« expliquer les choses par des erreurs de la vérité (1775)

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« ... Expliquer les choses par l'homme, et non l'homme par les choses. »

Louis-Claude de Saint-Martin, Des erreurs de la vérité (1775).

ISBN 2 13 045905 6

Dépôt légal — 1 édition : 1986 2 édition mise à jour : 1993, octobre

© Presses Universitaires de France, 1986 108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris

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CHAPITRE PREMIER

LA MÉTHODE EN ETHNOLOGIE

Quelques définitions

L'ethnologie est, au sens le plus complet du terme, l'art de découvrir la clef cachée de toutes les con- duites humaines, les plus manifestes comme les moins avouées. A ce titre, elle se situe à l'aboutissement de nombreuses voies de recherche dont nous évaluerons les possibilités au fil de cette étude.

Son premier objet est l'étude de la culture d'un peuple, d'une société, d'un groupe.

La culture. — La culture peut être considérée comme la résultante de tous les stimuli que reçoit l'individu, de l'extérieur et de l'intérieur. Nous connaissons les stimuli venus de l'extérieur, c'est-à- dire du milieu ambiant : la soif, la faim, le som- meil. La soif est à la base de toutes les techniques d'accès au point d'eau, de portage, de conservation de l'eau. Toutes les techniques d'acquisition, de pré- paration et de conservation des aliments sont dictées par la faim. Le sommeil, cet état de faiblesse tempo- raire de nombreux êtres vivants, engendre chez l'homme un besoin de protection qui l'amène à se protéger des périls extérieurs éventuels. Les conditions climatiques : la chaleur ou le froid, incitent l'homme à

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se couvrir et à s'isoler, pendant des périodes plus ou moins longues, du monde extérieur. Des abris sont conçus, plus ou moins durables : une nuit, une saison, une vie humaine ou bien au-delà.

Enfin, il existe dans toutes les cultures ce que j'appellerai des « techniques de l'Invisible ». Tout se passe en effet comme s'il existait dans chaque indi- vidu un ressort caché mais puissant : la croyance en un principe transcendant, étranger au monde créé, conçu comme créateur des mondes visibles et invi- sibles. Tout se passe comme si, dans ce domaine, l'homme avait eu, dès son apparition sur terre, des certitudes immuables. Il ne semble donc pas que le perfectionnement de l'homme se manifeste par des réalisations techniques, le reste — c'est-à-dire le spi- rituel — venant par surcroît, ornement facultatif des techniques de la matière.

En cela, d'un bout à l'autre du monde, l'homme est semblable à lui-même, unique dans sa pensée une. L'homme sait qu'il a une âme, principe invisible et origine de la vie, venue d'un autre plan étranger à la terre. Ce n'est pas un acte de foi gratuit formulé par des intellectuels désœuvrés mais une croyance pré- cise qui explique le comportement de l'homme, condi- tionne ses techniques et reste identique à elle-même dans le choix des symboles employés pour l'exprimer d'un bout à l'autre du temps et de l'espace. L'idée d'un Dieu unique, éternel, incréé, maître de la vie, origine et terme de l'aventure humaine, est présente dans toutes les civilisations sans que nous puissions re- trouver les fossiles témoins de la genèse de cette idée. Souvent au contraire nous en retrouvons les débris dans les civilisations détruites par l'Occident.

Dans toutes les civilisations, d'un bout à l'autre de l'humanité, plus que les mains de l'homme qui ont maîtrisé certaines techniques de la matière — à la limite des besoins du groupe —, le verbe est conçu

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comme le premier instrument de toute création. Il est aussi, par le langage articulé appris, caractéristique de l'humanité, véhicule des connaissances acquises d'une génération à l'autre, aussi de l'héritage précieux de la tradition. Dans toutes les civilisations, le feu est le symbole du verbe car l'homme, d'un bout à l'autre de l'espace et du temps, a pris conscience des deux critères qui le différencient et l'isolent du monde animal.

Si un préhistorien signale des cendres dans un gisement, il pourra affirmer que des hommes y ont vécu ou sont passés par là, Si un voyageur découvre dans une vallée perdue — mais en reste-t-il ? — des hommes, je saurai qu'ils connaissent l'art de faire du feu, ont un langage articulé grâce auquel ils com- muniquent entre eux et transmettent les enseignements reçus d'une génération à l'autre. Je saurai aussi de toute certitude qu'ils admettent, contre toute expé- rience sensible accessible à l'Occident, ces deux prin- cipes invisibles : l'un immanent à l'homme, l'âme, l'autre transcendant, Dieu. Si ce voyageur vient affirmer le contraire, un ethnologue saura qu'il y a une résurgence des propos tenus par Sir Samuel Baker, à propos des populations nilotiques (cf. Jean Servier, L'ethnologie, Paris, PUF, 1986, p. 92) ou une consé- quence du sottisier engendré par l'ouvrage de Lewis Henry Morgan paru en 1877 : Ancient Society or researches in the line of H um an progress from Savagery through Barbarism to civilization — un ouvrage dont le titre est une théorie à lui seul — qui se fonde sur des faits recueillis entre 1840 et 1870, repris par Engels pour bâtir sa théorie sur L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat.

Engels a écrit dans la préface de cet ouvrage que « Morgan a redécouvert la conception matérialiste de l'histoire, découverte par Marx il y a quarante ans ». Cet éloge a fait que des philosophes modernes

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reprennent à leur tour l'ouvrage de Morgan, recou- rant à son autorité — un vieux principe admis dans les facultés de théologie au Moyen Age. En lisant des traités plus modernes, c'est-à-dire dont la date d'édition est plus récente, on a l'impression de se trouver en face d'exercices, de variations sur des thèmes invariablement fixés, à l'aide de pièces im- muables : un étrange jeu de patience pour retrouver la doctrine de Marx, telle qu'elle a été élaborée par les marxistes, une fois pour toutes, et non plus un effort pour comprendre l'humain.

La phrase de Marx bien connue et souvent citée « prendre pour objet non l'Homme ou les hommes, mais la formation sociale d'une période économi- quement donnée » ne fait que déplacer le problème bien loin du champ d'étude de l'ethnologue. Il fau- drait, pour appliquer cette réflexion, se lancer dans des discussions exégétiques sur la formation sociale d'une « période économiquement donnée ». Quelle est l'autorité qui « donne économiquement » cette période ? Faut-il recourir à la classification arbi- traire, mais « scientifique » des étapes de la pro- duction humaine « cueillette-chasse-pêche », puis agriculture-élevage? des étapes de la formation des sociétés depuis le communisme primitif avec pro- miscuité et vie en horde jusqu'au capitalisme engendré par le règne de la Bourgeoisie après l'âge féodal, avec une échappée lumineuse sur l'inéluctable socialisme à venir ?

Est-ce cette vision simpliste, popularisée dans cer- tains musées par toute une imagerie « populaire » que doit adopter l'ethnologue ?

Est-il « scientifique » de dire avec un helléniste anglais marxisant, Moses L. Finley, à propos des tombes « à ciste » : « Leurs dimensions étaient au début si réduites que les corps étaient placés en posi- tion repliée ; en outre, on ne mettait dedans aucun

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matériel funéraire. Par la suite, elles devinrent plus vastes et plus riches » ?

Est-ce que ce sont les dimensions de la tombe qui conditionnent la position du corps qui y est déposé ? N'y a-t-il pas une conception particulière de la mort considérée comme une étape avant une naissance future ?

Dans ce cas, il est facile de comprendre l'absence de matériel funéraire. L'homme étant à la fin d'une vie, comme à l'entrée dans une vie future : nu. Si les tombes deviennent par la suite plus vastes et plus riches, ce n'est pas par « la formation sociale d'une période économiquement donnée » mais par suite d'une conception différente de la mort apportée par une autre population.

Quant à la dépendance des conceptions de la mort du substrat économique, j'attends des exemples concrets. Tout se passe en réalité comme si une clique idéologique avait peur de l'apport de l'ethnologie aux sciences humaines et tentait de la réduire à d'autres disciplines : une certaine conception étri- quée de la Géographie humaine, de l'Histoire, de l'Economie.

Les économistes proposent le déterminisme écono- mique, c'est-à-dire l'empire qu'exercent sur un indi- vidu ses besoins matériels. Selon les économistes, l'homme doit d'abord assurer sa vie physique, sa vie matérielle. Ce n'est que lorsque son ventre est plein qu'il se laisse aller à d'agréables spéculations méta- physiques. Selon d'autres écoles, ce serait plutôt lorsque son ventre est vide qu'il peuple l'Inconnu de divinités terrifiantes, à propitier d'urgence. L'exemple fréquemment invoqué pour illustrer cette théorie est l' Homo œconomicus qui habite actuellement les universités de droit et de sciences économiques. Il apaise sa soif avec le premier seau d'eau qu'il puise, se lave avec le deuxième et, prévoyant, met le troi-

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sième en réserve pour les moments difficiles. Lorsqu'il en puise un quatrième, c'est généralement au chapitre deux des traités d'économie politique : il le troque contre le cuissot de chevreuil rapporté par son voisin, un chasseur heureux, tout aussi œconomicus que lui. Jamais les économistes, ses pères spirituels, n'ont admis un instant de prendre comme exemple, au lieu d'un « homme » imaginaire, un homme réel qui pour- rait se servir du premier seau d'eau pour offrir une libation aux dieux, ne gardant pour son usage, malgré sa soif, que l'eau tirée en dernier. Chaque matin, les paysans Zuñi du Nouveau-Mexique offrent au soleil une poignée de maïs. Ce simple geste suffit à exorciser l' Homo œconomicus, comme la piécette que la pau- vresse glisse dans un tronc à l'Eglise « pour les âmes du Purgatoire » — lorsqu'elle peut encore en trouver un — ou que le pèlerin jette au fond d'une grotte ou dans une source : une offrande tellement discrète qu'elle est passée sous silence dans les traités d'éco- nomie politique et n'est jamais mentionnée dans les analyses savantes et nombreuses de budgets fami- liaux artificiellement établis. L'Homo œconomicus doit être rationnel, logique et un tantinet matérialiste.

Dans les sociétés traditionnelles, production et consommation sont étroitement conditionnées par la conception du monde et la place que l'homme y occupe.

Dès que l'on nous propose un modèle d'économie « primitive » qui devrait être selon certains écono- mistes « from hand to mouth » — de la main à la bouche —, nous sommes plongés dans une autre dimension : le Sacré, nous devinons alors des insti- tutions complexes, arbitrairement simplifiées et gau- chies par des prétendus spécialistes. C'est ce qui apparaît dans diverses études faites en Océanie par l'école anglaise d'ethnologie dite « économiste » (cf. Raymond Firth, We the Tikopia, Londres, 1939 ;

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Primitive Polynesian economy, 1959, et d'autres tra- vaux américains ou français procédant de la même école).

Culture et civilisation

La culture d'un groupe peut être représentée par un cristal polyédrique dont les bases se terminent en pyramides régulières, l'un des sommets représentant le numineux à travers les représentations du groupe ; l'autre, l'homme issu de sa société et formé par elle. Entre ces deux sommets sont rangés, le long des arêtes du prisme et des axes de cristallisation, tous les cri- tères matériels, toutes les institutions, tous les rites, toutes les certitudes et leur formulation. Encore faut-il pour que notre comparaison soit exacte que les faits, les critères matériels ou spirituels ainsi représentés soient reliés entre eux et chacun à tous les autres, comme des molécules chimiques ayant un nombre de valences illimité.

L'idéal pour l'ethnologue est de rendre compte de la pensée maîtresse du groupe étudié. Pensée maî- tresse devant être entendue au sens que l'on donne à « poutre maîtresse » d'un édifice, à sa « clef de voûte ». Une culture ayant été définie, il appartiendra à l'ethnologue d'étudier d'autres groupes, voisins géo- graphiques du groupe étudié, de façon à voir s'ils sont vecteurs d'une culture identique, analogue ou présentent seulement quelques traits communs.

La monographie peut être un point de départ, elle doit rester un point de départ, encore faudra-t-il très vite situer le point étudié dans un horizon social plus étendu : de proche en proche jusqu'à la limite de l'horizon social perçu par un individu, comme nous le verrons plus loin.

Pour cette recherche qui fait appel à d'autres re- cherches effectuées dans les domaines les plus variés

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et sur des plans différents, il n'y a qu'une seule méthode : la meilleure pour un enquêteur donné aux prises avec son terrain, à un moment précis de son enquête. Le premier outil de l'ethnologue, le seul qui ne puisse s'acquérir — avec une résistance morale constante et physique variable selon les terrains d'enquête —, est l'étonnement, le sens du merveilleux.

Comment ne pas évoquer ici cette pensée d'Ein- stein : « Le plus beau sentiment que l'on puisse éprou- ver, c'est le sens du mystère. C'est la source de tout art véritable, de toute vraie science. Celui qui n'a jamais connu cette émotion, qui ne possède pas le don d'émerveillement ni de ravissement, autant vou- drait qu'il fût mort : ses yeux sont fermés. »

Tant d'échecs en ethnologie, tant de travaux inutiles ou médiocres n'ont pas d'autre cause que l'absence du sens du merveilleux.

Dans sa comédie L'oiseau bleu, Maurice Maeter- linck met en scène deux enfants qui, sur l'ordre d'une fée, doivent partir une nuit de Noël, à la recherche de l'oiseau bleu — le secret du bonheur. La fée donne au petit garçon, Tyltyl, un chapeau magique dont la cocarde de diamant, appuyant lorsqu'on la tourne sur une bosse cachée du crâne, lui permet de voir l'âme des choses.

L'ethnologue doit avoir trouvé ce chapeau près de son berceau. Sinon, il vaut mieux qu'il choisisse un autre champ d'intérêt.

Mais peut-on exercer un métier sans avoir le sens du mystérieux? Peut-il exister un artisan sans la connaissance intuitive de la matière qu'il travaille et sans la vision des formes qu'il va en tirer. Le sens du merveilleux donne le sentiment profond qu'il y a quelque chose à trouver malgré les apparences. L'étonnement provoque ce jaillissement de questions, analogue à celui qui marque l'éveil de l'intelligence chez l'enfant, avant que les grandes personnes ne lui

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répondent par l'éteignoir du « Parce que c'est comme ça ». L'étonnement est, au sens propre, être frappé par la foudre devant ce qui s'offre à notre esprit dès l'abord, puis par paliers successifs au bout d'une longue recherche, lorsqu'il n'y a plus de réponse possible accessible à un ethnologue donné à un moment de sa vie. La première qualité de l'ethnologue est d'avoir l'esprit libre, débarrassé de tout a priori, de tout préjugé, de tout esprit d'école.

L'ethnologue n'est pas là pour vérifier les doctrines passées du début de ce siècle ou des siècles précédents, mais bien pour découvrir des faits nouveaux ou, à l'aide de recherches menées sur le terrain, donner une interprétation différente à des faits déjà signalés ou étudiés partiellement par ses prédécesseurs.

Affirmer au préalable la lutte des classes, l'évolu- tionnisme, une suprématie « raciale » ou l'excellence d'un système économique quelconque, c'est évidem- ment se mettre hors d'état de mener une recherche dans les sciences humaines en général, en ethnologie en particulier. Lorsque l'ethnologue pense en « isme », il fait fausse route ; s'il se veut un « iste » il ne peut faire de recherche crédible : il n'est que l'adepte d'une doctrine.

Peut-être y a-t-il en ethnologie des manœuvres sans spécialité, comme dans les usines de montage, ennuyés par leur labeur, au point de se réfugier derrière des dogmes ? Il y a sans doute aussi des agents au service de diverses tentatives de subversion. Ceux-là cher- chent le point d'appui qui permettrait à leurs em- ployeurs de faire basculer une civilisation, une société, ou un groupe. Ils ne sont pas plus crédibles que les premiers — les doctrinaires — limités qu'ils sont par leur mépris des hommes et la définition étroite de leur tâche. Les rapports qu'ils envoient à leurs « agents traitants » ne méritent aucune attention. Mais s'agit-il d'ethnologues ? Il n'y a qu'eux pour l'affirmer. Eux

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dans ces apparitions de masques noirs couverts de toisons, les principaux éléments de la vieille religion de fécondité telle qu'elle a survécu dans toute l'Europe aux bûchers et aux procès de sorcellerie.

L'ethnologue devra considérer, au départ, que, chaque fois qu'il se trouve en présence d'une manifes- tation de la spiritualité d'un peuple, il s'agit d'un produit d'acculturation. Nous pouvons nous deman- der si toutes les cultures ne sont pas nées à la ren- contre d'ondes de chocs et d'ondes réfléchies en mou- vement constant.

Il nous est impossible de distinguer dans un mythe les apports successifs de civilisations en marche, par- fois représentées par un naufragé. Cela est vrai pour les valeurs spirituelles toujours plus fragiles, puisqu'elles peuvent être modifiées, augmentées par un récit, une théorie simple venue du fond de la mémoire d'un peuple bien au-delà de l'horizon.

Chaque culture, chaque civilisation a ses femmes et ses hommes de pouvoirs et de savoir, sachant ce qu'il faut révéler, ce qu'il faut garder pour le trans- mettre d'initié à initié. Il est difficile de tracer une limite entre religion et magie — le prêtre catholique contraignant Dieu à descendre dans le pain et le vin accomplit-il un acte religieux ou magique ? L'inten- tion de l'opérant suffit-elle à l'ethnologue pour tracer une autre limite entre religion et sorcellerie ? (au sens donné à ce terme dans les pays occidentaux de culture latine). Généralement, un même individu est considéré comme ayant le pouvoir d'aider ses sem- blables ou de leur nuire.

Chaque cas doit être situé à l'intérieur du système de valeurs sociales et morales d'un groupe donné à ses différents niveaux.

L'ethnologue doit connaître les bases de la reli- gion, révélée ou non, mais dominante dans la région qu'il étudie.

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Lire le Coran et El Bokhari s'il est en terre d'Islam, ne serait-ce que pour savoir quelle sourate du livre saint le lettré coranique — le thaleb — va recopier sur une amulette qu'il trempera dans un vase pour en faire boire l'eau à un patient.

Il en est de même pour les Evangiles en terre chré- tienne dont les versets peuvent avoir plus d'un emploi, les traités populaires de « magie » le prouvent à l'évi- dence, comme le Livre des Secrets de l'abbé Julio par exemple, dans la France rurale.

Les pratiques et les rites des religions révélées tenus pour orthodoxes doivent lui être familiers afin de pouvoir remarquer les déviations qui forment sou- vent la trame de la pratique populaire.

Corrélativement, si l'ethnologue va souvent cons- tater l'influence des missions chrétiennes, ici ou là, dans le monde, il devra, si son champ d'étude se situe en Occident, ne pas sous-estimer le choc en retour des religions orientales. S'il y a des Occidentaux convertis au Bouddhisme, à l'Indouisme ou à l'Islam, de nombreux « marabouts » d'Afrique subnigérienne se disputent en Occident la clientèle des cartoman- ciennes. Cependant que des missionnaires essaient d'attirer à l'intégrisme musulman leurs nombreux coreligionnaires vivant en Europe et engagés sur la voie de l'occidentalisation depuis, parfois, deux ou trois générations.

Dans ce domaine, autant que dans les autres sec- teurs de l'enquête, l'ethnologue devra se garder d'une vision passéiste de la spiritualité d'un groupe, se garder aussi d'une vision rationnalisante. La spiri- tualité propre d'un groupe, ses anciennes institutions, ses croyances pèsent sur son présent et pénètrent son avenir comme l'organisation de couches géologiques gardent le souvenir de la montagne qu'elles for- maient jadis.

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Economie et vie spirituelle

Les cultural anthropologists anglo-saxons ont admis depuis longtemps les aspects bénéfiques de la vie spirituelle d'un groupe — improprement appelée par eux « religion » : renforcer les idéologies et écarter toute anxiété tout en posant la question de savoir si les « idées religieuses » pouvaient empêcher les peu- ples de mourir de faim.

Nous n'avons pas, une fois de plus, à plaquer nos conceptions occidentales sur la vie d'un groupe, ni même notre vision personnelle. Vie spirituelle et vie matérielle sont unies dans la vie quotidienne, sans qu'il soit possible de les séparer. Il est absurde de vouloir définir un groupe humain comme « un ensemble de gens liés par des rapports de produc- tion », et d'affirmer qu'une telle définition est la seule « scientifique ».

Les échanges sont symboliques et d'abord symbo- liques avant d'être économiques. La production des biens de consommation courante, comme des biens d'équipement nécessaires à la vie quotidienne, est fonction de l'organisation du groupe social, elle-même issue d'une certaine conception de l'homme et de la place de l'homme dans le monde.

Ainsi, en droit coutumier foncier, en Kabylie, la femme ne peut hériter de la terre, parce que le labour est une fécondation de la terre et une prise de posses- sion : 'allam est le nom du premier sillon, il signifie aussi « connaître ». En l'occurrence, la coutume a été plus forte que le droit musulman. Pourtant, physi- quement, la femme est capable de pousser un araire et de guider une paire de bœufs. Le problème n'est donc pas là.

Dans les civilisations traditionnelles, le rite est aussi important que le geste technique. Nul déter- minisme n'oblige l'homme à briser un morceau de

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pain sur la pointe de son araire, comme il le fait au matin des premiers labours. Le même geste se répète pourtant dans toute l'aire immense des céréales et de la charrue qui va du cap Nord au Niger, de l'Atlantique à la mer de Chine. Rien ne nous permet de dire, dans ce cas précis, qu'un besoin quelconque a créé une technique. Le contraire serait plus vrai, car le geste technique fait partie intégrante du rituel. S'il avait été conçu pour satisfaire un besoin primaire, et s'il s'était révélé suffisant, l'homme n'aurait pas eu besoin de l'entourer de rites multiples, sans effi- cacité matérielle, à nos yeux d'Occidentaux.

Dès que l'on nous propose un modèle d'économie « primitive », qui devrait être, selon les économistes, un système from hand to mouth — de la main à la bouche — nous sommes plongés dans le sacré ; nous devinons des institutions complexes parfois arbi- trairement simplifiées par ceux qui prétendaient es- sayer de les comprendre.

Le changement social et son étude

La caractéristique des objets des sciences sociales est d'être en mutation permanente, d'une façon qu'il est impossible de prévoir à court terme. Certaines sociétés, comme les Yir-Yorant de la Coleman River en Australie, ont pu rester inchangées pendant trois siècles — comme en font foi des relations de voyage —, d'autres ont pu disparaître dans le même laps de temps comme les Guanches des Canaries.

D'une façon générale le mode de vie rural euro- péen s'est profondément transformé au contact du mode de vie urbain. De même les sociétés tradi- tionnelles sont engagées dans un processus d'occiden- talisation — difficilement réversible — à moins d'une destruction totale des civilisations industrielles.

L'étude du changement social doit faire partie de l'enquête ethnologique : il est difficile de faire autre-

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ment. Les phrases débutant par « autrefois », dans la bouche des personnes âgées, permettent de découvrir non pas l' « autrefois » mais l'image reconstruite à l'aide de souvenirs de cet autrefois.

La rencontre de l'Occident est génératrice de trans- formations importantes des sociétés, autant que des individus.

Beaucoup tenteront d'entrer dans la société accultu- rante — l'Occident. Il ne faut cependant pas mécon- naître le fait que le seuil d'admission est difficile à franchir pour des ruraux, d'une façon générale, pour des ruraux venant d'une autre forme de pensée, gênés encore par l'emploi d'une langue non européenne ayant une phonétique et des catégories souvent très étrangères à celles de l'Occident.

Certains individus passeront ce seuil aisément, pour d'autres il faudra l'attente de plusieurs généra- tions d'exilés.

Ceux qui ne pourront franchir ce seuil, ceux qui perdront toute espérance dans la boue des bidon- villes ou l'isolement des cités, dites de transit ou de recasement, rencontreront la tentation de cacher la longue suite de leurs échecs derrière le rêve d'un orgueilleux refus.

A partir de là toutes les volontés de retour à un passé imaginé, reconstitué sont possibles. L'ethno- logue n'y verra qu'un prolongement de son étude.

Il est bien certain que les danses, les costumes, les modifications de la vie du groupe ne marquent à aucun moment l'émergence du passé, mais une forme particulière d'organisation du présent.

Une civilisation est toujours marquée par des constantes culturelles, qui, même lorsqu'elles ne s'ins- crivent pas de façon évidente dans les faits facilement observables, sont toujours présentes dans l'esprit des individus plus ou moins imprégnés par cette civilisa- tion. Peu importe le nom que l'on donne à ces cons-

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tantes, qu'elles soient les amers d'un inconscient col- lectif ou une vision, particulière à un groupe, des archétypes primordiaux.

L'ethnologue, par sa formation, pourra définir les contours d'une civilisation, évaluer les résistances culturelles possibles à un changement social.

Le présent vécu par un groupe lui paraîtra aisément lisible par sa connaissance des racines enfouies dans le terrain des générations passées. Les effets de la désorganisation sociale nés de la rencontre de l'Occi- dent sont partout les mêmes : « exode rural vers les villes, chômage, délinquance juvénile, prostitution, drogue, effets d'une mobilité sociale verticale entraî- nant plus de chutes que de montées, décalage gran- dissant entre une minorité de privilégiés et une masse réduite à se prolétariser... » (Roger Bastide, Anthropo- logie appliquée, p. 124). Roger Bastide pose la ques- tion : « Comment passer d'une structure à l'autre sans désorganisation grave, sinon par le contrôle des hommes au pouvoir sur le changement de la société dont ils sont responsables et qu'ils ont mis en train ? » (Id., op. cit.).

Par structure, Roger Bastide entend, sans doute, civilisation : des hommes peuvent vouloir assumer la responsabilité d'une société, d'un groupe, à aucun moment ils n'ont pu et ne peuvent être considérés comme ayant « mis en train » le processus d'occi- dentalisation.

L'ethnologue de terrain sait ce que valent les « élites » occidentalisées, ce que vaut aussi la poli- tique de l'Occident de distribution au hasard de son surplus ou même de son nécessaire. Rarement consulté, l'ethnologue, éveilleur de regards nouveaux, sera le gêneur auquel les gouvernements préféreront les économistes, les « sociologues du développement », virtuoses d'études en « simulation » sur ordinateurs maquilleurs de la vérité humaine.

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De même que le colonialisme d'occupation et de prise en charge des populations a favorisé les idéo- logies évolutionnistes de Morgan, Engels, Durkheim ou Lévy-Bruhl, le colonialisme de tutelle actuelle- ment exercé par quelques grandes puissances euro- péennes amène, dans ses cantines, un refus des sciences sociales d'observation et leur remplacement par le couple économie-histoire. Comme par le passé, nous assistons à un véritable détournement de voca- bulaire avec emploi abusif des mots « scientifique » et « progressiste ».

L'enquête économique est sans doute une rubrique possible pour classer certains faits recueillis au cours de l'enquête ethnologique. On ne peut prétendre la limiter aux seuls rapports de production, d'échange et de consommation entre les hommes et affirmer ensuite que la pensée entière du groupe étudié se ramène à ces seuls rapports. En admettant que l'ethno- logue puisse disposer de statistiques économiques, d'échelles des prix, des salaires et des revenus indi- viduels ou nationaux, il lui faudra chercher le ressort secret, moteur des pensées et des conduites humaines. Il en est de même pour l'histoire. Si pour Marcel Griaule l'ethnologue est un historien vivant l'époque qu'il étudie, la réflexion de l'historien gagnerait à s'inspirer des méthodes de l'ethnologie. Le danger est, là encore, dans le tri des données disponibles et dans leur organisation. La formation actuelle de l'his- torien le condamne à être l'homme d'une époque, d'un siècle. Il sera médiéviste, seizièmiste, dix-sep- tièmiste, etc., comme s'il était possible de diviser l'humanité en tranches de temps. Il est beaucoup plus facile de se spécialiser dans l'étude d'une culture, d'un groupe donné et de suivre leur devenir dans le temps : c'est en tout cas une voie parallèle de l'his- toire encore peu fréquentée.

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CONCLUSION

L'ETHNOLOGIE POUR QUOI FAIRE?

Chaque fois que cela lui sera possible, l'ethnologue aura noté les faits étudiés, sans jamais se fier à sa mémoire.

Il lui faudra ensuite dépouiller ses notes, les mettre en fiches utilisables. Je dois à Marcel Griaule et à André Basset de précieux conseils sur l'art de rédiger une fiche ethnologique ou linguistique, aussi est-il bon d'insister sur le terme d' « utilisables » en par- lant des fiches.

Les rubriques du fichier seront d'abord les plus évidentes : chasse, pêche, rites de passage, etc. Sous ces rubriques seront classées également les fiches de lecture établies lors de la lecture d'un livre faite par hasard ou de la consultation intentionnelle d'un ou- vrage. D'autres subdivisions pourront devenir néces- saires alors qu'apparaîtra une hypothèse de recherche.

En réalité le dépouillement des notes, les lectures doivent alterner avec les séjours sur le terrain ; alors les lacunes deviennent manifestes comme naissent les questions à poser.

Ce premier dépouillement prépare le second stade de l'enquête, le recours à des spécialistes confirmés dans des domaines divers.

« L'ethnographe devrait être prêt à attaquer sinon

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à résoudre, dans l'ordre matériel comme dans l'ordre intellectuel, les problèmes les plus divers et sans liens apparents entre eux : il n'y a rien de commun au premier abord entre une enquête sur les sacrifices agraires ou la danse et l'observation du fonctionne- ment d'une forge, entre un relevé de peintures ru- pestres et l'établissement d'un cadastre par photo- graphies aériennes, outre la constitution d'un herbier... et celle d'un vocabulaire ou d'une collection systéma- tique de manuscrits orientaux » (Marcel Griaule, Méthode de l'ethnographie, p. 12).

D'une façon générale l'arrivée d'une équipe pluri- disciplinaire sur un terrain donné est une entreprise coûteuse, hasardeuse quant à l'efficacité : le fonction- nement d'une équipe pose des problèmes humains multiples, surtout si l'équipe doit partager des condi- tions matérielles difficiles.

La consultation du spécialiste par l'ethnologue à chacun de ses retours donne de bien meilleurs résul- tats, ne serait-ce que parce qu'il est plus facile d'avoir l'aide de personnalités éminentes dont le déplacement en groupe ne peut même pas être envisagé : mathéma- ticiens, astronomes, médecins, botanistes pourront être consultés, comme aussi de savants zoologistes ou des agronomes. A l'aide de ces entretiens l'ethno- logue pourra mieux compléter ses fiches et préparer son prochain séjour sur le terrain.

A partir des éléments recueillis, de ses lectures, de voyages faits sur un terrain qui n'est pas celui de son étude, l'ethnologue pourra jeter les bases d'une recherche comparative.

En effet, l'enquête ethnologique amène à constater l'existence de nombreuses inconnues, c'est-à-dire de faits ayant perdu leur signification pour ceux qui les emploient : cette absence de signification étant le plus souvent compensée par une rationalisation. La mé- thode à suivre est de rechercher un grand nombre de

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séquences où l'inconnue est employée. J'ai pu ainsi noter la présence symbolique de la grenade lors du rituel des premiers labours chez des montagnards d'Algérie, également associée aux rites du mariage : l'hypothèse de recherche formulée pouvant être alors l'identité symbolique des rites agraires et des rites de passage dans les groupes étudiés. Des recherches m'ont conduit au temple, près de Mycènes, où Héra est représentée tenant une grenade à la main. Héra mère des dieux (Pausanias. II. Mycènes 4). Le sym- bolisme féminin de la grenade étant alors évident. Il ne restait plus qu'à vérifier la possibilité d'extension de cette hypothèse à tous les rites envisagés, à tous les symboles mis en œuvre.

A partir de là, une synthèse est possible. La syn- thèse est la présentation de l'hypothèse de recherche après qu'elle ait été vérifiée. La culture tout entière doit être ramenée à ses grandes lignes directrices, une fois qu'elles ont été dégagées.

L'ethnologue doit être comme ces peintres japo- nais qui, après des années consacrées à l'étude d'un seul paysage ou d'un seul animal, arrivaient à le repré- senter d'un seul trait, rendant toute la sérénité du pay- sage ou le mouvement de l'animal.

Une fois la culture connue, comprise, l'ethnologue est détenteur d'un secret redoutable. Des mission- naires en Océanie ont pu amener des populations entières à la conversion, en modifiant la construction des maisons et le plan des villages.

Toute ethnologie peut être « appliquée », deve- nant opérative. La décision relève de la conscience de l'ethnologue.

Dans ce domaine, la connaissance d'une civilisa- tion d'une société peut toujours être poussée plus avant, bénéficiant de l'acquis des générations précé- dentes. Une relation de voyage datant du XVI siècle, des lettres de missionnaires écrites au XVII siècle

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peuvent permettre à un ethnologue de mieux com- prendre le groupe qu'il étudie, car une culture se modifie autour d'axes de pensée qui eux varient peu.

Nous le savons, il n'en est pas de même pour les sciences dites expérimentales : un traité de biologie, de chimie, de physique. « vieillissent », les systèmes échafaudés s'effondrent, remplacés par d'autres. Le fait social, pourtant changeant, a une certaine immu- tabilité dès lors qu'il est ancré à une société, à un groupe.

A partir des bases acquises l'ethnologue pourra comprendre d'autres civilisations, voir avec des yeux différents les traces des cultures passées et donner une autre version aux événements qui tissent l'actua- lité. Il pourra aussi découvrir l'âme de l'Occident, puisque c'est cela qu'il a cherché.

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B I B L I O G R A P H I E

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OUVRAGES COLLECTIFS

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QUELQUES ÉTUDES EN LANGUE FRANÇAISE À PARTIR D'ENQUÊTES MENÉES SUR UN TERRAIN

Frobenius (Léo), Histoire de la civilisation africaine, trad. franç., Paris, NRF, Gallimard, 1952.

Griaule (Marcel), Dieu d'eau, Paris, Fayard, 1966. Lebeuf (Jean-Paul), L'habitation des Fali — montagnards du Cameroun

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