yagé, ayahuasca, caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 em. perr6t et ra.y.iiond...

36
N° 6 - Jl11:'-l" l!Jz.7 SOM!IIAII\E Pages. :Mémoires originaux : EM. t'ERROtet RA.YMOl!D-HAUT. Yagé, A1.11.hm1.sc11., Ca11. pi et leur 11.lc a- loid e : télépathine ou ylgéin e (il suivn) ............ 337 J. MAHEUet J. CUAHTIF. I\. Faux Ipéca et origine botanique de l'ipéc a ~trié mineur .\1anettia ignit a ~chum .. R e vue de chimie biolo - gique: R. L~coQ. Les progrè t récents de P~g• • • no s conaaissance s sur l'alimen- tation e t la nutritioa suhr·}. 357 Notice biog-raphique : E. TASSILLY. Le professeur DUH BI. BE IITHBLOT (1865-!.9fiJ, , , . Bibliog-raphie analytique : Journaux, R evues, Sociétés sa- vant es.. . 39!. MÉMOIRES ORIGINAUX .''' Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou yagéine. l. - HISTOIRE CRITIQUE C'est l'uu de nous(") qui, à la suite d'un article publié par REIX- BURG l' } dans un Journal d'ethnographie, a le premier en Euro pe atliré l'altention des pharmacologistes sur le Yagé, l'A yidmasca et le Ca,1pi. Malheureusemeut, depuis qu'un '\'O}'ageur (') à l'imagination trop fantaisiste a atlribué au Yagé des propriétés télépathiques, celte planle est de,·enue rohjet d'une légende que la presse s'est plu à vulga- riser{ ' ). t. Reproduction interdite sa ns indic!l.tion de source. 2. Eli!. PEaRoT. L'Aya.hua!ca, le YffKé et le Hull.Ilto, boissons toxiques des Indiens du nord-ouest de l'Ama.zon e. Bull. Sc. ph .i. rm~col., Pari s , l.n3, 30, p. !., 1-HO. 3. P. Rtl1(BCRG. Contribution à l'6tude d es boissons toxiques des Indi ens du nord· ouest de l'Ama zone. Jow·n. Soc. Amérieauist~, ~dc P aris, l.92!., nouv. sér., t3, p. 25- :i4 etl.97-2.l.6. .i. R. ZKaoA Bno !i. Rap;}ort du chef de !'Expédition sci entifique de 1% 5-1900, aim abl em e nt commuaiqué par M. RouHt!H à qui nou • a dre u on ! ici nos vifs remer- ciements. 5. Pn:k1t ! :\ftLL!. La plante qui fait le! yeux émerveillés et celle qui révd e .J'a;·enir. L"OEuvr,·, Pa ri!, t8novembrel.92.6. füJLL. Sc. P11AH ,!. (Juin 192.7).

Upload: others

Post on 03-Sep-2020

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

N° 6 - Jl11:'-l" l!Jz.7

SOM!IIAII\E

P age s .

:Mémoires originaux : EM. t'ERROtet RA.YMOl!D-HAUT. Yagé,

A1.11.hm1.sc11., Ca11.pi et leur 11.lca­loid e : télépathine ou ylgéin e (il suivn) ............ 337

J. MAHEUet J. CUAHTIF.I\. Faux Ipéc a et origine botanique de l'ipéc a ~trié mineur .\1anettia ignit a ~chum ..

R e vue de chimie biolo -gique: R. L~coQ. Les progrè t récents de

P~g• • •

no s conaaissance s sur l'alimen­tation et la nutritioa (à suhr·}. 357

Notice biog-raphique :

E. TASSILLY. Le professeur DUH BI. BE IITHBLOT (1865-!.9fiJ, , , .

Bibliog-raphie analytique :

Journaux, Revues, Sociétés sa-vant es.. . 39!.

MÉMOIRES ORIGINAUX .'''

Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou yagéine.

l. - HISTOIRE CRITIQUE

C'est l'uu de nous(") qui, à la suite d'un article publié par REIX­

BURG l' } dans un Journal d'ethnographie, a le premier en Europe atliré l'altention des pharmacologistes sur le Yagé, l'Ayidmasca et le Ca,1pi.

Malheureusemeut, depuis qu'un '\'O}'ageur (') à l'imagination trop fantaisiste a atlribué au Yagé des propriétés télépathiques, celte planle est de,·enue rohjet d'une légende que la presse s'est plu à vulga­riser{ ' ).

t. Reproduction interdite sans indic!l.tion de source. 2. Eli!. PEaRoT. L'Aya.hua ! ca, le YffKé et le Hull.Ilto, boissons toxiques des Indiens

du nord-ouest de l'Am a.zon e. Bull. Sc. ph .i.rm~col., Pari s, l.n3, 30, p. !., 1-HO. 3. P. Rtl1(BCRG. Contribution à l'6tude des boissons toxiques des Indi ens du nord·

ouest de l'Ama zone. Jow·n. Soc. Amérieauist~, ~dc P aris, l.92!., nouv. sér., t3, p. 25- :i4

etl.97-2.l.6 . .i. R. ZKaoA Bno !i. Rap;}ort du chef de !'Expédition sci entifique de 1%5-1900,

aim ablement commuaiqué par M. RouHt!H à qui nou • adre u on ! ici nos vifs remer­ciements.

5. Pn:k1t! :\ftLL!. La plante qui fait le! yeux émerveillés et celle qui révd e .J'a;·enir. L"Œuvr,·, Pari!, t8novembrel.92.6.

füJLL. Sc. P11AH,!. (Juin 192.7).

Page 2: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

E:M. PEHROT el RA. YMO:\D-H,Ull:;'f

Certes, au cours des quatre dernières années, quelques éludes scien­tifiques onl été -:onsacrées au Yagé, mais elles sont disséminées et assez difficilement accessibles, contradictoires sur certains points, muettes sur beaucoup d'autres.

Réunir en un mémoire critique l'ensemble de ce qui a éli\ écrit sur le Yagé, 1'Ay11huasra et le C:aapi, déterminer l'origine botanique de ces plantes, en décrire les caraclères pharmacognosiques, enfin interroger les données pharmacodynamiques pour Sa\•oir si ces plantes méritent ou non l'attention des thérapeutes, Lels furent les buts 1--1ue nous nous sommes proposés.

li semble que ce soit Vn.L.1.VICENCIO (') qui ait fait connaître le premier les curieuses propriétés de l'Ayahuasca. D'aprés cet auteur, les popula­lions (( Zaparo >) et « Tukano "• qui habitent l'Equaleur au i voisinage des Rio Curaray el" Rio Napo (afOuents de gauche du cours supérieur de l'Amazone), connaissent et utilisent les propriétés slupéfiantes que possède la décoction de celte "liane». V1LUVICENCI0 a expérimenté sur lui-méme celle préparation et II éprouvé sous son influence des vertiges, des rêves Lanlôl agréables (>o,yage aérien au cours duquel il apercevait de magnifiques paysages), tantôt pénibles j(lutte ,conlre ,des animaux féroces qui raliaquaient dans une forêt où il était abandonné ), enfin au réveil une intense céphalée.

En 1867, M>.RT1t:s (') note que les peuplades vivant dans la région du fleuve Llaupés (alfluenl de droile du Rio Xegro, frontière nord·ouest du Brésil) désignenl sous le nom de Caapi un arbmle, le Banisteria Caapi Spruce, dont ils utilisent les fruil.s pour :Ja préparatioi:i. [d'un _breuvage amer qu'ils absorbent dans l'intervalle de leurs danses.

Sous ce nom de llamst eria Caapi, le voyageur anglais Srnr:GE a en effet dislribué à plusieurs herbiers de:, échanlillons fleuris d 'une liane appartenant à la famille des Malpighiacées; ces échantillom:, 'récoltés en 1853 à la frontière nord-ouesl ;du Brésil dans la région du Rio Uaupii\s, por tent le n° 2712 de ses exsfrcata et ne sont accompagnés d'aucune description.

C'est Gms.E:HAcu l' ) qui, ayanl à sa di~posilion ;un des échantillons d'herbi er di~lribués par St'ni.'.C~, décrivit pour la première fois le fla11is­teria C1wpi.

l. )1. V11.iA',.Jt E~t10. Geografia de la Rêpublic a del Ecuador, :,;ew-York, l.8~8, p . 31l et ~ui v.

'j. C. V. P. v. MMmu~. Beitriige zur Ethn{/graphie ur.d Sprachenkm1de Aruerika's .rumal Bra8iliens, Lcipiig, 1861, 2, p. ~88.

3. A. If. R. G fttS!!.HllCII. Malpiihiac eae , in C. F. P. v. ~i.~11Tn;S. Flora b1~silie1JSis, Leipzig, t8~8, 12, I' ' partir, p. 42-13,

Page 3: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YAG&, A.'lAIIUA:SC-', CAA.f'I KT L! UR ALCALO(OR: TÉL61'ATHl i'l! OU 'lAG61NK 339

De celle descri ption , il n'est besoin de .reprod uire ici que ce qui con ­cern e les organes végétatifs :

Rameaux subcylindriques, étalés , slrié~, d'un brun foncé, les plus jeunes pubérnlent.s. Enlre-nœuds longs de 2.i à !îai. ctm. Nœuds annulaires, disparais­sant bîenlôL Ecorce marquée seulement de lenticelles menues. Feu ill es OYéea ou o,·ées-hmoéolees, les caulinaires longues de 8 ctm. 10 à 13 ctm. 50 et larges de ai-ctm . à 6 ctm. 75, celles des branches et de la panicule devenant brusquement plus petites et plus étroites, Jongues de 5 ctm. ,tO à i clm. 3!i et larges de O ctm. {i7 à l ctm. 80, toutes coriaces-papyracées, ayant la même couleur sur les deux faces, colorées en un brun luisant sur le sec, les plus jeunes panemées de poils dispersés appliqués sur les deus: faces, bient<lt tout à fait glabres, repliées sur elles-mêmes de façon arrondie à la base, prolongées en un acumen cnspid<!i à leur sommet, el à nen-ures arqué es. Nen ures prims ires au nombr~ de 4 à 6, faisant un peu saillie en dessous ; les autres nervures n&.i9sent de la nervure médiane et sont très nombn uses et 11lus ténues; nervures secondaires lâchement aréolén. Pétiole des feuilles caulinaires assez long, deO ctm. 9 .à t ctm. 3S de hauteur, canaliculé en dessus, glandulifère à la base même du limbe; pétiole des f~uilles des rameaux long de O ctm. 45 à O ctm. 67. Stipules menues, subulées, insérées à côté du pétiol~. disparaissant réellement.

Quelque s a nnées plu s lard Ûtt11)~ {') note, comme V!LLA\'I CENCLO, que les Zaparos emploien t l'Ayahua sca comme narcotiqu e.

En 1883, CnEvAux (') rapport e qu e chez les Correguajes qui vivent dans Je sud de la Colombie au voisinage du Yapura, aflluent de gauche de l'Amazone, on emploie avant df! soigner les malad es une liqueur enivr ante provena nt de la macérati on de l'écorce du YRhe.

CREVAUX ( ' ) signal<:! en outr e que, 'chez les populati ons Guahib os qui habit ent l'est de la Colombie au \'Oisinage du Rio Gua,·inre, affluent de ga uche de l'Orinoco, les sorciers mâchen t, avant de so igner les malades, la " racine jau ne 1> du Ca.api, 11 liane à feuilles :simples, opposées, ovales, lan céolées, sans s tipules» qu' il n'a pa s pu voir en fleurs et qui possède des pr opr iétés enivrantes .

En t.89.-i, TYLER(•) complèle les indi cations déjà données par V1L1j.VJ­CE:iCto et ÜR TON s ur l'Ayahua sca. D'après ce voyageur , les so rciers Zaparos emp loient la décoction de cett e liane pour pr évoir r a,·enir . Ils ont <les vis ions magnifiques, pui s sont plongés dans un délir e furieux qui est suivi d'une prostration profonde. L'Ayahua sca aura it en outre une acti on aphrodisiaque pendaot la première ph ase de l'intox ication.

l. J. 011-roll. The Ande, an.J. the Amuon, on aeross tbe continent or South Am&-rics, New-\'ork, 1810, p .• tll.

2. J . C11Ru cx . \'oyages dans l'Amérique du Sud, Pari s, !883, p. 362. J . J. C~M ..... \ UX. Loc. cil ., p. 536 et p. ~50. 1. Cu. Tr u~. Tbci Rlter Napo. Jou,·n. fQf . gcggrsµh . Soc., Juin l89,i.

Page 4: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

340 EM . PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET

En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi du Yahé par les populations vivant au sud de la Colombie, entre le Caqueta et le Putumayo. Ces populations emploient le Yahé, qu'ils appellent Yajé ou Yagé, pour prédire l'avenir; cette plante leur donne des ·\'isions paradisiaque~, bientôt suivies d'un délire furieux. Parfois, ils 11lilisenl le Yagé comme purgatif, mais alors, pour en diminue:- la loJticité, ils lui adjoignent d'autres plantes encore inconnues.

L'année suivante, ZERDA BAYo~ (') de retour d'une mission scienti­fique dans le Caqueta a adressé à son Gouvernement un rapport sur le Yagé.

D'après lui, le Yagé, dont les indigènes« connaissent jusqu'à quatre espèces ll, croit en abondance dans les forêls du Caqueta; il est de plus cultivé par les populations de cette région.

Les indigènes qui emploient une infusion de" cette liane » « voient tout de co11le11r hleue >) puis sont alleints d'un délire furieux au cours duquel se croyanl " un tigre, un tapir, un serpent, selon que tel ou lel de ces animaux leur a fait la plus forte impression ", ils s'enfoncent ~ dans les forêts pour y imiter les hurlements des bêtes fauves et y metlre en pièces tout ce qu'ils rencontrent sur leur route ».

En ontre, ils ont des visions de villes, de maisons, de tours, de gens de race blanche par milliers "· ·

Les blancs, chez lesquels l'emploi du Yagé est devenu un vice, r~s· sentent les mêmes effets que les indigènes.

ZERDA BA YON, ayant absorbe deux cuillerées d'extrait de l'agé, obser va sur lui-même les phénomènes suivants: agitation et insomnie., exalta­lion des facultés int ellectuelles, alacrité musculaire, augmentation de la diurè se ainsi que de l'amplitude des mouvements respiratoires, aceé-lération du pouls. ·

Le tort de ZERDA BAYO~ fut d'ajouler à ces fails exacls une M.qt·nr/1: dont lui-même, d'ailleurs, n'osa pas, dans une leltre an professeur Crr. RicHET(':1, affirmer l'exactilude scienlifique: un colonel colombien ayant absorbé une préparation de Yagé aurait eu la visiün de son pè_re morl et de sa sœur gra,·ement malade , el aurait appris, un mois aprè~, que les événements qu'il avait vns en rêve s'étaient réellement produil:,. à une distance qui ne pouvait être parcourue en moins de quinze jours.

Croyant, ou voulanl croire à l'intérêt scientifique considérable du Yagé, ZERDA B AYON tenta d'en isoler le principe actif. Pour cela, il traita la décoction de la vlanle soit par une solution de carbonate de soud8-

t. J. ROCH.\. Memorandum de Viaje. El .1/ercuriD, Hl05, p. 43 et suiv. 2. R. ZERD.\ IlnoN. f,()C. ÛI.

3. D':iprès A. Rot:IIIIH, Le Y11.gé, plant e télépathique. Paris m édical, H2 , , n• 15, p. llt.

Page 5: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YIGt, A'IAllC.,sG .\ , C.I.AP] lff !.Y.UR. ALC.>.J.OillE : TP.Lk ~TJIINB ou Y.\Gll1:o: Hl

ou de ph.osphat es alcalin s, soil par des cendres . La solution ·de ce pr é­cip ité dan s de l'eau acidulée par de l'acide oxalique rut llllr ée à divers es repri ses sur du cha,·bon animal mais i, sans arr iver à obten ir de cristal­lisation s ».

Deux années plus lard, WALLACE(') publie des notes pri ses J>J.r SPRUCE

lors de ses voyages . L'explorateur anglais rapporte qu'il a récollé le Banisterin Cn11pi dans trois régions différentes:

J• En J8il3, à la frontière nord -ouest du Brésil dans la région de::. Hios Uaupés et !sana , affluents de droite dn Rio Negro, ou les indigènes le nomment Caapi et l'absorbe nt sous forme d'in fusion;

2" En 1854, dans l'ouest du Venezuela sur les â.flluents de l'Orinoco au-dessus du Meta; les indigènes, qui le nomment là encore Ca11pi, l'emploient aussi en infu sion, mais, en outre, ils mâch ent directemen t la plante ;

3° En J&.7, an pied oriental di>s Andes de l'Equateur , dans lo. région des Rio Napo et Pas laza. Lt!s Z:1paros, qui habitent ces rég ions, désignent le n,nist eJ'ia Canpi, non plus sous le nom de Caapi, .mais sous celui d'A ,rn H11nsc11.

S PRUCE a pu constat er qne dans ces troi s régions, le Banisteria Canpi présente les mémes caractèr es. Mais ignorant que GRISEB ACR avait déjà décrit cette espèce, il en a donné une nouvelle description dont nous extrayons Cl:! qui suit :

« Plante ligneuse Tolubile. Ti!l;e de !a grosseur du pouce, renflêe aux nœuds. }'euit!es oppogées, longues de t6 ctro. 5 et larges de 8 ctm. 38, ovées-acu­miné~s, apiculées-aignës, minces, lisses en dessus, parsemées en dessous de poils appliqués. Péliole long de 2 ctm. 25. »

Les difTérenles tribu s, qui utilisent les propriétés du Danisteria Cnnpi, l'emploient seul, à l'exception, toutefois, dl:!~ peuplade s du Rio Uaupés, qui ajouhrnt à la macération de cette Malpighiacée um, petite por tion de rac ines de Cnnpi-piuimn. Celle plante, dont SrRU CE n'a pu voir que dej eu"nes pousses, a des ft:nilles colorées en vert bri llant et parcouru es par des nervu res d'un rouge sa ng. SPRUCE pense que le C11api· pinima est peut-élre idm1tique à l'HœmadiclJ'Oll amazonicum, Apocynacée qu 'il a récoltée sur le llio Trombetas. Le Caapi-pinima es t prob ablement toxique, mais ce o·est pas à lui que les préparation s de JJauislel'i a Cnnpi doivent leur action, puisque, à l' exception des Uaupés, toutes les peu­plades qui absorbent la macération de Ct!tle Malpighiacée n'y ajoutent aucun e autre piaule.

buoi qu'il en soit, che1. tou tes les peuplades qui font usage du Ba11iste1·ù1 C1111pi, cette plant e provoque, deux minute s à peine après son

1. R. SrNva . Notu of a botaDi.î l 011 th e Aw uo o al!d Au d~s. ed. et eood. by A. R. W.U. LACt , Londres, 1908, tt . p. i\-l -125.

Page 6: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

'" mt. PERHOT et RAl ' MOND,.H.\..E'I .

absorptioo,· les phénomènes toxiques que ,·oici : pàleur, tremblements de tous les membres, sueur, dêlire furieux dans lequel l'•ndigène saisi t ses armes et en frappe la sol en criant qu'il frappera de rnérue ses ennemis, puis dix minutes après celle violenle excitatioo, l'homrue se calme el parait épu isé.

Les blan cs, qui ont absorbé du Caa.pi, ont éprouv é des alteruatives de froid et" de chaud, de peur et d'audace, mais sur loul des ll-oubles de la vue avec des hallucinations qui réunissai ent d'nbord lou t ce qu'ils avaient eolendu ou lu de magnifique, mais devenai ent ensuit e horribles. Un Bré silien , ami de SPRLCE, qui avait pris du Ca.api, a vu tout d'abord détï1er devant ses yeux toutes les merveilles des .1fille el Une nuit:;, mais , finalement, il a eu des hallucinations épouvanlab les . Quant à SPRUCF. , qui a a bsorbé lui aussi du Caapi, il n'a pn se faire une idée des propri élés de ce breuvagr, car ayant pris en même temrs différt:Jnles substances offert e'- pctr un chef indien, il a bientOI voroi.

Celle mêroe a nnP.e 1008. Kor.H GRUNUi.:110 (' ) s ignale que Je,; Hit1.na­kota-Umaoa doo11enl le nom de Yal1é au Bnnisterfo Cn11µ1.

L' ann ée suivante, Kocn G11t:NuF.RI': (' } rapporle que les popu lations vivao l à la fronti ère nord -ouest du Brésil enlr e le Kio Napo et la Yapira, arfluent de gauch e de l'Amazone, absorb ent le Caapi, dont ils distinguent deu x sor tes ; le Kaxpi et le Kulik1.xpiro. La macérat ion de Caapi leur donne une ivresse euphoriqu e pend ant lai1uelle ils voient de nombreu ses personnes surtout du sexe féminin. Au réveil , ils onl de la céph ulée. K0<.:11 G1rnN1ŒRG a absorbé du Caapi el a eu la ,·ision de .. lueurs de couleur vive ainsi que de fleurs rouges ». Son compagnon SCHMID T, qui a,0ail pris du Caapi, a eu un son ge mag nifique.

En 1915, Wou-FEN(') fait observer que si, chez les peuplades du sud du Yapur a, le Caapi n'est connu que des guérisse urs qui l'utili senl pour le dia.gnostic de s maladies, ou nord de ce Oe,ave il e1>t employé p(l.r beauco up d'in digènes qui co·unais se nl son act ioo enîn an te el aphrodi· siaque et qui la désignent soit sous le nom de Coapi, soit sous celui d'Ay ahuasca.

EoJio R ElNBURGl•), qui a séjourné en 19HI au nord de l'Jiq ualeur dans la région s itu ée enlre les Rios Napo et Curary, rég ion h9bil ée par des Zap.aros, a vu préparer le bre uvage que ces peu pla.des emploient pour se donner des songes qui leur révèlent l' aven ir, el que leurs sorciers utilis ent pour diagnostiq uer les maladies . Ce breu vage es t « un e infu­s ion de frag ment s d'Ayahuasca, au xque ls on ajoute quelques feuilles de y;igé " ·

t . T. KOCH Gnm1:~1n(I. Die Hi~nakoto -Uni,1na. A,n th ropo11. 1908, 3. ! . T. Kocn Gn11:.-1ic;n,:;. Zwei hhre uriler den lndi11.neru. llerlin , t909 , p . 2?0 el suiY. 3. T11. w.,,,rr,~. The Xorth West An,~i1}n i!, Londre s, t 91à, p. ll!l . 4. P. n, 1sncnG. r.,,c. cil .

Page 7: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YAGt, .~Y.\HU.tSC.\, CHp'J ET !.ltolt ALCALOÏDK , Tt.LtrATHI/Œ OU T.1.Gl:INE li 3

RECNl:IURG, qui a expér imenté sur lui ce tte mixtura, en a relaté les effets. A.près absorption d'une La~se d~ ce breuvag ~. il a resse oti: tor­peur, sensa tioo de paraly sie, sura~citatioo intell ect uelle a,·i,c lucidit.é d' esprit par rai le, excitation du sens visuel avec vision<. lumi neuses , otalgie, hyp ercrioie salivaire, dysphagi e pcm accentuée, léger lrisrnus.

Après absorption de quelques gorgées d'une secoudfl lasse du breu­vage, REINBUR G a nolé :

Difficulté, pois imp1ssibilité de la station debout, sens!l.tion de disparition dei membres inrërieurs, mouvemeots désordonnés pour saisir un objet, surei:cit11.tion intellectuelle considét•able, mydriase avec abo!ilion Ju rélle1e pupillaire, abolilio :1 du réllexe pharyng~, dysphagie avec sécheresse de la bouclie, trismus très accentué, élocution difficile et ~accadée, céphalée întenSfJ, ralentissement puis disparition complète du pouls, cbute d" la pres­sion artéri elle, pâleur , sensation de froid . ..\près abs, rption de thé, de tann in, d'ipéca el de car~ine, Il signale : vomis!emenls, réappirltioO du pouls d'abord flliforme et io!ermitt eut, puis mieu:i: frappé m ais dicrote, respira­tioo. de G11n:1t -Sron:s, ir:llelligence intacte, pnl ~ arnélloratioo des tr onb!es cirouiatoires, pouls de nouveau régulier, fourmi tlemenfs, ré chaufrtm enl d ~ extémilés, mai~ persistance <le la céph'llée el du trismu !. Après un !oog sommeil, i l éprauve encore : fdtigLie générJ.le, céphalée, dysphagie qui ot:: disparaîsseol complètement que quatre jours après !'intoxicatiou.

REINBURG, qui a vu dans la forêt l'Ayahuasca, d it qa e c'es t une liane de la gro ss~ur du pouce . Qmi.nt au Ya:,çé, qu'il n'a pas vu en rieurs ," c'esl un petit arbusle , de 1. in. BO Je h:rnl, à feuilles pétinlëe;i (pétio le de l5 mm. ), entières, ovales, longues de 20 ctm., large s de 7 ctm. , rég u­lièr<lS et termin ées par une pointe de 2 ctm. ». Alors qt1e l'Ayahuasca. se tt"Ouve le plus souvent dan s la for~L. le Yagé est cultivé auprè s des cases.

R EINRURG, dont les OChantillons onl été perdus, pense qu e l'Ayahua,;ca doit bien être , comm e l'a dit SrRucE, le D1111fateri a C11Qpi. Quan t nu Yagé, donl il a pu rapport er qu elque~ feuill es, i!'Jé clare qu' elles resse mbl ent beaucoup à ce lle; de !'H f1Jm1uliet)'o11 Rmozonicum, mais qu' elles ne sont pascep endaol identiqu es à celles .ci. li en déJ.nitque ~ le Yagé n'est pas l'Hiem11rlictr o11 omu o11ir.11m ~. ruais que " la plan te donl il se rapproche le plu s par l'appa rence des ner vures des feuill es es l le genre llœmildic­tyon., san s toul efo is pouvoi"r affirm er qu e cette pl ante apparti enn e ll ce genre" ·

Le travail de R E1r-B1!RG clôt la série de5 rapports des explorale t1ts, el 192.3 marque led ébul d~ l'ère des travaux scientilique5 cou sacrés au Yagé.

Ces travau x débutent par une disserlalioo inaugu rale de C.\RneN,s (' ). Au point de vue botanique, ~el auteur se borne à dire qu e le Yagé esl

t. G. F. Cwot !'~s. Estudio sobre el princi~io &ctivo d~I Y~ l. Tb0$<! {)<' MU., Bogota, Hl23.

Page 8: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

"' EII . PERROT et llA ' 'MOND -IIA.llET

~ un~ lian e, une planle gri mpante dont la classitication botanique n'a p:i.s encore Hé fixée ... li semble que ce soit une Arisloloche en raison de cer t.aios délails de sa slru cture anatomiq ue et histologique: la coupe transversale montre des faisceaux ligneux disposés en couronne ~.

CA.noErus a, le premier, isolé l'alcaloïde du Yagé à l'é tal crista llisé. La plante, inlr oduile dans un digesteur de PAYl:èN à l'état de copeaux menus, est extraile par la benzine en pré:.en~e d'ammoniaque. 1.,a solution benzé­nique e;;t traitée à son tour par l'acide sulfurique dilué. Cette solution acide est. alcalinisée par l'ammoniaqut et extraite par la benz:ine. Cette solution da ns. la benzine est traitée de nouveau par r acide sulfurique dilué, pnis la solution acide ainsi oblenue est sursalurêe exaclement par le bicarbonale de soude. On êvapore à sec el on reprend le résidu par l'alcool à 95~. La solution alcoolique êvaporée laisse un rësidu gom­meux jaunâtre qui, le lendemain , est devenu cristallin. Au microscope, ces cristaux sont de beaux pri:;mes groupés en étoile.

Pour obtenir un meilleur rendement, CAnoENAS a remplacé dan s son procédé d' exlraclion la ben1.ine par l'alcool amyliq ue, mais, afin d'éviter un produit très coloré, il a eu soin de traiter par le noir animal la solu­tion sulfuriq ue, avant de la neut ra liser par le carbonate de soude.

A l'alcalold e ainsi obtenu, il a voulu conserver le nom de té Jép ,1tliiiie , par respect pour la mémoire de ZtrnDA fü .. rn~, <i qui ,n':li! suppasd qr1e cet ulcaloïd1J existait ~-

CAIIDENAS n'a pas fixé la. formule de la télépathin e el n'en a point donné les constanles, li i;'est borné à eu indiquer deux réaction s colorées:

i.0 Si on ajoute un cristal de bichromate de potassi um à J.t solution de l'alc aloïd e dans l'acide sulfurique concentré, on obtient une auréole d'un bleu som bre, qui passe au noir puis bient ôt au jaune ;

'.::!.• I.e réaclif de MANOELlN donne les mêmes colora tions, mo.is plus vivacei. et moins fugaces.

Chez la gren ouille, le sulfate de Lélépalh ine à la dose de 3 cenligr. prornque de la par alysie des pall es postéri eures, puis an térieul'{!s, en mt:me temps qu'une grande diminution des réfle~es. Une dose de Ogr . 07 détermine de la paralysi e, avec abolition des réflexes , sl upeur, puis mort de l'anim al.

Chez Ill rat blanc , 0 gr. iO en inj ection sous .cutanée produi sent: tr em­blement, para lysie des pall es postéri eures, pûi s an térie ures , chut e sur le flanc, pi'r îodes de convul sion s avec cr ises int er rompues de temps à autre par des pêriodes de repl)s profond. Quand l'animal veut se redresser , il exêc ule une sêrie de mouvements en rond aulour de son a"e vertica l.

Chez un lapin de i Kn, l'injection sous-cutanée de O gr . tO enlralne: période d"excilati on pendant laquelle l'animal court et saute, tremble­ment , paral ysie des patte s postérieures, puis antérieure s , périodes de sommeil ent recoupées de brusques secous:,es , fréquence respiratoire

Page 9: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

l"AGS, AY.\11\JASGl, C.\API llT LISUR .1.LCALllÏ!l\l,: l' ELt l'ATHUU OU \'.\ GÈrnl: 3i 5

accrue mai s réRex<'S diminué s. En une heur e et demie, ces phénomènes disparai ssent comme suit : d'ttbord la paraly sie, puis le tremblement, enfin la torpeur .

Chez un chien de W h'.0\ un e injection sous- cuh:1.oée de O gr. 30 a causé: tremblement , sommeil, incoordination motrice , accélération du pouls. Ces phénomènes toxiques ont di~paru en une heure.

CARDENAS a également ex périment~ le Yagé chez l'homme. L'une de ses observations est relative à l'action des doses élevées.

Quinze minules après a\'OÎr absorbé tO gr. de solution aqueuse de cette plante, CARDE/US a constaté sur lui-même les phénomènes -suivants : hémianopsie , vision de taches bleues, bourdonnement d'oreille s, sensa­tion de constri clion de la partie du crâne recouverte par le cuir chevelu, engourdissemen t des membres inférieurs, ralentissement du pouls , angoisse précordiale rendant la respirati on dirflcile, sécheresse de la langu e, chaleur à répiga stre, colique s intestinales , sensation de froid depuis la nuque j usqu'au x fesses , seosibilit é intacte, mar che hés itant e. L'a uteur, uyant provoqué l'é\·acuation prématurée du toxique, a ioter­rompu la suite dt! ces phéoom ènes, mais il a souffert ju squ' au jour sui­vant d'un e céphaMe fronlal<'l.

Les autr es observation s relatent l' effet des doses raibles de Yagé (XXV à LX gouttes de solution aqueuse de Yagé). Quinze à vingt minutes aprè s l'absorption , les patients éprom'ent tous une euplmrie très nette s'accompagnant d'augmentation de la mémoire el des facultés intellectuelle s ainsi que d'une alacrité musculaire si gr ande que , dans un cas, le palienl âgé de quarante-deux ans s'est cru rajeuni et que , dans un autre, le snjel déclara qu'il avait l'impression « de marcher dans l'air, ses membres s'a ppuyant à peine sur le sol».

CARDE~As conclut que l'ivrt'sse du Y11gé ressemble beaucoup à celle du hachi ch, mais, alors que cette derni ère peuple les asiles d'a liéoés , on n' a ja m,d.; signalé de troubles mentaux parmi le!:! indi gfmes du Caqueta et du Putumt1.yo qui fonl cependant un usage conti nu et som'ent immo­déré de celte drogu e.

L'an née suiv a11te, Rot.'lllEK (') donne une photograp hie d'un fragm ent de tige de Y;igé qni. d 'après lu i comme d'apr ès CARDENAS, Sv.rait pro­bablement une Aristolochiacée. Il rés ume en outr e les tra n mx de ZERnA BH ON et de CARDENAS.

En 192.a, sans faire la moindr e allusion au travail ant érieur et pour­tant si intér essant de CARDENAS, BARKIGA VILLALllA (") reprend à 500

tour l'étude dn Yagé. Sur les caract ères botaniques de cette plante, il est aussi discret que

t. A, RounrH~. 1., Yagé, la.:. cil., p. 3U-3 46. 2. A. M. B.1oM11(t\ \ ' u. ,.At 11., . Un nuevo alealoide. !Jolelim Sae!ed11d e,1/ombi11n11 de

Cte11ciu nal!lr11/e~. t 9:?;;, p. 31-SO.

Page 10: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

"' E • • PIERROT et DA UIO:O.D-HUIET

ses devanciers. Le Yagé, dit-il, « a l'aspect d'uo arbuste peu feuillu qui teod à s'enrouler autour des troncs voisins. Sa hauteur maximum ne dépasse pas 3 à 4 m. Le diamètre maximum du t1·onc est de 5 clm . Les feuilles sont opposées et de couleur vert olive )>.

Au point de vue chimique, il a trouvé dans "Je Yagé: t 0 un ac ide dont le sel calcique est bien cristallisé; i 0 une matière colorante dichroïque qui , par oxydatio n à l'air, Jevient roug e écarlate ;3° une matière grasse en petite quantité; 4° une résine . Mais il a surtout isolé du Yagé deux alcaloïdes crislnllisés : l'u n , la ,vagèine, dont la plante sèche conlienl t,50 °/. , l'aut re, la yagéni11,i, qui n'ex isle dans la plan le qu'en trè;; faible quanlil é: O,Oi5 "/0 •

VTLLALBA a employé la méthod e d'extraclion !'uivant e: dans t.000 cm' d'eau additionnés de 4 cm' d·acide chlorh~'drique, on fait bouillir pen­dant une demi-heure 100 gr. de Yagé pul vérisé, puis on filtre. On renouve lle deux fois encore cette opéralion, mais en diminuant chaque fois la proportion d'acide. On réunit les trois solutions acides, on les filtre et on ajou te au filtrat un épais lait de ch11ux. On laisse déposer l'abondant pr Qcipité qui se forme alors , on décante le liquide clair et on filtre le reliquat. Le préc ipité rer,ueilli est séché au-dessous de 70°, pul­vérisé, trait é pendant dix minutes par 200 cm' d"alcool à 90' bouil­lant. On filtre , puis on répèUl celle extractio n par l'alcool. Aux -100 cm' d'alcool chaud ainsi obte nu, on ajoute 800 cm' d·eau bouilldnte. Après repos de vingt-quatre heure s, on recueill e par filtration de magnifique3 aiguilles qui se sont déposées et on les de~sèche à basse température.

Pour obtenir des cristaux blancs, on les fait bouillir dans l'alcool avec du noir animal, on filtre, puis on renouvelle l'opération. Enfin à l'alcool n'étant pas encore refroidi, on ajoute deux fois son ,·olume d"eau chau de.

Pour obtenir la yagénine, on évapore à sec les eaux mères de la pre­mière cristallisatio n , on extrait le. résidu par le chloroforme, on décolore par le noir, on fillre, et on évapore.

La yagéine, qui aur<1,it pour formule C" JI' ~· 0, fond à '!06° (sous la pression atmosphérique de Bogota) ; elle est très solub le dans l'alcool absolu, soluble dans le chloroforme et l'éther, tr ès peu solubl e dans la benzine, l'éther de pétN.lle et l'acétatP, "d'éthy le. Sa s-olution alcooliqne est, comme la solution de ses sels, inactive sur la lumièr e polarisée .

VtLLALBA a indiq ué les réact ions que donne son alcaloïde avec trois réactifs pricipitan 1s (chlorur e d'or, réacLif de B0u cu111rn11T (iodure de pola.ssium iodé), réactif de ScuEtBLER (rho~photungstate de soude en solution acide) et dem: réactirs colorants (Heactif de FRoEtlOE et réactif d'BRDh NNJ, mais en ce qui concerne cesdernier3, il ~' à tort, traité par eux non point l'a lcaloïde ou ses sels, mais la solut ion alcoolique de celui-là et la solution aqueuse de ceux-ci. Rema rquons cependan t que la solu­lion aqueuse de sel de )"agéine donne avec le réactif d'8ROMANN une

Page 11: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

IPf.CA STRlf. ll l l'igu a « M.i.NIHTI.\ IGNIU. • SCHUM. 341

remarqu able « coloration verte, puis émera ude, devenant rouge apr ès vingt-quatr e heures ».

Au point de \'ue phar macologique, Vu.tALB A a fixé la dose léth ale minimum à 20 centigr. de sulfate de yagéine par kilo de cob.1ye.

Chez le cobaye et chez le chien, les symptômes de l'intoxication sont les suivants : excitat ion, tr emblements, parésie des patles, chute de l'an imal sur le côlê avec mouvements rapid e!! des palles, hypotherm ie, hypercri nie salivaire el lacrymale, mictions et défécations fréquentes, anesthésie généra le et profonde.

VILULB.\, enfin, s'est fortjustem eut élevé contre les légendes accré­ditées par les blancs relativement au Yagé. « Ils t'acontent, déclare-l--il, qu'elle provoque la divination, notamment celle des choses perdues, la vision de l'avenir , la vision à distance et exlra-r élin ieone el nombre d'autres effets qui son t loin de la véritê . Nous pouvons affirmer le con­trair e, d'apl'ès les expérience:i; que nous avons faites avec les sels de l'alcaloîd e. "

Enfin VtL L.\L llA conclut que la yagéine est un anes thl?sique général, n'aya nt aucun e action sut' les fonction s organiques eS;sentielles.

(A suil're.)

EM. PERROT. RAYMOND-11.,~ET,

Faux Ipéca et origine botaniqu e [de l'ipéca strié mineur <( Manettia ignita >) Schum.

li n'existe pas, dans la pharmacopée, ùe produits plus fraudés que les racines d'ipéca . !',ombreuses sont les plante s identi{ièes, ayant servi à des subst itution s ou à des falsif\calions.

Dans la présente note, nous exposons le ré , ullat des études entre­prises sur deux nouvelles espèces intro dui les sous le nom dB racin e d' ipéca.

La pr emière, provenant de plusieurs sources, est une racine ren­Cùntr éa depui s plusieurs mois sur les marc b.és, notamm ent au Havre.

La seconde est un échantillon adr essé par la maison V 1L1i10Rt N au pro­fesseur PERROT_. Celui-ci, pour lutt er contre la rareté de l'ipéca , désirant eGvoyer dans nos colonies des typo>s des tinês à él re pro pagés, s'adressa à la maison V 1uioR 1N. Celle-ci, répondan t aimablement à sa demande , adressa des souches provena nt du Brésil.

Cette plante culli\ ·ée da ns les St?rres de la Faculté de Pharmacie, sous les soins éclairés du jard inier-chef M. EDGARD Duv1r.u, pruduisit bien une Rubiacée, mais n'apparte nant pas au genre Uragoga.

Nous expoions, ci-ap rès, les reehercl1es faites sur ces deux plante s.

Page 12: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YAG8, AYAIIUASC\, CAAl'L liT LEUR ,üC.U Ui Di: TBL8t•ATIIINE OU \'.\Gt.ti~!l ,11

Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou yagéine.

[.<;.,;1e(' )].

En 1925, ALBARRACIN (') consacre à l'élude du Yagé un important MCmoire que .nous avons dû traduire intégralement et dans lequel on Lrouve quelques obsenations nouvelles el intéressantes. Malheureu se· ment, à l'instigalion de V1LLALOA, ALBARRAc1s a alourdi ce tra\·ail, d' une part de la reproduction fidèle des observations déjà publiées par ce dernier, d'a utre part de la critique sévère et exagérément parliale des trav aux de Z~:RDA BAYON et de CARDEX.\S,

Cert es, comme ALBARRACIN, nous pensons que l'histoire de télépathie tkmt , si l'on en croit ZERDA BHON, le colonel [email protected] dô. au Yagé d'être le héros, apparait II priori comme « une Lrès grande fable qui a pris corps par la ,·olonlé et la fantaisie de cel explorate'ur "· Comme ALBAHRACIN aussi, nous croyons que " peu avisé,; onl été ceux qui ont cc·u que l'expédition de BA YON avait tiré de la forêt colombienn e le pro­dige d'une plante magique dont l'extraordinaire pouvoir allait étonner el déconcerter les savants "· Et cert es, il fallait toute la naïv eté de l'occulli~le W,rncouIEn (') pou r ajouter foi à de telles sorne ttes, aux quelles, nous l'avons dit plus haut, son auteur lui.m ême a dénié toute ,·aleur scientifique.

Remarquons toutefois que c'est à tort qu 'ALBAHiiACl:i affirme que le colonel MonALEs n'a:yant absorbé que XVI gouttes d'une préparation de Yagé considérée par Zi,;RDA BAYON comme le principe actif de ce lle drogue, ne pouvait avoir aucune hallucination puisqu'à celle dose une su\ ution concentrée de l'alcaloï ,Je est absolument sans action. En effet, 11 priol'i rien ne prouve que la décoction de la plante ait la même action que l'alcalo Ydc qu'on en extrait; a posl el'iol'i les observations déjà ro.p· portées de CAnw.us montrent qu'une dose de XX.V gouttes de solution <hJueuse de Yagé peul provoquer des so nges (CARDEN.~s, 4• obsen·ation, p. 28).

Comme ALHAHRACI:i nous considérons aussi que ZEiiDA 8.ll'oN s 'est grossiè rement abusé en admetlanl que les hallucinations provoquées par Je Yagé chez les indigènes correspondent à des faits réels. Que ces rndigènes, à la mentalité quasi animale, l'admettenl el le proclament, 1·im là d' é tonnant, mais que des civilisés lirmnent de telles assertions 1,our réelles e t cela saD'~ le moindre contrôle ., c'est pour nou s , comme puar ALBARRACIN, « inadmissible et inexplicable "· En réalit é l 'ho mme

1. \' oi r Bull. Sc. Plwrm., 34, p. 331, juin t926. 2. l.i:orotoo AL BAURM.:J:'I. Contribucion 111 est udi o de lo, alcaloides del Yagé.

Bogota, 11)2:i, 79 page, Üi·S 0 •

J. \\' .,R COLL!EI<, L11.Ulépathie. Pari1, 1923,chap. >.

, lkLL . Sc. PH<H;I. {Juil/d 1921). n

Page 13: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

"' HM . PE:RRO'.f c l RA.Y.lllOOl)..0.-t.lΠ'L'

civilisé auquel on admi nistre soit une décoction de Yagé, soit une solu­tion de l'akaloîd e qu'o n en exJrait, épr.ouve parfo is des liallucinatio ns , mai s toujours il les tient pour telles.

Par co ntre , nou s ne pouvons, comme A111ARRAcrN, dénier l'ex istence du délire furieux que, d'après ZERIIA Buo:., le Yagé provoqu e chez les indig ènes. Que le& blancs, soumi s, à l'action tant ùe fa décoction de Yagé que de l'alcaloYde qui s'y trouve , conservent leurs facultés in tel­leet\J.elles et. épro uvent non· point un délire furieux, mais une as thénie telle qu' il lenr faut rester couchés, cela semble incontestable. Mais il

'conv.ienl' de ne pas oublier que les indigènes ont recours à des doses de Yagé bien supérieures à · celles qu' on a employée s chez les blan cs, doses qu'il s peuve nt supporter non seulement par suite d'u ne longue accou­tuman ce, mais aussi en raison de 11infürioril é·de leur syst~me ner veux. Il faut égale ment tenir compte de ce que · l' intox icatio n ~lcoolique pro­voqu e chez certains être s une v~ritUllle « fur eur inconsciente " (' ), alors que che1, d'a~tres elle ne détermin e qu 1un affaiblissement musculaire tel, que le patient se ti ent debout difficilement el même " est abso ­lumen t rédui t à l'état de masse inerte » (' ) . Nom! COni-!idêron s qu ant à

nous , qu·on ne peut dénier au Yagé la possibilité de provoquer chez les indigènes un délire furieux , car un tel effet a été constaté non seule­ment par BAYo~, mais par Rnc11A". En outre, Tr-uRR et S1>nucl! ont eux aussi observ é que les indigènes sont plongés dans un étal de délire furieux quand ils abso rbent une décoct ion d'Ayahua.sca, plan te qui - nous le montrerons pllls foin - paraî t identi que à · celle qu'on désigne communém on~· sous le nom de Y·agé.

Enfln, contrairement .aussi-à · ALBARRACIN, nous pensons que ce n'est pas à tort que BAYON att ribue à la décoction de Yagé la propri été ùe provoquer chez l'homme des visions de coulP.ur bleuo. Si· ALBARRACCN n'a pa s noté ce phénomène chez les individu s au xquels- il admini stra du chlorhydrate de yagé ine; on ne peut oublier que CARDENAS a constaté sur lui -même ce phénomène aprè s ab sorption de iO gr. d'un e décoction de, Yagé . .Bn outre, Koan GRUNBERG sign ale,.lb.i aussi ;, que la décoction de Yagé a fait briller devant ses yeux d'illusoir es lueurs de couleur vive.

Si quelque!l-une s des cri tiqu es formul ecs par A1BARRAC1i'I à l'encontre de ZeRoA BArnN nou so nl1 paru ju stifiées, celles qu'il adresse à·CARDF.NAS ont pre sque toute s ?.té dictées par une regrett able partialité. Evidem­men t , on peul regrett er avec ALUAH!l,1cc.~ que CAttDF.NAS n'ait indiqué ni le mode de prép aration P,XŒCt" des solutions de Yagé qu'il a expér i­mentées chez l'homme, ni le titre de la solution de télépathine qu 'il a administr ée à deux de ses patients .

Mais en ce qui concerne la symptomatologie de l'intoxica tion yagéi-

L G. Poucn~r. Leçons de Pharmacod.vna,niu d de Matü1·e w&dic11le, 2, Paris,

l 901, p.210 -213.

Page 14: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

Y.\G8, AYAflUASC.I., GIUPl f!T LP.OR ALC.\LOÎDB: T8L~PATIHi'Œ OU YAGETNK ~19

nique chez l'homme, nous ne pensons pa s, comme ALHARRACIN, que CARDENAS l'ai t faussement décrile. L'action des fortes doses de Yagé (e t non d'alcaloïdes ) que CARDENAS a étudiée sur lui-même concorde avec les observa tions de plusieurs explorateurs . .Bien plus, At11ARRAClN a lui­même observé sur certains de ses patients plusieurs des symplômes que, d'après lui, CAROEll'Asaurait signalés par-erreur; en particulier la faiblesse des membre.; inférieurs i'tla céphalée (AtnARRACIN, observation IV).

Quant aux visions de couleur bleue que CARDENAS aurait observées sur lui-m ême et dont ALBARRACIN nie absolument l'exist ence , nous en avons déjà discu té à propos des crîliques formulées par ce dernier au suje t du travail de B,noN.

Les cr itiques d'ALDAHRACIN, r elativ eme nt aux observalion s que CAR­DENAS a faites dfl l'action sur l'h omme des faibles doses de Yagé, ne nou~ paraissent pas plus jU:<itifiées. Si CARDENAS a consla.té que ses patients s'endormaient alors que ceux d'AtDARRACIN restaient éveillés , c'est que le premier a fail ses expéri ences à l'heure d.n coucher, tandis que le second prenait ses observations pendant la journée. Quant à 1a colora­tion des urines à la suite de l'absorpti on du Yagé, ALBARRACIN l'a lui­même observée; il parle - il est vrai - de fluoresc ence violette alors que CARDENAS no te une coloration vert olive , mais on ne doil pas oublier qu'il a employé l'al cà.loîde alors que CARDENAS a utilisé la décoct ion de la plan le.

Quant aux doses que CARDE;,IAS a administrées à ses pati en ts, AtDAR­RACIII' est mal fondé à les trouver tr op faibles puisqu'il déclar e lui -même qu'il ignore le mode de préparation des solutions de Yagé employées parCARDRN,\ S,

Par co ntre, AtBARnAc1:,, adm et que CAnDENAS a décrit exactement les symptômes de l'intoxication par le Yagé chez les animaux . Mais il affirme qu'aux dosf!s employées par CARDENAS, l'alcaloïde du Yagé agit beau coup plus fortement que ne l'a dit ce dernier .

Chez la grenouille, CARDENAS aurait employé 7 centigr. pour pro­voq uer la mort de l'animal , tandis qu 'ALHARRACIN l'avait const atée après une dose de 1 centigr.; mai s , outre que ce dernier a empl oyé de três peti tes grenouillefl (poids; 4 à 8 gr.), on ne peut penser que CAR­DENAS ait voulu fixer le seuil de la toxicité d~ l'alcaloïde du Yagé; il s·e::!t en e ffet borné à noter qu'une dose de 3 cenligr. était très forte­ment toxique pour la grenouille, une dose de 7 centigr. mortelle. Ajou­tons encore qu'il a pe~t-être utili sé un alcaloïde moins purifi é que celui d'ALIIARl\ACIN.

Relativement aux expériences que CARDE~As a faites sur Je rat blanc et le lapin , ALB.\RHAc1N ne peut faire qu 'une critique, c'est qu'avec les doses injec tées les symptômes ont dô apparaitre plus rapidement que ne le dit c.~nDF:NAS. En outre, chez le chien, CARDENAS a parlé de som me il, alors qu'ALBAHllAClN note que l'anima l tombe sur le flanc e t est relati ve-

Page 15: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

'" EM. rERROl ' e1 R.\.'\')10~0-H,\.MET

ment calme pendao\ l'int ervalle deJ convulsions. Cu sont prob nblemeol ces pér iodes de calme que CAIIDENAS a considérées comme un \'éritaLle somme il, mais comme il n'a fait chez le chien qu 'un e seule e):périence, on ne peut lui reprocher sévèrement Ctllte emrn r 1.fobs ervalion .

ALflARRAt:I;( c ritique encore les caractères chimiqu es att r ibués par CAR11EflAS à son alcaloïde, ainsi que la méthod e d' ex lrac tion clwis ie pa r lui. Mais ses critiq ues sont encore presque toutes injuslifi ées. CARDE~AS dit bien qu e son alcaloïde .est actif sur la lumi ère polarisée, alors qu'AtBARR.\GU le con~idère comme inactir, mais le prnmi cr a pa rlé des t-ristaux , le secon d de la solution alcooliqu e de la hase el de La solutio o aqueuse de ses sel!:=.

CARDENAS note qu'au cours de l'extraction du Yagù, la solution rnlfu ­rique des a lca loid~ hruts a uae fluore:,cence vertu. Cela n 'a r ien à ,·oir avec la fluorescenco violette que prése nte, d' après AL8ARluç 1:,;, le solu ­lion de f alca loïdo e t de ses sels à r éto.t de pur e té .

Pour CARD~:NAS, l'alce loYde du Yo.gO cris talli se en cris taux pr isma­li<Jues groupl!s en éloife, alors qu e, pour ALl!..\R1ua .-., les cris t.i.ux seraien t des pr ismei- obliq ue.~ à bas e rhom bo1dale. U an l don né les 1>elites dim ensions des cristaux, ce sont des différence s d 'aut ant moins imporlantes que CARDENAS n'a pas obtenu ses crislau x par le même proctidé qu 0 AI.BARRACl~.

Qua nt aux rOactions colorées indiquées par C'-~RIH::'liAS, ce son t elles qui so nt exa ctes e t non celles d'ALBAB!lAClN, et c'esl absol umf!nt ù tor t que ce derni er co nsidère le;; réactions colorées indiqu ées par V1LLAf.BA com me seule s car actéristiques de son alcaloïde. En effet - - com me nous l'avons déj ll. dit - ces réactions ont. été obtenues à tort non avec l'alca loîde, mais avec sa solution. Quant à la réac tion de l'a lcalo ïde avoc l'ac ide sulru riqu e el \o bichrom ato, CAl!DE:'IAS indique: hlcu sombre pass.i.nt au noir el Ar.R.\RR.\CIN: violet foncé pr esq11e noir; on avouera que la dilî é rence o~t de colles qu'i l vaut mieux passer sous silonce . EnOn, la so lu•ion de l'alctllO\'de dans l'a cide su \furiq uo est Lie n ja une, comm e r a dit CA.RDENAS, et noll incolor e, com me lu prétend AL1Hn1u 1,;1N.

:\lais ce t1u'AL1URRACIN voud rai t surtout démo ntr er e l sur qu oi il rev ienl à plusie urs repris es (p. 2:2, et p. 74) , c'es t que le nom de h;J,.:pa­tlii.-:e donn é par CARDF.NAS à l' alcal oïde du Yag'é doil élr e rempla cé par celui de .n ,géitie que VrLLALBA a postéri euremenl a llri bué au même alcaloïde. Or , le pr incipe de la priorité veut qu'un alca loïde soit d ésigné sous le no~ que lui a allribué celui qui l'a isolé le premier . Peu impor le tp.le le nom de cet alcaloïde ne rappelle rien de la plan le dont on l' ex.tra it , comme c'es t le cas par exemple pour les alcaloïde s du Grenadi er que Tn R~r pere a Jadis dédiës à Pi:;Lu;Tu:R, et nu ~ i pour la morp hi ne .

,\pr ùi avoir réfu té la pr esq ue totalité do l'u,uv re crîLique d ',\LBAR­FAtl:.', il nous reste ù cx ,tminor los donn Css nouve lles qu'on lro uve da.ns son lrin-a il.

Page 16: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

Y.\Gt, i\U.HUASC.l, C,U PI l!T LEIJR A.LC.\LOIDE : TtLÉP!TIIINB OU "fAG&i!iE 1,21

Au poinl d e ,·ue botanique, ALIMIHIACIN ne donne , lui enco re, que bien peu de préci s ions sur le Yagé.

D'après lui, c'est un arbuste grimpant dont la tige ramifié e oe dépasse pas une haute ur ,le 2 m. el un diamètre de~ ctm. Les tiges présenlenl des Dl•do­silés de plus en plus espacées à mesure qu'on s'éloigne de la base de la plante, la disl.1oce entre Jeurs nodosités pouvant atteindre 40_ ('\ méme 50 c!m. " Les rami fications qui se détachent des 11œuds ... peuven t émett re des racines en un' poiut de leur trajet et donner ainsi nais sance A un noUl"el arbuste qni acquiert plus tarJ une existence propre » ... Les racînt""s, qui sont grosses, fasciculées tt rami!léeg, s'enfoncent peu dans le sol, mais s'étende nt en rampan t. l.es feuilles sont opposées et longuement péliol!\rs ; leur limbe oblong, mullinen ·e et lisse, est d'un vert sombre sur sa face supérieure, d'un "ferl plus clair sur sa face inféri eure . 1 .• e Yagé "manque de lieurs " ·

" l..a coupe tra nsveru.Je de la tige montr e une couronn e de îaisceaui ligneux ! " Enfin le \"agé ne serait pas cultivé par les ind igèoes, car il croitrait spontanément en q:i.aniilé suffisante.

Ati 1,oi11t ,lu rne chimi'{Ue, ALBARRACIN repr oduit le lravail de VJL­LALBA. li le compl è l<' cependaul eu signa lant qu e l'on obti enl les sels de yagéine en ajoulanl L'alcalolde à la solution diluée de l'acide corrcspon ­danljusqu 'à rèac lion neutre; on les purifie ensuite pur -recrislallis at ion . Ces sel s so nl color és en vert clair el solubles dans l'eau el l'alc ool; ils cristallisent bien dans ce dernier solvant. Leurs soluli ons concen trées sont vertes, leurs so lutions diluées ont une fluorescen ce violetl e . Ces solutions sont in act ives sur la lumière polarisée et onl une réac tion neutre et une saveur légère ment amère.

La yagé nin e qu 'o n peul obtenir en cristaux incolores e~t so lubl e dans l'eau, l'alcool el le chlorofo rm e. Elle s'oxyd e el se transforme en une subslaoce rose indél erminé e.

Au poiut. ile 1'U<.' pll,'11'/JMtodpiamiqae, ALBARRACI.'I r eprodu it d 'a bor d les obse r vations de V1LLALB.1..

En outre, il note que chez la. grwo11il! e une dose de 2 ruillîgr . chez un animal de i gr. , uue dose de lO millîgr. chez un animal de 8 gr., détermine nt la mort en vingt minutes après une périod e de para lysiP. pendan t laqu elle l'excitat ion électr ique du sciatiqu e fait contract er normalement le gastro­cnémien, contrairement à ce qu'on observe avec le curare. Cl,cz le oobay e, les symptômes de lï11to:1.ication qui apparaissent trois à quatre miuu tes après l'injectio n sout , hypothermie, tremblement, cris. L'animal chemine en tous sens , puis, incapable de se tenir sur ses paths, il lombe; ses quatre membres sont alors agités de convulsions interrompues de lemps à au tre par des périodes de repos. Sensibilité diminuée ou même abolie. Après deuJ. heures et demi e, l'anim al est de nOuveau normal. Si la Jose injectée est mortell e (au moins 20 mil!igr. par kilogramme), on note au contrair e de l'hypothermie. >. l'autopsie, on con;ital e de la congest ion du foie, des reins ot des poumons el un cœur arrMt! en ,liastole. Clicz Je chien, auquel on injecte

Page 17: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

EU.. PEii.BOi' eJ llA..UW'làM •.H4.lll t r

des dote s forte&de yagéine (260 1nilligr. de salfa.t.e p.our un chien de tJ K•• 100, J4!i milligr. pour un obien de r, R0 • 82~), les sym ptôme s toûques appal'a issenl aussilôt apr ès l'i njection, parfoi!I mt!me avant la fin de celle•Ci; trem ble ment, " courbur-e de la e-0lonnc vertébrale en arc à concal'ilé inféri eure "• langue cya11vsée, in coordination motrice; l'animal inc apab le de se leu ir 1;ur ,ses

pieds tombe s ur le côt.é et esl agité de convulsions ,iolenles séparées par des intenalle s pe ndant lesquels il n'y a ,pas repos complel , mais d.iminut iaD de l'inltensil é des con•ulsions. Ralentissement cardiaque ( 108 pulsati ons au lieu de i:!Oj. Respiratio n accélérée (80 an lieu de I:>-~ par w inute). Jl yper ther w.ie (:!~ et m ême 2.0 5). Pas d'~xagération des rétlei:es comme avec la strychni ne. Légère dilalatî :>11 des pupilles qui co.ntinuenl à réa gir à la lu miére. Poli.a· k.iurie. Anesthésie générale. A.u bout d'une heure , l!.'s phénom i-nes tox iques disparai ssen t progre ssh•ement et après deu1 heur l'S le chien t sl norm al. ,hec des doses plus faibles (160 milli~r. de sulfate chez un cbîen de 12 K0 •) on observ e des sy mptômes analo gues, moi s moins marqu és. L'a ,1imal se main• tiet1t dirficilem e1H sur ses pieds, mais ne Lombe cependaut pas. La i;en sibi lité e! tdi m\nuée, mais non abolie.

Interprét.ant le mode d'ac tion de la yap;éine, A LflMIIIACl ~ pense que cet alca!oid e af;it d·abord s ur les nerfs se n sitif s (a nei;,l-hés ie \ocole légè re; à dose forte, an esthésie générale el aboli lion des refiexes). I.e tremble. men t, les convulsions el la parésie seràient d'orig ine encéphaliqu e {et non nene use, musculaire ou médullaire ). Les doses moyennes modi· fient peu la respiration, les doses mortelles sembl ent par alyser le cen tre respiratoire .

Enfm A LBAll. RAC l N donne ï observations relath·es à l'action de la yagéin e chez l'lwmme. Avec des dose;; de chlorhydrate , variant de !JO à 150 milli gr . , on observe :

Diminu ti on de b sens ibil ité locale tac'tile et douloureuse mais conservatio n de la se osibîlî lé thermique. Sensation de tr em-bleme n l non objectif se ruani• festant soit par le senLimen L d'un tre mblem e.ot !jénéra l de tout le corps, soit par l'impress ion que le corps est composé d"une armatur e vibr ant forte ment e l d"une euve loppe immobil e, soit par un sentiment de trépidat ion de la ~ te et l' audilî on d'un bruit annl~11e à celui d'une mac hine à scier , soit enfin .par un simpl e hoc rdonn emenl d\ireill e donna.it t l'impr ession d'un train mar· .cbaot up id ement ou d'un transfoI'mal eur. Parfoi s tr oubles visuel s (seru.alioo de déplacemen t des -0Ljels edé rieurs). Malaise généra l ou éla t vertigineu L Sen limcnl d'ivresse : le patient doit fa1re effort p01Jr tv iler ("j ucoord ina tion des syllabes qu 'il p110n:once el il a de grandes diflicult és pour e,;,écute.r les mouv,ements délicats. Troubles d-e Ja mar:che qui devie:ot difficile, .vaci!J&n.te ,ou tigzaga nt e. Eta t nauséoeux .puis vomissements pro voqués pa r de~ oo.nti:ac,. üon s lllomaca tes al dia.phragmat.iqu,es. Asthénie nerveui ;e e.t muscula ir e.te lle que le patien t doit se coucber et que,, sa.nB perdre conscience, il ferm e les yeux , ne peul parl er qu'avec un grand effort et es t incapabl e d' on mou\·emen1. Penda.nt .celle périodi; de prosttrotiou, le .patient quoiq1:1.e non endormi a SOU·

vent , rnaîs pas .touj ours , des hallucinations. et des songes. Raleotisaemen L du rythm,e ca rdiaqu e{l00·68, 7.6·ll8, 80.64, '80-t\O, 92-i6, 1W· 76), pl'écédé daDs UD

Page 18: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YAGt. ,HAII U.\SC.I., CH PI i.r LIIUR ALCAL(IÏD~ : T!l:LSrA!rul:il5 ou YAGÉDIK 423

seul cu,d'une phase,de lé~ère 11ccélération (i&-8-i),A~men tatiao,del a p1'11B· sion arté rielle portant à la foiuur la maximale et su.r la ,minimale. 1'empéra­ture nor male. Pàleur exl l'ême du visage. L'a\caloide s'élimine rnpidement par le! urine s auxquelles il donne une fluorescence vi.olette. En outre, il y a presque toujours de la glycosurie disparaissant complètement le deuxième, le troisième ou ·111 quatrième jour. ALBARRACIN insiste avec raison sur cette observalion exlrêmemenl intéressante et rapproche la glycosurie yagéinique de la ~lycosurie pliloridziuique. L'état de prostration disparall 'Jeutement; quand l'intoxication est ll'rminéele patient tantôt n'éprouve aucun symptôme anormal, tantôt eal affec té de nervosité, ,de dégoût et de troubles dîE;estlfs,

Comme dans les observations de CARDErus, il y a eu dans·2 cas iob11. li et ,VII) de l'euphorie et un sentimen t de bien-être; dans un autre cas (obs. IV} de.la céphalée. En outre , on a noté dans un CRS une s11nsntion de froid dans les ex1rémités, des sensations de fourmillement et du tremblement des Joigl.s, daos un au tre enfin uoe diminution de la glycémie (O,loO au .li.eu de 0,62 pas litre) (ALa.u11 ... è1:,,, /oc. éi t. ).

De son étude ph armocodynamiqu e et thérap eutique de la yagéioe , A LBARRACJN con clut gue cet alca lol'de agit à la fois sur le paraS)·Dlpa­thiqu e cranien (ral entissement cardiaque, coutc ac tion de la muscula­ture lisse de r œso pllage et de l'estomac, h~·persécrèti on s tomaca le déterminant par voie réflexe de l'hypercrinie sali,vai:t1e), le para sympa ­thique pelvien (évacMtions rectales et vésicales) et sur le SJmpalhig ue (augment at ion de la pression artérielle, pâleur du ,·jsage par vaso­constriction ). La yagéine aurait une action anesthésiq ue loca le infé­rieure,à celle de la cocaïne et à dose to~ique agirait comme o,neslhés ique général. Elle s'é limin e rapidement par l1u:rine et•pr°'·oque de la glyco­suri e. De 'J)lus, elle produit souvent des hallucinati ons ,·isuelles .

Enfin, AtnAtrnACJ:'4 a expér imenté aussi, mais sur deux rnts seul e­me111t, le deuxièm e akaloîde du Yagé, la yagénine.

Avec uc e dose de tO roilligr . en deux icje ctions sucoeSAives il a n<:rté: tremblement .~éntlrnl, cris pe-rçanLs, n-ccéléra:tîon -respiratoire, excilab ililé réfle1e, piu O'anesthésie. La mort survient en deux heure s environ.

Ayanl reçu de6 échan till ons de l'explor ateur belg e •F. Cu.1:s, 'M1cHIE1.s et CLINOUA RT ( ' } ·ont , •en i. 92 6, 'Publi é ,Jeur s obser.va tions sur celte dro gue en même temps qu'une figure ·r.eprése nta nt l'asp e<ll .ma cttoscopiqu e de la tige et de sa coupe transversale ainsi que des cristaux de l'alcalo'l'de.

Dans le ~·age, qui -serait pour ·eux l'llœmadittyon 11m11zo11ie um M,m­Tlt:S, ils ont vu • le danger d'un stupéfiant ·nouveau ,: el se so nt '9tlP­

tout préoccup és de l'1l'Quver •des réa ctions colorées permettant de t iden-­tifier . ,D'après P.ux la ,dro s ue se •présente « ·sous :forme de1 ragmenl6 de tiges a-llongéese l Lordue s présentant, à i,ntenoll es rég uliers , desnœu ds?

1, Mmu~1.s u Cu1:-:QU1>1\T, Sur du n!o.cUoD& oh!rolques d"identilleatioo de la yagéine. Bull. .4., ~d. roy . .IJM. de TJelgiqu e, Bru~elle1, t926 ($• 1.),·6. p. Hl-~ .

Page 19: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

EM. PEBH01 ' e l BAHIO:\U-11.l .UU .

Les fragmen ls mesurai ent environ ~ clm . do dia mètre ~t les nœuds se suivaient à 16 ctm. de dist.ance . .. La coloration exlérieure de 1« 1ige est brunâtre; la sect ion transversale en est jaun e» (p. 21).

De cette drogu e, ils onl lenté d'extraire l'alca loïde par l'a lcool l;ir­lrique , mais ils n'Onl ainsi obtenu qu'une quantit é infime d 'une sub ­stance dont les réactions colorées sont semblables â celles de la yagé iae, à rexception tou tefois de celle que voici: lraitée par !"acide nilr ique celle substance donne en effet après évaporation un rêsidu brun et non violel comme a\'ec la yagéine; toutefois, si on ajoute;\ ce ré sidu de la potass e alcooliq ue, on a la même coloration rouge san!{ qu'a vec la yagéine.

Aprés inoir traité leur drogue par l'alco ol t.arlrique , MrcmELS et C LINQUART l'ont sou mise au procédé d'extract ion préconi sé par Vt LLAll l.\

et ont pu ainsi ob1enir .i20 milligr. de cris taux légèrement colorés Pn bru11, dont ils ont étudié les réactions color ées. Celles qui ;leur ont paru les plus caract éristiqu es e l les plus sensibles sont les sui vaoles:

Réaclir de MA~OII.LtN: coloralion verte mais bleue sur les bords; puis la so!u­lion devien t entieremeo t bleu fonc 6 puis apr ès cinq heures vire au vert. AHc une dose raible (t / t milligr.) , striell bleue~, puis la solutio11 dev ient enliè 1 e­ment verte. A1·ec des doses encore plus faibles (l /20, 1; 10 de milli gr amme), strie s bleue s fugaces.

R6acfü de Al1Rou1s: à froid coloration rouge ~ang, violette quand on chau ffe au bain-marie.

Acide nitrique et r6action de VITAL!: à froid coloration verte virant au violet quand oo chauffe au bain-marie. En évaporant le liquid e on a u n résidu violet qui passe au rou ge ~an.g quand on y ajoute une ~olu tion alcoo ­lique de potasse.

Mac rîf d ' E aDll Al\!'f : à froid rien; en ch!l.u!faut la soluti on au bain.mar ie, colorat ion rose violacé,

Acide sulful'ique furfurol é : coloration rou ge brique , lilas sur les bord s ; avec des doses faibles la colorolion est violacée el o'apparall qu'en cbaufTant au bain-marie

Peu de lemps après le tr avail de M1c mE LS et CL INQUART , RomHER {' ;· a publié dan s ce Bull etin un e court e étude rn r le Yagé, comprenant d'a bord la traduction du travail de VILLA LBA, ensuite, quelques obse rva­lions per sonoelles. Pour cet auteur, le Yagé serait l'll œmadic(rn n amazonicum Benth., mais les indigènes eugloberaienl sous ce nom verna culaire « des plantes de variétés ou d'espèces différe ntes ~. En outre, d 'après les renseignements qui lui auraien t été fourn is par une Colombienne ,« la lan gue populaire donne souvenl au Yagé les mèmes dénomînali ons d'Aya·huesca, ayaguasco, qu'au JJanisteria Caapi SPnt:cE,

1. A. RocH1t:11. Documents pour utv!r à l'étutle Ju Yagé. Bul l. $(). pliarzn1c1,J,, 19~ , l3 , p.2~ H6 1.

Page 20: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

'l~GS, .\l'AIIU.\SG.\, CU PJ tr LEUR .\LCALOIOE: ULEPATlll:iR OU VAGE:1:,~ 42~

arec lequel - pense RoumER - il ne f:J.ul pas le confondre » '(p. ~fi , nole i ). De plus , ROllBlER a prépar J une leinlur c d1:1 Yagé au t / 3 par macération dan s l'alcool à i0°. Cette teinture qui est marron rougeALre par transparenc e et vert fluorescent par réflexion contient 0 ,33 °/Q d'alcaloïd e dosé par la méthode de RonnER (évaporalion de ht leînlu re, alcalinisation par la soude, extraction par le chloroforme , trail emenl du résidu d'évaporation du chloroforme par l'acide chlorhydrique d ilué, lrail1Jment de la Liqueur chlorhydrique par le noir, puis après filtrat ion par la soude , ex traction par l1J chloroforme et é,·aporalioD de ce dern ier , puis dessiccalion du résidu à poids constant). A la dose de L à C goutte s, celte teintur e se rait un excitant nerYin, pro,·oquant euphor ie, activ ité cérébrale, alacr ité muscula ire, légère dilatation pupillaire. A la dose de :i à -10 cm', il y aurait des phases d'excitation plus marquée suivie s de propens ion au sommeil, pendant h,quel on noterait un1:: grande act idlé de la production oniri que. Enfin HoumF.R a Lrouvé 0 ,'2:6 •/0 d'alcalo\'d1J dans une prépa ratio n d'! Yagé préparée par des Ji\·aros des environs de Macas (Pérou). ,"\01ons enco re que, d'après les rens1'!ignements de sa corr esponùaole colombienne, le Yagé serait an thelminlhiqu e.

En juillet 1926, RoumER (') revi1Jnl, une fois encore, sur la que stion de l'Ayahu1Jsca el du Yagé. Pour lui le Yagé, dont « l'origin e botanique est encore disculè e » , car " il est douteux qu'il s'ag isse de L'Ha.'mH­dicty on amazouic11m 11, a des effols physiologiques très voisins de ceux d1J l'A.yahuasca 11ui est le Ba11iste1·ù1 Ce11pi. Mais le Yagé « a le gros avan ­tage d'êtr e bien moins dangereux et plus maniable que ce dernier ».

Au sujet du pou voir " métagnomigène " du Yagé, RoumE11 repr odu it les assert ions de Bnos corroborées par " un <1,ncien soldat colonial francais » t:l une e!(cellenle dame colombi enne désir6use, avant tou t, de f~irti du Yagé un bon arlicle d'exportaliori, enfin par quelques mis­sionnaires colombiE>ns. Pourtant, malgré ces assertions, il consid ère fort j ustement què ~ à la r1Jgarder de plus prés, la l~gende du Yagé apparait comme inconsislante el diffuse el créée en grand e parti e par ce que le D• Et C,\BIIERA appelle spir itu1Jll1Jment [l'imag ina tion tropi­cale] "· En outr e, le tr avail de Roumrn contient deux observa tions qui nous ont paru fort important es. Tout d'abord, il not1J que CJ.AF.S Lui a « signalé que les Indi ens Correguajes ajout èrent à la décoction de Yagé qu'il leur Ill raire ... quelques feuilles d'un ,,Jgétal sur lequel ils ne voulure nt lui donner aucun1J indication "· En second lieu Rouumt rap ­porte qu'un missionnaire colombien lui a signalé que" des personnes fort honn~le s et même de quelqu1J vertu ayant pris du Yagé parc ur iosilé dans l'int ention de retrouver quelques objets perdus , ont été étonnées elles-mêmes du résultat surprenant qu' 1Jlles ont obtenu ».

Ayan t reçu de CL., ES des rameaux feuill és de Yagé et une déèoclion

L A. fl.00111.:11. Les plo.nln dlvlnalolres . R~vi.~ mr!tapsy c/Jiquo, 19?6, p. 325·3j l.

Page 21: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

"' Eli. J-"t:BR6ll' el RI\. \ 'II0:.'9 -Hll.tlF.T

de ,celle pla ole pr épar ée par les indig ènes, CLJMUJ,'IIT publia en sep­tembre 1926(') les résullat s de l'é tude àe ces matériaux.

Les feuilles du Yngé, dont il donne deux figures, sonl , dit-il , opposées et pétiolées. Leur pétiole ·est long de 1 fi 2 clm. el épais de t à 2 mm. Leur limbe,-entier, ovale, lancéolé, est longJde 'i ctm . 6 à 15 d m., -et ·la rge de 4 ctm. ~ à 7 ctm. Ces feuilJes conlienne nt de la yagéin e. leur race ventrale dépouniue de stomates et de poils tecteu rs montre des nerv ur es ainsi que,des ad cellules he:,;agonale s à'Dlemb r rmes assez épaisses el -ponctuées " dans lesquetles -on lrou\'e des rhom­boèdre s d'oxala te de chaux. Leur face dorsale est Connée de cellul es de forme rég ulière et à parois sinueuses qui~ remplissent tou l l'espa ce laiss é libr e par les nomLrtiuses) cellules stomatiques " · On y ll'ouve aussi de lrès ra r€s poiJi;. tecleurs " de forme typique " qui « semb lent sessile e. ou bien n'ont qu'un 'Pied t:l'ès coutt. A leur .poînl dïn ser tion irnr l'épiderme , on consto!e une ,dispositio n plu s ou moins en -étoile des ceUulee de l'épid erme n. Epid+rme dorsal et épiderme , ·entr ai 011L été dessinés par CUl\'QVART qui a -reprodu it en outre un stomate et un poil lecteur . De plus CLu •iQUAA'I' a const até que la yag6i ne ré.siE>te lon glemps à la ,pull'érac tion des matiè1:es ,orgarriques done lesquelles elle se trmne contenue. Enfin, titxant p&r d.eu:x mélhode s différe nte s une décoction de Yagé préparée en présencP de CI.us par des tri bus indienne s ·du ·Caqueta, il y a trouvé ,0,20 •/~ d'alcaloïde.

,D'ap,és Cut:s, pour préparer.cette décoction, « les lndiens ,débarras ­sen l d'abord l'écorce de toutes les matières dont elle est couver te. ,Jli, allument ua gra nd feu sur lequel ils pla cu 1t leur réc ipient en terre oui te et Y"'ersen t i'l à 15 ·lilres d:eau. AussitfJL l'eau entrêe en ,ébu llition , ils ·br oient la lia ne au moyen,dlun e massu.i en bois, la coupent en mol'­ceaux de 30 il 35 ctro. et en remplissent le récipient jusq u'à ·dé border . La euieson dure eepl à huit heures environ. Au bout de ce temps les Indi ens décan tent le liquid e dans un o.utre vas e à Yogé. Les ·f2 à i 5 litres élaient réd uits à tr~is bout eilles de 800 cm' eovi ron chacun e» .

Enfin, en collabo ration a,·ec l'.un de nou s, t.1'10 JEH ~f. Ltn- (' ) a tout réc emment démontr é que des soluti ons de chlorh ydra te de l'a lcaloïde . du ·Yagé à 1 p. 16.000 dans l'eau distill ée tu ont en tr ente -six ;mrn utes, O'Jlrès un e'P hase ,d lexcitation et unepbase de panfiy sie a,·ec incoordina ­tion molri ce, mais sans phase liypnotique, de petite s épinoche s qui sont, comme on -sait, un e~cellent <réactif biologique •des substances hypno-tiques. (A suit-'re.)

Ex. PERROT, lt A ïill ONU- H AN !éT.

t. E. CuNOUAllT. Contribution à J'étui:!e de la lia.ne Ya.gè et ,de 100 alealoide. Jour. Pborm. de BeJgi que,t92G, 1.

2. Jutt ~B U, ·y el RA1·1,1or,;o-HAt.1u. Action de lo. télépaH,!ne $Ur lu poin ons. C. R. &t. BioJ., Juin rn21, 96, p. 1098~H ot.

Page 22: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

UI . PlmKtl'I ' cl 1u., · 110:,,o.1UJ1ET

49. VLics F~Efl. Sur 111. signifkaiion des dosages bactériens. C. R : Soc. Bio/., 1919, 82,'!) . 373.

50. A. E WRrnRT. Technùpœ of tlM ;Test twl Capilfory g lass fob e. London, C1J11Btable a ,1d 1912.

51. ZEuii:ow. Beoti mmung der B11kteria!masse durch die colorime-tri5che Me!ho1e. origiuafr, 1~06, 42, p. 570.

JEA:-; fütG.;IER. SUZA:iNE LAMBI:i.

Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde :

télépathine ou yagéine.

'.'>iiilectfin{')].

11. - CARACTÊRES EXTÉRIEURS ET HISTOLGGIQUES DE LA FEUILLE

ET DE LA TIGE: DE YAGÈ

Les feuilles de Yagé el d'Ayahuasca qui ont été examinées provien­nenl, comme il a élé dit, de différente8 sources el r.i, dans leurs dimen­sions, leur rigidilé, elles diffèrent de façon notable, ellt!s présentent en rernnche une structure anatomique tout à fait c,imparable. Les diffé­rences conslalées sont d'ordre quanlilalif el peuvenl êlre dues à la croissance du végélal d.ms des conditit:rns exlérieure,s variables; on peul égalemenl songer qu'il t'xisle plusil'urs variétés botaniques.

Récemmenl, M. CI.INQUART(') a donn(, deux excellents dessins de ces feuilles (fig. 1); notons en outre que, chez certains échantillon~, il existe à l'angle des nervures secondaires de la base des glandes exsertes, sans doute des nectaires extrafloraux, qui, en raison de leur pré­sence inconslanle, ne semblent pas pouvoi1· êlre utilisés dans la classifi­cation.

Quant aux poils tucluurs cm 1wvette, signalés pur CLINQl.'AR T, ils sont extrêmement fragilP.s el se relrouvenl toul à fait par hasard dans les coupes transversales, el Jrès r«rement même sur les épidermes pré­parés pour l'examen en surface. Pour constater l€u_r pr~s€me, il sulfil de graller avec une aiguille plate la face inforieure des feuilles, notarnrnenl dans la région d'insertion des nermres secondaires, au-dessus d'une g,rnlle de glycérine gé\alinée ou de gomme glycérinée.

L Voir B,ûl. Se. Plrnrm., 34, p. 33\ 417, i 921. 2. M1cu1~~s et CLl'!QORT. Sur des réaction~ chimiques d'1dentificalion de layagéine.

Bull. A c9d. ruy <1fo d<J Méd. de Bnlufr1mi, Bruxelles, l.926, 5° !., 6, p. 19-29. -Er,, CLINQUAnr. Contribulion à l'ébide de la liane Y-1gé et de son alcaloide. J. Pharm. dn Rdgique, Bruxelles, 1926, 8, n° 36, p. 671-674,

Page 23: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YAG.I:, ABHU.\SC.\, GA.\l'I E.r I.Bl!ll. A!.C.\~ulo ~ : TELIWATHINE ou YAG~L'iE ~~ !

$iui/üstle

J/~· F10 . i. - Feuilles de Yag6 (d'après Cl.l:'l'Ql:AIIT).

Page 24: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

"' Ell. Plt:RROr el 11.A.YHONO-H,\.(.T

Même avec le malér iel mnl conservé dont nous disposions on put en recu eillir , ain si, un nombre élevé.

Ils son l très faiblement adhé rent s, a \·ec un pied lrès cou ri (tlg. ':!) peu enroncé el se détachent par conséquent avec un e ex lréme facilité; leur forme es l tout à fait caractéristique, c'est le type malpighiacé. L'examen en sur face de l'ilpiderm e montre seulement, çà el là, des cellules dispo­sées radi alemen t autour d'un espa c~ plus réduil el arrondi , poiut d'insertion de ces organes.

Les tiges, tordues sur elle-mêmes, ont l'a spect ordinaire des lianes

FIG. 2. - f>oi/ s m, lplghi11cés dr /11 fcui//o de )'agè,

(fig. 3/, confirmé par l' examen de la section tran sversale égalem ent très carac téristique (fig. 4). La partie extér ieure du cylindr e centr al est par ­tagé~. par des bandes paren chymateuses, en un certai n nombre de cor­dons volumin eux, parsemés de nombreu ses ponctuation s repr ésenlanl des vaisseaux d'ordin aire isolés et de diamètre élevé. Vers l'int érieur, ce!!'. cordon s inégaux, mais de dimensio n réduite, srmt répartis dans un parenchyme a~sez abonda nt et l'un d'eux , par sa structure un peu parti culière, corre spond au cylindre central normal de la tige jeune.

De couleur gri s cendré, les fragment s de tige sont pourvu s de côtes arrondi es séparées par des sillon s plus ou moins profonds disposé s en sp irales chez les tiges figées, rarement en lign es à peu près vertical es, sa ur dans les ltges jeun es encore.

Page 25: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YAGB, AYAHOASCA, CAA .. r Br LBOR ALCA.LUÏDH ; TP.Ltl'ATHINB ou YAGJ\lNE 503

Les feuilles, en mauYais état de conser vation , qui nous ont servi de molériel d'étude, sont opposées sur la tige, pourvues d'un pétiole d'un e longu eur variant de quelques millimètres à 2 ctm., aplot_i ou formant un large sillon à la face supérieure, arrondi et proémi -

F10. 3. - Aspe ct ex térieur de la lige Je Ysgë.

nent à la face inférieure. Le limbe, ové ou ové-lancéolé, est assez longuement acuminé au sommet et se prolonge quelque peu à la base sur le pétioh:.

Elles mesurent de ü ctm. à {2 ctm. et même plus, notamment dan s l'éch antill on proyenant du n~ .REI NBURG et désigné sous le nom d'Aya-

Page 26: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

Eli . PERRO'I ' et RA.YnO:tD -11,\111·:T

huasca ; !e diamètre le plus éle\'é se trouve toujours un peu au -dessous de la ligne médiane lrans\'ersale.

La nervure médiane, fortement accu sée, donne naissance à 6 ou 8 ner­vures secondaire~, égaln1~ent proéminentes à la face ioférieure, reliées entre elles par un fin réseau de nervilles très abondantes, se réunissan t au bord du limbe et s'anastomosant également avec les extrémités de ces nervures secondaires et celle de la ner\'Ure médiane.

D'apparence glabres, du moins chez les frnilles adultes, celles:ci sont d'un brun roux brillaat plus ou moins orangé et rabattu de noir; la

face inférieure est brun verdâtre ou grisàtre, mate; par la dessiccation, sans doute mal opérée, elles deriennenl brun noirâtre ..

CAHACTÈRES IllSTl'LOGIQUES.

Jeune, la tige est construile sur le type normal des Dicotylédones. Le cylindre ligneux compact, en anneau continu, très lignifié, renferme de nombreux vaisseaux dont les plus gros sont isolés, les au1res en files par 3-4-5 ou plus vers l'inlérieur; les rayons médullaires, étroits, n'ont qu'une seule assise, parfois deux.

La moelle, à larges éléments, est assez volumineuse et parenchyma­teuse. Quant au liber, dont la structure est également normale (fig. 5), il est protégé extérieurement par des amas de fibres arrondies épaisses. Il apparatL de bonne heure, sous l'épiderme, un périderme, donnant

Page 27: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

\'AGI\ .IY.\llU,ISCt, C.\APl ET 1,1:l'(t. ALC.I.LOÎ!JE TËLtP,\îlll:iE OU Y\Gf.L'H 501

sur:out du li{_,ge el une petite quantité de phelloderme. Un peu plus tard, le parenchyme cortical profond de,·ient collenchymateux (p. c., flg. 6).

L'oxalate de calcium est at...ondant et toujours sous forme de màclrs cristallines, très petites (Jans la rPgion libérienne, beaucoup plus grosses dans l'écorce; ce caractère persiste dans la plante âgée.

Avec l'âg H, le liège s'épaissit, interrompu par de nombreuses lenticelles, et le parenchyme cortical secondaire se développe fai­blement; la zon':! fibr€use péri­libérienne conserve sa structure, les îlots élant plus séparés, et la parti e externe du tissu libérien devientcollench~maleuse, sauf les rayons médullaires qui s'élargis­sent plus ou moins en éventail à la périphérie.

Quant au bois, il subit asse:i: rapidement des modiflca1ions inté­ressantes dues à la hiùlogie de la plante.

D'abord très compact (fig. 6), lt> cambium continue souvent, dans les tiges non contournées pendant une certaine p2riode de crois­sance, à donner un anneau sem­blable, mais a\'ec des vaisseaux de diamètre hien plus élevé, isolés dans une masse fibreuse très for­tement lignifiée, découpée seule­ment par des rayons médulhiires à une senlr. assise cPllulaire.

Cette structure correspond à

toute la période d'accroissement normal de la liane, mais celle-ci ne tarde pas à contourner son support et se tordre sur elle­même; dès lors apparait la dislocation du cylindl' e ligneux.

Des amas ou des bandes parenchymateuses très irrégulières rem­plissent les intervalles laissés entre les amas ligneux cependant que les vai~sraux deviennent très volumineux.

La figure 7 montre schém atiquement cette dislocation apparue de très bonne heure, dans une lige de faible épaisseur mais tordue ou enroulée autour d'un support (branche d'un \"égétal voisin, ou même de la liane elle-même).

Parfois même, la lige s'enroule ou se contourne dès le début de son

Page 28: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

E• . PERBOT e l llAYBOND -H.I.BE 'f

développem ent el l'on ne trom 'e plus d'anneau ligne ux complet au pourtou r de la moelle.

Le cambium parait fonctionner normalement, car dans les sinus

La coupe seMm • tlqnomo ntre de dedt.u en dobotll Il l»nd e lignon•e de pren,i<lro fonru · tion,oo e bande hgne11secon,~cterepré1Hnlltn l l'époqued '1eero i•1001entnormal,eteol!nnn e zone lo encln aa p,,uncbJ1ndeu1ec à lart:es vaiueaui; , eon e11pondant l une p6rlode d'.c t roisaemen\ contournée de la liane.

même profonds {fig. 8), nous n'av ons ja,mais pu re1:1conlrer de lubes criblés ; il n'y a donc pas de tissu criblé interligneux.

La figure U. montre la str ucture détaillée d'un fragment de la région

Page 29: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YAGJÎ, AYAHUASCA, CHl'l U LlfüR ALC.1,LOÎDE: T&LePArlllNH OU YAGIÎINE !;01

ligneuse d'une tige conlournée et sillonnée. Les vaisseaux isolés, ,·olumi­neux, entourés de bois lignifié et fibreux) forment des amas de dimen­sions très variables, séparés par du parenchyme ligneux non lignifié,

Fw. 8. - M€me phénomf!lJe que figure 1, dau une tige enroulée de bonne heure.

renrermant quelques cristaux d'oxalate de calcium, non plus en mAcles comOle dans le liber et l'écorce, mais prismatiques; les rayons médul­laires, nous le rappr.lons, n'ont dans cette région qu'une seule assise de cellules.

Si l'on veut bien comparer ces schémas avec celui qu'a donne R. C110DAT (') du Bnnisteria Hasslerimw (fig. 492), on ne peut qu'être

i. R. CHODAT, Principes de Botanique. Paris, l.921, 3° édition, J.-B. Il.'>JLLIÉRE, édi­teur, fig. 492, p. 489.

Page 30: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

508 IEW. PF.RROT e l RA\ 'HO~D - H ,UIIET

frappé de la ressemblance et cela permet, avec la présence de poils mal­pigbi ar:és à la surface de l'épi derme foliaire, de pouvoir rflppor ter le Yagé, sans grande chance d'erreur, à un Bonist erùi.

Quant à la prétendu e présence de tubes criblés dans ces Ilots de parenchyme, elle reste pour nous problématique. Pour l'arfirmer d'une façon absolue, il faudrait él udier à nouveau ces tiges sur des échan-

Fio. 9. - /1/éme pl 16nom êr.e que fi11ures 7 "t 8, da ns une tige enr oulée Jès les pren1iers temp s de son dé,·eloppewenl; il n 'y a plus ,ra nn fau ligneux comr let vets la moelle.

tillons fraifl ou très récen ts , recueillis soit au moment d'une période de repos , ce qui permettrait de voir le cal, s'il s'en forme , soit en pleine acti ,·ilé d'accroissement pendant laquelle on pourrai t dh,tinguer avec assurance les plages criblé es.

L'examen du libe, normal dans une tige âgée laisse aperce,·oir entre les rayons médullaire s (r. m., flg. iO) quatre à cinq rangées d'éléments parenchymateux : d'abord un tissu aplati collenchyma tcux (/. e. ), puis des tubes cr iblés assez lar ges inclus dans un parench yme renfermant lui­même quelques fibres soit isolées , soit en amas plus ou moins volu-

Page 31: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

\:1G~, AY\JIUASCA, CH PI ET U.l;ll. ALCALOÏDE: TtLtPATttl ~E OU Y.\G8U'I.E ti09

l'rn. 10. - l•'ragmenls de lil e. rlu Yagé.

r . 111., rayon mMull • ire; '/ . e., liber ~cru6 ; / . /., ilotsdbNlll<.

F'u;;. H. - Fragmeuts Ur, boi, do l'ag.S.

~-. v, iue•u; 1•· " · /., puonch r me in1erca.lalre-ligoou" l 9et prisooos d'ou lal<" do ealclu,n ; b./ . ,bal 1 6br eg1 ,

Page 32: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

510 Eilll , PERROT el BAY•OND-HA.nET

mineux (f /.); en outre, on note, çà et là, des mficles cristallines d'oxa­lat.e de calcium .

FEUILLE,

PtTIOLE. - Le pétiole est court, arrondi, aplati à la face supérieure qui présente sous l'épiderme une masse considérable de tissu collen­chymaleux, se prolongeant en bandes irrégulières jmqu'au faisceau libéra-ligneux médian (coll. 2, fig. 12).

Une bande de collenchyme existe tout autour sous l'épiderme (uoll. i).

Fw. l2. - Gor1pe schématique transv ersale du pétiole de Yag!'.

t, collenchym e •o us ·Op!dcrmiqu e ; coll. t, eoll ,rnchyme :inl arn o ; / ü Lro s pèrilili é r icna es. Lc s oroi x indiqu entlesmô.cl es cri•l allin e1.

Le système fascirulail'e est composé de trois faisceaux (trixy\és) , le médian en arc très développé, les deux laléraux plus petit.s~ Tout autour du liber il existe des îlots de fibres el de nombreuses ce\lulPs sonl remplies par une mâclf\ d'oxalate de calcium.

FEUILLE. - La nervure médiane reproduit les caractères ci-dessus, nolamment vers le point d'insertion au pétiole; peu à peu les deux petits faisceaux latéraux s'écartent et se rendent dans le mésophylle du limbe.

Les glandes externes, quand elles existent, forment à l'inlerseclion des nervures une masse d'éléments cellulaires arrondis, petits, donl l'étal de nos échantillons ne nous a pas permis une étude histochimique approfondie.

Page 33: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

YAGP., AYAHUASCA, CAAPI li:T LKOI\ ALCALOÏDE : TtL~PATffHO : OU YA.GtLN~ 6ll

Les nervures sont lrès proéminentes à la face inférieure ·el peu ù la face supCricure; les slomatese t les poils lecteurs sont ra res el seulement réparli s sur cette dernière. Le système vasculaire affecte la form e d'un arc ouvert , prolégé par des amas de fibres du côté libérien; le paren­chyme fondamental est collenchymat eux, comme dans le petiole, et souvent l'ass ise sous-épidermique r,e prolonge assez loin dans le limbe, ponr s' insinuer entre l'épiderme et les cellules paliss adiques (lig. 13}.

1"1<l. l .l.

A @:•,,~ho : t ""I"' fron,..,,, , ,.,~ du U,,,bc ,te fo (elldl• ,/~ Y"!!,// A dru ilo : êp,,ler "'• mfin ~.>1.r ~Il <lf. f1<ce ;

En NI~ fm ,1me ni ri• li,,.~ •• faco •up~ riour•, an voi,inago d'u oo nervure . L'hr pO<lerm e, 1,, 10 eon U11~e as""' loin dana le llwh•,

Le limbe es t composé, à la face supéri eure, d' un épiderme dont les cellules ont des parois rectilignes et qui est dépoutvu de poils et de stomates; ceux-ci, au contra ire, sont nombreux à la face inférieure , un peu exser ts, avec 01'1iole perpendiculaire aux parois du slor11a.te (fig. lJ ) . Saur à la base des grosses nervures, les emplacements de la base de poils sont difficiles à retrouv er.

L'assise u11iq110 de cellul es pilli:..sadiques occupe de 1/ 4 ù t /3 de l'épaisseur du mésophylle qu i se Compose d'un tissu làche renfermant çà et là un crista l pri smatique d'oxalate de Ca. Souvent, ces crist aux

Page 34: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

~12 J::)11. PERROT e l R .\l'HOJD IIA .'11':T

sont plus ou moins inclus·danii de volumineux idioblastes, iuclus dan s le tissu palissadi que (lig. t3 ).

Par la méthode de V1LLALnA, nous a,·ons pu ext rai re, sans difficul té, de nos écha ntillon s d'Ayahunsca et de Yagé, une diiaine de grammes d"un méme alcaloïde, crist allisé en hdles aiguilles blanches fusibles à + 253" (fusion inst.antan ée) et donnant les réacti ons colorées typ iques suiva ntes :

111. - CARA':-TÈAES CHIMIQUES ET PHARMAC ODYNAMIQUES

!• so•a • eooceot ré : eoloralioo j11u1J~ ve,·tc ; 20 SO'H' eooeeotré et bichromate do K: stries fugace., bleu-violet; 3• Acide nitrique: 'Vert," puis 1,/cu-vcrl, put, hleu·ve1 ·1 ra b11/ l u Je noir (, uJgo :

,·ertm agniOque),eofinen d111uffuJI 11u l,11ir,- warfo, bleu- violet;év&.poré aubaîn­merie,loriijidue1lv îolet;

4• Rhet ioo do Vn~u : si, au résldo,1,·io!et précédent, on ajoule quelque, goult es d'une 1olution olcooliqu e de potane, on obtient une belle colors tion orang6e.

Cel alcal oïde, auquel, nous l'avon s dit, le nom de têle1mthi11e doit étre consené. a servi à de nombreuses expé rienc.'es physiologiques qui per ­metteo l de faire resSOrlir les points suh·an ls:

Prn.i:on. - Injection 1out ·CUtd11ée de 25 em• d'une solution é 0,4 •/ 0 de chlorhy ­drate de lélépo.thiae : cinq minutes apn!s lïajectio n l"animal prbeu te des tig nea dïac oordinati on motrice et de pllr~1îe de< pattes, iea ailes déployée• évitant )a chute de l"auimal sur le flanc. La mort survient aprh 'Vingt minutes.

CoH.tYES. - Dia a.nimau1 out re~u dans le péritoine une inJeelion de la mème so!uïonà O,t •/0 , cooteno.ntde 6 à B mU!igr. d'akalod e : ilsc, nl tous survé<:u; le onûéme ayant reçu 100 milligr. est mort avee ~ymptômes au u 1emblable1 à ce.,1 qu'on obaenec bet le ebien .

Ctt11xs. - 300 niilHgr. injectés à un chien de 10 K"' donnent lieu aui: phén om~ne1 suh·ao ts:

Sept minutes après l'inj eelion, appariti on de tremblt menb dans le sens antéro· p-01térieur; huiti~me mfoute: trouble de la marche , parésie des pa ttes antér ieure• puis pollér ieure1 ; dixi cme minuie: l'an imal tombe 1ur le na.oc avee convu lsions extrêmement 'Violentes des pattes, fort, dyspnée, hypererlnle aalinir~; seizième miaul e : !"animal essaie de se rd ever, rompe sur l'abdomen et retombe, mou•e­ments eonvulsirs des pattes a •ec pério i es de ·repos , ~ensibilit é diminué e mais non abo lie; 1·ingl·ei uquit'me minut e : J'animai est t •rnJours sur le none ue c mouve. menti trh lents iocoordonnés des pa tt e,; le tr fm ùlement per siste toujours ; soi x11n tc­quiozi ème min ute : rani on l cberche Il se rele'Ver, le train postérieur reste couché sur le côl~. A la fin de la de.1xi~me heur e, !"animal redevient nomul ; le lendemain, il mange bien el ne prS:Senle aucua tr ouble appréei1bl~.

A ction :111estl1êsiqlle locale. - Ces essais ont élé faits par l'un d e nous avec M. J. fü :GNIE R en utili.sanl la techn ique mise au point par ce derni er. Cette technique consiste, comme on sait, dans la numérali on des grat­tements sur la corné e du lapin nécess aires pour amen er la rerm eture des paupi ères . De ces essais on peul tirer les conclusi ons sui vantes:

J.1 solution Il o,, o/o de chlorh1dut e de 1'lépe.tblne s le même pouvoir aneslM·

Page 35: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

V.\G8, .1 Y.\!IUASCA, CAAl'I ET U.Ull ALCALOTO! ; TP.1.8PHIIIN8 OC H,GP.INB 513

s ique local qu 'une solut •onà 0,20 •/ . de rhlorhydrate de cocaine,cequl correspond au pouvoir aneslbêsiqu e de~a novocaïne.

En résumé , le Yogé esl une plante forl inlére~s:inle par l'alcaloîde quï l cont icnl el donl la dose lél\1ale par kilogramme d'an imal est d'environ 200 mil\igr., la mort survenant par paralysie du centre res­piratoire.

CONCLUSIONS.

L'examen histologique de lu Lige de Y /lgé, à divers âges, monlre bien le proces~us des modificalions subies par le cylindre centra l qui prend les caractères connus chez les lianes.

L'ab,ence de laticifèr es el de tissu criblé surnuméraire éloigne la pen­sée de Je ranger parmi les Apocyoacéei:, ou Asclépiadacéesoolamment. Sa structu re le rapproche des lln11isleri11 JJ11ssleriat1a et sehizoplern (').

D'autre part, les caractères de lu feuille et surlout la présence de nombrèux poils en navette presque sessiles, dits « malpighia cés »,

confirment le diagnostic (' ). L'absence de glandes massives exserlt!S à la base des nervuus dans

un grand nombre de feuilles ne parait pas suffisante pour admellr e que r,ous nous sommes lrûuvés en face d'un mélange de plusieurs espèces, car ce cnraclère varie dans un même lot. Cependant des échan­tillons pro1'enanl de collecteurs différents contiennenl parfois un nnmbre Lrès grand de feuilles pourvue ·s de ces organes . L'explication ne deviendra définitive qu'après a,·oir pu examiner de nombreux em·ois, dûment accompagnés de renseignements précis sur leur provenance et leur habitai.

Il ne nous est p.1s possible de répartir dans des gen1·es ou même des espèces différenles les échanti llons reçus sous les noms d'A yabuascn, J"11gè, Cnapi qui tous doivenl provenir du méme Haniste,·ia CRtipi.

Un seul envoi diffère, mais sa désignalion comme Y8gé doit èlre une erreur; il s'agit sans doule d'une plante adjuvanle, qui sert dans la préparation plus ou moins compliquée el variée de la boisson enivrante, Lelle qu'elle est consommée par certaines races indigènes.

Evidemmcnl, on pourrait êlre leulé de lrouver dans le fait que, d'après ll1::1NBURG, les indigènes préparent leur breuvage avec des tiges d'Ayahuasca et des feuilles de Yagé la preuve de la noo -identilè de ces deux plantes, mais il n'est nullement prouvé que le Yagé dont ces indi­gène s emploieilt les reuilles soil iùenlique au Yagé dont les popula1ions

1. R. CuouAT, La vtg, 1ation du P.iraguay. B ull. Soi:. bol. de GeJJ~ve, t911, (2" ,. ), !l,p."18- SJ,

2. Voir à ce sujet la brUe monographie des Malplghlac~es de Dm Jl's, 11u in A rcb. Mus. /lis /. n91., 1813, 3, p. 91-98 et pl. Il , fig. 2 et 11.u~sr Nm 1t:n n, Malplghiacé u , in EM un et PKANTI, /Jie na/ . PDaoz enfa m., 1891, 3, p. U.

BULL. Sc:. P1u.11lf. (Aoüt- S ,·p lembre 1921). 33

Page 36: Yagé, Ayahuasca, Caapi et leur alcaloïde : télépathine ou ... · 340 EM. PERR6T et RA.Y.IIOND -HADET En 190ti, RocuA {1) confirme les obsenalions de C11EVAUX relatives à l'emploi

EX . PIERROl' et RA.YllO~D-HA.KET

du Caqueta utilisent les tiges. O:tt e hypothèse semble con firmée par le rait que si, d'après fiEI:.>BURG, les indigènes des Rios Xapo el Curary ajoulent des feuilles de Yagé à la décoction des tiges d'Ayahuasca, les populations du Caqueta - si l'on en croit CtAÈs - ajoutent à la décoc­tion des tiges de Yagé des feuilles d'une plante inconnue. Il est <lonc vraisP.mblable que pour la préparation de leur breuvage les populations indigènes emploienl primordial ement les tiges d'une liane qui, quoiq11e portant des noms différents , appartient à une même espèce botanique, le Bnnisteriv Ca,1pi , et accessoirement des feuîlles d'une autre plante qui , malgré ses noms vernaculaires variés, constitue peut -être, elle aussi , une autre entité systématique.

Le Yagé ou Ayahuasca contient un alcalorde cristallis é, nuque[ on doil conserver le nom de télépnthin o qu e CARDENAS,.qui l'a le premier isolé, lui tt attribué. Ajoutons que cette télépalhine {yagéinrJ) est le premier alcaloïde connu dans la famille des Malpighiacées.

A11 point do vue physiologi que, la télépathine est très acthe; sa dose léthale est d'environ 200 milli gr. par kilogramme d'animal. A dose toxiqu e, elle provoque ch ez l'animal ùe l'incoordination motric e, de la parésie et des convulsions; elle paralyse le centre resp iratoire ,

Comme anesthésique génù,1/, la télépathine a une activit é înféri t•ure à celle de la cocaïne, mais ég~le à celle de la novocaïne .

Ses effets chez l'homme sont des plus intéressants et nous aurons l'occas ion d'y revenir. Elle semble êlre un puissant stimulant, provo­quanl de l'euphorie av ec augmentation de la mémoire el des facultés inlellectuelles, en même Lemps qu'une alacrité musculair e r11ppelant celle des caféiques.

Elle peut aussi provoquer chez l'homme à l'état de veille des hallu­cinations visuelles curieus es, mais fos actious télépathique s ou méta­g nomig ènes qu'on lui avail un peu naîvemf!nl attribué es sont erronées. li n'estc ependant pas impossible qu'il entre , dans les boissons enivrantes préparées par des sorciers indi gènes, d'autres espèces ,·égéla les renfor­ça nl ou modifiant l'action de la dro gue isolCe.

EM. PEllllOT. RAYM O:,iD· HAMET.