« un autre bainville » : entretien avec ......présidentielle: candidats à la pelle xxx...

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Présidentielle : Candidats à la pelle xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@s@m@a@a; M 01093 - 2820 - F: 4,00 E 4 s N° 2820 65 e année Du 7 au 20 juillet 2011 Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois www.actionfrancaise.net « UN UN AUTRE B UTRE B AINVILLE AINVILLE » : ENTRETIEN ENTRETIEN AVEC CHRIST VEC CHRIST OPHE DICKÈS OPHE DICKÈS p. 16 16 L’ACTION FRANÇAISE 2000 L'ESSENTIEL ÉCONOMIE Grèce & euro : une crise chronique . . . . . . . . . . p. 2 L'euro jugé et condamné . . . . . . p. 2 POLITIQUE Jean-Luc Mélenchon, cet étrange objet du désir . . . . . p. 4 SOCIÉTÉ Les militaires méprisés par la République . . . . . . . . . . . . p. 5 Décès d'Ahmed Djebbour, ancien député d'Alger . . . . . . . . . p. 6 Féminisme : surenchère à l'UMP . . . . . . . . . . . p. 6 MONDE Monaco : Albert et Charlène, des princes pour demain . . . . . . p. 7 Cent jours de guerre en Libye . . . . . . . . . . . p. 8 Nouvelle constitution au Maroc : l'exception confirmée . . . . . . . . . p. 9 ARTS & LETTRES Escapade culturelle . . . . . . . . . p. 10 Historiens de Rome . . . . . . . . . . p. 11 HISTOIRE Pompidou, un homme d'État républicain . . . . . . . . . . . p. 12 IDÉES Double nationalité : lettre ouverte à Patrick Weil . . . p. 13 Thibon toujours présent . . . . . p. 13 POUR UN JEUNE FRANÇAIS Anticipation : en quête du graal numérique . . . . . . . . . p. 14 En relisant Maurras . . . . . . . . . p. 14 « « T OUT CE Q OUT CE Q UI EST N UI EST NA TION TION AL EST NÔTRE » AL EST NÔTRE » P P a a g g e 3 e 3 La crise de l'autorité IL EST ENTENDU que, dans notre pays, toutes les professions ayant vocation à exercer une parcelle d'autorité ont som- bré corps et bien. Le magistère de l'ensei- gnant, la sacralité du vicaire, le diagnos- tic du praticien comme les jugements du magistrat, rien n'a résisté. Tous comparaissent au banc des accusés et les cris d'infamie qu'on leur jette ac- centuent l'effondrement général. « Qui est autorisé à me dire "tu dois" ? » était un sujet de philosophie du baccalauréat de l'an dernier. Beau sujet, posé par des victimes à ses bourreaux... pardon, faites excuses, par des professeurs à leurs élèves. Mais qui donc incarne l'autorité dans la France de 2011 ? Les familles monoparen- tales ou recomposées ? Vous plaisantez ! Dans le délitement général hérité de l'es- prit de Mai, il restait bien encore un peu l'État. Mais même l'État s'est effondré de- vant les caprices futiles de ce que, par principe, il continue d'appeler des ci- toyens. Appelons un chat un chat, et voyez plutôt les Français comme des ado- lescents en crise devant des parents bo- bos et toujours culpabilisés. Dernier événement en date, symptôme de cette démission collective, cette épreuve de BTS à la Maison des examens à Arcueil- Cachan reconduite après de forts soup- çons d'irrégularités. L'État a dit « on refait l'épreuve ». Les candidats mécontents en ont jugé tout autrement et ont bloqué l'accès à la salle. Que croyez-vous qu'il arriva ? L'État céda ! Aussi la réponse au sujet de philo 2010 était-elle, si vous ne l'aviez pas de- viné, plus personne ! Marc Savina

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Page 1: « UN AUTRE BAINVILLE » : ENTRETIEN AVEC ......Présidentielle: Candidats à la pelle xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@s@m@a@a; M 01093 - 2820 - F: 4,00 E 4 s N 2820 65e année Du 7 au 20 juillet

Présidentielle :

Candidats à la pelle

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4 s y N° 2820 y 65e année y Du 7 au 20 juillet 2011 y Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois y www.actionfrancaise.net

«« UN UN AAUTRE BUTRE BAINVILLEAINVILLE »» :: ENTRETIEN ENTRETIEN AAVEC CHRISTVEC CHRISTOPHE DICKÈS OPHE DICKÈS pp.. 1616

L’ACTION FRANÇAISE2 0 0 0

L'ESSENTIEL

3 ÉCONOMIE

Grèce & euro :

une crise chronique . . . . . . . . . . p. 2

L'euro jugé et condamné . . . . . . p. 2

3 POLITIQUE

Jean-Luc Mélenchon,

cet étrange objet du désir . . . . . p. 4

3 SOCIÉTÉ

Les militaires méprisés

par la République . . . . . . . . . . . . p. 5

Décès d'Ahmed Djebbour,

ancien député d'Alger . . . . . . . . . p. 6

Féminisme :

surenchère à l'UMP . . . . . . . . . . . p. 6

3 MONDE

Monaco : Albert et Charlène,

des princes pour demain . . . . . . p. 7

Cent jours

de guerre en Libye . . . . . . . . . . . p. 8

Nouvelle constitution au Maroc :

l'exception confirmée . . . . . . . . . p. 9

3 ARTS & LETTRES

Escapade culturelle . . . . . . . . . p. 10

Historiens de Rome . . . . . . . . . . p. 11

3 HISTOIRE

Pompidou, un homme

d'État républicain . . . . . . . . . . . p. 12

3 IDÉES

Double nationalité :

lettre ouverte à Patrick Weil . . . p. 13

Thibon toujours présent . . . . . p. 13

3 POUR UN JEUNE FRANÇAIS

Anticipation : en quête

du graal numérique . . . . . . . . . p. 14

En relisant Maurras . . . . . . . . . p. 14

« « TT O U T C E QO U T C E Q U I E S T NU I E S T N AA T I O NT I O N A L E S T N Ô T R E »A L E S T N Ô T R E »

PPaagge 3e 3

La crise de l'autoritéIL EST ENTENDU que, dans notre pays,toutes les professions ayant vocation àexercer une parcelle d'autorité ont som-bré corps et bien. Le magistère de l'ensei-gnant, la sacralité du vicaire, le diagnos-tic du praticien comme les jugements dumagistrat, rien n'a résisté. Tous comparaissent au banc des accuséset les cris d'infamie qu'on leur jette ac-centuent l'effondrement général. « Quiest autorisé à me dire "tu dois" ? » étaitun sujet de philosophie du baccalauréat

de l'an dernier. Beau sujet, posé par desvictimes à ses bourreaux... pardon,faites excuses, par des professeursà leurs élèves. Mais qui donc incarne l'autorité dans laFrance de 2011 ? Les familles monoparen-tales ou recomposées ? Vous plaisantez !Dans le délitement général hérité de l'es-prit de Mai, il restait bien encore un peul'État. Mais même l'État s'est effondré de-vant les caprices futiles de ce que, parprincipe, il continue d'appeler des ci-toyens. Appelons un chat un chat, etvoyez plutôt les Français comme des ado-lescents en crise devant des parents bo-

bos et toujours culpabilisés. Dernier événement en date, symptôme de cettedémission collective, cette épreuve deBTS à la Maison des examens à Arcueil-Cachan reconduite après de forts soup-çons d'irrégularités. L'État a dit « on refait l'épreuve ». Les candidats mécontents en ont jugétout autrement et ont bloqué l'accès à lasalle. Que croyez-vous qu'il arriva ? L'Étatcéda ! Aussi la réponse au sujet de philo2010 était-elle, si vous ne l'aviez pas de-viné, plus personne ! q

Marc Savina

Page 2: « UN AUTRE BAINVILLE » : ENTRETIEN AVEC ......Présidentielle: Candidats à la pelle xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@s@m@a@a; M 01093 - 2820 - F: 4,00 E 4 s N 2820 65e année Du 7 au 20 juillet

z 2 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011

Économie

Directeur de 1965 à 2007 : Pierre Pujo (?)

Directeur de la publication : M.G. Pujo

Rédacteur en chef : Michel Fromentoux

Rédacteur graphiste : Grégoire Dubost

Politique : François Marcilhac (éditorialiste),

Guillaume Chatizel, Jean-Philippe Chauvin,

Aristide Leucate, , Marc Savina

Société : Stéphane Blanchonnet,

Jean-Pierre Dickès, Michel Fromentoux,

Stéphane Piolenc

Économie & Social : Guy C. Menusier

Europe : Charles-Henri Brignac,

Grégoire Dubost, Guy C. Menusier

Monde : Philippe Maine, Pascal Nari

Arts & Lettres : Anne Bernet, Monique

Beaumont, Charles-Henri Brignac,

Louis Montarnal, Alain Waelkens

Histoire : Michel Fromentoux,

Yves Lenormand, René Pillorget,

Frédéric Winkler

Chroniques : Jean-Baptiste Morvan

Idées : Stéphane Blanchonnet,

Dimitri Julien, François Marcilhac

Abonnements, publicité, promotion : Monique Lainé

10 rue Croix-des-Petit10 rue Croix-des-Petits-Champs-Champs s

75001 Paris75001 Paris

Tél. : 01 40 39 92 06 - Fax : 01 40 26 31 63

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ISSN 1166-3286

L’ACTION FRANÇAISE 2000

LIVRE

L'euro jugé et condamnéPointant des promesses non tenues, Jean-Jacques Rosa annonce l'abandon de la monnaie unique, mais sans en méconnaître les coûts.

L'EURO « offrira davantage de bien-être, decohésion et de capacités d'action » : tel étaitle credo d'élites dirigeantes françaises qui,dans un manifeste paru dans Le Monde en oc-tobre 1997, vantaient les attraits supposés dela future monnaie unique – des avantages« trop mal connus des populations euro-péennes ». Auteur d'un essai aussi roboratifqu'argumenté, L'Euro : comment s'en débar-rasser, l'économiste Jean-Jacques Rosa a prisun malin plaisir à publier en annexe de sonouvrage des extraits de cette prose accablantepour ses signataires, nombreux encore à oc-cuper des postes éminents dans l'économie,la politique ou les médias. Ces funestes pro-phètes disposent toujours de puissants ap-

puis ; en témoigne l'aplomb d'un Nicolas Sar-kozy qualifiant de « folie » l'idée d'une sortiede l'euro. Pourtant, observe Jean-Jacques Rosa,« chez les économistes il se dégage [...] au-jourd'hui un accord très large, quoique tar-dif en France et en Europe, pour reconnaîtrel'impossibilité de maintenir une monnaieunique dans dix-sept pays aux structures etaux conjonctures différentes [...] sans uneunification budgétaire qui ne peut être ob-tenue de façon durable que par un gouver-nement central, ou en d'autres termes un Étatfédéral ». C'est vers quoi pousse Jean-ClaudeTrichet, par exemple. Mais J.-J. Rosa jugecette voie fédérale impraticable et expliquepourquoi « l'euro n'est pas viable ».

Un système cartellaire

Après avoir démonté les ressorts de l'engoue-ment d'une « coalition de dirigeants politiques,d'élites administratives et de responsables dugrand patronat » pour cette monnaie suspecte,l'auteur dénonce un système de type cartel-laire permettant l'endettement à bon marché,et qui a conduit aux impasses actuelles. Alors,comment tout cela va-t-il se terminer ? « Mal

pour l'euro. Mais bien sans doute pour les éco-nomies des États membres », se hasarde àpronostiquer Jean-Jacques Rosa, qui n'éludetoutefois pas les coûts et éventuelles diffi-cultés d'une sortie de l'entente. En fait, toutdépendrait des circonstances. Selon l'écono-miste et professeur des universités, « une dé-valuation majeure de l'euro, préalable à lasortie, résoudrait complètement le problème »d'un retour au franc. En revanche, « le risquemajeur serait celui d'une sortie des pays dusud de la zone euro, avant la nôtre : dans cecas, la valeur d'un euro restreint au nord dela zone remonterait par rapport au dollar, etla sortie pour la France serait beaucoup plusdouloureuse ».Si Jean-Jacques Rosa estime que la monnaieunique n'a pas d'avenir, il envisage néanmoinsla possibilité de lui substituer une monnaiecommune « optionnelle », qui reposerait surun panier de monnaies nationales. La ques-tion pratique devrait se poser de façon aiguëdans les deux ou trois ans à venir – sauf évé-nement dramatique d'ici là. n G.C.M.

3 Jean-Jacques Rosa, L'Euro : comment s'en dé-barrasser ?, Grasset, 140 p., 9 s.

» SOUS-SOL

Tandis que la France interditla fracturation hydraulique,les États-Unis développent,outre celle du gaz, l'exploita-tion du pétrole de schiste. Lesforages pétroliers américainsont quasiment doublé en unan, rapportent Les Échos. Parailleurs, des gisements consi-dérables de "terres rares" ontété découverts par des cher-cheurs japonais au fond duPacifique, alors que la Chinedétient un quasi-monopole surl'extraction de ces métaux uti-lisés dans les matériels élec-troniques et autres batteries.

» PRESSION

La mondialisation n'épargnepar les lobbies. Témoin, leComité Colbert, qui rassemblela majorité des acteurs fran-çais du luxe. Il vient de s'ou-vrir à quelques membresétrangers. Ce faisant, l'asso-ciation entend « renforcer savoix » au niveau européen,explique sa déléguée généraleÉlisabeth Ponsolle des Portes,citée par Les Échos. Selon nosconfrères, ce serait aussi unefaçon « d'amadouer la Com-mission [européenne] en nedéfendant pas que le luxefrançais ».

» VITICULTURE

Les exportations de bordeauxrepartent à la hausse. En marsdernier, par rapport à 2010,elles ont même bondi de130 % vers la Chine etHong Kong, relève La Tribune(chiffres en valeur). Toutefois,la situation des petits produc-teurs resterait précaire. Alorsque 20 à 25 % des viticulteursbordelais auraient enregistrédes pertes en 2009, la situa-tion se serait encore aggravél'année dernière.

Un soupir de soulagement atraversé l'Europe le mer-credi 29 juin. En dépit des

manifestations qui agitaient laGrèce, le Parlement hellénique avalidé le programme de réformeset de privatisations négocié avecla Commission européenne, la BCEet le FMI. Ceux-ci en avaient faitun préalable au versement d'unenouvelle tranche de prêts de12 milliards d'euros, sans lesquelsAthènes n'aurait plus été en me-sure d'honorer ses dettes dès cetété. Le vote a été emporté à lafaveur de 155 voix contre 138. LePremier ministre George Papan-dréou est donc parvenu à ras-sembler ses troupes, un seul élusocialiste s'étant refusé à rentrerdans le rang.

L'opposition veut plus de rigueurQuant à l'opposition, elle est loinde faire écho à toutes les protes-tations de la rue. « Nous aurionsvoté en faveur de plusieurs me-sures du plan du gouvernement sicelui-ci n'avait pas imposé un voteunique », souligne le député Chris-tos Staikouras. Son parti « estimeque la situation réclame plusd'agressivité dans les coupes desdépenses courantes et dans la re-structuration des entreprises na-tionalisées », résume notre con-frère Massimo Prandi (Les Échos,28/06/2011). Tandis qu'on peineà distinguer les voix proposant unevéritable alternative, Herman VanRompuy, le président du Conseileuropéen, verse dans un relatifcynisme : « Quand on exécute leprogramme d'assainissement bud-gétaire année après année, on doitpasser un mauvais moment maisla confiance finit par revenir »,a-t-il déclaré.

Les Européens vont-ils se résoudreà restructurer la dette contrac-tée par la Grèce ? On semble s'ypréparer, bien que cette pers-pective demeure exclue par lesgardiens de l'orthodoxie finan-cière, tel Christian Noyer, le gou-verneur de la Banque de France.« C'est une illusion dangereuse »,a-t-il prévenu dans la lettre in-troductive de son rapport annuel.Selon lui, une réduction ou un ré-échelonnement « entraînent tou-jours, au moins dans un premiertemps, une réduction supplé-mentaire de la confiance et demoindres apports de capitaux, cequi augmente l'effort néces-saire ». En filigrane, des rivali-tés institutionnelles confortentpeut-être la prudence des ban-quiers centraux. La BCE ayant ra-cheté des obligations grecquessur le marché secondaire, « unedécote de ces actifs la rendraitextrêmement vulnérable, et très

dépendante des États de la zone euro, qui devraient la re-capitaliser », explique notreconfrère Robert Jules (La Tribune,13/06/2011).

Équilibristes

Cela étant, le spectre d'une "con-tagion" nourrit des inquiétudes lé-gitimes. Pour l'heure, les respon-sables politiques s'essaient à unnuméro d'équilibriste, afin d'im-pliquer les institutions privéesdans le "sauvetage" de la Grècesans déclencher un "événementde crédit". Des discussions fruc-tueuses auraient été entamées àcet effet entre Bercy et les prin-cipaux créanciers français. Ceux-ci seraient disposés à réinvestir70 % de la valeur des titres arri-vant à échéance... à des condi-tions toutefois suffisamment avan-tageuses pour être jugées incita-tives. Aux yeux de Standard &

Poor's, le plan esquissé n'en consti-tuerait pas moins un "défaut sé-lectif" (Athènes restructurant ef-fectivement une partie, mais nonla totalité, de sa dette obliga-taire). Dans le cas présent, ilconviendrait toutefois de relati-viser l'influence des agences denotation. « Ce n'est pas parcequ'une agence décrète un défautque les détenteurs de titres en-registrent une perte », tempèrenotre consœur Isabelle Couet(Les Échos, 04/07/2011). « S&Plaisse entendre que le classementen "défaut" ne serait que tempo-raire et reconnaît en filigrane quele plan de la [Fédération bancairefrançaise] pourrait même amé-liorer la note de la Grèce a pos-teriori ». Dès lors, conclue-t-elle,« même la Banque centrale eu-ropéenne (BCE) ne serait pas vé-ritablement menacée ».

Défiance populaire

Reste le second front : celui del'opinion. D'abord en Grèce :« Pour que le plan de sauvetage[...] ait la moindre chance deréussite, le gouvernement Pa-pandréou devra par tous lesmoyens convaincre les électeursque l'austérité est le prix à payerpour un avenir meilleur - et passeulement pour satisfaire les exi-gences des créanciers étrangers »,martèle Dani Rodrik, professeurà l'université de Harvard (La Tri-bune, 17/06/200). Mais aussioutre-Rhin, où l'on connaît la dé-fiance de l'opinion publique àl'égard de la Grèce. Cela doitéclairer les propos de Jean-ClaudeJuncker, le Premier ministreluxembourgeois et président del'Eurogroupe, tenus au magazineallemand Focus, où il annoncesans détour que « la souverainetéde la Grèce sera extrêmementrestreinte ». Berlin doit compterégalement avec le tribunal consti-tutionnel de Karlsruhe, devant le-quel un "échanges de vues" s'esttenu mardi dernier à propos desmesure de solidarité budgétaireeuropéenne... La crise de dettessouveraines n'a pas fini de fairela une de l'actualité. n

Grégoire Dubost

o EURO

Une crise chroniqueLe vote du Parlement hellénique préserve une timide accalmie sur le front des marchés. Cela étant, bien que les banques semblent disposées à participerà l'opération, le "sauvetage" de la Grèce n'est toujours pas assuré.

Peut-être la Banque centrale européenne s'inquiète-t-elle d'une menace planant sur son indépendance...

Page 3: « UN AUTRE BAINVILLE » : ENTRETIEN AVEC ......Présidentielle: Candidats à la pelle xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@s@m@a@a; M 01093 - 2820 - F: 4,00 E 4 s N 2820 65e année Du 7 au 20 juillet

L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011 3 z

Éditorial

z NOTRE SOUSCRIPTION POUR L'AF

Pas de vacances pour L'AF 2000 !

Présidentielle : candidats à la pelle

L'actualité politique, pour autant qu'on ait legoût de la suivre, ne laisse pas de surprendre :non seulement le quinquennat nous contraint à

vivre en campagne électorale quasi permanentemais, de plus, celle-ci connaît des rebondissementsquasi quotidiens, qui risquent de rendre cet édito-rial dépassé avant même que l'encre en soit sé-chée. Nous étions, pour notre part, soulagés d'êtredébarrassés de celui que les media avaient d'oreset déjà désigné vainqueur : et voilà que DSK n'estplus le satyre que d'aucuns dépeignaient, que lavictime présumée, qui avait réussi à faire arrêteret inculper un représentant de l'hyperclasse mon-diale, n'est peut-être pas le personnage issu toutdroit d'une version mondialisée des Misérablesqu'on croyait... Si bien que les Français se voientsommer dès dimanche dernier de se déclarer favo-rables ou non à un retour de DSK sur la scène poli-tique ! Nous étions en quelque sorte revenus aupoint de départ... sauf que, ce lundi, la journalistefrançaise Tristane Banon annonce qu'elle porteraplainte contre lui dès le mardi pour tentative deviol, pour des faits qui remonteraient à 2002 etqu'elle avait déjà évoqués publiquement en 2007...Tristane Banon qui avait contre elle, à l'origine, den'être ni guinéenne, ni immigrée, ni femme dechambre mais d'appartenir à la grande famille...socialiste par mère interposée, ce qui l'avait dissua-dée de porter plainte dès 2002... Les socialistessurvivront-ils à ce feuilleton où la vérité se dérobedès qu'on paraît l'effleurer ? Les nerfs des strauss-kahniens, hollandais, "royalistes", albrystes etautres montebourgeois ne vont-ils pas lâcher ?

Un vocable monarchique

La pléthore de candidats, ces dernières semaines,montre en tout cas que l'élection présidentiellereste l'élection "reine" de la Ve République – le vo-cabulaire républicain est... monarchique : c'est unhommage du vice à la vertu. Peu avant Martine Au-bry, qui s'est enfin décidée, mais peut-être troptard si DSK nous fait la surprise de revenir, il y aeu Jean-Louis Borloo qui a réuni (presque) tous sesamis centristes et radicaux dans une nouvellestructure ad hoc dont on aimerait croire quel'acronyme a été choisi pour son caractère belli-ciste... à l'encontre de Sarkozy. Mais n'est-ce pasattribuer à nos centristes une trop grande culturegénérale que de supposer qu'ils ont choisi en réfé-rence au dieu grec de la guerre (Arès) le nom deleur nouveau machin électoral, l'Alliance républi-caine, écologique et sociale ? À moins que l'allu-sion à l'écologie ne vise à accueillir (les partisansde) Nicolas Hulot, qui a commis l'impair d'avouer

de coupables relations (politiques) avec Borloo.Eva Joly, en tout cas, a failli être désignée dès lepremier tour de la primaire par des militants d'Eu-rope Écologie-Les Verts méfiants sur la sincéritéécologique de l'animateur télé. Quant au NouveauParti anticapitaliste, il a désigné un certain Phi-lippe Poutou, qui se définit lui-même comme « ou-vrier candidat, pas candidat ouvrier », ce qui,après le vrai-faux facteur de Neuilly, permettratout de même aux trotskistes de recouvrer un peud'authenticité...

De gauche à droite

N'oublions pas non plus Jean-Pierre Chevènementqui, à gauche, nous est certainement le plus sym-pathique, en raison d'un patriotisme sincère, d'unevolonté réelle de réindustrialiser le pays et d'en fi-nir, d'une façon ou d'une autre, avec la soumissionà Bruxelles : l'euro est dans son collimateur, etmême s'il n'envisage pas, contrairement à MarineLe Pen, d'en sortir, même de manière concertée,du moins cette éventualité ne lui semble pas unehérésie, contrairement aux candidats bruxellois.Mais discrédité par son refus, en 2002, d'aller jus-qu'au bout de sa démarche en quittant la gauchepour devenir l'homme de la nation, ne vise-t-il passurtout à peser sur les choix d'un PS totalementimprégné d'idéologie européiste ? Dans ces condi-tions, ce serait peine perdue : d'Aubry à Hollande,en passant par DSK – s'il revient –, le PS est unparti totalement inféodé à l'hyperclasse mondiale,comme le prouve son abandon définitif de l'électo-rat populaire à la fin des années quatre-vingt-dixpour privilégier, comme une terra nova, le néo-es-clavagisme migratoire et le communautarisme. Ceque le communiste André Gerin ne cesse de rappe-ler avec raison... contre un Mélenchon, candidatofficiel d'un Front de Gauche et d'un Parti commu-niste réunis sous la bannière... du MEDEF pour fa-voriser l'immigration qui pèse sur les salaires etdissout la cohésion sociale.

À droite, la démarche de Nicolas Dupont-Aignantserait assurément sympathique, si elle ne risquaitpas d'affaiblir la dynamique nationale tout commecelle de l'identitaire Arnaud Gouillon : candida-tures de témoignage qui réuniront assurément lescinq cents signatures si l'Élysée pense qu'elles peu-vent empêcher Marine Le Pen d'arriver au secondtour. Quant à Christine Boutin, sa candidature entrompe-l'œil ne vise qu'à ramener l'électorat ca-tholique conservateur vers un candidat qui a dé-montré depuis plus de quatre ans qu'il était un fa-rouche opposant aux valeurs chrétiennes et qui

s'apprête à brader, en y mettant peut-être lesformes, ce qui reste encore d'ordre naturel dans lavie sociale. Son passé ne plaide pas pour une can-didate qui, en 2002, a choisi au second tour le ra-dical-socialiste Chirac contre le candidat nationalet en 2007 s'est retirée, contre un poste ministé-riel où elle fut inutile, au profit de Sarkozy quiavait pourtant annoncé la couleur sur l'immigra-tion, l'Europe supranationale, le communautarismeet les dérives sociétales... En tout cas, Mme Boutinest de ceux, de celles, qui ne sauront jamais direnon. Elle ne l'a jamais fait, ni sur le travail le di-manche, ni sur la remise en cause de la carte fa-mille nombreuse, ni sur les tentatives de réduire lemariage à une simple union civile en vue de prépa-rer la légalisation de l'union civile homosexuelleet, à terme, de l'homoparentalité, ni sur l'aggrava-tion des lois bioéthiques, ni sur l'idéologie dugenre, imposée par Luc Châtel au lycée. Si, chaquefois, elle a joué un air de pipeau pour faire en-tendre sa différence, elle n'a jamais rompu avecl'UMP, avec laquelle elle est officiellement associéeet qui a d'ores et déjà rejoint le PS en matière dedérives sociétales. De plus son européisme béat(elle a cité deux fois Robert Schuman dans son dis-cours de candidature) montre combien son combatn'est pas le nôtre 1. Le pire serait qu'elle réussisseà dévoyer une partie des voix catholiques dans l'es-carcelle d'un candidat opposé à l'ordre naturel etennemi de l'indépendance de la nation.

Il n'y aura jamais de bonne république. Cela nedoit pas nous conduire à nous désintéresser d'unjeu politique qui nous est imposé et dont, malheu-reusement, le sort du pays dépend en grande par-tie. Nous aurons, l'année prochaine, à nous pronon-cer et à agir, pour éviter le pire. q

François Marcilhac

1 Sur Christine Boutin, nous renvoyons à l'éditorial que nous avons publié sur le site Internet de l'AF :www.actionfrancaise.net

À L'ACTION FRANÇAISE, nous vou-lons la restauration de la mo-narchie, non par attachementsentimental, mais, d'abord,parce qu'elle est nécessaire ausalut de la France.Alors, pas de vacances pourL'AF 2000 ! Profitez de vos dé-placements pour faire connaîtrele journal de l'AF autour de vous,pour recruter de nouveaux abon-nés. Envoyez-nous les coordon-nées de vos amis susceptibles

d'être intéressés : nous leur en-verrons un service du journalpendant deux mois.Nous devons sortir au mois d'aoûtun numéro comportant quatrepages centrales sur l'actualité dela monarchie. Il s'agit d'un boninstrument de diffusion de nosidées. Aussi, nous faisons appelà des vendeurs volontaires pourdiffuser ce numéro sur les lieuxde villégiature. Prenez contactavec nous.

Et puis, les mois d'été sont tou-jours difficiles à passer pournotre trésorerie. Aussi, avantvotre départ en vacances, n'ou-bliez pas d'envoyer votre parti-cipation à notre souscription,dans toute la mesure de vosmoyens. Vos dons nous sont in-dispensables pour faire face ànos échéances en cette période.Merci de répondre généreuse-ment à cet appel. n

M.G. Pujo

3 Merci d'établir vos chèques à l ' o rdre de M me Geneviève Castelluccio et de les lui envoyerà : L'Action Française 2000,10 rue Croix-des-Petits-Champs,75001 Paris.

Liste n° 9Virements réguliers : Mme Marie-Christiane Leclercq-Bourin, 30 + 28 ;Mme Marie-Magdeleine Godefroy,22,87 ; Mme Tatiana de Prittwitz,45,73 ; Robert Thomas, (2e tri-mestre), 45,72 ; François Favre(trois mois), 60 ;

Fabien Desmeaux, 30 ; Mme Capet-Sellenet, 100 ; Jean Foyard, 100 ;François Nénert, 100 ; Giovanni Caste l lucc io, 200 ; Phi l ippe Castelluccio, 200 ; Geneviève Cas-telluccio, 100 ; Amadeus Ciscar-Pe-nella, 150 ; Jacques Lamonerie, «

afin de permettre de perpétuer lesmeilleures idées françaises », 100 ;Guy Menusier, 50 ; vente de livresd'occasion 90 : Jean-Louis Étienne,40 ; Jean-Michel Dejenne, 25.

Total de cette liste 1 417,32 sListes précédentes 3 548,92 s

Total 4 966,24 s

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z 4 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011

Politique

C'est dans le 19e arrondisse-ment, dans le Paris rouge,celui des métros Jaurès et

Stalingrad, à deux pas de la placedu colonel Fabien, près de la ro-tonde de La Villette, que s'est te-nue la première réunion politiquedu candidat Mélenchon. Ce 29 juin2011, on pouvait assister au mee-ting unitaire Front de Gauche-Particommuniste sur la place des Martyrs de Stalingrad. Quelquesjeunes militants d'Action françaiseétaient venus écouter le chantrede la "vraie" gauche.

Acte de décès du PCF

Il faut toujours se méfier en po-litique des appels à l'unité, desdéclarations d'intention, des vœuxpieux. L'alliance PCF-Front deGauche n'est pas une alliance. Defait, elle relève de l'absorptiond'un parti subclaquant par un autrequi a le vent en poupe. Que l'onsonge un peu ! En 1945, le Particommuniste représentait à lui seulun quart de l'électorat français etfaisait trembler tout le milieu po-litique. Depuis 1969, sans inter-ruption, le PC avait présenté sansdiscontinuer un candidat à la pré-sidentielle. Georges Marchais enson temps avait fait le bonheurdes téléspectateurs et les heuresde gloire de l'ORTF puis des pre-mières chaînes de télévision. Avecla chute du mur de Berlin et l'écla-tement de l'URSS, le PCF s'est dotéde secrétaires généraux moins co-riaces. André Lajoinie et RobertHue ont accompagné plus quecombattu le déclin inexorable ducommunisme. Il faut avoir vu en 2007, au mee-ting du PC, dans la salle du Zé-nith à moitié vide, Marie-Georges

Buffet présenter à la tribunetoute la misère du monde. Un clo-chard eut les honneurs des ap-plaudissements avant que ne sur-gisse une prostituée d'âge mûrsuivi d'un transsexuel convaincu,tout cela devant des vieux mili-tants éberlués. En 1953, ces mi-litants avaient, comme tout lemonde, pleuré la mort de Sta-line. Dans les années 1990, eux,du moins, n'avaient pas succombéà la tentation du mal, le voteFront national. Mais ce jour-là,les plus lucides comprirent quec'était la fin. Marie-Georges Buf-fet, sous leurs yeux, petite sœurlaïque des pauvres, refermait laporte du tombeau dans lequels'était engouffrée une partie dela gauche au congrès de Tours dedécembre 1920. Depuis lors, l'ar-rivée de l'invisible, inodore etquasi incolore Pierre Laurent n'apas ressuscité le cadavre. L'im-meuble construit par l'architecteOscar Niemeyer place du colonelFabien a même été mis en loca-tion pour rembourser les frais decampagne de 2007 où, faut-il lerappeler, la candidate Buffet n'apas dépassé les 2 %.

Le vertige de la disparitionQue faire ? se demandait le jeuneLénine, réfugié politique à Parisen 1902. Devant le vertige de ladisparition, on nous rejoue en2011, on nous ressort une illusionà bout de souffle. Et d'abord unhomme. Donc Mélenchon. Unegouaille populo, le gars du canalSaint-Martin ou de Saint-Denis, enbretelles et bras de chemise, afi-cionado du Tour de France. Unesynthèse entre Jacques Doriot et

Georges Marchais, la sueur enmoins. Un mauvais caractère com-plète le tableau de l'authenticité.Mélenchon, c'est un vrai, un pur,l'homme de la rue, sorti du peuple.C'est bien pourquoi, au lieu de ré-server une salle de spectacle, ila donné rendez-vous à ses sym-pathisants ce mercredi 29 juin,pour lancer sa campagne, sur uneplace publique, afin de renoueravec l'esprit de l'agora, du forum,car la gauche n'a pas d'autre lieude mémoire que la rue ou la place,de Bastille à République. Objec-tif ? Rendre le pouvoir au peuple,rien de moins !

Place comble

Et le peuple est venu. Pas de dé-luge, ni même une marée, maisun succès tout de même. De vieuxmilitants communistes étaient se-coués par l'émotion, des larmesde joie qui n'étaient pas feintes.Cinq mille, six mille ? Parmi eux,Jean-François Kahn, qui est partiavant la fin du discours de Mé-lenchon. Kahn, qu'on a vu aussiaux réunions de Dupont-Aignan.Que cherche-t-il parmi les épi-gones du gaullisme ou du jaures-sisme ? Une honnêteté de prin-cipe qui a vu Mélenchon rompreavec le PS comme Dupont-Aignanavec l'UMP ? Pour ne pas se ré-duire à de la simple communica-tion, un marketing politique sansfond ? Qui croire ?Kahn cherche comme nous, gensd'AF, le débat, mais pour débattre,faut-il encore avoir des idées. LePS n'en a plus. Que des candidats.Pas un seul projet. Deux motsmanquent à son vocabulaire, deuxmots essentiels, "ouvriers" et"France". Pour les avoir abandon-

nés au caniveau, le PS n'est pasprès de l'emporter. Mélenchon l'acompris, il a suffi qu'il se pencheet reprenne les vieux mots de Jau-rès. N'a-t-il pas fini son discoursen citant le magnifique coupletde la chanson de Jean Ferrat,Ma France, « la France, la belle,la rebelle », chant de gauche sil'on veut mais dont la valeur pa-triotique manque à DSK, Aubry ouHollande, engences mondialiséesqui ont capitulé sur l'essentiel ?Ce n'est pas avec des électeursbobos du 11e arrondissement qu'ongagne la présidentielle. C'estmême ce qui révulse la province,complexée et jalouse, capable derejeter la proposition du réfé-rendum de 2005 comme LionelJospin en 2002.

Accents gaulliens

Mélenchon sait cela, il est doncl'histrion de la gauche. Sans Be-sancenot et sans doute avec ÉvaJoly, il entrevoit le boulevard quis'ouvre devant lui. Il sera le troi-sième homme à 10 ou 15 %. Etpeut-être plus s'il parvient, maislà nous entrons dans le domainedu non-dit, à récupérer les élec-teurs du PC plus séduits naguèrepar Jean-Marie Le Pen que par sapostérité en jupons.Le soir du 29 juin, Mélenchon aeu des accents gaulliens, lephrasé se voulait teinté de gran-

deur, les « nououous » étaienttraînant et se voulaient majes-tueux. Et quand il prononçait lemot « peueueuple », c'était la findu Si Versailles m'était comptéqui surgissait l'espace d'un instantdans nos esprits, lorsque SachaGuitry-Louis XIV descend les Cent-Marches suivi des grands hommesde l'histoire de France. La placedes Martyrs de Stalingrad valaitbien l'autre soir celle de la Ré-publique de 1958. On entenditMélenchon parler de VIe Répu-blique, affirmer vouloir combattrele capitalisme et récupérer les« 195 milliards d'euros passés despoches du travail à celles du ca-pital », exprimer sa volonté sansfaille de titulariser 800 000 pré-caires et d'interdire aux entre-prises, petites ou grandes, plusde 10 % de contrats précaires.Enfin, il réaffirma son projet dequitter l'Otan, de se retirer d'Af-ghanistan et de Libye. Et tout lemonde a applaudi, même lesjeunes camelots. Et les militantsde gauche ont repris en cœur,poings levés, L'Internationale, etavec un peu moins de ferveurLa Marseillaise. C'était assezbeau, mais dans le public com-bien étaient ceux qui constataientavoir déjà entendu cela, des pro-jets ambitieux mais jamais les fa-çons d'y parvenir ? n

Marc Savina

o MÉLENCHON

Cet étrange objet du désirJean-Luc Mélencheon sera-t-il "le troisième homme" de la présidentielle ?Soutenu par un PC à l'agonie, il semble séduire un électorat abandonné par la gauche. Retour sur son premier meeting de campagne.

ROYALISME

Un banquet pour quoi faire ?IL EXISTE encore aux quatrecoins de France des goûtersd'après-enterrement, où aprèsavoir beaucoup pleuré le dé-funt on se retrouve en famille.Devant des brioches, du choco-lat chaud, un café digne dubon vieux jus de campagne quimarque la journée sur lescoups de 5 heures, on évoquele disparu avec la tendressequi s'impose.

C'était un peu l'esprit qui ré-gnait le dimanche 26 juin dansune auberge de la MontagneSainte-Geneviève sur les coupsde midi. L'Alliance royale fon-dée par Yves-Marie Adeline fê-tait ses dix ans. Mais sans Yves-Marie Adeline. En tout, une cin-quantaine de convives étaientrassemblés autour de leur pré-sident Pierre Bernard. L'am-biance était à la joie, à l'eu-phorie même, il n'est pas excluque certains, à la fin du repas,aient chuchoté « À l'Élysée ! »ou « À la chambre ! » Chu-choté, car l'Alliance royale en-tend rendre un roi à la Francepar la seule vertu des élec-tions. Nous autres maurrassiensn'avons pas de ces pudeurs oude ces timidités. Pour restaurerla France, le pragmatisme serala règle. Tous les moyens sontbons, même légaux.En un sens les mouvementsroyalistes ne devraient pas tropcélébrer leur longévité qui estun peu le symbole de leurs dé-faites consécutives. Que l'Ac-tion française compte cent dix

ans n'est donc pas en soi unegrande satisfaction. Cela in-dique les difficultés rencon-trées dans le combat menépour la nation et le roi. En vé-rité, la longévité des mouve-ments royalistes n'est pas unmotif de banquet. Dimanche dernier, l'Allianceroyale restait éloignée de sem-blables considérations, mêlantun peu tout, une modérationtoute chrétienne - démocratedans le domaine politique asso-ciée au sectarisme religieux deCivitas, rejeton insolite de laSainte Ligue catholique en pleinXXIe siècle. Une fusion pour lemoins intrigante... et pourl'heure peu fructueuse. PierreBernard, Dominique Hamel ontimposé la loi du silence sur lesrésultats médiocres voire déses-pérés de leur mouvement. Àmots couverts, on regrettaitd'ailleurs l'absence de jeunessympathisants mais aussi depersonnalités comme Jean-Phi-lippe Chauvin. Deux discoursont tout de même réveillé l'ar-deur de ces militants poli-tiques, celui de Frédéric Wink-ler, très offensif, et celui deMarc Savina, plus conciliateur.Notre rédacteur a rappelé quele seul journal à défendre lacause du roi était L'AF2000,qu'il se trouvait tous les quinzejours en kiosque, et que laporte du 10 rue Croix-des-Pe-tits-Champs était ouverte àtous les talents et à toutes lesbonnes volontés royalistes. Il aaffirmé la nécessité des natio-naux et des royalistes a se re-trouver sous les mêmes ban-nières et à combattre avec lesforces existantes. q

Jean Souben

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011 5 z

Société

Il semble que M. Longuet, mi-nistre de la Défense, à force defanfaronnades verbales, doive

faire face à l'hostilité de tous lesmilitaires de France et de Navarre.Suite à un article du Figaro où desmilitaires rendaient publiquesleurs états d'âme, la Dicod, le ser-vice de communication de la Dé-fense, s'est fendu d'un long com-muniqué leur rappelant leur de-voir de réserve et proclamant laréussite assurée de la réforme encours. Le ministre a réagi vive-ment à la Chambre, en déclarantque l'Armée devait rester « lagrande muette » : « Ce n'est passimplement une tradition, a-t-ilaffirmé, mais un devoir et j'ajouteun devoir républicain. »

Des bienfaits du débat

Or, de tous temps les chefs mili-taires qui se sont exprimés ont pufaire avancer les concepts oumême l'esprit de défense. Rienn'est pire qu'une armée scléroséepar la peur du politique. Des gé-néraux incapables de joutes ver-bales seraient-ils capables de com-bativité face à l'ennemi ? J'endoute. L'histoire est pleine de ceschefs militaires qui furent aussides penseurs littéraires. Le nomdu maréchal Lyautey est le pre-mier qui vienne à l'esprit, maisdepuis Sun Tsu en passant par Ri-chelieu, Ardent du Pic, Clauswitz,Foch ou plus récemment les gé-néraux Gallois ou Delaunay,nombre de chefs se sont illustrésaussi comme serviteurs de l'intel-ligence. Il faudrait même, jepense, regretter de ne pas en avoirplus, regretter que soient favori-sés des officiers généraux falots,incapables d'imaginer le moindrepetit "puputsch"... Effectivement,le silence dans les rangs doit êtreun devoir "tout républicain", carnous, royalistes, n'avons pas peurd'entendre ce que disent le paysou l'armée réels.Pourtant, le ministre serait bienavisé d'entendre ce que grogne latroupe. Napoléon a pu aller jus-qu'en Russie car il savait l'écou-ter, même dans les glaces de laBérézina... Ce lien de confiancen'existe plus entre l'Armée et seschefs civils ou militaires. Crisedes bidgets, crise des effectifsmais avant tout crise d'identité,crise de confiance. J'avais décritl'an dernier le malaise des arméesface aux réformes. Douze moisplus tard, le moral est encore plusbas. Cette « mélancolie », dé-crite par le colonel Goya, n'af-fecte « en rien pour l'instant lacapacité à remplir efficacementles missions données, mais celane peut cependant manquer d'in-quiéter ». Cette mélancolie, Mon-sieur le ministre, qui touchetoutes les armées, tous les régi-ments, tous les grades (multipli-cation de démissions voire de sui-

cides chez les officiers supérieurs)peut encore être cachée un mo-ment, mais la marmite bouillonne.Elle risque de vous exploser à lagueule, Monsieur le ministre. Larévolte des gendarmes est encorebien présente dans les mémoireset son succès a donné quelquesidées à cette Grande Muette malaimée du pouvoir sarkozien. Les militaires, qui sont souventde grands sentimentaux, ont be-soin de l'amour de la nation etde la reconnaissance du politique.Ils sont prêts, par un bête espritd'abnégation patriotique, à se ser-rer encore plus le ceinturon.Comme le disait récemment uncolonel anonyme, après avoir faitdisparaître la chair, nous nous at-taquons à l'os. Les militaires,

bêtes et disciplinés, sont prêts àun régime encore plus suicidaires'il le faut. Mais ils espèrent aumoins un soutien du pouvoir po-litique et spécialement de leurministre. MAM n'avait été popu-laire que parce qu'elle avait sudéfendre le budget de la Défenseet qu'elle faisait semblant de s'in-téresser aux soldats, ce que nepouvait faire un Richard ayantpour objectif obsessionnel leséconomies, et encore moins unMorin qui n'avait pas le temps àcause de ses chevaux... Le véri-table ennemi du soldat n'est pasle militaire d'en face, qui partagefinalement les mêmes valeurs,mais bien le civil à l'arrière, pourqui il est prêt à mourir... Jusqu'aumoment où le soldat ne veut plus

défendre le citoyen décadent. Et Rome tombe aux mains desbarbares.Enfin, note amusante, ce fameuxdevoir de réserve n'existe pas dansla loi française. Nulle part il n'estmentionné, et encore moins ex-plicité. La liberté d'expression,dont le principe est garanti pourtous les citoyens, y compris lesmilitaires, n'est limitée que parla loi de 1881 – mais tel est le caspour les militaires comme pourles civils. La réhabilitation de l'of-ficier de gendarmerie Martelly(qui avait critiqué le rapproche-ment de la gendarmerie et de lapolice) par la Cour européennedes droits de l'homme et celled'Aymeric Chauperade (voir ci-dessous) puissent-elles être lessignes annonciateurs d'une écoutedu politique pour les militaires !

Manque de considération

Entendons-nous bien : les arméesne demandent pas de soviets desoldats, ni des débats démocra-tiques en son sein, mais une re-connaissance, une écoute et unejuste prise en compte de leurs dif-ficultés. Qui accepterait de mou-rir pour des politicards qui ne sontmême pas capables de mettre enberne leurs drapeaux quand unjeune soldat meurt en Afghanis-tan ? Certes, l'institution a aussià faire son examen de con-science : si elle en est arrivée àces articles anonymes et autressurcouferies, c'est que les déci-deurs militaires n'ont pas défenduleurs hommes, qu'ils n'ont jamaissu dire non aux politiques, qu'ilsne comptent plus pour grand chosedans le débat national...Sur le blog de Jean-DominiqueMerchet, le seul endroit où lesgénéraux apprennent ce que pen-sent leurs hommes, les commen-taires se multiplient et les nomsd'oiseaux se déclinent à l'infinipour désigner un sinistre ministre,fossoyeur serein des armées fran-çaises. Des militaires anonymes ydécrivent leur triste quotidien etcrient leur révolte. Voici, prise auhasard, cette petite devinette de-mandant quelle est la différenceentre le Titanic et l'armée fran-çaise : sur le Titanic au moins,l'orchestre continuait à jouer ;dans les armées françaises, il y abelle lurette que les fanfares ontété dissoutes. « Silence dans lesrangs ! Fermez le ban ! » n

François Pâris

AFFAIRE CHAUPRADE

Hervé Morin désavouépar la justiceJustice a été rendue à Aymeric Chauprade.Nous ne saurions trop nous en réjouir, carce chargé de cours d'histoire des idées poli-tiques à l'université de Neufchâtel enSuisse, doublé d'un conférencier en géopoli-tique au Collège royal de l'enseignementmilitaire supérieur du royaume du Maroc,qui, en plus, enseignait au Collège interar-mées de défense (CID) depuis 1999 où il futdirecteur du cours de géopolitique de 2002à 2009, avait le seul tort de ne pas ad-mettre dans la géopolitique le carcan d'unidéologie officielle préfabriquée. Dans sonouvrage fondamental Géopolitique,

constantes et changements dans l'histoire,il s'est appliqué à dégager à la manière deJacques Bainville les grandes constantes dela politique des États pour expliquer les re-lations actuelles entre les nations.Ce réalisme n'a pas été du goût d'Hervé Mo-rin, l'éphémère ministre de la Défense, quivoulut priver Aymeric Chauprade de sachaire au Collège interarmées, le soupçon-nant de complaisance pour les thèsesconspirationnistes sur l'attentat du 11 Sep-tembre contre les tours de New York. Alorsqu'il fut aussitôt soutenu par ses anciensélèves qui n'avaient aucun prosélytisme àlui reprocher, il lui fut donné raison d'abordle 24 mars 2009 par le tribunal administratifde Paris qui suspendit le décision du mi-nistre, disant qu'elle portait atteinte à une« liberté fondamentale », celle des droitsde la défense. Dernièrement on apprenait

que le 1er juin 2011, le tribunal administra-tif de Paris confirmait l'annulation de la dé-cision prise par le ministre Hervé Morin ensoulignant qu'elle résultait « d'une procé-dure irrégulière ». Nous tenons à féliciter chaleureusement Ay-meric Chauprade, cet écrivain et ce penseurréaliste qui ne se laisse pas intimider par lepolitiquement correct et qui pense que laFrance doit maintenir à tout prix son rôle etsa puissance dans le monde comme il lemontre dans ses écrits de la Nouvelle Revued'histoire de Dominique Venner, ses publica-tions aux éditions Ellipses et ses interven-tions fréquentes sur Radio Courtoisie. Nousn'oublions pas qu'il fut l'un des fleurons del'Institut d'Action française où il nous fit plu-sieurs fois l'honneur de venir nous exposerses vues toujours prodigieusement éclai-rantes sur la politique des nations. q M.F.

o DÉFENSE

La République désinvolteConfronté au malaise des militaire, le ministre de la Défense les appelle à se taire sans aucun ménagement. De quoi nourrir leur défiance, en dépit des apparences préservées à l'approche du 14 juillet.

La réserve des militaire dans le débat publique serait« un devoir républicain » selon Gérard Longuet.

Courrier des lecteursUn lecteur critique nous exprime une relative sympathie au nom du pluralisme.

« Je suis un socialiste répu-blicain jacobin, de ceux quiont le choix aujourd'hui pourla prochaine élection prési-dentielle entre Arnaud Mon-tebourg, Jean-Luc Mélenchonet Jean-Pierre Chevènement.Si je ne souhaite pas quevotre influence grandisse, enrevanche je serais fâché quevotre courant politique soitprivé de moyen d'expression,et de ne plus pouvoir lirevotre journal lorsque j'en aienvie. Veuillez donc trouverci-joint une modeste contri-bution au pluralisme. »

Jean-Michel Dejenne

DernierhommageAlertés par l'article ci-contre, nos lecteursvoudront peut-être sejoindre à l'hommage renduaux militaires français mortsau cours d'une opérationextérieure.

Un protocole informel se meten place cet effet, apprend-on sur le blog Lignes dedéfense. Cela depuis letransfert de la cérémonied'accueil des corps auxInvalides, consécutif auxtravaux entrepris à l'aéroportde Roissy. « À l'initiatived'associations patriotiques etavec le soutien du gouverneurmilitaire de Paris », rapportenotre confrère PhilippeChapleau, « il a été proposé àtous ceux qui souhaitentrendre un dernier hommage àla victime de se rassembler aupassage du convoi (escorté pardes motards de la Garderépublicaine) sur les Champs-Élysées, peu avant l'entrée ducorps aux Invalides. » q

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o Selon La Quadrature du Net(15 juin 2011), le gouvernement« propose de donner à plusieursministères le pouvoir d'ordon-ner la censure de contenus [in-ternet] lorsqu'il est porté at-teinte ou qu'il existe un risquesérieux et grave d'atteinte aumaintien de l'ordre et de la sé-curité publics [...]. Les mesuresde censure [...] seraient prisespar le gouvernement, sans déci-sion de l'autorité judiciaire ets'appliqueraient en pratique àtoute forme de sites ou ser-vices d'information en ligne ».La mise en coupe réglée de nos libertés continue.

o Dans le même registre, le ci-devant porteur de valises FLN,Hervé Bourges, président du co-mité permanent de la diversité(sic) de France Télevision, re-grette que dans les journaux,comme dans les fictions, « ladiversité [soit] trop peu visible.Les hommes blancs en bonnesanté restent largement surre-présentées. » (Nouvel observa-teur, 28 juin 2011) La haine desoi et de ses aïeux, portée àune telle incandescence,confine au suicide mental.

o Hervé Bourges pourra seconsoler en regardant le nou-veau film de Roschdy Zem,Omar m'a tuer, qui réhabiliteOmar Raddad. À tort, d'aprèsl'avocat général près la Cour decassation, Laurent Davenas, quimaintient que le jardinier ma-rocain a bien assassiné sa pa-tronne le 23 juin 1991. Pourlui, « on a fabriqué un inno-cent. C'est le génie de l'avocatJacques Vergès. En politisantce fait divers, il en a fait uneaffaire exceptionnelle qui acoupé la France en deux. C'estdevenu l'affaire du jardiniermarocain face à la justice colo-niale. [...] Vergès est allé jus-qu'à comparer l'affaire Raddadà l'affaire Dreyfus. Je suis dé-solé, l'affaire Raddad n'est pasl'affaire Dreyfus. » (Le Point,22 juin 2011) Si la Justice est aveugle, le moins que l'onpuisse dire est que les médiasne lui redonnent pas souvent la vue.

o Mais les politiques ne sontguère mieux inspirés ainsiqu'en atteste l'ahurissant aveuconfié à La Tribune (19 juin2011) par le ministre belge desFinances, Didier Reynders, àpropos de la crise grecque :« Dès l'entrée de la Grèce dansla zone euro en 2001, on sa-vait les statistiques fausses. Jeprésidais l'Union européenne àcette époque. Les Européenssont donc pour partie respon-sables de la situation. » Onpeine à croire que de tels pro-pos inconséquents puisse êtreproférés par de hauts respon-sables politiques ! Il devienturgent de recouvrer chacun

nos souverainetés respectives,c'est-à-dire, nos libertés dechoix et d'action sans quecelles-ci soient appendues auxincompétences de dirigeantsdevenus illégitimes, ce, d'au-tant plus, comme l'assure l'éco-nomiste, Guy Millière, que« tous les économistes qui tra-vaillent à l'échelle de la pla-nète considèrent que le rêveeuropéen est achevé, et qu'ils'est achevé comme il devaits'achever : dans une atmo-sphère de crépuscule annoncia-teur de chaos » (Les 4 Verités,28 juin 2011). Suivonsl'exemple de la Russie qui exa-mine « une proposition de loivisant à dispenser la Russied'appliquer les arrêts de laCour européenne des droits del'homme [...] si la Cour consti-tutionnelle russe les juge [non]conformes à la Constitution »(Le Figaro, 27 juin 2011).

o Mais cela implique de dire lavérité aux peuples, ce qui né-cessite un certain courage pours'affranchir du politiquementcorrect. Comme celui du rec-teur de l'Académie d'Orléans-Tour qui déclare dans un entre-tien à La Nouvelle République(18 juin 2011) que « si on en-lève des statistiques les en-fants issus de l'immigration,nos résultats ne sont pas simauvais ni si différents deceux des pays européens. Nousavons beaucoup d'enfants del'immigration et devons recon-naître notre difficulté à les in-tégrer. Commençons par com-battre l'illettrisme de leurs pa-rents. » Comme on peut s'endouter, ce constat a fait scan-dale, ce qui a contraint le rec-teur à une semi-contrition pu-blique, en dévoilant à l'occa-sion ses origines immigrées.

o L'auto-flagellation repen-tante guette aussi Anne-MarieLe Pourhiet, professeur dedroit public et membre de l'in-fluente Association françaisedes constitutionnalistes, quiose renvoyer dos à dos les re-vendications homosexualisteset spécistes (qui défend l'indif-férenciation entre l'homme etl'animal), motif pris que leurégalitarisme militant revien-drait à consacrer juridique-ment des « aberrations », tan-dis que, dit-elle à juste titre,ces « Khmers roses » s'achar-nent, au contraire, à faire pas-ser pour aberrante « toute ex-pression d'une dissidence intel-lectuelle, immédiatementqualifiée de "phobie", c'est-à-dire de maladie mentale à éra-diquer par un traitement psy-chiatrique adéquat » (atlan-tico.fr, 14 juin 2011 et ValeursActuelles, 23 juin 2011). Marcher sur la tête serait pourtant si gay...

Aristide Leucate

z 6 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011

Société

Au fil de la presseOù les menteurs et autres faussaires se livrent à un révisionnisme orienté au bénéfice d'une idéologie hors-sol de déracinement et d'homogénéisation forcée du monde.

Né à Ténès, ville côtière àl'ouest d'Alger, le 24 juillet1931 dans une famille de

fonctionnaires d'origine kabyle mu-sulmane, attachée à la France,Ahmed Djebbour était diplôméd'une école de commerce. Sonfrère aîné était décédé lors descombats de la Libération à Mar-seille. Partisan du développementde l'Algérie dans le cadre du main-tien dans l'ensemble français, ma-rié selon le Code civil, AhmedDjebbour conduit son premiercombat électoral, sur le thème del'assimilation, comme candidat duFront national du combattant,créé par Jean-Marie Le Pen, à uneélection législative partielle à Pa-ris, en mars 1958. C'est en por-tant la contradiction en faveurd'Ahmed Djebbour, le 28 mars, lorsd'une réunion publique du candi-dat qui sera élu, Alexis Thomas,que Jean-Marie Le Pen sera très

gravement blessé à un œil. Sesprises de position publiques fe-ront qu'Ahmed Djebbour sera lavictime, le 26 juillet suivant, àParis, d'un très grave attentat. Mi-traillé par un commando FLN ausortir d'un restaurant devant leCollège de France, il sera laissépour mort, et sauvé après avoirété transporté à la clinique desGardiens de la paix.

Algérie française

Ahmed Djebbour sera élu quelquesmois plus tard, en novembre 1958,lors des premières élections lé-gislatives de la Ve République, dé-puté d'Alger, dans le cadre du col-lège unique d'électeurs. Il fait par-tie, à l'Assemblée nationale dugroupe "Unité de la République"qui défend l'Algérie française. Toutau long de son mandat, AhmedDjebbour se posera en partisan de

l'assimilation des Algériens dansle cadre d'une Algérie française.Il s'élèvera notamment contre lecouvre-feu qui visait les Algériensen octobre 1961, et avait fait par-tie de la commission d'enquêteparlementaire sur la manifesta-tion du 17 octobre 1961.

Une page se tourne après l'indépendanceAprès l'indépendance de l'Algériequi met fin à son mandat de dé-puté, Ahmed Djebbour cessera sacarrière politique et ne sera pluscandidat à aucune élection. Ins-tallé à Paris, il accomplira sa car-rière professionnelle au sein dela Compagnie d'assurances fran-çaise pour le commerce extérieur(Coface), en qualité de chargédes pays arabes, où sa connais-sance de la langue et de la men-talité arabes sera fort précieuse.Il sera ainsi en poste pendant plu-sieurs années en Libye. Bouleversépar le sort réservé aux ancienssupplétifs de l'armée, AhmedDjebbour les avait défendus encréant le Front national des ra-patriés français de confession is-lamique (FNRFCI) dont il a assuméla présidence jusqu'en 1974.Ahmed Djebbour et son épouseétaient parents de deux filles dontSoraya, enseignante, qui fut élueau conseil régional d'Île de Franceen 1986, sur la liste du Rassem-blement national, et siégea jus-qu'en 1992. Les obsèques de M.Djebbour ont eu lieu, dans l'inti-mité, le jeudi 30 juin, dans lecarré musulman du cimetière deThiais, où il repose désormais. n

Didier Béoutis

o RIP

Ahmed Djebbour M. Ahmed Djebbour, qui fut député d'Alger dans la première législature de la Ve République, de novembre 1958 à juin 1962, est décédé à Paris, le lundi 27 juin.

FÉMINISME

Surenchère de la majoritéLes propositions de l'UMPs'ajoutant aux initiatives dugouvernement, que reste-t-il à la gauche ?

SOUS LA HOULETTE de Jean-Fran-çois Copé, chantre notoire de laparité, l'UMP verse délibérémentdans la surenchère féministe. Entémoignent ses vingt-six proposi-tions présentées le 20 juin « pourarriver enfin à l'égalité ». Faisantécho au rapport de l'IGAS, le partisoutient que « les femmes pour-ront pleinement investir le mar-ché du travail quand notre visionde la parentalité aura évolué ».Aussi l'entreprise devrait-elle voiren ses salariés « une majorité demères et de pères [...] tous éga-lement susceptibles [...] deprendre un congé parental ». On nous annonce une profusionde quotas. Afin, par exemple,

d'« obliger les administrations àemployer 40 % de cadres supé-rieurs de l'un ou de l'autre sexed'ici 2015 ». L'UMP envisage mêmed'ériger la parité en obligationconstitutionnelle. Affichant la vo-lonté de « changer inexorable-ment les mentalités », elle ap-pelle à lutter contre les « sté-réotypes , accusés de « contrarierles talents et le potentiel de cha-cune et chacun ». Et de pointerles médias, qui mettraient enscène « un monde binaire, voirearchaïque ». Il conviendrait deplacer la publicité sous sur-veillance, avec « un examen sys-tématique » des campagnes d'af-fichage.

Dès la maternelle

Une autre proposition vise à « in-troduire, dès la maternelle, desséances consacrées à la mixité etau respect hommes-femmes ».Avec pour objectif « d'amener lesenfants à se sentir autorisés àadopter des conduites non sté-réotypées ». Autrement dit, à

s'émanciper de leur identitésexuelle... Dès la rentrée pro-chaine, les gender studies de-vraient d'ailleurs s'immiscer au ly-cée. Les programmes officiels desciences de la vie et de la terre(SVT) se sont gardés de les men-tionner explicitement. Mais lesmanuels scolaires n'observeraientpas la même timidité, si l'on encroit les Associations familialescatholiques. Celles-ci s'en sont in-quiétées auprès de Luc Chatel, leministre de l'Éducation nationale,qui ne leur aurait pas répondu.Le 31 mai, elles avaient lancé unepétition appelant à défendre « laliberté de conscience à l'école ».Affaire à suivre. n G.D.

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011 7 z

Monde

BELGIQUE

En attendant GodotLe francophone Elio Di Rupo poursuit sa mission de formateur avec unoptimisme très mesuré.

LES BELGES attendent Godot. Pour eux, le hé-ros d'Ionesco s'appelle Elio Di Rupo. À la pa-rution de ces lignes, celui-ci aura vraisem-blablement peaufiné son devoir d'été. On parled'une note, petit roman d'une centaine depages. Le best-seller de l'année ? On en douteet Di Rupo le premier. À des oreilles atten-tives, il aurait confié qu'il ne s'accordait à lui-même qu'une chance sur dix. Très insuffisantpour passer son bac !On sait que la note comprend une solutionpour BHV, l'arrondissement bilingue deBruxelles-Hal-Vilvorde, qui sera scindé. Quellesseront les compensations offertes aux fran-cophones ? Il y aura assurément des mécon-tents. On sait aussi que les allocations de chô-

mage seront majorées. Mais en contre-par-tie, elles seront échelonnées selon un prin-cipe dégressif, donc limitées dans le temps.Déjà des voix syndicales s'élèvent pour dé-noncer les capitulations du PS.

Collusion au parlement

Les critiques venues du camp socialiste sontavivées par les relations cordiales entretenuespar Didier Reynders, le ministre libéral des Fi-nances, et Bart De Wever, le président de laNVA, le parti nationaliste flamand. Il y aquelque temps, Reynders a introduit De We-ver au Cercle de Wallonie où il était l'invitédes patrons wallons. Rebelotte la semaine der-nière, Bart rendant la pareille à Didier – dansles deux langues – devant un public d'hommesd'affaires à Gand. Les présents se sont plu àsouligner leur humour, leur cynisme et leurcomplicité. De plus, libéraux francophones etNVA se sont retrouvés au Parlement pour dur-cir la politique d'immigration. Cela est-il an-nonciateur de la coalition à venir ?

Si on se limitait au socio-économique, sansnul doute. Mais l'institutionnel prime. Et c'estlà, pour reprendre l'expression consacrée, que« les Romains s'empoignèrent ». Le MR, Mou-vement réformateur, est une association departis où les libéaraux (majoritaires) sont as-sociés aux francophonissimes du FDF (Fédé-ration des démocrates francophones) et auxquelques chrétiens du MCC. Or, le présidentdu FDF, Olivier Maingain a fait un coup d'éclatà Matin Première (RTBF). Bart de Wever ?C'est l'égal de Jorg Haider qui glorifiait les SS,d'Umberto Bossi et son régionalisme xéno-phobe ou de Viktor Orban et ses milices entrain de fasciser la Hongrie. Rien que cela.Fureur dans les rangs libéraux où l'on s'efforced'arrondir les angles. Di Rupo va devoir as-sembler toutes les pièces du puzzle. Lamoindre déclaration intempestive (ou non)viendra les balayer. C'est dire qu'il ne suffitpas qu'on attende Godot et qu'il vienne pourrésoudre la quadrature du cercle .n

Charles-Henri Brignac

Ce samedi 2 juillet, la prin-cipauté de Monaco a vécuune de ces fêtes de famille

comme seules les monarchies peu-vent en connaître. Toute la po-pulation communiait dans la joieau bonheur de SAS le "prince sou-verain de Monaco par la grâce deDieu" Albert II, cinquante-troisans, épousant Mlle Charlène Witt-stock, trente-trois ans, anciennechampionne de natation, d'originesud-africaine.

Religion d'État

Tout s'est déroulé à la perfectiondans cette journée paradisiaqueet ceux qui, par pure méchanceté,avaient cru bon de faire courir desrumeurs de mésentente entre lesfiancés, ont reçu un cinglant dé-menti. Parmi les invités, on re-connaissait Albert II roi de Belgeset la reine Paola, Juan Carlos Ier

roi d'Espagne, de même que lesprinces de Savoie, de Suède, etMgr le comte de Paris et Madame,Mme Jacques Chirac très acclaméeà son arrivée par la populationmonégasque. Et, finalement, mar-chant le dernier sur le tapis rouge,comme le veut le protocole, leprésident de la République, Nico-las Sarkozy, fort acclamé, ayantlaissé pour quelques instants àBrégançon Carla enceinte, em-brassant Mme Chirac et faisant lebaise-main à la reine des Belges.Tout cela avant l'arrivée du Princesouverain qui, en uniforme de ca-rabinier, tout sourire et réelle-ment rayonnant, a accueilli la ma-riée au bras de son père dans sarobe splendide qui mettait en va-leur sa taille élancée. Alors lamesse a pu commencer.Heureux État dont le chef n'a pashonte de répondre aux prières,de faire ses signes de croix, sesgénuflexions, de recevoir la saintecommunion. On est loin du glacisde la laïcité. À Monaco le catho-

licisme se montre ; il est religiond'État (Charlène a dû s'instruiredu catholicisme et s'y convertir,pour pouvoir épouser Albert) etses habitants en sont fiers, touten marquant toutefois un certainetolérance envers les autres cultes.L'évêque de Monaco, Mgr BernardBarsi, a rappelé aux mariés le de-voir d'eux-mêmes et des enfantsqui naîtront de cette union defaire rayonner dans les institu-tions et dans l'esprit de la princi-pauté l'amour divin. À ce moment-là, Charlène, sortant de sa timideréserve, lança à Albert un regardangélique qui en disait long surleur volonté de fonder un foyer.La messe était rehaussée par leschants du chœur et l'orchestre del'opéra de Monte-Carlo, lesquelsont interprété la messe du Cou-ronnement de Mozart, puis unepièce de Camille Saint-Saëns, l'AveMaria de Schubert (nous nous per-

mettrons de préférer celui deGounod...) et une pièce de Haen-del. Puis a retenti l'éclatant Do-mine Salvum fac Principem nos-trum, qui arrache toujours deslarmes à la princesse Stéphanieet montre à la face de l'Europeapostate qu'à Monaco le laïcismeet les valeurs républicaines nefont pas la loi.

Pétales de roses

Puis les nouveaux mariés sont sor-tis et, passant sur la place du pa-lais, ont été inondés de pétalesde roses par la population moné-gasque, dont le prince connaîttout le monde par son nom et quin'avait rien laissé passer de la cé-rémonie retransmise sur desécrans géants. Moment haut enémotion aussi : celui où dansl'église Sainte-Dévote, la nouvelleprincesse essuya une larme en

écoutant une très jeune fille chan-ter d'une voie sublime le chant àla jeune martyre du IIIe siècle,sainte patronne de Monaco et dela famille princière. La mariée adéposé son bouquet sur l'autelcomme le font toutes les Moné-gasques le jour de leurs noces.

Continuité dynastique

Il est donc à présent marié, l'ac-tuel descendant du premier desGrimaldi, qui, fuyant Gènes in-festée par les Gibelins (adversairesdu pape), vint s'emparer en 1297de la citadelle avec l'aide desfrères franciscains, scellant ainsiun pacte avec l'Église qui devaittoujours plus se resserrer. AvecCharlène et les enfants qu'elle luidonnera, il lui revient d'accroîtrela grandeur de l' héritage, de mo-derniser la principauté tout enveillant à ce qu'argent et éthiquese conjuguent toujours et en res-tant fidèle à la tradition inaugu-rée par Albert Ier, son grand-père,de servir l'environnement et l'ave-nir de la planète.Albert II, qui tient fermement lesrênes de l'exécutif, a les moyenspolitiques d'y parvenir. Avoir à sescôtés une femme resplendissante,dans la tradition des somptueusesgrandes rencontres et des grandsfestivals qui se tiennent à Monaco,le servira. On s'évertue ici ou làà comparer Charlène à Grace quecinquante années séparent. Laprincesse Grace (1929-1982) futcertes la grande dame la plus dis-tinguée d'Europe au XXe siècle.Charlène, avec sa réserve et satimidité qu'elle vaincra, possé-dera en propre une autre formede beauté, bien à elle ; elle s'estdéjà pliée aux fastes de la prin-cipauté et s'affirmera bientôt dansson rôle. Souhaitons-lui d'avoirtrès tôt de nombreux enfants ; cesera pour elle le meilleur moyende régner sur les cœurs des Mo-négasques et des amis de Monaco,comme aussi de tant de Françaisqui ont rêvé ce samedi devantleur poste de télévision de re-trouver une famille à aimer, enqui s'incarneraient toute les joieset tous les espérances de la na-tion. L'État, quand il n'est pas in-carné par un être de chair et desang, n'est qu'un monstre froid. n

Michel Fromentoux

o MONACO

Des princes pour demainCélébré avec fastes, dans une principauté où le catholicisme demeurela religion d'État, le mariage d'Albert et Charlène contraste avec la grisaille républicaine qui règne sur la France.

L'État n'est qu'un monstre froid, quand il n'est pas incarné par un être de chair et de sang.

» HABSBOURG

Nous apprenons juste au mo-ment de boucler ce numéro lamort de l'archiduc Otto deHabsbourg. Ses funérailles au-ront lieu le 16 juillet à Vienneaprès un requiem à la cathé-drale Saint-Étienne. Nous re-viendrons dans notre prochainnuméro sur cette grande fi-gure européenne.

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z 8 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011

Monde

Les Américains ont eu l'Irak etl'Afghanistan. Pour fairebonne mesure, il manquait

la Libye à Sarkozy dont l'atlantis-mophilie n'a d'égale que sa courtevue instantanéiste, au prix d'unenlisement militaire et diploma-tique, que Juppé, désavouantpourtant le chef de l'État, n'a pasle courage de dénoncer en dé-missionnant.

La Libye clanique

Une délégation internationaled'experts dépêchée par le Centreinternational de recherche etd'études sur le terrorisme et d'aideaux victimes du terrorisme (CI-RET-AVT) s'est rendue en Libye enavril afin d'évaluer la situation.Dans son rapport publié le 30 maidernier, la délégation conclut sanscirconlocutions que « la "révolu-tion" libyenne n'est ni démocra-tique, ni spontanée. Nous sommesen présence d'un soulèvementarmé organisé de la partie orien-tale du pays [la Cyrénaïque], dansun esprit de revanche et de dis-sidence. » Ce constat n'est guèresurprenant en soi, si l'on se sou-vient des propos de l'africanisteBernard Lugan, en février 2011qui, décrivant la Libye comme unconglomérat de plus de cent cin-quante tribus, expliquait qu'« au-jourd'hui c'est tout le systèmed'alliance avec la Cyrénaïque quia volé en éclats. La date clé dusystème Kadhafi est 1993 quandun coup d'État des Warfallah [unedes deux principales tribus de Li-bye qui s'oppose aux Meghara deTripolitaine] fut noyé dans le sang[...]. Les tribus de Cyrénaïquen'attendaient qu'une occasionpour se révolter et elle se pré-senta durant le mois de février2011. Elles s'emparèrent alors dela région et arborèrent le dra-peau de l'ancienne monarchie. » Les rebelles créèrent, en février2011, le Conseil national de tran-sition (CNT), que la France, pre-nant ses partenaires européenspar surprise, s'est empressée de

reconnaître comme l'autorité lé-gitime en gestation. Or, la mis-sion d'expertise de la CIRET-AVTsemble plutôt sceptique sur lesintentions autant que sur la na-ture réelle du CNT : « Si l'on peutsouhaiter la fin du régime actuel,il importe, en toute équité, deformuler des réserves au sujet duCNT [...], coalition d'élémentsdisparates aux intérêts diver-gents, dont l'unique point com-mun est leur opposition déter-minée au régime. »

L'alibi monarchiste ?

La volonté d'en découdre etd'avoir la peau du tyran de Tri-poli, complaisamment relayée parles médias occidentaux, autorise,de fait, toutes les manipulations.La tentation de comparer ce con-flit inter-clanique, avec les "prin-temps arabes" de Tunisie et d'É-gypte a saisi jusqu'au vertige nosbelles âmes friandes de droit d'in-gérence et de démocratie accou-chée au forceps. Or, d'une part,comme le souligne le rapport d'ex-pertise, « la révolution libyennen'est pas [...] une révolte paci-fique [...] et n'a pas de racinessocio-économique », la Libye,

connaissant, par ailleurs, un desplus hauts niveaux de vie dumonde arabe. D'autre part, la cou-verture des événements de Libyea fait l'objet « d'exagérations,voire de désinformation pure etsimple ». Ainsi, par exemple, lerégime en place n'a jamais faitbombarder Tripoli et Kadhafi n'ajamais fait distribuer du Viagra àses troupes. Pis, c'est à partir deces bobards que « la résolution1973 de l'ONU a été votée [...]sans qu'aucune commission d'en-quête préalable ne se soit ren-due sur place » et que Kadhafiest poursuivi par la Cour pénaleinternationale. Rappelons que lesconvulsions révolutionnaires dumoderne royaume sunnite du Bah-reïn on été falsifiées par médiaset chancelleries, qui soutinrentles agitateurs islamistes chiites.En tout état de cause, il est ur-gent de raison garder, tant àl'égard de la presse dite "libre"qu'àcelui d'une opposition qui agite ledrapeau monarchiste, opportu-nément déterré pour mieux mas-quer le réveil du vieil irréden-tisme islamique. n

Aristide [email protected]

o CONTROVERSE

Quel alibi pour la Libye ?L'intervention française en Libye nourrit les controverses jusque dans nosrangs. Rapport à l'appui, les plus critiques ne manquent pas de pointer des luttes claniques, négligés par la vulgate médiatique.

LIBAN

Un gouvernement sous tensionsLe Liban s'est dotée d'un nouveau gouvernement, cinq mois après la démission du précédentcabinet présidé par Saad Hariri, fils de feuRafiq Hariri assassiné en février 2005.

CETTE DÉMISSION était intervenue à l'issue duretrait des ministres du Hezbollah, que le Tri-bunal spécial pour le Liban (TSL), mandatépar les Nations Unies, accusait d'être mêlé àce meurtre. Dans un premier temps, la Syrieet le régime du président Bachar el-Assadavaient été mis en cause, comme ils l'avaientété à l'occasion des cascades d'assassinats de

personnalités libanaises entre 2005 et 2009.Après le retrait syrien en mars 2005, un nou-veau clivage a divisé le pays du Cèdre. D'uncôté, malgré ce retrait, une majorité sunniteet une partie des chrétiens ont formé le groupedu "14 mars" (date d'une grande manifesta-tion contre l'occupation syrienne). De l'autre,le groupe du "8 mars" (référence à la mani-festation des nostalgiques de la présence sy-rienne) comprend essentiellement desmembres chiites du Hezbollah ; une partiedes chrétiens, notamment des proches du gé-néral Michel Aoun, l'ont rejoint afin de consti-tuer une majorité au parlement.Ce nouveau gouvernement, présidé par unsunnite, comporte une majorité de ministresdu courant du "8 mars" : un grand nombre dechrétiens du courant du général Aoun, desministres du Hezbollah et de l'autre mouve-ment chiite, Amal. Les personnalités sun-

nites proches de Saad Hariri, qui a quitté leLiban pour avoir été informé d'une menacepesant sur sa sécurité, ont refusé de parti-ciper. Elles se sont érigées en opposition à ce gouvernement qui leur semble à majorité pro-chiite.Le 30 juin dernier, le Tribunal spécial pour leLiban a remis son acte d'accusation, faisantétat de l'implication de quatre suspects ap-partenant au Hezbollah afin qu'ils soient dé-férés à La Haye. L'instrumentalisation de cetteinstance judiciaire internationale, contestéepourtant par bon nombre d'États, y comprisles États-Unis, réussira-t-elle à créer une ten-sion inter-communautaire au Liban et à le dé-stabiliser, à l'instar des manœuvres qui, surfond de démocratie et de liberté, sèment lechaos dans les autres pays arabes ? n

Élie Hatem

» TÉMOIGNAGE

Le prince Sixte-Henri de Bour-bon Parme s'est rendu récem-ment en Libye. Il a observédes manipulations médiatiquesrelatives au conflit, notam-ment les exactions de rebellessoutenus par des islamistescomme par les occidentaux. Ila été étonné de constater quela population de Benghaziavait été plutôt victime demassacres effectués par desmercenaires islamistes. À sonretour, il a stigmatisé une in-gérence française au nom dela "démocratie". q E.H.

CETTE OPÉRATION que l'on avaitprogrammée et espérée rapides'enlise. Le régime du colonelKadhafi, aussi exécrable qu'ilsoit, vu de l'Occident, répressifet largement liberticide, tienttoujours la majeure partie dupays et suscite même des mani-festations de masse en sa fa-veur. La "coalition" anti-Kadhafiagissant sous la bannière del'Otan se rétrécit. Les Améri-cains se tiennent pratiquementà l'écart et Washington pro-nonce surtout des diatribescontre le dictateur de Tripoli.La Belgique va réduire la pré-sence de sa force, d'ailleurssymbolique. L'Italie s'orientevers la même attitude. Lesforces norvégiennes aurontquitté le "front" d'ici à quelquesjours. Resteront les Français,les Britanniques, qui se font deplus en plus discrets, et... lesQataris, ou presque. L'opérationsera-t-elle bientôt exclusive-ment française ? La question vase poser peut-être.

Quel objectif ?

On pourrai demander alors quelest l'objectif de guerre de Pa-ris. S'agissait-il uniquement, ouprioritairement, d'une opéra-tion électoraliste visant à redo-rer le blason d'un président endifficulté dans les sondages,par une victoire militaire quel'on croyait facile et qui se ré-vèle compliquée ? Après l'envoides hélicoptères de combatfrançais, voilà qu'on révèle leparachutage d'armes aux re-belles par les services français.Est-ce conforme aux résolutionsonusiennes ? On peut en discu-ter sérieusement. La Russie, laChine, le Brésil, l'Afrique duSud et l'Inde expriment leurdésaccord. Le rapide voyage àMoscou d'Alain Juppé et seslongues conversations avec sonhomologue Sergueï Lavrov nesemblent pas avoir calmé lesRusses. Une partie de cesarmes ne va-t-elle pas passerentre les mains des islamistesdéjà très présents et très actifs

dans les rangs de la rébellion ?Un mandat d'arrêt internationalvient d'être lancé par le "tribu-nal spécial" de La Haye contrele colonel libyen et son filsaîné, Saïf Al-Islam. Au momentmême où ce mandat étaitlancé et rendu public, le prési-dent soudanais el-Bachir, luiaussi "recherché" par la "justiceinternationale", entamait unevisite d'État particulièrementmédiatisée à Pékin. Manière defaire savoir au monde entier lepeu d'efficacité de ces mandatslancés contre des chefs d'État.

Médiation africaine

Le dimanche 3 juillet, les chefsd'État et de gouvernement del'Union africaine, qui tenait unsommet dans l'ex-Guinée portu-gaise, ont proclamé à l'unani-mité qu'ils tenaient comme nulet non avenu ce mandat. Unvéritable camouflet. Ce tribu-nal fait malheureusement fi-gure d'un instrument de justiceaux mains des vainqueurs ou depuissances occidentales. Il se-rait temps de reconsidérer sonrôle, ses objectifs et le do-maine de sa compétence :simple moyen de pression poli-tique et médiatique au servicede quelques États, ou instru-ment et expression d'une véri-table justice au service desdroits fondamentaux del'homme ?La guerre de Libye, déjà dansl'impasse, s'enlise donc, et onn'ose à peine le dire ou l'écrire.Elle n'intéresse plus grandmonde. Mais la note à payerrisque d'être lourde. Et, pis en-core, la guerre pourrait ne pasêtre gagnée. Au moment oùnous écrivons, dimanche soir,une tentative de médiation dela Russie et de l'Afrique du Sud,s'esquisse. Cela serait peut-êtreun moyen honorable de sortirde l'impasse. D'autant plus qu'àTripoli on se montre, apparem-ment, plutôt favorable à unesolution de compromis. q

Pascal Nari

LIBYE

Un rapport d'étapeL'intervention franco-britannique en Libye vient de franchir le cap des cent jours. Le moment d'un bilan.

Des insurgés libyens à Benghazi

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Le 1er juillet dernier, les Ma-rocains se sont massivementrendus aux urnes afin de se

prononcer par référendum sur unenouvelle constitution qui, instal-lant le royaume dans une certainemodernité institutionnelle, con-firme du même coup l'"exceptionmarocaine" : un véritable régimemixte où l'affirmation de la dé-mocratie et la reconnaissance durôle du parlement n'entraînent paspour autant l'évanouissement dumonarque en tant qu'autorité po-litique. Bref, un système qui, pourreprendre les mots du doyen Ve-del à propos de Mohammed V,conduit « à réviser l'idée simplisteselon laquelle une monarchie peutengendrer la démocratie, mais parune sorte de dépérissement de lafonction royale ».

Décentralisation

Comme le roi Mohammed VI l'ex-pliquait le 17 juin dernier en pré-sentant à la nation le projet con-stitutionnel, celui-ci se veut unpas supplémentaire dans la voiede la démocratisation et de l'É-tat de droit. Et de fait, ce quel'on retient d'emblée de la lec-ture du texte, c'est une avancéedémocratique se traduisant à lafois sur un plan local - avec unedécentralisation centrée sur lerôle des régions -, et sur un plannational – avec l'affirmation ducaractère constitutionnel et par-lementaire de la monarchie. L'ex-pression « monarchie constitu-tionnelle », déjà présente dansla constitution précédente, signi-fie qu'il s'agit d'un système orga-nisé autour d'une norme fonda-mentale à laquelle doivent se sou-mettre toutes les institutions. Leterme « parlementaire », ajoutédans la nouvelle constitution, in-dique quant à lui le rôle centraldu parlement, ou plus exacte-ment, de la Chambre des repré-sentants, élue au suffrage uni-versel direct et dotée d'une légi-timité démocratique. En outre, ilsuppose, en face du corps légis-latif, l'existence d'un gouverne-ment politiquement responsable :en l'occurrence, un gouvernementdont le chef sera choisi par le roiau sein du parti ayant remportéle plus grand nombre de voix auxélections législatives, et qui de-vra recevoir l'investiture de lachambre. Au total, le texte éta-blit un régime parlementaire as-sez comparable à ceux de nom-breux pays développés.Et la similitude ne s'arrête pas là.En matière de droits et de liber-tés fondamentales, en particulier,la nouvelle constitution marocainese veut spécialement audacieuse,selon le souhait exprimé par leroi. De fait, elle ne se borne pasà énumérer, longuement, lesdroits reconnus aux Marocains,elle constitutionnalise aussi uncertain nombre d'organes chargés

de les garantir, transforme l'au-torité judiciaire en un véritable« pouvoir judiciaire », et fait duConseil constitutionnel une « Courconstitutionnelle » au caractèrejuridictionnel fortement affirmé.Enfin, détail non négligeable, lanouvelle constitution "sanctuarise"les droits et libertés en prévoyant,dans un article 175, que ceuxqu'elle a reconnus ne pourrontplus, à l'avenir, faire l'objet d'unerévision. En somme, ils ne pour-ront être remis en cause : dispo-sition très significative de l'orien-tation générale de la nouvelleconstitution.En même temps, celle-ci est tout,sauf banale : dans son contenucomme dans le contexte qui a pré-cédé à son élaboration, on peutmême y voir une manifestationsupplémentaire de l'"exceptionmarocaine". En effet, cette nou-velle constitution ne saurait, mal-gré la coïncidence chronologique,être considérée comme l'un desrésultats du (soi-disant) "prin-temps arabe" - et ce, pour aumoins deux bonnes raisons.

Mouvement sporadique

En premier lieu, les manifesta-tions révolutionnaires massivesqui se sont produites en Tunisie,en Égypte, au Yémen ou en Sy-rie, ont pratiquement épargné leroyaume du Maroc. Comme ontpu le constater les médias occi-dentaux, le mouvement dit du

"20 février" y est resté sporadique,disparate, quantitativement mo-deste et finalement marginal, neparvenant à toucher ni les masses,ni les élites. Au Maroc, la situa-tion était, il est vrai, infinimentmoins propice à de tels soulève-ments que partout ailleurs, en rai-son d'une identité nationale an-cienne et fortement affirmée, dulien immémorial existant dans cepays entre la monarchie et la na-tion, et enfin, d'un réformismeroyal qui contraste de façon sai-sissante avec l'immobilisme des-potiques des républiques arabes.C'est pourquoi ni les pouvoirs pu-blics, ni les structures constitu-tionnelles n'y ont fait l'objet d'unecontestation sérieuse.

Un vieux projet

Mais si la nouvelle constitution nedoit pas être interprétée commeune suite du "printemps arabe",c'est tout simplement parce qu'elleétait déjà "dans les tuyaux", long-temps avant qu'il n'éclate. Depuisson intronisation en 1999, Mo-hammed VI a ainsi développé une"nouvelle doctrine de l'autorité"qui s'est traduite, entre autres,par l'affirmation de droits nou-veaux, par la création d'instancesde protection et de garantie ouencore par la mise en chantier, enjanvier 2010, d'un vaste projet de« régionalisation avancée ». Au-tant d'éléments que l'on retrouveaujourd'hui dans la constitution

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Monde

o INSTITUTIONS

L'exception marocaine S'appuyant sur une identité forte et un roi réformateur, le Maroc se dote d'une nouvelle constitution. En dépit du "printemps arabe", c'estl'aboutissement d'un mouvement initié depuis des années.

COLLOQUE

Regards croiséssur le MarocS'IL FALLAIT aux Français, pré-venus contre le roi du Marocpar des media englués dansleurs préjugés et désireux devoir fleurir partout des "prin-temps arabes" dans le sang etl'anarchie, une explication de lalarge victoire du "oui" au réfé-rendum constitutionnel du1er juillet dernier, la journéed'études, organisée dans les lo-caux de l'ENA à Paris, le ven-dredi 30 juin, par l'Observatoired'études géopolitiques (OEG), larevue marocaine Remald et lafaculté de droit de l'universitéParis Descartes, la leur auraitfournie. Cela grâce à la grandequalité des intervenants, tantmarocains que français, qui ontprésenté des regards croisés etsouvent complémentaires surles différents aspects de la nou-velle loi fondamentale duroyaume, « constitution desdroits de l'homme » selon lespropres mots de Mohammed VI(discours du 17 juin).

Un débat stérile

On notera tout d'abord que cetexte, approuvé par le peupleà plus de 90 %, avec un taux departicipation de 73 %, lors d'unscrutin dont personne n'a pucontester la sincérité, est lefruit naturel de l'évolution dela question constitutionnelledepuis l'indépendance, présen-tée par le Pr Michel Rousset,"père" du droit administratifmarocain. Du reste, comme l'aremarqué d'entrée de jeuCharles Saint-Prot, directeur del'OEG, chercher un modèleétranger à la nouvelle constitu-tion marocaine serait un « dé-bat stérile », le Maroc étantune nation suffisamment an-cienne et politiquement struc-turée pour susciter son propremodèle. Loin d'être une ré-forme « conjoncturelle », elleconstitue « une évolution au-dacieuse dans la stabilité ». LePr Christophe Boutin a insistésur le fait que la nouvelle

constitution confirmait la légiti-mité du roi en tant que « ga-rant », « arbitre » et« moteur » du royaume, etconstitue donc un « nouveaupacte historique entre le trôneet le peuple ». D'ailleurs,comme l'a noté le Pr AbdellahHarsi, de la faculté de droit deFès, c'est à un rééquilibragedes pouvoirs et à leur sépara-tion réelle que le texte aboutit,au grand dam de ceux qui au-raient aimé que le roi du Marocperde tout rôle politique ; unroi pour lequel, a encore notéle Pr Benyahya, co-directeur dela Remald, « la réforme de lajustice », qui devient un véri-table pouvoir, « était une pré-occupation majeure ».Citant Edmund Burke (« Un Étatsans les moyens de changer seprive des moyens de se conser-ver »), le constitutionnalisteFrédéric Rouvillois a montrécomment ce texte « maroco-marocain » permettait « unecombinaison originale entreune monarchie pleine et en-tière et une authentique démo-cratie ». « Pour faire avancerle Maroc, a-t-il conclu, le roidoit continuer d'être un roi ».Le débat qui a suivi avec lasalle a permis notamment àMme Nadia Bernoussi et à M. Najib Ba Mohamed, deuxmembres de la Commissionconsultative pour la révision dela Constitution, de confirmercombien ce texte reprenait lesmemoranda que partis poli-tiques, syndicats et société ci-vile leur avaient soumis.Pour finir, Charles Saint-Prot aironisé sur ceux qui voudraientque « le roi du Maroc devînt lareine d'Angleterre », un « luxeinstitutionnel » que le pays nepeut pas se permettre. q

François Marcilhac

qui vient d'être adoptée, laquellen'apparaît donc ni comme une sur-prise, ni comme une révolution,mais bien comme l'accomplisse-ment d'un mouvement initié de-puis des années.De là provient aussi, du reste, unautre élément caractéristique :le fait que la constitution, parcequ'elle n'a pas été élaborée sousla pression de la rue, parce qu'ellea été longuement réfléchie etpréparée, n'abandonne pas enrase campagne les pouvoirs dumonarque - ce que font inévita-blement les constitutions révolu-tionnaires, qui sacrifient toujourssans hésiter les dirigeants vain-cus aux puissances victorieuses.Dans la nouvelle constitution, leroi, qui en est du reste l'initia-teur, con-serve une place cen-trale. Une place que, vu deFrance, on pourrait comparer àcelle du président de la Ve Ré-

publique - elle-même définie àl'origine comme un régime au-thentiquement parlementaire, enmême temps que comme une"monarchie républicaine". Repré-sentant suprême de l'État, ar-bitre, garant et gardien des ins-titutions, le roi du Maroc conserveles moyens d'agir en cas de blo-cage ou de menace, mais aussilorsqu'il lui apparaît opportun defaire évoluer le système. En dé-finitive, il reste le cœur agissantd'un véritable régime mixte :d'une combinaison inédite où lalégitimité démocratique coexisteavec la légitimité monarchique,conformément à la tradition etaux aspirations du pays. Et voilàpourquoi, le 1er juillet dernier, lesMarocains ont entendu plébisci-ter leur nouvelle Constitution,celle du roi et du peuple... n

E. Marsala

Le roi conserve une place centrale.

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s 'épanouir en Belg ique, enFlandre, une École de LaethemSaint-Martin. Devenu aujourd'huitrès résidentiel, c'était à l'époqueun petit village bordé par les eauxtranquilles de la Lys en lisière deGand. Les noms d'Émile Claus, deGustave et Léon De Smet, de FritzVan Den Berghe, d'Albinus Van DenAbeele (qui fut secrétaire com-munal d'Anthelme), de Permekefigurent dans l'ouvrage monu-mental des frères Haesaert. Leursœuvres sont dispersées dans lesmusées de Gand, de Loethem etde Deinze.Actuellement, à Laethem, le mu-sée Dhondt-Dhaenens 2 débordede ce cadre purement laethémoisen exposant une cinquantaine detoiles de la collection Tony Her-bert (1902-1959). Cet industrieldu textile courtraisien était unamateur d'art et un mécène. At-taché à sa terre natale, il concen-tra ses engouements sur l'expres-sionnisme flamand. Il en devient,de loin, le collectionneur le plusimportant. C'est donc une petitepartie de son trésor pictural quiest ici proposé, mais remarquable.Des Laethemois nous retiendronsGustave De Smet avec son Bal,

transposition des guinguettes deRenoir revues par Brel chantantLes Flamandes... Fritz Van DenBerghe et ses amoureux, campa-gnards robustes perdus dans leurrêve... Mais la révélation est sansnul doute les Brusselmans. Lepeintre avait des grands-parentsaubergistes qui tenaient dans unquartier de Bruxelles un cabaretrépondant au nom poétique de LaDemi-Lune. Son père était violo-niste et sa mère choriste à la Mon-naie. Parmi les toiles exposées,La Tempête, avec l'alternance d'unsoleil qui déverse ses rayonscomme les chutes du Niagara entorrent et les nuages d'un noird'ébène surplombant une barquede pêcheurs prise dans les vaguesmoutonnantes à l'image d'une toi-son. L'effet est extraordinaire.Dans une gamme bien différente,on aura un coup de cœur pour RikWouters, son portrait lumineux etcoloré de Madame Giroux, lafemme de son galiériste et sescroquis de Rel, sa propre femme,dans les scènes les plus humblesdu quotidien, Rik Wouters, mortde maladie à trente-trois ans. Au-tant de noms sans doute peuconnus des Français, et pourtantde grands artistes.

Visite aristocratique

Voilà pour les amateurs d'art. Ets'ils sont aussi des passionnésd'histoire, qu'ils ne manquent pasde visiter Gand. Une ville dontEdwige Feuillère nous louait« l'aristocratie des monuments ».Parmi les Gantois de naissance,il y eut Charles-Quint, MauriceMaeterlinck, Prix Nobel de litté-rature, et Pierre Degeyter, l'au-teur de la musique de L'Interna-tionale. Ce qui retiendra sansdoute davantage les lecteurs deL'AF, c'est l'hôtel Dhaene Steen-huyse, rue des Champs, en pleincœur de Gand. C'est là, durantles Cent Jours, que Louis XVIII si-gnait ses Édits « de notre châ-teau royal de Gand ». Gand oùse retrouvèrent Chateaubriand etAlfred de Vigny, mousquetaire grisdu Roy. Gand qui, au moins du-rant cent jours, fut « capitale duroyaume de France ». n

Charles-Henri Brignac

1 Musée Paul Valéry, tous les joursde 9 h 30 à 19 heures, jusqu'au31 octobre.2 Musée Dhondt-Dhaenens, tous lesjours sauf les lundis, de 10 heuresà 18 heures, jusqu'au 9 octobre.

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Arts & Lettres

LIVRES

Des souvenirsexhumésMichel-Bernard Cartron signe les Mémoires apocryphes de Louis XIX.

À L'ARTICLE de la mort, le ducd'Angoulême, redoutant de nuireà la réputation de son prochain,- rare souci ! -, brûla, dit-on, lesSouvenirs qu'il avait écrits. Laperte est grande, incontestable-ment, malgré les critiques et lesmoqueries entourant le fils aînéde Charles X.

Michel Bernard Cartron a pris lerisque de les réinventer, s'ap-puyant aux meilleures sources, etévitant l'écueil de singer le styledu temps. Il y a là de belles pages,surtout concernant les sentiments,réels et profonds, de Louis-An-toine de Bourbon envers sa cou-sine et épouse, Madame Royale.La princesse, qu'il appelait dansl'intimité « Gioia Mia » - ma joie -apparaît ici davantage la victimedu personnage tragique qu'elle in-carnait malgré elle, et dont ellene parvint pas à se défaire, quela terrible "Madame la Rancœur"peinte par les opposants. C'estune des découvertes qu'apportecette étude fervente.

Cependant, en dépit de l'extrêmeliberté que permet le genre desMémoires apocryphes, et la fa-culté ainsi offerte à l'auteur des'immiscer dans l'âme de son per-sonnage, n'eût-il pas mieux valudonner la grande biographie quepermettaient tant de rechercheset de réflexions ? Mais il est vraiqu'en renonçant à la fiction, il fal-lait juger et critiquer, démarchemalaisée quand l'affection de l'au-teur pour son personnage devient,comme ici, empathie véritable. n

Anne Bernet

3 Michel-Bernard Cartron, Louis XIX,Via Romana, 430 p., 24 s.

La période estivale est celledu farniente. Il n'est pas né-cessaire pour autant de

bronzer idiot. Les lieux de va-cances peuvent être aussi deslieux de culture. Profitons-en,élargissons l'horizon géogra-phique. Les cimaises de l'été nousont conduit dans le sud, sur lesrivages méditerranéens, à Sèteet, pour les Français, au nord duNord, à Laethem Saint-Martin prèsde Gand, en Belgique, à moinsd'une heure de Lille.

Paul Valéry et ses invités

Sète est une jolie ville où lesjoutes nautiques au son des tam-bourins attirent les aficionados etles touristes. Deux noms illustrentSète. Ceux de Brassens et de Va-léry. Tous deux reposent dans lecimetière marin. Le musée deSète, bordé par le cimetière, apris le nom du poète et une salleentière est consacrée à Paul Va-léry. « La mer, la mer toujoursrecommencée... » Cette mer tantchérie, un beau coquillage nacréla lui faisait entendre sur sa tablede travail. Dans les vitrines oùs'ordonnent des croquis, deslettres, des poèmes , il y a le pre-mier manuscrit du cimetière ma-rin. « Ce toit tranquille où mar-chent les colombes... » Valéry,très jeune, est taraudé par l'au-delà. Sur un feuillet écrit entreses treize et quinze ans, on peutlire : « Je veux m'en aller toutlà-haut. » À cette aspiration ju-vénile se mêle un sentiment derévolte : « Quel est ce Dieu quinous lie sur la terre perfide etfausse ? » Le poète s'y essaya :« Le vent se lève. Il faut tenterde vivre. » Le portrait de Paul Valéry par laduchesse de La Rochefoucauldmontre un homme déjà âgé, dontla distinction naturelle accom-pagne les angoisses métaphy-siques. Le musée qui porte sonnom a été rénové l'an dernier.Avec bonheur. Une expositionDufy, pour sa réouverture, avaitfait recette. Cette fois, il ouvreses salles à Juan Gris 1. Son noms'inscrit entre ceux de Braque etde Picasso. Il fait la connaissancede ce dernier et d'Apollinaire lors-qu'il arrive à à Paris en 1906 ets'installe au Bateau-Lavoir. Avecson prénom de Grand d'Espagne,il acquiert très vite une place ori-ginale dans le cubisme. Sesthèmes d'inspiration sont simples ;souvent ils appartiennent au quo-tidien : une tasse, un livre, unverre et un journal. Il s'explique :« Je compose avec des abstrac-tions et j'arrange quand ces cou-leurs sont devenues des objets.[...] J'arrange le blanc pour lefaire devenir un papier et ce noirune ombre. » À Braque, qui d'unebouteille fait un cylindre, il ré-pond : « D'un cylindre je fais unebouteille. »

Parmi les œuvres exposées, peulaissent indifférent. On devraitdire aucune. Certaines retiennentdavantage l'attention, tels L'Ar-lequin à la guitare, Le Tambou-rinaire ou encore cette Maison àBeaulieu, dont les formes géo-métriques, loin de l'étouffer, sus-citent le rêve en vert et gris ar-doise. L'exposition rassemble desœuvres venues tant de collectionspubliques que de collections pri-vées. Juan Gris, mort jeune, àquarante ans, avait conscience desa singularité. Évoquant sa pein-ture, il la comparait à « l'autre »et disait qu'elle était « ce que lapoésie est à la prose ».

Les artistes de Sète

Ce serait un tort, après avoir ad-miré Juan Gris, d'ignorer le fondspermanent du musée. Sans vou-loir établir un catalogue, quelquestoiles, quelques noms retiennentle regard des Sètois, parmi euxcomme il se doit. Gabriel Cou-derc, né à Sète en 1905, devintconservateur du musée. Qu'ils'agisse du Souk d'Alep ou de sonBoulanger, on est séduit par ladouceur des couleurs de cet amide Dufy qui fonda l'École de Sète.Toussaint Roussy est un autre Sè-tois. Lui appartient au XIXe siècle,même s'il meurt en 1931. Son ta-bleau À bord de Hérault (1897)relève d'un académisme réussi.Devant un vieil officier assis et li-sant, un mousse raide comme lajustice, tenant un fusil plus grandque lui. L'académisme n'exclut pasl'humour. Nous citerons encore cesVoiliers à Sète, dus à Albert Mar-quet, où les bleus très pâles etlumineux se conjuguent au blanccassé, des couleurs délicates etune jolie scène. Du Marquet, toutsimplement.Laissons voguer ces voiles gon-flées de mistral et mettons le capsur le Nord. S'il existe une Écolede Sète, la fin du XIXe siècle, ledébut du XXe, ont vu naître et

o PEINTURE & HISTOIRE

Les cimaises de l'étéDu Nord au Sud, de Sète à Laethem Saint-Martin, le patrimoine s'offre à des multiples escapades culturelles. Rencontre avec Paul Valéry, GabrielCouderc, Toussaint Roussy, les artistes de la collection Tony Herbert...

ROMAN

Souvenir et douleurÀ DOUZE ANS, Steven déses-père d'être un garçon commeles autres. À l'absence dupère, à l'exaspération d'unemère qui s'échine à faire,seule, vivre ses enfants,s'ajoute la présence obsé-dante de sa grand-mère, mu-rée dans le chagrin et le dénidepuis qu'un soir d'été des an-nées quatre-vingt, Billy, sonfils de onze ans, parti jouersur les landes derrière la mai-son, n'est jamais rentré...Victime d'Arnold Avery, tueuren série qui désolait alors leDevon et enleva, viola, tor-tura et étrangla une douzained'enfants. Mais Avery n'a ja-mais reconnu certains crimes,ni, par conséquent, acceptéde dire ce qu'il avait fait descadavres. Et cette incertitudedétruit tout. Alors Steven s'estmis en tête de retrouver sononcle. D'abord en creusantfollement la lande en quêted'un corps à rendre à sagrand-mère, puis, devantl'inanité de ses recherches, ens'adressant directement à l'as-sassin. Mais, si déterminé etintelligent qu'il soit, que peutun garçon de douze ans faceà un pervers prédateur de lapire espèce ?Avec Sous les bruyères, Be-linda Bauer donne bien autrechose qu'un très remarquableroman policier dont l'étran-geté est d'être achevé - onsait qui a tué qui, comment etpourquoi, le coupable purgesa peine depuis longtemps -au début de l'intrigue. Sonlivre est une interrogation lan-cinante sur le souvenir, ladouleur, le désespoir, les ra-vages du mal qui s'étend, per-dure, taraude sans que letemps puisse rien apaiser.Aussi sur les liens familiaux,cet amour, cette tendresseque, trop souvent, l'on ne saitpas exprimer et qui revêtentune intolérable dimension encas de malheur. Étonnammentprofond donc, ce qui ne nuitnullement au suspense. q A.B.

3 Bel inda Bauer, Sous lesbruyères, 10-18, 295 p., 7,80 s.

La Tempête par Jean Brusselmans

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Arts & Lettres

L'avantage des Anciens, c'estque leurs lecteurs et leurscommentateurs ont, en prin-

cipe, toujours su à quoi s'en te-nir et, partant, se sont montréscapables de sens critique. Nuln'ignorait que La Guerre desGaules soutenait les visées de Cé-sar à gouverner non la Celtiquemais Rome ; que Salluste, né dansles heurts des guerres civiles, ré-glait des comptes encore trèsfrais ; que Tite-Live, un peu plusjeune, portait sur l'œuvre augus-téenne un regard d'espoir quiorientait son travail ; que Sué-tone et Tacite, venant après lalamentable agonie de la dynastiejulio-claudienne, l'accablaient afinde mieux mettre en valeur la re-construction des Antonins ; etqu'Ammien Marcellin, grand ad-mirateur du malheureux Julien,entonna le chant du cygne d'unecertaine conception du pouvoirimpérial et du paganisme. S'yajoute un chapitre passionnantsur une figure mystérieuse qui abeaucoup fasciné les érudits, cellede l'auteur, ou des auteurs, affu-blé d'identités invraisemblables,de l'Histoire auguste, détonnantbouquin où il demeure délicat dedémêler la réalité du canular.Ratti propose un nom, celui deFlavius Nicomachus, éclairant l'his-toire de ce dernier païen engagédans une lutte perdue d'avancecontre Théodose, qui se suicidaau soir de la défaite du Frigidus.Cette révélation ajoute à l'estimeque les connaisseurs portaientdéjà à l'homme.

Références du passé

Tous également sincères dansleurs ambitions, leurs convictions,leurs haines ou leurs regrets, ceshistoriens n'avaient point, semble-t-il, le sentiment de manquer àla vérité en exposant leur proprevision des événements. Si, avecle déclin des études classiques,ces auteurs ne représentent plusles références incontournablesqu'ils furent pour tant de géné-rations, ils n'en demeurent pasmoins présents dans le cursus uni-versitaire, et au programme del'agrégation de Lettres classiques.C'est à ce titre que les profes-seurs Stéphane Ratti, Paul-MariusMartin, Jean-Yves Guillaumin,Étienne Wolff ont uni leurs com-pétences afin d'offrir aux agré-gatifs et à tous les latinistes unremarquable précis, Écrire l'His-toire à Rome, qui présente vie,style, vues, œuvre et particula-rités de chacun de ces auteurs,puis propose un exemple de com-mentaire de texte. C'est intelli-gent, concis, indispensable. Bernard Mineo suit une démarcheparallèle, à un niveau nettementplus spécialisé, avec son remar-quable et très complet Tite-Liveet l'histoire de Rome. Outre les

difficultés inhérentes aux lacunesd'un texte dont les deux tiers nenous sont pas parvenus, Tite-Liveobéit, pour autant qu'il soit pos-sible d'en juger à travers les livresen notre possession, à une logiqueinterne à plusieurs niveaux, com-plexe, ambitieuse, régissant aussibien la construction de l'ouvrageque son contenu. Sa conceptioncyclique du destin de Rome incitele Padouan à distinguer des phasesd'expansion, de croissance, liéesaux qualités intrinsèques de larace latine, et des phases decrises mettant en péril l'existencede la romanité, liées aux défauts,non moins intrinsèques, de cesRomains tout aussi enclins queleurs voisins gaulois à s'entredé-chirer, sans même l'excuse de pas-sions barbares. Tout aussi cycli-quement, de grands hommes, in-carnations des vertus de ce peuplehors du commun, surgissent pourenrayer cette course à l'abîme etrouvrir les portes d'un avenir ra-dieux. À l'heure où Tite-Live clôtson œuvre, Auguste incarne cedernier avatar de l'âme romaine,et il parie sur lui, comme le fi-rent Horace ou Virgile. À cettedifférence près que Tite-Livesemble être mort trop tôt pouravoir le temps de vérifier la jus-tesse de ses intuitions, et consta-ter les avantages qu'il supposaitau Principat. Un ouvrage de spé-cialiste, mais remarquablementintéressant.

Panorama des auteurs

La grande originalité, et l'incon-testable mérite, de Marie-PierreArnaud-Lindet et de son essai,Histoire et politique à Rome, leshistoriens romains, est de sortirdes chemins balisés pour entraî-ner son lecteur à la découverted'auteurs dont nous ne savons plus

rien, ou presque, et proposer uncatalogue quasi-exhaustif de l'his-toriographie romaine, d'expres-sion latine ou grecque car Polybe,Denys d'Halicarnasse, Plutarquetiennent leur place dans cet ex-posé. Après avoir rappelé dansquelles circonstances l'on deve-nait historien à Rome, les condi-tions de publication d'un ouvrage,celles, plus délicates, de sa trans-mission, ce qui explique la perteirremplaçable de tant d'œuvres,Mme Arnaud-Lindet resitue chacundans son contexte, étudie l'évo-lution des écoles historiques, l'ap-parition des Annales, des His-toires, des Mémoires, de la bio-graphie, rattache à chaque genre,période par période, les noms, àdéfaut des textes disparus, toutcela des origines à la chute del'empire, sans oublier l'irruptiondu christianisme dans le tableau,avec les Actes des Martyrs. Uneseule erreur de détail à lui im-puter, qui lui fait confondre Lu-cius Calpurnius Bibulus, le beau-fils de Brutus et son biographe,avec son père, le consul MarcusCalpurnius Bibulus, piètre collèguede César en cette magistrature.

Retour aux textes

Mais pourquoi ne pas aller direc-tement aux textes ? La collection"La véritable histoire de..." le per-met, en proposant, dans de bonnestraductions, les principaux pas-sages des différents historiens quiont écrit sur les grandes figuresde l'antiquité, grecque, sous cou-verture bleue, romaine, sous cou-verture rouge. En ce domaine, ilfaut signaler, parmi les dernièresparutions, un Pompée de ClaudeDupont et un Constantin de PierreMaraval. L'intérêt de cette sérieest de regrouper et mettre à por-tée de main des écrits dispersés,

parfois d'accès malaisé, qu'il fau-drait sans cela aller collecter demanière aléatoire ici ou là, puisde les ordonner de façon chrono-logique, en proposant des transi-tions entre les passages et les au-teurs. Le défaut, inhérent à l'en-treprise, qui ne se veut pas untravail biographique, est de n'avoiraucun recul critique et de réduirele commentaire au strict mini-mum. Il appartient à chaque lec-teur de tirer le meilleur de cesbases de données érudites, trèscomplètes, qui dessinent des hé-ros des portraits certes antiquesmais disparates et parfois contra-dictoires.

Regard du XIXe siècle

Si les historiens de jadis ne furentpas à l'abri des reproches, ceuxplus proches de nous ne le sontpas davantage, ce que démontrela réédition d'un livre oublié deJules Michelet, son Histoire ro-maine. Écrit à partir du cours dis-pensé en 1829-1830 aux norma-liens par un professeur de trenteans sur les origines de Rome et laRépublique, cet ouvrage a lescharmes de la jeunesse, et bonnombre des défauts de la matu-rité de son auteur, que la passionpolitique aveuglait jusqu'à lui faireapprouver, dans son Histoire deFrance, les pires atrocités de laTerreur. Même jeune homme, Mi-chelet a déjà un système auquelil s'accroche et dont il ne veut pasvarier. Qu'il parle de la France oude Rome, il écrit l'épopée dupeuple, « le bon géant », et nevoit dans les « grands hommes quedes nains » tentant de se fairepasser pour des titans en se ju-chant sur les épaules de la foule.Le parti pris peut, d'emblée, aga-cer. D'ailleurs, le texte a vieilli,non par le style et l'art du récit -

Michelet, qu'on l'aime ou pas, yétait passé maître et le demeure -mais par l'apport de l'archéologieet de la recherche à notre connais-sance du passé depuis bientôtdeux siècles. Michelet le savait,qui s'était, déjà en 1866, et envain, opposé à une réédition quilui semblait inutile, voire nuisible.Toutefois, telle quelle, avec sesfaiblesses et ses morceaux de bra-voure, cette Histoire romaineconstitue, outre un agréable mo-ment de lecture, un intéressanttémoignage sur la manière donton appréhendait le monde romainvoilà deux cents ans.

Passion communicative

Mais pourquoi m'en défendrais-je ?Il existe une autre façon d'écrirel'histoire de Rome à laquelle vontmes préférences, et c'est celle deLucien Jerphagnon. En dépous-siérant avec une tendresse pleinede verve et de passion, voire unpeu iconoclaste, les vieux ma-nuels, le professeur Jerphagnon arendu à bien des gens, et j'en faispartie, le goût de Rome et de laromanité. Avec lui, tout existe,bouge, le sublime et le ridicule secôtoient, comme les grandeurs etles bassesses ; les hommes, figésdans les parchemins et les bustespoussiéreux, retrouvent une viequi les rend étonnamment prochesde nous, pour le meilleur et pourle pire. Sa biographie, Julien ditl'Apostat, rééditée en formatsemi-poche, possède cette extra-ordinaire fraîcheur, cette intelli-gence, cette complicité avec lepassé, cet humour qui rendent ir-résistibles et séduisants tous seslivres. Jerphagnon aime Julien,intellectuel égaré dans une fa-mille impériale où l'on s'entretuesans vergogne tout en se disantchrétien, et qui revient, par dé-goût, au Soleil invaincu des an-cêtres illyriens. Erreur manifestecar Julien, redevenu païen, est enfait un chrétien, et même un mys-tique, qui s'ignore et croit pou-voir transplanter les vertus duchristianisme au sein d'un paga-nisme moribond incapable de lesassimiler. Ce serait cocasse si cen'était tragique à pleurer de pitiésur le destin gâché du jeune em-pereur. Il faut un talent hors ducommun, et une immense érudi-tion, pour rendre si présent, si ac-tuel, ce tournant du IVe siècle, etdonner un livre qui, chose deve-nue trop rare parmi les universi-taires, se lit comme le plus pal-pitant des romans. n

Anne Bernet

3 Stéphane Ratti : Écrire l'his-toire à Rome, Les Belles Lettres, 385 p., 19 s.3 Bernard Mineo : Tite-Live et l'histoire de Rome, Klincksieck,375 p., 33 s.3 Marie-Pierre Arnaud-Lindet : His-toire et politique à Rome, PressePocket, 440 p., 10,30 s.3 Claude Dupont : La Véritable His-toire de Pompée, Les Belles Lettres,210 p., 13 s.3 Pierre Maraval : La Véritable His-toire de Constantin, Les BellesLettres, 200 p., 13 s.3 Jules Michelet : Histoire romaine,Les Belles Lettres, 635 p., 29 s.3 Lucien Jerphagnon, Julien ditl'Apostat, Tallandier, 355 p., 10 s.

o LIVRES

Historiens de RomePas plus à Rome qu'ailleurs, jamais le métier d'historien ne fut dépourvu d'a priori politiques. Il y a d'autantmoins lieu de s'en scandaliser qu'il s'agit là d'une constante humaine … Écrire l'histoire, c'est la réécrire en fonction de ses choix, son époque et son public. Cela n'exclut ni le talent ni même l'honnêteté.

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(on croit rêver !) ; faire un pleind'essence n'effrayait pas encoreles automobilistes, mais un pre-mier choc pétrolier eut lieu enoctobre 1973, conséquence du dé-clenchement de la guerre du Kip-pour (Israël contre États arabes).Et la facture pétrolière augmentavertigineusement. La France sedevait de protéger son indépen-dance énergétique, d'où la déci-sion de multiplier les investisse-ments dans le domaine du nu-cléaire.

Dignité dans l'épreuve

Mais le bel enthousiasme pour lamodernité s'estompait. Il fallutvoter une loi anti-casseurs ; lesécologistes et les anti-militaristesse faisaient bruyamment en-tendre, la loi Royer votée fin 1973limitait l'ouverture des grandessurfaces et la gauche se retrou-vait unie sur un programme com-mun autour de François Mitter-rand. La question sociale deve-nait périlleuse (occupation del'horlogerie Lip à Besançon pourun essai d'autogestion).Pendant ce temps, la santé duprésident Pompidou s'altérait àvue d'œil. Encore en pleine formeau moment de la mort de son an-cien maître, le 9 novembre 1970(« La France est veuve », dit-il ce

jour-là - les victimes de la ré-pression féroce des combats del'Algérie française apprécièrentde façons diverses). Lassé des in-cantations de Jacques Chaban-Delmas sur la "nouvelle société" -une société ingouvernable -, il leremplaça en 1972 à Matignon parPierre Messmer. Mais il se savaitatteint par la maladie de Wal-denström et les corticoïdes ren-daient son visage extrêmementbouffi. Il réagit à la maladie avecun courage remarquable jusqu'au2 avril 1974 à 21 heures où il ex-pira dans son bel appartement del'île Saint-Louis.Que reste-i l aujourd 'hui deGeorges Pompidou ? Les Françaissont 74 % à juger favorablementson action ; ils ont été impres-sionnés par son courage en fin devie et par les progrès qu'il fit réa-liser au pays. Ils gardent le sou-venir d'une vie facile, peu chèreet sans grand souci du lendemain.Mais ce n'est pas cela le bonheur !Lui-même a beaucoup réfléchi etses réflexions sur la politique nousrévèlent un homme profondémentdésabusé.

Pompidou et Maurras

On se souvient qu'au centenairede l'école de Sciences Po, en dé-cembre 1972, il abandonna ledogme utopiste de la démocratieet, sans crainte de déplaire à l'in-telligentsia, il cita Maurras quiavait « prévu le monde actuel ».Il reprit alors la thèse de Kiel etTanger où notre maître dissertesur le rôle de la France, nationmoyenne, par rapport à un monde« composé de deux systèmes : plu-sieurs empires avec un certainnombre de nationalités, petitesou moyennes, dans les entre-deux ». Et M. Pompidou de conti-nuer de citer Maurras : « Unmonde ainsi formé ne sera pas desplus tranquilles. Les faibles y se-ront trop faibles, les puissantstrop puissants et la paix des unset des autres ne reposera guèreque sur la terreur qu'auront sus'inspirer réciproquement les co-losses. Société d'épouvantementmutuel, compagnie d'intimidationalternante. » Suivit alors une vé-ritable paraphrase de Maurras :pour la France, il faut faire de laforce (démographique, écono-mique, militaire) ; coopérer avecles pays faibles et dispersés ; re-grouper ses forces avec d'autres« en fonction des réalités histo-riques, géographiques et hu-maines ». Ce réalisme l'attiraitchez Maurras, mais comment haus-ser le débat à ce niveau quand onest en plein régime d'irresponsa-bilité démocratique ?Dans son livre Le Nœud gordien,publié peu après sa mort, il ne sefait pas plus d'illusion : La com-plexification de la société est de-venue telle qu'on peut se de-mander si l'on dénouera la situa-tion « en imposant une disciplinedémocratique garante des liber-tés ou si quelque homme fortet casqué tirera l'épée commeAlexandre ». Belle lucidité surl'aptitude de la démocratie à sau-ver un ordre quelconque. Ce sageest sans doute mort trop tôt.Après lui, ses successeurs ont déjàpresque tout liquidé. n

Michel Fromentoux

z 12 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011

Histoire

Le 5 juillet dernier, GeorgesPompidou, président de laRépublique de 1969 à 1974,

aurait eu cent ans. Cet hommeaux antipodes de notre familled'esprit avait le sens de l'État : ilfut le dernier personnage de laVe République qui eût l'étoffe d'unhomme d'État. Après lui, on neconnut plus que des rigolos, desectoplasmes remuant beaucoupde vent dont le dernier avatar estNicolas Sarkozy.

De Matignon à l'Élysée

Georges Pompidou, né le 5 juillet1911 à Montboudif dans le Can-tal, petit-fils d'agriculteur, filsd'enseignant, pouvait porter unnom qui prêtait à sourire la pre-mière fois qu'on l'entendait, maisil émanait de lui un bon sens pay-san qui rassurait plus d'un Fran-çais. Élève brillant des lycéesd'Albi et de Toulouse , premierprix de version grecque au Con-cours général en 1927, il entra àl'École Normale supérieure en 1931et fut reçu premier à l'agrégationde lettres trois ans plus tard, puisil enseigna les lettres supérieuresau lycée Henri IV à Paris. GeorgesPompidou accomplit ses obliga-tions militaires à Saint-Maixent.Puis, tandis qu'il enseignait enclasses d'hypokhâgne, il ne s'en-gagea guère sous l'Occupation ;néanmoins, des amis gaullistes luiobtinrent un poste de chargé demission au cabinet du présidentdu gouvernement provisoire de laRépublique.Maître des requêtes au Conseil d'É-tat, il demeura un conseiller trèsproche de l'exilé volontaire de Co-lombey-les-Deux-Églises, puis ilentra à la banque Rothschild en1954 comme directeur. Le 14 avril1962, le grand liquidateur de l'Al-gérie française le nomma Premierministre, poste que Georges Pom-pidou faillit perdre dès l'été quandil mit sa démission en jeu poursauver le général putschiste Ed-mond Jouhaud qui aurait été alorsfusillé pour le crime d'avoir voulugarder une province à la France.Preuve remarquable de courageet d'indépendance d'esprit, faceà un président sans cœur et sanshonneur. Premier ministre,Georges Pompidou devait le res-ter de 1962 à 1968, ce qui consti-tue un record de longévité à ceposte. Ses rapports avec l'hôte del'Élysée ne furent pas sans heurts,bien que très vite Georges Pom-pidou apparût comme le dauphin.Après mai 1968, reprochant auchef de l'État de ne pas l'avoir pré-venu de ses intentions, il démis-sionna. Il se tint alors « en réservede la République »... Mais en avril1969, le fondateur de la Ve Répu-blique, vexé par l'échec de son ré-férendum sur la régionalisation,se décida enfin à laisser le fau-teuil vide à l'Élysée...

Aussitôt, Georges Pompidou se dé-clara candidat, soutenu parpresque tous les gaullistes. Lagauche n'étant alors rien moinsqu'unie, il se trouva que son seulvrai rival fût Alain Poher, prési-dent du Sénat, que les sondagestenaient pour vainqueur. Mais leCantalien sut renverser la ten-dance. Aspects de la France nese félicitait pas du choix proposéaux Français, car Alain Poher - unfort honnête homme par ailleurs -ne cachait pas un européisme for-cené, alors que Georges Pompi-dou depuis déjà longtemps,se rapprochait des thèses favo-rables à "l'Europe unie" ; nous dé-nonçâmes ce scrutin Pompi-Poher.Cela n'empêcha pas Georges Pom-pidou d'être élu le 15 juin par58,21 % des voix et il entra enfonction dès le 20 juin , nommantce jour-là Jacques Chaban-Del-mas Premier ministre.

Premières inflexions

Dès les premiers mois de la pré-sidence, on assista à une relancede "l'Europe", avec le triptyquede rigueur « achèvement, appro-fondissement, élargissement ».On assouplit la politique gaul-lienne à l'égard des États-Unis.Pour le reste, on poursuivit la po-litique pompidolienne de moder-

nisation de la France commencéequand il était Premier ministre,avec la réalisation de grands pro-jets (Airbus ou le TGV). On eutbeaucoup moins à se féliciter desidées de Georges Pompidou enmatière d'urbanisme : ce futl'époque où l'on détruisait desquartiers entiers dans de vieillesvilles historiques pour construiredes voies express ou des tunnelscomme celui de Fourvière à Lyon.Le périphérique parisien et l'aé-roport international de Roissy da-tent de ce temps-là. Ainsi que lecentre d'art contemporain devenu,depuis, le centre Pompidou, cemonstre de laideur...

Fin des Trente Glorieuses

L'Europe s'échafaudait peu à peu.Un référendum eut lieu approu-vant l'élargissement de la CEE auDanemark, à la Norvège, à l'Ir-lande et au Royaume-Uni (68,3 %de "oui" mais 40 % d'abstentions -cela ne passionnait déjà pas beau-coup les Français...). En mêmetemps on assistait à la montée dequelques jeunes loups commeJacques Chirac que M. Pompidouappelait « mon bulldozer ».On sentait quand même la fin des"Trente Glorieuses" : la Francecomptait déjà 421 000 chômeurs,soit 2,7 % de la population active

o POMPIDOU

Un homme d'État républicainCent ans après sa naissance, que reste-t-il de Georges Pompidou ? Son passage à l'Élysée fut marquépar l'élargissement de la CEE, de grands projets industriels, un urbanisme controversé... Mais aussi par les réflexions d'une intelligence désabusée, sinon critique vis-à-vis des illusions démocratiques.

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011 13 z

Idées

NOTRE

JOURNAL

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Pour lui permettre

de vivre,

abonnez-vous,

faites des abonnés !

Il ne faut jamais se fier aux ap-parences. Quand je vous ai vula première fois, il y a vingt ans

à Rezé, j'ai songé au professeurNimbus – une vague ressemblancephysique peut-être ! Or, il me fautle reconnaitre, vous êtes tout saufextravagant. Vous savez parfaite-ment utiliser une recette éprou-vée pour "noyer le poisson" sur unsujet dérangeant : rien de mieuxque d'agiter l'épouvantail de l'ex-trême droite, surtout auprès dulectorat de base "bobo" du Mondeet de Marianne ! Mais pourquoiasséner le coup bas à l'Action fran-çaise plus particulièrement ?

Lettre aux députés

Vous affirmez à Marianne 2 (6 juin2011) : « En adressant une lettresur la nationalité aux députés,Marine Le Pen renoue avec la tra-dition de l'extrême droite d'Ac-tion française. » Faudra-t-il doncintenter un énième procès en dif-famation, ce qui ne manqueraitpas d'encombrer un peu plus destribunaux déjà passablement sur-chargés... ? Je me contenterai,pour l'heure, de vous rétorquerdeux faits historiquement établis.Oubliez-vous que l'Action fran-çaise était le fer de lance, par sabranche étudiante, de la premièremanifestation publique contrel'occupant nazi, le 11 novembre1940 à Paris ? D'extrême droite,ce jour-là, l'Action française ? Sa-vez-vous que, sans l'Action fran-çaise, nos malheureux compa-triotes Mahorais, musulmans etnoirs, bien esseulés dans leur luttepour rester français au milieu desannées soixante-dix, auraient cer-tainement dû se résigner, la mortdans l'âme, à être privés de notrenationalité, nationalité sur la-quelle vous planchez depuis desdécennies ? Toujours d'extrêmedroite l'AF ? Logiquement, des prémisses très,très orientées de votre raisonne-ment découlent inéluctablementles propositions les plus contes-tables : la "binationalité", hormisbien sûr pour les "extrémistes" dedroite, enferrés dans leur délire

obsessionnel, n'a jamais posé pro-blème au XXe siècle et n'en poseraaucun au XXIe ; la "binationalité"est un atout pour la France etcontribue (qui sait de façon déci-sive ?) à son rayonnement.

Les temps ont changé

Monsieur le professeur Weil, vousfaites l'impasse sur des réalitésque vous refusez obstinément devoir. Les binationaux des années2000 et 2010, dans leur majorité,sont très différents de ceux desannées trente du siècle précé-dent, de par leurs origines et depar leur soubassement idéologiqueet culturel.Monsieur Patrick Weil, pouvez-vousignorer le choc des Britanniquesquand ils ont appris que les au-teurs des odieux actes de terro-risme, semant mort et dévasta-tion, étaient des citoyens britan-niques pourtant bien "intégrés"dans la société outre-Manche ? Sa-vez-vous que les liens d'allégeanceperpétuelle avec les pays d'ori-

gine (en flagrante contradictionavec les dispositions de la Décla-ration universelle des droits del'homme de 1948, adoptée à Pa-ris) d'une bonne part des binatio-naux d'aujourd'hui sont très dif-férents de ceux qui prévalaientavec les pays d'origine d'alors chezles binationaux présents en Franceil y a sept ou huit décennies... ?

Un autre horizon

Au demeurant, Monsieur le Pro-fesseur, la "binationalité" n'est passeulement mal vue, ou bizarre-ment perçue, par l'épouvantableextrême droite française ou eu-ropéenne, mais également par lesnationaux des pays d'origine ! Bonnombre de "binationaux" franco-algériens sont souvent très hautplacés en Algérie (hauts fonction-naires et cinq ministres du gou-vernement algérien). Réaction ju-dicieuse d'un Algérien sur le sited'El Watan du 27 juin 2011 : « Jeme demande pourquoi les Algé-riens se lamentent quand la dis-

o POLÉMIQUE

Lettre ouverte à Patrick WeilLa double nationalité suscite de nouveaux débats. À cette occasion, Maurras ou l'AF furent parfois cités à l'emporte-pièce. Notamment sous la plume de Patrick Weil.

SI L'ÉCRITURE de l'histoire litté-raire n'était pas falsifiée ou,plus exactement, si le devantde la scène médiatique n'étaitpas occupé par des faiseursplus ou moins habiles, l'œuvrede Gustave Thibon, depuis leVivarais provençal tant aimé,rayonnerait comme l'une desplus purement française et uni-verselle qui soit, et celase saurait. Philosophe, moraliste, mys-tique, Thibon pense à partir du"réel" du corps, de l'âme, ducorps social et du ciel à partirduquel il retrouve les véritésimmuables et éternelles dumonde surnaturel ; en se pen-chant sur la terre de Saint-Marcel, il entrevoit leRoyaume.Après la parutiond'Aux ailes de la lettre, pre-mier recueil de pensées in-édites (1932-1982) publié en2006 aux éditions du Rocherpar Françoise Chauvin et avantun Dossier H dirigé par PhilippeBarthelet à paraître au débutde l'année prochaine aux édi-tions de L'Âge d'Homme, Gus-tave Thibon nous revient en undeuxième recueil de notes in-édites (1935-1978) publiées ànouveau par Françoise Chauvinet par le même éditeur, Paro-dies et mirages ou La déca-dence d'un monde chrétien. Maître de l'aphorisme, adeptede l'irremplaçable imperatoriabrevitas, rétif à toute forme debavardage, Thibon met à jour

les fallacieux mobiles dont onhésite à dire qu'ils "animent" lemonde moderne, il transpercele cœur de l'homme par charitéet pitié, lui révélant sa misèreet sa grandeur. Quelquesexemples : « Société moderne,remplacement de la disciplinepar le conditionnement... »« Infantilisme généralisé : iln'y a plus d'hommes – et il n'y aplus d'enfants... » « Un mondeoù les règlements ont remplacéles règles... » Divisé en trois parties, « Quesert à l'homme de gagner l'uni-vers », « La politique ou l'artdu moindre mal », « Ambiguïtéde la sainte Église », le volumecontient également une« Lettre à Pierre Boutang »que Thibon écrivit au momentde la fondation de La Nationfrançaise, aventure dont il serabien entendu partie prenante.Il y expose notamment les troisconditions qui lui paraissent in-dispensables au « renouveaunationaliste » : le respect del'unité française, un esprit deliberté et de renouvellement,un climat de spiritualité catho-lique. N'est-ce pas là, encoreet toujours, un indispensablemanifeste ? q

Louis Montarnal

3 Gustave Thibon, Parodies et Mi-rages ou la décadence d'un mondechrétien - Notes inédites (1935-1978), éd. du Rocher, 190 p., 18 s.

LIVRE

Thibon toujours présentLes éditions du Rocher publient des notes inédites du philosophe décédé en 2011.

cussion sur la double nationalitésurvient. Peut-on à la fois chas-ser la France, passer son temps às'en démarquer et vouloir sa na-tionalité ? Demain les Palestiniensindépendants chercheraient à toutprix la nationalité israélienne ?Plus schizo que toi tu meurs. »

Dans les Comores

Et que dire des "franco-como-riens" ? Entre un tiers et la moi-tié de la population totale ! Unobservateur, Hamid Abdoulbous-toi, constate le 13 avril 2011 surUmbeli que sous l'ancien présidentSambi « le ministre comorien de

la Défense est français, le chefd'état-major est français, le mi-nistre des Relations extérieuresest français ». Et d'ajouter : « Cesont ceux qui ont la nationalitéfrançaise qui mettent le plusd'énergie à insulter la France. »Un atout, une richesse pour laFrance ces gens-là, Patrick Weil ?Des "richesses" pour ceux qui man-gent à deux râteliers, assurément !Pour le "système" (mondialisation,ultralibéralisme, magouilles etcompagnie), système dont vousêtes le défenseur, M. Weil, ce n'estmême pas sûr ! n

Jean-Michel Weissgerber

L'ACTION FRANÇAISE 2000

Bulletin à retourner avec un chèque à l'ordre de la PRIEP à :L'Action Française 2000 10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARISCCP Paris 1 248 85 A

3 Civilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3 Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Téléphone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Courriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Premier abonnement (un an)o France . . . . . . . . . . . . .80 so Étranger . . . . . . . . . . .140 sAbonnement ordinaireo Un an . . . . . . . . . . . .125 so Six mois . . . . . . . . . . . .70 sAbonnement de soutien o Un an . . . . . . . . . . . .150 sÉtudiants, chômeurs, ecclésiastiques o Un an . . . . . . . . . . . . .70 sOutre-mer (un an)o DOM . . . . . . . . . . . . .135 so TOM . . . . . . . . . . . . .165 sÉtranger (un an)o Europe . . . . . . . . . . . .165 so Autres pays . . . . . . . . .178 s

BULLETIN D'ABONNEMENT

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z 14 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011

Pour un jeune Français

NOTRE MAÎTRE à penser, à nousmonarchistes, Charles Maurras,s'est plusieurs fois exprimé,dans divers articles, pour nousdonner non pas une définitionde la royauté, mais sa façon deconsidérer le devoir royal. Il nefaut pas oublier que Maurrasétait avant tout nationaliste, lecréateur du "nationalisme inté-gral" et que c'est dans la mo-narchie qu'il a trouvé lemeilleur moyen de défendre lapatrie et les Français. Si vousavez résolu d'être patriote,vous serez obligatoirementroyaliste, disait-il.

Complexité du royaume

Le roi, écrit-il, dans La Gazettede France le 21 mars 1901, estcelui qui conduit, qui dirige,celui qui va en tête du peuple.Et dans L'Enquête sur la monar-chie : « Le roi est l'arbitre, lechef, le protecteur des répu-bliques qui se juxtaposent, seconjuguent [...] dans la com-plexité du royaume de France.[...] Le roi met chacun à saplace, il emploie chacun ettous. » Ce qui permet à Maur-ras d'écrire, dans La Gazettede France du 22 septembre1902 : « Protéger le travaildes fractions obscures et éner-giques de la masse populaireau moment où elles étaient envoie de s'organiser, c'était lerôle naturel d'un vrai roi. [...]L'art supérieur du vrai roiconsiste à n'abaisser dans lesoligarchies qui se sont oppo-sées à lui que ce qui s'opposeau bien public et à l'avenir na-tional, à maintenir sévèrementl'ordre pour tout le reste. [...]Défenseur de la propriété indi-viduelle, oui sans doute : maisprotecteur de ces syndicatsagricoles et de ces corps ou-vriers [...] voilà les titres légi-times du futur roi de France. »Dans ces quelques lignesCharles Maurras nous livre lefond de sa pensée. Le roi estbien loin du tyran corrompu oudu profiteur que veulent nousprésenter tous ses adversaires,les défenseurs de la répu-blique. Ainsi, le roi, bien quecorruptible, car il est unhomme comme tous les autres,est détaché des intérêts quianiment tous ceux qui sontdans la mécanique écono-mique, certes nécessaire, de lanation. Il en est indépendant.Sa véritable réussite est dans laconservation de l'État et dansle bonheur du peuple.Louis XIV, sur son lit de mortdit à ceux de sa cour qui l'as-sistaient : « Je m'en vais, maisl'État demeure toujours. Conti-nuez à le servir, Messieurs. »Pour Maurras, le roi est respon-sable du bon fonctionnementde l'État et sa principale mis-sion est de s'assurer de la sur-vie de cet État dans lequel lepeuple doit vivre heureux.Dans un texte paru dans L'Ac-

tion Française du 7 décembre1927, il explique fort bien cequi différencie une royautéd'une république : « L'essentieldu mécanisme royal, écrit-il, nerepose pas sur la valeur des in-dividus ; la valeur du règne[contrairement à ce que l'oncroit souvent aujourd'hui] nerésulte pas de cet unique élé-ment. » Il poursuit : « En répu-blique c'est tout autre chose.En république, il faut la vertu.La vertu héroïque, la vertustoïque, ou il n'y a plus rien. »Car, en république, tout dépenddu suffrage et les électeurs vo-tent en vertu d'un programmeque leur présente le candidat.Mais, écrit plus loin Maurras :« Tout est gâté, tout est viciés'il n'y a pas de fidélité de l'éluau programme [présenté à] sonélecteur. [...] La vertu républi-caine ? Même limitée à la seulefidélité aux engagements élec-toraux, elle a été niée, dès sonberceau de 1792. »

Le règne du mensonge

En effet, les assemblées onttout centralisé pour remplir unprogramme décentralisateur.Elles ont fait la guerre au lieud'appliquer un programme paci-fique qu'elles avaient promis etn'ont recherché que le pouvoir.Dans cet article, Maurras citeun Girondin, Buzot, qui auraitdéclaré au début de la Ière Ré-publique : « C'est une folie devouloir servir le peuple par desmoyens honnêtes ; la véritén'est pas bonne pour lui ; il nelui faut que vent et fumée,c'est là sa pâture, aussi les fri-pons de tout genre et de tousles temps ont bâti leur sys-tème d'élévation ou de fortunesur sa crédulité. Si c'est pardes moyens aussi infâmes ques'élèvent et se consolident lesÉtats républicains, il n'est pasde gouvernement plus affreuxsur cette terre, ni plus funesteau bonheur du genre humain. »Que dirait aujourd'hui ce braveBuzot et ceux qui l'ont suivi de-vant le peu de respect des pro-messes électorales ? Ce quinous paraît extraordinaire à re-lire ces textes est la présciencede Charles Maurras qui sembleavoir prévu la plupart des vicesdont ont souffert nos diversesrépubliques et dont souffre en-core la Ve. Comme nous l'a ditsi souvent notre maître à pen-ser, il n'y a que la royauté, tellequ'il la concevait, qui pourrarelever la France et rendre sonpeuple heureux. q

Louis de Galice

INSTITUTIONS

En relisant MaurrasL'ÉTAT ROYAL

Avec Google Démocratie, Lau-rent Alexandre et David An-gevin ont offert à la litté-

rature française une assez bonnesurprise pour tous les amateurs descience-fiction. Le premier estmédecin, président de DNA Visionet expert des nouvelles technolo-gies médicales ; le second est ro-mancier et journaliste. Leur ro-man tourne autour du concept desingularité, forgé par des futuro-logues, selon lequel, à partir d'unpoint hypothétique de son évolu-tion, la civilisation humaineconnaîtra une croissance techno-logique d'un ordre supérieur.

Course contre le temps

Ce concept a été élaboré à par-tir des lois de Moore qui se fon-dent notamment sur l'étude del'évolution de la puissance des or-dinateurs ; partant du constat quecelle-ci était exponentielle de ma-nière ininterrompue depuis plusd'un demi-siècle, la singularitétechnologique repose sur l'hypo-thèse que ce phénomène se pour-suivra indéfiniment au point que,à un instant précis de notre his-toire, la société humaine en seraradicalement bouleversée.L'histoire est celle de plusieurspersonnages intervenant dans lecadre d'une guerre politique ayantpour trame de fond l'évolutiontechnologique. En 2018, la com-pagnie Google a écrasé tous sesconcurrents, Microsoft y compris,et possède un empire hégémo-nique qui est venu supplanter, enterme de puissance, l'État amé-ricain lui-même. Sur le plan géo-politique, l'Amérique et la Chinese partagent le monde tandis quel'Europe, engluée dans ses loisbioethiques, a sombré dans le ma-rasme économique.L'un des fondateurs de Google,Sergey Brain (inspiré du véritablefondateur, Sergey Brin), œuvresans relâche à l'avènement dunouveau Google : un logiciel dotéd'une intelligence nouvelle, ca-pable d'apprendre, capable dediscuter, capable d'innover...L'homme le plus riche du mondeest entraîné dans une course-pour-suite infernale contre le temps :atteint de la maladie de Parkin-son, il sait que son seul espoir ré-side dans la singularité, le jouroù Google deviendra suffisammentmature, suffisamment puissantpour prendre en main l'humanitéet guérir sa maladie. Mais il doitfaire face à de nombreux adver-saires, notamment les puissantsconservateurs américains et lesréseaux islamistes qui refusent lesmutations sociales profondesqu'impliquent les avancées per-mises par Google.Le roman intéressera ceux qui sequestionnent sur les implicationsdes évolutions technologiques partous les aspects fondamentauxqu'il traite, bien que ce soit sou-

vent de manière légère, parce queprivilégiant l'intrigue et l'action.Le transhumanisme y occupe ainsiune place centrale : les avancéesen matière médicale permettentaux parents, dans le roman, parmanipulations génétiques, d'évi-ter à leurs enfants toutes les ma-ladies et déficiences qu'une con-ception naturelle laisse risquer.Plus encore, les parents peuventchoisir également le physique deleur enfant, déterminer leur QI austade embryonnaire... Peut-êtreles auteurs n'en eurent-ils pas l'in-tention, mais la société qu'ils dé-crivent dans leur roman est ainsiune civilisation eugéniste, où parmanipulations des gènes et sé-lection des embryons, il est pos-sible d'éradiquer quasiment toutesles imperfections du genre hu-main : c'est "l'Homme 2.0".

Retour au réel

Le transhumanisme, dans l'in-trigue, est la clé de voûte des ri-valités politiques qui secouent lelanderneau politique mondial :les partisans de l'ouverture auxnouvelles biotechnologies se heur-tent aux opposants, parfois radi-caux et violents, à la création decette "nouvelle humanité". Der-rière cette lutte, la main deGoogle, géant tentaculaire,semble omniprésente. Les lec-teurs critiques feront ici une in-cise dans leur lecture du romanpour se pencher sur les dernièreslettres d'information de Géné-thique, notamment celle du 21juin 2011 où l'on pouvait lire :« Jean-Michel Besnier, professeurde philosophie à la Sorbonne et

auteur de Demain les posthu-mains, voit dans le transhuma-nisme "une utopie de substitu-tion pour une humanité fatiguéed'elle-même". Il évoque la "honteprométhéenne" dont parlait Gün-ther Anders dans son ouvrage.[...] Le journaliste Rémi Sussanobserve que l'idéologie transhu-maniste consiste en une approcheindividualiste qui ne prend pas en compte l'ensemble de la société, qu'elle s'enracine dans l'anarcho-capitalisme le plus libéral. »

Garder l'esprit critique

On restera cependant sur notrefaim avec ce roman. Les auteurssemblent vouloir prendre le moinspossible parti dans la lutte qui op-pose les artisans de la singularitéà leurs opposants et, lorsqu'ilssemblent enfin vouloir rompreleur impartialité, cela noussemble plutôt en faveur des pre-miers. Et la fin, dont le chapitreest intitulé sobrement « posthu-manité », est plus que décevante.Un roman donc qui doit être luavec un esprit critique constam-ment en éveil, prêt à déceler par-tout les incohérences et la mal-veillance du système décrit parles auteurs. Cette condition res-pectée, les adeptes réactionnairesdu cyberpunk et de la science-fic-tion politique devrait pouvoir ytrouver leur compte. n

Stéphane Piolenc

3 Dav id Angev in e t LaurentAlexandre, Google Démocratie,Naïve, 400 p., 21 euros.

o ANTICIPATION

En quête du graal numériquePlongée dans une société futuriste, eugéniste et matérialiste, où le transhumanisme occupe une place centrale, au cœur des rivalités secouant le landerneau politique mondial.

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L'Action française, à la diffé-rence d'autres mouvementsou partis sans histoire, pos-

sède un héritage politique, cul-turel et philosophique. Ce seraitune faute grave si les cadres ac-tuels du mouvement n'avaient pasà cœur de le transmettre. Nosmaîtres, à commencer par Maur-ras , Bainville et Daudet, nous ontappris à devenir des esprits libreset critiques, habités par le désirde conquérir les intelligences etde s'affranchir des machines àpenser produites par ce systèmeorwelien. Quelles que soient nos particula-rités, nous sommes d'abord desFrançais, mes amis, et le salut dece bien commun que constituenotre nation doit être l'objet denotre combat. Il faut méditer lapensée d'Action française pouréviter de tomber dans les piègesgrossiers de l'idéologie, fût-elleroyal iste. La France est unroyaume sans roi, et c'est bien là

le problème, mais un royaumequand même qui mérite tous nosefforts, toutes nos énergies, toutenotre passion. Méfiez-vous des es-prits pervers qui tentent de nousfaire confondre la France avec laRépublique. La France est unroyaume façonné par trois lignéesde rois. La dernière, celle des Ca-pétiens, nous a donné encore troislignées qui ont su, tout en limi-tant avec sagesse ses horizons ter-restres, lui donner un rayonne-ment exceptionnel dans le mondeentier. La France est un royaumequi a toujours su résister aux ap-pétits des empires. La France estun royaume qui savait placer lamain de Justice au-dessus des fac-tions. L'indépendance de la jus-tice étant garantie par l'indépen-dance de l'État. La France est unroyaume dont la vie ne s'est pasarrêtée en 1789.Les camps Maxime Réal del Sarte,notamment, ont toujours été deslieux d'apprentissage de la pri-

mauté du politique et des valeursconstitutives de notre nation.Cette année, les grandes confé-rences porteront sur la démo-cratie sous ses différents aspects.Les intervenants seront des uni-versitaires, des agrégés, des en-seignants, des professionnels dusocial. Mais nous aborderonsaussi, en ateliers, les bases de lapolitique, la pensée de Maurrasavec l'empirisme organisateur...Et nous nous réjouirons en chan-tant le verre à la main, dans cetteambiance d'amitié propre à l'Ac-tion française.C'est donc à des vacances stu-dieuses mais aussi joyeuses quenous vous invitons. Il n'est de ri-chesse que d'hommes, disait JeanBodin. Cette richesse, c'est voustous, chers amis sympathisants etmilitants. Je compte sur vous, carla situation de la France va ens'aggravant et, à la rentrée, descombats rudes seront à mener. LeCMRDS doit vous donner un sur-plus de force et d'intelligence pourlivrer bataille. Alors à bientôt doncet vive le roi. n

Olivier Perceval Secrétaire général du mouvement

d'Action française

3 Le Camp Maxime Real del Sartese déroulera cette année en Ven-dée, au Logis Sourdy (85130 La Gau-bretière), du 21 au 28 août. Rete-nez dès à présent votre place. Participation : 20 euros par jour ;160 euros pour la semaine. Inscrip-tions au Centre royaliste d'Actionfrançaise, CMRDS 2011, 10 rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 PARIS(chèques à l'ordre du CRAF). Ren-seignements : [email protected], 06 88 97 00 40.

L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2820 – Du 7 au 20 juillet 2011 15 z

Combat

Président du Comitédirecteur d'AF

Stéphane BlanchonnetSecrétaire général

Olivier PercevalSecrétaire général

adjointRomain Hellouin

TrésorierGiovanni Castelluccio

SecrétaireadministratifMarie-Suzanne

de Benque d'AgutFormationMarc Savina

ProvincesPhilippe Castelluccio

MilitantismeJean-Baptiste

de l'AviathResponsableopérationnel

François Bel-Ker

Centre royaliste d'Action française10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARIS

[email protected]

o CMRDS

L'université d'été d'AFDispensant une formation intellectuelle et militante, le Camp Maxime Real del Sarte se déroulera cette année en Vendée, du dimanche 21 au dimanche 28 août.

DÉCÈS

o C'est avec peine que nous avons appris ledécès le 28 mai dernier à 87 ans, de notrefidèle et généreux abonné M. Jean Azaïs,officier de la Légion d'honneur, Croix deguerre 1939-1945, Croix de guerre des TOE,Croix de la Valeur militaire. Après la campagne de France jusqu'à Berlin,de 1944-1945, puis les guerres d'Indochine etd'Algérie, saint-cyrien de la promotionIndochine, il avait quitté l'armée et étaitentré dans le civil en qualité de directeurd'une caisse de cadres à Grenoble. La cérémonie religieuse a été célébrée le31 mai en l'église Saint-Jean-Baptiste deSaint-Jean-de Luz, suivie de l'inhumation

dans l'intimité familiale. Il a rejoint sa filleIsabelle et son épouse née Claude Le CourGrandmaison, décédées en 2005. Nous adressons nos bien vives condoléancesà ses enfants, petits-enfants et toute lafamille avec l'assurance de nos prièrespour leur cher défunt.

o Vladimir Dimitrijevic, le fondateur deséditions l'Âge d'homme, est mort le mardi28 juin 2011, victime d'un accident de laroute. Nous nous rappellerons qu'à lademande de Pierre Pujo, il a édité Le Trésorde l'Action française, recueil d'articles parusdans L'Action Française 2000, en 2006. Il aaussi réédité deux oeuvres magistrales deMaurras : Mes Idées politiques et L'Avenir de

l'intelligence en 2002. Avec VladimirDimitrijevic, éditeur libre et courageux,l'Action française perd un ami. Une cérémonie orthodoxe a eu lieu à laChapelle B au cimetière de Montoie àLausanne le mardi 5 juillet à 15 heures.

o C'est avec retard que nous venonsd'apprendre le décès brutal de Mme Colette Bourdillat le 5 mai dans sa 79e année. Ses obsèques ont eu lieu enl'église Saint-Jean de Chalons-en-Champagnele 12 mai, suivies de l'inhumation aucimetière d'Étampes. Nous présentons nos condoléances émues et notre vivesympathie à M. Yves Bourdillat, ses enfants et petits-enfants.

o PARIS-CHARTRES - Comme tousles ans, le chapitre Sainte Jeannede France, chapitre de l'Actionf rança i se, s ' e s t lancé versChartres, à l'occasion du pèleri-nage de chrétienté des 11, 12 et13 juin, avec à sa tête LouisCharles Bonnaves.

o NANTES - Une trentaine de per-sonnes ont répondu présent à l'in-vitation de l'URVBM et de la sec-tion nantaise du CRAF, dans unsouci concret d'unité, à la jour-née d'amitié française qui se dé-roulait le samedi 18 juin dans uncadre champêtre à Vertou. Aprèsun déjeuner tiré du sac, les ora-teurs ont pris la parole. OlivierPerceval, président du CRAF, adonné des raisons d'espérer mal-gré les nombreux problèmes querencontre notre pays. Hilaire deCremiers, délégué de la RN, a dé-montré l'aggravation de la crise

économique, symptôme d'unecrise institutionnelle et morale.Après un débat fructueux et unevisite des stands, les participantsse sont quittés en se donnant ren-dez-vous pour le camp MaximeReal del Sarte.

o HAUTS-DE-SEINE - Le cercle etle dîner de la section Hauts-de-Seine Nord de l'Action françaiseétudiante et du Cercle KléberHaedens fut un franc succès !Cadres, militants et sympathisantsse sont retrouvés le mardi 28 juindans une ambiance propre à l'Ac-tion française : studieuse, pourcommencer, avec un cercle surJacques Bainville, puis très fes-tive. Nous remercions nos cama-rades de France Action Jeunessedu 95 ayant fait le déplacement.Le dîner s'est terminé par le chantde La Royale, lancé par notre res-ponsable étudiant.

o AU PROGRAMME - Le 58e CMRDSsera consacré à la critique de ladémocratie. Au programme desconférences : la démocratie équi-table, la crise de la démocratie,la critique maurrassienne de ladémocratie, Tocqueville et la dé-

mocratie, démocratie et chris-tianisme, démocratie et morale.Des ateliers porteront sur les su-jets suivants : l'histoire de l'Ac-tion française, le compromis na-tionaliste, la monarchie aujour-d'hui ; la communication, la prise

de parole, les questions juridiqueset stratégiques. Des tables rondesseront organisées sur l'universa-lisme démocratique, l'Action fran-çaise aujourd'hui. Aux étudess'ajouteront des activités spor-tives, une sortie au Puy-du-Fou...

» IN MEMORIAM

Le Mémorial des Rois convieles amis de la Perse royale àla cérémonie commémorant ladisparition du Shah, le mardi26 juillet à 15 heures, en lanécropole Royale Pahlavi siseau cimetière de Passy (2 ruedu Commandant Schloesing,Paris 16e, à 100 mètres de laplace du Trocadéro). Rensei-gnements : Mémorial des Rois,BP 523, 75825 Paris Cedex 17 ;tél. ou fax : 01 40 25 06 55 ;mel : [email protected] ;www.rex2000.fr

Réunion à Nantes, dîner des Hauts-de-Seine et pèlerinage Paris-Chartres

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Entretien

Édité par PRIEP S.A. au capital de 59 880 euros – 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris – Imprimerie RPN – 93150 Le Blanc-MesnilNuméro de commission paritaire 0415I86761 – Directeur de la publication : M.-G. Pujo

o L'Action Française 2000 – Vousvenez de publier un troisièmeouvrage sur Jacques Bainville.Pourquoi cet intérêt ?o Christophe Dickès – Il y a deuxraisons à cela. D'abord le rôle jouépar mon père : quand j'étais ado-lescent, il m'a dit que JacquesBainville avait prédit la SecondeGuerre mondiale ; c'est entré dansune oreille et ça n'est jamais res-sorti. Ensuite, à l'occasion de madeuxième année de faculté d'his-toire, j'ai travaillé sur les rela-tions internationales avec lePr Soutou. Et dans la liste de livresà lire absolument à la Sorbonnefiguraient Les Conséquences poli-tiques de la Paix de Jacques Bain-ville. J'ai commencé à collection-ner ses livres, séduit par la per-tinence des analyses. Il y a deuxou trois interprétations des causesde la Seconde Guerre mondiale.Il y a la cause unique : Hitler seulresponsable. Mais en Angleterre,dans les années soixante-dix etquatre-vingt, Taylor a développéune thèse soulignant la faiblessedes démocraties, reprenant enpartie les idées de Bainville.

o Dans l'anthologie que vousconsacrez à Bainville, le lecteurpeut être surpris de ne pas voirson Histoire de France ou sonNapoléon... o L'Histoire de France et le Na-poléon sont constamment repu-bliés. Je voulais, sous le conseilde mon éditeur, présenter un Bain-ville autre mais classique parailleurs. L'Histoire de France resteune œuvre de commande. En re-vanche, l'Histoire de deux peuplesou Les Conséquences politiquesde la paix sont le fruit d'une longueréflexion quotidienne. Je voulaismettre en avant le chroniqueurde politique étrangère. Mais à côtéde cela, j'ai voulu convaincre l'édi-teur de la valeur littéraire de Bain-ville et de ses contes, proprementdélicieux dans le style et souventméconnus. Ils sont de la mêmeveine que les œuvres historiquespour le talent littéraire, l'ironieen plus. Ils font penser à Voltaireou à Patrick Süskind aujourd'hui.On y trouve des réflexions acé-rées sur la nature humaine. Tousles contes connus figurent dans cerecueil. J'y ai ajouté tous lesvoyages, notamment son rapportdiplomatique et ses articles sur laRussie, visitée en 1916 à la veillede la révolution.

o On note des déceptions devoyage ; là où Charles Maurrass'était enthousiasmé, JacquesBainville est plus sceptique...o Il est déçu par la Grèce. On peutdire qu'il était plus Romain queGrec. Ces vieilles pierres éparsesdevaient susciter une capacitéd'imagination qu'il ne déployaitpas. Il met en avant la cité deThèbes. Or, Thèbes pouvait avoir

la puissance et ne l'a pas eue. Onretrouve là son pessimisme. Maur-ras s'était enthousiasmé devantAthènes. Pas Bainville. Il y à làune nuance importante.

o L'obsession de l'Allemagnemarque l'œuvre de Bainville,entre fascination et répulsion.N'est-ce pas ce qu'il y a de plusdaté chez lui ?o Il est bien sûr l'homme de sontemps. À la fin des années 1890,il croit en une réconciliationfranco-allemande. Avant la ren-contre avec Maurras, il est séduitpar l'Allemagne impériale, sa gran-deur et sa jeunesse. Comme Maur-ras le fit par la Grèce, il se conver-tit à la monarchie par l'Allemagneet ensuite, paradoxalement, il de-vient anti-allemand, mais sansêtre germanophobe. J'ai com-mencé à l'étudier par les relationsinternationales des années vingtet trente. Mais on ne peut pas lecomprendre sans revenir à 14-18,à la cathédrale de Reims bom-bardée, aux mines du Nord inon-dées, au traumatisme de l'occu-pation allemande. Bainville necroit plus du tout dès lors à la ré-conciliation franco-allemande.Maurras l'avait déjà à demi con-vaincu, 14-18 fait le reste. Pa-rallèlement, ou en retour, dansles années 1904-1905, tandis queMaurras présente l'Angleterrecomme un danger, Bainville le per-suade de la nécessaire allianceavec elle pour préserver un équi-libre des puissances.

o On ne sent pas chez Bainvillel'attrait pour l'enseignement,l'université et la chaire. Com-ment expliquer cette absence ?

o Ce qui l'intéressait par-dessustout, c'était l 'écriture. Toutcomme l'AF, il ne supportait pasles mandarins de la Sorbonne del'époque. Une contre-culture s'estmise en place et Bainville appar-tenait à cette résistance anti-uni-versitaire dont l'Académie fran-çaise pouvait être un des bastions.Bainville a rencontré Barrès, puisMaurras et ces deux auteurs onttracé une partie du sillage bain-villien. Je publie, après Deschodtqui l'avait déjà insérée dans CherMaître, la lettre pleine d'angoisseremise à Maurras deux ans aprèsleur rencontre au café de Floreen 1900 : « Je songe et non parcaprice à cesser d'écrire et à nepas prendre l'état d'auteur. Je n'aiaucune confiance en moi-même.Imagination nulle. Intelligencemédiocre. Peu brillant au jeu desidées. » Bainville a vingt-trois anset Maurras lui répond en con-firmant sa carrière et le choix des Lettres.

o Le royalisme de Jacques Bain-ville a-t-il été constant, fluc-tuant, vacillant ?o Bainville croit au retour de lamonarchie avec une sincérité fon-dée sur une analyse rationnelle.Il lui semble possible à partir dumoment où la république vit unegrave crise. La chance de la ré-publique, c'est de trouver tou-jours des sauveurs. Mais un jour,pense Bainville, il n'y aura pas desauveur. Pendant la PremièreGuerre mondiale, il y croit. Ilpense même que le roi Albert deBelgique est une solution. Aussiétonnant que cela puisse paraîtreaujourd'hui, le roi Albert était unhéros, un mythe vivant et possé-

dait une vraie popularité enFrance. Bainville était pragma-tique et savait qu'il y avait eu plu-sieurs dynasties en France... Il sefâche d'ailleurs avec Vaugeois àce sujet. Pour Bainville, ce quidoit être soutenu, c'est le prin-cipe monarchique. On veut au-jourd'hui faire de lui une sorte delibéral qui se serait finalementrallié à une monarchie de typeconstitutionnel. Or je soutiens queBainville n'est pas un libéral,même si en économie il a défendule libéralisme. Il n'est pas démo-crate, fustigeant « ce pauvre sou-verain d'un jour ». Il défend jus-qu'au bout une monarchie forte,je ne dirais pas de droit divin caril n'était pas catholique, mais hé-réditaire. Une diplomatie et desministres qui dépendent du roi etnon de la volonté populaire, voilàce que veut Bainville. Mais il sait que ce n'est plus pos-sible dans les années vingt ettrente. Il écrit alors Symmaque,un conte dont le personnage épo-nyme est l'un des derniers patri-ciens romains, au temps de la décadence du grand empire. Sym-maque, c'est Bainville, et Sym-maque dit qu'il n'y croit plus maisqu'il va mourir dans la foi de sajeunesse. Cela agace l'AF parcequ'on le réduit à un abandon.Bainville est resté profondémentmonarchiste mais il voyait que letemps jouait contre la monarchie.Surtout, il ne souscrivait plus audogme maurrassien selon lequeltout désespoir en politique estune sottise absolue. Mon amiGuillaume de Tanoüarn a raisonde dire que Bainville meurt jeuneparce qu'il est peut-être miné in-térieurement par ce constat. Il

est difficile de percer le cœurd'un homme et Bainville était pu-dique. J'ai mis dix ans à me fa-miliariser avec lui. Je ne peux quevous conseiller de lire, outre Sym-maque, son Journal de guerre,publié chez Bartillat, et les der-nières pages du volume que je pu-blie, composées d'un carnet in-time où l'on trouve le fond de sapensée. Il se montre même trèssévère à l'égard de Maurras. Mêmesi, à son élection à l'Académiefrançaise en 1935, il répète de-vant lui : « Je vous dois tout saufla vie. » Bainville avait tout àperdre à rester à l'AF, mais la plusgrande des vertus était pour luicelle de l'amitié et de la fidélité.Reste que dans son for intérieur,Bainville pensait que Maurrasconnaissait mal son histoire. Pour-tant théoricien de l'empirisme or-ganisateur, il était selon lui pluspoète que véritable politiquepragmatique.

o On sent bien que, par-delàvotre propre livre, il se dessineune redécouverte de Bainville.Des journalistes à succès ainsiqu'un Premier ministre l'on cité,on le republie... Êtes-vous con-scient de cet engouement ?o Absolument. D'abord, il est tou-jours intéressant de lire de grandshistoriens et Bainville en fait par-tie. Avec Bainville vous allez ré-fléchir beaucoup sur le XIXe siècleet quoi de plus normal ? Nous-mêmes nous intéressons beau-coup aux années De Gaulle, Pom-pidou, Giscard, Mitterrand. La gé-nération de Bainville, elle,s'intéressait à Mac Mahon, à Gam-betta et à 1870. Mais je voudraismettre en avant, à travers monrecueil des œuvres bainvilliennes,les différents talents dont étaitpourvu le chroniqueur de la po-litique étrangère de L'AF. Lisezl'article intitulé « Le Naufrage »daté de 1912 et qui traite, à tra-vers le drame du Titanic, de lanotion de progrès. Bainville avaitune très belle écriture qui lui vau-dra légitimement son élection àl'Académie française. Lisez lescontes. Mais vous pouvez toutaussi bien retrouver son œuvrehistorique jamais narrative, tou-jours explicative, ce qui la rendprécieuse. L'empirisme organisateur héritéde Maurras a toute sa place maisBainville ne néglige pas non plusla capacité d'oubli de l'homme,les constantes mais aussi les ha-sard de l'histoire. Ce qu'il appelleles lois de l'humanité. Le présentpeut toujours prendre plusieursdirections. Maurras disait que « lapolitique est l'art du possible » ;Bainville aurait pu dire que « c'estl'art des possibles ». Le pessi-misme de Bainville n'est donc pasun fatalisme, malgré des momentsde déclin et de doutes. Il resteun personnage complexe. n

Propos recueillis par Marc Savina

3 Jacques Bainville, La monarchiedes lettres – Histoire, politique etlittérature, éd. établie et préfacéepar Christophe Dickès, Robert Laf-font, coll. Bouquins, 1152 p., 30 s.3 Christophe Dickès, Jacques Bain-ville - Les lois de la politique étran-gère, Bernard Giovanangeli Éditeur,319 p. 23 s.

o CHRISTOPHE DICKÈS

« Présenter un autre Bainville »Docteur en histoire, journaliste à Canal Académie, Christophe Dickès publie un troisième ouvrage consacré à Jacques Bainville : un recueil où l'on retrouve les analyses de politique étrangère du chroniqueur de L'AF, mais où l'on découvre aussi ses contes et ses récits de voyage.