel que soit leur Etat d’appartenance et doté d’une mobilité sans entraves à travers le territoire de toute l’Union. Quoi de plus évident, dès lors, que de conclure qu’il fallait que ce modèle de société européenne obéisse à un Droit unique et de lui attribuer un rattachement législatif unique en le dotant – et uniquement - d’un régime juridique de Droit européen ?Si l’on voulait, d’autre part, lui donner une stature européenne et une entière liberté d’action à l’échelle de l’Union, il fallait extraire cette personne morale européenne de la communauté nationale de tel ou tel Etat membre et décider qu’elle aurait, non pas la nationalité d’un Etat

1 V. J. Béguin, La nationalité juridique des sociétés commerciales devrait correspondre à leur nationalité économique, Etudes offertes à P. Catala, p. 859.

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membre, mais une nationalité européenne opposable en tant que telle aux Etats non membres de la Communauté.

3. Mais, comme on le sait, les choses n’ont pas pu être aussi simples.Le premier élan créateur de la société européenne – il y a quelque trente ans – a été en ce sens.Le projet d’origine – celui des années 1970 – visait à doter la société européenne d’un statut supranational indépendant des Droits étatiques. La société européenne était – essentiellement– une institution de Droit commercial européen. Le législateur européen projetait de lui consacrer un Règlement très complet de 284 articles qui prévoyait tout et était conçu pour se suffire à lui-même. Si ce monument présentait une lacune, l’interprète était invité à se référer, non à un Droit étatique, mais aux principes généraux du Droit Européen, à défaut, aux principes généraux du Droit commercial international. Et la mission de forger la jurisprudence appelée à trancher les questions qui auraient été laissées sans réponse était confiée à la CJCE. Il y avait unité de rattachement, unicité de Droit applicable. Comme on le sait, le raisonnement a fait long feu et cet ambitieux projet s’est heurté à une réaction de rejet de la part des Etats.Ce rejet se fondait sur deux raisons.La première raison est que ce monument de Droit commercial européen – déconnecté de tout lien avec les Droits commerciaux des pays membres – a fait peur aux Etats. D’inspiration germanique, il reposait sur un certain nombre de choix législatifs qui heurtait les Droits des pays latins. Sa lourdeur, d’autre part, rebutait les Droits anglo-saxons par la trop faible latitude qu’il laissait à la liberté statutaire.La deuxième raison est que les Etats membres étaient fondamentalement divisés sur le sujet épineux de l’implication des travailleurs et qu’il s’avérait impossible de parvenir sur ce point capital au consensus nécessaire pour s’accorder sur un dispositif commun de Droit européen.

4. Pour se donner une chance d’aboutir, les autorités européenne ont du changer de stratégie. Leur réaction des – à travers les nombreuses tentatives qui ont précédé la Règlement et la Directive de 2001 2 a été double.Pour surmonter le premier obstacle - celui qui était lié à la lourdeur du projet initial - le législateur a – de projet en projet – allégé le Règlement proposé. Le texte est passé de 284 articles à 70. Il l’a assoupli en ménageant des options – en particulier entre le système moniste et le système dualiste. Mais, dès cet instant, le projet ne se suffisait plus à lui même. Et il a fallu revenir, pour que la société européenne soit soumise à un régime précis, à la technique du renvoi aux Droits des Etats membres.

2 Règlement (CE) n° 2157/2001 et Directive n° 2001/86/CE du 8 octobre 2001 (JOCE n° L. 294, 10 novembre 2001, p. 1). On citera parmi les récents commentaires : G. Blanc, La société européenne : la pluralité des rattachements en question, D 2002, p. 1052 ; F. Blanquet, Enfin la société européenne, Rev. du Droit de l’Union européenne 2001, p. 65 ; F. Blanquet, La société européenne n’est plus un mythe, Rev. Dr. Int. et Dr. comp 2001, p. 139 ; P. Dom, J.P. Parot, J.C. Colin, La société européenne, Actes pratiques 2002, n° 63, Mai-juin 2002, p. 5 ; C. Fouassier, Le statut de la société européenne : un nouvel instrument juridique au service des entreprises, Rev. Marché commun et Union européenne 2001, n° 445, p. 85 ; M. A. Frison-Roche, La société européenne, D 2001, p. 290 ; A. Lévy, A. Outin-Adam, J. Simon, La SE est arrivée, Les Petites affiches 2000, n° 252, p. 4 ; M. Luby, La societas europaea : beaucoup de bruit pour rien (ou si peu…), Droit des sociétés 2002, n° 2, p. 4 ; M. Menjucq, La société européenne, enfin l’aboutissement, D 2001, p. 1085 ; M. Menjucq, La circulation internationale des sociétés, Bull. Joly 2001, n° 3, p. 233 ; M. Menjucq, La société européenne, Rev. Soc. 2002, p. 225 – La société européenne, Colloque du Centre de Droit de l’entreprise [Pr C. Goyet] de l’Université Robert Schuman de Strasbourg, 7 février 2002, Les Petites Affiches 2002, n° spécial [n° 76]  ; J.L. Colombani, M. Favero, Societas europaea, La société européenne, éd. Joly, 180 p., 2002 – Le présent rapport reprend certaines des analyses présentées à propos du projet de Règlement de 1996 in J. Béguin, Quel avenir pour la société européenne ?, Mélanges Terré, 1999, Dalloz-Litec, p. 307.

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A partir du moment, en effet, où l’on optait pour un Règlement européen qui ne contiendrait plus l’alpha et l’oméga du Droit applicable à une société européenne, force était de désigner un Droit des sociétés précis et complet pour « combler les trous » et compléter le dispositif. La seule solution était de rattacher la société européenne – aussi – à un Droit étatique. Force était également, car le vent souffle en ce sens, de laisser une plus grande place aux statuts.La conséquence immédiate a été que l’unité du rattachement a été nécessairement remise en cause. On était obligé de passer de l’unité du rattachement à sa pluralité 3 . En ce qui concerne l’implication des travailleurs, il a fallu prendre un parti plus radical encore. Le fossé entre les traditions juridiques des Etats admettant la participation des travailleurs, sous telle ou telle forme, à la gestion de la société et celles des Etats qui ne veulent pas dépasser le stade de l’information des travailleurs et n’entendent pas les associer à la gestion était trop profond. Il ne permettait pas d’espérer mettre au point pour la société européenne un régime d’implication des travailleurs qui aurait été admis par tous les Etats membres. C’est la raison pour laquelle, en 1989, la décision a été prise de préparer, non pas un texte de Droit européen, mais deux : un Règlement pour les aspects de Droit commercial et une Directive pour l’implication des travailleurs. Cette séparation avait pour but de séparer les champs de négociation et de rassurer les Etats. Cette stratégie a permis d’aboutir. Mais le résultat est que, pour cet aspect très important du régime juridique de la société européenne, le législateur européen ne pose plus aucune règle lui-même. Il fixe des objectifs législatifs précis dans sa Directive. Mais le Droit applicable sera entièrement écrit dans des textes élaborés par les Etats membres. Sous l’angle du rattachement, la conséquence est radicale. Il n’y a plus place pour aucun rattachement européen. Le rattachement est entièrement et uniquement étatique.

5. Le risque était alors de renvoyer trop fort le balancier dans l’autre sens.Car cette pluralité de rattachements de la société européenne n’est pas sans inconvénients.Elle complique la recherche de la règle applicable. Il va falloir tantôt la trouver dans le Droit européen lui-même, c’est à dire dans le Règlement, tantôt dans le Droit d’un des quinze Etats membres, tantôt dans les statuts.Elle est source de conflits.Puisque l’on donne compétence à tel ou tel Droit étatique, il va falloir déterminer lequel. Bien sûr, le Règlement européen va fournir un critère de rattachement. Mais l’existence latente de conflits n’est jamais bonne. Et, dans certains cas complexes, l’application du critère de rattachement pourra donner lieu à discussion. Les frontières entre les blocs de règles fournis par le Règlement européen et les blocs de règles fournis par le Droit étatique applicable, d’autre part, seront parfois difficiles à établir avec clarté. Et ce sera une nouvelle source de discussions.Il est clair, enfin, que la pluralité des rattachements va induire de notables différences entre les différentes sociétés européennes qui vont se constituer à partir de 2004 à travers l’Europe. Certes, depuis 1968, la transposition des batteries de Directives publiées en la matière a puissamment contribué au rapprochement des Droits de sociétés des Etats membres. Mais le champ des Directives ne couvre pas encore la totalité du Droit des sociétés. Et, en dépit des Directives, les Droits des sociétés des Etats membres ne sont pas uniformes. Donc, les sociétés européennes, dans toute la mesure où elles seront régies par tel ou tel Droit étatique, ne seront pas identiques. Il n’est pas exclu que l’on voie même se développer une certaine concurrence entre ces Droits sous forme d’une sorte de « Law shopping ». Cette diversité, en

3 V. G. Blanc, La société européenne : la pluralité des rattachements en question, D 2002, p. 1052.

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tout cas, peut apparaître comme n’étant pas exactement conforme au concept même de société européenne.

6. C’est la raison pour laquelle le législateur européen a été soucieux de faire régner un certain ordre dans cette diversité. Il admet, certes, un principe de pluralité des rattachements.Mais il établit une hiérarchie entre les rattachements. Il accorde, bien entendu une priorité au rattachement européen. Mais cette primauté est discrète.Le rattachement étatique conserve une place marquée. C’est ce qu’on se propose de montrer en mettant successivement en lumière : - I - La primauté discrète du rattachement européen de la SE- II - Le maintien affirmé du rattachement étatique de la SE

I. LA PRIMAUTE DISCRETE DU RATTACHEMENT EUROPEEN DE LA SE

7. La discrétion du rattachement européen de la SE caractérise aussi bien son « rattachement identitaire » que son « rattachement législatif ». - La SE est dotée d’une « identité européenne » obligatoire mais limitée- La SE est soumise à une « réglementation européenne » réduite à l’essentiel.

A./ Une identité européenne obligatoire mais limitée

8. La SE est, bien entendu, dotée d’une identité européenne qui va se traduire par un certain nombre de caractéristiques obligatoires dont elle aura le monopole.Mais son rattachement européen trouve sa limite en ce sens qu’il est écarté sur deux points essentiels :- La SE n’a pas d’immatriculation européenne- La SE n’a pas de nationalité européenne

1./ La SE n’a pas d’immatriculation européenne

9. La SE n’est évidemment pas une SA comme les autres. Le Règlement prend toutes les précautions pour qu’elle ait une nette « caractérisation » européenne. Cette « caractérisation » européenne se traduit par trois traits : l’appellation européenne, la dimension européenne et la mobilité européenne. 10. Le premier signe du rattachement européen de la SE est son appellation (art. 1). Elle en aura le monopole. Si une société existante, quelque part en Europe, a déjà eu la prémonition de se nommer ainsi, on ne lui cherchera pas noise. Mais à l’avenir seules pourront se nommer SE et user du label latin « societas europaea » les SE constituées en application du Règlement. Ce sera, d’ailleurs, une obligation. Afin que nul n’en ignore, la SE devra faire précéder ou suivre sa dénomination de l’acronyme SE. Et pour pouvoir bénéficier de cette « appellation contrôlée », elle aura du établir que sa dimension européenne lui permettait d’y prétendre.

11. Cette dimension européenne se vérifie, tout d’abord, à l’échelle des (ou de la) société(s) promotrice(s) de la SE. Il faut que ces sociétés promotrices aient, elles-mêmes, donné des

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gages de dimension européenne ou, du moins, interétatique. C’est à dire, à la fois, de rattachement législatif européen et d’activité économique transfrontières (art. 2). 1ère condition : seules peuvent être à l’origine d’une SE une ou des sociétés constituées selon le Droit d’un Etat membre.2ème condition : Si les sociétés promotrices sont plusieurs [fusion, holding, filiale commune] il faut : soit que deux au moins relèvent du Droit de deux Etats différents, soit, dans le cas de holding ou de filiale commune, que deux au moins aient depuis deux ans au moins une filiale relevant du Droit d’un autre Etat membre ou un établissement situé dans un autre Etat membre. Si la société promotrice est unique [transformation], on exige d’elle qu’elle ait depuis deux ans au moins une filiale dans un autre Etat membre.3ème condition : il faut que les sociétés promotrices aient leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté. Pas nécessairement dans le même Etat. Mais sur le territoire de l’Union. Avec une dérogation (art. 2-5) : Un Etat membre peut prévoir que, si une société promotrice a son administration centrale hors d’Europe, la SE pourra être créée si elle a été constituée selon le Droit d’un Etat membre et qu’elle y a son siège statutaire, à condition qu’elle ait avec l’économie d’un Etat membre un « lien effectif et continu ». Par exemple, précise le préambule, si elle y a un établissement d’où elle mène les opérations.

12. Le critère le plus révélateur est celui qui est exigé au terme de l’opération : celui qui détermine le « rattachement identitaire » européen de la SE elle-même. L’article 7 – qui le définit – porte la marque du combat entre rattachement européen et rattachement étatique.Au départ du raisonnement, le législateur européen avait, d’abord, à choisir entre les trois critères traditionnels : l’incorporation, le siège statutaire (seul) et le siège statutaire accompagné d’une exigence de réalité [ce qui implique de considérer à la fois le siège statutaire et l’administration centrale]. Le choix du Règlement est clair : c’est celui du siège réel. C’est, d’ailleurs, une nouveauté en Droit communautaire.Mais il y a plusieurs manières de formuler l’exigence de réalité. Le rattachement le plus européen aurait été de dire : il suffit que le siège, d’une part, et l’administration centrale, d’autre part, soient sur le territoire de la Communauté. Peu aurait importé que ce ne soit pas dans le même Etat membre. C’est très certainement ce qu’à Bruxelles on aurait aimé faire. On en a la preuve dans l’article 69 a) où l’on lit que, dans cinq ans, la Commission pourra proposer une modification du Règlement afin d’autoriser une SE à avoir son siège dans un Etat et son administration dans un autre, pourvu que ce soit en Europe. Mais en 2001, c’était trop tôt. Le « rattachement identitaire » est européen, mais il conserve un caractère étatique marqué. A deux égards.D’abord en ce qui concerne la règle. Selon l’article 7, le siège de la SE et son administration centrale doivent être situés non seulement en Europe, mais dans le même Etat membre. Le rattachement est européen, puisqu’il faut que ce soit un Etat membre. IL a, toutefois, une forte coloration étatique puisqu’il faut que ce soit le même Etat membre.Mais la résistance des Etats a obtenu bien davantage. Le règlement permet, en effet, aux Etats membres de décider que – comme c’est le cas en Droit français – le siège et l’administration centrale devront être non seulement dans le même Etat membre, mais dans le même lieu.Au total, l’analyse est claire : le « rattachement identitaire » de la SE est européen, mais il est fortement canalisé à l’échelle des Etats membres.

13. Le troisième trait de la « caractérisation européenne » de la SE est sa mobilité. C’est une des grandes avancées de la SE. On connaît le paradoxe. Le Marché commun a été fait pour réaliser la libre circulation et le libre établissement des agents économiques. Les commerçants individus peuvent librement se

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déplacer au sein de l’Union. Mais les sociétés sont frappées d’immobilité. Elles ne peuvent, ni en Droit, ni en fait, transférer leur siège d’un Etat à un autre. La 14ème Directive aura pour objectif d’imposer aux Etats de permettre le transfert de siège d’un Etat membre à un autre. Mais on l’attend toujours. Or, voici la SE. L’un de ses grands avantages – mis en avant par le Préambule – sera de disposer d’un modèle de société qui, lui, va bénéficier – par nature – de la mobilité à l’échelle européenne. Elle va pouvoir, au cours de son existence, transférer librement son siège d’un Etat membre à un autre.Et, en effet, l’article 8 du Règlement est tout entier consacré à indiquer à quelles conditions et selon quelle procédure une SE va pouvoir user de cette possibilité. Mais, ici encore, on sent très fortement la résistance des Etats. Le Règlement aurait pu écrire : « La SE est libre de transférer son siège social à tout moment d’un point à un autre du territoire de la Communauté. Il suffit qu’elle change son immatriculation ». Or, ce n’est pas du tout ce qu’écrit l’article 8. On devine que le Fisc des Etats membres n’entendent pas risquer de perdre ainsi des contribuables importants. Et que leur Sécurité sociale n’est pas davantage soucieuse de voir partir des cotisants considérables. Le Règlement, dès lors, met en place une procédure qui est l’exacte préfiguration de la 14ème directive. C’est à dire une procédure conçue comme une procédure de transfert interétatique de siège avec formalisme, nouveaux statuts, garanties pour les créanciers – notamment publics – et non comme une procédure libre telle qu’elle devrait être si l’on se contentait d’un rattachement européen.

14. C’est dans le même esprit que l’on n’a pas mis en place une immatriculation européenne. Certes, le Règlement aménage une publicité européenne (art. 14). Mais c’est toujours pour information et a posteriori. C’est lorsque l’immatriculation est faite ou lorsque la radiation a eu lieu ou lorsque le transfert de siège aura été suivi d’une nouvelle immatriculation qu’il faudra – dans le mois – publier un avis au JOCE. Mais ce n’est pas à l’échelon européen que les choses importantes se passent. C’est à l’échelon étatique.

15. Les « choses importantes » sont l’immatriculation elle-même ou la radiation. L’importance de l’immatriculation est attestée par l’article 16-1 du Règlement qui – à l’instar de la règle française – dispose que la SE acquiert la personnalité juridique le jour de son immatriculation.Or, la responsabilité et l’organisation de cette immatriculation est entièrement déléguée (art. 12) par le législateur européen à l’Etat du siège. Ainsi d’ailleurs que la première publicité, celle qui compte puisqu’elle conditionne l’opposabilité aux tiers (art. 13). L’article 12 précise que l’instrument étatique de l’immatriculation doit être un « registre ». mais, à partir de là, c’est aux Etats membres de tout faire. Bien entendu, les conditions propres de la création d’une SE devront être vérifiées. Mais le législateur européen fait entièrement confiance aux autorités compétentes des Etats – tel le Registre du commerce et des sociétés en France – pour opérer cette vérification et aux législateurs étatiques pour en fixer les modalités.Le choix est donc clair. Le rattachement identitaire étatique l’emporte très nettement. La naissance de la société s’opère non à l’échelon communautaire, mais à l’échelon étatique. Le souci a été de ne pas heurter les prérogatives des Etats. C’est dans le même souci qu’est traitée – ou plutôt qu’est éludée – la question de la nationalité.

2 - La SE n’a pas de nationalité européenne

16. La question de la nationalité de la SE ne pouvait pas être complètement ignorée. Mais le règlement l’a traitée d’une manière empirique. Il a esquivé la prise de position sur le concept lui-même.

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Il n’est pas très fréquent, concrètement, que l’on doive décider de la nationalité d’une société. Mais cela arrive. Chaque fois qu’un régime juridique, fiscal ou social discrimine et contient des règles différentes pour les commerçants nationaux et pour les commerçants étrangers, ou pour les sociétés nationales et pour les sociétés étrangères, alors, il faut bien trancher et dire si telle société a la nationalité de l’Etat considéré ou une nationalité étrangère. Les lois sur les activités de presse, sur les activités d’armement maritime, de défense ou de sécurité publique peuvent contenir de telles discriminations. L’octroi de la « protection diplomatique » à l’étranger – hors Communauté – peut aussi poser ce type de question. Quelle sera, alors, la « nationalité » de la SE ?

17. La question est de nouveau celle du choix entre un rattachement européen et un rattachement étatique. La SE a-t-elle la nationalité européenne ou la nationalité d’un Etat membre ?La réponse est dans l’article 10. Malheureusement, l’article 10 n’emploie pas – volontairement sans doute – le mot « nationalité ». Il ne dit pas : « La SE a la nationalité européenne ». Mais il ne dit pas non plus : « La SE a la nationalité de l’Etat membre où est situé son siège ». Il emploie une formule qui mêle le critère de l’incorporation et le critère du siège. : « Une SE est traitée dans chaque Etat membre comme une SA constituée selon le Droit de l’Etat membre dans lequel la SE a son siège statutaire ».Au plan pratique, la portée de cette règle est claire.Chaque fois qu’un problème de condition des étrangers se posera à l’égard d’une SE dans un Etat membre déterminé, la règle à suivre sera la même règle que celle que l’on aurait suivie à l’égard d’une SA immatriculée dans l’Etat où la SE a son siège. Il est important de le préciser parce que, de plus en plus, lorsqu’un Etat européen prend une disposition pour laquelle il discrimine entre sociétés nationales et sociétés étrangères, il ajoute que les sociétés ayant la nationalité d’un Etat de la CEE ou de l’EEE seront assimilées aux sociétés nationales et non aux sociétés étrangères.Sur un plan purement pratique, donc, on saura comment faire.

18. Mais sur un plan plus conceptuel – sur le plan de la notion de nationalité – le texte est difficile à interpréter.On peut , semble-t-il, le lire de deux façons . 1ère interprétation : Si le législateur a écrit que la SE doit être traitée « comme » les SA locales de l’Etat du siège, c’est qu’il ne voulait pas qu’elle ait la nationalité d’un Etat membre. Tout doit se passer comme si elle avait la même nationalité que les sociétés immatriculées dans l’Etat membre où elle a son siège. Mais elle n’a pas, pour autant, cette nationalité. En ce cas, comme il faut bien qu’elle en ait une, ce pourrait être la nationalité européenne. 2ème interprétation : Si le législateur n’a pas dit que la SE a la nationalité européenne, c’est qu’il n’a pas voulu le faire ou qu’il a estimé qu’il ne pouvait pas le faire. Il aurait alors doté la SE d’une nationalité d’adoption : la même que celle des SA immatriculées dans l’Etat membre où elle a son siège.Le plus probable est que le législateur européen a volontairement laissé cette question de nationalité dans l’ombre. Et il faut bien reconnaître qu’à supposer même que la 1ère interprétation puisse être envisagée, l’affirmation du rattachement européen de la SE par la nationalité demeure hasardeuse. Ce n’est plus de la discrétion. C’est l’Arlésienne…Si l’on fait le bilan du « rattachement identitaire » de la SE, on voit que son rattachement européen se manifeste uniquement par une dénomination, une dimension européenne strictement canalisée dans le cadre des Etats membres, une immatriculation qui est

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entièrement déléguée aux Etats membres et une nationalité européenne purement fantomatique.Son rattachement législatif européen, lui, n’est pas fantomatique. Il existe bel et bien. Mais il, lui aussi, placé sous le signe de la discrétion. La réglementation européenne de la SE prime sur les lois étatiques. Mais la volonté très nette du législateur européen a été de la réduire à l’essentiel.

B./ Une réglementation européenne réduite à l’essentiel

19. C’est la deuxième facette de la primauté discrète du rattachement européen de la SE. Les deux termes de la proposition doivent être successivement mis en lumière : - La réglementation européenne bénéficie d’une primauté- Mais son domaine effectif est, en réalité, volontairement restreint.

1./ La réglementation européenne bénéficie d’une primauté

20. Le principe de la primauté du bloc des règles européennes en matière de SE résulte de l’article 9 du Règlement.Ce texte met en place une hiérarchie des normes qui met très clairement le Droit européen en 1ère ligne et formule un critère de rattachement [qui, par rapprochement avec l’article 7, est celui du siège réel].

Selon cet article 9, une SE est régie : 1) par le Règlement lui-même. C’est la charte de base. En cas de conflit avec les autres sources, elle prime ; 2) par les dispositions des statuts de la SE lorsque – pour les matières que couvre le Règlement – ce dernier l’autorise expressément ; 3) pour les matières non traitées par le Règlement ou lorsqu’une matière est régie par le Règlement, mais partiellement, l’article 9 établit une « sous-hiérarchie » entre trois types de normes : a) les lois que va se donner chaque Etat membre pour régir spécifiquement les SE ; b) les lois qui existent déjà dans chaque Etat membre pour régir les SA locales ; c) les statuts de la SE, dans l’espace de liberté qui leur est laissé pour les SA locales par le Droit de l’Etat du siège de la SE.Bien évidemment, lorsque les Etats membres élaboreront les règles spécifiques aux SE relevant de leur compétence, ils devront respecter la batterie des Directives qui, depuis 1968, ont été publiées et transposées en matière de sociétés.

21. Comme le fait remarquer M. G. Blanc 4, la règle de l’article 9 pose un principe de subsidiarité, mais conçu en sens inverse de celui que le Droit communautaire lui attribue habituellement [article 5 du Traité]. Généralement, c’est la règle européenne qui a vocation à s’appliquer à titre subsidiaire. Ici, c’est le contraire. Les dispositions étatiques ont vocation à s’appliquer : a) lorsque la question n’est pas traitée par le Règlement ; b) lorsque ce dernier ne la couvre que partiellement. M. G. Blanc évoque, à cet égard, l’avertissement de M. J. Carbonnier qui avait prévu ce renversement et nous avait avertis : au fur et à mesure de l’extension du champ couvert par le Droit communautaire, le principe de subsidiarité était appelé à connaître de semblables renversements en fait ou en Droit. Ici, c’est clairement en Droit. Au plan du principe, c’est donc la règle européenne qui reçoit la vocation première à s’appliquer. Les Droits étatiques se voient attribuer – toujours au plan du principe – le rôle second : ils s’appliquent à défaut de règle communautaire ou dans le prolongement d’une règle communautaire pour la mettre en œuvre, à l’instar d’un décret d’application en Droit interne.4 G. Blanc, La société européenne : la pluralité des rattachements, D 2002, p. 1052.

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Mais si on quitte le plan du principe pour mesurer le poids respectif du dispositif européen et des Droits étatiques, on voit aussitôt que, dans la réalité du rattachement législatif de la SE, cette primauté de la règle européenne demeure résolument discrète, car son domaine est volontairement restreint.

2./ Le domaine de la réglementation européenne est volontairement restreint.

22. Lorsqu’en 1996, le législateur européen a relancé le processus d’élaboration des textes relatifs à la SE, il était bien décidé à donner aux Droits des Etats membres une compétence législative large.Il convenait donc, tout d’abord, que le Règlement formule un critère de rattachement qui évite ou limite au maximum les « conflits de systèmes » 5. Il résulte de la combinaison de l’article 7 et de l’article 9 du Règlement que, dans le cadre de la hiérarchie des normes de l’article 9, le Droit étatique compétent pour régir une SE est celui de l‘Etat de son siège réel. Il fallait, en second lieu, proposer aux Etats membres un modèle souple, laissant beaucoup d’initiative aux Droits étatiques et dont le « noyau dur » européen serait réduit à l‘essentiel.Le dispositif européen se limite à deux objectifs :- mettre en place les quatre modes de constitution de la SE- tracer le schéma de sa structure de base

a – Mise en place des quatre modes de constitution de la SE

23. S’agissant des modes de constitution de la SE, les auteurs du règlement n’ont eu d’autre ambition que de clarifier et de tracer des cadres. Il n’était pas nécessaire de faire davantage dès l’instant que le parti était pris de renvoyer au maximum – même pour ces techniques propres aux SE – aux législations des Etats membres.

24. C’est pour la constitution par fusion que le dispositif est le plus nourri : une quinzaine d’articles qui comportent un certain nombre de règles spécifiques. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. Le sujet des fusions transfrontalières est l’un de ceux sur lesquels les Droits étatiques se sont, jusqu’à présent, révélés impuissants à fournir des solutions satisfaisantes. La Directive fiscale du 23 juillet 1990 a été transposée. Imparfaitement d’ailleurs. Mais on attend toujours la 10ème Directive sur le régime juridique. Dès cet instant, le Règlement ne pouvait pas faire l’économie d’un régime précis des opérations de fusion destinées à donner naissance à une SE. Il offre donc tout un dispositif qui incorpore, d’ailleurs, les dispositions de la future 10ème Directive (art. 17 à 31). On y trouve des règles européennes qui se suffisent à elles-même, par exemple sur le projet de fusion (art. 20). Mais la plupart des règles qui composent ce régime posent des normes de base qui, pour s’appliquer effectivement, devront trouver le relais de normes étatiques. L’article 22, par exemple, prescrit des expertises, mais le processus de nomination des experts est laissé aux Etats.Le point clé du régime : celui des « certificats concluants » (art. 25 et 26) qui rendra l’opération incontestable est propre au Droit européen et à la SE. Mais les modalités sont déléguées aux Droits des Etats membres chargés de désigner les autorités compétentes.Le règlement énumère avec précision les effets de la fusion (art. 29). Ces dispositions s’appliquent impérativement et directement. Mais elles font également place aux Droits étatiques. Si, par exemple, la loi d’un Etat membre soumet l’opposabilité aux tiers de certains aspects de la fusion [transfert de certains biens, droits ou obligations] ces formalités devront être respectées.

5 V. M. Menjucq, La société européenne, Rev. Sociétés 2002, p. 233 et note (15 bis).

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Il reste que, pour la fusion, le « noyau dur » européen ne pouvait pas éviter d’avoir une certaine consistance.

25. C’est déjà moins vrai pour la constitution par création d’une « holding » bien que ce mode de constitution, lui aussi, appelait un minimum de réglementation européenne. Car il faut que le régime offre la garantie d’une certaine coordination des opérations. Le Règlement y consacre généreusement trois articles (art. 32 à 34). La procédure y est tracée dans les grandes lignes.

26. Les deux autres modes de constitution – par création de filiale commune et par transformation d’une SA – sont, eux, exemplaires de la doctrine du « noyau européen minimum ». Le Règlement se borne, pratiquement, à les définir, à les légitimer et à poser quelques rares règles. Mais, pour l’essentiel, leur régime juridique sera emprunté, selon les cas, aux Droits des Etats membres dont relèvent les sociétés promotrices ou à celui de l’Etat du siège de la future SE. On retrouve la même méthode pour le régime applicable à la SE, une fois qu’elle est constituée. L’idée est alors que le dispositif européen doit se limiter à tracer un schéma structurel de base.

b – Mise en place d’un schéma structurel de base

27. Le Règlement met en place les organes, esquisse ou définit leurs compétences respectives, pose un certain nombre de règles indispensables, mais s’efface, dès qu’il peut, pour laisser le champ libre aux Droits étatiques et aux statuts.Il est loin le temps où les autorités communautaires pensaient devoir et pouvoir imposer pour la SE un modèle sociétaire complet jugé mieux approprié à la gestion moderne d’une entreprise de dimension européenne. Le Règlement offre une base. Les législateurs étatiques sont invités à la compléter.

28. Il convient d’évoquer ici, tout d’abord, la question du choix entre la structure moniste (avec assemblée générale et organe d’administration) et la structure dualiste (avec assemblée générale, organe de direction, collégial ou non et organe de surveillance). Le Règlement envisage tous les cas de figure (art. 39-5 et art. 43-4). Ou bien l’Etat du siège connaît les deux systèmes pour les SA locales. Les créateurs de la SE choisiront alors librement. Ou bien l’Etat du siège ne connaît qu’un seul système pour les SA locales. Soit un système moniste. Soit un système dualiste. Les articles 39-5 et 43-4 du Règlement semblent considérer, alors que l’Etat du siège sera libre. L’un et l’autre, en effet, disposent qu’ « en l’absence de dispositions relatives », soit «  à un système dualiste », soit « à un système moniste », en ce qui concerne les SA locales, l’ « Etat membre peut adopter les mesures appropriées concernant les SE ». Le Règlement emploie le verbe « peut » et non le verbe « doit ». L’interprète est donc conduit – du moins au premier examen - à considérer que l’Etat membre sera libre. Il pourrait prévoir une règle différente – sur son territoire – pour les SE et pour les SA locales. « Ses » SE auraient alors le choix. Mais il pourrait aussi bien imposer aux SE qui auront leur siège sur son territoire l’unicité de système de la loi locale. « Ses » SE ne pourraient, dès lors, être que monistes ou que dualistes. Si cette interprétation devait être reçue, la norme du Règlement serait, certes, libérale. Mais libérale « à travers » le canal des Etats membres. Il ne s’agirait pas tant de s’en remettre à la liberté statutaire que de respecter la diversité des Droits étatiques 6.

6 Lors du colloque de Paris des 3 et 4 octobre 2002, à l’occasion duquel ce rapport fut présenté, Mme F. Blanquet – avec toute l’autorité que lui confère son incomparable connaissance des travaux préparatoires du Règlement - a

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29. Une fois réglée cette question initiale du choix du type de structure, le Règlement se préoccupe de poser les pierres angulaires de l’architecture de la SE. Il formule à cette fin un certain nombre de dispositions qui ont pour objet de mettre en position les principaux organes de la SE et de définir leur mission. Il le fait de deux façons.

30. Le Règlement formule, tout d’abord, quelques règles impératives qui pourraient se suffire à elles-mêmes.On en retiendra quelques exemples.- Dans le système dualiste, l’article 40-1 fixe les missions respectives de l’organe de direction (exercer le pouvoir de gestion) et de l’organe de surveillance (contrôler la gestion) et l’article 39-3 pose le principe de non cumul entre les deux organes. - Dans les deux systèmes, les articles 40-2 et 43 assurent l’articulation de base entre les organes en disposant que les nominations de l’organe de surveillance (système dualiste) comme de l’organe d’administration (système moniste) sont de la compétence de l’assemblée générale et établissent la coordination avec le mode d’implication des travailleurs.- Toujours dans les deux systèmes, les articles 42 et 45 prévoient que l’organe de surveillance (système dualiste) comme l’organe d’administration (système moniste) élisent leurs présidents dans leur sein et précisent que ce ne peut pas être un membre qui siège au titre de l’implication des travailleurs.- Dans le système dualiste, l’article 41 pose une série de règles impératives pour affermir l’obligation pour l’organe de direction d’informer l’organe de surveillance et pour conférer à ce dernier toutes les prérogatives nécessaires à cet égard.- Le Règlement contient également un certain nombre de dispositions impératives relatives aux assemblées générales. L’article 58 précise quelles voix doivent être décomptées ou non parmi les voix exprimées. L’article 60 pose le principe du vote séparé pour les catégories d’actionnaires aux droits spécifiques de qui la décision porte atteinte.La plupart des règles de ce type sont évidentes et ne risquent pas de soulever des oppositions. Le règlement pouvait se permettre de les rendre impératives. Elles sont importantes, mais leur nombre est limité.

31. Le Règlement – c’est sa deuxième manière d’opérer - nuance souvent sa position impérative en permettant aux Etats membres de compléter telle ou telle règle impérative. La règle européenne n’est pas supplétive. Mais elle ne règle pas tout. Elle laisse un « espace » à occuper par les Droits étatiques ou par les statuts.Les exemples sont déjà plus nombreux.- Un premier exemple est celui de l’article 4 sur le montant du capital. La règle de principe (art. 4-1) est impérative : le capital minimum est : 120 000 euros. Mais l’article 4-2 prévoit que la législation d’un Etat membre qui prévoirait un capital plus élevé pour les sociétés exerçant certains types d’activités s’appliquerait aux SE ayant leur siège sur le territoire de cet Etat.

exposé que l’emploi du verbe « peut » s’expliquait par une concession faite à certains Etats [parmi lesquels la Grande Bretagne] désireux de se réserver la possibilité de ne pas légiférer. En dépit de l’emploi du verbe « peut », il conviendrait de lire l’article 39-5 et l’article 43-4 comme imposant aux Etats membres d’offrir aux fondateurs de SE appelées à être soumises à leur Droit local le libre choix entre le système moniste et le système dualiste, même si ce Droit local ne prévoit pas ce libre choix pour les SA locales. Il y aurait donc lieu de lire l’article 39-5 et l’article 43-4 du Règlement comme s’ils disposaient que l’ « Etat membre doit offrir, pour les SE, le libre choix entre le système moniste et le système dualiste. Il peut ou non adopter les mesures appropriées concernant les SE ».

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- Une deuxième série d’exemples est fournie par toutes les hypothèses dans lesquelles une opération concernant la création ou la vie de la SE exige une mesure de publicité. La démarche est simple. Tel article du Règlement exige la mesure de publicité. Sur le principe, il est impératif. Mais il délègue les modalités. Pour la mise en œuvre, il renvoie aux Droits étatiques. La méthode est définie par l’article 13. Elle est déclinée par une série de dispositions particulières. La règle européenne peut, d’ailleurs, préciser quelles informations doivent être publiées. A partir de là, chaque Etat fixera les modalités. Dans certains cas (v. article 21), le Règlement permet aux Etats de rajouter des exigences supplémentaires.Une troisième série d’exemples concerne le fonctionnement des organes de la SE.Dans le système dualiste, la compétence de base des deux organes est régie par une règle impérative. Mais les articles 39-1 et 43 laissent aux Droits étatiques le soin de prévoir les modalités de la gestion courante par un ou plusieurs directeurs généraux. Toujours dans le système dualiste, une règle impérative prévoit qu’un membre de l’organe de surveillance peut pallier une vacance au sein de l’organe de direction. L’article 39-3 laisse aux Droits étatiques le soin de fixer la limite de temps. L’article 41 qui contient les règles impératives sur le droit à l’information de l’organe de surveillance laisse libres les Droits étatiques de décider s’il peut être reconnu à ses membres à titre individuel. Dans le système moniste, l’article 43 qui prévoit la nomination des membres de l’organe d’administration par l’assemblée générale est impératif, mais laisse les Droits étatiques libres de permettre à une minorité d’actionnaires d’en nommer une partie. Toujours dans le système moniste, l’article 44 fixe impérativement une périodicité minimum pour les réunions de l’organe d’administration. Mais, à l’intérieur de ce minimum, c’est aux statuts de décider. Dans les deux systèmes, la durée des mandats est fixée à 6 ans. C’est également une règle impérative. Mais, à l’intérieur de ce maximum, les statuts décident. Un autre exemple concerne le secret professionnel des membres des organes. L’article 49 en fait une règle impérative. Mais il l’assouplit en précisant que les Etats peuvent autoriser certaines divulgations pour des raisons d’intérêt public.- Un dernier exemple est fourni par les règles de fonctionnement des assemblées générales. Les articles 55 et 56 aménagent la possibilité pour les actionnaires représentant un certain pourcentage du capital de demander la convocation de l’assemblée et l’inscription de tel ou tel point à l’ordre du jour. Ils fixent ce pourcentage à 10 %. Mais ils permettent aux Droits étatiques de retenir un pourcentage différent à condition de ne pas mettre la barre plus haut.Tous ces exemples montrent que le Règlement est très attentif à n’être impératif que sur des points qui ne prêtent pas à discussion. Et lorsqu’il se montre impératif, d’autre part, il n’expulse pas nécessairement les Droits étatiques. Il leur permet souvent d’introduire des modulations, des précisions. Il leur laisse une marge.

31. En revanche dès que l’on entre dans des dispositifs qui risquent soulever des divergences, le Droit européen va changer de tactique. Il va proposer, non imposer. Il va devenir supplétif.Supplétif par rapport à quoi ?Ici, les autorités européennes étaient à la croisée des chemins.On peut imaginer qu’elles auraient pu saisir l’occasion (historique) de la mise en place de la SE pour franchir un pas décisif dans le sens du courant de pensée actuellement dominant et d’opter, à l’échelle européenne, pour la liberté statutaire la plus étendue.Cela eût été audacieux.Mais cela eût été, sans doute, prendre trop de risques.Cela aurait été, en effet, aller à l’encontre de ce qui est encore la tradition d’un certains nombre de Droits étatiques.

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La gestation de la SE avait été longue et délicate.Les autorités européennes étaient dans la nécessité d’obtenir l’accord des Etats membres.Elles ont donc fait un choix de fond. Ce choix est, dans toute la mesure où leur dispositif était supplétif, de renvoyer prioritairement aux Droits étatiques plutôt qu’aux statuts.

33. Bien évidemment, il arrive que le Règlement abandonne tel ou tel point directement aux stipulations des statuts de la SE. On peut citer quelques exemples.- L’article 46-2 prévoit que les membres des organes peuvent être renommés une ou plusieurs fois. Mais il permet aux statuts d’être plus restrictifs.- L’article 50 fixe les règles de quorum et de majorité dans les assemblées générales ordinaires : quorum de ½, majorité simple, voix prépondérante du président. Mais ce ne sont que des règles supplétives : les statuts peuvent en décider autrement.Ce type de démarche est, toutefois, rare.

34. Dans la majorité des cas, lorsque le dispositif européen renvoie aux statuts, c’est aux statuts, certes, qu’il donne compétence, mais encadrés par le Droit de l’Etat membre du siège.Les exemples sont nombreux.- Sur le point capital de savoir, dans le système dualiste, qui nomme le ou les membres de l’organe de direction, l’article 39-2 pose la règle selon laquelle ils sont nommés et révoqués par l’organe de surveillance. Ils ajoute, cependant, que les statuts peuvent décider qu’ils sont nommés par l’assemblée générale. Mais à une condition : que le Droit de l’Etat membre du siège de la SE admette cette possibilité.- Toujours dans le système dualiste, l’article 39-4 dispose que le nombre des membres de l’organe de direction [ou les règles pour le déterminer] est [sont] fixé[es] par les statuts. Mais il précise aussitôt que le Droit de l’Etat membre du siège peut fixer un minimum et/ou un maximum. En ce qui concerne l’organe de surveillance, le Droit de l’Etat membre peut non seulement fixer un minimum et un maximum mais il peut même imposer un nombre fixe (art. 40-3).- Quel que soit le système, les statuts peuvent (art. 47-3) fixer des conditions particulières d’éligibilité pour les membres qui représentent les actionnaires dans les organes. Mais uniquement « à l’instar » de ce qui est prévu par la loi de l’Etat membre du siège de la SE pour les SA locales.- Selon l’article 47-1, ce sont les statuts qui définissent les modalités selon lesquelles une société ou une autre entité juridique peut être membre des organes d’une SE. Mais c’est seulement sous réserve que la loi de l’Etat membre du siège n’en dispose pas autrement.- Sur le point – très central – de savoir quelles sont les limites des pouvoirs des organes de gestion, l’article 48-1 dispose que ce sont les statuts qui énumèrent les catégories d‘opérations qui donnent lieu à autorisation de l’organe de surveillance [dans le système dualiste] ou à décision expresse de l’organe d’administration [dans le système moniste]. Mais l’article 48-2 ajoute qu’un Etat membre peut déterminer les catégories d’opérations devant au minimum figurer dans les statuts. - Symétriquement, l’article 50 fixe la compétence de l’assemblée générale. Cette compétence est définie : a) sur certains points par le Règlement ; b) par le régime d’implication des travailleurs, mais, en outre, : a) par la loi de l’Etat membre du siège de la SE ; b) par les statuts , mais à condition que ce soit en conformité avec cette loi. Liberté statutaire, donc, mais très relative : uniquement à travers le Droit de l’Etat du siège tel qu’applicable aux SA locales. A travers ces exemples, on voit bien que l’hommage rendu par le Règlement à la liberté statutaire n’est qu’indirect. Le résultat est que : si le Droit étatique du siège est très libéral et

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fait lui-même une large part à la liberté statutaire, le renvoi aboutit – en fait – à aller dans un sens libéral. Mais, à l’inverse, chaque fois que le Droit étatique du siège est plus impératif et a tendance à « cantonner » la liberté statutaire, le dispositif européen aboutit à appliquer le même « cantonnement » à la SE.

35. Il est permis de penser que c’est à regret que le législateur européen n’a pas été plus franchement dans le sens de la liberté statutaire. Deux indices sont en ce sens : - Le 1er indice est la place des statuts dans la hiérarchie des normes de l’article 9 : la SE est régie, selon cette hiérarchie : a) par le Règlement européen ; b) par les statuts [directement] lorsque le règlement l’autorise expressément. Pour l’immédiat, on l’a constaté, cela n’arrive pas souvent. Mais cela peut changer à l’avenir et c’est dans la perspective de ce changement possible que le Règlement a fait figurer le renvoi exprès et direct aux statuts au deuxième rang de la hiérarchie des normes.- Le 2ème indice est l’article 69-2 qui dispose que, dans 5 ans, la Commission présentera un rapport au Conseil et au Parlement et que, dans ce rapport, elle devra examiner s’il ne convient pas d’autoriser les Etats membres à aller dans le sens d’une plus grande liberté statutaire dans le Droit de la SE, en prenant, au besoin, une législation différente pour les SE et pour les SA locales. On observe, toutefois, que même dans cette perspective d’ouverture à 5 ans, l’accroissement de la liberté statutaire continuera à dépendre du bon vouloir des Etats membres.Et, en tout cas, présentement, le renvoi direct aux statuts n’est pas la démarche centrale du Règlement. Le choix de fond est celui d’un maintien affirmé du rattachement étatique.

II. LE MAINTIEN AFFIRME DU RATTACHEMENT ETATIQUE

36. Le renvoi aux Droits étatiques pour déterminer le régime applicable à la SE peut prendre deux visages : - Dans un certain nombre de cas, le Droit européen invite les Etats à faire preuve d’imagination, à ne pas transposer nécessairement leur Droit applicable aux SA locales, à inventer et à se doter d’un régime étatique, certes, mais spécifique aux SE ;

- Dans d’autres cas, plus nombreux, le Règlement européen renonce à cette spécificité. Ayant posé, par les dispositions propres que nous avons relevées, les bases structurelles de la SE, il en aligne purement et simplement le régime sur celui des SA de l’Etat où la SE a son siège.

A./ Le renvoi à un régime étatique spécifique aux SE

37. Le renvoi à un régime étatique spécifique aux SE revêt lui-même deux aspects :- Les Etats membres se voient parfois reconnaître un « droit d’opposition ».- Les Etats membres sont invités à se doter d’un Droit spécifique de la SE.

1./ Les Etats membres se voient parfois reconnaître un « droit d’opposition »

38. Les exemples de ce « droit d’opposition » reconnu aux Etats ne sont pas très nombreux.Ils traduisent tous une sensibilité particulière des Etats à l’égard des SE intéressant ou susceptible d’intéresser positivement leur économie.Le Règlement leur reconnaît dès lors un « droit d’opposition » pour des raisons « d’intérêt public » dont ils sont juges.

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- Le 1er exemple est fourni par la régime de la constitution d’une SE par fusion. L’article 19 prévoit que la législation d’un Etat membre pourra prévoir qu’une société [promotrice] relevant du Droit de cet Etat ne pourra pas participer à la constitution d’une SE par fusion si une « autorité compétente » de cet Etat s’y oppose pour une raison d’ « intérêt public » avant la délivrance du « certificat concluant ». - Le 2ème exemple concerne le transfert du siège d’une SE d’un Etat membre à l’autre. Le Règlement prévoit que la législation d’un Etat membre peut prévoir que le transfert du siège d’une SE immatriculée sur son territoire vers un autre Etat membre – dont résulterait un changement de Droit [étatique] applicable – ne prend pas effet si dans un délai de deux mois après la publication du projet, une « autorité compétente » de cet Etat s’y oppose pour une raison d’ « intérêt public ».Que faut-il entendre par raison d’ « intérêt public » ? Ce peut être un intérêt de sécurité, de défense. Lorsque les Etats ont obtenu que ces règles soient insérées dans le Règlement, ils avaient également sûrement en tête leurs intérêts financiers, en particulier fiscaux.Dans le 1er comme dans le 2ème exemple, l’opposition formulée par l’autorité compétente de l’Etat devra être susceptible d’un recours devant l’autorité judiciaire.En dehors de ces prérogatives « régaliennes », les Etats sont, par ailleurs, invités par un certain nombre de dispositions du Règlement à se doter de règes spécifiques aux SE.

2./ Les Etats sont invités à se doter d’un Droit spécifique de la SE

39. Ce Droit spécifique de la SE que va devoir élaborer le législateur de chaque Etat membre comportera deux type de normes : - Le régime juridique dont chaque Etat va devoir se doter pour transposer la Directive de 2001 relative à l’implication des travailleurs :

- Le régime juridique dont chaque Etat peut décider de se doter sur les sujets laissés à son initiative par le Règlement relatif à la SE.

a – Régimes étatiques élaborés pour transposer la Directive de 2001 relative à l’implication des travailleurs.

40. Ce régime juridique correspond à un premier ensemble de règles spécifiques à la SE qui s’impose avec évidence. Ce sont toutes les règles que les Etats membres vont devoir mettre au point pour transposer dans leurs Droits la Directive européenne du 8 octobre 2001 sur l’implication des travailleurs. Par définition même, cette Directive – aussi précise soit-elle – ne contient pas de dispositions destinées à régir directement les SE sans le truchement de la transposition étatique. Elle va, par nature, obliger les Etats à élaborer une législation qui sera, nécessairement, propre aux SE.C’est un secteur dans lequel, on le sait, le rattachement législatif pose un problème particulièrement épineux en raison du caractère ultra sensible du sujet et de la profondeur des différences entre les législations des Etats européens. De la simple « information » des travailleurs à la « participation » de leurs représentants dans les organes des SA, en passant par les procédures de « consultation », le spectre était et demeure très ouvert.La Directive met en place un mécanisme complexe [qui sera exposé en détail par un autre rapport] et dont les traits essentiels sont : le principe « avant-après » et le « « groupe de négociation » parallèle à la constitution de la SE, Tout est fait pour qu’il débouche sur un accord. Faute d’accord, la Directive invite les Etats à imposer un « dispositif de référence » exigeant, donc propice à encourager l’accord.Lors du compromis de Nice (décembre 2000), une importante dérogation a été introduite. La directive admet qu’en cas de constitution de la SE par fusion, un vote de 2/3 des représentants

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des travailleurs pourra imposer la participation dans la SE lorsque, dans les sociétés promotrices, 25% en bénéficiaient avant. Mais les Etats pourront décider de ne pas transposer cette norme de la Directive. En ce cas, la SE ne pourra pas être immatriculée dans cet Etat.En dehors de cette dérogation, il faut reconnaître que les Etats ont peu de latitude. La Directive est très précise. Tout, cependant ne leur est pas imposé. Les rédactions des lois de transpositions pourront comporter un certain nombre de différences. Par exemple : sur la question de savoir s’il sera possible de faire participer au groupe de négociation des syndicalistes extérieurs aux sociétés participant à l’opération.Conformément à la ligne générale qui est la sienne, le législateur européen dispose (art. 6 et art. 7 de la Directive) que la loi applicable à la procédure de négociation et la loi qui devra contenir le « dispositif de référence » sera la loi de l’Etat membre du siège de la future SE.

41. Il nuance, toutefois, cette règle générale de conflit par quelques règles adjacentes.L’article 10 de la Directive dispose que la loi applicable aux dispositions de protection des travailleurs – telles que, par exemple, la protection spéciale des travailleurs désignés pour siéger dans les organes – sera constituée, d’abord pour le « groupe de négociation », puis pour les organes de la SE elle-même, par « les lois et pratiques » en vigueur dans leur pays d’emploi.Les articles 11 et 12 de la Directive donnent aux Etats membres – en dehors du critère du siège proprement dit – une sorte de compétence générale pour veiller à ce que la constitution ou le fonctionnement d’une SE ne débouche pas sur un déficit de protection pour les salariés. L’article 11 dispose que les Etats membres doivent prendre toutes « mesures appropriées » pour éviter les détournements de procédure, c’est à dire la création d’une SE qui aurait pour seul but de priver les salariés de leurs droits en matière d’implication des travailleurs.L’article 12 commande, lui, aux Etats membres de prendre toutes « mesures appropriées » [en particulier, de veiller à l’existence de procédures administratives ou judiciaires ] pour que les responsables des établissements ou des filiales d’une SE, les représentants des travailleurs et les travailleurs eux-mêmes respectent bien – chacun à son échelon – toutes les règles sur l’implication des travailleurs « que la SE ait ou non son propre siège sur son territoire ».Voilà donc tout un bloc de législation spécifique à la SE – considérable – que l’interprète devra rechercher non dans un document européen, mais dans le Droit des Etats membresUn deuxième ensemble de règles spécifiques à la SE devra être recherché dans les Droits des Etats membres est constitué par toutes les dispositions pour lesquelles le Règlement européen, soit commande, soit permet, aux Etats membres de prendre de telles règles.

b – Régimes étatiques spécifiques élaborés en application du Règlement

42. Les Etats sont habilités ou invités par le Règlement à élaborer leur propre Droit des SE sur de nombreux sujets.Ils le feront de deux façons :– tantôt ils élaboreront des règles véritablement propres aux SE.– tantôt ils adapteront aux SE les règles qu’ils appliquent à leurs SA locales – pour les assouplir ou pour les durcir selon la politique propre qu’ils souhaitent appliquer aux SE.Ces deux modalités techniques sont souvent employées l’une et l’autre à propos du même sujet. Les sujets sur lesquels le Règlement délègue ainsi expressément aux Etats l’élaboration d’une règle par nature « européenne » sont très divers. On en retiendra un certain nombre d’exemples :

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- 1er exemple : La protection des actionnaires minoritaires au moment de la constitution de la SE ou au moment du transfert du siège de la SE d’un Etat membre à un autre. Il s’agit, dans le premier cas, des actionnaires minoritaires des sociétés promotrices qui envisagent de se fusionner ou de créer une holding pour constituer une SE et, dans le second, d’une SE qui déciderait de transférer son siège d’un Etat membre à un autre. Le Règlement, dans les trois cas (art. 24-2 pour la fusion ; art. 34 pour la holding ; art. 8-5 pour le transfert de siège), use de la même formule. Il permet au Etats membres [du siège de la société promotrice dans les deux premiers cas ; du siège de la SE dans le troisième] de prendre toutes dispositions destinées à assurer une « protection appropriée » aux actionnaires minoritaires qui se sont prononcés contre la fusion, contre la création d’une holding ou contre le transfert de siège. Il laisse donc une assez large marge d’invention aux législateurs des Etats membres, tout en leur imposant une obligation de résultat. - 2ème exemple : la protection des créanciers en cas de transfert de siège. Le Règlement (art. 8-7) se borne à énoncer, ici encore, une obligation de résultat : il faudra que les Droits des Etats membres prévoient en pareil cas une « protection adéquate » des créanciers. A chaque Etat membre d’imaginer et de mettre en place la protection qu’il jugera appropriée. En principe, cela ne devrait concerner que les créances antérieures à la publication du projet de transfert. Mais le règlement prévoit qu’un Etat membre pourra étendre cette protection aux créances postérieures à la publication du projet de transfert pourvu qu’elles soient nées (ou susceptibles de naître) avant le transfert. Ce qui serait déjà un « durcissement » de la règle. Le Règlement fait, surtout, une autre concession aux Etats soucieux de protéger les intérêts de leur administration fiscale, de leur Sécurité sociale ou de leurs autres entités publiques. Les Etats pourront, pour ces créanciers puissants et prioritaires, renforcer la protection au delà du niveau de la « protection adéquate » dont bénéficieront les autres créanciers. Ils pourront aller jusqu’à prescrire le « désintéressement » [en d’autres termes : de payer l’intégralité de la dette avant le transfert, même si le terme n’est pas échu] ou une « garantie de paiement » [telle que le séquestre de l’argent nécessaire]. C’est aller très loin dans le sens de la délégation laissée aux Etats de formuler la règle européenne.- 3ème exemple : Les conditions de vote de l’assemblée générale d’une SA qui entend se transformer en SE. C’est le Droit de l’Etat membre du siège de la SA qui se transforme qui fixera la majorité à laquelle l’assemblée générale de la SA devra adopter le projet de transformation. Il pourra décider que ce sera à la même majorité que les SA locales lorsqu’elles se transforment en Droit interne en un autre type de société. Il pourra aussi exiger une majorité qualifiée plus exigeante. Ce sera le cas si l’Etat concerné témoigne d’une certaine méfiance à l’égard du modèle de la SE. Il pourra même aller – lorsque la SA qui veut se transformer en SE est dotée d’un régime de participation des travailleurs – aller jusqu’à exiger l’unanimité de l’organe au sein duquel les représentants des travailleurs sont appelés à voter.- 4ème exemple : Les règles de quorum et de majorité applicables dans les assemblées générales des SE pour les modifications de statuts. Le Règlement (art. 59) pose simplement une règle de majorité qualifiée : celle des 2/3. Mais, comme on aura l’occasion de le redire, cette règle est supplétive. Si le Droit de l’Etat membre du siège de la SE exige, pour les SA locales, une majorité plus élevée – donc plus protectrice des intérêts des actionnaires minoritaires – c’est la règle du Droit local qui l’emporte. Toutefois, un Etat membre pourra – par une règle qui sera, elle, propre aux SE – prévoir que lorsque la modification de statuts aura été votée avec un quorum de ½, une majorité simple suffira.

43. Comme on le voit, le Règlement, lorsqu’il prend des dispositions telles que celles que l’on vient de citer, renvoie à des règles européennes [particulières aux SE] que les Etats membres sont habilités ou invités à imaginer et qui seront propres à « leurs » SE. C’est ce qui

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a fait dire à certains observateurs que l’on serait en présence, non pas d’un modèle sociétaire européen, mais d’un modèle par Etat. On aura un modèle sociétaire européen français, un modèle allemand, un modèle italien etc 7 D’autres commentateurs préfèrent parler d’un modèle de SE « à variation nationale » 8.Cette méthode n’est utilisée, toutefois, que pour des dispositions bien particulières dont on a cité les principales. La méthode d’usage général sera de renvoyer purement et simplement au Droit commun des SA locales.

B./ Le renvoi au Droit commun des SA locales

44. Le renvoi au Droit commun des SA locales peut revêtir deux aspects : - Au stade de la création de la SE, le renvoi sera opéré le plus fréquemment au Droit commun des SA locales de l’Etat du siège des sociétés promotrices.

- En ce qui concerne la SE déjà créée, le renvoi s’opérera, bien entendu, au Droit des SA locales de l’Etat du siège de la SE elle-même.

1./ Le renvoi au Droit commun des SA locales de l’Etat du siège des sociétés promotrices

45. Lorsque le Règlement pose les règles applicable à la création d’une SE, il renvoie, chaque fois qu’il le peut, aux Droits étatiques du siège des sociétés promotrices. Cela se comprend aisément. D’une part, cela est conforme à la ligne générale que s’est tracée le législateur européen. D’autre part, c’est tout naturel. Tant que la SE n’est pas créée, le champ est occupé par les sociétés promotrices qui sont des sociétés locales. Autant les faire fonctionner – y compris lorsqu’elles créent une SE – selon leur propre Droit.On le constate dans l’aménagement de chacun des quatre modes de constitution.- Fusion : Comme on l’a rappelé ci-dessus, s’agissant de la constitution de la SE par fusion, le Règlement était obligé de prendre des dispositions détaillées car, faute de la 10 ème Directive [juridique] sur les fusions transfrontalières, les Droits des Etats membres sont insuffisants sur le sujet. Néanmoins, on relève que, chaque fois que cela lui paraît approprié, le Règlement renvoie aux Droits des Etats du siège des sociétés fusionnantes : pour les formalités de publicité (art. 28) ; pour les mesures de protection des créanciers, des obligataires, des porteurs de titres spéciaux autres que les actions (art. 24-1) ; pour le contrôle de légalité (art. 25-1) ; pour les formalités qui conditionnent l’opposabilité aux tiers des transferts de biens, de droits et d’obligations (art. 29-3). Et, de toutes façons, ces dispositions particulières sont couvertes par une « disposition balai », une règle de « renvoi global » (art. 18) : « pour les matières non couvertes par la section 2 [consacrée par le Règlement à la constitution de la SE par fusion ] ou lorsqu’une matière l’est partiellement, pour les aspects non couverts, chaque société participant à la constitution d’une SE par voie de fusion et soumise aux dispositions du Droit de l’Etat membre dont elle relève qui sont applicables aux fusions ».- Holding : Le Règlement est moins précis. Il formule un renvoi explicite aux Droits des Etats membres des sociétés promotrices à propos de la publicité (art. 32-3) (art. 33-3) et à propos de la procédure d’expertise (art. 32-4). Le renvoi global pour les matières non couvertes est implicite.

7 V. J. Boucourechliev, Les voies de l’Europe des sociétés, JCP E 1996, I, 560.8 M. Menjucq, La société européenne, Rev. Soc. 2002, p. 225. M. G. Blanc emploie l’expression de «  sociétés nationales à caractère européen » in : La société européenne, la pluralité des rattachements en question, D 2002, p. 1052.

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- Filiale : En ce qui concerne la constitution d’une SE par création de filiale commune, le Règlement est bref. La règle européenne se résume (art. 36) à une disposition de renvoi global : on applique aux sociétés promotrices leur Droit local.- Transformation : Le Règlement contient quelques dispositions spécifiques, mais pour l’essentiel : publicité (art. 37-5) ; expertise (art. 37-6) ; vote de l’assemblée générale (art. 37-7). Le réflexe est le même : appliquer le Droit local propre à la société qui se transforme.Cette méthode du renvoi systématique ou du renvoi global aux Droits étatiques des Etats membres va également se rencontrer de manière très générale une fois la SE créée pour déterminer le régime qui lui sera applicable.

2./ Le renvoi au Droit local de l’Etat du siège de la SE

46. Le renvoi au Droit local de l’Etat du siège de la SE pour déterminer le régime qui lui sera applicable est, en réalité, une règle de principe.L’article 9 c) la formule comme un principe général de solution de conflit.Quand il n’en est pas disposé autrement, c’est à dire quand il n’y a pas dans le Règlement une norme différente, la SE sera considérée, en règle générale, comme une SA relevant du Droit de l’Etat membre sur le territoire duquel elle a son siège.A la limite, le Règlement aurait pu se contenter de poser ce principe. L’interprète aurait, ainsi, été muni d’une règle simple. Ne trouvant pas de règle particulière dans le Règlement, il lui aurait suffi de consulter le Droit des sociétés de l’Etat membre du siège et il aurait appliqué à la SE la règle valable pour les SA locales.Les auteurs du règlement, cependant, ne se sont pas contentés de cette règle simple qui aurait permis d’alléger encore son dispositif. Pourquoi ? Ils ont sans doute pensé que leur texte n’aurait pas la majesté convenable.Et ils reprennent, méthodiquement, les principaux problème que posent : la constitution, le fonctionnement, la comptabilité, la dissolution, la liquidation d’une SA pour les traiter ou pour les évoquer à propos de la SE.Quitte à conclure, presque invariablement, que la solution doit être cherchée dans le Droit des SA locales de l’Etat où la SE a implanté son siège.Ce renvoi systématique au Droit commun des SA locales de l’Etat du siège est, selon les cas, opéré selon deux techniques différentes.

47. Selon une première technique, l’application du Droit commun des SA locales ne sera pas automatique. Il y faudra une disposition formelle du Droit de l’Etat membre du siège qui viendra dire – expressément – que, sur l’invitation du Droit européen, il règle tel sujet touchant aux SE par la disposition correspondante de son Droit commun des SA.Cela suppose que le Règlement européen ne soit pas muet sur le sujet. Il se s’est exprimé en posant une règle. Mais, point capital, il n’est que supplétif. Il propose sa solution. Mais tout Etat membre sera libre : non d’inventer une solution, mais – plutôt que d’appliquer la règle européenne - d’étendre à « ses » SE la solution que prévoit son propre dispositif local pour « ses » SA.Cette première technique concerne un petit nombre de sujets précis.- 1er exemple : La périodicité de l’assemblée générale de la SE. Le règlement pose une règle de Droit européen : au moins une fois par an. Mais il rend sa règle partiellement supplétive en décidant que si l’Etat du siège prévoit une fréquence supérieure pour tel ou tel type de SA locale exerçant tel ou tel type d’activité, il faudra appliquer cette règle locale aux SE.- 2ème exemple : La règle de majorité des délibérations ordinaires de l’assemblée générale. Ici, encore, le Règlement pose une règle supplétive. C’est la règle – très habituelle – de la majorité simple des voix valablement exprimées. Mais cette règle est supplétive. Elle cède le

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pas chaque fois que le Droit étatique local de l’Etat du siège, par telle ou telle disposition applicable aux SA locales, requiert une majorité plus élevée.

48. La deuxième technique du renvoi aux Droits locaux des Etats membres du siège consiste, pour le Règlement, à ne même pas se soucier de poser une règle supplétive. Il évoque le sujet. Et il se borne à dire : « pour ce point précis ou pour cet ensemble de questions, le Droit européen renvoie directement et en bloc au Droit étatique applicable aux SA locales dans l’Etat du siège de la SE ». Le régime juridique applicable à la SE sera, pour ce sujet ou pour cet ensemble de problèmes, de plein droit, la législation locale sur les SA. Les dispositions de ce type dans le Règlement sont, à la fois, très nombreuses et très larges. Le Règlement passe en revue les principaux chapitres du Droit des SA et, à chaque fois, pan par pan, le Droit européen se démet et renvoie au Droit local des Etats membres. Les exemples sont très nombreux.- 1er exemple : Tout ce qui concerne le capital – en dehors du montant minimum. Toutes les règles sur le maintien du capital, les modifications de capital, le régime des actions, le régime des obligations, le régime des autres catégories de titres sont (art. 5) à rechercher dans le Droit de l’Etat membre du siège applicable aux SA locales.- 2ème exemple : La constitution de la SE (art. 15) – si l’on met à part les dispositions propres à chacun des quatre modes spécifiques de création - est toute entière régie par le Droit étatique du siège applicable aux SA locales.- 3ème exemple : En ce qui concerne la composition des organes, les incompatibilités, les incapacités sont définies par le Droit étatique du siège de la SE applicable aux SA locales. L’article 47-2 du Règlement dispose que ne peuvent être membres d’un organe de SE ou représentant d’une société au sein d’un organe de SE les personnes qui, selon le Droit étatique du siège de la SE ne peuvent pas être membres de l’organe d’une SA locale.- 4ème exemple : Un autre point relatif aux organes de la SE concerne les droits qui peuvent être accordés par le Droit de l’Etat du siège de la SE à une minorité d’actionnaires, ou à d’autres personnes, ou à d’autres autorités, de nommer une partie des membres des organes d’une SA locale. Le Règlement dispose (art. 47-4) que les mêmes droits seront reconnus dans chaque Etat membre pour les SE.- 5ème exemple ; Le vaste et sensible domaine de la responsabilité des dirigeants à l’égard de la SE et, lui aussi, l’objet d’un renvoi global au DE du siège de la SE applicable aux SA locale. L’article 51 prévoit que les membres des organes de direction, de surveillance [régime dualiste] ou d’administration [régime moniste] de la SE répondent du préjudice subi par la SE du fait de la violation de leurs obligations selon le Droit de l’Etat du siège applicable aux SA locales.- 6ème exemple : Les règles de convocation de l’assemblée générale. L’article 54-2 dispose que l’assemblée générale est convoquée par l’organe de direction, de surveillance [régime dualiste] ou d’administration [régime moniste] ou par toute autre autorité compétente conformément à la loi de l’Etat du siège applicable aux SA locales.- 7ème exemple : Il en est de même (article 51) pour l’organisation de l’assemblée générale, pour son déroulement, pour les procédures de vote etc…- 8ème exemple : C’est également très largement par renvoi global aux Droits étatiques des Etats membres tels qu’applicables aux SA locales que le règlement traite du sujet actuellement très sensible des règles applicables aux comptes de la SE : comptes sociaux et comptes consolidés ; comptes annuels, rapport de gestion, contrôle des comptes, publicité, qu’il s’agisse des SE de Droit commun (art. 61) ou des SE qui se constitueront dans les secteurs de la banque ou de l’assurance (art. 62). Cette question du Droit applicable, selon les cas de figure, aux comptes de la SE est l’objet de précisions importantes dans le préambule du Règlement. Le point 15 du Préambule précise que, eu égard au rapprochement effectué par la

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4ème Directive concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés et la 7 ème

Directive, concernant les comptes consolidés, les dispositions de ces Directives peuvent être rendues applicables aux SE tout en leur laissant le choix entre les options offertes par ces dispositions.9ème exemple : Toutes les questions, enfin, relatives à la dissolution et à la liquidation de la SE, liées ou non à sa déclaration d’insolvabilité, sont, elles aussi, renvoyées à la loi qui s’appliquerait à une SA de l’Etat membre du siège (art. 63).

49. La formule que l’on vient de noter à la lecture de l’article 63 du Règlement met en lumière un aspect très important du renvoi par le Droit européen aux Droits étatiques du siège applicables aux SA locales. Il s’agit de la question de savoir comment déterminer la loi applicable à une SE lorsque l’on se trouve face à une question pour laquelle le Droit des sociétés [en l’occurrence, le Droit des sociétés de l’Etat du siège applicable aux SA locales] est susceptible d’entrer en conflit avec un autre Droit. Cette question est partiellement traitée dans le Préambule du Règlement.Les considérants 16 et 17 du Préambule la traitent pour le sujet particulier de la protection des actionnaires minoritaires et des tiers dans les groupes de sociétés, par exemple en matière d’établissement des comptes consolidés. Le point 16 rappelle que les « principes généraux du Droit international privé », lorsqu’une entreprise contrôle une autre entreprise relevant d’un ordre juridique différent, ses droits et obligations en matière de protection des actionnaires minoritaires et des tiers sont régis par le Droit dont relève l’entreprise contrôlée, sans préjudice des obligations auxquelles l’entreprise qui exerce le contrôle est soumise en vertu des dispositions du Droit dont elle relève. Le considérant 17 précise que ces principes sont applicables aussi bien dans le cas où la SE exerce le contrôle que dans le cas où la SE est la société contrôlée. Le considérant 21 du préambule fournit, lui, une règle d’interprétation générale.Il rappelle qu’en Droit international privé, le domaine d’application du Droit des sociétés connaît un certain nombre de limites et doit, sur certaines questions, céder le pas à l’application d’une loi désignée selon un autre critère de rattachement que celui qui préside au choix de la loi applicable en matière de sociétés proprement dit. Et le préambule (considérant 21) cite : « la fiscalité, la concurrence, la propriété intellectuelle ou l’insolvabilité ». La règle qu’il pose est formulée en termes assez généraux. Dans ces domaines, dispose–t–il (considérant 21), et dans les autres domaines non couverts par le Règlement, sont applicables : le Droit des Etats membres et le Droit communautaire. La meilleure façon d’entendre cette indication du préambule est d’appliquer aux problèmes de conflit de lois la ligne générale du Règlement : pour déterminer, en cas de conflit de lois, la loi applicable à une SE, il convient de faire application du Droit international privé de l’Etat membre où est situé son siège, exactement comme on le ferait pour une SA relevant du Droit de cet Etat membre. C’est à ce Droit international privé étatique que l’on demandera de qualifier. Et l’on appliquera sa règle de conflit sur la base de cette qualification pour donner compétence, soit à la lex societatis, soit à une autre loi étatique.Sauf l’allusion contenue dans le considérant 21 du préambule, le Règlement est muet sur le régime fiscal de la SE. Les interprètes en déduisent que la SE est soumise aux législations fiscales étatiques qui s’appliquent aux SA relevant de leur fiscalité.Au total, le mode de solution des problèmes de conflit de lois que peut soulever la SE sont une nouvelle illustration du renvoi global par le législateur européen vers les Droits étatiques.

50. Cette succession de renvois globaux s’ajoutant à la règle de principe selon laquelle le Droit étatique de l’Etat du siège d’une SE a une vocation générale pour régir tout ce qui n’est

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pas réglé par le Droit européen fait que, dans la réalité concrète de la vie des SE, les Droits étatiques joueront un rôle considérable.

Compte tenu des dissemblances qui – en dépit de l’effet d’harmonisation des Directives – subsiste entre les Droits des sociétés des Etats membres, les SE présenteront, d’un Etat membre à l’autre, des différences significatives et offriront beaucoup de similitudes avec les SA de Droit commun. Tel est le choix : le « minimum » nécessaire – et il est loin d’être négligeable – pour assurer à la SE un rattachement européen, le « maximum » diplomatique pour ne pas rompre son « enracinement » étatique.

** *

CONCLUSION

51. Si l’on dresse le bilan, que voit-on ?- 1°. On débouche clairement sur une dualité, voire sur une pluralité de rattachements – notamment législatifs.- 2°. Cela va donner un travail difficile de coordination - d’ « épissure » - aux législateurs étatiques. Ils vont devoir, dans chaque Etat membre, construire un Droit propre pour « leurs » SE. Ce Droit étatique de la SE sera fait de pièces diverses. Les législateurs étatiques marqueront une distance variable entre le Droit de la SE de l’Etat concerné et le Droit européen de la SE [composé du Règlement et de la Directive] mais devront les coordonner étroitement avec ce dernier. Ils devront, d’autre part, préciser la distance, également variable, entre le Droit étatique de la SE et le Droit applicable aux SA locales. Ce sera un travail délicat car la « feuille de route » fournie par le Règlement n’est pas toujours limpide.- 3°. Le Droit de la SE dans son ensemble, ainsi composé d’un bloc communautaire [le Règlement et la Directive ] et de 15 Droits étatiques différents, offrira des dissemblances. Ces dissemblances seront un facteur de complication. Elles se prêteront éventuellement au « Law shopping ». Elles atténueront un peu la portée du grand dessein défini par le considérant n° 2 du préambule : « créer un cadre juridique uniforme dans lequel les sociétés des différents Etats membres devront être en mesure de planifier et de mener à bien la réorganisation de leurs activités à l’échelle de la Communauté ». Ce grand dessein n’est aucunement remis en cause pour autant.La relative complexité qui résulte de la pluralité des rattachements de la SE était le prix à payer pour qu’elle voie le jour.Les avantages l’emportent largement sur les inconvénients.

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POURQUOI CREER UNE SOCIETE EUROPEENNE (SE) ?*

Françoise BLANQUET

INTRODUCTION

Après tant d'années d'efforts et de désillusions, enfin la Société européenne est mise à la disposition des entreprises qui souhaiteront l'utiliser pour déployer leurs activités dans l'ensemble de l'Union à partir du 8 octobre 2004.C'est ce moment béni qu'ont choisi certaines organisations patronales minoritaires et certains bons esprits parisiens pour manifester à l'égard de la SE un scepticisme destructeur du type : beaucoup de bruit pour rien - un Titanic fiscal - le cheval de Troie de la Participation. Pour avoir défendu ce texte depuis 1989 au Parlement européen, au Comité économique et social et au Conseil, il m'incombe de m'en tenir aux textes et de permettre aux chefs d'entreprises et à leurs conseillers juridiques - sociaux - fiscaux de comprendre tout l'intérêt que peut présenter la constitution d'une SE soit pour restructurer un groupe transnational, soit pour coopérer avec des sociétés d'Etats membres différents.Ni le nouveau Règlement9 sur les aspects droit des sociétés, ni la nouvelle directive10 qui vise l'information, la consultation et la participation des salariés de la SE ne s'imposeront aux entreprises non intéressées par ce nouveau Statut, qu'elles soient donc rassurées.En revanche, des entreprises intéressées par le Statut de SE ont ainsi formulé leur souhait:"une seule société opérant par le biais d'établissements dans les divers Etats membres et non plus un réseau complexe de filiales soumises à autant de droits qu'il y a d'Etats membres avec un seul bilan annuel, une seule déclaration fiscale, dans un seul cadre juridique, avec des salariés européens".

Avons nous réussi à les satisfaire au moins en partie ? 11

Nous allons l'examiner sous forme de triptyque :I. Le volet juridique

II. Le volet social

III. Le volet fiscal.

** Extrait du colloque « La société européenne, organisation juridique et fiscale, intérêt, perspectives », des 3 et 4 octobre 2002, à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne..9 JOCE n° L 294 du 10 novembre 2001, p. 110 JOCE n° L 294 du 10 novembre 2001, p. 22.11 Demande citée par F. Blanquet dans "Enfin la Société européenne "la SE" - Revue du droit de l'Union européenne, Editions Clément Juglar, Paris, n° 1 - 2001, footnote 15.

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I. UNE SEULE STRUCTURE JURIDIQUE

A./ La nationalité de la SE

Nous pouvons souscrire à l'analyse de Christian Roth12 selon laquelle "à l'heure actuelle la multiplicité des droits nationaux applicables à la vie et aux activités des entreprises européennes est vécue par elles comme étant une contrariété superflue et une source de complexité bien coûteuse". "La caractéristique principale de la SE est qu'elle n'a aucun rattachement avec la nationalité d'un Etat membre. Il s'agit d'une société de nationalité européenne dont le fondement juridique est à trouver dans le droit communautaire".

Ainsi, par exemple, si une société allemande et une société française fusionnent, la société issue de la fusion par absorption ou par constitution d'une nouvelle société ne sera ni allemande ni française, mais européenne. Cet avantage psychologique est souvent souligné par les entreprises outre le fait que la décision de fusion transfrontalière ne devra plus être prise à l'unanimité, mais à la simple majorité qualifiée.

B./ Le droit applicable à la SE

Les considérants 6 et 7 soulignent qu'à côté des sociétés relevant d'un droit national est prévue "la création de sociétés dont la constitution et les activités sont régies par le droit résultant d'un règlement communautaire directement applicable dans tous les Etats membres" permettant ainsi "la création et la gestion de sociétés de dimension européenne en dehors de toute entrave résultant de la disparité et de l'application territoriale limitée du droit national des sociétés".

Effectivement ce règlement "SE" vise le droit des sociétés et non d'autres domaines du droit tels que la fiscalité, la concurrence, la propriété intellectuelle, l'insolvabilité, le droit social ou le droit du travail. Tous ces domaines ne sont pas couverts par le droit des sociétés des Etats membres. Il n'est dès lors pas très cohérent de critiquer le fait que le Règlement ne les vise pas.

Certes le Règlement ne couvre pas tous les aspects du droit des sociétés dans la mesure où ceux-ci ont été harmonisés par diverses directives en la matière : n'est il pas logique de se référer par exemple pour les comptes annuels ou consolidés (cf.article 61) à la loi du siège de la SE plutôt que d'avoir prévu une norme spécifique qui n'aurait pas eu la souplesse requise révélée par le renvoi pour toutes les sociétés cotées dès 2005 à l'application des normes comptables internationales, mesure nécessitée par les scandales Enron et autres13 ?

On peut ajouter que, dans les domaines du droit des sociétés, la SE bénéficiera de la liberté statutaire reconnue aux sociétés anonymes de l'Etat où elle décidera de fixer son siège : la SE se veut une société "sur mesure" et on peut penser que des Etats comme le Royaume-Uni où tout ce qui n'est pas expressément interdit est autorisé, attireront plus de sièges de SE que des Etats comme l'Allemagne où tout ce qui n'est pas expressément autorisé est interdit. A cet égard nous invitons les juristes à examiner toutes les libertés offertes par l'article 48 qui laisse aux Statuts le soin d'énumérer les catégories d'opérations soumises à autorisation par l'organe de surveillance ou à décision expresse de l'organe d'administration. Certes un Etat pourrait

12 Christian ROTH. La "Societas europaea" un outil commun de l'Union économique et monétaire dans supplément Revue Lamy, Droit des affaires n° 48 - Avril 2002, 3129.13 Règlement CE n° 1606/2002 du 19 juillet 2002 JOCE n° L 243, pp. 1 à 4.

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fixer lui-même les opérations devant au minimum figurer dans les statuts, mais on peut penser que certains Etats membres préféreront conserver au Règlement SE son caractère libéral.

De fait, il n'y aura pas comme le pensent certains commentateurs, autant de SE que d'Etats membres, mais autant de SE que de SE constituées. Toute l'ingéniosité et l'inventivité des bons juristes sera ainsi mise en exergue comme le dit très justement Claude Ducouloux Favard "Cette SE 2001 est un cadre très malléable conventionnellement sur lequel peuvent jouer les normes de quinze systèmes de droit" "le cadre de fond de cette SE est unitaire et les mille facettes qui peuvent lui venir par référence aux droits nationaux sont sans doute une source de richesse et de succès14".

Tel sera sûrement le cas du libre choix laissé à la SE entre le système moniste ou le système dualiste.

C./ Une seule structure d'administration

La liberté dont jouira la SE peut être illustrée par le choix laissé à ses fondateurs d'une structure moniste (avec conseil d'administration) ou d'une structure dualiste (avec directoire et conseil de surveillance) quel que soit l'Etat où elle fixera son siège. L'ensemble du Groupe pourra ainsi adopter la structure jugée préférable alors qu'avant la constitution de la SE les diverses sociétés étaient soumises, selon le droit qui leur était applicable à un système moniste ou à un système dualiste obligatoire.

Tous les Etats sont tenus d'accepter l'immatriculation sur leur territoire de SE dont la structure n'est pas conforme à leur droit national, mais ils ne sont pas tenus d'adopter "des mesures appropriées concernant les SE15". Cette formule est souvent mal comprise. En effet, la liberté contractuelle, très large dans certains Etats membres, autorise les sociétés à choisir un système différent du système traditionnel. Ces Etats ont indiqué qu'ils n'auront pas à adopter des mesures appropriées pour les SE qui jouiront d'une totale liberté contractuelle. En revanche, d'autres Etats comme par exemple l'Allemagne, où seul le système dualiste est autorisé pour les sociétés nationales, a annoncé qu'elle adopterait des mesures appropriées pour permettre aux SE immatriculées sur son territoire, d'opter pour une structure moniste.

D./ La mobilité de la SE

Non seulement la SE bénéficiera d'un seul corps de règles dans l'Etat de son immatriculation, mais elle jouira pour la première fois du droit à la mobilité dans l'ensemble de l'Union reconnu en vain par l'art. 220 du Traité de Rome :

1) "la possibilité de fusion de sociétés relevant de législations nationales différentes"

2) "le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert de siège de pays en pays".

(1) La fusion transfrontalière permettra ainsi :a) des opérations de restructuration faisant réaliser à la SE des économies considérables. Il est par exemple indéniable qu'après fusion de ses 15 filiales dans 15

14 Supplément à la Revue Lamy - droit des affaires déjà citée n° 3128 - Longue histoire pour la naissance de la Société européenne.15 Voir article 39§5 ou 43§4 "Un Etat membre peut adopter les mesures appropriées concernant les SE".

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Etats différents, la SE n'aura plus à convoquer qu'une seule Assemblée générale et un seul conseil d'administration. Elle pourra n'avoir qu'un seul service financier - comptable - du personnel - de recherche et n'être soumise qu'à un droit applicable à la place des 15 antérieurs.Il est indéniable qu'elle pourra constituer à la majorité qualifiée une seule SE par ligne de produit, par secteur d'activité ou par secteur géographique, alors que le Groupe pouvait avoir acquis au fil des acquisitions "la simplicité d'un circuit électrique" selon l'expression du Professeur Viandier16.Il est indéniable que son management unifié sera plus efficace que la multiplicité des dirigeants des filiales souvent jaloux de leur autonomie et de leur autorité et que les décisions stratégiques seront plus rapidement exécutées par les gérants des établissements issus de la fusion.b) la fusion transfrontalière sera également la voie royale pour toutes les opérations de coopération entre sociétés d'Etats membres différents. Que l'on songe par exemple à une PME à la frontière française n'ayant pas les moyens d'acquérir un équipement coûteux fusionnant avec une PME à la frontière belge dans le même secteur d'activité. Chacune des sociétés pourra, à coûts partagés, développer son activité sur les deux territoires.

(2) Le transfert de siège social sera pour la première fois possible pour la SE à la majorité qualifiée sans dissolution et avec maintien de la personnalité juridique. Ainsi non seulement la SE pourra lors de sa constitution choisir librement le lieu de son siège dans n'importe quel Etat membre, mais après constitution il lui sera loisible de le déplacer si cette décision lui paraît conforme à ses intérêts.

E./ Une seule structure pour quels projets ?

(1) La SE sera le véhicule juridique privilégié pour la réalisation des grands projets frontaliers : lignes de TGV Lyon - Milan - Turin ou Narbonne - Barcelone. Tunnel sous les Alpes ou sous la Manche. Exploitation d'une ligne aérienne par 2 compagnies d'Etats membres différents, etc.

(2) La SE permettra de regrouper des grandes entreprises d'Etats membres différents dans le même secteur d'activité pour améliorer leur compétitivité et leur donner une dimension européenne : le Groupe Arcelor a ainsi annoncé qu'il s'immatriculerait en SE dès que ce serait possible en octobre 2004. Des grandes banques ou Compagnies d'Assurances ont le même projet, tout comme d'autres entreprises qui tiennent à préserver l'anonymat.

(3) La SE permettra d'attirer des capitaux privés grâce à la simplification de la structure des groupes qui donne plus de lisibilité aux marchés financiers.

(4) La SE permettra de lutter contre des OPA hostiles grâce à un regroupement en son sein d'entreprises "opéables".

(5) La SE permettra à certains groupes extra européens de brandir un drapeau européen: des entreprises japonaises, chinoises, suisses, américaines, australiennes ont ainsi l'intention de constituer des SE par fusion de certaines de leurs filiales dans divers Etats membres.La souplesse d'utilisation de la SE trouve un autre champ d'action puisque la directive lui permet par des accords sur mesure de constituer vraiment une seule structure sociale pour tous ses salariés dans les divers Etats membres.

16 Droit des sociétés - 10e édition, p. 635 in fine - éditions Litec.

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II. L'ÉTABLISSEMENT D'UNE SEULE STRUCTURE SOCIALE

Elle sera facilitée par le fait que la SE aura pu librement choisir une structure moniste ou dualiste. Ainsi sera-t-il apprécié par les fondateurs de pouvoir opter pour une structure dualiste pour l'ensemble de la SE si l'on préfère introduire des représentants des travailleurs dans un conseil de surveillance plutôt que de les introduire dans un conseil d'administration.

A./ La cogestion

Contrairement à ceux qui croient toujours que la SE sera le vecteur de la participation, voire un cheval de Troie, il est important de rappeler le Principe "Avant-Après" consacré solennellement pour la SE :

– si avant sa constitution aucune des sociétés participantes n'avait introduit de représentants des travailleurs dans son organe d'administration (système moniste) ou son organe de surveillance (système dualiste), la SE ne sera tenue que d'informer et consulter ses salariés et en aucune façon d'organiser leur participation à la gestion.

– si en revanche, avant la fusion un quart des salariés de la future SE étaient représentés dans les organes des sociétés participantes, (ou la majorité en cas de constitution d'une holding ou filiale commune), la SE devra organiser le même système de participation pour tous les salariés de la SE. Un Etat membre est toutefois libre de ne pas transposer ce principe dans sa législation dans la mesure ou il s'oppose à ce qu'une minorité puisse imposer son système à la majorité. Dans ce cas, une telle SE ne pourra être immatriculée sur son territoire. En tout état de cause, si l'Assemblée générale des actionnaires ne souhaite pas que la future SE organise la cogestion de ses salariés conformément à la directive, elle a la faculté de ne pas poursuivre l'immatriculation de la SE dans les cas où un accord des partenaires sociaux prévoirait cette cogestion ou, faute d'accord, dans le cas où l'application de l'annexe l'organiserait (cf. article 23§2 du Règlement en cas de fusion et 32§6 pour la holding SE).

Le dernier mot est ainsi laissé aux actionnaires puisque la SE ne peut être immatriculée que lorsqu'on s'est mis d'accord sur l'implication des travailleurs de la SE. C'est à dire leur information, leur consultation voire leur participation aux organes pour préserver les droits acquis des salariés.

B./ L'accord

Le volet social de la SE repose sur un accord conclu en toute "autonomie des parties" (article 4 de la directive). Cette autonomie totale devrait permettre à chaque SE d’avoir un système « sur mesure » selon la culture de l’entreprise en créant en outre un esprit de corps entre les « salariés européens » de la future SE. On peut légitimement penser que le système adopté par voie d’accord sera influencé par le lieu du siège de la future SE : une immatriculation dans l’un des 7 Etats « avec Participation » devrait favoriser des accords « avec Participation »alors qu’une immatriculation dans l’un des 8 Etats « sans Participation » ne devrait s’accompagner d’un accord sur la participation que si une proportion significative des salariés en bénéficiait avant cette constitution. Le Considérant n° 17 de la directive insiste à ce sujet sur « la garantie des droits acquis des travailleurs  comme « principe fondamental et objectif déclaré » ajoutant que « les droits des travailleurs existant avant la constitution des SE devraient être à la base de l’aménagement de leurs droits en matière d’implication dans la SE » (principe « avant-après »). L’article 4 § 3 de la Directive précise s’il en était besoin que l’accord n’est

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pas soumis aux dispositions de référence visées à l’annexe. Il n’y a donc pas de fixation d’un contenu minimum de l’accord conclu en toute autonomie des parties.

C./ Rapports avec la directive "Comité d'entreprise européen"

La directive "SE" paraît très compliquée c'est vrai, mais en réalité, l’information et la consultation visés par la directive sur l’implication des travailleurs dans la SE ont été directement inspirées par la directive concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen du 22 septembre 199417, qui vise également l’Information et la consultation des travailleurs des « entreprises ou groupes d’entreprises de dimension communautaire ». Ce texte prévoit la création d’un groupe spécial de négociation, la conclusion d’accords « dans un esprit de collaboration » en préservant « l’autonomie des parties » et faute d’accord, l’application de prescriptions subsidiaires devant satisfaire aux dispositions de l’annexe (copie conforme de celle retenue pour ce qui concerne l’Information et la consultation dans la SE).L’article 13 de la Directive « SE » prévoit ainsi que si la SE est une entreprise de dimension communautaire au sens de la directive 94/45/CE ou 97/74/CE18, le groupe spécial de négociation peut décider de ne pas entamer de négociations ou de clore des négociations déjà entamées. Dans ce cas, la SE continuera à appliquer l’accord conclu au niveau des sociétés participantes. On peut imaginer que telle sera la situation lorsque les accords conclus au niveau des sociétés participantes donnent toute satisfaction aux partenaires qui les ont conclus. Dans le cas contraire (ou si aucun accord n’avait pu être conclu), une nouvelle négociation sera engagée au moment de la constitution de la SE sur les mêmes bases pour ce qui concerne l'information et la consultation, et sur des bases nouvelles concernant la participation aux organes non prévue par les 2 directives susvisées.

III. LE VOLET FISCAL

Quelle sera la fiscalité applicable à la SE ?C’est LA question première des responsables d’entreprises qui souhaitent qu’un Règlement communautaire s’accompagne d’avantages fiscaux en faveur de ceux qui opteront pour cette nouvelle structure communautaire.La question est également posée par ceux qui souhaitent que la SE s’accompagne au moins de mesures fiscales permettant d’opter pour le Statut de SE sans être pénalisé : traitement fiscal spécifique.Dans toutes ses initiatives la Commission veille à éviter des distorsions de concurrence entre entreprises et à assurer la neutralité du traitement fiscal quelle que soit la forme de la société : le choix de la SE ne devrait pas se faire en fonction de son intérêt fiscal, mais plutôt pour son intérêt intrinsèque en droit des sociétés qui permet la mise en place d’un cadre juridique communautaire à la place d’un réseau complexe et coûteux de filiales soumises aux divers droits nationaux. Toutefois, il faut éviter que la SE soit pénalisée.

a) Le principeLes sociétés européennes seront traitées comme n’importe quelle autre entreprise multinationale, c’est-à-dire qu’elles seront soumises à la législation fiscale nationale applicable au niveau de la société comme de ses établissements.

b) Les spécificités17 Directive 94/45/CE – JOCE n° L 254/64 du 30.09.1994.18 Directive 97/74/CE – JOCE n° L 10 du 16.01.1998, p. 22.

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Les SE constituées par voie de fusion, immatriculées dans un Etat membre particulier et exerçant leurs activités par l’intermédiaire d’établissements établis dans divers pays bénéficieront d’un avantage fiscal lié à cette multiplicité d’établissements. En effet, si leur bénéfice global est imposé dans l’Etat membre où elles ont leur siège, elles pourront compenser les pertes de certains établissements stables par les profits enregistrés par la société. En pratique, une telle compensation est rarement envisageable lorsque la société mère est constituée comme une entité indépendante, opérant par le biais de filiales dotées d’une personnalité juridique propre. Cette consolidation fiscale est commune dans les Etats membres pour ce qui concerne les établissements. Elle n'est possible en France (qui applique le principe de territorialité de l'impôt) que lorsque, par accord, l'administration fiscale a autorisé une consolidation mondiale (11 groupes bénéficient d'un tel système privilégié). Les SE constituées par voie de fusion seront le premier type de société à pouvoir bénéficier de la directive concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions intéressant des sociétés d’Etats membres différents (90/434/CEE)19. Ce texte prévoit la taxation des seules plus-values réalisées au moment de la fusion, mais non des plus-values latentes, dans la mesure où un établissement stable est maintenu dans l’Etat où la société était immatriculée avant la fusion. Il faudra toutefois procéder à une modification technique de cette directive pour ajouter les SE aux catégories de sociétés entrant dans son champ d’application.Il en sera de même pour éviter la double imposition en cas de distribution des bénéfices entre sociétés d’Etats membres différents, grâce à la directive 90/435/CEE20.La SE devra également être ajoutée à la liste des sociétés visées par la future directive visant à éviter la taxation, des intérêts et redevances payés entre sociétés d’un même groupe. Un accord politique a été obtenu sur cette directive au Conseil « écofin » des 26-27 novembre 2000.Les SE bénéficieront en outre des conventions fiscales en vigueur dans les Etats membres où elles sont situées. Elles bénéficieront aussi de la convention d’arbitrage 90/436/CEE21 qui a pour objet d’éliminer la double imposition en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées, qui s’applique à toutes les formes d’entreprises et donc également à la SE (article 4).Une fois constituée, la SE aura la possibilité de transférer son siège social dans un autre Etat membre avec maintien de sa personnalité juridique et sans dissolution. Il faudra éviter que les lois fiscales actuellement en vigueur dans certains Etats membres continuent à taxer ce transfert « comme s’il » s’agissait d’une dissolution. Si tel devait être le cas, des mesures fiscales devraient être adoptées par le Conseil dans la ligne de ce qui fut adopté en cas de fusion, pour que seules soient taxées les plus values réalisées, mais non les plus values latentes dans la mesure où serait maintenu un établissement stable dans l’Etat du siège d’origine. A ce sujet il est intéressant de rappeler la thèse très convaincante de M. Menjucq pour ce qui concerne les SE immatriculées en France22. L'article 221§3 du code général des impôts prévoit que le transfert de siège à l'étranger de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés n'est pas assimilé à une dissolution d'entreprise "lorsqu'il existe (par renvoi à l'article 225-97 du code de commerce) "une convention entre la France et l'Etat d'accueil assurant le maintien de la personnalité morale de la société". Or le Règlement, (article 8) prévoit expressément que "ce transfert ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle". Ce texte prévoit incontestablement "le maintien de la personnalité morale de la société". On imagine mal qu'une loi fiscale

19 JOCE L 225 du 20 août 1990.20 JOCE L 225 du 20 août 1990.21 JOCE L 225 du 20 août 1990.22 M. Menjucq - La Société européenne. Revue des Sociétés - Dalloz n° 2, Avril-Juin 2002

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nationale inférieure dans la hiérarchie des normes au texte d'un Règlement communautaire ignore un tel Règlement directement applicable dans 15 voire 25 Etats membres, alors qu'il eût fléchi devant une simple convention bilatérale qui se serait bornée à prévoir le maintien de la personnalité morale de la société que le Règlement organise précisément.La SE et les prix de transfert : Il serait intéressant d'examiner si les sociétés bénéficiant d'une consolidation mondiale (11 groupes en France) ou les sociétés des autres Etats membres bénéficiant d'une consolidation fiscale entre la société et ses établissements resteront tenues de payer les prix de transfert normalement dûs entre la société et ses filiales. Dans le cas contraire, des économies considérables pourraient être réalisées par les SE. Nous ne pouvons qu'encourager les experts fiscaux à examiner ce point au moment où ils envisageront de constituer une SE.

Il serait utile d'aller plus loin encore et d'obtenir que les taux d'imposition des sociétés soient rapprochés et que les SE soient taxées au niveau du siège, les Etats concernés se répartissant ce qui leur reviendrait. En réalité, la SE ayant le choix du lieu de son siège, qu'elle peut en outre transférer librement, saura choisir le régime fiscal qui lui paraîtra le meilleur. L'harmonisation fiscale qui n'aura pu être réalisée par la grande porte le sera par la petite, car les Etats qui ne se satisferont pas de la fuite des SE de leur territoire prendront les dispositions qui s'imposent. La Commission a proposé que la SE soit un "projet Pilote"23, mais il est trop tôt pour connaître l'issue de ce voeu qui permettrait aux SE de ne faire qu'une seule déclaration de bénéfices et de payer avec un seul chèque selon le souhait des entreprises.

CONCLUSIONSLe texte actuel de Règlement contient 70 articles. Les versions de 1970 et 1975 en comptaient près de 300. La SE n’est plus ce navire immense voguant hors des eaux territoriales loin des côtes des Etats membres et sur lequel personne ne pouvait monter. La SE est devenue un navire de croisière quittant son port d’attache pour longer les côtes des Etats membres et emmener à son bord tous ceux qui souhaitent profiter de ses avantages. Face aux critiques de certains théoriciens du Droit contre ce Statut nouveau, pourtant plus proche des entreprises et de leur environnement juridique et social, on songe à ces mots du Général De Gaulle « Eh oui, il y a toujours ceux qui regrettent le charme des lampes à huile et de la marine à voile" » ! Le Statut nouveau a incontestablement gagné en souplesse et simplicité. Il a été débarrassé

de ces contraintes que constituait le droit des groupes obligatoire (qui n’est inclus, encore aujourd’hui, que dans le droit allemand et le droit portugais) ou la participation obligatoire dans les organes de la société (que seuls 7 Etats membres ont introduite selon des modèles généralement minoritaires mis à part le modèle paritaire allemand) ou encore l’obligation d’opter pour un système dualiste (que très peu d’Etats ont consacré dans leur législation).

Le Statut nouveau a gagné en ouverture en particulier en faveur des PME : le capital minimum requis en 1970 était important en cas de fusion : 500.000 écus tombés à 250.000 dans la version de 1975. Il n’est plus que de 120.000 euros à la portée de la plupart des entreprises qui souhaitent développer leur activité transfrontalière. L’accès a même été ouvert aux sociétés étrangères ayant conservé hors de l’Union leur administration centrale, leurs centres de décisions stratégiques, à la seule condition qu’elles soient immatriculées dans un Etat membre et aient « un lien effectif et continu avec l’économie d’un Etat membre ». C’est à dire un simple établissement dans l’Union. On ne peut plus parler de « forteresse Europe ». Les filiales de groupes japonais ou américains ne s’y sont pas trompées, qui manifestent un intérêt sans cesse croissant pour ce nouveau véhicule juridique afin de conforter leur image de marque européenne , réduire leurs coûts de

23 SEC(2001) 1681 octobre 2001 "La fiscalité des sociétés dans le Marché intérieur".

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fonctionnement et améliorer leur efficacité. Le Statut nouveau a encore gagné en ouverture en autorisant la transformation en SE d’une société nationale qui prouve son caractère européen par une filiale depuis au moins 2 ans dans un autre Etat membre.

Le texte actuel de Directive a également été assoupli pour tenir compte de la diversité des traditions nationales. Un Etat est même autorisé à ne pas transposer dans sa législation les dispositions sur la participation des salariés en cas de fusion s’il préfère être privé du droit d’immatriculer une SE plutôt que de consacrer dans sa loi le droit d’une minorité à imposer son modèle de participation à une majorité des salariés de la SE. Des accords « sur mesure » conclus en toute autonomie des parties respectant la culture de l’entreprise et créant un esprit de corps entre ces « salariés européens » sont également un gage de cette souplesse nouvelle.Faute d’accord, les dispositions de référence tiennent également compte des traditions différentes. Ainsi l’objectif de la directive n’est pas d’exporter la participation là où elle n’existait pas, mais de préserver les droits acquis des salariés à cette participation selon le principe « avant-après » décrit dans le Considérant n° 17.

Le Statut nouveau a gagné en attrait : de nombreux groupes manifestent actuellement leur intérêt pour la SE. Ils insistent sur le fait que la simplification de la structure des groupes donnera plus de lisibilité aux marchés financiers et offrira aux SE une visibilité accrue sur la scène européenne et internationale. Ils estiment aussi que la constitution de SE permettra, en les renforçant, de permettre à certaines entreprises de ne pas subir des O.P.A. hostiles. Ils estiment également que la SE leur fera faire d’importantes économies d’échelle et des gains de productivité encore plus importants.

Certes, il y a encore des prophètes de mauvais augure sur le manque d’intérêt de la SE, les Sociétés européennes créées les démentiront.

EUROPEAN COMMISSIONBrussels, 17.11.2010SEC(2010) 1391 final

COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENTAccompanying document to the Report from the Commission to the European

Parliament and the Council on the application of Council Regulation 2157/2001 of 8 October 2001 on the Statute for a European Company (SE)

COM(2010) 6761. INTRODUCTIONThe European Company Statute ("SE Regulation")1 was adopted on 8 October 2001 after more than 30 years of negotiations in the Council. It offered the possibility to create a newlegal form called a European Company, also referred to as an SE after its Latin name SocietasEuropaea. The main idea behind the SE Regulation was to make it easier for companies andgroups with a "European" dimension to combine, plan and carry out the reorganisation oftheir business on an EU scale.Article 69 of the SE Regulation requires the Commission to present a report on its applicationincluding proposals for amendments, where appropriate, five years after the entry into force.This Staff Working Document accompanies the Commission Report. It provides a descriptionof the inventory of SEs and the implementation of the Member State options contained in theSE Regulation, as well as more detailed description of the practical problems encountered inthe course of setting up or running an SE.2. APPLICATION OF THE SE STATUTE2.1. The inventory of SEs and their characteristics2

As of 25 June 2010, 595 SEs were registered in the EU/EEA Member States. The number ofSEs increased in an exponential way from 2004 to 2008. In 2009 fewer new SEs were created

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than in 2008, but in 2010 the trend was again an increased number of new SEs created. Thenumber of new SEs set up each year from 2004 to mid-2010 was 9 in 2004, 16 in 2005, 35 in2006, 88 in 2007, 179 in 2008, 156 in 2009 and 112 in 2010 as at 25 June3. Reportedly 6 SEshave been liquidated4 and 1 SE converted to a national legal form (German GmbH).For the purpose of the inventory of SEs, four types of SEs can be distinguished: (1) SEs withmore than a few employees; (2) SEs that have activities but no or very few employees; (3)SEs that seem to be operating but on which there is no information on the number ofemployees; (4) shelf SEs, i.e. SEs with no activities or employees that are usually set up byprofessional company providers with the purpose of selling them afterwards to interestedbuyers. SEs mentioned in points (1)-(3) are hereafter referred to as "non-shelf" SEs. Thepresentation of the inventory of SEs below is supplemented with more detailed information inAnnexes 1 to 6.

As of 25 June 2010, SEs were registered in 21 out of the 30 EU/EEA Member States, with thevast majority (around 70%) in the Czech Republic or Germany. Very few SEs were registeredin Southern European Member States, with the exception of Cyprus. Around 10% of the SEswere listed companies5. Approximately 25% of all SEs had five or more employees of whichhalf were registered in Germany. 6% of all SEs, most of them registered in the CzechRepublic, had less than 5 employees. 14% of all SEs were operating but seemed to have noemployees. This type of SEs accounted for at least half of the SEs in the Netherlands, theUnited Kingdom, Ireland, Denmark, Poland and Spain. Around 42% of all SEs seemed to beoperating but no information was available on the number of employees. A large majority ofthem were registered in the Czech Republic and a substantial percentage in France,Luxembourg, Cyprus, Belgium and Liechtenstein. The remaining 13% were shelf SEs not yetactivated6 as at 25 June 2010. 95% of these shelf SEs were registered in the Czech Republic,Germany or Slovakia. Further 36% of all SEs were originally set up as shelf SEs but had beenactivated7.49 SEs had transferred their registered office from one Member State to another. Whereasthe United Kingdom (13) and Cyprus (6) were the most frequently chosen destinations, thelargest number of SEs moved away from the Netherlands (17), Luxembourg (9), Germany (7)and the Nordic countries (6). Almost all SEs that had transferred their registered office wereoperating SEs. Most of them had no employees, but at least 20% of the transfers involved SEswith 5 or more employees. More than 80% of the SEs of which activities were known wereactive in the services sector (55% in the financial services sector alone) and 8% in the metalsector. The trend shows an increase in seat transfers from year to year8.Concerning the method of creation of an SE the trends vary considerably from one MemberState to the other and depend on whether or not setting up of shelf SEs is excluded from thecalculation of statistics. If shelf SEs are excluded, setting up an SE through conversion of apublic limited-liability company was in general the most frequently used method (40%),followed by a cross-border merger between public limited-liability companies (25%), settingup a common subsidiary SE (18%), setting up a SE subsidiary by an existing SE (10%) andsetting up a holding SE (7%)9.Regarding the legal form of the founding companies, apart from public limited liabilitycompanies, also private limited-liability companies have participated in the creation of SEswhen it was legally possible (i.e. creation of a holding SE and a common subsidiary SE).Private limited-liability companies, of which a majority were German, participated in almost60% of the cases of the creation of (non-shelf) holding SEs and close to 80% of the cases ofthe establishment of (non-shelf) common subsidiary SEs10. Private limited-liability companieshave also participated in setting up SEs through merger and conversion, but only after firsthaving transformed into a public limited-liability company11. Other types of companies were

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seldom founders of SEs.

Concerning the nationality of the founding companies there is a trend that in most caseswhere a German company participated in the founding of a non-shelf SE, the SE would beregistered in Germany12. Only in 2% of all cases had an SE been set up in a Member Statewhere neither of its founding companies was registered.The SE is typically a corporate form chosen by groups of companies. 75% of the non-shelfSEs were parent companies, whereas only around 20% of them were subsidiaries and lessthan 5% were independent companies13.The fields of activities for non-shelf SEs mirror to a large extent the sizes of the economicsectors in the EU. However, there were even more SEs in the services sector as a wholecompared to the economy at large (85% vs. 72%). On the other hand, there were fewer SEs,for instance, in the construction sector compared to the economy at large (2% vs. 6%). Themost dominant field of SEs' activities were finance and insurance (31%) and other services(27%). Other fields of activities were real estate (14%), manufacturing (12%) and wholesaleand retail trade (11%)14.Concerning the board structure, in almost all Member States (except the Netherlands andSpain) a majority of non-shelf SEs had chosen the same board structure (one-tier15 or twotier16)as the one available to or commonly used by the national public limited-liabilitycompanies in that Member State. Since most SEs were set up in Member States where thetwo-tier board structure is the most common system, the result is that a majority of SEs havealso chosen a two-tier board structure. However, a one-tier board structure was chosen moreoften in Member States with a two-tier board system than the contrary. Furthermore in allMember States that allow both the one- and two-tier system for national public limitedliabilitycompanies, a majority of the SEs had chosen the one-tier system. In general, very fewSEs are set up in countries that already allow both systems. The one-tier board structure waspreferred by a majority of the SEs without employees and by around 40% of the SEs with 5 ormore employees17. Most often the size of the board remained the same (in the vast majority ofcases the board before and after the SE creation was composed of 2-5 members). In caseswhere the board's size had changed, the number of board members had more often increasedthan decreased18.Almost 70% of all SEs, most of them shelf SEs, were created with a subscribed capital equalto the minimum capital requirement of €120,000. Around one third of all non-shelf SEs, mostof which came from Germany, were set up with an initial subscribed capital of above €10million. 8% of the SEs had raised their subscribed capital after their formation19.The average balance sheet total of non-shelf SEs was €524 million, the highest averagecoming from German SEs (€1,586 million). In countries like Belgium and Slovakia theaverage balance sheet total was much lower (€17 million and €4 million respectively). Basedon the information on German SEs, the operating SEs with five or more employees had anaverage balance sheet total double the size of the overall average.The average net turn over of non-shelf SEs was €366 million, the highest average comingfrom the German SEs (€1,351 million). Several SEs had no net turnover according to theannual accounts20.Most SEs were set up without employees, mainly due to the fact that around half of all SEswere originally set up as shelf SEs. Around 34% of all non-shelf SEs were set up with morethan 250 employees. Half of these SEs were German21. Due to insufficient data no commentcan be provided on the developments as regards the number of employees after the formationof the SEs.2.2. The SE legislation applicable in the different Member States

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Council Regulation 2001/2157/EC on the Statute for a European Company (SE) contains notonly provisions that are directly applicable in all Member States22, but also cross-references tothe national legislation applicable to public limited-liability companies ("nationalcompanies")23 as well as several Member State options24. As a result the legislation applicableto SEs varies, sometimes considerably, from one Member State to the other.According to the external study conducted on behalf of the Commission25 in general MemberStates have implemented the SE options in such a way as to align the SE rules with the rulesfor national companies. However, for some Member States there are more exceptions to thistrend than for others. An analysis of the flexibility26 of the rules applicable to the SEcompared to the rules governing the national companies shows that the United Kingdom,Denmark, Belgium and Greece have adopted the most flexible approach for the SE, whileRomania, Bulgaria, Slovenia, Portugal, France and Cyprus rate lowest. A comparison of thisrating with the distribution of SEs shows that only for the United Kingdom (23 SEs), Belgium(9 SEs), Portugal (1 SE), Bulgaria, Romania and Slovenia (all with no SE) there may be somepositive correlation. On the other hand, the relatively high flexibility rating for Greece (noSE), Denmark (2 SEs) and to some extent Spain (1 SE) and Italy (no SE) does not match withthe low number of SEs in those countries, especially if compared to e.g. France (19 SEs) andCyprus (12 SEs) who have a low rating and a relatively high number of SEs.The study also assessed the flexibility of the SE rules in each Member State compared to theSE rules in the other Member States. This assessment was based on how the Member Statesimplemented the options provided for in the SE Statute and on the national legislation in caseswhere the SE Statute explicitly refers to it. The analysis indicates that Luxembourg, Italy andthe United Kingdom have the most flexible rules for SEs and Cyprus, Germany, Portugal,Sweden, France and the Czech Republic have the least flexible rules compared to the otherMember States. A comparison of this rating with the distribution of SEs shows that only forthe United Kingdom (23 SEs), Luxembourg (16 SEs), Portugal (1 SE) and to a lesser extent,the Netherlands (24 SEs), Slovakia (22 SEs) and Belgium (9 SEs) is there some positivecorrelation. On the other hand, for the Czech Republic (281 SEs), Germany (134 SEs), France(19 SEs) and Cyprus (12 SEs), the correlation is rather negative and, therefore, the rating cannot provide any explanation for the distribution of SEs in these Member States.The different implementation of the options and the different national company law rulesapplicable to SEs could thus be one amongst other explanations for the distribution of SEs incertain Member States. However, the results of the above legal analysis should be looked attaking into account the following limitations: (i) the method of assessing flexibility27; (ii) thefact that the aggregated legal analysis does not capture the relative importance of the analysedrules for companies28; (iii) the scope of the rules analysed, e.g. it does not include all companylaw rules and other areas such as tax, insolvency, employee involvement or social securitylaw. Moreover, the legal analysis does not take into account any non-legal drivers that couldpartially explain the distribution of SEs across the Member States, e.g. differences in the valueof the European image for companies in different Member States or differences in the averagesize of national companies.Close to half of the respondents to the public consultation stated that the content of nationalcompany law rules applicable to SEs does not seem to be the actual driver for choosing the SEform, however, according to many of them other rules such as fiscal law, labour law or therequirement on minimum capital could be important in assessing the attractiveness of nationalprovisions applicable to SEs.3. PRACTICAL PROBLEMS IN THE COURSE OF SETTING UP OR RUNNING AN SE29

In addition to the main problems highlighted in the Report, a more detailed presentation of thepractical problems identified by the consulted stakeholders is provided below.3.1. Practical problems related to setting up of an SE

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3.1.1. Limited methods of setting up an SENo possibility to form an SE by way of cross-border division. It is argued that divisionis an obvious instrument for restructurings both within and across the boarders of aMember State and that a cross-border division whereby an SE will be formed would beeasier and less time-consuming than the alternatives that already exist30. It is also arguedthat although there is no legislation at EU level on cross-border divisions, the jurisprudenceof the European Court of Justice has already made it possible to carry out a cross-borderdivision when the companies involved are governed by the laws of different MemberStates31.Only public limited-liability companies can be transformed into an SE andparticipate in a merger to set up an SE. This makes the SE form more easily availableonly for larger entities, but makes it more difficult for smaller entities which wouldnormally use a private limited-liability company form.3.1.2. The cross-border requirementThe period of at least two years during which the promoting or forming companies havehad a subsidiary company or a branch in another Member State is considered an obstacle.3.1.3. The minimum capital requirementThe high level of the minimum capital requirement (€120,000) is a disincentive forSMEs to adopt the SE particularly in some Member States where SMEs account for about99% of all companies (e.g. Italy and Portugal).3.1.4. The date of creation of the SEFor a conversion into an SE, delays between the shareholders’ meeting approving theconversion and the registration of the SE in the registrar of the commercial court canbe a problem, especially for listed companies (particularly when listed on several stockexchanges) where the time factor is of vital importance. Furthermore, the provisions of theRegulation differ from some national provisions, e.g. the effective date of conversion ofFrench national companies can be the date of the shareholders’ meeting approving theconversion.3.1.5. The procedure on employee involvement in the SEThe requirement to conclude the negotiations on employee involvement before theregistration of the SE was mentioned by several respondents as a practical problem,because it creates substantial delays and uncertainty in the registration of the SE (3 monthsto set up the Special Negotiation Body (hereinafter: ‘SNB’) and then potentially 6-12months to negotiate an agreement). It can especially create substantial problems in amerger scenario.Registration of a ‘shelf’ SE. The SE Statute does not clearly regulate a situation whereneither the SE nor any of the participating companies has employees at the time ofestablishing the SE. A clarification in the SE Statute is suggested.As well as the following ones concerning directly the SE Directive:The rules do not take into account if the group on a higher level than the SE already has asupranational employee involvement body, e.g. a European Works Council.National law is governing the rules for the establishment of the SNB and SE workscouncil. However, the respective national rules differ considerably and there is uncertaintyon how to calculate the number of employees relevant for the procedure. It is especiallycomplex when the participating companies are large groups with several interdependentsubsidiaries and branches in different countries.Limited number of employees (in the case of merger). The rules with respect toemployee participation upon the formation of an SE by merger also have to be followed incase only a limited number of employees are involved. This is not necessarily the case fora cross-border merger based on the Cross-Border Merger Directive. In such a case, said

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rules will in some cases only have to be followed if certain thresholds are met. As a result,parties will have a strong preference for such a cross-border merger and will not opt for theuse of an SE.Election of the member of the SNB. In some cases, it could be possible that none of theemployees is eligible or wants to be elected a member of the SNB. In that case,negotiations cannot be started and, due to its non-existence, the SNB also cannot decide toopen negotiations or to terminate negotiations already opened and to rely on the rules onthe information and consultation of employees in force in the Member States where the SEhas employees. The absence of an agreement on arrangements for employee involvementor the absence of a decision not to open negotiations or to terminate negotiations would bean obstacle in the registration of the SE.3.1.6. Problems stemming from the lack of clarity and complexity of the SE Statute(interpretational issues)(i) Definition of a subsidiary:Definition of subsidiary (Article 2 of the SE Regulation). Article 2(3) and 2(4) make areference to a ‘subsidiary’ but the Regulation contains no definition of this term. As aresult the Member States have different definitions of a subsidiary. It is not clear if asubsidiary could also be a subsidiary of the company's subsidiary.(ii) Formation of an SE through cross-border merger:Article 17 of the SE Regulation in relation to Article 37(3). Article 17(2)(a) allows for theformation of an SE by means of a merger by acquisition. A relevant issue in practice iswhether or not it is possible to do simultaneously a merger by acquisition and atransfer of the seat of the acquiring company to another Member State than the MemberState of the acquiring company.Article 18 of the SE Regulation. It is not clear which national rules apply to theformation of an SE by merger. Article 18 refers to “the provisions of the law of theMember State to which it is subject that apply to mergers of public limited liabilitycompanies in accordance with Directive 78/855/EEC (the ‘Third Directive’)”. It is unclearif the provisions of the applicable national laws on mergers which are not based upon theThird Directive (or even may deviate from it, if the Third Directive provides so) will alsoapply to an SE merger or whether only the provisions of national laws on mergers whichare based upon and are in accordance with the Third Directive will apply. Furthermore,after the entry into force of the SE Regulation, also the Cross-Border Merger Directivebecame effective. Through Article 10 of the SE Regulation, the provisions of the Cross-Border Merger Directive and the applicable national laws in which this Directive isimplemented are also applicable to a formation of an SE by a cross-border merger. It isuncertain to which extent such provisions will have to be applied and similar questions asto the relationship of the national laws on mergers which are based upon the ThirdDirective can arise.Article 20 par 1(b) of the SE Regulation. The determination of the share exchange ratio(merger). Within the Member States different (mandatory) methods for determining thevalue of the companies are used (e.g. in Germany the capitalized earnings valuationmethod prevails, whereas in other countries valuation methods based on multiples prevail).The differences in the valuation methods may lead to different results which could lead toserious difficulties in determining the applicable share exchange ratio for the purposes ofmerger. In practice absorbing companies may need to acquire 100% of the share capital ofthe absorbed companies before conducting a merger.Article 25 par 2 of the SE Regulation. The Regulation does not provide for a minimumcontent of the certificate of legality to be issued by the competent authority (merger).This situation is a source of problems for the authority that should receive the certificate

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issued by authorities from other Member States for each merging company. The sameapplies to the report of the independent expert examining the draft terms of merger (Article22 of the SE Regulation).The relation between the formation of an SE through a cross-border merger and Article37(6) of the SE Regulation (which requires an expert report certifying, in the case ofconversion into an SE, that the company has net assets at least equivalent to its capital plusthe non-distributional reserves). In an Austrian case of setting up of an SE by cross-bordermerger it was disputed whether or not such an expert report was also required on top of themerger requirements. Although it could seem contrary to the intentions of the legislator theAustrian court decided that the formation by cross-border merger entails also aconversion from a public limited liability company into an SE and therefore the expertreport mentioned in Article 37(3) was required in the particular case.Language and translation requirements. Such requirements increase the costs of settingup an SE through a cross-border merger. Another problem mentioned by one respondent isthat some local laws apparently do not allow bilingual draft terms of merger, and if thelaws allow bilingual draft terms of merger notarisation requirements can be anotherproblem: it can be difficult to find a notary who will notarise bilingual terms of merger ifthe notary does not understand both languages.(iii) Formation of an SE through conversion of a public limited-liability company:Article 37(3) of the SE Regulation. The simultaneous conversion of a public limitedliability company into an SE and the transfer of the registered office to anotherMember State is expressly prohibited, but a consecutive transfer is allowed. Asimultaneous conversion and transfer of the registered office would be less timeconsumingand would reduce administrative burden for the company32. The currentprohibition to transfer the registered office at the same time as the conversion might alsonot be in accordance with the freedom of establishment (article 43 EC) following theCartesio case33.Article 37 par 4 of the SE Regulation. The Regulation is not clear as to whether both thereport and the draft terms of conversion have to explain and justify the legal andeconomic aspects of the conversion and indicate the implications for the shareholders andemployees of the adoption of the form of an SE.(iv) Formation of a Holding SE:The SE Regulation contains extensive provisions on the procedure for the formation of aholding SE in Articles 32 to 34 and references are made to the procedure in the case of amerger. However, it is not entirely clear how the holding SE to be formed becomes ashareholder of its – future – subsidiaries. On the face of Article 33 para. 1 it appears thatthe shares in the future subsidiaries of the holding SE will be contributed to the SE, but theway in which this contribution has to be structured is not described in the SE Regulation.The Regulation also does not provide practical and secure solutions in case oneshareholder of the contributing company becomes insolvent or if his shares are orbecome attached by one of his creditors. Such procedure may stop the process of settingup the SE.(v) Formation of a Subsidiary SE:Contrary to the formation of a holding SE, the SE Regulation does not contain extensiveprovisions on the procedure for the formation of a subsidiary SE. One can assume that theSE Regulation assumes that the participating companies pay up for the shares in thesubsidiary SE. However, due to the absence of a legal framework for the formation of asubsidiary SE in the SE Regulation, it can be argued that the participating companies can,not only form a subsidiary SE by paying up for its shares, but that they can also form asubsidiary SE e.g. by a national or cross-border division, however, it is not clear.

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3.2. Practical problems related to the functioning of an SE3.2.1. ‘Activation’ of a ‘shelf SE’The SE Directive does not contain specific rules on the role of employees when an SE isactivated or structural changes occur after its formation, such as changes to the structure ofthe SE, or the employment of employees or the acquisition of (part of) another company andits employees. In this way, there is potentially a possibility to circumvent the rules onemployee involvement by establishing a shelf SE or acquiring the shares of a shelf SE andthen carrying out certain activities – also referred to as the ‘activation’ of a shelf SE. Thenational laws of the Member States concerning the subject of structural changes in the SE,such as the activation of a shelf SE, differ from each other. Therefore, it is not clear in allcases how it should be dealt with in practice if a shelf SE is activated. If the law of a MemberState is not clear, this law could be interpreted in conformity with the SE Directive. However,the interpretation of the national laws of the Member States in conformity with the SEDirective offers little legal certainty. A clarification of the SE Regulation/Directive couldresolve the current legal uncertainty and remove the potential risk of circumvention.3.2.2. The requirement that the registered office and the head office of an SE are located inthe same Member StateAccording to Article 7 of the SE Regulation, the registered office and the head office of an SEshall be located in the same Member State. It has the consequence, that, if the head office ofan SE is moved, also the registered office has to be moved and vice versa. This is consideredby many stakeholders as an obstacle in practice which is contrary to the nature of an SE as aninternational legal form designed for cross-border business and contrary to the practice ofnational regulations authorising the board of directors or the management board of companiesto be held through videoconferencing or telephone conferencing systems. It is also argued thatthis requirement may be contrary to the freedom of establishment as mentioned in Article 49of the TFEU Treaty.1 Council Regulation (EC) No 2157/2001 of 8 October 2001 on the Statute for a European Company(SE).2 Facts and figures are extracted either from the database "The European Company (SE) Fact sheets"(hereinafter: "ETUI database") available at http://ecdb.worker-participation.eu/ (this database ismanaged and updated by the Research department of the European Trade Union Institute (ETUI), whichis financially supported by the EU) or from the "Study on the operation and the impacts of the Statutefor a European Company" of 2009, (hereinafter: "E&Y study") commissioned by the Commission toErnst & Young (the complete study can be found at:http://ec.europa.eu/internal_market/company/se/index_en.htm).3 The figures for the years 2004 to 2008 are extracted from the E&Y study. The data for 2009 and 2010rely on the ETUI database.4 2 German, 2 from Cayman Islands, 1 from UK, 1 Latvian5 E&Y study, page 200.6 i.e. had been sold and started to conduct activity.7 See Annex 1 for more details on the distribution of different types of SEs across the EU/EEA MemberStates.8 See Annex 2 for more details on the inventory of seat transfers.9 See Annex 3 for more details.10 These findings are extracted from the data contained in Appendix 2.3. of the E&Y study.11 According to several German sources this is quite common in Germany12 According to the information in the "Factsheets on established SEs" of the "Study on the operation andthe impacts of the Statute for a European Company" this was true in 57 out of 62 cases.13 E&Y study, p. 206.14 E&Y study; p. 183-184.15 A board structure with only one administrative board.16 A board structure comprising a management board and a supervisory board.17 See Annex 4 for more details on the choice of board structure.18 E&Y study, p. 199.19 See Annex 5 for more details.

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20 These were mainly SEs without employees.21 See Annex 6 for more details.22 For example Articles 2 and 3(2) contain an exclusive list of the methods possible to create an SE.23 For example Article 24(1) of the SE Regulation, regarding the protection of the interests of creditors incompanies participating in a merger to set up an SE.24 For example Article 40(3) of the SE Regulation, concerning the minimum number of members in thesupervisory organ.25 The "Study on the operation and the impacts of the Statute for a European Company" analyses thereferences and options contained in the SE Regulation, which concerns rules related to (1) the formationof an SE; (2) the transfer of the registered office of an SE; (3) the management/organisation of an SE;and (4) other specific company law issues such as the options on requiring the registered office andhead office in the same place and on the expression of the SEs capital when the SE is registered in aMember State located outside the Euro-zone.The analysis performed in the Study includes information on whether or not the different MemberStates have implemented the different options, and a description of the relevant legislation applicable toSEs. It also includes an assessment on the main differences between the Member States and on theflexibility of the relevant legislation compared both to other Member States’ legislation (inter MemberStates analysis) and to the legislation applicable to national public limited-liability companies (intraMember States analysis). The analysis covered 25 out of the 30 EEA Member States. Ireland, Lithuania,Malta, Iceland and Liechtenstein were not included.26 Flexibility was assessed for each option by comparing on one side the rule applicable to the SEresulting from the implementation (or non-implementation) of the option and on the other side theequivalent rule applicable to national public limited-liability companies. Take for example the option inArticle 43(2) (an option to fix a minimum and maximum number of members of the administrativeorgan of the SE) if a Member State has no fixed number applying to their national companies butnonetheless chose to have such a rule for SEs registered in their territory, the rule applicable to the SEwould be assessed "less flexible" than the national rule. The assessment of « flexibility » was conductedon the basis of a majority shareholder perspective. If another perspective had been chosen, e.g. creditoror employee perspective, the assessment of « flexibility » would in some cases have been different.27 For some of the rules analysed it is not very clear which variety of implementation should be consideredthe relatively more flexible.28 For instance, if some companies find the rules on the management/organisation of the SE to be moreimportant than the other rules analysed and if, as a result, differences in the Member States' rules on themanagement/organisation of the SE could (partially) explain the distribution of SEs across MemberStates, then the aggregated analysis would not capture this trend. In fact the Czech Republic and Italyhave the most flexible rules in that area (both in the intra and inter Member State analysis). This couldthus possibly partially explain the many SEs in the Czech Republic but not the 0 SE in Italy.29 The information is based on the public consultation on the Ernst&Young study(http://ec.europa.eu/internal_market/company/se/index_en.htm).30 The current alternatives are: (i) national division and a subsequent cross-border merger, which can becarried out on the basis of the SE Regulation or the Cross-Border Merger Directive and the nationallaws implementing this directive and – if the cross-border merger is carried out on the basis of theCross-Border Merger Directive – finally a conversion of the acquiring company into an SE, or (ii) anational division, followed by a conversion of the acquiring company into an SE and a subsequenttransfer of the registered office of the SE.31 See the "Sevic" Case (C-411/03).32 Currently: one month for the conversion (Article 37 paragraph 5 of the SE Regulation) and two monthsfor the transfer of the registered office (Article 8 paragraph 6 of the SE Regulation).33 Case 210/06.

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THEME 7

LES PROCEDURES D’INSOLVABILITE

A. TEXTES1. Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures

d'insolvabilité JO n° L 160 du 30/06/2000 p. 1.2. Proposition de la Commission de refonte du règlement du 12 déc. 201, COM 2012 (744) final, D.

2013.316, obsv. Jean-Luc VALLENS (seul l’exposé des motifs est reproduit)

B. JURISPRUDENCE1. HIGH COURT OF JUSTICE (CH.D) LEEDS DISTRICT REGISTRY 16 May 2003 (affaire

DAISYTEK)

2. CJCE 2 mai 2006 (EUROFOOD) aff. C-341/04, note de Jean-Luc VALLENS, JCP éd. E 2006, n° 2071 p 1220 : « Le règlement européen sur les procédures d’insolvabilité à l’épreuve des groupes de sociétés : l’arbitrage de la CJCE »

3. CJUE 21 janvier 2010 (MG PROBUD) aff. C-444/07

4. CJUE 20 octobre 2011 (INTEREDIL SRL) aff. C-369/09, D. 2011.2915, note Jean-Luc VALLENS

5. CJUE 22 novembre 2012 (BANK HANDLOWY) aff. C-116/11, D. 2013.468, note R. DAMMANNet H. LECLAIR DE BELLEVUE

Pistes de travail   :

1. Rechercher les arrêts de la Cour d’Appel de Versailles et de la Cour de cassation dans l’affaire DAISYTEK et présenter les faits et solutions retenues en les comparant à la décision de la High Court of Justice de Leeds

2. Au vu du Règlement et de la jurisprudence de la CJCE, présenter la notion du centre des intérêts principaux du débiteur (on pourra utilement consulter l’article de M. RAIMON, « Centre des intérêts principaux et coordination des procédures dans la jurisprudence européenne sur le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité » JDI 2005.739)

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A. TEXTES1. Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité JO n° L 160 du 30/06/2000 p. 1

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 61, point c), et son article 67, paragraphe 1,vu l'initiative de la République fédérale d'Allemagne et de la République de Finlande,vu l'avis du Parlement européen(1),vu l'avis du Comité économique et social(2),considérant ce qui suit:

(1) L'union européenne s'est fixé pour but d'établir un espace de liberté, de sécurité et de justice.

(2) Le bon fonctionnement du marché intérieur exige que les procédures d'insolvabilité transfrontalières fonctionnent efficacement et effectivement et l'adoption du présent règlement est nécessaire pour atteindre cet objectif qui relève du domaine de la coopération judiciaire civile au sens de l'article 65 du traité.

(3) Les activités des entreprises ont de plus en plus souvent des effets transfrontaliers et sont dès lors de plus en plus réglementées par le droit communautaire. L'insolvabilité de telles entreprises affectant également le bon fonctionnement du marché intérieur, il est nécessaire d'établir un acte communautaire qui exige la coordination des mesures à prendre concernant le patrimoine d'un débiteur insolvable.

(4) Il est nécessaire, pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, d'éviter que les parties ne soient incitées à déplacer des avoirs ou des procédures judiciaires d'un État à un autre en vue d'améliorer leur situation juridique (forum shopping).

(5) Ces objectifs ne peuvent pas être réalisés d'une manière suffisante au niveau national et une action au niveau communautaire est donc justifiée.

(6) Conformément au principe de proportionnalité, le présent règlement devrait se limiter à des dispositions qui règlent la compétence pour l'ouverture de procédures d'insolvabilité et la prise des décisions qui dérivent directement de la procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement. Le présent règlement devrait, en outre, contenir des dispositions relatives à la reconnaissance de ces décisions et au droit applicable, qui satisfont également à ce principe.

(7) Les procédures d'insolvabilité relatives à la faillite d'entreprises insolvables ou d'autres personnes morales, les concordats et les autres procédures analogues sont exclues du champ d'application de la convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale(3), modifiée par les conventions relatives à l'adhésion à cette convention(4).

(8) Pour réaliser l'objectif visant à améliorer et à accélérer les procédures d'insolvabilité ayant des effets transfrontaliers, il paraît nécessaire et approprié que les dispositions relatives à la compétence, à la reconnaissance et au droit applicable dans ce domaine soient contenues dans un acte juridique communautaire qui soit obligatoire et directement applicable dans tout État membre.

(9) Le présent règlement devrait s'appliquer aux procédures d'insolvabilité, que le débiteur soit une personne physique ou morale, un commerçant ou un particulier. Les procédures d'insolvabilité auxquelles s'appliquent le présent règlement sont énumérées aux annexes. Les procédures d'insolvabilité qui concernent les entreprises d'assurance et les établissements de crédit, les entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers, ainsi que les organismes de placement collectif, devraient être exclues du champ d'application du présent règlement. Ces entreprises ne sont pas couvertes par le présent règlement parce qu'elles sont soumises à un régime particulier et que les autorités de contrôle nationales disposent, en partie, de pouvoirs d'intervention très étendus.

(10) Les procédures d'insolvabilités n'impliquent pas nécessairement l'intervention d'une autorité judiciaire; l'expression "juridiction", utilisée dans le présent règlement devrait être prise au sens large et comprendre une personne ou un organe habilités par le droit national à ouvrir la procédure d'insolvabilité. Aux fins de l'application du présent règlement, les procédures (comprenant les actes et les formalités fixés par la loi)

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devraient non seulement se conformer aux dispositions du présent règlement, mais être officiellement reconnues et exécutoires dans l'État membre dans lequel les procédures d'insolvabilité sont ouvertes et être des procédures collectives d'insolvabilité qui entraînent le dessaisissement partiel ou total du débiteur ainsi que la désignation du syndic.

(11) Le présent règlement tient compte du fait que, en raison des divergences considérables entre les droits matériels, il n'est pas pratique de mettre en place une procédure d'insolvabilité unique ayant une portée universelle pour toute la Communauté. L'application sans exception du droit de l'État d'ouverture susciterait dès lors fréquemment des difficultés. Cela vaut notamment pour les sûretés très différenciées qui existent dans la Communauté. Par ailleurs, les droits préférentiels dont jouissent certains créanciers sont, dans certains cas, conçus de manière très différente. Le présent règlement devrait en tenir compte de deux manières en prévoyant, d'une part, des règles spéciales relatives à la loi applicable pour certains droits et situations juridiques particulièrement importants (par exemple, les droits réels et les contrats de travail) et en autorisant, d'autre part, outre une procédure d'insolvabilité principale de portée universelle, également des procédures nationales qui ne concernent que les actifs situés dans l'État d'ouverture.

(12) Le présent règlement permet d'ouvrir les procédures d'insolvabilité principales dans l'État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Ces procédures ont une portée universelle et visent à inclure tous les actifs du débiteur. En vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d'ouvrir des procédures secondaires parallèlement à la procédure principale. Des procédures secondaires peuvent être ouvertes dans l'État membre dans lequel le débiteur a un établissement. Les effets des procédures secondaires se limitent aux actifs situés dans cet État. Des règles impératives de coordination avec les procédures principales satisfont l'unité nécessaire au sein de la Communauté.

(13) Le centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers.

(14) Le présent règlement s'applique uniquement aux procédures dans lesquelles le centre des intérêts principaux du débiteur est situé dans la Communauté.

(15) Les règles de compétence contenues dans le présent règlement ne fixent que la compétence internationale, c'est-à-dire qu'elles désignent les États membres dont les juridictions peuvent ouvrir une procédure d'insolvabilité. La compétence territoriale au sein de cet État membre doit être déterminée par la loi nationale de l'État concerné.

(16) La juridiction compétente pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale devrait être habilitée à ordonner des mesures provisoires et conservatoires dès le moment de la demande d'ouverture de la procédure. Des mesures conservatoires ordonnées tant avant qu'après le début de la procédure d'insolvabilité sont très importantes pour en garantir l'efficacité. Le présent règlement devrait prévoir à cet égard deux possibilités: d'une part, la juridiction compétente pour la procédure principale peut ordonner des mesures conservatoires provisoires également en ce qui concerne les biens situés sur le territoire d'autres États membres, d'autre part, un syndic provisoire désigné avant l'ouverture de la procédure principale peut, dans les États membres dans lesquels le débiteur possède un établissement, demander les mesures conservatoires prévues par la loi de ces États.

(17) Avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale, l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans l'État membre où le débiteur a un établissement ne devrait pouvoir être demandée que par les créanciers locaux et les créanciers de l'établissement local ou lorsque le droit de l'État membre où le débiteur a son centre d'intérêt principal ne permet pas d'ouvrir une procédure principale. Cette limitation est justifiée par le fait que l'on vise à limiter au strict minimum les cas dans lesquels des procédures territoriales indépendantes sont demandées avant la procédure d'insolvabilité principale; si une procédure d'insolvabilité principale est ouverte, les procédures territoriales deviennent secondaires.

(18) Après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale, le présent règlement ne fait pas obstacle à la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans l'État membre où le débiteur a un établissement. Le syndic de la procédure principale ou toute autre personne habilitée à cet effet par la législation nationale de cet État membre peut demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire.

(19) Hormis la protection des intérêts locaux, les procédures d'insolvabilité secondaires peuvent poursuivre d'autres objectifs. Ce pourrait être le cas lorsque le patrimoine du débiteur est trop complexe pour être administré en bloc, ou lorsque les différences entre les systèmes juridiques concernés sont à ce point importantes que des

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difficultés peuvent résulter de l'extension des effets de la loi de l'État d'ouverture aux autres États où se trouvent les actifs. Pour cette raison, le syndic de la procédure principale peut demander l'ouverture d'une procédure secondaire dans l'intérêt d'une administration efficace du patrimoine.

(20) Les procédures principales et les procédures secondaires ne peuvent, toutefois, contribuer à une réalisation efficace de la masse que si toutes les procédures parallèles en cours sont coordonnées. La condition principale ici est une coopération étroite entre les différents syndics qui doit notamment comprendre un échange d'informations suffisant. Pour garantir le rôle prédominant de la procédure principale, le syndic de cette procédure devrait se voir conférer plusieurs possibilités d'influer sur les procédures secondaires en cours. Il devrait pouvoir, par exemple, proposer un plan de redressement ou un concordat ou demander la suspension de la liquidation de la masse dans la procédure secondaire.

(21) Tout créancier, ayant sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans la Communauté, devrait avoir le droit de déclarer ses créances dans toute procédure d'insolvabilité pendante dans la Communauté en ce qui concerne les biens du débiteur. Cela devrait s'appliquer également aux autorités fiscales et aux organismes de sécurité sociale. Aux fins de l'égalité de traitement des créanciers, il faut, toutefois, coordonner la répartition du produit de la réalisation. Chaque créancier devrait pouvoir effectivement conserver ce qu'il a obtenu dans une procédure d'insolvabilité, mais il ne devrait pouvoir participer à la répartition de la masse effectuée dans une autre procédure tant que les créanciers du même rang n'auront pas obtenu, en pourcentage, un dividende équivalent.

(22) Le présent règlement devrait prévoir la reconnaissance immédiate des décisions relatives à l'ouverture, au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité qui relève de son champ d'application, ainsi que des décisions qui ont un lien direct avec cette procédure d'insolvabilité. La reconnaissance automatique devrait entraîner dès lors l'extension à tous les autres États membres des effets attribués à cette procédure par la loi de l'État d'ouverture de la procédure. La reconnaissance des décisions rendues par les juridictions des États membres devrait reposer sur le principe de la confiance mutuelle. À cet égard, les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire. Il convient également de régler conformément à ce principe tout conflit qui existe lorsque les juridictions de deux États membres se considèrent comme compétentes pour ouvrir une procédure principale. La décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure devrait être reconnue dans tous les autres États membres, sans que ceux-ci aient la faculté de soumettre la décision de cette juridiction à un contrôle.

(23) Le présent règlement, dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent - dans le cadre de leur champ d'application - les règles nationales du droit international privé; sauf disposition contraire, la loi de l'État membre d'ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). Cette règle de conflit de lois devrait s'appliquer tant à la procédure principale qu'aux procédures locales. La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d'insolvabilité, qu'ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l'ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d'insolvabilité.

(24) La reconnaissance automatique d'une procédure d'insolvabilité à laquelle est normalement applicable la loi de l'État d'ouverture peut interférer avec les règles en vertu desquelles les transactions sont réalisées dans ces États. Pour protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États différents de celui de l'ouverture, il convient de prévoir des dispositions visant un certain nombre d'exceptions à la règle générale.

(25) Il est particulièrement nécessaire de prévoir pour les droits réels un rattachement particulier qui déroge à la loi de l'État d'ouverture, étant donné que ces droits revêtent une importance considérable pour l'octroi de crédits. La justification, la validité et la portée d'un tel droit réel devraient se déterminer dès lors normalement en vertu de la loi du lieu où il est situé et ne pas être affectés par l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité. Le titulaire du droit réel devrait pouvoir ainsi continuer de faire valoir son droit de séparer la garantie de la masse. Si, en vertu de la loi de l'État de situation, les actifs sont soumis à des droits réels, mais que la procédure principale est effectuée dans un autre État membre, le syndic de la procédure principale devrait pouvoir demander l'ouverture d'une procédure secondaire dans la juridiction où sont nés les droits réels dans la mesure où le débiteur a un établissement dans cet État. Si une procédure secondaire n'est pas ouverte, l'excédent du produit de la vente du bien soumis aux droits réels doit être versé au syndic de la procédure principale.(26) Si la loi de l'État d'ouverture n'admet pas la compensation, un créancier a néanmoins droit à une compensation si celle-ci est possible en vertu de la loi applicable à la créance du débiteur insolvable. La compensation devient ainsi une sorte de garantie régie par une loi dont le créancier concerné peut se prévaloir au moment de la naissance de la créance.

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(27) Il existe aussi un besoin de protection particulier en ce qui concerne les systèmes de paiement et les marchés financiers. Cela s'applique à la compensation et à la liquidation prévues dans ces systèmes, ainsi qu'à la cession de titres et aux sûretés constituées pour ces transactions, conformément, notamment, à la directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres(5). Seule la loi applicable au système ou au marché concerné devrait s'appliquer à ces transactions. Cette disposition vise à éviter toute modification des mécanismes de règlement et de liquidation des transactions prévus dans des systèmes de paiement ou de règlement ou sur les marchés financiers des États membres, en cas d'insolvabilité d'une des parties à une transaction. La directive 98/26/CE contient des dispositions particulières qui supplantent les dispositions générales du présent règlement.

(28) Aux fins de la protection des travailleurs et des emplois de travail, les effets de la procédure d'insolvabilité sur la poursuite ou la cessation des relations de travail et sur les droits et les obligations de chaque partie découlant de ces relations doivent être déterminés par la loi applicable au contrat en vertu des règles générales de conflit de lois. D'autres questions d'insolvabilité, telles que, par exemple, celle de savoir si les créances des travailleurs sont garanties par un privilège et quel est le rang éventuel de ce privilège, devraient être déterminées conformément à la loi de l'État d'ouverture.

(29) Dans l'intérêt des transactions, il convient, à la demande du syndic, de publier dans les autres États membres le contenu essentiel de la décision ouvrant la procédure. S'il existe un établissement sur le territoire de l'État membre concerné, une publication obligatoire peut être prescrite. Dans les deux cas, la publication ne devrait toutefois pas être une condition de la reconnaissance de la procédure menée dans un autre État membre.

(30) Dans certains cas, une partie des personnes concernées peut ne pas être au courant de l'ouverture de la procédure et agir de bonne foi en contradiction avec les nouvelles circonstances. Afin de protéger ces personnes qui, dans l'ignorance de l'ouverture de la procédure dans un autre État membre, exécutent une obligation au profit du débiteur alors qu'elle aurait dû être exécutée au profit du syndic de la procédure dans un autre État membre, il convient de prévoir le caractère libératoire de cette exécution ou de ce paiement.

(31) Le présent règlement devrait contenir des annexes qui concernent l'organisation des procédures d'insolvabilité. Ces annexes devant faire exclusivement référence à la législation des États membres, il existe des motifs spécifiques et légitimes pour que le Conseil se réserve le droit de les modifier afin de tenir compte de modifications éventuelles du droit interne des États membres.

(32) Conformément à l'article 3 du protocole sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Royaume-Uni et l'Irlande ont notifié leur souhait de participer à l'adoption et à l'application du présent règlement.

(33) Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Danemark, annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, cet État membre ne participe pas à l'adoption du présent règlement. Par conséquent, le présent règlement ne lie pas le Danemark et n'est pas applicable à son égard,

A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

CHAPITRE I Dispositions générales

Article premier : Champ d'application1. Le présent règlement s'applique aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic.2. Le présent règlement ne s'applique pas aux procédures d'insolvabilité qui concernent les entreprises d'assurance et les établissements de crédit, les entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers, ainsi qu'aux organismes de placement collectif.

Article 2 : DéfinitionsAux fins du présent règlement, on entend par:

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a) "procédure d'insolvabilité": les procédures collectives visées à l'article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l'annexe A; b) "syndic": toute personne ou tout organe dont la fonction est d'administrer ou de liquider les biens dont le débiteur est dessaisi ou de surveiller la gestion de ses affaires. La liste de ces personnes et organes figure à l'annexe C; c) "procédure de liquidation": une procédure d'insolvabilité au sens du point a) qui entraîne la liquidation des biens du débiteur, y compris lorsque cette procédure est clôturée par un concordat ou une autre mesure mettant fin à l'insolvabilité, ou est clôturée en raison de l'insuffisance de l'actif. La liste de ces procédures figure à l'annexe B; d) "juridiction": l'organe judiciaire ou toute autre autorité compétente d'un État membre habilité(e) à ouvrir une procédure d'insolvabilité ou à prendre des décisions au cours de cette procédure; e) "décision": lorsqu'il s'agit de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou de la nomination d'un syndic, la décision de toute juridiction compétente pour ouvrir une telle procédure ou pour nommer un syndic; f) "moment de l'ouverture de la procédure": le moment où la décision d'ouverture prend effet, que cette décision soit ou non définitive; g) "État membre dans lequel se trouve un bien":- pour les bien corporels, l'État membre sur le territoire duquel le bien est situé,- pour les biens et les droits que le propriétaire ou le titulaire doit faire inscrire dans un registre public, l'État membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu,- pour les créances, l'État membre sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteur, tel qu'il est déterminé à l'article C, paragraphe 1; h) "établissement": tout lieu d'opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.

Article 3 : Compétence internationale1. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un État membre, les juridictions d'un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.3. Lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure d'insolvabilité ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure secondaire. Cette procédure doit être une procédure de liquidation.4. Une procédure territoriale d'insolvabilité visée au paragraphe 2 ne peut être ouverte avant l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité en application du paragraphe 1 que:a) si une procédure d'insolvabilité ne peut pas être ouverte en application du paragraphe 1 en raison des conditions établies par la loi de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteuroub) si l'ouverture de la procédure territoriale d'insolvabilité est demandée par un créancier dont le domicile, la résidence habituelle ou le siège se trouve dans l'État membre sur le territoire duquel est situé l'établissement concerné, ou dont la créance a son origine dans l'exploitation de cet établissement.

Article 4 : Loi applicable1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé "État d'ouverture".2. La loi de l'État d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment:a) les débiteurs susceptibles de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité du fait de leur qualité; b) les biens qui font l'objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par le débiteur après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité; c) les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic; d) les conditions d'opposabilité d'une compensation; e) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les contrats en cours auxquels le débiteur est partie; f) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l'exception des instances en cours; g) les créances à produire au passif du débiteur et le sort des créances nées après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité; h) les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances;

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i) les règles de distribution du produit de la réalisation des biens, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité en vertu d'un droit réel ou par l'effet d'une compensation; j) les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment par concordat; k) les droits des créanciers après la clôture de la procédure d'insolvabilité; l) la charge des frais et des dépenses de la procédure d'insolvabilité; m) les règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers.

Article 5 : Droits réels des tiers1. L'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles - à la fois des biens déterminés et des ensembles de biens indéterminés dont la composition est sujette à modification - appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre État membre.2. Les droits visés au paragraphe 1 sont notamment:a) le droit de réaliser ou de faire réaliser le bien et d'être désintéressé par le produit ou les revenus de ce bien, en particulier en vertu d'un gage ou d'une hypothèque; b) le droit exclusif de recouvrer une créance, notamment en vertu de la mise en gage ou de la cession de cette créance à titre de garantie; c) le droit de revendiquer le bien et/ou d'en réclamer la restitution entre les mains de quiconque le détient ou en jouit contre la volonté de l'ayant droit; d) le droit réel de percevoir les fruits d'un bien.3. Est assimilé à un droit réel, le droit, inscrit dans un registre public et opposable aux tiers, permettant d'obtenir un droit réel au sens du paragraphe 1.4. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 4, paragraphe 2, point m).

Article 6 : Compensation1. L'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit d'un créancier d'invoquer la compensation de sa créance avec la créance du débiteur, lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable.2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 4, paragraphe 2, point m).

Article 7 : Réserve de propriété1. L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité contre l'acheteur d'un bien n'affecte pas les droits du vendeur fondés sur une réserve de propriété, lorsque ce bien se trouve, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre État membre que l'État d'ouverture.2. L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité contre le vendeur d'un bien, après la livraison de ce bien, ne constitue pas une cause de résolution ou de résiliation de la vente et ne fait pas obstacle à l'acquisition par l'acheteur de la propriété du bien vendu, lorsque ce bien se trouve au moment de l'ouverture de la procédure sur le territoire d'un autre État membre que l'État d'ouverture.3. Les paragraphes 1 et 2 ne font pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 4, paragraphe 2, point m).

Article 8 : Contrat portant sur un bien immobilierLes effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat donnant le droit d'acquérir un bien immobilier ou d'en jouir sont régis exclusivement par la loi de l'État membre sur le territoire duquel ce bien est situé.

Article 9 : Systèmes de paiement et marchés financiers1. Sans préjudice de l'article 5, les effets de la procédure d'insolvabilité sur les droits et obligations des participants à un système de paiement ou de règlement ou à un marché financier sont régis exclusivement par la loi de l'État membre applicable audit système ou marché.2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité des paiements ou des transactions en vertu de la loi applicable au système de paiement ou au marché financier concerné.

Article 10 : Contrat de travailLes effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de l'État membre applicable au contrat de travail.

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Article 11 : Effets sur les droits soumis à enregistrementLes effets de la procédure d'insolvabilité concernant les droits du débiteur sur un bien immobilier, un navire ou un aéronef, qui sont soumis à inscription dans un registre public, sont régis par la loi de l'État membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu.

Article 12 : Brevets et marques communautairesAux fins du présent règlement, un brevet communautaire, une marque communautaire, ou tout autre droit analogue établi par des dispositions communautaires ne peut être inclus que dans une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1.

Article 13 : Actes préjudiciablesL'article 4, paragraphe 2, point m), n'est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d'un acte préjudiciable à l'ensemble des créanciers apporte la preuve que:- cet acte est soumis à la loi d'un autre État membre que l'État d'ouverture,et que- cette loi ne permet en l'espèce, par aucun moyen, d'attaquer cet acte.

Article 14 : Protection du tiers acquéreurLorsque, par un acte conclu après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, le débiteur dispose à titre onéreux:- d'un bien immobilier,- d'un navire ou d'un aéronef soumis à inscription dans un registre public,ou- de valeurs mobilières dont l'existence suppose une inscription dans un registre prévu par la loi,la validité de cet acte est régie par la loi de l'État sur le territoire duquel ce bien immobilier est situé, ou sous l'autorité duquel ce registre est tenu.

Article 15 : Effets de la procédure d'insolvabilité sur les instances en coursLes effets de la procédure d'insolvabilité sur une instance en cours concernant un bien ou un droit dont le débiteur est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel cette instance est en cours.

CHAPITRE IIReconnaissance de la procédure d'insolvabilité

Article 16 : Principe1. Toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un État membre compétente en vertu de l'article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu'elle produit ses effets dans l'État d'ouverture.Cette règle s'applique également lorsque le débiteur, du fait de sa qualité, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité dans les autres États membres.2. La reconnaissance d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, ne fait pas obstacle à l'ouverture d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, par une juridiction d'un autre État membre. Dans ce cas cette dernière procédure est une procédure secondaire d'insolvabilité au sens du chapitre III.

Article 17 : Effets de la reconnaissance1. La décision d'ouverture d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les effets que lui attribue la loi de l'État d'ouverture, sauf disposition contraire du présent règlement et aussi longtemps qu'aucune procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, n'est ouverte dans cet autre État membre.2. Les effets d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, ne peuvent être contestés dans les autres États membres. Toute limitation des droits des créanciers, notamment un sursis des paiements ou une remise de dette résultant de cette procédure, ne peut être opposée, quant aux biens situés sur le territoire d'un autre État membre, qu'aux créanciers qui ont exprimé leur accord.

Article 18 : Pouvoirs du syndic1. Le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 1, peut exercer sur le territoire d'un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l'État d'ouverture, aussi longtemps qu'aucune autre procédure d'insolvabilité n'y a été ouverte ou qu'aucune mesure conservatoire

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contraire n'y a été prise à la suite d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans cet État. Il peut notamment déplacer les biens du débiteur hors du territoire de l'État membre sur lequel ils se trouvent, sous réserve des articles 5 et 7.2. Le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, peut, dans tout autre État membre faire valoir par voie judiciaire ou extrajudiciaire, qu'un bien mobilier a été transféré du territoire de l'État d'ouverture sur le territoire de cet autre État membre après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. Il peut également exercer toute action révocatoire utile aux intérêts des créanciers.3. Dans l'exercice de ses pouvoirs, le syndic doit respecter la loi de l'État membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux modalités de réalisation des biens. Ces pouvoirs ne peuvent inclure l'emploi de moyens contraignants, ni le droit de statuer sur un litige ou un différend.

Article 19 : Preuve de la nomination du syndicLa nomination du syndic est établie par la présentation d'une copie, certifiée conforme à l'original, de la décision qui le nomme, ou par tout autre certificat établi par la juridiction compétente.Une traduction dans la langue officielle ou une des langues officielles de l'État membre sur le territoire duquel le syndic entend agir peut être exigée. Aucune légalisation ou autre formalité analogue n'est requise.

Article 20 : Restitution et imputation1. Le créancier qui, après l'ouverture d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, obtient par tout moyen, notamment par des voies d'exécution, satisfaction totale ou partielle en ce qui concerne sa créance sur des biens du débiteur qui se trouvent sur le territoire d'un autre État membre, doit restituer ce qu'il a obtenu au syndic, sous réserve des articles 5 et 7.2. Afin d'assurer un traitement égal des créanciers, le créancier qui a obtenu, dans une procédure d'insolvabilité, un dividende sur sa créance, ne participe aux répartitions ouvertes dans une autre procédure, que lorsque les créanciers de même rang ou de même catégorie ont obtenu, dans cette autre procédure, un dividende équivalent.

Article 21 : Publicité1. Le syndic peut demander que le contenu essentiel de la décision ouvrant la procédure d'insolvabilité et, le cas échéant, de la décision qui le nomme soit publié dans tout autre État membre, selon les modalités de publication prévues dans cet État. Ces mesures de publicité indiquent en outre le syndic désigné et précisent si la règle de compétence appliquée est celle de l'article 3, paragraphe 1 ou 2.2. Toutefois, la publication obligatoire peut être prévue par tout État membre sur le territoire duquel le débiteur a un établissement. Dans ce cas, le syndic ou toute autorité habilitée à cet effet dans l'État membre où la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, a été ouverte doit prendre les mesures nécessaires pour assurer cette publication.

Article 22 : Inscription dans un registre public1. Le syndic peut demander que la décision ouvrant une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, soit inscrite au livre foncier, au registre du commerce et à tout autre registre public tenu dans les autres États membres.2. Toutefois, l'inscription obligatoire peut être prévue par tout État membre. Dans ce cas, le syndic ou toute autorité habilitée à cet effet dans l'État membre où la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, a été ouverte doit prendre les mesures nécessaires pour assurer cette inscription.

Article 23 : FraisLes frais des mesures de publicité et d'inscription prévues aux articles 21 et 22 sont considérés comme des frais et dépenses de la procédure.

Article 24 : Exécution au profit du débiteur1. Celui qui, dans un État membre, exécute une obligation au profit du débiteur soumis à une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre, alors qu'il aurait dû le faire au profit du syndic de cette procédure, est libéré s'il ignorait l'ouverture de la procédure.2. Celui qui a exécuté cette obligation avant les mesures de publicité prévues à l'article 21 est présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir ignoré l'ouverture de la procédure d'insolvabilité; celui qui l'a exécutée après ces mesures de publicité est présumé jusqu'à preuve contraire, avoir eu connaissance de l'ouverture de la procédure.

Article 25 : Reconnaissance et caractère exécutoire d'autres décisions1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d'ouverture est reconnue conformément à l'article 16 ainsi qu'un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité. Ces décisions sont exécutées conformément aux articles 31 à 51 (à l'exception de l'article 34, paragraphe 2) de la convention de Bruxelles

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concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, modifiée par les conventions relatives à l'adhésion à cette convention.Le premier alinéa s'applique également aux décisions qui dérivent directement de la procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement, même si elles sont rendues par une autre juridiction.Le premier alinéa s'applique également aux décisions relatives aux mesures conservatoires prises après la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.2. La reconnaissance et l'exécution des décisions autres que celles visées au paragraphe 1 sont régies par la convention visée au paragraphe 1, pour autant que cette convention soit applicable.3. Les États membres ne sont pas tenus de reconnaître ou d'exécuter une décision visée au paragraphe 1, qui aurait pour effet de limiter la liberté individuelle ou le secret postal.

Article 26 (6) : Ordre publicTout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution.

CHAPITRE III Procédures secondaires d'insolvabilité

Article 27 : OuvertureLa procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, qui est ouverte par une juridiction d'un État membre et reconnue dans un autre État membre (procédure principale) permet d'ouvrir, dans cet autre État membre, dont une juridiction serait compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, une procédure secondaire d'insolvabilité sans que l'insolvabilité du débiteur soit examinée dans cet autre État. Cette procédure doit être une des procédures mentionnées à l'annexe B. Ses effets sont limités aux biens du débiteur situés sur le territoire de cet autre État membre.

Article 28 : Loi applicableSauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure secondaire est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure secondaire est ouverte.

Article 29 : Droit de demander l'ouvertureL'ouverture d'une procédure secondaire peut être demandée par:a) le syndic de la procédure principale; b) toute autre personne ou autorité habilitée à demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en vertu de la loi de l'État membre sur le territoire duquel l'ouverture de la procédure secondaire est demandée.

Article 30 : Avance de frais et dépensLorsque la loi de l'État membre où l'ouverture d'une procédure secondaire est demandée exige que l'actif du débiteur soit suffisant pour couvrir en tout ou en partie les frais et dépens de la procédure, la juridiction saisie d'une telle demande peut exiger du demandeur une avance de frais ou une garantie d'un montant approprié.

Article 31 : Devoir de coopération et d'information1. Sous réserve des règles limitant la communication de renseignements, le syndic de la procédure principale et les syndics des procédures secondaires sont tenus d'un devoir d'information réciproque. Ils doivent communiquer sans délai tout renseignement qui peut être utile à l'autre procédure, notamment l'état de la production et de la vérification des créances et les mesures visant à mettre fin à la procédure.2. Sous réserve des règles applicables à chacune des procédures, le syndic de la procédure principale et les syndics des procédures secondaires sont tenus d'un devoir de coopération réciproque.3. Le syndic d'une procédure secondaire doit en temps utile permettre au syndic de la procédure principale de présenter des propositions relatives à la liquidation ou à toute utilisation des actifs de la procédure secondaire.

Article 32 : Exercice des droits des créanciers1. Tout créancier peut produire sa créance à la procédure principale et à toute procédure secondaire.2. Les syndics de la procédure principale et des procédures secondaires produisent dans les autres procédures les créances déjà produites dans la procédure pour laquelle ils ont été désignés, dans la mesure où cette production

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est utile aux créanciers de la procédure pour laquelle ils ont été désignés et sous réserve du droit de ceux-ci de s'y opposer ou de retirer leur production, lorsque la loi applicable le prévoit.3. Le syndic d'une procédure principale ou secondaire est habilité à participer, au même titre que tout créancier, à une autre procédure, notamment en prenant part à une assemblée de créanciers.

Article 33 : Suspension de la liquidation1. La juridiction qui a ouvert la procédure secondaire suspend en tout ou en partie les opérations de liquidation, sur la demande du syndic de la procédure principale, sous réserve de la faculté d'exiger en ce cas du syndic de la procédure principale toute mesure adéquate pour garantir les intérêts des créanciers de la procédure secondaire et de certains groupes de créanciers. La demande du syndic de la procédure principale ne peut être rejetée que si elle est manifestement sans intérêt pour les créanciers de la procédure principale. La suspension de la liquidation peut être ordonnée pour une durée maximale de trois mois. Elle peut être prolongée ou renouvelée pour des périodes de même durée.2. La juridiction visée au paragraphe 1 met fin à la suspension des opérations de liquidation:- à la demande du syndic de la procédure principale,- d'office, à la demande d'un créancier ou à la demande du syndic de la procédure secondaire, si cette mesure n'apparaît plus justifiée, notamment par l'intérêt des créanciers de la procédure principale ou de ceux de la procédure secondaire.

Article 34 : Mesures mettant fin à la procédure secondaire d'insolvabilité1. Lorsque la loi applicable à la procédure secondaire prévoit la possibilité de clôturer cette procédure sans liquidation par un plan de redressement, un concordat ou une mesure comparable, une telle mesure peut être proposée par le syndic de la procédure principale.La clôture de la procédure secondaire par une mesure visée au premier alinéa ne devient définitive qu'avec l'accord du syndic de la procédure principale, ou, à défaut de son accord, lorsque la mesure proposée n'affecte pas les intérêts financiers des créanciers de la procédure principale.2. Toute limitation des droits des créanciers, tels qu'un sursis de paiement ou une remise de dette, découlant d'une mesure visée au paragraphe 1 et proposée dans une procédure secondaire ne peut produire ses effets sur les biens du débiteur qui ne sont pas visés par cette procédure qu'avec l'accord de tous les créanciers intéressés.3. Durant la suspension des opérations de liquidation ordonnée en vertu de l'article 33, seul le syndic de la procédure principale, ou le débiteur avec son accord, peut proposer dans la procédure secondaire des mesures prévues au paragraphe 1 du présent article; aucune autre proposition visant une telle mesure ne peut être soumise au vote ni homologuée.

Article 35 : Surplus d'actif de la procédure secondaireSi la liquidation des actifs de la procédure secondaire permet de payer toutes les créances admises dans cette procédure, le syndic désigné dans cette procédure transfère sans délai le surplus d'actif au syndic de la procédure principale.

Article 36 : Ouverture ultérieure de la procédure principaleLorsqu'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, est ouverte après l'ouverture d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, dans un autre État membre, les articles 31 à 35 s'appliquent à la procédure ouverte en premier, dans la mesure où l'état de cette procédure le permet.

Article 37 (7) : Conversion de la procédure antérieureLe syndic de la procédure principale peut demander la conversion en une procédure de liquidation d'une procédure mentionnée à l'annexe A antérieurement ouverte dans un autre État membre, si cette conversion s'avère utile aux intérêts des créanciers de la procédure principale.La juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, ordonne la conversion en une des procédures mentionnées à l'annexe B.

Article 38 : Mesures conservatoiresLorsque la juridiction d'un État membre compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 1, désigne un syndic provisoire en vue d'assurer la conservation des biens du débiteur, ce syndic provisoire est habilité à demander toute mesure de conservation ou de protection sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre prévue par la loi de cet État, pour la période séparant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité de la décision d'ouverture.

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CHAPITRE IV Information des créanciers et production de leurs créances

Article 39 : Droit de produire les créancesTout créancier qui a sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans un État membre autre que l'État d'ouverture, y compris les autorités fiscales et les organismes de sécurité sociale des États membres, ont le droit de produire leurs créances par écrit dans la procédure d'insolvabilité.

Article 40 : Obligation d'informer les créanciers1. Dès qu'une procédure d'insolvabilité est ouverte dans un État membre, la juridiction compétente de cet État ou le syndic nommé par celle-ci informe sans délai les créanciers connus qui ont leur résidence habituelle, leur domicile ou leur siège dans les autres États membres.2. Cette information, assurée par l'envoi individuel d'une note, porte notamment sur les délais à observer, les sanctions prévues quant à ces délais, l'organe ou l'autorité habilité à recevoir la production des créances et les autres mesures prescrites. Cette note indique également si les créanciers dont la créance est garantie par un privilège ou une sûreté réelle doivent produire leur créance.

Article 41 : Contenu de la production d'une créanceLe créancier envoie une copie des pièces justificatives, s'il en existe, et indique la nature de la créance, sa date de naissance et son montant; il indique également s'il revendique, pour cette créance, un privilège, une sûreté réelle ou une réserve de propriété, et quels sont les biens sur lesquels porte la garantie qu'il invoque.

Article 42 : Langues1. L'information prévue à l'article 40 est assurée dans la ou dans une des langue(s) officielle(s) de l'État d'ouverture. Un formulaire portant, dans toutes les langues officielles des institutions de l'Union européenne, le titre "Invitation à produire une créance. Délais à respecter", est utilisé à cet effet.2. Tout créancier qui a sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans un autre État membre que l'État d'ouverture peut produire sa créance dans la ou dans une des langue(s) officielle(s) de cet autre État. Dans ce cas, la production de sa créance doit néanmoins porter le titre "Production de créance" dans la ou dans une des langue(s) officielle(s) de l'État d'ouverture. En outre, une traduction dans la ou une des langue(s) officielle(s) de l'État d'ouverture peut lui être réclamée.

CHAPITRE VDispositions transitoires et finales

Article 43 : Application dans le tempsLes dispositions du présent règlement ne sont applicables qu'aux procédures d'insolvabilité ouvertes postérieurement à son entrée en vigueur. Les actes accomplis par le débiteur avant l'entrée en vigueur du présent règlement continuent d'être régis par la loi qui leur était applicable au moment où ils ont été accomplis.

Article 44 : Relations avec les conventions1. Après son entrée en vigueur, le présent règlement remplace dans les relations entre les États membres, pour les matières auxquelles il se réfère, les conventions conclues entre deux ou plusieurs de ces États, à savoir:a) la convention entre la Belgique et la France sur la compétence judiciaire, sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, signée à Paris, le 8 juillet 1899; b) la convention entre la Belgique et l'Autriche sur la faillite, le concordat et le sursis de paiement (avec protocole additionnel du 13 juin 1973), signée à Bruxelles le 16 juillet 1969; c) la convention entre la Belgique et les Pays-Bas sur la compétence judiciaire territoriale, sur la faillite, ainsi que sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, signée à Bruxelles, le 28 mars 1925; d) le traité entre l'Allemagne et l'Autriche en matière de faillite et de concordat, signé à Vienne le 25 mai 1979; e) la convention entre la France et l'Autriche sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de faillite, signée à Vienne le 27 février 1979; f) la convention entre la France et l'Italie sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale, signée à Rome, le 3 juin 1930; g) la convention entre l'Italie et l'Autriche en matière de faillite et de concordat, signée à Rome le 12 juillet 1977;

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h) la convention entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d'Allemagne sur la reconnaissance et l'exécution mutuelles des décisions judiciaires et autres titres exécutoires en matière civile et commerciale, signée à La Haye, le 30 août 1962; i) la convention entre le Royaume-Uni et le Royaume de Belgique sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale, et son protocole, signée à Bruxelles, le 2 mai 1934; j) la convention entre le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède et l'Islande, relative à la faillite, signée à Copenhague le 11 novembre 1933; k) la convention européenne sur certains aspects internationaux de la faillite, signée à Istanbul le 5 juin 1990.2. Les conventions visées au paragraphe 1 continuent à produire leurs effets en ce qui concerne les procédures ouvertes avant l'entrée en vigueur du présent règlement.3. Le présent règlement n'est pas applicable:a) dans tout État membre, dans la mesure où il est incompatible avec les obligations en matière de faillite résultant d'une convention conclue antérieurement à son entrée en vigueur par cet État avec un ou plusieurs pays tiers; b) au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, dans la mesure où il est incompatible avec les obligations en matière de faillite et de liquidation de sociétés insolvables résultant d'accords avec le Commonwealth applicables au moment de l'entrée en vigueur du présent règlement.

Article 45 : Modification des annexesLe Conseil, statuant à la majorité qualifiée, à l'initiative d'un ou de plusieurs de ses membres ou sur proposition de la Commission, peut modifier les annexes.

Article 46 : RapportAu plus tard le 1er juin 2012, et ensuite tous les cinq ans, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social un rapport relatif à l'application du présent règlement. Ce rapport est accompagné, le cas échéant, de propositions visant à adapter le présent règlement.

Article 47 : Entrée en vigueurLe présent règlement entre en vigueur le 31 mai 2002.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre conformément au traité instituant la Communauté européenne.

2. PROPOSITION DE REFONTE DU REGLEMENT – 12 DECEMBRE 2012 – COM 2012 (744) finalEXPOSÉ DES MOTIFS1. CONTEXTE DE LA PROPOSITION1.1. Contexte généralLa présente proposition modifie le règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité (le «règlement sur l’insolvabilité» ou le «règlement»).Le règlement sur l’insolvabilité établit un cadre européen pour les procédures d’insolvabilité transfrontières. Il s’applique dès lors qu’un débiteur, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, a des actifs ou des créanciers dans plus d’un État membre. Le règlement détermine la juridiction compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité. Les procédures principales doivent être ouvertes dans l’État membre où est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, et les effets de ces procédures sont reconnus dans l’ensemble de l’UE. Les procédures secondaires peuvent être ouvertes au lieu où le débiteur a un établissement: les effets de ces procédures se limitent alors aux actifs situés dans cet État. Le règlement contient également des règles relatives à la législation applicable et certaines règles relatives à la coordination entre la procédure d’insolvabilité principale et les procédures secondaires. Le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité s’applique à tous les États membres, à l’exception du Danemark qui ne participe pas à la coopération judiciaire dans le cadre du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.Le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité a été adopté en mai 2000 et est applicable depuis le 31 mai 2002. Dix ans après l’entrée en vigueur dudit règlement, la Commission a examiné son fonctionnement dans la pratique, et elle juge nécessaire d’y apporter des modifications.1.2. Nécessité de révision du règlement relatif aux procédures d’insolvabilitéBien qu'il soit généralement considéré que le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité facilite effectivement les procédures d’insolvabilité transfrontières au sein de l’Union européenne, la consultation des parties intéressées et des études juridiques et empiriques commandées par la Commission ont fait apparaître une série de problèmes liés à son application pratique. De plus, le règlement ne tient pas suffisamment compte des

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priorités actuelles de l’UE ni des pratiques nationales relatives à la législation sur l’insolvabilité, notamment les actions visant le redressement des entreprises en difficulté. L’évaluation dudit règlement a essentiellement mis en avant cinq grandes lacunes:· le champ d’application du règlement ne couvre pas les procédures nationales prévoyant la restructuration d’une entreprise en situation de pré-insolvabilité («procédures de pré-insolvabilité») ni les procédures qui maintiennent en place la direction existante («procédures hybrides»). Or de telles procédures ont récemment été introduites dans de nombreux États membres[1] et sont jugées de nature à accroître les chances de réussite en cas de restructuration d'une entreprise. En outre, plusieurs procédures d'insolvabilité personnelle ne relèvent pas à l'heure actuelle du champ d'application du règlement.· il est parfois malaisé de déterminer quel est l’État membre compétent pour ouvrir une procédure d’insolvabilité. S’il est largement admis que la juridiction compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale doit être celle de l’État membre où le centre des intérêts principaux du débiteur est situé, l’application de ce concept dans la pratique a parfois posé des problèmes. Les dispositions du règlement concernant la compétence ont également suscité des critiques au motif qu’elles permettent aux entreprises et aux personnes physiques de rechercher la juridiction la plus favorable (forum shopping) en déplaçant abusivement le centre des intérêts principaux;· des problèmes concernant les procédures secondaires ont également été mis en lumière. L’ouverture d’une procédure secondaire peut entraver la gestion efficace du patrimoine du débiteur. Lorsqu’une procédure secondaire est ouverte, le syndic de la procédure principale n’a plus de contrôle sur les actifs situés dans l’autre État membre, ce qui rend plus difficile une vente du débiteur sur la base de la continuité des activités[2]. De plus, à l’heure actuelle, les procédures secondaires doivent être des procédures de liquidation, ce qui fait obstacle à la réussite d'une restructuration du débiteur;· des problèmes se posent également en ce qui concerne les règles de publicité des procédures d’insolvabilité et la production des créances. Actuellement, il n’est obligatoire de publier ou d’enregistrer les décisions ni dans les États membres où une procédure a été ouverte ni dans les États membres où le débiteur a un établissement. Il n’existe pas non plus de registre européen d’insolvabilité qui permettrait de faire des recherches dans plusieurs registres nationaux. Néanmoins, le bon fonctionnement des procédures d’insolvabilité transfrontières repose en grande partie sur la publicité des décisions pertinentes concernant une procédure d’insolvabilité. Il faut que les juges sachent si des procédures ont déjà été ouvertes dans un autre État membre et que les créanciers ou éventuels créanciers sachent que des procédures ont été entamées. De plus, il est difficile et coûteux pour les créanciers, en particulier les petits créanciers et les PME, de produire des créances en vertu du règlement relatif aux procédures d’insolvabilité;· enfin, le règlement ne prévoit pas de règles spécifiques en ce qui concerne l’insolvabilité de groupes multinationaux d'entreprises, alors qu’un grand nombre de cas d’insolvabilité transfrontière concerne des groupes d'entreprises. Conformément au postulat de base dudit règlement, des procédures distinctes doivent être ouvertes pour chacun des membres du groupe, et ces procédures sont totalement indépendantes les unes des autres. L’absence de dispositions spécifiques concernant l’insolvabilité de groupes d'entreprises compromet souvent les perspectives de réussite de la restructuration d'un groupe dans son ensemble et peut mener à son démembrement.L’évaluation détaillée de l’application du règlement dans la pratique est exposée dans le rapport de la Commission qui accompagne la présente proposition. Une analyse approfondie des problèmes posés par le règlement actuel ainsi que de l’incidence des différentes options envisagées pour y remédier figure dans l’analyse d’impact de la Commission également jointe à la présente proposition.L’objectif global de la révision du règlement relatif aux procédures d’insolvabilité est d’améliorer l’efficacité du cadre européen visant à résoudre les cas d’insolvabilité transfrontières, de façon à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur et sa résilience lors des crises économiques. Cet objectif est lié aux priorités politiques actuelles de l’UE visant à favoriser la reprise économique et une croissance durable, à augmenter le taux d’investissement et à préserver l’emploi, telles qu’elles sont définies dans la stratégie Europe 2020. La révision du règlement contribuera à assurer un développement harmonieux et la survie des entreprises, comme le prévoit l’initiative en faveur des PME «Small Business Act»[3]. Cette révision constitue aussi l’une des principales actions figurant dans l’Acte pour le marché unique II[4].2. CONSULTATION ET ANALYSE D’IMPACTL'élaboration de la présente proposition a été précédée d’une consultation du public intéressé, des États membres, d’autres institutions et d’experts sur les problèmes actuellement posés par le règlement en vigueur et sur les solutions qui pourraient y être apportées. Le 29 mars 2012, la Commission a lancé une consultation publique qui a récolté un total de 134 réponses. La Commission a également pris en considération les résultats d’une étude externe visant à évaluer l’application du règlement relatif aux procédures d’insolvabilité, qui a été réalisée par un consortium des universités d'Heidelberg et de Vienne. Des données empiriques sur l’incidence des différentes options de réforme ont été collectées dans le cadre d’une autre étude externe menée par un consortium composé de GHK et de Milieu. Ces deux études seront publiées conjointement à la présente

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proposition sur le site internet de la DG Justice. Deux réunions rassemblant des experts nationaux se sont tenues en avril et en octobre 2012. En outre, la Commission a mis sur pied un groupe d’experts privés spécialisés dans le domaine de l’insolvabilité transfrontière, qui s’est réuni à cinq reprises entre mai et octobre 2012 et a fait part de ses réflexions sur les problèmes et options en la matière et sur la rédaction du règlement révisé.Le point de vue des parties prenantes sur les principaux éléments de la réforme peut être résumé comme suit:· en ce qui concerne la portée du champ d’application du règlement, une large majorité des parties prenantes estimaient que le règlement devrait englober les procédures de pré-insolvabilité et les procédures hybrides. Les avis étaient partagés sur la nature exacte des procédures à couvrir et, en particulier, sur les cas nécessitant un contrôle juridictionnel. La majorité des personnes interrogées considéraient que le règlement devrait s’appliquer aux particuliers et aux indépendants;· en ce qui concerne la compétence, les trois quarts des personnes interrogées approuvaient le recours à la notion de centre des intérêts principaux pour déterminer le lieu de la procédure principale. Cependant, la plupart des personnes interrogées considéraient que l’interprétation par la jurisprudence de l'expression «centre des intérêts principaux» posait des problèmes pratiques. Près de la moitié d’entre elles témoignait de cas de déplacement abusif du centre des intérêts principaux[5];· en ce qui concerne la relation entre la procédure d’insolvabilité principale et les procédures secondaires, près de la moitié des personnes interrogées se déclaraient insatisfaites de la coordination entre celles-ci;· en ce qui concerne la publication des procédures, les trois quarts des personnes interrogées estimaient que l’absence d’obligation de publier la décision d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité constitue un problème. Près de la moitié des personnes qui ont exprimé leur point de vue considéraient que la production des créances posait problème;· en ce qui concerne l’insolvabilité de groupes d'entreprises, près de la moitié des personnes interrogées jugeaient que le règlement n’est pas efficace dans les procédures d’insolvabilité concernant des membres d’un groupe multinational d'entreprises.La Commission a examiné les coûts et avantages des principaux aspects de la réforme proposée dans l’analyse d’impact qui accompagne la présente proposition.3. ÉLÉMENTS JURIDIQUES DE LA PROPOSITION3.1. Résumé des mesures proposéesLes éléments de la proposition de réforme du règlement relatif aux procédures d’insolvabilité peuvent être résumés comme suit: · champ d'application: la proposition élargit le champ d’application du règlement en modifiant la définition des procédures d’insolvabilité de façon à y inclure les procédures hybrides et les procédures de pré-insolvabilité, ainsi que les procédures de décharge de dettes et d’autres procédures d’insolvabilité relatives aux personnes physiques qui ne relèvent pas à l’heure actuelle de ladite définition;· compétence: la proposition clarifie les règles de compétence et améliore le cadre procédural pour la détermination de la compétence;· procédures secondaires: la proposition prévoit une gestion plus efficace des procédures d’insolvabilité, en permettant aux juridictions de refuser l'ouverture de procédures secondaires qui ne sont pas nécessaires à la protection des intérêts des créanciers locaux, en supprimant la condition exigeant que les procédures secondaires soient des procédures de liquidation et en améliorant la coopération entre procédure principale et procédures secondaires, notamment en étendant les exigences de coopération aux juridictions compétentes; · publicité des procédures et production des créances: la proposition exige des États membres qu’ils publient dans un registre électronique accessible à tous les décisions pertinentes rendues par des juridictions dans des affaires d'insolvabilité transfrontières et prévoit l’interconnexion des registres nationaux d'insolvabilité. Elle prévoit également l’introduction de formulaires uniformisés pour la production des créances;· groupes d'entreprises: la proposition prévoit la coordination des procédures d’insolvabilité concernant différents membres d’un même groupe d'entreprises en imposant aux juridictions et syndics intervenant dans les différentes procédures principales l'obligation de coopérer et de communiquer entre eux; de plus, la proposition donne aux syndics intervenant dans de telles procédures les instruments procéduraux leur permettant d’exiger une suspension des autres procédures qui y sont liées et de proposer un plan de redressement pour les membres du groupe qui font l'objet de procédures d'insolvabilité.3.1.1. Champ d’application du règlement relatif aux procédures d’insolvabilitéLa proposition élargit le champ d’application du règlement relatif aux procédures d’insolvabilité en modifiant la définition actuelle de l'expression «procédure d’insolvabilité» figurant à l'article 1er, paragraphe 1. À cet égard, il est proposé d’y inclure les procédures qui ne prévoient pas l’intervention d’un syndic mais dans lesquelles les biens et les affaires du débiteur sont soumis au contrôle ou à la surveillance d’une juridiction. Ainsi, grâce à cette modification, les procédures dans lesquelles le débiteur n'est pas dessaisi sans qu’il y ait désignation d'un syndic pourraient bénéficier de la reconnaissance des effets des procédures d’insolvabilité à l’échelle de l’UE apportée par le règlement. Par ailleurs, du fait de cette modification, davantage de procédures d’insolvabilité personnelle pourraient être couvertes par le règlement. En outre, il est proposé de faire expressément référence aux procédures relatives à l’ajustement des dettes et aux plans de redressement, afin d’inclure également ces

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procédures qui permettent au débiteur de trouver un arrangement avec ses créanciers à un stade de pré-insolvabilité. Ces modifications permettraient par ailleurs de mieux articuler le règlement avec l’approche suivie par la loi type de la CNUDCI sur l'insolvabilité internationale[6].Si l’élargissement du champ d’application du règlement est important pour garantir l’efficacité des procédures de pré-insolvabilité et des procédures hybrides dans un contexte transfrontière, il ne s'agit pas pour autant d'y englober les procédures d’insolvabilité qui sont confidentielles. Il existe en effet un certain nombre de procédures nationales de pré-insolvabilité dans le cadre desquelles le débiteur entame des négociations avec (certains) créanciers en vue de parvenir à un accord sur son refinancement ou sa réorganisation, sans que ces informations soient rendues publiques. Ces procédures peuvent comporter un moratoire concernant des procédures individuelles d'exécution ou empêcher des créanciers de demander l’ouverture de procédures d’insolvabilité pendant un certain temps, de façon à accorder un «ballon d’oxygène» au débiteur. Bien que ces procédures puissent jouer un rôle important dans certains États membres, il serait toutefois difficile, en raison de leur nature contractuelle et confidentielle, de reconnaître leurs effets à l’échelle de l’UE, une juridiction ou un créancier situé dans un autre État membre ne sachant pas nécessairement que de telles procédures sont en cours. Néanmoins, cela n’empêche pas que de telles procédures relèvent du champ d’application du règlement relatif aux procédures d’insolvabilité, dès lors qu'elles deviennent publiques.La présente proposition ne prévoit pas de modifier le mécanisme actuel en vertu duquel les procédures d'insolvabilité nationales couvertes par le règlement figurent dans l'annexe A et les États membres décident de notifier une procédure d’insolvabilité particulière à inclure dans ladite annexe. Cependant, la proposition instaure une procédure selon laquelle la Commission procède à un examen minutieux des procédures d’insolvabilité nationales notifiées afin de déterminer si elles remplissent effectivement les conditions prévues par la définition révisée, de façon à garantir que seules les procédures conformes aux dispositions du règlement figurent dans l’annexe de ce dernier.3.1.2. Juridiction compétente pour ouvrir les procédures d'insolvabilitéLa proposition conserve la notion de centre des intérêts principaux, car elle garantit que les affaires seront traitées dans un ressort géographique avec lequel le débiteur a un lien véritable plutôt que dans celui que les fondateurs ont choisi. La notion de centre des intérêts principaux est également conforme à l’évolution internationale en la matière, puisqu’elle a été choisie comme norme juridictionnelle par la CNUDCI dans sa loi type sur l'insolvabilité internationale. Afin d’aider les administrateurs judiciaires à déterminer le centre des intérêts principaux, la proposition complète la définition de celui-ci; elle introduit également une disposition déterminant le centre des intérêts principaux des personnes physiques. En outre, un nouveau considérant clarifie les circonstances permettant de renverser la présomption selon laquelle le centre des intérêts principaux d’une personne morale correspond au lieu du siège statutaire; le libellé de ce considérant provient de la décision «Interedil» de la Cour de justice de l’Union européenne[7].La proposition améliore également le cadre procédural pour la détermination de la juridiction compétente pour ouvrir une procédure. La proposition requiert que la juridiction examine sa compétence d’office avant d’ouvrir une procédure d’insolvabilité et qu’elle précise dans sa décision le fondement de sa compétence. De plus, la proposition octroie à tous les créanciers étrangers le droit d’attaquer la décision d’ouverture et garantit que ces créanciers soient informés de la décision d’ouverture de sorte qu’ils puissent exercer leurs droits de manière effective. Ces modifications visent à garantir que les procédures ne soient ouvertes que si l’État membre concerné dispose effectivement de la compétence requise. Il devrait en résulter une diminution des cas de recherche de la juridiction la plus favorable (forum shopping) par le déplacement abusif et non conforme à la réalité du centre des intérêts principaux.Enfin, la proposition précise que les juridictions qui ouvrent des procédures d’insolvabilité sont également compétentes pour les actions qui dérivent directement de procédures d’insolvabilité ou qui s’y insèrent étroitement, comme les actions révocatoires. Cette modification codifie la jurisprudence de la CJUE dans la décision «DekoMarty[8]». Lorsqu’une telle action est liée à une autre action dirigée contre le même défendeur au titre des normes générales du droit civil et commercial, la proposition donne au syndic la possibilité de porter les deux actions devant les juridictions du domicile du défendeur si ces juridictions sont compétentes conformément au règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale[9] (tel que modifié). Cette règle permettrait par exemple à un syndic de porter devant une même juridiction une action liée à la responsabilité d’un administrateur fondée sur le droit de l'insolvabilité et une action contre ce même administrateur fondée sur le droit de la responsabilité civile ou sur le droit des sociétés.3.1.3. Procédures d’insolvabilité secondairesPlusieurs modifications sont proposées dans le but d’améliorer l’efficacité de la gestion du patrimoine du débiteur lorsque ce dernier a un établissement dans un autre État membre.· Si le syndic de la procédure principale présente une demande d’ouverture d'une procédure secondaire, la juridiction saisie devrait avoir la possibilité de refuser l'ouverture ou de reporter sa décision, s'il s'avérait que l'ouverture d'une telle procédure n’est pas nécessaire pour protéger les intérêts des créanciers locaux. Il pourrait

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en être ainsi, par exemple, si un investisseur faisait une offre pour l'achat d'une entreprise sur la base de la continuité des activités et que cette offre rapportait davantage aux créanciers locaux qu'une liquidation des actifs de l'entreprise. L’ouverture d'une procédure secondaire ne devrait pas non plus être nécessaire si le syndic de la procédure principale promettait aux créanciers locaux qu’ils seraient traités dans le cadre de la procédure principale comme si la procédure secondaire avait été ouverte et leur garantissait, lors de la répartition des actifs, le respect des droits qui leur auraient été octroyés dans une procédure secondaire en ce qui concerne la détermination et le rang de leurs créances. Le recours à de telles «procédures secondaires virtuelles» a été développé dans plusieurs affaires d’insolvabilité transfrontières dans lesquelles une procédure principale a été ouverte au Royaume-Uni (notamment dans les procédures d’insolvabilité concernant Collins&Aikman, MG Rover et Nortel Networks). Les juridictions anglaises ont admis que les syndics anglais étaient autorisés à répartir une partie des actifs conformément à la législation de l’État membre où l’établissement était situé. La législation de nombreux États membres n’autorisant pas de telles pratiques à l’heure actuelle, la proposition instaure une règle de droit matériel permettant au syndic de prendre de tels engagements vis-à-vis des créanciers locaux, avec un effet contraignant sur le patrimoine.· La proposition de modification n’affectera pas la possibilité qu’a le syndic de demander l’ouverture d'une procédure secondaire lorsque l'ouverture d'une telle procédure est susceptible de faciliter le traitement d'affaires complexes, par exemple en cas de licenciement d'un nombre considérable de travailleurs dans l'État où se situe l'établissement. Dans de tels cas, l’ouverture d'une procédure locale et la désignation d’un syndic local peuvent encore s’avérer utiles pour garantir une gestion efficace du patrimoine du débiteur.· La proposition oblige la juridiction saisie d’une demande d’ouverture d'une procédure secondaire à entendre le syndic de la procédure principale avant de rendre sa décision. Cette modification vise à garantir que la juridiction saisie d’une demande d’ouverture d'une procédure secondaire soit pleinement informée de tout plan de redressement ou de réorganisation étudié par le syndic et soit en mesure d’apprécier comme il se doit les conséquences de l’ouverture d'une procédure secondaire. Cette obligation s’accompagne du droit, pour le syndic, de contester la décision d’ouverture d'une procédure secondaire.· La proposition supprime la condition actuelle exigeant que les procédures secondaires soient des procédures de liquidation. Lorsqu'une procédure secondaire est ouverte, la juridiction d'ouverture peut choisir parmi l'éventail complet des procédures prévues par le droit national, y compris la restructuration. Cette modification garantit que l’ouverture de la procédure secondaire ne compromette pas automatiquement le plan de redressement ou de restructuration d’un débiteur dans son ensemble. Cette modification ne préjuge en rien des règles relatives à la récupération des aides d'État et de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne sur la récupération auprès d’entreprises insolvables[10].· De plus, la proposition améliore la coordination entre la procédure principale et les procédures secondaires en étendant aux juridictions concernées par ces procédures l’obligation de coopérer qui, à l’heure actuelle, n’incombe qu’aux syndics. Par conséquent, les juridictions seront obligées de coopérer et de communiquer entre elles; qui plus est, les syndics devront coopérer et communiquer avec la juridiction de l’autre État membre concernée par la procédure. La coopération entre les juridictions améliorera la coordination entre la procédure principale et les procédures secondaires, ce qui peut revêtir une importance capitale, par exemple lorsque l’approbation d’un protocole présentant un plan de redressement est nécessaire pour garantir une restructuration réussie.3.1.4. Publicité des procédures d’insolvabilité et production des créancesLa proposition prévoit qu'un certain nombre d'informations de base relatives aux procédures d'insolvabilité doivent être publiées dans un registre électronique accessible à tous gratuitement sur l'internet. Cette obligation concerne la juridiction qui ouvre la procédure d’insolvabilité, la date d’ouverture et, pour la procédure principale, la date de clôture de la procédure, le type de procédure, le débiteur, le syndic désigné, la décision d’ouverture de la procédure ainsi que la décision portant désignation du syndic, si elle est différente, et le délai fixé pour la production des créances. En raison des disparités qui existent entre les systèmes juridiques nationaux quant à la publication des procédures d’insolvabilité et aux différents besoins des créanciers, l’obligation de publication de ces informations est limitée aux entreprises, aux indépendants et aux professions libérales; elle ne s’applique pas aux procédures d’insolvabilité concernant les consommateurs. La proposition prévoit la mise en place d’un système permettant l’interconnexion des registres nationaux qui sera accessible via le portail européen e-Justice. La Commission fixera, au moyen d'un acte d'exécution, des critères minimums communs pour la recherche dans les registres et l’obtention des résultats, qui seront fondés sur les informations à publier dans les registres d'insolvabilité. L’interconnexion des registres nationaux garantira qu’une juridiction saisie d’une demande d’ouverture d'une procédure d’insolvabilité soit en mesure d'établir si des procédures liées au même débiteur sont déjà en cours dans un autre État membre; elle permettra aussi aux créanciers de savoir si des procédures concernant le même débiteur ont été ouvertes et, dans l’affirmative, de déterminer de quels pouvoirs le syndic dispose, le cas échéant. Dans les cas où les débiteurs sont des entreprises, les États membres pourront se fonder sur les obligations découlant de la directive 2012/17/UE du 13 juin 2012 sur l'interconnexion des registres centraux, du commerce et des sociétés[11]. Toutefois, aux fins du présent règlement, la simple

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information de l'ouverture d'une procédure à l'encontre d'un débiteur ne suffit pas pour coordonner les procédures d’insolvabilité transfrontières et permettre aux créanciers d'exercer leurs droits dans le cadre de ces procédures.La proposition facilite de trois façons la production des créances pour les créanciers étrangers, notamment les petits créanciers et les PME. Premièrement, elle prévoit l’introduction de deux formulaires uniformisés au moyen d'un acte d'exécution, l’un pour la note à envoyer aux créanciers et l’autre pour la production des créances. Ces formulaires uniformisés seront disponibles dans toutes les langues officielles de l’Union européenne, et les frais de traduction s’en verront ainsi réduits. Deuxièmement, la proposition donne aux créanciers étrangers un délai d'au moins 45 jours à compter de la publication de la notification d’ouverture des procédures dans le registre d’insolvabilité pour produire leurs créances, même si la législation nationale prévoit un délai plus court. Il y aura également lieu d’informer les créanciers de la contestation éventuelle de leur créance et de leur donner la possibilité d'apporter des éléments supplémentaires pour prouver leur créance. Enfin, une représentation en justice ne sera pas obligatoire pour produire une créance devant une juridiction étrangère, ce qui suppose une réduction des coûts pour les créanciers.3.1.5. Insolvabilité des membres d’un groupe d'entreprisesLa proposition crée un cadre juridique spécifique pour traiter l’insolvabilité des membres d’un groupe d'entreprises tout en conservant la démarche «entité par entité» qui sous-tend l'actuel règlement relatif aux procédures d'insolvabilité. La proposition introduit l’obligation de coordonner les procédures d’insolvabilité relatives aux différents membres d’un même groupe d'entreprises en obligeant les juridictions et les syndics concernés à coopérer entre eux selon des modalités similaires à celles proposées dans le contexte de la procédure principale et des procédures secondaires. Cette coopération peut revêtir différents aspects en fonction des circonstances. Les syndics devraient notamment échanger toute information pertinente et coopérer à l’élaboration d’un plan de redressement ou de réorganisation lorsque cela s’impose. La possibilité de coopérer en ayant recours à des protocoles est expressément mentionnée afin de souligner l’importance pratique de ces instruments et d’en encourager l’utilisation. Les juridictions devraient notamment coopérer en échangeant des informations, en coordonnant, au besoin, la désignation de syndics qui, à leur tour, peuvent coopérer les uns avec les autres, et en approuvant les protocoles qui leur sont présentés par les syndics.En outre, la proposition accorde à chaque syndic la qualité pour agir dans les procédures concernant un autre membre du même groupe. Plus précisément, le syndic a le droit d'être entendu dans ces autres procédures, de demander une suspension des autres procédures et de proposer un plan de réorganisation selon des modalités qui permettraient à la juridiction ou au comité de créanciers concerné de se prononcer sur ce plan. Par ailleurs, le syndic a le droit d’assister aux réunions des créanciers. Ces instruments procéduraux permettent au syndic qui a le plus grand intérêt à la réussite de la restructuration de toutes les entreprises concernées de présenter officiellement son plan de réorganisation dans le cadre d'une procédure concernant un membre du groupe, même si le syndic de cette procédure ne souhaite pas coopérer ou est opposé audit plan.En prévoyant la coordination des différentes procédures relatives aux membres d’un même groupe, la proposition ne vise pas à empêcher la pratique en vigueur en ce qui concerne les groupes d'entreprises fortement intégrés, qui consiste à constater que le centre des intérêts principaux de tous les membres du groupe se situe en un seul et même endroit et, par conséquent, à n’ouvrir des procédures que dans un seul ressort géographique.

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B. JURISPRUDENCE1. HIGH COURT OF JUSTICE (CH.D) LEEDS DISTRICT REGISTRY 16 MAY 2003 AFFAIRE DAISYTEKHis Honour Judge McGonigal(...)3. The group of companies of which Daisytek-ISA Limited is the holding company (‘the Group’) is a pan-European reseller and wholesale distributor of electronic office supplies.About 50% of the business of the Group is as a wholesaler; the Group sells to large retailers, such as PC World or Tesco and to smaller retailers. The other 50% of the Group’s sales are to end users. The evidence shows that the trading companies in the group are managed to a large extent from Bradford and that they are managed and controlled as a group so that the activities of the group companies throughout Europe are co-ordinated by the head office in Bradford.(...)11. I was also satisfied that the three German companies and the French company were either insolvent at 16 May 2003 or likely to become insolvent within a short time and that the assets of those companies would probably be realised for a greater amount in administration than would be the case in the German or French equivalent of liquidation. I concluded that it was appropriate to make administration orders in respect of these German and French companies provided the English Court had jurisdiction to do so.12. The English Court has jurisdiction to open insolvency proceedings by making administration orders in respect of the German and French companies if ‘the centre of [the] debtor’s main interests’ is centred in England or Wales (Article 3(1) of Council Regulation 1346/2000 – ‘the Regulation’).Recital (l3) of the Regulation reads: ‘(13) The ‘centre of main interests’ shall correspond to the place where the debtor conducts the administration of his interests on a regular basis and is therefore ascertainable by third parties’.Article 3(1) provides that in the case of companies, ‘the place of the registered office shall be presumed to be the centre of its main interests in the absence of proof to the contrary’.Accordingly, before the English Court can open insolvency proceedings in respect of any of the German andFrench companies in the Group, the petitioning company must provide sufficient proof that its centre of main interests is in England to rebut the presumption in Article 3(1).(...)14. I am satisfied from this evidence that Bradford is a place where each of the German Companies conducts the administration of its interests on a regular basis (Recital(13)).Recital (13) refers to the place ‘where the debtor conducts the administration of its interests on a regular basis and is therefore ascertainable by third parties’, while Article 3(1) requires that the centre of the debtor’s main interests should be in this country if an English Court is to have jurisdiction to open insolvency proceedings. In my view the identification of ‘the debtors main interests’ requires the court to consider both the scale of the interests administered at a particular place and their importance and then consider the scale and importance of its interests administered at any other place which may be regarded as its centre of main interests, whether as a result of the presumption in Article 3(1) or otherwise.15. The requirement in Recital (13) that, as a result of the administration of its interests at a particular place, the fact that such place is the centre of the debtor’s main interests must therefore be ‘ascertainable by third parties’ is very important. In Geveran Trading Co Ltd/Skjevesland [2003] BCC 209 Registrar Jacques stated (at 223A) that‘It is the need for third parties to ascertain the centre of a debtor’s main interests that is important, because, if there are to be insolvency proceedings, the creditors need to know where to go to contact the debtor’.This reflects paragraph 75 of the Virgos-Schmidt Report which explained the rationale for the rule in these terms: ‘Insolvency is a foreseeable risk. It is therefore important that international jurisdiction (which, as we will see, entails the application of the insolvency laws of that Contracting State) be based on a place known to the debtor’s potential creditors. This enables the legal risks which would have to be assumed in the case of insolvency to be calculated’.16. In my view the most important ‘third parties’ referred to in Recital (13) are the potential creditors. In the case of a trading company the most important groups of potential creditors are likely to be its financiers and its trade suppliers. The evidence in this case is that the financing of the business of the German companies by a factoring agreement was organised for them by International in Bradford and that 70% of goods supplied to the German companies are supplied under contracts made by International in Bradford. It appears that a large majority of potential creditors by value (which I regard as the relevant criterion) know that Bradford is where many important functions of the German companies are carried out. It is clear that the functions carried out in Bradford are important and that the scale of those functions is very significant. By comparison the local functions of the German companies in Germany are limited. They require approval from Bradford to buy anything costing more than 5,000 euros. Only 30% of stock purchases are negotiated locally. These activities are the most relevant because they involve dealings with potential creditors. 85% of sales are negotiated by the German companies but

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those activities carry less weight as customers are normally debtors rather than creditors. I was therefore satisfied that Bradford is the centre of the main interests of each of the German companies.17. The French company, ISA Daisytek SAS, trades from premises which are also its registered office. The Bradford office of International operates in relation to the French company in the same way as it operates in relation to the German companies as set out in paragraph 13 above save that the French company also relies on financial support from International and the Chief Executive Officer spends 40% of his time (mainly in Bradford) on the management of the French company. The French company is controlled from Bradford in the same way as the German companies and International in Bradford carries out the same functions of the French company as it does for the German ones. For the reasons set out in paragraphs 14 to 16 above I was satisfied that Bradford is the centre of the main interests of the French company.

2. CJCE aff. C-341/04 2 mai 2006 EUROFOOD

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité concernant la société de droit irlandais Eurofood IFSC Ltd (ci-après «Eurofood»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement s’applique «aux procédures collectives fondées sur l’insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d’un syndic».

4 Selon l’article 2 du règlement, intitulé «Définitions»:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

«a) ‘procédure d’insolvabilité’: les procédures collectives visées à l’article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l’annexe A;

b) ‘syndic’: toute personne ou tout organe dont la fonction est d’administrer ou de liquider les biens dont le débiteur est dessaisi ou de surveiller la gestion de ses affaires. La liste de ces personnes et organes figure à l’annexe C;

[…]

e) ‘décision’: lorsqu’il s’agit de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ou de la nomination d’un syndic, la décision de toute juridiction compétente pour ouvrir une telle procédure ou pour nommer un syndic;

f) ‘moment de l’ouverture de la procédure’: le moment où la décision d’ouverture prend effet, que cette décision soit ou non définitive;

[…]»

5 L’annexe A du règlement, relative aux procédures d’insolvabilité visées à l’article 2, sous a), de celui-ci, mentionne, sous Irlande, la procédure de liquidation forcée («compulsory winding up by the Court»). L’annexe C du même règlement indique, au titre des syndics visés audit article 2, sous b), le «provisional liquidator» en ce qui concerne cet État membre.

6 S’agissant de la détermination de la juridiction compétente, l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement prévoit:

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«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.»

7 Pour ce qui est de la détermination de la loi applicable, l’article 4, paragraphe 1, du règlement dispose:

«Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte […]»

8 En ce qui concerne la reconnaissance de la procédure d’insolvabilité, l’article 16, paragraphe 1, du règlement énonce:

«Toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité prise par une juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture.»

9 L’article 17, paragraphe 1, du règlement est libellé comme suit:

«La décision d’ouverture d’une procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les effets que lui attribue la loi de l’État d’ouverture […]»

10 Toutefois, aux termes de l’article 26 du règlement:

«Tout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d’exécuter une décision prise dans le cadre d’une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution.»

11 Selon l’article 29, sous a), du règlement, le syndic de la procédure principale peut demander l’ouverture d’une procédure secondaire.

12 L’article 38 du règlement prévoit que le syndic provisoire désigné par la juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du même règlement «est habilité à demander toute mesure de conservation ou de protection sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre prévue par la loi de cet État, pour la période séparant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité de la décision d’ouverture».

La réglementation nationale

13 L’article 212 de la loi de 1963 sur les sociétés (Companies Act 1963, ci-après la «Companies Act») confère compétence à la High Court pour procéder à la liquidation de toute société.

14 L’article 215 de la Companies Act dispose que la liquidation d’une société débute par la présentation au tribunal, par la société ou par un ou plusieurs créanciers de celle-ci, d’une demande tendant à faire prononcer la liquidation de cette société.

15 L’article 220 de la Companies Act prévoit:

«1) Si, avant la présentation d’une demande visant à obtenir la liquidation d’une société par le tribunal, la société a adopté une résolution aux fins de liquidation volontaire, la liquidation de la société est réputée avoir débuté à la date d’adoption de la résolution et, à moins que le tribunal ne juge opportun, sur preuve de la fraude ou de l’erreur, de procéder autrement, toutes les procédures menées dans le cadre de la liquidation volontaire sont réputées avoir été valablement menées.

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2) En toute autre hypothèse, la liquidation d’une société par le tribunal est réputée débuter à la date de présentation de la demande de liquidation.»

16 L’article 226, paragraphe 1, de la Companies Act dispose que le tribunal peut désigner un syndic à titre provisoire, à tout moment après la présentation d’une demande de liquidation. Sinon, la désignation du syndic, prévue par l'article 225 de la même loi, intervient à la délivrance de l’ordonnance de liquidation. Une fois désigné, un «provisional liquidator» est obligé, selon l’article 229, paragraphe 1, de celle-ci, de «prendre en dépôt ou de placer sous son contrôle tous les biens tant corporels qu’incorporels en cause auxquels l’entreprise a droit ou semble avoir droit».

Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

17 Eurofood a été immatriculée en Irlande en 1997 en tant que «company limited by shares» (société en commandite par actions) ayant son siège statutaire à l’International Financial Services Center à Dublin. C’est une filiale à 100 % de Parmalat SpA, société de droit italien. Son objet principal était d’offrir des facilités de financement aux sociétés du groupe Parmalat.

18 Le 24 décembre 2003, en application du décret-loi n° 347, du 23 décembre 2003, relatif aux mesures urgentes en vue de la restructuration industrielle des grandes entreprises en état d’insolvabilité (GURI n° 298, du 24 décembre 2003, p. 4), le ministre des Activités de production italien a admis Parmalat SpA à la procédure d’administration extraordinaire et désigné M. Bondi en qualité d’administrateur extraordinaire de cette société.

19 Le 27 janvier 2004, la Bank of America NA a demandé à la High Court (Irlande) l’ouverture d’une procédure de liquidation forcée («compulsory winding up by the Court») à l’encontre d’Eurofood ainsi que la nomination d’un syndic provisoire. Cette demande était fondée sur l’allégation selon laquelle cette dernière société était insolvable.

20 Le même jour, la High Court, sur la base de cette demande, a désigné M. Farrell en qualité de syndic provisoire («provisional liquidator»), en lui conférant les pouvoirs de confisquer tous les actifs de cette société, de gérer les affaires de celle-ci, d’ouvrir un compte bancaire au nom de ladite société et de s’assurer les services d’un conseil.

21 Le 9 février 2004, le ministre des Activités de production italien a admis Eurofood à la procédure d’administration extraordinaire et a nommé M. Bondi en tant qu’administrateur extraordinaire.

22 Le 10 février 2004, a été déposée devant le Tribunale civile e penale di Parma (Italie) une demande tendant à faire constater l’insolvabilité d’Eurofood. L’audience a été fixée au 17 février 2004, date dont M. Farrell a été informé le 13 février. Le 20 février 2004, ladite juridiction, considérant que le centre des intérêts principaux d’Eurofood se trouvait en Italie, s’est estimé internationalement compétente pour constater l’état d’insolvabilité de cette société.

23 Par jugement du 23 mars 2004, la High Court a décidé que, selon la loi irlandaise, la procédure d’insolvabilité à l’encontre d’Eurofood avait été ouverte en Irlande à la date de la demande présentée à cet effet par la Bank of America NA, soit le 27 janvier 2004. Considérant que le centre des intérêts principaux d’Eurofood se trouvait en Irlande, la High Court a jugé que la procédure ouverte dans cet État membre était la procédure principale. Elle a également considéré que les conditions du déroulement de la procédure devant le Tribunale civile e penale di Parma étaient de nature à justifier, en application de l’article 26 du règlement, le refus des juridictions irlandaises de reconnaître la décision de ce tribunal. Constatant l’état d’insolvabilité d’Eurofood, la High Court a ordonné la liquidation de cette société et nommé M. Farrell en qualité de liquidateur.

24 M. Bondi ayant interjeté appel dudit jugement, la Supreme Court a estimé nécessaire, avant de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Lorsqu’une juridiction compétente en Irlande est saisie d’une demande tendant à faire prononcer la liquidation (‘winding up’) d’une entreprise insolvable et que, en attendant de prendre une ordonnance de liquidation, cette juridiction rend une ordonnance portant nomination d’un syndic à titre provisoire (‘provisional liquidator’) doté des pouvoirs de confisquer les actifs de l’entreprise, de gérer ses affaires, d’ouvrir un compte bancaire et de désigner un conseil, tout cela ayant, en droit, pour effet de priver les administrateurs de

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l’entreprise du pouvoir d’agir, cette ordonnance, combinée avec la présentation de la demande, constitue-t-elle une décision ouvrant une procédure d’insolvabilité (‘insolvency proceedings’) aux fins de l’article 16 du règlement […], interprété à la lumière de ses articles 1er et 2?

2) Si la réponse à la première question est négative, la présentation, en Irlande devant la High Court, d’une demande tendant à faire prononcer par cette juridiction la liquidation forcée (‘compulsory winding up’) d’une entreprise constitue-t-elle l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (‘insolvency proceedings’) aux fins dudit règlement, en vertu de la disposition légale irlandaise [article 220 (2) de la Companies Act] qui considère que la liquidation de l’entreprise débute à la date de présentation de la demande?

3) L’article 3 dudit règlement, combiné avec l’article 16 de celui-ci, a-t-il pour effet qu’une juridiction d’un État membre autre que celui dans lequel est situé le siège statutaire de l’entreprise, et autre que celui où l’entreprise gère habituellement ses intérêts d’une manière vérifiable par les tiers, mais où la procédure d’insolvabilité est ouverte en premier lieu, est compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale?

4) Lorsque

a) les sièges statutaires respectifs d’une société mère et de sa filiale sont situés dans deux États membres différents,

b) que la filiale gère habituellement ses intérêts d’une manière vérifiable par les tiers et dans le respect total et permanent de sa propre identité sociale dans l’État membre où est situé son siège statutaire et

c) que, en raison de sa participation et de son pouvoir de nommer les administrateurs, la société mère est en mesure de contrôler et contrôle effectivement la politique de la filiale,

lors de la détermination du ‘centre des intérêts principaux’, les facteurs déterminants sont-ils ceux mentionnés au point b) ci-dessus ou, au contraire, ceux mentionnés au point c) ci-dessus?

5) Lorsqu’il est manifestement contraire à l’ordre public d’un État membre d’autoriser qu’une décision judiciaire ou administrative produise des effets juridiques à l’égard de personnes ou d’organes dont le droit à des modalités de procédure et à un procès équitables n’est pas respecté lors de l’adoption d’une telle décision, cet État membre est-il tenu, en vertu de l’article 17 dudit règlement, de reconnaître une décision arrêtée par les juridictions d’un autre État membre, censée ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard d’une entreprise, dans un cas où la juridiction du premier État membre est convaincue que la décision en cause a été rendue au mépris de ces principes et, en particulier, lorsque le demandeur dans le second État membre refuse, malgré les demandes et contrairement à l’ordonnance de la juridiction du second État membre, de fournir au ‘provisional liquidator’ de l’entreprise, dûment nommé conformément au droit du premier État membre, tout exemplaire des pièces essentielles fondant sa demande?»

25 Par ordonnance du président de la Cour du 15 septembre 2004, la demande de la Supreme Court visant à soumettre la présente affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure a été rejetée.

Sur les questions préjudicielles

Sur la quatrième question

26 Par sa quatrième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu en tant qu’elle a trait, de manière générale, au système de détermination de la compétence des juridictions des États membres mis en place par le règlement, la juridiction de renvoi demande quel est, dans le contexte d’une société mère et de sa filiale ayant leurs sièges statutaires respectifs dans deux États membres différents, le facteur déterminant pour l’identification du centre des intérêts principaux de la filiale.

27 La juridiction de renvoi s’interroge sur la pondération à opérer entre, d’une part, le fait que la filiale gère habituellement ses intérêts, de manière vérifiable par les tiers et dans le respect de son identité propre en tant que société, dans l’État membre où se trouve son siège statutaire et, d’autre part, le fait que la société mère est en mesure, en raison de sa participation dans le capital et de son pouvoir de nommer les dirigeants de la filiale, de contrôler la politique de cette dernière.

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28 L’article 3 du règlement prévoit deux types de procédures. La procédure d’insolvabilité ouverte, conformément au paragraphe 1 de cet article, par la juridiction compétente de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, qualifiée de «procédure principale», produit des effets universels, en ce qu’elle s’applique aux biens du débiteur situés dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable. Si, ultérieurement, une procédure peut, conformément au paragraphe 2 dudit article, être ouverte par la juridiction compétente de l’État membre où le débiteur possède un établissement, cette procédure, qualifiée de «procédure secondaire», produit des effets qui sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de ce dernier État.

29 L’article 3, paragraphe 1, du règlement précise que, pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire.

30 Il s’ensuit que, dans le système de détermination de la compétence des juridictions des États membres mis en place par le règlement, il existe une compétence juridictionnelle propre pour chaque débiteur constituant une entité juridiquement distincte.

31 La notion de centre des intérêts principaux est propre au règlement. Partant, elle revêt une signification autonome et doit donc être interprétée de manière uniforme et indépendante des législations nationales.

32 La portée de cette notion est éclairée par le treizième considérant du règlement, qui indique que «[l]e centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

33 Il ressort de cette définition que le centre des intérêts principaux doit être identifié en fonction de critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers. Cette objectivité et cette possibilité de vérification par les tiers sont nécessaires afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination de la juridiction compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale. Cette sécurité juridique et cette prévisibilité revêtent une importance d’autant plus grande que la détermination de la juridiction compétente entraîne, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement, celle de la loi applicable.

34 Il s’ensuit que, pour la détermination du centre des intérêts principaux d’une société débitrice, la présomption simple prévue par le législateur communautaire au bénéfice du siège statutaire de cette société ne peut être écartée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter.

35 Tel pourrait être notamment le cas d’une société «boîte aux lettres» qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social.

36 En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le simple fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement.

37 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la quatrième question que, lorsqu’un débiteur est une filiale dont le siège statutaire et celui de sa société mère sont situés dans deux États membres différents, la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux de cette filiale est situé dans l’État membre où se trouve son siège statutaire, ne peut être réfutée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter. Tel pourrait être notamment le cas d’une société qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement.

Sur la troisième question

38 Par sa troisième question, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu en tant qu’elle concerne, de manière générale, le système de reconnaissance mis en place par le règlement, la juridiction de renvoi demande en substance si, en vertu des articles 3 et 16 du règlement, une juridiction d’un État membre, autre que celui dans lequel est situé le siège statutaire de l’entreprise et autre que celui où cette dernière gère habituellement ses intérêts d’une manière vérifiable par les tiers, mais dans lequel la procédure d’insolvabilité a été ouverte en

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premier lieu, doit être considérée comme compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale. La juridiction de renvoi demande ainsi en substance si la compétence assumée par une juridiction d’un État membre pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale peut être contrôlée par une juridiction d’un autre État membre dans lequel la reconnaissance est demandée.

39 Ainsi qu’il ressort du vingt-deuxième considérant du règlement, la règle de priorité définie à l’article 16, paragraphe 1, de celui-ci, qui prévoit que la procédure d’insolvabilité ouverte dans un État membre est reconnue dans tous les États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture, repose sur le principe de la confiance mutuelle.

40 C’est cette confiance mutuelle qui a permis la mise en place d’un système obligatoire de compétences, que toutes les juridictions entrant dans le champ d’application du règlement sont tenues de respecter, et la renonciation corrélative par les États membres à leurs règles internes de reconnaissance et d’exequatur au profit d’un mécanisme simplifié de reconnaissance et d’exécution des décisions rendues dans le cadre de procédures d’insolvabilité [voir par analogie, à propos de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après la «convention de Bruxelles»), arrêts du 9 décembre 2003, Gasser, C-116/02, Rec. p. I-14693, point 72, et du 27 avril 2004, Turner, C-159/02, Rec. p. I-3565, point 24].

41 Il est inhérent à ce principe de confiance mutuelle que la juridiction d’un État membre saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité principale vérifie sa compétence au regard de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, c’est-à-dire examine si le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans cet État membre. À cet égard, il y a lieu de souligner qu’un tel examen doit se dérouler dans le respect des garanties procédurales essentielles que requiert le déroulement d’un procès équitable (voir point 66 du présent arrêt).

42 En contrepartie, ainsi que le précise le vingt-deuxième considérant du règlement, le principe de confiance mutuelle exige que les juridictions des autres États membres reconnaissent la décision ouvrant une procédure d’insolvabilité principale, sans pouvoir contrôler l’appréciation portée par la première juridiction sur sa compétence.

43 Si une partie intéressée, considérant que le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans un État membre autre que celui dans lequel a été ouverte la procédure d’insolvabilité principale, entend contester la compétence assumée par la juridiction qui a ouvert cette procédure, il lui appartient d’utiliser, devant les juridictions de l’État membre où celle-ci a été ouverte, les recours prévus par le droit national de cet État membre à l’encontre de la décision d’ouverture.

44 Il convient donc de répondre à la troisième question que l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement doit être interprété en ce sens que la procédure d’insolvabilité principale ouverte par une juridiction d’un État membre doit être reconnue par les juridictions des autres États membres, sans que celles-ci puissent contrôler la compétence de la juridiction de l’État d’ouverture.

Sur la première question

45 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si la décision par laquelle une juridiction d’un État membre, saisie d’une demande tendant à faire prononcer la liquidation d’une entreprise insolvable, nomme, avant d’ordonner cette liquidation, un syndic provisoire doté de pouvoirs ayant, en droit, pour effet de priver les dirigeants de l’entreprise du pouvoir d’agir constitue une décision ouvrant une procédure d’insolvabilité au sens de l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement.

46 Il ressort du libellé de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement que les procédures d’insolvabilité auxquelles celui-ci s’applique doivent répondre à quatre caractéristiques. Il doit s’agir d’une procédure collective, fondée sur l’insolvabilité du débiteur, qui entraîne un dessaisissement à tout le moins partiel de ce dernier et provoque la désignation d’un syndic.

47 Lesdites procédures sont énumérées à l’annexe A du règlement et la liste des syndics figure à l’annexe C de celui-ci.

48 Le règlement ne vise pas à mettre en place une procédure d’insolvabilité uniforme, mais, ainsi qu’il ressort de son deuxième considérant, à assurer que «les procédures d’insolvabilité transfrontalières fonctionnent

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efficacement et effectivement». À cet effet, il fixe des règles ayant pour objectif, comme l’indique son troisième considérant, «la coordination des mesures à prendre concernant le patrimoine d’un débiteur insolvable».

49 En exigeant que toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité principale prise par une juridiction d’un État membre compétente à cet effet soit reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit des effets dans l’État où elle a été rendue, l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement fixe une règle de priorité, fondée sur un critère chronologique, au bénéfice de la décision d’ouverture qui a été rendue en premier lieu. Ainsi que l’explique le vingt-deuxième considérant dudit règlement, «[l]a décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure devrait être reconnue dans tous les autres États membres, sans que ceux-ci aient la faculté de soumettre la décision de cette juridiction à un contrôle».

50 Toutefois le règlement ne définit pas avec suffisamment de précision la notion de «décision ouvrant une procédure d’insolvabilité».

51 À cet égard, il convient de rappeler que les conditions et formalités requises pour l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité relèvent du droit national et varient considérablement d’un État membre à l’autre. Dans certains États membres, la procédure est ouverte très peu de temps après le dépôt de la demande, les vérifications nécessaires étant effectuées ultérieurement. Dans d’autres États membres, certaines constatations essentielles, pouvant nécessiter un temps assez long, doivent être opérées avant l’ouverture de la procédure. Dans certains droits nationaux, la procédure peut être ouverte «à titre provisoire» pendant plusieurs mois.

52 Ainsi que le fait valoir la Commission des Communautés européennes, il importe, aux fins d’assurer l’efficacité du système instauré par le règlement, que le principe de reconnaissance prévu à l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, de celui-ci puisse s’appliquer le plus tôt possible au cours de la procédure. Le mécanisme prévoyant que ne peut être ouverte qu’une seule procédure principale, produisant ses effets dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable, pourrait être gravement perturbé si les juridictions de ces derniers, saisies concomitamment de demandes fondées sur l’insolvabilité d’un débiteur, pouvaient revendiquer pendant une période prolongée une compétence concurrente.

53 C’est au regard de cet objectif visant à assurer l’efficacité du système instauré par le règlement qu’il importe d’interpréter la notion de «décision ouvrant une procédure d’insolvabilité».

54 Dans ces conditions, doit être considérée comme une «décision ouvrant une procédure d’insolvabilité» au sens du règlement non seulement une décision formellement qualifiée de décision d’ouverture par la réglementation de l’État membre dont relève la juridiction qui l’a rendue, mais encore la décision rendue à la suite d’une demande, fondée sur l’insolvabilité du débiteur, tendant à l’ouverture d’une procédure visée à l’annexe A du règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d’un syndic visé à l’annexe C dudit règlement. Un tel dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu’il détient sur son patrimoine. Dans un tel cas, en effet, les deux conséquences caractéristiques d’une procédure d’insolvabilité, à savoir la nomination d’un syndic visé à l’annexe C et le dessaisissement du débiteur, ont pris effet et, ainsi, tous les éléments constitutifs de la définition d’une telle procédure donnée à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement sont réunis.

55 Contrairement à ce que font valoir M. Bondi et le gouvernement italien, cette interprétation ne saurait être infirmée par le fait que le syndic visé à l’annexe C du règlement peut être un syndic nommé à titre provisoire.

56 Tant M. Bondi que le gouvernement italien reconnaissent que, dans l’affaire au principal, le «provisional liquidator» nommé par la High Court, par décision du 27 janvier 2004, figure parmi les syndics mentionnés dans l’annexe C du règlement en ce qui concerne l’Irlande. Ils relèvent toutefois qu’il s’agit d’un syndic provisoire et que le règlement contient une disposition spécifique applicable dans ce cas. En effet, ainsi qu’ils le rappellent, l’article 38 dudit règlement habilite le syndic provisoire, défini au seizième considérant de ce règlement comme étant le syndic «désigné avant l’ouverture de la procédure principale», à demander des mesures conservatoires sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre pour la période séparant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité de la décision d’ouverture. M. Bondi et le gouvernement italien en déduisent que la nomination d’un syndic provisoire ne peut pas ouvrir la procédure d’insolvabilité principale.

57 À cet égard, il convient de relever que l’article 38 du règlement doit être lu en combinaison avec l’article 29 de celui-ci, selon lequel le syndic de la procédure d’insolvabilité principale a le droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire dans un autre État membre. Ledit article 38 vise ainsi la situation dans laquelle la juridiction compétente d’un État membre a été saisie d’une procédure d’insolvabilité principale, alors que cette

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juridiction, tout en désignant une personne ou un organe en vue de veiller à titre provisoire sur les biens du débiteur, n’a pas encore ordonné le dessaisissement de ce dernier ou nommé un syndic visé à l’annexe C du règlement. Dans ce cas, la personne ou l’organe en cause, quoique n’étant pas habilité à engager une procédure d’insolvabilité secondaire dans un autre État membre, peut demander que des mesures conservatoires soient prises sur les biens du débiteur situés dans cet État membre. Tel n’est toutefois pas le cas dans l’affaire au principal, dans laquelle la High Court a désigné un «provisional liquidator» visé à l’annexe C du règlement et ordonné le dessaisissement du débiteur.

58 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au sens de cette disposition la décision rendue par une juridiction d’un État membre saisie d’une demande à cet effet, fondée sur l’insolvabilité du débiteur et tendant à l’ouverture d’une procédure visée à l’annexe A du même règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d’un syndic visé à l’annexe C dudit règlement. Ce dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu’il détient sur son patrimoine.

Sur la deuxième question

59 Au vu de la réponse donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la cinquième question

60 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande en substance si un État membre est tenu, en vertu de l’article 17 du règlement, de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque la décision ouvrant cette procédure a été rendue en méconnaissance de modalités procédurales garanties dans le premier État par les exigences de son ordre public.

61 Si le vingt-deuxième considérant du règlement déduit du principe de la confiance mutuelle que «les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire», l’article 26 de celui-ci prévoit qu’un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque cette reconnaissance produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa Constitution.

62 Dans le contexte de la convention de Bruxelles, la Cour a jugé que le recours à la clause de l’ordre public, figurant à l’article 27, point 1, de cette convention, en ce qu’il constitue un obstacle à la réalisation de l’un des objectifs fondamentaux de celle-ci, à savoir faciliter la libre circulation des jugements, ne doit jouer que dans des cas exceptionnels (arrêt du 28 mars 2000, Krombach, C-7/98, Rec. p. I-1935, points 19 et 21).

63 Se reconnaissant compétente pour contrôler les limites dans le cadre desquelles le juge d’un État contractant peut avoir recours à cette clause d’ordre public pour ne pas reconnaître une décision émanant d’une juridiction d’un autre État contractant, la Cour, dans le cadre de la convention de Bruxelles, a jugé qu’un recours à ladite clause n’est concevable que dans l’hypothèse où la reconnaissance ou l’exécution de la décision rendue dans un autre État contractant heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’État requis, en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental. L’atteinte devrait constituer une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’État requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique (arrêt Krombach, précité, points 23 et 37).

64 Cette jurisprudence est transposable à l’interprétation de l’article 26 du règlement.

65 En ce qui concerne le domaine de la procédure, il convient de rappeler que la Cour a reconnu expressément le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, points 20 et 21; du 11 janvier 2000, Pays-Bas et Van der Wal/Commission, C-174/98 P et C-189/98 P, Rec. p. I-1, point 17, ainsi que Krombach, précité, point 26). Ce principe s’inspire des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect en s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

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66 S’agissant plus précisément du droit à obtenir communication des pièces de procédure et, plus généralement, du droit à être entendu auxquels fait référence la cinquième question posée par la juridiction de renvoi, il convient de relever qu’ils occupent une place éminente dans l’organisation et le déroulement d’un procès équitable. Dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, le droit pour les créanciers ou leurs représentants de participer à la procédure dans le respect du principe de l’égalité des armes revêt une importance particulière. Si les modalités concrètes du droit à être entendu peuvent varier en fonction de l’urgence qu’il peut y avoir à statuer, toute restriction à l’exercice de ce droit doit être dûment justifiée et entourée de garanties procédurales assurant aux personnes concernées par une telle procédure une possibilité effective de contester les mesures adoptées dans l’urgence.

67 À la lumière de ces considérations, il convient de répondre à la cinquième question que l’article 26 du règlement doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque la décision d’ouverture a été prise en violation manifeste du droit fondamental à être entendue dont dispose une personne concernée par une telle procédure.

68 Le cas échéant, il appartient à la juridiction de renvoi d’établir si, dans l’affaire au principal, tel a été le cas lors du déroulement de la procédure devant le Tribunale civile e penale di Parma. À cet égard, il convient d’observer que ladite juridiction ne saurait se limiter à transposer sa propre conception de l’oralité des débats et du caractère fondamental que celle-ci revêt dans son ordre juridique, mais doit apprécier, au vu de l’ensemble des circonstances, si le «provisional liquidator» nommé par la High Court a bénéficié ou non d’une possibilité suffisante d’être entendu.

Sur les dépens

69 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1) Lorsqu’un débiteur est une filiale dont le siège statutaire et celui de sa société mère sont situés dans deux États membres différents, la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, selon laquelle le centre des intérêts principaux de cette filiale est situé dans l’État membre où se trouve son siège statutaire, ne peut être réfutée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter. Tel pourrait être notamment le cas d’une société qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par ledit règlement.

2) L’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la procédure d’insolvabilité principale ouverte par une juridiction d’un État membre doit être reconnue par les juridictions des autres États membres, sans que celles-ci puissent contrôler la compétence de la juridiction de l’État d’ouverture.

3) L’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au sens de cette disposition la décision rendue par une juridiction d’un État membre saisie d’une demande à cet effet, fondée sur l’insolvabilité du débiteur et tendant à l’ouverture d’une procédure visée à l’annexe A du même règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d’un syndic visé à l’annexe C dudit règlement. Ce dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu’il détient sur son patrimoine.

4) L’article 26 du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque la décision d’ouverture a été prise en violation manifeste du droit fondamental à être entendue dont dispose une personne concernée par une telle procédure.

Note de Jean-Luc Vallens, JCP éd. E 2006, n° 2071 p 1220 : « Le règlement européen sur les procédures d’insolvabilité à l’épreuve des groupes de sociétés : l’arbitrage de la CJCE »

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1 Introduction. La Cour de justice des Communautés européennes vient de rendre un arrêt attendu particulièrement important pour l'interprétation du règlement communautaire sur les procédures d'insolvabilité et son application aux groupes de sociétés. Derrière les questions posées par voie préjudicielle par la Cour suprême d'Irlande, c’est le droit des groupes qui est en cause, dans le contexte de la défaillance financière qui a frappé le groupe italien Parmalat en 2003. Les questions posées apparaissent relativement complexes, alors que la réalité procédurale qu'elles expriment est simple. La chronologie des faits et des actes de procédure qui ont conduit à la saisine des Juges de Luxembourg doit être rappelée, avant d'analyser l'arrêt et ses conséquences au vu des mécanismes prévus par le Règlement communautaire. 2 Les faits. Le groupe Parmalat (Parmalat Finanziaria SpA) contrôlait plus d'une centaine de sociétés en Europe et dans le monde et employait plus d’un million de salariés. Les difficultés financières du groupe avaient été provoquées par des causes multiples, dont des agissements frauduleux de ses dirigeants et des opérations hasardeuses des spéculations sur les titres dont les dirigeants et certaines banques avaient été les auteurs et les bénéficiaires. Ces difficultés ont conduit à la déconfiture des différentes entités du groupe. Une d'entre elles intéresse l'arrêt dont il s'agit : la société Eurofood Ltd, une filiale à 100 % de la société Parmalat SpA, établie en Irlande (1). C'est à son sujet que le règlement communautaire a révélé à la fois ses potentialités et ses limites.La situation obérée du groupe et ses conséquences financières et sociales ont naturellement inquiété les pouvoirs publics italiens, et conduit le gouvernement à promulguer au mois de décembre 2003, en avance sur la réforme de la législation sur l’insolvabilité alors à l’étude depuis plusieurs années (2), un décret modifiant les règles de la procédure existante créée en 1979, la procédure d’administration extraordinaire pour les entreprises d’au moins 500 salariés et ayant un endettement d’au moins 300 millions d’€ (3), afin de régler de manière coordonnée, sous l'autorité d'un commissaire nommé par le gouvernement, les différentes entités du groupe (4). Ce décret a été aussitôt mis en oeuvre par le ministère italien de l'industrie qui, dès le 24 décembre 2003, nommait un commissaire extraordinaire, qui saisissait aussitôt le tribunal civil de Parme, compétent du chef du siège social de la société Parmalat SpA. Ce tribunal a ouvert ainsi plusieurs procédures d'insolvabilité d'administration extraordinaire contre la société mère, mais aussi contre plusieurs filiales dont la société irlandaise Eurofood, en considérant que le centre des intérêts principaux de cette société était au siège de la maison mère (5). En théorie, cette décision devait être reconnue en Irlande en tant que procédure principale, le tribunal italien ayant apprécié sa compétence à l’égard de la société irlandaise, en raison du domicile des dirigeants, du lieu des décisions prises et de l’absence de locaux véritables en Irlande (6). La procédure d'administration extraordinaire ainsi confirmée aurait dû en théorie bénéficier d'une reconnaissance immédiate et effective dans les autres Etats de l'Union européenne, comme d'autres décisions rendues antérieurement par les tribunaux britanniques et continentaux l'avaient déjà été, cette procédure étant mentionnée aux annexes du règlement communautaire comme une procédure d’insolvabilité (7). Le litige soumis à la Cour de justice a surgi du fait d’une autre initiative engagée parallèlement par un des créanciers de la société Eurofood, une banque américaine la Bank of America NA. Celle-ci, qui avait par une succursale, un rôle d’administration de la société en vertu d’un accord de gestion) avait demandé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, et saisi à cette fin le tribunal de Dublin, qui était normalement compétent au titre du siège de la société débitrice. Ce siège était en effet présumé être le centre des intérêts principaux de cette société, faute de preuve contraire, par application des dispositions du règlement communautaire (8). Une telle procédure qualifiée par le règlement de procédure principale devait dès lors bénéficier également de la reconnaissance universelle dans les autres Etats membres. La même société se trouvait ainsi soumise à une procédure principale ouverte par des juridictions de deux Etats membres, situation que le règlement communautaire a exclu en préconisant la reconnaissance de la première procédure ouverte (9).C'est là qu'interviennent le droit national de chacun des Etats et la chronologie des procédures. Alors que la procédure d'administration extraordinaire a été ouverte par le tribunal de Parme le 20 février 2004, le tribunal irlandais se trouvait déjà saisi : la banque américaine avait en effet saisi ce tribunal dès le 27 janvier 2004, par une demande, aussitôt suivie de la désignation d'un liquidateur provisoire. Ce liquidateur était habilité aux termes de la loi irlandaise à appréhender les biens et geler le patrimoine de la société débitrice (10). Le juge n’examinait pas à ce stade sa compétence au regard du centre des intérêts principaux de la société Eurofood. Le juge irlandais devait ultérieurement, le 23 mars 2004, prononcer la liquidation judiciaire de la société, entraînant naturellement l'application du droit irlandais à celle-ci. Or, aux termes de la loi irlandaise sur les sociétés, les effets de la procédure d'insolvabilité sont réputés remonter à la date de la saisine initiale de la juridiction (11), donc avant la décision des juges italiens. Le conflit est ainsi né non seulement entre deux tribunaux s'estimant tous deux compétents, mais entre deux lois aux contenus opposés. Le juge irlandais a en outre estimé que la procédure suivie par le tribunal d'armes n'avait

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pas respecté la loyauté des débats : selon lui, le juge italien avait statué sans que le liquidateur provisoire intervenu devant lui ait été destinataire de tous les documents nécessaires à défendre les intérêts des créanciers de la procédure dans laquelle il était désigné.On comprend dès lors que la Cour suprême d'Irlande ait jugé indispensable d'interroger par la voie d'une question préjudicielle la Cour de Luxembourg en formulant plusieurs questions.

3. Les questions préjudicielles.

Ces questions peuvent être résumées comme suit (12) :1) La désignation d'un liquidateur provisoire combinée à la présentation d’une demande de liquidation constitue-t-elle une décision ouvrant valablement une procédure d'insolvabilité ? 2) A défaut, la présentation d'une telle demande constitue-t-elle par elle-même l'ouverture d'une procédure, dans la mesure où la loi applicable considère que la procédure de liquidation commence dès la présentation de la demande ? 3) Le tribunal d'un autre Etat que celui dans lequel une société a son siège et gère habituellement ses intérêts d'une manière vérifiable par les tiers est-il compétent pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale, du seul fait qu'il a ouvert cette procédure en premier lieu ?4) Dans le cas d'un groupe de sociétés, faut-il faire prévaloir le fait que la filiale gère habituellement ses intérêts d'une manière vérifiable par les tiers, ou le fait que la société mère contrôle la politique de sa filiale ? 5) Si la procédure suivie devant la juridiction qui a ouvert la procédure en premier lieu a méconnu l'ordre public d'un autre Etat membre, notamment en ne fournissant pas au liquidateur provisoire des pièces essentielles invoquées devant elle, cet autre Etat membre est-il tenu de reconnaître la décision rendue ?

4. Rappel des dispositions communautaires. Le règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 sur les procédures d'insolvabilité ne traite pas expressément des groupes de sociétés. Cela a été souligné dès l'adoption du texte et son entrée en vigueur, parfois même critiqué (13). Cette omission se justifiait par la difficulté d'élaborer des règles acceptables par tous : comment définir une gestion coordonnée du traitement des actifs et des dettes ? Où gérer une procédure centralisée d’un groupe d’entités relevant de droits étrangers ? Quel sort réserver aux actes des dirigeants sociaux accomplis avant l'ouverture d'une procédure collective contre l'une ou l'autre des sociétés du groupe ? Comment traiter les sûretés ayant pu être prises en garantie des dettes sur des patrimoines juridiquement distincts ? La seule brèche existant dans le règlement communautaire concernait le choix d'une autre juridiction compétente que celles situées dans l'Etat où le débiteur (une des sociétés d’un groupe) avait localisé son siège social : le règlement communautaire, en adoptant le critère du centre des intérêts principaux du débiteur, permettait en effet de déroger à la compétence naturelle des juridictions dans le ressort desquelles une société a son siège statutaire, à condition de combattre la présomption attachée à ce siège : « Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé jusqu'à preuve contraire être le lieu du siège statutaire » (14). Les juridictions britanniques, françaises, allemandes, belges et italiennes se sont engouffrées dans cette brèche : Elles ont ainsi au cours des trois premières années d'application du règlement communautaire ouvert des procédures d'insolvabilité à l'encontre de sociétés de droit étranger en considérant que leur siège se trouvait dans leur ressort (15). C'est ainsi que des tribunaux britanniques ont prononcé l'ouverture de procédures d'administration contre des sociétés françaises ou allemandes, que des tribunaux français en ont fait de même à l'égard de sociétés belges ou polonaises et des tribunaux allemands à l'égard de sociétés autrichiennes (16). C’est dans ce contexte que, à l’occasion de la déconfiture du groupe Parmalat, le tribunal italien de Parme en a fait de même, à l'égard des différentes sociétés du groupe dont la société Eurofood.Le centre des intérêts principaux d'un débiteur doit correspondre au lieu où celui-ci gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers (17). Il s'agit d’un critère qui présente un caractère à la fois objectif, la localisation habituelle de la gestion des affaires, et subjectif, la connaissance par les créanciers de cette implantation (18). Dans le cas d'un groupe de sociétés cette question est cruciale : selon que la filiale d'un groupe présente une autonomie véritable ou restreinte, le centre de ses intérêts principaux pourra varier ; de même, les créanciers pourront considérer que leur partenaire relève d’un droit ou d'un autre. Mais il est pour le moins contestable de faire dépendre la localisation d'une société, serait-elle la filiale d'un groupe, de facteurs aussi imprécis. Le niveau d'autonomie ou d'intégration d'une filiale au sein d'un groupe ne suffit pas à déterminer par lui-même le lieu où les décisions sont prises. Quant au caractère notoire et vérifiable par les tiers du centre de direction de la société, rien n'indique quels créanciers sont déterminants à cet égard, ni quel moment leur appréciation doit être prise en compte (19). De là, viennent les incertitudes et les critiques légitimes que révèle l'application du critère de compétence adopté par le règlement communautaire.

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Les juridictions françaises ont pourtant, après leurs homologues britanniques, pris soin de rechercher des éléments objectifs, caractérisant le véritable centre de gravité d'une filiale (head of functions office), lorsqu'elles se trouvaient saisies d'une demande d'ouverture d'une procédure collective (20). Jusqu'à présent, les décisions publiées faisaient état d'initiatives prises par les dirigeants sociaux eux-mêmes, dirigeants du groupe ou dirigeants des filiales concernées. Il semble que l'affaire Eurofood soit une première, en ce sens que le tribunal irlandais a été saisi non par les dirigeants du groupe ou de la filiale irlandaise, mais par un des créanciers de cette dernière. On comprend mieux dès lors le conflit d'intérêts qui apparaît derrière les questions juridiques, opposant l'administrateur extraordinaire désigné en Italie et le liquidateur provisoire désigné en Irlande.L'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes répond avec pertinence à plusieurs des questions posées tout en retenant une analyse contestable des dispositions relatives à l’ouverture des procédures et des mesures provisoires.

5. Le centre des intérêts principaux d’une filiale étrangère. La Cour de justice a de manière opportune traité en premier lieu la question essentielle relative aux problèmes posés par la Cour suprême irlandaise dans sa quatrième question : le centre des intérêts principaux d'une filiale peut-il être fixé au siège de sa maison-mère ? Les juges de Luxembourg ont analysé les éléments caractérisant le centre des intérêts principaux dans l'optique du règlement communautaire. Si ce dernier n'a pas défini par lui-même cette notion, il en donne une interprétation équivalente dans ses considérants : c’est le lieu où le débiteur gère habituellement ses affaires et qui est vérifiable par les tiers (21). Par ailleurs le siège statutaire constitue pour une personne morale une présomption, de sorte que si le centre des intérêts principaux de la filiale doit être fixé ailleurs qu'au siège de la société, il faut combattre par des éléments de fait la présomption qui s'attache à cette localisation. Dans cette optique, la Cour estime qu'une interprétation uniforme du centre des intérêts principaux s'impose (22), et qu'elle requière des critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers, permettant d'écarter la compétence des juridictions du siège statutaire. Elle en déduit que « lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l'Etat membre où est situé son siège social, le simple fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société-mère établie dans un autre Etat membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement » (23). On ne peut qu'approuver cette interprétation, favorable à la sécurité juridique et au crédit : le patrimoine d'une société constitue le gage de ses créanciers et détermine le droit applicable à ses relations avec ses partenaires commerciaux, ainsi que le droit normalement applicable à son redressement ou à la liquidation de ses biens. En présence d'une filiale d'un groupe de sociétés, le fait que la société en difficulté soit plus ou moins soumise au contrôle de sa maison mère n'est pas forcément connu des tiers. Et même s'il l’est, cela ne suffirait pas à écarter la compétence naturelle liée au siège social, compétence juridictionnelle pour le traitement des difficultés et compétence législative pour le sort des droits en cause (24). En outre un tel contrôle peut évoluer dans le temps…Les créanciers enfin ont pu eux-mêmes déterminer leur attitude vis-à-vis du débiteur en fonction de son siège et du droit normalement applicable : la prévisibilité du droit contribue aussi à la sécurité du crédit.Pour la Cour, la présomption en faveur du siège statutaire ne peut donc être écartée que «si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d'établir l'existence d'une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter » (25).La Cour de justice adopte ainsi une combinaison raisonnable des facteurs objectifs et subjectifs de la définition retenue, mais cette combinaison demeure aléatoire.Il est légitime de faire prévaloir la prévisibilité des règles de compétence et la sécurité juridique des tiers sur l'organisation interne d’un groupe, les relations entre les entités qui le composent, et le degré variable d'intégration des filiales. Il est plus délicat de privilégier un élément essentiellement subjectif comme la connaissance des tiers. Comment en effet définir à quel moment les tiers, notamment les créanciers, doivent identifier le centre des intérêts principaux de leur débiteur ? Est-ce au moment de la conclusion d'un contrat ? Mais alors il y aura autant d'approches subjectives que de créanciers. Est-ce au moment de l'ouverture ? Mais le groupe peut avoir subi des changements notables au cours de la vie sociale de chaque société. S’agit-il des principaux créanciers, dont le sentiment devrait prévaloir ? Mais on privilégiera alors les créanciers institutionnels au détriment des créanciers fournisseurs ou des créanciers légaux (fiscaux et parafiscaux). Par ailleurs, si la Cour évoque bien l’hypothèse d’une simple boîte aux lettres sans activité économique, elle n’aborde pas (ce qu’elle aurait pu faire de manière incidente) la problématique d’une holding : considérera-t-on que la holding, même connue des tiers, a une activité, alors que la direction effective du groupe est localisé au siège de la société commerciale qui en dépend ?Il en allait ainsi pour un groupe international, pour lequel un tribunal français a ouvert plusieurs procédures parallèles, sans s’arrêter au fait qu’il était structuré autour d’une holding de droit néerlandais (26).Cet arrêt cependant ne condamne pas totalement la jurisprudence élaborée au cours des trois dernières années par les tribunaux européens, qui est fondée sur une analyse pragmatique de la situation des groupes en difficulté. Un grand nombre des décisions rendues à l’égard de groupes ont en effet privilégié la nécessité d'une gestion

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coordonnée des entreprises liées par des liens de capital ou de contrôle, dès lors que la structure du groupe et que son centre de décision apparaissaient clairement (27). Mais il constitue un rappel utile aux tribunaux, saisis de demandes dirigées contre des sociétés de droit étranger, ou tentés eux-mêmes de confier à un même administrateur judiciaire le traitement des difficultés des filiales d’un même groupe : cela ne peut se faire au détriment des intérêts des créanciers. La Cour de justice attire ici l'attention des juges sur la finalité essentielle parfois oubliée : la procédure collective d’insolvabilité répond d'abord à une nécessité, celle de répondre aux attentes légitimes des fournisseurs de crédits et de biens.

6. Le contrôle de la compétence du tribunal étranger.La troisième question posée par la Cour suprême d'Irlande (28) a été reformulée par la Cour de justice comme suit : « La juridiction de renvoi demande en substance si la compétence assumée par une juridiction d'un Etat membre pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale peut être contrôlée par une juridiction d'un autre Etat membre dans lequel la reconnaissance est demandée (29). Cette question renvoie aux principes établis par le règlement sur les procédures d'insolvabilité, en faveur de la reconnaissance et de l'exécution des décisions rendues dans ce domaine. Aux termes du règlement, la procédure d'insolvabilité principale ouverte conformément à l'article 3 du règlement sur la base du centre des intérêts principaux du débiteur doit être reconnue de plein droit et produire ses effets dans les autres Etats membres (30). Ce mécanisme assure l'effectivité de la procédure d'insolvabilité principale, et s'inspire naturellement d’une conception universelle de la faillite. Il repose sur un principe de confiance mutuelle d'ailleurs exprimé en tête du règlement (31). Les tribunaux des autres Etats membres doivent assurer l'efficacité directe des jugements rendus au centre des intérêts principaux du débiteur. C’est pourquoi la Cour de justice affirme que la procédure ouverte dont être reconnue sans que les juridictions des autres Etats membres puissent contrôler la compétence de la juridiction d’ouverture, alors que les termes du règlement pouvaient conduire à une autre analyse, la reconnaissance bénéficiant à la décision « prise par une juridiction compétente en vertu de l’article 3 » (32).Le problème n’est pas réglé pour autant. La compétence du tribunal qui ouvre ainsi la procédure peut-elle être vérifiée, lorsque le syndic désigné prétend exercer ses pouvoirs dans les autres Etats membres ? La réponse découle en théorie d’un postulat incontestable : les tribunaux doivent reconnaître la décision dans tous ses aspects, y compris la compétence du juge étranger qui l’a rendue. On peut comparer ce principe à celui affirmé par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui dérogeait au principe général d’un contrôle de la compétence du juge étranger (33), et aujourd'hui par le règlement du 22 décembre 2000 qui l’a remplacée depuis le 1er mars 2002 (34). Ces traités interdisent sauf dans des domaines spécifiques, la révision de la compétence du juge étranger. Ce principe est nécessaire pour garantir l'effectivité des décisions (on n’ignore pas ici la nécessité d’une appréhension rapide des actifs du débiteur et de l'arrêt des poursuites individuelles). Il s’appuie néanmoins sur un présupposé : que le tribunal ayant ouvert la procédure ait réellement vérifié sa propre compétence. C'est là que l’arrêt de la Cour de justice suscite la perplexité. Lorsque le tribunal irlandais est saisi par un créancier américain d’une demande en vue d'ouvrir une procédure de liquidation contre la société, sa décision est légitimement fondée sur le droit irlandais applicable, ainsi que sur le règlement communautaire, qui établit une présomption en faveur du siège statutaire de la société. Qu’il exprime ou pas cette analyse dans sa décision, il faut admettre que le juge irlandais a vérifié sa compétence, lorsqu’il ouvre la procédure, s'agissant d'une disposition généralement d'ordre public.Mais la confiance mutuelle peut-elle autoriser pour autant le juge étranger à vérifier la compétence du tribunal, lorsque ce dernier semble ne pas l’avoir fait ? Littéralement interprété, le règlement communautaire permettrait une réponse positive : ne sont reconnues que les décisions rendues conformément à l'article 3.1 du règlement (35), mais une telle réponse serait contraire à l'économie générale du règlement et à ses considérants. Elle serait aussi contraire à l’esprit de confiance mutuelle, prescrit par le règlement de permettre d’écarter le constat opéré par le juge étranger de sa propre compétence, serait-ce au nom de l’ordre public (36.On peut sans doute distinguer ici deux hypothèses, suivant que le tribunal ait fondé sa compétence sur la présence du siège statutaire ou sur des éléments de fait contraires à la présomption établie en sa faveur. Dans le premier cas, le juge, en l'absence d'indices discordants, fonde naturellement sa décision sur la présence dans son for du siège de la société débitrice. Il n'y a pas lieu à cet égard de vérifier la compétence du juge de l'Etat d'ouverture, hormis dans le cas d’un recours exercé contre la décision d'ouverture. En revanche, si le juge a écarté la présomption établie par le règlement en faveur du siège, il ne doit le faire qu’après un examen véritable des éléments de fait qui lui sont soumis, et sa décision doit comporter la trace de cet examen. La motivation des jugements, qui figure dans les principes généraux du procès civil et contribue à l’équité du procès, est ici plus que jamais nécessaire (37).

7. L’exception d’ordre public. Un troisième aspect, découlant de la dernière des questions posées par la Cour suprême de Dublin porte sur l'exception d'ordre public, pour laquelle la Cour de justice adresse un message clair aux Etats membres. Le

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règlement communautaire sur les procédures d'insolvabilité établit en faveur des décisions d'ouverture, le principe de la reconnaissance et de l'exécution sans exequatur, et pour les décisions ultérieures, rendues dans le cadre de telles procédures, un mécanisme de reconnaissance et d'exécution simplifié, conforme aux règles qui ont été définies par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, ou, suivant l'interprétation qui en est donnée généralement en Europe, par le règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 qui l’a remplacée (38). Le règlement communautaire a parallèlement établi des règles de protection pour se prémunir des solutions et des effets indésirables d'une telle universalité. Parmi ces mécanismes de protection, figure une exception d'ordre public : les Etats membres ne sont pas tenus de reconnaître et d’exécuter des décisions dont les effets seraient manifestement contraires à leur ordre public 39 39 (art. 26). Le recours à cette exception qui découle d’une conception d’un « effet atténué » de l’ordre public, ne doit jouer que dans des cas exceptionnels et ne pas être utilisé pour contrôler la compétence du juge étranger, comme le souligne d’ailleurs l’article 35 3 du règlement CE n° 44 /2001 du 22 décembre 2000. À cet égard, le règlement communautaire n'a fait que consacrer la jurisprudence de la Cour de justice adoptée en application de la Convention de Bruxelles de 1968 (40), consécration qui figure également de manière formelle dans le règlement du 22 décembre 2000 (41). Comme le souligne la Cour, cette jurisprudence est transposable à l'interprétation de l'article 26 du règlement (42). Cela conduit à admettre que le tribunal irlandais pouvait refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre, lorsque la décision d'ouverture avait été prise en violation manifeste du droit fondamental à être entendu dont disposent les personnes concernées par une telle procédure (43). Dans les faits, le syndic irlandais n’avait semble-t-il pas reçu toutes les pièces de la procédure sur lesquelles le tribunal italien s'était fondé pour ouvrir une procédure contre la société Eurofood. Ce que l'on peut retenir de l'arrêt c'est moins la solution indiquée au juge irlandais, que la consécration comme un principe général communautaire du droit au procès équitable, déjà affirmé, la Cour le rappelle, par plusieurs arrêts antérieurs (44) Ce principe constitue ainsi un principe général de droit communautaire inspiré des droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, et des indications fournies par la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 (45). Est aussi confirmée ainsi de manière naturelle la réalité d’un ordre public communautaire, bien plus que ne l’exigeaient le règlement sur les procédures d’insolvabilité et sa référence à l'ordre public des Etats membres. On ne peut qu’approuver cette affirmation sereine d’une intégration des principes de la Convention européenne des droits de l'homme dans l'ordre communautaire.Il est intéressant de souligner que la Cour de justice n'a pas le moins du monde examiné dans sa réponse si le droit irlandais prescrivait ou non la communication de pièces au liquidateur provisoire. La Cour suprême irlandaise avait d’ailleurs pris soin d’indiquer dans sa question que le demandeur italien avait refusé (malgré une ordonnance en ce sens du tribunal irlandais) de fournir les pièces essentielles, mais invoquait elle-même le principe conventionnel du caractère équitable du procès, et non le droit procédural irlandais. La Cour de justice considère par là que ce principe faisait partie intégrante de l'ordre public irlandais, eu égard à la supériorité de la norme conventionnelle, sans analyser l'exception d'ordre public par rapport à une conception nationale applicable en Irlande : c’est là l’expression d'un ordre public communautaire en cette matière. Et pour exclure tout ambiguïté elle a ajouté, par un motif de caractère pédagogique, que le juge irlandais de renvoi « ne saurait se limiter à transposer sa propre conception de l’oralité des débats et du caractère fondamental que celle-ci revêt dans son ordre juridique, mais (devait) apprécier au vu de l'ensemble des circonstances si le liquidateur provisoire nommé par la High Court a bénéficié ou non d'une possibilité suffisante d'être entendu » (46). Il n'est pas nécessaire de souligner l'apport significatif de cet arrêt au regard de la conception de l’ordre public des Etats membres. Il illustre le partage déjà affirmé entre les compétences des Etats et celles de la Cour : les Etats sont libres de déterminer les exigences de leur ordre public mais les limites de cette notion relèvent de l’interprétation de la convention (47).

8. La désignation d’un liquidateur provisoire.L'arrêt de la Cour de justice suscite en revanche des réserves sur un des points qui lui étaient soumis, contenus dans la première question : la nomination d'un syndic provisoire combinée avec une demande de liquidation judiciaire constitue-t-elle une décision ouvrant une procédure ? Les juges de Luxembourg ont répondu par l’affirmative, en allant au-delà des dispositions du règlement (48). Force est donc de revenir sur l’interprétation excessive des dispositions communautaires applicables. Le règlement communautaire s'applique aux procédures d’insolvabilité ouvertes dans les différents Etats membres en donnant une définition de celle-ci : il s'agit d'une procédure collective fondée sur l'insolvabilité du débiteur et entraînant un dessaisissement total ou partiel de celui-ci ainsi que la désignation d'un syndic (49). Les procédures couvertes par le règlement sont énumérées aux annexes A et B, l’annexe A contenant les procédures susceptibles d’être reconnues comme procédures principales d’insolvabilité (50).Quant au syndic mentionné, il est défini comme étant toute personne ou tout organe chargé d'administrer les biens du débiteur ou de réaliser ses actifs (51), et figure dans une troisième liste annexée au règlement, sur laquelle chacun des Etats membres a indiqué les professionnels dont le titre et les qualités sont mentionnées pour exercer ces fonctions. Ainsi chaque Etat membre de l'Union européenne sait identifier les procédures ouvertes

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dans les autres Etats et les professionnels désignés pour administrer les biens ou les réaliser au nom des tribunaux compétents (52).Ces listes étaient fondamentales en 2002. Elles le sont plus encore aujourd’hui après l'élargissement de l'Union européenne (53) car les Etats membres doivent être en mesure de vérifier aisément et sans délai la désignation des syndics habilités dans des Etats aux systèmes différents, et les pouvoirs découlant du droit de l’insolvabilité de l'Etat d'ouverture. Enfin, cette rigueur est une véritable exigence, car elle fonde la confiance mutuelle qui est le socle du règlement communautaire. A cet égard, l'arrêt de la Cour de justice crée des incertitudes et des risques. Il est constant que l'ouverture de la procédure d'insolvabilité est un moment déterminant pour assurer l’effectivité d’une procédure principale d’insolvabilité, ouverte au centre des intérêts principaux du débiteur. Celle-ci est reconnue dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture (54). Elle fait en outre obstacle à une autre procédure principale, toute procédure d'insolvabilité ouverte postérieurement dans un autre Etat membre ne pouvant être qu'une procédure secondaire susceptible de s'appliquer à un établissement du débiteur (55). Prime donc la décision qui ouvre la première la procédure (56). Il est exact comme le relève la Cour, en le regrettant, que le règlement ne définit pas avec précision la notion de décision ouvrant une procédure d'insolvabilité (57). Mais une telle définition ne s'imposait pas. L'ouverture requiert par hypothèse une décision, donc l'intervention d'une autorité habilitée par la loi à la prononcer, en vertu de la loi applicable, et à déclencher la procédure et ses effets. Il ne s'agit pas certes nécessairement d'un tribunal, et la définition du terme « juridiction » est d'ailleurs suffisamment large pour englober les décisions d'autres organes (58). Mais une décision positive ouvrant une procédure avait été considérée comme une condition nécessaire, pour faire produire à la procédure d’insolvabilité des effets dans l'Etat d'ouverture et dans les autres Etats membres (59). Par ailleurs, l'intérêt de recourir à des mesures provisoires a été pris en considération par le règlement, pour répondre aux besoins d'intervention urgente, par définition avant d'ouvrir une procédure proprement dite. Si l'adoption de mesures conservatoires équivalait à l'ouverture de la procédure elle-même, le règlement n'aurait pas contenu des dispositions de sauvegarde de l'actif du débiteur (60). On ne peut non plus confondre la date de la décision et les effets de celle-ci. Ces derniers dépendent du droit national applicable, comme en témoigne ici la question préjudicielle n° 2 à laquelle la Cour n’a pas répondu (61).Enfin, il n’y a procédure que si les mesures prises répondent à la définition contenue à l'article 1er du règlement, et constituent bien un ensemble de règles définissant les droits respectifs du débiteur, du syndic et des créanciers et s'achevant par le redressement ou la liquidation de l'entreprise. De telles procédures sont énumérées dans les listes figurant aux annexes A et B du règlement, avec la même valeur que celui-ci (62). Certains Etats connaissent des procédures provisoires, d'autres pas. L’Irlande en particulier n'a pas adopté ni a fortiori indiqué de telles procédures dans la liste portée en annexe du règlement (63). La Cour de justice néanmoins adopte une autre approche, en considérant « aux fins d’assurer l’efficacité du système instauré par le règlement, que le principe de reconnaissance puisse appliquer le plus tôt possible au cours de la procédure » (64). Elle fait ainsi prévaloir la finalité de la règle sur la règle elle-même. Complétant son raisonnement, elle considère que ce mécanisme pourrait être perturbé si les juridictions des autres Etats membres, saisis concomitamment, pouvaient revendiquer pendant une période prolongée une compétence concurrente (65). Aussi pour la Cour, « doit être considérée comme une décision ouvrant une procédure d’ insolvabilité non seulement une décision formellement qualifiée de décision d’ouverture par la réglementation de l’Etat membre dont relève la juridiction qui l’a rendue, mais encore la décision rendue à la suite d'une demande fondée sur l’insolvabilité du débiteur tendant à l'ouverture d'une procédure visée à l'annexe A du règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d'un syndic visé à l'annexe C du dit règlement » (66) ;.Les avantages d'une telle interprétation semblent moindres que ses inconvénients, au regard de la sécurité juridique et des attentes légitimes des tiers. La demande d'ouverture, par principe ignorée des tiers, saisit une juridiction aux fins de voir ouvrir une procédure d’insolvabilité. Toute décision prise entre cet acte de saisine et la décision statuant sur l'ouverture ne peut être elle-même considérée comme une décision d’ouverture, alors surtout que les mesures prises ne sont pas qualifiées comme telles par la loi applicable et ne sont pas mentionnées dans la liste des procédures d’insolvabilité de l'Etat considéré. La décision ayant désigné un syndic provisoire a été de plus prise sans un examen (cela est admis), de la compétence du tribunal : l’urgence des mesures provisoires à prendre peut il est vrai justifier un examen sommaire de la demande. Mais la question de la compétence reste soumise au juge du fond, qui le cas échéant, ouvrira la procédure. Ni la demande d'ouverture d'une liquidation ni la désignation d'un syndic provisoire ne sont portées à la connaissance des tiers, du moins aussi longtemps que le syndic provisoire n’exerce pas ses pouvoirs.La Cour de justice s'est pourtant fondée, pour assimiler la prise de mesures provisoires à l’ouverture d’une procédure d'insolvabilité, au sens du règlement, sur deux éléments.D'une part, le syndic provisoire désigné par le juge figurait dans la liste des syndics habilités à exercer des pouvoirs sur les biens du débiteur (67). D'autre part, les mesures prises par ce syndic provisoire entraînaient un certain dessaisissement du débiteur, dans la mesure où le liquidateur pouvait selon la loi irlandaise, gérer ses actifs et devait prendre en dépôt, ou placer sous son contrôle, tous les biens corporels et incorporels du débiteur.

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Elle en déduit que la nomination d'un syndic provisoire et le dessaisissement du débiteur qui en résulte suffisaient à répondre à la définition de l’ouverture de la procédure d'insolvabilité. Au nom de l’effet utile du règlement, elle a négligé volontairement le fait qu’une procédure n'était toujours pas ouverte, qu’elle ne le serait que quelques semaines plus tard, et que les mesures provisoires ne figuraient pas en tant que procédure dans la liste de l’annexe A du règlement. Cette décision, loin d'apaiser les difficultés d'interprétation du règlement, porte atteinte à l'équilibre voulu par celui-ci entre la procédure principale et les droits des tiers. Sans devoir procéder à un examen de sa compétence, et sans vérifier si une autre demande dans un autre for avait ou n'avait pas été présentée, le juge saisi en premier lieu attribuerait ainsi à un syndic provisoire des pouvoirs importants en ouvrant, en quelque sorte à son insu, une véritable procédure produisant ses effets dans les autres Etats membres. Ajoutons que si l’on peut admettre que la nécessité de prendre des mesures urgentes dispenserait le juge de motiver sa décision, une telle décision pourrait se voir jugée contraire à l’ordre public des autres Etats membres (68).Or dans cette phase intermédiaire, rien n'interdit à un autre créancier ou au débiteur lui-même qui estimerait que le centre des intérêts principaux de l’entreprise est en réalité dans une autre juridiction, de saisir les tribunaux qu’il estimerait compétents. Faut-il alors attendre un conflit de juridictions à l’occasion des initiatives des syndics respectifs pour rechercher le moment où la procédure principale (unique) avait été valablement ouverte ? Le recours à un tribunal dont le droit national prévoit des mesures provisoires pourrait en outre bloquer une initiative parallèle, engagée devant une autre juridiction dont le droit n'aurait pas prévu les mêmes mesures. A supposer que le juge premier saisi n'ait pas compétence au regard du critère du centre des intérêts principaux du débiteur (hypothèse d’une boîte aux lettres, d'un siège social fictif ou d'un transfert du siège peu avant la saisine), la deuxième décision prise sur la base du centre des intérêts principaux serait néanmoins rendue caduque, contrairement aux finalités du règlement communautaire. La décision provisoire du premier tribunal primant dans le temps, le deuxième juge, alors même qu'il ignorait la décision antérieure ayant nommé le syndic provisoire, se trouverait incompétent, tout en ayant appliqué scrupuleusement les dispositions du règlement communautaire. La décision rendue favorise ainsi le forum shopping au lieu de l'éviter. Une décision différente aurait-elle été adoptée, si l'Avocat général et la Cour n’avaient été sensibles avant tout au pragmatisme supposé de la législation irlandaise, et à la nécessité d’assurer à tout prix l'effectivité des mesures prises par le syndic provisoire ?

9. La demande d’ouverture.Grâce à l'interprétation retenue pour répondre à la première question, la Cour de justice a évité de répondre à la deuxième question, également importante : une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité équivaut-elle à l'ouverture même, lorsque la loi de l'Etat considère que la liquidation commente à la date de présentation d'une telle demande ? (69). Cette approche peut surprendre les juristes continentaux habitués à distinguer soigneusement la saisine d'une juridiction de la décision rendue par celle-ci. Il est vrai que la rétroactivité d'une décision n'est pas ignorée en Europe. Les tribunaux accordent fréquemment des montants assortis d’intérêts à compter de la demande, et fixent le point de départ de certains effets de leurs décisions en amont. Quant aux procédures collectives, l’ouverture produit elle-même des effets rétroactifs, comme l’effectivité du jugement d'ouverture à la première heure de sa date (70), ou l'annulation de droit de certains actes irréguliers de la période suspecte (71). En droit international privé, il en va de même pour un jugement accordant l’exequatur à une décision étrangère, dont certains effets peuvent remonter à la décision étrangère (72). Mais il n'est pas aussi aisé d’admettre que la procédure elle-même produise tous ses effets (arrêt des poursuites, dessaisissement du débiteur et pouvoirs du syndic) dès la demande, indépendamment de la décision d'ouverture. Tel est pourtant le cas en l’espèce. Le droit irlandais prévoit, on l’a vu, que la procédure une fois ouverte était réputée produire ses effets à la date de la demande. Il en découle alors une difficulté majeure, relevant du conflit de lois.Le règlement communautaire déclare de manière naturelle que la loi de l'Etat d'ouverture est applicable aux conditions d'ouverture et aux effets d'une procédure d'insolvabilité (72), mais cela peut conduire à la situation paradoxale du cas Eurofood. Dans un Etat, l'Italie, une procédure est valablement ouverte par une juridiction au centre des intérêts principaux de la société, suivant l'appréciation qui en est faite par le juge italien, alors que dans un autre Etat, l’Irlande, une demande était déjà déposée aux mêmes fins devant le tribunal dans le ressort duquel était situé le siège social de la société. Dans les deux cas, les tribunaux s'estimaient compétents, le premier sur la base du centre réel de décision des activités de la filiale irlandaise, le second sur la base du siège social de celle-ci. L'absence de règles de litispendance dans le règlement communautaire d'une part (73), et les différences entre les droits nationaux d'autre part, conduisent ainsi à un conflit positif de compétences, alors que les juridictions de chaque Etat appliquent à la fois les règles communautaires et leur propre droit. La Cour de justice n'a pas eu à trancher cette difficulté, ayant considéré que la désignation d'un syndic provisoire combiné à la demande de liquidation présentée par le créancier américain avait entraîné l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité. Peut-être aura-t-elle à se pencher plus tard sur la question posée, à l’occasion d'un

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litige similaire. La réponse donnée à la troisième question ne permet pas de juger en l’état de sa décision. Il existait pourtant une issue. Dans le cas d'espèce, la loi irlandaise ne fait produire un effet rétroactif à la décision d'ouverture qu’à condition qu'une procédure soit effectivement ouverte : le juge irlandais devait, suivant les règles communautaires, reconnaître la décision rendue par le tribunal italien avant son propre jugement prononçant la liquidation. De la sorte, aucun effet rétroactif ne pouvait s'attacher à sa décision. Tel n'a pas été le cas, le juge irlandais ayant estimé que la décision du tribunal de Parme ne pouvait tenir en échec les mesures déjà prises. Une autre solution, de lege ferenda, conduirait à lier l’effet des décisions d’ouverture à leur publication de sorte que l’opposabilité des décisions et des mesures provisoires soient connues des autres tribunaux et évitent le risque de conflit de compétences.Une autre voie pourrait être de laisser une place à l’arbitrage en ce domaine, afin qu’un tiers reconnu des deux juridictions définisse le forum conveniens : le choix d’une juridiction éviterait les recours éventuels serait de nature à donner confiance aux créanciers et aux entreprises concernées (74). L’ordre public et les règles de compétence exclusive du tribunal en charge d’une procédure sont-ils des obstacles véritables à cette solution ?

1. La société en Irlande avait été localisée en Irlande pour des raisons fiscales,en vue de mener à bien des opérations financières dans l'intérêt des différentes entités du groupe2. D.-L. n°347 du 23 déc. 2003, compl. par D.-L. n°39 du 18 févr. 2004, modifié par une loi ultérieure n° 166 de 2004, entrée en vigueur le 7 juillet 2004. 3. Mais le texte réglementaire consacré par le Parlement italien a été jugé par certains anticonstitutionnel, du fait que des actions en nullité seraient possibles alors que l’entreprise opère toujours sur le marché. Une nouvelle loi réformant le texte ancien de 1942 a été adoptée par le législateur le 22 décembre 2005.4. Le droit antérieur de 1942 ne permettait pas de restructurer les entreprises ni d’anticiper sur l’insolvabilité par un traitement préventif. Aussi une loi de 1979, modifiée en 1999, a-t-elle créé une procédure d’administration extraordinaire, offrant un meilleur cadre au redressement préventif, en raison de la tutelle des pouvoirs publics et des possibilités de rééchelonnement des dettes en cas de difficultés temporaires (V Schiavon, Les procédures d’insolvabilité en Italie, Petites affiches, 23 mars 2005 n°58 p 5 ; Sciuto, Les projets de réforme du droit italien des entreprises en difficulté, RJCom 2003 p 123) .5. Le juge italien savait qu’un liquidateur provisoire venait d’être désigné en Irlande (voir infra) mais considéra que cette mesure n’équivalait pas à l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité au sens du règlement.6. La société était installée dans les locaux d’un cabinet d’avocat au sein d’un centre d’affaires international. 7. Règl Annexe A 8. Règl art 3.1 9. Règl art 3.3 et 1610.Companies Act, § 226 11. « La liquidation d’une société par le tribunal est réputée débuter à la date de présentation de la demande de liquidation » (Companies Act § 220). 12. Texte des questions :1) Lorsqu'une juridiction compétente en Irlande est saisie d'une demande tendant à faire prononcer la liquidation d'une entreprise insolvable et que, en attendant de prendre une ordonnance de liquidation, cette juridiction rend une ordonnance portant nomination d'un syndic à titre provisoire doté des pouvoirs de confisquer les actifs de l'entreprise, de gérer ses affaires, d'ouvrir un compte bancaire et de désigner un conseil, tout cela ayant en droit pour effet de priver les administrateurs de l'entreprise du pouvoir d'agir, cette ordonnance, combinée à la présentation de la demande, constitue-t-elle une décision ouvrant une procédure d'insolvabilité aux fins de l'article 16 du règlement, interprété à la lumière de ses articles 1er et 2 ?2) Si la réponse à la question 1) est négative, la présentation en Irlande devant la High Court d'une demande tendant à faire prononcer par cette juridiction la liquidation forcée d'une entreprise constitue-t-elle l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité aux fins dudit règlement, en vertu de la disposition légale irlandaise (art 220(2) du Companies Act, 1963), qui considère que la liquidation de l'entreprise débute à la date de présentation de la demande ?3) L'article 3 dudit règlement, combiné à son article 16, a-t-il pour effet qu'une juridiction d'un Etat membre autre que celui dans lequel est situé le siège statutaire de l'entreprise, et autre que celui où l'entreprise gère habituellement ses intérêts d'une manière vérifiable par les tiers, mais où la procédure d'insolvabilité est ouverte en premier lieu, est compétente pour ouvrir la procédure d'insolvabilité principale ?4) Lorsque a) les sièges statutaires respectifs d'une société mère et de sa filiale sont situés dans deux Etats membres différents,b) que la filiale gère habituellement ses intérêts d'une manière vérifiable par les tiers et dans le respect total et permanent de sa propre identité sociale dans l'Etat membre où est situé son siège statutaire et c) que, en raison de sa participation et de son pouvoir de nommer les administrateurs, la société mère est en mesure de contrôler et qu'elle contrôle effectivement la politique de sa filiale,lors de la détermination du « centre des intérêts principaux », les facteurs déterminants sont-ils ceux mentionnés au point b) ci-dessus, ou, au contraire, ceux mentionnés au point c) ci-dessus ?5) Lorsqu'il est manifestement contraire à l'ordre public d'un Etat membre d'autoriser qu'une décision judiciaire ou administrative produise des effets juridiques à l'égard de personnes ou d'organes dont le droit à des modalités de procédure et à un procès équitable n’est pas respecté lors de l'adoption d'une telle décision, cet Etat membre est-il tenu, en vertu de l'article 17 dudit règlement, de reconnaître une décision arrêtée par les juridictions d'un autre Etat membre, censée ouvrir une procédure d'insolvabilité à l’égard d'une entreprise, dans un cas où la juridiction du premier Etat membre est convaincue que la décision en cause a été rendue au mépris de ces principes et, en particulier, lorsque le demandeur dans le second Etat membre refuse, malgré les demandes et contrairement à l'ordonnance de la juridiction du second Etat membre, de fournir au liquidateur provisoire de l'entreprise, dûment nommé conformément au droit du premier Etat membre, tout exemplaire des pièces essentielles fondant sa demande ? »13 V. sur les limites du texte : Coviaux Présentation générale du règlement 1346/2000, Petites affiches 20 nov. 2001 n° 213 p 17 ; V. sur les préoccupations de la Commission européenne : Bolkestein, Rapport sur la modernisation du droit des sociétés et de la gouvernance d’entreprise dans l’Union européenne, COM(2003) 284/5 20 mai 2003 ; V. sur la problématique plus générale des groupes : Paillusseau, La notion de groupe de sociétés et d’entreprise en droit des activités économiques, D 2003 p 2346 ;14. Règl art 3.115. Par une conception extensive de la notion de centre des intérêts principaux du débiteur. Pour une comparaison entre cette conception et la prudence des tribunaux français, V. Mélin, Une nouvelle application controversée du règlement n°1346/2000 relatif aux procédures

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d’insolvabilité aux groupes de sociétés, JCP éd E 2005 n°1412 et Dammann L’évolution du droit européen des procédures d’insolvabilité et ses conséquences sur le projet de loi de sauvegarde, Revue Lamy Droit des affaires, avril 2005, p 18 . 16. CA Versailles 4 sept 2003 D 2003 p 2352 comm Vallens, JCP éd G 2004 II 10007 comm Menjuc, RCDIP 2003 p 655 note Khairallah, Rev sociétes 2003 p 891 note Rémery.V. aussi Dammann, précité note 15 ;; Raimon, Centre des intérêts principaux et coordination des procédures dans la jurisprudence européenne sur le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité JDI Clunet 2005 p 739, Wautelet, Le règlement 1346/2000 dans les jurisprudences belge et néerlandaise, Rev. Belge Droit des affaires, éd. Larcier 2005 p 301 ; Wessels, The EC Insolvency regulation : Three years in force, European Company Law 2005/2 ; Fasquelle, Les faillites de groupes de sociétés dans l’Union européenne : la difficile conciliation entre approche économique et approche juridique, Bull Joly 2006 p 151.17. Règl Considérant n° 17. Pour le gouvernement français, le centre des intérêts principaux du débiteur correspond au centre effectif de direction de ses affaires.18. On rappellera que selon le rapport (non publié) rédigé par MM Virgos et Schmit à la suite de la Convention du 23 novembre 1995 dont découle le règlement sur les procédures d'insolvabilité, cet aspect est primordial : « Il est important de rattacher la compétence internationale à un lieu connu des futurs créanciers du débiteur. Cela permet de calculer le risque à assumer en cas d'insolvabilité (Rapport Virgos Schmit, n° 75).19. Mais comment justifier de privilégier les principaux créanciers comme l’ont fait des tribunaux britanniques à l’égard des sociétés du groupe Daisytek (High court 16 mai 2003, [2003] BCC . 562 cité par Raimon, précité) ? Dans son arrêt du 17 février 2006, la Cour de justice a estimé que c'est au moment de nouer des relations juridiques avec le débiteur que ses créanciers doivent identifier le centre de ses intérêts principaux (CJCE 17 févr 2006, Arrêt Staubitz-Schreiber, point 27, Rev Sociétés 2006 p…, note Vallens.20 Trib. Com Nanterre 15 févr 2006, D 2006 p 793 note Vallens, Rev. Proc. Coll. 2006 p 241 comm Menjucq21. Règl Cons. 13. 22 Arrêt motif n° 31 23 Arrêt motif n° 36. 24. En ce sens v. Rép min n°40288 JOAN Q 3 août 2004, p 6104, D 2004 p 2212.25 Arrêt motif n°34.26. Trib. Com Nanterre 15 févr 2006, précité note 2027. Sur les différents niveaux d'intégration des sociétés, V. Dammann, L’application du règlement CE n° 1346/2000 à l'insolvabilité d'un groupe de sociétés après les arrêts Staubitz-Schreiber et Eurofood de la CJCE, D 2006 p….28. V. supra la note n°29. Arrêt motif n° 38. 30. Règl art 16.1 et 17.1 31. Règl. Considérants n° 12 et 22. 32. Règl art 3 ; arrêt motif n° 3433. Conv Bruxelles 27 sept 1968 art 28 al 3 ; comp. : Arrêt Simitch Cass. Civ. 1ère 6 févr. 1985 RCDIP 1985 p 369 chron. Franceskakis, JDI 1985 p 460 note Huet 34. Régl CE n° 44/2001 22 déc. 2000 art 35. 35. Circ. Min. 17 mars 2003, chap. 2 Introd36..ibid.37 CEDH 16 déc 1992, arrêt Hadjianassou Série A n° 252 § 33 ; CEDH 19 avril 1994, arrêt Van de Hurk, Série A n°288 § 61 ; sur l'obligation de motiver, voir Trechsel, L'application de l'article 6 1 de la convention européenne des droits de l’homme in Les principes communs d’une justice des Etats de l'Union européenne, Colloque Cour de cassation, éd La Documentation française, 2001, p 16338 Circ. Min. 17 mars 2003 Chap V Introd. Pour les autres Etats membres, V. les référence indiquées par Mélin, La faillite internationale éd LGDJ 2004, p 187; Rémery, L’effet à l'étranger des solutions des procédures collectives, in L’effet international de la faillite : une réalité ? sous la dir. de F Jault-Seseke et D Robine, éd Dalloz p 109 not p 116. V. en même sens : Bofanti, Diritto del commerco internazionale, 2003 p 411, Bos, Netherland Law Review 2003 n°1 p 41 et Moss, Fletcher et Isaacs, The EC Regulation on insolvency proceedings, A Commentary and annotated guide, éd Oxford University Press, 2002, n°8.1.39. Règl art. 26 40. CJCE 28 mars 2000 Krombach, aff C 7-78, Rec CJCE 2000 I, p 1935, RCDIP 2000 p481 note H Muir-Watt, JDI 2001, p 690 41 Règl 44/2001 22 déc 2000 art 34-1 ou 35-1) ; V. CJCE 4 févr 1988 arrêt Hoffmann RCDIP 1988, p 605 JDI 1989 449 note Huet42. Arrêt motif n°64 43 Arrêt motif n° 67 44. CJCE 17 déc 1998, Baustahlgewerbe/ Comm., Arrêt C 185/95 Rec p 1-8417 points 20 et 21 ; CJCE 11 janv 2000, Pays-Bas et Van der Wal, arrêt C 174/98 et C 189/98 Rec p I-1 point 7 et CJCE 28 mars 2000 Arrêt Krombach, précité, note 40. 45. Etant rappelé que l’ordre public procédural relève aussi de l’article 6 de la Convention (CEDH 20 juillet 2001, arrêt Pellegrini, Req n° 30882/96 RTDH n°50, 2002, Petites affiches 18 avril 2002, n°78 p 11 obs Flauss 46. Arrêt motif n°6847. CJCE 11 mai 2000 Renault, Aff C 38-98, Rec. CJCE 2000 I p 2973, JDI 2001 p 697, note Huet, RCDIP 2000 p 497 note Gaudemet-Tallon. 48. Le règlement communautaire prévoit en effet formellement que les règles de reconnaissance et d'exécution applicables aux décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure (soumises, selon l’interprétation adoptée, à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ou au règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000) s'appliquent également aux décisions relatives aux mesures conservatoires prises après la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (Règl art 25.1) : on ne pouvait mieux distinguer la demande, la décision d’ouverture et les mesures provisoires…49 Règl art 1er 150 Règl art 2 a).51 Règl art 2 b),52 Règl Annexe C53 Voir les listes modifiées des procédures et des syndics, Règl CE n° 603/2005 12 avril 2005, JOUE L 160 30 juin54 Règl art 16 et 17. 55 Règl art 3.3.56 Règl Considérant n° 2257 Arrêt motif n° 50. 58 Règl art 2 d) 59. Règl art 16 ; V la définition du moment de l’ouverture d’une procédure : « le moment où la décision d’ouverture prend effet, que cette décision soit ou non définitive » (Règl art 2 f).

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60. Règl art 25.1 3ème al et art 38. L'intérêt de telles mesures était aussi souligné dans les Considérants, estimant que la juridiction compétente pour ouvrir une procédure principale devait être habilitée à les ordonner, y compris dans les autres Etats (Règl Considérant n° 16).61 V. infra point 9 62. Règl art 2 a) et 2 b) et Considérant n° 2263. L’Irlande n'avait ainsi mentionné que les accords conclus sous le contrôle des tribunaux, comprenant un transfert total ou partiel du patrimoine du débiteur à un liquidateur en vue de sa réalisation et de la distribution du prix (Règl Annexe A). Bien plus, la Cour suprême d’Irlande n'a pas indiqué dans sa demande d'avis que le droit irlandais considérait la désignation d’un syndic provisoire équivalait à l'ouverture d'une procédure.64. Arrêt motif n° 52 65. Arrêt motif n°5266 Arrêt motif n° 54.67. Règl art 2b) et Annexe C. 68 Conf. Cass. 1ère civ. 17 mai 1978, Bull civ. I n° 191, JDI 1979 p 380 note Holleaux; Cass 1ère civ. 9 oct. 1991, RCDIP 1992 p 517 note Gaudemet-Tallon).°69 Companies Act, § 220 al 2. V supra note n° 11. Dans le même sens, on rappellera que le droit américain attribue également des effets juridiques immédiats au dépôt d'une demande volontaire notamment un arrêt général des poursuites individuelles, sans un contrôle judiciaire préalable, et la Cour de cassation a admis néanmoins que cette procédure pouvait bénéficier de l’exequatur (Cass 1ère civ 17 oct. 2000, Bull civ I n° 245 p 161 Act. Proc. Coll. 2001 n° 7 n° 96 obs Dom).70. D 28 déc 2005, art 55 71. C Com art L 632-1 72 Cass 1ère civ 25 févr 1986 Bull civ I n° 38 JCP éd G 1987 II note Rémery, RCDIP 1987 p 589 note Synvet)72. Règl art 473 Hormis le Considérant n° 22, qui préconise de reconnaître la décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure.74 V. Giorgini, Arbitrage et droit européen des faillites, Rev Affaires européennes, 2005/2 p 259

3. CJUE 21 janvier 2010 aff. C-444/07, MG PROBUD

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de certaines dispositions du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 603/2005 du Conseil, du 12 avril 2005 (JO L 100, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par le syndic polonais chargé de la liquidation de MG Probud Gdynia sp. z o.o. (ci-après «MG Probud») et tendant à la récupération, au profit de la masse de l’insolvabilité, de biens de cette société ayant fait l’objet d’une saisie en Allemagne.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L’article 3 du règlement, intitulé «Compétence internationale», est libellé comme suit:

«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

[…]»

4 L’article 4 du règlement, intitulé «Loi applicable», dispose:

«1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé ‘État d’ouverture’.

2. La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment:

a) les débiteurs susceptibles de faire l’objet d’une procédure d’insolvabilité du fait de leur qualité;

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b) les biens qui font l’objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par le débiteur après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité;

c) les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic;

[…]

f) les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l’exception des instances en cours;

[…]»

5 Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, du règlement, «[l]’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’affecte pas le droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles […] appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l’ouverture, de la procédure, sur le territoire d’un autre État membre».

6 L’article 10 du règlement prévoit:

«Les effets de la procédure d’insolvabilité sur un contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de l’État membre applicable au contrat de travail.»

7 Sous le chapitre II du règlement, intitulé «Reconnaissance de la procédure d’insolvabilité», l’article 16, paragraphe 1, de ce dernier dispose:

«Toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité prise par une juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture.

[…]»

8 L’article 17 du règlement, intitulé «Effets de la reconnaissance», énonce:

«1. La décision d’ouverture d’une procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les effets que lui attribue la loi de l’État d’ouverture, sauf disposition contraire du présent règlement et aussi longtemps qu’aucune procédure visée à l’article 3, paragraphe 2, n’est ouverte dans cet autre État membre.

[…]»

9 L’article 18 du règlement, intitulé «Pouvoirs du syndic», dispose:

«1. Le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, peut exercer sur le territoire d’un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l’État d’ouverture, aussi longtemps qu’aucune autre procédure d’insolvabilité n’y a été ouverte ou qu’aucune mesure conservatoire contraire n’y a été prise à la suite d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité dans cet État. Il peut notamment déplacer les biens du débiteur hors du territoire de l’État membre sur lequel ils se trouvent, sous réserve des articles 5 et 7.

[…]»

10 L’article 25 du règlement est libellé comme suit:

«1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d’ouverture est reconnue conformément à l’article 16 ainsi qu’un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité. Ces décisions sont exécutées conformément aux articles 31 à 51 (à l’exception de l’article 34, paragraphe 2) de la convention [du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32)], modifiée par les conventions relatives à l’adhésion à cette convention [(ci-après la ‘convention de Bruxelles’)].

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Le premier alinéa s’applique également aux décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement, même si elles sont rendues par une autre juridiction.

Le premier alinéa s’applique également aux décisions relatives aux mesures conservatoires prises après la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

2. La reconnaissance et l’exécution des décisions autres que celles visées au paragraphe 1 sont régies par la convention visée au paragraphe 1, pour autant que cette convention soit applicable.

3. Les États membres ne sont pas tenus de reconnaître ou d’exécuter une décision visée au paragraphe 1, qui aurait pour effet de limiter la liberté individuelle ou le secret postal.»

11 Aux termes de l’article 26 du règlement, «[t]out État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d’exécuter une décision prise dans le cadre d’une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution.»

La réglementation nationale

12 En Pologne, les procédures d’insolvabilité sont régies par la loi relative à l’insolvabilité et à l’assainissement (Prawo upadłościowe i naprawcze), du 28 février 2003 (Dz. U. de 2003, n° 60, position 535), telle que modifiée.

13 En vertu de l’article 146, paragraphes 1 et 2, de ladite loi, une procédure d’exécution, judiciaire ou administrative, ouverte contre le débiteur avant la déclaration d’insolvabilité, doit être suspendue de plein droit à la date de la déclaration d’insolvabilité et les sommes issues d’une procédure d’exécution suspendue qui n’ont pas été distribuées doivent être transmises à la masse.

14 Conformément audit article 146, paragraphe 3, les mêmes dispositions s’appliquent lorsqu’une garantie a été constituée sur les biens du débiteur dans le cadre d’une procédure conservatoire.

15 Selon le même article 146, paragraphe 4, une fois la procédure d’insolvabilité ouverte, il n’est plus possible d’introduire contre le débiteur des procédures d’exécution portant sur les biens de la masse.

Les faits au principal et les questions préjudicielles

16 Il ressort de la décision de renvoi que le Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ w Gdańsku a prononcé, par une décision du 9 juin 2005, l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’égard de MG Probud, entreprise du secteur du bâtiment ayant son siège social en Pologne, mais exerçant, dans le cadre des activités d’une succursale, des travaux de construction en Allemagne.

17 À la demande du Hauptzollamt Saarbrücken (administration des douanes de Sarrebruck) (Allemagne), l’Amtsgericht Saarbrücken a, par une décision du 11 juin 2005, ordonné la saisie-arrêt des avoirs en banque de ladite entreprise pour un montant de 50 683,08 euros ainsi que la saisie conservatoire de diverses créances que cette dernière détenait sur des cocontractants allemands. Ces mesures ont été prises par suite de la procédure engagée par le Hauptzollamt Saarbrücken à l’encontre du directeur de la succursale allemande de MG Probud, ce dernier étant soupçonné d’avoir enfreint la législation sur le détachement des travailleurs en raison du non-paiement de la rémunération et des cotisations sociales de plusieurs ouvriers polonais.

18 L’appel interjeté contre cette décision a été rejeté par ordonnance du Landgericht Saarbrücken du 4 août 2005. Dans la motivation de sa décision, cette juridiction indiquait notamment que, en raison de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en Pologne, il y avait lieu de craindre que les responsables de MG Probud encaissent rapidement les créances exigibles et transfèrent les sommes correspondantes en Pologne afin d’empêcher les autorités allemandes d’avoir accès à celles-ci. Le Landgericht Saarbrücken a considéré que l’ouverture de cette procédure d’insolvabilité visant les biens de MG Probud ne faisait pas obstacle à une saisie effectuée en Allemagne. En effet, selon cette juridiction, les procédures nationales d’insolvabilité ouvertes dans d’autres États membres doivent être reconnues en Allemagne lorsqu’elles remplissent les conditions posées à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement et qu’elles sont mentionnées sur la liste figurant à l’annexe A de ce

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règlement. Or, la copie de la décision jointe au recours n’aurait pas permis d’apprécier s’il s’agissait effectivement d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Pologne qui devait être reconnue en Allemagne en application de cette annexe A.

19 Dans le cadre de la procédure d’insolvabilité, le Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ w Gdańsku s’interroge sur la légalité des saisies effectuées par les autorités allemandes, dès lors que le droit polonais, qui constitue la loi applicable à la procédure d’insolvabilité en raison du fait que la République de Pologne est l’État d’ouverture de cette procédure, n’admettrait pas de telles saisies après que l’insolvabilité de l’entreprise a été déclarée.

20 Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ w Gdańsku a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Compte tenu des articles 3, 4, 16, 17 et 25 du règlement […], c’est-à-dire à la lumière des règles concernant la compétence du tribunal de l’État d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, de la loi applicable à cette procédure ainsi que des conditions et des effets de la reconnaissance de la procédure d’insolvabilité, les autorités administratives d’un État membre sont-elles en droit de saisir des fonds se trouvant sur le compte en banque d’un opérateur économique après que ce dernier a été déclaré insolvable dans un autre État membre (mise en œuvre d’une saisie conservatoire), malgré les dispositions du droit national de l’État d’ouverture de la procédure (article 4 du règlement [...]), et alors que les conditions d’application des dispositions des articles 5 et 10 dudit règlement ne sont pas remplies?

2) À la lumière de l’article 25, paragraphes 1 et suivants, du règlement […], les autorités administratives d’un État membre, sur le territoire duquel aucune procédure secondaire d’insolvabilité n’a été ouverte mais qui est soumis à une obligation de reconnaissance en vertu de l’article 16 dudit règlement, peuvent-elles, en s’appuyant sur des dispositions nationales, refuser de reconnaître, conformément aux articles 31 à 51 de la convention de Bruxelles [...], les décisions de l’État membre d’ouverture qui sont relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité?»

Sur les questions préjudicielles

21 Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans une situation telle que celle au principal, après l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans un État membre, les autorités compétentes d’un autre État membre sont autorisées, conformément à leur législation, d’une part, à ordonner la saisie de biens du débiteur déclaré insolvable situés sur le territoire de ce dernier État membre, et, d’autre part, à refuser de reconnaître et, le cas échéant, d’exécuter les décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans le premier État membre.

22 En vue de répondre aux questions ainsi reformulées, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que l’article 3 du règlement prévoit deux types de procédures d’insolvabilité. La procédure d’insolvabilité ouverte, conformément au paragraphe 1 de cet article, par la juridiction compétente de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, qualifiée de «procédure principale», produit des effets universels en ce qu’elle s’applique aux biens du débiteur situés dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable. Si, ultérieurement, une procédure peut, conformément au paragraphe 2 dudit article, être ouverte par la juridiction compétente de l’État membre où le débiteur possède un établissement, cette procédure, qualifiée de «procédure secondaire», produit des effets qui sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de ce dernier État (voir arrêt du 2 mai 2006, Eurofood IFSC, C-341/04, Rec. p. I-3813, point 28).

23 La portée universelle de la procédure principale d’insolvabilité influe également sur les pouvoirs du syndic, puisque, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement, le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement peut exercer sur le territoire d’un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés, notamment aussi longtemps qu’aucune autre procédure d’insolvabilité n’y a été ouverte.

24 Il en découle que seule l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité est susceptible de restreindre la portée universelle de la procédure principale d’insolvabilité.

25 Au surplus, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement, la détermination de la juridiction compétente entraîne celle de la loi applicable. En effet, tant en ce qui concerne la procédure principale d’insolvabilité que la procédure secondaire d’insolvabilité, la loi de l’État membre sur le territoire duquel la

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procédure est ouverte, dénommé «État d’ouverture», est applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets. À ce titre, l’article 4, paragraphe 2, du règlement comporte une énumération non exhaustive des différents points de la procédure qui sont régis par la loi de l’État d’ouverture, parmi lesquels figurent, notamment, sous b), les biens qui font l’objet du dessaisissement, sous c), les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic ainsi que, sous f), les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles.

26 En outre, il résulte de la lecture combinée des articles 16, paragraphe 1, et 17, paragraphe 1, du règlement que la décision d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité dans un État membre est reconnue dans tous les autres États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture, et elle produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre, les effets que lui attribue la loi de l’État d’ouverture. Conformément à l’article 25 du règlement, la reconnaissance de toutes les décisions autres que celle relative à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité a lieu également de façon automatique.

27 Ainsi qu’il ressort du vingt-deuxième considérant du règlement, la règle de priorité définie à l’article 16, paragraphe 1, de celui-ci, qui prévoit que la procédure d’insolvabilité ouverte dans un État membre est reconnue dans tous les États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture, repose sur le principe de la confiance mutuelle (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 39).

28 C’est, en effet, cette confiance mutuelle qui a permis non seulement la mise en place d’un système obligatoire de compétences que toutes les juridictions entrant dans le champ d’application du règlement sont tenues de respecter, mais encore la renonciation corrélative par les États membres à leurs règles internes de reconnaissance et d’exequatur au profit d’un mécanisme simplifié de reconnaissance et d’exécution des décisions rendues dans le cadre de procédures d’insolvabilité (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 40, ainsi que, par analogie, en ce qui concerne la convention de Bruxelles, arrêts du 9 décembre 2003, Gasser, C-116/02, Rec. p. I-14693, point 72, et du 27 avril 2004, Turner, C-159/02, Rec. p. I-3565, point 24).

29 La Cour a précisé, à cet égard, qu’il est inhérent audit principe de confiance mutuelle que la juridiction d’un État membre saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité vérifie sa compétence au regard de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, c’est-à-dire examine si le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans cet État membre. En contrepartie, les juridictions des autres États membres reconnaissent la décision ouvrant une procédure principale d’insolvabilité, sans pouvoir contrôler l’appréciation portée par la première juridiction sur sa compétence (arrêt Eurofood IFSC, précité, points 41 et 42).

30 S’agissant de l’exécution des décisions relatives à une procédure d’insolvabilité, il y a lieu de relever que le règlement ne contient pas de règles spécifiques, mais renvoie, à son article 25, paragraphe 1, au système de l’exequatur mis en place par les articles 31 à 51 de la convention de Bruxelles, en excluant toutefois les motifs de rejet prévus par cette convention pour y substituer ses propres motifs de refus.

31 Ainsi, conformément au vingt-deuxième considérant du règlement, selon lequel les motifs de refus doivent être réduits au minimum nécessaire, il n’en existe que deux.

32 D’une part, en vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement, les États membres ne sont pas tenus de reconnaître ou d’exécuter une décision relative au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité qui aurait pour effet de limiter la liberté individuelle ou le secret postal.

33 D’autre part, en vertu de l’article 26 du règlement, tout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d’exécuter une décision prise dans le cadre d’une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa Constitution.

34 S’agissant de ce second motif de refus, la Cour avait déjà précisé, dans le contexte de la convention de Bruxelles, que le recours à la clause de l’ordre public, figurant à l’article 27, point 1, de cette convention, en ce qu’il constitue un obstacle à la réalisation de l’un des objectifs fondamentaux de celle-ci, à savoir faciliter la libre circulation des jugements, ne doit jouer que dans des cas exceptionnels (arrêts du 28 mars 2000, Krombach, C-7/98, Rec. p. I-1935, points 19 et 21, ainsi que Eurofood IFSC, précité, point 62). Or, la jurisprudence relative à l’article 27, point 1, de cette convention est transposable à l’interprétation de l’article 26 du règlement (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 64).

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35 C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de statuer sur les questions posées par la juridiction de renvoi.

36 En l’espèce, il est constant que le siège social de MG Probud se trouve en Pologne et que, par une décision du 9 juin 2005, celle-ci a été déclarée insolvable par une juridiction polonaise.

37 Il résulte de l’article 3, paragraphe 1, du règlement que, pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire. À cet égard, la Cour a précisé que la présomption simple prévue par le législateur communautaire au bénéfice du siège statutaire d’une société ne peut être écartée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 34). Tel pourrait être notamment le cas d’une société qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 37).

38 Or, le dossier à la disposition de la Cour ne comportant aucun élément de nature à remettre en cause la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, il apparaît que le centre des intérêts principaux de MG Probud se situe en Pologne.

39 Conformément au libellé de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement, les procédures d’insolvabilité auxquelles celui-ci s’applique doivent répondre à quatre caractéristiques. Il doit s’agir d’une procédure collective, fondée sur l’insolvabilité du débiteur, qui entraîne un dessaisissement à tout le moins partiel de ce dernier et provoque la désignation d’un syndic. Lesdites procédures sont énumérées à l’annexe A du règlement et la liste des syndics figure à l’annexe C de celui-ci (arrêt Eurofood IFSC, précité, points 46 et 47).

40 Dans la mesure où la procédure d’insolvabilité ouverte à l’égard de MG Probud se trouve énumérée à l’annexe A du règlement, il résulte de l’application de l’article 3 de ce règlement que les juridictions polonaises sont compétentes pour ouvrir une procédure principale d’insolvabilité et pour prendre toutes les décisions relatives au déroulement ainsi qu’à la clôture de cette dernière. En outre, il découle de l’application de l’article 4 dudit règlement que la loi polonaise est applicable à ladite procédure d’insolvabilité et à ses effets.

41 Par ailleurs, le syndic désigné par la juridiction polonaise, à condition qu’il figure à l’annexe C du règlement, peut, conformément à l’article 18 de ce dernier, exercer sur le territoire des autres États membres tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi polonaise, et, notamment, déplacer les biens du débiteur hors du territoire de l’État membre sur lequel ils se trouvent.

42 Ainsi qu’il a été relevé par plusieurs intéressés ayant soumis des observations écrites à la Cour, aucune procédure secondaire n’a été, en l’occurrence, ouverte et aucune des exceptions prévues aux articles 5 à 15 du règlement, et plus particulièrement aucune de celles figurant aux articles 5 et 10 de ce dernier, expressément visées par la juridiction de renvoi, n’est applicable dans le cadre de l’affaire au principal.

43 Au vu de ces éléments, et en raison de la portée universelle qui doit être attribuée à toute procédure principale d’insolvabilité, la procédure d’insolvabilité ouverte en Pologne inclut tous les actifs de MG Probud, y compris ceux situés en Allemagne, et la loi polonaise détermine non seulement l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, mais également le déroulement ainsi que la clôture de celle-ci. À ce titre, cette loi est appelée à régir le sort des biens situés dans les autres États membres ainsi que les effets de la procédure d’insolvabilité sur les mesures dont ces biens sont susceptibles de faire l’objet.

44 Étant donné que la loi polonaise du 28 février 2003 relative à l’insolvabilité et à l’assainissement, telle que modifiée, ne permet pas, postérieurement à l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, d’engager à l’encontre du débiteur des procédures d’exécution portant sur les biens composant la masse de l’insolvabilité, les autorités allemandes compétentes ne pouvaient valablement ordonner, en application de la législation allemande, des mesures d’exécution portant sur les biens de MG Probud situés en Allemagne.

45 En effet, ainsi qu’il résulte des articles 16 et 17 du règlement, la décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité adoptée en Pologne doit être automatiquement reconnue dans tous les autres États membres, sans aucune autre formalité, avec tous les effets que lui attribue la loi polonaise.

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46 De surcroît, dans la mesure où aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet de conclure à l’existence de l’un des motifs de refus énoncés aux points 32 et 33 du présent arrêt, la juridiction allemande saisie était tenue de reconnaître non seulement la décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité adoptée par la juridiction polonaise compétente, mais également toutes les autres décisions relatives à cette procédure, et elle ne saurait, partant, s’opposer à l’exécution de ces dernières en application des articles 31 à 51 de la convention de Bruxelles.

47 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que le règlement, notamment ses articles 3, 4, 16, 17 et 25, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle au principal, postérieurement à l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans un État membre, les autorités compétentes d’un autre État membre, dans lequel aucune procédure secondaire d’insolvabilité n’a été ouverte, sont tenues, sous réserve des motifs de refus tirés des articles 25, paragraphe 3, et 26 du règlement, de reconnaître et d’exécuter toutes les décisions relatives à cette procédure principale d’insolvabilité et, partant, ne sont pas en droit d’ordonner, en application de la législation de cet autre État membre, des mesures d’exécution portant sur les biens du débiteur déclaré insolvable situés sur le territoire dudit autre État membre, lorsque la législation de l’État d’ouverture ne le permet pas et que les conditions auxquelles est soumise l’application des articles 5 et 10 du règlement ne sont pas remplies.

Sur les dépens

48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Le règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, notamment ses articles 3, 4, 16, 17 et 25, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle au principal, postérieurement à l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans un État membre, les autorités compétentes d’un autre État membre, dans lequel aucune procédure secondaire d’insolvabilité n’a été ouverte, sont tenues, sous réserve des motifs de refus tirés des articles 25, paragraphe 3, et 26 de ce règlement, de reconnaître et d’exécuter toutes les décisions relatives à cette procédure principale d’insolvabilité et, partant, ne sont pas en droit d’ordonner, en application de la législation de cet autre État membre, des mesures d’exécution portant sur les biens du débiteur déclaré insolvable situés sur le territoire dudit autre État membre, lorsque la législation de l’État d’ouverture ne le permet pas et que les conditions auxquelles est soumise l’application des articles 5 et 10 dudit règlement ne sont pas remplies.

4. CJUE, aff. C-369/09, 20 octobre 2011, INTEREDIL SRL

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Interedil Srl, en liquidation (ci-après «Interedil»), à Fallimento Interedil Srl et à Intesa Gestione Crediti SpA (ci-après «Intesa»), aux droits de laquelle a succédé Italfondario SpA, au sujet d’une action en déclaration de faillite engagée par Intesa à l’encontre d’Interedil.

Le cadre juridique Le droit de l’Union

3 Le règlement a été arrêté sur le fondement, notamment, des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE.

4 L’article 2 du règlement, consacré aux définitions, dispose:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

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a) ‘procédure d’insolvabilité’: les procédures collectives visées à l’article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l’annexe A;

[...]

h) ‘établissement’: tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.»

5 La liste figurant à l’annexe A du règlement mentionne notamment, en ce qui concerne l’Italie, la procédure de «fallimento».

6 L’article 3 du règlement, qui traite de la compétence internationale, prévoit:

«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

[...]»

7 Le treizième considérant du règlement indique que «le centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

Le droit national

8 L’article 382 du code de procédure civile italien (codice di procedura civile), relatif à la résolution par la Corte suprema di cassazione des questions de compétence, dispose:

«La Corte, quand elle se prononce sur une question de compétence, statue sur celle-ci en déterminant, le cas échéant, la juridiction compétente [...]»

9 Il ressort de la décision de renvoi que, selon une jurisprudence établie, la décision rendue par la Corte suprema di cassazione sur le fondement de cette disposition est définitive et contraignante pour la juridiction qui est saisie de l’affaire au fond.

Le litige au principal et les questions préjudicielles10 Interedil a été constituée sous la forme juridique d’une «società a responsabilità limitata» de droit italien, dont le siège statutaire était établi à Monopoli (Italie). Le 18 juillet 2001, son siège statutaire a été transféré à Londres (Royaume-Uni). À cette même date, elle a été rayée du registre des entreprises de l’État italien. À la suite du transfert de son siège, Interedil a été inscrite au registre des sociétés du Royaume-Uni avec la mention «FC» («Foreign Company», société étrangère).

11 Selon les déclarations d’Interedil, telles que reprises dans la décision de renvoi, cette société a procédé, en même temps qu’au transfert de son siège, à des opérations consistant en son acquisition par le groupe britannique Canopus ainsi qu’en la négociation et en la conclusion de contrats de cession d’entreprises. D’après Interedil, quelques mois après le transfert de son siège statutaire, la propriété des immeubles qu’elle détenait à Tarente (Italie) a été transférée à Windowmist Limited, en tant qu’éléments faisant partie de l’entreprise transférée. Interedil a également indiqué qu’elle a été radiée du registre des sociétés du Royaume-Uni le 22 juillet 2002.

12 Le 28 octobre 2003, Intesa a demandé au Tribunale di Bari d’ouvrir une procédure de faillite («fallimento») à l’encontre d’Interedil.

13 Interedil a contesté la compétence de cette juridiction au motif que, en raison du transfert de son siège statutaire au Royaume-Uni, seules les juridictions de ce dernier État membre étaient compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité. Le 13 décembre 2003, Interedil a demandé que la Corte suprema di cassazione statue à titre préalable sur la question de la compétence.

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14 Le 24 mai 2004, sans attendre la décision de la Corte suprema di cassazione, le Tribunale di Bari, estimant que l’exception d’incompétence des juridictions italiennes était manifestement non fondée et que l’insolvabilité de l’entreprise en cause était établie, a déclaré la faillite d’Interedil.

15 Le 18 juin 2004, Interedil a introduit un recours contre ce jugement déclaratif de faillite devant la juridiction de renvoi.

16 Le 20 mai 2005, la Corte suprema di cassazione a statué par voie d’ordonnance sur la question préalable de compétence qui lui avait été déférée et a jugé que les juridictions italiennes étaient compétentes. Elle a considéré que la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux correspond au lieu du siège statutaire, pouvait être renversée en raison de diverses circonstances, à savoir la présence, en Italie, de biens immobiliers appartenant à Interedil, l’existence d’un contrat de location relatif à deux complexes hôteliers et d’un contrat conclu avec une institution bancaire ainsi que l’absence de communication du transfert du siège statutaire au registre des entreprises de Bari.

17 Doutant du bien-fondé de cette appréciation de la Corte suprema di cassazione au regard des critères dégagés par la Cour dans son arrêt du 2 mai 2006, Eurofood IFSC (C-341/04, Rec. p. I-3813), le Tribunale di Bari a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La notion de ‘centre des intérêts principaux du débiteur’ visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement [...] doit-elle être interprétée conformément au droit communautaire ou au droit national et, en cas de réponse affirmative à la première branche de l’alternative, en quoi cette notion consiste-t-elle et quels sont les facteurs ou éléments déterminants pour identifier le ‘centre des intérêts principaux’?

2) La présomption instaurée par l’article 3, paragraphe 1, du règlement [...], aux termes de laquelle ‘pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire’ peut-elle être renversée par la constatation d’une activité effective de l’entreprise dans l’État qui n’est pas celui où se trouve le siège statutaire de la société ou, pour que la présomption puisse être renversée, est-il nécessaire de constater que la société n’a exercé aucune activité entrepreneuriale dans l’État dans lequel elle a son siège statutaire?

3) L’existence, dans un État membre autre que celui où se trouve le siège statutaire de la société, de biens immobiliers appartenant à la société, l’existence d’un contrat de location relatif à deux complexes hôteliers, conclu par la société débitrice avec une autre société, ainsi que celle d’un contrat conclu par la société avec une institution bancaire sont-elles des éléments ou des facteurs permettant de considérer comme renversée la présomption prévue à l’article 3 du règlement [...] en faveur du ‘siège statutaire’ de la société et ces circonstances sont-elles suffisantes pour considérer que la société possède un ‘établissement’ dans cet État, au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement [...]?

4) Dans le cas où la position adoptée par la Corte [suprema] di cassazione sur la compétence dans l’ordonnance [...] précitée se baserait sur une interprétation de l’article 3 du règlement [...] différente de celle de la Cour, l’article 382 du code de procédure civile italien, aux termes duquel la Corte [suprema] di cassazione se prononce sur la compétence par un arrêt définitif et contraignant, fait-il obstacle à l’application de cette disposition communautaire, telle qu’interprétée par la Cour?»

Sur les questions préjudicielles (…) Sur la première partie de la première question

41 Par la première partie de la première question, la juridiction de renvoi demande si la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, doit être interprétée par référence au droit de l’Union ou au droit national.

42 Selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêt du 29 octobre 2009, NCC Construction Danmark, C-174/08, Rec. p. I-10567, point 24 et jurisprudence citée).

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43 En ce qui concerne plus précisément la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, la Cour a jugé, au point 31 de son arrêt Eurofood IFSC, précité, qu’il s’agit d’une notion propre au règlement qui, partant, revêt une signification autonome et doit donc être interprétée de manière uniforme et indépendante des législations nationales.

44 Il convient donc de répondre à la première partie de la première question que la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, doit être interprétée par référence au droit de l’Union.

Sur la seconde partie de la première question, sur la deuxième question et sur la première partie de la troisième question

45 Par la seconde partie de la première question, la deuxième question et la première partie de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, comment doit être interprété l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice.

46 Compte tenu de la circonstance qu’Interedil, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, a transféré son siège statutaire de l’Italie vers le Royaume-Uni au cours de l’année 2001, puis a été radiée du registre des sociétés de ce dernier État membre au cours de l’année 2002, il conviendra également, afin de fournir une réponse complète à la juridiction de renvoi, de préciser la date pertinente pour déterminer le centre des intérêts principaux du débiteur en vue d’identifier la juridiction compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale.

Les critères pertinents pour la détermination du centre des intérêts principaux du débiteur

47 Si le règlement ne fournit pas de définition de la notion de centre des intérêts principaux du débiteur, la portée de cette dernière est toutefois, ainsi que la Cour l’a relevé au point 32 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, éclairée par le treizième considérant du règlement, aux termes duquel «[l]e centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

48 Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 69 de ses conclusions, la présomption prévue en faveur du siège statutaire à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement et la référence faite dans le libellé du treizième considérant de ce dernier au lieu de gestion des intérêts traduisent la volonté du législateur de l’Union de privilégier le lieu de l’administration centrale de la société en tant que critère de compétence.

49 En référence au même considérant, la Cour a par ailleurs précisé, au point 33 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, que le centre des intérêts principaux du débiteur doit être identifié en fonction de critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers, afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination de la juridiction compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale. Il y a lieu de considérer que cette exigence d’objectivité et cette possibilité de vérification sont satisfaites lorsque les éléments matériels pris en considération pour établir le lieu où la société débitrice gère habituellement ses intérêts ont fait l’objet d’une publicité ou, à tout le moins, ont été entourés d’une transparence suffisante pour que les tiers, c’est-à-dire notamment les créanciers de cette société, aient pu en avoir connaissance.

50 Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux de la société se situe en ce lieu, trouve pleinement à s’appliquer. Dans une telle hypothèse, comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 69 de ses conclusions, une autre localisation des intérêts principaux de la société débitrice est exclue.

51 Un renversement de la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement est toutefois possible lorsque, du point de vue des tiers, le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire. Ainsi que la Cour l’a jugé au point 34 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, la présomption simple prévue par le législateur de l’Union au bénéfice du siège statutaire de cette société peut être écartée si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter.

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52 Parmi les éléments à prendre en considération figurent, notamment, l’ensemble des lieux où la société débitrice exerce une activité économique et de ceux où elle détient des biens, pour autant que ces lieux soient visibles pour les tiers. Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 70 de ses conclusions, l’appréciation qu’appellent ces éléments doit être portée de manière globale, en ayant égard aux circonstances propres à chaque situation.

53 Dans ce contexte, la localisation, dans un État membre autre que celui du siège statutaire, de biens immobiliers appartenant à la société débitrice, pour lesquels celle-ci a conclu des contrats de bail, ainsi que l’existence, dans ce même État membre, d’un contrat conclu avec un établissement financier, circonstances évoquées par la juridiction de renvoi, peuvent être considérées comme des éléments objectifs et, eu égard à la publicité que ceux-ci sont susceptibles de revêtir, comme des éléments vérifiables par les tiers. Il n’en demeure pas moins que la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne sauraient être considérées comme des éléments suffisants pour renverser la présomption posée par le législateur de l’Union qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre.

La date pertinente pour la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur

54 À titre liminaire, il convient de relever que le règlement ne comporte pas de dispositions explicites en ce qui concerne le cas particulier d’un transfert du centre des intérêts du débiteur. Eu égard aux termes généraux dans lesquels est rédigé l’article 3, paragraphe 1, du règlement, il y a donc lieu de considérer que c’est le dernier lieu où se trouve ce centre qui doit être considéré comme pertinent aux fins de déterminer la juridiction compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale.

55 Cette interprétation est corroborée par la jurisprudence de la Cour. Celle-ci a en effet jugé que, dans l’hypothèse d’un transfert du centre des intérêts principaux du débiteur après l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, mais avant l’intervention de l’ouverture de ladite procédure, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel était situé le centre des intérêts principaux au moment de l’introduction de la demande demeurent compétentes pour statuer sur celle-ci (arrêt du 17 janvier 2006, Staubitz-Schreiber, C-1/04, Rec. p. I-701, point 29). Il convient d’en déduire que c’est, en principe, la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur à la date de l’introduction de la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité qui est pertinente pour déterminer la juridiction compétente.

56 Dans le cas, comme dans l’affaire au principal, d’un transfert du siège statutaire avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, c’est donc au nouveau siège statutaire que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, est présumé se trouver le centre des intérêts principaux du débiteur et ce sont, en conséquence, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve ce nouveau siège qui, en principe, deviennent compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale, à moins que la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement ne soit renversée par la preuve que le centre des intérêts principaux n’a pas suivi le changement de siège statutaire.

57 Les mêmes règles doivent trouver à s’appliquer dans l’hypothèse où, à la date de l’introduction de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, la société débitrice était radiée du registre des sociétés et où, comme le soutient Interedil dans ses observations, elle avait cessé toute activité.

58 En effet, ainsi qu’il ressort des points 47 à 51 du présent arrêt, la notion de centre des intérêts principaux répond au souci d’établir un rattachement au lieu avec lequel la société a, objectivement et de manière visible pour les tiers, les rapports les plus étroits. Il est donc logique de privilégier, dans une telle hypothèse, le lieu du dernier centre des intérêts principaux au moment de la radiation de la société débitrice et de la cessation de toute activité de sa part.

59 Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la première question, à la deuxième question et à la première partie de la troisième question que, aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement doit être interprété de la façon suivante:

– le centre des intérêts principaux d’une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de cette société, tel qu’il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège

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statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à cette disposition ne peut pas être renversée. Dans l’hypothèse où le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre;

– dans le cas d’un transfert du siège statutaire d’une société débitrice avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

Sur la seconde partie de la troisième question

60 Par la seconde partie de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, comment doit être interprétée la notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement.

61 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, sous h), du règlement définit la notion d’établissement comme visant tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.

62 Le fait que cette définition lie l’exercice d’une activité économique à la présence de ressources humaines démontre qu’un minimum d’organisation et une certaine stabilité sont nécessaires. Il s’ensuit que, a contrario, la seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, aux exigences requises pour la qualification d’«établissement».

63 Dans la mesure où, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement, la présence d’un établissement sur le territoire d’un État membre confère aux juridictions de cet État membre compétence pour ouvrir une procédure secondaire d’insolvabilité à l’égard du débiteur, il y a lieu de considérer que, afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination des juridictions compétentes, l’existence d’un établissement doit être appréciée, à l’instar de la localisation du centre des intérêts principaux, sur le fondement d’éléments objectifs et vérifiables par les tiers.

64 Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la troisième question que la notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement doit être interprétée en ce sens qu’elle requiert la présence d’une structure comportant un minimum d’organisation et une certaine stabilité en vue de l’exercice d’une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, à cette définition.Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:( …)2) La notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée par référence au droit de l’Union.

3) Aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété de la façon suivante:

– le centre des intérêts principaux d’une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de cette société, tel qu’il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à cette disposition ne peut pas être renversée. Dans l’hypothèse où le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre;

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– dans le cas d’un transfert du siège statutaire d’une société débitrice avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

4) La notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement doit être interprétée en ce sens qu’elle requiert la présence d’une structure comportant un minimum d’organisation et une certaine stabilité en vue de l’exercice d’une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, à cette définition.

5. CJUE Bank Handlowy 22 nov. 2012, aff. C-116/11

LA COUR : - 1 - La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 4, paragraphes 1 et 2, sous j), ainsi que 27 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité (JO L 160, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 788/2008 du Conseil, du 24 juillet 2008 (JO L 213, p. 1, ci-après le « règlement »).

2 - Cette demande a été présentée dans le cadre d'une procédure tendant à l'ouverture en Pologne, à la demande de Bank Handlowy w Warszawie SA (ci-après « Bank Handlowy ») et de PPHU « ADAX »/Ryszard Adamiak (ci-après « Adamiak »), d'une procédure d'insolvabilité à l'encontre de Christianapol sp. z o.o. (ci-après « Christianapol »), société de droit polonais à l'égard de laquelle une procédure de sauvegarde avait antérieurement été ouverte en France.

Le cadre juridique

Le droit de l'Union

3 - Les considérants 2, 12, 19, 20 et 23 du règlement prévoient respectivement :

« (2) Le bon fonctionnement du marché intérieur exige que les procédures d'insolvabilité transfrontalières fonctionnent efficacement et effectivement et l'adoption du présent règlement est nécessaire pour atteindre cet objectif qui relève du domaine de la coopération judiciaire civile au sens de l'article 65 du traité.

(...)

(12) Le présent règlement permet d'ouvrir les procédures d'insolvabilité principales dans l'Etat membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Ces procédures ont une portée universelle et visent à inclure tous les actifs du débiteur. En vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d'ouvrir des procédures secondaires parallèlement à la procédure principale. Des procédures secondaires peuvent être ouvertes dans l'Etat membre dans lequel le débiteur a un établissement. Les effets des procédures secondaires se limitent aux actifs situés dans cet Etat. Des règles impératives de coordination avec les procédures principales satisfont l'unité nécessaire au sein de la Communauté.

(...)

(19) Hormis la protection des intérêts locaux, les procédures d'insolvabilité secondaires peuvent poursuivre d'autres objectifs. Ce pourrait être le cas lorsque le patrimoine du débiteur est trop complexe pour être administré en bloc, ou lorsque les différences entre les systèmes juridiques concernés sont à ce point importantes que des difficultés peuvent résulter de l'extension des effets de la loi de l'Etat d'ouverture aux autres Etats où se trouvent les actifs. Pour cette raison, le syndic de la procédure principale peut demander l'ouverture d'une procédure secondaire dans l'intérêt d'une administration efficace du patrimoine.

(20) Les procédures principales et les procédures secondaires ne peuvent, toutefois, contribuer à une réalisation efficace de la masse que si toutes les procédures parallèles en cours sont coordonnées. (...) Pour garantir le rôle prédominant de la procédure principale, le syndic de cette procédure devrait se voir conférer plusieurs possibilités d'influer sur les procédures secondaires en cours. Il devrait pouvoir, par exemple, proposer un plan de redressement ou un concordat ou demander la suspension de la liquidation de la masse dans la procédure secondaire.

(...)

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(23) Le présent règlement, dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent - dans le cadre de leur champ d'application - les règles nationales du droit international privé; sauf disposition contraire, la loi de l'Etat membre d'ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). Cette règle de conflit de lois devrait s'appliquer tant à la procédure principale qu'aux procédures locales. La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d'insolvabilité, qu'ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l'ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d'insolvabilité ».

4 - Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, du règlement, celui-ci s'applique « aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic ».

5 - Par « procédure d'insolvabilité », il convient d'entendre, conformément à l'article 2, sous a), du règlement, « les procédures collectives visées à l'article 1er, paragraphe 1 ». La même disposition précise que « [l]a liste de ces procédures figure à l'annexe A ».

6 - La liste des procédures figurant à l'annexe A du règlement reprend, pour la France, la « procédure de sauvegarde ».

7 - L'article 3 du règlement dispose :

« 1. Les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un Etat membre, les juridictions d'un autre Etat membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre Etat membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

3. Lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure d'insolvabilité ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure secondaire. Cette procédure doit être une procédure de liquidation.

(...) ».

8 - L'article 4 du règlement prévoit :

« 1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé "Etat d'ouverture".

2. La loi de l'Etat d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment :

(...)

j) les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment par concordat ;

(...) ».

9 - L'article 16 du règlement pose le principe de la reconnaissance de la procédure d'insolvabilité en ces termes :

« 1. Toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un Etat membre compétente en vertu de l'article 3 est reconnue dans tous les autres Etats membres, dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture.

(...) ».

10 - L'article 25 du règlement précise le champ d'application de ce principe de la manière suivante:

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« 1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d'ouverture est reconnue conformément à l'article 16 ainsi qu'un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité (...) ».

11 - L'article 26 du règlement prévoit une exception à ce principe et permet à un Etat membre de refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre, lorsque cette reconnaissance « produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution ».

12 - L'article 27 du règlement dispose:

« La procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, qui est ouverte par une juridiction d'un Etat membre et reconnue dans un autre Etat membre (procédure principale) permet d'ouvrir, dans cet autre Etat membre, dont une juridiction serait compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, une procédure secondaire d'insolvabilité sans que l'insolvabilité du débiteur soit examinée dans cet autre Etat. Cette procédure doit être une des procédures [de liquidation] mentionnées à l'annexe B. Ses effets sont limités aux biens du débiteur situés sur le territoire de cet autre Etat membre ».

13 - Le déroulement de la procédure secondaire est régi par les articles 28 à 38 du règlement. Afin d'assurer la coordination entre procédure principale et procédure secondaire, l'article 31, paragraphe 1, prévoit un devoir de coopération et d'information entre le syndic de la procédure principale et celui de la procédure secondaire.

14 - L'article 33, paragraphe 1, du règlement permet la suspension de la procédure secondaire. Il dispose :

« La juridiction qui a ouvert la procédure secondaire suspend en tout ou en partie les opérations de liquidation, sur la demande du syndic de la procédure principale, sous réserve de la faculté d'exiger en ce cas du syndic de la procédure principale toute mesure adéquate pour garantir les intérêts des créanciers de la procédure secondaire et de certains groupes de créanciers. La demande du syndic de la procédure principale ne peut être rejetée que si elle est manifestement sans intérêt pour les créanciers de la procédure principale. La suspension de la liquidation peut être ordonnée pour une durée maximale de trois mois. Elle peut être prolongée ou renouvelée pour des périodes de même durée ».

15 - L'article 34, paragraphe 1, du règlement, qui a trait à la clôture de la procédure secondaire, prévoit:

« Lorsque la loi applicable à la procédure secondaire prévoit la possibilité de clôturer cette procédure sans liquidation par un plan de redressement, un concordat ou une mesure comparable, une telle mesure peut être proposée par le syndic de la procédure principale.

La clôture de la procédure secondaire par une mesure visée au premier alinéa ne devient définitive qu'avec l'accord du syndic de la procédure principale, ou, à défaut de son accord, lorsque la mesure proposée n'affecte pas les intérêts financiers des créanciers de la procédure principale ».

Le droit national

16 - En droit français, la procédure de sauvegarde des entreprises est régie par les articles L. 620-1 et suivants du code de commerce. Dans sa version résultant de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, applicable dans l'espèce au principal, l'article L. 620-1 prévoyait :

« Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L. 620-2 qui justifie de difficultés, qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

La procédure de sauvegarde donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation (...) ».

Les faits à l'origine du litige et les questions préjudicielles

17 - Christianapol, dont le siège statutaire est situé à Lowyn (Pologne), se présente comme étant la filiale à 100 % d'une société allemande, elle-même détenue à 90 % par une société française.

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18 - Par jugement du 1er octobre 2008, le tribunal de commerce de Meaux (France) a ouvert une procédure d'insolvabilité à l'encontre de Christianapol. Cette juridiction a fondé sa compétence sur la constatation que le centre des intérêts principaux du débiteur se situe en France. La juridiction a ouvert une procédure de sauvegarde, motivée par la constatation que le débiteur n'était pas en état de cessation des paiements, mais qu'il se trouverait dans cet état en l'absence de restructuration financière rapide.

19 - Les 21 avril et 26 juin 2009, Bank Handlowy, établie à Varsovie (Pologne), a, en qualité de créancier de Christianapol, demandé à la juridiction de renvoi d'ouvrir une procédure secondaire d'insolvabilité à l'égard de cette société sur le fondement des dispositions de l'article 27 du règlement. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 1eroctobre 2008 serait jugé contraire à l'ordre public en application de l'article 26 de ce même règlement, elle a demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation régie par la loi polonaise.

20 - Le 20 juillet 2009, le tribunal de commerce de Meaux a arrêté un plan de sauvegarde de Christianapol, prévoyant un paiement des dettes étalé sur dix ans et prononçant une interdiction de cession de l'entreprise sise à Lowyn ainsi que de certains biens définis du débiteur. La juridiction française a maintenu les mandataires judiciaires désignés antérieurement jusqu'à la fin de la procédure de vérification de créances et la remise de leur compte rendu de fin de mission. Elle a en outre désigné, dans son jugement, un commissaire à l'exécution du plan.

21 - Le 2 août 2009, un autre créancier, Adamiak, établi à Leczyca (Pologne), a également demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation régie par la loi polonaise.

22 - Christianapol a initialement conclu au rejet de la demande d'ouverture en Pologne d'une procédure secondaire d'insolvabilité, au motif que celle-ci serait contraire aux objectifs et à la nature de la procédure de sauvegarde. Après l'arrêt du plan de sauvegarde par la juridiction française, elle a fait valoir qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la procédure relative à l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité dans la mesure où la procédure principale était close. Elle a indiqué qu'elle s'acquitte de ses obligations conformément au plan arrêté par la juridiction française. Cela signifierait que, au regard du droit polonais, elle n'est redevable d'aucune obligation pécuniaire, de sorte qu'il n'existerait aucun motif justifiant une déclaration d'insolvabilité à son égard.

23 - La juridiction de renvoi s'est adressée au tribunal de commerce de Meaux pour qu'il lui indique si la procédure d'insolvabilité dont il était saisi, qui constituait la procédure principale au sens du règlement, était toujours pendante. La réponse de la juridiction française n'a pas apporté l'éclaircissement nécessaire. La juridiction de renvoi a eu alors recours à un expert.

24 - C'est dans ces conditions que le Sad Rejonowy Poznan-StareMiasto w Poznaniu a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L'article 4, paragraphes 1 et 2, sous j), du [règlement] doit-il être interprété en ce sens que la notion de "clôture de la procédure d'insolvabilité" utilisée dans cette disposition doit recevoir une signification autonome, qui ne dépend pas des réglementations applicables dans les systèmes juridiques des différents Etats membres, ou bien appartient-il au seul droit national de l'Etat d'ouverture de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure ?

2) L'article 27 du [règlement] doit-il être interprété en ce sens que la juridiction nationale saisie d'une demande tendant à l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut en aucun cas examiner l'insolvabilité du débiteur à l'encontre duquel une procédure principale d'insolvabilité a été ouverte dans un autre Etat membre, ou bien en ce sens que la juridiction nationale peut, dans certains cas, examiner la question de l'existence de l'insolvabilité du débiteur, en particulier lorsque la procédure principale est une procédure protectrice dans laquelle le juge a constaté que le débiteur n'est pas insolvable (procédure française de sauvegarde) ?

3) L'article 27 du [règlement], tel qu'interprété, permet-il d'ouvrir une procédure secondaire d'insolvabilité - dont la nature est définie à l'article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, [de ce] règlement - dans l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve l'ensemble des biens du débiteur concerné, alors que la procédure principale, qui bénéficie d'une reconnaissance automatique, est de nature protectrice (procédure française de sauvegarde), qu'un plan de remboursement a été adopté et entériné dans le cadre de cette procédure, que ce plan est mis en oeuvre par le débiteur, et que le juge a interdit toute aliénation des biens du débiteur ? ».

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Sur la demande de réouverture de la procédure orale

25 - La procédure orale a été clôturée le 24 mai 2012 à la suite de la présentation des conclusions de Mmel'avocat général.

26 - Par lettre du 29 juin 2012, parvenue à la Cour le même jour, Christianapol a demandé à la Cour d'ordonner la réouverture de la procédure orale.

27 - A l'appui de cette demande, il est fait valoir que les conclusions de Mme l'avocat général ont soulevé plusieurs questions relatives au rôle et à l'influence du syndic de la procédure principale d'insolvabilité par rapport à la procédure secondaire, au point de savoir si la procédure de sauvegarde du droit français est une procédure d'insolvabilité au sens du règlement ainsi qu'à la possibilité, pour la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire, de vérifier l'insolvabilité du débiteur.

28 - A cet égard, il convient de relever que la Cour peut, à tout moment, l'avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l'article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu'elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l'affaire doit être tranchée sur la base d'un argument qui n'a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l'article 23 du statut de la Cour de justice (V., en ce sens, à propos de l'article 61 du règlement de procédure dans sa version en vigueur avant le 1er nov. 2012, CJUE, ord., 4 juill. 2012, aff. C-62/11, Feyerbacher, pt 6 et jurisprudence citée).

29 - En l'espèce, la Cour, l'avocat général entendu, considère qu'elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées et que ces éléments ont fait l'objet des débats menés devant elle.

30 - Dès lors, la demande de Christianapol tendant à obtenir la réouverture de la procédure orale doit être rejetée.

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

31 - A titre liminaire, il y a lieu de rappeler le champ d'application du règlement.

32 - A cet égard, il convient de relever que, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement s'applique aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic. Par « procédure d'insolvabilité », l'article 2, sous a), de ce règlement entend les procédures collectives visées à cet article 1er, paragraphe 1, et précise que leur liste figure à l'annexe A du même règlement.

33 - Il s'ensuit que, dès lors qu'une procédure est inscrite à l'annexe A du règlement, elle doit être considérée comme relevant du champ d'application du règlement. Cette inscription bénéficie de l'effet direct et obligatoire attaché aux dispositions d'un règlement.

34 - Il est constant que la procédure de sauvegarde ouverte, dans l'espèce au principal, par le tribunal de commerce de Meaux figure parmi les procédures inscrites, pour la France, à l'annexe A du règlement.

35 - Il découle de cette inscription, dont le bien-fondé ne fait pas l'objet d'une question préjudicielle, d'une part, que la procédure française de sauvegarde relève du champ d'application du règlement et, d'autre part, que la situation d'un débiteur tel que Christianapol, à l'égard duquel une procédure de ce type a été ouverte, doit être considérée comme une situation d'insolvabilité aux fins de l'application de ce règlement.

Sur la première question

36 - Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement doit être interprété en ce sens que la notion de « clôture de la procédure d'insolvabilité » revêt une signification autonome, propre au règlement, ou s'il appartient au droit national de l'Etat membre dans lequel la procédure d'insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure.

37 - La juridiction de renvoi explique que la réponse à cette question est essentielle aux fins de déterminer si la procédure principale d'insolvabilité ouverte en France à l'encontre de Christianapol est encore en cours et pour lui permettre de se prononcer sur les demandes, présentées par Bank Handlowy et par Adamiak, tendant à

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l'ouverture en Pologne, à l'encontre du même débiteur, d'une seconde procédure principale d'insolvabilité. La juridiction de renvoi considère que, dans l'hypothèse où la procédure principale d'insolvabilité ouverte en France serait clôturée, elle pourrait accueillir, après vérification au regard de son droit national de l'état d'insolvabilité de Christianapol, les demandes de Bank Handlowy et d'Adamiak.

38 - Ces considérations appellent les remarques suivantes.

39 - C'est à juste titre que la juridiction de renvoi a qualifié la procédure d'insolvabilité ouverte en France de procédure principale. En effet, cette dernière a été ouverte au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement.

40 - Ainsi que l'a relevé la juridiction de renvoi, une telle procédure produit des effets universels en ce qu'elle s'applique aux biens du débiteur situés dans tous les Etats membres. Tant qu'une procédure principale d'insolvabilité est en cours, aucune autre procédure principale ne peut être ouverte. Ainsi que l'indique l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement, toute procédure d'insolvabilité ouverte pendant cette période ne peut être qu'une procédure secondaire, dont les effets sont limités aux biens du débiteur situés dans l'Etat membre dans lequel cette procédure est ouverte (V., en ce sens, CJUE 15 déc. 2011, aff. C-191/10, Rastelli Davide e C., non encore publié au Recueil, pt 15 et jurisprudence citée).

41 - En vertu de l'article 16, paragraphe 1, du règlement, la procédure principale d'insolvabilité ouverte dans un Etat membre est reconnue dans tous les Etats membres dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture. Cette règle implique que les juridictions des autres Etats membres reconnaissent la décision ouvrant une procédure d'insolvabilité sans pouvoir contrôler l'appréciation portée par la première juridiction sur sa compétence (V., en ce sens, CJCE 2 mai 2006, aff. C-341/04, Eurofood IFSC, Rec. p. I-3813, pts 39 et 42, ainsi que CJUE 21 janv. 2010, aff. C-444/07, MG Probud Gdynia, Rec. p. I-417, pts 27 et 29). L'article 25 du règlement étend cette règle de reconnaissance à toutes les décisions relatives au déroulement et à la clôture de la procédure.

42 - Dans l'espèce au principal, l'ouverture de la procédure principale d'insolvabilité par le tribunal de commerce de Meaux était fondée, notamment, sur la constatation que le centre des intérêts principaux du débiteur, critère exclusif de compétence internationale prévu par l'article 3, paragraphe 1, du règlement, se trouvait en France. Comme l'a relevé Mme l'avocat général au point 44 de ses conclusions, cette constatation relève du principe de reconnaissance qui s'impose à la juridiction de renvoi.

43 - Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où la procédure principale d'insolvabilité ouverte en France à l'encontre de Christianapol devrait être considérée comme étant clôturée, la juridiction de renvoi ne pourrait ouvrir une seconde procédure principale en Pologne que pour autant qu'il pourrait être établi que, postérieurement à l'ouverture de la première procédure principale en France, le centre des intérêts principaux de Christianapol a été transféré en Pologne.

44 - C'est sous le bénéfice de ces remarques qu'il convient de rechercher comment doit être établie la signification de la notion de « clôture de la procédure d'insolvabilité ».

45 - Ainsi que la Cour l'a rappelé, le règlement vise non pas à mettre en place une procédure d'insolvabilité uniforme, mais, comme il ressort du considérant 2 de celui-ci, à assurer que les procédures d'insolvabilité transfrontalières fonctionnent efficacement et effectivement (arrêt Eurofood IFSC, préc., pt 48). A cet effet, il fixe des règles de compétence et de reconnaissance ainsi que des règles relatives au droit applicable dans ce domaine.

46 - La question de la loi applicable à une procédure d'insolvabilité est régie par l'article 4 du règlement qui, à son paragraphe 1, désigne à cet effet la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure a été ouverte. Le paragraphe 2, sous j), dudit article précise que cette loi détermine notamment les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité.

47 - L'article 4 du règlement se présente ainsi comme une règle de conflit de lois, qualification confirmée par le considérant 23 du règlement, qui indique que les règles de conflit uniformes prévues par le règlement remplacent les règles nationales du droit international privé.

48 - Ainsi que l'a observé Mme l'avocat général au point 32 de ses conclusions, une règle de conflit a pour caractéristique qu'elle ne répond pas elle-même à une question de droit matériel, mais qu'elle se borne à désigner la loi dont dépend la réponse à cette question.

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49 - S'il est vrai que, en cas de doute, sur leur libellé, les dispositions du droit de l'Union doivent recevoir une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause, la Cour a toutefois jugé que ce principe ne vaut que pour les dispositions qui ne comportent aucun renvoi exprès au droit des Etats membres pour déterminer leur sens et leur portée (V., en ce sens, CJUE 20 oct. 2011, Interedil, aff. C-396/09, non encore publié au Recueil, pt 42 et jurisprudence citée).

50 - Dès lors, les questions telles que les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, à propos desquelles l'article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement contient un renvoi exprès au droit national, ne peuvent faire l'objet d'une interprétation autonome, mais doivent être tranchées en application de la lex concursus désignée comme applicable.

51 - Cette analyse n'est pas en contradiction avec le fait que, au point 54 de son arrêt Eurofood IFSC, précité, sur lequel se sont appuyés Christianapol et le gouvernement français, la Cour a jugé que la notion de « décision ouvrant une procédure d'insolvabilité » au sens de l'article 16, paragraphe 1, du règlement doit être définie en fonction de deux critères propres au règlement. En effet, à la différence de l'article 4 du règlement, ledit article 16, paragraphe 1, ne contient pas de renvoi exprès au droit national, mais fixe une règle immédiatement applicable, sous la forme d'un principe de reconnaissance au bénéfice de la décision d'ouverture qui a été rendue en premier lieu.

52 - Au vu de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement doit être interprété en ce sens qu'il appartient au droit national de l'Etat membre dans lequel la procédure d'insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure.

Sur la troisième question

53 - Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 27 du règlement doit être interprété en ce sens qu'il permet l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité dans l'Etat membre dans lequel se trouve l'intégralité des biens du débiteur, alors que la procédure principale poursuit une finalité protectrice.

54 - A titre liminaire, il convient de relever que la réponse à cette question ne peut être pertinente pour trancher le litige au principal que dans l'hypothèse où la procédure principale d'insolvabilité ouverte en France est encore en cours, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi d'établir au regard de la réponse apportée à la première question.

55 - En disposant que l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité dans un Etat membre permet d'ouvrir une procédure secondaire dans un autre Etat membre sur le territoire duquel le débiteur possède un établissement, l'article 27, première phrase, du règlement n'établit aucune distinction en fonction de la finalité de la procédure principale.

56 - La même généralité de termes se retrouve à l'article 3, paragraphe 3, du règlement, qui prévoit que, lorsqu'une procédure principale a été ouverte, toute procédure d'insolvabilité ouverte ultérieurement par une juridiction fondant sa compétence sur la présence d'un établissement du débiteur est une procédure secondaire.

57 - Ces dispositions doivent donc être lues en ce sens qu'elles autorisent l'ouverture d'une procédure secondaire également lorsque la procédure principale, à l'instar de la procédure française de sauvegarde, a une finalité protectrice.

58 - L'interprétation soutenue par Christianapol et le gouvernement français, selon laquelle l'ouverture d'une procédure principale à finalité protectrice ferait obstacle à l'ouverture d'une procédure secondaire, outre qu'elle serait inconciliable avec le libellé des dispositions en cause, irait à l'encontre de la place reconnue, dans le système mis en place par le règlement, aux procédures secondaires. A cet égard, il convient de souligner que, si les procédures secondaires visent, notamment, à assurer la protection des intérêts locaux, elles peuvent poursuivre également, comme le rappelle le considérant 19 du règlement, d'autres objectifs. C'est la raison pour laquelle elles peuvent être ouvertes à la demande du syndic de la procédure principale, lorsque cette mesure répond à l'intérêt d'une administration efficace du patrimoine.

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59 - Il n'en demeure pas moins que, comme l'a souligné la juridiction de renvoi, l'ouverture d'une procédure secondaire, qui, conformément à l'article 3, paragraphe 3, du règlement, doit être une procédure de liquidation, risque d'aller à l'encontre de la finalité poursuivie par une procédure principale de nature protectrice.

60 - A cet égard, il convient de relever que le règlement prévoit un certain nombre de règles impératives de coordination destinées à assurer, comme l'exprime son considérant 12, l'unité nécessaire au sein de la Communauté. Dans ce système, la procédure principale occupe, par rapport à la procédure secondaire, ainsi que le précise le considérant 20 du règlement, un rôle prédominant.

61 - Le syndic de la procédure principale dispose ainsi de certaines prérogatives qui lui donnent la possibilité d'influer sur la procédure secondaire de façon à ce que cette dernière ne mette pas en péril la finalité protectrice de la procédure principale. En vertu de l'article 33, paragraphe 1, du règlement, il peut demander la suspension des opérations de liquidation, pour une période certes limitée à trois mois, mais qui peut être prolongée ou renouvelée pour des périodes de même durée. Conformément à l'article 34, paragraphe 1, du même règlement, le syndic de la procédure principale peut proposer de clôturer la procédure secondaire par un plan de redressement, un concordat ou une mesure comparable. Pendant la période de suspension prévue par l'article 33, paragraphe 1, du règlement, le syndic de la procédure principale, ou le débiteur avec son accord, sont, en vertu dudit article 34, paragraphe 3, seuls habilités à faire cette proposition.

62 - En vertu du principe de coopération loyale inscrit à l'article 4, paragraphe 3, UE, il incombe à la juridiction compétente pour ouvrir une procédure secondaire, lorsqu'elle applique ces dispositions, de prendre en considération les objectifs de la procédure principale et de tenir compte de l'économie du règlement, lequel vise, comme il a été rappelé aux points 45 et 60 du présent arrêt, à assurer un fonctionnement efficace et effectif des procédures d'insolvabilité transfrontalières par une coordination impérative des procédures principale et secondaire garantissant la primauté de la procédure principale.

63 - Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que l'article 27 du règlement doit être interprété en ce sens qu'il permet l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité dans l'Etat membre dans lequel se trouve un établissement du débiteur, alors que la procédure principale poursuit une finalité protectrice. Il incombe à la juridiction compétente pour ouvrir une procédure secondaire de prendre en considération les objectifs de la procédure principale et de tenir compte de l'économie du règlement dans le respect du principe de coopération loyale.

Sur la deuxième question

64 - Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l'article 27 du règlement doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut pas examiner l'insolvabilité du débiteur à l'encontre duquel une procédure principale a été ouverte dans un autre Etat membre, même si cette dernière procédure poursuit une finalité protectrice.

65 - Selon l'article 27, première phrase, du règlement, l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité dans un Etat membre « permet d'ouvrir » une procédure secondaire dans un autre Etat membre sur le territoire duquel le débiteur possède un établissement, « sans que l'insolvabilité du débiteur soit examinée dans cet autre Etat ».

66 - Comme l'a reconnu Mme l'avocat général au point 75 de ses conclusions, la formulation ainsi utilisée est empreinte d'une certaine ambiguïté quant au point de savoir si, lors de l'ouverture d'une telle procédure, l'examen de l'insolvabilité du débiteur n'est pas nécessaire, mais demeure possible, ou bien n'est pas autorisé.

67 - Dans ces conditions, il convient d'interpréter la formulation utilisée à l'article 27, première phrase, du règlement à la lumière de l'économie générale et de la finalité du règlement dans lequel elle s'insère (V., en ce sens, CJCE 19 juin 1980, aff. 803/79, Roudolff, Rec. p. 2015, pt 7).

68 - A cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu'il a été jugé au point 32 du présent arrêt, le règlement ne s'applique qu'aux procédures fondées sur l'insolvabilité. S'agissant des critères permettant de constater concrètement l'existence d'une telle situation, il renvoie, faute de donner une définition de la notion d'insolvabilité, au droit national. Il s'ensuit que l'ouverture d'une procédure principale requiert préalablement la vérification par la juridiction compétente de l'état d'insolvabilité du débiteur au regard de son droit national.

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69 - Il y a lieu de rappeler également que, en vertu de l'article 16, paragraphe 1, du règlement, la procédure principale d'insolvabilité ouverte dans un Etat membre est reconnue dans tous les Etats membres dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture.

70 - Dans ces conditions, comme l'ont soutenu les gouvernements espagnol et français, l'appréciation portée sur l'état d'insolvabilité du débiteur par la juridiction compétente pour ouvrir la procédure principale s'impose aux juridictions éventuellement saisies d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire.

71 - Cette interprétation est la seule de nature à éviter les difficultés inéluctables qui résulteraient, en l'absence de définition de la notion d'insolvabilité dans le règlement, de l'application par des juridictions différentes de conceptions nationales divergentes de la notion d'insolvabilité. En outre, comme l'a fait observer le gouvernement français, l'insolvabilité doit faire l'objet d'une appréciation d'ensemble, au regard de la situation patrimoniale du débiteur telle qu'elle se présente globalement dans l'ensemble des Etats membres, et non d'appréciations isolées, limitées à la prise en compte d'actifs localisés sur un territoire donné.

72 - Les divergences d'appréciation d'une juridiction à l'autre seraient incompatibles avec l'objectif d'un fonctionnement efficace et effectif des procédures d'insolvabilité transfrontalières que le règlement veut réaliser par la coordination des procédures principale et secondaire dans le respect de la primauté de la procédure principale. A cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort du point 58 du présent arrêt, si l'ouverture d'une procédure secondaire peut être demandée, notamment, par des créanciers locaux, elle peut également être demandée par le syndic de la procédure principale dans l'intérêt d'une gestion plus efficace du patrimoine du débiteur.

73 - Il convient toutefois de souligner que, lorsqu'elle tire les conséquences de la constatation de l'insolvabilité effectuée dans le cadre de la procédure principale, la juridiction saisie d'une demande tendant à l'ouverture d'une procédure secondaire doit prendre en considération les objectifs de ladite procédure principale et tenir compte de l'économie du règlement ainsi que des principes sur lesquels il repose.

74 - Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que l'article 27 du règlement doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut pas examiner l'insolvabilité du débiteur à l'encontre duquel une procédure principale a été ouverte dans un autre Etat membre, même si cette dernière poursuit une finalité protectrice.

Sur les dépens

75 - La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1) L'article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, tel que modifié par le règlement (CE) n° 788/2008 du Conseil, du 24 juillet 2008, doit être interprété en ce sens qu'il appartient au droit national de l'Etat membre dans lequel la procédure d'insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure.

2) L'article 27 du règlement n° 1346/2000, tel que modifié par le règlement n° 788/2008, doit être interprété en ce sens qu'il permet l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité dans l'Etat membre dans lequel se trouve un établissement du débiteur, alors que la procédure principale poursuit une finalité protectrice. Il incombe à la juridiction compétente pour ouvrir une procédure secondaire de prendre en considération les objectifs de la procédure principale et de tenir compte de l'économie du règlement dans le respect du principe de coopération loyale.

3) L'article 27 du règlement n° 1346/2000, tel que modifié par le règlement n° 788/2008, doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut pas examiner l'insolvabilité du débiteur à l'encontre duquel une procédure principale a été ouverte dans un autre Etat membre, même si cette dernière poursuit une finalité protectrice.