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Thème 3 : Idéologies et opinions en Europe de la fin du XIXe siècle à nos jours : Socialisme et mouvement ouvrier Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875 Lexique : Marxisme : Théorie politique fondée par Karl Marx, selon laquelle les prolétaires, qui ne possèdent que leur force de travail, doivent renverser l’ordre social capitaliste bourgeois par une révolution issue de la lutte des classes , afin d’organiser une société sans classe sociale et sans état. Communisme : Mouvement issu du marxisme, qui considère que la lutte des classes passe par un affrontement violent avec la bourgeoisie et l’Etat. L’Etat communiste se considère le seul représentant de la majorité de la population (prolétariat) donc démocratique. Socialisme : Mouvement de pensée qui dénonce les inégalités sociales issues de l’industrialisation. Le marxisme se dit socialiste et prône la lutte des classes pour aboutir à un partage égalitaire des richesses. Il s’oppose au capitalisme (propriété privée des moyens de production) et au libéralisme économique. Syndicalisme : Mouvement de défense des intérêts des travailleurs face aux propriétaires d’entreprise et aux décideurs politiques Ne pas confondre : socialisme réformiste (volonté de transformer la société dans un cadre démocratique en participant aux élections et par le vote de lois sociales) et socialisme révolutionnaire (transformation de la société par la révolution, selon la théorie de Marx). Dès 1917-1921, il y a une scission entre les deux : dès lors, on appellera communisme le socialisme révolutionnaire, et socialisme le socialisme réformiste. Attention : les pays communistes utilisent le mot socialisme comme synonyme de communisme. 1

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Thème 3 : Idéologies et opinions en Europe de la fin du XIXe siècle à nos jours  : Socialisme et mouvement ouvrier

Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875 Lexique :

Marxisme : Théorie politique fondée par Karl Marx, selon laquelle les prolétaires, qui ne possèdent que leur force de travail, doivent renverser l’ordre social capitaliste bourgeois par une révolution issue de la lutte des classes, afin d’organiser une société sans classe sociale et sans état.Communisme : Mouvement issu du marxisme, qui considère que la lutte des classes passe par un affrontement violent avec la bourgeoisie et l’Etat. L’Etat communiste se considère le seul représentant de la majorité de la population (prolétariat) donc démocratique.Socialisme : Mouvement de pensée qui dénonce les inégalités sociales issues de l’industrialisation. Le marxisme se dit socialiste et prône la lutte des classes pour aboutir à un partage égalitaire des richesses. Il s’oppose au capitalisme (propriété privée des moyens de production) et au libéralisme économique. Syndicalisme : Mouvement de défense des intérêts des travailleurs face aux propriétaires d’entreprise et aux décideurs politiques

Ne pas confondre : socialisme réformiste (volonté de transformer la société dans un cadre démocratique en participant aux élections et par le vote de lois sociales) et socialisme révolutionnaire (transformation de la société par la révolution, selon la théorie de Marx). Dès 1917-1921, il y a une scission entre les deux : dès lors, on appellera communisme le socialisme révolutionnaire, et socialisme le socialisme réformiste.Attention : les pays communistes utilisent le mot socialisme comme synonyme de communisme.

Introduction :

Depuis le XVIIIe siècle, l’Europe connait progressivement une révolution industrielle. D’abord au Royaume-Uni, puis en France… L’Allemagne rattrape son retard à partir du milieu du XIXe siècle et s’industrialise. De 1871 (unification) à 1918, l’Allemagne est un Empire. L’Empereur (Guillaume II) et le Chancelier (Bismarck) sont les principaux personnages politiques dirigeant le pays. Le nombre d’ouvriers augmente fortement et dans les années 1870, l’Allemagne devient la deuxième puissance industrielle d’Europe. Partout, les usines entrainent un exode rural, un développement des villes et la naissance d’une classe ouvrière de plus en plus nombreuse (déjà un tiers de la population en 1870). Elle connait des conditions de travail très dures, face à un patronat qui s’enrichit. C’est dans ce contexte que naissent les idées socialistes et l’Allemagne voit naitre sur son territoire le premier mouvement ouvrier d’Europe.

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I. La naissance du socialisme en Allemagne (1875-1914)

a. Berceau du socialisme L’augmentation du nombre d’ouvriers constitue un terreau pour les idées

socialistes. L’organisation des ouvriers se renforce, de même que les réflexions philosophiques concernant le monde ouvrier, comme les analyses des théoriciens du socialisme comme Marx et Engels (1848 : Le Manifeste du parti communiste)

Dès les années 1860, deux mouvements émergent : o L’Association générale des travailleurs allemands (ADAV), créée par

Ferdinand Lassalle, un disciple de Marx qui développe sa propre vision d’un socialisme réformiste ; il prône l’acceptation des règles démocratiques (réformes) en rejetant la thèse révolutionnaire. Il parle d’ailleurs de « question sociale » plutôt que de « lutte des classe ».

o Le Parti social-démocrate des travailleurs (SDAP), d’inspiration marxiste révolutionnaire, fondé par Wilhelm Liebknecht et August Bebel.

En 1875, lors du congrès de Gotha, l’ADAV et la SDAP fusionnent pour créer le premier parti ouvrier unifié d’Europe : le Parti socialiste des ouvriers allemands (SAP). Il prône l’établissement du socialisme en Allemagne, mais aussi dans le monde (c’est ce qu’on appelle l’internationalisme).

Parallèlement au parti se développent des syndicats dans chaque secteur d’activité (métallurgie, mines, imprimerie…). Les syndicats sont légaux dès 1869 en Allemagne (1884 en France). Ce sont des organisations qui ont pour but de défendre les droits d’une profession, d’un secteur d’activité à travers différents modes d’action (grèves, occupations d’usines, manifestations, soutien financier aux travailleurs,...). Il existe alors des divisions entre syndicats chrétiens (eux-mêmes divisés entre catholiques et protestants) et syndicats socialistes (opposés à la religion, caractérisée par Marx comme l’ « opium du peuple »). Entre 1890 et 1910, le nombre de travailleurs syndiqués est multiplié par 10.

Le SAP et les syndicats socialistes prônent un socialisme dans tous les aspects de la vie quotidienne et se battent pour l’amélioration de la vie des ouvriers. Ils se transforment en pôles de socialisation en développant des organisations de loisirs, des fêtes populaires, des clubs de sports, des bibliothèques, cours du soir, associations chorales, mais surtout des coopératives… Une presse d’opinion socialiste se développe. Une véritable culture prolétarienne émerge.

Dès ses débuts, le mouvement socialiste allemand est traversé par une division : une frange révolutionnaire se démarque d’une frange réformiste. En 1890, le SAP devient le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD).

b. Un mouvement unifié ou divisé ? Dès ses débuts les fondateurs du SAP ne partagent pas exactement les mêmes

idées : leur but commun est le socialisme mais ils prônent des moyens pour y parvenir différents. Lassalle est réformiste, tandis que Wilhelm Liebknecht et August Bebel sont révolutionnaires. La fusion entraine un basculement vers le réformisme : dans le texte de Gotha, il y a bien des expressions socialistes (« classe capitaliste », « servitudes ») mais pas de « lutte des classes », ni de « révolution », l’avènement du socialisme passe « par tous les moyens légaux ».

Pour évoquer cette branche réformiste du socialisme, apparaît le terme de « social-démocratie » : on cherche à atteindre le socialisme par les moyens

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démocratiques (élections, nouvelle législation). Contexte : développement des aspirations démocratiques en Allemagne ; l’Empire allemand possède à l’époque un parlement (Reichtag) élu au suffrage universel mais celui-ci peut être dissout à tout moment par l’Empereur et le Chancelier.

En 1877, le premier succès électoral du SAP (un demi-million de voix et 12 sièges au Reichstag) alarme Bismarck (déjà opposé à l’ADAV et au SDAP) et la majorité libérale qui craignent l’établissement d’un Etat socialiste. Bismarck lutte contre le socialisme par deux moyens :

o Dès 1878, les « Lois socialistes » interdisent les organisations socialistes (notamment le SAP) ; les chefs du parti partent en exil.

o Il met en place une série de réformes sociales ou « socialisme d’Etat » qui propose une série de mesures sociales avancées pour couper l’herbe sous les pieds du mouvement socialiste : il crée notamment le premier système de sécurité sociale au monde (bien avant la France et les réformes des années 1940). Cela permet de montrer aux ouvriers que l’Etat peut les protéger et que le socialisme n’est pas la seule solution. 1883 : création des caisses d’assurance maladie1889 : loi sur l’assurance vieillesse (retraite à 70 ans)1891 : un jour de repos hebdomadaire

Le « socialisme d’État » n’emporte ni l’adhésion des masses − les plus humbles voient leur salaire amputé − ni celle des élites réprimées et isolées. Il ne parviendra pas à empêcher l’essor du socialisme et du syndicalisme Bismarck, désavoué par l’empereur en 1890, quitte le pouvoir, et la même année la loi antisocialiste est abrogée.

L’interdiction du SAP a pour effet de solidariser les ouvriers. Les candidats socio-démocrates se présentent individuellement (sans parti, puisqu’il est interdit) et remportent des élections à tous les niveau (usine, ville, Lander, parlement).

En 1891, au Congrès d’Erfurt, le SAP devient le Parti social-démocrate (SPD), qui s’inscrit encore dans la lignée marxiste tout en prônant clairement le réformisme. Ce nouveau tournant est marqué par les théories réformistes de Eduard Bernstein qui deviennent majoritaires au sein du parti. Il parle de « révisionnisme » pour désigner le réformisme (sachez le si vous croisez ce mot ou ce nom, mais ne pas confondre avec l’autre sens du révisionnisme qui consiste à réécrire l’histoire, notamment pour faire du négationnisme). La doctrine marxiste reste la doctrine officielle du SPD, bien qu’en pratique il maintienne une volonté réformiste et démocratique. Cette contradiction entre théorie et pratique est à nouveau la source de nombreuses divisions internes : par exemple, les socialistes ne parviennent pas à se positionner par rapport à la Weltpolitik de Guillaume II (années 1890) :

o La Weltpolitik vise à donner à l’Allemagne une place sur la scène internationale en promouvant notamment les conquêtes coloniales. Elle va amener à la 1e Guerre Mondiale.

o Karl Kautsky (socialiste révolutionnaire) rejette le patriotisme et la conquête qu’il associe au monde capitaliste. Bebel, moins radical, apparaît à la fois patriotique et antimilitariste. Dans le même temps se développe un courant pacifiste à la gauche du SPD, influencé par la IIe Internationale (pour les socialistes, l’ennemi, c’est le bourgeois, pas le prolétaire français, ou d’un autre pays. Or, dans la guerre, ce sont les travailleurs qui s’entretuent)

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o Enfin, les socialistes révisionnistes pensent qu’il faut admettre l’expansion coloniale et donc fournir aux gouvernements les crédits militaires réclamés, si nécessaire.

c. L’essor du socialisme et du syndicalisme L’Allemagne se caractérise rapidement par la proximité entre le parti social-

démocrate et le mouvement syndical (ce n’est pas le cas en France par exemple où les syndicats sont à cette époque méfiants vis-à-vis du parti socialiste). En Allemagne, les partis et les syndicats sont extrêmement liés (les syndicats socialistes sont les plus forts à l’époque mais il existe aussi des syndicats centristes, catholiques, etc.) et les syndicats sont financés par les partis. Les dirigeants des syndicats sont également des élus socialistes. Les syndicats choisissent la voie réformiste (négociation et gestion des assurances sociales, sans renoncer aux grèves).

En 1892, l’ensemble des syndicats socialistes s’unifie à travers la Confédération nationale des syndicats, en lien très étroit avec le parti. Le nombre de grèves et de mouvements sociaux va littéralement exploser pour demander de meilleures conditions de travail. Une des plus symbolique par le nombre : en 1912, une grève réunit 300 000 mineurs dans la région de la Ruhr.

A la fin du XIXe, le SPD devient le premier parti du Reichtag et à la veille de la première guerre mondiale (1912), il obtient 35% des voix, soit plus de le Zentrum et le NLP réunis, il compte alors 1'700'000 adhérant (sur 7 millions de salariés) et compte plus de 4 millions d’électeurs. Force de plus en plus importante, la social-démocratie allemande recouvre des positions de plus en plus modérées : le réformisme et le révisionnisme ont gagné l’ensemble de ses structures dirigeantes. Une partie des socialistes restent convaincus de la nécessité d’une révolution, c’est le cas de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht (le fils de Wilhelm Liebknecht)

II. D’une guerre à l’autre (1914-1945)

a. La scission du SPD A l’approche de la guerre, les dirigeants du SPD ne veulent pas que leur parti

apparaisse comme antipatriotique. En conséquence, ils se positionnent contre la grève générale en cas de risque immédiat de conflit mondial proposée par la IIe

internationale. En 1914, comme en France, la guerre demande un renforcement de l’unité

nationale : l’ensemble des partis s’unissent pour former l’Union sacrée (tous les partis votent les crédits de guerre), y compris le SPD qui devrait refuser la guerre conformément aux théories marxistes, internationalistes et pacifistes.

Mais au fur et à mesure que dure le conflit, certains socialistes refusent de voter de nouveaux crédits militaires. Exclus par les dirigeants du SPD, Ebert et Scheidemann, fondent en avril 1917 l’USPD, un parti social-démocrate indépendant qui se situe à gauche du SPD et dont le programme préconise la fin de la guerre et du régime politique impérial. Ce parti va très vite se rallier à un autre groupe : en 1915, Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht et d’autres marxistes créent un mouvement pacifiste et révolutionnaire : la Ligue Spartakiste (du nom de Spartacus qui prit la tête d’une révolution d’esclaves à Rome en 73 avant J.-C), qui dénonce le ralliement à la guerre de la majorité du SPD. Ils sont

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emprisonnés pour pacifisme. La division entre réformistes et révolutionnaires devient officielle.

La défaite de novembre 1918 entraine l’abdication de Guillaume II. Le SPD est alors favorable à la mise en place d’une République parlementaire, tandis que l’USPD et les spartakistes considèrent que la situation est favorable à une prise de pouvoir révolutionnaire. Ces derniers fondent le Parti communiste allemand (KDP) le 30 décembre.

Partout en Allemagne, des groupes révolutionnaires lancent des mouvements de grève et de révolte. Le 9 novembre, l’empereur abdique et deux Républiques sont proclamées simultanément par le SPD et le KDP. La République de Weimar est créée : c’est un régime démocratique et parlementaire, où les socialistes ne sont qu’une composante des principales forces politiques avec le Centre et les libéraux.

Dès janvier 1919, le KPD organise des manifestations de rues et grèves massives contre le gouvernement de Weimar dirigé par le chancelier socialiste Ebert. Pour réprimer la grève générale qui débute le 11 janvier, le SPD appelle les « corps francs » (= soldats de retour du front) : c’est la semaine sanglante : 1500 grévistes sont tués, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassiné. C’est la victoire du SDP.

b. Les socialistes et communistes face à la montée du nazisme Dès 1917-1921, moment officiel de la scission, on appellera communisme le

socialisme révolutionnaire, et socialisme le socialisme réformiste. La disparition des fondateurs du mouvement spartakiste permet aux partisans de l’alignement du Parti sur Moscou d’en prendre le contrôle (révolution bolchévique = 1917). Le KPD est bolchévisé, il passe sous domination du Parti Communiste d’URSS et adopte la lutte contre la social-démocratie défendue par la IIIe

internationale. De son coté, le SPD fait passer une série de réformes sociales (8 heures de

travail, assurance chômage, hausse de la rémunération des heures supplémentaires, vote des femmes en 1919 etc.). Il reste très influent mais perd près de la moitié de ses adhérents à cause de la semaine sanglante. Il doit s’allier au centre (Zentrum), pour lutter à la fois contre l’influence communiste du KPD et la montée du National-socialisme d’Adolfe Hitler. La coalition avec le Zentrum fait que le KPD associe les socialistes aux partis « bourgeois », qui défendent le capitalisme.

En 1930 le SPD compte un million de membre, et son syndicat 8.5 millions. Le KPD se massifie également. Il atteint 10% des voix en 1920, puis plafonne à ce niveau. La crise économique de 1929 relance sa progression : il la considère comme la crise du capitalisme, la preuve que toutes ses critiques sont justifiées. Il espère en tirer avantage, d’autant plus que la crise atteint violemment l’Allemagne dont le système économique, sous perfusion des capitaux américains, s’effondre. En 1930 il monte à 13% des voies puis atteint 16,9 en 1932. Au premier tour de la présidentielle de 1932, Ernst Thälmann, le candidat communiste, réunit près de 5 millions de voix (13 %) sur son nom. En quatre ans, le parti a doublé le nombre de ses électeurs.

De son coté, le parti National-Socialiste (nazi) accuse les SPD d’être responsable de la crise car il a signé le Traité de Versailles, qualifié de Diktat. Les nazis dénoncent un « coup de poignard dans le dos » de la part du SPD (ils disent qu’au lieu de se battre contre la France, les socialistes faisaient une guerre entre eux et que le SPD a accepté de signer le traité pour avoir le pouvoir).

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En 1932, le SPD appelle le KPD à s’allier contre les nazis, mais le KPD refuse de s’allier avec ce qu’il considère comme un parti bourgeois. Le KPD est toujours aligné sur Moscou et mène des actions parallèles à celles des nazis en vue de renverser le régime (violence politiques, combats de rue contre les SA, émeutes). Du coup, c’est le parti nazi qui devient le premier parti au Reichstag en nombre de siège aux élections législatives de 1932 (33% des suffrages, contre 20% au SDP et 13% KPD) et en 1933 Hitler est nommé chancelier. Au total, la division de la gauche allemande explique en partie la prise de pouvoir par les nazis.

c. Répression et résistance Hitler va se débarrasser de tout opposant politique, à commencer par les

communistes. En février 1933, l’incendie du Reichstag est présenté comme un complot communiste et sert de prétexte suspendre les libertés fondamentales. Le KPD est interdit, Hitler fait arrêter près de 4 000 cadres du parti (dont son président Ernst Thälmann), pour lesquels il fait ouvrir le camp de concentration de Dachau. Propulsé symbole de la résistance à l’arbitraire nazi, Thälmann se retrouve au centre d’une vaste campagne pour sa libération. Elle est relayée par le mouvement antifasciste international. En vain, il sera exécuté dans un camp de concentration en été 1944. Le SPD est aussi interdit en été 1933 car il s’oppose aux pleins pouvoirs de Hitler (le Parti National-Socialiste devient le parti unique). Le parti de Hitler élimine ses membres les plus révolutionnaires en 1934 lors de la « nuit des longs couteaux ».

Les syndicats sont interdits. Mais un Front allemand du travail est créé pour encadrer les ouvriers (1/3 de la population) et des organisations de loisirs encadrés comme la Force par la Joie.

Les socialistes et communistes qui parviennent à s’enfuir organisent la résistance depuis Londres (SPD) et Moscou (KDF). A Moscou, un « comité national de l’Allemagne libre » est fondé en 1943 par Walter Ulbricht (KPD). 70% des tracts interceptés par la Gestapo proviennent du SPD et du KDF. Mais en général, entre 1933 et 1939, les partis socio-démocrates et communistes disparaissent de la scène politique allemande.

III. Les mutations du socialisme en Allemagne depuis 1945

a. La guerre froide A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Allemagne est occupée (URSS, USA,

UK, FR) puis elle est recréée en 1949 mais en deux morceaux : la République Démocratique d’Allemagne (RDA), insérée dans le bloc soviétique et la République Fédérale d’Allemagne (RFA) sous influence occidentale.

Moscou organise sa zone d’occupation en s’appuyant sur le « comité national de l’Allemagne libre ». En avril 1946, la création de la RDA entraine la fusion du KDP et du SPD pour former le Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED), dont le Secrétaire général du comité central est Walter Ulbricht qui organise son territoire sur le modèle soviétique : les entreprises sont nationalisées, les terres collectivisées et la planification quinquennale (on fixe des objectifs de production sur un période de 5 ans) instaurée. La RDA est l’un des plus fidèles soutiens de l’URSS. Par l’espionnage industriel, elle contribue au développement des savoir-faire du bloc de l’Est. Intégrée au Pacte de Varsovie, elle participe au maintien de l’ordre communiste en Europe orientale comme à

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Prague en 1968. Une police politique (la Stasi) surveille étroitement la population qui ne semble pas adhérer pleinement au nouveau régime autoritaire. La jeunesse est encadrée. L’Etat subventionne le sport, la culture, la santé, l’éducation. Mais le niveau de vie est très bas et 3 millions de personnes s’échappent à l’ouest, entrainant la construction du mur de Berlin en 1961. Les grèves sont interdites et fortement réprimées comme en 1953, où l’armée rouge (URSS) vient écraser un soulèvement d’ouvrier. Le pouvoir communiste crée la Fédération libre des syndicats d’Allemagne (FDGB) totalement contrôlée par le SED : elle cherche à contrôler les travailleurs et non plus à les défendre.

En RFA, le SPD est réinstauré en 1946 toujours sur la base du réformisme. En 1956, le KDP est interdit car il est jugé trop proche de la RDA dans un contexte de guerre froide. En 1959, a lieu un tournant majeur au Congrès de Bad Godesberg : le SPD abandonne l’essentiel de la doctrine marxiste révolutionnaire, se rallie à l’économie de marché et à la démocratie libérale (sur le modèle américain). Le SPD retrouve ainsi un électorat nombreux, qui porteront Willy Brandt au pouvoir en 1969 puis Helmut Schmidt en 1974 (deux chancelier SPD d’affilée).

Côté syndical, la Confédération allemande des syndicats (DGB) est créée en 1949, syndicat proche du SPD, suit la même voix, en pratiquant la cogestion, c’est-à-dire la négociation permanente avec des représentants syndicaux, et l’évitement de la grève : on parle de « culture de la négociation » et de « modèle social allemand ». Le niveau de vie en RFA va augmenter, les conditions de travail vont considérablement s’améliorer.

Avec l’interdiction du KPD, l’opposition d’extrême gauche va se radicaliser, avec une frange qui va basculer dans le terrorisme : la « bande à Baader », soutenue secrètement par la RDA. Elle aura très peu d’influence sur le monde ouvrier qui se voit accéder à la société de consommation grâce aux avancées sociales.

Dès 1969, Willy Brandt initie l’Ostpolitik, une politique de reconnaissance mutuelle de la RDA et RFA. Ulbricht est remplacé par Erich Honecker (1971). Ce dernier négocie le rapprochement avec l’Allemagne de l’Ouest. Les deux Allemagnes signent le traité fondamental de 1972 de reconnaissance mutuelle des deux États, qui entrent à l’ONU. Les réformes lancées en URSS par Gorbatchev à partir de 1985 franchissent rapidement les frontières. Profitant d’une gestion plus lâche de l’émigration dans les pays voisins, les Allemands de l’Est reprennent leurs migrations en passant notamment par la Hongrie. La crise économique qui commence en 1976 s’aggrave, le mécontentement populaire s’accroît. Le 6 juillet 1989, à l’occasion d’un voyage à Berlin, Gorbatchev annonce que l’URSS n’interviendra pas dans les affaires intérieures de la RDA. Le SED se retrouve seul face à l’opposition qui organise des manifestations (« les manifestations du Lundi »). Dépassé, le gouvernement démissionne (8 novembre 1989). Dans le même temps, l’annonce de la levée de toutes les restrictions de voyage provoque une ruée vers les postes de passage du mur à Berlin. Sous la pression de la foule, le mur « tombe ». Le 3 octobre suivant, l’Allemagne est réunifiée. Avec la RDA, les communistes allemands disparaissent de l’avant-scène politique allemande.

b. Depuis la réunification Le 3 octobre 1990, le SED disparait. Des militants communistes fondent le Parti

du socialisme démocratique (PDS) pour continuer la défense du marxisme,

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tandis que la FDGB est dissoute. D’une manière générale, comme partout en Europe, le syndicalisme recule fortement (12 millions en 91, 7 millions en 2001 !). Le réformisme (SPD) perd aussi du crédit car le socialisme reste associé à l’ex-RDA. L’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU, droite) est pouvoir de 1982 à 1998. En 1996, le DGB renonce définitivement au concept de la lutte des classes.

En 1998, Gerard Schröder (SPD) remporte les élections grâce à une alliance avec les Verts et la stratégie du « nouveau centre » (Neue Mitte) : la social-démocratie allemande accepte l’économie de marché et prône une politique économique ouvertement libérale, s’éloignant définitivement de ses racines marxistes. Réélu en 2002, Schröder lance une série de réformes libérales appelées l’« Agenda 2010 », visant à redonner de la compétitivité aux entreprises allemandes et élaboré avec Peter Harz, le PDG de Volkswagen. Ces réformes réduisent la protection sociale et allongent la durée du temps de travail. Les électeurs l’abandonneront aux élections suivantes, portant Angela Merkel au pouvoir en 2005 (elle est réélue en 2009 et 2013). Angela Merkel, bien que clairement de droite, saluera la politique menée par Schröder (ça montre bien que Schröder et le SPD ont abandonné le socialisme).

De nombreuses personnes vont quitter le SPD pour rejoindre le PDS, qui va se renommer le « Linkspartei » ou parti de gauche. En s’unissant avec d’autres petits partis, ils créent « Die Linke » (2007), parti à gauche de la gauche, obtenant environ 12% des voix. On retrouve un mouvement similaire en France, avec le départ de Jean-Luc Mélenchon du PS pour créer le Parti de gauche, qui s’unira avec le PC pour fonder le Front de Gauche.

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