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    LE DOCTEUR PASCAL

    I

    Dans la chaleur de l'ardente aprs-midi de juillet, la salle, aux volets soigneusement clos, tait

    pleine d'un grand calme. Il ne venait, des trois fentres, que de minces flches de lumire, par lesfentes des vieilles oiseries! et c'tait, au milieu de l'omre, une clart trs douce, aignant lesojets d'une lueur diffuse et tendre. Il faisait l" relativement frais, dans l'crasement torride qu'onsentait au dehors, sous le coup de soleil qui incendiait la fa#ade.

    Deout devant l'armoire, en face des fentres, le docteur $ascal cherchait une note, qu'il % taitvenu prendre. &rande ouverte, cette immense armoire de chne sculpt, aux fortes et ellesferrures, datant du dernier sicle, montrait sur ses planches, dans la profondeur de ses flancs, unamas extraordinaire de papiers, de dossiers, de manuscrits, s'entassant, dordant, ple-mle. Il %avait plus de trente ans que le docteur % jetait toutes les pages qu'il crivait, depuis les notesrves jusqu'aux textes complets de ses grands travaux sur l'hrdit. ussi les recherches n'%

    taient-elles pas toujours faciles. $lein de patience, il fouillait, et il eut un sourire, quand il trouvaenfin.

    (n instant encore, il demeura prs de l'armoire, lisant la note, sous un ra%on dor qui tomait dela fentre du milieu. )ui-mme, dans cette clart d'aue, apparaissait, avec sa are et sescheveux de neige, d'une solidit vigoureuse ien qu'il approch*t de la soixantaine, la face sifra+che, les traits si fins, les %eux rests limpides, d'une telle enfance, qu'on l'aurait pris, serrdans son veston de velours marron, pour un jeune homme aux oucles poudres.

    iens /lotilde, finit-il par dire, tu recopieras cette note. 0amais1amond ne dchiffrerait ma satane criture.

    2t il vint poser le papier prs de la jeune fille, qui travaillait deout devant un haut pupitre, dansl'emrasure de la fentre de droite.

    3ien, ma+tre rpondit-elle.

    2lle ne s'tait pas mme retourne, tout entire au pastel qu'elle sarait en ce moment de largescoups de cra%on. $rs d'elle, dans un vase, fleurissait une tige de roses trmires, d'un violet

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    singulier, 4r de jaune. 5ais on vo%ait nettement le profil de sa petite tte ronde, aux cheveuxlonds et coups court, un exquis et srieux profil, le front droit, pliss par l'attention, l'oeil leuciel, le ne4 fin, le menton ferme. 6a nuque penche avait surtout une adorale jeunesse, d'unefra+cheur de lait, sous l'or des frisures folles. Dans sa longue louse noire, elle tait trs grande,la taille mince, la gorge menue, le corps souple, de cette souplesse allonge des divines figures

    de la 1enaissance. 5algr ses vingt-cinq ans, elle restait enfantine et en paraissait " peine dix-huit.

    2t, reprit le docteur, tu remettras un peu d'ordre dans l'armoire. 7n ne s'% retrouve plus.

    3ien, ma+tre rpta-t-elle sans lever la tte. out " l'heure

    $ascal tait revenu s'asseoir " son ureau, " l'autre out de la salle, devant la fentre de gauche./'tait une simple tale de ois noir, encomre, elle aussi, de papiers, de rochures de toutessortes. 2t le silence retoma, cette grande paix " demi oscure, dans l'crasante chaleur dudehors. )a vaste pice, longue d'une di4aine de mtres, large de six, n'avait d'autres meules,

    avec l'armoire, que deux corps de iliothque, onds de livres. Des chaises et des fauteuilsantiques tra+naient " la dandade! tandis que, pour tout ornement, le long des murs, tapisss d'unancien papier de salon empire, " rosaces, se trouvaient clous des pastels de fleurs, auxcolorations tranges, qu'on distinguait mal. )es oiseries des trois portes, " doule attant, cellede l'entre, sur le palier, et les deux autres, celle de la chamre du docteur et celle de la chamrede la jeune fille, aux deux extrmits de la pice, dataient de )ouis 89, ainsi que la corniche duplafond enfum.

    (ne heure se passa, sans un ruit, sans un souffle. $uis, comme $ascal, par distraction " sontravail, venait de rompre la ande d'un journal ouli sur sa tale, le Temps, il eut une lgreexclamation.

    iens ton pre qui est nomm directeur de l'poque, le journal rpulicain " grand succs, o:l'on pulie les papiers des uileries

    /ette nouvelle devait tre pour lui inattendue, car il riait d'un on rire, " la fois satisfait et attrist!et, " demi voix, il continuait;

    5a parole on inventerait les choses, qu'elles seraient moins elles

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    un nom crit en gros caractres. 7n sentait ces documents tenus " jour avec tendresse, repris sanscesse et remis soigneusement en place! car, de toute l'armoire, ce coin-l" seul tait en ordre.

    )orsque $ascal, mont sur la chaise, eut trouv le dossier qu'il cherchait, une des chemises lesplus ourres, o: tait inscrit le nom de =6accard>,il % ajouta la note nouvelle, puis repla#a le

    tout " sa lettre alphatique. (n instant encore, il s'oulia, redressa complaisamment une pile quis'effondrait. 2t, comme il sautait enfin de la chaise;

    u entends? /lotilde, quand tu rangeras, ne touche pas aux dossiers, l"-haut.

    3ien, ma+tre rpondit-elle pour la troisime fois, docilement.

    Il s'tait remis " rire, de son air de gaiet naturelle.

    /'est dfendu.

    0e le sais, ma+tre

    2t il referma l'armoire d'un vigoureux tour de clef, puis il jeta la clef au fond d'un tiroir de satale de travail. )a jeune fille tait asse4 au courant de ses recherches pour mettre un peu d'ordredans ses manuscrits! et il l'emplo%ait volontiers aussi " titre de secrtaire, il lui faisait recopierses notes, lorsqu'un confrre et un ami, comme le docteur 1amond, lui demandait lacommunication d'un document. 5ais elle n'tait point une savante, il lui dfendait simplement delire ce qu'il jugeait inutile qu'elle conn@t.

    /ependant, l'attention profonde o: il la sentait asore, finissait par le surprendre.

    Au'as-tu donc " ne plus desserrer les lvres? )a copie de ces fleurs te passionne " ce point/'tait encore l" un des travaux qu'il lui confiait souvent, des dessins, des aquarelles, des pastels,qu'il joignait ensuite comme planches " ses ouvrages. insi, depuis cinq ans, il faisait desexpriences trs curieuses sur une collection de roses trmires, toute une srie de nouvellescolorations, otenues par des fcondations artificielles. 2lle apportait, dans ces sortes de copies,une minutie, une exactitude de dessin et de couleur extraordinaire! " ce point qu'il s'merveillaittoujours d'une telle honntet, en lui disant qu'elle avait =une onne petite caoche ronde, netteet solide>.

    5ais, cette fois, comme il s'approchait pour regarder par-dessus son paule, il eut un cri de

    comique fureur.h va te faire fiche te voil" partie pour l'inconnu< 9eux-tu ien me dchirer #a tout desuite

    2lle s'tait redresse, le sang aux joues, les %eux flamants de la passion de son oeuvre, sesdoigts minces tachs de pastel, du rouge et du leu qu'elle avait crass.

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    7h ma+tre

    2t dans ce =ma+tre>, si tendre, d'une soumission si caressante, ce terme de complet aandon dontelle l'appelait pour ne pas emplo%er les mots d'oncle ou de parrain, qu'elle trouvait tes, passaitpour la premire fois une flamme de rvolte, la revendication d'un tre qui se reprend et qui

    s'affirme.

    Depuis prs de deux heures, elle avait repouss la copie exacte et sage des roses trmires, et ellevenait de jeter, sur une autre feuille, toute une grappe de fleurs imaginaires, des fleurs de rve,extravagantes et superes. /'tait ainsi parfois, che4 elle, des sautes rusques, un esoin des'chapper en fantaisies folles, au milieu de la plus prcise des reproductions. out de suite ellese satisfaisait, retomait toujours dans cette floraison extraordinaire, d'une fougue, d'une fantaisietelles que jamais elle ne se rptait, crant des roses au coeur saignant, pleurant des larmes desoufre, des lis pareils " des urnes de cristal, des fleurs mme sans forme connue, largissant desra%ons d'astre, laissant flotter des corolles ainsi que des nues. /e jour-l", sur la feuille sare "grands coups de cra%on noir, c'tait une pluie d'toiles p*les, tout un ruissellement de ptales

    infiniment doux! tandis que, dans un coin un panouissement innom, un outon aux chastesvoiles, s'ouvrait.

    2ncore un que tu vas me clouer l" reprit le docteur en montrant le mur, o: s'alignaient dj"des pastels aussi tranges. 5ais qu'est-ce que #a peut ien reprsenter, je te le demande?

    2lle resta trs grave, se recula pour mieux voir son oeuvre.

    0e n'en sais rien, c'est eau.

    ce moment, 5artine entra, l'unique servante, devenue la vraie ma+tresse de la maison, depuis

    prs de trente ans qu'elle tait au service du docteur. 3ien qu'elle e@t dpass la soixantaine, ellegardait un air jeune, elle aussi, active et silencieuse, dans son ternelle roe noire et sa coiffelanche, qui la faisait ressemler " une religieuse, avec sa petite figure lme et repose, o:semlaient s'tre teints ses %eux couleur de cendre.

    2lle ne parla pas, alla s'asseoir " terre devant un fauteuil, dont la vieille tapisserie laissait passerle crin par une dchirure! et, tirant de sa poche une aiguille et un cheveau de laine, elle se mit "la raccommoder. Depuis trois jours, elle attendait d'avoir une heure, pour faire cette rparationqui la hantait.

    $endant que vous % tes, 5artine, s'cria $ascal plaisamment, en prenant dans ses deux mains

    la tte rvolte de /lotilde, recouse4-moi donc aussi cette caoche-l", qui a des fuites.5artine leva ses %eux p*les, regarda son ma+tre de son air haituel d'adoration.

    $ourquoi monsieur me dit-il cela?

    $arce que, ma rave fille, je crois ien que c'est vous qui ave4 fourr l" dedans, dans cetteonne petite caoche ronde, nette et solide, des ides de l'autre monde, avec toute votre dvotion.

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    )es deux femmes changrent un regard d'intelligence.

    7h monsieur, la religion n'a jamais fait de mal " personne

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    ne parlait " personne. $resque tout de suite, on entendit le ruit rgulier et lent d'un pilon dans unmortier.

    llons, dit /lotilde en souriant, le voil" " sa cuisine du diale, comme dit grand'mre.

    2t elle se remit posment " copier la tige de roses trmires. 2lle en serrait le dessin avec uneprcision mathmatique, elle trouvait le ton juste des ptales violets, 4rs de jaune, jusque dansla dcoloration la plus dlicate des nuances.

    h murmura au out d'un moment 5artine, de nouveau par terre, en train de raccommoder lefauteuil, quel malheur qu'un saint homme pareil perde son *me " plaisir< /ar, il n'% a pas "dire, voici trente ans que je le connais, et jamais il n'a fait seulement de la peine " personne. (nvrai coeur d'or, qui s'Bterait les morceaux de la ouche

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    $ar l'entre-*illement, un jet d'ardente lumire, un flot de raises dansantes pntra. 2t l'onaper#ut, sous le ciel d'un leu viol*tre d'incendie, la vaste campagne r@le, comme endormie etmorte dans cet anantissement de fournaise! tandis que, sur la droite, au-dessus des toituresroses, se dressait le clocher de 6aint-6aturnin, une tour dore, aux artes d'os lanchis, dansl'aveuglante clart.

    7ui, continuait licit, j'irai sans doute tout " l'heure aux ulettes, et je voulais savoir si vousavie4 /harles, afin de l'% mener avec moi

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    2lle tait alle jusqu'" la porte de la chamre, elle couta le ruit du pilon. $uis, le frontsoucieux, elle revint vers /lotilde.

    Aue farique-t-il donc, mon Dieu u sais qu'il se fait le plus grand tort, avec sa droguenouvelle. 7n m'a racont que, l'autre jour, il avait encore failli tuer un de ses malades.

    7h grand'mre s'cria la jeune fille.

    5ais elle tait lance.

    7ui, parfaitement les onnes femmes en disent ien d'autres

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    la elle clientle de la ville, une grosse fortune, la dcoration, enfin des honneurs, une positiondigne de la famille

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    lors, ton oncle a dcoup l'article du Temps?

    rs calme, /lotilde souriait.

    7ui, ma+tre l'a mis dans les dossiers. h ce qu'il enterre de notes, l" dedans )es naissances,

    les morts, les moindres incidents de la vie, tout % passe. 2t il % a aussi l'rre gnalogique, tusais ien, notre fameux rre gnalogique, qu'il tient au courant

    )es %eux de la vieille madame 1ougon avaient flam. 2lle regardait fixement la jeune fille.

    u les connais, ces dossiers?

    7h non, grand'mre 0amais ma+tre ne m'en parle, et il me dfend de les toucher.

    5ais elle ne la cro%ait pas.

    9o%ons tu les as sous la main, tu as d@ les lire.

    rs simple, avec sa tranquille droiture, /lotilde rpondit, en souriant de nouveau.

    Con quand ma+tre me dfend une chose, c'est qu'il a ses raisons, et je ne la fais pas.

    2h ien mon enfant, s'cria violemment licit, cdant " sa passion, toi que $ascal aimeien, et qu'il couterait peut-tre, tu devrais le supplier de r@ler tout #a, car, s'il venait " mouriret qu'on trouv*t les affreuses choses qu'il % a l" dedans, nous serions tous dshonors

    h ces dossiers aominales, elle les vo%ait, la nuit, dans ses cauchemars, taler en lettres de

    feu les histoires vraies, les tares ph%siologiques de la famille, tout cet envers de sa gloire qu'elleaurait voulu " jamais enfouir, avec les anctres dj" morts 2lle savait comment le docteur avaiteu l'ide de runir ces documents, ds le dut de ses grandes tudes sur l'hrdit, comment ils'tait trouv conduit " prendre sa propre famille en exemple, frapp des cas t%piques qu'il %constatait et qui venaient " l'appui des lois dcouvertes par lui. C'tait-ce pas un champ toutnaturel d'oservation, " porte de sa main, qu'il connaissait " fond? 2t, avec une elle carrureinsoucieuse de savant, il accumulait sur les siens, depuis trente annes, les renseignements lesplus intimes, recueillant et classant tout, dressant cet rre gnalogique des 1ougon-5acquart,dont les volumineux dossiers n'taient que le commentaire, ourr de preuves.

    h oui, continuait la vieille madame 1ougon ardemment, au feu, au feu, toutes ces paperasses

    qui nous saliraient ce moment, comme la servante se relevait pour sortir, en vo%ant le tour que prenait l'entretien,elle l'arrta d'un geste prompt.

    Con, non 5artine, reste4 vous n'tes pas de trop, puisque vous tes de la famille maintenant.

    $uis, d'une voix sifflante;

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    (n ramas de faussets, de commrages, tous les mensonges que nos ennemis ont lancsautrefois contre nous, enrags par notre triomphe< 6onge un peu " cela, mon enfant. 6ur noustous, sur ton pre, sur ta mre, sur ton frre, sur moi, tant d'horreurs

    Des horreurs, grand'mre, mais comment le sais-tu?

    2lle se troula un instant.

    7h je m'en doute, va< Auelle est la famille qui n'a pas eu des malheurs, qu'on peut malinterprter? insi, notre mre " tous, cette chre et vnrale ante Dide, ton arrire-grand'mre,n'est-elle pas depuis vingt et un ans " l'sile des lins, aux ulettes? 6i Dieu lui a fait la gr*cede la laisser vivre jusqu'" l'*ge de cent quatre ans, il l'a cruellement frappe en lui Btant la raison./ertes, il n'% a pas de honte " cela! seulement, ce qui m'exaspre, ce qu'il ne faut pas, c'est qu'ondise ensuite que nous sommes tous fous

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    2ncore, avec sa science, s'il pouvait tout savoir

    /lotilde tait reste asore, les %eux perdus. 2lle reprit " demi-voix, ouliant des deux autres,se parlant, " elle-mme;

    /'est vrai, il ne peut tout savoir

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    5ais, " ce moment, dans le silence, le pilon du docteur reprit plus haut, de son r%thme rgulier.2t licit victorieuse, qui allait parler, tourna la tte avec inquitude, regarda un instant la portede la chamre voisine. $uis, " demi-voix;

    u sais o: est la clef de l'armoire?

    /lotilde ne rpondit pas, eut un simple geste, pour dire toute sa rpugnance " trahir ainsi sonma+tre.

    Aue tu es enfant 0e te jure de ne rien prendre, je ne drangerai mme rien

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    attendait, sans dtourner les %eux. Auand il eut compris, lui-mme devint d'une lancheur delinge. (ne colre terrile montait en lui.

    )a vieille madame 1ougon, d'ailleurs, ne se troula aucunement. Ds qu'elle vit l'occasionperdue, elle sauta de la chaise, ne fit aucune allusion " la vilaine esogne dans laquelle il la

    surprenait.

    iens, c'est toi 0e ne voulais pas te dranger

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    7ui, moi< $ourquoi donc, ma+tre, ne t'aimerais-je pas autant que tu m'aimes? et pourquoi, sije te crois en pril, ne t*cherais-je pas de te sauver? u t'inquites ien de ce que je pense, tuveux ien me forcer " penser comme toi

    0amais elle ne lui avait ainsi tenu tte.

    5ais tu es une petite fille, tu ne sais rien

    Con, je suis une *me, et tu n'en sais pas plus que moi

    Il lui l*cha le ras, il eut un grand geste vague vers le ciel, et un extraordinaire silence toma,plein des choses graves, de l'inutile discussion qu'il ne voulait pas engager. D'une rude pousse, iltait all ouvrir le volet de la fentre du milieu! car le soleil aissait, la salle s'emplissait d'omre.$uis, il revint.

    5ais elle, dans un esoin d'air et de lire espace, tait alle " cette fentre ouverte. )'ardente

    pluie de raise avait cess, il n'% avait plus, tomant de haut, que le dernier frisson du cielsurchauff et p*lissant! et, de la terre r@lante encore, montaient des odeurs chaudes, avec larespiration soulage du soir. u as de la terrasse, c'tait d'aord la voie du chemin de fer, lespremires dpendances de la gare, dont on apercevait les *timents! puis, traversant la vasteplaine aride, une ligne d'arres indiquait le cours de la 9iorne, au del" duquel montaient lescoteaux de 6ainte-5arthe, des gradins de terres rouge*tres plantes d'oliviers, soutenues par desmurs de pierres sches, et que couronnaient des ois somres de pins; large amphith*tre dsol,mang de soleil, d'un ton de vieille rique cuite, droulant en haut, sur le ciel, cette frange deverdure noire. gauche, s'ouvraient les gorges de la 6eille, des amas de pierres jaunes, croulesau milieu de terres couleur de sang, domines par une immense arre de rochers, pareille " unmur de forteresse gante! tandis que, vers la droite, " l'entre mme de la valle o: coulait la

    9iorne, la ville de $lassans tageait ses toitures de tuiles dcolores et roses, son fouillis ramassde vieille cit, que per#aient des cimes d'ormes antiques, et sur laquelle rgnait la haute tour de6aint-6aturnin, solitaire et sereine, " cette heure, dans l'or limpide du couchant.

    h mon Dieu dit lentement /lotilde, faut-il tre orgueilleux, pour croire qu'on va toutprendre dans sa main et tout conna+tre

    $ascal venait de monter sur la chaise, afin de s'assurer que pas un des dossiers ne manquait.2nsuite, il ramassa le fragment de marre, le repla#a sur la planche! et, quand il eut referml'armoire, d'une main nergique, il mit la clef au fond de sa poche.

    7ui, reprit-il, t*cher de tout conna+tre, et surtout ne pas perdre la tte avec ce qu'on ne conna+tpas, ce qu'on ne conna+tra sans doute jamais

    5artine, de nouveau, s'tait rapproche de /lotilde, pour la soutenir, pour montrer que toutesdeux faisaient cause commune. 2t, maintenant, le docteur l'apercevait, elle aussi, les sentait l'uneet l'autre unies dans la mme volont de conqute. prs des annes de sourdes tentatives, c'taitenfin la guerre ouverte, le savant qui voit les siens se tourner contre sa pense et la menacer de

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    destruction. Il n'est point de pire tourment, avoir la trahison che4 soi, autour de soi, tre traqu,dpossd, ananti, par ceux que vous aime4 et qui vous aiment

    3rusquement, cette ide affreuse lui apparut.

    5ais vous m'aime4 toutes les deux pourtant

    Il vit leurs %eux s'oscurcir de larmes, il fut pris d'une infinie tristesse, dans cette fin si calmed'un eau jour. oute sa gaiet, toute sa ont, qui venaient de sa passion de la vie, en taientouleverses.

    h ma chrie, et toi, ma pauvre fille, vous faites #a pour mon onheur, n'est-ce pas? 5ais,hlas que nous allons tre malheureux

    II

    )e lendemain matin, /lotilde, ds six heures, se rveilla. 2lle s'tait mise au lit f*che avec$ascal, ils se oudaient. 2t son premier sentiment fut un malaise, un chagrin sourd, le esoinimmdiat de se rconcilier, pour ne pas garder sur son coeur le gros poids qu'elle % retrouvait.

    9ivement, sautant du lit, elle tait alle entr'ouvrir les volets des deux fentres. Dj" haut, lesoleil entra, coupa la chamre de deux arres d'or. Dans cette pice ensommeille, toute moited'une onne odeur de jeunesse, la claire matine apportait de petits souffles d'une gaiet fra+che!tandis que, revenue s'asseoir au ord du matelas, la jeune fille demeurait un instant songeuse,simplement vtue de son troite chemise, qui semlait encore l'amincir, avec ses james longueset fuseles, son torse lanc et fort, " la gorge ronde, au cou rond, aux ras ronds et souples! et sanuque, ses paules adorales jetaient un lait pur, une soie lanche, polie, d'une infinie douceur.)ongtemps, " l'*ge ingrat, de dou4e " dix-huit ans, elle avait paru trop grande, dgingande,montant aux arres comme un gar#on. $uis, du galopin sans sexe, s'tait dgage cette finecrature de charme et d'amour.

    )es %eux perdus, elle continuait " regarder les murs de la chamre. 3ien que la 6ouleiade dat*tdu sicle dernier, on avait d@ la remeuler sous le premier empire, car il % avait l", pour tenture,une ancienne indienne imprime, reprsentant des ustes de sphinx, dans des enroulements decouronnes de chne. utrefois d'un rouge vif, cette indienne tait devenue rose, d'un vague rose

    qui tournait " l'orange. )es rideaux des deux fentres et du lit existaient! mais il avait fallu lesfaire netto%er, ce qui les avait p*lis encore. 2t c'tait vraiment exquis, cette pourpre efface, ceton d'aurore, si dlicatement doux. Auant au lit, tendu de la mme toffe, il tomait d'une vtusttelle, qu'on l'avait remplac par un autre lit, pris dans une pice voisine, un autre lit empire, aset trs large, en acajou massif, garni de cuivres, dont les quatre colonnes d'angle portaient aussides ustes de sphinx, pareils " ceux de la tenture. D'ailleurs, le reste du moilier tait appareill,une armoire " portes pleines et " colonnes, une commode " marre lanc cercl d'une galerie, unehaute ps%ch monumentale, une chaise longue aux pieds raidis, des siges aux dossiers droits, en

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    forme de l%re. 5ais un couvrepied, fait d'une ancienne jupe de soie )ouis 89, ga%ait le litmajestueux, tenant le milieu du panneau, en face des fentres! tout un amas de coussins rendaitmoelleuse la dure chaise longue! et il % avait deux tagres et une tale garnies galement devieilles soies roches de fleurs, dcouvertes au fond d'un placard.

    /lotilde enfin mit ses as, enfila un peignoir de piqu lanc! et, ramassant du out des pieds sesmules de toile grise, elle courut dans son cainet de toilette, une pice de derrire, qui donnait surl'autre fa#ade. 2lle l'avait fait simplement tendre de coutil cru, " ra%ures leues! et il ne s'%trouvait que des meules de sapin verni, la toilette, deux armoires, des chaises. 7n l'% sentaitpourtant d'une coquetterie naturelle et fine, trs femme. /ela avait pouss che4 elle, en mmetemps que la eaut. cBt de la ttue, de la gar#onnire qu'elle restait parfois, elle tait devenueune soumise, une tendre, aimant " tre aime. )a vrit tait qu'elle avait grandi lirement,n'a%ant jamais appris qu'" lire et " crire, s'tant fait ensuite d'elle-mme une instruction asse4vaste, en aidant son oncle. 5ais il n'% avait eu aucun plan arrt entre eux, elle s'tait seulementpassionne pour l'histoire naturelle, ce qui lui avait tout rvl de l'homme et de la femme. 2t ellegardait sa pudeur de vierge, comme un fruit que nulle main n'a touch, sans doute gr*ce " son

    attente ignore et religieuse de l'amour, ce sentiment profond de femme qui lui faisait rserver ledon de tout son tre, son anantissement dans l'homme qu'elle aimerait.

    2lle releva ses cheveux, se lava " grande eau! puis, cdant " son impatience, elle revint ouvrirdoucement la porte de sa chamre, et se risqua " traverser sur la pointe des pieds, sans ruit, lavaste salle de travail. )es volets taient ferms encore, mais elle vo%ait asse4 clair, pour ne pas seheurter aux meules. )orsqu'elle fut " l'autre out, devant la porte de la chamre du docteur, ellese pencha, retenant son haleine. Ktait-il lev dj"? que pouvait-il faire? 2lle l'entendit nettementqui marchait " petits pas, s'haillant sans doute. 0amais elle n'entrait dans cette chamre, o: ilaimait " cacher certains travaux, et qui restait close, ainsi qu'un taernacle. (ne anxit l'avaitprise, celle d'tre trouve l" par lui, s'il poussait la porte! et c'tait un grand troule, une rvolte

    de son orgueil et un dsir de montrer sa soumission. (n instant, son esoin de se rconcilierdevint si fort, qu'elle fut sur le point de frapper. $uis, comme le ruit des pas se rapprochait, ellese sauva follement.

    0usqu'" huit heures, /lotilde s'agita dans une impatience croissante. chaque minute, elleregardait la pendule, sur la chemine de sa chamre, une pendule empire de ron4e dor, uneorne contre laquelle l'mour souriant contemplait le emps endormi. /'tait d'haitude " huitheures qu'elle descendait faire le premier djeuner, en commun avec le docteur, dans la salle "manger. 2t, en attendant, elle se livra " des soins de toilette minutieux, se coiffa, se chaussa,passa une roe, de toile lanche " pois rouges. $uis, a%ant encore un quart d'heure " tuer, ellecontenta un ancien dsir, elle s'assit pour coudre une petite dentelle, une imitation de chantill%, "sa louse de travail, cette louse noire qu'elle finissait par trouver trop gar#onnire, pas asse4femme. 5ais, comme huit heures sonnaient, elle l*cha son travail, descendit vivement.

    9ous alle4 djeuner toute seule, dit tranquillement 5artine, dans la salle " manger.

    /omment #a?

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    7ui, monsieur m'a appele, et je lui ai pass son oeuf, par l'entre-*illement de la porte. )evoil" encore dans son mortier et dans son filtre. Cous ne le verrons pas avant midi.

    /lotilde tait reste saisie, les joues p*les. 2lle ut son lait deout, emporta son petit pain etsuivit la servante, au fond de la cuisine. Il n'existait, au re4-de-chausse, avec la salle " manger et

    cette cuisine, qu'un salon aandonn, o: l'on mettait la provision de pommes de terre. utrefois,lorsque le docteur recevait des clients che4 lui, il donnait ses consultations l"! mais, depuis desannes, on avait mont, dans sa chamre, le ureau et le fauteuil. 2t il n'% avait plus, ouvrant surla cuisine, qu'une autre petite pice, la chamre de la vieille servante, trs propre, avec unecommode de no%er et un lit monacal, garni de rideaux lancs.

    u crois qu'il s'est remis " fariquer sa liqueur? demanda /lotilde.

    Dame #a ne peut tre que #a. 9ous save4 ien qu'il en perd le manger et le oire, quand #a leprend.

    lors, toute la contrarit de la jeune fille s'exhala en une plainte asse.h mon Dieu mon Dieu

    2t, tandis que 5artine montait faire sa chamre, elle prit une omrelle au portemanteau duvestiule, elle sortit manger son petit pain dehors, dsespre, ne sachant plus " quoi occuper sontemps, jusqu'" midi.

    Il % avait dj" prs de dix-sept ans que le docteur $ascal, rsolu " quitter sa maison de la villeneuve, avait achet la 6ouleiade, une vingtaine de mille francs. 6on dsir tait de se mettre "l'cart, et aussi de donner plus d'espace et plus de joie " la fillette que son frre venait de lui

    envo%er de $aris. /ette 6ouleiade, aux portes de la ville, sur un plateau qui dominait la plaine,tait une ancienne proprit considrale, dont les vastes terres se trouvaient rduites " moins dedeux hectares, par suite de ventes successives, sans compter que la construction du chemin de feravait emport les derniers champs laourales. )a maison elle-mme avait t " moiti dtruitepar un incendie, il ne restait qu'un seul des deux corps de *timent, une aile carre, " quatre panscomme on dit en $rovence, de cinq fentres de fa#ade, couverte en grosses tuiles roses. 2t ledocteur qui l'avait achete toute meule, s'tait content de faire rparer et complter les mursde l'enclos, pour tre tranquille che4 lui.

    D'ordinaire, /lotilde aimait passionnment cette solitude, ce ro%aume troit qu'elle pouvaitvisiter en dix minutes et qui gardait pourtant des coins de sa grandeur passe. 5ais, ce matin-l",

    elle % apportait une colre sourde. (n moment, elle s'avan#a sur la terrasse, aux deux outs delaquelle taient plants des c%prs centenaires, deux normes cierges somres, qu'on vo%ait detrois lieues. )a pente ensuite dvalait jusqu'au chemin de fer, des murs de pierres schessoutenaient les terres rouges, o: les dernires vignes taient mortes! et, sur ces sortes de marchesgantes, il ne poussait plus que des files chtives d'oliviers et d'amandiers, au feuillage grle. )achaleur tait dj" accalante, elle regarda de petits l4ards qui fu%aient sur les dalles disjointes,entre des touffes chevelues de c*priers.

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    $uis, comme irrite du vaste hori4on, elle traversa le verger et le potager, que 5artine s'enttait "soigner, malgr son *ge, ne faisant venir un homme que deux fois par semaine, pour les grostravaux! et elle monta, vers la droite, dans une pinde, un petit ois de pins, tout ce qu'il restaitdes pins superes qui avaient jadis couvert le plateau. 5ais, une fois encore, elle s'% trouva mal "l'aise; les aiguilles sches craquaient sons ses pieds, un touffement rsineux tomait des

    ranches. 2t elle fila le long du mur de clBture, passa devant la porte d'entre, qui ouvrait sur lechemin des enouillres, " cinq minutes des premires maisons de $lassans, doucha enfin surl'aire, une aire immense de vingt mtres de ra%on, qui aurait suffi " prouver l'ancienneimportance du domaine. h cette aire antique, pave de cailloux ronds, comme au temps des1omains, cette sorte de vaste esplanade qu'une here courte et sche, pareille " de l'or, semlaitrecouvrir d'un tapis de haute laine quelles onnes parties elle % avait faites autrefois, " courir, "se rouler, " rester des heures tendue sur le dos, lorsque naissaient les toiles, au fond du cielsans ornes

    2lle avait rouvert son omrelle, elle traversa l'aire d'un pas ralenti. 5aintenant, elle se trouvait "la gauche de la terrasse, elle avait achev le tour de la proprit. ussi revint-elle derrire la

    maison, sous le ouquet d'normes platanes qui jetaient, de ce cBt, une omre paisse. )",s'ouvraient les deux fentres de la chamre du docteur. 2t elle leva les %eux, car elle ne s'taitrapproche que dans l'espoir rusque de le voir enfin. 5ais les fentres restaient closes, elle enfut lesse comme d'une duret " son gard. lors seulement, elle s'aper#ut qu'elle tenait toujoursson petit pain, ouliant de le manger! et elle s'enfon#a sous les arres, elle le morditimpatiemment, de ses elles dents de jeunesse.

    /'tait une retraite dlicieuse, cet ancien quinconce de platanes, un reste encore de la splendeurpasse de la 6ouleiade. 6ous ces gants, aux troncs monstrueux, il faisait " peine clair, un jourverd*tre, d'une fra+cheur exquise, par les jours r@lants de l't. utrefois, un jardin fran#ais taitdessin l", dont il ne restait que les ordures de uis, des uis qui s'accommodaient de l'omre

    sans doute, car ils avaient vigoureusement pouss, grands comme des arustes. 2t le charme dece coin si omreux tait une fontaine, un simple tu%au de plom scell dans un f@t de colonne,d'o: coulait perptuellement, mme pendant les plus grandes scheresses, un filet d'eau de lagrosseur du petit doigt, qui allait, plus loin, alimenter un large assin moussu, dont on nenetto%ait les pierres verdies que tous les trois ou quatre ans. Auand tous les puits du voisinage setarissaient, la 6ouleiade gardait sa source, de qui les grands platanes taient s@rement les filscentenaires. Cuit et jour, depuis des sicles, ce mince filet d'eau, gal et continu, chantait samme chanson, pure, d'une viration de cristal.

    /lotilde, aprs avoir err parmi les uis qui lui arrivaient " l'paule, rentra chercher une roderie,et revint s'asseoir devant une tale de pierre, " cBt de la fontaine. 7n avait mis l" quelqueschaises de jardin, on % prenait le caf. 2t elle affecta ds lors de ne plus lever la tte, commeasore dans son travail. $ourtant, de temps " autre, elle semlait jeter un coup d'oeil, entre lestroncs des arres, vers les lointains ardents, l'aire aveuglante ainsi qu'un rasier, o: le soleilr@lait. 5ais, en ralit, son regard se coulait derrire ses longs cils, remontait jusqu'aux fentresdu docteur. 1ien n'% apparaissait, pas une omre. 2t une tristesse, une rancune grandissaient enelle, cet aandon o: il la laissait, ce ddain o: il semlait la tenir, aprs leur querelle de la veille.2lle qui s'tait leve avec un si gros dsir de faire tout de suite la paix )ui, n'avait donc pas de

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    h*te, ne l'aimait donc pas, puisqu'il pouvait vivre f*ch? 2t peu " peu elle s'assomrissait, elleretournait " des penses de lutte, rsolue de nouveau " ne cder sur rien.

    9ers on4e heures, avant de mettre son djeuner au feu, 5artine vint la rejoindre, avec l'ternelas qu'elle tricotait mme en marchant, quand la maison ne l'occupait pas.

    9ous save4 qu'il est toujours enferm l"-haut, comme un loup, " fariquer sa drBle de cuisine?

    /lotilde haussa les paules, sans quitter des %eux sa roderie.

    2t, mademoiselle, si je vous rptais ce qu'on raconte 5adame licit avait raison, hier, dedire qu'il % a vraiment de quoi rougir

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    % avait dcouvertes, d'aord une retraite de grand calme, ensuite un terrain insoup#onnd'enqute continue, un point de vue des faits de l'hrdit, son tude prfre, dans ce coin deprovince o: il connaissait chaque famille, o: il pouvait suivre les phnomnes tenus secrets,pendant deux et trois gnrations. D'autre part, il tait voisin de la mer, il % tait all, presque "chaque elle saison, tudier la vie, le pullulement infini o: elle na+t et se propage, au fond des

    vastes eaux. 2t il % avait enfin, " l'hBpital de $lassans, une salle de dissection, qu'il tait presquele seul " frquenter, une grande salle claire et tranquille, dans laquelle, depuis plus de vingt ans,tous les corps non rclams taient passs sous son scalpel. rs modeste d'ailleurs, d'unetimidit longtemps omrageuse, il lui avait suffi de rester en correspondance avec ses anciensprofesseurs et quelques amis nouveaux, au sujet des trs remarquales mmoires qu'il envo%aitparfois " l'cadmie de mdecine. oute amition militante lui manquait.

    /e qui avait amen le docteur $ascal " s'occuper spcialement des lois de l'hrdit, c'tait, audut, des travaux sur la gestation. /omme toujours, le hasard avait eu sa part, en lui fournissanttoute une srie de cadavres de femmes enceintes, mortes pendant une pidmie cholrique. $lustard, il avait surveill les dcs, compltant la srie, comlant les lacunes, pour arriver "

    conna+tre la formation de l'emr%on, puis le dveloppement du foetus, " chaque jour de sa vieintra-utrine! et il avait ainsi dress le catalogue des oservations les plus nettes, les plusdfinitives. partir de ce moment, le prolme de la conception, au principe de tout, s'tait pos" lui, dans son irritant m%stre. $ourquoi et comment un tre nouveau? Auelles taient les lois dela vie, ce torrent d'tres qui faisaient le monde? Il ne s'en tenait pas aux cadavres, il largissait sesdissections sur l'humanit vivante, frapp de certains faits constants parmi sa clientle, mettantsurtout en oservation sa propre famille, qui tait devenue son principal champ d'exprience,tellement les cas s'% prsentaient prcis et complets. Ds lors, " mesure que les faitss'accumulaient et se classaient dans ses notes, il avait tent une thorie gnrale de l'hrdit, quip@t suffire " les expliquer tous.

    $rolme ardu, et dont il remaniait la solution depuis des annes. Il tait parti du principed'invention et du principe d'imitation, l'hrdit ou reproduction des tres sous l'empire dusemlale, l'innit ou reproduction des tres sous l'empire du divers. $our l'hrdit, il n'avaitadmis que quatre cas; l'hrdit directe, reprsentation du pre et de la mre dans la natureph%sique et morale de l'enfant! l'hrdit indirecte, reprsentation des collatraux, oncles ettantes, cousins et cousines! l'hrdit en retour, reprsentation des ascendants, " une ou plusieursgnrations de distance! enfin, l'hrdit d'influence, reprsentation des conjoints antrieurs, parexemple du premier m*le qui a comme imprgn la femelle pour sa conception future, mmelorsqu'il n'en est plus l'auteur. Auant " l'innit, elle tait l'tre nouveau, ou qui para+t tel, et che4qui se confondent les caractres ph%siques et moraux des parents, sans que rien d'eux semle s'%retrouver. 2t, ds lors, reprenant les deux termes,l'hrdit, l'innit, il les avait sudiviss " leurtour, partageant l'hrdit en deux cas, l'lection du pre ou de la mre che4 l'enfant, le choix, laprdominance individuelle, ou ien le mlange de l'un et de l'autre, et un mlange qui pouvaitaffecter trois formes, soit par soudure, soit par dissmination, soit par fusion, en allant de l'tat lemoins on au plus parfait! tandis que, pour l'innit, il n'% avait qu'un cas possile, lacominaison, cette cominaison chimique qui fait que deux corps mis en prsence peuventconstituer un nouveau corps, totalement diffrent de ceux dont il est le produit. /'tait l" lersum d'un amas considrale d'oservations, non seulement en anthropologie, mais encore en4oologie, en pomologie et en horticulture. $uis, la difficult commen#ait, lorsqu'il s'agissait, en

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    prsence de ces faits multiples, apports par l'anal%se, d'en faire la s%nthse, de formuler lathorie qui les expliqu*t tous. )", il se sentait sur ce terrain mouvant de l'h%pothse, que chaquenouvelle dcouverte transforme! et, s'il ne pouvait s'empcher de donner une solution, par leesoin que l'esprit humain a de conclure, il avait cependant l'esprit asse4 large pour laisser leprolme ouvert. Il tait donc all des gemmules de DarNin, de sa pangense, " la prigense de

    OaecPel, en passant par les stirpes de &alton. $uis, il avait eu l'intuition de la thorie queQeismann devait faire triompher plus tard, il s'tait arrt " l'ide d'une sustance extrmementfine et complexe, le plasma germinatif, dont une partie reste toujours en rserve dans chaquenouvel tre, pour qu'elle soit ainsi transmise, invariale, immuale, de gnration en gnration./ela paraissait tout expliquer! mais quel infini de m%stre encore, ce monde de ressemlancesque transmettent le spermato4oMde et l'ovule, o: l'oeil humain ne distingue asolument rien, sousle grossissement le plus fort du microscope 2t il s'attendait ien " ce que sa thorie f@t caduqueun jour, il ne s'en contentait que comme d'une explication transitoire, satisfaisante pour l'tatactuel de la question, dans cette perptuelle enqute sur la vie, dont la source mme, lejaillissement semle devoir " jamais nous chapper.

    h cette hrdit, quel sujet pour lui de mditations sans fin )'inattendu, le prodigieux n'tait-ce point que la ressemlance ne f@t pas complte, mathmatique, des parents aux enfants? Ilavait, pour sa famille, d'aord dress un arre logiquement dduit, o: les parts d'influence, degnration en gnration, se distriuaient moiti par moiti, la part du pre et la part de la mre.5ais la ralit vivante, presque " chaque coup, dmentait la thorie. )'hrdit, au lieu d'tre laressemlance, n'tait que l'effort vers la ressemlance, contrari par les circonstances et le milieu.2t il avait aouti " ce qu'il nommait l'h%pothse de l'avortement des cellules. )a vie n'est qu'unmouvement, et l'hrdit tant le mouvement communiqu, les cellules, dans leur multiplicationles unes des autres, se poussaient, se foulaient, se casaient, en dplo%ant chacune l'efforthrditaire! de sorte que si, pendant cette lutte, des cellules plus failes succomaient, on vo%aitse produire, au rsultat final, des troules considrales, des organes totalement diffrents.

    )'innit, l'invention constante de la nature " laquelle il rpugnait, ne venait-elle pas de l"?n'tait-il pas, lui, si diffrent de ses parents, que par suite d'accidents pareils, ou encore par l'effetde l'hrdit larve, " laquelle il avait cru un moment, car tout arre gnalogique a des racinesqui plongent dans l'humanit jusqu'au premier homme, on ne saurait partir d'un anctre unique,on peut toujours ressemler " un anctre plus ancien, inconnu. $ourtant, il doutait de l'atavisme,son opinion tait, malgr un exemple singulier pris dans sa propre famille, que la ressemlance,au out de deux ou trois gnrations, doit somrer, en raison des accidents, des interventions, desmille cominaisons possiles. Il % avait donc l" un perptuel devenir, une transformationconstante dans cet effort communiqu, cette puissance transmise, cet ranlement qui souffle lavie " la matire et qui est toute la vie. 2t des questions multiples se posaient. 2xistait-il unprogrs ph%sique et intellectuel " travers les *ges? )e cerveau, au contact des sciencesgrandissantes, s'amplifiait-il? $ouvait-on esprer, " la longue, une plus grande somme de raisonet de onheur? $uis, c'taient des prolmes spciaux, un entre autres, dont le m%stre l'avaitlongtemps irrit; comment un gar#on, comment une fille, dans la conception? n'arriverait-onjamais " prvoir scientifiquement le sexe, ou tout au moins " l'expliquer? Il avait crit, sur cettematire, un trs curieux mmoire, ourr de faits, mais concluant en somme " l'ignoranceasolue o: l'avaient laiss les plus tenaces recherches. 6ans doute, l'hrdit ne le passionnait-elle ainsi que parce qu'elle restait oscure, vaste et insondale, comme toutes les sciencesalutiantes encore, o: l'imagination est ma+tresse. 2nfin, une longue tude qu'il avait faite sur

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    l'hrdit de la phtisie, venait de rveiller en lui la foi chancelante du mdecin gurisseur, en lelan#ant dans l'espoir nole et fou de rgnrer l'humanit.

    2n somme, le docteur $ascal n'avait qu'une cro%ance, la cro%ance " la vie. )a vie tait l'uniquemanifestation divine. )a vie, c'tait Dieu, le grand moteur, l'*me de l'univers. 2t la vie n'avait

    d'autre instrument que l'hrdit, l'hrdit faisait le monde! de sorte que, si l'on avait pu laconna+tre, la capter pour disposer d'elle, on aurait fait le monde " son gr. /he4 lui, qui avait vude prs la maladie, la souffrance et la mort, une piti militante de mdecin s'veillait. h ne plustre malade, ne plus souffrir, mourir le moins possile 6on rve aoutissait " cette pense qu'onpourrait h*ter le onheur universel, la cit future de perfection et de flicit, en intervenant, enassurant de la sant " tous. )orsque tous seraient sains, forts, intelligents, il n'% aurait plus qu'unpeuple suprieur, infiniment sage et heureux. Dans l'Inde, est-ce qu'en sept gnrations, on nefaisait pas d'un soudra un rahmane, haussant ainsi exprimentalement le dernier des misralesau t%pe humain le plus achev? 2t, comme, dans son tude sur la phtisie, il avait conclu qu'ellen'tait pas hrditaire, mais que tout enfant de phtisique apportait un terrain dgnr o: laphtisie se dveloppait avec une facilit rare, il ne songeait plus qu'" enrichir ce terrain appauvri

    par l'hrdit, pour lui donner la force de rsister aux parasites, ou plutBt aux fermentsdestructeurs qu'il soup#onnait dans l'organisme, longtemps avant la thorie des microes. Donnerde la force, tout le prolme tait l"! et donner de la force, c'tait aussi donner de la volont,largir le cerveau en consolidant les autres organes.

    9ers ce temps, le docteur, lisant un vieux livre de mdecine du quin4ime sicle, fut trs frapppar une mdication, dite =mdecine des signatures>.$our gurir un organe malade, il suffisait deprendre " un mouton ou " un oeuf le mme organe sain, de le faire ouillir, puis d'en faire avalerle ouillon. )a thorie tait de rparer par le semlale, et dans les maladies de foie surtout,disait le vieil ouvrage, les gurisons ne se comptaient plus. )"-dessus, l'imagination du docteurtravailla. $ourquoi ne pas essa%er? $uisqu'il voulait rgnrer les hrditaires affailis, " qui la

    sustance nerveuse manquait, il n'avait qu'" leur fournir de la sustance nerveuse, normale etsaine. 6eulement, la mthode du ouillon lui parut enfantine, il inventa de piler dans un mortierde la cervelle et du cervelet de mouton, en mouillant avec de l'eau distille, puis de dcanter et defiltrer la liqueur ainsi otenue. Il exprimenta ensuite sur ses malades cette liqueur mle " duvin de 5alaga, sans en tirer aucun rsultat apprciale. 3rusquement, comme il se dcourageait,il eut une inspiration, un jour qu'il faisait " une dame atteinte de coliques hpatiques uneinjection de morphine, avec la petite seringue de $rava4. 6'il essa%ait, avec sa liqueur, desinjections h%podermiques? 2t tout de suite, ds qu'il fut rentr, il exprimenta sur lui-mme, il sefit une piq@re aux reins, qu'il renouvela matin et soir. )es premires doses, d'un grammeseulement, furent sans effet. 5ais, a%ant doul et tripl la dose, il fut ravi, un matin, au lever, deretrouver ses james de vingt ans. Il alla de la sorte jusqu'" cinq grammes, et il respirait pluslargement, il travaillait avec une lucidit, une aisance, qu'il avait perdue depuis des annes. outun ien-tre, toute une joie de vivre l'inondait. Ds lors, quand il eut fait fariquer " $aris uneseringue pouvant contenir cinq grammes, il fut surpris des rsultats heureux otenus sur sesmalades, qu'il remettait deout en quelques jours, comme dans un nouveau flot de vie, virante,agissante. 6a mthode tait ien encore empirique et arare, il % devinait toutes sortes dedangers, surtout il avait peur de dterminer des emolies, si la liqueur n'tait pas d'une puretparfaite. $uis, il soup#onnait que l'nergie de ses convalescents venait en partie de la fivre qu'illeur donnait. 5ais il n'tait qu'un pionnier, la mthode se perfectionnerait plus tard. C'% avait-il

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    pas dj" l" un prodige, " faire marcher les ataxiques, " ressusciter les phtisiques, " rendre mmedes heures de lucidit aux fous? 2t, devant cette trouvaille de l'alchimie du vingtime sicle, unimmense espoir s'ouvrait, il cro%ait avoir dcouvert la panace universelle, la liqueur de viedestine " comattre la dilit humaine, seule cause relle de tous les maux, une vritale etscientifique fontaine de 0ouvence, qui, en donnant de la force, de la sant et de la volont,

    referait une humanit toute neuve et suprieure.

    /e matin-l", dans sa chamre, une pice au nord, un peu assomrie par le voisinage des platanes,meule simplement de son lit de fer, d'un secrtaire en acajou et d'un grand ureau, o: setrouvaient un portier et un microscope, il achevait, avec des soins infinis, la farication d'unefiole de sa liqueur. prs avoir pil de la sustance nerveuse de mouton, dans de l'eau distille, ilavait d@ dcanter et filtrer. 2t il venait enfin d'otenir une petite outeille d'un liquide troule,opalin, iris de reflets leu*tres, qu'il regarda longtemps " la lumire, comme s'il avait tenu lesang rgnrateur et sauveur du monde.

    5ais des coups lgers contre la porte et une voix pressante le tirrent de son rve.

    2h ien quoi donc? monsieur, il est midi un quart, vous ne voule4 pas djeuner?

    2n as, en effet, le djeuner attendait, dans la grande salle " manger fra+che. 7n avait laiss lesvolets ferms, un seul venait d'tre entrouvert. /'tait une pice gaie, aux panneaux de oiseriegris perle, relev de filets leus. )a tale, le uffet, les chaises, avaient d@ complter autrefois lemoilier empire qui garnissait les chamres! et, sur le fond clair, le vieil acajou s'enlevait envigueur, d'un rouge intense. (ne suspension de cuivre poli, toujours reluisante, rillait comme unsoleil! tandis que, sur les quatre murs, fleurissaient quatre grands ouquets au pastel, desgirofles, des oeillets, des jacinthes, des roses.

    1a%onnant, le docteur $ascal entra.h fichtre je me suis ouli, je voulais finir

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    7h s'cria-t-il sans la laisser achever, un pileptique qui a succom dans une crisecongestive< iens puisque tu es de mchante humeur, ne causons plus de cela; tu me ferais dela peine, et #a g*terait ma journe.

    Il % avait des oeufs " la coque, des cBtelettes, une crme. 2t un silence se prolongea, pendant

    lequel, malgr sa ouderie, elle mangea " elles dents, tant d'un apptit solide, qu'elle n'avaitpas la coquetterie de cacher. ussi finit-il par reprendre en riant;

    /e qui me rassure, c'est que ton estomac est on

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    6i vous ave4 peur pour votre fin de mois, ma fille, dites au oucher de m'envo%er ma note "part

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    jamais plus. 0e crois que la somme de ces vrits, augmentes toujours, finira par donner "l'homme un pouvoir incalculale, et la srnit, sinon le onheur

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    comme ils douchaient du chemin des enouillres, " la porte de $lassans, un groupe decommres s'arrta net de causer. 7n aurait dit un de ces anciens rois qu'on voit dans les taleaux,un de ces rois puissants et doux qui ne vieillissent plus, la main pose sur l'paule d'une enfantelle comme le jour, dont la jeunesse clatante et soumise les soutient.

    Ils tournaient sur le cours 6auvaire, pour gagner la rue de la 3anne, lorsqu'un grand gar#on run,d'une trentaine d'annes, les arrta.

    h ma+tre, vous m'ave4 ouli. 0'attends toujours votre note, sur la phtisie.

    /'tait le docteur 1amond, install depuis deux annes " $lassans, et qui s'% faisait une elleclientle. De tte supere, dans tout l'clat d'une virilit souriante, il tait ador des femmes, et ilavait heureusement eaucoup d'intelligence et eaucoup de sagesse.

    iens 1amond, onjour< 5ais pas du tout, cher ami, je ne vous oulie pas. /'est cette petitefille " qui j'ai donn hier la note " copier et qui n'en a encore rien fait.

    )es deux jeunes gens s'taient serr la main, d'un air d'intimit cordiale.

    3onjour, mademoiselle /lotilde.

    3onjour, monsieur 1amond.

    $endant une fivre muqueuse, heureusement nigne, que la jeune fille avait eue l'anneprcdente, le docteur $ascal s'tait affol, au point de douter de lui! et il avait exig que sonjeune confrre l'aid*t, le rassur*t. /'tait ainsi qu'une familiarit, une sorte de camaraderie s'taitnoue entre les trois.

    9ous aure4 votre note demain matin, je vous le promets, reprit-elle en riant.

    5ais 1amond les accompagna quelques minutes, jusqu'au out de la rue de la 3anne, " l'entredu vieux quartier, o: ils allaient. 2t il % avait, dans la fa#on dont il se penchait, en souriant "/lotilde, tout un amour discret, lentement grandi, attendant avec patience l'heure fixe pour leplus raisonnale des dnouements. D'ailleurs, il coutait avec dfrence le docteur $ascal, dont iladmirait eaucoup les travaux.

    ene4 justement, cher ami, je vais che4 &uiraude, vous save4 cette femme dont le mari, untanneur, est mort phtisique, il % a cinq ans. Deux enfants lui sont rests; 6ophie, une fille de sei4e

    ans ientBt, que j'ai pu heureusement, quatre ans avant la mort du pre, faire envo%er " lacampagne, prs d'ici, che4 une de ses tantes! et un fils, 9alentin, qui vient d'avoir vingt et un ans,et que la mre a voulu garder prs d'elle, par un enttement de tendresse, malgr les affreuxrsultats dont je l'avais menace. 2h ien vo%e4 si j'ai raison de prtendre que la phtisie n'est pashrditaire, mais que les parents phtisiques lguent seulement un terrain dgnr, dans lequel lamaladie se dveloppe, " la moindre contagion. ujourd'hui, 9alentin, qui a vcu dans le contactquotidien du pre, est phtisique, tandis que 6ophie, pousse en plein soleil, a une sant supere..

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    Il triomphait, il ajouta en riant;

    Ra n'empche pas que je vais peut-tre sauver 9alentin, car il rena+t " vue d'oeil, il engraisse,depuis que je le pique

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    gardait de elles coures classiques, d'une svre grandeur. 2t il % avait, sur la route, vingtcentimtres de poussire, une poussire de neige que le moindre souffle enlevait en largesfumes volantes, et qui poudrait " lanc, aux deux ords, les figuiers et les ronces.

    /lotilde, qui s'amusait comme une enfant " entendre toute cette poussire craquer sous ses petits

    pieds, voulait ariter $ascal de son omrelle.

    u as le soleil dans les %eux. iens-toi donc " gauche.

    5ais il finit par s'emparer de l'omrelle, pour la porter lui-mme.

    /'est toi qui ne la tiens pas ien, et puis #a te fatigue

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    7h monsieur $ascal

    /omme on l'aimait et /lotilde sentait sa tendresse pour lui s'augmenter de toutes ces affectionsparses. Ils restrent l" un instant, " causer, dans l'omre saine des chnes verts. $uis, ilsrevinrent vers $lassans, avant encore de faire une visite.

    /'tait, " l'angle de deux routes, dans un caaret orgne, lanc des poussires envoles. 7nvenait d'installer, en face, un moulin " vapeur, en utilisant les anciens *timents du $aradou, uneproprit datant du dernier sicle. 2t )afouasse, le caaretier, faisait tout de mme de petitesaffaires, gr*ce aux ouvriers du moulin et aux pa%sans qui apportaient leur l. Il avait encorepour clients, le dimanche, les quelques haitants des rtaud, un hameau voisin. 5ais lamalechance le frappait, il se tra+nait depuis trois ans, en se plaignant de douleurs, dans lesquellesle docteur avait fini par reconna+tre un commencement d'ataxie! et il s'enttait pourtant " ne pasprendre de servante, il se tenait aux meules, servait quand mme ses pratiques. ussi, remisdeout aprs une di4aine de piq@res, criait-il dj" sa gurison partout.

    Il tait justement sur sa porte, grand et fort, le visage enflamm, sous le flamoiement de sescheveux rouges.

    0e vous attendais, monsieur $ascal. 9ous save4 que j'ai pu hier mettre deux pices de vin enouteilles, et sans fatigue

    /lotilde resta dehors, sur un anc de pierre, tandis que $ascal entrait dans la salle, afin de piquer)afouasse. 7n entendait leurs voix! et ce dernier, trs douillet malgr ses gros muscles, seplaignait que la piq@re f@t douloureuse! mais, enfin, on pouvait ien souffrir un peu, pour acheterde la onne sant. 2nsuite, il se f*cha, for#a le docteur " accepter un verre de quelque chose. )ademoiselle ne lui ferait pas l'affront de refuser du sirop. Il porta une tale dehors, il fallut

    asolument trinquer avec lui. votre sant, monsieur $ascal, et " la sant de tous les pauvres ougres, " qui vous rende4 lego@t du pain

    6ouriante, /lotilde songeait aux commrages dont lui avait parl 5artine, " ce pre 3outin qu'onaccusait le docteur d'avoir tu. Il ne tuait donc pas tous ses malades, sa mdication faisait doncde vrais miracles? 2t elle retrouvait sa foi en son ma+tre, dans cette chaleur d'amour qui luiremontait au coeur. Auand ils partirent, elle tait revenue " lui tout entire, il pouvait la prendre,l'emporter, disposer d'elle, " son gr.

    5ais, quelques minutes auparavant, sur le anc de pierre, elle avait rv " une confuse histoire,en regardant le moulin " vapeur. C'tait-ce point l", dans ces *timents noirs de charon et lancsde farine aujourd'hui, que s'tait pass autrefois un drame de passion? 2t l'histoire lui revenait,des dtails donns par 5artine, des allusions faites par le docteur lui-mme, toute une aventureamoureuse et tragique de son cousin, l'a 6erge 5ouret, alors cur des rtaud, avec uneadorale fille, sauvage et passionne, qui haitait le $aradou.

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    Ils suivaient de nouveau la route, et /lotilde s'arrta, montrant de la main la vaste tendue morne,des chaumes, des cultures plates, des terrains encore en friche.

    5a+tre, est-ce qu'il n'% avait pas l" un grand jardin? ne m'as-tu pas cont cette histoire?

    $ascal, dans la joie de cette onne journe, eut un tressaillement, un sourire d'une tendresseinfiniment triste.

    7ui, oui, le $aradou, un jardin immense, des ois, des prairies, des vergers, des parterres, etdes fontaines, et des ruisseaux qui se jetaient dans la 9iorne

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    $ascal semla se rveiller, frmissant de la retrouver prs de lui, si jeune, avec de si eaux %eux,r@lants et clairs, dans l'omre du grand chapeau. Auelque chose avait pass, un mme soufflevenait de les traverser tous deux. Ils ne se reprirent pas le ras, ils marchrent cBte " cBte.

    h chrie, ce serait trop eau, si les hommes ne g*taient pas tout line est morte, et 6erge

    est maintenant cur " 6aint-2utrope, o: il vit avec sa soeur Dsire, une rave crature, celle-ci,qui a la chance d'tre " moiti idiote. )ui est un saint homme, je n'ai jamais dit le contraire

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    Il montrait, de la main, sur un anc de la proprit voisine, un grand et maigre vieillard desoixante-dix ans, " la figure longue, taillade de rides, aux gros %eux fixes, trs correctementserr dans sa cravate et dans sa redingote.

    /'est un sage, murmura /lotilde. Il est heureux.

    $ascal se rcria.

    )ui j'espre ien que non

    Il ne haMssait personne, et seul, 5. 3ellomre, cet ancien professeur de septime, aujourd'huiretrait, vivant dans sa petite maison sans autre compagnie que celle d'un jardinier, muet etsourd, plus *g que lui, avait le don de l'exasprer.

    (n gaillard qui a eu peur de la vie, entends-tu? peur de la vie< 7ui goMste, dur et avare 6'ila chass la femme de son existence, #a n'a t que dans la terreur d'avoir " lui pa%er des ottines.

    2t il n'a connu que les enfants des autres, qui l'ont fait souffrir; de l", sa haine de l'enfant, cettechair " punitions

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    feu, comme sa grand'mre licit la poussait " le faire. 2t les f*cheries recommen#aient,souvent on ne se parlait pas de deux jours.

    (n matin, " la suite d'une de ces ouderies qui durait depuis l'avant-veille, 5artine dit, en servantle djeuner;

    out " l'heure, comme je traversais la place de la 6ous-$rfecture, j'ai vu entrer che4 madamelicit un tranger que j'ai ien cru reconna+tre

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    /harles, " quin4e ans, en paraissait " peine dou4e, et il en tait rest " l'intelligence alutianted'un enfant de cinq ans. D'une extraordinaire ressemlance avec sa trisaMeule, ante Dide, la folledes ulettes, il avait une gr*ce lance et fine, pareil " un de ces petits rois exsangues quifinissent une race, couronns de longs cheveux p*les, lgers comme de la soie. 6es grands %euxclairs taient vides, sa eaut inquitante avait une omre de mort. 2t ni cerveau ni coeur, rien

    qu'un petit chien vicieux, qui se frottait aux gens, pour se caresser. 6on arrire-grand'mrelicit, gagne par cette eaut o: elle affectait de reconna+tre son sang, l'avait d'aord mis aucollge, le prenant " sa charge! mais il s'en tait fait chasser au out de six mois, sous l'accusationde vices inavouales. rois fois, elle s'tait entte, l'avait chang de pensionnat, pour aoutirtoujours au mme renvoi honteux. lors, comme il ne voulait, comme il ne pouvait asolumentrien apprendre, et comme il pourrissait tout, il avait fallu le garder, on se l'tait pass des uns auxautres, dans la famille. )e docteur $ascal, attendri, songeant " une gurison, n'avait aandonncette cure impossile qu'aprs l'avoir eu che4 lui pendant prs d'un an, inquiet du contact pour/lotilde. 2t, maintenant, lorsque /harles n'tait pas che4 sa mre, o: il ne vivait presque plus, onle trouvait che4 licit ou che4 quelque autre parent, coquettement mis, coml de joujoux,vivant en petit dauphin effmin d'une antique race dchue.

    /ependant, la vieille madame 1ougon souffrait de ce *tard, " la ro%ale chevelure londe, et sonplan tait de le soustraire aux commrages de $lassans, en dcidant 5axime " le prendre, pour legarder " $aris. /e serait encore une vilaine histoire de la famille efface. 5ais longtemps5axime avait fait la sourde oreille, hant par la continuelle terreur de g*ter son existence. prsla guerre, riche depuis la mort de sa femme, il tait revenu manger sagement sa fortune dans sonhBtel de l'avenue du 3ois-de-3oulogne, a%ant gagn " sa dauche prcoce la crainte salutaire duplaisir, surtout rsolu " fuir les motions et les responsailits, afin de durer le plus possile. Desdouleurs vives dans les pieds, des rhumatismes, cro%ait-il, le tourmentaient depuis quelquetemps! il se vo%ait dj" infirme, clou sur un fauteuil! et le rusque retour en rance de son pre,l'activit nouvelle que 6accard dplo%ait, avaient achev de le terrifier. Il connaissait ien ce

    dvoreur de millions, il tremlait en le retrouvant empress autour de lui, onhomme, avec sonricanement amical. C'allait-il pas tre mang, s'il restait un jour " sa merci, li par ces douleursqui lui envahissaient les james. 2t une telle peur de la solitude l'avait pris, qu'il venait de cderenfin " l'ide de revoir son fils. 6i le petit lui semlait doux, intelligent, ien portant, pourquoi nel'emmnerait-il pas? /ela lui donnerait un compagnon, un hritier qui le protgerait contre lesentreprises de son pre. $eu " peu, son goMsme s'tait vu aim, cho%, dfendu! et pourtant, peut-tre ne se serait-il pas risqu encore " un tel vo%age, si son mdecin ne l'avait envo% aux eauxde 6aint-&ervais. Ds lors, il n'% avait plus " faire qu'un crochet de quelques lieues, il tait tomle matin che4 la vieille madame 1ougon, " l'improviste, ien rsolu " reprendre un train, le soirmme, aprs l'avoir interroge et vu l'enfant.

    9ers deux heures, $ascal et /lotilde taient encore prs de la fontaine, sous les platanes, o:5artine leur avait servi le caf, lorsque licit arriva, avec 5axime.

    5a chrie, quelle surprise je t'amne ton frre.

    6aisie, la jeune fille s'tait leve, devant cet tranger maigri et jauni, qu'elle reconnaissait " peine.Depuis leur sparation, en FGJS, elle ne l'avait revu que deux fois, la premire " $aris, la seconde" $lassans. 5ais elle gardait de lui une image nette, lgante et vive. )a face s'tait creuse, les

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    cheveux s'claircissaient, sems de fils lancs. $ourtant, elle finit par le retrouver, avec sa ttejolie et fine, d'une gr*ce inquitante de fille, jusque dans sa dcrpitude prcoce.

    /omme tu te portes ien, toi dit-il simplement, en emrassant sa soeur.

    5ais, rpondit-elle, il faut vivre au soleil

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    des panaches d'arres, " peine gros d'en as comme des touffes d'here, frangeaient les crtes,pendaient sur le gouffre. 2t c'tait un chaos, un pa%sage foudro%, un couloir de l'enfer, avec sesdtours tumultueux, ses coulures de terre sanglante glisses de chaque entaille, sa solitudedsole que troulait seul le vol des aigles.

    licit ne desserra pas les lvres, la tte en travail, l'air accal sous ses rflexions. Il faisait eneffet trs lourd, le soleil rillait, derrire un voile de grands nuages livides. $resque seul, $ascalcausa, dans sa tendresse passionne pour cette nature ardente, tendresse qu'il s'effor#ait de fairepartager " son neveu. 5ais il avait eau s'exclamer, lui montrer l'enttement des oliviers, desfiguiers et des ronces, " pousser dans les roches, la vie de ces roches elles-mmes, de cettecarcasse colossale et puissante de la terre, d'o: l'on entendait monter un souffle; 5axime restaitfroid, pris d'une sourde angoisse, devant ces locs d'une majest sauvage, dont la massel'anantissait. 2t il prfrait reporter les %eux sur sa soeur, assise en face de lui. 2lle le charmaitpeu " peu, tellement il la vo%ait saine et heureuse, avec sa jolie tte ronde, au front droit, si ienquilir. $ar moments, leurs regards se rencontraient, et elle avait un sourire tendre, dont il taitrconfort.

    5ais la sauvagerie de la gorge s'adoucit, les deux murs de rochers s'aaissrent, on fila entre descoteaux apaiss, aux pentes molles, semes de th%ms et de lavandes. /'tait le dsert encore, desespace nus, verd*tres et viol*tres, o: la moindre rise roulait un *pre parfum. $uis, tout d'uncoup, aprs un dernier dtour, on descendit dans le vallon des ulettes, que des sourcesrafra+chissaient. u fond s'tendaient des prairies, coupes de grands arres. )e village tait " mi-cBte, parmi des oliviers, et la astide de 5acquart, un peu carte, se trouvait sur la gauche, enplein midi. Il fallut que le landau prit le chemin qui conduisait " l'sile des lins, dont onapercevait, en face, les murs lancs.

    )e silence de licit s'tait assomri, car elle n'aimait pas montrer l'oncle 5acquart. 2ncore un

    dont la famille serait ien darrasse, le jour o: il s'en irait $our la gloire d'eux tous, il auraitd@ dormir sous la terre depuis longtemps. 5ais il s'enttait, il portait ses quatre-vingt-trois ans envieil ivrogne, satur de oisson, que l'alcool semlait conserver. $lassans, il avait une lgendeterrile de fainant et de andit, et les vieillards chuchotaient l'excrale histoire des cadavresqu'il % avait entre lui et les 1ougon, une trahison aux jours trouls de dcemre FGJF, un guet-apens dans lequel il avait laiss des camarades, le ventre ouvert, sur le pav sanglant. $lus tard,quand il tait rentr en rance, il avait prfr, " la onne place qu'il s'tait fait promettre, ce petitdomaine des ulettes, que licit lui avait achet. 2t il % vivait grassement depuis lors, il n'avaitplus eu que l'amition de l'arrondir, guettant de nouveau les ons coups, a%ant encore trouv lemo%en de se faire donner un champs longtemps convoit, en se rendant utile " sa elle-soeur,lorsque celle-ci avait d@ reconqurir $lassans sur les lgitimistes; une autre effro%ale histoirequ'on se disait aussi " l'oreille, un fou l*ch sournoisement de l'sile, attant la nuit, courant " savengeance, incendiant sa propre maison, o: flamaient quatre personnes. 5ais c'taientheureusement l" des choses anciennes, et 5acquart, rang aujourd'hui, n'tait plus le anditinquitant dont avait treml toute la famille. Il se montrait fort correct, d'une diplomatiefinaude, n'a%ant gard que son rire goguenard qui avait l'air de se ficher du monde.

    )'oncle est che4 lui, dit $ascal, comme on approchait.

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    )a astide tait une de ces constructions proven#ales, d'un seul tage, aux tuiles dcolores, lesquatre murs violemment adigeonns en jaune. Devant la fa#ade attendait une troite terrasse,que d'antiques m@riers, raattus en forme de treille, allongeant et tordant leurs grosses ranches,omrageaient. /'tait l" que l'oncle fumait sa pipe, l't. 2t, en entendant la voiture, il tait venuse planter au ord de la terrasse, redressant sa haute taille, vtu proprement de drap leu, coiff

    de l'ternelle casquette de fourrure qu'il portait d'un out de l'anne " l'autre.

    Auand il eut reconnu les visiteurs, il ricana, il cria;

    2n voila de la elle socit< 9ous tes ien gentils, vous alle4 vous rafra+chir.

    5ais la prsence de 5axime l'intriguait. Aui tait-il? pour qui venait-il, celui-l"? 7n le luinomma, et tout de suite il arrta les explications qu'on ajoutait, en voulant l'aider " se retrouver,au milieu de l'cheveau compliqu de la parent.

    )e pre de /harles, je sais, je sais< )e fils de mon neveu 6accard, pardi celui qui a fait un

    eau mariage et dont la femme est morte

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    6on geste s'tait largi, comme pour emrasser la possession de son ien-tre de vieux gredindevenu ermite! pendant que licit, qu'il effra%ait depuis un moment, avec l'numration de sesrichesses, ne le quittait pas des %eux, prte " l'interrompre.

    5erci, 5acquart, nous ne prendrons rien, nous sommes presss

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    licit elle-mme dut consentir. 7n remonta dans le landau, 5acquart s'assit prs du cocher. (nmalaise avait lmi le visage fatigu de 5axime! et, durant le court trajet, il questionna $ascalsur /harles, d'un air d'intrt paternel, qui cachait une inquitude croissante. )e docteur, gn parles regards imprieux de sa mre, adoucit la vrit. 5on Dieu l'enfant n'tait pas d'une santien forte, c'tait mme pour cela qu'on le laissait volontiers des semaines che4 l'oncle, " la

    campagne! cependant, il ne souffrait d'aucune maladie caractrise. $ascal n'ajouta pas qu'ilavait, un instant, fait le rve de lui donner de la cervelle et des muscles, en le traitant par lesinjections de sustance nerveuse! mais il s'tait heurt " un continuel accident, les moindrespiq@res dterminaient che4 le petit des hmorragies, qu'il fallait chaque fois arrter par despansements compressifs; c'tait un rel*chement des tissus d@ " la dgnrescence, une rose desang qui perlait " la peau, c'taient surtout des saignements de ne4, si rusques, si aondants,qu'on n'osait pas le laisser seul, dans la crainte que tout le sang de ses veines ne coul*t. 2t ledocteur finit en disant que, si l'intelligence tait paresseuse che4 lui, il esprait qu'elle sedvelopperait, dans un milieu d'activit crrale plus vive.

    7n tait arriv devant l'sile. 5acquart, qui coutait, descendit du sige, en disant;

    /'est un gamin ien doux, ien doux. 2t puis, il est si eau, un ange

    5axime, p*li encore, et grelottant, malgr la chaleur touffante, ne posa plus de questions. Ilregardait les vastes *timents de l'sile, les ailes des diffrents quartiers, spars par des jardins,celui des hommes et celui des femmes, ceux des fous tranquilles et des fous furieux. (ne grandepropret rgnait, une morne solitude, que traversaient des pas et des ruits de clefs. )e vieux5acquart connaissait tous les gardiens. D'ailleurs, les portes s'ouvrirent devant le docteur $ascal,qu'on avait autoris " soigner certains des interns. 7n suivit une galerie, on tourna dans unecour; c'tait l", une des chamres du re4-de-chausse, une pice tapisse d'un papier clair,meule simplement d'un lit, d'une armoire, d'une tale, d'un fauteuil et de deux chaises. )a

    gardienne, qui ne devait jamais quitter sa pensionnaire, venait justement de s'asenter. 2t il n'%avait, aux deux ords de la tale, que la folle, rigide dans son fauteuil, et que l'enfant, sur unechaise, asor, en train de dcouper des images.

    2ntre4, entre4 rptait 5acquart. 7h il n'% a pas de danger, elle est ien gentille

    )'anctre, dlaMde ouque, que ses petits-enfants, toute la race qui avait pullul, nommaient dusurnom caressant de ante Dide, ne tourna pas mme la tte au ruit. Ds la jeunesse, destroules h%striques l'avaient dsquilire. rdente, passionne d'amour, secoue de crises, elletait ainsi arrive au grand *ge de quatre-vingt-trois ans, lorsqu'une affreuse douleur, un chocmoral terrile l'avait jete " la dmence. Depuis lors, depuis vingt et un ans, c'tait che4 elle unarrt de l'intelligence, un affailissement rusque, rendant toute rparation impossile.ujourd'hui, " cent quatre ans, elle vivait toujours, ainsi qu'une oulie, une dmente calme, aucerveau ossifi, che4 qui la folie pouvait rester indfiniment stationnaire, sans amener la mort./ependant, la snilit tait venue, lui avait peu " peu atrophi les muscles. 6a chair tait commemange par l'*ge, la peau seule demeurait sur les os, " ce point qu'il fallait la porter de son lit "son fauteuil. 2t, squelette jauni, dessche l", telle qu'un arre sculaire dont il ne reste quel'corce, elle se tenait pourtant droite contre le dossier du fauteuil, n'a%ant plus que les %eux devivants, dans son mince et long visage. 2lle regardait /harles fixement.

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    /lotilde, un peu tremlante, s'tait approche.

    ante Dide, c'est nous qui avons voulu vous voir

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    rois qu'il dcoupait, avec ses larges %eux p*les et le ruissellement de ses cheveux londs. 5ais cequi frappait surtout, en ce moment, c'tait sa ressemlance avec ante Dide, cette ressemlancequi avait franchi trois gnrations, qui sautait de ce visage dessch de centenaire, de ces traitsuss, " cette dlicate figure d'enfant, comme efface dj" elle aussi, trs vieille et finie par l'usurede la race. 2n face l'un de l'autre, l'enfant imcile, d'une eaut de mort, tait comme la fin de

    l'anctre, l'oulie.

    5axime se pencha pour mettre un aiser sur le front du petit! et il avait le coeur froid, cetteeaut elle-mme l'effra%ait, son malaise grandissait dans cette chamre de dmence, o: soufflaittoute une misre humaine, venue de loin.

    /omme tu es eau, mon mignon< 2st-ce que tu m'aimes un peu?

    /harles le regarda, ne comprit pas, se remit " ses images.

    5ais tous restrent saisis. 6ans que l'expression ferme de son visage e@t chang, ante Dide

    pleurait, un flot de larmes roulait de ses %eux vivants sur ses joues mortes. 2lle ne quittaittoujours pas l'enfant du regard, et elle pleurait lentement, " l'infini.

    lors, ce fut, pour $ascal, une motion extraordinaire. Il avait pris le ras de /lotilde, il le serraitviolemment, sans qu'elle p@t comprendre. /'tait que, devant ses %eux, s'voquait toute la ligne,la ranche lgitime et la ranche *tarde, qui avaient pouss de ce tronc, ls dj" par la nvrose.)es cinq gnrations taient l" en prsence, les 1ougon et les 5acquart, dlaMde ouque " laracine, puis le vieux andit d'oncle, puis lui-mme, puis /lotilde et 5axime, et enfin /harles.licit comlait la place de son mari mort. Il n'% avait pas de lacune, la cha+ne se droulait, dansson hrdit logique et implacale. 2t quel sicle voqu, au fond du caanon tragique, o:soufflait cette misre venue de loin, dans un tel effroi, que tous, malgr l'accalante chaleur,

    frissonnrentAuoi donc, ma+tre? demanda tout as /lotilde tremlante.

    Con, non, rien murmura le docteur. 0e te dirai plus tard.

    5acquart, qui continuait seul " ricaner, gronda la vieille mre. 2n voil" une ide, de recevoir lesgens avec des larmes, quand ils se drangeaient pour vous faire une visite /e n'tait gure poli.$uis, il revint " 5axime et " /harles.

    2nfin, mon neveu, vous le vo%e4, votre gamin. C'est-ce pas qu'il est joli et qu'il vous fait

    honneur tout de mme?licit se h*ta d'intervenir, trs mcontente de la fa#on dont tournaient les choses, n'a%ant plusque la h*te de s'en aller.

    /'est s@rement un el enfant, et qui est moins en retard qu'on ne croit. 1egarde donc comme ilest adroit de ses mains

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    6ans doute, sans doute, murmura 5axime. 0e ne dis pas non, je vais % rflchir.

    Il restait emarrass, il ajouta;

    9ous comprene4, je ne suis venu que pour le voir

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    u entends, /lotilde s'cria $ascal ravi. 0e n'ai pas le temps de le voir ce soir, nousreviendrons demain. /'est mon jour de visite

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    2t le landau, qui roulait toujours, tourna dans la rue de 1ome. 0ustine disparut, cette vision dupass, si diffrente, somra dans le vague du crpuscule, avec homas, les enfants, la outique.

    la 6ouleiade, la tale tait mise. 5artine avait une anguille de la 9iorne, un lapin saut et unrBti de oeuf. 6ept heures sonnaient, on avait tout le temps de d+ner tranquillement.

    Ce te tourmente pas, rptait le docteur $ascal " son neveu. Cous t'accompagnerons au cheminde fer, ce n'est pas " dix minutes

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    u ne te maries donc pas? demanda-t-il, voulant sonder le terrain.

    )a jeune fille se mit " rire.

    7h rien ne presse.

    $uis, d'un air de outade, regardant $ascal qui avait lev la tte;

    2st-ce qu'on sait?< 0e ne me marierai jamais.

    5ais licit se rcria. Auand elle la vo%ait si attache au docteur, elle souhaitait souvent unmariage qui l'en dtacherait, qui laisserait son fils isol, dans un intrieur dtruit, o: elle-mmedeviendrait toute-puissante, ma+tresse des choses. ussi l'appela-t-elle en tmoignage; n'tait-cepas vrai qu'une femme devait se marier, que cela tait contre nature, de rester vieille fille? 2t,gravement, il l'approuvait, sans quitter /lotilde des %eux.

    7ui, oui, il faut se marier

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    vo%ons, #a s'arrange parfaitement. on frre s'adresse " ton coeur

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    un rveil de sant aprs une maladie, un espoir et une joie de vivre. Ils restrent longtemps dansla nuit chaude, sous les platanes, " couter le fin cristal de la fontaine. 2t ils ne parlaient mmepas, ils go@taient profondment le onheur d'tre ensemle.

    IV

    Ouit jours plus tard, la maison tait retome au malaise. $ascal et /lotilde, de nouveau,restaient des aprs-midi entires " se ouder! et il % avait des sautes continuelles d'humeurs.5artine elle-mme vivait irrite. )e mnage " trois devenait un enfer.

    $uis, rusquement, tout s'aggrava encore. (n capucin de grande saintet, comme il en passesouvent dans les villes du 5idi, tait venu " $lassans faire une retraite. )a chaire de 6aint-6aturnin retentissait des clats de sa voix. /'tait une sorte d'apBtre, une loquence populaire etenflamme, une parole fleurie, aondante en images. 2t il prchait sur le nant de la sciencemoderne, dans une envole m%stique extraordinaire, niant la ralit de ce monde, ouvrantl'inconnu, le m%stre de l'au del". outes les dvotes de la ville en taient ouleverses.

    Ds le premier soir, comme /lotilde, accompagne de 5artine, avait assist au sermon, $ascals'aper#ut de la fivre qu'elle rapportait. )es jours suivants, elle se passionna, revint plus tard,aprs tre reste une heure en prire, dans le coin noir d'une chapelle. 2lle ne sortait plus del'glise, rentrait rise, avec des %eux luisants de vo%ante! et les paroles ardentes du capucin lahantaient. De la colre et du mpris semlaient lui tre venus pour les gens et les choses.

    $ascal, inquiet, voulut avoir une explication avec 5artine. Il descendit, un matin, de onne

    heure, comme elle ala%ait la salle " manger.

    9ous save4 que je vous laisse lires, /lotilde et vous, d'aller " l'glise, si cela vous pla+t. 0en'entends peser sur la conscience de personne

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    h monsieur, vous ne nous aime4 pas

    lors, $ascal resta dsarm, envahi d'une tristesse croissante. 6on remords augmentait de s'tremontr tolrant, de n'avoir pas dirig en ma+tre asolu l'ducation et l'instruction de /lotilde.Dans sa cro%ance que les arres poussaient droit, quand on ne les gnait point, il lui avait permis

    de grandir " sa guise, aprs lui avoir appris simplement " lire et " crire. /'tait sans plan con#u "l'avance, uniquement par le train coutumier de leur vie, qu'elle avait " peu prs tout lu et qu'elles'tait passionne pour les sciences naturelles, en l'aidant " faire des recherches, " corriger sespreuves, " recopier et " classer ses manuscrits. /omme il regrettait aujourd'hui sondsintressement Auelle forte direction il aurait donne " ce clair esprit, si avide de savoir, aulieu de le laisser s'carter et se perdre, dans ce esoin de l'au del", que favorisaient la grand'mrelicit et la onne 5artine andis que lui s'en tenait au fait, s'effor#ait de ne jamais aller plusloin que le phnomne, et qu'il % russissait par sa discipline de savant, sans cesse il l'avait vue seproccuper de l'inconnu, du m%stre. /'tait, che4 elle, une osession, une curiosit d'instinct quiarrivait " la torture, lorsqu'elle n'tait pas satisfaite. Il % avait l" un esoin que rien ne rassasiait,un appel irrsistile vers l'inaccessile, l'inconnaissale. Dj", quand elle tait petite, et plus tard

    surtout, jeune fille, elle allait tout de suite au pourquoi et au comment, elle exigeait les raisonsdernires. 6'il lui montrait une fleur, elle lui demandait pourquoi cette fleur ferait une graine,pourquoi cette graine germerait. $uis, c'tait le m%stre de la conception, des sexes, de lanaissance et de la mort, et les forces ignores, et Dieu, et tout. 2n quatre questions, elle l'acculaitchaque fois " son ignorance fatale! et, quand il ne savait plus que rpondre, qu'il se darrassaitd'elle, avec un geste de fureur comique, elle avait un eau rire de triomphe, elle retournaitperdue dans ses rves, dans la vision illimite de tout ce qu'on ne conna+t pas et de tout ce qu'onpeut croire. 6ouvent, elle le stupfiait par ses explications. 6on esprit, nourri de science, partaitdes vrits prouves, mais d'un tel ond, qu'elle sautait du coup en plein ciel des lgendes. Desmdiateurs passaient, des anges, des saints, des souffles surnaturels, modifiant la matire, luidonnant la vie! ou ien encore ce n'tait qu'une mme force, l'*me du monde, travaillant " fondre

    les choses et les tres en un final aiser d'amour, dans cinquante sicles. 2lle en avait fait lecompte, disait-elle.

    0amais, du reste, $ascal ne l'avait vue si troule. Depuis une semaine qu'elle suivait la retraitedu capucin, " la cathdrale, elle vivait impatiemment les jours dans l'attente du sermon du soir! etelle s'% rendait avec le recueillement exalt d'une fille qui va " son premier rende4-vous d'amour.$uis, le lendemain, tout en elle disait son dtachement de la vie extrieure, de son existenceaccoutume, comme si le monde visile, les actes ncessaires de chaque minute ne fussent queleurre et que sottise. ussi avait-elle " peu prs aandonn ses occupations, cdant " une sorte deparesse invincile, restant des heures les mains tomes sur les genoux, les %eux vides et perdus,au lointain de quelque rve. 5aintenant, elle si active, si matinire, se levait tard, ne paraissaitgure que pour le second djeuner! et ce ne devait pas tre " sa toilette qu'elle passait ces longuesheures, car elle perdait de sa coquetterie de femme, " peine peigne, vtue " la diale d'une roeoutonne de travers, mais adorale quand mme, gr*ce " sa triomphante jeunesse. /espromenades du matin qu'elle aimait tant, au travers de la 6ouleiade, ces courses du haut en asdes terrasses, plantes d'oliviers et d'amandiers, ces visites " la pinde, emaume d'une odeur dersine, ces longues stations sur l'aire ardente, o: elle prenait des ains de soleil, elle ne les faisaitplus, elle prfrait rester, les volets clos, enferme dans sa chamre, au fond de laquelle on nel'entendait pas remuer. $uis, l'aprs-midi, dans la salle, c'tait une oisivet languissante, un

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    dsoeuvrement tra+n de chaise en chaise, une fatigue, une irritation contre tout ce qui l'avaitintresse jusque-l".

    $ascal dut renoncer " se faire aider par elle. (ne note, qu'il lui avait donne " mettre au net, restatrois jours sur son pupitre. 2lle ne classait plus rien, ne se serait pas aisse pour ramasser un

    manuscrit par terre. 6urtout, elle avait aandonn les pastels, les dessins de fleurs trs exacts quidevaient servir de planches " un ouvrage sur les fcondations artificielles. De grandes mauvesrouges, d'une coloration nouvelle et singulire, s'taient fanes dans leur vase, sans qu'elle eutfini de les copier. 2t, pendant une aprs-midi entire, elle se passionna encore sur un dessin fou,des fleurs de rve, une extraordinaire floraison panouie au soleil du miracle, tout unjaillissement de ra%ons d'or en forme d'pis, au milieu de larges corolles de pourpre, pareilles "des coeurs ouverts, d'o: montaient, en guise de pistils, des fuses d'astres, des milliards demondes coulant au ciel ainsi qu'une voie lacte.

    h ma pauvre fille, lui dit ce jour-l" le docteur, peut-on perdre son temps " de tellesimaginations 5oi qui attends la copie de ces mauves que tu as laisses mourir< 2t tu te

    rendras malade. Il n'% a ni sant, ni mme eaut possile, en dehors de la ralit.6ouvent, elle ne rpondait plus, enferme dans une conviction farouche, ne voulant pointdiscuter. 5ais il venait de la toucher au vif de ses cro%ances.

    Il n'% a pas de ralit, dclara-t-elle nettement.

    )ui, amus par cette carrure philosophique che4 cette grande enfant, se mit " rire.

    7ui, je sais

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    )'inquitude du docteur augmenta, lorsque, sur la terrasse, il aper#ut, vide, la chaise o: la jeunefille avait d@ rester assise longtemps. Il esprait l'% trouver endormie. $uisqu'elle n'% tait plus,pourquoi n'tait-elle pas rentre? o: pouvait-elle s'en tre alle, " une pareille heure? )a nuit taitadmirale, une nuit de septemre, r@lante encore, avec un ciel immense, cril d'toiles, dansson infini de velours somre! et, au fond de ce ciel sans lune, les toiles luisaient si vives et si

    larges, qu'elles clairaient la terre. D'aord, il se pencha sur la alustrade de la terrasse, examinales pentes, les gradins de pierres sches, qui descendaient jusqu'" la voie du chemin de fer! maisrien ne remuait, il ne vo%ait que les ttes rondes et immoiles des petits oliviers. )'ide alors luivint qu'elle tait sans doute sous les platanes, prs de la fontaine, dans le perptuel frisson decette eau murmurante. Il % courut, il s'enfon#a en pleine oscurit, une nappe si paisse, que lui-mme, qui connaissait chaque tronc d'arre, devait marcher les mains en avant, pour ne point seheurter. $uis, ce fut au travers de la pinde qu'il attit ainsi l'omre, t*tonnant, sans rencontrerpersonne. 2t il finit par appeler, d'une voix qu'il assourdissait.

    /lotilde /lotilde

    )a nuit restait profonde et muette. Il haussa peu a peu la voix./lotilde /lotilde

    $as une *me, pas un souffle. )es chos semlaient ensommeills, son cri s'touffait dans le lacinfiniment doux des tnres leues. 2t il cria de toute sa force, il revint sous les platanes, ilretourna dans la pinde, s'affolant, visitant la proprit entire. 3rusquement, il se trouva surl'aire.

    cette heure, l'aire immense, la vaste rotonde pave, dormait elle aussi. Depuis les longuesannes qu'on n'% vannait plus de grain, une here % poussait, tout de suite r@le par le soleil,

    dore et comme rase, pareille " la haute laine d'un tapis. 2t, entre les touffes de cette mollevgtation, les cailloux ronds ne refroidissaient jamais, fumant ds le crpuscule, exhalant dansla nuit la chaleur amasse de tant de midis accalants.

    )'aire s'arrondissait, nue, dserte, au milieu de ce frisson, sous le calme du ciel, et $ascal latraversait pour courir au verger, lorsqu'il manqua culuter contre un corps, longuement tendu,qu'il n'avait pu voir. Il eut une exclamation effare;

    /omment, tu es l"?

    /lotilde ne daigna mme pas rpondre. 2lle tait couche sur le dos, les mains ramenes et

    serres sous la nuque, la face vers le ciel! et, dans son pale visage, on ne vo%ait que ses grands%eux luire.

    5oi qui m'inquite et qui t'appelle depuis un quart d'heure< u m'entendais ien crier?

    2lle finit par desserrer les lvres.

    7ui.

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    lors, c'est stupide $ourquoi ne rpondais-tu pas?

    5ais elle tait retome dans son silence, elle refusait de s'expliquer, le front ttu, les regardsenvols l"-haut.

    llons, viens te coucher, mchante enfant u me diras cela demain.

    2lle ne ougeait toujours point, il la supplia de rentrer " dix reprises, sans qu'elle fit unmouvement. )ui-mme avait fini par s'asseoir prs d'elle, dans l'here rase, et il sentait sous lui latideur du pav.

    2nfin, tu ne peux coucher dehors

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    /'est vrai, je ne puis pas attendre. 0'ai esoin de savoir, j'ai esoin d'tre heureuse tout de suite.2t tout savoir d'un coup, et tre heureuse asolument, dfinitivement< 7h vois-tu, c'est de celaque je souffre, ne pas monter d'un ond " la connaissance complte, ne pouvoir me reposer dansla flicit entire, dgage de scrupules et de doutes. 2st-ce que c'est vivre que d'avancer dans lestnres " pas si ralentis, que de ne pouvoir go@ter une heure de calme, sans tremler " l'ide de

    l'angoisse prochaine? Con, non toute la connaissance et tout le onheur en un jour< ta sciencenous les a promis, et si elle ne nous les donne pas, elle fait faillite.

    lors, il commen#a lui-mme " se passionner.

    5ais c'est fou, petite fille, ce que tu dis l" )a science n'est pas la rvlation. 2lle marche deson train humain, sa gloire est dans son effort mme

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