zufferey tourisme & barrages 2012

103
1 TOURISME & BARRAGES LE CAS D’EMOSSON Enoncé théorique du projet de master EPFL Architecture 2011-2012 Basile Zufferey Harry Gugger, Directeur pédagogique Jacques Lévy, Professeur Götz Mentzel, Maître EPFL

Upload: elopproject

Post on 03-Apr-2016

229 views

Category:

Documents


3 download

DESCRIPTION

 

TRANSCRIPT

Page 1: Zufferey tourisme & barrages 2012

1

TOURISME & BARRAGESLE CAS D’EMOSSON

Enoncé théorique du projet de master EPFL Architecture 2011-2012

Basile Zufferey

Harry Gugger, Directeur pédagogiqueJacques Lévy, Professeur

Götz Mentzel, Maître EPFL

Page 2: Zufferey tourisme & barrages 2012

Tourisme 1

Défi nition 1

Tourisme en mutation 1 Tourisme aristocratique 1 Tourisme quantitatif 1 Tourisme qualitatif 1

Tourisme alpin 1

Tourisme en crise 1 Changements climatiques 1

Changements socio-économiques 1

Changements politico-économiques 1

Evolution de la demande 1

Barrages 1 Défi nition 1

Hydroélectricité 1

Typologies 1 Barrage poids 1 Barrage voûte 1 Barrage en remblai 1

Historique 1 Chronologie 1 L’épopée hydraulique 1 La houille blanche 1 Témoignages 1

Impact 1 Socio-économique 1 Environnemental 1 Sur le paysage 1

Architecture et barrages 1

Page 3: Zufferey tourisme & barrages 2012

3

Tourisme et barrages 1 Barrage-nature 1 Barrage-culture 1

Barrage-villégiature 1

Le cas d’Emosson 1

Situation 1

Historique 1 L’âge d’or 1

L’épopée des barrages 1

Etat des lieux 1 Transports 1

Traces de dinosaures 1

Visite du barrage 1

Musée CFF 1

Centrale Hässig 1

Activités sportives 1

Schéma directeur du site d’Emosson 1 Emosson-nature 1

Emosson-culture 1

Emosson-villégiature 1

Conclusion 1

Bibliographie 1

Page 4: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 5: Zufferey tourisme & barrages 2012

5

Le monde se trouve à un tournant en termes de responsabilité écologique. Une catastrophe comme celle de Fukushima place, plus que jamais, les grands défi s environnementaux au centre de l’actualité politique. La thématique des barrages se retrouve ainsi au cœur du débat. En Suisse, l’énergie hydroélectrique représente environ 56% de la produc-tion électrique. Les barrages sont omniprésents dans le paysage alpins et font parties intégrantes du patrimoine culturel et historique suisse. En Valais, ces «ca-thédrales de béton» ont été un moteur pour l’économie, l’immigration et le déve-loppement touristique. Etrangement, la collectivité néglige aujourd’hui l’impor-tance capitale que représentent ces monuments. En eff et, outre la production d’électricité, les barrages procurent divers bé-néfi ces économiques, sociaux et environnementaux, tels qu’approvisionnement en eau, loisirs et contrôle des crues. En revanche, un barrage modifi e à jamais le territoire, aff ectant autant l’environnement que les diff érents acteurs locaux. C’est la raison pour laquelle cette thématique mérite une approche globale, pre-nant en compte le réseau auquel appartiennent le barrage et le territoire. Le développement des installations hydroélectriques en Valais est étroi-tement lié à celui du tourisme, autre moteur économique des vallées alpines. Avec des recettes de 15,6 milliards de francs en 2008, le tourisme est la quatrième branche exportatrice du pays. En 1950, la Suisse comptait parmi les cinq principales destinations touristiques mondiales; aujourd’hui, elle n’occupe plus que le 27ème rang.1 Le changement climatique ainsi que l’évolution de la demande exigent donc 1 OMT, 2008, p. 67

Page 6: Zufferey tourisme & barrages 2012

une remise en question de l’off re touristique suisse. Elle doit s’adapter à la raré-faction des ressources naturelles et énergétiques. La sauvegarde de la qualité des paysages et la gestion du développement des résidences secondaires sont autant de défi s capitaux à relever afi n d’optimiser l’usage des ressources touristiques. Le cas de la commune de Finhaut illustre particulièrement bien cette pro-blématique. Avec seulement 374 habitants permanents, le village de Finhaut fut, au du début du 20ème siècle, une destination majeure du tourisme alpin. Au-jourd’hui, Finhaut est surtout connue pour accueillir sur son territoire trois bar-rages, dont celui d’Emosson, 3ème plus grand de Suisse. En 2017, le renouvelle-ment de la concession du barrage de Barberine, exploité en partie par les CFF, rapportera 100 millions de francs à la commune. Cette manne fi nancière appelle la communauté à repenser son paysage touristique dans l’intérêt des générations futures. L’enjeu principal de ce mémoire est d’étudier le potentiel touristique de la région du barrage d’Emosson. Pour ce faire, il s’agit dans un premier temps d’ana-lyser le développement du tourisme, ses changements et leur répercussion sur l’avenir. Ensuite, pour comprendre dans quelles mesures il est possible d’associer tourisme et barrages de manière étroite et durable, il convient d’esquisser les caractéristiques et impacts de ces derniers. L’étude de diff érents cas, alliant ces deux concepts, permettra de dégager quelques pistes de développement pos-sibles. L’ étude du cas d’Emosson renseignera sur le contexte historique, géogra-phique et social dans lequel peut s’inscrire un renouveau touristique. Pour vérifi er, fi nalement, dans quelle mesure le site d’Emosson se prête à un développement touristique.

Page 7: Zufferey tourisme & barrages 2012

7

Page 8: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 9: Zufferey tourisme & barrages 2012

9

Page 10: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 11: Zufferey tourisme & barrages 2012

11

Page 12: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 13: Zufferey tourisme & barrages 2012

13

Page 14: Zufferey tourisme & barrages 2012

1

p.8 Berghaus Diavolezza, Gafsou M.p.10 Titlis / Gafsou M.p.12 Piz Bernina / Gafsou M.

Page 15: Zufferey tourisme & barrages 2012

15

Défi nition

Selon l’Organisation mondiale du tourisme : « Le tourisme désigne les activités de personnes voyageant vers des endroits hors de leur milieu habituel et séjour-nant dans ces endroits pendant moins d’une année consécutivement à des fi ns de loisir, d’aff aires ou à d’autres fi ns. ».2

Le tourisme s’impose comme un phénomène majeur du début du XXe siècle. D’une activité réservée à l’élite, il n’a pas cessé de se démocratiser au point de devenir un des secteurs économiques à la croissance la plus rapide du monde. Aujourd’hui, il constitue le troisième secteur économique mondial après l’indus-trie pétrolière et automobile.3 Malgré cela, il est toujours diffi cile d’identifi er clai-rement son impact sur notre société. Il est toutefois possible de diviser l’évolution du tourisme en quatre périodes caractérisées principalement par leurs acteurs.

Tourisme en mutation

Les premières activités touristiques datent de l’Antiquité : outre les voyages d’études, que les romains faisaient pour s’inspirer des cultures voisines afi n de résoudre des problèmes d’ordre technique, le tourisme antique se traduisait no-tamment par des pèlerinages vers les sanctuaires religieux de Delphes ou d’Epi-daure, ou par des escapades estivales à Capri ou Pompéi. Au Moyen Age, nombreux sont les pèlerins prennent le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle ou Jérusalem. Leurs périples multiplient les lieux d’hé-bergements. Plus tard, apparaît la mode des visites universitaires d’Oxford, Paris ou Bologne. Puis les écrivains, Goethe ou Montaigne, voyagent à leur tour. Mon-taine considère d’ailleurs le voyage comme « un art de la vie, une des meilleures écoles pour se former car l’âme y est en perpétuel mouvement4 ». Ces voyages d’agrément se transforment lentement en voyages théma-tiques d’ordre religieux, politique ou commerciaux.

Ce n’est cependant qu’au XVIIIe siècle que le mot «touriste», issu de «The tour», apparaît : « The tour ou the grand tour désigne le voyage désintéressé que fait en Europe le jeune aristocrate anglais, accompagné en général de son précep-teur [...]. Ce voyage ainsi nommé était considéré comme le complément néces-saire à son éducation».5

En France, le terme touriste apparaît en 1803 pour défi nir le « voyageur qui ne parcourt les pays que par curiosité et désœuvrement ». Il est diffi cile d’évoquer la genèse du tourisme sans introduire l’apparition des guides de voyages. Ils ap-paraissent dès le XVIe siècle sous le terme «guilde» et off rent toutes les informa-tions utiles sur l’état des routes et les possibilités d’hébergement.

TOURISME

1 Hoerner J.M., 1997, p.62 Spindler M., 2003, p.233 Montaigne M., 1998 (1580), p. 124 Boyer M., 1982, p.21

Page 16: Zufferey tourisme & barrages 2012

Tourisme aristocratique (~1800-1950)

Ce sont les Anglais qui se lancent les premiers dans l’économie touristique. Portée par de nouvelles sensibilités culturelles et esthétiques, l’aristocratie anglaise éprouve le besoin de voyager afi n d’entretenir un rapport plus étroit avec la nature. Profi tant d’une amélioration des réseaux routiers et ferrés, la noblesse anglaise part à la dé-couverte des richesses naturelles alpines. En 1841 Thomas Cook invente la première agence de voyages. Il propose des voyages organisés et peu après il introduit l’al-pinisme dans la région de Chamonix. Le British Alpine Club est d’ailleurs fondé en 1862, douze ans avant le Club Alpin Français. Souvent, ces agences contrôlent une bonne partie des infrastructures d’hébergement et de transport.6 Au XIXe siècle, le tourisme est exclusivement européen. Les principaux acteurs sont des rentiers fortunés, aristocrates ou bourgeois qui côtoient les grands de ce monde dans les stations en vogue du moment. Le tourisme se limite toutefois à quelques régions privilégiées telles que les stations littorales de la Côte d’Azur, les stations thermales comme celles de Bath en Angleterre, de Baden-Ba-den en Allemagne ou de Vichy en France et, enfi n, les stations alpines qui attirent les touristes, en automne et au printemps. Toutes ces stations, telles que Chamo-nix ou St-Moritz, disposent d’un parc hôtelier important, regroupant des établis-sements de luxe. Elles possèdent également des sanatoriums, des casinos et par-fois même des terrains de golf, activités essentielles pour une clientèle aisée, voire richissime qui se déplace à bord de trains prestigieux comme l’Orient-Express ou le Train bleu. Ce tourisme élitiste connaît son âge d’or, au début du XXe siècle. Si la Première Guerre Mondiale a vu cette tendance fl échir, c’est avant tout la crise des années trente qui a freiné provisoirement la croissance de l’industrie touristique.

45 Tissot L., 2000, p. 17

Goethe dans la campagne romaine, Tischbein J.

Page 17: Zufferey tourisme & barrages 2012

17

Tourisme quantitatif (1950-1975)

Il faudra attendre les années cinquante pour voir le tourisme prendre son envol. Grâce à la forte croissance économique, à l’élévation du niveau de vie, aux congés payés et à la modernisation des transports, on passe rapidement à un tourisme de masse qui touche des dizaines de millions de personnes de toutes classes so-ciales. Ce développement se traduit par une diversifi cation de l’off re touristique et des formes d’hébergement, mais aussi par une concentration dans le temps et dans l’espace. Les dépenses touristiques prennent une place de plus en plus importante dans le budget des ménages. L’avènement des congés payés permet

Pontarlier

Neuchatel

Olten

Lucerne Weggis

Alpnach Stanz

Sarnen

Brienz

InterlakenGrindelwald

Wengen

Thoune

Spiez

AdelbodenKandersteg

Loèche-les-Bains

Finhaut

Chamonix

Salanches

GenèveParis

Touriste anglaise à la Gemmi, Casas Rodriguez Collection

Premier voyage organisé par Thomas Cook, Tissot L.

Page 18: Zufferey tourisme & barrages 2012

à une large couche de la population de bénéfi cier de davantage de temps libre tout en conservant son pouvoir d’achat. Le budget vacances est alors considéré comme incompressible. La mobilité des populations profi te de la modernisation des transports. Les progrès des transports aériens et ferroviaires jouent un rôle capital pour le déve-loppement du tourisme. Mais c’est surtout l’agrandissement du parc automobile qui a ancré le tourisme dans les habitudes occidentales. Cette génération de tou-risme est caractérisée par sa massifi cation, son uniformisation et une certaine passivité. Le besoin de détente intervient comme une soupape face à la pollution, au bruit et au stress de l’activité professionnelle. Les médias contribuent à faire du tourisme un fait de société, mais aussi à promouvoir de nouvelles destinations. Cette explosion de la demande en loisirs a entraîné l’apparition de toute une série d’innovations tels que les clubs de vacances, les vols charters ou encore les cam-pings. La pression exercée sur le territoire conduit à la création de parcs naturels, espaces préservés de la croissance. C’est l’ère d’un tourisme pour tous caractérisé par l’abréviation « 4s » ; sand, sea, sun, sex. Bien qu’il ne s’agisse plus d’un bien de luxe et qu’il soit en principe à la portée de tous, le tourisme n’est pas encore un bien de grande consommation. Par exemple, il faudra encore attendre 1974 pour qu’un français sur deux parte en vacances.7

Tourisme qualitatif (1975- aujourd’hui)

La deuxième période de développement du tourisme de masse voit l’apparition de la notion de qualité et une diversifi cation de l’off re. La génération Baby-boom arrive à maturité et critique les résultats de la société de consommation. La qua-lité prime sur la quantité en raison d’une amélioration du niveau de formation. Cette recherche du confort, favorisée par la presse et la publicité, renforce le goût

Plage de Nice, Maxime F.

7 Spindler M., 2003, p.31

Page 19: Zufferey tourisme & barrages 2012

19

pour l’exotisme et l’exceptionnel. Même si les longs séjours au soleil demeurent prioritaires, le nouveau touriste cherche davantage à allier plaisir, culture et acti-vité sportive. C’est aussi le phénomène « low cost » qui, avec une tendance vers l’optimisation des frais liés au voyage, favorise le développement des séjours courts, particulièrement en milieux urbains. Cette diversifi cation du tourisme entraîne une nouvelle approche de l’off re. Une destination doit être capable de s’adapter au gré des modes pour survivre à une concurrence grandissante. Le tourisme s’affi rmant comme un secteur capital du développement économique mondial, chaque pays cherche à en tirer profi t.8 Parallèlement, les pays émergents découvrent, à leur tour, les joies du voyage. Avec un pouvoir d’achat croissant, ces nouveaux acteurs prennent une place de plus en plus importante dans le paysage touristique.

Tourisme alpin

De tout temps, les alpes ont été fréquentées grâce au rôle qu’elles jouent dans les communications européennes, mais ce n’est que depuis le XVIIIe siècle qu’elles attirent l’homme pour ce qu’elles sont. Territoire hostile et mystérieux, la mon-tagne terrifi e et semble inabordable. Le pasteur et historien Abraham Ruchat (1680-1750) décrit les alpes vues par les touristes étrangers : « Les étrangers, qui ne connaissent notre pays que par les froides plaisanteries qu’on en fait parmi eux, s’imaginent que c’est un pays de loups garous, où l’on ne voit le soleil que par un trou; que ce ne sont que montagnes à perte de vue, que ro-chers stériles, que précipices aff reux; que les habitants ne sont que de misérables vachers, que l’on se fi gure à peu près comme des demi-sauvages, qui n’ont pas le sens commun : jusque-là qu’une dame française, réfugiée parmi nous, m’a avoué que quand elle sortit de France pour se retirer en ces pays, elle s’imaginait de venir parmi des gens qui n’avaient pour maisons que des antres et des cavernes. [...] ».9

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010arrivée en millions 69.3 112.8 165.7 222.2 286.2 329.5 458.4 568.5 697.4 806.2 940rece es en milliards 6.9 11.6 17.9 40.7 105.2 117.6 260.1 403 475.3 668 919

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1000

A vées et ecettes du tou s e te at o a

8 Spindler M., 2003, p.34

Arrivées et recettes du tourisme international, OMT

Page 20: Zufferey tourisme & barrages 2012

Les premiers touristes s’y aventurant relèvent donc plutôt de l’explorateur que du touriste lambda. Ce sont les naturalistes du siècle des Lumières qui ont joué le rôle de pionniers dans la découverte des Alpes. De nombreux sommets sont conquis lors de « voyages aux cimes » organisés par des voyageurs anglais; l’inté-rêt reste ciblé autour de quelques sites, tels Chamonix, Grindelwald ou Zermatt. Aux scientifi ques se substituèrent les écrivains et les peintres qui contribueront à leur tour à populariser les Alpes. Grâce à eux, des milliers de touristes convergent vers ces sites décrits comme mythiques et sublimes. Les pays alpins, et tout par-ticulièrement la Suisse, deviennent à la fois sources d’inspiration, terrains d’aven-ture et lieux de convalescence. L’arrivée du chemin de fer dans les montagnes, puis son électrifi cation par la force hydraulique, va permettre à un fl ux croissant de voyageurs de visiter la région. Dès lors, le tourisme alpestre devient économi-quement signifi ant. Autour de 1860, l’apparition des premiers guides de voyages coïncide avec la naissance des stations de première génération. Elles sont vouées aux longues villégiatures d’été dans des hôtels situés à proximité des grands massifs. Etant donné les lourds investissements nécessaires au lancement de ces stations et la courte durée de la saison d’été, ce tourisme est réservé uniquement à la couche la plus riche de la société. A partir des premiers balbutiements du tourisme de masse, les Alpes ont vécu une phase d’expansion très importante. Elle a conduit à une saturation conséquente des espaces dans les zones de montagne dédiées aux sports d’hiver.10 Les aspects positifs du développement touristique alpin sont nombreux. Vecteur de travail et de revenus, il a permis de stopper l’exode de la population. Cette autonomie par rapport aux régions urbaines a renforcé l’identité des popu-lations indigènes et en a favorisé la sauvegarde. Il a également permis de fi nancer des infrastructures et des services en améliorant ainsi les conditions de vie des habitants. Parfois, le tourisme a également contribué à soutenir l’agriculture de montagne et l’aménagement du territoire. Cependant, le développement intensif du tourisme en montagne compte aussi un certain nombre d’inconvénients et de détracteurs. Les principales critiques sont liées à l’urbanisation désordonnée des stations, à la mise en place d’infrastruc-tures touristiques et à la pratique d’activités sportives dans les milieux naturels. L’urbanisation montagnarde infl ige souvent une perte importante d’au-thenticité aux villages existants. Selon l’ancien ministre français Jean Mistler : «Le tourisme est une industrie qui consiste à transporter des gens qui se trouvaient mieux chez eux, dans des endroits qui seraient mieux sans eux ».11

Tourisme en crise

Le tourisme est un secteur stratégique de l’économie suisse. A ses débuts, le tou-risme suisse était lié à l’attrait mystérieux qu’exerçait la montagne sur les riches de l’époque. La Suisse devient alors la destination d’un tourisme élitiste qui posa les jalons d’une véritable industrie de masse. Dans les années 50, la Suisse s’empare de 8 % du marché mondial et fait partie du groupe des cinq plus grands pays tou-ristiques. À partir des années 60, la politique de développement touristique

9Ruchat A., 1730, p.24310Kämpf R. et al., 2008, p. 24311 Mistler J., 1982, p. 45

Page 21: Zufferey tourisme & barrages 2012

21

dans l’arc alpin se focalise essentiellement sur la saison hivernale et la pratique des sports d’hiver. C’est seulement au cours des dernières décennies que l’on assiste à un engouement pour la saison estivale, générant elle aussi un potentiel touris-tique considérable. L’arc alpin est ainsi devenu le plus important espace touristique montagnard mondial avec des atouts précieux: un capital naturel, une image de marque, un accès aisé et une situation aux croisements des fl ux touristiques.

Affiche publicitaire Chamonix, Alloz C.

Page 22: Zufferey tourisme & barrages 2012

Cependant, avec l’élargissement du marché et la compétition mondiale des desti-nations touristiques, le marché suisse rencontre des problèmes de compétitivité. Pendant les années 80 on assiste à une longue stagnation, suivie par un recul brutal du tourisme entre 1992 et 1996. Les causes de ce recul sont attribuées à la mondialisation du marché touristique et aussi au manque de dynamisme dans la promotion d’activités alternatives et innovantes. On peut justifi er cette affi r-mation par la situation du tourisme mondial, où l’on constate qu’il n’y a pas eu de véritable récession, mais plutôt une redistribution des destinations et la nais-sance d’une nouvelle manière de consommer le tourisme.12 La diversifi cation des intérêts du touriste contemporain n’a pas été suffi samment bien anticipée: les habitués des vacances en chalet, les fans du ski et les adeptes des forfaits organi-sés côtoyent désormais des congressistes, des visiteurs d’expositions ou des ama-teurs d’aventure. Dans un monde en perpétuelle mutation, l’off re touristique doit pouvoir s’adapter aux nouveaux changements si elle veut survivre.

Changements climatiques

En Suisse, comme ailleurs, les eff ets du réchauff ement de la planète ssont inquié-tants. Ce sont précisément les Alpes qui réagissent le plus aux modifi cations de l’équilibre écologique. L’été sera généralement plus chaud et plus sec, alors que l’hiver sera lui plus chaud et plus humide. L’organe consultatif pour les questions de changements climatiques, d’ici à 2050 prévoit un réchauff ement d’environ deux degrés Celsius en automne, en hiver et au printemps, et de près de trois degrés en été. Parallèlement les précipitations augmenteront en hiver au-dessus de 2000 mètres d’altitude. Cela aura des conséquences contraignantes sur les domaines skiables, confrontés à un danger d’avalanche plus aigu. En outre, avec la fonte

du permafrost et le recul des glaciers, les risques d’éboulements augmentent, les voiries sont menacées et l’accès aux stations d’altitude moins aisé. Les chan-gements climatiques rendent les condi-tions de plus en plus extrêmes: canicule, sécheresse ou averses violentes suivies d’inondations. A moyen terme les petites formations glacières disparaîtront, modi-fi ant défi nitivement l’aspect du paysage.13 Toutefois, changements climatiques ne riment pas forcément avec mort du tou-risme alpin. En anticipant intelligemment ces mutations, le réchauff ement peut devenir un facteur positif dans la recon-version du tourisme de montagne.

situa onactuelle plus 1°C plus 2°C plus 4°C

Allemagne 27 11 5 1France 143 123 96 55Italie 81 71 59 21Autriche 199 153 115 47Suisse 159 142 129 78

0

100

200

300

400

500

600

700

nb d

e do

mai

nes

skia

bles

ouv

rabl

es

éc au e e t

12 Kämpf R., 2008, p.1213 Agrawala S., 2007, p. 28

Sensibilité des domaines skiables alpins au réchauffement, Agrawala S

Page 23: Zufferey tourisme & barrages 2012

23

Elitisation des sports d’hiver Aujourd’hui déjà, la saison d’hiver se raccourcit tandis que la limite des chutes de neige s’élève. Seules les stations fi nancièrement solides, disposant de domaines skiables situés au-dessus de 1800 mètres ,survivront. Les infrastructures de la plupart des stations de moyenne altitude (1500–1600 mètres) ne verront pas leurs installations rénovées faute d’investissements. L’OCDE prévoit la ferme-

ture de nombreuses stations de ski européennes par manque de neige; la qua-si-totalité des domaines allemands, et 70% des autrichiens. Les stations suisses semblent moins menacées grâce à l’altitude élevée de leur domaine skiable. Avec ses neuf domaines situés à plus de 3000 mètres d’altitude, le Valais reste la région à l’enneigement le plus sûr de l’arc alpin. Seules 10 de ses 49 stations seraient obli-gées de fermer avec une augmentation de 4°C de la température.14 La demande des amateurs de sports d’hiver ne visera plus que les rares stations avec enneige-ment garanti qui vendront leurs off res au prix fort. Ainsi, ces loisirs redeviendront un luxe et le plaisir de skier dans un paysage immaculé deviendra une expérience réservée à l’élite. Les traditionnels camps de ski disparaitront, sans doute, au profi t de sports plus accessibles. En revanche, l’élitisme croissant des sports d’hiver ga-rantira la demande en logements de vacances dans les stations de haute altitude, conduisant certainement à une augmentation du prix des nuitées.

Tourisme climatiqueAujourd’hui, le tourisme alpin dépend principalement de la saison d’hiver. Avec les changements climatiques annoncés, le tourisme d’été gagnera en importance. Lorsque la chaleur devient insupportable dans les zones jusque-là tempérées,

14 Agrawala S., 2007, p. 28

Piste de Sorebois à Zinal en novembre 2011, 24heures

Page 24: Zufferey tourisme & barrages 2012

la quête de fraîcheur redevient actuelle. Bien que les changements climatiques soient un inconvénient pour le tourisme d’hiver, ils amènent une prolongation de l’été à la montagne avec des températures agréables jusque tard dans l’automne. Aujourd’hui, dévalorisé et sous-estimé le tourisme d’été risque un jour de sup-planter le tourisme d’hiver, à condition que l’off re d’été devienne plus attrayante. L’image du randonneur à gros mollets qui colle au touriste d’été doit disparaître.

Changements socio-économiques

La révolution internetInternet a irrémédiablement modifi é notre manière de gérer les informations. Le secteur du tourisme a été sûrement parmi les plus touchés par cette révo-lution. La clientèle peut désormais s’informer plus rapidement, mieux comparer les off res et leurs qualités. Chaque site touristique trouve une place sur la toile lui permettant de valoriser son off re. Des systèmes d’appréciation en ligne et des blogs permettent d’estimer de manière objective une destination, un hôtel ou un restaurant. Un défaut de qualité est automatiquement sanctionné. Ces nouvelles données rendent la concurrence de plus en plus rude mais donnent aussi leur chance aux petites structures.15

Renaissance du chemin de ferLes règlements toujours plus restrictifs en matière de sécurité compliquent le dé-placement des passagers qui utilisent le trafi c aérien. Cette tendance sécuritaire favorise un «comeback» du chemin de fer. Le souci de défense de l’environne-ment, le prix du pétrole et les embouteillages sur l’autoroute sont autant de fac-teurs qui rendent le chemin de fer à nouveau attractif pour le trafi c continental.16 Selon le rapport PREDIT : « les émissions de CO2 par individu liées aux dépla-cements tourisme et loisirs passeront de 0,7 tonnes par an à 0,2 »17 . La Suisse dispose d’un des réseaux de transports publics les plus performants du monde. Ponctualité, propreté et capacité à emprunter des itinéraires spectaculaires sont des facteurs d’une valeur touristique élevée, il suffi t de penser au Glacier Express entre Zermatt et St-Moritz.

Stations sans-voitures«Le trafi c lié aux loisirs constitue un problème de plus en plus impor-tant», clame la conseillère nationale verte Franziska Teuscher, présidente de l’Association Transports et envi-ronnement, l’ATE.18 50% des trajets parcourus par les suisses sont par-courus dans le cadre de leurs loisirs. Le tourisme domestique est en forte expansion. En eff et, l’augmentation du prix du pétrole et la responsabili-sation écologique ont relancé l’attrait

0

20

40

60

80

100

2000 prévision 2050

voiture avion train autres

15 Kafl on P. et al., 2009, p. 29-3816 Ibid, p. 2417 Cluzeau C.O., 2009, p. 5118 www.ate.ch

Part des moyens de transport en %, Predit

Page 25: Zufferey tourisme & barrages 2012

25

des destinations de proximité. Cette tendance s’accompagne de nouvelles off res : courts séjours, apparition de coff rets « tout compris » et prix attractifs.19

Beaucoup de stations touristiques alpines sont confrontées à des pro-blèmes comparables à ceux des centres urbains. Les quelques stations ayant choi-si d’interdire la circulation à toutes voitures sont aujourd’hui récompensées pour leur décision. En eff et, les villages de Zermatt ou Saas Fee sont moins touchés par la crise en partie grâce à l’absence de trafi c. D’ailleurs ces stations partagent très souvent le sommet des classements de popularité. Pour assurer un service de qualité, les villages sans voitures doivent respecter certains critères tels que, le temps d’accès à la station, la fréquence des transports publics, la prise en charge des bagages, l’off re de transports à l’intérieur de la station ou l’information. Une enquête réalisée auprès des vacanciers par l’ATE montre que le paysage et la na-ture intacte sont les arguments premiers d’attractivité de la Suisse.

Augmentation du temps de travailLes Occidentaux vont sans doute devoir travailler davantage. Les loisirs se raréfi ent, les voyages sont de plus en plus courts. les destinations les plus proches seront donc favorisées. Les vacances sont moins planifi ées à l’avance mais plus sponta-nément. Le schéma traditionnel des vacances d’été et de ski a été complètement chamboulé. Les congés deviennent une phase de récupération importante pour les travailleurs soumis au stress: « une génération épuisée qui, en guise de retraite et de psychanalyse, aspire à utiliser, de façon ponctuelle, des vacances pour satisfaire des besoins vitaux qui peuvent aller du bien-être à la recherche d’un conjoint. ».22

Papy-boomLa pyramide des âges s’inverse. En 2020, un tiers de la population européenne aura plus de 50 ans.21 Ce public cible dispose d’un budget plus conséquent que la moyenne et davantage de temps libre. Ces retraités actifs voyagent volontiers et souvent. Cette génération aspire plutôt à des expériences personnelles et à des relations sociales enrichissantes. Pour elle, la famille, les communautés et les va-leurs morales jouent un rôle prépondérant. Les « nouveaux vieux » sont de plus en plus à la recherche d’authenticité. « Ils ne veulent plus être strictement specta-teur mais acteur et accomplir des expériences même en vacances ; expérimenter du local, du régio-nal, du véritable ».22 La santé et le bien-être restent malgré tout leurs priorités. Ce nouveau pu-blic cible implique le développe-ment d’une off re adaptée, pre-nant en compte tant leurs désirs que leurs besoins. Toutefois, les doutes concernant l’avenir des retraites, ne permettentpas de mesurer l’impact de cette ten-dance à long terme.

-20 -10 0 10 20 30

0-14 ans

15-24 ans

25-39 ans

40-54 ans

55-64 ans

65-79 ans

80 et plus

19 Euromonitor, 2009, p. 1820 Viard J. et al., 1998, p. 11521 Eurostat, 2006, p. 5522 Viard J. et al, 1998, p. 150

Evolution de la population européenne en millions, Eurostat

Page 26: Zufferey tourisme & barrages 2012

La famille décomposéeLa famille traditionnelle composée d’une mère, d’un père et de leurs enfants n’est plus d’actualité. La « famille » actuelle comprend tout un réseau : enfants, parents, grands-parents, tantes, conjoints séparés, remariés ou partenaires de même sexe. L’off re touristique doit s’adapter à ce nouveau modèle familial qui nécessite un produit plus avantageux et diversifi é. Les solutions d’hébergement doivent garan-tir à ces familles une fl exibilité adéquate et leur proposer des logements modu-lables. Les activités proposées doivent également répondre à diff érents publics cibles ; enfants, adolescents, jeunes, adultes et personnes âgées. Féminisation du voyageLes femmes représentent une partie importante du marché du tourisme. Elles demeurent de plus en plus célibataires. Actives professionnellement, elles ont davantage les moyens de voyager seules ou accompagnées. Elles recherchent le bien-être: wellness, beauté, mode, design, culture, formation ou contacts sociaux. Les femmes sont les moteurs du Lohas (Lifestyle of Health and Sustainability)23, qui dicte un style de vie sensible à la santé et à l’environnement. Elles considèrent l’aspect éthique et écologique des vacances comme prioritaire.

Changements politico-économiques

InsécuritéLe terrorisme, l’instabilité politique et les confl its diplomatiques augmentent dans le monde entier et contribuent à limiter les déplacements. Dans ce contexte, la Suisse profi te de sa réputation de pays stable et sûr. S’il est plus facile de voyager en Europe grâce au visa unique « Schengen », nombreux sont les pays qui dur-cissent leur législation en matière d’immigration. Cette réalité tend à renforcer le tourisme national et frontalier.

Boom du marché asiatiqueUne grande part des touristes de demain viendront d’Asie. La classe moyenne chinoise et indienne croît de manière spectaculaire. Ce nouveau marché pourrait considérablement modifi er le visage du tourisme international. L’OMT prévoit que 100 millions de Chinois partiront en vacances à l’étranger en 2020.24 Depuis des années, la Suisse exerce une véritable fascination sur les asiatiques. Paysages, na-ture, propreté: à leurs yeux, tout y est parfait. Et si ces touristes ne représentent au-jourd’hui que 7% des nuitées annuelles, leur nombre a déjà quintuplé depuis 2003.

23 www.lohas.com24 Kalfon, P., 2009, p. 67

Nuitées en Suisse par continent, OFS 2010 Evolution des nuitées en Suisse de 2006 à 2010 en %, OFS

Page 27: Zufferey tourisme & barrages 2012

27

Évolution de la demande

Les habitudes de consommation et de voyage en Europe ont radicalement changé avec l’émergence de nouvelles tendances touristiques. Parmi elles, on peu identifi er deux formes de tourisme en fort développement : le tourisme rural et holistique. Le premier qui lie tourisme et agriculture se décline sous plusieurs formes, qu’il s’agisse d’une étape culinaire, d’un Spa dans des zones de montagne ou encore d’un séjour à la ferme. On peut observer une certaine homogénéité dans l’attente de sa clien-tèle: décompresser d’une vie urbaine stressante, retourner aux sources ou recher-cher des expériences enrichissantes et éducatives convenant à tous. Une tendance similaire au retour aux sources est le tourisme holistique. Ce dernier attire prioritairement une clientèle féminine, urbaine, ayant un niveau de formation élevé et un travail stressant. Elle recherche des endroits « vierges » afi n de se ressourcer. L’off re est composée d’un retour à la nature enrichie de stages de relaxation (Yoga, Tai-chi). Ce public cherche des alternatives pour se divertir tout en accordant une grande importance au bien-être. Le tourisme holistique se dé-cline dans une multitude d’off res en progression constante en Europe depuis trois ans.

Cette analyse du développement touristique montre que le tourisme alpin doit se renouveler s’il veut survivre. Une diversifi cation de l’off re est indispensable pour aff ronter les changements à venir. Le paysage, principal atout du tourisme alpin doit, en s’alliant avec la culture, revenir au premier plan. L’essor du tourisme de masse, apparu dans les années 50, a mené à la croissance ininterrompue des stations de ski. Fréquentées qu’une partie de l’année, ces destinations sont au-jourd’hui critiquées pour leur mono-usage. Ces « villes à la montagne » ont sou-vent bénéfi cié des infrastructures laissées par la construction des barrages. Les communes ont utilisé le revenu des concessions et le nouveau réseau routier à disposition pour créer de toutes pièces leur station de ski. Aujourd’hui, ces urba-nisations ex nihilo ne convainquent plus, tant sur le plan social qu’économique. Dans ce contexte, on assiste à un renouvellement de la vocation naturelle et écologique des stations de montagne. Le concept d’écotourisme se manifeste dans toutes les typologies de stations, soit dans les stations cultivant la tradition du tourisme familial, soit dans les grandes stations à vocation internationale. L’élé-ment principal de cette forme de tourisme est le respect de l’environnement. Les arguments de ces stations se concentrent sur la mobilité douce, sur les excursions spécialisées ou thématiques et sur la mise en valeur de l’architecture et des tradi-tions vernaculaires. Lié à cette tendance, on constate également un regain d’intérêt pour les sites hydrauliques. Les zones en friche, à proximité des barrages sont ré-habilitées pour diversifi er l’off re régionale, notamment pour le tourisme estival. En Suisse, le pays des barrages, ce type de projets est encore largement sous-exploité.

Page 28: Zufferey tourisme & barrages 2012

Zones touristiques suisses

Barrages en Suisse, OFEN

Tourisme et barrages

Page 29: Zufferey tourisme & barrages 2012

29

Page 30: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 31: Zufferey tourisme & barrages 2012

31

Page 32: Zufferey tourisme & barrages 2012

2

p.30 Lac de Grimsel, Gafsou M.

Page 33: Zufferey tourisme & barrages 2012

33

Avec le tourisme, le développement des infrastructures hydroélectriques est ce-lui qui a changé le plus radicalement le paysage alpin. A partir du début du XXe siècle, ces deux phénomènes ont souvent évolué conjointement. Afi n de com-prendre dans quelles mesures cette relation est née, il convient d’introduire la thématique des barrages, tant sur le plan technique que socio-économique.

Défi nitions

« Un barrage est un ouvrage hydraulique qui barre, sur toute la largeur, une sec-tion d’une vallée et crée ainsi une cuvette artifi cielle étanche.»25

Un ouvrage d’accumulation englobe un barrage et un bassin de rétention. Ces ou-vrages peuvent être classés en deux catégories principales ; le stockage de l’eau en vue d’une utilisation ultérieure ou la protection contre les eaux et les matériaux charriés.Stockage de l’eau:— production d’énergie électrique— approvisionnement en eau potable et industrielle— irrigation— pêche— production de neige artifi cielle— navigation fl uvialeProtection:— rétention contre les crues— rétention des sédiments charriés — protection contre les avalanches— régulations des lacs

La gestion des ressources en eau a de tout temps joué un rôle crucial dans l’évolu-tion des grandes civilisations. Aujourd’hui encore, l’irrigation est la fonction prin-cipale des barrages dans le monde. Dans les Alpes, l’usage hydroélectrique s’est imposé pour répondre à la consommation croissante des pays européens. C’est pourquoi, cette fonction est plus largement traitée dans ce travail.

Hydroélectricité

L’énergie électrique est produite par la transformation de l’énergie cinétique de l’eau, par l’intermédiaire d’une roue entrainant un rotor d’alternateur.Formes de production:26 —les centrales gravitaires : les apports d’eau sont uniquement gravitaires. Ces centrales mettent à profi t l’écoulement de l’eau le long d’une dénivellation du sol. —Les centrales au fi l de l’eau : principalement installées dans les zones de plaine. Ces retenues de faible hauteur utilisent le débit du fl euve sans capacité de modu-lation par stockage.

BARRAGES

25 Schleiss A. J., 2011, p. 526 Ibid, p. 10-12

Page 34: Zufferey tourisme & barrages 2012

— les centrales de transfert d’énergie par pompage : un dispositif artifi ciel permet de pomper l’eau d’un bassin inferieur vers un bassin supérieur comprenant sou-vent une partie gravitaire. En plus de produire de l’énergie, ce système permet de stocker l’énergie produite par d’autres types de centrales quand la consommation est basse. Ces centrales se composent de deux bassins situés à des altitudes dif-férentes entre lesquels est placée une machine hydroélectrique réversible.— les centres marémotrices : utilisation de l’énergie du mouvement des mers (marées, courants, vagues).

L’hydroélectricité dans le bilan énergétique mondial

Les 18235 milliards de kilowattheures électriques (TWh) produits dans le monde en 2005 provenaient pour 40 % du charbon, 20 % du gaz, 16 % de l’hydraulique, 15 % du nucléaire, 6,5 % du pétrole et 2,5 % des autres sources confondues (bio-masse, éolien, solaire, géothermie, etc...). L’hydraulique est de très loin, avec 3000 TWh, la principale source d’électricité d’origine renouvelable. Si la Chine, le Ca-nada, le Brésil et les USA sont les plus gros producteurs, trois pays sortent du lot en ce qui concerne la place qu’y tient l’hydraulique dans leur production d’électri-cité : le Paraguay, avec 100%, la Norvège, avec 99% et le Brésil, avec 84%. Si l’hy-draulique était encore la deuxième source d’électricité en 2000, elle a aujourd’hui reculé à la troisième place, doublée par le gaz naturel.27

0

5000

10000

15000

20000

25000

irrig

aon

hydr

oéle

ctric

ité

eau

pota

ble

cont

rôle

des

cru

es

navi

gaon

recr

éaon

pisc

icul

ture

autr

es

total

mono usage

0

100

200

300

400

500

600

Chin

e

Bres

il

Cana

da USA

Russ

ie

Nor

vege

Inde

Vene

zuel

a

Japo

n

Sued

e

Fran

ce

Suiss

e

27 www.icold-cigb.org

Les barrages dans le monde selon leur usage, OFEN Production d’hydroélectricité par pays en Twh, Schleiss A.J.

Page 35: Zufferey tourisme & barrages 2012

35

Barrage poids

Un barrage poids est un barrage dont la propre masse suffi t à résister à la pression exercée par l’eau. Ce sont des barrages dont le profi l triangulaire permet la trans-mission des forces extérieures. Même s’ils nécessitent bien plus de matériaux que les autres types de barrages, ils sont encore abondamment de mise de nos jours. Le choix de la technique est d’abord géologique : une fondation rocheuse de bonne qualité est nécessaire. Il faut aussi disposer des matériaux de construction (granulats, ciment) à proximité. La construction en maçonnerie était de rigueur jusque dans les années 30. Puis, le béton s’est imposé une fois sa technologie éprouvée. Dès 1978, une technique de béton compacté au rouleau s’est substi-tuée au béton conventionnel. Plus sec, il se met en place comme un remblai, avec des engins de terrassement. Cette technique présente le principal avantage d’être beaucoup moins cher que le béton classique.28

Barrage voûte

Le barrage voûte est un mur de béton incurvé horizontalement, et parfois vertica-lement (on parle alors de voûte à double courbure). La poussée de l’eau est repor-tée sur les fl ancs de la vallée. Cette technique nécessite une vallée relativement étroite et un bon rocher de fondation. Par le peu de matière utilisée, elle est très satisfaisante économiquement et écologiquement. Malgré ces avantages, le bar-rage voûte est aujourd’hui souvent concurrencé par le barrage-poids ou le barrage en remblai, dont la mise en œuvre peut être davantage mécanisée. La voûte est considérée comme le barrage plus sûr, malgré l’accident de Malpasset en 1959, dû à une rupture des fondations. C’est le seul cas connu de rupture d’un barrage voûte.29

28 Schleiss A.J., et Pougatsch H., 2011, p. 35-3729 Ibid, p. 37-40

Grande-dixence, www.grande-dixence.ch

Hoover dam, flickr

Page 36: Zufferey tourisme & barrages 2012

Barrages en remblai

Les barrages en remblais sont essentiellement constitués de matériaux meubles, gisant à proximité immédiate de l’ouvrage. Cette famille regroupe plusieurs caté-gories ; les barrages en terre, les barrages en enrochements et le barrage à noyau argileux qui comporte un noyau central assurant l’étanchéité ainsi qu’une couche périphérique de matériaux plus perméables.30

Historique

4000 av. J.-C.

700 av. J.-C.

2600 av. J.-C.

550 av. J.-C.

300 av. J.-C.

XVe siècle

1695

XIXe siècle

Java, Jordanie du nord: digues de 5 mètres de hauteur destinés à l'irrigation et aux besoins en eau potable.

Saad al Kafara, Egypte: digue de rétention de rues, haute de 14 mètres.Le roi d'Ourartou Rusa construit des petits barragespour alimenter leur capitale en eau.

Marib, Yémen du nord: un barrage d'irrigation crée lesbases de la vie du royaume de Saba.

Empire romain: Premiers barrages-voûtes.

Europe: digues de modestes dimensions destinéesà la pisciculture et au fonctionnement de moulins Roche, Vaud: barrage arqué haut de 8 mètres utilisé pour le flottage de bois.France: formulation des premières bases théoriques pour l'établissement de projets de grands barrages.Fribourg, barrage de Pérolles: premier cas d'utilisation du béton pour la construction de grands barrages.

1872

Montsalvens, Fribourg: premier barrage voûte européen à courbure horizontale et verticale.

1920

Construction du Barrage d’Emosson 1973

Construction du Barrage des Trois-Gorges: le plus grand barrage du monde

2009

30 Schleiss A.J. et Pougatsch H., 2011, p. 17-20

Mattmark, Maro F.

Page 37: Zufferey tourisme & barrages 2012

37

L’épopée hydraulique

Jusqu’à la révolution industrielle, le vent et l’eau étaient les seules énergies connues, permettant de remplacer la force humaine ou animale. Le moulin est resté très longtemps le seul outil de transformation des forces de la nature en énergie do-mestique. En ce sens, cette révolution a chamboulé incontestablement l’histoire de l’humanité. Suite à l’invention de la machine à vapeur, notre manière de vivre et de penser fut irrémédiablement bouleversée. La machine, véritable esclave des temps modernes, a engendré la croissance industrielle incessante du vingtième siècle. Avec la découverte de l’hydroélectricité, les régions de montagne sont fa-vorisées grâce aux nombreux torrents alimentés par la fonte des neiges et des gla-ciers. C’est à partir de 1900 que la plus grande partie des vallées alpines canalisent leurs eaux captives derrière d’immenses murs, pour les amener dans des conduites vers les turbines génératrices d’électricité. La nécessité de créer de grands barrages s’est vite imposée pour répondre aux besoins industriels et domestiques. Durant toute la première moitié du XXe siècle et jusqu’au développement du nucléaire, l’énergie hydraulique devient la principale source d’énergie.

La houille blanche

Cette métaphore datant de l’Exposition universelle de 1889 exprime la richesse de l’eau des glaciers comparée au charbon, matériau fondamental de l’époque. L’avantage capital de la houille blanche est à son époque son caractère inépui-sable et éternel. « Aux puits profonds, aux galeries dangereuses, aux noirs mineurs fatigués, aux lourds wagons, aux fameuses cheminées de la houille, les grandes chutes op-posent leurs lacs gracieux, leur conduites d’eau pittoresque, leurs moteurs simples et propres, leurs eaux fraiches et bienfaisantes »31

Avec cette métaphore, Aristide Berges cherche à convaincre l’opinion pu-blique d’investir dans les richesses hydrauliques des montagnes. La diffi culté de mener à bien une telle opération, n’était alors pas seulement d’ordre technique mais surtout d’ordre foncier. En eff et, le sol montagnard est bien souvent morcelé en une multitude de parcelles transmises de pères en fi ls.

Témoignages de chantiers

Il est diffi cile d’imaginer à quel point la construction des barrages a profondément infl uencé toute une génération. Ces quelques témoignages récoltés lors de la construction de la grande Dixence expriment la fascination qu’exerçaient ces ou-vrages sur ceux qui les côtoyaient.

« Notre canton vit une expérience bouleversante. Brusquement tout s’est mis à bouger, à vivre. Partout, on veut rattraper le temps perdu, s’étonnant d’une si longue inertie. Ce petit pays se découvre soudain une ambition de grande nation. »

Jean Follonier32 31 Berges A., 188932 Le choucas, n°25, 1957

Page 38: Zufferey tourisme & barrages 2012

«�Sans vouloir nous monter le cou, il n’y a pas de chantiers de haute mon-tagne dont l’organisation sociale soit aussi poussée. Ne sommes-nous pas à l’avant-garde de toutes les nouvelles mesures tendant à améliorer le sort et le bien-être de l’ouvrier ? La convention de 1953, l’existence d’une commission ouvrière, l’institu-tion d’un système de primes à la production, l’amélioration progressive du bien-être des ouvriers (logements, cantine, transports, etc.) et de ses rapports avec les chefs, l’agrandissement et l’aménagement de notre infi rmerie centrale, déjà considérée comme un hôpital de chantier par la CNA, avec ses deux médecins, ses deux reli-gieuses et son personnel sanitaire, l’activité spirituelle moralement secourable de l’aumônerie et j’en passe.�»

Jean-François Munier33

33 Le choucas, n°22, 1956

Ouvriers de la Grande Dixence, www.grande-dixence.ch

Page 39: Zufferey tourisme & barrages 2012

39

« Et tout à coup j’ai vu la Dixence. Elle est à l’échelle des montagnes (…). J’en fus saisi et je me dis, mes fl eurs à la main : réjouis-toi ! Va revoir cette œuvre en tous cas, elle est la base, la pierre d’angle, de touche, d’achoppement du nou-veau pays. Le nombril du Valais est là et la pierre commence son roman : broyée, émiettée, dévalant sur un caoutchouc vers d’autres installations et fi nissant par devenir le béton d’un grand mur. Je suis entré dans la montagne au fond d’une vallée couverte de crocus, secouée d’avalanches, et j’en suis sorti dans une autre, très loin. De Cheilon au chantier d’Hohwäng, face au Cervin, il y a vingt kilomètres par le grand collecteur qui doit drainer toutes les eaux de la Viège, toute la ramille des sources, toutes les cascades, tous les torrents surgis des glaces qui enser-rent Zermatt au vaste horizon. Le grand collecteur a ses rameaux secondaires, ses puits, ses siphons ; le fl ux entier des glaciers qui coule vers la Dixence. »

Maurice Chappaz34

« En quelques jours, sortent du sol des maisons, des bureaux, des cuisines, des magasins, des dépôts, des infi rmeries, des auberges, une chapelle même. Des installations fabuleuses montent au ciel, des ponts géants courent de part et d’autre de la gorge, à cent ou deux cents mètres du sol : des wagonnets circulent sur des voies aériennes qui donnent le vertige. Les machines ronfl ent nuit et jour ; la nuit, d’immenses projecteurs éclairent le chantier et l’ombre des monstres de fer se pro-longe jusqu’au glacier. » « Dans la gorge, les équipes décapent la surface du rocher, creusent, net-toient, lavent à grands jets brutaux le socle du futur barrage. On voit passer, loin au-dessus du sol, les bennes du téléphérique ; les cordages d’acier grincent dans les poulies. Quels curieux oiseaux montent et descendent sans relâche, sur des pistes toujours les mêmes ? De temps à autre, un homme, au passage, vous fait signe. »

Maurice Zermatten35

Les barrages en suisse

La topographie et le niveau des précipitations de la Suisse lui assurent une excel-lente situation hydraulique. Elle fournit 56% de la production électrique du pays, soit quelque 38 milliards de kilowattheures par an. 56% de cette production pro-vient des centrales à accumulation, 44%, des centrales au fi l de l’eau. La demande en électricité croît chaque année en Suisse. Parallèlement, plusieurs contrats avec l’étranger viennent à terme. Selon de nombreux analystes, la pénurie nous guette à l’horizon 2035 si rien n’est entrepris. Alors que la stratégie fédérale tarde à produire des eff ets, le canton du Valais va recevoir pour plus de 1,5 milliard de francs. De quoi le positionner idéalement sur le plan de l’énergie de réglage; la plus précieuse. La Suisse off re un potentiel de développement hydraulique d’environ 3 milliards de kilowattheures, soit un dixième du manque annoncé à l’horizon 2035. Un tiers de ces kilowatts proviendront du Valais.36 Paradoxalement : hormis dans les régions de montagne, nombreux sont les consommateurs qui ignorent d’où provient l’énergie qui les éclaire, les transporte ou les chauff e.

34 Journal intime d’un pays, Treize étoiles, 196035 Zermatten M., 1960, p. 1236 Wyer H., 2008, p.26

Page 40: Zufferey tourisme & barrages 2012

Les défi s du XXIème siècle

Les enjeux énergétiques à l’échelle suisse, voire à l’échelle européenne, sont co-lossaux. Toujours plus gourmand en énergie, le consommateur va devoir faire avec une baisse de la production. Eff ectivement, les centrales nucléaires sont poussées vers le chemin de la retraite, les contrats d’importation internationaux arrivent à expiration et le potentiel des énergies renouvelables reste encore limité. Malgré une amélioration de l’effi cacité énergétique, nous allons au-devant d’une pénurie d’électricité. Pour inverser cette tendance il n’y a qu’une alternative : consom-mer moins ou produire plus. Aujourd’hui dans un contexte partagé, où sécurité d’approvisionnement, respect de l’environnement et impératifs économiques se télescopent, la force hydraulique possède sûrement les meilleurs atouts pour at-ténuer les risques liés à la pénurie. Reste cependant un problème de fonds lié à la valeur de l’énergie.

Impact

Socio-économique

La construction des grands barrages a marqué de manière indélébile les popula-tions indigènes, mais aussi une part importante de la collectivité. Après-guerre, les images de ces constructions titanesques témoignent d’un pas vers la moder-nité et de l’entrée dans une nouvelle ère: les Trente Glorieuses. Bien que la disparition des domaines fonciers provoquée par la mise en eau d’un barrage bouleverse les conditions de vie des communautés rurales, les aménagements sont rarement remis en cause, au vu des contributions fi nancières alléchantes proposées par les compagnies hydroélectriques. Selon les promo-teurs de barrages, l’enjeu est de favoriser le développement local et d’assurer la modernisation de ces vallées, quitte à en chambouler le fonctionnement. Ces réalisations ont été bien accueillies par les riverains, car ces grands chantiers ont eu des eff ets importants :— la revitalisation des communes a facilité la mutation d’une économie agricole traditionnelle vers une économie plus diversifi ée, ouverte sur le tourisme ;— la création d’emplois a favorisé le maintien sur place d’une partie de la popula-tion active ;— le développement massif des équipements routiers a désenclavé les alpages et les villages reculés facilitant plus tard l’accès aux activités touristiques.37

L’implantation des barrages a révolutionné l’économie alpine. Ils ont été, jusqu’à la seconde guerre mondiale, la raison même de l’installation des industries électrochimiques et électrométallurgiques dans la plaine. Avec le développement de ces usines, les riverains des régions concernées sont passés du statut de paysans saisonniers, à celui d’ouvriers-paysans. Puis leurs enfants sont souvent devenus ouvriers tout court et plus rarement employés. On leur doit la fi n des grosses immi-grations du XIXe siècle, l’entrée de l’argent dans les ménages, mais aussi l’abandon des cultures les plus contraignantes.39 La construction des barrages signifi ait pour les populations alpines, la fi n de certaines restrictions, un pouvoir d’achat plus im-

37 Gonthier M. et Lamory J.M., 1996, p. 1838 Perriard-Volario M., 1996, p. 111

Page 41: Zufferey tourisme & barrages 2012

41

portant et une vie plus facile. Toutes opinions politiques confondues, et quel qu’en soit le rang social, les autochtones étaient fi ers de ces chantiers spectaculaires qui, au-delà de l’argent et du travail, témoignaient de l’ambition d’un peuple. Les sta-tions de ski qui vont leur succéder ne susciteront pas les mêmes sentiments, car elles apparaissent plus comme l’œuvre des «citadins ».39 La Loi fédérale sur les forces hydrauliques de 1957 indique qu’à l’échéance des concessions, toutes les installations hydroélectriques, à part les génératrices électriques, les postes de transformation et le réseau de distribution, font l’objet d’un retour gratuit aux communes concédantes ou au canton. Un aménagement donné peut être au bénéfi ce de plusieurs concessions dont la durée est généra-lement de 80 ans. 95 communes valaisannes —sur 141— sont concernées par le retour des concessions. Si ces dernières sont renouvelées, entre 15 et 20 milliards de francs sont en jeu d’ici à 2040.40 Dans ce contexte, le stockage de l’énergie est un enjeu très important. Le pompage-turbinage associé aux mesures visant à améliorer l’effi cacité énergétique peut créer en Valais une base solide pour son économie et sa capacité d’innovation. Pour mémoire, le canton produit actuellement 27% de l’énergie hydroélectrique du pays.41 L’enjeu principal du retour des concessions est de sauvegarder des emplois dans le massif alpin. L’emploi ciblé et judicieux de la force hydraulique doit, à terme, contribuer à améliorer les conditions de vie. « L’utilisation du courant hydroélec-trique indigène revenant à la communauté dans le cadre de l’exercice de la conces-sion ou lors du retour concerne l’industrie, l’artisanat, la population et les ménages. Il s’agit de les approvisionner en électricité à un prix avantageux et correct. Le sur-plus de la très forte production électrique du Valais doit être valorisé aux meilleures conditions possibles sur le marché suisse et européen de l’électricité. »42

Environnemental

La force hydraulique est déclarée énergie renouvelable et propre par rapport à d’autres sources d’énergie. Toutefois, la réalisation d’un barrage peut avoir des eff ets importants sur l’environnement. Une retenue infl uence de manière signi-fi cative la zone ù le cours d’eau est érigé. En barrant l’écoulement naturel d’un cours d’eau, un barrage a des incidences sur la migration des poissons, la nappe phréatique, la qualité des eaux et le transport de sédiments. Le barrage est l’ouvrages construit dont l’impact sur l’environnement est le plus important. C’est pourquoi dès les années septante, les défenseurs de la na-ture remettent en question la construction forcenée de barrages et de lacs d’ac-cumulation. Ils affi rment que le développement important de cette industrie dans les zones de montagnes est préjudiciable à l’équilibre hydraulique. Aujourd’hui, du fait que l’électricité est tirée d’une matière première renouvelable sans émis-sion de gaz à eff et de serre et sans production de déchets, ces remises en ques-tion sont de moins en moins de mise. Comparés aux eff ets environnementaux négatifs des usines thermiques, les eff ets de la construction de barrages et de lacs d’accumulation sont minimes. L’intégration de longue date des réseaux euro-péens d’électricité, de même que la libéralisation du prix du courant, ont modifi é les mentalités jusqu’au plus profond des Alpes. Toutefois, il ne faut pas occulter

38 Perriard-Volario M. 1996, p.11840 Wyer H., 2008, p. 21841 Bonvin M., 201142 Wyer H., 2008, p. 250

Page 42: Zufferey tourisme & barrages 2012

les impacts négatifs, tels les captages entrainant l’assèchement de certains tor-rents, qui enlèvent une part de leur poésie au paysage montagnard. Si les débits de certaines rivières à truites sont devenus très faibles, il y a en compensation les lacs de retenue qui se sont révélés très poissonneux.

Sur le paysage

Si les lacs d’accumulation étaient auparavant considérés comme des corps étran-gers artifi ciels dans un paysage alpin idéalisé, on reconnaît maintenant le rôle im-portant qu’ils jouent comme bassins d’équilibrage hydraulique. Ils remplacent la fonction que les glaciers ne vont bientôt plus pouvoir assumer. Auparavant, les glaciers gardaient les précipitations irrégulières et les rendaient de manière conti-nue en été. Aujourd’hui, ils fondent inexorablement et jouent de moins en moins ce rôle régulateur. Sans les bassins d’accumulation, l’eau des précipitations enva-hirait les prairies et gonfl erait les cours d’eau et lacs des vallées.43

Les risques d’inondations mettraient en danger les habitants et réduiraient l’affl uence touristique. Ce sont des scénarios bien connus dans la vallée du Pô, au nord de l’Italie, où l’irrégularité des précipitations n’est plus maîtrisée. Les bar-rages modifi ent la physionomie des vallées dans lesquelles ils sont implantés. Le dialogue s’instaure entre le paysage naturel et les interventions humaines révélant les caractères forts d’un lieu. Un barrage de montagne est bien plus qu’un mur de béton barrant une vallée. Il paraît comme une masse énigmatique autonome vi-vant aux rythmes de crues et de décrues de l’eau. Le barrage, considéré avant tout comme une infrastructure, transforme les perspectives et modifi e notre vision du territoire. Le barrage et la retenue créent une nouvelle entité, un nouveau paysage dans le paysage. Les mesures, les volumes d’eau, les quantités d’électricité pro-duites, la puissance des turbines se profi lent dans une nouvelle vision de la vallée.

Architecture et barrages

On peut considérer les barrages comme les plus grandes sculptures réalisées par la main de l’homme. La formule de Louis Sullivan veut que la forme suive la fonc-tion. Dans le cas des barrages on dirait plutôt que la forme suit la situation, tant la topographie et la géologie jouent un rôle déterminant dans la conception d’un barrage. Cependant, depuis l’Antiquité, les qualités mystiques attribuées à l’eau et son stockage ont longtemps inspiré les ingénieurs qui cherchaient à retranscrire la noblesse de la tâche par un geste stylisé. L’aspect esthétique fi nit par être un critère primordial dans la réussite d’un barrage.44 Ingénieur diplômé de l’école des ponts et chaussées, André Coyne a eu dans tous ses barrages une �exigence de pureté et de dépouillement� qu’il partageait avec les architectes de sa génération. Dès son premier ouvrage, à Marèges sur la Dordogne, il a apporté des innovations techniques. L’évacuateur en «�saut de ski�» est surement son invention la plus marquante. Coyne fait particulièrement atten-tion à ce que les ingénieurs appellent les détails. Selon lui : « l’esthétique d’un barrage n’est pas faite pour accélérer les ventes comme l’esthétique d’une casserole, d’un rasoir électrique ou d’un réfrigérateur. Un barrage est fait pour durer des siècles. Son

43 AgrawalaS., 2007, p. 6643 Robins F.W., 1946, p. 85

Page 43: Zufferey tourisme & barrages 2012

43

échelle, à la fois dans l’espace mais surtout dans le temps, son caractère monumen-tal, qui tient à cette échelle, interdisent qu’on sacrifi e aux contingences passagères et spécialement à la mode, dont il est diffi cile de contester l’infl uence sur les ob-jets de consommation courante. […] Voilà en quoi l’architecture des barrages diff ère de l’architecture industrielle ; mais elle lui ressemble parce qu’il s’agit de remplir une fonction technique, et souvent plusieurs aux infl uences contradictoires. »45 Chaque barrage est diff érent, obligeant chaque fois son concepteur à réin-venter l’art de bâtir. Si l’essentiel des études porte sur les problèmes statiques, l’in-tégration des barrages dans le paysage requiert une part signifi cative des réfl exions. Peu à peu, le statut des barrages tend vers celui de patrimoine construit. Un jour, peut-être, les barrages seront protégés au même titre que la nature qui les entoure.

45 Coyne A., 1953

Barrage Grandval, Moreau M.

Page 44: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 45: Zufferey tourisme & barrages 2012

45

Page 46: Zufferey tourisme & barrages 2012

3

p.46 Projection sur la Grande Dixence, Inconnu

Page 47: Zufferey tourisme & barrages 2012

47

Le barrage représente, de par sa dimension, le point le plus visible du sys-tème électrique. Une fois les problèmes de transmission de l’électricité à grande distance résolus, un lien eff ectif s’installe entre le consommateur et le produc-teur, la montagne et la vallée, la nature et la ville. La glorifi cation des barrages s’est naturellement imposée dans l’imaginaire collectif. Que ce soit dans les journaux, dans les livres voire dans les manuels scolaires, tout était prétexte à célébrer ces nouveaux monuments. Etrangement, avec le temps, la fonction et la grandeur de ces grands murs barrant le fonds des vallées tombe dans l’oubli. Cependant, les récentes prises de conscience écologiques ont remis au goût du jour l’hydroélectricité, élément in-dissociable de la politique énergétique suisse. Elles remettent les barrages à l’hon-neur. Ils représentent à la fois le progrès, l’avancée technologique spectaculaire du XXe siècle mais aussi la limite du progrès. Le tourisme tient au même paradoxe. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’une part non-négligeable des parcours touristiques a été générée par le système électrique. La construction des routes et des infrastructures qui garantissent le bon fonctionnement des ouvrages hydro-électriques ont souvent favorisé le lancement du développement touristique. La revalorisation de ces paysages électriques signifi e donc aussi un retour aux sources plutôt qu’un détour dans un milieu artifi ciel.46 L’analyse des diff érents usages tou-ristiques attribués aux barrages peut défi nir trois types principaux de tourisme :

Barrage-nature

L’essor de l’hydroélectricité a fait surgir un nouveau type de paysage : « le paysage électrique». Faites de barrages, retenues, conduites, les traces de l’intervention humaine ont été particulièrement vite acceptées, au point que la présence de ces signes paraisse inhérente au paysage. Les barrages fonctionnent comme des gigantesques machines paysagères. Même si leur démesure dérange certains, force est de constater que les activités autour des plans d’eaux artifi ciels ont connus un franc succès dans de nombreux cas. Souvent, les barrages étaient construits pour un usage précis: production d’énergie, irrigation, alimentation en eau potable, régulations des crues. Jamais on avait imaginé qu’ils porraient deve-nir attraction touristique.47 C’est seulement avec le temps qu’une demande touristique de plus en plus forte autour de ces sites s’est manifestée. Les lacs de retenue s’ouvrent de plus en plus à la pratique des sports nautiques quand la température le permet. Leur situation idyllique attire de plus en plus de randonneurs. Hormis son off re nautique, un lac de retenue attire les touristes pour la beauté de ses couleurs ainsi que le rapport contrasté qu’il entretient avec le paysage environnant.

TOURISME & BARRAGES

46 Zermatten M., 1956, p.1347 Jakob M., 2006, p.52

Page 48: Zufferey tourisme & barrages 2012

Serre Ponçon (FR)

À la frontière entre la Provence et les Alpes du Sud, le barrage de Serre Ponçon permet la production de 6 milliards de kWh d’énergie hydroélectrique, la fourni-ture d’eau potable et industrielle à toute une région et l’irrigation de 150.000 ha de terres agricoles. Sa construction en 1955 a eu un impact socio-économique ma-jeur, provoquant la submersion de 2800 ha de terres et le déplacement de plus d’un millier d’habitants. Malgré ces dégâts collatéraux, cet ouvrage a été relative-ment bien accueilli par la population locale car il marquait l’entrée dans la moder-nité. 50 ans plus tard, le lac de Serre Ponçon est devenu progressivement un site touristique majeur. Ses 80 km de rives sauvages, parsemées de plages aménagées et surveillées, attirent autant les adeptes de la nature que de sports nautiques. Le site off re de nombreuses structures d’accueil au public et la possibilité de visiter les installations EDF. Il existe 7 écoles de voiles et 2 sites de ski nautique ainsi qu’un musée retraçant l’histoire de la construction du barrage, représentant, à l’aide de maquettes, le paysage de la vallée avant la mise en eau. La région qui borde le lac dispose aujourd’hui d’une capacité d’hébergement de 2000 lits. Le chiff re d’af-faires annuel est évalué à environ 60 millions d’euros pour le seul tourisme d’été.48

Vouglans (FR)

48 Gonthier M. et al., 1996, p.84

Page 49: Zufferey tourisme & barrages 2012

49

Dans le Jura, la retenue de Vouglans constitue un exemple intéressant de déve-loppement d’activités touristiques et de loisirs. Des enquêtes révèlent que les Ju-rassiens se sont vite appropriés cet espace, et qu’ils y pratiquent toutes sortes d’activités. Son cadre qualifi é de «naturel» est idéal pour la pratique d’activités pédagogiques et de randonnées. Il off re par ailleurs des ressources piscicoles abondantes. Le plan d’eau est divisé en trois secteurs permettant de faire coha-biter les diff érentes activités tels que voile, ski nautique ou pêche. L’off re globale d’hébergement est estimée à 32.350 lits dans le bassin touristique de Vouglans, soit une fois et demie la population résidente. Cette capacité représente 24% des capacités d’accueil du département. Principalement basée sur les activités nautiques, la fréquentation est concentrée sur l’été. La majorité des visiteurs est constitué d’une population régionale ainsi que de groupes scolaires et de centres de vacances. On constate toutefois une augmentation des touristes étrangers notamment néerlandais. Le chiff re d’aff aire des activités touristiques et de loisirs sur la retenue de Vouglans représentent 41,5 millions d’euros par an soit 18 % du chiff re d’aff aire du tourisme sur le département du Jura.49

Salagou (FR)

Le barrage du Salagou a été construit en 1964 pour permettre le développement d’une agriculture irriguée et l’écrêtement des crues. Une fois réalisé, les promo-teurs du projet se sont rapidement aperçus que le développement de l’irrigation n’était pas satisfaisant. Prévue à l’origine pour irriguer 40 000 ha, la retenue arrose à peine de 6 000 ha. Le barrage est resté plein les premières années, et n’a jamais été vidangé. De ce fait, très rapidement le bassin est devenu lac. Cet environne-ment aquatique relativement protégé des pollutions a une fréquentation touris-tique de proximité importante. La pêche y est devenue très prisée (carpe, brochet) et motive le déplacement de pêcheurs de l’Europe entière. Le site, fréquemment venté, convient aussi à la pratique de la planche à voile et de la voile. Des vignes occupent les pentes les plus faibles. Ailleurs, les pentes de terres rouges, partiel-lement couvertes en garrigues, sont broutées par des moutons. Le lac attire un nombre conséquent de sportifs adeptes du vélo tout terrain. Les structures d’hé-bergement sont restées dispersées et ont gardé un caractère traditionnel. Même

49 Mahiou B. et al., 2004, p.17

Page 50: Zufferey tourisme & barrages 2012

avec un chiff re d’aff aire global de 10 millions d’euros par an, on estime que l’usage touristique n’aurait pas suffi à justifi er la réalisation du barrage.50

En tant qu’ouvrage construit le plus modifi cateur de l’environnement, le barrage est aussi caractérisé par sa durabilité : plus d’un siècle. Une exploita-tion plus globale des ouvrages existant est nécessaire afi n de mieux prendre en compte les besoins de l’ensemble de la société. L’émergence de nouveaux usages touristiques autour des barrages prouve qu’il y a un pontentiel. L’usage touristique nécessite néanmoins un niveau stable de la retenue tout au long de la saison. Le maître d’ouvrage doit garantir le remplissage de la réserve au début de l’été. Il s’agit de trouver un équilibre économique entre besoins touristiques et produc-tions d’électricité rentable. La complexité de ce type de gestion est aggravée dans les situations extrêmes, en particulier en période de sécheresse, quand la res-source se fait rare. C’est ici que peuvent surgir des confl its d’usage. La sécheresse de 2003 a montré qu’il était indispensable que chaque parties se concerte nt et fasse preuve de souplesse. Les importantes variations du niveau de l’eau étant un problème récurrent des barrages hydroélectriques, il est diffi cilement envisa-geable de développer des activités nautiques sur les lacs des grands barrages al-pins.50

Barrage-culture

Les touristes sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir bronzer idiot. On constate l’essor de ce que l’on appelle le « tourisme industriel ». Un nombre croissant de visiteurs cherche à connaître les produits et services qu’il consomme au quotidien et à explorer le patrimoine économique d’une région. Le tourisme industriel permet de mettre en lumière des méthodes et procédés de fabrication, de production et d’industrialisation pour tout types de produits. Ce tourisme re-couvre des visites d’usine mais aussi des espaces muséographiques, des centres de congrès ou des laboratoires de recherche.51

De nombreuses entreprises s’organisent pour promouvoir l’envers du dé-cor et ses rouages techniques devant un public varié. C’est en premier lieu un public scolaire (38 % de la clientèle) qui s’intéresse à découvrir le monde de la vie professionnelle. Il s’agit de sensibiliser le public à certaines professions ou secteurs d’activités. Les visites permettent de mettre en valeur le savoir-faire et la richesse immatérielle du patrimoine de l’humanité. Même si aucune vente n’est faite sur le moment, c’est une publicité à long terme pour l’entreprise : « une heure passée sur un site à contempler les moindres dé-tails de la production sont bien plus effi caces qu’un spot publicitaire de quelques secondes. »52 Les grands barrages ne dérogent pas à la règle, bien au contraire. Dès les années nonante, on s’est rendu compte que les usines des forces motrices ne sont pas seulement des sources de revenus pour les entreprises actives dans la production d’énergie, mais qu’elles constituent un apport important au niveau touristique. En eff et, l’aspect monumental de ces ouvrages ainsi que le cadre na-turel dans lequel ils se trouvent, attirent un nombre croissant de visiteurs. Tant les

50 Mahiou M. et al., 1996, p.8451 Hochstrasser R., 2002, p. 3652 Ibid, p. 28

Page 51: Zufferey tourisme & barrages 2012

51

indigènes que les touristes étrangers s’intéressent à visiter l’intérieur de ces murs surdimensionnés et apprécient de se promener le long des lacs de retenue. Bien que les entreprises soient conscientes du potentiel intéressant que peut avoir le tourisme industriel, elles préfèrent pour l’instant confi er cette tâche aux offi ces du tourisme locaux.

Electrobroc (CH)

A Broc, dans le canton de Fribourg, quelques 15’000 personnes visitent chaque an-née, de mars à décembre, le centre d’information sur l’énergie, Electrobroc. Située dans une centrale hydroélectrique en activité, cette exposition unique en Suisse permet, entre autres, de découvrir diff érentes formes d’énergies, notamment les énergies renouvelables, ainsi que la quantité de ressources nécessaires à la pro-duction de 2’000 KWh.53 Afi n de mieux comprendre le chemin de l’électricité de la consommation à la production ainsi que les diff érentes installations d’un bar-rage, une grande maquette interactive illustre de manière didactique le processus. Une promenade reliant le musée au barrage de Montsalvens permet au visiteur de vérifi er la théorie in situ.

Grimselwelt (CH)

Dans la région du Grimsel, les usines hydroélectriques de l’Oberhasli ont décidé de prendre en main le développement touristique de leur aménagement. Le but de l’opération était de conjuguer production d’énergie avec paysage, tourisme et politique régionale. D’importantes constructions industrielles rencontrent des paysages grandioses.il s’agit de la plus grande réserve naturelle du canton de

%3 www.groupe-e.ch/electrobroc

Page 52: Zufferey tourisme & barrages 2012

Berne. La nature y est préservée, malgré les lacs d’accumulation et les usines hy-droélectriques. Ainsi, cette région protégée quoique habitée, prend de la valeur en tant que zone touristique «rendue à la nature». Au fi l du temps, La région du Grimsel, qui recouvre non seulement les hauteurs alpines, mais aussi la vallée jusqu’au lac de Brienz, est devenue une véritable attraction touristique. De nom-breux emplois ont été créés. La formule comprend hôtel, hospice, refuge alpin, concerts dans les halles aux turbines, infrastructures pour des congrès, gouff re de cristal et train à crémaillère vertigineux. Ainsi, du simple outil de production élec-trique, le complexe du Grimsel est devenu un site touristique de premier plan. Les « touristes industriels » y trouvent 6 installations de barrage, 9 usines hydroélec-triques, 29 groupes de machines, de même que 130 kilomètres de galeries d’accès et de passages sous-eaux. Le tourisme y est diversifi é et on y trouve beaucoup d’activités annexes, telles que la descente en rappel le long du mur du barrage, la visite d’une fi ssure cristalline ou la montée au Gelmersee à bord du funiculaire le plus raide du monde. Depuis l’été 2005, une fresque géante de l’artiste Pierre Mettraux, trône sur le mur du barrage de Räterichsboden. Cette œuvre éphémère, dont la pein-ture minérale devrait s’eff acer avec le temps, représente Mélisande, une sirène tirées des légendes fl amandes. Avec 15’000 m2 de surfaces, cette œuvre est une des plus grandes fresques du monde. Cette mixité entre nature, aventure et culture a permis à la région du Grimsel un développement touristique important.

Lucendro (CH)

Le barrage de Lucendro, construit à l’aide de contreforts est le seul de suisse à être creux. L’espace vide captif au sein du barrage peut faire penser à la nef d’une cathédrale. C’est d’ailleurs cette spécifi cité qui a permis l’organisation de plusieurs évènements musicaux, mettant à profi t l’acoustique particulière de cet antre de béton. En 1993, le saxophoniste suisse Werner Lüdi, a enregistré un album solo qui porte le nom du barrage. Dernièrement, ce sont les membres de l’ensemble de violoncelliste « Romana Kaiser » qui ont joué devant un parterre de 130 per-sonnes. Bien que prévu pour être un évènement unique, il se pourrait que le res-ponsable des lieux reconduise le concert annuellement.

Page 53: Zufferey tourisme & barrages 2012

53

Barrage villégiature

L’engouement des visiteurs pour ces ouvrages spectaculaires a incité le dévelop-pement d’une off re hôtelière à proximité du barrage. Souvent, ce sont d’anciennes structures tels que baraquements d’ouvriers ou cabanes de montagne, transfor-mées en logements touristiques. Si les projets de rénovation rencontrent un franc succès, les nouvelles réalisations sont jusqu’ici extrèmement rares.

Grimsel Hospiz (CH)

L’ancienne maison de mineurs se trouve au cœur d’un paysage rocailleux, au-des-sus de la retenue turquoise du barrage du Grimsel. Cette auberge, située sur la route commerciale entre le Piémont et la Bourgogne, est mentionnée pour la pre-mière fois en 1142. Reconstruit en 1932 entre deux murs de barrage après la mise en eau du barrage, l’hospice est devenu un hôtel de premier ordre, couru tant par les esthètes que les amateurs de la nature. Lors de son ouverture, le Grimsel Hospiz était considéré comme l’hôtel le plus confortable de tout l’espace alpin. Toutes les chambres disposaient d’eau chaude et pouvaient être chauff ées à l’électricité. Au-jourd’hui, propriété des forces motrices d’Oberhasli, cette infrastructure hôtelière complète l’off re touristique de Grimselwelt été comme hiver.53

Grande Dixence (CH)

Au pied du plus grand barrage-poids du monde, l’ancien bâtiment qui abritait les dortoirs pendant le chantier s’est aujourd’hui transformé en hôtel. Appelé «�le Ritz» par les ouvriers de l’époque tellement l’écart était grand entre la sim-plicité des premiers baraquements et le confort de ce bâtiment moderne. Cette

53 www.grimsewelt.ch

Page 54: Zufferey tourisme & barrages 2012

construction préfabriquée a perduré dans le temps jusqu’à accueillir actuellement les touristes de passages. Les 72 chambres ainsi que le restaurant de 70 places et les diff érentes salles de conférences font de cet hôtel un outil redoutable pour le tourisme de la grande Dixence. Malgré l’austérité de sa construction, le site attire toujours plus de monde et d’évènements tels que mariages, baptêmes, ou sémi-naires.

Tafj ord Dam (NO)

La commune de Tafj ord en Norvège a développé un projet de galerie d’art et d’hôtel situé sur le couronnement du barrage Zakarias. C’est le bureau d’archi-tectes Snøhetta qui est à l’origine de ce projet. La galerie, un volume en verre, à cheval entre les deux pans de la vallée, regarde le barrage et le met en scène. Exposant principalement des œuvres en lien étroit avec le paysage environnant, la construction puise dans l’esprit pionnier de la construction des barrages. La transparence du volume fait d’acier et de verre cherche à renforcer le lien entre le visiteur, le construit et l’environnement naturel. Les 40 chambres de l’hôtel sont disposées le long du couronnement du barrage, perchées à plus de 100 m haut-dessus de la vallée. Elles s’ouvrent d’un côté sur la vallée et le pont-musée et de l’autre sur le lac miroitant les montagnes. Cette double exposition renforce le dra-matisme du paysage. Conçu en 2003, ce projet n’a fi nalement jamais été réalisé.

Jebel al jais mountain resort (UAE)

Page 55: Zufferey tourisme & barrages 2012

55

Dans le cadre d’une grande opération de développement touristique dans l’émirat de Ras al Khaimah, le bureau d’architecte néerlandais OMA a conçu un projet de complexe touristique dans les montagnes. L’idée était d’exploiter au maximum le paysage accidenté afi n d’instaurer «�un dialogue entre paysage extrême et ar-chitecture extrême�». L’ensemble est composé de plusieurs types de bâtiments accrochés aux falaises, dont un hôtel reprenant les caractéristiques d’un barrage. Le mur, mimant le profi l d’un barrage voûte, ne retient cependant pas d’eau. Ce «�faux barrage�», enjambant la vallée, accueille dans son épaisseur des logements. L’enjeu principal de ce projet était de rechercher un type de site touristique alter-natif, alliant villégiature et aventure. Le bâtiment est accessible par son couron-nement, ce qui permet de conserver d’intégrité du site. Malgré ce souci d’intégra-tion, ce projet a suscité de nombreuses réactions, liées aux brutales interventions fragilisant le milieu naturel de la montagne.

Page 56: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 57: Zufferey tourisme & barrages 2012

57

Page 58: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 59: Zufferey tourisme & barrages 2012

59

Page 60: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 61: Zufferey tourisme & barrages 2012

61

Page 62: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 63: Zufferey tourisme & barrages 2012

63

Page 64: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 65: Zufferey tourisme & barrages 2012

65

Page 66: Zufferey tourisme & barrages 2012

4

p.61 Arrivée du Minifunic, Merminod M.p.62 Lac du Vieux-Emosson, Gafsou M.p.64 Barrage d’Emosson, Merminod M.p.66 Vue sur le Massif du Mont-Blanc, Merminod M.

Page 67: Zufferey tourisme & barrages 2012

67

Situation

Le val du Trient est creusé dans l’extrémité nord-est du massif du Mont-Blanc où il dessine deux branches : la première part du glacier du Trient et la seconde a son origine sur sol français, au col des Montets. A partir de ces deux gorges, le Trient s’engouff re entre les deux versants de la montagne qu’il a creusée et abou-tit aux gorges du Trient, pour se jeter ensuite dans le Rhône. Si le versant droit de la montagne, très escarpé, ne comporte que quelques hameaux, le versant gauche permet, grâce à quelques replats, d’accueillir l’essentiel des villages de la vallée dont Salvan, Les Marécottes, Giétroz et Finhaut. Le paysage est fortement marqué par les traces laissées par les glaciers. Quelques ilots de verdure contras-tent avec les roches escarpées et nues. Les villages de la vallée sont situés pour la plupart à plus de 1000 m d’altitude alors que les pâturages grimpent jusqu’à 2400 m. Peuplée de quelque 370 habitants, la commune de Finhaut se situe dans le district de Saint-Maurice, sur la rive gauche de la haute vallée du Trient. Orientées plein sud face au massif du Mont-Blanc, les terrasses ensoleillées de la commune accueillent quatre villages :

— Finhaut, le chef-lieu— Giétroz— Le Châtelard — Le Châtelard-Frontière.

LE CAS D’EMOSSON

Emosson

Page 68: Zufferey tourisme & barrages 2012

Commune frontière avec la France, Finhaut jouxte Trient, Salvan, Vallorcine (F) et Sixt (F). Son territoire s’étend des rives du Trient et de l’Eau Noire, à 900 mètres, jusqu’au sommet de la pointe de la Finive, à 2837 mètres. Il comprend 2293 hec-tares composés essentiellement de forêts et de rochers.

Historique

Même si quelques traces archéologiques d’époques néolithiques et ro-maines suggèrent, des passages il y a plus plus de 5’000 ans, la commune existe depuis 1299, date de la première mention d’une communauté à Eff eniaz (plus tard Finio, Fins-Hauts, Figneaux). La population, essentiellement agro-pastorale, vivait du produit de l’agriculture au rythme des saisons. On suivait l’herbe avec les troupeaux : pâturages en plaine l’hiver, mayens de la Léchère au printemps, alpages d’Emosson et du Vieux-Emosson en été. Pendant de longues années, la forêt jouait le rôle important de fournisseur de bois, utile à la construction et au chauff age. En saison, la chasse occupait les hommes et alimentait leur fi erté. La légende veut que « les fi gnolins soient les chasseurs de chamois les plus hardis de la contrée ».54 Grace à un travail titanesque, les habitants de la vallée vivaient en quasi autarcie. A l’époque, les seuls échanges avec l’étranger se limitaient à l’importation de sel et l’exportation de produits locaux, vendus lors des foires de plaine. L’organisation de la commune était défi nie en fonction des villages. Trois entités étaient représentées au conseil communal : Le Châtelard, Giétroz et Fin-haut. Chacun des trois villages possédaient son conseil général, son four banal, son école, son corps de pompiers et son représentant au conseil communal. Les décisions du conseil étaient annoncées par le tambour, le dimanche après la messe.55

Emosson

Finhaut

Le Châtelard-Frontière

Le TrientL’eau

noi

re

Le Châtelard

54 Lutz M., 1836, p. 2255 Perriard-Volario M., 1996, p. 119

Commune de Finhaut, gg

Page 69: Zufferey tourisme & barrages 2012

69

L’âge d’or du tourisme

Jusqu’à l’ouverture de la route du Simplon par Napoléon, les voyageurs ne s’aventuraient pas dans les vallées latérales, si ce n’était pour aller aux thermes de Loèche. De la vallée du Trient, on ne connaissait que l’embouchure, rendue célèbre grâce à la chute de la Pissevache, une des plus grandes attractions de l’époque avec les chutes du Rhin et le Staubbach à Lauterbrunnen. A proximité de la chute, les gorges du Trient ont attiré à leur tour le touriste de passage. Ces derniers se rendaient dans « l’antre du Trient » afi n de nourrir leur soif de « beau-tés horribles ».56

56 Ruchat A., 1780

Gorges du Trient, J.J.

Page 70: Zufferey tourisme & barrages 2012

Le voisinage de Chamonix a joué un rôle important dans l’essor de la vallée. La proximité avec la plaine (un trajet de 2 heures est considéré comme court à l’époque) a aussi contribué à son succès touristique. En eff et, chaque déplace-ment était onéreux car il nécessitait la location de guides et d’une diligence. L’ap-parition des premiers touristes a stimulé la construction de routes carrossables, notamment grâce à l’importance croissante des compagnies de guides qui fi nan-çaient en partie leur réalisation. Ce fut le cas pour la liaison entre la vallée du Rhône et Chamonix, haut-lieu du tourisme alpin. Pour se rendre de la vallée du Rhône dans la haute vallée de l’Arve, on disposait de deux itinéraires, l’un depuis Martigny par le col de la Forclaz et Trient, l’autre depuis Vernayaz en remontant la vallée du Trient via Finhaut. Entre Martigny et Chamonix, le passage de la Forclaz prend une importance signifi cative dès le XVIIIe siècle déjà. A l’époque, le col de La Forclaz est la principale voie d’entrée et sortie du territoire valaisan, à égalité avec la Gemmi.57

Le chemin a été rendu en partie carrossable pour permettre le transport des blocs de glace du glacier du Trient jusqu’à la gare de Martigny, d’où ils partaient en di-rection de Marseille et Paris, entre autres. A l’annonce de l’arrivée du chemin de fer en plaine, on décide alors la construction d’une route des diligences. Bâtie

57 Perriard-Volario, 2006, p. 9

Les deux itinéraires entre Martigny et Chamonix

Page 71: Zufferey tourisme & barrages 2012

71

entre 1855 et 1867, la route franchissait les diff érents paliers de la vallée grâce à 55 virages entre Vernayaz et Finhaut. Elle n’était toutefois accessible qu’à un petit nombre de diligences. Dès les années 1870, lors de l’ouverture de cette nouvelle route, la vallée est chaudement recommandée et prend un essor important. A la même période, on édifi e les premiers hôtels. Châtelard-Frontière, qui ne comptait jusque-là qu’un poste de douane et une porte fortifi ée, se développe. C’est l’âge d’or du tourisme de la vallée. Finhaut est connu loin à la ronde et rivalise même avec Zermatt. L’aristocratie et la bonne bourgeoisie européennes s’y donnent rendez-vous pour y passer l’été. Le village se transforme : hôtels, tea-rooms, cha-lets, bazars et kiosques s’érigent. La population diversifi e son activité, les paysans de montagne deviennent propriétaires d’hôtels, portiers, blanchisseurs, cochers, guides ou commerçants. Le guide Baedeker de 1913 décrit le site comme char-mant et très fréquenté. Il évoque « une station climatérique, avec une belle vue sur la vallée du Trient, le glacier du Trient et l’Aiguille du Tour ».58

En 1906, l’ouverture de la ligne ferroviaire reliant Martigny et Chamonix faisait de la vallée une étape incontournable du grand tour alpin. En 1909 on ne trouve pas moins de 24 hôtels à Finhaut, 69 à Salvan et 27 à Trient.59 Le tourisme de la belle époque est caractérisé par de longs séjours, de 1 à 2 mois, passés à l’hôtel. Pour occuper leurs vacances, les visiteurs passaient leur temps à se promener parmi les sites naturels de la région mais aussi à s’entretenir avec le beau monde présent dans les hôtels. Outre la Pissevache et la Gorge du Trient, les visiteurs aimaient aussi faire halte dans les « gorges mystérieuses de la Tête-Noire », site hautement stratégique, car situé à quelques centaines de mètre de la frontière, ainsi que dans les gorges du Daillet, dans lesquelles on installe des escaliers et des observatoires permettant de mieux profi ter de ces curiosités. C’est donc avant tout les gorges et cascade qui impressionnent le touriste anglais, peu habitué à ce genre de décor naturel. La marche fi gurait aussi parmi les loisirs favoris. L’éventail des possibilités était très large et comme le dit L. Coquoz « il y en a pour tous les goûts, pour tous

59 Emonet J., 1907, p. 4

Village de Finhaut au début du XXe siècle, Delcampe

Page 72: Zufferey tourisme & barrages 2012

les jarrets et pour tous les poumons ».59 On se rendait aux alpages afi n de déguster les spécialités culinaires de la région ou alors d’un village à l’autre pour visiter une connaissance londonienne. On court admirer le glacier du Trient depuis sa base, en empruntant l’ancienne voie des wagonnets, utilisés pour transporter la glace. Des points de vue particuliers sont mis en valeur à l’aide de belvédères afi n de pro-fi ter au mieux de la vue. Par exemple, en 1906, on installe un télescope au plateau de Creusaz pour admirer le panorama exceptionnel sur les alpes savoyardes, valai-sannes et bernoises. Les alpinistes chevronnés, moins nombreux, peuvent entre-prendre toute une série d’ascensions accompagnés de guides locaux. L’annonce de la Première Guerre mondiale met un terme brutal à l’essor touristique de la Belle Epoque. Entre-deux-guerres, la commune voit la construc-tion d’un premier barrage par les CFF pour l’électrifi cation du réseau de chemins de fer suisses. Une usine est inaugurée à Châtelard-Village, en 1925, créant ainsi de nouveaux emplois. Une fois le barrage de Barberine construit, il devient une des attractions les plus prisées des touristes de Finhaut et de Salvan. Quelques

petits bateaux naviguant sur le bassin permettent aux vacanciers d’associer les plaisirs lacustres à ceux de la montagne. Une cabane-restaurant, d’une capacité de plus de 100 personnes, y est installée pour promouvoir le développement tou-ristique de l’endroit et faire profi ter en toute quiétude du panorama sur le mas-sif du Mont-Blanc.60 Cependant, la crise économique des années trente donnera un nouveau coup d’arrêt au dévelop-pement économique de la région. Plus tard, Finhaut connaîtra un nouvel élan grâce à ses atouts sanitaires. En 1931, un rapport scientifi que annonce la décou-verte à proximité du village d’une source d’eau dont le taux de radioactivité est le plus haut de Suisse. La société de déve-loppement décide de vanter les vertus de l’eau de la région, considérée à l’époque comme bienfaisante pour lutter contre

toutes sortes de maladies. La cure, constituée de boisson et de bains, attire de nombreux touristes jusqu’à la fi n de la Seconde Guerre Mondiale et les tristement célèbres évènements de Nagasaki et Hiroshima. Ils donneront un coup d’arrêt défi -nitif à l’engouement pour l’eau radioactive. Pendant la guerre, les hôtels sont utilisés pour loger les internés. Par la suite ils servent aussi de préventorium-sanatorium pour soigner la tuberculose. La plupart ferment dans les années 1950-60, en raison du déclin de la station. Cette dégringolade s’explique d’une part par la topographie accidentée des lieux, ina-daptée au développement d’un tourisme de sports d’hiver et, d’autre part, par une infrastructure routière défi ciente61. En eff et, lors de la modernisation de la route

59 Coquoz L., 1901, p. 7760 Perriard-Volario M., 1996, p. 14561 Ibid, p. 147

Affiche publicitaire «eau radioactive», Delcampe

Page 73: Zufferey tourisme & barrages 2012

73

de la Forclaz, en 1938, le bas de la vallée n’est plus relié par la route. A l’époque, ce fait est peu important, dans la mesure où le chemin de fer est le moyen de transport principal, mais il devient beaucoup plus sérieux avec la démocratisation de la voiture individuelle. Ce n’est qu’avec la construction de la route du barrage d’Emosson que Finhaut obtient une liaison directe avec la route internationale de la Forclaz. Même si la faiblesse des voies d’accès a entraîné un fort exode de la population dès les années 50. Aujourd’hui, ce défi cit peut aussi être envisagé comme une particularité à valoriser. En eff et, la vallée du Trient est une des seules vallées alpines qui ne possède pas d’infrastructures routières modernes. Cette caractéristique en fait un lieu exceptionellement préservé. Le discours publicitaire d’autrefois utilisait des arguments pour vendre la station de Finhaut comme : la douceur du climat, une exposition à l’abri des vents froids, la beauté du paysage, la pureté de l’air, la variété des randonnées ainsi qu’une fl ore très variée. L’aspect sanitaire est, par ailleurs, le premier argument utilisé pour vanter les mérites de la station. Puis, vient la qualité de l’accueil que l’on réserve au client. Finhaut est décrite comme « une station off rant encore les vieilles traditions de simplicité qui ont fait jadis le charme et la renommée des pensions de montagne ».62 Selon Myriam Perriard-Volorio : « cette quête de pu-reté physique et morale est typique d’une époque de bouleversement socio-éco-nomique, au cours de laquelle la population cherche à se raccrocher aux valeurs solides et bien établies ».63 Il est intéressant de constater que hormis l’argument radioactif, la propagande perdure dans le temps. Aujourd’hui, la région réponds peinement aux critères de l’écotourisme et du géo-tourisme.

Épopée des barrages A côté du développement touristique, la vallée a tenté à plusieurs reprises de di-versifi er en se tournant vers l’industrie. La première usine, à Vernayaz, fabriquait de la daultine, une pâte de bois solidifi ée, utilisée pour les installations électriques. Puis on extrayait de l’anthracite et du charbon, au Châtelard. Toutefois, ces ex-ploitations se sont avérées diffi ciles et peu rentables. En revanche la région pré-sentait un énorme potentiel pour l’industrie hydraulique, forte de ces nombreux et vigoureux torrents. La proximi-té de la ligne du Simplon, a incité les CFF à construire le barrage de Barberine, premier ouvrage d’une épopée fl orissante. Outre l’embauche de main d’œuvre in-digène dans les usines pour leur construction, ces installations hydroélectriques ont permis aux communes de la vallée d’assainir leur situation fi nancière grâce aux concessions payées par les CFF pour le captage des eaux.64

62 Gazette du Valais, 1890, p. 5763 Perriard-Volario M., 2006, p.12864 Ibid, p.129

Les trois barrages de la commune de Finhaut

Page 74: Zufferey tourisme & barrages 2012

Barberine

La décision d’électrifi er les chemins de fer suisses, en 1912, a considérablement infl uencé l’engouement pour l’hydroélectricité. Le principal argument était l’in-dépendance énergétique des CFF. L’entreprise est donc la première à occuper la plaine d’Emosson pour y capter les eaux de la Barberine. L’implantation du barrage est située entre deux alpages séparés par une gorge étroite, le plateau d’Emosson et celui de Barberine. Lorsque le chantier débuta en 1920, les premiers matériaux sont acheminés à dos de mulet. Plus tard, un funiculaire est construit entre le Châtelard et le château d’eau pour le transport des machines et des gros matériaux. De la station supérieure, une voie ferrée accrochée à la montagne per-met d’atteindre Emosson. Ce funiculaire survivra après la construction du barrage pour assurer la maintenance mais aussi à des fi ns touristiques. Le barrage de Barberine profi te des premières avancées technologiques du béton. En aval, le barrage poids est muni d’un revêtement en pierre de taille. Une fois achevé, le barrage mesure 80m de hauteur. Il a une épaisseur de 58 m à la base et de 4,5 m à son couronnement pour une longueur de 250 m. Le lac d’une superfi cie de 1,5 km2 a un volume de 40 millions de m3. L’eau du barrage est acheminée à Châtelard par deux conduites forcées sur une chute de 714 m, où se trouve l’usine de production. Les conditions de chantier sont très diffi ciles. Environ 400 ouvriers logent dans des baraquements au pied du barrage. Le personnel, principalement valai-san et italien, travaille 11 heures le jour et 10 heures la nuit. Le repos hebdomadaire du dimanche est remplacé par le repos forcé en cas de mauvais temps. La vie intellectuelle se concentre autour du foyer des travailleurs, dans lequel on trouve une bibliothèque et une salle faisant offi ce de cinéma.65

Vieux Emosson

65 Lugon C., 2009, p. 34-45

Chantier du barrage de Barberine. Baratelli M.

Page 75: Zufferey tourisme & barrages 2012

75

Le développement économique, enregistré après 1945, entraine une croissance de la demande en transports ferroviaires et, par conséquent, des besoins énergé-tiques. Afi n de résoudre ce problème, les CFF planifi ent dans le vallon de Nant-de-Drance le barrage du Vieux Emosson. Situé 320 m plus haut que celui de Bar-berine, il permet de retenir 13.8 millions de m3 d’eau. La typologie choisie pour répondre aux critères statiques et géologiques est un compromis entre poids et voûte. Le couronnement du barrage est d’une longueur de 170 m pour une hau-teur de 45 m. Afi n d’optimiser les avoirs énergétiques du nouveau barrage, l’usine du Châtelard fut alors agrandie.

Emosson

Depuis le début du siècle, les ingénieurs savent que le site d’Emosson convient par-faitement à un barrage de grande envergure. En obturant le verrou rocheux naturel barrant la plaine d’Emosson, le potentiel de retenue est énorme. Il faut cependant attendre les années cinquante pour que les techniques de captage d’eau, via de lon-gues galeries, soient suffi santes pour parvenir à remplir le réservoir. Pour garantir un apport d’eau adéquat, le réseau d’amenée nécessite de réunir les eaux abondantes du massif du Mont-blanc. La société Electricité d’Emosson SA est fondée le 9 juillet 1954. Les res-sources hydroélectriques de la région, de part et d’autre de la frontière n’étant que partiellement utilisées, la société Motor-Columbus de Baden fut chargée d’un projet et de sa réalisation en Suisse, tandis qu’EDF prenait à son compte les installations sur sol français. La France et la Suisse signent le 23 août 1963 une convention établissant les bases d’un règlement autour des concessions des eaux dans les deux pays et de

Lac d’Emosson, www.nant-de-drance.ch

Page 76: Zufferey tourisme & barrages 2012

leur exploitation en commun. Fait extrêmement rare, le 11 juillet 1967 des échanges de territoires sont eff ectués de part et d’autre, dans le but d’ériger le barrage avec tous ses appuis en Suisse et la nouvelle centrale de Vallorcine située entièrement en France.Les installations se trouvent pour 65% en Suisse et 35% en France. Le capital est partagé depuis 1977, à raison de 50% à EDF et autant à Aar & Tessin d’Electricité (aujourd’hui Alpiq); l’énergie produite étant partagée par moitié entre les deux par-tenaires. Dès lors s’engagea une collaboration binationale pour mener à bien le pro-jet.66 Les travaux ont commencé le 15 juillet 1967 et la mise en service intervient le 1er juillet 1975. Ils comprennent :

— Trois collecteurs souterrains, d’une longueur cumulée de 38 km. Ils drainent les eaux françaises des glaciers du Tour, d’Argentière et de Lognan, les affl uents de l’Eau Noire ainsi que les eaux suisses des vallées d’Arpette, de Jure et du Val Ferret. Ces eaux sont conduites dans la retenue d’Emosson, soit par gravité, soit pompées via la centrale de Vallorcine.

66 Lugon C., 2009, p.37

Plan des galleries d’amenées, Emosson SA

Page 77: Zufferey tourisme & barrages 2012

77

— Le Barrage. C’est l’ouvrage le plus important des aménagements hydroélec-triques. Haut de 180 m est long de 554 m, le barrage d’Emosson fait partie des ouvrages titanesques de ce monde. C’est un barrage voûte d’environ 1.1 millions de m3 de béton et d’une retenue utile de 225 millions de m3 d’eau sur une super-fi cie de 3,27 km2. La nouvelle retenue d’Emosson, de 225 millions de m3, a noyé sous 42m l’ancien barrage de Barberine. Il obture la gorge creusée par la Barbe-rine dans le verrou rocheux naturel barrant la plaine d’Emosson au sud-est.67

— La centrale de Vallorcine. Grâce à l’échange de territoire, elle refoule les eaux reçues ou turbine celles de la retenue. Elle comporte trois groupes de production totalisant 168 GW. — L’usine de La Bâtiaz, près de Martigny. Elle transforme les eaux turbinées à Vallorcine grâce à deux groupes turboalternateurs d’une puissance de 144 GW. L’eau est ensuite restituée au Rhône, une fois l’énergie produite et distribuée par des lignes de 220’000 Volts.68

Nant-de-Drance

Le pompage-turbinage est une méthode éprouvée pour équilibrer l’off re et la de-mande de manière, à la fois économique et écologique, au sein d’un réseau d’élec-tricité. L’énergie électrique ne pouvant pas être stockée en grande quantité. Les cen-trales doivent donc à tout moment produire très exactement la quantité d’électricité dont le réseau de distribution a besoin. Pour réaliser cela, il faut, à priori, disposer de deux grands réservoirs d’eau, pas trop éloignés l’un de l’autre, situés à des niveaux dif-férents, et les relier par des conduites. Les centrales à pompage-turbinage peuvent ainsi transformer en précieuse énergie de pointe le surplus d’électricité produite aux heures creuses. A cette fi n, elles pompent de l’eau dans le bassin d’accumulation supérieur afi n d’utiliser cette eau en temps voulu pour la production d’électricité.69 Le projet Nant-de-Drance consiste à installer une centrale de pompage-turbinage dans une caverne entre les deux lacs de retenue existants, d’Emosson et de Vieux-Emosson. L’eau doit être amenée de la retenue de Vieux-Emosson au lac d’Emos-son, situé environ 300 m plus bas, à travers des générateurs à turbines. L’eau est pompée dans le lac supérieur la nuit où durant les week-ends, quand les besoins d’énergie sont plus faibles. Afi n d’augmenter la puissance de l’aménagement de 600 à 900 MW, la surélévation de 20 m du barrage du Vieux-Emosson est nécessaire.70

67 Zermatten M., 1976, p. 91-10868 Lugon C., 2009, p. 53-5669 Ibid, p. 7070 www.nant-de-drance.ch

Elévation développée, Emosson SA Coupes transversales, Emosson SA

Page 78: Zufferey tourisme & barrages 2012

Etat des lieux des activités touristiques.

Bien que la belle époque du tourisme fi gnolin soit révolue, ce secteur reste au-jourd’hui important pour l’économie locale. Une bonne desserte par les trans-ports publics a permis à la commune de sauvegarder une partie de son attracti-vité. Or, ce n’est plus tant le vieux village de Finhaut qui attire les visiteurs, mais plutôt la zone autour d’Emosson et ses multiples intérêts.

Transports Mont-Blanc ExpressLa ligne du Mont-Blanc Express, partiellement à crémaillère, traverse la vallée du Trient pour relier la Suisse et La France. Depuis la gare CFF de Martigny, la voie dessert entre autres : Vernayaz, Salvan, Les Marécottes, Finhaut, Le Châtelard, Vallorcine et Chamonix pour atteindre fi nalement la gare TGV de Saint-Gervais. Lors de son inauguration en 1906, ce train avait principalement une vocation tou-ristique. Les besoins de transports de marchandises, lors de la construction des premiers barrages, ont nettement contribué à la modernisation de cette voie fer-rée. Jusqu’en 1997, un transbordement à la frontière était nécessaire pour pour-suivre son chemin vers Chamonix. Aujourd’hui les rames panoramiques ont tout

le confort moderne et jouent à la fois le rôle de transport public et d’attraction

Simplon

Cluse

St-Gervais TGV

Finhaut

Valorcine

Argentière

Chamonix

Sallanches

Les Marécottes

Martigny

Genève

Le Châtelard

Lausanne

Centrale sous-terraine Nant-de-Drance Prise d’eau Emosson, www.nant-de-drance.ch

Ligne Mont-Blanc Express

Page 79: Zufferey tourisme & barrages 2012

79

touristique. Cette ligne permet également la liaison entre les diff érents domaines skiables franco-suisses. Malgré la qualité du parcours en termes de panorama et de gain de temps, la route garde toujours la préférence des riverains et des touristes. Afi n d’optimiser son rôle d’épine dorsale et de promouvoir une mobilité douce, le réseau nécessite des travaux de modernisation conséquents.71

Parc d’attractions du Châtelard Pour acheminer sur le chantier du barrage de Barberine les matériaux nécessaires à sa construction, les entreprises mandatées par les CFF ont réalisé un ensemble d’aménagements de transports. Bien qu’il ait été prévu de le détruire partielle-ment après le chantier, un certain succès touristique a conduit à la sauvegarde du funiculaire. Raison pour laquelle il survécut dans son état d’origine jusqu’en 1968. Conscient de l’intérêt touristique procuré par le barrage, le lac et le paysage, un groupe de passionnés de chemins de fer pense alors qu’il était souhaitable de maintenir l’accès non seulement par la route, mais aussi par voie ferrée. Ils sauvent ainsi le funiculaire du Châtelard de la démolition en construisant une voie de Petit Train Decauville, sur la plate-forme de l’ancien chemin de fer, jusqu’au pied du barrage d’Emosson. En janvier 1975, le Parc d’Attractions du Châtelard est fondé. Le chemin du Petit train bute dans la voûte du barrage, c’est pourquoi un sentier escarpé est aménagé pour permettre aux touristes d’atteindre le couronnement du bar-rage. Afi n de faciliter l’accès au sommet, un monorail à crémaillère est ouvert au public. La capacité réduite de ce système, conçu à l’origine uniquement pour des personnes à mobilité réduite, a entraîné le remplacement de l’installation en octobre 1988 par un système plus moderne. Environ 35 minutes sont nécessaires au visiteur pour gravir les 840 m de dénivelé en empruntant successivement le funiculaire à deux cabines le plus raide du monde; un Petit Train panoramique et le Minifunic. Sur les 200’000 visiteurs annuels d’Emosson, on estime selon les années entre 33’000 et 48’000 ceux qui empruntent les funiculaires. Ce chiff re ne représente qu’une partie des visiteurs du site d’Emosson car beaucoup s’y rendent en voiture ou à pieds.

Le Châtelard

Emosson

Château d’eau

Giétroz

Parc d’attractions du Châtelard

71 Jacquier F., 2006, p. 5-15

Page 80: Zufferey tourisme & barrages 2012

Funiculaire Châtelard – Château d’eauL’entrée des attractions est située derrière la centrale électrique CFF, à proximité des places de parc et de la halte du chemin de fer Martigny – Le Châtelard - Cha-monix. La ligne, dictée par la topographie, s’élève en tranchée dans une forêt de mélèzes jusqu’à la station intermédiaire de Giétroz. Puis la voie attaque une pente allant jusqu’à 87% jusqu’à la station supérieure du Château d’Eau. Bien que construit dans un but industriel, ce funiculaire doit répondre aux normes de sécurité fédé-rales applicables aux funiculaires transportant des voyageurs. Avec une capacité de 60 personnes debout, les voitures comportent encore les cabines en aluminium, construites en 1935 par les Ateliers de Construction Mécanique de Vevey. Petit train panoramiqueLa voie de type Decauville est construite en 1975 sur le premier tronçon de l’an-cien tracé du chemin de fer à vapeur Château d’Eau - Barrage de Barberine. La voie traverse cinq tunnels taillés dans la roche, avant d’atteindre la gare terminus située entre le fl anc de la montagne et le ravin de la Barberine. Les rames, compo-sées uniquement de voitures panoramiques, sont généralement tractées par des locomotives à accumulateurs, rechargés durant la nuit.

Funiculaire Le Châtelard-Château d’eau, Flickr Petit train Decauville, Flickr

Minifunic, Flickr

Page 81: Zufferey tourisme & barrages 2012

81

MinifunicEn service depuis juillet 1991, le Minifunic a pour but de permettre à tous les visi-teurs sortant du petit train d’accéder rapidement et confortablement au barrage. Un plan incliné taillé dans la roche permet d’accéder à la gare inférieure. Puis, le monorail gravit un dénivelé de 140 mètres sur 270 m de long pour atteindre la gare supérieure qui domine le lac de 40 m. Des revendications écologistes imposèrent le regroupement de la station supérieure de l’installation avec le restaurant du barrage. Les deux cabines d’une capacité de 10 personnes eff ectuent le trajet en moins de 2 minutes.

Traces de dinosauresIl y a plus de 200 millions d’années, la région des Alpes était une vaste zone inon-dée où, durant des dizaines de milliers d’années, des sédiments se sont accumu-lés. A cette époque vivaient des dinosaures dans cette région. Peu à peu, l’océan alpin s’est retiré et les plaques continentales africaine et européenne se sont heurtées. Cette collision permis à la chaîne alpine d’émerger. En 1976, un géo-logue français découvre 800 empreintes, vieilles d’environ 250 millions d’années à quelques centaines de mètres du lac du Vieux Emosson. La dimension des traces, imprimées sur une dalle inclinée de grès, varie entre 10 et 20 cm sur une profondeur de 5 cm. Les dinosaures du vieux-Emosson étaient essentiellement des herbivores. La longueur moyenne des 9 espèces visibles sur le site était de 3 à 4 m pour un poids de 300 à 400 kilos. La qualité de conservation des traces ont hissé le site paléonto-logique d’Emosson parmi les plus importants d’Europe. C’est pourquoi il est désor-mais protégé. De juillet à août, un géologue du musée d’histoire naturelle de Genève, est présent sur le site pour orienter les visiteurs.

Visite du barrageEn Valais, pratiquement tous les barrages sont ouverts au public. Il est aussi sou-vent possible de visiter les usines hydroélectriques sur rendez-vous. Les routes d’accès menant aux bassins d’accumulation sont généralement fermées durant la période hivernale. A Emosson, des visites gratuites de l’intérieur du mur sont orga-nisées en été par l’offi ce de tourisme. A part une salle d’exposition, située au sous-sol du restaurant d’Emosson, il n’y a aucun réel concept muséographique pour valoriser cet ensemble. La salle d’exposition présente uniquement une maquette de l’aménagement à grande échelle ainsi que quelques photos de chantiers et des schémas explicatifs. Un autre pavillon d’exposition temporaire, centré sur le projet Nant-de-Drance, a vu le jour à proximité de la gare du Chatelard-Frontière.

Trace de dinosaure, Flickr Intérieur du barrage d’Emosson, Merminod M.

Page 82: Zufferey tourisme & barrages 2012

Musée CFFEn 1998, à l’occasion du 150e anniversaire des chemins de fer suisses, la direc-tion de l’usine électrique de Barberine a ouvert un musée retraçant l’histoire du complexe hydro-électrique dont la première exploitation date de 1923. L’usine est aujourd’hui encore en fonction et sa visite fait partie du parcours muséogra-phique. Répartis sur trois niveaux, les diff érents espaces présentent, au moyen de documents photographiques et de matériel technique, la complexité d’une usine hydroélectrique et ses développements technologiques au fi l du temps. On y voit notamment une vue aérienne et des plans de chemins d’eau qui ravitaillent le barrage d’Emosson et les bassins de compensation. Les visites étant eff ectuées par le personnel de l’usine, la direction ouvre les portes du musée seulement sur réservation. Les visiteurs de passage ne peuvent donc pas visiter librement l’exposition. La situation du musée est hautement stratégique ; à proximité im-médiate de la gare du Châtelard et du départ du funiculaire. Une synergie entre transports publics et espace muséal permettrait une mise en valeur considérable de l’ensemble.

Centrale Hässig Depuis l’usine des CFF, un sentier conduit vers une petite centrale privée qui alimen-tait en électricité la maison de la famille Hässig. Dans les années 1930, employé à la centrale du Châtelard, Adolf Hässig a profi té de ses connaissances et de son savoir-faire pour récupérer les pertes en eau du bassin de rétention, conduire cette eau sous pression et produire de l’électricité. Après avoir été abandonnée pendant près de 40 ans, cette petite usine a été remise en fonction; elle fournit actuellement les kilowatts utiles pour alimenter l’éclairage local. Bien que la visite de cette petite cen-trale hydroélectrique ne soit pas d’un grand intérêt, elle est l’occasion de cheminer dans un fond de vallée protégé, où s’écoule l’Eau-Noir dans son état le plus sauvage.

Usine-musée du Châtelard, Flickr

Page 83: Zufferey tourisme & barrages 2012

83

Activités sportivesL’impossibilité d’aménager des pistes de ski dans la région a forcé les collectivi-tés locales a compenser ce manque par d’autres activités sportives. Toutefois cette off re est beaucoup trop restreinte ou spécifi que pour attirer un public varié. Comme à la belle époque, c’est avant tout les plaisirs de la marche à pieds et de la découverte de sites naturels qui enchantent les visiteurs de passage. Le site d’Emosson est le centre névralgique d’un réseau de chemins pédestres bien garni. Quelques-uns ont été pensés comme des sentiers didactiques, sensés attirer un public familial. On y trouve notamment le sentier des dinosaures, un autre off rant de multiples points de vue sur le massif du Mont-Blanc ou encore un dernier re-traçant l’histoire du village de Finhaut. A ces chemins thématiques s’ajoutent les excursions les plus courues de la vallée comme la route historique des diligences entre Vernayaz et Finhaut, le bisse et le glacier du Trient ou les fameuses Gorges du Trient. Outre la randonnée qui draine une partie importante des touristes, on trouve également sur le territoire de la commune quelques sites d’escalade ainsi qu’une piscine chauff ée, située au milieu du village de Finhaut.

Ascencion de la Finive, Baeker J.

Page 84: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 85: Zufferey tourisme & barrages 2012

85

Page 86: Zufferey tourisme & barrages 2012

p.46 Hélicoptère à Emosson, Inconnu

Page 87: Zufferey tourisme & barrages 2012

87

Schéma directeur du site d’Emosson

En comparaison avec des destinations comme Verbier, Crans-Montana ou Zer-matt, Finhaut est méconnu et peu fréquenté. Oubliée dans les années 50, la région a perdu en compétitivité, notamment à cause de son manque d’infrastructures hô-telières. Pour redynamiser son économie, les acteurs locaux ont mis l’accent sur le développement d’un tourisme doux et la préservation d’une certaine authenticité propre à la vallée. Malgré la densité des activités touristiques, il manque un concept global à la région. Là où la diversifi cation devrait-être un atout, on constate plutôt un éparpillement des activités qui tend à désorienter le visiteur. Les récentes collaborations transfrontalières avec la France et l’Italie, dans le cadre d’« Espace Mont-Blanc »72 , ont mené à un projet touristique novateur, inté-grant les principes du développement durable : respecter l’environnement alpin tout en préservant la qualité de vie de ses habitants. Ce projet nommé «Alposcope»73 a pour but de valoriser les sites de la région, témoins de l’histoire des Alpes. Il vise à harmoniser la fréquentation touristique, en donnant accès au spectacle de ses mon-tagnes à toutes périodes de l’année. Les transports en commun sont une compo-sante essentielle du projet. Il s’agit d’off rir aux visiteurs et aux habitants des forfaits combinés permettant de profi ter des sites naturels et culturels, aménagés le long de la ligne Mont-Blanc Express. Tous les sites d’intérêt entre Saint Gervais et Mar-tigny seront ainsi inscrits dans une off re touristique globale. Ce projet englobe ainsi l’histoire des Alpes, des événements géologiques, dont les roches sont les témoins, jusqu’aux défi s qui attendent cette région au XXIe siècle en proposant aux visiteurs un voyage de 500 millions d’années. La région d’Emosson a tout à gagner dans cette collaboration. L’éventail des activités devrait gagner en pertinence. Des traces de di-nosaures, aux centrales hydroélectriques en passant par le patrimoine vernaculaire du village de Finhaut, on traverse chaque étape de l’histoire des Alpes. En utilisant ce fi l rouge, le visiteur pourra, dès sa sortie du train, à la gare du Châtelard, remonter le temps et découvrir les secrets de la montagne. Afi n d’assurer la compétitivité de la région, le réseau d’activités doit être exploité été comme hiver. Jusqu’à ce jour, le barrage est accessible au public seule-ment entre juin et octobre. Un étalement de l’off re tout au long de l’année permet-trait à Emosson d’asseoir son statut de pôle touristique. L’hiver, La route est fermée en raison du danger d’avalanche, alors que le parc d’attractions du Châtelard est inexploitable , à cause de la neige. De plus, le prix élevé et le temps de parcours (40 min incluant 2 transbordements) font que les infrastructures actuelles ne sont pas compétitives en tant que transport public. Ainsi, même satisfait, le client ne revient généralement pas visiter une seconde fois le parc d’attraction.74

La construction d’un téléphérique va-et-vient entre la gare du Châtelard et le barrage d’Emosson serait la solution la plus envisageable. Utilisable toute l’année, peu cher à l’entretien et off rant un nouveau point de vue sur le barrage et les mon-tagnes, le téléphérique serait un moyen réaliste pour faire entrer Emosson dans la ronde du tourisme hivernal. Directement relié aux chemins de fer, Emosson pour-rait enfi n jouer les cartes de zone de villégiature, de belvédère et de carrefour de randonnées. Une fois son accès facilité, le développement touristique de la région d’Emosson pourrait s’opérer à travers trois thèmes : nature, culture et villégiature.

72 www.espace-mont-blanc.ch73 www.alposcope.com74 Gay-Balmaz Y., 1998, p.33

Page 88: Zufferey tourisme & barrages 2012

Emosson

Vieux-Emosson

Traces de dinosaures

1. Plan d’ensemble des pôles touristiques

Page 89: Zufferey tourisme & barrages 2012

89

Château d’eau

Giétroz

Le Châtelard

Finhaut

Le Châtelard-Frontière

Alpage de Fenestral

Page 90: Zufferey tourisme & barrages 2012

Emosson-nature

Été L’off re « nature » actuelle de la région d’Emosson et de la vallée du Trient est certainement la plus aboutie. Parmi les nombreuses randonnées au départ du barrage, le « sentier des dinosaures » demeure l’attraction phare de la région.Mais, malgré la beauté saisissante du paysage et l’attrait notoire des traces de dinosaures, l’altitude et l’éloignement du site freine l’enthousiasme des visiteurs les plus aguerris. Il faut en eff et compter au moins 5 heures aller-retour depuis le barrage d’Emosson pour eff ectuer la visite. Un système de navettes, empruntant la route existante entre le barrage et le départ du chemin pédestre, permettrait d’en faciliter l’accès. Ainsi, le site deviendrait à la portée de tout le monde. A une autre échelle, le tour du Ruan, parcourt à cheval entre la Suisse et la France, une distance de 67 km. Cette expédition de 4 jours connait un succès grandissant. En tant qu’étape principale, Emosson pourrait obtenir un statut de camp de base en développant ses infrastructures ; hébergements, restauration, information. Actuellement, les 60 places en dortoirs que dispose le restaurant d’Emosson ne sont pas satisfaisantes pour répondre à la demande. Bien que le lac de Barberine ait été navigable à ses débuts, il ne l’est plus actuellement. L’entreprise responsable de tout l’aménagement, Emosson SA, ne permet plus la navigation sur le lac faute d’infrastructures assurant la sécurité adéquate. C’est avant tout la température de l’eau (~5°C) ainsi que la variation importante du niveau de la retenue qui empêche les activités nautiques. Toute-fois, lorsque le niveau du lac le permet, un service de navette permettant d’explo-rer tous les recoins du plan d’eau, serait un atout considérable garantissant une sécurité suffi sante. Le lac d’Emosson et celui du vieux Emosson sont connus loin à la ronde par les amateurs de pêche. Leurs eaux pullulent de poissons de la famille des sal-monidés (truites ou cristivomers). L’abondance et la taille des proies font d’Emos-son un site idéal, tant pour les novices que pour les plus chevronnés. Peu courant dans les Alpes, le tourisme de pêche sportive est largement développé en Amé-rique du Nord et en Patagonie. Cette activité en pleine expansion est susceptible de drainer de plus en plus de touristes à la recherche de formules « tout compris» , alliant plaisirs de la pêche et paysage unique. Dans ce domaine, on peut imagi-ner des off res allant des plus populaires aux plus luxueuses.

Pécheur à Emosson, Flickr Itinéraire du bateau-navette

Page 91: Zufferey tourisme & barrages 2012

91

HiverL’hiver, la surface du lac gèle, tandis que l’eau du bassin continue à s’évacuer. Ainsi la croûte de glace se maintient parfois jusqu’à 60 m au-dessus de la surface de l’eau. Mar-cher sur cette couche est donc interdit même si quelques randonneurs empruntent ce raccourci. Lorsque le lac gèle avant les premières neiges, il est possible de patiner sur le lac. Toutefois, la rareté de ce phénomène ne permet pas d’inclure cette activité dans l’off re d’hiver. Comme constaté au lac de Joux, cet évènement éphémère pourrait toutefois être exploité pour attirer de nouveaux visiteurs. Selon un rapport de l’Offi ce fédéral de l’énergie, «�La sécurité des personnes doit être assurée par des mesures ap-propriées, soit, surveillance, mise en place de barrières, chemin au-dessus du niveau des plus hautes eaux, signalisation adéquate, panneaux de mise en garde, etc. ».75 De nombreuses randonnées à ski sont possibles à partir du barrage d’Emos-son. Facile d’accès, ces courses sont en général parfaites pour les débutants. Une piste de ski de fonds d’environ 8 km, reliant le lac du vieux Emosson jusqu’au bout du vallon de Barberine, serait une véritable plus-value pour le domaine. Sa mise en œuvre serait réalisable à peu de frais et sans modifi cation du territoire.

Piste de ski de fond Patineur à Emosson

janv

ier

févr

ier

mar

s

avril

mai

juin

juill

et

août

sept

embr

e

octo

bre

nove

mbr

e

déce

mbr

e

1930

1780

1810

1840

1870

1900

Variation du niveau du lac d’Emosson

75 OFT, 2011

Page 92: Zufferey tourisme & barrages 2012

Gare nouveau téléphérique

Musée Hydroélectrique

Gare funiculai

centrale électrique 1926

logement ouvriers Nant-de-Drance

Gare Le Châtelard

Plan du Châtelard

Page 93: Zufferey tourisme & barrages 2012

93

niculaire

centrale électrique 1973

Chantier Nant-de-Drance

Page 94: Zufferey tourisme & barrages 2012

Emosson-culture

L’histoire de Finhaut est caractérisée par deux ères fl orissantes. Au temps de la Belle Epoque, le village a su recevoir et s’adapter aux souhaits du visiteur. Depuis l’avènement de l’ère industrielle, la commune a expérimenté toutes les phases d’évolution technologique dans l’art de produire de l’hydroélectricité. De la petite centrale Hässig jusqu’au projet Nant-de-Drance, chaque ouvrage raconte, à sa manière, l’épopée de la houille blanche. Bien qu’enrichissante et spectaculaire, la visite de ces sites présente deux inconvénients majeurs. D’une part, ces visites ne sont organisées que quelques mois par année, les routes d’accès étant fermées en hiver. D’autre part, elles ne sont pour l’instant organisées que sur rendez-vous. La volonté d’élargir le public implique une muséographie didactique et ludique. L’intérêt grandissant pour la cause écologique favorise un développement de ce genre de programmes. Inauguré en 1998, le musée CFF a déjà ouvert la voie. Mais, là encore il n’est visible qu’en groupe et sur réservation. Sa situation idéale, à proxi-mité immédiate de la gare du Châtelard, ferait du futur musée, revu et complété, une attraction attrayante tant pour la clientèle de la vallée du Rhône que celle de Chamonix. Enfi n, le tourisme d’hiver étant de plus en plus dépendant de la météo et des conditions d’enneigement, les hôtes exigent une diversifi cation des activi-tés.

Emosson-villégiature

Le paysage hôtelier fi gnolin a beaucoup changé depuis la grande époque du tou-risme. Progressivement, chaque hôtel a été transformé en propriétés par étage qui accueillent, pour la plupart, des pendulaires travaillant en plaine. Aujourd’hui, des 23 luxueux hôtels, il ne reste plus que le Beau-Séjour ainsi que quelques pen-sions. Parallèlement, un autre type d’hébergement a fait son apparition; d’anciens hôtels ont été aménagés pour accueillir des colonies de vacances. L’étendue des attractions ne se prête pas bien aux visites journalières étant donnée la situation relativement reculée du village. Reste que le manque de lits hôteliers entrave considérablement le développement de la station. Impossible, par exemple, de loger un car de cinquante personnes. Pour satisfaire les besoins de la clientèle des autocaristes, il faudrait disposer en suffi sance de chambres doubles et de chambres simples. Aujourd’hui même les plus grands hôtels de la vallée ne peuvent plus les satisfaire. La promotion d’un tourisme doux pour la commune de Finhaut nécessite que les touristes puissent y loger. Dans l’état actuel, le développement hôtelier à l’intérieur du village n’est pas envisageable faute de terrains constructibles disponibles. C’est pourquoi Il est nécessaire de construire de nouveaux hébergements hors du noyau historique. Parmi les critères que le touriste prend en compte en choisissant ses va-cances, le paysage et le calme fi gurent presque toujours dans le trio de tête.76 Ces priorités sont d’autant plus prisées depuis l’arrivée des touristes des pays émer-gents. N’étant pas forcément adeptes du ski, ils recherchent avant tout un décor paradisiaque et dépaysant. Le site d’Emosson, considéré comme le meilleur point

76 Kämpf R. et al., 2008, p.45

Page 95: Zufferey tourisme & barrages 2012

95

de vue pour apprécier l’intégralité du massif du Mont-Blanc, répond particuliè-rement bien aux attentes de cette nouvelle clientèle. Dans ce contexte, on peut imaginer un développement hôtelier en ces lieux. Pour ce faire, une liaison rapide, fi able et confortable avec Le Châtelard est nécessaire, d’autant plus que le bar-rage n’est actuellement pas accessible en hiver. Le nouvel hôtel profi terait donc d’une situation unique au cœur des montagnes tout en bénéfi ciant d’une liaison effi cace avec la vallée et ces nombreux domaines skiables. Ainsi, le trajet entre la chambre d’hôtel et la piste de ski ne durerait pas plus d’une demi-heure.

Site

Construire en milieu alpin n’est pas chose facile. De nombreuses restrictions ré-duisent considérablement les zones à bâtir. La commune de Finhaut n’échappe de loin pas à cette règle. Entre les zones présentant un danger d’avalanches, les zones naturelles protégées et les talus trop escarpés, peu nombreux sont les sites constructibles. Dans cette confi guration, le développement touristique peut s’opérer sur deux pôles stratégiques :— Le Châtelard. Il joue le rôle d’interface principale entre l’axe des transports publics et les diff érents sites d’intérêt touristique. La présence à proximité de deux usines d’époques diff érentes, du Musée CFF et du départ du funiculaire his-torique convient parfaitement à la création d’un pôle muséal. Tout ou presque s’y trouve déjà ; reste à valoriser le site en réorganisant les activités autour d’une structure d’accueil répondant à tous les critères en vigueur. — Le site du barrage d’Emosson. Il est à la fois le centre des activités liées à la nature et un lieu d’accueil. Eriger un complexe hôtelier permettrait aux diff érents voyageurs de profi ter au mieux du site et du panorama. A part un restaurant déjà présent, tout reste à faire. Les nouvelles constructions devront s’installer sur les quelques zones en friche, témoins de la construction des barrages. Si les deux sites jouent un rôle décisif dans le développement touristique régional, celui d’Emosson demande un remaniement plus conséquent. En eff et, le contraste fort entre barrage et paysage appelle à une architecture sachant s’in-tégrer dans ce dialogue. Ainsi, la phase projet de cette étude portera sur le site de la Gueulaz, à proximité directe du barrage. La construction du barrage d’Emosson a laissé derrière elle de nombreuses traces de son passage. Si presque toutes les constructions relatives au chantier ont été démontées, le terrain reste fortement modifi é. C’est avant tout la carrière néces-saire à la fabrication du béton, qui a rongé la montagne au point de prélever 1 millions de mètre cube de matériaux. Les diff érents bâtiments préfabriqués tels que dortoirs, cantines, bureaux étaient installés à fl anc de coteau avant d’être détruits. De ces traces, il ne reste que le quai de chargement agrippé à la falaise ainsi que le plateau de fabrication du béton, utilisé aujourd’hui comme parking. Le restaurant panoramique, l’arrivée du Minifunic et du téléphérique de maintenance ainsi que divers petits bâti-ments techniques ont été construits par la suite. Tels qu’ils se présentent aujourd’hui, ils sont mal intégrés et desservent la majesté du site.

Page 96: Zufferey tourisme & barrages 2012

Gare minifunic

Kio

Restau

1. Plage de Nice

Page 97: Zufferey tourisme & barrages 2012

97

Kiosque

estaurant d’Emosson

Page 98: Zufferey tourisme & barrages 2012
Page 99: Zufferey tourisme & barrages 2012

99

En cette époque chaotique, incertaine et confuse, rares sont les experts qui se risquent au jeu des prévisions économiques. Le secteur touristique est tout par-ticulièrement sujet aux revirements de situation. Le monde globalisé, dans lequel nous vivons, tourne de plus en plus vite et ne laisse plus place aux hésitations.Lorsque la régie fédérale des chemins de fer suisses prit la décision révolution-naire d’électrifi er son réseau et d’utiliser la force de l’eau pour l’alimenter, il s’agis-sait d’un pari très courageux sur l’avenir. C’est souvent en temps de crise que naissent les plus grandes idées. Lorsque la méthode traditionnelle ne suffi t plus et que les réserves ne parvien-nent plus à rassurer. Reste alors la prise de risque qui, parfois, matérialise le bon sens et encourage à lancer de nouveaux défi s. A Finhaut un autre paramètre vient compliquer la donne : le trop plein d’argent sème le doute. Que faire des 100 millions hérités du retour des conces-sions? Que faire de tout cet argent, alors que le village dort paisiblement à l’abri des besoins? Entre le souhait de préserver la vie tranquille des pendulaires et l’envie d’investir pour les générations futures, le village se déchire. Alors que les perspectives hydroélectriques sont pleines de promesses du côté de Nant-de-Drance, nombreux sont ceux qui regrettent l’âge d’or du tourisme aristocratique. C’est dans ce contexte particulier, agité et contrasté, que se joue le renou-veau touristique de la commune. Si aujourd’hui le barrage d’Emosson attire un nombre croissant d’excursionnistes, il ne parvient pas à capter ces visiteurs plus qu’une journée. Faute d’infrastructures d’accès et d’hébergement satisfaisantes, le touriste repart plus vite qu’il n’est venu et apporte plus de nuisances que de retom-bées positives pour la région. Si le tourisme doux est à coup sûr une réponse adé-quate, encore faut-il lui donner une chance de s’épanouir. Imaginer, par exemple, un dispositif audacieux, à la fois digne et respectueux du site qui l’environne.

Page 100: Zufferey tourisme & barrages 2012

Bibliographie

Agrawala S. (2007), Changements climatiques dans les Alpes européennes, Paris, Editions Code.Chappaz M. (1965), Chant de la grande Dixence, Lausanne, Librairie Payot.Cluzeau C. O. et Viceriat P. (2009), Le tourisme des années 2020, Paris, La documentation fran-çaise.Coquoz L. (1901), Guide de Trient, Saint-Maurice, Imprimerie Saint-AugustinCosandey M. et al. (1980), Les vallées de lumières, Lausanne, Editions Pierre Demaurex.Culot M. et al. (1992), Architectures de l’électricité, Paris, Editions Norma.Coyne A. (1953), esthétique des barrages et des usines hydro-électriques,Paris.Emonet J. (1907), L’industrie hôtelière dans le canton du Valais, Berne, Gazette du ValaisEurostat (2006), Population Statistics, Luxembourg, European CommunitiesFroelicher M. (2005), Via Cook: « sur les pas des pionniers du tourisme »; in Magazine des Itiné-raires culturels en Suisse Valais, Berne, ViaStoriaGay-Balmaz Y. (1998), Impact socio-économique d’Emosson sur la vallée du Trient, St-Maurice, ESCEAGonthier M. et Lamory J.M. (1996), Barrages des Alpes, Grenoble, Editions Didier Richard.Hoerner J.M. (1997), Géographie de l’industrie touristique, paris, Ellipses.Jacquier F. (2006), Martigny-Châtelard, Salvan, TMR Jakob M. et Audéoud W. (2006), Guide des barrages suisses, Gollion, Editions Infolio.Kafl on P. et al. (2009), Tourisme et innovation, Paris, L’harmattanKämpf R. et Hunziker C. (2008), Succès et compétitivité du tourisme alpin, Basel, BAK economicsLozato-Giotart J. P. (2008), Géographie du tourisme, de l’espace consommé à l’espace maîtrisé, Mar-sat, Paerson Education.Lugon C. et al. (2009), Entre Valais et Mont Blanc, Martigny, centre rhodanien d’impressionLutz M. (1836), Finio, Lausanne, Dictionnaire géographique statistique de la Suisse.Mesplier A. et Bloc-Duraff our P. (2009), Le tourisme dans le monde, Vendôme, Editions Bréal.Morand M.C. et al. (2009), Guide du Valais, Visp, Rotten Verlag.OMT (2008), Economic Review of World Tourism, Madrid.Robins F. W. (1946), The Story of water Supply, London, Oxford University PressRuchat A. (1778), Les délices de la Suisse, chez les Wetsteins et SmithSchleiss A.J. et Pougatsch H. (2011), Les barrages, Lausanne, Presses Polytechniques et Universi-taires RomandesSpindler J. et al. (2003), Le tourisme au XXIe siècle, Paris, L’harmattanTissot L. (2000), Naissance d’une industrie touristique, Lausanne, Editions Payot.Viard J. et al. (1998), Réinventer les vacances, Paris, La documentation française.Wyer H. (2008), Utilisation de la force hydraulique en Valais, Histoire - Législation - Droit de re-tour, Visp, Rotten VerlagZermatten M. et al. (1976), Emosson…le Rhône et L’Arve réunis, Martigny, Electricité d’Emosson SA.Zermatten Maurice (1960), L’eau de lumière : l’épopée de la construction d’un barrage, Zürich,

Page 101: Zufferey tourisme & barrages 2012

101

Webographie

Alposcope, site internet, consulté le 30/11/11, URL : http://alposcope.comAssociation transports et environnements, site internet, consulté le 13/12/11, URL : http://www.ate.ch/fr/nos-themes/politique-des-transports.htmlBonvin M., in fondation the ark, consulté le 07/11/11, URL : http://blog.theark.ch/2011/le-valais-doit-il-redevenir-proprietaire-de-ses-barrages Commune de Finhaut (2011), site internet, consulté le 16/12/11 URL :http://www.fi nhaut.ch/Espace Mont-Blanc, site internet, consulté le 07/11/11, URL : http://www.espace-mont-blanc.com Euromonitor international, Health & Wellness Tourism in Switzerland, consulté le 16/12/12, URL : http://www.euromonitor.com/health-and-wellness-tourism-in-switzerland/reportGrimselwelt, consulté le 16/12/11, URL : http://www.grimselwelt.chHochstrasser R. (2002), « les défi s du tourisme suisse », site internet, consulté le 21/12/11, URL : http://mesoscaphe.unil.ch/igul/doc.php?id=TIGL-555.pdfMacchiavelli A. (2009), « Le tourisme alpin », in Revue de géographie alpine, Consulté le 30/11/11. URL : http://rga.revues.org/index818.htmlMahiou B. et al. (2004), «Bilan socio-économique et culturel de l`implantation des ouvrages », in Ingénieries - E A T, 38 supplément, consulté le 30/11/11. URL : http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00473935/fr/Nant-de-Drance, « Projet Nant-de-Drance », site Internet, consulté le 16/12/11, URL : http://www.nant-de-drance.ch/nant_de_drance_sa.htmlLohas (2010), « Lifestyles of Health and Sustainability”, site internet, consulté le 16/12/11, URL : http://www.lohas.com/Offi ce Fédérale de la Statistique, Le tourisme en chiff re, consulté le 12/12/11, URL : http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/10.html

Page 102: Zufferey tourisme & barrages 2012

103

Page 103: Zufferey tourisme & barrages 2012

105