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Où sont les migrants dans la mobilisation sociale ? « Débrouille », lutte transnationale et alliances locales des Andins en Europe Olga L. González * Existe-t-il des formes particulières de mobilisation de migrants ? Sommes-nous capables de voir les mobilisations qui existent ? Savons-nous expliquer leur absence ? Connaissons-nous les conditions pour que les mobilisations des migrants aient des chances de réussir ? Ce texte apporte quelques éclairages à ces questions. En partant de l’expérience de deux grands sociologues des migrations, A. Sayad et F. Znaniecki, la première partie explore les conditions de compréhension des pratiques des migrants. Nous présentons ici le privilège épistémologique du double regard du sociologue migrant . Ce double regard est exercé dans la deuxième partie de cet article : en cherchant à expliquer la faible mobilisation des migrants colombiens en France pour défendre leurs droits, nous avons introduit la notion de « débrouille ». Nous en donnons ses principales caractéristiques et discutons cette notion d’un point de vue sociologique. Dans la troisième partie nous nous intéresserons à deux exemples de mobilisations réussies : la mobilisation transnationale pour les droits humains en Colombie, et la mobilisation des Equatoriens contre l’arnaque immobilière en Espagne. Ces deux cas montrent que les alliances avec les militants locaux sont une condition fondamentale de leur succès. Les questions migratoires et le double regard du sociologue migrant * Docteure en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris, chercheure associée à l’Urmis – Université Paris Diderot. Site web: http://olgagonzalez.wordpress.com/ Email : [email protected]

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Où sont les migrants dans la mobilisation sociale ?

« Débrouille », lutte transnationale et alliances locales des Andins en Europe

Olga L. González*

Existe-t-il des formes particulières de mobilisation de migrants ? Sommes-nous capables de voir les mobilisations qui existent ? Savons-nous expliquer leur absence ? Connaissons-nous les conditions pour que les mobilisations des migrants aient des chances de réussir ?

Ce texte apporte quelques éclairages à ces questions. En partant de l’expérience de deux grands sociologues des migrations, A. Sayad et F. Znaniecki, la première partie explore les conditions de compréhension des pratiques des migrants. Nous présentons ici le privilège épistémologique du double regard du sociologue migrant .

Ce double regard est exercé dans la deuxième partie de cet article : en cherchant à expliquer la faible mobilisation des migrants colombiens en France pour défendre leurs droits, nous avons introduit la notion de « débrouille ». Nous en donnons ses principales caractéristiques et discutons cette notion d’un point de vue sociologique.

Dans la troisième partie nous nous intéresserons à deux exemples de mobilisations réussies : la mobilisation transnationale pour les droits humains en Colombie, et la mobilisation des Equatoriens contre l’arnaque immobilière en Espagne. Ces deux cas montrent que les alliances avec les militants locaux sont une condition fondamentale de leur succès.

Les questions migratoires et le double regard du sociologue migrant

Certains de plus importants sociologues de la migration ont été ou sont, eux aussi, des migrants. On songe notamment au polonais-états-unien Florian Znandiecki, et à l’algéro-français Abdelmalek Sayad.

Il serait insuffisant de faire reposer cette situation dans les aléas du hasard. Nous essaierons à présent d’examiner quelques facteurs qui expliquent cette préeminence (et par là-même, nous poserons le problème, largement partagé par l’ensemble des sciences sociales, des conditions de production des connaissances). La question peut se poser dans les termes suivants : Est-ce que le fait d’appartenir ou d’être au plus proche d’une communauté rend plus aisé et plus fertile l’analyse de sa culture et de ses relations sociales ? Ou au contraire, pour mieux étudier cette culture et ces relations sociales, convient-il d’établir une distance avec cette communauté ?

Deux formulations épistémologiques différentes nous permettront d’introduire la question : la première relève du « point de vue situé » : c’est l’idée selon laquelle seuls les membres d’un groupe dominé sont à même de parler de leur expérience. La deuxième se réfère à la problématique du « privilège épistémologique » propre à ceux qui sont étrangers au groupe.

Commençons par exposer brièvement l’idée de « point de vue situé », que l’on retrouve fréquemment dans les champs d’études féministes ou dans les Black studies (bell hooks, 1984 ; Delphy, 1998 ; Löwy, 2008). L’idée, est qu’il faut constamment donner la parole à ceux et à celles qui subissent les discriminations ou la marginalité, et qui sont soumis systématiquement à la domination : les femmes, les minorités ethniques et sexuelles, les classes subalternes… L’énonciation de cette parole permettrait de mettre en évidence les différentes oppressions, que des personnes extérieures au groupe ne pourraient pas voir, insérés comme ils sont dans ces rapports de domination (Falquet, 2008).

Ce type d’approche conteste un certain intellectualisme et un savoir académique « expert » et déconnecté des milieux sur lesquels il travaille. Il s’oppose à une académie souvent blanche, masculine et bien installée, qui interprète la parole de ses « objets d’étude » selon ses propres catégories et parfois selon ses propres intérêts.

En rappellant qu’une conscience spécifique des différents groupes subalternes ou dominées existe et n’est pas immédiatement compréhensible par des personnes extérieures, le « point de vue situé » est une sorte de piqûre de réalité, nécessaire comme « comme un taon stimul[ant] un cheval » (Platon, sd). Pour revenir à nos sociologues migrants, il est tout à fait légitime de penser qu’en tant que migrants, ayant subi le déracinement et connu l’expérience de la déclassification sociale, ils seront plus à même de parler de l’expérience migratoire que des sociologues n’ayant pas partagé cette expérience. Est-ce que cela signifie, pour autant, que seuls les migrants (ou seuls les opprimés) sont à même de pouvoir parler d’eux-mêmes ?

Erigé en dogme, le « point de vue situé » tombe dans une forme de populisme ou de censure : supposer que seule cette parole est légitime est poser, d’emblée et de manière acritique, une homogénéité des points de vue des dominés (des « migrants », des « femmes » ou du « peuple » qui auraient une même conscience de leur situation et les mêmes intérêts).

Il existe un autre point de vue sur la de production des connaissances. En opposition à l’idée précédente apparaît l’idée selon laquelle la manière la plus juste de parler d’une communauté (ici, les migrants) est d’établir une distance avec eux. De nombreux manuels de sciences sociales insistent sur l’écart, nécessaire et préalable, à l’étude d’une communauté. De même, nous retrouvons exposée cette idée chez E. Traverso : cet historien, spécialiste de la violence nazie et des intellecuels juifs, emploie la notion de « privilège épistémologique » pour se référer aux intellectuels judéo-allemands des années 1930 exilés aux États-Unis, et chez lesquels il identifie une forme de distanciation particulière. Voici ce que cette notion recouvre :

« Les exilés, en tant que marginaux et étrangers, peuvent échapper à toute une série de contraintes –psychologiques, institutionnelles, politiques, culturelles– qui découlent d’un contexte national dans lequel ils sont insérés sans y appartenir. Cette qualité de regard un peu décalé peut être parfois un avantage : il permet de voir ce que d’autres ne voient pas »

Contrairement au « savoir situé », ce qui rend pénétrant le regard est la distance par rapport au groupe. L’exilé est privilégié parce qu’il est détaché, dénué d’a priori, sans liens compromettants avec la société qu’il étudie. Ce privilège rend, selon Traverso, plus lucides et plus justes ses analyses. Traverso inscrit cette réflexion dans celle qui a été élaborée par le grand sociologue G. Simmel :

Ce « privilège » avait déjà été théorisé par Georg Simmel, au début du siècle, lorsqu’il définissait l’« étranger », par opposition au simple voyageur, comme « l’hôte qui reste » : une figure de l’altérité qui n’arrête pas de confronter deux cultures, la sienne et celle du pays d’accueil. Par le regard à la fois interne et externe qu’il porte sur la société, l’étranger est mieux placé pour avoir une vision critique, anticonformiste, qui échappe aux conventions et aux idées reçues » (Traverso, 2004, p. 10).

L’idée d’une capacité supérieure des étrangers à produire des analyses ou des regards originaux sur leurs sociétés d’accueil est très séduisante. Des films, des ouvrages ont exploité sont potentiel dramatique ou analytique (Nothomb, 1999 ; Daninos, 1960).

Cette disposition particulière se retrouve-t-elle aussi chez les sociologues migrants ? En ce qui concerne la France, un examen sommaire donne peu d’exemples de ce type : en sociologie, il existe peu de « grands noms migrants », et nous ne connaissons pas de sociologue étranger devenu une référence de premier ordre en raison de ses travaux sur la société française. A. Sayad, que nous avons évoqué plus haut, n’a que peu travaillé sur la société française.

Aussi, il semble que, avant de parler de « privilège épistémologique de l’exil » en termes idéaux, il faut songer aux possibilités matérielles de production de connaissances. Or, le champ du savoir qui s’ouvre le plus naturellement aux sociologues migrants est lié à leurs possibilités d’insertion professionnelle. Ainsi, rappelons que les auteurs migrants que nous avons cités ont travaillé avec des sociologues très bien établis dans leurs pays d’accueil (Florian Znaniecki avec William I. Thomas, Abdelmalek Sayad avec Pierre Bourdieu) : sans le soutien de ces chercheurs locaux, les travaux des sociologues migrants ne seraient probablement pas parvenus jusqu’à nous.

Ces considérations nous amènent à moduler le postulat d’E. Traverso. Car même si les migrants possèdent ce « regard un peu décalé » sur leur société d’accueil, la possibilité de travailler sur celle-ci dépend dans une large mesure de leurs possibilités matérielles et professionnelles d’insertion. Or, comme le savent tous les sociologues de la migration, il y a un processus de déclassification sociale suite à la migration d’aires possédant un différentiel important (classiquement, de nos jours, pour les migrants du Sud vers le Nord).

Cet « entre-deux » –ni vraiment établis, ni complètement exclus du système universitaire ; entre-deux pays, dont ils connaissent les codes mais auxquels ils n’appartiennent pas entièrement (éloignement géographique ou éloignement symbolique)- ; exclus et inclus au sein de leur communauté –minoritaires au sein de la majorité comme leurs compatriotes, mais déclassés au sein de celle-ci en raison de leur vocation intellectuelle– compose le regard du sociologue migrant.

A condition de bénéficier des conditions matérielles adéquates, ce regard particulier, ce double regard, enrichira le savoir sur les migrations. Verront alors le jour des travaux lumineux de Sayad et de Znaniecki. Leurs travaux enrichissent à la fois la connaissance sur la société algérienne et polonaise, la connaissance sur la société française et états-unienne, et dans le cheminement de l’une vers l’autre, les connaissances sur les parcours des migrants, leurs certitudes et leurs réussites, leurs hésitations et leurs difficultés.

Le postulat selon lequel le migrant appartient à deux sociétés (celle d’origine, celle d’accueil) et que pour comprendre les migrants, ses motivations, ses actions, il faut comprendre ses normes et valeurs, lesquelles s’inscrivent dans une double appartenance nationale, guidera la section suivante de cet article, qui porte sur l’absence de mobilisation des migrants colombiens en France.

La faible mobilisation des migrants andins : éléments d’explication autour de la notion de « débrouille »

A l’ère des grands mouvements de population qui est la notre (Wihtol de Wenden, 2012), l’idée selon laquelle l’augmentation de la migration va de pair avec une augmentation de la participation politique des migrants est stimulante. La question est ainsi posée par R. Koslowski (2005), éditeur d’un important ouvrage sur les migrations internationales comme vecteur de la mondialisation des politiques locales :

« L’augmentation des migrations élargit les activités politiques potentielles des émigrés pour une raison évidente : la migration augmente le nombre d’acteurs politiques possibles » (Koslowski, 2005, p. 11).

Un travail doctoral effectué dans le passé nous a permis de nous pencher sur cette question. Ce travail étudiait la manière dont les migrants provenant de la Colombie (la communauté andine la plus nombreuse en France), réussissaient à obtenir leurs droits sociaux (droits liés au travail, à la santé, à l’éducation) et leur droit au séjour. Il s’agissait de savoir comment ils et elles s’attaquaient aux obstacles (linguistiques, légaux, institutionnels) pour obtenir le droit au séjour, pour le respect de leurs droits dans leur vie professionnelle et dans leur vie quotidienne, ou au contraire s’ils préfèraient négliger ces droits.

Il s’agissait de savoir comment le statut provisoire qui était le leur (illégalités du séjour ou du travail, difficultés avec la langue ou la culture française), et aussi comment leur culture (de contestation, de travail ou leur culture politique et citoyenne) s’érigaient en obstacles ou, inversement, en moteurs de leur participation politique et citoyenne. Nous nous sommes interrogé sur les éventuels systèmes d’alliances mis en place (par le biais des syndicats, des prudhommes, des réseaux de militants, des collectifs de migrants, de collectifs de sans-papiers) et sur les stratégies individuelles et collectives –pétitions, grèves, manifestations–, enfin, sur l’activation de liens sociaux.

Le travail de terrain effectué en région parisienne a montré qu’il n’existait pas d’organisation collective en vue d’obtenir des droits ou d’en réclamer de nouveaux, que les institutions chargées de défendre les droits des travailleurs ou des étrangers étaient vues avec suspicion et ne donnaient que très rarement lieu à des alliances.

Au lieu de cela, la « débrouille » apparaissait comme la pratique dominante chez les Colombiens, la communauté andine la plus nombreuse en France. Cette pratique sociale se manifestait dans la rareté de la revendication des droits. En contraste avec des collectifs de migrants venus d’ailleurs, comme les Sri Lankais et les Maliens, ces migrants étaient peu présents dans les comités de sans-papiers, avaient très peu d’organisations collectives en vue d’obtenir des droits, avaient une très faible demande pour l’asile, alors que d’autres le demandaient (González, 2011a). L’individualisme était leur mode de relation dominant : hormis des exceptions notoires (comme les ressortissants de Santuario, une petite ville avec une très forte émigration), il existait peu d’actions altruistes et désintéressés (c’est à dire, des actes gratuits de coopération) au-delà du tout premier noyau familial. Très souvent, les relations inter-personnelles étaient empreintes de méfiance ou étaient intéressées financièrement. En somme, les données empiriques et l’observation participante ont montré la faiblesse des mobilisations collectives pour obtenir des droits.

La bonne connaissance des modes de relation à l’intérieur de la société colombienne nous a permis d’élaborer un cadre interprétatif sur la pratique sociale observée, la « débrouille ». Avant de préciser en quoi consiste cette pratique, arrêtons-nous sur le mot : en langue française, la « débrouille » renvoie à une « pratique astucieuse et efficace mais pour laquelle on ne s'embarrasse pas de scrupules ».

Il s’agit d’une traduction approximative d’un vocable espagnol employé ordinairement dans plusieurs pays d’Amérique latine, et spécialement en Colombie: le « rebusque ». Ce mot est si courant qu’il existe un indicateur macro-économique dans les statistiques officiels, « tasa de rebusque ».

Dans une première acception, le terme recouvre une large gamme de pratiques économiques en marge du salariat (dans des secteurs comme le commerce ou les services), caractérisées par l’absence d’un cadre (le droit du travail) qui les régule : il n’existe ni contrat, ni horaire de travail, ni système d’assurance sociale. Il s’apparente à l’informalité, un secteur en franche expansion : durant les années 2000, et d’après les sources officielles, en Colombie pour un nouvel emploi régulier il y a quatre emplois dans la « débrouille ». De fait, ce secteur a ironiquement été élevé au rang de « grande industrie nationale ».

Cependant, la dimension qui nous intéresse le plus dans le « rebusque » est plus générale ; c’est une forme de vie où l’individu sait qu’il ne peut compter, ni sur le droit, ni sur la solidarité, et qu’il doit se « débrouiller » seul. Cette définition donnée par un « rebuscador » en Argentine nous semble très éclairante :

La débrouille est un style de vie où rien n’est garanti. Tout ce que tu peux obtenir dépend de uniquement de toi. Si tu t’endors ou tu te laisses abattre par le découragement, tu es mort. Personne ne te demande ou te donne rien. Il est nécessaire d’avoir une forte personnalité. Ce n’est pas pour tout le monde.

De cette définition, il ressort une double perception de la « débrouille », positive et négative :

D’un côté, la débrouille consiste à développer l’art de composer à partir de peu d’éléments, à exercer l’imagination en vue de tirer profit de ses talents et habilités. Dans son acception positive, l’individu composera avec les éléments qui s’offrent à lui d’une manière créative. Les individus ne sont pas bloquées par les aléas de la vie. Même s’ils ont peu de ressources (matérielles, culturelles), ils réussissent à s’en sortir. Le bricoleur qui est ici valorisé est celui qui sait retourner les obstacles en sa faveur. Dans son acception positive, la « débrouille » inclut non seulement la créativité, mais aussi l’ingéniosité et la malice : elle fournit la preuve que les gens sont capables de s’en sortir. Dans certains environnements, elle devient une pratique sociale qui suscite la fierté, d’autant plus qu’elle met en avant l’inventivité populaire, elle devient expression d’une culture populaire créative.

Dans son acception négative, tous les moyens sont permis pour parvenir aux fins. L’individu n’est pas régi par l’idée d’un intérêt commun. L’individu agit en fonction de l’adaptation très personnelle des règles et des codes de conduite en vue de son bénéfice personnel (ou celui de son entourage immédiat). De ce fait, la vie sociale dans un environnement où domine la « débrouille » est extrêmement difficile. Sans droit et sans solidarité, ce sont les plus forts qui s’imposent, et les plus faibles sont écrasés. Dans une telle société, les inégalités sont naturalisées, les violences sont considérées comme un mécanisme légitime pour résoudre les litiges (le taux d’homicides en Colombie est parmi les plus élevés au monde), les mafias prospèrent.

Un précepte –issu de la société colombienne des années 2000- traduit ces comportements dans le quotidien : todo vale, (« tout est permis » ou plutôt : « tous les moyens sont permis pour parvenir aux fins »). Les pratiques des individus peuvent avoir un caractère illégal (bien que cela ne soit pas une condition).

Cette forme de comportement est présente dans des milieux sociaux très différents : certes, des figures sociales de la marginalité, comme les tueurs à gage des quartiers défavorisés, viennent en premier à l’esprit, mais bien au-delà, ce comportement se retrouve chez des individus placés au centre de la société.

Ainsi, la pratique qui apparaissait en permanence au cours de nos enquêtes de terrain, c’était la débrouille que portait avec lui l’émigré. Et la débrouille est, par sa nature même, l’opposé de la mobilisation collective.

Du point de vue sociologique, la « débrouille » est caractérisée par :

· l’extrême individualisme (chacun étant un concurrent potentiel).

· l’utilisation des institutions dans une perspective purement instrumentale (d’où le faible investissement dans celles-ci, ou l’abandon dès que les résultats ont été obtenus).

· la difficulté à mener à terme une organisation collective (d’où la faible participation aux collectifs de sans-papiers ou dans des associations luttant pour l’obtention ou l’élargissement des droits).

· la profusion des intermédiaires qui ont un certain « capital social », c’est à dire des individus qui, de par leur position peuvent obtenir des « résultats » (ainsi des curés, des religieuses, mais aussi des propriétaires de boutiques, des avocats, ou même simplement, des personnes ayant un compte en banque (pour encaisser les chèques de ceux qui n’en ont pas). La plupart des intermédiaires sont payés, souvent cher.

· l’absence d’actions altruistes.

· la marchandisation des relations : durant notre enquête de terrain, les « droits » étaient perçus comme des « services » pour lesquels il était normal de payer.

Comme on voit, cette pratique n’est véritablement saisie que si l’on a une connaissance des formes de relation à l’intérieur de la société d’origine. Alors que pour la société d’accueil, ces actions sont invisibles (elles ne se placent pas dans l’espace public français comme, par exemple, la lutte des sans-papiers, et de fait la communauté colombienne est très peu visible dans l’imaginaire français, que l’on se refère aux sphères académiques, institutionnelles ou médiatiques), elles acquièrent une toute autre dimension quand on les étudie en prenant en compte l’émigré –et pas seulement l’immigré.

Articulations militantes locales autour des mobilisations

En termes d’actions en vue d’obtenir leurs droits, la tendance majoritaire des migrants colombiens est, comme on l’a vu, le recours à la « débrouille » individuelle, qui est l’opposé de la mobilisation. Pourtant, quelques mobilisations proprement collectives et en vue d’obtenir des droits ou de mofidier l’état des choses existent. Rares, elles ne sont que plus intéressantes : quelles sont les conditions de leur émergence ? Que révèlent-elles en termes d’alliances, de culture politique ? Permettent-elles de comprendre ce qui pourrait favoriser d’autres mobilisations ?

Durant un projet post-doctoral, j’ai pu mener des recherches autour de cette question. Je présente ici deux expériences remarquables de mobilisations.

La mobilisation transnationale pour les droits humains en Colombie

L’état des droits humains dans la Colombie des années 2000 est calamiteux. S’il ne fallait retenir que deux mesures qui en donnent une teneur chiffrée, nous citerions les suivantes :

· Selon la justice colombienne, les paramilitaires démobilisés entre 2006 et 2010 ont été les responsables de 170 000 homicides et sont les auteurs de près de 35 000 « disparitions forcées » au cours des vingt dernières années.

· Il y a en Colombie 5 millions de personnes déplacées

Le propos de cette section n’est pas d’étayer ces faits, mais de nous interroger sur la participation des migrants colombiens (près de 10% des Colombiens habitent à l’étranger) dans la dénonciation internationale de la situation des droits humains. En effet, plusieurs ONG produisent des rapports, communiqués.... qui ont une influence certaine auprès des dirigeants, très soucieux de la « bonne image » du pays.

Cette mobilisation est de type transnationale. En effet, les actions sont menées dans deux espaces : dans un premier temps, les dénonciations et informations locales « remontent » du Sud vers le Nord. D’emblée, ceci suppose une coordination entre les agents (une bonne communication, mais aussi un accord sur le projet politique, sur l’opportunité d’une déclaration donnée, etc). Par la suite, des dossiers sont rédigés, puis traduits et diffusés internationalement par les ONG du Nord, dans le but d’avoir une répercussion réelle dans le pays.

On pourrait supposer que les migrants sont une chaîne importante dans ce type de mobilisation. Concernés au premier plan par leur pays d’origine (leur sortie du pays étant souvent liée à des situations de violence), installés à l’étranger (et de ce fait, se trouvant protégés de la violence politique de leur pays d’origine), possédant des compétences de « traduction » (parfois linguistiques mais, surtout, des compétences culturelles propres aux migrants, familiarisés avec leurs deux patries), ils pourraient être des moteurs de l’action transnationale pour les droits humains.

En ce qui concerne la Colombie, l’étude de l’Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, ACAT, une des plus actives organisations en France en ce qui touche les droits humains en Colombie, est claire : la quasi-totalité des migrants ne se mobilisent pas par le problème des droits humains en Colombie. Ainsi, ils ne sont pas au courant du travail réalisé par cette association, n’ont pas de contact avec elle, ne la connaissent pas (González, 2009).

De fait, les migrants colombiens sont très peu présents dans les institutions, organisations et associations françaises, que ce soit en tant que salariés ou en tant que bénévoles. Nous retrouvons ici globalement, la configuration déjà expliquée de la « débrouille » –nous n’y reviendrons pas.

La mobilisation transnationale pour les droits humains repose essentiellement sur des ONG professionnelles (Amnesty International, Acat, FIDH), sur des militants dans des associations plus généralistes (comme France Amérique latine en France) ...et sur une poignée de militants colombiens (exilés politiques de longue date et étudiants qui se politisent à l’étranger –Trujillo Irurita, sd).

D’après nos observations, ces migrants se mobilisent ponctuellement, lors d’appels à manifester émis par des organisations colombiennes, ou lors d’actions de protestation conjoncturelles. Un exemple du premier cas est la journée du 6 mars, dédiée aux victimes des crimes d’Etat en Colombie par le Movice (Mouvement des victimes des crimes d’Etat). Ce jour, des militants colombiens autour du monde manifestent et réalisent des performances symboliques et artistiques. Un exemple du deuxième cas est celui qui est survenu à l’occasion de l’annonce, par une université de Metz, de l’embauche, comme professeur, de l’ancien président Uribe, très contesté en raison de ses nombreuses relations avec les paramilitaires. Les militants colombiens se sont déplacés in situ pour protester ouvertement.

Dans les deux cas, ces appels à manifester sont venus de militants colombiens et ont été l’occasion de réactiver, renouvelleer, ou d’établir des alliances avec des associations et des militants français : la circulation des appels à manifester, ou la prise en charge et la coordination des tâches, ont été réalisées de manière commune par militants des deux pays. Ces manifestations ont été également l’occasion de montrer le soutien des personnalités politiques locales (ainsi, Mme Danielle Mitterrand s’est rendue le 6 mars 2008 à la place du Trocadéro, et plusieurs eurodéputés ont manifesté à Metz avec les militants).

En somme, la contestation transnationale pour les droits humains mobilise un nombre réduit de migrants colombiens. Seuls les militants, en nombre restreint, y participent. Néanmoins, leur travail, constant, contribue à établir des alliances avec les réseaux d’activistes français pour les droits humains. Rappelons enfin que, dans la mesure où ces actions et sa mémoire subsistent, ils peuvent donner lieu à des actions déterminantes. K. Sikkink (2005) a ainsi montré comment l’arrestation de militaires hauts gradés et les procès pour violation des droits de l’homme dans le Chili de la fin des années 1990 fut possible grâce aux coalitions de militants Chiliens et européens, établies dès les années 1970.

A Madrid, mobilisation des Equatoriens contre « l’arnaque immobilière »

Un des facteurs ayant rendu particulièrement vulnérables les migrants andins installées en Espagne est la crise des prêts hypothécaires : durant les années 2000, pendant l’effervescence de la bulle immobilière, ces migrants ont été poussés à un endettement très important. Les banques, et surtout de nombreuses institutions de crédit, avaient saisi cette occasion : des agences spécialisées dans le prêt auprès des migrants furent ouvertes dans les quartiers « ethniques ». Ainsi, au premier trimestre de l’année 2008, les nouveaux crédits hypothécaires accordés aux ménages était de 8 milliards d’euros, soit trois fois plus que les crédits accordés le premier trimestre de l’année précédente.

Les migrants andins ont accédé à des crédits auxquels ils n’avaient normalement pas accès, avec la complicité frauduleuse des agences. Selon nos enquêtes de terrain, on leur demandait d’apporter des garants ; comme ils n’en avaient pas, les institutions demandaient à d’autres emprunteurs auprès de la même agence d’ « apporter » leurs parents aux premiers. Un étonnant cercle de garants « de papier » s’est constitué de la sorte. Par ailleurs, leurs hypothèques étaient différentes de celles auxquelles accédaient les Espagnols, leur taux d’intérêt étaient plus élevés.

La crise, amorcée en 2008, eut des effets catastrophiques pour eux : le chômage, déjà très élevé, toucha encore plus fortement cette catégorie de la population. Un symptôme du changement est la chute des transferts : dans les pays andins, en moyenne, elle a été de 20% entre 2007 et 2011. Pour la première fois, on assista au phénomène des « transferts inversés » : les ménages étaient si endettés que leurs proches, en Equateur, leur envoyaient de l’argent afin qu’ils ne perdent pas tout le capital.

La menace de perdre leur logement –c’est à dire, les économies réalisées durant de longues et dures années de travail- est bien réelle. Selon R. Guillén (2009), « Plus de 500 000 familles migrantes avaient des prêts hypothécaires (…). Fin 2008, 634 800 étrangers sur les 5 200 000 qui résident en Espagne figuraient dans les registres des mauvais payeurs. 21 % du volume des dettes impayées leur est imputé, alors qu’ils représentent seulement 11 % de la population ». En 2011, les juges espagnols ont donné cours à 58 241 dossiers d’expulsion, un chiffre record, de 22% supérieur à celui de 2010.

De plus, une spécificité de la loi en Espagne est le maintien de la dette alors même que le bien hypothéqué a été récupéré par la banque. Pour cette raison, les migrants –qui ont établi des racines au cours de ces années, qui ont des enfants nés et socialisés en Espagne– ont pour seule issue la fuite vers leur pays (le phénomène du « retour » est d’actualité dans de vastes régions des pays andins).

Dans ce contexte, l’action menée par l’association Conadee, Coordinadora Nacional de Ecuatorianos en España, est remarquable. Créée il y a une dizaine d’années, cette association avait originellement travaillé en vue de l’intégration sociale et la mise en valeur de la culture d’origine. Mais la situation à laquelle ont été confrontés les migrants –y compris des membres de Conadee–, chômage, hausses des intérêts, spirale des prêts, plaintes juridiques des banques, menaces de saisie des biens immobiliers… poussa l’association à agir contre les banques –et ce, dès 2007.

Un noyau de migrants-militants se forma au cours du temps : il réalisa de multiples réunions –rassemblant jusqu’à 1000 personnes en 2008–, ainsi que de nombreux ateliers. Des avocats bénévoles espagnols sont également venus renforcer le travail de l’association et ont accompagné légalement les emprunteurs. Périodiquement, des rencontres s’y organisaient pour évaluer la situation, pour décider de la participation aux manifestations pour soutenir les expulsés… Ainsi, ce noyau de militants a réussi à résister aux réponses agressives des banques, aux très maigres ressources de l’association, aux conditions difficiles de vie des migrants, et au découragement.

La mobilisation exceptionnelle de Conadee s’explique dans une large mesure par les caractéristiques propres au mode d’organisation des Equatoriens, et en particulier des équatoriens provenant de la Sierra, par la caractéristique des membres les plus actifs de Conadee, enfin par le soutien tacite du gouvernement équatorien.

En ce qui touche le premier point, nous renvoyons à l’article de Linda et Jim Belote (2005) et à la page web qu’ils consacrent à la culture des Indiens saraguro, une communauté très active en Espagne. Quant à l’activisme des membres de Conadee, il est un facteur fondamental et constitutif de la pérennité de l’association. Sa dirigeante principale est la remarquable militante indienne Aida Quinatoa, laquelle possédait, avant son émigration, un capital militant : elle avait participé à des actions de récupération de terres dans son pays. Avec l‘économiste équatorien Ivan, engagé de longue date dans les luttes pour les droits des populations locales, ils n’ont jamais arrêté de militer ensemble.

Enfin, le dernier facteur explicatif est la « politique des droits » du gouvernement équatorien de Rafael Correa. Nous ne détaillons pas ces aspects ici. Le lecteur trouvera une analyse de la politique équatorienne relative aux droits, ainsi qu’un portrait plus exhaustif d’Aida Quinatoa, et un récit détaillé de cette lutte dans un de nos articles (González, 2011b).

Le travail de cette association –dont on remarquera que l’on peut rendre compte parce que nous nous intéressons à l’émigré autant qu’à l’immigré– sera remarqué au-delà du milieu migrant depuis la mi-2011.

En effet, l’apparition de cette association dans l’espace public espagnol se produisit en 2011, année de la mobilisation des indignados à la Puerta del Sol. Durant l’enquête de terrain, nous avons pu observer que, alors que la participation des migrants dans les grandes assemblées à la Puerta del Sol, était très mesurée, voire totalement silencieuse, dans les comités de quartier elle était plus active. Le thème des crédits hypothécaires revenait dans cet espace : il était plus facile de dialoguer avec les voisins, expliquer les mécanismes du crédit, solliciter l’aide et le soutien, -et d’ailleurs les consignes de Conadee à ses membres étaient de se rendre dans ces espaces.

Parallèlement, le thème des crédits hypothécaires, qui touchait de nombreux Espagnols, devint de plus en plus présent jusqu’à aboutir, au cours de ce même été 2011, à la fondation de la section madrilène de la Plataforma de afectados por la Hipoteca-PAH. A côté de l’association Adicae, née en 1999 et spécialisée dans les dénonciations des abus du système financier, la PAH est la principale alliée de la Conadee.

La Plataforma de afectados por la Hipoteca-PAH, est composée essentiellement d’Espagnols touchés par la crise. Ce réseau fédérateur travaille côte à côte avec la Conadee : sa présidente, Aida Quinatoa, est devenue une de ses porte-paroles. Avec ces deux organisations, et aussi parfois avec les associations de voisins, les migrants équatoriens de Conadee ont réalisé des mobilisations dans l’espace public ; effectué des visites aux juges ; participé aux réunions locales des indignados ; expliqué la situation dans les média ; intervenu dans les réseaux sociaux sur internet ; multiplié les initiatives légales contre les banques (au motif d’escroquerie et abus sur les migrants) ; soutenu les initiatives pour changer la loi immobilière ; accompagné les ménages endettés. En 2012, ils avaient réussi à éviter plus de cent cinquante expulsions dans la région de Madrid. Leurs soutiens continuent à s’élargir, y compris au-delà de la frontière espagnole (en 2012, Aida Quinatoa fut invitée par des activistes en Allemagne et en Suisse).

Comme on le voit, cette mobilisation originellement portée par des migrants est amplifiée et favorisée par l’établissement d’alliances locales. Comme dans le cas français, ces alliances sont fondamentales : non seulement elles rendent visibles les luttes des communautés migrantes, qui autrement seraient inaperçues, mais en plus elles démultiplient les efforts et donnent plus de chances de succès. Elles contribuent, de cette manière, à une des rencontres les plus fertiles qui soient entre migrants et locaux.

Conclusions

Si on prend sérieusement en compte le point signalé par A. Sayad comme fondateur de la sociologie des migrations, à savoir le fait que le migrant ne naît pas dans sa société d’immigration, l’étude de la mobilisation des migrants s’enrichit considérablement.

En appliquant le « double regard » du sociologue migrant, dans ce texte nous avons suivi cette voie. Il nous a permis de comprendre la pratique sociale dominante chez les Colombiens : la « débrouille », une forme de non-mobilisation sociale.

Avec la « débrouille » s’ouvre une perspective sociologique passionnante, qui dépasse le seul champ de la sociologie des migrations. Nous espérons pouvoir y revenir dans d’autres articles.

D’autre part, ce texte a étudié deux mobilisations importantes: la mobilisation transnationale pour les droits humains en Colombie, et la mobilisation de Conadee, une association de migrants equatoriens localisée à Madrid, contre les expulsions.

La réussite de la première s’explique par l’existence de réseaux d’ONG professionnelles de défense de droits humains et aussi par la présence très active de militants, y compris de migrants colombiens. Le succès de la deuxième repose sur une organisation communautaire, la mise en place par le gouvernement du pays d’origine d’une politique attentive aux droits des migrants, et le travail infatigable des militants de l’association Conadee.

Dans les deux cas, les militants ont un rôle déterminant. Même peu nombreux, ils peuvent être à l’origine de mobilisations à l’impact certain. Connaître ces militants, leurs trajectoires, leur politisation en contexte migratoire est un dexuième créneau à explorer.

Enfin, ce texte a montré que c’est seulement lorsque la mobilisation est relayée par les militants locaux qu’elle devient visible par la société d’accueil (elles sont alors rapportées dans les médias et étudiées par les sociologues). En pointant vers les alliances entre migrants et locaux, il donne des clés sur la lisibilité des luttes des migrants et invite à approfondir ces articulations.

Références

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* Docteure en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris, chercheure associée à l’Urmis – Université Paris Diderot. Site web: http://olgagonzalez.wordpress.com/ Email : [email protected]

� Trésor de la langue française, sous la direction de Paul Imbs, 1978.

� Dans cette acception, il est synonyme d’informalité et précarité –à l’instar des vendeurs ambulants, omniprésents en Amérique latine.

� « El rebusque apuntaló el aumento de empleos », El Tiempo, 3 février 2008.

� « El rebusque, una gran industria nacional », El diario, 29 juillet 2001.

� Le groupe de rap colombien 47 corp est de cette veine. Voir par exemple sa chanson La ley del rebusque (La loi de la débrouille). URL : � HYPERLINK "http://www.youtube.com/watch?v=hiICgHx5Am0" �http://www.youtube.com/watch?v=hiICgHx5Am0�.

� Preuve de l’actualité de cette formule, elle donna lieu au contre-slogan –no todo vale- (« tout n’est pas permis »), scandé par le candidat à la Présidence en 2010, M. Antanas Mockus, lequel s’est taillé, depuis les années 1990, la réputation d’honnête homme peu intéressé par le pouvoir.

� Un exemple plus proche du lecteur européen est, le personnage central du film Match point, de Woody Allen. Bien qu’amoral, il est pleinement intégré à la société.

� Ceci est bien illustré par Hernando de Soto, El otro sendero, Ed. Oveja Negra, 1987, p. 76.

� Recherche réalisée à l’Université du Luxembourg entre 2010 et 2012 avec le soutien du Fonds National de la Recherche du Luxembourg.

� Source: Unidad Nacional de Fiscalías para la Justicia y la Paz (cette institution dépend directement du ministère de la Justice colombien).

� Source : Consultoría para los derechos humanos y el desplazamiento, Codhes.

� Pour en prendre connaissance, nous renvoyons les lecteurs aux nombreux rapports des organisations de défense des droits humains, comme Amnesty International ou la Fédération Internationales des Droits de l’Homme.

� Elles sont visibles sur le site du Movice: URL: http://www.movimientodevictimas.org/

� Voir l’enregistrement vidéo de cette manifestation en avril 2011 sur le site URL : http://www.youtube.com/watch?v=sGbpdwd0HPY

� Voir « Fenómeno de ‘remesas inversas’ se registra desde Ecuador hacia España », El diario, 10 février 2012.

� Les lois et normes immobilières en Espagne sont particulièrement favorables aux banques : en cas d’hypothèque impayée, le bien est vendu aux enchères. S’il n’y a pas d’acheteur, la banque l’acquiert à 50% du prix proposé aux enchères. Dans ce cas, la personne hypothéquée devra payer le 50% restant, plus les dépenses afférentes au procès légal.

� Voir : http://www.saraguro.org/