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1 Titre du mémoire : « Le théâtre à l’école, un levier pour la réussite de tous » SOMMAIRE 1 - Avant –propos 1.1 Un constat 1.2 Problématique 2- Le théâtre à l’école 2.1 Une approche globale 2.2 La démarche d’enseignement artistique 2.3 Un exemple : O.T.N.I « Objet Troublant Non Identifié » 2.4 Une relation pédagogique plus authentique 3 – La visée esthétique 3.1 Explorer avec émotion, intelligence et sensibilité 3.2 La démarche de création 3.3 Un exemple : le théâtre - image 3.4 Analyse en terme d’apprentissages 3.4.1 Créativité et réussite scolaire 3.4.2 Nourrir l’estime de soi 3.4.3 Conforter la symbolisation 3.4.4 Pour une pensée multiple 4 - La visée culturelle 4.1 Théâtre, école et culture 4.2 Un exemple de projet théâtral : « Christophe Colomb » 4.3 Analyse en terme d’apprentissages 4.3.1 De nouvelles perceptions 4.3.2 Apprendre la citoyenneté 5 - Conclusion : Quels enjeux ? Annexes : N° 1 : Des instructions officielles …………………………………………………….. N° 2 : Un panel de compétences à construire ………………………………………………….. N° 3 : L’évaluation en pratique théâtrale: un chantier en cours ……………………….

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Page 1: « Le théâtre à l’école, un levier pour la réussite de tous · 1 Titre du mémoire : « Le théâtre à l’école, un levier pour la réussite de tous » SOMMAIRE 1 - Avant

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Titre du mémoire :

« Le théâtre à l’école, un levier pour la réussite de tous »

SOMMAIRE

1 - Avant –propos

1.1 Un constat

1.2 Problématique

2- Le théâtre à l’école

2.1 Une approche globale

2.2 La démarche d’enseignement artistique

2.3 Un exemple : O.T.N.I « Objet Troublant Non Identifié »

2.4 Une relation pédagogique plus authentique

3 – La visée esthétique

3.1 Explorer avec émotion, intelligence et sensibilité

3.2 La démarche de création

3.3 Un exemple : le théâtre - image

3.4 Analyse en terme d’apprentissages

3.4.1 Créativité et réussite scolaire

3.4.2 Nourrir l’estime de soi

3.4.3 Conforter la symbolisation

3.4.4 Pour une pensée multiple

4 - La visée culturelle

4.1 Théâtre, école et culture

4.2 Un exemple de projet théâtral : « Christophe Colomb »

4.3 Analyse en terme d’apprentissages

4.3.1 De nouvelles perceptions

4.3.2 Apprendre la citoyenneté

5 - Conclusion : Quels enjeux ?

Annexes :

N° 1 : Des instructions officielles …………………………………………………….. N° 2 : Un panel de compétences à construire ………………………………………………….. N° 3 : L’évaluation en pratique théâtrale: un chantier en cours ……………………….

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« Pour la société de demain, l’école doit former des esprits souples, entreprenants, aptes à sortir des sentiers battus ».

Gisèle Barret

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Avant propos

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Un constat

L’expérience professionnelle de trois années en Section d’Enseignement Général et Professionnel

Adapté m’a amené à côtoyer un grand nombre d’élèves issus de l’école élémentaire n’ayant pas acquis

toutes les compétences du cycle 3, voir du cycle 2.

Bien souvent, pour ces jeunes en difficulté scolaire arrivant en SEGPA, il n’existe pas

véritablement d’issue au désir car pour désirer, il faut espérer que « cela va marcher ». Pour eux, l’effort

n’en vaut plus la peine car il débouche rarement sur une réussite. La réponse à cette souffrance, c’est

souvent la violence qu’ils exercent sur l’extérieur ou sur eux–mêmes. Cette violence permet probablement

au pré-ado en souffrance de rendre ce qu’on lui a fait « endurer ». Elle est auto-justifiée et se présente

comme une contre-violence. S’il casse volontairement la vitre du panneau d’affichage du collège, c’est

peut-être que symboliquement cet univers l’a agressé. L’autre réponse, quand la pulsion à agir fait mal,

c’est l’inhibition ou l’effacement, violences moins visibles mais que l’on exerce directement sur soi–

même.

En observant avec attention ces élèves, on remarque aussi qu’ils éprouvent généralement des

difficultés dans leur relation au monde. Certains manquent de repères à la loi. Leur culture est souvent peu

élaborée. On découvre parfois un fort égocentrisme et une estime de soi plutôt négative. Ils semblent avoir

du mal à assumer une identité par rapport à l’attente scolaire. Le vocabulaire utilisé est relativement

pauvre. En majorité, ces jeunes ont le sentiment d’être rejetés ou marginalisés dans le système. En

découle à la fois un sentiment fort de culpabilité et une faible ouverture vers de nouveaux centres

d’intérêt. Comportement de fuite, perte du contrôle de soi, angoisse, frustration, rigidité mentale,

impulsivité, manque de structures spatio–temporelles forment aussi un ensemble de troubles et de

difficultés fréquentes. Il y a souvent un retour à une représentation de soi fermée qui refuse la

communication avec le monde. Beaucoup appréhendent même de recevoir quelque chose de

l’extérieur … comme du savoir scolaire par exemple.

En m’appuyant sur ce constat, et en choisissant la pratique du théâtre à l’école, je me suis interrogé

sur la démarche, la relation pédagogique et les contenus à mettre en œuvre à l’école élémentaire, c’est à

dire en amont du collège. Cette cohérence est d’ailleurs, à mon sens, tout à fait essentielle. L’un des

objectifs majeur de l’école consiste bien à mettre des stratégies en place pour tenter de prévenir l’échec et

favoriser encore davantage de réussite dans la poursuite de la scolarité.

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Problématique

En 1993, la direction des écoles sous l’égide du ministère de l’Education Nationale et de la culture

publiait « L’éducation artistique à l’école », un outil destiné à apporter un nouvel élan à l’éducation

artistique en lui assignant une double visée :

esthétique : « Elle conduit l’enfant à explorer le monde à l’aide de tous ses sens avec

émotion, intelligence et sensibilité ».

culturelle : « Elle favorise la rencontre avec des lieux et des objets reconnus comme porteurs

de valeurs et incite l’enfant à développer sa réflexion critique ».

Le plan pour le développement des arts et de la culture à l’école, rendu public le 14 décembre

2000, renforce cette double visée esthétique et culturelle. En effet, il se fixe pour objectif prioritaire de

développer « l’intelligence sensible » et de « réduire les inégalités d’accès à l’art et à la culture ».

Parallèlement aux arts plastiques et à la musique qui sont obligatoires, la pluralité des disciplines est

encouragée dans un souci de continuité et de cohérence entre l’école, le collège et le lycée.

Le théâtre s’y inscrit parmi les domaines qui élargissent le champ de l’éducation artistique.

Au regard de ce plan ambitieux, je souhaite dégager ma problématique en

formulant les questions suivantes :

Le théâtre à l’école peut-il devenir un levier pour prévenir l’échec scolaire et favoriser la réussite

de tous les élèves?

Comment s’inscrit-il comme une médiation d’accès aux apprentissages pour tous ?

Si le théâtre peut développer des savoirs, savoir faire et savoir être, lesquels et comment ?

Après avoir ouvert sur un constat concernant la difficulté scolaire de certains élèves sortant de

l’école élémentaire, je définirai la notion de Théâtre à l’école en m’appuyant sur les axes moteurs de la

démarche artistique. Enfin, au cœur de la problématique, je développerai mon argumentation à partir

des visées esthétique et culturelle définies dans le texte officiel de 1993 et réaffirmées par le discours du

ministre Jack Lang en 2000.

Il s’agira pour moi, à partir d’exemples concrets en cycle 3 et en classe spécialisée, de démontrer

comment le théâtre à l’école peut contribuer au développement de la personne et à la réussite de tous

les élèves.

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« Le théâtre est une expérience continue,

une éducation qui n’en finit jamais, une

formation de l’homme même ».

Bernard Dort

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Le théâtre à l’école

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Une approche globale

Depuis une dizaine d’années, l’éducation artistique s’est donnée un nouvel élan. Le plan de

développement des arts et de la culture à l’école lui apporte une dimension plus mobilisatrice encore, en

s’appuyant sur un double principe de généralisation et de diversification des arts enseignés et pratiqués en

milieu scolaire, de la maternelle au lycée.

Le théâtre figure clairement dans les programmes et instructions de 1995 comme support

didactique reconnu et encouragé dans le cadre de l’éducation artistique. Pour chaque cycle, les instructions

officielles présentent un volet consacré au théâtre et à l’expression dramatique. Il y est question de « jeu

de fiction », de « jeu dramatique », ou encore de « jeu théâtral ». Cette pluralité de termes pour

caractériser la pratique me semble intéressante car elle étend le champ des significations possibles à une

vision assez large du théâtre à l’école.

En effet, la pratique théâtrale s’appuie d’abord sur l’expression dramatique qui offre à l’enfant la

possibilité de s’exprimer librement au cours d’exercices d’exploration et de jeux d’improvisation. Mais

l’école peut-elle se contenter de cela ? Ne doit-elle pas plutôt considérer le théâtre dans sa globalité ? En

fait, le théâtre est l’art d’un langage multiple, porteur de plusieurs modes d’expression. La découverte de

tous ces langages - parole, geste, musique, costume, objet, image, texte et scénographie – ne peut que

favoriser l’enrichissement esthétique et culturel de l’enfant. Aussi, au même titre que l’expression

dramatique, le spectacle théâtral vivant et sa lecture , les printemps théâtraux ou encore le partenariat avec

des comédiens professionnels doivent trouver leur place dans cette discipline artistique. C’est pourquoi

j’ai regroupé toutes ces composantes dans l’expression « Théâtre à l’école » qui me semble à la fois la

plus fédératrice, la plus proche du code social et ... « la plus parlante » pour les enfants.

La démarche d’enseignement artistique

L’enseignant metteur en scène, seul dans sa classe, portant tout le poids du spectacle de fin

d’année sur les épaules, au prix d’une grande dépense d’énergie, pour en arriver à une représentation où

beaucoup d’élèves récitent des dialogues appris par cœur est un modèle dépassé. Evidemment, dans ce

type de projet, chacun fait de son mieux dans la bonne humeur et une certaine convivialité. Mais le souffle

de la création artistique passe-t-il ?

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Depuis plus d’une décennie, le département du Maine et Loire s’inscrit dans une histoire fort riche

en matière de pratique théâtrale, grâce notamment à l’action d’enseignants formateurs comme Jean Pierre

Drouard, Jean Bauné ou Danielle Thomas, entre autres. J’ai eu l’occasion de suivre des stages de

formation puis de participer à la création du printemps théâtral de Segré, grâce en particulier à l’aide de

l’association ENJEU qui soutient le développement de la pratique théâtrale en milieu scolaire. Toutes ces

années de recherche et d’expérimentation m’ont permis de mieux cerner la démarche que propose

notamment Jean Bauné dans le cadre du partenariat « THEATRE EDUCATION » initié entre l’Education

Nationale et le Nouveau Théâtre d’Angers.

Formation de l’enseignant, pratique du jeu théâtral, techniques d’exploration, guidage

pédagogique, relation acteurs/spectateurs, échanges avec d’autres structures et ouverture culturelle

forment les composantes essentielles de cette démarche théâtrale transférable aux autres disciplines

artistiques tels que les arts plastiques, la musique, la poésie ou encore la danse.

L’enfant aime jouer. Le jeu est pour lui une fonction naturelle et quotidienne. S’appuyer sur les

jeux d’exploration et d’improvisation est donc essentiel dans la démarche. Mais en rester là limite tout ce

que peut apporter la pratique théâtrale. Le guidage que l’enseignant va proposer, puis les échanges entre

joueurs et spectateurs vont transformer le jeu initial et lui donner plus de créativité. L’improvisation est

guidée et cadrée par des contraintes d’espace, de personnages, par un rythme, des exigences corporelles ou

par une logique de déroulement. Dans l’échange, on apprend à analyser la production collective et les

apports de chacun en temps que personnage. On essaie de porter un jugement critique constructif. La

reprise et la composition du travail forment à l’exigence. Enfin, le contact possible et encouragé avec un

comédien, fruit d’un partenariat mûrement réfléchi, permet d’aller plus loin encore dans l’expression en

s’appuyant sur une prise de risque plus importante grâce au cadre sécurisant offert par le professionnel.

Ce travail esthétique de création est parallèlement renforcé par une éducation du spectateur et par

un apport culturel. On visite un théâtre, on rencontre des professionnels et on se prépare à voir un

spectacle en s’initiant aux codes de la représentation théâtrale. On établit des correspondances entre

plusieurs formes de théâtre. Enfin, à l’occasion de rencontres entre écoles ou de printemps théâtraux, on

découvre de nouveaux lieux de théâtre, de nouvelles manières de faire. On confronte sa production avec

celle des autres et, dans le cadre d’un projet, on s’enrichit mutuellement des nombreux et fructueux

échanges.

Pour illustrer ce propos, on trouvera ci–dessous un exemple de projet réalisé avec des élèves de

6ème SEGPA dans le cadre d’un projet théâtral d’établissement.

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Un exemple : O.T.N.I. « Objet Troublant Non Identifié »

Public concerné : Deux classes de 6ème SEGPA Collège Georges Gironde

Année scolaire : 1999/2000

Partenaires du projet : Quatre enseignants et un comédien-metteur en scène

professionnel

Thème général du projet artistique de l’établissement (théâtre, danse, arts plastiques,

poésie): La communication

Inducteur de jeu choisi pour le groupe SEGPA: L’objet (une chaussure de clown géante)

Résumé du canevas créé avec les élèves :

Trois groupes de personnages différents (extra-terrestres, voyous, bourgeois) découvraient et

manipulaient tour à tour l’objet mystérieux (la chaussure de clown). Cela provoquait de nombreuses

interactions, souvent sous forme de rejets, entre les uns et les autres. Pour finir, l’un des personnages

se servait de l’objet comme d’un appareil photo afin de photographier le grand groupe où chacun avait

enfin réussi à trouver une place.

Cette « petite forme » théâtrale, d’une quinzaine de minutes seulement, fut présentée au centre

culturel de Segré en Juin 2000 dans le cadre du spectacle du collège Georges Gironde. Le bouclage et les

impératifs d’un produit fini plus ambitieux auraient nécessairement pris le dessus sur les indispensables

apprentissages dont profitèrent les élèves, au cours de ce projet. La variable « courte durée » a donc

permis de privilégier la démarche de création.

Enfin, on soulignera l’intérêt en terme d’intégration pour ces élèves de SEGPA, complètement

associés au projet d’ensemble du collège.

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Objet Troublant Non Identifié : présentation synthétique de la progression Les observations d’une situation d’apprentissage, par auto-évaluation des élèves ou évaluation de l’enseignant, permettent de construire et d’ajuster la situation qui suit. Démarche objectifs

Situations d’apprentissage Principales compétences langagières et transversales visées

Observation / Evaluation

Improvisation / exploration

Utiliser un objet en le détournant de sa fonction première. Manipulations et échanges libres avec des objets divers Jeux de détournement de l’objet Improvisation et mise en dramatisation (3 élèves avec 1 objet de leur choix dans un espace bien identifié)

- Prendre sa place dans une situation d’exploration et de communication - Adapter son discours à une situation d’improvisation en s’exprimant de manière compréhensible - S’entraîner à modifier et à remplacer le réel par l’imaginaire - S’entraîner à passer d’un espace vécu à un espace « pensé »

(-) Difficulté à détourner l’objet de sa fonction initiale. (-) Manque d’imagination et de spontanéité. (-) Jeu perturbé par des fous – rires, des blocages ou des flots de parole. (-) L’objet sert souvent de matraque et la mise en jeu peut rapidement se transformer en pugilat. (-) La situation reste « collée » à l’univers quotidien des enfants

Guidage pédagogique ( nouvelles consignes de jeu sous formes de contraintes et de « variables » )

Faire évoluer la dramatisation vers plus de créativité Contraintes et variables: Le même objet pour tous les groupes Variation de la place ou de l’apparition de l’objet (déjà par terre, lancé des coulisses, appartenant à l’un des joueurs…) Construction de personnages (démarches, langage…)

.- Utiliser avec pertinence les variations de langue que les situations et variables suggèrent - Maîtriser sa concentration - Développer des capacités d’invention, d’imagination et de coopération

(+) Découverte de la diversité des réponses apportées (+) Nécessité d’adapter son jeu à des situations nouvelles (-) Difficulté à percevoir le sens, les intentions, les rapports entre les personnages, le rôle de l’objet dans l’histoire (essentiel ? accessoire ?)

Echanges acteurs/spectateurs Jeu et Rejeu

Amener les élèves à porter un regard critique et évolutif sur leur jeu. Présentation des productions en cours avec des critères d’observation précis (objet, personnages, voix, compréhension, sens, imaginaire…) Echanges entre acteurs et spectateurs Mise en rejeu des nouvelles propositions

- Emettre des suppositions, questionner, expliquer, justifier et argumenter - Exercer un jugement critique

(-) Difficulté à ne pas porter de jugement de valeur (« C’est bien , c’est pas bien ») (+) Intégration et choix de critères d’évaluation observables (+) Critiques avec nouvelles propositions (+) Confrontation des points de vue, approfondissement du sens et de la compréhension. (+) Intérêt du rejeu pour « améliorer », essayer, tenter ( jeu des essais/erreurs)

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En théâtre, d’autres pistes d’induction sont possibles : des espaces, des musiques ou des sons, des

textes, des personnages, des cartes postales, des photos, des dessins humoristiques, des publicités ou

encore des reproductions de tableau. « Il est toujours intéressant d’utiliser des inducteurs de jeu

différents pour voir comment les enfants répondent, ce qu’ils voient et ce qu’ils choisissent,

explique Gisèle Barret(1). On peut analyser leur manière d’interpréter l’image, l’espace ou le son.

On verra alors quels éléments ils vont s’approprier pour jouer, se mettre en jeu ou organiser leurs

activités dramatiques. » L’enseignant, en partant de caricatures sociales connues et codifiées, conduit

ses élèves vers l’inconnu en proposant des situations d’apprentissage ouvertes et propices à l’invention et

à la créativité.

(1) Expression dramatique Théâtre p. 27 HATIER ENSEIGNANTS 1991

Démarche

Objectifs Situations d’apprentissage

Principales compétences langagières et transversales visées

Observation / Evaluation

Composition et mise en forme

« Fixer » l’improvisation et travailler plus finement sur le sens. Variables techniques : - Jouer au ralenti - Représenter l’histoire en 5 tableaux fixes - Inverser les rôles - Mime / grommelots - Variation, exagération des émotions et des motivations… Fixation des dialogues par écrit

- Développer les capacités de compréhension d’une situation -Renforcer le sens esthétique et le besoin de créer - Développer les capacités de mémorisation - Savoir gérer le temps et se former à l’exigence - Faire le lien entre langue orale et écrite et lui donner du sens

(-) Difficulté à garder la spontanéité des premières improvisations, à mémoriser. (+) Compréhension du sens de chaque action, de la place de l’objet, des intentions des personnages et de leurs rapports. (+) Verbalisation et intériorisation du ressenti des émotions. (+) Passage à l’écrit porteur de sens et générateur d’une démarche d’apprentissage du code

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Une relation pédagogique plus authentique

« Le seul apprentissage qui influence

réellement le comportement d’un individu

est celui qu’il découvre lui-même et

qu’il s’approprie ».

Carl Rogers

En pratiquant le théâtre avec ses élèves, on s’initie à une nouvelle approche pédagogique. Au cours

des « ateliers », une relation différente s’établit entre celui qui est censé savoir et ceux qui sont censés

apprendre : une relation plus authentique. Nous avons parlé, nous nous sommes exprimés, nous avons ri et

nous nous sommes émus ensemble. Parfois libre de participer ou non, chacun a pu s’exprimer,

s’interroger, écouter et être écouté. En recherchant sa place dans le groupe, chaque élève n’a-t-il pas tout

simplement appris une nouvelle forme de relation avec le monde ?

Le rôle de l’enseignant est primordial, comme le rappelle Philippe Meirieu(2) : « L’apprentissage

est une histoire qui met en présence un déjà là et une intervention extérieure; une histoire où

s’affrontent des sujets, où travaillent et s’articulent intériorité et extériorité, élèves et maîtres,

structures cognitives existantes et apports nouveaux. » L’adulte guide et accompagne plus qu’il ne

transmet. Il facilite l’activité adaptative, aide et organise l’appropriation des savoirs et des apprentissages.

(2) Apprendre … oui mais comment p. 41 ESF 1987

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Pourtant, il arrive que l’on doute. Ce qui se passe dans le groupe n’est pas toujours facile à

analyser et comprendre. Même si le plaisir est souvent présent, des élèves peuvent paraître insatisfaits.

« Il n’y a pas toujours corrélation entre participation, satisfaction et apprentissage, précise Jean

Claude Landier(3). On peut participer par habitude, sans plaisir, et ne rien apprendre ou au

contraire apprendre tout de même. On peut être surpris par le plaisir, même dans une participation

tiède, et sans apprendre forcément quelque chose. On peut éprouver un plaisir intérieur sans

participation et apprendre beaucoup de ce qui se passe autour de soi et en soi. Bref, tout est

possible, et l’insatisfaction des élèves est un indice que l’on doit apprendre à maîtriser, à accepter, à

intégrer, à décoder. »

Par voie de conséquence, il faut parfois accepter de suivre le chemin où les enfants veulent nous

mener car, dans une certaine limite, nous avons quelque chose à comprendre d’eux. En réalité, ne

désirent-ils pas nous expliquer leur logique de compréhension du monde ? « L’enjeu se situe dans une

éthique nécessaire de notre rapport à l’autre, exprime Mireille Cifali(4). Dans ce rapport à l’autre où

il s’agit pour lui de grandir et d’apprendre, ce qui importe est de vraiment l’autoriser à construire

sa vie, sa connaissance, de se confronter aux difficultés et de les dépasser. »

Toutes ces interrogations sont intéressantes pour le professeur des écoles qui prend conscience

que, grâce à son action, une autre dynamique peut s’installer dans la classe, une dynamique de l’espoir et

de la valorisation. Il convient alors de réfléchir à la notion de transfert pour cette nouvelle relation

pédagogique. En effet, d’une manière générale, cette richesse de propositions et cette attitude de l’adulte

faite d’écoute, d’observation, de participation et de stimulation ne conditionnent-elles pas en partie la

réussite scolaire à l’école ?

(4) Le lien éducatif , contre jour psychanalytique p 53 Presses Universitaires de France 1994 (3) Expression dramatique Théâtre p. 127 HATIER ENSEIGNANTS 1991

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« C’est en jouant que l’individu, enfant

ou adulte, est capable d’être créatif et

d’utiliser sa personnalité toute entière ».

D. W. Winnicott

3

La visée esthétique

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Explorer avec émotion, intelligence et sensibilité

Les textes officiels précisent clairement la visée esthétique de l’éducation artistique. L’enseignant

accompagne et amène ses élèves à se construire progressivement une identité par l’expérience des sens.

Apprendre à écouter, à regarder, à ressentir ; apprendre à percevoir le monde réel, à inventer un monde

imaginaire en faisant appel aux images, aux objets ou encore aux métaphores contribuent en effet à la

mise en place d’une éducation artistique. Pour développer le sens esthétique et le besoin de créer, il faut

donc encourager chaque enfant à faire preuve de sensibilité, à parler de ses ressentis, à « explorer le

monde avec émotion et intelligence ».

La démarche de création

Cette démarche est le fruit d’un long travail de recherche effectué par des formateurs et des acteurs

de terrain, à partir de stages et de nombreuses expérimentations en classe. Pour l’enseignant, elle est un

guide. Tout en s’appuyant sur ce cadre, il peut également l’adapter et modifier son action pédagogique en

fonction des élèves, de leurs réponses et des mises en situation.

Démarche d’initiation :

1 - Improvisation/exploration : perception, motricité, vocal/verbal, dramatisation (à partir d’un inducteur de jeu :

objet, image, espace, personnage, texte, musique…).

2 - Guidage pédagogique et accompagnement grâce à de nouvelles propositions de l’enseignant « guide » sous forme de

contraintes et de variables dans la mise en jeu.

3 – Evaluation–remédiation à partir de critères observables

4 - Echanges et confrontations acteurs/spectateurs : Jeu/Rejeu

5 - Fixation, composition, mise en forme d’une « production» en cours

6 - Evaluation formative

Démarche d’investigation

Reprise des étapes 1, 2, 3 et 4

5 - Nouvelles recherches, apports techniques, travail approfondi sur les intentions et sur le sens, sur les personnages,

sur la mise en scène.

6 - Evaluation – remédiation à partir de critères observables

7 - Rencontre avec un vrai lieu de théâtre, d’autres classes, de nouveaux partenaires, de nouvelles contraintes de

production (printemps théâtral, classe culturelle…)

8 - Rencontre avec un public non scolaire.

9 - Evaluation formative

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Un exemple: le théâtre - image

Pour illustrer cette visée esthétique de l’éducation artistique, j’ai choisi de présenter ci-dessous un

exemple de démarche s’appuyant sur le théâtre-image. Ce travail, inspiré des travaux d’Augusto Boal(5),

a été expérimenté en cycle 3 et en classe de perfectionnement. Le principe de base consiste à partager la

classe en deux groupes : des enfants sculpteurs et d’autres qui sont « statues ». Les premiers modèlent de

leurs mains la statue qu’ils imaginent en prenant soin d’être très précis dans leurs intentions. Le

théâtre- image permet de développer la capacité d’observation par le « dialogue visuel » entre deux ou

plusieurs enfants. En principe, l’usage du langage verbal est exclu. Les élèves-statues doivent « voir » et

ressentir les intentions des sculpteurs. Pour chacune des cinq séquences suivantes, on reprend dans ses

grandes lignes la démarche de création explicitée plus haut : exploration, variables, échanges, jeu et rejeu,

fixation et composition. Regarder l’autre permet de s’améliorer soi-même. Ainsi, on insiste beaucoup dans

ce travail de théâtre-image sur la relation acteurs/spectateurs qui initie d’abord chaque enfant à regarder et

à observer mais aussi à apprendre sur sa propre production.

Séquence 1 : Création d’images individuelles

Situations d’apprentissage Principales compétences langagières et transversales visées

Observation / Evaluation

L’enfant utilise le corps de l’autre en le « sculptant » comme une statue, de manière libre et spontanée. (Regroupements par deux : :un sculpteur/un sculpté à tour de rôle)

- Apprendre à s’exprimer de manière non verbale - Accepter de se laisser guider, maîtriser équilibres et émotions - S’adapter à une situation ouverte

L’enseignant donne ou suscite des intentionnalités précises sous forme d’indications d’attitude ou de types de personnage à sculpter : coureur, monstre…

- Maîtriser les appuis - Développer les capacités d’invention

Echanges et confrontations des intentions du sculpteur avec les représentations établies par les spectateurs ( et les élèves sculptés)

- Observer, s’interroger, verbaliser ses ressentis - Situer l’expression au centre des apprentissages

Composition et mise en forme « d’images » représentant des personnages signifiants par essais / erreurs et retouches successives

- Construire son autonomie - Développer des capacités d’imagination et de créativité

(-) Non participation, mise à l’écart volontaire (-) Assistanat, dépendance par rapport à l’adulte (-) Créativité perturbée par un déficit d’imagination, un retour à la communication verbale et des difficultés à se concentrer (-) Propositions très proches de l’univers quotidien des enfants (-) Refus de la critique (-) Difficulté à ne pas porter de jugement de valeur ( c’est bien / c’est pas bien) (+) Découverte de la diversité des réponses, éveil à plus de sensibilité (+) Exploration du rapport au corps (+) Intérêt apporté à la rencontre avec l’autre

(5) Jeux pour acteurs et non-acteurs Pratique du théâtre de l’opprimé La découverte 8ème édition 1995

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Séquence 2 : Création de tableaux collectifs :

Situations d’apprentissage Principales compétences langagières et transversales visées

Observation / Evaluation

Les élèves présentent une « image collective », un tableau illustrant une scène de la vie courante (repas, sport…) de manière libre et spontanée (un groupe de sculpteurs, un groupe de sculptés et un groupe de spectateurs, à tour de rôle)

- Développer la capacité à symboliser - Eduquer à la lecture de la créativité théâtrale

L’enseignant propose des contraintes et variables : Position des personnages (debout, au sol, points de contact …) ou définit des émotions (joie, colère…)

- Apprendre à se situer et à se repérer dans l’espace - Maîtriser énergies, appuis et équilibres

Observations commentées des images réalisées, modifications par essais / erreurs et retouches successives

- Ecouter, observer, argumenter, émettre des hypothèses et les appliquer -Permettre à tous les enfants de s’exprimer

(-) Difficulté à élaborer un travail collectif, à respecter et à tenir compte des propositions des pairs (+) Acceptation de la critique (+) Implication plus forte dans la situation d’apprentissage (+) Utilisation et exploitation de la diversité des réponses

Séquence 3 : Contes et récits traduits en plusieurs tableaux

Situations d’apprentissage Principales compétences langagières et transversales visées

Observation / Evaluation

Traduire sous la forme de plusieurs tableaux une fable ou un conte connus. Trois groupes d’enfants différents représentent les tableaux dans un ordre chronologique

- Retrouver les étapes chronologiques d’un récit - Apprendre à créer dans un cadre spatio-temporel

Présentation des productions aux autres enfants Echanges et critiques Nouvelles recherches et propositions

- Exprimer un point de vue - Développer la communication acteurs / spectateurs

Les enfants se transforment eux – mêmes en une image fixe (auto-sculptures) Même travail de composition mais un seul groupe par histoire représente la succession des tableaux ( changement de tableau suite à un signal à définir)

- Développer la motricité expressive à travers la mobilisation corporelle - Développer le sens esthétique et le besoin de créer - Faciliter l’accès au stade narratif

(-) Difficulté à reconnaître les étapes chronologiques essentielles d’un récit (+) Collaboration et mise en commun des énergies dans un projet commun (+) Ecoute, prise de parole pertinente, jugement critique étayé par une observation critériée (+) Critique constructive (+) Capacité à symboliser

Exploitation avec des photographies : Après délibération, les élèves statues sont photographiés. Les photos deviennent alors « un outil de travail ». Elles sont affichées, commentées, servent à évaluer les réalisations et à émettre des jugements critiques. Elles constituent une trace « lisible » de toutes les productions d’images par les élèves.

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Séquence 4 : Utilisation d’inducteurs plus abstraits (littérature, musique, éléments, émotions…) Situations d’apprentissage Principales compétences langagières et

transversales visées Observation / Evaluation

A l’évocation des mots ou expressions suivantes (rassembler, rouler sa bosse, sortir de sa coquille…), construire une image (expression individuelle spontanée)

- Développer la capacité à symboliser

Même consigne mais en groupe (expression d’abord spontanée puis avec un temps de préparation).

- Développer l’imagination en s’appuyant sur les imaginaires individuels dans le groupe

Variables proposées par l’enseignant pour amener les enfants à développer leur imaginaire collectif (espace, contrastes et contraires, postures…)

- Développer le sens esthétique et la créativité - Evaluer et dépasser son niveau de capacités expressive et motrice

Echanges et confrontations, modifications, composition et présentation

- Verbaliser ses ressentis, ses émotions - Se familiariser à la création en recherchant à intérioriser ses ressentis

(-) Difficulté à inventer, à créer des images faisant appel à l’abstraction et à la compréhension fine de l’inducteur ( production trop figée sur le réel) (+) Prise de conscience de l’intérêt du jeu et du rejeu (prise de risque supérieure sous la forme d’essais / erreurs) (+) Capacité à adapter ses intentions à une situation faisant appel à l’abstraction (+) Enrichissement mutuel favorisé par la diversité des réponses apportées (+) prise d’initiatives

Séquence 5 : Exploitation de textes non dramatiques

Situations d’apprentissage Principales compétences langagières et transversales visées

Observation / Evaluation

A partir d’un texte à découvrir et à lire, dégager plusieurs éléments essentiels ( lieux, personnages, émotions, actions….) et les traduire sous la forme de tableaux

- Analyser un texte pour en préciser les traits caractéristiques et les composantes essentielles (lieux, personnages, idées principales…) - Lire pour comprendre le pourquoi d’une action, les intentions d’un personnage…

Même travail autour d’un récit écrit à traduire sous la forme de plusieurs tableaux chronologiques

- Retrouver les étapes essentielles d’un récit

Inventer la suite du récit ( ou ce qui le précède) et la traduire en plusieurs tableaux

- Repérer, exploiter et représenter les éléments significatifs d’une situation - S’investir et trouver sa place dans un projet de création

Traduire sous la forme d’une seule image (individuelle ou collective) l’idée essentielle d’un texte lu

- Lire de manière signifiante - Saisir l’essentiel d’un texte - Accéder à une compréhension fine d’un texte - Se familiariser avec la création grâce à l’intériorisation des ressentis

(-) Difficulté à identifier les données essentiels (personnages, actions, intentions …) (+) Propositions personnalisées, originales faisant appel à une capacité d’imagination accrue (+) Apprentissage de l’autonomie (+) Passage plus aisé du réel à l’imaginaire (+) Enrichissement mutuel favorisé par la diversité des réponses apportées (+) Meilleure compréhension du sens (+) Perception plus fine de ce qui est essentiel, de ce qui est accessoire

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Témoignage :

Récit d’une expérience de théâtre-image

en classe de perfectionnement (extrait)

(Ecole Robert Fontaine Segré 1997) « Un premier échange verbal a lieu. On décide maintenant de réaliser un type de statue plus identifié. Après

observation des « statues en cours de modelage », le choix des élèves se porte sur « quelqu’un qui court ». A nouveau, chaque enfant va apporter sa petite touche. Des tâtonnements ont lieu. Des options sont choisies puis abandonnées . Le coureur doit-il n’avoir qu’un pied d’appui au sol? Son visage doit-il montrer de la joie ou de la souffrance? Une fois l’exercice achevé, certains ont eu envie d’apporter encore d’autres modifications aux élèves-statues qui se sont prêtés de bonne grâce à l’exercice.

Ce travail de théâtre – image a provoqué des interrogations , des remises en cause mais surtout , il a suscité de véritables émotions . Le pouvoir artistique de l’image a déchaîné des rires , des silences d’étonnement et d’admiration . Chacun se rend compte que « c’est facile » . Personne n’est mis en danger … même pas la statue . La nouvelle image que l’élève donne de lui ne modifie-t-elle pas également l’image qu’il a de lui même et l’image qu’il pense que les autres ont de lui ?

Nous renouvelons l’exercice d’une manière collective cette fois-ci et c’est Laëtitia qui demande avec le plus d’insistance à venir devant tous ses camarades pour jouer le rôle de la statue unique. Je suis surpris par cet élan , cette envie de Laëtitia , l’une des élèves les plus « renfermées » de la classe . Ses camarades l’ont sculptée en auto – stoppeuse sur le bord de la route . Elle est restée parfaitement concentrée jusqu’à la fin et visiblement très satisfaite de pouvoir s’être mise en avant grâce à cet exercice.

Un peu plus tard, je propose d’aller plus en avant dans la démarche. « Cette fois-ci , je vous demande de présenter un tableau, une sorte de cliché instantané pris au cours d’un banquet de famille ». Je donne d’abord un temps de préparation à chaque groupe. Dans chaque coin de classe, ils discutent, ils font des tentatives. C’est un temps d’échange et de propositions très riche. Je passe de groupe en groupe pour préciser la consigne, donner des indications ou suggérer des pistes. Je m’aperçois alors que certains éprouvent des difficultés à composer une image fixe à partir d’une situation qui est censée, dans la réalité, durer plusieurs heures. C’est le cas d’Alexandre. C’est pourtant un élève qui d’habitude fait preuve d’un fort enthousiasme pour la pratique du théâtre. Depuis le début de l’année scolaire et très rapidement, il a su trouver sa place dans ces activités d’expression. Mais voilà qu‘il se trouve en échec par rapport à ce que je lui demande. Comme quelques autres, il ne comprend pas comment on peut représenter une scène « qui bouge » et qui se déroule dans la durée…par une image fixe. Il ne peut s’empêcher de mimer la situation. Pour résoudre ce problème, je réunis tout le monde. Une discussion a lieu. Chacun donne son avis et nous construisons ensemble une image fixe du repas. J’essaie de ne pas apporter de solutions toutes faites. Les élèves qui ont bien saisi le sens de la consigne viennent sculpter Alexandre et ceux de son groupe. L’image représente la famille juste au moment où Emmanuel a avalé une arête de poisson. Ensuite, chaque groupe poursuit à nouveau ses recherches. Puis, ont lieu les présentations. Alexandre, dans son groupe, n’est plus en échec. Il a saisi la consigne et compris que l’on pouvait arrêter une action à un moment donné pour la représenter comme une image fixe. Les uns ont choisi de présenter la famille dans un fou rire au moment où le père raconte la fin d’une histoire drôle tandis que d’autres, par exemple, ont présenté une dispute. L’observation de ce qui s’est passé avec Laëtitia et Alexandre, m’a conduit à tirer quelques enseignements importants. Concernant Laëtitia, il est clair que le « théâtre – image » lui a permis de trouver une place et un rôle qui lui convenaient parfaitement. Autant pour sculpter elle – même que pour être sculptée, elle a éprouvé du plaisir et de l’intérêt. Cette enfant timide, un peu effacée et qui baisse souvent les yeux quand on la regarde n’a pas eu peur du regard des autres. Elle a même peut–être trouvé une occasion inespérée de l’affronter. Ici, le théâtre a servi de médiation pour vaincre ses difficultés. Le cas d’Alexandre est également intéressant. Il s’est trouvé bloqué par rapport à une consigne qu’il ne parvenait pas à assimiler. Grâce au groupe et grâce au théâtre, plus particulièrement ici au «théâtre – image», des rapports de force «naturels» dans la classe ont été ébranlés. Cela a permis à certains de se repositionner pour affronter plus facilement le regard d’autrui, tandis que d’autres se sont obligés à une vraie remise en question pour relativiser leur statut de leader et réfléchir à la représentation de leur propre image dans le groupe.

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Analyse en terme d’apprentissages « Si le théâtre c’est la vie, alors

l’apprentissage du théâtre peut devenir

l’apprentissage de la vie ».

Peter Brook

Créativité et réussite scolaire

Les dernières directions prises par le ministère de l’Education Nationale rappellent que les

missions de l’école répondent à des attentes larges et multiples. Les acquis disciplinaires s’imbriquent et

s’articulent avec des compétences plus transversales, avec d’autres exigences d’éducation esthétique,

culturelle et citoyenne. Aussi, il est clair que le théâtre à l’école ne doit pas perdre sa spécificité créatrice

pour ne devenir qu’une « matière utilitaire » au service, par exemple, de l’expression orale. En revanche,

il ne peut pas non plus se contenter d’être une simple activité de plaisir immédiat, jamais évaluée, jamais

remise en question.

Peut-on réconcilier ces deux conceptions du théâtre à l’école, l’une qui s’appuie essentiellement

sur la création et l’autre qui touche plus directement au « succès » scolaire ? En réalité, ces deux

représentations ne sont pas forcément antagonistes mais demandent à ce que l’on précise bien quels sont

les enjeux de la réussite à l’école. Se limite-elle aux seuls résultats, compétences et évaluations à

dominantes disciplinaire et méthodologique ? A mon sens, on doit y inclure la socialisation et

l’épanouissement de la personnalité. Les deux exemples précédents montrent que si la pratique théâtrale

est bien au cœur d’un projet de classe, et non perçue comme une agréable récréation, la démarche de

création permet d’atteindre des objectifs d’apprentissage de savoirs, savoir être et savoir faire, notamment

dans la maîtrise de la langue orale et écrite, mais aussi en terme de développement de la personne.

Nourrir l’estime de soi

L’enfant a besoin de tout son être pour apprendre et pour comprendre. Le théâtre-image, par

exemple, lui permet de transformer l’image qu’il a ou qu’il donne de lui-même. Ce travail permet de

redonner une place au corps parce qu’il s’appuie sur une communication non verbale. Le corps s’est

montré, il a découvert à la fois ses limites et ses capacités, mais plus encore sa totalité et sa globalité. Dans

leurs attitudes et dans leurs gestes, nos jeunes élèves font appel à l’image plus ou moins consciente qu’ils

forment avec leur corps engagé dans l’espace.

Une fois les angoisses dépassées par les membres de la classe, l’intention pédagogique de

l’enseignant est double car chacun doit se retrouver entier dans son regard mais aussi prendre conscience

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de sa propre image au sein du groupe. L’objectif d’apprentissage prioritaire consiste donc à instaurer (ou

restaurer ) une image de soi plus positive et à travailler autour de l’identité de l’élève comme une

personne, comme un sujet capable d’apprendre et de réussir. L’enjeu est de taille car une bonne estime de

soi peut constituer un levier important pour accéder à la motivation du « vouloir apprendre ».

Conforter la dimension symbolique

Dans leur récent ouvrage, Tizou Perez et Annie Thomas(6) définissent la symbolisation comme un

processus majeur qui « fonde les pratiques artistiques ». Le théâtre explore l’imaginaire collectif et le

confronte au réel. Il offre la possibilité à chaque enfant d’interpréter le réel tout en cherchant à s’en

distancier. Pour y parvenir, chacun explore d’abord son propre imaginaire, le confronte à celui des autres,

fait preuve d’invention et de créativité en développant une intelligence intuitive , associative, analogique

et imaginative. « Les fonctions du symbole sont multiples et le processus de symbolisation agit

comme une dynamique dans la construction de la personne ». (7) En ce sens, la symbolisation

participe à l’équilibre, à la formation et à l’épanouissement de l’enfant comme sujet.

Par le jeu symbolique, l’enseignant cherche à développer le pouvoir créateur de ses élèves. L’enjeu

n’est-il pas de les inviter à s’éloigner d’une vision trop égocentrique de l’univers ? Philippe Meirieu(8)

apporte un élément de réponse en terme d’accès au stade représentatif : « Les recherches montrent que

l’accès à l’intelligence et donc à la construction de la personne suppose une déconstruction de cet

égocentrisme enfantin et la capacité à se représenter l’univers comme autre chose qu’un ensemble

d’événements et de phénomènes focalisés autour de soi, à se représenter l’univers comme un

ensemble de choses dont on n’est pas le centre. »

Dans l’exemple cité plus haut (séquence n° 4), la construction d’images corporelles à partir de

mots ou d’expressions stimule chez l’élève la capacité à transformer des faits en symboles, à déplacer le

sens, à faire évoluer ses représentations premières et à se nourrir des interprétations et des évocations de

ses pairs. « Le fictif émerge alors pour dynamiter la réalité et pour la mettre en pièce, ajoute Gisèle

Barret(9) . Le jeu des associations, des transformations, des rapprochements et des collages insolites

propose une nouvelle structure qui prend ses distances par rapport à la perception initiale du réel. »

(6) Danser les arts p.38 CRDP Pays de Loire 2000

(7) Op. Cit. p 39

(8) Les enjeux actuels du théâtre p. 17 Biennales de l’éducation 1993

(9) Expression dramatique Théâtre p. 10 HATIER ENSEIGNANTS 1991

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Pour une pensée multiple

La gestion du groupe à travers l’activité théâtre engendre des articulations nouvelles entre

imaginaire et réel, entre émotion et maîtrise ou encore entre ses propres perceptions et celles des autres.

Le passage réussi de l’un à l’autre est également propice au développement de la personne. Aussi, grâce à

une approche de création théâtrale à l’école, on peut raisonnablement miser sur la capacité des enfants à

devenir moins sclérosés dans un mode de fonctionnement ou un mode de pensée uniques.

En effet, si l’on réfléchit aux aspects apparemment contradictoires du jeu théâtral, on se rend

compte, par exemple, que la relation entre liberté et règle s’y avère prédominante. C’est en particulier

dans le jeu de théâtre que la liberté rencontre la règle. Tout d’abord parce que cette règle s’oppose à

l’éclatement d’une mise en dramatisation sauvage et trop débridée, mais aussi parce qu’elle donne les

contraintes nécessaires pour accéder à la rigueur que l'effort de symbolisation et de création réclame. En

fait, dans ce « jeu-là », c’est au prix d’un vrai « travail » que le sens devient perceptible et communicable.

Dans le cadre scolaire, c’est un ensemble d’actes qui va du travail sur l’espace, sur le temps, sur le texte

jusqu’à une réflexion critique concernant les interactions entre soi et le groupe, entre les acteurs et les

spectateurs, entre les élèves et l’enseignant « meneur du jeu » ou simplement « émetteur de propositions ».

Le goût de l’effort et de la difficulté, le sens de la consigne, le respect des autres, le contrôle de soi, toutes

ces valeurs constituent pour l’éducation au travail des objectifs essentiels dont le jeu, ici, permet

finalement l’assimilation.

Il en va de même, par exemple, entre émotion et maîtrise. Un bon élève de cycle 3 assimile souvent

par l’expérience et l’habitude un répertoire de réponses qui diminue les occasions de l’émotion. Il acquiert

la maîtrise . A l’inverse, chez certains élèves en difficulté scolaire, les réactions émotives ont souvent

tendance à persister car la contradiction entre émotions et maîtrise est mal acceptée. Dans l’Adaptation

Intégration Scolaires, on rencontre même des enfants en très grosse difficulté qui ne parviennent justement

pas à assumer bon nombre de ces contradictions. Cette impossibilité ne peut-elle expliquer en partie leurs

résistances à intégrer certains processus d’apprentissage ?

L’une des réponses à cette interrogation est peut-être de proposer des situations d’apprentissage

diversifiées et différenciées. En effet, pour aider chaque enfant à dépasser ses contradictions, quel meilleur

antidote qu’une réussite ?

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« Le théâtre a été inventé, il y a quelques millions

d’années par quelqu’un, un homme ou une femme,

qui s’est trouvé le dos à une falaise de quatre cents

mètres de haut avec en face une douzaine de

mammouths en train de charger. Il a dû se dire in

extremis : Si je ne les fais pas marrer maintenant,

je suis foutu ! »

Philippe Léotard

4

La visée culturelle

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Théâtre, école et culture

Avant l’entrée au collège et au lycée, le théâtre à l’école invite clairement à une première ouverture

culturelle par « la rencontre ». Rencontre avec quoi ? Rencontre avec qui ? Les textes officiels sur

l’éducation artistique à l’école de 1993 ouvrent des perspectives : rencontre avec des objets, des

sensibilités, des modes de représentation du monde, des créations contemporaines ou passées, de

nouveaux partenaires, de nouveaux publics : la liste est longue de tout ce qui peut enrichir la bagage

culturel initial de chaque enfant. Il est également rappelé l’importance accordée au respect de chacun dans

« la pluralité des expériences, des productions, des démarches et des cultures ». L’accent est mis sur le

nécessaire apprentissage de la réflexion critique. En effet, n’est-ce pas en s’appuyant sur un rapport aux

autres plus citoyen que l’enfant pourra tirer le plus de bénéfice d’une éducation artistique à visée

culturelle ? En fait, il s’agit qu’il puisse d’abord développer ses capacités à porter un jugement

constructif, à affiner son esprit – critique et sa capacité de comparaison, à la fois dans son rapport à l’autre

et dans son approche de l’objet ou de l’œuvre .

Cependant, dans son dernier ouvrage, Gérard Chauveau(10) se demande si le problème « du

culturel » à l’école est bien posé : « Non seulement, il y a une multitude de définitions et de

conceptions de la culture mais l’idée même de la culture renvoie à des champs d’action et de

signification séparés … Aussi, dès ses origines en 1792, l’école publique fut l’objet d’approches

culturelles contradictoires. » Le chercheur de l’INRP qui s’est interrogé avec pertinence sur les facteurs

de réussite scolaire en milieu populaire, définit plusieurs champs culturels généraux comme ceux des

particularismes ethnologiques, du rapport aux œuvres, de l’influence des modes médiatiques , du pouvoir

socio-politique ou encore du développement socio-cognitif. Par conséquent, à l’école, le culturel navigue

entre des aspects institutionnel, esthétique, disciplinaire, social, politique ou philosophique. La culture en

milieu scolaire serait donc complexe et pluridimensionnelle. Pour Gérard Chauveau, l’enseignant doit

« s’appuyer » sur la culture d’origine, c’est à dire l’ensemble des modes de vie, des façons de faire et de

penser de son groupe-classe. « Mettre la culture au cœur de l’école, ce n’est pas être indifférent – et

encore moins hostile - aux particularismes culturels, c’est donner à chacun la capacité de dépasser

la particularité de son point de vue, de voir « autrement » et plus haut… C’est considérer la

spécificité culturelle ou la culture d’origine non pas comme un obstacle ou inversement comme un

point de fixation, mais comme un point de départ de l’activité culturelle-intellectuelle » (11).

(10) Comment réussir en ZEP p. 99 Pédagogie RETZ 2000

(11) Op. Cit. p . 109

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Rechercher et reconnaître « l’universel » dans les cultures de ses élèves, c’est enrichir la culture

scolaire et renforcer l’une des missions prioritaires de l’école publique qui consiste à favoriser la

libération et l’émancipation des élèves, de tous les élèves, en respectant leurs origines et leurs

appartenances. « En fait, les individus et les groupes ne sont pas passifs à l’égard de leur culture,

confirme Jérôme Bruner(12). Sans cesse, ils l’interprètent et la repensent. L’enfant ne s’approprie pas

la culture comme il boit du lait. C’est par des actions et interactions permanentes avec ses parents et

son entourage qu’il apprend à communiquer… Le but de l’école n’est pas de façonner l’esprit des

élèves en leur inculquant des savoirs spécialisés dont ils ne comprennent pas le sens et la raison

d’être. Il faut que tous les élèves s’approprient une culture, intègrent des connaissances à partir de

questions qu’ils se posent. »

Le théâtre est ancré dans l’histoire de l’humanité comme un moyen d’exploration, un art qui donne

sens à la vie. Il reste à l’école la mission de le mettre à la portée des enfants pour leur permettre de s’en

approcher et de le pénétrer.

(12) In Sciences humaines n° 99 p. 39 Novembre 1999

Un exemple de projet théâtral : « Christophe Colomb »

Présentation :

Année scolaire 1996/1997. Projet artistique du groupe scolaire Robert Fontaine Segré

comprenant un volet « action d’intégration » pour la classe de perfectionnement dans l’école sous la

forme d’un travail de pratique théâtrale en commun avec les enfants de la classe de CM1, d’échanges de

service Théâtre/EPS avec le maître de la classe de CE2 et Théâtre/ Arts plastiques avec la maîtresse de

maternelle (GS).

Partenaires : Quatre enseignants et un comédien professionnel

Démarche de création:

En s’appuyant sur une démarche de création telle qu’elle est décrite aux paragraphes 2.1, 2.2, 2.3,

3.2, 3.3 et après de nombreuses situations d’apprentissage où chacun a pu exercer son esprit critique,

confronter ses représentations avec celles des autres ; lorsqu’il a été établi que la mise en forme

apparaissait satisfaisante, les élèves ont fixé par écrit les quelques dialogues, en laissant une part

importante au jeu.

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Prolongements à caractère culturel

La rencontre avec l’artiste

La création s’est appuyée sur un partenariat fécond entre l’enseignant et le comédien. Les enfants

ont pu tirer bénéfice de l’enrichissement mutuel établi entre le pédagogue et l’artiste En cours de travail,

un déplacement du groupe fut organisé à Angers. Les élèves ont rencontré le professionnel dans son

théâtre, dans son univers. Au programme : une découverte commentée du lieu, un temps de parole et

d’échange, la mise en place d’un atelier-théâtre sur le « vrai » plateau de jeu et la présentation par la

troupe d’une petite forme liée au travail en cours.

Les échanges avec d’autres écoles

Le groupe a également participé au printemps théâtral du segréen. La rencontre avec d’autres

écoliers s’est d’abord organisée sous la forme d’ateliers d’expression dramatique à partir d’inducteurs

communs travaillés en amont. Ensuite, tous les élèves ont assisté à une représentation théâtrale

contemporaine donnée par le groupe Spectabilis au centre culturel de Segré.

La lecture du spectacle vivant

Le spectacle, préalablement visionné et choisi par les enseignants, avait fait l’objet d’un travail

de préparation (thématique) et d’exploitation (langages et codes théâtraux : sens, découpages,

personnages, mise en scène, scénographie, costumes, décors, lumières, effets, musique, technique…).

L’accent a également été mis sur le caractère particulier du spectacle vivant, sur les émotions et la poésie

qui se sont dégagées de cette rencontre avec des comédiens « en chair et en os », avec une œuvre et son

caractère éphémère.

La représentation

Enfin, deux représentations publiques au centre culturel de Segré ont finalisé cette pratique

théâtrale en milieu scolaire. Il y a eu ouverture vers un autre environnement grâce notamment à

l’organisation de quelques séances de préparation au centre culturel même et l’implication de plusieurs

élèves à la régie (lumière et son).

L’évaluation

L’évaluation du théâtre à l’école est encore un domaine à « défricher » (voir annexe 3). Ici,

l’observation et les processus de métacognition ont permis d’évaluer l’impact du projet sur les capacités

des élèves à faire évoluer leurs perceptions premières et à enrichir leur bagage culturel. Ce temps de

rétroaction est indispensable pour évaluer et pour donner du sens à l’activité.

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Analyse en terme d’apprentissages

« Si nous parvenons à sensibiliser les jeunes

à la culture, nous créerons une nouvelle

société, une nouvelle mentalité ».

Mélina Mercouri

De nouvelles perceptions

Chaque élève, en pratiquant le théâtre, apporte un peu de son milieu et de sa culture. Le rôle de

l’enseignant consiste alors à différencier les composantes de l’activité, notamment pour permettre aux

élèves les plus en difficulté dans le groupe d’explorer avec réussite tantôt l’artistique, tantôt le

psychologique, tantôt le sociologique. N’est-il pas fondamental de multiplier les occasions de rencontre et

de croisement pour que chacun puisse y trouver matière à se voir autrement ? Les élèves découvrent la

réalité concrète et multiple de l’art théâtral ainsi que sa puissance sensorielle et mentale. Ensemble, on va

imaginer une histoire, un déroulement, un scénario, une trame, une aventure. En sortant de l’école, de

rencontres en rencontres, on apprend aussi à décoder un nouveau langage. Chacun extériorise sa

connaissance du monde et sa conception des relations humaines. En les extériorisant, il les confronte à

celle des autres et dépasse ses représentations premières.

Quelles étaient justement ces représentations ? Beaucoup d’enfants aujourd’hui, notamment en

milieu populaire, vivent dans un univers dominé par l’image télévisuelle. Les informations sont triées,

mastiquées, vulgarisées et le plus souvent vidées de leur « substance didactique ». Le culte du vedettariat

et du « star système », qu’il soit inspiré par la variété, le cinéma ou le ballon rond, amène aussi à

privilégier l’aspect extérieur de la personne à travers des attitudes et des comportements préfabriqués. Si

l’on base de manière volontariste sa réflexion sur la nécessaire mission d’une école qui puisse permettre la

réussite de tous, on ne peut pas ignorer cette réalité même si elle paraît très éloignée de la culture scolaire

traditionnelle. Quant aux enfants qui, en dehors de l’école, fréquentent les théâtres, ils n’ont pas forcément

tous la chance de pouvoir accéder à la multiplicité des codes et des langages. A titre d’exemple, le théâtre

de boulevard est souvent choisi par les troupes amateurs, particulièrement en milieu rural. Or, bien

souvent, ce théâtre là ignore le corps comme moyen d’expression, véhicule une idéologie contestable, des

intrigues stéréotypées et donne une place prédominante à la parole, une parole qui en général ne dit pas

grand chose.

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Dans le cadre d’un projet théâtral, Jean Pierre Ryngaert(13) invite justement l’enseignant à

s’interroger pour savoir « comment les élèves projettent leur monde intérieur par l’expression

dramatique et dans quelle mesure les modèles culturels qui les entourent viennent altérer, modifier

ou remettre en question toute expression que l’on voudrait plus originale ». En réalité, l’enjeu

consiste à bousculer l’idée traditionnelle que les enfants se font du théâtre. Pour ce faire, tous les lieux

dans l’école peuvent être détournés, réinventés et devenir des supports de jeu théâtral. Cela permet

d’éduquer le regard des joueurs comme celui des spectateurs et de créer les conditions d’une rupture avec

des formes essentiellement littéraires et une tradition surtout verbale.

Il s’agit aussi de permettre au système scolaire, en véritable service public d’éducation, d’assurer

sa mission fondamentale de démocratisation culturelle.

Apprendre la citoyenneté

Le plan partenarial entre l’Education Nationale et la Culture apparaît comme une chance historique

pour le développement des arts et de la culture à l’école. Le rééquilibrage des apprentissages et des

pratiques dans le sens d’une plus forte reconnaissance de l’élève dans sa globalité est porteur d’une

transformation en profondeur des pratiques éducatives. L’ambition d’un projet démocratique renouvelé

pour l’école ne se dessine-t- il pas en toile de fond ?

La citoyenneté ne peut se développer que sur le terreau d’une socialisation démocratique. L’école

doit enseigner des valeurs de respect, de coopération et d’équité pour finaliser le « vivre ensemble ». S’il

fait d’abord sentir sa propre vérité à l’enfant, le théâtre ne lui offre-t-il pas ensuite la possibilité de se

mettre à l’écoute de celle des autres ? D’une expression spontanée et libérée, l’enseignant guide l’élève

vers une expression réfléchie et plus développée, par exemple grâce à l’observation d’un groupe qui joue,

en s’appuyant évidemment sur des critères explicites et distanciés d’évaluation. Dans le jeu, ce n’est pas

l’enfant qui est remis en cause, c’est le personnage. De même, si un élève émet une réserve sur telle ou

telle action, elle doit être complétée par une nouvelle proposition constructive. Ici, on apprend à explorer,

à se maîtriser, à pratiquer la réflexion raisonnée et argumentée, à porter un regard critique sur les autres et

sur le monde. « C’est à partir de la vie dans la classe que les élèves découvriront les règles de la vie

en commun », nous rappellent les instructions officielles(14). Inscrire des objectifs d’apprentissage de la

citoyenneté dans la pratique théâtrale n’est pas accessoire. La démarche d’enseignement du théâtre à

l’école propose en effet à l’enseignant d’amener ses élèves à participer à de vraies discussions qui

s’appuient sur des cas concrets de problèmes à résoudre, qu’ils soient de l’ordre de la création ou de

l’épanouissement culturel.

(13) Le jeu dramatique en milieu scolaire p . 139 Editions Universitaires 1991

(14) Initiatives citoyennes pour apprendre à vivre ensemble Note de service n°97-216 du 10-10-1997

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« J’ai de moins en moins peur devant les autres ».

Laëtitia

5

Conclusion

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29

Quels enjeux ?

Je me suis attaché à démontrer que le théâtre à l’école pouvait être un formidable moteur pour

apprendre. « Face au défi de la démocratisation, la transmission d’une culture par l’école et le

développement de la créativité sont aussi importants que la transmission des savoirs

traditionnels », assure Marie Louise Issaurat IPR-IA de Versailles(15)

Acquisitions de maîtrise de la langue, appréhension différente de l’écrit, compétences

comportementales, transversales, pour certaines liées à la mémorisation, ouvertures culturelles, aptitudes

créatrices, développement et épanouissement de la personnalité sous ses aspects cognitifs et sociaux,

coopération, formation du jugement critique, pratique de la métacognition, meilleure connaissance de soi

et de ses capacités forment un ensemble de victoires qui contribuent à la réussite scolaire. En fait, l’enjeu

essentiel se situe au niveau d’un nécessaire recentrage de l’activité sur des apprentissages réels,

notamment pour les élèves les plus en difficulté. Les nouvelles orientations donnent une place plus

importante à l’Education artistique en terme d’horaire (3h hebdomadaire). La permanence d’un trop grand

cloisonnement entre les matières ne favorisant pas le réinvestissement des acquis, il reste à éviter que le

théâtre à l’école ne vienne en plus, en juxtaposition. Comme tous les enseignements artistiques, sa place

se situe bien au cœur des apprentissages fondamentaux.

Reste l’évaluation ! Elle est en particulier le meilleur instrument pour réajuster les actions

engagées et reformuler de nouveaux objectifs d’apprentissage. Mais peut-on facilement évaluer les acquis

de la pratique théâtrale de manière objective ? Le développement des démarches d’évaluation, la

recherche de critères qui prennent en compte la spécificité du théâtre à l’école sont désormais essentielles

et nécessaires. C’est aussi l’un des enjeux majeurs du plan de développement des arts et de la culture à

l’école. Il ne peut y avoir de reconnaissance sociale pour les domaines artistiques si les bénéfices ne sont

pas clairement dégagés pour les élèves, et cela, même si tous les enseignants et les partenaires culturels

sont convaincus de l’importance de cet enseignement pour les enfants, de son incidence positive sur leur

développement personnel, leur rapport aux autres et … leur réussite.

(15) Le théâtre et l’école : une rencontre toujours réinventée p. 51

Ministère de l’Education Nationale de la Recherche et de la technologie 1998

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BIBLIOGRAPHIE

BARRET Gisèle et LANDIER Jean Claude ( 1992 ) , Expression dramatique , HATIER

BOAL Augusto ( 1978 ) , Jeux pour acteurs et non – acteurs , La découverte , 1995

CIFALI Mireille ( 1994 ) , Le lien éducatif : contre – jour psychanalytique , PUF

LEMOINE Gennie et Paul ( 1975 ) , Le psychodrame , ROBERT LAFFONT

LESAIN – DELABARRE Jean Marc ( 1996 ) , Le guide de l’ AIS NATHAN

MEIRIEU Philippe ( 1994 ) Apprendre … oui , mais comment , ESF

RYNGAERT Jean Pierre ( 1977 ) , Le jeu dramatique en milieu scolaire , Editions

universitaires , 1991

LES CAHIERS PEDAGOGIQUES n° 337 , « Le théâtre à l’école , qu’est - ce que ça fait ? »

UNIVERSALIS éducation , jeu , pédagogie , psychologie , psychanalyse , théâtre

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Annexe n°1

Des instructions officielles

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Programmes officiels de 1995 concernant le théâtre et l’expression

dramatique :

Les nouveaux textes (1998 et 2000 ) renforcent les programmes de 1995.

CYCLE 1

CYCLE 2

Aspects pédagogiques

- Dans la continuité de l'action conduite à l'école maternelle, l'éducation artistique a pour but d'amener

les élèves à développer leur sensibilité, leurs capacités de création, à découvrir des oeuvres d'art, à saisir

des démarches d'artistes.

- Deux disciplines artistiques sont obligatoirement enseignées : la musique et les arts plastiques. En

outre, sont présentés ici, à titre d'exemples d'ouverture à d'autres domaines artistiques : le théâtre et

l'expression dramatique, la danse, les images.

Activités pédagogiques

-A partir des premières activités pratiquées à l'école maternelle, les élèves développent leurs capacités

expressives, corporelles, relationnelles, verbales, sensibles et imaginatives au sein d'un groupe.

-En liaison avec la maîtrise de la langue et en prenant appui sur la littérature pour l'enfance et la

jeunesse, ils sont invités à pratiquer des lectures orales et expressives de textes ou de dialogues.

-Pas à pas, ils sont amenés à inventer de courts canevas de jeu dramatique. Puis ils explorent et

découvrent quelques règles et conventions du jeu théâtral : la scène, les personnages, le jeu pour le

public... Enfin, chaque fois que possible, la relation au spectacle vivant sera développée ainsi qu'une

approche de réflexion critique.

CYCLE 3

Aspects pédagogiques

- Composante essentielle de la formation générale, l'éducation artistique a un rôle important au cycle

des approfondissements où les disciplines s'affirment. Ainsi, les élèves peuvent montrer un goût ou une

compétence particulière dans tel ou tel domaine artistique, qu'il est bon d'encourager sans toutefois

négliger les autres domaines.

-Parce qu'elle accueille des enfants de toute origine et de tout milieu social, l'école se doit de remplir

pleinement son rôle de formation culturelle. C'est au maître qu'il appartient d'assurer la mise en

cohérence des informations multiples que l'élève recueille dans l'école et hors de l'école.

-Deux disciplines artistiques sont obligatoirement enseignées : la musique et les arts plastiques. En

outre, sont proposés ici, à titre d'exemples d'ouverture à d'autres domaines artistiques : le théâtre et

l'expression dramatique, la danse, les images.

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Activités pédagogiques

-Les activités pratiquées au cours des cycles précédents seront développées.

-Au cycle des approfondissements, les élèves peuvent utiliser les règles et conventions du jeu théâtral

qu'ils ont découvertes. Ils peuvent prendre appui sur des récits ou sur de courts textes théâtraux, en

inventer eux-mêmes pour s'engager dans des réalisations simples.

- Pour bien prendre en compte la dimension de l'élève-spectateur, il convient de construire pour lui une

culture théâtrale effective à partir de spectacles, de documents divers (livres, diapositives...) sans oublier

que le théâtre n'existe que dans un échange vivant qu'aucun média ne saurait remplacer.

Le théâtre et l'expression dramatique

- Les activités pratiquées au cours des cycles précédents seront développées.

- Au cycle des approfondissements, les élèves peuvent utiliser les règles et conventions du jeu théâtral

qu'ils ont découvertes. Ils peuvent prendre appui sur des récits ou sur de courts textes théâtraux, en

inventer eux-mêmes pour s'engager dans des réalisations simples.

- Pour bien prendre en compte la dimension de l'élève - spectateur, il convient de construire pour lui

une culture théâtrale effective à partir de spectacles, de documents divers (livres, diapositives...) sans

oublier que le théâtre n'existe que dans un échange vivant qu'aucun média ne saurait remplacer.

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Des activités ordonnées en trois temps

( L’éducation artistique à l’école DEP 1993)

Le tableau ci-dessous indique quelles activités d’initiation pratique peuvent être proposées aux

élèves de l’école élémentaire en suivant trois temps différents :

1- Une phase de jeux d’exploration individuelle ou collective, verbale ou non verbale.

2- Une phase d’exploration et d’utilisation d’un matériau-support qui induit une situation

dramatique à jouer.

3- Une phase qui approche un élément de la représentation, constituant un mouvement vers la

théâtralisation et la découverte du langage artistique.

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Annexe n°2

Un panel de compétences

à construire

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Au regard des quelques exemples de situations d’apprentissage présentées

dans ce mémoire, l’accent a été mis sur quelques compétences de maîtrise de la

langue, des compétences comportementales, transversales et méthodologiques

qu’il est possible d’acquérir grâce à la pratique théâtrale à l’école.

On trouvera ci-dessous, à titre d’exemple, une liste non exhaustive de compétences à construire

avec les élèves de cycle 2 et cycle 3 à l’école élémentaire :

Maîtrise de la langue orale :

- S’exprimer de manière compréhensible ( prononciation, articulation, volume, débit )

- Utiliser différents registres de langue en fonction de situations variées

- Commenter puis créer des situations de jeu (fixe/animé - vocal/verbal) à partir d’une image,

d’un tableau ou d’une musique

- Identifier les personnages, les lieux … d’un récit ou d’un conte

Maîtrise de la langue écrite :

- Retrouver les étapes chronologiques d’un conte, d’un récit, d’un texte

- Reconnaître des éléments essentiels d’un texte ( concernant les personnages ou l’action

principale), en percevoir la fonction ou le sens

- Transformer un récit ( par changement de ton, de narrateur, de chronologie, d’humeur…)

- Inventer, écrire et mettre en scène de manière cohérente ( réaliste ou imaginaire) une courte

fiction ou la suite d’une histoire

- Construire un récit de fiction et lui donner une forme théâtrale

- Lire pour comprendre le sens ( le pourquoi d’une action, les intentions d’un personnage …)

Savoir faire :

- Savoir repérer et représenter les éléments significatifs d’une situation

- Développer ses capacités de mémorisation (enchaînements, situations, intentions, textes)

- Construire des éléments abstraits (espace, récit…) à partir d’un cadre réel et familier

- Donner son avis et s’exprimer dans un groupe, développer un jugement critique

Savoir être

- Manifester de l’aisance corporelle, de la concentration

- Maîtriser les énergies, les appuis, les équilibres

- Adapter son comportement à l’activité exercée

- Explorer la possibilité de s’exprimer et de communiquer d’une manière non verbale

- Accepter et comprendre l’intérêt des consignes et variables contraignantes afin d’acquérir des

savoirs nouveaux et d’accéder à une démarche de création

- Différencier le réel et l’imaginaire

- Construire son autonomie

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Annexe n°3

On n’intervient pas pour évaluer mais on évalue pour mieux intervenir.

Jean Claude Landier

L’évaluation du théâtre à l’école :

Un chantier en cours

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Où en sommes nous ?

La mise en place de procédures d’évaluation permet de dépasser le discours intuitif d’auto-

justification. L’évaluation guide, stimule et relance l’action et les situations d’apprentissage. Elle a pour

but de voir en quoi les activités qui sont proposées aux élèves leur sont utiles. Le partenariat, la

formation, les projets et les printemps théâtraux doivent aussi être évalués. Ainsi, au niveau d’une

école, la mise en place d’une évaluation globale prenant en compte les compétences développées chez les

élèves, l'impact comportemental, la fréquentation des spectacles, le bilan établi et les questions posées

par le partenaire culturel ou encore le rayonnement dans le quartier ou le village permet d’avoir une

vision plus large des effets de la pratique en terme de réussite scolaire. Pourtant, contrairement à la

pratique théâtrale en collège et en lycée, ce type d’évaluation est peu développé à l’école.

Dans ce chapitre, on trouvera d’abord plusieurs propositions référencées d’évaluation, le plus

souvent sous forme de grilles d’observation. Leur lecture et leur analyse indiqueront des pistes à suivre

dans un domaine encore peu exploré. Un exemple d’auto-évaluation en classe de lycée (option théâtre)

alimentera ensuite la réflexion. Enfin, une définition de ce que pourrait être le carnet de bord de l’élève

complétera ce dossier consacré à l’évaluation.

Premier exemple

Tentative d’évaluation

D’après Jean claude Landier et Gisèle Barret ( « Expression dramatique théâtre » Hatier enseignants

1991)

Jean Claude Landier anime des ateliers de formation en activités dramatiques et a

participé à l’élaboration du chapitre « Théâtre et activités dramatiques » dans l’ouvrage intitulé

« L’éducation artistique à l’école » publié en 1993 par la direction des écoles. Gisèle Barret est

docteur d’état en pédagogie de l’expression dramatique.

Ces deux auteurs estiment que l’évaluation est un outil de travail pour les enseignants comme

pour les décideurs qui ont la charge de conduire une politique éducative adaptée aux besoins actuels.

L’évaluation permet de faire un état des lieux des pratiques et de mesurer le chemin parcouru entre une

situation de départ et une situation d’arrivée. Concernant la pratique de l’expression dramatique, Jean

Claude Landier et Gisèle Barret préconisent une évaluation formative qui permet à l’enfant de prendre

conscience des étapes franchies dans son processus d’apprentissage. Ils regrettent que dans le domaine

artistique, on évalue beaucoup plus souvent un processus qu’un produit.

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Deuxième exemple

Evaluer : une tâche difficile

D’après Freddy Zucchet ( « Oser le théâtre » CRDP Grenoble 2000)

Freddy Zucchet est conseiller pédagogique départemental en éducation artistique dans le

département de l’Isère après avoir occupé le poste de responsable du développement culturel à

l’IUFM de Grenoble.

Il défend l’idée que la pratique théâtrale en milieu scolaire ne fonctionne ni sur la performance,

ni sur la comparaison des enfants-acteurs les uns par rapport aux autres. Pour Freddy Zucchet, le

maître met en place un enseignement centré sur l’élève, considéré comme l’acteur de sa formation.

L’essentiel étant de rendre les participants à l’atelier-théâtre conscients de leurs actes. Ce sont les

critères de références, la confrontation des points de vue et le développement de l’autonomie qui

permettent de réguler les apprentissages.

Freddy Zucchet propose d’abord un tableau d’analyse et d’évaluation des réponses

comportementales, correspondant à la visée esthétique de la pratique théâtrale. Puis, pages suivantes, il

aborde la lecture du spectacle vivant en proposant une grille d’observation et de réflexion, expérimentée

à partir d’une création d’Agathe Mélinand, mise en scène par Laurent Pelly, du Centre Dramatique

National des Alpes.

Troisième exemple

Une évaluation de la situation d’apprentissage

D’après Claudio Agular, professseur de langue et la compagnie Scalcazani de Toulon ( « Le théâtre à

l’école » Editions du FELIN 1983 )

La fiche d’évaluation a servi de support dans le cadre d’une expérience pédagogique

théâtrale en collège à Toulon. Elle est née d’une l’exigence pour l’enseignant et les artistes de

coordonner et structurer le travail d’équipe.

Outil d’évaluation du groupe et de la séance, elle s’inscrit assez bien dans le cadre d’un

partenariat enseignant/comédien. En effet, pour les auteurs, elle s’est révélée un instrument

d’importance surtout pour le développement des échanges au sein de l’équipe d’animation. Les éléments

notés ont stimulé la discussion entre les différents intervenants pour la rendre moins subjective et donc

plus fructueuse.

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Cette fiche est organisée de la manière suivante : pour chaque élément horizontal, on trouve

quatre critères d’ évaluation (coordination, concentration, Choralité/rythme et cohésion) qui s’appuient

sur des règles de base de toute action théâtrale. Les « initiatives en dehors du cours » concernent les

rapports directs ou indirects entre enseignants et élèves (texte écrit à la maison par un élève…). Les

« observations des apprenants » relatent des remarques questionnantes exprimées durant la séance.

« L’évaluation des animateurs » porte sur la méthode, les problèmes, les points faibles et les points forts.

Dans la case « divers », on trouvera des idées à relancer, des indications sur le travail à suivre ou encore

des supports techniques à proposer. Plus anecdotique, le « titre de la séance » était donné à posteriori, à

la fois un petit amusement pour les intervenants et un moyen de conserver les souvenirs.

L’évaluation en lycée

(classe option théâtre)

Pour compléter cette réflexion sur l’évaluation, voici une enquête réalisée par le Centre d’Etudes

Pédagogiques pour l’Expérimentation et le Conseil, au cours de l’année 1997-98 ( « Le théâtre et l’école :

une rencontre toujours réinventée » Ministère de l’Education Nationale de la Recherche et de la Culture

1998). Elle porte sur un échantillon représentatif de plusieurs établissements des académies de

Besançon, Grenoble et Lyon. En terme de transfert pour l’école élémentaire, elle peut prêter à

discussion dans le but de construire d’autres grilles, certes adaptées à un public plus jeune mais qui

font également appel à la métacognition chez les élèves.

Analyse des tableaux d’évaluation

Tableau 1

La première question portait sur le contenu des enseignements et leur définition. Que font les

élèves en cours de théâtre ? On le voit, les activités d'expression directe, individuelle ou collective,

dominent largement. C'est « la mise en jeu d'une situation dramatique » qui arrive en tête ( 77% des

élèves interrogés la pratiquent « souvent » ou « tout le temps » pendant les cours de théâtre ), suivie par

la « courte réalisation collective » (69%) et « l’improvisation libre » (64%).

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Le travail technique est lui aussi très présent : 74% des élèves font un travail permanent ou régulier sur

la voix. Enfin, l'approche de la mise en scène et l'analyse du texte théâtral font également partie des

disciplines de base enseignées dans les cours de théâtre (respectivement 54 et 69%)

Tableau 2

Parmi ces activités, c'est la mise en scène qui paraît la plus « importante » aux yeux de 50% des

élèves. Viennent ensuite l'analyse d'un spectacle théâtral (35%) et la réalisation collective (29%). La

conjugaison de la réflexion et de la pratique du plateau, la découverte et l'appréhension critique de la

réalité professionnelle du théâtre à travers l'analyse d'un spectacle et le travail de groupe, la dynamique

collective de création, s'imposent donc comme les enseignements majeurs délivrés en cours de théâtre.

Tableau 3

Comment, concrètement, se déroulent les séances ? Quel est le mode de travail le plus courant

adopté ? Quels sont les principes, les consignes, les objectifs à atteindre, les « règles du jeu » qui

déterminent la pratique du théâtre dans ces cours ?

La multiplicité des réponses montre l'extrême diversité des travaux développés et des situations

rencontrées. On peut noter toutefois que la dimension de l'expression, collective et individuelle, est

encore ici largement dominante puisque « l'expression d'une idée personnelle » (86%), la « mise en jeu

d'un personnage » (86%) et la « mise en espace d'une situation » (84%) restent les réponses les plus

fréquemment citées. Il apparaît aussi que le mode de travail laisse une large part d'autonomie et de

choix individuel aux élèves puisque 58% d'entre eux choisissent, souvent ou toujours, leur mode

d’expression théâtrale et 47% le texte qu'ils doivent interpréter. Enfin, la notion de groupe est essentielle

: 75% réalisent un travail avec d'autres élèves, 62% ont le souci d'adapter leur jeu au collectif et 52%

conseillent régulièrement leurs camarades dans leurs essais d'interprétation. C'est peut-être à travers

ces chiffres et la description de ces pratiques que la spécificité des enseignements théâtre apparaît le

plus clairement.

Tableau 4

Les acquis et les apprentissages liés à l’enseignement théâtre sont nombreux et variés. On peut

les classer en quatre grandes catégories : les acquis techniques, spécifiquement liés à la pratique et à

l'univers théâtral ; les acquis culturels qui développent ou affectent le champ des connaissances et des

repères culturels de l'élève ; les acquis ayant trait à l'épanouissement de la personnalité et à la

réalisation de l'individu ; enfin, les acquis que l'on pourrait dire cognitifs qui donnent à l'élève une

meilleure appréhension de son travail, des notions d'espace et de temps et une meilleure connaissance

de soi et de ses capacités.

Ainsi 76% considèrent que le théâtre leur apprend à « discuter » de leur démarche , à « utiliser de

nouvelles notions » comme l'espace et le temps (75%), à « évaluer ou à critiquer leur travail » (92%), à

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« justifier les choix qu'ils ont fait » (88%) ou encore à « observer leur environnement » (70%). Sur le plan

culturel, c'est la découverte de nouveaux artistes et de nouvelles expressions artistiques qu'ils

plébiscitent (91%), de même que la connaissance d’ oeuvres (88%) et de courants artistiques (79 %).

Mais c'est sans doute sur un registre plus individuel et personnel que se situent les acquis les

plus remarquables : 91% des élèves pensent en effet que le jeu théâtral leur offre la possibilité

d'exprimer une idée ou un sentiment et 63% qu'il leur apprend à utiliser de nouveaux modes

d'expression.

Tableau 5

Ce tableau est riche d'enseignements. Le plaisir de créer (98%) et de jouer (78%), imaginer

quelque chose d'original (87%) et découvrir des oeuvres et des artistes (91%) s'imposent nettement

comme les apports les plus importants de l'enseignement et de la pratique théâtrale. Quant à

l'appréciation de leurs travaux, c'est le commentaire de l'intervenant qui est jugé important ou très

important par 99 % des élèves. Le commentaire du professeur (93%) et celui des autres élèves (86%)

sont également des dimensions d'évaluation et de critique ressenties comme essentielles. Enfin, la

sanction incarnée par la représentation publique reste à l'évidence un moment clé pour les élèves (89%)

ainsi que la compréhension du monde culturel et artistique (90%) ou le fait d'avoir appris une nouvelle

technique et un nouveau vocabulaire (81%)

Tableau 6

L'appréciation des apprentissages les plus utiles est beaucoup plus difficile à distinguer et leur

hiérarchisation par les élèves apparaît plus nuancée que les autres résultats de l'enquête. Si « exprimer

une idée/un sentiment par mon jeu théâtral » arrive en tête (39%), « interpréter un rôle » (29%), « évaluer

ou critiquer mon travail » (27%), « découvrir de nouveaux artistes, de nouvelles œuvres » (24%) ou encore

« concevoir une mise en scène » (21%) sont appréhendés par les élèves comme d'une utilité presque

égale. On peut quand même observer que, là encore, la dimension d'expression individuelle apparaît la

plus « utile ».

Le carnet de bord des élèves

D’après Françoise Bauer ( conseiller théâtre action culturelle DRAC Nord-Pas-de-Calais)

L'appréhension du carnet de bord comme matériau d'évaluation des effets de l'enseignement et

de la pratique du théâtre sur les élèves eux-mêmes est délicate à mener mais à coup sûr riche de

signification. Le carnet de bord se présente comme un document unique, fortement personnalisé et

individualisé, une « œuvre » qui reflète pour l’élève son rapport propre à la pratique, sa façon de « vivre »

au jour le jour les différentes dimensions de l'enseignement théâtral.

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Comment définir le carnet de bord ?

C'est un objet plastique et littéraire singulier. Sa forme importe autant que son contenu et il est

différent et unique pour chaque élève. Il est à la fois une mémoire - des spectacles vus, des activités

réalisées, des textes abordés, des rencontres effectuées - et une réflexion permanente de l'élève sur sa

pratique, son rapport intime à l'imaginaire et à la réalité du monde du théâtre.

Comment se présente-t-il ?

Il n'y a pas de formule type. L'aspect comme la structure diffèrent en fonction des niveaux

scolaires ou du contenu pédagogique et artistique de l'enseignement lui-même. Il se divise

schématiquement en deux grandes parties : l'une se rapporte à une fonction « scolaire » et contient des

comptes rendus, assortis éventuellement de dossiers et d'articles critiques, des travaux pratiques

réalisés en classe (projets de décor, plans de mise en scène), des documents iconographiques, des

données techniques ou encore des notes sur les métiers du théâtre.

L'autre partie est conçue comme un espace de liberté et d'expression offert à l'élève, ouvert à ses

commentaires, ses recherches, ses réflexions et ses dessins personnels, des photographies, les

documents qu'il souhaite conserver. Il est important de souligner l'importance de la dimension plastique

de nombreux carnets où la présence des photos, dessins, illustrations diverses, marque l'identité de

l'auteur, de façon souvent aussi significative que ses mots ou ses pensées.

Quel type de rapport l'élève entretient-il avec son carnet de bord ?

L'investissement des élèves pour leurs carnets de bord est généralement très fort. Il représente

pour eux un instrument de travail quotidien. La relation privilégiée qui unit l'élève à son carnet de bord

reproduit peut-être la relation privilégiée qui l'unit à cette discipline qui, même si elle rentre dans le

cadre scolaire, demeure si particulière : le théâtre.

A terme, le carnet de bord, considéré dans toute sa singularité, peut constituer un précieux outil

d'évaluation de la réception de l'élève à la pratique artistique et à l'enseignement théâtral. Il convient

toutefois de le distinguer clairement du cahier de classe et de lui garder son statut de document

atypique et personnel. Il est souhaitable que le même carnet de bord accompagne l'élève tout au long de

sa scolarité, ce qui permet d'apprécier l'évolution du contenu et de la structure du document sur

plusieurs années. Le carnet de bord semble être le meilleur support pour apprécier la formation d'un

regard, la constitution d'un jugement esthétique, l'affirmation, l'expression et l'argumentation d'une

posture et d'un parti pris artistiques rigoureux, critiques et personnels, dans la pratique d'acteur

comme dans celle de spectateur.