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LES PROCEDURES NEGOCIEES EN DROIT DE LA CONCURRENCE ETUDE COMPARATIVE 1

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LES PROCEDURES NEGOCIEES EN DROIT DE LA CONCURRENCE

ETUDE COMPARATIVE

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A ma mère,

A la mémoire de mon père.

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Remerciements.

Je remercie madame le professeur Dalila ZENNAKI, c’était à la fois un honneur

et un bonheur de travailler sous la direction de cette grande dame durant toutes ces

années.

Je remercie également Monsieur le président Mohamed MEROUANE, professeur

à l’université d’Oran 2.

Et mesdames messieurs les membres du jury : Mme. Dalila ZENNAKI,

professeur à l’université d’Oran 2, Mme. Fatiha NACEUR, professeur à l’université

d’Oran 2, Mme Hadjira DENNOUNI, professeur à l’université de Tlemcen, M. Othmane

BEKENNICHE, professeur à l’université de Mostaganem et Mme. Yamina HOUHOU,

maître de conférences « A » à l’université d’Alger 1, d’avoir bien voulu évaluer ce

travail.

Enfin j’adresse un remerciement tout particulier à ma femme, pour tout ce qu’elle

est et pour tout ce qu’elle fait pour moi…pour nous !

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PRINCIPALES ABREVIATIONS

AffaireAff.

Algérie, algérien…

Autorité nationale de la concurrence

Alg.

ANC

ArticleArt

Bulletin officiel de la concurrence (algérien)

Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation (français)

BOC

BOCC

Contrec/

Cour d'appel (de Paris)CA

Cour de cassation, la chambre commerciale (française)

Cass.Com

Communauté européenne

Convention européenne des droits de l'homme

CE

CEDH

Communauté économique européenneCEE

Cour de justice des communautés européennesCJCE

Collectioncoll.

Commission européenneComm.CE

4

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Conseil de la concurrence (français)Cons.conc

Contrats concurrence consummationContrats,conc.Cons

Décision

European Competition Network

Déc

ECN

Editionéd.

France, français…Fr

Journal officiel (de la république algérienne)

Journal officiel (de la république française)

JORADP

JOFR

Journal officiel des communautés européennes

Loi de modernisation de l'économie

JOCE

LME

Numéro

Note

n.

ObservationsObs.

PageP

Pagespp.

PrécitéPréc.

Réseau européen de la concurrence

Recueil

REC

Rec

Suivant (s)s.

SpécialementSpéc

Traité instituant la communauté européenneTCE

Tribunal de première instance des communautés européennes

TPICE

VoirV.

5

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INTRODUCTION

En partant du fameux adage : « Mieux vaut prévenir que guérir  !», il est usuel d’avoir la

conviction qu’il n’y est point meilleure prévention contre toute sanction en matière de droit, que

celle de s’abstenir de commettre l’infraction y afférente.

Bien évidemment le droit de la concurrence -étant traditionnellement et naturellement

répressif- a vocation à lutter contre les comportements nuisibles à la concurrence notamment les

pratiques anticoncurrentielles.

Toutefois depuis quelques années, l’enceinte juridique de la concurrence manifeste une

mise en place d’autres moyens qui connaissent bel et bien un succès grandissant et ne cessent de

se développer en parallèle à la répression : Il s’agit des procédures négociées1.

Loin du concept courant en droit positif où la notion « procédure négociée » renvoie de

prime abord à cette procédure de passation des marchés publics, voire à cette négociation qui se

noue entre pouvoir adjudicateur et entreprise(s) candidate(s), et encore plus loin de la classique

négociation « commerciale » concernant ces relations entre agents économiques là où le principe

de la liberté contractuelle fait loi2.

Or les procédures dont il est question dans la présente étude, concernent plutôt ces outils

juridiques propres au droit de la concurrence, alternatifs et accessoires aux pouvoirs classiques

de répression des pratiques anticoncurrentielles, et associant davantage les entreprises au

processus décisionnel du conseil et/ou de l’autorité de la concurrence.

1 Concernant cette appellation V. Par exemple, D. WAELBROECK, Le développement en droit européen de la concurrence de procédures négociées : que va-t-il rester aux juges ? Pour une justice efficiente en Europe, Gaz. Pal. 22 au 26 août 2008 ; S. GRANDVUILLEMIN, Les procédures négociées en droit français des pratiques anticoncurrentielles, JCP mai 2011, 1344. Il faut noter que tous les auteurs qui recourent à ce vocable tendent immédiatement à le nuancer, soulignant l’inégalité du rapport de force entre les entreprises parties à la négociation et l’autorité de concurrence. Toutefois il n’y a pas vraiment de consensus sur cette appellation notamment, le conseil de la concurrence français qui préfère utiliser l’appellation de procédures alternatives ou complémentaire à la sanction dans son Rapport d’activité pour 2005, Étude thématique. V. aussi E. DAVID, L’incidence des procédures « alternatives » sur l’établissement des pratiques anticoncurrentielles devant l’Autorité de la concurrence et la Commission européenne, Concurrences no 1-2011, Art. no 33858, p. 67.

2 S’agissant plutôt de protéger les agents économiques et non pas la concurrence et ce dans le cadre des négociations aboutissant à des contrats commerciaux et/ou à des pratiques commerciales, V. en ce sens, D. ZENNAKI « La discrimination entre agents économiques en droit algérien », in Les contrats de distribution droit français, droit algérien, droit communautaire , D.ZENNAKI et B. SAINTOURENS, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, 2011. pp.20-21.

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A cet égard, les autorités de la concurrence peuvent offrir leur mansuétude sous

différentes formes en échange de divers comportements coopératifs3.

En effet ces procédures négociées se présentent en quatre cas de figures : clémence,

engagements volontaires, non-contestation des griefs et transaction, un tout qui ne fait que

confirmer la particularité de ce droit qui est dès lors plus indépendant que jamais.

En donnant lieu à l’adoption de ces procédures alternatives aux sanctions, on met en

évidence le rôle plus ou moins conciliateur de l’autorité de la concurrence auprès des entreprises

concernées, voire celles mises en cause, puisqu’il ne s’agit plus de se défendre contre les

accusations, mais plutôt de négocier le meilleur traitement pour celles-ci, souvent au détriment

des plaignants et des coparticipants.

Dans ce contexte, l’autorité de la concurrence apparait comme une magistrature

économique4 qui se distingue par ses propres moyens à la fois quasi-juridictionnels et

conciliateurs : Puisque d’une part, le fait de pouvoir prononcer des sanctions, cet imperium lui

donne certainement ce caractère de « magistrature » et d’autre part, cette même magistrature est

créatrice de normes constituant un véritable droit négocié qui sera d’ailleurs la base de la

régulation concurrentielle.

Indéniablement cette autorité indépendante a longtemps été cantonnée à un rôle d’autorité

de sanction, intervenant principalement ex post. Bien qu’elle pouvait agir sur les structures

économiques en s’appuyant sur son pouvoir d’injonction et à sa fonction consultative.

Néanmoins dans le cadre de la régulation, l’autorité de la concurrence avait déjà une

compétence spéciale à travers son collège et ses rapporteurs spécialisés, pouvant statuer

promptement grâce à la procédure des mesures conservatoires.

Cette même fonction de régulation nécessite surtout des outils flexibles, des interventions

plus souples, tels que des recommandations, des avis, le règlement des litiges, l’élaboration de

catalogues des bonnes pratiques ; elle associe davantage des acteurs du marché et privilégie la

discussion, la médiation, les compromis négociés.

Progressivement, les autorités de la concurrence se voient dotées de ces outils flexibles,

associant davantage les entreprises à leur processus décisionnel. Ceci a assurément un impact

3 J.-C. RODA, La clémence en droit de la concurrence. Etude comparative en droit américain et européen, préf. C. PRIETO, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2008, § 103. 4 V. en ce sens C.CHAMPAUD, L'idée d'une magistrature économique (Bilan de deux décennies), Justices n°1 Janvier/Juin 2005, p.74.

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sur leur fonctionnement interne, l’éloignant ainsi du fonctionnement des juridictions et les

contraintes procédurales y afférentes.

À travers la présente, il sera tenté de faire le point sur les procédures négociées en droit

de la concurrence, voire de peser le pour et le contre de ces procédures : Quels sont les bienfais

et les méfaits d’une politique de concurrence transposant des procédures négociées en matière de

traitement des pratiques anticoncurrentielles ?

Pour arriver à cette fin, il apparait fort utile de prendre en considération plusieurs facteurs

qui ont plus ou moins un rapport direct avec le droit algérien, notamment ceux qui relèvent du

manque flagrant de la légifération des textes en la matière et encore du manque de la pratique du

conseil algérien de la concurrence.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, opter pour une étude comparative comprenant les

droits communautaire, français et interne, semblait la méthode la plus appropriée pour répondre à

la problématique énoncée de cette étude.

D’emblée, l’expression « pratiques anticoncurrentielles » pose déjà un souci

terminologique entre ces droits susmentionnés et le champ de cette étude5 : Puisque le législateur

algérien contrairement à ses homologues communautaire et français n’a pas adopté la moindre

distinction terminologique en ce sens, entre ce qui est restrictif à la concurrence et ce qui est

anticoncurrentiel.

En revanche, les pratiques restrictives de la concurrence au sens du droit français

représentent plutôt « le petit droit de la concurrence »6, évoquant souvent une certaine équivoque

quant à son admission comme un vrai droit de la concurrence7.

Pour éviter toute confusion terminologique, sera traité tout au long de cette étude le

concept des pratiques anticoncurrentielles qui relève du droit communautaire et /ou du droit

5 V. en ce sens, M. MENOUER, Droit de la concurrence, BERTI Editions, Alger, 2013, p.93.

6 Par opposition au droit antitrust qui est l'un des fondements du droit communautaire et qui représente en quelque sorte « le grand droit de la concurrence  » désignant essentiellement le droit des pratiques anticoncurrentielles(ententes et abus de position dominante),le contrôle des concentrations ainsi que le contrôle des aides d'Etat,. La doctrine française rattache au droit de la concurrence le droit des pratiques restrictives de la concurrence et le droit de la concurrence déloyale, bâti essentiellement sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Ces derniers sont parfois qualifiés de « petit droit de la concurrence ».

7 Sur les pratiques restrictives de la concurrence : "Pour de multiples raisons, il est possible de considérer que ce titre IV (du code de commerce français) ne relève pas du droit de la concurrence au sens strict, mais d'un droit des relations commerciales, où l'interventionnisme étatique a été considérablement renforcé en 1996 et plus encore en 2001." L.IDOT, Les limites et le contrôle de la concurrence dans la perspective d'une harmonisation internationale, in : Revue internationale de droit comparé.Vol.54.n°2, Avril-Juin2002. p.377.

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français, comme étant une partie des pratiques restrictives de la concurrence au sens du droit

algérien8.

C’est dans cet élan qu’il sera tenté d’abord de mettre en évidence le recours aux

procédures négociées, qui est devenu la tendance en droit de la concurrence (Titre I) en

soulevant la particularité de ces avenantes procédures, qui ont fait leurs preuves en matière de

traitement des pratiques anticoncurrentielles : Compte tenu des vertus qu’elles représentent tant

au regard des autorités de la concurrence que des entreprises contrevenantes.

Ensuite de montrer et/ou de démontrer quelles seront les incidences de cette tendance

(Titre II) en soulevant les effets néfastes de ces fameuses procédures sur la position des victimes

et les coparticipants des pratiques anticoncurrentielles, notamment l’interaction qui se manifeste

entre le renforcement de l’action privée en matière de réparation des préjudices concurrentiels et

l’efficacité de l’action publique vêtue proprement de ce type de procédures.

8 Dans ce sens il s’agit bien de ces pratiques prohibées définies aux articles 6 et suivants de la loi algérienne de la concurrence : les ententes (l’art. 6), l’abus de position dominante (l’art.7), le monopole de distribution sur le marché (l’art.10), l’abus de dépendance économique (l’art.11) et les prix abusivement bas (l’art.12).

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TITRE I

LE RECOURS AUX PROCEDURES NEGOCIEES :

LA TENDANCE

Recourir aux procédures négociées est devenu indéniablement la tendance en matière de

de traitement des pratiques anticoncurrentielles. Cette tendance est légitimement argumentée par

les diverses vertus de ces procédures tant au regard des autorités de la concurrence que des

entreprises contrevenantes9 : Lesdites procédures illustrent a priori le principe « gagnant-

gagnant ».

A cet égard, il apparait primordial de soulever la valeur propre, voire la valeur ajoutée de

toutes ces procédures et quelle serait alors la procédure la plus adaptable selon la conjoncture

propre à l’outrage au droit de la concurrence commis par l’entreprise mise en cause.

A travers ce titre, seront exposés deux concepts fondamentaux qui ont un rapport direct

avec l’objet de cette étude : La mise en valeur des procédures négociées (chapitre 1) et leur mise

en concurrence (chapitre 2).

9 C. Grynfogel. relève qu’elles sont « rentrées dans les mœurs », Sanctions du droit communautaire de la concurrence, Juris-Classeur, Comm. fasc. 287, nos 34 et s.

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Chapitre 1. La mise en valeur des procédures négociées : L’aloi de la

négociation

Dans ce chapitre, il sera tenté de valoriser ces procédures, notamment découvrir de plus

près l’alliage qui couvre chaque procédure, et ce notamment en fonction de la récompense

obtenue suite à l’adoption de telle ou telle procédure dite négociée.

Seront relevées aussi les questions sensibles, tels que la particularité de la procédure

algérienne et le concept de la négociation dans chaque procédure.

D’emblée, il est apparent que c’est le concept de la négociation qui qualifie ces

procédures de « négociées ».

Or la motivation à la négociation, voire à la collaboration, varie selon la récompense. Le

contraire est aussi juste : Si le contrevenant se montre assez coopérant et manifeste son

dévouement en traitant avec l’autorité de la concurrence, il pourra se voir mieux repensé par

rapport à d’autres qui s’abstiennent.

Quoi qu’il en soit, l’aloi de la négociation dans le cadre de ces procédures ne peut aller

au-delà de deux situations : Des procédures négociées pouvant aboutir à une exonération totale

(section 1) et celles pouvant aboutir à une exonération partielle (section 2)

Section 1. Les procédures négociées pouvant aboutir à une exonération totale

Bien évidemment toute l’attractivité de ces procédures vient du fait de se voir bénéficiaire

d’une immunité totale de la sanction encourue rien qu’en négociant avec le conseil et /ou

l’autorité de la concurrence alors qu’on est contrevenant et en plus on plaide coupable, d’ailleurs

c’est pour cette raison notamment qu’elles sont devenues si avenantes.

En effet cette opportunité s’offre pour les contrevenants dans deux cas de figure : la clémence

(§1) et les engagements volontaires (§2).

§1. La Clémence

La procédure de clémence fait partie de ces procédures négociées, une partie maîtresse…

et comment !

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Cette procédure traitant la négociation des sanctions encourues en cas d’infraction aux

règles du droit de la concurrence jusqu’à l’exonération totale.

Aussi étrange que cela puisse paraître, la « clémence » des autorités chargées de faire

respecter le droit de la concurrence peut aider à lutter contre les violations les plus graves et

flagrantes de la législation et/ou réglementation en vigueur en la matière.

En effet, la plupart des autorités de la concurrence ont adopté cette procédure, qui selon

les modèles, offrent l’immunité totale ou une réduction des amendes qui, sinon auraient été

infligées au participant à une entente illicite, en échange de la divulgation librement consentie,

avant ou pendant la phase d’enquête, d’éléments de preuves relatifs à l’entente présumée

répondant à des critères précis10.

La clémence correspond alors à la rémunération d’une entreprise (ou d’une personne

physique) avouant sa participation à un cartel avant ou pendant une investigation11.

Dès lors, il est usuel de parler de politique de carotte et du bâton, les programmes de

clémence étant caractérisés par la mansuétude au profit de ceux qui dénoncent la pratique illicite

et l’application de sanctions sévères vis-à-vis des personnes dénoncées.

Indéniablement, cette procédure connait un réel succès dans la plupart des systèmes dans

lesquels elle est introduite, La question se pose notamment sur la situation de la clémence

comme procédure négociée en droit algérien ?!

Cette procédure sera étudiée en deux temps, le premier touchera à sa mise en œuvre (A)

et le second à son attractivité (B).

A. La mise en œuvre de la procédure

Il sera tenté de traiter l’application de la clémence encadrée par le droit de la concurrence,

et ce à travers sa situation tout d’abord là où ce type de procédures existe effectivement.

Il semblait nécessaire de passer par les droits communautaire et français (1) lesquels

constituent une partie maîtresse dans cette étude, ensuite de soulever le cas du droit algérien (2)

là où cette procédure fait a priori défaut.

10 Programme modèle du REC en matière de clémence, note de bas de page1, consultable sur le site internet http://ec.europa.eu/competition/ecn/model_leniency_fr.pdf. Une quarantaine de pays dispose de programmes de clémence répartis sur quatre continents.

11 A. VIAFLONT, « Engagements et clémence en droit de la concurrence », 2008, p. 1, consultable sur le site Internet www.ssrn.com.

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1. Champs d’application et déroulement de la procédure en droits

communautaire et français

Appliquée en droit communautaire depuis 199612 en s'inspirant de l'expérience

américaine13, avant d'être reformée en 200214, puis en 200615 et récemment en 201516, alors qu'en

France c'est la loi NRE (loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001) qui a mis

en évidence ses grandes lignes, figurant après codification dans les articles L. 464-2 et R. 464-5

du code de commerce français.

En s'accentuant sur la procédure aux regards des droits français et communautaire,

d’emblée son appellation reflète amplement et paradoxalement son effet de grâce, à titre

liminaire, le vocable «clémence » vise tant les exonérations totales de sanctions pécuniaires, que

les exonérations partielles ou réductions d’amendes.

On peut signaler quand même, que le terme « programme de clémence » a été employé

pour la première fois dans la communication de la commission de 2006 au point 617, par contre il

est régulièrement employé dans les décisions de la commission et même sur son site, bien

évidemment le terme français « programme de clémence » n’est qu’une traduction du terme

anglais « leniency program » employé déjà par la commission.

Cette procédure alternative se relate directement à la violation la plus grave des règles de

la concurrence, puisqu’elle concerne les ententes, injustifiables, prohibées, nuisant par nature au

libre jeu de la concurrence, dans la mesure où elles ont généralement pour objet ou pour effet -

entre autres- de fixer les prix de restreindre la production ou de cloisonner le marché.

12 La communication de la commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans des affaires portant sur des ententes, JOCE C 207 du 18 Juil. 1996, p.4.

13 Appliquée aux Etats unis depuis 1978 après la création de la politique de clémence américaine (US Leniency Program). Redéfinie et étendue en 1993 et en 2004.

14 La deuxième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes, JOCE C. 45 du 19 Fév.2002.

15 La troisième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant sur les ententes, JOCE C. 298 du 8 Déc.2006

16 La quatrième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant sur les ententes, JOCE C. 256 du 5 aout. 2015

17 « Outre qu’elles peuvent lui remettre des documents préexistants, les entreprises peuvent spontanément faire une soumission à la commission de ce qu’elles savent d’une entente, aussi que de leur rôle dans cette entente, soumission qu’est spécialement destinée à être faite dans le cadre de ce programme de clémence »

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De ce fait : les ententes illicites en termes de pratiques anticoncurrentielles de la

concurrence18, représentant des actions concertées entre plusieurs entreprises et qui s’avèrent

difficiles à détecter, à réprimer et/ou à cerner par les autorités de concurrence engendrant surtout

d’importants coûts d’instruction.

Ce genre de pratiques touche assurément à l’économie au détriment de la collectivité.

La procédure de clémence fait irruption quand l’une des entreprises appartenant au cartel décide

de rompre le silence, en apportant des informations plus ou moins cruciales19 avec des preuves

concrètes et/ou utiles selon la propre appréciation des autorités de concurrence et ce pour leur

permettre de cibler au plus près les pratiques les plus dommageables et conclure à bien leurs

enquêtes voire leurs conquêtes.

Toutefois cette procédure de renommée grandissante offre une toute autre voie aux

entreprises impliquées dans ce type d’infractions, une voie qui permet d’éviter la sanction de

plein droit et jusqu’à l’exonération totale.

L’unique moyen pour y accéder c’est de participer volontairement à une sorte de course

dont le vainqueur est le premier à dénoncer.

En l'occurrence la récompense sera selon le cas, représentée comme une alternative par rapport à

l’immunité totale d’amende, ou alors accessoire par rapport à la réduction d’amende.

Cette procédure s’adapte exclusivement aux ententes où elle y trouve son assiette.

En effet les ententes prohibées sont considérées comme pratiques restrictives de la concurrence

en s’appuyant sur le législateur algérien, tandis que son homologue français adopte la division du

droit de la concurrence en deux branches distinguant surtout le droit des pratiques

anticoncurrentielles20 qui regroupe les ententes et les abus de position dominante ; du droit des

pratiques restrictives de la concurrence qui de son coté, regroupe les pratiques discriminatoires

ou de prix imposés, les refus de ventes, les ventes liées …etc.

Or les inquiétudes cristallisées par ces ententes se manifestent certainement par le

contentieux dont elles font l’objet : à la fois abondant, controversé, conquérant, exaspérant et

j’en passe et des meilleurs : un tout qui fait que l’intervention des autorités régulatrices inspire

nettement la défiance21

18 Art 6 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée relative à la loi de la concurrence.

19 P. Lowe, La lutte contre les cartels et la politique de concurrence, Forum de concurrence, 28 avril 2006, Concurrences no 3-2006, p. 2.

20 Art L. 420-1 du Code de commerce français.

21 Emmanuelle Claudel, Ententes anticoncurrentielles et droit des contrats, thèse pour le doctorat Université de Paris X-Nanterre U.F.R. de Sciences juridiques, administratives et politiques, 1994, p.4.

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La complexité, la diversité et des fois l’informalité de ce type d'accords de volonté

explicite ou tacite entre entités dites entreprises22, pèse sûrement sur la perte de l’indépendance

de leurs comportements respectifs sur le marché, visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu

normal de la concurrence.

Par ailleurs les ententes prohibées peuvent revêtir de certaines formes notamment :

Ententes horizontales telles que des pratiques concertées visant à exclure certaines entreprises

d’un marché ou à en limiter l’accès, les regroupements d’entreprises, les entreprises communes

et les ententes verticales.

À cet égard, le Conseil de la concurrence français a indiqué clairement dans un

communiqué de procédure en date du 11 avril 2006 sur le programme de clémence français que :

« Les infractions concernées sont, en principe, les ententes ou cartels entre entreprises

consistant notamment à fixer des prix, des quotas de production ou de vente et à répartir les

marchés, y compris lors d’appels d’offres, ou tout autre comportement anticoncurrentiel

similaire entre concurrents. Ces infractions relèvent toutes des prévisions de l’article L. 420-1

du Code de commerce et, le cas échéant, de l’article 81 du traité CE. ».

La Clémence permet donc aux autorités nationales de concurrence de détecter, de faire

cesser et de réprimer plus facilement ces pratiques prohibées, en contrepartie les entreprises qui

prennent l’initiative de dénoncer et de coopérer auront au moins la garantie d’un traitement

favorable du dossier ouvert à leur encontre.

1. 1. La procédure de clémence en droit communautaire

Introduite par la communication de la commission concernant la non-imposition

d'amendes ou la réduction de leur montant dans des affaires portant sur des ententes23, la

procédure se voit plus explicite par rapport au droit français.

La deuxième communication (sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant

sur les ententes)24 a comblé certaines lacunes de la première notamment, les conditions

nécessaires à l'efficacité de la procédure sont d'une part une connaissance claire et prévisible des

étapes de la procédure et d'autre part une correspondance étroite entre le montant de la réduction

d'amendes et la coopération des entreprises.

22 Mustapha Menouer, intervention lors du séminaire national relatif aux « réseaux de distribution » du 24 Octobre 2011 organisé par le laboratoire Droit économique et environnement, Université d’Oran.

23 JOCE C 207 du 18 Juil. 1996, p.4.24 JOCE C 45 du 19 Fév.2002, p.3.

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Les conditions d'obtention d'une immunité totale ou partielle d'amendes sont clairement

définies : L'immunité totale est obtenue par le cumul de quatre (04) conditions réunies à savoir :

- Etre la première entreprise à apporter des informations sur une entente secrète pouvant donner

lieu à une enquête de la commission européenne ou à l'établissement d'une infraction.

- Apporter une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure.

- S'engager à arrêter toute participation à l'activité illégale présumée.

- Ne pas avoir forcé d'autres entreprises à participer à l'entente. Autrement dit, qu’elle n’ait pas la

qualité d’instigateur ou de meneur de l’entente.25

Or L'immunité partielle, qui n’est ouverte qu’aux entreprises qui n’auraient pas rempli les

conditions prévues pour l’immunité totale, cette voie-ci est obtenue par le cumul de deux (02)

conditions réunies à savoir,

- Fournir des preuves complémentaires et pertinentes ; la communication évoque "la valeur

ajoutée significative" ce qui donne lieu à une certaine interprétation.

- S'engager à arrêter toute participation à l'activité illégale présumée.

En appliquant la règle de "premier arrivé premier servi" tant à l'immunité totale que

partielle, la communication communautaire adopte un barème déterminant la réduction

d'amendes : lorsque les deux conditions sont réunies la réduction se manifeste par ordre de

classement à savoir la première entreprise à remplir les conditions ci-dessus énoncées, peut

prétendre une réduction comprise entre 30% et 50%, la deuxième entre 20% et 30% et la

troisième une réduction maximale de 20%.

En effet, concernant les étapes nécessaires à l’accomplissement de la procédure visant

que ce soit une immunité totale ou partielle, la communication de 2002 les a clairement précisées

:

- La commission invite les entreprises à prendre contact avec la direction générale de la

concurrence de la commission européenne.

- L'entreprise si elle entre dans les conditions de l'immunité d'amendes devra aux choix, fournir

tous les éléments de preuves dont elle dispose ou une liste de preuves hypothétiques.

- La direction générale de la concurrence de la commission européenne accuse réception de la

demande d'immunité, ce qui permet de prendre date.

-Enfin la commission accorde par écrit à l'entreprise une immunité conditionnelle d'amendes.

25 ARCELIN.L., Droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et communautaire, Presses universitaires de Rennes, 2009, p.158.

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Ces précisions adoptées par la communication de 2002 ont permis de proposer aux entreprises

intéressées une sécurité juridique accrue liée principalement à l'obtention de l'immunité et au

déroulement de la procédure.

Ensuite, c’était le tour de La Communication de la Commission sur l’immunité

d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portent sur des ententes 2006/C

298/11, qui s’est donnée de la peine pour clarifier encore la procédure, en se spécifiant surtout en

matière de transparence, et des renseignements qu’une entreprise candidate doit fournir à la

Commission pour bénéficier de l’immunité ou d’une réduction des amendes.

Mais surtout il est question de la protection des déclarations faites par ce genre

d’entreprises contre leur divulgation dans des actions civiles en dommages et intérêts.

Cette succession de communications communautaires a donné lieu à L'alignement des

programmes de clémence sur un seul modèle créant ainsi un mécanisme de «guichet unique» : Et

ce Afin de faciliter l'introduction de demandes de clémence par les entreprises impliquées dans

des ententes transfrontalières.

L’objectif était d’éviter que des entreprises ne se laissent décourager par des procédures

complexes et diverses.

La nouvelle communication de la Commission sur la clémence suit le programme modèle

du REC (Réseau Européen de Concurrence).

Même si les autorités américaines sont les pionnières en matière de Clémence, mais il

faut tout de même reconnaitre que certaines autorités de concurrence européennes ont su et/ou pu

en tirer profit en arrivant à adopter le programme modèle.

Celui-ci s’appuie sur certains points26 néanmoins fondamentaux : en abordant d’abord la

clarté des textes en la matière, tout en cernant la libre appréciation laissée aux autorités qui se

veulent « publiquement » être clémentes, en passant par l’attractivité de la récompense afférente

au programme de clémence.

De ce fait les autorités européennes ont frappé juste, en criant l’immunité totale d’amende

à la première entreprise dénonciatrice, même s’agissant d’un cartel de langue durée ou d’un cas

26 Jean-Christophe RODA, « Programme de clémence en droits interne et européen de la concurrence : états des lieux et perspectives » ", Les Dossiers de la RIDE, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2011, pp.148-149.

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de récidive27, ce qui rend le système adopté nettement efficace, sans négliger que le risque de

sanction doit être forcément élevé en employant les meilleurs moyens d’investigation28.

On peut facilement qualifier la création d’un programme modèle de clémence, comme le

croisement logique du droit communautaire et du droit français en matière de contrôle commun

de la procédure de clémence.

Les autorités de concurrence européennes réunies au sein du réseau européen de

concurrence (REC) ont adopté un programme modèle de clémence, concernant les cartels

secrets , et notamment les accords et/ou pratiques concertées entre deux ou plusieurs concurrents

visant à restreindre la concurrence en fixant des prix d'achat ou de vente, en attribuant des

quotas de production ou de vente ou en partageant des marchés notamment en matière de

marchés publics , par des soumissions concertées .

En effet, en l’absence de cette cohérence, la clémence accordée par une autorité de

concurrence d’un Etat membre, ne garantira pas forcement l’entreprise d’autres condamnations

éventuelles prononcées par d’autres autorités de concurrence.

Le programme commun vise donc à éviter que les entreprises qui pourraient demander la

clémence ne seront dissuadées de le faire en raison des divergences entre les programmes de

clémence existant au sein du REC.

Ce programme établit alors le traitement auquel l’entreprise qui sollicite la clémence peut

s’attendre de la part de toute autorité membre du REC, une fois que tous les programmes seront

alignés sur le modèle

1. 2. La procédure de clémence en droit français

27 Comm. CE, décision du 5 décembre 2007, caoutchouc chloroprène, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2008:251:0011:0013:FR:PDF.

28 Voir le tableau des sanctions infligées par la Commission en matière de cartel, http://ec.europa.eu/competition/cartels/statistics/statistics.pdf.

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La particularité du programme français tient au fait qu'il trouve son origine dans les

dispositions législatives29, tandis que de nombreux autres Etats, l'introduction de la clémence

résulte de l'adoption par les autorités de lignes directrices ou de communications.

La loi a donc fixé en France le cadre général, il revient à l'autorité de la concurrence d'en

préciser le contenu.

La procédure bien qu'elle est déjà nommée, et a priori facile à saisir à travers les textes de

loi ainsi qu'aux communiqués de l'autorité de la concurrence, une autorité qui reste à la fois

active30 et imposante.

En effet il suffit que l'entreprise qui participe (ou a participé) à une entente prohibée,

dénonce de son plein gré cette pratique.

Elle devra alors apporter des informations nouvelles, voire méconnaissables par l'autorité

de la concurrence.

En outre et en vertu des dispositions du communiqué de la procédure du 02 mars 2009,

cette dénonciation prend la forme d’une demande de clémence.

En dépit de cette demande formalisée, l’autorité de concurrence ne se contente pas d’un

simple dépôt d’une telle demande à son niveau, mais encore l’entreprise doit faire preuve de

coopération : Puisqu’elle est obligée de coopérer « à bien » tout au long de la période séparant ce

dépôt et la tenue de la séance du collège.

Et ce notamment en passant par les différentes étapes de la phase préliminaire d’enquête

et de la procédure d’instruction.

Cette coopération est définie par l’autorité de concurrence en tenant compte des

caractéristiques : véritable, totale, permanente et rapide.31

Peut-être la difficulté se manifeste au déroulement de la procédure : Il n'y a pas une forme

précise pour cette première étape la révélation de l'entente se fait par une demande de clémence

orale ou écrite adressée au rapporteur général, suivie par un avis de clémence déterminant les

conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée et qui se fait après la présentation

des observations du commissaire du gouvernement et de l'entreprise concernée.

29 Christophe LEMAIRE, "Les politiques de clémence en Europe", concurrences n°3, 2005, p. 19.

30 On peut soulever que L'Autorité de la concurrence française en ce qui concerne la révision du communiqué de procédure de clémence du 27 février 2015 a lancé une consultation publique à cette occasion. Elle a invité les entreprises et les professionnels du droit de la concurrence à lui faire part de leurs observations avant le 20 mars 2015. Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr

31 Définition de la notion de coopération à l’occasion de la décision de l’autorité n°11-D-17 du 08 décembre 2011 concernant l’affaires des lessives.

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Ensuite c'est au tour de l'étape de la transmission du même avis au ministre et à

l'entreprise concernée et ce dans la discrétion absolue puisque le principe de la confidentialité est

pleinement garanti.

Toute la procédure est affranchie du principe de contradictoire : Ainsi une entreprise

sanctionnée ne peut pas obtenir la communication du rapport d’instruction ou du procès-verbal

de la séance de l’autorité ayant adopté l’avis32.

Toutes fois il faut signaler que depuis septembre 2011 l'autorité de la concurrence s'est

dotée à l'instar de ses homologues néerlandaise et allemande, d'un conseiller clémence chargé

exclusivement de la procédure étant expert dans la matière, il renseigne les entreprises, participe

aux auditions des entreprises, apporte un appui technique aux rapporteurs en charge d'un dossier

de clémence, il coopère également avec les autres autorités de concurrence concernées par des

demandes multiples.

En effet le texte à valeur législative qui gère cette procédure est court et nettement peu

précis, puisqu'il n'évoque ni la quantité, ni la qualité des informations fournies par l'entreprise

concernée, ni encore les différentes phases de la procédure concernant tant les délais que les

conditions de lancement d'une enquête des autorités, de l'adoption de l'avis de clémence ou de la

décision au fond.

2. Le cas du droit algérien : L’autre procédure !

Il semble que le législateur algérien n'a vraiment pas pris part de la procédure de

clémence à travers son ordonnance 03-03 modifiée et complétée relative à la concurrence33.

Puisqu’il n'existe qu'un seul et unique article (l’article 60) qui fait référence aux traits

d’une procédure négociée adoptée, mais on n’y trouve pas les repères de cette procédure.

D’emblée en termes de récompense, cet article évoque toute l’attractivité d’une clémence

en stipulant surtout la réduction du montant de l’amende jusqu’à l’exonération totale, mais ce

n’est qu’illusion.

En effet, la récompense ne constitue nullement la procédure de clémence, elle n’en est

que pour son effet.

32 CA Paris, 24 Avr. 2007 : Contrats, conc, consom., 2007, comm. n°155, obs. G. Decocq.

33 L'ordonnance 03-03 relative à la concurrence, JORADP n°46 du 20 Sep. 2003 (modifiée et complétée par les lois n° 08-12, JORADP n°36 du 02 Juil. 2008. Et n°10-05, JORADP n°46 du 18 Aout. 2010).

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En tout cas, la procédure de clémence est une création propre au droit américain, traduite

en droit communautaire et reprise notamment par le droit français, et elle comporte des

conditions bien déterminées au détriment de la récompense.

Or les conditions spécifiques à cette procédure en question font défaut dans les

dispositions de l’article algérien susmentionné : Notamment celle de la demande formelle y

afférente qui s’effectue par l’entreprise concernée avant toute ouverture d’une enquête par le

conseil de la concurrence34.

De même en ce qui concerne l'accord d'association de l'Algérie avec l'Union

Européenne35, il ressort rien que de la lecture du chapitre 2 sous l’intitulé de "Concurrence et

autres dispositions économiques", la négligence absolue des procédures alternatives ou négociées

y compris celle de la clémence.

Il est à signaler que la direction de la concurrence du ministère du commerce algérien ne

partage pas vraiment cet avis : Puisque non seulement elle écarte les conditions spécifiques y

afférentes, en négligeant principalement que l’article 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et

complétée fait référence à la phase contentieuse donc l’instruction et bel et bien déclenchée, mais

encore elle admet l’adoption de la procédure de clémence sur la pratique de l’abus de position

dominante36, alors que la procédure -dans son intégralité- s’adapte exclusivement aux ententes

prohibées !!

En effet, les cartels constituent effectivement la seule pratique anticoncurrentielle (ou

restrictive de la concurrence en se référant au droit algérien) éligible à cette procédure.

34 Art 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée  stipule clairement que l’instruction est déjà lancée par le conseil de la concurrence et ne fait aucune allusion ni à le demande de clémence faite au préalable par l’entreprise dénonciatrice, ni à l’avis de clémence émis par le conseil de la concurrence : « le conseil de la concurrence peut décider de réduire le montant de l’amende ou ne pas prononcer d’amende contre les entreprises qui, au cours de l’instruction de l’affaire les concernant, reconnaissent les infractions qui leurs sont reprochées, collaborent à l’accélération de celle-ci et s’engagent à ne plus commettre d’infractions liées à l’application des dispositions de la présente ordonnance … »

35 Accord méditerranéen établissant une association entre la république algérienne démocratique et populaire d'une part et la communauté européenne et ses Etats membres d'autre part, Signé à Valence en Avril 2002, entré en vigueur le 1er septembre 2005, disponible sur: http://eeas.europa.eu/delegations/algeria/documents/eu_algeria/accord_association_new_fr.pdf

36 R. Boukroufa, « L’abus de position dominante en droit algérien de la concurrence, définition, analyse et approche méthodologique », communication faite à l’occasion de l’atelier thématique du conseil de la concurrence-programme d’appui à l’accord d’association P3A, Alger, 22 mai 2013.Disponible sur : http://www.mincommerce.gov.dz/fichiers13/semi220513.pdf

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On ne peut même pas évoquer le concept de l’abus de position dominante collective37 ou

conjointe38, quant aux accords liés à la détention d’une position dominante collective, puisque le

législateur algérien ne reconnait que la position dominante individuelle39, et de ce fait la

procédure est complètement inadaptée aux pratiques unilatérales d’une entreprise en position

dominante40.

En revanche même si la doctrine française - sur le plan théorique - ouvre une brèche sur

cette hypothèse, Il est difficile, voire impossible qu’une entreprise soit en mesure de rapporter la

preuve de l’existence d’un abus de position dominante collective avant d’effectuer une enquête,

puisque de ce fait elle doit d’abord prouver l’existence d’une réelle position dominante

collective, ensuite prouver l’exploitation abusive de cette même position, ce qui rend -

pratiquement- cette hypothèse inconcevable41.

Toutefois si on se rapporte aux dispositions des communications communautaires

successives relatives à la procédure de clémence de 2002 et 2006, on mettra sans doute l’accent

sur la possibilité d’obtenir l’immunité espérée par les entreprises fautives même après le

déclenchement d’enquête.42

Et ce notamment dans le point 8 de la communication de 2006 où elle stipule que : « La

Commission exemptera une entreprise qui révèle sa participation à une entente présumée

37 V. en ce sens L.IDOT, Les limites et le contrôle de la concurrence dans la perspective d'une harmonisation internationale, in Revue internationale de droit comparé. Vol.54.n°2, Avril-Juin2002. p.388. S. CRISTIN-BELMONT, Essai sur la position dominante collective en droit communautaire, th. Lyon 3, Presses universitaires Septentrion, 1999.

38 Selon certains auteurs, il existerait une nuance terminologique entre les deux notions : La position dominante collective renvoie à une situation de groupe de sociétés tandis que la position dominante conjointe à celle détenue par plusieurs entreprises sans liens financiers et politiques (J. B. BLAISE, «  Une construction inachevée, le droit français des ententes et positions dominantes », Etudes R. Roblot, LGDJ, 1984, p. 170) ; pour C. BOLZE, la position dominante conjointe est liée à un comportement imposé («  Le marché commun face aux trusts », Etude comparative sur les groupes de sociétés et le droit de la concurrence dans la CEE, publ. Univ. Nancy II, 1981, p. 184, n 338).

39 Art 3 dans son point ( C ) de l’ordonnance 03-03 relative à la concurrence, modifiée et complétée  : « il est entendu au sens de la présente ordonnance par … C) La position dominante : la position permettant à une entreprise de détenir, sur le marché en cause, une position de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients ou de ses fournisseurs . »

40 Toufik MOKEDDEM, « Le traitement des pratiques restrictives de la concurrence –l’abus de position dominante dans les télécommunications -. », mémoire de magistère, Faculté de droit, Université d’Oran, 2012. p. 225.41 Olivier GUERSENT, Intervention lors d'un débat concernant "La pratique et les programmes de clémence et de transaction", colloque sur "Clémence et transaction en matière de concurrence, premières expériences et interrogations de la pratique", sous la présidence de Marco DARMON .Paris ,25/01/2005.p.60, disponible sur :

Disponible sur :http://www.creda.ccip.fr/colloques/pdf/2005-clemence-transaction/actes-clemence.pdf

42 Massimo MOTTA et Michele POLO, « Leniency programs and cartel prosecution », International Journal of Industrial organization, n°21, 2003

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affectant la Communauté de l'amende qui, à défaut, lui aurait été infligée si elle est la première

à fournir des renseignements et des éléments de preuve qui, de l'avis de la Commission, lui

permettront:

(a) d'effectuer une inspection ciblée en rapport avec l'entente présumée [3]; ou

(b) de constater une infraction à l'article 81 CE en rapport avec l'entente présumée. »

De même dans le point 08 de la communication de 2002 stipulant : « La Commission exemptera

une entreprise de toute amende qu'elle aurait à défaut dû acquitter  :

a) lorsque l'entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l'avis de la

Commission, sont de nature à lui permettre d'adopter une décision ordonnant des vérifications

en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement 17(2), concernant une entente présumée

affectant la Communauté, ou

b) lorsque l'entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l'avis de la

Commission, sont de nature à lui permettre de constater une infraction à l'article 81 du traité

CE(3) en rapport avec une entente présumée affectant la Communauté. »

On peut toujours prôner que le point 08(b) fait déjà allusion à une ouverture d’une

enquête par rapport au point 08(a), à cet égard peut être on peut déduire que la commission rend

possible cette immunité si l’enquête -déjà ouverte- n’a pas permis d’établir une infraction à

l’article 81.

Mais la pratique préfère et/ou veut que la dénonciation se fait avant l’enquête voire avant la

phase d’instruction, et là il s’agit bel et bien d’une enquête qui aboutira sans doute à constater

l’infraction, voire à mettre en œuvre une certaine vérification, par rapport à une enquête

préliminaire « quasi-judiciaire » déjà lancée par l’autorité.

Cette enquête reste tout de même assez perplexe vis-à-vis la constatation de cette

infraction présumée, et qui s’avère certainement une rude tâche pour l’autorité de la concurrence.

A cet égard on peut mettre la lumière sur le lien de causalité entre la dénonciation par le biais

d’une demande formelle d’immunité et le déclenchement d’une enquête proprement dite pour

subvenir aux besoins d’une procédure de clémence.

Or Le gel de l'exercice du conseil de la concurrence algérien depuis plus d’une décennie

(de 2003 à 2013) avait sûrement un impact négatif vis à vis l’insertion de cette procédure.

Et même si l'ordonnance relative à la concurrence algérienne s'est vue modifiée et complétée à

deux reprises en 2008 et 2010, la pratique presque inexistante d'un conseil de concurrence bel et

bien "absent" ne serait à même d'établir un contact direct avec les besoins d'un marché

concurrentiel proprement dit, voire sollicité.

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Enfin il est tout de même utile de comprendre l’étendu d’une procédure négociée telle

que la clémence et son impact d’arriver à une enceinte concurrentielle saine.

Il sera tenté d’élaborer ceci en deux points, le premier concerne la procédure et ses

travers, le second concerne plutôt l’histoire de cette procédure avenante.

Concernant le premier point de la procédure et ses travers : En effet en partant du risque de se

voir forcement susceptible à des graves sanctions incite les entreprises à se manifester et à

demander à bénéficier de clémence. Tout dépend alors de la nette promesse et sans équivoque de

l’amnistie à la première entreprise qui se manifeste.

À cet égard, le couple « sanction pécuniaire / clémence » s’articule naturellement, la

sévérité des sanctions rend plus attractive la possibilité d’en être exonéré en cas d’une

dénonciation d’un cartel.

Dans ce contexte il faut s’accentuer sur la coopération permanente de l’entreprise

informatrice au cours de l’enquête qui s’avère indispensable pour qu’elle puisse bénéficier de

cette clémence.

Aussi la garantie d’une stricte confidentialité pour protéger les informateurs et leurs

informations.

Une fois que tous ces éléments précédant sont réunis dans une même procédure dès lors

on peut prétendre à l’efficacité d’une telle procédure.

On peut en récapituler que la procédure applicable à l’examen d’une demande de clémence peut

schématiquement être répartie en trois temps : l’approche des autorités de concurrence,

l’instruction de la demande et l’adoption de l’avis de clémence.

Quant au second point qui concerne plutôt l’histoire de cette procédure : Bien

évidemment, Les programmes communautaires de clémence successifs témoignent d’une

recherche croissante d’efficacité.

De même en ce qui concerne le droit français et à l’instar des règles de fond, les règles de

mise en œuvre de la procédure de clémence ont d’abord été fixées par la loi, et ont ensuite été

précisées par la pratique décisionnelle de l’autorité de concurrence et le programme de clémence

clarifié par le communiqué de procédure de 2006 révisé en 2009 et récemment en 2015.

D’ailleurs en cherchant toujours l’efficacité d’une telle procédure selon les besoins d’un

marché français bel et bien sain, le législateur français a adopté le 06 aout 2016, une loi pour la

croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « la loi Macron »43, qui vient

simplifier encore cette procédure, en permettant à une entreprise dénonçant à l’autorité de la

43 Loi n° 2015-990 du 6 aout 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°0181 du 7 aout 2015

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concurrence un cartel à lequel elle a participé de bénéficier d’une exonération totale ou partielle

de la sanction encourue, et ceci en statuant sans établissement préalable d’un rapport, à l’issue

simplement d’une audition du commissaire du gouvernement et de l’entreprise concernée44.

Enfin nous pouvons en conclure quand même l’origine de la non introduction et/ ou non

insertion de cette procédure en droit algérien malgré son importance primordiale en matière de

démantèlement des cartels, puisque tout simplement, une telle procédure s’impose logiquement

par la pratique qui ne cesse de développer au fur et à mesure de toute la conjoncture qui

l’entoure.

Or ce qui n’est pas le cas du tout pour le conseil de la concurrence algérien qui est resté

statique pendant plus d’une décennie sans activité et qui cherche encore à s’imposer comme une

effective autorité indépendante.

B. L’attractivité de la procédure

Cette attractivité se répercute notamment sur deux points de droit : son intérêt (1) et la

situation de la négociation dedans (2).

1. L’intérêt de la procédure

Si le législateur peut parfois faire preuve de véritable bonté45, la clémence octroyée par

les autorités de concurrence en ce qui concerne les ententes prohibées, c’est en rien la marque de

quelconque bienveillance de leur part.

Peut-être en parlant de bonne foi, et dans le cadre d’une approche à la fois normative et

idéaliste on peut évoquer une certaine perplexité en s’interrogeant sur la dénonciation elle-

même : Comment une entreprise peut-elle être dissoute par le fait de dénoncer ses complices ?!

D’emblée, ce comportement n’est pas à l’honneur de celui qui le fait !… mais il faut

reconnaitre à travers les droits communautaire et français, qu’il ne s’agit pas de morale

« évangélique » dont il est question, bien au contraire, c’est l’adoption de la séparation

nécessaire entre ce qui relève de la science et ce qui relève de la morale46 qui est du jeu.

44 Art 218 de la loi Macron précitée, Art. 464-2 IV modifié du code de commerce français

45 G. Cornu, « La bonté du législateur », RTD civ. avr-juin 1991, p.283 et s.

46 H. Denis, Histoire de la pensée économique, PUF, Coll. Quadrige, 1999. p. 489.

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D’ailleurs même en morale il y a une part de l’idéal qui est souhaitable sans être

obligatoire47.

La lutte contre ces ententes considérées par excellence nuisibles à l’intérêt général, au

point de les classer parmi les cancers économiques les plus fâcheux48, constitue en effet une des

priorités de l'autorité de la concurrence.

En effet faire partie d'une entente occulte permet de maintenir ou d'accroitre son pouvoir

de marché de manière artificielle, au lieu d'y parvenir grâce à ses mérites.

Et ce notamment en aboutissant invariablement à une hausse des prix au détriment des

consommateurs et plus largement la compétitivité de l’économie dans son ensemble.

Nous avons pu constater que l’attractivité de toute cette procédure repose notamment sur

l’intérêt d’y est procédé, ceci varie selon le point de vue de l’autorité de la concurrence et  / ou

celui du contrevenant :

1. 1. Du point de vue des autorités de la concurrence

Du côté des autorités de concurrence, les avantages sont nombreux. Dans un contexte de

raréfaction des ressources et d’asymétrie d’informations49, ces procédures permettent des

économies de procédure non négligeables.

Il sera tenté de toucher aux vertus de cette procédure en distinguant dans la mesure du

possible, celles partagées avec les autres procédures négociées et celles qui lui sont spécifiques.

1. 1. 1. Les vertus partagées avec les autres procédures négociées47 A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Coll. Quadrige, p.690

48 Joël MONEGER, intervention lors du débat sur « Le contentieux de la concurrence, archétype du processus d’harmonisation », http://www.creda.ccip.fr

49 V. Flochel : “(…) les autorités de concurrence sont soumises à trois contraintes fortes. D’une part, elles disposent de ressources limitées qu’elles doivent allouer de la meilleure façon possible. D’autre part, les entreprises possèdent des informations privées sur leur coût, sur les conditions de la demande et sur la façon dont elles pratiquent la concurrence [et] il est coûteux pour l’autorité de concurrence de lui faire révéler ces informations. Par ailleurs, les procédures contentieuses nécessitent des délais d’instruction qui dans certains cas peuvent être incompatibles avec le rythme économique des entreprises. Enfin, dans le cas où une pratique anticoncurrentielle est prouvée, les instruments et remèdes dont dispose une autorité de concurrence sont limités”, in De nouvelles pratiques pour les autorités de concurrence : les programmes de clémence (in Politique de concurrence, Rapport de D. Encaoua et R. Guesnerie pour le Conseil d’analyse économique, La documentation française, p. 247, 2006).

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- La réduction de la charge probatoire 50 :

Parmi les vertus communes à toutes les procédures étudiées, on peut en premier lieu citer

le fait qu’elles permettent de réduire la charge probatoire qui pèse assurément sur les autorités de

concurrence.

C’est d’évidence pour les déclarations des demandeurs de clémence51, qui aboutissent à

quasiment apporter la preuve « sur un plateau »52, que les demandeurs soient de premier rang ou

de rangs inférieurs.

En effet si les déclarations du premier demandeur sont déterminantes, celles des autres

n’intéresseront l’autorité de concurrence que si elles apportent une “valeur ajoutée significative”

à celles qui les ont précédées53.

La dénonciation ne suffit cependant pas à la preuve, et des perquisitions doivent toujours

être diligentées54.

50 Pour une étude récente des outils de détection, leurs lacunes et les moyens de les améliorer, v. L. Idot, W. E. Kovacic, C. Fonteijn, Détection des pratiques anticoncurrentielles : Faut-il réformer les outils existants ou introduire de nouveaux outils ? Clémence, observation des marchés, récompenses financières… (New Frontiers of Antitrust, 21 février 2014, Paris), mai 2014, Concurrences no 2-2014, Art. no 66158.

51 En ce sens, v. J.-C. Roda, pour lequel “[l]’introduction des programmes de clémence en Europe a permis de contourner la difficulté de preuve des ententes secrètes puisque celle-ci est désormais directement apportée par les cartellistes”, in Programmes de clémence en droit interne de la concurrence. État des lieux et perspectives, Les Dossiers de la RIDE 2011, pp. 139-154.

52 La force probante des déclarations faites est bien sûr à accueillir “avec précaution” (v. E. David, L’incidence des procédures “alternatives” sur (…), article précité). La décision no 10-D-36 du 17 décembre 2010 de l’Autorité illustre la possibilité de documents falsifiés. Les autorités de concurrence et leurs juges de contrôle considèrent cependant que “le fait de demander à bénéficier de l’application [de la procédure de clémence] ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants de l’entente incriminée” (CA Paris, 19 janvier 2010, Secteur du négoce de produits sidérurgiques). Des déclarations non sincères ou incomplètes mettent par ailleurs “en danger la possibilité pour [le demandeur] de tirer pleinement bénéfice des dispositions sur la clémence”. Les juridictions européennes partagent la même analyse : en ce sens, v. TPICE, 16 novembre 2006, aff. T-120/04, Peroxydis Organicos SA.

53 C’est tantôt la portée géographique de l’entente qui est étendue, tantôt le champ matériel des pratiques, tantôt leur durée. Chaque demandeur à la clémence contribue ainsi, par les éléments incriminants qu’il ajoute aux précédents, à aggraver les charges qui pèsent sur la collectivité des cartellistes. Les autorités française et européenne s’accordent cependant à ne pas faire supporter à l’auteur de ces révélations les conséquences de celles-ci (pt 26.3 de la communication européenne du 8 décembre 2006 sur la clémence ; pt 22 du communiqué clémence français du 3 avril 2015).

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Une partie de la doctrine souligne d’ailleurs que l’instruction des affaires de clémence

s’avère particulièrement lourde 55 et a justifié la création d’unités spécialisées au sein des

autorités de concurrence56.

- L’accélération des délais de traitement des affaires :

Toutes les procédures dites négociées, permettent en outre d’accélérer le traitement des

affaires, à des degrés divers.

La procédure de clémence de sa part, permet d’accélérer la phase d’enquête57, en ce

qu’elle permet aux autorités de concurrence de savoir où chercher et quoi chercher.

- L’aide au développement d’une culture de la concurrence :

Ces procédures ont encore une vertu commune. En ce que toutes associent l’entreprise au

processus décisionnel, à un stade variable, et qu’elles les incitent pour certaines à rechercher des

solutions efficaces, les procédures alternatives ou accessoires permettent le développement d’une

culture de la concurrence.

1. 1. 2. Les vertus propres à la procédure de clémence

Cette procédure en particulier prime par rapport aux autres, notamment quant à sa vertu

d’outil de détection des cartels secrets.54 C’est pourquoi les autorités de concurrence acceptent de cumuler les procédures afin de rendre leur tâche plus facile. En droit européen, la clémence se marie volontiers avec la transaction au bénéfice éventuel des mêmes parties. En France, la porte s’est ouverte à un cumul entre la clémence et la non-contestation de griefs dans une même affaire et, plus étroitement, au bénéfice d’une même partie lorsque le champ des pratiques dénoncées dans le cadre de la démarche de clémence est plus étroit que le champ des griefs finalement retenus (v. Communiqué de procédure du 12 février 2012, pt 6, ainsi que l’affaire des commodités chimiques, no 13-D-12).

55 L. Idot, Les procédures de clémence en droit de la concurrence, in La clémence et le droit, J.-M. Jude (dir.), Université du Havre, Economica, Paris, 2011, pp. 105-130.

56 Une unité anticartel a été créée en 2001 en droit européen et un conseiller clémence a été créé en France en 2011.

57 Ce trait s’accuse évidemment lorsque la clémence se double d’une procédure de transaction ou de non-contestation de griefs.

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En effet la clémence facilite la détection des cartels, ceux-ci étant généralement très bien

dissimulés58.

Malgré la vigueur des mécanismes d’investigation, la dénonciation peut s’avérer plus

efficace que les enquêtes59.

Il a ainsi été relevé que, depuis 2002, deux tiers des cartels punis par la Commission

européenne ont été détectés grâce aux programmes de clémence 60 et que le nombre de cartels

détectés et punis par an avait considérablement augmenté61.

En outre, cette procédure a comme autre avantage déterminant, c’est celui, de déstabiliser

les cartels en laissant planer le risque de la dénonciation. C’est pourquoi cet outil est qualifié de

« crucial »62.

En effet, la clémence est principalement utilisée comme un instrument de détection et

d'investigation, tout en réduisant sensiblement le cout du traitement des affaires de cartels.

Et ce à travers cette rupture du silence tentée par l'une des entreprises impliquées en se

signalant clairement voire concrètement aux autorités compétentes.

Outre cette fonction, La clémence apparait paradoxalement comme un instrument de

politique de répression efficace63, puisque cette coopération et/ou collaboration qui noue entre

l'entreprise fautive et l'autorité de la concurrence, aboutit à l'obtention de certains éléments

58 V. OCDE 2001, Du recours à la clémence pour réprimer les ententes injustifiables : “(…) l’une des difficultés de la lutte contre les ententes injustifiables est de lever la chape de silence qui les recouvre.”

59 A. Tercinet, Le laboratoire du droit processuel de la concurrence, RLC, 2012, 31, Perspectives. L’auteur souligne le fait que les demandes de clémence “deviennent la première cause d’interruption des cartels sanctionnés”, les plaintes officielles n’étant que cause de la fin de 2 % des cartels. La Commission souligne cependant qu’elle “continue d’accorder une importance considérable [aux] enquêtes d’office” (Rapport pour 2008, pt 34).

60 J. L. Fourgoux, L’influence du droit de la concurrence sur le comportement des entreprises en Europe, Revue des juristes de Science Po, été 2012, no 6, pp.45-51.

61 V. J.-C. Roda, qui relève que la Commission détecte actuellement six à huit cartels par an alors qu’elle n’en détectait qu’un pendant les années 1980, in Programmes de clémence en droit interne de la concurrence. État des lieux et perspectives, Les Dossiers de la RIDE 2011, pp. 139-154.

62 P. Lowe, La lutte contre les cartels et la politique de concurrence, Forum de concurrence, 28 avril 2006, Concurrences n°3-2006, p. 2.63 Jean Christophe RODA, "Programmes de clémence en droits interne et européen de la concurrence : Etat des lieux et perspectives in les procédures négociées en droit de la concurrence", Les Dossiers de la RIDE, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2011, p.139

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pertinents aux enquêteurs à fin de sanctionner plus sévèrement les membres de l'entente prohibée

qui sont dénoncés.

La politique de clémence peut être envisagée à partir de la théorie de la sanction optimale

de Gary Becker64.

L'efficacité d'une prohibition doit effectivement se juger en termes de punition des

délinquants, mais aussi et surtout de signal dissuasif pour des entreprises qui pourraient

envisager de se déguerpir aux risques liés à une pleine concurrence.

Or la finalité économique des politiques de clémence tient principalement au

renforcement de la probabilité de détection et de sanction des pratiques anticoncurrentielles : de

ce fait l'augmentation des sanctions ne peut être que faiblement dissuasive par rapport à

l'incapacité des autorités de concurrence à réunir les éléments probants pour établir l'existence

effective d’une pratique anticoncurrentielle,

Ceci ce mène les autorités de concurrence à s’ouvrir sur l'encouragement des tiers,

notamment les entreprises concernées à transmettre les informations permettant de réunir ces

éléments.

Une telle logique représente toute la devise d'un programme de clémence.

En effet un tel échange d'informations permet aux autorités de concurrence de disposer des

informations de nature à permettre un démantèlement rapide et sûr de l'accord collusif65.

Le phénomène de « course à la dénonciation » des membres des cartels pèsera sans doute

sur la stabilité intrinsèque des accords de ces cartels, et cette « entente » se voit disparaitre, plus

rapidement et sûrement66.

Enfin on peut arriver à une certaine logique concernant les participants au cartel qui n’ont

pas procédé à la dénonciation : La démarche –bien fondée- du dénonciateur provoque

incessamment une renonciation à contester les griefs de la part de tout ou partie des protagonistes

ce qui donnera lieu à d’autres procédures plus au moins négociées mais certainement hybrides à

savoir la non- contestation des griefs française (qui s’est fait appeler transaction après la loi

Macron du 06 aout 2015), et la transaction communautaire,

Il sera tenté de faire ressortir ceci dans ce qui suit.

64 G. Becker, "Crime and punishment: An economic approach", Journal of political Economy. Vol. 76, 1968, pp. 169-217.

65 L. Flochel, "Den nouvelles pratiques des autorités de la concurrence : Les programmes de clémence", in D. Encaoua et R.Guesnerie(dir.), Les politiques de la concurrence, Rapport du conseil d'analyse économique, Juillet 206, pp. 247-255.

66 F. Party et P. Reis, "Perspectives juridiques et économiques sur les procédures négociées en droit de la concurrence" Les Dossiers de la RIDE, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2011, pp. 27-29.

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1. 2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

Les procédures étudiées sont volontiers présentées comme illustrant le principe “gagnant-

gagnant”. En effet, ces procédures responsabilisent les entreprises, leur permettent de mieux

gérer le risque de sanction et l’aléa procédural.

- Des acteurs responsabilisés :

Dans une procédure contentieuse classique, les entreprises sont passives et contraintes.

Forcément la sanction est subie et potentiellement mal acceptée. Or Les procédures alternatives

ou complémentaires ont cette particularité de modifier le statut des entreprises en les faisant

participer au mécanisme de redressement de l’illicite.

En effet dans une procédure de clémence, le contrevenant participe –volontiers- à sa propre

mise en cause.

- Des acteurs moins exposés au risque de sanction :

La procédure de clémence ne met pas l’entreprise à l’abri d’une condamnation. Bien au

contraire, elle sera déclarée coupable d’avoir participé à un cartel, donc à une des formes de

pratiques anticoncurrentielles les plus graves : Elle sera cependant récompensée de sa

dénonciation soit par l’octroi d’une totale immunité, si elle est la première à dénoncer et respecte

les conditions d’information et de coopération posées par les textes, soit par l’octroi d’une

réduction de sanction, si elle n’est pas la première à dénoncer, mais que ses déclarations

apportent une valeur ajoutée significative aux informations dont la Commission européenne ou

l’Autorité de la concurrence disposent déjà 67.

Cette réduction peut aller jusqu’à 50 % de la sanction encourue, ce qui n’est évidemment pas

négligeable 68…

67 V. Selinsky et S. Cholet, Invoquer la clémence : un avantage stratégique pour les entreprises, RLDA, 2006, no 6, Éclairage.

68 La communication européenne sur la clémence prévoit une réduction de sanction allant de 20 à 50 % selon l’ordre d’arrivée. Le droit français se contentait jusqu’alors de prévoir une réduction maximum de 50 %, qui dépendait de l’ordre d’arrivée et de la valeur des documents fournis. Le communiqué de procédure adopté le 3 avril 2015 (pt 21) prévoit désormais que la première entreprise à fournir une valeur ajoutée significative bénéficiera d’une réduction comprise entre 25 et 50 %, la deuxième entre 15 et 40 % et les autres d’une réduction maximale de 25 %. Les fourchettes françaises se chevauchent donc. Les décisions ayant accordé le bénéfice de la clémence montrent une tendance majoritaire à ce qu’une seule entreprise sollicite le bénéfice de la clémence et bénéficie alors d’une

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- L’aléa procédural (partiellement) maîtrisé :

C’est évident pour celle qui dénonce dans le cadre de la procédure de clémence. D’une

part, elle ignore le bénéfice qu’elle peut exactement attendre de sa démarche au moment où elle

l’initie puisqu’elle ne sait pas si elle est la première dans la “course à la clémence”.

D’autre part, sa dénonciation peut avoir un coût financier (ses titres peuvent être dévalués en

Bourse), un coût commercial (elle s’expose à des représailles), et un coût juridique (elle s’expose

à des actions civiles ou pénales) 69…

2. La situation de la négociation

La place de la négociation dans la procédure de clémence est à priori limitée, puisque ça

relève de l'acceptation préalable de la demande formulée par l'entreprise impliquée et/ou

concernée et formalisée en avis de clémence selon le législateur français.

De ce fait la procédure en termes de négociation est plutôt rétrécie, puisqu'elle ne laisse

que peu de place à la négociation70.

En se référant au communiqué du 02 mars 2009 de l'autorité française de la concurrence, qui

s'appuie sur l'article L. 464-2 du code de commerce français, stipulant clairement que "…

l'autorité peut si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder

une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à

l'établissement de l'infraction" .

Cette disposition évoque l'ouverture d'une brèche à travers son opacité notamment,

l'utilisation du terme "peut" qui manifeste incessamment une certaine perplexité: Puisque même

si l'entreprise en question honore son engagement par rapport à l'avis de clémence approuvé

et/ou accordé, l'autorité n'est pas obligée de faire de même ?!

immunité totale en présence d’une clémence de type I (déc. nos 06-D-09, 07-D-48, 08-D-12, 12-D-09, 14-D-20) ou d’une simple réduction dans le cadre d’une clémence de type II (déc. no 08-D-32). Dans quatre cas seulement, un premier dénonçant, ayant obtenu l’immunité, a été suivie d’autres entreprises. Les premiers cas avaient laissé penser que l’Autorité française serait moins généreuse que son homologue européen vis-à-vis de demandeurs de rangs inférieurs, avec des réductions comprises entre 15 à 25 % seulement de la sanction normalement encourue (déc. nos 11-D-17 et 13-D-12). Les plus récentes décisions obligent à infirmer cette intuition (déc. nos 14-D-19 et 15-D-03, qui sont allées jusqu’à 50 % de réduction). La procédure française continue donc son alignement sur la procédure européenne.

69 Sur ces risques, v. F. Puel et L. François-Martin, Méthodologie d’une démarche de clémence, Forum de concurrence européen, 28 avril 2006, Concurrences no3-2006, p. 9.

70 C. Lemaire, "Procédures de clémence et de non-contestation de griefs", Concurrences, 2010, n°2, pp.131-133.

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La rédaction de ce texte ne laisse pas d'inquiéter, tant il parait que l'autorité de

concurrence conserve un pouvoir discrétionnaire voire un pouvoir d’appréciation entier, en dépit

de ce que l'entreprise aura pu au préalable négocier avec le rapporteur général ou la DGCCRF.

Mais en revanche l'accord même entre entreprise et autorité de concurrence, impose l'existence

préalable d'une négociation d'un point vue jurisprudentiel.71

Il n’y a pas vraiment un consensus doctrinal sur la définition de cette procédure comme

une procédure négociée, certains auteurs préfèrent utiliser d’autres notions notamment procédure

alternative ou accessoire ou alternative au pouvoir de sanction des autorités de concurrence,

puisque cette procédure ne fait pas l’objet d’un accord entre l’autorité de concurrence et l’auteur

de la pratique anticoncurrentielle, mais d’une simple décision de l’autorité administrative72,

d’autres auteurs considèrent que l’octroi de la clémence constitue un contrat passé entre

l’autorité et les entreprises poursuivies73.

Or, nous estimons que la qualification de procédure alternative ou accessoire n’est pas

exclusive de la qualification de procédure négociée, du moment où les entreprises susceptibles

d’être sanctionnées et les autorités de concurrence font des concessions réciproques74.

En somme, nous souscrivons donc à définir et /ou à qualifier cette procédure étant

négociée, puisque cette définition a néanmoins le mérite de souligner l’intention qui anime les

parties à cette procédure. En effet des deux côtés il y a des concessions et des avantages.

§2. Les Engagements volontaires

La deuxième procédure, bien qu’elle ne soit pas aussi fameuse que la précédente,

puisqu’elle ne concerne pas les atteintes les plus graves à la concurrence, néanmoins cette

71 CA Paris, Pole 5, chambre 5-7, arrêt, n°5, 19 Janvier 2010, http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca08d32_siderurgie.pdf, sur la décision n°08-d-32 du 16 décembre 2008 du conseil de la concurrence, Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/08d32.pdf.72 v. à titre d’exemple, F. ARBAULT, « Procédures alternatives : les apports des nouveaux textes », Revue Lamy de la concurrence, 2008, n°15, p. 152.

73 v. à titre d’exemple, F. LAINA , « L’intensification de la lutte contre les cartels : Quelques observations sur les amendes et le fonctionnement du programme de clémence, FEC, 28 avril 200-, Bruxelles, Concurrences, n°3-2006 p. 6 ; A. PERROT, « Le modèle du contrat dans les nouvelles conceptions des régulations économiques » in Les engagements dans les systèmes de régulations (sous dir. M. –A. FRISON-ROCHE), Dalloz/Sc. Po 2006, p. 157.

74 S. PIETRINI. « Le recours à la négociation en droit de la concurrence : l’exemple des programmes de clémence » Revue Lamy de la concurrence, 2009, n°21, p. 153.

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procédure a pu s’imposer indépendamment, et a pu être à son tour une tendance en matière de

droit de la concurrence.

L’engagement désigne l’obligation souscrite auprès d’une autorité75, permettant de mettre

fin aux poursuites contre une entreprise suspectée d’avoir violé les règles concurrentielles.

Lorsque se pose un problème concurrentiel, l’autorité de concurrence peut décider –au lieu

d’ouvrir une procédure lourde et couteuse- d’abandonner les poursuites contre l’entreprise mise

en cause en échange de la souscription par celle-ci d’engagements propres à rétablir la

concurrence.

Fruit d’un accord ou d’une décision de l’autorité de concurrence, l’engagement de

l’entreprise mise en cause n’implique aucune admission de culpabilité de la part des auteurs de la

pratique suspecte. Les faits ne sont pas qualifiés non plus.

En revanche le non-respect des engagements est sanctionné.

Il sera tenté de traiter cette procédure en soulevant sa mise en œuvre (A) et à son

attractivité (B).

A. La mise en œuvre de la procédure

Le législateur algérien n’a pas vraiment pris part de cette procédure, puisqu’il n’admet

que des engagements concomitants dans le cadre d’une autre procédure négociée ; donc il fallait

faire le point sur cette procédure en évoquant ses versions communautaire et française.

1.  Champs d’application et déroulement de la procédure en droits

communautaire et français

C’est l’article 9 du règlement n°1/2003 qui a consacré la technique des engagements

volontaires en droit communautaire, quant au droit français, la procédure s’est introduite par

75 G. –A. SOFIANATOS, Injonctions et engagements en droit de la concurrence. Etude du droit communautaire, français et grec, préf. C. LUCAS DE LEYSSAC, LGDJ, 2009, § 7. Sur cette procédure v. également L. IDOT, Droit communautaire de la concurrence. Le nouveau système communautaire de la mise en œuvre des articles 81, 82, éd. Bruylant, 2004, p. 127 ; E. CLAUDEL, « La montée en puissance de la procédure d’engagements », RTD com., avril/juin 2005, p. 272 ; T. PICOT, « La nouvelle procédure d’engagements prévue à l’article L. 464-2-1 C. com. », Revue Lamy de la concurrence, 2005, p. 142. Sur le modèle américain.

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l’ordonnance du 4 novembre 2005, complétée par le décret n°2005/1668 du 27 décembre 2005,

ajoutant une nouvelle disposition de l’article 464-2 I du code de commerce français, suivi par un

communiqué du conseil de la concurrence du 8 avril 2008, concernant la procédure, qui sera

remplacé par un autre communiqué de la procédure daté du 2 mars 2009 en tenant compte de la

réforme institutionnelle opérée par la LME76.

Cette procédure mène les entreprises à s’engager à cesser le dommage causé à

l’économie, et dans la mesure du possible rétablir la situation de la concurrence telle qu’elle

prévalait ex-ante.

A cet égard, les entreprises concernées donc celles qui ont commis une infraction touchant à la

concurrence, voire une pratique anticoncurrentielle (abus de position dominante ou entente

verticale), et après avoir été mises au courant de la saisine de l’autorité à leur sujet, elles vont

anticiper leur proposition de prendre des engagements pour rétablir la concurrence, et ce pour

pouvoir s’échapper des sanctions y afférentes.

Bien sûr tout dépend de la décision de l’autorité, concernant de rendre ces engagement

obligatoires.

Il faut signaler qu’en droit communautaire tout le mérite revient au règlement n°1/2003

entérinant la décision de la commission d’accepter ce type d’engagements par des amendes et

même des astreintes en cas de non-respect de ces engagements. Parce que même si la

commission acceptait cette pratique auparavant surtout en matières de concentration

économiques et d’abus de position dominante, mais l’informalité qui régnait laissait échapper les

entreprises mises en cause à défaut d’honorer leurs engagements.

Or en droit communautaire, la jurisprudence a confirmé que « la particularité de la

procédure tenait à la dispense pour la commission de démontrer formellement la réalité de la

pratique77.

De même pour ce qui est du droit français adoptant le même principe, puisque la notion

de « préoccupations de concurrence » introduite par l’ordonnance du 13 novembre 2008, avait

comme objectif d’affirmer le caractère non-incriminant de la procédure d’engagements78, en

s’inspirant de la jurisprudence79.

76 C’est la Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de Modernisation de l'Economie

77 TPICE, 11 juillet 2007, aff. T-170/06, Alrosa c/ Commission, pts 87 et 100 ; S. Grandvuillemin, « La procédure d’engagements : états des lieux après le communiqué de procédure du 2 mars 2009 », JCP ( E ), 2009, n°22, p. 1542.78 E. Claudel, « Réforme du droit français de la concurrence : le grand jeu ? », RTD com., 2009, p. 91.79 Cass Com., 4 novembre 2008, pourvoi n°07-21.275, GIE les indépendants.Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/cass06/d29_gie_independants.pdf.

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D’emblée, le fait qu’il n’était guère question de qualification juridique des pratiques en

cause, manifeste de plein droit le renforcement de la sécurité juridique des entreprises utilisant

cette procédure.

En revanche, seul le non-respect des engagements qui intimiderait l’auteur de ces

engagements avec les sanctions y afférentes qui va certainement subir.

1.1. La procédure d’engagements en droit communautaire 

Tout d’abord la commission envoie aux entreprises concernées une évaluation

préliminaire, identifiant les préoccupations de la concurrence, sans qualifier les faits.

La proposition d’engagements faite par l’entreprise concernée sera une suite logique à

cette première étape.

La commission analysera alors, si ces engagements sont assez satisfaisants, si c’est le cas

leur contenu sera publié au journal officiel de l’union européenne, cette publication comporte un

résumé de l’affaire en question et les points principaux des engagements.

Ensuite un délai d’au moins un mois sera ouvert pour les tierces entreprises concernées

pour qu’elles puissent présenter leurs observations.

Apres l’analyse de ces observations ainsi que le dossier au complet, la commission

adoptera sa décision rendant ces engagements obligatoires, s’ils sont de nature à satisfaire aux

préoccupations de concurrence préalablement exprimées dans son évaluation préliminaire, et

éventuellement fixer la durée à respecter dans la mise en œuvre de ces engagements, et quand il

n’y a plus d’agir , constater la clôture de la procédure.

Il faut signaler que les entreprises qui n’honorent pas leur engagements, subiront de plein

droit une sanction qui peut aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires total réalisé par l’entreprise et

même à une astreinte pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de

retard.

1.2. La procédure d’engagements en droit français 

Tout comme en droit communautaire, la première étape consiste à une évaluation

préliminaire dont laquelle le rapporteur va préciser « en quoi les atteintes à la concurrence

relevées à ce stade de la procédure sont susceptibles de constituer une pratique prohibée », cette

évaluation sera envoyée à l’entreprise concernée, dès lors cette dernière pourra accéder à tout ce

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qui constitue le dossier, pour qu’elle puisse faire sa proposition d’engagements, au sens où elle

est en mesure d’apporter -à travers ses engagements- une réponse aux préoccupations de

concurrence identifiées dans l’évaluation préliminaire.

Il est à signaler que ces engagements doivent remplir certains critères, notamment ils

doivent être pertinents, crédibles et vérifiables, tels que les modifications de clauses

concurrentielles80, l’octroi d’un accès à des informations nécessaires à l’activité des opérateurs

dans un secteur donné de l’économie81.

Apres la réception de la proposition d’engagements, elle sera communiquée aux parties

concernées donc l’auteur de la saisine et le commissaire du gouvernement.

Ensuite viendra l’étape de la publication du communiqué du rapporteur général,

comportant un résumé de l’affaire et l’offre d’engagements, tous les moyens sont bons pour faire

publier ce communiqué notamment le site internet propre à l’autorité de concurrence.

Cette communication permettra aux tiers intéressés de présenter leurs observations dans

un délai qui ne peut pas être inférieur à un mois à compter de sa publication (tout comme en droit

communautaire).

Et ces observations seront communiquées aux parties ainsi qu’au commissaire du gouvernement.

Cette étape constitue pour l’autorité « un test de marché »82 pour vérifier l’efficacité de la

prise de ces engagements vis-à-vis les préoccupations de concurrence exprimées lors de

l’évaluation préliminaire.

Enfin l’autorité de la concurrence adoptera sa décision rendant ces engagements

obligatoires et mettant fin à la procédure. Cependant, l’autorité détient quand même un pouvoir

d’appréciation, lui accordant de rompre la procédure, et reprendre la voie contentieuse à tout

moment.

Il faut signaler qu’en cas de non-respect des engagements, l’autorité peut prononcer des

astreintes qui ne peuvent excéder 5% du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard.

2. Le cas du droit algérien : La mise à l’écart d’une procédure indépendante

80 Décisions n° 07-D-30 et n° 07-D-17 du 10 mai 2007, relatives à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’exploitation des films en salles de cinéma.

81 Décision n° 08-D-04, du 15 fév. 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de la presse.82 ARCELIN.L., Droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et communautaire, Presses universitaires de Rennes, 2009, p.179.

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Quant au droit algérien, il faut signaler que le législateur algérien à travers son unique

texte (l’article 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée), n’a pas pris part de cette

procédure, car les engagements dont il est question demeurent relatifs à une autre procédure

négociée, constituant ainsi –bien qu’obligatoire- une simple condition afférente à cette

procédure.

Dès lors en remplissant certaines conditions notamment celle de l’engagement à ne plus

commettre d’infractions liées au droit algérien de la concurrence, l’exonération totale ou partielle

peut être attribuée au contrevenant par les soins du conseil de la concurrence.

En effet le législateur stipule que l’exonération est attribuée aux « entreprises qui, au

cours de l’instruction de l’affaire, les concernant, reconnaissent les infractions qui leur sont

reprochées, collaborent à l’accélération de celle-ci et s’engagent à ne plus commettre

d’infractions … », ainsi le vocable « et » implique incessamment la non-admission du législateur

algérien de ces engagements pris seuls comme procédure indépendante.

A cet égard, ces engagements ne peuvent en aucun cas constituer-indépendamment de

toute autre procédure -, une procédure propre au droit algérien.

S’agissant donc d’engagements concomitants, ils font assurément figure d’éléments d’appui

d’une toute autre procédure dite négociée.

C’est d’ailleurs ce qui nous pousse à penser que le législateur algérien a mis à l’écart

cette procédure.

Il est à signaler, que de tels engagements, même pris à titre d’appui font défaut de lignes

directrices émises par le législateur algérien.

En effet l’absence de textes règlementaires afférents au texte législatif algérien ainsi que

l’absence de la pratique du conseil algérien de la concurrence en la matière, notamment après

avoir été gelé durant plus d’une décennie, ont servi assurément à nourrir l’opacité de la

procédure négociée adoptée par le droit algérien.

B. L’attractivité de la procédure

Ce point sera traité en soulevant l’intérêt de cette procédure (1) et la situation de la

négociation dedans (2).

1. L’intérêt de la procédure 

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L’attractivité de cette procédure se manifeste notamment en deux positions celle de

l’autorité de la concurrence et celle de l’entreprise contrevenante.

1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence

Cette procédure épargne les autorités de concurrences d’amples efforts de différentes

natures, ce qui a fait son imposition indépendamment comme un moyen sûr de l’action publique

ou du «public enforcement».

En effet elle partage avec les autres procédures des vertus communes, mais elle a aussi ses

propres vertus.

1.1.1. Les vertus partagées avec les autres procédures négociées

- La réduction de la charge probatoire :

La procédure d’engagements allège encore plus nettement la charge probatoire : l’autorité

n’a plus à rapporter la preuve de l’infraction ; elle se contente d’émettre des “préoccupations de

concurrence”83 .

-L’accélération des délais de traitement des affaires :

83 La Cour de justice a confirmé cette dispense d’obligation de qualifier l’infraction et de la prouver dans l’affaire Alrosa (CJUE, 29 juin 2010, aff. C-244/07P).

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Quant à la procédure d’engagements, elle est, en théorie84 , la plus économe : elle permet

tout à la fois de raccourcir l’instruction – l’évaluation préliminaire étant singulièrement moins

nourrie qu’une notification de griefs –, de trouver rapidement des solutions aux problèmes

identifiés et, dans la plupart des cas, de faire l’économie des recours juridictionnels. La Cour de

justice de l’Union européenne a expressément reconnu que cette procédure était inspirée “par

des considérations d’économie de procédure”85 .

Les gains procéduraux réalisés permettent aux autorités de dégager du temps et des

ressources pour traiter plus d’affaires et se concentrer sur les cas graves86.

- L’aide au développement d’une culture de la concurrence :

La procédure d’engagements est évidemment un bon exemple. Initiée aux problèmes que

ses comportements peuvent créer, l’entreprise est invitée à les résoudre. Elle doit rechercher elle-

même les voies adéquates, les modifications à apporter à ses contrats ou à ses relations avec ses

partenaires ou ses concurrents.

Une fois ses propositions formulées, elle est immédiatement confrontée aux réactions

qu’elles suscitent via les tests de marché qui vont être diligentés auprès des tiers par les autorités

de concurrence. L’entreprise est donc obligée de se penser comme une entité non pas isolée,

mais soumise à la contrainte du marché et aux attentes et critiques des autres opérateurs.

1.1.2. Les vertus propres à la procédure d’engagements

Il est à signaler que les engagements sont une source de remèdes efficaces aux problèmes

de concurrence identifiés : Ce trait est propre aux procédures qui supposent des prises

d’engagement de la part des opérateurs.

84 Si certaines affaires illustrent bien la possibilité de trouver une issue rapide au problème soulevé (v. affaire Visa, aff. AT.39398, Commission, 26 février 2014 : http://ec.europa.eu/competition/ant... 9728_3.pdf.), d’autres constituent un net contre-exemple. Ainsi en est-il de l’affaire Google, qui s’éternise, et devrait se poursuivre par un retour à une procédure contentieuse classique. Sur cette affaire, v. F. Jenny, qui dénonce la “ʻterrible’ Google investigation”, Global Competition Review (GCR), 9 February 2015, et les “Bad results on Google”, European Voice, 12 February 2015, p. 4.

85 CJUE, gr. ch., 29 juin 2010, aff. C-441/07P, Commission c/ Alrosa, pt 35.

86 En ce sens, O. Sautel, article précité, qui énonce, à propos de la procédure d’engagements, que “toute économie de coût réalisée grâce à la procédure d’engagements et redéployé au service de la lutte contre les cartels constitue une allocation efficiente des ressources de l’autorité de concurrence qui augmente le bien-être des consommateurs”.

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La procédure d’engagements ne peut qu’en représenter la meilleure illustration. Trois

avantages y sont principalement attachés.

D’une part, les remèdes proposés sont supposés efficaces87 . Ils ne seront en effet acceptés

que s’ils sont de nature à mettre un terme aux problèmes concurrentiels identifiés, sont crédibles

et vérifiables. Ils permettent en outre d’intervenir vite, notamment sur des marchés jeunes ou qui

évoluent rapidement88 .

Ils sont par ailleurs testés par le marché, les tiers ayant la possibilité d’y réagir et de

formuler des observations qui pourront éventuellement conduire à affiner les engagements pris.

D’autre part, les remèdes proposés, parce qu’ils sont l’œuvre – même un peu contrainte – des

entreprises, ont de bonnes chances d’être exécutés, qui plus est avec vélocité et une certaine

bonne volonté89 .

Enfin, ils peuvent être adaptés en cas de changement de situation. Selon l’Autorité

française, ces engagements ont donc “un avantage comparatif par rapport aux sanctions”90 .

Par ailleurs, la procédure française de non-contestation des griefs/transaction (qui sera

étudiée ultérieurement) pouvait également s’accompagner d’une prise d’engagements de la part

des entreprises, en contrepartie d’un taux de réduction de la sanction supplémentaire.

Les engagements susceptibles d’être pris ne sont pas de nature radicalement différente de

ceux qui caractérisent précisément la procédure d’engagements, même si les exigences les

87 Dans sa décision no 04-D-65 du 30 novembre 2004, le Conseil de la concurrence considérait que sanctions et engagements sont deux outils qui “répondent au même objectif de rétablissement et de maintien pour l’avenir d’une situation normale de concurrence : dans un premier cas, des sanctions significatives dissuadent l’entreprise d’éventuellement réitérer et, dans le second, les engagements préfigurent une modification substantielle et crédible des comportements de l’entreprise et l’abandon de ses pratiques anticoncurrentielles”.

88 V. J. Almunia, Remedies, commitments and settlements in antitrust, Speech, 8 mars 2013 : “(…) in certain industries—such as high-tech and fast moving markets—it’s important that competition is restored quickly and effectively” (http://europa.eu/rapid/press-releas...). Le Commissaire à la concurrence citait pour exemples le marché du livre numérique (case AT.39847 – E-books) ou les engagements souscrits par IBM sur le marché de la maintenance des grands systèmes le 14 décembre 2011.89 Les entreprises savent désormais que le non-respect des engagements qu’elles ont souscrits les expose à d’importantes sanctions. V. p. ex. Commission, 6 mars 2013, qui impose une amende de 561 millions d’euros à Microsoft pour ne pas avoir respecté les engagements souscrits en 2009.

90 V. l’intervention du président Lasserre à la conférence organisée par la revue Concurrences le 15 juin 2015, New Frontiers of Antitrust, lors de la table ronde consacrée au thème Commitment decisions: Tool of choice or poison for antitrust enforcement? article précité.

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entourant sont moins strictes au sens où il n’est pas requis qu’ils mettent un terme au trouble

concurrentiel91 .

L’Autorité française n’hésite pas à saluer certains d’entre eux, tels que ceux proposés

dans la décision Volailles du 5 mai 201592 consistant à créer une interprofession dans le secteur

avicole. L’engagement a été jugé à ce point précieux qu’il a justifié que l’Autorité « [s’écarte]

des méthodes de détermination et réduction de sanction décrites respectivement dans le

communiqué sanctions et le communiqué sur la non-contestation des griefs ».

Les engagements, qu’ils s’inscrivent dans l’une ou l’autre de ces procédures, sont

clairement tournés vers le futur93 . Ils ne remédient pas aux troubles qui ont pu naître, mais

proposent des remèdes pour l’avenir : des clauses contractuelles sont modifiées ou abandonnées,

des droits de propriété intellectuelle déverrouillés, des créneaux aériens libérés, des secteurs

professionnels réorganisés, etc.

C’est la volonté de disposer d’une procédure accélérée et plus souple qu’une procédure

traditionnelle en matière de constatation d’infraction.

Et encore l’obtention d’une cessation de plein gré de l’entreprise concernée des pratiques ayant

suscité des préoccupations de concurrence.

Et donc cette procédure -à travers les engagements y afférents- permet de répondre aux

préoccupations de concurrence identifiées dans le cadre de l’enquête, de façon prompte et sure,

tout en économisant de plus amples efforts et/ou moyens pour les affaires les plus complexes.

On peut conclure que cette procédure s’estime avantageuse en matière d’accélération

procédurale et de faire terme à l’affaire en question avant toute appréciation et/ou qualification

définitive des faits.

91 Dans son arrêt du 23 février 2010 rendu sur recours contre la décision no 09-D-06 (Expedia), la cour d’appel de Paris écrit que “le Conseil n’était pas tenu (…) de constater que les engagements souscrits par la SNCF donnent toutes les garanties d’une concurrence pleine et effective, ni de constater que [ces] engagements (...) répondent à toutes les préoccupations de concurrence susceptibles de naître de l’affaire soumise à examen de la cour pour le passé comme pour l’avenir (...) ni enfin d’exiger que les engagements soient de nature à mettre un terme définitif aux pratiques illicites”.

92 Déc. no 15-D-08 du 5 mai 2015, commercialisation de la viande de volaille.

93 V. la présentation des différentes procédures sur le site Europa : “(…) a settlement decision simply requires a ʻcease and desist’ of past behaviour, whereas commitments decision requires commitment to future behaviour”.

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1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

Cette procédure se présente aussi comme illustrant le principe “gagnant-gagnant”.

Puisqu’elle responsabilise les entreprises, et leur permette de mieux gérer le risque de sanction.

- Des acteurs responsabilisés :

Comme toutes les procédures négociées, la procédure d’engagements a cette particularité

de modifier le statut des entreprises en les faisant participer au mécanisme de redressement de

l’illicite. En recherchant des remèdes.

En effet La recherche de remèdes est évidemment l’hypothèse la plus responsabilisante,

la plus formatrice pour l’entreprise. C’est particulièrement le cas lorsqu’elle met en place un

programme de conformité. Ainsi que l’énonce l’Autorité française, “ces programmes sont

l’illustration tangible de stratégies de gouvernance volontaristes”94 .

Par ailleurs, lorsqu’une entreprise prend des engagements, que ce soit dans la procédure

d’engagements ou dans le cadre de la procédure française de non-contestation de

griefs/transaction, elle doit respecter la parole donnée et les exécuter scrupuleusement. Toute

défaillance est sanctionnée, que ce soit en droit européen95 ou en droit français96 .

- Des acteurs moins exposés au risque de sanction :

La procédure d’engagements est particulièrement avantageuse. Si cette procédure est

menée jusqu’à son terme et que les engagements proposés sont considérés comme suffisants,

crédibles et vérifiables, ils seront acceptés et la procédure sera clôturée, sans qu’aucun constat

d’infraction soit effectué97 . L’entreprise qui s’engage n’est non seulement pas sanctionnée – et

cela est sans conteste une des clés du succès de cette procédure98  –, mais elle n’est même pas

déclarée coupable.

94 Pt 9 du document-cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence.

95 Pour exemple, affaire Deltafina, dans laquelle le Tribunal a validé le pouvoir de sanctionner une mauvaise coopération de la part du demandeur de clémence (aff. T -12/06, arrêt du 9 septembre 2011).

96 V. not. Aut. conc., 28 mai 2012, déc. no 13-D-12, Commodités chimiques, ou no 11-D-17 du 8 déc. 2011, Lessives.

97 Ces traits ont été rappelés à plusieurs reprises. Récemment, v. l’affaire Cogent, CA Paris, 19 décembre 2013, RG no 2012/19484, confirmé par Cass. com., 12 mai 2015, pourvoi no 14-10.792, qui considère que la décision acceptant des engagements ne constate ni le caractère anticoncurrentiel d’une pratique, ni la conformité à la concurrence des pratiques n’ayant pas fait l’objet de préoccupations de concurrence.

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Cela est bon pour son image et cela la préserve pour partie des procédures civiles qui

pourraient être diligentées par la suite99 . Par ailleurs, si l’entreprise qui s’engage se livre

ultérieurement à des pratiques anticoncurrentielles et est condamnée, elle ne sera pas considérée

comme récidiviste.

B. La situation de la négociation

Avant d’aborder les pratiques anticoncurrentielles, il est utile de mettre un accent sur les

concentrations économiques, dont les autorités de concurrence, doivent anticiper l’évolution des

marchés concernés par l’opération notifiée, d’une façon à ce que les engagements soient

proportionnels aux doutes anticoncurrentiels soulevés.

Le recours aux engagements rentre dans le cadre du contrôle prospectif des

concentrations.

Cependant, les interdictions des concentrations ne sont en réalité qu’exceptionnelles100, ce qui

impose la faiblesse voire l’inexistence des négociations en la matière.

Quoi qu’il en soit, les engagements traités à ce niveau et malgré leurs différentes et/ou

diverses formes se regroupent-communautairement parlons- en deux catégories : les

engagements structurels, qui sont plus sollicités 101, il est question de transfert de droits de

propriété, où quatre types d’activités peuvent être céder à savoir (une activité qui était déjà

indépendante et viable, une activité qui doit être scindée et intégrée dans la structure de

l’acquéreur, un ensemble qui combine les actifs de plus d’une partie et une licence exclusive à

long terme avec durée illimitée ou jusqu’à expiration d’un brevet).

Et les engagements comportementaux : où il ne s’agit plus de transferts mais de

contraintes sur les droits de propriété, la commission les énumère comme suit (l’accès aux tiers

98 Sur cet avantage et son caractère déterminant, v. J.-F. Bellis, EU commitment decisions : What makes them so attractive? Unclassified, DAF/COMP/WD(2016)53, 7 juin 2016.

Disponible sur : https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/WD(2016)53/en/pdf

99 Si un opérateur ou un consommateur s’estime en effet victime des pratiques ayant fait l’objet d’une évaluation préliminaire et qu’il demande réparation, il ne pourra s’appuyer sur la seule décision administrative ayant accepté les engagements pour étayer la démonstration de la faute dont il se plaint.100 P. Bougette, « Négociations d’engagements en matière de concentrations : une perspective d’économiste » in les dossiers de la RIDE, ed De Boeck et Larcier s.a., 2011. pp. 112-114.

101 A titre d’exemple, si l’on s’intéresse aux types d’engagements requis sur la période 1990-2005 par la commission européenne, sur 187 engagements conclus, 142 avaient modifié la structure du marché en question. Source: P. Bougette et S. Turolla ? “ Market Structures, Political Surroundings, and Merger Remedies: An Empirical Investigation of the EC’Decisions”, European Journal of Law and Economics; vol. 25, 2008, n°2, pp. 125-150.

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des infrastructures, l’accès à une technologie via les licences obligatoires ou accès à des droits de

propriété intellectuelle, et enfin l’arrêt d’accords exclusifs verticaux).

En revanche Les aspects de négociation se manifestent en matières de pratiques

anticoncurrentielles -entrant dans notre étude-, en effet concernant le droit français il y a toujours

cette marge de négociation qui nait entre l’entreprise concernée et le rapporteur général, de

même au niveau du collège de l’autorité permettant ainsi la modification des engagements

négociés avec le rapporteur.

Bien évidemment cette négociation a pour premier but de rendre ces engagements à la

fois pertinents, crédibles, vérifiables et proportionnés par rapport aux préoccupations de

concurrence initiales (déjà exprimées clairement dans l’évaluation préliminaire).

Cependant le fait que l’autorité de concurrence peut –et au détriment de toute préalable

négociation- refuser de rendre ces engagements obligatoires, confirmant ainsi le caractère

unilatéral de la décision par celle-ci.

Il faut signaler tout de même qu’il y a une nette transformation voire, une amélioration de

la position de l’autorité de concurrence concernant cette même procédure, puisque la décision

d’engagements avant de se revêtir du caractère unilatéral, elle était considérait comme « une

sorte de contrat librement consenti entre l’autorité et l’entreprise poursuivie »102, et c’est ce qui a

été confirmé en jurisprudence103.

On peut conclure que la présence effective d’aspects négociés dans cette procédure, tant

qu’en droit communautaire que français, n’oblitère pas le caractère unilatéral de la décision

d’engagements y afférente.

Section 2. Les procédures négociées pouvant aboutir à une exonération

partielle

Plusieurs autorités de concurrence disposent de procédures de transaction, à cet égard il

est à signaler qu’il y a deux types de transaction : la transaction française (Ou la non-contestation

des griefs) (§1) et la transaction communautaire (§2) et l’une n’exclue pas l’autre.

102 Rapport annuel du conseil de la concurrence 2005, Paris, la documentation française, p. 139.

103 TPICE, 11 juil 2007, 4ème chambre élargie, aff.T-170/06, Alrosa c/ Commission, pt87, http:// eurlex.europa.eu/LexUriServ/ LexUriServ.do ?uri=CELEX :62006A0170 :EN :HTML.

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Dans le cadre de ces procédures, l’entreprise participant à une pratique

anticoncurrentielle coopère à la procédure administrative se déroulant devant l’autorité de

concurrence en échange d’une réduction de la sanction.

A cette fin, l’entreprise peut, selon les cas, soit de ne pas contester les griefs ou les faits

retenus à son encontre, soit d’avouer sa responsabilité.

L’objectif, n’est pas celui de détecter ou d’apporter des éléments probatoires de nouvelles

pratiques anticoncurrentielles, mais de réduire les couts d’instruction d’un dossier.

En Europe, il n’existe pas de convergence entre la procédure communautaire et française.

Or, il existe une série de mécanismes allant de la simple non-contestation des griefs sans

reconnaissance de responsabilité en droit français104 , à l’admission de la responsabilité en droit

communautaire105.

Pour éviter toute confusion terminologique, nous souscrivons à maintenir l’ancienne

appellation de la transaction française qui est la non-contestation des griefs pour la différencier

de la transaction communautaire.

Ces procédures seront traitées en suivant le même plan de celui qui a été réservé aux

procédures précédentes, notamment en soulevant la particularité de la procédure algérienne.

§ 1. La Non-Contestation des griefs 

Indéniablement, en matière de traitement des pratiques anticoncurrentielles via une des

procédures négociées, le droit communautaire domine largement le droit français, mais celui-ci

manifeste parfois son indépendance, notamment par la création et l’adoption de sa propre

procédure négociée. C’est la non-contestation des griefs, récemment nommée transaction, une

transaction qui reste tout de même française.

Cette procédure serait présentée en deux temps, en premier, sa mise en œuvre (A) et en

second, son attractivité (B).

104 D. BOSCO, « Précisions sur la fixation des amendes dans les procédures négociées », Contrats Conc. Cons., 2008, n°7, p. 29.

105 C. LEMAIRE, « Analyse juridique », in La transaction, Séminaire DGTPE-Concurrence, 20 décembre 2007, Revue Lamy droit de la concurrence, 2008, n°15, p. 180 et spéc. p. 181 et s.

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A. La mise en œuvre de la procédure

A travers ce titre, et en suivant presque le même plan emprunté pour valoriser les

procédures précédentes et leur mise en œuvre, il sera tenté de mettre au point le champ

d’application de cette procédure en s’accentuant sur son origine française (1), et soulever la

particularité de la procédure algérienne (2).

1. Champs d’application et déroulement de la procédure

D’emblée son origine est française ; C’est la loi NRE106, qui a mis en place cette

procédure, figurant après codification dans l’article L.464-2 III du code de commerce français.

La procédure s’est vue remanier par l’adoption de l’ordonnance du 13 novembre 2008,

dès lors les engagements liés à la non-contestation des griefs ne sont que facultatifs.

Le communiqué du 10 février 2012 a soulevé la pratique antérieure et les conditions

d’application.

Or, la procédure de non-contestation des griefs, devenue procédure de transaction depuis

la « loi Macron »107 du 6 aout 2015, reste une spécificité française108.

Comme son appellation l’indique, si l’entreprise ou l’organisme ne conteste pas les griefs

qui lui sont notifiés, dans la phase d’instruction devant l’autorité de la concurrence, donc il s’agit

d’une renonciation de contester les griefs dans la phase contentieuse : puisque la procédure se

déroule principalement après l’envoi des griefs. Alors l’autorité en tenant compte de cette

initiative peut réduire le montant de l’amende encourue.

106 C’est la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques, publiée au Journal Officiel le 15 mai 2001, et appelée plus communément, la loi NRE, elle a pour objectif de réduire les effets néfastes des dysfonctionnements internes et de la mondialisation. Fondée sur une exigence de transparence de l'information, cette loi instaure que les sociétés françaises cotées doivent présenter, dans le rapport de gestion annuel, parallèlement à leurs informations comptables et financières des données sur les conséquences environnementales et sociales de leurs activités. La loi NRE, est entrée en vigueur par un décret en date du 20 février 2002 et s’applique depuis le 1 er janvier 2003 pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2002. 

107 Loi no 2015-990 du 6 aout 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite «  loi Macron », JO du 7 aout 2015 p. 13537.

108 V. B. Lassere, la non-contestation des griefs en droit français de la concurrence : Bilan et perspectives d’un outil pionnier, revue Concurrences no 2-2008, art no 17870, pp. 93-100.

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Or si l’entreprise s’engage à modifier son comportement à l’avenir, l’autorité prendra

encore en considération cette toute autre initiative séparément, et peut alors réduire à nouveau le

montant de la sanction.

Quant au domaine de la procédure française il comporte les pratiques

anticoncurrentielles : accords anticoncurrentiels et abus de position dominante.

Il est à signaler en vertu du communiqué de 2012109, que l’entreprise contrevenante doit

renoncer à contester la réalité des pratiques en cause, ce qui doit porter à la fois sur les faits

constitutifs de ces pratiques, sur leur objet, et leurs effets anticoncurrentiels, sur leurs

caractéristiques, sur leur durée et sur les modalités de participation de l’intéressé aux pratiques.

En outre, l’autorité considère que la renonciation à contester les griefs se répercute sur la

validité de la notification des griefs, ainsi qu’aux règles relatives à la compétence de l’autorité et

à la procédure aboutissant à cette notification.

Toutefois il est bel et bien admissible de contester les éléments de calcul de la sanction.

Quant aux engagements susceptibles d’être pris par les entreprises contrevenantes, on peut citer

notamment, la mise en place de programmes dits de conformité : par lesquels « des entreprises

ou des organismes expriment leur attachement à certaines règles ainsi qu’aux valeurs et aux

objectifs qui les fondent, et prennent un ensemble d’initiatives concrètes destinées à respecter

une culture de respect des normes »110.

A titre de comparaison entre la transaction communautaire (qui sera étudiée après) et la

transaction française, celle-ci même en empruntant l’appellation de la première en vertu de la loi

Macron, mais elle n’en a pas repris la technique, puisque l’ancienne procédure reste en principe

fidèle à ses principes à savoir, La non- contestation des griefs française dite transaction

ressemble à une sorte de « plaider coupable »111 et non pas à un aveu comme celui de la

transaction communautaire.

En outre, la procédure française est applicable sur l’ensemble des pratiques

anticoncurrentielles alors que la procédure communautaire n’est applicable que sur les ententes.

Quant aux différences essentielles entre l’ancienne procédure de non-contestation des

griefs (française) et la nouvelle procédure de transaction (française) se manifestent sur le fait que

les parties négocieront avec le rapporteur non plus sur la base d’un pourcentage de réduction

109 Points 15 et 16.110 Point 8 du document cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence.

111 ARCELIN.L., Droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et communautaire, Presses universitaires de Rennes, 2009, p.190.

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d’amendes, mais sur un chiffre en valeur absolue, ce qui donne plus de prévisibilité à la

procédure et sur le fait que le plafond de la sanction n’est plus réduit de moitié.

Or, il est à signaler qu’en adoptant la Macron112 et à la demande de l’autorité de

concurrence le législateur français a aménagé l’ancienne procédure de non-contestation des

griefs, pour tenter d’en faire une procédure de transaction à l’image de celle prévue par le droit

de l’Union européenne, qui est plus attractive.

En effet, Le législateur français en cherchant toujours l’efficacité de sa propre procédure,

il a voulu se rattraper notamment en ce qui concerne l’opacité de ce que peut offrir cette

procédure quant au montant de l’allègement des sanctions pécuniaires dont les contrevenants

pourront bénéficier en renonçant à contester la réalité des griefs qui leur sont notifiés.

Puisqu’il était simplement prévu que "le montant maximum de la sanction encourue sera

réduit de moitié"113, ce qui interdit en pratique aux entreprises de savoir avec exactitude quelle

sera la sanction effectivement infligée compte tenu du mode de calcul des sanctions pécuniaires.

Ce manque de prévisibilité est donc corrigé par la possibilité donnée au rapporteur

général de soumettre à l'entreprise concernée "une proposition de transaction fixant le montant

minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée". Le terme de transaction

peut encore paraître impropre dans la mesure où aucune négociation sur le plafond proposé n'est

possible ; l'entreprise peut tout au plus refuser la transaction si ce montant lui paraît trop élevé. Si

l'entreprise accepte la transaction, l'Autorité de la concurrence prononcera une sanction

pécuniaire dans la limite maximale proposée et acceptée114.

- Le déroulement de la procédure :

L’entreprise mise en cause voulant se couvrir par cette procédure prend l’initiative

d’aborder le rapporteur général par voie de demande et ce le plutôt possible dans un délai de 02

mois à compter de la réception de la notification des griefs.

En l’occurrence sa demande peut comporter une proposition d’engagement.

Le rapporteur général n’est pas tenu de donner une suite favorable à cette demande puis qu’il en

détient le pouvoir d’appréciation de plein droit.

112 V. spécialement l’art. 218 de la loi Macron précitée.

113 Art. L. 464-2, III C. com.fr, avant l’adoption de la loi Macron114 Art. L. 464-2, III modifié C. com.fr, après l’adoption de la loi Macron

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C’est donc selon la propre estime du rapporteur général, que ce dernier peut nouer des

discutions avec les parties concernées.

Et tout de même il reste libre d’y mettre fin à tout moment.

De son côté l’entreprise mise en cause peut à tout moment jusqu’à la signature du procès-

verbal -relatif à l’adoption confirmée de la procédure- avec le rapporteur général, renoncer à

poursuivre la procédure.

A cet égard et au cas où l’entreprise renonce à poursuivre la procédure, les documents et

les pièces échangés entre elle et le rapporteur général, peuvent être versés par les services

d’instruction au dossier soumis au collège.

La signature du procès-verbal : l’accord entre l’entreprise concernée d’une part et le

rapporteur général d’une autre part, se traduit par un procès-verbal signé par les deux parties.

Celui-ci contient par obligation, la déclaration de non-contestation des griefs, le cas échéant, le

texte du dernier état des engagements proposés par la première partie, tout en indiquant les

propositions faites par le rapporteur général concernant la réduction de la sanction pécuniaire,

qui seront présentées au collège.

Il faut signaler que le rapporteur général indique à l’entreprise concernée qu’il va

proposer à l’autorité, en tenant compte de la renonciation de contester les griefs, de réduire la

sanction à 10%, comme récompense au gain procédural, et dans le cas échéant une proposition

de réduction supplémentaire comprise entre 5% et 15% par rapport à la prise d’engagements de

modifier son comportement à l’avenir.

Donc, les entreprises ne contestant pas les griefs et présentant des engagements peuvent

bénéficier d’un plafond de réduction d’amende de 25٪La valorisation des engagements dépend de la nature des pratiques en cause, la nature des

engagements et leur complémentarité, et enfin l’objectif poursuivi par les engagements, leur

aptitude à assurer le fonctionnement concurrentiel du marché et/ou secteur en cause et la

possibilité d’en vérifier la mise en œuvre.

La procédure aboutit à la prononciation d’une décision déterminant la sanction réduite

prise par le collège, qui se réfère aux termes du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, le

montant maximum de la sanction pécuniaire est réduit de moitié, en cas de mise en œuvre de la

procédure de non-contestation des griefs, par rapport au montant maximum normalement

applicable. Il résulte de cette disposition, lue en combinaison avec le I du même article, que la

sanction pécuniaire ne peut excéder 1,5 million d’euros dans le cas où le bénéficiaire de la

procédure est un organisme, et 5 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé

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au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques

ont été mises en œuvre dans le cas où il s’agit d’une entreprise.115

En ce qui concerne la prise d’engagements, le collège tache de vérifier s’ils sont

substantiels, crédibles et vérifiables, et c’est selon son appréciation qu’il va prendre la décision

d’écarter ces engagements et renvoi l’affaire à l’instruction, sinon il peut proposer une certaine

amélioration à ces mêmes engagements avant de les rendre obligatoires et donc accorder la

sanction pécuniaire accordée par le rapporteur général.

2. Le cas du droit algérien : La particularité de la procédure algérienne 

Il est clair que le législateur algérien, à travers son unique texte- l’article 60 de

l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée-, fait allusion à la procédure de non-contestation des

griefs (donc la transaction française), en énumérant les conditions qui lui sont spécifiques,

notamment en stipulant la phase contentieuse116.

Néanmoins, il est à signaler que dans un premier temps, toute la procédure se repose sur

la reconnaissance des parties concernées des infractions qui leur sont reprochées, ensuite

compléter cette reconnaissance par une collaboration avec le conseil de la concurrence pour

montrer et/ou démontrer leur bonne foi, en plus de la prise d’engagements concomitants à ne

plus commettre de telles infractions dans l’avenir.

Dès lors, on ne peut qu’admettre que le législateur algérien a pris part de la procédure

française de non-contestation des griefs, voire celle de l’avant entrée en vigueur de l’ordonnance

du 13 novembre 2008 stricto sensu, puisque les engagements liés à la non-contestation des griefs

étaient obligatoires et non pas facultatifs.

Cette supposition s’appuie notamment sur la chronologie des deux procédures, algérienne

et française : le législateur algérien s’est procuré une procédure négociée via l’ordonnance 03-03

modifiée et complétée datant du 19 juillet 2003, alors que son homologue français a adopté la

sienne en 15 mai 2001via la loi NRE, ce qui donne l’originalité à la procédure française.

115 Le communiqué du 10 février 2012, stipule dans ses points 46, 47 que lorsque l’Autorité se prononce à l’issue de la procédure simplifiée prévue à l’article L. 463-3 du code de commerce, le montant de la sanction ne peut dépasser 750 000 euros.Et aussi qu’Après avoir déterminé la sanction pécuniaire applicable à l’organisme ou à l’entreprise en cause, l’Autorité vérifie que son montant n’excède pas le montant maximum applicable. Si elle excède ce dernier, elle est ramenée à ce chiffre.

116 L’art 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée, stipule « …au cours de l’instruction de l’affaire les concernant… »

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Toutefois, le texte législatif algérien reste opaque, en l’absence d’autres textes

règlementaires relatifs à son application, et encore le gel de l’exercice du conseil de la

concurrence pendant plus d’une décennie -de 2003 à 2013-, n’a fait que confirmer cette opacité :

une opacité qui touche la forme de cette reconnaissance puisque celle-ci reste indéfinie et encore

le processus de toute cette procédure alternative qui est jusque ici inconnu.

Cependant le texte législatif algérien soulève clairement la reconnaissance des parties

mises en cause, ce qui laisse toujours la porte entrouverte sur l’adoption de la procédure de

transaction communautaire (qui sera étudiée après) : Puisque la non- contestation des griefs

française n’impose nullement la reconnaissance des infractions par les entreprises mises en

cause, voire cette « reconnaissance » n’est que tacite dans cette procédure.

Dès lors on peut conclure que le législateur algérien adopte la liaison des deux procédures

pour en faire qu’une seule.

Ce qui nous ramène au point de départ, concernant l’opacité de l’article 60 de l’ordonnance 03-

03 modifiée et complétée : en absence de textes réglementaires éclaircissant l’application de ses

dispositions, de même en absence de l’exercice effectif du conseil de la concurrence.

Et encore en absence de la jurisprudence de la cour d’appel d’Alger en la matière, alors

qu’en France en dehors de ce qui précède, on procède à la consultation publique pour collecter

les observations des praticiens et/ou universitaires pour aller de l’avant dans la mise en œuvre de

ce genre de procédures.

En revanche le texte algérien s’avère certainement plus attractif que le texte français

quant à la récompense de l’entreprise qui opte pour cette procédure, puisque la procédure

algérienne peut aboutir à une immunité totale, par rapport à la procédure française qui se

contente d’une réduction maximum de 25% en présence d’engagements concomitants.

Or il faut tout de même faire le point sur le concept de la procédure algérienne, si on se

focalise sur les dispositions du texte législatif algérien : il est plutôt question de réduction

d’amende qui peut aller jusqu’à l’exonération totale en présence d’un ensemble d’éléments voire

de facteurs bien déterminés à savoir, la reconnaissance de l’infraction, la collaboration à

l’accélération de la procédure lors de l’instruction et l’engagement à ne plus commettre

d’éventuelles infractions : donc il est clair qu’il s’agit bien de réunir ces éléments pour pouvoir

bénéficier, voire revendiquer l’exonération (totale ou partielle) à titre de récompense,

Alors, d’un côté le cumul de ces éléments est exigé, d’autre part on trouve pas dans ce

texte un réel renvoi à une procédure autre que la procédure normale et /ou ordinaire : certes la

récompense est bel et bien stipulée en présence des éléments susmentionnés , sauf que cette

récompense reste une décision propre au conseil de la concurrence ; une décision qui passe par la

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procédure normale tout comme les autres décisions prononçant des sanctions contre les

contrevenants contestants les griefs .

En effet l’article 62 bis 1 de la loi relative à la concurrence stipule clairement que «  les

sanctions prévues par les dispositions des articles 56 à 62 de la présente ordonnance sont

prononcées par le conseil de la concurrence sur la base des critères ayant trait notamment la

gravité de la pratique incriminée, au préjudice causé à l’économie, aux bénéfices cumulés par

les contrevenants, au niveau de collaboration des entreprises incriminées avec le conseil de la

concurrence pendant l’instruction de l’affaire et à l’importance de la position sur le marché de

l’entreprise mise en cause. », ce qui confirme notre réflexion concernant l’indifférence du

conseil de la concurrence, voire du législateur algérien quant au processus de l’action

administrative ou publique au niveau du conseil que ce soit en contestant les griefs par les

contrevenants ou pas : puisque l’exonération totale ou partielle de la sanction -obtenue après

reconnaissance de culpabilité et collaboration -passe par le même processus décisionnel ordinaire

prononçant une peine sans réduction au sens des articles 56, 57 et suivants de l’ordonnance 03-

03 modifiée et complétée.

B. L’attractivité de la procédure

L’attractivité de cette procédure sera traitée en soulevant également deux facteurs, son

intérêt (1) et la situation de la négociation dedans (2)

1. L’intérêt de la procédure

La raison principale de l’attractivité de cette procédure se synthétise dans la contrepartie

attendue, que ce soit du côté de l’autorité de la concurrence ou du côté du contrevenant.

1.1. Du point de vue de l’autorité de concurrence 

Comme toutes les autres procédures dites négociées, la non-contestation des griefs

s’associe avec ses semblables en ayant des vertus plus ou moins communes.

- La réduction de la charge probatoire :

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Cette procédure a pour première vertu de promouvoir un règlement plus rapide des litiges

concurrentiels nuisant à la concurrence, et ainsi remédier le plus rapidement possible aux pertes

de bien-être liées à certaines situations de marchés.

La procédure de non-contestation de griefs facilite également la preuve, mais dans une moindre

mesure, la notification des griefs supposant nécessairement une enquête approfondie permettant

de l’alimenter.

Elle fait néanmoins l’économie du débat concernant les éléments constitutifs de

l’infraction.

Bien plus, la non-contestation suffit à établir l’existence de l’infraction au regard des

contestataires117 .

Le remplacement de cette procédure par la procédure de transaction issue de la loi Macron ne

devrait pas modifier ce trait118 .

- L’accélération des délais de traitement des affaires :

La procédure de non-contestation de grief – désormais transaction – permet, nous venons d’y

faire allusion, d’économiser la seconde phase du contradictoire, en ce qu’elle dispense de

l’établissement du rapport.

La renonciation à une procédure contradictoire servira sans doute l’autorité de concurrence à

dégager des ressources pour approfondir ses investigations dans des affaires plus complexes.

Or l’autorité de la concurrence n’établira sa décision en la matière sauf si toutes les

entreprises concernées s’engagent unanimement dans une telle procédure, ce qui donne

l’’éventualité de deux décisions différentes concernant la même affaire, si jamais l’une des

entreprises conteste les griefs, réduisant à néant les perspectives d’économies.

117 CA Paris, 29 janv. 2008, Le Goff Confort ; Cass. com., 29 mars 2011, Travail temporaire (Manpower).

118 A l’occasion d’une conférence organisée par l’APDC sur le thème « La loi Macron et le droit de la concurrence » (Paris 24 septembre 2015), le Président Lasserre a cependant laisser entendre que la situation des entreprises ayant fait le choix de transiger serait disjointe des autres.

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De même concernant le recours à l’appel par l’une des entreprises, l’autorité de

concurrence répliquera alors aux arguments présentés, ce qui annulera ex-post le gain procédural

initial.

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Par ailleurs, le contradictoire sera centré uniquement sur les éléments de calcul de la

sanction. Sauf procédure hybride, le temps y consacré sera donc plus court.

- L’aide au développement d’une culture de la concurrence :

La procédure de non-contestation de griefs est également exemplaire lorsqu’elle

s’accompagne de la mise en place d’un programme de conformité. C’est en effet toute

l’entreprise, de ses dirigeants à ses plus petits acteurs, qui va être initiée aux règles

concurrentielles, aux comportements à éviter ou à adopter. Une pédagogie de la concurrence va

se développer à travers des livrets, des séances de formation, d’e-learning, etc.

L’entreprise peut en outre diligenter un audit concurrence en son sein ; elle devient sa propre

inspectrice et son propre gendarme si une déficience est constatée puisque celle-ci devra être

suivie de sanctions professionnelles.

1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

- Des acteurs responsabilisés :

Dans une procédure contentieuse classique, les entreprises sont passives et contraintes. La

sanction est subie et potentiellement mal acceptée. La non-contestation des griefs comme

procédure négociée voire une procédure alternative ou complémentaire a cette particularité de

modifier le statut des entreprises en les faisant participer au mécanisme de redressement de

l’illicite. Elles participent en effet à leur condamnation, qu’elles tentent d’infléchir (transaction

française et européenne119 ), cette procédure a vocation aussi à rechercher des remèdes à travers

les engagements qu’elle porte.

D’emblée la recherche de remèdes est évidemment l’hypothèse la plus responsabilisante,

la plus formatrice pour l’entreprise. C’est particulièrement le cas lorsqu’elle met en place un

programme de conformité. Ainsi que l’énonce l’Autorité française, “ces programmes sont

l’illustration tangible de stratégies de gouvernance volontaristes” 120.

En outre, lorsqu’une entreprise prend des engagements, que ce soit dans la procédure

d’engagements (comme nous l’avons déjà vu) ou même dans le cadre de la procédure française

119 Les propos de la Commission méritent d’être cités. Présentant la procédure de transaction sur son site, elle écrit : “The philosophy behind settlement is that the Commission services need to obtain a ʻcommon understanding’ with all settling parties on the facts and the scope of the Commission’s potential objections in a case.”

120 Pt 9 du document-cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence.

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de non-contestation de griefs/transaction, le cas échéant elle doit respecter la parole donnée et les

exécuter scrupuleusement donc elle s’assujettit –de plein gré- à une forme de loyauté.

Or, toute défaillance est sanctionnée, que ce soit en droit européen121  ou en droit français122

par contre en droit algérien il n’y a aucune stipulation ou même un renvoi à un texte stipulant

une quelconque sanction en cas de passer outre à ses engagements dans la procédure négociée

algérienne.

- Des acteurs moins exposés au risque de sanction :

Bien évidemment, la procédure algérienne prime sur la procédure française en matière de

récompense puisque elle va au-delà d’une réduction d’amende, si on négocie à bien avec le

conseil de la concurrence en vertu du fameux article 60 de la loi de concurrence algérienne,

notamment en reconnaissant les griefs, puisque le droit algérien énonce plutôt la reconnaissance

des griefs et non pas seulement leur non-contestation, la récompense serait suprême donc

l’exonération totale, sinon et selon la propre appréciation du conseil de la concurrence, la

récompense peut être seulement une réduction : cette réduction d’amende n’est pas définie en

droit algérien, ce qui prouve à nouveau l’absence de la pratique du conseil, puisqu’il n’as même

pas fait l’effort de légiférer un communiqué relatif à la procédure pour combler les lacunes en la

matière : on peut en conclure que le contrevenant algérien est veinard puisqu’il n’est pas

sanctionné s’il honore pas ses engagements concomitants.

Or, l’entreprise qui choisirait en France de ne pas contester les griefs articulés contre elle

bénéficiera, si elle joue correctement le jeu, d’une réduction de sanction de 10 %, qui est

considérée comme la contrepartie à la facilité procédurale qu’elle procure à l’Autorité123 . Si elle

prend des engagements en sus, dont nous avons vu qu’ils étaient désormais facultatifs, elle

pourra bénéficier d’une réduction de sanction supplémentaire de 15 %, ce qui peut permettre en

tout de réduire de 25 % la sanction normalement encourue. On ignore si la procédure de

transaction introduite par la loi Macron remettra en cause ces allègements124 , mais l’on sait déjà

121 Pour exemple, affaire Deltafina, dans laquelle le Tribunal a validé le pouvoir de sanctionner une mauvaise coopération de la part du demandeur de clémence (aff. T-12/06, arrêt du 9 septembre 2011).

122 V. not. Aut. conc., 28 mai 2012, déc. no 13-D-12, Commodités chimiques, ou no 11-D-17 du 8 déc. 2011, Lessives.

123 Pt 34 du communiqué de procédure du 10 février 2012.

124 Ils sont en effet issus de la pratique décisionnelle et du communiqué de procédure du 10 février 2012, antérieurs à la loi Macron. Lors d’une conférence en date du 1er juin 2015, l’Autorité a fait savoir qu’elle codifiera dans un

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qu’elle supprime un autre avantage qui était jusqu’alors attaché à la procédure de non-

contestation des griefs : celui de réduire de moitié le plafond de la sanction encourue.

2. La situation de la négociation

La procédure française à travers l’article L. 464-2 III du code de commerce, évoque une

possibilité de proposition de réduction de la sanction encourue.

Donc ça reste une faculté pour le rapporteur général : cette faculté est soumise à son

appréciation, pour ce qui est de proposer un taux de réduction au cas par cas.

Cependant, il est à noter que même en présence des facteurs suivants : (la renonciation à

contester la réalité de l’ensemble des pratiques en cause, la qualification juridique des faits et

leur imputabilité, la régularité de la procédure ayant abouti à la notification des griefs et la

compétence de l’autorité), le collège de l’autorité de la concurrence n’est nullement lié par la

proposition de réduction d’amende émise par le rapporteur général.

Le collège peut s’engager à renvoyer l’affaire à l’instruction, au cas où il envisage de s’écarter de

cette proposition.

Bien évidemment l’entreprise concernée par cette procédure et bel et bien loin d’être en

position égale à celle de l’autorité -notamment son collège- au détriment de toute négociation

déjà établie avec le rapporteur général.

En outre le collège cerne la procédure en s’assurant que celle-ci s’applique à bien, voire

que le rapporteur n’a pas commis d’erreurs que ce soit dans l’application et/ou le cas échéant

l’appréciation des engagements proposés. Jusqu’en 2008 la non-contestation des griefs était

couplée à des engagements que les entreprises devraient honorer pour bénéficier de la dite

réduction de la sanction qui peut s’étaler jusqu’à la moitié, donc la négociation était tout autour

du contenu des engagements et la réduction d’amende avant d’aborder la phase de décision de

l’autorité.

Et ce n’est qu’après l’ordonnance du 13 novembre 2008, que la prise d’engagements

devienne facultative, ce qui ôte l’aspect négocié de cette procédure dans le cas où l’entreprise

nouveau communiqué de procédure la méthode qui émergera de la pratique à venir (in Face aux autorités de concurrence, négocier ou se défendre ? Intérêts et risques des engagements, synthèse de la conférence accessible à l’adresse suivante : http://www.concurrences.com/Photos/...).

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concernée écarte toute idée de prise d’éventuels engagements, et le taux de réduction sera limité

à 10% réduisant d’autant la marge de négociation.

On peut conclure que la marge de négociation varie selon la prise d’engagements ou pas.

Il faut signaler que la procédure algérienne se distingue notamment par les engagements qui

demeurent obligatoires par rapport au caractère facultatif des engagements en procédure

française.

Et le droit algérien fait à nouveau la différence en évoquant la possibilité d’une réduction

qui peut aller jusqu’à l’exonération totale, mais le principe reste le même.

Cependant il faut tout de même et encore une fois souligner la souveraineté du conseil de la

concurrence, puisque même si les conditions spécifiques à la procédure sont réunies, il n’en

prendra que la décision qui lui convient de plein droit et au détriment de toute préalable

négociation, puisque le texte est plus qu’expressif en stipulant « le conseil de la concurrence peut

décider de réduire le montant de l’amende ou ne pas prononcer d’amende… »

En effet le vocable « peut » en termes de droit laisse la porte grande ouverte au pouvoir

d’appréciation du conseil de la concurrence.

Et encore dans le texte législatif algérien il n’y a absolument aucun renvoi voire aucune

allusion à une négociation entre le conseil et l’entreprise qui plaide coupable.

§ 2. La Transaction

Cette procédure partage également le même penchant avec les autres procédures

précédentes, néanmoins elle dispose d’une particularité la distinguant des autres.

Il sera tenté de l’étudier à travers sa mise en œuvre (A) et son attractivité (B).

A. La mise en œuvre de la procédure

Bien qu’elle trouve son origine dans la procédure française de non-contestation des

griefs, mais la commission européenne a plus ou moins su et/ou pu –théoriquement- l’imposer

indépendamment.

1. Champs d’application et déroulement de la procédure 

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Inspirée de la non-contestation des griefs ou la transaction française, La transaction

envisagée par la commission européenne remonte à la publication d’un projet de communication

y afférent en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 27 du règlement n°1/2003125

du conseil dans les affaires d’entente.

Or, l’introduction formelle de la procédure de transaction était par le règlement du 30 juin

2008126, suivi par la communication du 2 juillet 2008127 portant la description détaillée de la

procédure applicable.

La transaction est qualifiée d’un aveu, elle intervenait à la demande de l’entreprise avant

toute notification des griefs dans le même contexte d’une procédure de clémence. 

En effet la demande porte la reconnaissance absolue de l’infraction par l’entreprise concernée,

ainsi que les principaux faits y afférents, notamment leur qualification juridique et la durée de sa

participation à l’infraction.

Toutefois, la procédure prend la forme écrite et elle n’a d’intérêt que si toutes les parties

acceptent de négocier et/ou transiger : il est à signaler que la principale réserve soulignée par la

doctrine , concernait les droits de la défense quelque peu négligés dans le projet : entre autres

l’article 6-1 de la CEDH, le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement

était totalement outragé, puisque seule la commission avait la maitrise de la procédure écartant

tout recours au juge.

Or le projet a été légèrement modifié, les textes relatifs à la procédure se composaient du

règlement n°662/2008 du 30 juin 2008, modifiant le règlement n°773/2004 en ce qui concerne

les procédures de transaction engagées dans les affaires d’entente et d’une communication du 02

juillet 2008 relative au procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en

vertu des articles 7 et 23 du règlement n°1/2003 du conseil dans les affaires d’ententes, deux

textes entrés en vigueur le 02 juillet 2008128.

125 Règlement (CE) n° 1 /2003 du conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité. JOUE L1 du 4 janvier 2003.

126 Règlement CE n° 622/2008 de la commission du 30 juin 2008 modifiant le règlement CE n° 733/2004 en ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’ententes, JOUE L173/3 du 1er juillet 2008

127 Communication de la commission du 2 juillet 2008 relative aux procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement CE n° 1/2003 du conseil dans les affaires d’ententes, JOUE C 167/1 du 2 juillet 2008Disponible sur http :// www.concurrence.public.lu/legislation/europeenne/concurrence/communication_167_01.pdf.

128 E. Barbier De la Serre, « Le dispositif communautaire en matière de transaction. », RLC n° 17/2008, p. 95.P. Arhel, « La Commission européenne se dote d’un système de transaction », JCP E2008, 352.

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Il est à signaler que la procédure de transaction dans sa version communautaire, ne

s’applique qu’aux ententes anticoncurrentielles

Le déroulement de la procédure :

Ouverture de la procédure : l’identification des entreprises susceptibles d’être infligées

par une amende reste la phase initiale, à cet égard, il faut signaler que la commission possède

déjà des éléments consistants pour mettre en cause ces entreprises, donc elle est déjà en position

de force en ayant l’initiative d’envoyer une lettre proposant l’ouverture de la discussion pour un

règlement transactionnel du cas.

Quant à l’ouverture de la procédure ça ce fait à tout moment, mais la date limite c’est la

date de la communication des griefs, et c’est suite à la décision de la commission, qu’un délai

d’au moins deux semaines est donné aux parties, pour qu’elles puissent déclarer par écrit leur

intention de prendre part à des discussions menant à une probable transaction afin de présenter

ultérieurement des propositions de transaction. Il faut signaler qu’un représentant commun est

désigné en présence d’un groupe de sociétés. Ce qui tend à démontrer que les autorités

considèrent le groupe comme une entreprise unique129.

Discussions : après la formalisation d’une demande d’ouverture de procédure de

transaction par les parties concernées, la commission peut décider de poursuivre la procédure par

des contacts bilatéraux,

Toutefois la commission impose son imminence lors de ces présumées discussions,

notamment le moment de la communication des informations et / ou des preuves.

Or la communication de ces informations permettra aux parties d’être informées des

éléments essentiels y afférents : tels que les faits allégués, leur qualification, la gravité et la durée

de l’entente alléguée, l’attribution des responsabilités, une estimation des fourchettes d’amendes

probables, ainsi que les éléments de preuves utilisées à l’appui des griefs éventuels.

C’est ensuite que les parties pourront poser-les pour et les contre- en connaissance de cause pour

en décider de conclure une transaction.

En attendant, les entreprises concernées ont tout de même le droit d’accéder aux

documents non confidentiels figurant dans le dossier, en tout cas elles ont 15 jours ouvrables aux

moins pour présenter une proposition de transaction.

Une proposition de transaction doit contenir les données suivantes :

129 L. Arcelin, Le droit de la concurrence Les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et communautaire, PUR, 2009, p. 170.

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- Une reconnaissance en termes clairs et sans équivoque, par les parties de leur

responsabilité dans l’infraction, formalisée par un résumé qui couvre l’objet de

l’infraction, son éventuelle mise en œuvre, les principaux faits et leur qualification

juridique, le rôle de chaque partie, la durée de leur participation

- Une indication du montant maximum des amendes que les parties s’entendent à se voir

infliger par la Commission et qu’elles accepteraient dans le cadre d’une procédure de

transaction.

- La confirmation par les parties de leur information sur les griefs envisagés par la

commission, et quelles ont fait connaitre leur point de vue à cette dernière.

- La confirmation par les parties qu’elles n’envisagent pas de demander l’accès au dossier,

ou à etre entendus de nouveau lors d’une audience orale, à moins que la communication

des griefs ne reflète pas leur proposition de transaction.

- L’accord des parties de recevoir la communication des griefs et la décision finale prise en

vertu des articles 7 et 23 du règlement n°1/2003 dans une langue officielle convenue de la

communauté européenne. La prise en considération des propositions de transaction, se

manifeste par la commission lors de la communication des griefs là où est fixé un

montant de l’amende qui ne dépasse pas le maximum indiqué dans les propositions

Or la communication des griefs se fait obligatoirement par écrit si elle reflète les propositions

des parties en revanche celles-ci doivent y répondre dans un délai fixé par la commission d’au

moins 02 semaines, en confirmant leur volonté de poursuivre la procédure de transaction.

Cependant si la communication néglige le contenu de la proposition de transaction, les aveux et

ou les éléments reconnus par les parties dans la proposition seront considérés comme retirés et ne

seront plus retenus contre eux par la commission.

Par conséquent les parties concernées ne seront plus liées par leurs propositions de

transaction, elles peuvent donc demander un délai pour préparer leur défense à nouveau, et en

l’occurrence la possibilité d’accéder au dossier, et de demander une audition.

Décision de la commission : c’est suite à la confirmation des parties de leur engagement de

parvenir à une transaction, que la commission adopte une décision finale, après consultation du

comité consultatif. Toutefois la commission conserve le droit d’adopter une position finale qui

s’écarte de sa position initiale exprimée lors de la communication des griefs entérinant les

propositions de transaction, soit eu égard à l’avis rendu par le comité consultatif, soit pour

d’autres considérations pertinentes liées à l’autonomie décisionnelle de la commission en la

matière.

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Dès lors une nouvelle notification des parties s’impose, afin que ces dernières puissent

exercer leur droit de défense conformément aux règles générales de procédure applicable.

Or la récompense consiste à une réduction de 10% du mentant de l’amende à infliger après

application du plafond de 10%.

A titre récapitulatif, on peut cerner cette procédure en trois phases : la phase préparatoire : où

la commission établie une certaine évaluation de la comptabilité de l’affaire avec la procédure de

transaction tout en sondant l’intérêt des parties concernées, en suite c’est au tour de l’ouverture

de la procédure, avec demande d’expression d’intérêt ;

La phase de discussion : à travers des réunions formelles et techniques avec communications des

preuves clés, et position commune formalisée dans une proposition de transaction émanant de

l’entreprise concernée ;

Enfin la phase de formalisation : concrétisée par une communication de griefs reprenant

la proposition et confirmation des parties. Et décision formelle simplifiée adoptant la réduction

forfaitaire de 10%.

2. Le cas du droit algérien : Une procédure ambiguë

Le législateur algérien à travers son unique article, à savoir l’article 60 de la loi relative à

la concurrence, stipule clairement que si les entreprises mises en cause « reconnaissent les

infractions qui leurs sont reprochées, collaborent à l’accélération de celle-ci et s’engagent à ne

plus commettre d’infractions » elles seront récompensées que ce soit par une réduction du

montant de l’amende encourue ou par une exonération totale de celle-ci.

D’emblée, on est presque renvoyé à la procédure de transaction dans sa version

communautaire, puisque en dehors de la collaboration et les engagements pris par les

contrevenants, les dispositions de cet article portent la reconnaissance des infractions.

Or, on ne peut nullement détourner la qualification de cette reconnaissance : il s’agit bel

et bien d’un aveu de culpabilité.

Ce qui reflète une certaine adoption de la procédure de transaction communautaire.

En revanche, il faut tout de même signaler quelques points de différence quant à la mise en

œuvre de la procédure, puisque le législateur algérien -contrairement à son homologue européen-

aborde la phase de l’instruction, voire la phase contentieuse, alors que la procédure de

transaction communautaire se manifeste dans la phase précontentieuse du moment que la

proposition dans cette dernière se fait avant la communication des griefs.

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En outre le domaine d’application de cette procédure communautaire c’est les ententes,

quant au droit algérien il n’y a absolument pas de désignation, ce qui laisse la porte grande

ouverte à toutes les infractions qui portent atteinte à la concurrence.

Et encore, l’obligation des engagements concomitants différencie à son tour la procédure

algérienne.

Toutefois la récompense en droit algérien peut s’étaler jusqu’à l’exonération totale, alors

qu’en droit communautaire elle est limitée en une réduction, on peut ajouter que la procédure

communautaire concerne plutôt les cartels alors qu’en droit algérien ça concerne tous types

d’infraction qui portent atteinte aux règles concurrentielles.

A cet égard, l’évidente perplexité de l’adoption de la procédure de transaction par le droit

algérien, s’impose relativement à l’opacité de l’article 60 suscité.

C’est la raison pour laquelle il s’avère indispensable de détailler et/ou d’expliquer les

dispositions de cet article par voie réglementaire aux moins en l’absence de l’exercice du conseil

de la concurrence algérien.

Cependant, l’énumération des points en commun et les points de différence des deux

procédures en l’occurrence dans le droit communautaire et le droit algérien, mène clairement à

modérer toute présumée idée sur l’adoption du droit algérien d’une procédure de transaction

proprement dite.

3. Le cas du droit français : La mise à l’ écart de la procédure communautaire

Bien qu’elles ont dorénavant la même appellation, mais la loi Macron n’a pas unifié les

deux transactions communautaire et française en une seule procédure.

Dans ce contexte, il est à signaler que le droit français ne croit pas en cette procédure, même si

certains trouvent -à tort- une certaine ressemblance entre cette procédure et la procédure de non

contestation de griefs française : la liaison obligatoire entre la non-contestation des griefs et

engagements permettait avant 2008, de distinguer la procédure de non-contestation des griefs

française de la procédure de transaction communautaire, dans la mesure où la procédure

communautaire ne suppose pas des engagements concomitants.

Cependant on peut différencier les deux procédures, notamment par le fait que la

transaction ne vise que les ententes alors que la non-contestation des griefs concerne aussi bien

des ententes que des abus de position dominante, ou encore la transaction peut être initiée avant

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même l’envoi de la notification des griefs ce qui l’éloigne d’une procédure de non-contestation

des griefs.

Surement l’introduction un peu tardive de cette procédure en droit communautaire l’a

mise en observation par quelques états membres de l’union européenne, notamment la France.

Ou alors cette procédure ne s’est réellement pas imposée, présentant assez peu d’attraits pour les

entreprises, éloignant toute pression sur le législateur français.

A cet égard on peut signaler que peut être l’infériorité du taux de réduction de la

transaction (10% maximum) met en évidence la volonté de la commission d’éviter une

quelconque mise en concurrence de la procédure de transaction avec la procédure de clémence130.

B. L’attractivité de la procédure

Dans le même contexte suivi dans le traitement des procédures précédentes, il sera tenté

de soulever l’attractivité de cette procédure dans deux points : son intérêt (1) et la négociation

qu’elle porte (2)

1. L’intérêt de la procédure

La transaction par rapport à son intérêt, se manifeste sur deux points de vue celui de

l’autorité de la concurrence et celui de l’entreprise contrevenante.

1.1. Du point de vue des autorités de concurrence

- La réduction de la charge probatoire 131 :

la transaction européenne repose sur une reconnaissance de culpabilité, elle simplifie la charge

probatoire sans l’exclure totalement : la commission a le devoir de montrer aux entreprises

130 F. Party et P. Reis, "Perspectives juridiques et économiques sur les procédures négociées en droit de la concurrence" Les Dossiers de la RIDE, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2011, p. 32

131 Pour une étude récente des outils de détection, leurs lacunes et les moyens de les améliorer, v. L. Idot, W. E. Kovacic, C. Fonteijn, Détection des pratiques anticoncurrentielles : Faut-il réformer les outils existants ou introduire de nouveaux outils ? Clémence, observation des marchés, récompenses financières… (New Frontiers of Antitrust, 21 février 2014, Paris), mai 2014, Concurrences no 2-2014, Art. no 66158.

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qu’elle dispose d’éléments assez consistants pour lui permettre d’entrer en voie de

condamnation132, elle donc loin de remplir une fonction d’outil d’investigation133.

-L’accélération des délais de traitement des affaires :

La procédure européenne de transaction exacerbe ces traits puisque les entreprises

renoncent à toute défense134 .

Il est dit que “la perte d’utilité répressive (limitée à 10 % du montant de l’amende) est

compensée par un gain d’utilité administrative”135 , et ce gain est énorme.

Sont en effet économisés les coûts de traduction, d’accès au dossier, d’auditions, etc.

L’affaire des détergents domestiques de 2012 en constitue une bonne illustration : il n’a

fallu à la Commission “que 10 mois entre la première réunion tenue en vue de parvenir à une

transaction et l’adoption de la décision” infligeant une amende de 315,2 millions d’euros aux

lessiviers136 . L’objectif assumé de cette procédure est bien de réduire la durée de traitement des

affaires.

1. 2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

132 V. La présentation de la procédure sur le site Europa : « A settlement is not the same as a plea bargain. The commission has to show the parties that it has sufficient evidence to bring a final decision, and must send a Statement of Objections ».

133 Emmanuelle Claudel, « Procedures négociées accessoires ou alternatives à la sanction en droit de la concurrence : raison garder ! », novembre 2015, Revue Concurrences n° 04-2015, art n° 75896, pp. 61-83.

134 La Commission présente ainsi la procédure de transaction sur son site: “The Commission benefits from a shorter, quicker administrative process, allowing for more efficient use of staff in the cartel department, and a reduced number of appeals to the court”. Elle ajoute: “(…) settlement is a tool that aims to simplify, speed up and shorten the procedure leading to the adoption of a formal decision, thus saving human resources in the cartel department.”

135 V. D. M. B. Gérard, Les procédures négociées en droit de la concurrence in La flexibilité des sanctions, XXIes journées juridiques Jean Dabin, Bruylant 2013, pp. 559-579, spéc. p. 573.

136 Document de travail des services de la Commission en date du 30 mai 2012 accompagnant le rapport de la Commission sur la politique de la concurrence 2011 DTS(2012) 141 final, p. 15.

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L’avantage attendu de la procédure européenne de transaction est quant à lui plus

modeste, puisque les entreprises qui y ont recours ont uniformément droit à une réduction

d’amende de 10 % 137.

Les pratiques examinées étant des cartels, et les sanctions encourues s’élevant à plusieurs

centaines de millions d’euros, une réduction de cet ordre peut être néanmoins incitative en valeur

absolue.

Il faut par ailleurs garder à l’esprit que la procédure de transaction a été conçue comme

un instrument accompagnant une démarche de clémence138  : les avantages pécuniaires se

cumulent donc.

Le droit communautaire se veut arriver à un gain procédural, puisque la procédure est

simplifiée et accélérée, ce qui dégage des ressources pour d’autres affaires plus complexes, et

permettant aussi de diffuser une culture de respect du droit de la concurrence auprès des

entreprises concernées.

D’emblée, on peut constater que la procédure de transaction est introduite pour compléter

la procédure de clémence, pour les entreprises qui n’ont pas bénéficié d’une clémence ou qui

bénéficient d’une clémence de second rang et qui reconnaissent les faits.

2. La situation de la négociation

Il est clair que le terme de « transaction » reflète cette négociation qui aboutit à un contrat

établit après une négociation.

Juridiquement parlons le terme transaction en droit commun algérien, renvoi à cet

arrangement entre deux partie ou plus en positions égales, ayant par obligation «  la capacité de

disposer à titre onéreux des droits faisant l’objet de la transaction »139, cette transaction n’est

137 Ce tarif “s’explique par la volonté de maintenir une incitation des entreprises à recourir à la procédure de clémence, notamment de second rang, de préférence à la transaction, l’une n’étant pas exclusive de l’autre”, C. Grynfogel, Sanctions du droit communautaire de la concurrence, Juris-Classeur, Comm. fasc. 287, no 53.

138 À notre connaissance, il n’existe qu’un cas de transaction “sèche”, c’est-à-dire n’accompagnant pas une démarche de clémence (déc. du 5 mars 2014, Bourses de l’électricité).

139 Art. 460 du code civil algérien

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qu’ « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une

contestation à naitre, et ce aux moyens de concessions réciproques. »140

A cet égard il est clair que le concept de transaction en droit commun algérien diffère par

rapport à celui de la commission, puisqu’on peut jamais prôner que le gendarme et le voleur sont

du même rang, la logique exige que l’autorité de la concurrence soit toujours en position de

force, dès lors le concept du droit commun algérien est d’emblée écarté de toute définition liée à

cette procédure dite négociée.

Or il est à signaler quand même, que le terme « transaction » n’est en réalité qu’une

traduction -à tort- du terme anglais « direct settlement ». La traduction adéquate selon une partie

de la doctrine serait plutôt « règlement direct »141.

Quoi qu’il en soit, la négociation est presque absente en cette procédure dite négociée,

donc le terme de « transaction » n’est sans doute pas le plus approprié dans la mesure où il n’y a

pas de négociation de la part de la commission.

On peut constater ce point de vue à travers le point 2 du règlement que la commission

« ne négocie pas la question de l’existence d’une infraction à la législation communautaire ni la

sanction à y appliquer ».

En outre, la transaction dont il est question n’est pas cette technique contractuelle visée

par le droit civile, impliquant des obligations bilatérales, voire des concessions réciproques, et

encore il n’y a aucune négociation en ce sens entre l’entreprise contrevenante et la commission,

puisque la commission est déjà en position de force, chose qui lui permet d’imposer ses propres

règles.

En effet la commission est en position d’adresser une communication des griefs sur la

base des preuves en sa possession, alors que l’entreprise contrevenante n’a qu’à reconnaitre son

implication et accepter l’application de la procédure.142

Quant à la mise en œuvre de la procédure, la commission ne négocie ni les sanctions, ni

l’utilisation des preuves143, mais en revanche elle s’engage à recomposer selon sa propre

140 Art. 459 du code civil algérien.

141 G. Jazottes, «La Commission se dote d’une procédure simplifiée pour l’application de l’interdiction des ententes  : la procédure dite de transaction », RTD Com., 2009, p. 230.

142 M. L. Tierno Centella et E. Cuziat, op. cit.

143 Frederic Marty et Patrice Reis, « Perspectives juridiques et économiques sur les procédures négociées en droit de la concurrence », in Les procédures négociées en droit de la concurrence, les dossiers de la RIDE, dossier n°4, Deboeck, Bruxelles, 2011, p. 24

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appréciation, une forme de coopération de l’entreprise contrevenante dans l’accélération de la

procédure, en accordant une réduction du montant de l’amende pouvant aller jusqu’à 10%.

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Chapitre 2. La mise en concurrence des procédures négociées : Le choix de la

négociation

À travers ce chapitre, il sera tenté de suivre la logique du choix de la meilleure procédure

négociée parmi les quatre proposées et/ou offertes en droit de la concurrence, et comment

l’entreprise contrevenante adopte sa propre stratégie selon les circonstances de sa contravention

et notamment soulever le point de la possibilité de cumuler entre ces procédures alternatives

et/ou complémentaires

Section 1. Les stratégies des entreprises contrevenantes : Le processus de la

négociation

Nous avons trouvé que les stratégies des entreprises contrevenantes en adoptant telle ou

telle procédure négociée, varient a priori selon la notification des griefs : Donc avant la

notification des griefs on est en phase précontentieuse c’est-à-dire avant le déclanchement de

toute procédure, alors qu’après cette notification on est alors en pleine instruction, voire en phase

contentieuse.

En effet dans le même contexte, il sera tenté d’étudier d’abord les stratégies des

entreprises contrevenantes dans la phase précontentieuse (§1), ensuite leurs stratégies dans la

phase contentieuse (§2).

§1. Les stratégies des entreprises dans la phase précontentieuse

Cette phase ne concerne pas la procédure négociée adoptée par le législateur algérien, du

moment où celle-ci est concernée plutôt par la phase contentieuse ; c’est la raison pour laquelle

on va se focaliser sur la clémence tant au communautaire que française.

Comme on l’a déjà précisé , la procédure de clémence a été traité notamment en matière

de dispositif dans le communiqué de l’autorité de concurrence française du 2 mars 2009 inspiré

du programme modèle de la commission européenne du 29 septembre 2006, donc la première

entreprise qui prend l’initiative de dénoncer le cartel -en remplissant les conditions afférentes à

la procédure-, peut bénéficier d’immunité totale.

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Cependant il faut signaler qu’on ne s’engage pas si facilement dans une telle procédure.

A. Les critères de choix de la clémence (premier rang) 

Chaque entreprise a sûrement ses propres arguments et/ou raisons pour s’assujettir à

l’autorité de concurrence à travers une demande de clémence.

Mais généralement c’est la survenance d’un élément déclencheur qui pousse l’entreprise à

prendre une décision de procéder à une demande de clémence144.

On peut s’accentuer quand même sur quelques cas qui mènent l’entreprise à se dénoncer

voire à dénoncer les pratiques prohibées auxquelles elle a participé, notamment le cas d’une

société prenant le contrôle d’une autre dont elle découvre qu’elle a participé à un cartel : la

dénoncer ne peut être que bénéfique pour elle en vue de l’arrêt des comportements déviants et

l’immunité d’amende.

Cependant la possibilité de recourir aux actions indemnitaires reste ouverte, ce qui

soulève surement le problème de la divulgation des documents probatoires en l’absence d’une

détermination de la procédure de « discovery » établi par les droits communautaire et français.

On peut citer aussi le cas où l’entreprise dénonciatrice estime qu’elle a davantage intérêt à briser

la concertation qui prend du recul qu’à y rester.

Ou alors le cas de l’influence des circonstances extérieures à titre d’exemples : les

menaces directes faites par un salarié licencié, et encore le déclenchement de certaines enquêtes

concernant le droit antitrust telle qu’une enquête sur les pratiques restrictives de la concurrence

aboutissant à des pratiques anticoncurrentielles.

On peut conclure que la décision est relative au risque réel de se faire prendre, voire

d’être impliquée dans une procédure qui finira sans doute à se voir infliger à des amendes

d’ampleur.

Donc pour l’entreprise qui veut prendre l’inactive de la dénonciation, c’est plutôt une question de

poser les pour et les contre, voir à comparer les divers types de risques à l’avantage que

représente l’immunité totale.

Bien évidemment les risques dont il est question varient selon la probabilité de se faire

prendre en vue de la découverte des pratiques prohibées, la majoration d’amende encourue et les

représailles des autres membres du cartel : au cas où ce dernier comporte des acteurs de marché

144 Anne KRENZER, « Articulation avec une transaction ou une demande de non-contestation des griefs », in comment gérer une demande de clémence, Concurrence N°3-2012 /Pratiques, p. 264.

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situés à des stades différents du processus économique, notamment des distributeurs dont l’un

d’entre eux et à la fois distributeur et producteur145.

Pour autant la procédure de clémence offre certaines garanties propres à elle et qui

s’avèrent plus attractives à opter pour une telle procédure notamment, le système du

« Marqueur » : Il faut signaler que cette mesure en vertu des points 14 et 15 de la

communication communautaire de 2006, est considérée comme une garantie pour l’octroi d’une

immunité, s’agissant d’une alternative à la demande formelle d’une clémence : puisque

l’entreprise concernée donne « un signe de vie » par la fourniture de quelques informations et/ou

cordonnées limitées notamment , son nom, son adresse, les participants à l’entente, produit(s),

territoire(s) affecté(s), durée et nature de l’entente.

Néanmoins c’est une mesure sûre, qui permet de protéger et/ou préserver la place de

celle-ci dans l’ordre de l’arrivée des demandes formelles et/ou semblables, juste le temps de

rassembler toutes les informations que la commission qualifierait ultérieurement d’intéressantes

voire nécessaires pour confirmer l’infraction.

Bien évidemment c’est la commission qui décide de ce délai de fourniture.

Il est à noter quand même que ces informations seront obligatoirement présentées

définitivement dans ce délai et non pas d’une façon hypothétique.

D’amblée, le système du marqueur est d’une efficacité à double tranchant puisqu’il peut à

la fois ralentir la rapidité de la procédure pour répondre à l’exigence d’exhaustivité et de qualité

des informations fournies, et permettre à l’entreprise de conserver sa place dans l’ordre des

demandes, ce qui rend ce système encore plus attractif.

B. Les difficultés de la mise en œuvre 

Avant de prendre l’initiative, il est clair que l’entreprise va contacter -informellement-

l’autorité de concurrence, généralement ça se fait par le biais d’un avocat : celui-ci étant

assermenté, il est lié au secret professionnel.

Cependant le rang peut poser problème, si plusieurs entreprises prennent la même initiative, dans

ce cas des « marqueurs » permettent de constater l’odore chronologique dans lequel les

entreprises dénonciatrices se sont présentées.

Or les conditions de coopération avec l’autorité de la concurrence peuvent aussi soulever

certaines difficultés.

145 Commission européenne, communiqué de presse IP/10/776 du 22 juin 2010, « Antitrust : Commission Sends Statement of Objections to Suspects Participants in Window Mounting Cartel ».

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- Difficultés liées à la cessation de la participation à l’entente présumée : la procédure de

clémence impose la cessation de la pratique sans délai et/ou au plus tard à compter de la

communication de l’avis de clémence, sauf report particulier par l’autorité.

En revanche, concernant le droit français, ce cas de figure peut déclencher la

responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales établies, et ce en vertu de

l’article 442-6-5°, le cas échéant le cocontractant peut demander-en référé- au juge, la

continuation pour éviter le préjudice imminent, dans ce cas la dénonciation est mise en

cause puisqu’elle est à l’origine de cette situation.

Ce qui mène à négocier une solution conciliant les exigences de la clémence et du droit

des contrats146.

- Difficultés liées au maintien de la confidentialité de la demande pour la préservation de

l’efficacité des mesures de l’enquête : dans un temps normal, la dénonciation aboutit aux

perquisitions, le fait de dénoncer épargne souvent l’entreprise dénonciatrice de se voir

subir et/ou supporter des visites domiciliaires à son niveau, par rapport aux autres

membres du cartel.

Le problème se pose si ces derniers ne sont pas nombreux, la réalisation de telle mesure -

souvent sous la demande du dénonciateur- peut mener à faire disparaitre les preuves et en

revanche à des représailles.

- Difficultés liées à la coopération véritable, totale, permanente et rapide tout au long de la

procédure : la procédure de clémence à travers ses éléments de base notamment la

fourniture de tous les renseignements et/ou documents de preuves indispensables, ainsi

que l’audition des représentants légaux et les salariés (actuels et anciens) de l’entreprise

dénonciatrice.

A cet égard bien que la dénonciation reste une décision prise par les dirigeants, mais le

personnel salarié n’est nullement obligé de s’y soumettre. La préservation des éléments

de preuve, voire la collecte des éléments de preuve qui ont été systématiquement détruits,

présente une rude tâche.

146 J. B. Drummen, « Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit de la concurrence », JCP €, 2009, n° 18/19, p.27.

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A cet égard il est important de mettre en place les moyens adéquats au sein de ’entreprise,

une coopération étroite doit être assurée entre les différentes personnes concernées, tout en

mettant l’accent sur le rôle de l’avocat pour réussir la procédure.

Il faut signaler qu’un programme de « compliance »147 demeure un moyen efficace en la

matière, notamment concernant la conscience des salariés que chacun d’eux peut être un

dénonciateur potentiel, leur engagement personnel est généralement requis et formalisé dans un

document indiquant que tout manquement délibéré aux règles de la concurrence peut être

considéré comme une faute lourde148.

§2. Les stratégies des entreprises dans la phase contentieuse 

C’est dans cette phase qu’on peut évoquer le cas de la procédure dite négociée adoptée

par le droit algérien : a priori la procédure algérienne de non-contestation des griefs, se manifeste

dès la notification des griefs, l’entreprise contrevenante réagit notamment selon quelques détails

près qui recouvrent ces griefs : alors c’est comme au niveau des juridictions, ce n’est que rare

qu’on plaide coupable, néanmoins l’entreprise contrevenante aura au moins la faculté d’opter

pour la négociation.

Quoi qu’il en soit, dans la phase contentieuse, la meilleure façon d’éviter la sanction,

c’est d’anticiper la proposition d’engagements en matière d’antitrust pour faire arrêter la

poursuite déclenchée.

Il faut rappeler que notamment en droit français, les entreprises ne peuvent recourir à ce

genre d’engagements sauf s’il s’agit de pratiques verticales ou unilatérales de comportements

d’entreprises dominantes, sous réserve que ça ne concerne pas des comportements ayant déjà

donné lieu à de fermes interdictions en vue de leur nocivité.

Donc toute idée de procéder à des engagements liés aux participations à un cartel, ou

d’abus de position dominante qui ont causé déjà d’importants dommages à l’économie, est

écartée d’avance.

Ce qui impose la sanction y afférente, l’entreprise peut alors procéder à une clémence de

second rang, ou à la non-contestation des griefs, ou à la transaction.

147 Les programmes de « compliance » sont également mis en place par les entreprises qui ne sont pas les premières à jouer le jeu de la clémence, ex. en France : Décision n°08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques.Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/08d32.pdf.

148 V. Selinsky, « Procédures négociées et stratégies des entreprises » in les dossiers de la RIDE, ed De Boeck et Larcier s.a., 2011. p.71

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A. La cessation de la procédure normale  

Pour y parvenir, il faut faire une proposition d’engagements, en effet la procédure

d’engagements vise à stopper la procédure et/ou poursuite déclenchée.

A cet égard il est utile de rappeler que cette procédure existe en Europe depuis longtemps, la

commission européenne en justifiait la pratique par une interprétation extensive du règlement n°

17/193 d’application des articles 85 et 86 du traité149, mais l’insécurité juridique qui régnait à

l’époque150.

L’arrivée du règlement n° 1/2003 comme on l’a déjà précisé a posé un cadre juridique

notamment dans son article 9, qui a inspiré le législateur français à travers les articles L.464-2 et

l’article R.464-2 du code de commerce français.

Donc le principe est resté simple « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon

procès », et l’arrangement renvoi de prime abord à une procédure à l’amiable, et du plein gré de

l’entreprise concernée, ce qui réduit l’intervention ultérieure du juge.

Il faut signaler tout de même que les engagements dont il est question sont proportionnés

aux déviations anticoncurrentielles, tout en prenant en considération la modestie de ces dernières

en termes de gravité.

Cependant il faut souligner qu’une telle proportionnalité s’avère difficile à cerner et/ou à

mesurer, ce qui manifeste une certaine perplexité lors de la négociation avec l’autorité dotée du

pouvoir de sanction.

L’entreprise se sacrifie en s’engagent dans une telle procédure, puisqu’elle ne dispose pas

de tous les éléments y afférents151, avant l’évaluation préliminaire, ce n’est qu’après cette phase

que toutes les parties ont accès au dossier –au complet- .

Le lancement dans une telle voie exige d’abord la conviction de l’entreprise que ses

propositions vont initialement être approuvées par le collège : dès lors la négociation va se faire

en deux temps152, la première discussion concernant la possibilité d’engagements, se fait avec le

rapporteur qui se met en rapport avec le collège (le caractère non répressif de cette phase 149 Conseil CEE, reglement n° 17 : premier reglement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO n° 13, du 21 fevrier 1962, p. 204).

150 La plupart des cas etaient reglés de faon informelle, une decision formelle n’intervenant que dans un cas sur trente selon la commission, JOCE 1983, C 118/23.

151 Sauf si la procédure ait commencé par une demande de mesures conservatoires.152 V. Selinsky, « Procédures négociées et stratégies des entreprises » in les dossiers de la RIDE, ed De Boeck et Larcier s.a., 2011. p.76

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n’impose pas la séparation des fonctions d’instruction et du collège153), donc l’entreprise se met

en garde, pour d’éventuelle négociation avec le collège pour compléter ce qui a été conclu avec

le rapporteur : alors la possibilité que l’autorité demande des engagements supplémentaires est

toujours ouverte avant même de rendre les premiers obligatoires.

C’est la raison pour laquelle ça risque de rompre la négociation aboutissant à l’adoption

de la procédure normale.

Néanmoins On peut mettre l’accent sur les avantages espérés par l’entreprise :

- Eviter la médiatisation du dossier et aussi la qualification des faits liés à la pratique, pour

ne pas être exposée au risque de réitération en cas de poursuite ultérieure ; mais il faut

signaler quand même qu’en France il y a une certaine publicité assurée à travers le « test

de marché », en mettant en ligne les propositions.

- Diminuer et/ou éviter le risque d’être condamnée à la réparation du préjudice, voire à des

dommages-intérêts dans d’éventuelles actions indemnitaires futures : d’où l’utilité de

faire sa proposition d’engagements « en temps réel » : avant la notification des griefs

en France, et avant une décision définitive qualificative en Europe ; mais là aussi il faut

signaler qu’on peut guère procéder à des engagements en France quand il est question

d’ententes horizontales.

- Ajuster son comportement selon ses propres appréciassions.

- Assujettir l’engagement en fonction de son propre intérêt : en minimisant son implication

dans la mesure corrective proposée, on distingue alors les engagements comportementaux

–qui sont les plus choisis par les entreprises154- et les engagements structurels.

- Se concentrer sur le futur au détriment du passé.

- Mettre fin au contentieux dans les conditions les plus satisfaisantes ; mais il faut

reconnaitre que la négociation liée à la procédure se fait sous contrainte de traiter avec

l’autorité dotée d’un pouvoir de sanction.

B. L’obtention d’une réduction d’amende avec ou sans mesures correctives 

Il s’agit plutôt des procédures de non-contestation des griefs, transaction, opposant la

clémence de second rang. 

153 CA Paris, 1er juin 2010, Canal 9 ; la procédure négociée fait exception en matière de séparation des fonctions d’instruction et du collège..Disponible sur :http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca3_gie-independants_juin10,pdf

154 Comm. CE, décision du 16 décembre 2009 relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE, aff. COMP/C.3/39.530, Microsoft (vente liée).Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2009:FULL:FR:PDF.

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En effet, devant une confirmation de l’infraction des règles de la concurrence, la porte reste

entrouverte à l’allégement de l’amende.

Bien évidemment l’entreprise concernée peut la pousser et entrer en procédant à une non-

contestation des griefs ou une clémence de second rang155.

Cependant il faut reconnaitre que les autorités de concurrence ne se laissent pas faire

gratuitement, voire la négociation des sanctions par l’autorité de concurrence émane de ses

propres intérêts, notamment en matières de gain procédural en vue de l’adoption d’une procédure

de non-contestation de griefs ; et de facilitation de réunir des preuves en vue de l’adoption d’une

clémence de second rang.

En principe les entreprises pour qu’elles puissent se lancer dans telle ou telle procédure,

vont peser le pour et le contre : bien sur la culpabilité de l’entreprise est établie, même si la non-

contestation des griefs ne se traduit pas par un aveu ou une reconnaissance, chose qui peut faire

toute la différence en matière d’éventuelles actions indemnitaires.

Il faut signaler aussi qu’il s’agit bien de graves pratiques, entrainant d’importants

dommages à l’économie, c’est la raison pour laquelle, les entreprises concernées négocient leurs

sanctions, ce qui explique l’évidence des sanctions qui sont déjà certaines.

Cependant il est utile de rappeler que cette procédure concerne plutôt un domaine rétréci,

celui des ententes par rapport à la non-contestation des griefs qui englobe toutes les pratiques

prohibées.

La différence des taux de réduction ne peut nullement passer inaperçue à savoir la

réduction d’amende espérée par le demandeur d’une clémence de second rang est de 50 %

maximum de l’amende encourue dans un temps normal et ce d’après le programme modèle de

l’union européenne dans son point 11, et le communiqué de procédure français dans son point

20, alors que le cas d’une non-contestation des griefs s’avère plus intéressant puisqu’il est

question de réduire le plafond légal à la moitié donc ça passe de 10% du chiffre d’affaire de

l’entreprise à 5 % de celui-ci, en plus des engagements qui peuvent être rajoutés – ces derniers

ne sont pas testés donc moins efficaces pour les victimes-

En outre, La clémence de second rang peut se combiner avec la non-contestation des

griefs156, cette combinaison constitue-t-elle un multiplicateur des deux possibilités de réduction,

155 Il s’agit d’une dénonciation qui se fait tardivement, puisque l’autorité de concurrence dispose déjà des éléments par le premier dénonciateur sinon par d’autres voies, n’empêche que son auteur sera tout de même récompensé par un allégement d’amende.

156 Décision n° 07-D-48 du 18 décembre 2007, aff. Des déménageurs,

http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/07d48.pdf ; décision n° 08 D 32 du 16 décembre 2008, aff. du cartel

des aciers, précitée ; CA Paris, 19 janvier 2010, précité. 80 Procédures négociées et stratégies des entreprises

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ou au contraire un chevauchement de ces procédures ?157 La non-contestation des griefs «

sécurise » le dossier pour les protagonistes et limite les risques actuels et ultérieurs en cas

d’action indemnitaire, puisqu’elle ne constitue « ni un aveu ni une reconnaissance de

responsabilité »158.

Mais il faut reconnaitre que la présence d’engagements concomitants rend cette

procédure plus intervenante en matière de récompense, Alors bien au contraire, la clémence de

2nd rang de sa part, demande une plus grande implication notamment une démonstration que les

éléments de preuve apportés présentent une « valeur ajoutée significative », une reconnaissance

de culpabilité, une coopération permanente tout au long de la procédure et n’est pas très bien

rémunérée par comparaison.

Section 2. L’articulation des procédures négociées 

Dans cette section, il sera tenté de traiter deux points qui sont d’une importance non-

négligeable dans notre étude, le concept d’articulation dont il est question fait allusion d’une

part, à l’articulation entre procédures négociées : donc il y a certaines procédures qui peuvent se

combiner avec d’autres procédures tout en restant dans la même finalité de préserver et /ou

sauver la concurrence, donc il s’agit là de l’articulation entre procédures négociées (§2)

D’autre part il s’agit d’une toute autre articulation que les procédures négociées couvrent,

c’est celle des informations : Comment on procède à l’avènement des informations dans telle ou

telle procédure, voire comment on peut articuler ces informations dans telle ou telle procédure,

on soulève donc l’articulation en procédures négociées (§1)

157 J. Philippe (dir.), chronique de jurisprudence, Gaz. Pal., 5 juin 2010, n° 156, p. 14.

158 CA Paris, 29 janvier 2008, aff. des chauffagistes, recours contre la décision n° 06-D-03 bis rendue le 9 mars 2006, http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca06d03_chauffagistes.pdf. On joue sur les mots, car une victime souhaitant engager une action indemnitaire se prévaudra de la décision qui qualifi e bel et bien une pratique anticoncurrentielle.

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§1. L’articulation en procédures négociées 

Il s’agit plutôt de l’articulation des contributions des entreprises contrevenantes, voire

l’avènement des informations qu’elles puissent fournir en telle ou telle procédure dite négociée.

D’emblée, la clémence comme procédure négociée intervienne bien en amont par rapport aux

autres procédures, la décision lui concernant est prise par l’entreprise intéressée et intéressante,

suite à un arbitrage privé qui démarche l’autorité de concurrence : bien évidemment faire partie

d’un cartel secret voire d’une entente prohibée épargne l’entreprise le partage des marchés, ce

qui renvoie entre autres avantages à en profiter au maximum des prix plus élevés, mais le risque

d’être découvert avec tout ce qui implique joue toujours les troubles fêtes, soit d’une demande de

clémence émanant d’un tiers, soit par les propres moyens des autorités de concurrence.

D’emblée une décision de se dénoncer voire de dénoncer une entente prohibée, fait

surement perdre les avantages indus tirés d’une telle pratique, en revanche elle exonère cette

même entreprise de toute amende prévue.

Concernant les engagements pris devant l’autorité, leur situation diffère par rapport à la

première procédure : notamment parce qu’ils interviennent tardivement, après une notification

indiquant les préoccupations de la concurrence, mais avant toute qualification des fait y

afférents.

Bien évidemment, l’instruction et ou l’investigation de l’affaire en question est déjà enclenchée,

et l’autorité de concurrence –en connaissance de cause- ne fait qu’inciter l’entreprise concernée

de réagir dans les plus brefs délais.

Alors que la non-contestation des griefs n’intervienne qu’en dernier ressort, puisque les

griefs sont bel et bien notifiés : à noter tout de même que la renonciation à la contestation des

griefs peut être avec des engagements.

Le déroulement temporel-en la forme- imposé dans la mise en œuvre de chaque

procédure négociée est d’une importance imminente, notamment en vue de son accompagnement

d’une modification, voire amélioration des informations détenues par chaque partie et par

l’autorité de concurrence.

Et ce à l’occasion d’un traitement effectif de l’une des pratiques prohibées en matière de

concurrence, et dans les meilleures conditions possibles.

A cet égard : en amont, l’autorité ne sait rien, alors que l’entreprise sait tout, c’est la

raison pour laquelle cette procédure reconnait un succès grandissant : donc tout dépond et de loin

de la très forte incitation que l’entreprise intègre à son arbitrage privé.

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Ensuite c’est l’ère des préoccupations de la concurrence, où l’instruction est en cours, est

pas encore close, alors l’autorité de concurrence adopte la divulgation d’une partie des

informations qu’elle possède et de sa vision ex ante du dossier qui est déjà à sa portée : en

procédant à la communication de certaines grandes lignes de ses investigations futures.

Enfin ce n’est qu’au moment où l’instruction est close, et les griefs sont notifiés aux

concernés qu’il est question de procéder à la non-contestation des griefs.

La notification des griefs implique l’indication des éléments de preuve en possession des

services d’instruction de l’autorité de concurrence, les parties mises en cause auront dès lors la

certitude qu’elles seront punies, sans pour autant savoir quel jugement est porté par le collège sur

le dossier en question.

En bref entrer dans une procédure de non-contestation de griefs c’est se sacrifier-sans

revenir en arrière- en échange d’une diminution des sanctions.

On peut conclure qu’un tel déroulement temporel adhère à un dévoilement progressif des

informations détenues par les parties et par l’autorité de concurrence, pour arriver à la cohérence

avec les incitations des entreprises d’opter pour telle ou telle procédure, en suivant une certaine

logique.

D’emblée, l’incitation est forcément liée à la hiérarchie des réductions d’amendes : la

clémence (qui s’applique sur les cartels), les engagements (qui s’appliquent sur les pratiques

unilatérales) pouvant aboutir à l’immunité totale de la sanction, à titre de récompense pour

l’apport d’information et l’arrêt des pratiques dommageables.

Quant à la clémence de second rang, apportant aussi des éléments de fond au dossier plus ou

moins « familier » pour l’autorité de concurrence, et pouvant aboutir à une réduction de 50 ٪ de

l’amende ce qui est pas mal du tout.

Alors que la non-contestation des griefs qui s’applique sur les ententes et les pratiques

unilatérales, Ne fait irruption qu’en dernier ressort en tentant de sécuriser les griefs enfin de

parcours sans apporter de solution de fond159.

D’ailleurs c’est peut-être la raison pour laquelle, la réduction qu’elle soulève ne peut être

qu’inferieure par rapport aux autres procédures.

Il faut signaler que l’autorité française de la concurrence prenne en considération l’importance

des engagements en cette procédure, s’ils sont plus significatifs la réfaction sera sans aucun

doute intéressante sans pour autant exagérer.

159 A. Perrot, « La mise en œuvre des procédures négociées : Aspects économiques et pratiques de l’autorité de la concurrence» in les dossiers de la RIDE, éd. De Boeck et Larcier s.a., 2011. p.55.

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A cet égard il est à noter que cette procédure est toujours loin d’être attractive par rapport

à une clémence de second rang, bien que cette dernière se fasse tardivement.

Et ce pour aller de l’avant en matière de détection de certaines pratiques à la fois secrètes

et complexes à travers la collecte des éléments confirmatifs160

§2. L’articulation entre procédures négociées 

Il est plutôt question d’articulation entre deux procédures négociées ou plus devant le

conseil et/ou autorité de concurrence : La question sur la possibilité de cette articulation est bel et

bien envisageable.

A cet égard il est toujours utile de mesurer la nature et le poids de l’affaire c'est-à-dire la

gravité de la pratique et l’importance du dommage causé à l’économie, qui restent tout de même

des critères qui imposeront sans doute le choix de telle ou telle procédure.

D’emblée, l’idée de réunir une procédure de clémence -qui a tendance à traiter les cartels

qui sont bel et bien considérés comme les plus graves infractions à la concurrence- et une autre

procédure d’engagements, ne se pose même pas.

Cependant, le cumul « clémence/non-contestation » des griefs n’est en rien exclusif, du

moment où une entreprise peut se voir refuser une demande de clémence, alors - pour sauver ce

qu’elle peut sauver- elle se lance dans une procédure de non-contestation de griefs, mais le cas

échéant le problème se posera quant à la possibilité que d’autres parties ont déjà demandé une

clémence qui aboutit à une réduction d’amende, puisque l’équité entre toutes les parties fera

incessamment défaut !!

A cet égard on ne peut pas comparer l’apport effectué par les demandeurs de clémence

pour arriver à la constatation et/ou la confirmation de l’infraction par rapport à une simple

renonciation à contester les griefs où tout l’effort est déjà établit à bien par l’autorité de

concurrence.

Or on peut évoquer la possibilité du cumul des réductions d’amende en rassemblant les

deux procédures dès lors que l’autorité estime qu’elle permet de simplifier et accélérer

l’instruction.

Il est tout de même important de retenir que normalement la non-contestation des griefs

ne peut être prise en complément de la clémence que dans certains cas exceptionnels et selon

160 F. Zivy, « La procédure de non-contestation de griefs en droit français de la concurrence : chronique d’un retour en force », Revue juridique de l’économie publique, mars 2008.

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l’appréciation du rapporteur général, il ne s’agit guère d’un droit pour les entreprises, mais d’une

discrétion du rapporteur général propre à des situations particulaires, notamment celle d’un

champ des griefs significativement différent de l’infraction révélée par le demandeur de

clémence161.

Par ailleurs, une procédure de transaction pourra compléter pleinement une procédure de

clémence, pour les entreprises qui n’ont pas bénéficié d’une clémence ou qui bénéficient d’une

clémence de second rang et qui reconnaissent les faits.

161 Anne KRENZER, « Articulation avec une transaction ou une demande de non-contestation des griefs », in comment gérer une demande de clémence, Concurrence N°3-2012 /Pratiques, p. 265.

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TITRE II

LES INCIDENCES DE LA TENDANCE

Dans cette deuxième partie, serait élaboré le revers de ces procédures qui sont devenues

la tendance en droit de la concurrence, leur côté sombre et /ou désagréable, autrement dit, il

serait tenté de soulever les séquelles de cette politique de concurrence jusque-là inédite dans le

droit algérien.

Pour cette fin, il sera tenté de faire sortir les méfaits de ces procédures, en termes

d’inconvénients généraux qu’elles peuvent manifester sur différents plans (Chapitre 1).

Ensuite soulever l’effet particulier de ces procédures sur le cheminement des actions

privées en réparation du préjudice concurrentiel (Chapitre 2).

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Chapitre 1. Les méfaits des procédures négociées

A travers ce chapitre, il sera tenté de montrer et/ou de démontrer que nonobstant tous les

indiscutables bienfaits de ces procédures négociées, celles-ci portent aussi des vices plus ou

moins cachés, que ce soit sur le plan du fond de droit (section 1) et/ou sur le plan procédural

(section 2).

Section 1. Sur le plan du fond du droit : Les laissés pour compte

Sur ce plan, il sera tenté de soulever la situation des parties oubliées, voire marginalisées

dans la mise en œuvre des procédures négociées.

En effet pour qu’il y est un litige quelconque, il faut d’abord qu’il y est des parties

afférentes à ce litige voire des parties formant ce litige.

On parle souvent des contrevenants comme de vraies vedettes en matière de procédures

négociées, mais on a vocation à oublier les victimes des contraventions couvertes par ces

procédures ou encore les autres contrevenants qui ont cumulé les péchés par le fait de ne pas

participer à ces procédures, et qu’on ne peut que les qualifier de parents pauvres face à ces

procédures dites négociées.

En effet, un litige oppose en principe un plaignant et un ou des défendeurs, lesquels sont

souvent unis par une communauté minimale d’intérêts.

Mais il est à rappeler tout de même que le conseil de la concurrence et/ou autorité de la

concurrence, détienne le pouvoir d’auto saisine162.

Le recours à des procédures négociées modifie plus ou moins ce schéma procédural :

D’une part, le plaignant, c’est-à-dire la victime potentielle, tend à s’effacer, ou à être effacé (§1)

alors même que des acteurs inédits se glissent parfois dans la procédure163 .

162 Art 44 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée.

163 Les concurrents, clients, fournisseurs, etc., peuvent par exemple intervenir dans le cadre du test de marché qui émaille la procédure d’engagements. V. L. Boy : “les concurrents des entreprises concernées par les poursuites apparaissent de plus en plus dans les coulisses où se joue la scène principale”, in Les procédures négociées en droit

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D’autre part, une procédure négociée peut créer d’autres oppositions partiellement

inédites, à savoir entre les défendeurs eux-mêmes, dans la mesure où ils auraient fait le choix de

stratégies procédurales différentes (§2). C’est le cas dans l’hypothèse de procédures hybrides164.

§1. La victime marginalisée 165

Quand on évoque le concept de procédures négociées, ça renvoi de prime abord à cette

prétendue négociation qui se noue –volontairement- entre le gendarme et le voleur, autrement dit

par l’autorité de la concurrence et le contrevenant , l’originalité d’une telle relation voire d’un tel

droit plus ou moins négocié, a tendance à effacer une autre partie qui est dans un temps normal à

l’origine de l’adoption d’ une telle ou telle procédure dite négociée

et encore pour son profit et comment !! Puisque cette partie est tout simplement la victime, peut-

être on posera incessamment la question victime de qui ou de quoi, de l’infraction ou de la

procédure négociée ?

En effet la victime n’est pas épargnée par les procédures négociées, notamment par la

procédure d’engagements : puisque le plaignant est loin d’être en bonne position en cette

procédure, encore loin d’être en procédure de force, d’ailleurs il n’en figure que secondaire de

cette procédure.

Même si le contentieux a été engagé par une plainte, dans le cadre par exemple d’une

demande de mesures conservatoires, le plaignant deviendra166 une figure secondaire si des

engagements sont proposés167.

de la concurrence : quid de l’ordre concurrentiel ? in Les Dossiers de la RIDE 2011, p. 10.

164 Pour une étude de l’incidence des cas hybrides sur le standard de preuve de la concertation, v. E. David, L’incidence des procédures alternatives (...), article précité.

165 Certains auteurs considèrent que “les procédures négociées induisent potentiellement un risque de déni de justice pour les victimes de pratiques anticoncurrentielles en cause” (F. Marty et P. Reis, article précité, p. 42).

166 En application de l’article 7 du règlement no 773/2004 du 7 avril 2004 relatif à la mise en œuvre des articles 81 et 82 (modifié par règlement (UE) 2015/1348 du 3 août 2015), la pratique de la Commission européenne peut sembler plus respectueuse de l’intérêt des plaignants. L’insatisfaction manifestée lors du test de marché peut emporter le rejet des engagements proposés. Ce fut le cas récemment dans l’affaire Google (http://www.theguardian.com/technolo... european-commission-reopens-google-antitrust-investigation-after-political-storm-over-proposed-settlement).

167 En ce sens, v. l’avocat général N. Wahl, pour lequel “European Commission risks marginalizing courts and antitrust victims by reaching too many settlements with companies suspected of abusing their market clout (…)”, rapporté par W. P. J. Wils, article précité. Certains auteurs ne s’en offusquent pas : pour D. Waelbroeck, «  une telle

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La négociation qui s’instaure s’opère très largement entre le rapporteur et l’entreprise qui

s’engage au détriment de la partie saisissante.

En effet celle-ci ne participe guère à l’élaboration et à la discussion sur les engagements.

Or la victime ou le plaignant se contente de faire valoir ses arguments en tant que partie

concernée, dans le cadre de la réponse au test de marché168 ou dans le cadre des auditions qui

auront lieu s’il y est associé.

Mais, même alors, la possibilité qui lui est reconnue de faire valoir ses arguments est

extrêmement limitée, puisque canalisée par les engagements proposés : le plaignant peut réagir à

ces engagements, les commenter, mais ne peut réintroduire à cette occasion une discussion sur la

base des griefs qui n’ont pas donné lieu à l’énoncé de préoccupations de concurrence.

En outre, Il ne peut non plus « s’opposer au choix de l’Autorité d’abandonner la

procédure contentieuse au profit des engagements » 169.

Il est à rappeler que les engagements phagocytent le contradictoire et cantonnent les

discussions avec les « tiers »170, plaignant inclus.

La cour d’appel de Paris a d’ailleurs clairement posé que la procédure d’engagements

s’inscrit « dans le cadre bien déterminé d’une procédure souple et rapide qui vise, non point à

emporter l’adhésion du plaignant dont les demandes pourraient excéder ce qui est strictement

nécessaire au règlement des préoccupations de concurrence, mais uniquement à apporter une

réponse satisfaisante de l’autorité publique à ces dernières »171.

possibilité de régler les litiges à l’amiable (...) exige nécessairement une certaine souplesse incompatible avec des procédures plus lourdes impliquant le plaignant tout au long de la discussion ʻà armes égales’ avec la partie incriminée », in Le développement en Europe des solutions négociées. Que va-t-il rester aux juges ? Table ronde, Gaz. Pal. 26 août 2008, no 239, pp. 3 et s. article précité.

168 Ces observations, si elles sont jugées pertinentes, peuvent d’ailleurs conduire l’autorité de concurrence à inviter l’entreprise à l’origine des préoccupations de concurrence à compléter les engagements pris.

169 V. Selinsky, Procédures négociées et stratégies des entreprises, article précité, p. 66.

170 Au sens de personnes non demanderesses d’une procédure alternative.

171 Arrêt du 6 octobre 2009 (no 2006/18379, sur la décision no 06-D-29 du Conseil de la concurrence). V. aussi l’arrêt du 24 mai 2013 sur le recours formé contre la décision no 12-D-18, pt 26 : “(…) l’Autorité est saisie in rem et n’est pas liée par les demandes et les qualifications des saisissantes. La décision de mettre en œuvre, ou non, la procédure d’engagements n’est donc en aucun cas la décision des parties et, notamment, de la partie saisissante.”

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C’est la raison pour laquelle, le recours172 constitue pour le plaignant la meilleure issue

pour se manifester.

Là encore cependant, il est à craindre que les engagements constituent le seul point

d’ancrage de la discussion. La cour d’appel a récemment précisé que « les parties plaignantes ne

peuvent, sauf erreur manifeste, remettre en cause devant la Cour d’appel les appréciations de la

Décision selon lesquelles certains faits dénoncés ne suscitent pas (…) de préoccupation de

concurrence » 173.

On ne s’étonnera donc pas qu’un constat puisse être dressé à l’étude de la pratique

décisionnelle française : les quelques recours qui ont jusqu’ici été formés dans le cadre des

procédures d’engagement l’ont tous été par les entreprises qui avaient saisi le Conseil de la

concurrence ou l’Autorité d’une plainte. On en déduit que les entreprises qui s’engagent sont, au

moins en apparence, satisfaites de l’issue de la procédure174, tandis que les plaignants peuvent ne

pas l’être175.

Ces derniers peuvent être déçus alors même, par hypothèse, que des engagements ont été

proposés et acceptés en réponse aux préoccupations exprimées par l’Autorité, que les

observations des tiers – plaignants inclus – ont été entendues lors du test de marché et donc alors

même qu’une réponse est supposée avoir été donnée aux problèmes concurrentiels identifiés.

Cette insatisfaction transparaît lorsque l’on rapproche les taux de recours contre les

décisions françaises acceptant des engagements et les taux de recours contre les décisions de

rejet de plainte ou de non-lieu sur les dix dernières années.

172 Cass. com., 4 novembre 2008, no 07-21.275 : la Cour considère comme recevable le recours du saisissant à l’encontre d’une décision d’engagement dont il n’était pas satisfait.

173 CA Paris, 19 décembre 2013, RG no 2012/19484, affaire Cogent, précitée, confirmée par Cass. com., 12 mai 2015, pourvoi no 14-10.792.

174 Une autre explication est possible : la partie qui a proposé des engagements peut ensuite difficilement remettre en cause les choix qu’elle a effectués, au risque de se contredire.

175 Il va de soi que les plaignants peuvent également être satisfaits des engagements pris. La société EuroCommerce a par exemple marqué sa satisfaction a l’égard des engagements pris par Visa dans l’affaire européenne des commissions interbancaires (http://www.eurocommerce.eu/media/69... release_-_visa_concessions_on_card_fees_-_a_step_in_the_right_direction.pdf). Il en était sans doute de même dans le cas des engagements pris dans la décision française no 13-D-17 du 20 septembre 2013 relative à des pratiques de MasterCard relevées dans le secteur des cartes de paiement.

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On pourrait s’attendre à un différentiel très marqué entre les deux configurations puisque

d’un côté le plaignant n’obtient rien alors que de l’autre il “obtient” la satisfaction d’une décision

positive assortie d’engagements. Or, la réalité contentieuse est plus nuancée.

La procédure de transaction communautaire de son côté élimine carrément la victime : Le

plaignant, figure inconnue de la procédure européenne de transaction, c’est la Commission qui

est à l’origine de la procédure et en est maître176.

La victime, absente du procès, a peu de chances de réapparaître ultérieurement. Les

décisions publiées dans le cadre d’une transaction sont en effet d’une extrême concision.

En effet, cela s’explique bien sûr par le souci d’épargner les ressources de la

Commission, mais une autre explication peut exister : la concision serait un facteur incitatif à la

transaction en mettant l’entreprise qui transige dans une situation relativement confortable en cas

d’action civile ultérieure.

Et encore, les victimes du cartel sanctionné via une procédure de clémence pourront

certes s’appuyer sur la reconnaissance de culpabilité des entreprises – et ce point n’est certes pas

négligeable – mais elles ne trouveront pas d’autres points d’appui dans la décision, faute de

contenu analytique quant aux infractions.

L’OCDE l’exprime clairement : envisageant le risque d’actions privées, l’Organisation

reconnaît qu’un facteur essentiel est « la nécessité que la décision finale de la Commission

rendue à l’issue de la procédure de règlement soit une décision succincte contenant largement

moins d’informations qu’une décision détaillée. La communication des griefs sera également

176 Cela est largement le cas dans toutes les procédures (sur ce point, v. Trib. UE, 11 juillet 2013, Diamanthandel A. Spira BVBAn, aff. jtes T-108/07 et T-354/08 : “Il ressort de la jurisprudence que la procédure ouverte à la suite d’une plainte ne constitue pas une procédure contradictoire entre les entreprises intéressées, mais une procédure engagée par la Commission, à la suite d’une demande, dans l’exercice de sa mission de veiller au respect des règles de concurrence. Il s’ensuit que les entreprises contre lesquelles la procédure est engagée et celles qui ont introduit une plainte ne se trouvent pas dans la même situation procédurale et que ces dernières ne peuvent pas se prévaloir des droits de la défense. En revanche, ces plaignants doivent être mis en mesure de sauvegarder leurs intérêts légitimes dans le cadre de la procédure engagée par la Commission et ainsi être étroitement associés à ladite procédure, même si les droits procéduraux des plaignants ne sont pas aussi étendus que les droits de la défense des entreprises contre lesquelles la Commission dirige son enquête”, pt 59), mais ce trait s’accuse singulièrement dans la procédure de transaction. La communication sur la transaction du 2 juillet 2008 prévoit par exemple au pt 7 que “[l]es parties à la procédure ne peuvent dévoiler à aucun tiers d’un ressort quelconque la teneur des discussions ou des documents auxquels ils ont eu accès en vue de la transaction”et au pt 35 que “[l]es autres parties, telles que les plaignants, n’ont pas accès aux propositions de transaction”. On notera que c’est la seule disposition de la communication qui fait allusion au plaignant, et celle-ci lui dénie un droit.

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très brève et contiendra de ce fait moins d’informations ayant valeur contraignante pour les

tribunaux nationaux » 177.

Il est à rappeler, d’ailleurs que la directive du 26 novembre 2014 rend les déclarations des

entreprises ayant pris part à une transaction inaccessible au juge dans l’hypothèse d’une action

civile. Il en est de même pour les déclarations obtenues dans le cadre d’une démarche de

clémence178.

Ce point illustre la primauté de l’action publique sur l’action privée, la mise en avant des

procédures négociées ou accessoires au détriment des actions de droit commun, malgré

l’encouragement fait à celles-ci.

§2. Les autres défendeurs fragilisés : L’hypothèse des procédures hybrides

Quant à la situation des défendeurs qui feraient plutôt le choix de ne pas recourir à une de

ces procédures, force est de reconnaître qu’ils seront évidemment fragilisés par le choix

procédural de celui ou de ceux qui y recourent (hypothèse des procédures hybrides).

- Le cas de la procédure française de non-contestation des griefs/transaction :

La procédure française de non-contestation des griefs a donné une bonne illustration de

cette fragilisation, à travers un arrêt bien connu rendu le 29 mars 2011 par la Cour de cassation

dans l’affaire Manpower (Secteur du travail temporaire)179. La société Manpower avait fait le

choix de contester les pratiques ayant fait l’objet de la notification des griefs et fait valoir que

« le choix d’une entreprise poursuivie pour entente de ne pas contester les griefs ne vaut pas

aveu de l’entente ». Elle reprochait dès lors à la cour d’appel de Paris d’avoir violé la loi en

« décidant que la concertation entre les entreprises qui n’ont pas contesté les griefs était

acquise, et que le Conseil avait seulement à établir la participation des sociétés Manpower à

ladite concertation ».

177 OCDE, 2008, document précité, p. 132.

178 La communication sur l’immunité d’amende du 8 décembre 2006 a d’ailleurs été récemment modifiée en ce sens (Communication de la Commission du 5 août 2015, JOUE no C. 256/1, précitée). Un nouveau pt 35 bis énonce désormais que “la Commission ne transmettra à aucun moment des déclarations d’entreprises en vue d’obtenir la clémence à des juridictions nationales aux fins de leur utilisation dans des actions en dommages et intérêts pour violation des dispositions du traité”.

179 Cass. com., 29 mars 2011, pourvoi nos 10-12.913 et 10-13.686.

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La Cour de cassation lui répondit que, les autres sociétés n’ayant « pas contesté les griefs

qui leur étaient notifiés et n’avaient ainsi remis en cause ni la matérialité des faits, ni leur

qualification juridique au regard du droit de la concurrence, ni leur imputabilité, c’est à bon

droit que la cour d’appel a jugé que le Conseil avait justement décidé qu’en conséquence seule

la question de la participation des sociétés Manpower aux pratiques anticoncurrentielles

reprochées devait être discutée ».

L’analyse est évidemment très sévère pour les défendeurs rétifs à la négociation, puisque

ceux-ci ne pourront plus discuter l’existence même de l’infraction. C’est pourquoi il peut être

tentant, ayant appris qu’une des entreprises renonçait à contester les griefs, de se greffer sur la

non-contestation au motif que toute défense paraît désormais vaine.

Pourtant, la moitié des décisions ayant mobilisé en France la procédure de non-

contestation de griefs est constituée de décisions hybrides, ce qui peut sembler paradoxal.

D’emblée, ce chiffre peut s’expliquer que les défendeurs dans une procédure ne sont pas

nécessairement au courant des stratégies procédurales des autres : certains peuvent avoir fait le

choix de contester les griefs dans l’ignorance d’un choix contraire effectué par d’autres.

Il est à signaler qu’en 2014, aucune décision de non-contestation des griefs n’a même fait

l’objet d’hybridation180 : toutes les entreprises ont renoncé à se défendre au fond.

- Le cas de la procédure algérienne :

Nous pensons que le cas algérien ne peut sortir de la couverture de la procédure française,

quand une entreprise contrevenante décide de négocier avec le conseil de la concurrence, en

reconnaissant expressément sa culpabilité, ça va peser incessamment sur les autres défendeurs

qui n’admettent pas leur culpabilité :

Peut-être la procédure algérienne se distingue par la garantie du principe du contradictoire,

par rapport à la procédure française, puisque dans le cadre d’une procédure algérienne, le

conseil de la concurrence n’admet pas une forme particulière du traitement du litige portant

l’infraction, il s’agit juste d’une réduction d’amende qui peut aller jusqu’à l’exonération totale 180 Emmanuelle Claudel, Procédures négociées, accessoires ou alternatives à la sanction en droit de la concurrence :

Raison garder !, novembre 2015, Revue Concurrences N° 4-2015, Art. N° 75896, pp. 61-83

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après l’assurance préalable d’une négociation remplissant à bien les conditions stipulées dans

l’article 60 de la loi de la concurrence :

Autrement dit même avec l’obtention d’une récompense (exonération partielle ou totale) il

n’y a pas un processus particulier du traitement de l’infraction dans le cadre d’une procédure

négociée algérienne, car c’est le même processus qui relève d’une procédure ordinaire.

- Le cas de la procédure de clémence

La procédure de clémence est également défavorable aux entreprises qui ne seraient pas

entrées dans une démarche de dénonciation, ou n’y seraient entrées que tardivement.

Il y a une partie de la doctrine qui trouve que “(…) l’existence d’aveux complets par une partie à

l’entente dénoncée rend très difficile la contestation des faits par les autres entreprises

participantes. Il en résulte que la plupart des recours devant le tribunal de Première instance

ont désormais pour objet, soit le montant des amendes, soit des questions de procédure telles

que l’identité des destinataires de la décision 181.”

On comprend dès lors que, sur les dix cas ayant abouti en France à des décisions de

clémence, la démarche du dénonciateur ait provoqué une renonciation à contester les griefs de la

part de tout ou partie des autres protagonistes dans 80 % des cas.

On comprend aussi que la presque totalité des décisions européennes rendues à la suite

d’une démarche de clémence s’accompagne désormais de transactions et que ces transactions ne

sont qu’exceptionnellement hybrides.

- la procédure d’engagements :

La procédure d’engagements constitue l’archétype de la procédure négociée. Elle est

considérée comme très précieuse par les autorités de concurrence.

Son principe n’est pas en cause, mais on peut discuter de ses modalités d’application.

181 C. Grynfogel, article au Juris-Classeur, précité, no 76. La dernière remarque de l’auteur renforce le constat de la perte de substance de la matière, qui se propage aux juridictions de recours. cf. infra nos 51 et s.

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En effet, la procédure d’engagements tend à être utilisée par les autorités de concurrence

en dehors de ce qui devrait être, ses frontières naturelles et nécessaires, à savoir des pratiques

clairement (mais non gravement) anticoncurrentielles, encore en vigueur et susceptibles d’être

résolues plus rapidement par une voie négociée que contrainte, ou qui, plus généralement, se

prêtent bien à des remèdes librement consentis.

Or, la procédure d’engagements, si elle respecte quelquefois ces frontières, tend à être

mobilisée dans des zones où le principe même du caractère illicite des pratiques examinées

mérite d’être débattu, ce que l’on appelle quelquefois les “zones grises” du droit de la

concurrence182. Si les autorités de concurrence justifient cela par la difficulté à apprécier

l’efficacité des mesures d’interdiction et d’injonction183, il demeure qu’elles font l’économie de

ce débat nécessaire184.

Le droit perd en exemplarité et prend le risque d’une moindre acceptabilité.

Il est quelquefois exprimé que le recours à cette procédure évite à l’autorité de la

concurrence « de s’exposer aux controverses souvent causées par ses décisions en matière

182 V. le rapport annuel de 2005, spéc. p. 151, qui énonce qu’il est opportun de recourir à la procédure d’engagements dans les cas suivants : i) la nécessité d’agir en urgence et (ii) l’existence de domaines dans lesquels la pratique décisionnelle des autorités de concurrence est moins solidement établie. Il est ajouté ceci : “La mise en œuvre de cette procédure peut s’avérer opportune dans les cas où la ligne de partage entre un comportement conforme aux usages commerciaux et un comportement clairement anticoncurrentiel est ténue”. Cette position nous paraît regrettable. Dans le même sens, C. Prieto et D. Bosco, pour lesquels l’expérience révèle “un recours excessif des cas de négociation, notamment dans des situations où la réalité de l’atteinte à la concurrence aurait mérité une analyse approfondie”, in Droit européen de la concurrence, Bruylant 2013, no 1565, p. 1208.

183 En ce sens, B. Lasserre, pour lequel la “procédure d’engagements permet (...) de clarifier les conditions de fonctionnement d’un marché pour l’avenir. Ceci est d’autant plus vrai que, dans beaucoup de cas, les pratiques relèvent d’une zone grise. Dans de telles situations, les remèdes à appliquer ne vont pas de soi, ce qui rend très incertaine l’efficacité des mesures d’interdiction, de sanction ou d’injonction. Au contraire, la négociation d’engagements permet de faire émerger des solutions crédibles qui auront sur le marché l’efficacité attendue”, in Face aux autorités de concurrence, négocier ou se défendre ? (…), conférence précitée du 1er juin 2015.

184 Pour certains auteurs, ce débat semble vain, car “rien n’oblige les entreprises à se lancer dans la voie des engagements” (L. Idot, Les engagements, in Corriger, équilibrer, orienter (...), article précité). L’argument mérite d’être entendu, mais nous semble moins porteur si l’on quitte le territoire étroit de l’intérêt de l’entreprise.

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d’abus et de bénéficier d’un outil efficace au service d’objectifs de politique économique

dépassant le cadre strict du droit de la concurrence (ex. énergie) » 185.

La frontière entre droit des pratiques anticoncurrentielles et droit de la régulation en sort

troublée186.

En outre, la littérature économique soulève fréquemment en droit de la concurrence le

risque d’erreurs de type I ou de type II susceptibles d’être commises, afin de calculer le coût

qu’elles représentent pour la collectivité :

On parle d’erreur de type I lorsqu’une pratique est condamnée à tort (elle était en réalité

pro-concurrentielle) et d’erreur de type II lorsqu’une pratique anticoncurrentielle n’est pas

condamnée. À l’évidence, la procédure d’engagements renforce ce type d’erreurs.

L’erreur de type I consistera ici non pas à sanctionner ce qui n’aurait pas dû l’être, mais à

accepter des engagements dans des hypothèses où l’illicite est douteux187.

185 D. M. B. Gérard, article précité, p. 569. V. aussi F. Jenny, qui considère que le recours aux engagements permet d’éluder le débat sur le recours à une approche plus économique dans le cadre des abus de domination, in Worst Decision of the EU Court of Justice : The Alrosa Judgment in Context and the Future of Commitment Decisions, article précité.

186 En ce sens, F. Marty, Une régulation du secteur de l’énergie au travers des procédures d’engagements ? Réflexions sur le contentieux concurrentiel européen, Revue de l’Institut d’économie publique, nos 26-27, 2011/1-2, pp. 93-128.

187 Ce risque est moindre en droit européen lorsque les engagements sont proposés post notification des griefs, ce que la Commission accepte, mais qui correspond mal à l’esprit de la procédure.

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Les entreprises sont amenées à prendre des engagements éventuellement lourds et

contraignants ou alors à renoncer à des stipulations contractuelles188, alors que cette contrainte

pouvait – dans des cas que l’on espère marginaux 189 – être inutile190.

Or, une contrainte inutile a un coût pour l’entreprise, qui, s’il n’est pas justifié, se traduit

en un coût pour la collectivité dans son entier.

Il ne faut par ailleurs pas négliger l’effet de standardisation qu’une décision incluant une

erreur de type I peut produire, les entreprises tierces pouvant considérer comme acquis le

caractère illicite (même si celui-ci n’est pas formellement énoncé) de certaines clauses ou

pratiques ayant fait l’objet de préoccupations de concurrence.

Elles peuvent alors être tentées de modifier spontanément certains contrats, amplifiant le

coût précédemment dénoncé.

188 L’affaire de l’iPhone est révélatrice de ce risque. Ayant été contraintes dans un cadre conservatoire à suspendre les exclusivités qui les liaient (déc. no08-MC-01 du 17 décembre 2008), les sociétés Orange et Apple ont fait le choix de prendre des engagements consistant à renoncer à ces exclusivités pour une durée de quatre ans. Or, l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait approuvé la décision du Conseil de la concurrence a été cassé par la Cour de cassation le 16 février 2010 (no 09-11.968).

189 On peut certes penser que l’entreprise refusera de s’engager si elle n’a pas elle-même le sentiment de l’illicéité de sa pratique, ou à tout le moins un doute sur sa licéité. Ainsi que le souligne O. Sautel, “l’arbitrage des firmes quant à l’opportunité d’une procédure d’engagement constitue un garde-fou aux erreurs de type I” (La pertinence d’une procédure d’engagement en matière de contentieux : une analyse économique et son application au cas de l’iPhone, in Les Dossiers de la RIDE 2011, pp. 83-109). L’auteur relève néanmoins que, dans certains contextes, tels que celui consécutif à une procédure conservatoire, ce type d’arbitrage peut être biaisé. Mme Selinsky explique également ce qui peut conduire une entreprise à s’engager alors même qu’elle serait convaincue de la licéité de sa pratique “ ou de son caractère inoffensif” : elle peut notamment chercher à “desserrer l’étau autour d’elle”, article précité, p. 74. Par ailleurs, le caractère très succinct des évaluations préliminaires peut priver la partie qui s’engage de la possibilité de réellement apprécier le caractère approprié de ses propositions (en ce sens, D. Waelbroeck, Le développement des procédures négociées (...), article précité).

190 Ce risque a été pris en compte par le cabinet Microeconomix, qui le nuance et le confirme tout à la fois. Selon O. Sautel, “La modélisation proposée démontre que les firmes qui savent que leur pratique est proconcurrentielle ne sont pas incitées à déposer des engagements si elles anticipent un taux d’erreur faible de l’autorité. Dans certaines circonstances cependant, comme l’illustre le cas des engagements déposés par les sociétés Apple et Orange France, ce garde-fou ne fonctionne pas. Lorsque les pratiques sont déjà arrêtées du fait de mesures conservatoires préalables, et lorsque l’une des parties a un intérêt opportuniste à la fin de la pratique, le risque est plus grand qu’une entreprise accepte de déposer des engagements même la pratique visée est proconcurrentielle. L’efficacité des procédures d’engagement dans ce contexte diminue. Il apparait ainsi que certaines pratiques (e.g., les accord[s] verticaux) et certains contextes (e.g., l’existence d’une décision de mesures conservatoires) sont de nature à limiter les bénéfices sociaux attendus d’une procédure d’engagements” (La pertinence d’une procédure d’engagement en matière de contentieux (...), article précité).

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Certains auteurs craignent également des réactions en chaîne lorsque l’Autorité fait en

outre référence à ses propres décisions d’engagement antérieures pour justifier certaines

solutions.

Dans le même contexte, il y a une partie de la doctrine trouve que quelques fois le conseil

« fait œuvre prétorienne en se référant à des décisions d’engagements antérieures qui pourtant

ne sont pas censées établir des règles de droit. Cette perméabilité du droit positif aux décisions

d’engagements est d’autant plus notable que le Conseil a invoqué dans des procédures

ʻordinaires’ des solutions énoncées dans des décisions d’engagements.

Or, les procédures d’engagements ne doivent pas être destinées à clarifier les solutions,

mais seulement à mettre fin dans les meilleurs délais à des pratiques potentiellement

anticoncurrentielles » 191.

Par ailleurs, un autre type d’erreur, qui s’apparente aux erreurs de type I, peut être relevé. On

pense ici aux engagements excessifs, c’est-à-dire excédant la mesure du nécessaire pour mettre

un terme à la préoccupation de concurrence.

En droit européen, le principe de proportionnalité ne fait pas échec à ce risque et une

décision de la Commission ayant validé des engagements excessifs n’encourt pas la censure192.

Quant à l’erreur de type II , consistera à l’inverse à accepter des engagements qui ne sont

pas adéquats en raison d’une information imparfaite subie par l’autorité régulatrice 193 ou à

autoriser ce qui aurait dû être interdit ou encore à ne pas ériger en préoccupation de concurrence

certains griefs formulés par le plaignant alors qu’ils étaient dignes d’intérêt.

191 Voir E. David, L’incidence des procédures “alternatives” (...), article précité, pt 71.

192 CJUE, gr. ch., 29 juin 2010, aff. C-441/07P, Commission c/ Alrosa. Cette jurisprudence fait l’objet de vives critiques, à raison selon nous : v. F. Jenny, Worst Decision of the EU Court of Justice : The Alrosa Judgment in Context and the Future of Commitment Decisions, Fordham International Law Journal, vol. 38 :701, pp. 701-770. Contra, J.-F. Bellis, EU commitment decisions: What makes them so attractive? article précité. En France, l’Autorité considère en revanche que les engagements allant au-delà de la réponse aux préoccupations de concurrence ne sont pas contraignants ; ils sont néanmoins actés (communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, pt 39).

193 En ce sens, v. F. Marty et P. Reis, article précité. Un auteur fait également valoir que les entreprises peuvent être tentées d’exploiter la dissymétrie d’informations en omettant de préciser que l’engagement pris “sera en réalité indolore et peu efficace” en espérant que l’Autorité ne le sait pas (P. Hubert, L’exécution des engagements souscrits par les entreprises, Séminaire Procédure et concurrence organisée par la revue Concurrences le 9 avril 2014, accessible sur le site de la revue). Le test de marché auquel se livrent les autorités de concurrence a pour fonction de réduire cette asymétrie d’informations, mais il ne la supprime évidemment pas.

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Là encore, les entreprises tierces peuvent, sur la foi de décisions d’engagements rejetant

pour partie certains griefs, considérer certaines pratiques comme clairement licites alors qu’elles

posent en réalité problème.

On pourrait aussi considérer qu’accepter des engagements de la part d’une entreprise qui

aurait mérité d’être sanctionnée en raison de la gravité de ses actes constitue une erreur de type

II 194.

Il faut néanmoins rappeler que la procédure d’engagements est fermée dans l’hypothèse de

cartels, ce qui met les hypothèses les plus graves à l’abri de ce type d’erreurs.

Et encore, une décision acceptant des engagements encourt un autre risque, qui ne doit cependant

pas être exagéré : celui d’être en porte-à-faux avec des décisions rendues au fond et mieux

argumentées :

Elles peuvent alors paraître en contradiction avec des solutions bien admises, permettant

le développement d’une forme de pratique décisionnelle parallèle195, on dirait même, d’“un corps

alternatif de jurisprudence couvert d’un voile mystérieux” 196. On peut en effet se demander

pourquoi des pratiques assez proches peuvent faire l’objet de réponses différenciées197.

Ces différents inconvénients ne prêtent pas à conséquence lorsque les pratiques observées

ne posent aucune difficulté, soit parce qu’elles sont à l’évidence licites (et dans ce cas

l’inattention que leur porte l’autorité n’est guère discutable), soit lorsqu’elles sont évidemment

194 C. Grynfogel considère par exemple que la Commission a accepté les engagements de la société Rambus alors que “l’atteinte à l’ordre public économique générée par le comportement de cet opérateur – dont on notera qu’il est en position dominante – est telle qu’elle paraît devoir directement conduire au prononcé de sanctions pécuniaires et exclure, par là même, le recours à la procédure d’engagement” (Sanctions du droit communautaire de la concurrence, fasc. précité).

195 En ce sens, D. Waelbroeck, qui, d’une façon un peu provocatrice, considère que la Commission européenne utilise les procédures négociées “pour développer une politique parallèle de concurrence qui échappe entièrement au contrôle du juge et aux garanties minimales auxquelles notre État de droit reste attaché” (Le développement en Europe des procédures négociées : engagements, clémence, non-contestation des griefs. Que va-t-il rester aux juges ? article précité).

196 I. Van Bael, Comment on the EEC Commission’s Antitrust Settlement Practice: The Short-circuiting of Regulation 17? (1984) 8 World Competition, Issue 3, pp. 67-71.

197 F. Marty et P. Reis, article précité, ont par exemple mis en relief les décisions Coca Cola (Commission 22 juin 2005) et Intel (Commission 13 mai 2009), qui ont fait l’objet de traitements très différents. L’Autorité française insiste parfois sur le caractère alternatif des décisions sanctionnatrices et des décisions d’engagement.

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illicites (et dans ce cas leur caractérisation en préoccupation de concurrence sans

développements nourris ne l’est guère davantage198).

Ce sera par exemple le cas lorsque des décisions antérieures, rendues dans un cadre

contentieux classique, ont préalablement et clairement fixé les règles.

En revanche, la réduction du débat contradictoire à une portion congrue ne nous semble

pas admissible en présence de pratiques inédites ou posant une réelle difficulté d’appréciation,

ou encore accompagnées d’un enjeu fort199.

Elle est également inadmissible lorsque la pratique décisionnelle aboutit, en présence de

situations proches, à des traitements différenciés.

On peut d’ailleurs s’interroger dans ce cas sur le traitement discriminatoire réservé aux

entreprises et regretter l’imprévisibilité de la réaction administrative.

A cet égard, nous pensons que les autorités de concurrence (la commission et l’autorité

française) font défaut de publication de textes explicitant les critères d’éligibilité à la procédure

d’engagements, par rapport à leurs publications concernant le déroulement de cette procédure.

198 Ceci ne devant pas empêcher que la pratique décisionnelle puisse évoluer si cela apparaît nécessaire. Dans ce cas, le recours trop systématique à la procédure d’engagements, en ce qu’elle pourrait avoir de répétitif et générateur d’une pratique décisionnelle figée, serait de nature à empêcher cette évolution.

199 V. l’intéressante analyse de D. Tayar, à laquelle nous souscrivons pleinement : “L’histoire récente des dossiers d’abus de position dominante montre que des éléments essentiels de doctrine ont été clarifiés à l’issue de procédures longues, permettant un examen approfondi des pratiques en cause, de leur environnement factuel et de leurs effets, dans le cadre d’un débat contradictoire incluant éventuellement un appel devant les juridictions compétentes. Il serait dommage que le raccourcissement des procédures se fasse au détriment d’une nécessaire évolution de la doctrine, le risque étant que l’application systématique de la jurisprudence passée l’emporte sur une analyse approfondie de chaque cas selon ses mérites propres. Le droit mais également l’économie en pâtiraient : est-ce que les travaux académiques sur le groupage ou les marchés bifaces auraient été aussi riches s’ils n’étaient pas venus opportunément nourrir le débat dans les affaires de concurrence très médiatisées ?” (D. Tayar, Le “paquet transaction” de la Commission européenne : Le point de vue du praticien, in Les procédures négociées en droit de la concurrence, Concurrences no 2-2008, p. 17 et spéc. no 10, p. 22).

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Section 2. Sur le plan procédural : La limitation des droits des entreprises

mises en cause

En matière de traitement des contentieux concurrentiels relatifs aux pratiques

anticoncurrentielles devant les autorités de concurrence, nonobstant tous les efforts de celles-ci,

il n’y avait pas vraiment un réel consensus affèrent aux pleines garanties d’un procès équitable

assurées dans le cadre des procédures ordinaires voire classiques200.

Or, l’avènement et le développement des procédures négociées comme outil de «public

enforcement» ont pesé encore sur les droits procéduraux des entreprises, tendant non à les

refouler, car ceux-ci ne sont pas absents201, mais à les cantonner.

De ce fait, il sera tenté de traiter deux faits générateurs y concourent : Ces procédures

font glisser le contentieux du terrain de la répression vers celui de la régulation, lequel échappe

aux règles du procès équitable (§1) ; par ailleurs ces procédures se teintent de consensualisme,

justifiant un contrôle juridictionnel de moindre ampleur (§2).

§1. Les méfaits de la régulation sur la limitation des garanties d’un procès

équitable

En matière de procédures négociées, nous avons pu constater que la procédure algérienne

ne s’accorde ni en nombre, ni en genre avec celles des droits français et communautaire : si en

nombre l’évidence se manifeste notamment par la récompense afférente à la non-contestation des

griefs qui peut aller jusqu’à l’exonération totale de la sanction encourue, alors qu’en genre :

En dehors du terme « négociées » qui peut plus ou moins être alloué aux procédures

algériennes, française et communautaire, la question se pose sur notamment la nature des

décisions relatives à ces procédures négociées.

200 V. en ce sens à titre d’exemple, Michel PEDAMON, Droit commercial (commerçants et fonds de commerce, concurrence et contrats de commerce),2ème éd, Dalloz, Paris. 2000. p.452 ; Renée GALENE, Le droit de concurrence appliqué aux pratiques anticoncurrentielles, Litec, Paris, 1995. p.361 ; Marie-Chantal BOUTARD LABARDE, Guy CANIVET, Droit français de la concurrence, LGDJ, 1994. p. 195.

201 Dans l’arrêt du 4 novembre 2008 rendu dans l’affaire Canal 9, la Cour de cassation a considéré que les entreprises plaignantes ou les entreprises en cause ont un accès intégral au dossier de la procédure (pourvoi no 07-21275, GIE Les Indépendants). Par ailleurs, le droit des entreprises à former un recours n’a jamais été remis formellement en cause.

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En effet les décisions relatives aux procédures négociées françaises et/ou

communautaires entrent bel et bien dans le cadre d’une régulation assumée voire, assurée par

des autorités de concurrence (le cas échéant l’autorité de concurrence française et la

commission), alors que la procédure négociée algérienne n’en est en rien :

Puisque me une réduction au sens du droit algérien n’est qu’une sanction qui passe par le

processus d’une procédure normale aboutissant à la répression202 : Ce qui nous renvoi

incessamment à admettre que les garanties d’un procès équitable sont plus ou moins assurées

dans le cadre d’une procédure négociée algérienne que dans le cadre de l’une des procédures

négociées française et/ communautaire.

Toutefois, si on sort du concept algérien de la procédure négociée, le glissement de la

matière vers la régulation est parfaitement assumé par les autorités de contrôle.

Ainsi le président de l’Autorité française écrit-il que cette autorité, qui intervenait

traditionnellement ex post dans une perspective sanctionnatrice, a désormais “une fonction de

régulation (…) associant davantage les entreprises à son processus décisionnel” et ceci éloigne

l’autorité “du fonctionnement d’une juridiction et des contraintes procédurales y afférentes” 203.

La cour d’appel de Paris lui a emboîté le pas, affirmant, à propos de la procédure d’engagements,

qu’“il s’agit d’un outil de pure régulation et non d’une procédure de sanction” 204.

Or, la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’une législation ne prévoyant

pas de sanction mais uniquement des pouvoirs qui “appartiennent au champ de la régulation” ne

relève pas des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits

de l’homme205.202 Puisque l’art 62 bis ne différencie pas les sanctions que ce soit après négociation, donc dans le cadre d’une procédure dite négociée, ou dans celui d’une procédure ordinaire, en stipulant que « les sanctions prévues par les dispositions des articles 56 à 62 de la présente ordonnance sont prononcées par le conseil de la concurrence, sur la base de critères ayant trait notamment à la gravité de la pratique incriminée, au préjudice causé à l’économie, aux bénéfices cumulés par les contrevenants, au niveau de collaboration des entreprises incriminées avec le conseil de la concurrence pendant l’instruction de l’affaire et à l’importance de la position sur le marché de l’entreprise mise en cause. »

203 B. Lasserre, Propos introductifs, Gaz. Pal., 2005, p. 3199, spéc. p. 3200. V. aussi, S. Pietrini, Le recours à la négociation en droit de la concurrence : l’exemple des programmes de clémence, RLC, 2009, 21, et C. Cook, Commitment Decisions: The Law and Practice under Article 9, World Competition 2006/2, p. 209.

204 CA Paris 6 octobre 2009, GIE Les Indépendants.

205 CEDH (déc.), 3 juin 2004, Neste e.a. c/ Fédération de Russie, no 69042/01, citée par le rapport le annuel du Conseil de la concurrence 2005, pp. 146 et s. La Cour se fonde notamment sur le fait que la loi russe qui était en cause a pour but la prévention des perturbations de concurrence et le rétablissement des conditions de concurrence,

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Cette analyse a permis à la cour d’appel de Paris d’affirmer que, dans le cadre de la

procédure d’engagements, le principe d’égalité des armes avait un “autre relief” que dans les

procédures de sanction classiques.

D’autres faiblesses procédurales peuvent encore être notées concernant les procédures

négociées en général. Il sera tenté de les étudier succinctement.

A. Un contradictoire amoindri

La procédure d’engagements autorise un contradictoire moins complet que celui

normalement exercé, nous l’avons dit, en ce qu’il est limité dans son champ (la discussion

s’ordonnant essentiellement autour des engagements proposés) et dans sa durée puisque cette

procédure dispense en France de l’élaboration d’un rapport.

Dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs devenue transaction, le

principe du contradictoire ne peut s’exercer qu’à propos des éléments permettant le calcul de la

sanction concernant les entreprises ayant opté pour la renonciation, et qu’à propos de leur

participation à l’infraction concernant les autres. Il ne s’exerce par ailleurs qu’à l’occasion de la

notification des griefs.

Quant à la procédure de transaction européenne, elle sonne le glas du contradictoire

puisqu’elle repose sur une reconnaissance expresse de culpabilité206.

Par ailleurs, les entreprises doivent « confirmer » qu’elles « ont été suffisamment

informées sur les griefs que la Commission envisage de leur adresser et qu’elles ont eu

suffisamment l’occasion de faire connaître leur point de vue à la Commission » 207.

La procédure de clémence semble paradoxalement moins attentatoire au principe, en tous

les cas concernant les entreprises ne s’y étant pas jointes, lesquelles gardent en théorie toute

latitude pour se défendre.

et non la punition des contrevenants. Pour un commentaire de cet arrêt, v. E. Barbier de La Serre, Appartenance de dispositions de droit de la concurrence à la “matière pénale” au sens de l’article 6 de la CEDH, RLC, 2004/1.

206 Pt 20 a) de la communication du 2 juillet 2008.

207 Pt 20 c) de la communication du 2 juillet 2008.

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On imagine néanmoins cette défense singulièrement plus complexe en présence d’une

dénonciation208, d’où la mobilisation fréquente des procédures de transaction et de non-

contestation de griefs. L’entreprise qui dénonce en revanche, qu’elle soit de premier rang ou de

rang inférieur, renonce tout simplement à exercer ses droits.

Bien plus, elle s’auto-incrimine, sans violer le principe posé par le célèbre arrêt Orkem 209

puisqu’elle n’est pas contrainte d’apporter son témoignage.

Rappelons en outre que la procédure de clémence ne donnera désormais lieu qu’à un tour

de contradictoire en droit français210.

B. Un accès au dossier restreint

La procédure de transaction 211 prive véritablement les entreprises qui y recourent d’un

accès véritable à leur dossier, et ce point a été fréquemment dénoncé à l’occasion de la

consultation publique ayant précédé l’adoption de la communication du 2 juillet 2008212.

À aucun moment la Commission ne communique en effet aux entreprises le dossier sur

lequel elle fonde ses charges. La communication de 2008 213 se contente d’énoncer que des

« informations seront communiquées en temps voulu, au fur et à mesure de l’avancement des

discussions en vue de parvenir à une transaction » 214.

208 Supra, no 39.

209 CJCE, 18 octobre 1989, Rec. p. 3283.

210 V. la procédure de transaction telle qu’introduite par la loi Macron du 6 juillet 2015, précitée

211 E. Paroche relève que la procédure d’engagements limite également l’accès au dossier puisque les entreprises se prononcent seulement sur la foi de préoccupations de concurrence exprimées par l’autorité de concurrence (sauf si les engagements interviennent post notification de griefs, comme l’autorise le droit européen), in Le règlement négocié en droit de la concurrence : avancée ou recul des droits fondamentaux des entreprises ? RDAE 2013/4, p. 743.

212 En tous les cas par les contributeurs français, cette procédure ayant soulevé moins de contestations dans les autres États.

213 Récemment modifiée, cf. supra.

214 Pt 15.

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Bien plus, la Commission subordonne le bénéfice de la transaction au fait que les

entreprises confirment qu’elles “n’envisagent pas de demander l’accès au dossier ou à être

entendues de nouveau, lors d’une audition orale” 215.

Les commentateurs expriment en général leurs plus extrêmes réserves 216 et doutent de la

compatibilité de la procédure avec les droits fondamentaux217.

§2. Les méfaits de la négociation sur la limitation du contrôle juridictionnel

Il est question ici du concept de la négociation alloué à ces procédures alternatives, si on se

focalise sur le terme « négociation », ce n’est nullement un synonyme du terme « chantage » :

Autrement dit les autorités de concurrence bien qu’elles ont à la fois le pouvoir de la régulation

et celui de la répression, mais elles n’ont guère le pouvoir d’imposer aux entreprises

contrevenantes de négocier avec elles, celles-ci sont absolument libres de choisir la procédure

ordinaire voire classique, mais c’est à leurs risques et périls.

En effet, les entreprises sont libres de recourir ou non à l’une ou l’autre des procédures

désormais mises à leur disposition218. Elles sont libres de dénoncer, libres de contester ou non les

griefs ou de reconnaître leur culpabilité, libres de prendre des engagements, et même de prendre

des engagements excédant la mesure de l’illicite.

Ces choix et renoncements sont le fruit du processus coopératif219. Il demeure que ce

volontarisme, cette liberté, que d’aucuns s’accordent à trouver pour partie factice compte tenu de

215 Pt 20 d) de la communication du 2 juillet 2010.

216 Pour exemple, V. Ledoux, et J.-C. Roda, Adoption par la Commission européenne d’une procédure de “transaction” en matière d’ententes, Contrats, conc., consom. août 2008, étude 10. V. aussi E. David, Les droits procéduraux des entreprises devant la Commission européenne en matière de cartels : Les débats sont-ils clos ? Concurrences no 1-2014, Art. no 62586.

217 Pour exemple, C. Grynfogel, fasc. précité, no 63.

218 CJCE, 14 juillet 2005, C-57/02 P, Acerinox, pt 89, et CJCE, 14 juillet 2005, ThyssenKrupp, aff. jtes C-65 et 73/02 P, pts 52-53, pour laquelle “la reconnaissance de l’infraction reprochée revêt un caractère purement volontaire de la part de l’entreprise concernée”. V. égal. CEDH, 20 juin 2002, Borghi c/ Italie, requête no 54767/00, pour laquelle : “le requérant a, de son plein gré, renoncé à tous ses moyens de pourvoi (...). Il est vrai que le choix du requérant (...) visait à obtenir un avantage sur le plan de la sanction qui aurait été infligée, à savoir l’application de la peine que l’accusé avait négociée avec le procureur général près la Cour de cassation. Cependant, aux yeux de la Cour, la possibilité d’obtenir d’éventuels bénéfices ne saurait entacher la liberté d’une personne accusée de renoncer à tout moyen d’appel ou de pourvoi (...). Le choix du requérant [doit] être considéré comme libre et volontaire”. Précisions que le litige était ici de nature pénale.

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l’alternative qui leur est offerte et du déséquilibre potentiel des forces en présence220, a un prix,

que l’on peut trouver excessif.

D’une part, le contrôle juridictionnel aura moins souvent l’occasion de s’exercer :

L’entreprise ayant volontairement adhéré à un mécanisme alternatif ou accessoire est

naturellement peu encline à remettre en cause son issue : les recours juridictionnels sont plus

rares (A). D’autre part, à supposer le juge de contrôle saisi, celui-ci tend à brider l’ampleur du

contrôle qu’il exerce au motif du caractère consensuel de ces procédures (B).

A. La marginalisation du contrôle juridictionnel

Le fait que les procédures négociées sont devenues la tendance en matière de «public

enforcement», ça a pesait sans doute sur le recours au juge, puisque celui-ci n’est devenue

qu’occasionnel.

En effet le consensualisme qui est à l’origine du fondement de ces procédures négociées a

laissé le contrôle juridictionnel « inadapté » 221

Cette marginalisation du recours au juge se constate tout d’abord dans le cadre de la

procédure d’engagements. Depuis son introduction en droit français, cette procédure rencontre

219 V. M. Mezaguer, Les procédures transactionnelles en droit antitrust de l’Union européenne, thèse Bruylant 2015, précitée, qui considère que “le renoncement est donc intimement lié à la volonté des justiciables et de ce fait (...) à la volonté coopérative”, p. 337.

220 Pour exemples, G. Muguet-Poullennec, pour laquelle : “(...) dès lors que la Commission dispose d’une grande marge d’appréciation pour constater des infractions et prononcer des amendes, l’alternative à la proposition d’engagements, c’est-à-dire l’imposition d’amende, est-elle toujours abandonnée de façon volontaire ?”, in La procédure d’engagements en droit de l’Union, à la recherche d’un juste équilibre entre efficacité administrative et protection des entreprises, RLC, 2010-25. Dans le même sens, D. M. B. Gérard, pour lequel il existe “une pression devenue quasi irrésistible sur les entreprises afin d’avoir recours aux différentes procédures négociées pour régler leurs différends concurrentiels” et qui considère qu’il n’existe, en particulier au niveau européen, pas d’alternative aux procédures négociées (article précité, p. 575). Mme V. Selinsky parle quant à elle de “contrats d’adhésion intervenant entre des partenaires de force inégale”, Procédures négociées et stratégies des entreprises, in Les Dossiers de la RIDE 2011, pp. 59-81. Contra, E. Paroche, article précité, pour lequel “les entreprises qui estiment être en mesure de réfuter les accusations de la Commission semblent continuer de privilégier la procédure contentieuse ordinaire aux procédures négociées”.

221 D. M. B. Gérard, Sanctions flexibles et droit économique (article précité) : “(...) le droit de la concurrence [est] en continuelle recherche à la fois d’un consensus méthodologique stable et d’un équilibre renouvelé entre un arsenal répressif plus étendu et un contrôle juridictionnel qui apparaît de plus en plus inadapté” (p. 559). M. Mezaguer parle quant à lui d’un contrôle “désorienté”, Les procédures transactionnelles en droit antitrust de l’Union européenne, article précité, p. 352.

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un incontestable succès puisque rien qu’en 2015, 56 décisions ont été rendues sur le fondement

de l’article L. 464-2, I du code de commerce222.

Or, si un recours juridictionnel contre ces décisions est recevable, y compris par des

tiers223, seule une infime minorité d’entre elles a fait l’objet d’un contrôle. En effet, seuls huit

recours ont été formés contre ces décisions si l’on inclut les décisions rendues en 2015224, soit un

taux de recours moyen d’environ 14 % 225.

Il est intéressant de comparer ce taux au taux de recours contre les décisions rendues

globalement par l’Autorité sur la même période. Si nos calculs sont exacts, sur la totalité des 397

décisions rendues entre janvier 2005 et août 2015, 133 recours ont été formés, soit un taux de

recours de 34 %. Bien plus, si l’on s’intéresse aux décisions rendues hors procédure

d’engagements, on obtient un taux de recours de 38 %, et ce taux passe à 59 % concernant les

décisions infligeant des sanctions pécuniaires.

C’est donc un incontestable constat de rareté des recours juridictionnels qui peut être

dressé dans le cadre de la procédure d’engagements si on la compare aux autres procédures226.

Cela ne surprend pas. Cette procédure est en effet l’archétype des procédures dites

“négociées”. L’issue du litige repose à l’évidence sur une participation active des entreprises

222 Ordonnance no 2004/1173 du 4 novembre 2004. Statistiques arrêtées au 31 août 2015. Depuis, une 57e décision d’engagement a été adoptée (décision no 15-D-14 du 10 septembre 2015, Produits de grande consommation en outre-mer).

223 V. affaire Alrosa, précitée, notes 46, 57, et 159. La société Alrosa, concurrente directe de la société De Beers et principale victime des engagements pris par celle-ci, ne s’est vu reconnaître que le statut de “tiers intéressé” par la Cour (pts 90 et 91 de l’arrêt).

224 Les recours jusqu’alors exercés et ayant abouti ont permis de préciser certains points importants, tels par exemple que la spécificité de la procédure d’engagements ne suppose aucun acte d’accusation (CA Paris 6 novembre 2007 et 6 octobre 2009, Cass. com., 4 novembre 2008), le fait que la décision d’engagement n’intervient pas pour satisfaire la demande d’une partie mais pour préserver l’ordre public économique (CA Paris, 16 octobre 2007, 6 octobre 2009 et 1er juin 2010), mais que la partie est en droit de faire un recours contre la décision (CA Paris, 16 octobre 2007, Bijourama, et CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9) et qu’elle dispose d’un droit d’accès aux éléments du dossier sur lesquels s’est fondé le rapporteur (Cass. com., 4 novembre 2008 et 2 février 2010 – 2 arrêts – ; CA Paris 6 octobre 2006 et 1er juin 2010).

225 13 % au 31 décembre 2014.

226 Nous avons vu par ailleurs que ces recours ne sont pas formés par les entreprises qui s’engagent, mais plutôt par les plaignants dont les revendications ne sont pas satisfaites (v. supra no 35) ou, plus rarement, par un tiers maltraité par les engagements souscrits (v. supra l’affaire Alrosa, affaire précitée 188 et infra pt 59).

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dont les pratiques sont examinées, via les engagements qu’elles proposent et sur la base desquels

la discussion intervient.

Dans ce contexte, il “est difficile pour les parties de contester une décision avec laquelle

elles ont marqué leur accord” 227.

Par ailleurs, l’acceptation de ces engagements aboutit à un non-lieu à poursuivre, ce qui

est évidemment favorable aux entreprises “inquiétées”. L’esprit de la procédure postule donc que

celles-ci ne forment pas de recours228.

Cette rareté des recours juridictionnels, pour compréhensible qu’elle soit, interpelle. À la

moindre qualité substantielle des décisions d’engagements s’ajoute une grande discrétion du juge

de contrôle.

Quant à la procédure européenne de transaction, de son côté, elle renforce encore ce trait.

En effet une partie de la doctrine a trouvé peut être la bonne formule en énonçant que “(…) la

décision de transaction peut faire l’objet d’un appel même si, en pratique, celui-ci est fort limité

puisque les entreprises à la transaction ont confirmé le respect des droits de la défense, reconnu

l’infraction, renoncé à l’accès au dossier et accepté la fourchette de l’amende. Les parties ne

peuvent donc faire appel que si la Commission n’a pas, dans sa décision finale, respecté les

termes de la transaction229.”

227 D. Waelbroeck, Le développement en Europe des solutions négociées (...), article précité. L’auteur rappelle par ailleurs qu’il existe un principe jurisprudentiel d’“estoppel” qui empêche une partie de revenir sur un point admis par elle (p. 14).

228 Les termes d’une étude thématique du Conseil de la concurrence consacrée aux “Sanctions, injonctions, engagements, transaction et clémence : les instruments de la mise en œuvre du droit de la concurrence” en 2005 méritent d’être reproduits. Le Conseil écrivait : “Sans doute, l’incorporation de ces décisions dans les décisions susceptibles de recours est-elle fortuite et résulte-t-elle d’un oubli du législateur. La philosophie de cette procédure est, en effet, d’échapper aux voies de recours, puisqu’il s’agit, non d’une décision au fond, mais d’une sorte de contrat librement consenti entre l’autorité de poursuite et l’entreprise poursuivie. Aucun recours n’a, à ce jour, été déposé contre les décisions du Conseil acceptant les engagements. On voit mal quel serait l’intérêt à agir des parties, puisque, s’agissant des entreprises à l’encontre desquelles pèsent des préoccupations de concurrence, elles ont elles-mêmes proposé les engagements et, s’agissant des entreprises plaignantes, leur point de vue est recueilli en cours de procédure” (p. 154). Notons que la possibilité pour la partie plaignante de former un recours contre la décision acceptant les engagements a cependant été confirmée par les juridictions de contrôle (v. supra Cass. com., 4 novembre 2008) et que l’Autorité a depuis abandonné la thèse de la nature contractuelle de la procédure (v. communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, pt 42).

229 V. aussi W. Wils, The use of settlements in public antitrust enforcement (…), article précité, qui considère que les différents renoncements des entreprises “affect their possibilities for successful judicial review”, Concurrences no 3-2008, Art. no 34939.

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Un recours est concevable dans le cadre d’une procédure hybride, et a d’ailleurs été

formé, mais le cas est unique230.

La procédure de non-contestation de griefs donc la transaction française, est également

riche d’enseignements, lesquels sont toutefois plus nuancés. Il apparaît que, lorsque toutes les

entreprises parties à la procédure renoncent à contester les griefs, les recours, longtemps

inexistants, tendent à se développer231.

En cas de procédures hybrides (ce qui correspond à la moitié des affaires traitées), on

constate que les recours sont très fréquents (près de 80 % des cas), mais que les entreprises qui

ont renoncé à contester les griefs ont longtemps tendu à se désolidariser des autres 232 ; cela est

moins vrai aujourd’hui. L’avenir dira si la loi Macron, qui tend à donner plus de prévisibilité aux

parties quant au quantum de la réduction susceptible d’être obtenue233, inversera cette tendance.

Par ailleurs et surtout, lorsqu’un recours existe, il ne peut porter que sur les éléments de

calcul de la sanction234.

Cette raréfaction et ce cantonnement des recours juridictionnels doivent-ils inquiéter ? Un

ancien juge au Tribunal de première instance des Communautés européennes souligne qu’il n’est

pas vrai “qu’un pourcentage élevé de saisines juridictionnelles soit le corrélat d’un haut niveau

de garanties pour les justiciables car il induit une part d’inefficacité croissante avec

l’encombrement et la routine” 235. Selon lui, “des solutions transactionnelles peuvent contribuer

à une redescente des flux contentieux au pourcentage optimal”.230 Arrêt du 20 mai 2015 (aff. T-456/10, Timab Industries et CFPR/Commission CFPR), arrêt précité, note 31 et 148.

231 Aucun recours n’avait été formé dans une telle configuration de 2003 à 2008. Un recours fut pour la première fois formé en 2009, et l’hypothèse devint alors plus fréquente (avec notamment trois cas sur quatre en 2014). Sur cette question, v. le rapport français présenté devant l’OCDE en 2009 (v. Experience with Direct Settlements in Cartels Cases : “(…) les entreprises n’ont en principe pas d’intérêt à former des recours en appel contre les décisions de non contestation. Cet avantage est loin d’être négligeable en considération des pouvoirs de la cour d’appel de CA Paris, qui est en mesure d’effectuer un réexamen complet des décisions du Conseil ». D’une façon générale, on constate depuis 2012 que des recours sont systématiquement exercés, quels que soient la configuration du contentieux et le type de décision adopté.

232 Au sens où elles renoncent pour leur part à former un recours.

233 Les parties négocieront en effet désormais non sur la base d’une fourchette de réduction, mais sur un chiffre exprimé en valeur absolue.

234 Pour un rappel de cette règle, v. CA Paris 10 octobre 2013, RG no 2012/07909 (sur déc. no12-D-10, affaire des croquettes). p. 38. La cour relève que, sous couvert de contester les éléments de la sanction, les entreprises tendent à remettre en cause la réalité des pratiques, “ce qu’elles ne sont pourtant pas désormais recevables à faire”. V aussi infra no 60.

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Il y met cependant une condition : que ceci prenne place dans des contextes “très cadrés” par

la jurisprudence, pour éviter que des difficultés nouvelles ou fondamentales soient réglées “à la

sauvette”.

Or, cette condition ne lui semble pas remplie dans le cadre des procédures accessoires. Le

cantonnement des recours juridictionnels peut donc priver de légitimité les solutions obtenues

par la voie “négociée”.

- Le cas de la procédure « négociée » algérienne :

En ce qui concerne le droit algérien, on peut soulever encore la particularité de la

procédure négociée algérienne, quant à la possibilité d’un recours judiciaire voire d’un contrôle

juridictionnel sur les décisions du conseil de la concurrence.

Une décision bénéfique pour les contrevenants dans le cadre d’une procédure négociée,

reste toujours une sanction entrant dans le même concept de la répression et non pas de la

régulation, puisque il n’y aucun processus quasi juridictionnel spécifique à cette procédure

négociée devant le conseil de la concurrence, comparé à celui des procédures négociées devant

des autorités communautaire et française de la concurrence (la commission et l’autorité française

de la concurrence).

En effet dans ce contexte rien n’empêche l’entreprise mise en cause de faire un recours

judiciaire, même étant bénéficiaire d’une sanction modérée au niveau du conseil de la

concurrence, parce que il ne s’agit guère d’une régulation autonome, restreinte et surtout

irréprochable de la part du conseil, tant que le droit algérien n’énonce aucun processus quasi

juridictionnel spécifique au traitement de la pratique anticoncurrentielle dans le cadre d’une

quelconque procédure négociée..

Cependant et dans ce même contexte , le contrôle juridictionnel susmentionné pose un

réel problème pour les praticiens du droit algérien, puisque celui-ci fait encore preuve

d’incohérence : le contrôle juridictionnel des décisions du conseil de la concurrence en matière

de pratiques anticoncurrentielles, relève exclusivement de la compétence de la cour de justice

d’Alger statuant en matière commerciale (la chambre commerciale) en vertu des dispositions de

l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée, précisément dans son article 63.

235 H. Legal, Le développement en Europe des procédures négociées (...) Que va-t-il rester aux juges ? (table ronde), article précité, p. 30.

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Or, c’est de toute évidence qu’en droit algérien le conseil de la concurrence représente

une institution publique nationale, et la loi organique n° 98-01 du 30 Mai 1998 relative aux

compétences, à l’organisation et au fonctionnement du conseil d’Etat, dans son article 9, attribue

exclusivement-en premier et dernier ressort- le contrôle des décisions règlementaires ou

individuelles émanant des institutions publiques nationales au conseil d’Etat.

D’emblée, le législateur algérien a négligé carrément le principe de la hiérarchie des

normes juridiques en stipulant les dispositions de l’article 63 de l’ordonnance 03-03 modifiée et

complétée relative à la concurrence, en effet la constitution algérienne exige que la loi organique

étant d’un rang supérieur dans la hiérarchie des normes ne soit modifiée que par une loi du même

rang donc une autre loi organique ultérieure, et le fait de constater que l’article 63 de l’

ordonnance n° 03-03 datée du 19 juillet 2003, modifiée par une loi ordinaire n°08-12 du 25 juin

2008, retirant une prérogative voire une compétence exclusive attribuée au conseil d’Etat par

l’article 9 d’une précédente loi organique n°98-01 du 30 mai 1998 , rend cette ordonnance

algérienne relative à la concurrence inconstitutionnelle dans l’adoption de son article 63.

Indéniablement, nous pensons que la loi de la concurrence algérienne devrait être

modifiée pour subvenir aux besoins de la conformité avec la constitution.

A cet égard il est à signaler qu’en droit algérien en matière de contrôle de conformité

avec la constitution, ce n’est que les lois organiques qui se font par obligation contrôler

préalablement par le conseil constitutionnel, ce qui explique la sortie de cette ordonnance non

conforme à la constitution.

Nonobstant cette flagrante négligence, il est à rappeler qu’il est toujours possible

d’assujettir cette ordonnance à un contrôle ultérieur236, mais dans ce cas il faut d’abord avoir la

qualité juridique pour pouvoir et surtout vouloir saisir le conseil constitutionnel, d’ici là

236 V. en ce sens la Constitution algérienne de 1996, JORADP N°76 du 8 décembre 1996, modifiée par la Loi n°02-03 du 10 avril 2002 JORADP N°25 du 14 avril 2002, la Loi n°08-19 du 15 novembre 2008 JORADP N°63 du 16 novembre 2008 et la Loi n° 16-01 du 6 mars 2016 JORADP n° 14 du 7 mars 2016, notamment l’Art. 188. Stipulant : «  Le Conseil constitutionnel peut être saisi d'une exception d'inconstitutionnalité sur renvoi de la Cour suprême ou du Conseil d'Etat, lorsque l'une des parties au procès soutient devant une juridiction que la disposition législative dont dépend l'issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.  Les conditions et les modalités de mise en œuvre de l'alinéa ci-dessus sont fixées par une loi organique » ainsi que l’Art. 191. Stipulant « Lorsque le Conseil constitutionnel juge qu'une disposition législative ou réglementaire est inconstitutionnelle, celle-ci perd tout effet du jour de la décision du Conseil. Lorsqu'une disposition législative est jugée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 188 ci-dessus, celle-ci perd tout effet à compter du jour fixé par la décision du Conseil constitutionnel.  »Les avis et décisions du Conseil constitutionnel sont définitifs. Ils s'imposent à l'ensemble des pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles.

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l’ordonnance algérienne de la concurrence reste non conforme à la constitution tant qu’elle

adopte encore les dispositions de son article 63.

Il est à signaler que la lecture de l’article 63 de l’ordonnance n° 03-03 modifiée et

complétée, manifeste également d’autres incertitudes :

En effet, le texte dispose que « Les décisions du conseil de la concurrence peuvent faire

l’objet d’un recours auprès de la cour d’Alger, statuant en matière commerciale, par les parties

concernées ou par le ministre chargé du commerce, dans un délai ne pouvant excéder un mois à

compter de la date de réception de la décision… », il apparait clairement qu’il n’y a aucune

détermination expresse concernant la nature du contrôle juridictionnel en question, ledit texte

apparait laconique, puisqu’il ne précise nullement s’il s’agit d’un simple contrôle de légalité ou

d’un recours de pleine juridiction avec un pouvoir plus large attribué au juge, celui-ci peut

notamment prononcer une sanction plus sévère ou au contraire plus indulgente237.

Alors que le texte français en la matière apparait plus expressif en disposant surtout qu’il

s’agit bien d’ « un recours en annulation ou en reformation devant la cour d’appel de Paris »238.

Or, dans l’absence de dispositions expresses dans le texte algérien, l’intéressé ayant la

qualité juridique peut introduire une action en plein juridiction devant la cours d’Alger (la

chambre commerciale), la question se pose incessamment sur le pouvoir d’expertise de celle-ci

qui fait certainement défaut239.

Dans le même contexte si l’article 48 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée

dispose que «  toute personne physique ou morale qui s’estime lésée par une pratique restrictive

telle que prévue par la présente ordonnance, peut saisir pour réparation la juridiction

compétente conformément à la législation en vigueur ».

Le cas échéant, la victime peut saisir le conseil de la concurrence pour statuer sur la prohibition

de la pratique commise par l’entreprise mise en cause et intenter en parallèle une action en

réparation du préjudice concurrentiel qu’elle a subit devant la juridiction compétente.

Mais l’incertitude se renforcera assurément au cas où l’entreprise mise en cause,

poursuivie et sanctionnée par le conseil de la concurrence, fait un recours devant la chambre

commerciale de la cour d’appel d’Alger, et celle-ci annule toute la sanction prononcée à son

237 M. GENTOT, Les autorités administratives indépendantes, Montchrestien, Paris, 1991, p. 95.

238 L. 464-8 du code de commerce français

239 R. ZOUAIMIA, Le droit de la concurrence, Maison d’édition Belkeise, 2012, p. 235.

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encontre : alors s’agissant d’une décision illégale émise par une institution publique nationale,

est-ce que cette entreprise peut-elle demander la réparation du préjudice causé par le conseil de

la concurrence ? et la cour d’Alger serait-elle compétente dans ce genre de recours ?

A cet égard, il est admissible de penser que si le conseil de la concurrence est mis en

cause du fait de ses décisions, le juge administratif récupère sa compétence en la matière :

En effet indéniablement, la compétence du juge judiciaire n’est qu’exceptionnelle et ça

ne concerne que les recours contre les décisions du conseil de la concurrence, et devant la disette

des textes algériens notamment en matière de recours en responsabilité , le conseil d’Etat peut

retrouver sa pleine compétence en statuant sur les recours en responsabilité mettant en cause le

conseil de la concurrence.

B. Les limites du contrôle juridictionnel

En termes de recours au juge, il est tout de même utile de mettre l’accent sur les

possibilités pour une entreprise de contester certaines sanctions et/ou certains engagements

qu’elle trouve excessifs, par rapport à l’apport qu’elle a fourni en adoptant l’une de ces

procédures.

La création des procédures négociées et sous la couverture de « négociation » a pu

imposer la restriction du rôle du juge en matière de respect de certains droits fondamentaux,

notamment ce qui relève de l’article 6 du CEDH, puisque les dispositions de celui-ci sont

inapplicables à la procédure de clémence240 et à la procédure d’engagements241.

En matière de clémence :

Le non-octroi d’immunité totale n’est nullement de la compétence du juge, puisqu’à cet

égard, le caractère partiellement contractuel de la procédure couvre le respect des droits

fondamentaux que le juge devait vérifier : ce qui aboutit à limiter le contrôle de ce dernier.

D’amblée, la procédure -par sa nature et son mécanisme- relève de la politique de concurrence

de plein droit, et encore en s’appuyant pour l’essentiel sur une négociation et ne relève pas du

contrôle de plein contentieux de la juridiction compétente242.

240 CA Paris, 24 avril 2007, JH Industrie et Malerba ;Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca06d09_portes.pdf.

241 CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9/GIE Les indépendants, Concurrences, 2008, n°1.

242 CA Paris, l’arrêt sur le cartel des aciers, s’agissant d’une clémence de second rang.

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Or le juge n’est pas tenu de vérifier la corrélation entre l’apport effectué par l’entreprise

et la réduction d’amende, son rôle est limité à ce qui touche la procédure proprement dite,

particulièrement aux respects des droits de la défense pour le reste tout se joue devant l’autorité

de la concurrence243.

En matière d’engagements : il est toujours possible de contester une décision

d’engagements non conforme aux espérances de l’entreprise concernée, de même pour le tiers

impliqué dans la même procédure244.

D’emblée, on est confronté à une sorte de dérision, puisque l’entreprise conteste son

propre engagement, voire l’engagement qu’elle s’est proposé !!

C’est suite à une proposition (en droit français) ou une offre (en droit communautaire),

faite de plein gré par l’entreprise concernée, que la procédure d’engagements intervienne, ça peut

se faire spontanément ou alors par suggestion des autorités de concurrence.

A cet égard l’entreprise concernée peut le plus simplement du monde refuser les

engagements suggérés par les autorités de concurrence, bien sûr ça peut aboutir à ouvrir la

procédure contentieuse.

Cependant le plaignant ne peut nullement contester le choix de l’autorité concernant

d’opter pour la procédure d’engagements au détriment de la procédure contentieuse, même s’il

estime qu’il y est une infraction.

On peut signaler que les préoccupations de concurrence exprimées par l’autorité de

concurrence sont loin d’être représentées comme un acte d’accusation, bien au contraire elles

permettent d’éviter les sanctions.

Il est évident que l’autorité dispose d’une grande liberté en la procédure par rapport à la

procédure contentieuse, limitant ainsi le rôle du juge en cette phase.

Or ce qui importe c’est les engagements pris par l’entreprise, qui sont sensés de répondre

aux préoccupations de concurrence, quant à l’autorité de concurrence, elle se contente de vérifier

le cheminement de ces engagements, et son effet direct sur la disparition des préoccupations de

concurrence, en ménageant les intérêts des tiers.

Cependant le rôle du juge se détermine sur deux points :

- Vérifier si l’entreprise n’offrait pas des engagements moins contraignants pour le même

résultat, s’agissant d’engagements négociés et non pas d’injonctions imposées245.

243 V. Selinsky, « Procédures négociées et stratégies des entreprises » in les dossiers de la RIDE, ed De Boeck et Larcier s.a., 2011. p.65.

244 TPICE, 11 juillet 2007, aff. T-170/06, Alrosa c/ Commission, op-cit245 CJUE, 29 juin 2010, Aff. C-441/07 P, Alrosa company Ltd c/ Commission européenne, pts 40 et s., Contrats Concurrence Consommation, 2010, n°10, comm, 234, G. Decocq.

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- Vérifier si ces engagements sont bel et bien crédibles, substantiels et vérifiables sans pour

autant d’en substituer de nouveaux246.

On peut à titre d’exemple ouvrir une brèche sur un arrêt récent du tribunal de l’Union

européenne qui date du 15 septembre 2016247 :

Le Tribunal de l’UE confirme la décision de la Commission de valider les engagements

de Thomson Reuters visant à remédier à son abus de position dominante sur le marché des flux

de données en temps réel consolidés.

Les « flux de données en temps réel consolidés » fournissent aux banques et aux

institutions financières des données de marché provenant de différentes sources. Les

établissements bancaires et financiers utilisent ces données dans de multiples applications et

programmes informatiques à des fins de transaction et de suivi.

Une enquête initiée par la Commission en 2009 a montré que Thomson Reuters, une

entreprise canadienne, occupait une position dominante sur le marché mondial des flux de

données en temps réel consolidés.

À cet égard, la Commission a considéré que les « codes d’instruments financiers » de

Thomson Reuters (codes alphanumériques courts développés pour identifier les valeurs

mobilières et le lieu où elles sont négociées – RIC) entraînaient d’importants obstacles pour les

clients qui souhaitaient changer de fournisseur.

Selon la Commission, Thomson Reuters interdisait à ses clients d’utiliser les RIC pour

retrouver des données dans des flux de données en temps réel consolidés proposés par d’autres

fournisseurs et empêchait les tiers ainsi que les fournisseurs concurrents d’élaborer et de tenir à

jour des tableaux de correspondance incorporant des RIC afin de permettre une interaction entre

les systèmes de ses clients et les flux de données en temps réel consolidés d’autres fournisseurs.

La Commission en a donc conclu à un abus de position dominante.

246 CA Paris, 23 fevrier 2010, Expedia/SNCF ;Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca09d06_fev2010.pdf.

247 Tribunal de l’Union européenne COMMUNIQUE DE PRESSE n° 100/16 Luxembourg, le 15 septembre 2016 Arrêt dans l'affaire T-76/14 Morningstar Inc./CommissionDisponible sur : http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=T-76/14

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Par une décision de 2012248 , la Commission a accepté les engagements proposés par

Thomson Reuters en vue de remédier à cet abus de position dominante. Thomson Reuters a

notamment proposé d’accorder à ses clients des licences pour leur permettre d’utiliser les RIC en

vue de rechercher des données dans les programmes de fournisseurs concurrents.

Thomson Reuters s’est également engagé à fournir les informations nécessaires pour

permettre à ses clients d’établir des correspondances entre les RIC et le système de codage des

fournisseurs concurrents en vue d’un changement de fournisseur.

Morningstar, un concurrent de Thomson Reuters qui propose des services de flux de

données en temps réel consolidés à des clients dans le monde entier, conteste la décision de la

Commission.

Selon Morningstar, les fournisseurs concurrents sont expressément exclus du bénéfice de

la licence et ne peuvent pas non plus traiter les RIC pour le compte d’un titulaire de licence.

Autrement dit, les fournisseurs concurrents resteraient dans l’incapacité de proposer un service

totalement comparable et concurrent. Morningstar demande donc au Tribunal de l’Union

européenne d’annuler la décision de la Commission.

Dans son arrêt de ce jour, le Tribunal relève tout d’abord que les engagements de

Thomson Reuters s’articulent, pour l’essentiel, autour des possibilités offertes aux clients de

changer de fournisseur, que ce soit par leurs propres moyens ou en collaborant avec un

développeur tiers.

Ceux-ci peuvent ainsi collaborer et s’assister mutuellement dans l’élaboration de tableaux

de correspondance par le biais des licences proposées par Thomson Reuters. La Commission a

ainsi estimé que Thomson Reuters ne devait pas nécessairement inclure ses concurrents dans les

termes des licences pour remédier à l’abus de position dominante.

Elle a en outre considéré à juste titre que le fait d’accorder aux concurrents de Thomson

Reuters l’accès aux RIC allait au-delà de ce qui était nécessaire pour répondre à ses

préoccupations en matière d’abus de position dominante.

248 Décision C(2012) 9635 de la Commission, du 20 décembre 2012, relative à une procédure d’application de

l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire COMP/D2/39.654 – Codes d’instruments financiers de

Reuters (RIC)).

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Par ailleurs, le Tribunal relève que Thomson Reuters a offert aux clients et aux

développeurs tiers la possibilité d’établir des tableaux de correspondance entre les codes RIC et

le système de symboles utilisé par le nouveau fournisseur, de sorte que les modifications à

apporter aux applications ne sont pas excessivement onéreuses.

Ces engagements permettent donc une réelle avancée pour les clients de Thomson

Reuters, puisque, en l’absence de la nécessité d’une modification profonde des applications

informatiques, ils n’ont pas à faire face à des coûts prohibitifs lors d’un changement éventuel de

fournisseur.

Le Tribunal conclut que les engagements proposés par Thomson Reuters ont été

correctement évalués comme étant de nature à dissiper les préoccupations de la Commission si

bien que celle-ci n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en acceptant ces

engagements.

En effet, dans le me contexte on peut soulever en outre, quelques points nous semblent

pourtant pouvoir être notés, que l’on peut rattacher à cette déclaration de principe émanant du

Tribunal de l’Union européenne : “(…) en présence d’une reconnaissance expresse, claire et

précise des faits par l’entreprise [de] la matérialité des faits qui lui étaient reprochés par la

Commission dans la communication des griefs, ces faits doivent (…) être considérés comme

établis” et l’entreprise n’est, “en principe, plus en mesure de les contester dans le cadre de la

procédure contentieuse devant le Tribunal” 249.

- Un contrôle limité en matière de clémence :

Il semble tout d’abord que la mise en œuvre de la procédure de clémence en France ne

fasse pas l’objet d’un contrôle de plein contentieux. En effet la Cour de cassation n’a pas encore

eu l’occasion de se prononcer sur la nature du contrôle exercé dans le cadre des procédures de

clémence250.

249 TPICE, 29 avril 2004, Tokai Carbon, aff. jtes T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, pt 108.

250 Si une décision accordant la clémence a donné lieu in fine à un pourvoi, l’arrêt rendu par la Cour de cassation ne traite pas de questions spécifiques à la clémence : Cass. com., 15 mars 2011, no 09-17.055, rendu dans l’affaire du contreplaqué. Un autre pourvoi est en cours dans l’affaire des farines. Par ailleurs, on sait que la Cour de cassation a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité concernant la politique de clémence : Cass. com., QPC 4 mars 2015, no 14-40.052

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C’est donc à la cour d’appel de Paris qu’il est revenu de fixer quelques règles, à travers

un arrêt célèbre (et contesté) rendu le 19 janvier 2010, dans l’affaire Négoce de produits

sidérurgiques.

Elle a posé “que l’utilisation de [la procédure de clémence], qui relève par nature et par

son mécanisme de la politique de la concurrence que le législateur a confiée à l’Autorité de la

concurrence (ADLC) repose pour l’essentiel sur une négociation et ne relève pas du contrôle de

plein contentieux devant la cour d’appel de Paris”.

L’entreprise est par exemple irrecevable à contester la façon dont l’Autorité a pris en

compte ses efforts concrets.

La cour d’appel de Paris se considère en revanche compétente pour apprécier la licéité de

l’accord de clémence au regard de l’article L. 464-2 ;

Or, elle a par ailleurs étroitement contrôlé l’existence et les conséquences du défaut de

coopération d’une partie dans l’affaire des lessives251.

En droit européen, le tribunal vérifie que la Commission a correctement pris en compte la

coopération des entreprises, eu égard au principe de proportionnalité et d’égalité de traitement.

- Un contrôle également restreint en matière d’engagement :

Le contrôle exercé sur les procédures d’engagement diligentées est également restreint.

En France, la cour d’appel de Paris vérifie que les préoccupations de concurrence ont été

identifiées252, que les engagements sont adéquats 253 et que l’Autorité en a bien apprécié la

portée 254 ; en revanche, elle se refuse à substituer de nouveaux engagements à ceux qui ont été

acceptés par l’Autorité255.

251 CA Paris, pôle 5 – ch. 5-7, 30 janvier 2014, RG no 2012/00732, pp. 42 et s. (rendu sur recours contre la décision no 11-D-17).

252 CA Paris, 16 octobre 2007, Bijourama c/ Festina.

253 CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9 c/ GIE Les indépendants. Pour une mise en exergue du contrôle de proportionnalité exercé, v. L. Idot, Les engagements, in Corriger, équilibrer, orienter (…), article précité.

254 CA Paris, 10 octobre 2013, RG no 2012/07999, rendu sur déc. 12-D-10 (affaire des croquettes), approuvée par Cass. com., 17 mars 2015, pourvois nos G 13-26.003, V 13-26.083 et F 13-26.185.

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En droit européen, la Cour de justice a fait valoir que le contrôle se limite à déterminer

« si l’appréciation à laquelle s’est livrée la Commission est manifestement erronée »256.

Par ailleurs, le juge ne contrôle pas véritablement la proportionnalité des engagements

pris et il n’a pas à vérifier que la Commission a pris en compte « les solutions moins

contraignantes » qui auraient pu être envisagées.

La Cour a en effet considéré que l’article 9 du règlement no 1/2003, qui fonde les

engagements, répond à une logique propre, différente de celle de l’article 7, qui fonde les

sanctions pécuniaires. Elle considère que « les caractéristiques spécifiques des mécanismes

prévus aux articles 7 et 9 du règlement no 1/2003 et les moyens d’action qu’offre ce règlement

en vertu de chacune de ces dispositions sont différents, ce qui implique que l’obligation

d’assurer le respect du principe de proportionnalité, qui incombe à la Commission, a une portée

et un contenu différents selon qu’elle est considérée dans le cadre de l’un ou de l’autre de ces

articles » 257.

Elle ajoute que « rien ne justifie que la mesure qui pourrait éventuellement être imposée

dans le cadre de l’article 7 du règlement no 1/2003 doive servir de référence aux fins de

l’appréciation de la portée des engagements acceptés en application de l’article 9 de ce

règlement et que tout ce qui va au-delà de ladite mesure doive être automatiquement considéré

comme non proportionné ».

Elle en conclut que « les entreprises qui offrent des engagements sur le fondement de

l’article 9 du règlement no 1/2003 acceptent sciemment que leurs concessions puissent aller au-

delà de ce que la Commission elle-même pourrait leur imposer dans une décision qu’elle

adopterait conformément à l’article 7 de ce règlement après un examen approfondi ».

À l’évidence, on peut douter de la conscience que peuvent avoir les parties de s’engager

au-delà du nécessaire.

255 CA Paris, 23 février 2010, Expedia SNCF. Cette restriction peut se comprendre : les engagements doivent par nature être proposés par les entreprises. Un engagement que la cour d’appel de Paris, à la demande du requérant, substituerait d’autorité aux engagements proposés par les entreprises et acceptés par l’Autorité s’apparenterait en réalité à des injonctions, ce qui changerait la nature de la procédure.

256 Arrêt Alrosa, CJUE, 29 juin 2010, aff. C-441/07, pt 42.

257 Arrêt Alrosa, CJUE, 29 juin 2010, aff. C-441/07, pt 38

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- La procédure de non-contestation des griefs :

En France, -c’est de même- réduisant aussi le contrôle du juge à la portion congrue

puisque les parties ne pourront contester devant la cour d’appel de Paris ni la matérialité des

faits, ni leur qualification juridique au regard des règles de concurrence, ni leur imputabilité. La

cour d’appel de Paris a fait savoir qu’une demande en ce sens serait considérée comme

irrecevable258.

Elle estime en effet qu’ « en choisissant de ne pas contester la réalité des griefs qui lui

ont été notifiés, l’entreprise renonce » à contester ces éléments259. On ignore encore si elle

acceptera de valider la position exprimée par l’Autorité dans son communiqué de procédure de

2012 selon laquelle les parties s’engagent également à ne pas contester la validité de la

notification des griefs. Le champ du contrôle est quoi qu’il en soit restreint, la cour n’ayant à

étudier que les arguments relatifs aux éléments de détermination de la sanction260.

- Le cas de la procédure négociée algérienne :

Quant à la procédure négociée algérienne, il n’y a tout de même pas lieu de comparaison par

rapport à la procédure française, rien n’empêche le contrôle juridictionnel concernant une

décision de sanction modérée, en revanche le fait de reconnaitre les griefs pèsera sans doute sur

l’aboutissement de l’action juridictionnelle, en effet puisque la cour de justice d’Alger (la

chambre commerciale) peut demander, voire ordonner la communication du dossier complet qui

couvre la procédure dite négociée adoptée par le conseil algérien.

Celui-ci n’aura aucune contrainte juridique à le faire bien au contraire il est obligé de

répondre positivement en vertu des règles du droit commun, le soucis du conseil algérien serait

plutôt de considérer les pièces émises par celui-ci comme des preuves construite par ses soins ,

258 En ce sens, CA Paris, 29 mars 2012, affaire de la signalisation routière verticale (la cour rejette comme irrecevable la contestation quant à l’imputabilité de la pratique à la société SES, laquelle avait renoncé à contester les griefs). V. aussi CA Paris, 10 octobre 2013, précité, et 25 septembre 2014, RG no 2013/05595 (sur déc. no13-D-03).

259 CA Paris, 25 septembre 2014, précité.

260 Ce n’est pas neutre. L’affaire de la signalisation routière, décision hybride, montre que les développements consacrés aux recours formés par les entreprises ayant contesté les griefs sont beaucoup plus longs que ceux consacrés aux entreprises y ayant renoncé.

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dès lors la perplexité règnera sur la recevabilité de ces preuves et donc sur le sort du potentiel

jugement.

Cependant, il est à reconnaitre que le conseil de la concurrence n’économisera pas

d’efforts pour prouver qu’il y a eu effectivement une pratique prohibée par la loi de la

concurrence. Bien évidemment, nous avons juste évoqué des hypothèses, puisque la matière

analysable fait défaut dans la pratique du conseil algérien.

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Chapitre 2. La mise à l’écart de la réparation du préjudice concurrentiel

Les actions civiles en réparation intentées par les victimes privées de pratiques

anticoncurrentielles constituent assurément l’une des modalités de mise en œuvre du droit de la

concurrence.

Cette mise en œuvre est bel et bien partagée par les actions des autorités de concurrence

donc les actions des autorités publiques.

Ces deux actions sont communément appelées aujourd’hui selon la terminologie anglaise,

de «private enforcement» et «public enforcement» .

D’emblée, c’est deux voies d’actions constituent deux contentieux radicalement

différents : d’une part le contentieux subjectif, donc le «private enforcement», vise la protection

des droits subjectifs des acteurs économiques tels que les entreprises concurrentes et les

consommateurs.

D’autre part le contentieux objectif donc le «public enforcement» qui de son côté –

notamment à travers les procédures négociées- a vocation à préserver le bon fonctionnement du

marché en sanctionnant les outrages au droit de la concurrence.

En effet la dénonciation d’un cartel et l’action en justice de la victime d’une pratique

anticoncurrentielle visent deux objectifs distincts : un objectif de sanction du comportement

anticoncurrentiel et un objectif de réparation du préjudice, à cet égard la clémence a un domaine

circonscrit à la sanction pouvant être prononcée par une autorité de concurrence, en revanche elle

ne peut avoir d’effet sur la fonction réparatrice du dommage causé aux opérateurs et particuliers.

Indéniablement, le «public enforcement» prônant et conquérant l’efficacité de ces

fameuses procédures négociées, primera sur le «private enforcement», servant ainsi à la mise en

écart de la réparation du préjudice concurrentiel.

Incessamment il sera tenté à travers ce chapitre, de soulever le problème lié à l’incidence

des procédures négociées sur ces actions privées sollicitant la réparation du préjudice causé par

des pratiques anticoncurrentielles, traitées dans le cadre de ces procédures.

En suivant une certaine logique, nous pensons que malgré toute l’avancée du «private

enforcement» , celui-ci est devancé par le «public enforcement» : autrement dit l’efficacité des

procédures négociées passe devant et/ou au détriment de la réparation du préjudice.

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Pour encadrer cette réflexion, il semblait nécessaire de faire d’abord le point sur le

renforcement de l’action privée ou le «private enforcement» (Section 1) et par la suite aborder le

cas de l’interaction entre les procédures négociées et les actions collectives (Section 2).

Section 1. Le renforcement du «private enforcement»

Il apparait primordial d’évoquer la réparation du préjudice concurrentiel, puisque dans un

temps normal l’action judiciaire qui vise cet objectif, présente une incidence contre les

contrevenants bénéficiaires des procédures négociées, puisqu’ils restent –juridiquement-

redevables aux victimes. Mais malheureusement ce n’est pas le cas.

Toutefois pour soulever l’interdépendance entre la réparation du préjudice causé par une

pratique anticoncurrentielle traitée –à bien- dans le cadre de l’une des procédures négociées et

l’efficacité d’une telle politique de concurrence qui s’appuie sur ces procédures, il fallait

d’abord mettre en évidence l’action en réparation du préjudice concurrentiel (§1) et suivre le

développement de cette action (§2) qui reste tout de même contraint par l’objectivité du droit de

la concurrence.

§ 1. Le «private enforcement» : Définition, objet et spécificité

Il semblait nécessaire de montrer et /ou de démontrer, que le recours au juge via une

action privée, est d’une importance primordiale pour arriver à l’efficacité de l’application du

droit de la concurrence.

En revanche, représentant le «public enforcement» dans sa version avenante voire

moderne, les procédures négociées tendent à avoir une suprême efficacité de l’application du

droit de la concurrence.

On n’est tout de même pas loin du chevauchement entre ce qui est du «public

enforcement» et ce qui est du «private enforcement», notamment en ce qui relève de leurs

différents objectifs : bien qu’en principe l’un complète l’autre.

Quoi qu’il en soit, nul ne peut nier l’interaction presque avouée entre les procédures

négociées et le «private enforcement» .

Nous avons choisi d’emprunter l’expression « private enfocement » plutôt que d’autres

expressions et/ou appellations, pour éviter quelconque perplexité et/ou confusion liée à

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l’utilisation de l’expression « action civile » puisqu’en droit français, ces termes sont réservés à

l’action de la victime d’une infraction pénale devant le juge répressif pour obtenir la réparation

de son préjudice. Il y a un risque de confusion.

Quant à l’expression «private enforcement» que nous trouvons d’ailleurs plus appropriée

puisqu’elle met l’accent sur une mise en œuvre du droit des pratiques anticoncurrentielles par les

victimes de ces pratiques.

Alors, le «private enforcement», en suivant une certaine logique vient pour combler le

«public enforcement» : puisqu’il touche là où l’action publique s’arrête : d’emblée il fallait

mettre le point sur ce concept de réparation de préjudice qui coexiste avec le «public

enforcement», notamment le cas échéant avec les procédures négociées : Il sera tenté de traiter

ce point de vue en déterminant la définition du «private enforcement», son objet et sa

spécificité.

A. La définition du «private enforcement» 

Le «private enforcement» n’est en réalité qu’une simple action civile intentée par les

victimes des pratiques anticoncurrentielles, afin d’obtenir un dédommagement du préjudice

qu’ils ont subi.

A cet égard, le «private enforcement», se compose de trois éléments spécifiques : une pratique

anticoncurrentielle source du préjudice concurrentiel, une action tendant à la réparation de ce

préjudice et enfin la protection d’un droit personnel par cette action.

En effet s’agissant d’une pratique anticoncurrentielle, L’action privée vise à réparer

un préjudice « concurrentiel ».

Le terme fait référence au droit antitrust ou droit des pratiques anticoncurrentielles.

Lorsqu’il sera question du droit de la concurrence, terme générique, il s’agira du droit des

pratiques anticoncurrentielles.

Le droit des pratiques restrictives261 est parallèle à notre étude mais n’y figure pas en tant

qu’objet d’étude. Les explications de cette étude à la marge du droit des pratiques restrictives de

concurrence tiennent au fait qu’il bénéficie en droits français d’un traitement spécifique et qu’il

concerne des pratiques commerciales précises correspondant à des enjeux professionnels262

261 Au sens des droits français et communautaire.262 En France, l’article L. 442-6 du Code de commerce prévoit une action en réparation spéciale pour ces pratiques. Il s’agit d’une procédure d’exception devant des juridictions spécialisées. Les exceptions les plus marquantes sont la

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Il est à rappeler que contrairement à son homologue français, le législateur algérien n’a

pas adopté la moindre distinction terminologique entre ce qui est restrictif et ce qui est

anticoncurrentiel : donc les pratiques anticoncurrentielles font partie des pratiques restrictives de

la concurrence, et ceci est loin du concept français dont les pratiques restrictives de la

concurrence représentent plutôt « le petit droit de la concurrence »263, évoquant souvent une

certaine équivoque quant à son admission comme un vrai droit de concurrence264.

Or, même s’il y est toujours question de concurrence, il s’agit moins de droit du marché

que d’un dérivé du droit de la concurrence déloyale. Il tend surtout à rétablir un équilibre entre

les partenaires commerciaux. Le droit des pratiques anticoncurrentielles recouvre quant à lui

deux infractions : les ententes et les abus de position dominante.

Par « action privée concurrentielle », nous entendons celle qui se fonde sur une violation

du droit des pratiques anticoncurrentielles. Pourtant, force est de constater que les débats portent

en France et en Europe sur les ententes et les abus de position dominante.

S’agissant aussi d’une action en réparation, Le «private enforcement» est une action

en réparation du préjudice concurrentiel.

Dans ce contexte il est à signaler qu’il s’agit d’une réparation intégrale L’article 3 de la

directive 2014/104/UE du parlement européen et du conseil du 26 novembre 2014, au nom du

droit à réparation intégrale, exclut fermement les dommages et intérêts extra compensatoires.

Le texte ne laisse rien au hasard puisqu’il vise : « les dommages et intérêts punitifs ou

multiples ou d’autres types de dommages et intérêts ».

En effet, l’expression «private enforcement» n’est pas claire. Ainsi, « [i]l faut préciser

ce que l’on entend par «private enforcement». Vise-t-on le contentieux entre entreprises ou les

possibilité pour le Ministre de l’économie d’agir à la place de la victime qui craint des représailles et la possibilité pour le juge de condamner le défendeur à une amende civile.

263 Par opposition au droit antitrust qui est l'un des fondements du droit communautaire et qui représente en quelque sorte « le grand droit de la concurrence  » désignant essentiellement le droit des pratiques anticoncurrentielles(ententes et abus de position dominante),le contrôle des concentrations ainsi que le contrôle des aides d'Etat,. La doctrine française rattache au droit de la concurrence le droit des pratiques restrictives de la concurrence et le droit de la concurrence déloyale, bâti essentiellement sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Ces derniers sont parfois qualifiés de « petit droit de la concurrence ».

264 Sur les pratiques restrictives de la concurrence : "Pour de multiples raisons, il est possible de considérer que ce titre IV (du code de commerce français) ne relève pas du droit de la concurrence au sens strict, mais d'un droit des relations commerciales, où l'interventionnisme étatique a été considérablement renforcé en 1996 et plus encore en 2001." L.IDOT, Les limites et le contrôle de la concurrence dans la perspective d'une harmonisation internationale, in: Revue internationale de droit comparé.Vol.54.n°2,Avril-Juin2002. p.377.

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actions éventuelles des consommateurs ? Vise-t-on uniquement le contentieux en réparation ou

l’ensemble des actions privées ? Si l’on raisonne sur le contentieux entre entreprises, le sous-

développement des actions privées n’est pas aussi évident qu’on l’affirme »265.

Dans ce cas, il est pertinent de s’intéresser au contentieux en réparation des

consommateurs, en incluant les PME, c’est-à-dire les entreprises ayant un pouvoir de marché.

Nous ne pensons pas qu’une distinction entre un «private enforcement» vertical, qui

concernerait seulement les consommateurs, et un «private enforcement» horizontal, qui

concernerait seulement les entreprises, soit pertinente sans définition de ces notions266.

Toutefois, le constat d’une difficulté à les concilier est certain.

Enfin le «private enforcement» reste un droit personnel, La conséquence d’un «private

enforcement» « réparateur », au sens de l’action en dommages et intérêts, est qu’il exclut

d’office les actions en nullité ou en cessation du préjudice concurrentiel, non pas juridiquement

mais pratiquement.

Le débat porte sur la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts, et même des

dommages et intérêts punitifs suite à une atteinte personnelle de la victime dans ses droits

protégés par la Loi. L’hypothèse de l’action en cessation est peu probable pour une raison de bon

sens.

La nature même des pratiques anticoncurrentielles exclut qu’un consommateur ou une entreprise

de petite taille en est connaissance, même si elle est plus à même de s’en rendre compte que le

consommateur. Mais la peur de représailles de la part d’un partenaire commercial dissuadera la

PME d’agir en cessation de l’illicite.

Quant à la nullité, elle n’est pas ce que recherche le consommateur ou l’entreprise en

premier lieu ; elle est au mieux un accessoire de l’action en réparation du préjudice

concurrentiel. La nature privée du préjudice concurrentiel explique la division fondamentale

entre l’action privée et l’action publique, la protection de l’intérêt privé et la protection de

l’intérêt général.

265 L. IDOT, op.cit., note 274, p. 21.

266 Antoine MASSON, « « «private enforcement» » vertical et horizontal : les difficultés d’une conciliation », RLC 2006/7, p. 79.

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En somme, le droit à l’action privée concurrentielle est le droit à une action en réparation

pour des consommateurs ou des entreprises dans l’objectif d’obtenir la réparation d’un préjudice

résultant d’une pratique anticoncurrentielle, en tant que violation d’un droit personnel.

B. L’objet du «private enforcement»

Indéniablement, l’objet du «private enforcement» est la réparation d’un préjudice

collectif et consumériste résultant d’une violation du droit antitrust

D’emblée cet objet reste le même dans ce qui relève du droit algérien et ce qui relève des

droits communautaire et français, mais il est à rappeler que la procédure algérienne est restée

statique, dans le cadre du droit commun il n’y a pas vraiment une croissance textuelle voire une

legifération de textes distinguant le contentieux concurrentiel d’autres contentieux, par rapport à

l’histoire d’avènement et de renforcement du «private enforcement» en droit communautaire,

qui se répercute incessamment sur les droits nationaux des Etat membres de l’union européenne

notamment le droit français.

En effet Il faut reconnaitre que dans l’union européenne, la régulation de la concurrence

est principalement assurée par les autorités publiques et le nombre d’actions civiles fondées sur

le droit de la concurrence est relativement faible267.

Or, le développement du private enfocement a pour origine la consécration du droit à

réparation par la cour de justice268.

Le droit à obtenir réparation a été reconnu aux victimes de pratiques anticoncurrentielles

par la jurisprudence de la cour en dehors de toute mention expresse dans les traités.

En effet le droit à réparation n’a pas échappé à la construction jurisprudentielle

audacieuse269 entreprise par la cour afin de combler l’insuffisance des dispositions du droit

primaire à assurer la protection des individus.

Reconnaissant le rôle essentiel que peuvent jouer les individus dans la mise en œuvre du

droit de la concurrence, alors qu’elle a longtemps compté uniquement sur les actions publiques 267 Seulement 10% des actions sont civiles, alors que 90% sont des actions engagées par les autorités publiques, selon le Rapport Ashurst, study on the conditions of claims for dommages in case of infringment of EC competition rules, 2004 (site de la commission)

268 CJCE, 20 sept. 2001, Courage c/ Crehan, aff. C-453/99.269 D. SIMON, « La légitimité du juge communautaire », in Sénat, l’office du juge, colloque, Palais du Luxembourg, 29 et 30 sept. 2006.

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pour assurer le respect au droit de la concurrence et la diffusion d’une véritable (culture

commune de la concurrence en Europe270), la commission a multiplier les initiatives afin d’inciter

les victimes des pratiques anticoncurrentielles à saisir le juge national pour obtenir réparation de

leur préjudice.

D’ailleurs, la commission avait proposé d’élargir les pouvoirs du juge en prévoyant une

obligation de divulgation271.

Dans ce contexte, le règlement 1/2003 du 16 décembre 2002 confère tout d’abord aux

juridictions nationales la fonction d’assurer la réparation des victimes d’infractions par l’octroi

de dommages et intérêts272, mais plusieurs contraintes notamment la lenteur et la lourdeur de la

procédure et encore le cout qui l’entoure n’ont pas laissé justement cette voie aller de l’avant273 ;

Chose qui a poussé la commission à publier en 2005 un livre vert274 qui sera suivi en 2008 par

un livre blanc275 sur les actions en dommages et intérêts pour infractions aux règles

communautaires sur les ententes et abus de position dominante : la commission à travers ses

livres en couleurs plus ou moins significatives voulait identifier les principales difficultés

rencontrés dans toute action en réparation et propose un certain nombre de solutions plus ou

moins ambitieuses.

Mais plus récemment les incitations européenne au développement du «private

enforcement» ont connu une importante relancée ; d’une part la commission a montré l’exemple

en 2012 en saisissant elle-même le tribunal de Bruxelles afin d’obtenir réparation du préjudice de

l’Union à la suite du cartel des ascenseurs276

270 Comm. CE, communication de la commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence, 2004/ C 101/03, p. 1.

271 D. FASQUELLE, livre vert de la commission sur les actions en dommages et interets pour infraction aux regles communautaires sur les ententes et abus de position dominante, Rev. Dr. Conc., 2006. 33.

272 Règlement (CE) n° 1/2003 du conseil du 16 déc. 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, art. 6.

273 C. PRIETO, D. BOSCO, droit européen de la concurrence. Ententes et abus de position dominante, Bruylant, Manuel, 2013, p. 1406.274 Comm. CE, Livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante, COM (2005) 672 final, 19 dec. 2005.

275 Comm. CE, Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante, COM (2008) 165 final, 2 avr. 2008.276 CJUE, 6 nov. 2012, Europese Gemeenschop c/ Otis, aff. C-199/11. Précision sur le contexte de cet arrêt : la cour avait été saisie car les entreprises défenderesses à l’action de la commission contestaient la capacité de celle-ci à assurer la représentation de l’union et invoquaient une violation des droits fondamentaux puisque la Commission était à l’origine de la décision interdisant le cartel. La cour va débouter les entreprises défenderesses sur les deux points.

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D’autre part la commission a dévoilé le 11 juin 2013 son « paquet «private

enforcement» » portant cinq documents dont la commission a tenté de dépasser les principaux

obstacles à l’action en réparation afin de rendre effectif l’accès à la justice des victimes des

pratiques anticoncurrentielles, pour arriver finalement à la directive 2014/104/UE du parlement

européen et du conseil du 26 novembre 2014,relative à certaines règles régissant les actions en

dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la

concurrence des Etats membres et de l’Union européenne,

Ces actions relevaient jusqu’alors des règles nationales de la responsabilité civile, sous

réserve des principes d’équivalence et d’effectivité. La directive bouscule cette autonomie des

droits nationaux, une partie importante des règles applicables à la matière étant appelée à être

harmonisée.

En effet d’un préjudice collectif à un préjudice consumériste, la caractéristique de l’action

privée ou du «private enforcement» tient dans le préjudice collectif et consumériste qu’elle

répare ; elle détermine la nature du litige et les modalités de réparation. Il s’agit d’un dommage

de masse277. Il apparaît évident que toute action privée en droit de la concurrence ne trouve pas sa

source dans un dommage concurrentiel de masse.

Par conséquent des concurrents peuvent agir par la voie privée de la cessation, de la

nullité, de la réparation ou de la transaction, à titre individuel. Leur action est alors une action

individuelle classique devant les tribunaux.

Aucun problème particulier ne se pose, même si dans le cadre de la réparation,

l’évaluation du préjudice concurrentiel est un problème tant dans l’action individuelle que dans

l’action collective278.

L’entreprise n’est pas la première victime à laquelle on pense à l’évocation du préjudice

de masse.

277 Anne GUÉGAN-LÉCUYER, Dommages de masse et responsabilité civile, Préf. P. JOURDAIN, Thèse, Paris, LGDJ, 2006 ; Nicolas DORANDEU, Le dommage concurrentiel, Préf. Y. SERRA, Thèse, PUP, 2000

278 Daniel FASQUELLE, « La réparation des dommages causés par les pratiques anticoncurrentielles », RTD Com. 1998.778 : « On sait qu’en matière de concurrence déloyale la tendance de la jurisprudence est de déduire le dommage de l’existence de la faute. Il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit des dommages causés par les pratiques anticoncurrentielles, l’objectif principal du juge étant alors de réparer le préjudice et non de sanctionner l’auteur de la pratique anticoncurrentielle ».

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Le consommateur est un destinataire plus naturel de l’expression dans les sociétés

modernes qui connaissent une consommation de masse279. La concurrence agit sur les produits

consommés par la population. L’élément le plus palpable porte sur le prix du produit mais aussi

sur sa qualité.

En cas de pratique anticoncurrentielle, l’impact sur le consommateur n’est pas théorique.

Le consommateur présent sur le marché pertinent représente alors une infime partie des victimes.

Par conséquent, les pratiques anticoncurrentielles génèrent, elles aussi, des dommages de masse.

Le dommage de masse se définit comme l’« atteinte aux personnes, aux biens et au

milieu naturel qui touchent un grand nombre de victimes à l’occasion d’un fait dommageable

unique, ce dernier pouvant consister en un ensemble de faits dommageables ayant une origine

unique »280.

Face aux dommages de masse, le regroupement des victimes, que nous qualifions de

collectivisation du préjudice, devient indispensable pour assurer l’effectivité de la réparation.

Comme le droit de l’environnement, le droit de la concurrence est aussi concerné par le

phénomène de collectivisation du préjudice281.

La théorie de l’action en justice, élaborée sur un modèle individualiste, doit s’adapter à

ce changement282.

Le recours collectif semble la meilleure adaptation de l’action en justice ; il « (...)

constitue une réponse judiciaire et économique aux nouveaux modes de production et aux

nouvelles forces de relation entre les acteurs sociaux »283.

279 Mauro CAPPELLETTI, « La protection d’intérêts collectifs et de groupe dans le procès civil (Métamorphoses de la procédure civile », (1975) 27/3 R.I.D.C. 571-597 à la p. 572 ; Yves CHAPUT, op.cit. note 209, p. 170 : « On comprend très bien que, pour les consommateurs, il y ait des préjudices de masse. Mais, s’agissant des PME et des actions qui pourraient être menées en matière de concurrence pour la réparation des préjudices, je le vois moins nettement que pour les consommateurs ».

280 A. GUÉGAN-LÉCUYER, op.cit., note 274, n° 428

281 Valérie LASSERRE-KIESOW, « La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles », Dalloz. 2007.2116, au par. 3282 Roger PERROT, « L’action en justice des syndicats professionnels, des associations et des ordres professionnels », dans Annales Universitatis Scientiarum Budapestinensis de Rolando Eötvös Nominatae. Sectio juridica, X Badapest, 1969, pp. 99-106 cité par M. CARPELLETTI, op.cit., note 276, p. 571, l’auteur parle quant à lui de « révolution ».283 Pierre-Claude LAFOND, « Le recours collectif : entre la commodité procédurale et la justice sociale », (1998-99) 29 R.D.U.S. 4-35 à la p. 3, [en ligne], < http://www.usherbrooke.ca/droit/fileadmin/sites/droit/documents/RDUS/volume_29/29-12-lafond.pdf>.

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Au dommage de masse répond le recours collectif. Mais l’action privée ne peut pas être

résumée au recours collectif. Si l’objet de l’action privée est le préjudice de masse que nous

rebaptisons « préjudice collectif », terme plus proche des problématiques de consommation en

droit de la concurrence284, le recours collectif n’est qu’une modalité d’exercice de cette action.

Le caractère collectif du préjudice concurrentiel indique une seule chose : l’aspect

consumériste du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles.

En effet, contrairement à la concurrence déloyale, le droit des pratiques anticoncurrentielles n’est

pas réservé aux seules entreprises comme les PME285, le consommateur peut aussi en bénéficier

dans une action en réparation de son préjudice dans la mesure où la violation du droit des

pratiques anticoncurrentielles est une faute civile286.

À ce titre, la protection que peut trouver le consommateur dans le droit des pratiques

anticoncurrentielles, n’est qu’une conséquence, bonne, mais secondaire du but essentiellement

poursuivi par ce droit, à savoir l’organisation du marché287.

Toutefois, la notion de consommateurs est ambiguë : si on s’accentue sur la notion de

consommateur dans le recours privé en droit des pratiques anticoncurrentielles, le terme de

consommateur est synonyme d’acheteur. Il existe deux types d’acheteurs : l’acheteur direct et

l’acheteur indirect. Il s’agit de présenter cette typologie de victimes.

L’acheteur direct a contracté sans intermédiaires avec les membres d’un cartel ou avec

l’auteur d’un abus de position dominante. L’acheteur indirect s’est procuré un bien ou un service

284 Les expressions utilisées autour du recours collectif et du droit de la concurrence en lien avec le consommateur sont souvent : « intérêt collectif du consommateur », « action collective », « défense collective », le terme même de « recours collectif » témoigne d’une filiation terminologique. En droit français, on parle d’ « action de groupe » et non d’ « action de masse » pour parler du recours collectif. Seul le droit américain connaît l’expression « mass action ». Ainsi, dans un souci d’homogénéité du vocabulaire et de cohérence nous qualifions de « collectif » le préjudice de masse en droit de la concurrence s’agissant d’un préjudice affectant les consommateurs.

285 Catherine PRIETO, dans J.-P. DELEVOYE (dir.), Les PME face au droit de la concurrence, Chambre de commerce de Paris, colloque du 22 juin 2011, RLC 2011/29. note 209, p. 170 : « L’intérêt stratégique du droit des pratiques anticoncurrentielles pour les PME est resté jusqu’à présent dans l’ombre, à la différence du droit de la concurrence déloyale » .

286 Sur la distinction entre la concurrence déloyale et le droit des pratiques anticoncurrentielles, v. Laetitia DRIGUEZ, Droit social et droit de la concurrence, Préf. L. IDOT, Thèse, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 13 : « Le droit de la concurrence doit enfin être distingué du droit de la concurrence déloyale qui apprécie la loyauté des rapports entre concurrents sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. » L’auteur poursuit en affirmant qu’il s’agit d’un « contentieux subjectif visant la réparation d’un préjudice personnel ». Paul ROUBIER, Le droit de la propriété industrielle, Tome 1, p. 184 ; André BERTRAND, Le droit français de la concurrence déloyale, CEDAT, 1998, p. 10 et 11.287 Luc BIHL, « La défense de la liberté de la concurrence par les consommateurs », dans Y. SERRA et J. CALAIS-AULOIS (dir.), Concurrence et consommation, Paris, Dalloz, 1994, p. 31.

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objet d’une pratique anticoncurrentielle par l’intermédiaire un distributeur du produit objet de la

pratique ou du produit transformé contenant le produit objet de la pratique288. Ces deux types de

consommateurs sont-ils différents ?289

La situation témoigne d’une difficulté dans la définition des bénéficiaires de l’action

privée. Sans prétendre proposer une définition précise du consommateur et de l’entreprise, le

terme de « consommateur » au sens du droit de la consommation évoque l’acheteur indirect

tandis que le mot « entreprise » fait spontanément penser à l’acheteur direct.

Mais l’entreprise qui se procure un bien pour le transformer n’est-elle pas consommatrice

au sens large ? Elle n’est certes pas le consommateur du droit de la consommation, c’est à dire

celui qui se procure un bien à des fins autres que professionnelles290.

L’expression de « consommateur » prête à confusion291. D’autant que la situation de

l’entreprise et du consommateur diffère en matière d’action privée. Il ne faut donc pas les

confondre.

La réponse aux difficultés rencontrées dans l’exercice de l’action privée ne peut être

exactement la même pour ces deux acteurs du marché. En effet, la question de la collectivisation

du contentieux privé en droit de la concurrence ne concerne que les consommateurs. De son côté,

l’entreprise, surtout si elle est d’une taille importante, agira seule en justice.

De plus, le recours au juge revête un aspect stratégique pour une entreprise dans la

mesure où cette action peut entrainer des représailles sur le marché ou influer sur son image

auprès de futurs clients.

288 Daniel BELLEAU et Violette LEBLANC, « Concurrence : mode d’emploi », Développements récents en matière de recours collectifs, Service de la formation continue du Barreau du Québec, 2012, Droit civil en ligne (DCL), EYB2012DEV1838.

289 Marie-Stéphane PAYET, Droit de la concurrence et droit de la consommation, Préf. Paris, Dalloz, 2001, p. 44, au par. 30.

290 Sur la définition du consommateur, V. l’art. 3 de la loi algérienne n° 09-03 du 25 fév. 2009, relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes, l’avis du Conseil National de la consommation, Paris, le 4 décembre 2012, sur l’introduction d’une action de groupe en France, p. 2, 1°), [en ligne] : <http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cnc/avis/2012/Avis_action_groupe0412201 2.pdf> et l’article préliminaire du code de la consommation.

291 La loi Hamon a introduit la limitation de l’action de groupe aux personnes physiques elle n’apparait pas expressément mais se déduit facilement par la définition de la notion de consommateur donnée par cette loi, V. l’Article préliminaire dans le code de la consommation, introduit par la loi n° 2014-344, 17 mars 2014, art. 3

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Les particularités de la PME dans l’action privée. La distinction entre l’entreprise de

taille importante et la PME doit se faire en matière d’action privée. Il ne faut pas confondre le

consommateur de masse, l’entreprise, et la masse des consommateurs.

La PME se trouve dans la même position que le consommateur ; elle manque de

connaissance juridique et dispose d’une faible capacité financière292 pour lancer une action en

justice. Par ailleurs, la PME peut craindre des représailles de la part d’enseignes plus puissantes

sur le marché293.

Comme le consommateur, elle gagnerait à mutualiser les coûts de l’action et l’union la

protègerait des représailles294.

En somme la perplexité de la situation des PME dans ce contexte demeure un sujet à

débattre.

C. La spécificité du «private enforcement» 

En termes de réparation de préjudices concurrentiels, Il est toujours admissible d’ester en

justice l’entreprise mise en cause que ce soit par les consommateurs, les clients, les concurrents,

ou autres.

A cet égard la procédure négociée n’exclut nullement, la responsabilité civile voire,

l’action civile : celle-ci se fait traditionnellement aux niveaux des juridictions compétentes (les

tribunaux de commerce) en vertu des règles du droit commun295.

292 Rainer BECKER, dans J.-P. DELEVOYE (dir.), Les PME face au droit de la concurrence, op.cit. note 209, p. 169 : « Les toutes petites entreprises n’ont simplement aucune chance, étant donné les coûts assez complexes d’une action en droit de la concurrence ». L’expert rajoute : « Lorsque l’on s’intéresse aux différents groupes de victimes, ce sont incontestablement le groupe des PME, ainsi que celui des consommateurs finals, qui sont les moins protégés ». Rainer Becker est Policy officer, «private enforcement», à la DG concurrence de la Commission européenne. 293 Jacqueline RIFFAUT-SILK, dans J.-P. DELEVOYE (dir.), Les PME face au droit de la concurrence, op.cit. note 209, p. 174 : « (...) les PME se trouvent dans une situation tout à fait différente de celle des consommateurs. Elles, elles ont à craindre d’une action en justice et des représailles qui peuvent s’ensuivre, tel un déréférencement qui les condamnerait à mort, tout simplement ».

294 R. BECKER, op.cit., note 289, p. 169 : « La meilleure protection contre les représailles est encore de se regrouper (...) ».

295 A cet égard il est à signaler qu’on droit algérien, il n’y a pas de tribunaux spécialisés notamment le tribunal commercial, mais il est question plutôt de sections qui font partie du même tribunal «  ordinaire », il est usuel alors de parler de tribunal, civil portant toutes les sections afférentes, civile, commerciale, foncière … etc. en pratique étant consommateur donc non-professionnel on peut dans le cadre de la réparation du préjudice concurrentiel, ester le contrevenant en justice que ce soit devant la section commerciale ou la section civile, or on a tendance à le faire devant la section commerciale, puisqu’en terme pécuniaire les décisions de celle-ci sont plus intéressante.

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La corrélation entre la culpabilité confirmée avec des éléments probants, et l’immunité

totale ou partielle d’amende dans une procédure négociée, en principe ne fait qu’empirer la

situation de l’entreprise en cause devant la juridiction compétente.

Mais en réalité et pour des raisons de politique de concurrence, ce type d’actions -ayant

comme objectif de réparer le préjudice issu des pratiques anticoncurrentielles- se voit souvent

heurter à certaines limites d’ordre technique :

En matière de clémence où la culpabilité est bel et bien établie sans l’ombre d’un doute,

la jurisprudence communautaire s’est accentuée sur l’accès aux recours privés y afférents au

détriment de l’assurance de la bonne fin des programmes de clémence, sans pour autant pouvoir

utiliser le dossier de ladite procédure contre l’entreprise mise en cause296.

Donc il s’agit bien d’une certaine protection –accordée au demandeur de clémence-, qui

intervienne dès que la divulgation est ordonnée par la juridiction compétente, tant qu’avant

qu’après l’adoption d’une décision par l’autorité de concurrence, ce qui implique son application

que la demande de clémence soit acceptée, rejetée ou ne donne lieu à aucune décision de la part

de l'autorité de concurrence.

D’emblée, l’octroi d’une immunité via une procédure de clémence, n’exclut nullement

d’éventuelles actions en responsabilité civile engagées par les victimes du cartel, du moment où

les droits communautaire et français le confirment respectivement dans la communication de

2006297 et le communiqué de procédure de 2009298.

Eloignant ainsi tout effet de surprise à l’avenir.

D’ailleurs c’est la raison pour laquelle, l’entreprise qui pend l’initiative de dénoncer, devait avoir

certainement sa petite idée sur le coût éventuel de ces actions civiles.

Il faut signaler que l’introduction des actions en groupe « les class actions » en France299

avec tout ce qui implique, ne facilite pas vraiment la tâche pour les entreprises qui veulent

296 Communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant de 2006, précitée, points 32 à 34 et point 47 des notes explicatives du programme modèle du REC en matière de clémence, précité. Le DOJ assure au délateur d’une part le de-trebling (non plus le paiement des « triples dommages », mais seulement celui relatif aux dommages simples) et d’autre part la non-solidarité du paiement avec les autres membres du cartel.

297 Le fait qu’une entreprise bénéficie d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la protège pas des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article 81. »

298 Dans son point 47 « l’exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires accordée par l’autorité à une entreprise ne la protège pas des conséquences civiles qui peuvent résulter de sa participation à une infraction à l’article L. 420-1 du code de commerce et/ou à l’article 81 du traité CE ».

299 Avis du 21 septembre 2006 relatif à l’introduction de l’action de groupe en matière de pratiques anticoncurrentielles », RTD com. 2007, p. 40, obs. E. Claudel.

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prendre l’initiative de la dénonciation, à titre d’exemple on peut imaginer l’obtention de la

réparation d’une hausse des prix favorisée par une entente sollicitée par des consommateurs et

des associations de consommateurs !! Qui va sans doute bafouer tout bilan du genre

coût/avantage établi préalablement par une entreprise tentatrice de dénoncer un cartel.

Il faut reconnaitre tout de même que malgré l’efficacité quasi absolue de cette fameuse

procédure de clémence en matière de découverte des ententes les plus graves, mais la probabilité

que les documents et informations –soumis aux autorités de concurrence- tombent à la portée des

victimes de ces dites ententes, n’est guère nulle.

Or la commission et les autorités de la concurrence bien que convaincues voire

solliciteuses de la vertu de la croissance des actions privées en réparation, mais elles font en sorte

quand même d’adopter certaines méthodes pour maintenir la confidentialité de toute divulgation

dans le cadre d’une clémence et donc amortir les risques d’utilisations y afférents300 : entre autres

l’acceptation des déclarations à caractère oral des entreprises mises en cause, pour s’échapper

d’y parvenir par les tiers intéressés.

A cet égard la communication européenne de 2006 laisse même le choix aux entreprises

délatrices de donner leur aval quant à la consultation des documents fournis de leurs parts, par

les solliciteurs de réparation.

D’emblée la cour de justice européenne était influencée par la position du juge

américain301 en s’accentuant sur son arrêt du 14 juin 2011 où une entreprise allemande

« Pfleiderer » qui achetait des papiers de décoration a déclenché une action privée en dommages

et intérêts contre les membres d’un cartel.

Ce cartel était condamné pour entente anticoncurrentielle par l’autorité de concurrence

allemande, celle-ci a refusé la demande d’accès aux documents déposés à son niveau, c’est la

raison pour laquelle Pfleider s’est dirigé vers le juge.

C’est ainsi que le tribunal de Bonn a demandé l’avis de la CJUE par le biais d’une

question préjudicielle : pour arriver à répondre sur l’étendu de l’obligation de coopération loyale

entre les institutions européennes et nationales aux titre des articles 11 et 12 du règlement n°

1/2003 notamment en matière d’échanges d’informations entre la commission et les ANC, et son

300 M. Chagny, « L’articulation entre actions privées et actions publiques », Lamy concurrence, 11 Juin 2008, pp. 2,3.

301 Dans l’affaire du cartel des vitamines aux Etats-Unis où les victimes ont été doté du droit d’introduire une action privée fondée sur les déclarations extraites dans le cadre d’une procédure de clémence devant la commission européenne, le juge a même ordonné la divulgation de documents et informations aux plaignants étrangers sous leur demande : faisant clairement en sorte de favoriser les intérêts privés au détriment des intérêts publics . Vitamines Antitrust Litigation, Misc. No. 99-197(D. D. C. Sept 17, 2002)

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impact sur la divulgation des documents recueillis dans le cadre des programmes de clémence

aux tiers intéressés et/ou concernés.

La CJUE a rappelé que ni la communication de 2006 sur le programme de clémence, ni la

communication relative au REC, ne s’opposaient sur la question, de même les arrêts Courage et

Monfredi et leurs influence en matière de réparation de préjudices.

Pour enfin mettre le point au rôle des juridictions nationales de procéder à un certain

équilibre des intérêts des plaignants d’un côté et des demandeurs d’un autre côté et ce cas par cas

tout en respectant le droit de l’union.

Or l’arrêt du tribunal de Bonn302. après avoir obtenu la réponse de la CJUE, a approuvé voire a

validé le refus d’accès aux documents remis à l’autorité allemande de la concurrence dans le

cadre de la procédure de clémence : à travers ce refus il s’avère clair que le juge allemand s’est

appuyé sur la menace qu’encourt la répression des infractions au droit de la concurrence

notamment le risque de perdre l’attractivité des programmes de clémence, constituant à lui seul

un motif légitime de ce même refus.

En revanche, il est à signaler que le législateur autrichien à travers son code de procédure

civile n’exclut nullement la possibilité d’accès des tiers aux documents volontairement remis

dans le cadre du programme de clémence, à condition que tous les membres du cartel donnent

leur aval303.

Toutefois, il est fort clair de soulever que l’application des programmes de clémence

limite les actions en dommages et intérêts engagées par les victimes des pratiques

anticoncurrentielles notamment les ententes prohibées.

D’emblée l’efficacité des programmes de clémence dans la découverte des ententes secrètes fait

pression sur les autorités à préserver leur intégrité : chose que jusque-là fait défaut d’équilibre

entre ces programmes et les actions privées.

- En matière de transaction communautaire :

Pour rendre cette procédure plus attractive, voire plus intéressante, la commission se garde de

transmettre aux juridictions « nationales » compétentes les propositions de transaction et ce

conformément à la communication sur la coopération entre la commission et les juridictions

nationales pour l’application des articles 81 et 82.

302 Amtsgericht Bonn, 18 Janvier 2012, Pfleiderer, aff. 51 Gs 53/09.303 Le TPICE s’est opposé à la demande d’accés aux documents etablie par des plaignants que l’autorité autrichienne de la conrrence leur a refusé prealablement la meme demande à defaut d’accord de tous les membres du cartel concernés par la procedure de clemence : TPICE, 13 Avril 2005, aff. T-2/03, Verein fur konsumenteninformation c/Commission

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Quant au droit algérien, il n’y a pas un seul texte qui s’oppose légalement à la

communication du dossier qui concerne la procédure ; même l'accord d'association de l'Algérie

avec l'Union Européenne, néglige toute disposition relative aux procédures négociées, ce qui

nous renvoi par obligation au droit commun : donc toute personne n’est pas tenue au secret

professionnel devant la barre, voire si le juge ordonne cette personne de lui communiquer le

dossier y afférant304.

Et bien sûr ça ne peut que compliquer la situation de l’entreprise en qualité de partie

défenderesse dans le recours privé.

Cependant en matière de procédure de non-contestation des griefs rien n’empêche de

mettre en contradictoire la culpabilité de l’entreprise en question dans le recours privé, sachant

que la décision de l’autorité de la concurrence ne s’impose pas au tribunal305.

En s’appuyant aussi sur le principe : Ne pas contester, ne veut nullement dire

reconnaitre !!

A cet égard il faut s’accentuer sur le texte algérien, qui se distingue certainement en

stipulant la reconnaissance des parties des faits prohibés, cette reconnaissance plutôt néfaste

quant à la position des entreprises concernées si jamais le juge demanderai au conseil de la

concurrence de lui fournir le dossier y afférant en vertu des règles du droit commun, ou même

s’il ne demande rien que l’avis du conseil puisque ce dernier a déjà tranché sur le dossier306.

La transaction et les engagements :

Cette procédure d’engagements peut normalement être déclenchée à l’initiative de la

commission ou suite à une demande des personnes concernées voire intéressées, alors ça revient

ainsi à la commission de transiger formellement avec ces entreprises délatrices, bien évidemment

il s’agit plutôt d’infractions moins graves que les ententes, celles-ci ne s’adaptent pas à cette

procédure.

Il est utile à rappeler que la commission détient l’exclusivité de la décision en la matière

dans le cadre européen, ce qui écarte toute ultérieure intervention judiciaire et ou contrôle sur ce

genre de décisions.

304 En appliquant les dispositions du code algérien de procédure civile et administrative notamment l’article 73 stipulant que « le juge peut ordonner, à la demande d’une partie, la délivrance d’une expédition ou la production d’un acte authentique ou sous seing privé, ou la production de toute pièce détenue par un tiers, même si elle n’a pas été partie de l’acte. »

305 A. Viaflont, « Le droit de la concurrence et les procédures négociées » , De Boeck Supérieur/ Revue internationale de droit économique, 2007/2, p. 181.

306 Art 38 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée.

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Il est clair que la commission a un intérêt particulier pour établir ce genre de décisions en

termes procéduraux notamment le rétablissement du libre jeu de la concurrence dans les plus

brefs délais et/ou efforts possibles.

Quant aux victimes de ces agissements anticoncurrentiels dont il est question, pour

arriver à se faire indemniser, il leur faut d’abord mettre la main sur la preuve appropriée au

préjudice par soi-même !! … chose qui s’avère quasi-impossible puisqu’il faut d’abord

démontrer qu’il s’agit bien d’ententes ou d’abus de position dominante prohibés , ensuite

apposer le lien de causalité au préjudice y afférent !! Tout en considérant qu’elles ne peuvent pas

accéder aux documents et informations recueillis par la commission ou les autorités nationales de

concurrence.

Bien évidemment l’utilisation grandissante de ces décisions d’engagements par les

autorités compétentes (commission ou autorité nationale de concurrence) foire à la croissance

des actions privées en réparation devant le juge, ce qui renvoie de prime abord à amortir l’effet

dissuasif plus ou moins certain de ces actions à l’égard des auteurs des pratiques

anticoncurrentielles.

Or la négociation des engagements avec les autorités compétentes en la matière épargne

certainement et bonnement ces auteurs le risque relatif à ce genre d’actions en indemnisation.

Cependant l’expérience américaine a montré pleinement que le succès grandissant que

connaissent ces actions privées revient principalement aux associations de consommateurs, c’est

cette manière d’agir collectivement qui peut faire la différence par rapport à ce qui se passe en

Europe : puisqu’il faut reconnaitre que c’est bel et bien rare de voir les victimes agir

collectivement peut être à défaut de possibilité ou encore de méconnaissance !!

Toutefois la sollicitation du développement des actions collectives au sein de l’Union

européenne reste un moyen sûr pour prétendre la privatisation du droit de la concurrence.

§ 2. L’élargissement des titulaires du droit au «private enforcement»

La collectivisation de l’action privée concurrentielle suppose une adaptation du droit

d’agir en justice afin de faciliter l’accès au juge des victimes de pratiques anticoncurrentielles

par le recours collectif. Cette adaptation va dans le sens de la justice sociale en droit de la

concurrence.

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L’introduction des recours collectifs au niveau des juridictions a impliqué un certain

élargissement des titulaires du droit à l’action privée concurrentielle afin de rendre dissuasive

cette action.

A cet égard, il est usuel de se poser des questions telles que : Qui sont les personnes qui

ont un droit à l’action privée concurrentielle sous la forme d’un recours collectif ? Qui peut

représenter ces victimes dans un recours collectif ?

Pour la première question, en effet, le législateur français privilégie une action de groupe

seulement en faveur des personnes physiques307 consommateurs non professionnelles ce qui

exclut une partie des victimes, à savoir les entreprises et particulièrement les PME qui, pourtant,

semblent être des victimes similaires aux consommateurs.

Or, le législateur algérien ne fait nullement cette distinction en définissant expressément

le consommateur que c’est «  toute personne physique ou morale qui acquiert à titre onéreux ou

gratuit, un bien ou un service destiné à une utilisation finale, pour son besoin propre ou pour le

besoin d’une autre personne ou d’un animal dont il a la charge »308.

A cet égard bien qu’une brèche est déjà ouverte sur la possibilité qu’une entreprise peut

faire part de l’action de groupe, sauf qu’il faut incessamment se focaliser sur le statut de cette

entreprise, notamment son objectif remplissant des fins non professionnelles, laissant ainsi cette

brèche entrouverte.

Alors que la seconde question, les choix algérien et français en faveur d’une

représentation associative et la méfiance plus générale à l’égard des avocats doit nous amener à

nous interroger sur la pertinence de ces choix et de ces conceptions du représentant du groupe et

du représentant ad litem309.

Le lien juridique entre les victimes et leurs représentants passe par le mandat, contrat

nommé du Code civil, qu’il soit algérien310 ou français311.

307 V. l’Article préliminaire dans le code de la consommation, introduit par la loi Hamon : Loi n° 2014-344, 17 mars 2014, art. 3

308 Art. 3 de la loi 09-03 du 25 fév. 2009, relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes.

309 L’expression signifie « en vue du procès ». Elle vise principalement l’avocat qui représente les parties dans l’instance et non le représentant du groupe qui joue le rôle de demandeur à l’instance. v. Louise GALIPAULT, « Le mandat de l’avocat », (1954) 1/1 C. de D. 70-76. 310 Art. 1975 C. civ. alg311 Art. 1984 C.civ.fr

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Pour cette raison, il sera tenté de traiter ledit sujet d’abord du côté des mandants (A) et

ensuite, du côté des mandataires (B).

A. Les mandants au « private enfocement »

Les mandants en droit de la concurrence, peuvent être des consommateurs, c’est-à-dire

des personnes physiques ou morales se procurant un bien ou un service dans le cadre d’une

activité non professionnelle, ou des entreprises, c’est-à-dire a contrario des personnes morales ou

physiques se procurant un bien ou un service pour se livrer à une activité professionnelle.

Inévitablement, se pose la question de la définition des titulaires du droit à l’action privée (1) et

ensuite des éventuelles adaptations du recours collectif en matière de concurrence à certains

plaideurs, comme les entreprises (2).

1. Les critères de définition des victimes de pratiques anticoncurrentielles

Il faut signaler quand même, que dans le cadre du «private enforcement», le déséquilibre

entre les victimes, se manifeste notamment sur deux points, le premier l’inégalité dans la qualité

des victimes qui saisissent les juridictions civiles, le second au niveau international, le cas

échéant si la pratique prohibée avait une portée internationale.

Quant au premier, l’inégalité entre les victimes se manifeste par rapport à la qualité de

requérants,

En effet il faut d’abord mettre le point sur l’identification des victimes potentielles : qui

sont les victimes des pratiques anticoncurrentielles, certainement en matière de droit de la

concurrence, celles-ci ne constituent pas une entité homogène, bien au contraire la diversité

règne.

D’emblée, les consommateurs sont généralement les premières victimes qui passent par

l’esprit, en outre les concurrents et aussi les clients en tant que consommateurs intermédiaires, le

tout représente forcément un ensemble hétérogène.

Or, ces victimes sont plus à même de saisir les juridictions civiles pour obtenir réparation

de leur préjudice, ce qui laisse incessamment apparaitre une certaine inégalité entre elles.

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En effet il ressort de la pratique (française) que toutes ces victimes ne saisissent pas le

juge civil pour obtenir des dommages et intérêts, les entreprises d’une certaine envergure qui

disposent de services juridiques voire, des départements juridiques ne vont pas se faire prier pour

saisir les juridictions compétentes afin d’obtenir réparation312, dès lors on est déjà en plein

contentieux entre professionnels.

En revanche ce n’est nullement le cas d’autres victimes telles que les PME et les

consommateurs, d’ailleurs en 2007 il n’y a qu’une décision impliquant un consommateur313.

A cet égard des études ont montré que les requérants avaient majoritairement la qualité de

professionnels314

Le second point concerne plutôt l’internalisation des litiges : à cet égard les infractions

aux règles de la concurrence telles que les ententes et abus de position dominante, ont

généralement une portée au-delà du territoire d’un seul Etat.

Or, si on fait simple et court, les victimes sont ceux qui peuvent demander réparation

pour violation du droit de la concurrence, sont ceux qui ont un intérêt direct et personnel à agir :

Ils peuvent être concurrents directs, donc des victimes directes, mais également

consommateurs, qui sont, de leur part, des victimes indirectes des pratiques anticoncurrentielles,

n’ayant pas de liens directs avec ces pratiques mais ils en subissent quand même les

conséquences finales.

Or, les victimes de pratiques anticoncurrentielles, qu’elles soient des consommateurs ou

des entreprises, sont toutes liées par un dénominateur commun qui est un préjudice concurrentiel

consumériste, il demeure que ce critère est suffisant pour identifier un intérêt à agir mais

insuffisant pour analyser si la procédure d’action collective en droit de la concurrence répond

aux attentes de ces publics.

D’emblée, l’objectif est l’effectivité du droit de la concurrence et la préservation du

marché, il est important de tenir compte des particularités, non seulement du contentieux en

matière de concurrence, mais aussi des motivations des acteurs du marché dans une action en

justice suite à une atteinte au droit de la concurrence.

312 L. IDOT, Un pas en avant significatif pour renforcer l’effectivité des actions privées en droit des actions anticoncurrentielles, prec., p. 1383.

313 CA Paris, 14 è ch. B, 1er juin 2007, SA France Telecom /c M. Jean Christian P., n°06/21059.

314 R. AMARO, le contentieux privé des pratiques anticoncurrentielles, préc., p. 92 s.

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2. La définition du consommateur dans le recours collectif

Dans ce contexte, il apparait que la définition du consommateur est celle qui pose le

moins de difficulté :En Algérie, bien que le concept d’un vrai recours collectif fait défaut

notamment en matière de processus, le législateur dispose clairement que le consommateur au

sens large est « toute personne physique ou morale qui acquiert, à titre onéreux ou gratuit, un

bien ou un service destiné à une utilisation finale, pour son besoin propre ou pour le besoin

d’une autre personne ou d’un animal dont il a la charge. »315.

Il est à signaler tout de même que le législateur algérien dans ce texte ci-dessus, s’est

contenté de l’acquisition comme critère de l’obtention de la qualité de consommateur, alors

même que l’utilisation peut être déterminante comme critère de sélection316.

En France, ce n’est pas tout à fait pareil317. Le consommateur au sens du droit français

est : « (…) toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son

activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole »318.

Reconnaissant ainsi l’exclusion des personnes morales y compris les entreprises que

celles-ci soient d’une grande ou petite envergure.

Toutefois, le législateur français distingue entre les personnes morales non-

professionnelles et les autres professionnelles en disposant que le non-professionnel est : « toute

personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale,

industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

315 Art 3 de la loi n° 09-03 relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes.

316 V. l’art. 3, 2ème de la loi n°04-02 du 23/01/2004, fixant les règles applicables aux pratiques commerciales qui dispose que le consommateur est : «  toute personne physique ou morale qui acquiert ou utilise, à des fins excluant tout caractère professionnel, des biens ou des services mis en vente ou offert »

317 Stéphane PIEDELIEVRE, Droit de la consommation, Paris, Economica, 2008, p. 13 et s.

318 Art. Liminaire du code français de la consommation.Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/telecharger_pdf.do?cidTexte=LEGITEXT000006069565

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D’emblée notons que le consommateur peut recevoir le qualificatif d’acheteur direct ou

indirect. Le terme « acheteur »319 recouvre les deux espèces de victimes en droit des pratiques

anticoncurrentielles. Il inclut à la fois l’entreprise et le consommateur.

Il n’est pas synonyme d’entreprise ou de consommateur même si l’acheteur indirect est

le plus souvent un consommateur et l’acheteur direct une entreprise320.

Quoi qu’il en soit le législateur algérien ainsi que son homologue français n’ont pas à

s’inquiéter de cette problématique de la définition du consommateur car ils désignent une

association de consommateurs comme représentante exclusive des groupes321.

Il y a peu à craindre qu’un professionnel puisse agir par cette voie. Au final, le critère

n’est pas tant celui de l’activité professionnelle ou non mais du préjudice subi.

Toutefois, le préjudice du consommateur détermine sa qualité à agir plus que sa place

dans le marché.

On peut se poser la question : Faut-il aboutir à la même conclusion pour les entreprises ?

En somme, cela reviendrait à dire que l’entreprise peut être membre d’un recours collectif sous

forme d’actions privées concurrentielles du moment qu’elle a subi un préjudice.

La procédure civile et la notion d’intérêt à agir répondent positivement à cette question. Il

serait injustifiable de refuser l’action en réparation de l’entreprise victime d’un préjudice

concurrentiel. Dès lors qu’elle a un intérêt à agir, l’entreprise doit avoir accès au juge.

En revanche, il paraît nécessaire d’expliquer en quoi une entreprise n’est pas un

consommateur et comment le droit de la concurrence la conçoit, pour déceler si la procédure de

recours collectif s’applique correctement à l’entreprise, notamment à la PME.

En effet, si on se focalise sur la conception qualitative de l’entreprise et de la PME, La

notion d’entreprise est polyandrique, elle « épouse la cause des sciences qui l’utilise »322.

319 D’ailleurs concernant le droit algérien, ce n’est qu’à la sortie de la loi 89-02 du 07 /02 /1989 relative aux règles générales de la protection du consommateur (abrogée), que le législateur algérien a adopté cette appellation, avant cette date on utilisait le terme courant en droit civil d’ « acheteur ».

320 À ce sujet, v. supra au par. 9.

321 Art 23 de la loi 09-03 algérienne, et l’art. L. 423-1 c.conso fr.

322 Charlaine BOUCHARD, Droit et pratique de l’entreprise, Tome 2 : Entrepreneurs et sociétés de personnes, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2007, p. 151.

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C’est une notion malléable que le législateur aborde ponctuellement dans des lois sans

jamais chercher à la définir.

L’objectif est d’adapter la notion à la matière qui l’utilise. L’entreprise est d’abord une

notion économique et utilitaire323. Ses formes sont d’ailleurs multiples.

Si l’on parle des PME, il s’agit d’une catégorie d’entreprises correspondant à une réalité

différente de l’entreprise de taille plus importante.

Nous nous sommes donc intéressés aux caractéristiques de la PME en tant que

destinataire particulier de notre étude au même titre que le consommateur.

Comme il est anormal que le droit ne tienne pas compte des caractéristiques des PME

alors qu’elles constituent le cœur du tissu économique324, nous considérons que le recours privé

doit tenir compte des spécificités de la PME pour contribuer à la correction de cette faiblesse du

droit économique.

En réalité, la PME peut être définie de deux manières : soit qualitative, soit quantitative.

La méthode quantitative utilise des variables telles que le nombre de salariés ou le chiffre

d’affaires. Ces aspects ne nous sont d’aucune aide dans notre objectif de définition et

d’adaptation du recours collectif.

La méthode qualitative est incontournable. L’effectivité d’une disposition autorisant le

recours collectif de la PME est compromise si le législateur ne s’interroge pas sur l’adéquation

de la procédure avec son destinataire.

L’autonomie décisionnelle, la présence d’un entrepreneur, l’indépendance (financière), la

présence sur des marchés locaux et régionaux, la non-dominance sur le marché, la flexibilité et

l’adaptation sont autant de critères qualitatifs désignant la PME325.

La typologie francophone Julien et Marchesnay326 résume ces critères sous les acronymes

PIC et CAP.

323 Id. p. 152 : « La réalité est que le mot entreprise est polysémique et l’institution pluriforme et pluridimensionnelle ».324 Charlaine BOUCHARD, (dir.), Droit des PME, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2011, p. VII.

325 Denis J. GARAND, « De la nécessité de définir clairement l’entrepreneur et sa PME », dans C. BOUCHARD, op.cit., note 421, p. 26 et s.

326 Une autre typologie est celle de Louis-Jacques Fillion (2000), v. id. 425 2003/361/CE, JOUE L. 124/36 du 20.5.2003.

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La PME est caractérisable avec quatre mots qui désignent ses objectifs : la pérennité,

l’indépendance financières, la croissance et l’autonomie. Les acronymes regroupent ces mots et

établissent deux profils de PME.

Parmi ces critères, les deux plus intéressants en droit de la concurrence sont la non-

dominance sur le marché et l’autonomie décisionnelle.

Dans la Recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micros,

petites et moyennes entreprises327, la Commission européenne prend en compte le critère

quantitatif pour définir les PME. Elle combine à la fois l’effectif de l’entreprise, le chiffre

d’affaire et le total du bilan.

Ces deux derniers critères, qualifiés de financiers, permettent d’établir la situation de

l’entreprise par rapport à la concurrence.

Au regard de la concurrence, la non-dominance sur le marché suppose un risque de

représailles plus élevé, lequel peut nuire in fine à la croissance de l’entreprise et son incapacité à

obtenir une indemnisation en raison de son faible pouvoir de marché328.

Ces questions amènent à s’interroger sur la manière dont le droit de la concurrence

perçoit l’entreprise en général et la PME en particulier.

En le silence du droit de la concurrence sur sa conception de la victime ne passe pas

inaperçu, en droit français, l’entreprise est avant tout un critère d’applicabilité du droit de la

concurrence. Parce que telle activité est qualifiable d’entreprise au sens du droit de la

concurrence, elle est soumise à ses règles.

Le droit de la concurrence se place toujours du point de vue du responsable d’une

violation du droit de la concurrence, il n’adopte jamais le point de vue de la victime.

En Algérie, l’action de groupe, menée par une association de protection de

consommateurs peut s’appuyer sur le droit de la concurrence, ceci lorsqu’un ou plusieurs

consommateurs ont subi des préjudices individuels, causés par le fait d’un même intervenant et

ayant une origine commune329.

327 2003/361/CE, JOUE L. 124/36 du 20.5.2003.328 Ce dernier aspect était évoqué par M. Bruno Lasserre, Président de l’autorité française de la concurrence, v. supra, au par. 9.329 Art 23 de la loi 09-03

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Juste que la tâche s’avère rude pour les victimes quant à la définition du préjudice

concurrentiel et surtout quant à l’établissement de la responsabilité en prouvant préalablement le

lien de causalité entre l’auteur et le préjudice dans un cadre concurrentiel qui relève du droit de

la concurrence

De même en France, Les litiges visés sont ceux « ayant pour cause commune un

manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles : 1° À

l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ; 2° Ou lorsque ces préjudices

résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce

ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne »330.

La règle de l’article L. 423-1 du code de la consommation est sans ambigüité. L’acheteur

professionnel est exclu du recours qui ne s’adresse qu’aux consommateurs.

Ce n’est ici que par le truchement du code de la consommation que le droit de la

concurrence est concerné par la victime de pratiques anticoncurrentielles et seul le

consommateur est visé.

En effet, selon les caractéristiques qualitatives de la PME, le consommateur peut sans crainte se

regrouper et céder de son autonomie décisionnelle à un représentant dans un recours collectif. En

revanche, une entreprise de type PME peut-elle être représentée par un consommateur ? Peut-elle

renoncer à son autonomie décisionnelle ? Peut-elle accepter d’être présente dans un recours

collectif sans un minimum de garanties contre des représailles commerciales ? Le représentant

d’un groupe d’entreprises ne doit-il pas présenter des compétences autres que le représentant

classique dans un recours collectif ? Il apparaît à la lumière de ces questions qu’il faut

s’interroger sur les adaptations du recours collectif aux particularités qualitatives de l’entreprise

victime de pratiques anticoncurrentielles.

3. Le cas de L'Union Européenne : Une victime comme les autres

Quand l’Union européenne peut se constituer partie civile dans une action en réparation,

il n’y a qu’un seul constat qu’on peut en tirer, le «private enforcement» a franchi un palier !

En effet Dans un arrêt rendu le 6 novembre 2012, la CJUE a jugé que la Commission européenne

peut intenter devant une juridiction nationale et au nom de l’Union européenne une action en

330 Art. L. 423-1 c.conso.

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réparation du préjudice subi par l’Union à la suite d’un comportement anticoncurrentiel constaté

par la Commission.

Le droit à réparation est reconnu à l’Union, comme à toute personne justifiant d’un

préjudice subi, dès lors qu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et la pratique

prohibée331.

En l’espèce, La Commission européenne, en qualité de représentant de l’Union

européenne, avait saisi le tribunal de commerce de Bruxelles (rechtbank van koophandel

Brussel) d’une demande en réparation à l'égard de huit sociétés appartenant aux quatre

principaux groupes de fabricants européens d'ascenseurs (Otis, Kone, Schindler et

ThyssenKrupp).

Elle demandait que ces sociétés payent à l'Union Européenne la somme provisionnelle de

7 061 688 euros (hors intérêts et dépens de procédure) au titre du préjudice subi par l'Union du

fait du cartel des ascenseurs, sanctionné par décision du 21 février 2007332.

Le tribunal de Commerce de Bruxelles pose alors des questions préjudicielles à la CJUE.

D'abord afin de savoir si la Commission pouvait être compétente pour représenter l'UE et cela

sans mandat ? Ensuite, afin de savoir si l'article 47 de la [Charte] et l'article 6, paragraphe 1, de la

CEDH, qui garantissent le droit de toute personne à un procès équitable ainsi que le principe

corollaire selon lequel nul ne peut être juge dans sa propre cause, ne s'opposent pas à ce que la

Commission agisse d'abord comme autorité de la concurrence et sanctionne le comportement

incriminé après avoir mené elle-même l'enquête, et, dans un deuxième temps, prépare la

procédure d'indemnisation devant une juridiction nationale et décide de l'engager, alors que le

même membre de la Commission est responsable des deux questions, qui sont liées et cela

d'autant plus que la juridiction nationale saisie ne peut pas s'écarter de la décision de la

sanction333?

La CJUE répond que, dans chacun des Etats membres, la Communauté possède la

capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales ;

elle peut notamment acquérir ou aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice.

331 CJUE, 6 novembre 2012, aff. C-199/11, Otis e.a.

332 Commission CE, déc. C(2007) 512 final, 21 févr. 2007, relative à une procédure d'application de l'article 81 du Traité CE, aff. COMP/E-1/38.823 – Ascenseurs et escaliers mécaniques333 SIMON Denys, « Statut contentieux de la Commission devant les juridictions nationales. Procès équitable » Europe n° 1, Janvier 2013.

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À cet effet, elle est représentée par la Commission. De même, selon la CJUE, l’article 47

de la Charte des droits fondamentaux qui assure dans le droit de l’Union la protection conférée

par l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH et consacre le principe de protection juridictionnelle

effective ne s’oppose pas à ce que la Commission intente, au nom de l’Union, devant une

juridiction nationale, une action en réparation du préjudice subi par l’Union à la suite d’une

entente dont la contrariété à l’article 81 CE ou à l’article 101 TFUE a été constatée par une

décision de cette institution.334

Ainsi, la Commission montre l'exemple, et en tant que victime d'un cartel, n’hésite pas à

intenter une action en réparation du préjudice subi et se voit reconnaître le droit d'agir devant le

juge national seul apte à lui accorder des dommages et intérêts.

La Commission peut aller devant le juge national pour demander des dommages et

intérêts comme n’importe quel autre consommateur intermédiaire ou final peut le faire.

B. Les mandataires en «private enforcement» : La représentation du groupe

victime

Lorsque la victime d’une pratique anticoncurrentielle se fait représenter dans le cadre

d’un recours collectif, il est nécessaire que le représentant soit capable de mener à bien sa

mission dans l’intérêt de tous.

Le choix du représentant est ainsi une question décisive de l’effectivité de l’action privée

collectivisée.

Cette relation juridique qui se noue entre la victime et le représentant ressemble plus ou

moins à un mandat : bien que juridiquement il ne s’agisse pas de ce concept que ce soit en droit

algérien ou français et pourtant, le représentant agit pour le compte des victimes.

Ce mandat est double, il existe un mandataire à l’instance, la victime qui va représenter le

groupe, et un mandataire dans l’instance, l’avocat qui va porter la procédure devant les

tribunaux, de concert avec le représentant du groupe.

Pour l’avocat, il s’agit d’un mandat ad litem classique, en ce sens son mandat n’est pas

fictif.

334 DECOCQ Georges, « La Commission ne saurait être considérée comme juge et partie », Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2013.

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Dans ces conditions, un phénomène d’agence peut se produire. Le phénomène d’agence

survient lorsqu’une personne confie à une autre une mission alors que les objectifs de ces deux

personnes sont différents : « Une relation d’agence désigne une situation ou une (ou plusieurs)

personne(s) (le déléguant) a recours aux services d’une autre (le délégataire) pour accomplir en

son nom une tâche quelconque qui implique une délégation de pouvoir décisionnelle »335.

La définition correspond trait pour trait à la définition du recours collectif et notamment

au problème de la concession de cette autonomie décisionnelle par l’entreprise. Cette situation

peut se produire dans un recours collectif lorsque l’avocat du groupe obtient un accord

d’indemnisation de la partie adverse pour éviter l’action et que les membres du groupe ou le

représentant refusent, alors que lui souhaiterait accepter cet accord.

Le risque est aussi qu’un accord soit signé alors qu’il désavantage le groupe mais qu’il est

favorable à l’avocat.

Pour éviter cette situation, le législateur français exige la validation par le tribunal et

l’information des membres du groupe dès qu’une transaction amiable est envisagée336, ces

précautions tendent à éviter l’opportunisme du mandataire entendu comme la recherche d’un

intérêt personnel avec un élément de tromperie , cela s’oppose à la confiance et s’ associe à une

divulgation sélective ou tronquée d’informations et à des promesses que l’on ne croit pas soi-

même au sujet de sa conduite future 337.

Pour éviter ce problème, il faudrait supporter des coûts de surveillance du mandataire. On

parle de pertes résiduelles, c’est-à-dire les coûts résultant de l’impossibilité de surveiller

parfaitement l’opportunisme du représentant338, ce qui, dans un recours collectif, est un coût réel

pour les membres du groupe parfois très éloignés du déroulement de l’action pour des raisons

géographiques ou d’incapacité à comprendre et mesurer tous les enjeux.

Dans ce contexte, un recours collectif efficient est un recours collectif qui minimise, par

le contrôle du tribunal, les coûts de transactions339 en assurant une publicité suffisante et claire 335 Ejan MACKAAY et Stéphane ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Paris, Dalloz, 2008, au par. 1749.

336 c.conso, Art. L. 423-16.-Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l'homologation du juge, qui vérifie s'il est conforme aux intérêts de ceux auxquels il a vocation à s'appliquer et lui donne force exécutoire. Cet accord précise les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs concernés de la possibilité d'y adhérer, ainsi que les délais et modalités de cette adhésion.

337 E. MACKAAY et S. ROUSSEAU, op.cit., note 441, au par. 740.338 Id., au par. 1049.

339 Les coûts de transaction sont la traduction imparfaite des théories de Coase rédigées en anglais. Il faut les comprendre comme les coûts qui empêchent deux personnes d’arriver à un accord qui leur soit profitable. v. id., au

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sur l’issue possible du litige afin qu’ils puissent y adhérer ou le rejeter en connaissance de cause.

La problématique de la représentation doit donc être analysée sous l’angle de la confiance.

Les modalités de représentation du groupe doivent permettre aux membres du groupe de

surveiller à moindre coût leur représentant afin de s’assurer que les décisions qu’il prend leur

sont favorables.

D’où l’intérêt d’étudier comment le droit aborde cette question de la représentation au

sens large (A) et si une représentation spécialisée ou associative ne serait pas plus adaptée au

droit des pratiques anticoncurrentielles (B) comme solution à ce problème d’agence.

1. Le représentant au sens large 

Il est usuel de traduire l’expression : le représentant « au sens large » par ceux qui

peuvent généralement représenter des victimes, donc l’avocat en premier lieu et en second une

personne physique habilitée à le faire.

- L’avocat :

La logique exige que le premier représentant auquel on pense en matière de recours

collectifs soit l’avocat.

En droit algérien, rien n’empêche la victime de se constituer partie civile et être

représentée par un avocat, ainsi l’avocat peut faire un rôle de médiateur avant l’introduction

d’instance et dans un cadre amicale340, tout en respectant les règles de la déontologie, l’obligation

de réserve et le sauvegarde du secret professionnel entre autres.

Mais une fois devant la juridiction, la règle serait alors l’individualisation de l’action

privée, ainsi la collectivisation de l’action privée n’est qu’exceptionnelle voire quasiment

absente, en pratique on peut citer le cas des contentieux relatifs à la propriété par indivise et/ ou

d’héritage.

Le concept de l’action collective tel qu’il est traduit en France ou en Europe fait défaut en

droit algérien, excepté la représentation associative, qui va être abordée en (B).

par. 726 et s.

340 A cet égard, l’Art. 10 de la Loi algérienne n° 13-07 du 29 octobre 2013 portant organisation de la profession d’avocat, JORADP n°55 du 30 octobre 2013, stipule que « L’avocat doit respecter ses clients et prendre les mesures légales nécessaires pour protéger et mettre en œuvre leurs droits et intérêts. »

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En effet chaque victime peut être représentée par un avocat pour revendiquer son propre

dédommagement, de même pour plusieurs victimes souhaitant faire ainsi, celles-ci peuvent être

représentées par le même avocat, mais en revanche l’action à titre collectif -bien

qu’exceptionnelle- n’est écartée qu’à défaut de l’unicité de ces motifs et/ou arguments que le

groupe de victimes partage en commun341.

Mais nous pensons qu’en pratique juridictionnelle, il s’avère difficile voire impossible

que le juge admet une action collective qui s’appuie sur l’unicité des intérêts excepté dans les

litiges des ayants droits dans des affaires d’héritage ou d’indivise.

En France, l’action de groupe a attiré l’attention des avocats à deux titres, comme

l’attestait la Résolution du Barreau de 2012 relative à l’action de groupe342. D’abord, ils

souhaitaient que l’action de groupe soit générale et non pas limitée à un type de contentieux.

De même, la représentation ne devait pas être réservée aux seules associations.

Ensuite, l’avocat devait impérativement établir une convention d’honoraires, « elle [devait être

conclue] dans le respect des dispositions législatives et règlementaires en vigueur applicables à

la fixation libre des honoraires de l’avocat.

La convention [pouvait] déterminer une répartition entre l’honoraire de base et un

honoraire de résultat, selon des modalités qui [auraient été] définies par le Règlement intérieur

national de la profession d’avocat »343.

Si le Barreau français ne veut pas d’une représentation exclusivement associative, est-ce

pour permettre aux avocats de diversifier leur clientèle ?

A cet égard nous pensons que le plus important c’est l’intérêt des victimes, voire l’utilité

de ce type d’actions pour assurer la réparation de leurs préjudices.

Mais nous pouvons évoquer entre autres certains reproches notamment en réservant

l’action de groupe pour les préjudices de consommation au détriment d’autres préjudices

notamment ceux liés à l’écologie voire à l’environnement.

341 Arrêt n°870-47, du 26 juin 1992, revue judiciaire n°2, 1992, p. 108.

342 CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, Résolution du Conseil nationales des Barreaux, L’introduction de l’action de groupe en droit français, Paris, 6 et 7 juillet 2012, [en ligne] : < http://cnb.avocat.fr/docs/textes/CNB-RE2012-07-06_TXT_Introduction-action-de-groupe-enFrance.pdf>.343 Id., Résolution n° 6 à la p. 2.

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Cependant, plus les types de contentieux concernés sont larges, plus les sources de

revenus le sont aussi. La résolution du Barreau prend alors une coloration financière qui s’achève

par cette précision sur les honoraires. Bien que fixés par voie de convention, ils devaient être

libres et comprendre un honoraire de résultat en plus d’un honoraire de base conformément à la

règlementation française.

Nous laisserons de côté pour le moment la question du calcul des honoraires de l’avocat,

relevons simplement que le recours collectif est empreint d’un enjeu financier pour l’avocat.

Lequel peut compromettre la représentation du groupe s’il prend une place telle que l’avocat

n’exercera que les actions collectives les plus rentables et allongera les délais de procédures pour

maximiser ses gains à l’heure ou, au contraire, obtiendra une transaction avantageuse pour lui

mais pas nécessairement pour les membres du groupe.

A cet égard, les avocats français ne semblent pas désintéressés par l’action de groupe.

Mais cet intérêt justifiait-il pour autant leur exclusion de l’action de groupe344 ?

La France aurait pu adopter des garanties similaires, au-delà du contrôle par le juge de la

médiation.

Une autre question se situe dans le prolongement de la représentation entrepreneuriale du

groupe par l’avocat, celle du démarchage des victimes.

Le démarchage par l’avocat : Dans le cadre d’un recours collectif, par démarchage, nous

entendons le fait pour un avocat de solliciter des clients dans certains lieux privés ou publics

mais aussi à distance par de la publicité.

En France, contrairement à l’idée reçue, la publicité est possible. L’article 10.1, alinéa 2

du Règlement Intérieur National (ci-après RIN) du Barreau français prévoit cette possibilité dès

344 V. à ce sujet, le débat sur l’exclusion des avocats de la procédure d’action de groupe : Marine BABONNEAU, « Action de groupe : l’avant-projet de loi exclut des avocats », Dalloz actualité, 3 avril 2013 ; Marine BABONNEAU, « Action de groupe : la profession tente de rallier les parlementaires à sa cause », Dalloz actualité, 31 mai 2013 ; Jean-Daniel BRETZNER, « Ombres et lumières autour de la « qualité pour agir » dans l’action de groupe », dans la Gazette du Palais, 16 mai 2013, n° 136, L’extenso.fr, GPL130j6 ; Caroline FLEURIOT, « Action de groupe : le projet de loi présenté en Conseil des ministres », Dalloz actualité, 3 mai 2013 ; Anne PORTMANN, « Il est inacceptable de réserver l’exercice de l’action de groupe à 17 personnes morales », Dalloz actualité, 29 avril 2013 ; Bernard VATIER, « Peut mieux faire », dans la Gazette du Palais, 16 mai 2013, n° 316, L’extenso.fr, GPL130d1.

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lors qu’elle est dans l’intérêt du public345. L’article 10.2 du RIN complète et encadre cette

publicité :

« Tout acte de démarchage, tel qu’il est défini à l’article 1er du décret n° 72-785 du 25 août

1972, est interdit à l’avocat en quelque domaine que ce soit. Toute offre de service personnalisée

adressée à un client potentiel est interdite à l’avocat. La publicité personnelle de l’avocat ne peut

être faite par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou

télévisées. »

L’esprit du règlement est d’éviter toute dérive commerciale346.

La prohibition des moyens classiques de publicité commerciale atteste de cette

préoccupation. L’article 1er du Décret n° 72-785 du 25 août 1972 (ci-après Décret de 1972)

précise : « Constitue un acte de démarchage au sens de l'article 66-4 de la loi du 31 décembre

1971 le fait d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en

matière juridique ou de provoquer à la souscription d'un contrat aux mêmes fins, notamment en

se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence

d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public ».

Il est frappant de voir la similitude de rédaction de l’article 2 du Décret de 1972459 avec

l’article L. 422-1 du code de la consommation sur l’action en représentation conjointe des

consommateurs. L’alinéa 2 dispose en effet :

« Le mandat ne peut être sollicité par voie d'appel public télévisé ou radiophonique, ni

par voie d'affichage, de tract ou de lettre personnalisée. Il doit être donné par écrit par chaque

consommateur. »

L’association de consommateurs est soumise indirectement aux mêmes règles

déontologiques que les avocats.

Cela traduisait bien le souci du législateur et des juges d’éviter le démarchage et donc les

dérives spéculatives en matière d’actions collectives.

345 Le texte dispose : « La publicité fonctionnelle destinée à faire connaître la profession d'avocat et les Ordres relève de la compétence des institutions représentatives de la profession. [en ligne] : <http://cnb.avocat.fr/docs/RIN/RIN_2010-05-08_Consolide+Commentaire%5bFinal%5d.pdf>. La publicité est permise à l’avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession. La publicité inclut la diffusion d’informations sur la nature des prestations de services proposées, dès lors qu’elle est exclusive de toute forme de démarchage ».

346 L’article 10.2 du RIN prohibe sur dans les publicités « toutes mentions laudatives ou comparatives ».

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Les avocats ne sont ainsi pas les seuls suspectés d’intentions commerciales, démontrant

par la même que les dérives entrepreneuriales ne dépendent pas du Barreau mais du recours

collectif en lui-même.

Il semble que la collectivisation du contentieux induise nécessairement un risque de

dérives spéculatives.

Finalement, l’action de groupe française consacre des mesures sur la publicité après le

jugement sur la responsabilité du professionnel. Cette disposition évite que l’association

démarche les victimes.

- Le représentant personne physique :

Qu’il s’agisse du représentant-avocat ou du représentant-membre du groupe, la compétence

est un critère qui leur est commun. L’avocat ne peut prendre en charge une affaire que s’il se

juge compétent pour la mener à bien conformément aux règles déontologiques de la

profession347.

La question de la compétence de l’avocat ne pose pas de problèmes autres que ceux réglés

par la déontologie.

En France, la procédure civile permet par donc un contrôle de la représentation du groupe, le

contrôle ne va pas jusqu’à vérifier la compétence du représentant.

L’explication réside dans le fait que le législateur français habilite lui-même les associations

qui peuvent agir au nom d’un groupe de victime.

Les associations bénéficient alors d’une forme de présomption légale irréfragable de

compétence.

La phase de certification est une phase durant laquelle le représentant doit démontrer son

aptitude à défendre les intérêts du groupe.

- La représentation des entreprises :

Lors du débat sur l’action de groupe en France en 2013, le rapport dit « Hammadi » de la

Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la

consommation348, du nom de son rapporteur, Razzi Hammadi, faisait la remarque suivante : En

347 En France, v. art. 1er, 1.3 du RIN : « Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence » ; art. 21.3.1.3. L'avocat n'accepte pas de se charger d'une affaire s'il sait ou devrait savoir qu'il n'a pas la compétence nécessaire pour la traiter, à moins de coopérer avec un avocat ayant cette compétence.348 FRANCE, PARLEMENT, Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif à la consommation, n° 1156, (2012-2013) – 13 juin 2013 (ci-après Rapport Hammadi).

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effet, certaines questions ont pu surgir pour savoir si des entreprises (notamment des sous-

traitants par rapport à des grands groupes) pouvaient ou non former une action de groupe en vue

d’obtenir réparation d’un préjudice qu’elles auraient subi. Telle n’a pas été la volonté poursuivie

dans ce texte.

Nous souhaitons nous interroger davantage sur la pertinence de ce rejet. En droit de la

concurrence, il n’est pas possible de faire l’économie d’une étude de la représentation des

entreprises. Nous pouvons distinguer deux types de difficultés.

Si le représentant est une personne physique, le risque de la représentation par un

consommateur de l’entreprise est réel. Il n’est pas en mesure de percevoir les enjeux du recours

pour l’entreprise.

En France, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) est un exemple d’organisation

professionnelle représentant à l’échelle nationale l’intérêt des entreprises. La difficulté tient ici

au conflit d’intérêt. Le problème de ce type d’associations est qu’elles représentent à la fois les

victimes et les « bourreaux ».

Ce conflit d’intérêt est insolvable. Il écarte d’office la proposition. Le risque est que

l’association reçoive des pressions pour éviter une action en justice de la part d’un membre

important, qui se trouvera être souvent l’auteur de pratiques anticoncurrentielles.

De plus, les chefs d’entreprises membres de l’association, voire membres de sa direction,

peuvent eux-mêmes être impliqué dans une affaire de pratiques anticoncurrentielles ou avoir un

lien privé ou professionnel avec les auteurs des pratiques.

Dans ces conditions, cette représentation professionnelle, même si elle résout la question

de la compétence, pose des problèmes plus dangereux encore.

Une solution pourrait être une représentation en duo par deux personnes physiques, l’une

serait consommateur et l’autre entrepreneur, chacun œuvrant pour chaque partie du groupe de

victime auquel il correspond.

La France, quant à elle, a anticipé les difficultés en permettant à l’association de «

s'adjoindre, avec l'autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire

réglementée, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, pour l'assister, notamment afin

qu'elle procède à la réception des demandes d'indemnisation des membres du groupe et plus

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généralement afin qu'elle représente les consommateurs lésés auprès du professionnel, en vue de

leur indemnisation »349.

2. La représentation spécialisée ou associative

Apres l’étude de la représentation au sens large, comprenant la représentation par l’avocat

et par un représentant personne physique ou morale membre de groupe. Pour ce dernier, une

compétence particulière lui est demandée s’il veut représenter le groupe.

Une autre question se pose, particulièrement en France, celle de la représentation

spécialisée ou associative. Elle concerne les hypothèses d’actions collectives réservées

exclusivement aux associations de consommateurs.

Il apparaît opportun de voir si cette forme de représentation est adéquate en droit de la

concurrence.

En droit algérien, la règle c’est l’individualisation de l’action privée, ainsi la

collectivisation de l’action privée n’est qu’exceptionnelle.

En effet le législateur a adopté l’action privée individuelle350 afin d’assurer le bon

fonctionnement de la justice, mais si on procède –exceptionnellement- à l’action collective,

celle-ci est recevable tant qu’elle touche à un intérêt collectif qui concerne exclusivement un

groupe bien déterminé de personnes, en s’appuyant sur les mêmes arguments et/ou arguments351

pour arriver à une fin commune, en pratique on peut citer l’exemple des actions afférentes à

l’héritage en vertu des dispositions du code de la famille à défaut de l’unicité de ces motifs et/ou

arguments l’action intentée à titre collectif serait refusée352.

En revanche si on s’accentue sur le concept de l’action de groupe, celle-ci peut se

manifester uniquement en droit de protection des consommateurs, et exclusivement via une

association de protection de consommateurs peu importe son appellation tant que celle-ci est

reconnue juridiquement par l’Etat, ayant ainsi la qualité judiciairement parlons.

349 Art. L. 423-9 c.conso.

350 On peut en conclure cette réflexion des dispositions du code algérien de procédure civile et administrative

351 Arrêt n°115-153, du 9 déc. 1997, revue judiciaire n°2, 1997, p. 104.

352 Arrêt n°870-47, du 26 juin 1992, revue judiciaire n°2, 1992, p. 108.

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Effectivement dans ce contexte le législateur algérien, stipule clairement que « lorsqu’un

ou plusieurs consommateurs ont subi des préjudices individuels , causés par le fait d’un même

intervenant et ayant une origine commune , les association de protections des consommateurs ,

peuvent se constituer partie civile. »353

Quant au droit français, celui-ci privilégie la représentation associative dans les actions

collectives. De même, l’action de groupe est réservée aux associations de consommateurs354.

Cependant, en France, on reproche aux associations et aux syndicats, dans la défense

d’intérêts collectifs, d’empiéter sur le rôle du parquet355 et plus particulièrement les groupements

sont la principale source de oncurrence356.

Il faut observer qu’en France, en procédure pénale, dès lors qu’une association est

habilitée à agir en justice en se constituant partie civile357, elle palie le cas échéant l’inertie du

parquet et devient un auxiliaire privé de justice358.

Une action de groupe a le mérite de laisser au parquet la représentation de la société en

tout cas dans le lancement des poursuites pénales, l’action de groupe étant un outil de procédure

civile. Cependant, l’action de groupe des associations de consommateurs crée une confusion

supplémentaire359 entre la représentation de l’intérêt collectif et la représentation d’une somme

d’intérêts individuels. La loi reconnaît aux associations le droit de défendre un intérêt collectif,

cela n’a rien de contestable.

353 Art. 23 de la loi 09-03, du 25 fév. 2009, relative à la protection du consommateur et à la repression des fraudes

354 V. l’art. L. 423-1 c.conso. : « Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire et ayant pour cause commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles (…) ».

355 Julie SEGAUD, Essai sur l’action publique, Thèse, Université Champagne-Ardenne, 2010, au par. 614 et 619.

356 Id., au par. 638. Sur la privatisation de l’action publique et la remise en cause du principe d’indisponibilité de l’action publique voir André DECOCQ, « L’avenir funèbre de l’action publique », dans L’avenir du droit, Mélanges François TERRÉ, 1999, p. 781, passim.

357 V. supra, au par. 3.

358 S. GUINCHARD, « Grandeur et décadence de la notion d’intérêt général », op.cit., note 211, au par. 23.

359 La première confusion est celle entre l’intérêt général et l’intérêt collectif.

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En revanche, accepter qu’une association représente des intérêts individuels paraît en

contrariété avec leur « objet légal », c’est-à-dire la défense d’intérêts collectifs comme objet

statutaire explicite posé à L. 421-1 du code de la consommation360.

Or, il faut reconnaitre que donner l’action de groupe aux associations, comme le fait

l’action de groupe que ce soit algérienne ou française, risque de créer la confusion des groupes.

En effet, les victimes qui forment le groupe ne sont pas forcément les membres de

l’association. Pour cette raison, il est suggéré que la représentation par une association ne soit

pas subordonnée à l’adhésion à l’association361, elle-même passant par le versement d’une

cotisation362.

Sinon les dérives spéculatives évoquées plus haut reviendraient sur la scène. Par rapport à

son objet, l’association, bien que qualifiée de « consommateurs », ne représente pas forcément

tous les contentieux de la consommation.

Par exemple, des petits épargnants seraient bien mieux représentés par une association

compétente dans le domaine financier qu’une association généraliste de consommateurs.

On retrouve ici les problématiques de compétence. En outre, c’est prendre le risque de

voir l’association la plus « riche » mener une politique de poursuite en choisissant elle-même les

causes qui méritent une action judiciaire363.

De plus, il existe un risque de mise en concurrence des associations : en effet si on prend

l’exemple des petits épargnants, si l’association généraliste veut agir en représentation et que

360 Le texte dispose : « Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ». S. GUINCHARD, « Grandeur et décadence de la notion d’intérêt général », op.cit., note 211, au par. 24 ; B. PAILLARD, op.cit., note 225, au par. 81 ; Louis BORÉ, La défense des intérêts collectifs par les associations devant des juridictions administratives et judiciaires, Paris, LGDJ, Thèse, 1997, au par. 44 et s.

361 S. PIETRINI, op.cit., note 5, p. 347.

362 S’il est tout à fait normal pour un consommateur de contribuer financièrement à l’association à laquelle il demande de l’aide à titre individuel, il en va autrement dans un recours collectif, ne serait-ce que parce que seules les victimes identifiables pourront payer dans un système opt-out mais aussi pour éviter les dérives spéculatives tant redoutées par le législateur français chez les avocats. De plus, aussi modique que puisse être la contribution, elle constituera, à n’en pas douter, un obstacle psychologique supplémentaire dans un domaine qui en comporte déjà beaucoup.363 ASSOCIATION FRANÇAISE D’ÉTUDE SUR LA CONCURRENCE, Consultation de la Commission sur le recours collectif, p. 27 et 30, [en ligne] : < http://ec.europa.eu/competition/consultations/2011_collective_redress/afec.fr.pdf> ; S. PIETRINI, op.cit., note 5, p. 347.

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l’association spécialisée dans la défense des petits épargnants souhaite elle aussi agir, comment

le juge tranchera cette question ?

Ou encore, on peut s’interroger sur quelle association sera la mieux à même de mener le

groupe ? Celle qui est généraliste mais d’une taille suffisamment importante pour avoir des

moyens financiers nécessaires au financement de l’action ou bien l’association spécialiste de la

question qui aura moins de moyens mais qui aura une meilleure représentativité ?

Est-ce que toutes les associations qui ont un rapport direct ou indirect avec la protection

des consommateurs ont la qualité à la fois juridique et judiciaire de représenter des

consommateurs au niveau de la juridiction compétente ?

D’emblée ce genre de questions ne passe pas inaperçu, bien au contraire il ouvre bel et

bien tout un débat, notamment quand le législateur algérien confirme l’équivoque en stipulant

clairement que «  lorsqu’un ou plusieurs consommateurs ont subi des préjudices individuels,

causés par le fait d’un même intervenant et ayant une origine commune, les associations de

protection des consommateurs, peuvent se constituer partie civile. » 364 :

donc sans la moindre exception, toutes les associations de protection de consommateurs,

qui ont déjà un statut juridique en ce sens365 peuvent se constituer le plus normalement comme

partie civile, il n’y a absolument aucun renvoi pour solutionner nos questions précédentes.

On voit bien toute la difficulté pratique et le risque de tensions que cela pourrait générer

dans le monde associatif, sans compter sur de possibles dérives spéculatives d’associations

petites et grandes qui profiteraient des actions de groupes pour renflouer leur caisse soit par le

biais des actions elles-mêmes, soit par la publicité366 qui serait faite autour de certaines actions

par la voie des médias et qui pourrait laisser croire aux consommateurs que l’adhésion à

l’association est un moyen sûr de faire partie du groupe.

L’article L. 423-1 du code français de la consommation solutionne la question en faisant

intervenir le juge en cas de concurrence entre les associations pour agir sur les mêmes faits367. 364 Art 23 de la loi relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes

365 Art 21 de la loi relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes366 Affirmé par J. SEGAUD, op.cit., note

367 L’article dispose : « Lorsque plusieurs associations introduisent une action portant sur les mêmes faits, elles désignent l’une d’entre elles pour conduire celle qui résulte de la jonction de leurs différentes actions. À défaut, cette désignation est effectuée par le juge ». V. aussi, l’art. L. 423-24 du même code qui affirme : « Toute association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut demander au juge, à compter de sa saisine en application de l’article L. 423-1 et à tout moment, sa substitution dans les droits de l’association requérante, en cas de défaillance de cette dernière ».

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Ainsi, nous retombons sur notre postulat de départ, celui d’une confusion des groupes.

L’action de groupe exercée par l’association ne signifie pas que le groupe est constitué des

membres de l’association. Une confusion réelle est alors possible dans l’esprit du consommateur.

Pour remédier à cela, l’article L. 423-5 du code de la consommation énonce à son alinéa

4 que « l’adhésion au groupe ne vaut ni n’implique adhésion à l’association requérante ».

Or, il y une partie de la doctrine qui a évoqué une hypothèse qui s’appuie sur une

proposition pour certaines associations de défense que leurs statuts prévoient que l’adhésion vaut

mandat d’agir en justice368.

Cette hypothèse est contestable en raison des dérives spéculatives énoncées

précédemment369 et en raison de la confusion entre le groupe des victimes et le groupe des

sociétaires. Bien entendu, la confusion n’est valable que dans le cas d’une association

préconstituée sans objectif de défense précis.

Cependant, l’association créée pour la défense d’un préjudice précis instaure une

confusion logique entre le groupe de victimes et le groupe des sociétaires.

L’effet dissuasif et sanctionnateur s’en verrait affaibli ainsi que la réparation d’un

maximum de victimes. Il s’agit pourtant du choix français.

Par ailleurs, le Rapport Hammadi énonçait qu’ « [u]ne association de défense des

consommateurs, aussi active soit-elle, peut avoir à̀ faire face à̀ une très lourde charge de travail

dans le cadre d’une action de groupe, en particulier dans l’hypothèse où les victimes du

dommage se comptent par centaines ou par milliers. Le traitement des demandes d’adhésion au

groupe, la vérification de la situation de chacun, le lien à assurer entre les victimes et le

professionnel... autant d’éléments qui ont conduit l’article [L. 423-9] à prévoir que l’association

pourrait s’adjoindre les services d’une personne pour l’assister ».

Ce choix élimine partiellement les difficultés de la représentation associative.

368 Louis BORÉ, La défense des intérêts collectifs par les associations devant des juridictions administratives et judiciaires, Thèse, Paris, LGDJ, 1997, au par. 111.

369 Serge GUINCHARD parle de « trésor de guerre », v. S. GUINCHARD, op.cit., note 211, au par. 28.

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Section 2. L’interaction entre procédures négociées et actions collectives

L’exercice de l’action en réparation à titre individuel a été indéniablement facilité par les

aménagements nationaux d’une part et européens d’autre part.

Il est à remarquer que les victimes sont généralement en position de faiblesse en fonction de leur

puissance économique, par rapport aux défendeurs, à cet égard quand on évoque le concept de

consommateur comme personne physique on ne peut même pas faire référence à quelconque

puissance économique.

D’ailleurs c’est notamment la raison pour laquelle l’avènement de l’exercice à titre

collectif, à travers l’instauration d’un mécanisme d’action de groupe, apparait comme la solution

aboutissant à cette réparation « judiciaire » des victimes, tant convoitée. Cependant l’action

collective est perçue non seulement comme un mécanisme d’indemnisation des petits préjudices

de masse, mais surtout comme un mécanisme de régulation assurant la dissuasion du droit de la

concurrence, imposant ainsi un effet intimidant sur les procédures négociées (§1) .

Or, l’efficacité du «private enforcement» voire des actions collectives, passe

inévitablement par l’accès effectif aux preuves qui se trouvent souvent entre les mains des

contrevenants au droit de concurrence, à l’évidence ces fins s’opposent.

A cet égard la présence du concept des procédures négociées facilitera dans un temps

normal, la tache aux victimes pour aller de l’avant en matière d’établissement de responsabilité

mais en vain puisque l’efficacité de ces procédures repose sur la confidentialité des déclarations

et/ou preuves recueillis dans ce cadre, dès lors le «private enforcement» est contraint par les

procédures négociées (§2).

§1. L’effet intimidant des actions collectives sur les procédures négociées 

L’acharnement du «public enforcement» pour réussir à tout prix ses procédures

négociées pour des fins objectives, ne constitue nullement le but du droit de la concurrence.

En revanche, étant l’instrument juridique le plus adapté à la spécificité du contentieux

concurrentiel l’avènement du «private enforcement» pour des fins subjectives mais aussi pour

des fins objectives a forcément intimidé le «public enforcement», notamment en soulevant les

limites de celui-ci.

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Dans ce conteste, bien que les programmes de clémence sont considérés en particulier des

outils essentiels dans la détection et dans la déstabilisation des cartels, toutefois il se peut que ces

programmes ne soient pas suffisants. En effet, plusieurs études ont montré que les amendes

infligées par les public enforcers sont encore loin d’être dissuasives370

Or, une politique de sanction forte est indispensable pour inciter davantage les

contrevenants à se dénoncer, par ailleurs l’action des autorités de concurrence ne peut être

réellement dissuasive que dans les cas où les pratiques anticoncurrentielles sont découvertes dans

les premiers mois de leur existence.

Effectivement nombreux sont les cartels mis en œuvre pendant plusieurs années, le

nombre global des cartellistes est en constante progression et nombreux sont les cas de récidive.

Il est permis alors de s’interroger sur l’opportunité de considérer ces programmes de clémence

intouchables.

Cependant il est à rappeler que le «private enforcement» constitue réellement un

complément dans la dissuasion, car l’ensemble des deux actions –via la sanction et la réparation

– représente un cout total dont le contrevenant doit tenir compte dans son appréciation globale de

l’opportunité de participer à une infraction.

Afin de cerner cette réflexion, il sera tenté d’exposer le double objectif que l’action

collective assure et qui a certainement un effet intimidant sur les procédures négociées à savoir,

garantir la réparation des préjudices individuels (A) et renforcer le caractère dissuasif du droit de

la concurrence (B).

A. La réparation des préjudices individuels

En s’accentuant sur cette caractéristique propre au «private enforcement» qui est la

réparation du préjudice concurrentiel, Le «private enforcement» via l’action collective touche là

où ça dépasse le «public enforcement», c’est d’ailleurs, notamment la raison pour laquelle

qu’une conciliation effective entre les deux actions privée et publique s’impose.

A cet égard le droit américain se distingue par sa politique perfectible en la matière

notamment en adoptant une procédure de clémence au civil : La clémence au civil signifie que le

contrevenant repenti devra payer des dommages et intérêts compensatoires (et non triples) et que

370 Sur ce point V. E. COMBE et C. MONNIER, « les amendes contre les cartels : la commission européenne en fait-elle trop ? », Concurrences, n° 4-2009, p. 41.

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la règle de la responsabilité solidaire ne lui sera applicable, la commission européenne avait pris

en compte cette possibilité dans les livres vert et blanc, mais sans concrétisation371

Les conséquences civiles des pratiques anticoncurrentielles aux Etats Unis peuvent se

révéler extrêmement lourdes : les entreprises s’exposent à des class actions et le système de

responsabilité civile est fondé sur des dommages et intérêts triples ; alors craignant un impact

négatif sur son programme de clémence, le législateur américain a envisagé une clémence au

civil afin d’assurer l’attractivité du programme de clémence.

En effet Il est important de croire à la conjugaison du «private enforcement» et des

procédures négociées, à cet égard il faut surtout coordonner les différentes exigences, en effet

dans le cadre des programmes de clémence, si l’on considère que la décision de l’autorité de

concurrence doit exercer un effet de la chose décidée sur le juge le cas échéant la décision prise

dans le cadre d’un programme de clémence pourrait elle aussi être considérée comme une preuve

dans les procès en réparation des préjudices subis par les pratiques condamnées.

Dès lors, les victimes ne seraient plus contraintes de prouver une nouvelle fois l’existence

de la pratique illicite.

En revanche elles ne seraient pas épargnées de l’obligation de prouver le préjudice et le

lien de causalité.

Une telle solution serait toutefois possible pour les seules actions consécutives donc

publique ensuite privée.

Or dans le cas où l’action privée devant le juge a été initiée parallèlement à la procédure

de clémence ou de transaction, on pourrait dans ce cas imaginer une suspension de la procédure

devant le juge à l’instar de ce qui se passe dans le cadre de l’article 16 du règlement n° 1/2003 en

vue de la décision de l’autorité de concurrence.

Cependant même dans ce cas il faudrait encore résoudre le problème de l’autorité de cette

décision dans le cadre intra-européen.

En outre au regard de la procédure de non contestation des griefs qui se distingue des

procédures existants en Europe puisque celles-ci exigent la reconnaissance anticipé de

responsabilité372 alors que la procédure française n’implique a aucun moment un aveu de

371 Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles, perspectives nationale, européenne et internationale, Editions Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 665.372 J.-C.RODA, La clémence en droit de la concurrence. Etudes comparative du droit américain et européen, précité, § 119.

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culpabilité. Dans ce cas l’utilité pour les victimes de la décision finale de l’autorité de

concurrence est amoindrie, l’accès au dossier établi dans le cadre de cette procédure pourrait

donc se révéler utile pour les victimes.

Or l’intérêt du plaignant en vue de l’action en réparation est encore plus faible dans le

cadre de la procédure d’engagements puisque non seulement l’entreprise ne passe pas aux aveux

mais encore aucune infraction n’est constatée.

S’agissant des programmes de clémence on peut s’interroger sur l’opportunité de prévoir

une protection contre la divulgation au regard des bénéficiaires d’amende, et songer à limiter la

protection à celui qui a obtenu l’immunité.

Les victimes pourraient accéder aux informations dévoilées par les autres membres de

l’entente prohibée, notamment, celle relatives a leurs responsabilité dans cette pratique.

En effet l’intérêt d’être le premier à dénoncer sera donc renforcé, les programmes de clémence

seraient des lors encore attractifs, en dépit des craintes suscitées par le développement du

«private enforcement».

Le mécanisme de l’action de groupe récemment consacré en droit français, permet

d’assurer la réparation des préjudices individuels en répondant au caractère particulier du

préjudice concurrentiel (1) et à renforcer les droits des consommateurs victimes de pratiques

anticoncurrentielles (2)

1. la réponse au caractère particulier du préjudice concurrentiel 

Le préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle a pour particularité d’être subi par

un grand nombre de personnes tout en étant relativement faible au regard de chaque victime.

En revanche, parce qu’il se produit à grande échelle, le montant du préjudice total est

souvent important si on l’apprécie dans sa globalité373

2. Le renforcement des droits des consommateurs victimes par la consécration

de l’action collective

373 F. JENNY, l’action de groupe. Une procédure qui renforce la dissuasion du droit de la concurrence, JCP G n°37, 10 sep. 2012, doctr. 979 : 285 millions de dollars versés en réparation du préjudice causé par une entente entre producteurs de composants électroniques aux victimes indirectes ; ou encore 7,25 milliards de dollars payés à un groupe de commerçants à la suite d’une entente entre banques

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Si on se focalise sur l’évolution et la présentation de l’action de groupe en droit français :

C’est la loi du 17 mars 2014 qui a consacré le mécanisme de l’action de groupe, son

champs d’application reste néanmoins limité puisque seuls les dommages matériels causés aux

seuls consommateurs sont réparables, et puisqu’il ne vise que les dommages de consommation et

ceux découlant des pratiques anticoncurrentielles374

Il est à signaler que le législateur français a accordé l’indemnisation des préjudices subis

par les consommateurs via une action de groupe , lorsque ces préjudices résultent de pratiques

anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et

102 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne375

Quant au droit algérien, il n’y a pas vraiment une distinction concernant le préjudice

concurrentiel, le plus important c’est la protection du consommateur, peu importe la nature du

préjudice qu’il a subi, à cet égard le législateur algérien frôle l’action collective en stipulant la

possibilité de se constituer comme partie civile pour les associations de protection des

consommateurs, mais on y trouve pas le processus propre d’une action de groupe au sens du

droit français.

S’agissant du droit français, le préjudice des consommateurs victimes d’une pratique

anticoncurrentielle pouvant être considérable, surtout si celui-ci est lié à un cartel, ce mécanisme

constitue une avancée spectaculaire376 pour les droits des consommateurs en la matière.

Et pour la présentation rapide de la procédure et notamment sa spécificité de en matière

de concurrence : cette procédure porte trois phases :

La première, l’association intente l’action pour le compte du groupe de

consommateurs qui se trouvent dans une situation identique ou similaire et qui subissent

des préjudices individuels du fait d’un même professionnel.

Alors le tribunal de grande instance vérifie les conditions de recevabilité de l’action et

statue sur la responsabilité du professionnel, sur ce point une disposition spéciale prévoit qu’en

matière de pratiques anticoncurrentielles, la responsabilité du professionnel ne peut être établie

que sur le fondement de la décision de l’autorité de la concurrence.

374 M. DEPINCE, D. MAINGUY, « l’introduction de l’action de groupe en droit français », JurisClasseurs Commercial, 20 mars 2014

375 Art. L. 423-1 al. 2, 2° du code de la consommation

376 J. JULIEN, Présentation de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, Contrats, conc, consom. n°5, mai 2014, dossier 2.

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Les actions collectives initiées en droit de la concurrence se limite donc aux hypothèses

de follow on, nécessitant d’attendre une décision devenue définitive d’une autorité de

concurrence, la deuxième phase correspond à la phase non-contentieuse qui prévoit des mesures

de publicité afin de porter l’existence de la décision à la connaissance des consommateurs : donc

un délai déterminé pour les consommateurs qui se lance pour adhérer au groupe, dans ce

contexte l’adhésion au groupe ne peut résulter que d’une réaction expresse de volonté. La

troisième phase consiste en la liquidation du préjudice.

A l’image des objectifs du développement du «private enforcement» tels que visés par

l’UE, l’action collective est perçue non seulement comme un mécanisme d’indemnisation des

petits préjudices de masse, mais surtout comme un mécanisme de régulation assurant la

dissuasion du droit de la concurrence.

B. Le partage de la dissuasion

Il est à reconnaitre que la dissuasion, reste un objectif commun du public en forcement et

du «private enforcement».

Cette réflexion procède de la prise en compte de l’ensemble du système dissuasif, et de la

complémentarité des actions publique et privée dans la lutte contre les pratiques

anticoncurrentielles.

En effet si les procédures négociées ont montré leur forte utilité dans la détection des

pratiques illicites, permettant en même temps aux autorités de concurrence d’économiser des

ressources qu’elles peuvent affecter à d’autres tâches, or on ne peut pas sacrifier le «private

enforcement» au nom de la protection des procédures négociées.

Le but est de dissuader la formation des pratiques anticoncurrentielles, quel que soit

l’outil utilisé.

Si les procédures négociées peuvent faciliter indirectement le recours au juge pour

obtenir la réparation des préjudices découlant de pratiques qui ont été détectées ou établies à

travers ces procédures, l’impossibilité d’accéder aux preuves dévoilées dans le cadre de ces

procédures , estompe les effets bénéfiques qu’elles exercent indirectement sur les actions privées

.

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En effet les victimes sont informées de l’existence des pratiques prohibées, mais n’ont

pas toujours les moyens pour prouver le préjudice découlant de ces pratiques.

Dès lors, les autorités de concurrence seront vraiment intimidées par les vertus du

«private enforcement» : puisque si les actions privées et en particulier les actions collectives

permettent à la fois de réparer les dommages causés et de dissuader les entreprises de futurs

comportements collusifs, il faut en tenir quitte à remettre en cause partiellement la place donnée

aux outils des autorités de concurrence.

A cet égard les procédures négociées ne peuvent pas être considérées comme un acquis

intouchable377, cette réflexion nous détourne finalement à l’objectif général de limitation de la

formation des pratiques anticoncurrentielles, non seulement par la répression, mais également

par la dissuasion à laquelle contribue à la fois l’action publique et l’action privée378.

Il est à signaler que la procédure négociée algérienne ne s’applique pas en cas de

récidive, et là en moins le législateur algérien est tranchant379, par rapport à ses homologues

européen et français, cependant, la nécessité de repenser la politique de clémence et sa mise en

œuvre est d’autant plus importante lorsqu’on s’interroge sur le taux de récidive existant en

Europe.

En effet des études ont montré qu’au cours de la période 2006-2010, parmi les 28

entreprises bénéficiaires de l’immunité, 7 étaient des récidivistes, c’est-à-dire une entreprise sur

quatre380 : en effet c’est admissible de s’interroger si les entreprises ayant déjà participé à un

cartel puisse bénéficier de l’immunité de la sanction encourue et d’une protection au civil au

détriment des victimes souhaitant accéder au dossier afin de faire valoir leurs droits à

réparation. ?

377 F. JENNY, in colloque livre blanc sur les actions en dommages et intérêts … précité, p. 25. Par ailleurs l’efficacité de ces procédures est relative notamment lorsque les pratiques anticoncurrentielles internationales visent à produire des effets dans certains pays tels que les pays en voie de développement , sur ce point v. P. DESBROSSE , « Les programmes de clémence à l’épreuve de la globalisation des marchés », RIDE, 2010, p. 211 et spéc. p. 236 et ss.

378 En effet l’objectif n’est pas de protéger ces programmes, car « si, en ayant des systèmes d’action civile, individuelle ou collective, nous dissuadons beaucoup plus les cartels de se former , par exemple, et même si cela agit d’une certaine manière sur les programmes de clémence, le but que nous somme en droit de nous assigner sera tout de même rempli » F. JENNY, in les actions civiles à l’encontre des pratiques anticoncurrentielles, Atelier de la concurrence du 4 octobre 2006, Concurrence & Consommation, 2007, n° 153, p. 21 et spéc. p. 43.379 L’art. 60, al. 2 stipule clairement que « les dispositions de l’alinéa 1 ne sont pas applicable en cas de récidive quelle que soit la nature de l’infraction commise. »

380 W. P. J. WILS, « Recidivism in EU Antitrust Enforcement : A Legal and Economic Analysis », World Competition : Law and Economics Revue, Vol. 35, n°1, 2012, p. 5.

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Le renforcement du «private enforcement» se justifie davantage, les programmes de

clémence étant de loin perfectibles.

La consécration de l’action de groupe vient renforcer le caractère dissuasif du droit de la

concurrence en redéfinissant la place des deux acteurs principaux dans ce type d’action : le

consommateur est placé au rang de véritable acteur dans la lutte contre les pratiques

anticoncurrentielles (1) et les entreprises sont amenées à être plus raisonnables en raison du

risque qu’elle fait peser pour elles (2)

1. L’amélioration de l’accès des consommateurs à la justice au service de la

dissuasion.

L’action de groupe introduite en droit français, contribue indéniablement à améliorer

l’accès des consommateurs à la justice et permet ainsi de renforcer l’aspect dissuasif du droit de

la concurrence.

En effet avec l’introduction de l’action de groupe, les consommateurs victimes n’ont qu’à

adhérer au groupe à la suite des mesures de publicité pour devenir véritablement parties à

l’action381 et obtenir potentiellement l’indemnisation de leur préjudice.

Ainsi ce nouveau mécanisme constitue un facteur dissuasif important pour les entreprises

puisque, non seulement il augmente le risque financier qui pèse sur les entreprises

contrevenantes, mais il les expose aussi fortement sur le plan de leur image382.

Ainsi l’action de groupe vient redéfinir le rapport professionnels/consommateurs en

rendant les entreprises plus responsables.

2. Des entreprises plus responsables

La prise en compte du risque de l’action de groupe par les entreprises : jusqu’à présent les

entreprises contrevenantes se contentaient de régler les amendes des autorités publiques mais ne

craignant pas de voir leur responsabilité engagée par les consommateurs (du moins en Europe),

elles vont devoir désormais intégrer le contentieux de masse dans leur analyse des risques383, 381 Art. L. 483-1 et s. du code consommation

382 J. CATALA MARTY, Réflexion autour de l’action de groupe en droit de la concurrence, préc. P.12.383 J. CATALA MARTY, Réflexion autour de l’action de groupe en droit de la concurrence, préc. P.12.

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ainsi il n’est pas étonnant de voir les représentants des entreprises faire part de leurs craintes,

surtout au niveau de la concurrence, vis-à-vis de ce nouvel instrument juridique.

En effet dans le cadre des pratiques anticoncurrentielles, les entreprises vont devoir

répondre du préjudice causé à l’économie mais aussi de celui causé aux consommateurs : ainsi

l’action de groupe permettant à un grand nombre de personnes d’agir en réparation de leurs

préjudices, leur fait courir le risque de sanctions pécuniaires élevées et d’atteinte à leur image.

Un nouveau rapport professionnels/consommateurs : par ce risque financier l’action de

groupe vient rétablir l’équilibre en termes de puissance économique et change ainsi les rapports

entre consommateurs et professionnels384.

§2. L’effet contraignant des procédures négociées sur les actions collectives

Les actions privées s’argumentent traditionnellement par la réparation pécuniaire du

préjudice, mais il est tout de même admissible de reconnaitre son caractère dissuasif, se même

caractère avec l’effet punitif font l’objectif de l’action publique :

de ce fait l’action privée ne peut ne pas s’articuler avec l’action publique du moment où

elles partagent plus ou moins le même objectif, les deux actions interagissent entre elles.

Par ailleurs les entreprises victimes des pratiques anticoncurrentielles sont d’une grande

importance pour les autorités de concurrence, en vue de l’apport qu’elles puissent leur apporter

en matière de situation du marché mis en cause et surtout du préjudice qu’elles ont subi.

La différence entre le droit algérien et les droits français et communautaire est manifeste,

notamment dans leurs systèmes, puisque dans un système basé essentiellement sur l’action

publique comme c’est le cas en droits communautaire et français, en adoptant surtout certaines

formes avenantes le cas échéant les procédures négociées , autrement dit l’action publique se

manifeste par la pratique des autorités de concurrence, et cette pratique fait défaut au conseil

algérien de la concurrence, un conseil qui parait bien paresseux en exerce385 surtout qu’il est resté

384 L. SCHENIQUE, Action de groupe : le recours à la médiation, un bon point de la nouvelle loi ?, Affaires consommation.

385 Dans son rapport annuel de 2014, le conseil de la concurrence algérien a argumenté son bilan notamment la première décision de sanction pécuniaire (procédure ordinaire)- du 18/02/2013 distributeur d’eaux minérales Slimani Madjid contre la société IFRI- qu’il a rendu depuis sa reprise en 2013, concernant une plainte déposée à son niveau le 21/04/2003 , qu’ à titre comparatif des pratiques internationales en la matière , il y a lieu de rappeler la recommandation du président du Réseau international de la concurrence (ICN) qui considère que l’évaluation d’une autorité de la concurrence ne s’apprécie pas sur la base du nombre des affaires traitées ou par rapport aux amendes infligées mais plutôt à travers l’impact des décisions des autorités de la concurrence sur le marché concurrentiel. », p. 51

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statique de plus d’une décennie, en revanche la porte était ouverte pour les victimes de se

recourir au juge loin de la poursuite administrative ou publique.

Or, il faut reconnaitre qu’il est fort difficile pour les victimes des pratiques

anticoncurrentielles que ce soit à titre individuel (action privée individuelle) ou associatif (action

privée collective ou action de groupe) d’arriver à soulever le lien de causalité entre le présumé

auteur de la contravention concurrentielle et le préjudice subi devant le juge, puisque ceci

dépasse quasiment les compétences d’un juge, la spécificité d’un tel lien concurrentiel demande

tout le savoir-faire d’une autorité spécialisée en la matière : d’emblée en droit algérien on ne peut

même pas débattre du fait que ces procédures négociées peuvent représenter une aubaine qui

s’offre aux victimes surtout en absence de légifération de textes qui garantissant la protection

des informations obtenues dans le cadre de la procédure négociée algérienne.

Quoi qu’il en soit, le «private enforcement» ou le recours privé, -comme nous l’avons

déjà signalé- fait partie maitresse dans la mise en œuvre du droit de la concurrence, c’est la

raison pour laquelle son efficacité est d’une importance primordiale, sauf qu’il est souvent

contraints par les procédures négociées afférente à ce même droit de la concurrence.

En effet en matière de droit de la concurrence, l’intérêt privé est incessamment confronté

à l’intérêt général : puisque ce dernier est garanti par la sauvegarde d’une concurrence

proprement dite pour l’intérêt du marché , alors que l’intérêt privé se manifeste naturellement par

le droit de toute personne de réclamer des dommages et intérêts en réparation du dommage

causé par les auteurs des actes et /ou comportements nuisibles à l’ordre concurrentiel : Cet intérêt

privé s’appuie notamment sur le célèbre arrêt courage386 .

L’efficacité des procédures négociées n’est certainement pas absolue dès qu’une action

d’indemnisation fait irruption : puisque l’opacité des couts voire de calculer ces couts auxquels

les entreprises –souhaitant coopérer avec les autorités de concurrence- pourraient payer

éventuellement est susceptible de dépasser les bénéfices d’un traitement clément.

La perplexité de ces entreprises serait aggravée si les victimes décident d’agir

collectivement.

Disponible sur le site web du conseil de la concurrence algérien : http://www.conseil-concurrence.dz/wp-content/uploads/2015/09/Rapport-Annuel-2014.pdf

386 CJCE, arrêt du 20 septembre 2001, aff. C-453/99, Courage Ltd/Bernard Crehan et Bernard Crehan /Courage Ltd et autres.

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Cependant, tout dépend de l’accès aux informations fournies dans le cadre des procédures

négociées : on peut alors s’(accentuer sur le duel déjà énoncé entre protection de ces

informations incluses dans le cadre de telle ou telle procédure négociée et infériorité de la

position de la victime notamment dans sa tâche d’établir les conditions de la responsabilité.

Cette tâche est encore lourde à porter et/ou à supporter si les victimes dans le cadre d’une

action de groupe ne peuvent être que des personnes physiques :

En effet la limitation de l’action de groupe aux personnes physiques, n’apparait pas

expressément mais se déduit facilement par la définition de la notion de consommateur donnée

par la loi Hamon, celle-ci a introduit dans le code français de la consommation un article

préliminaire disposant que « au sens du présent code , est considérée comme un consommateur

toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité

commerciale, industrielle, artisanale ou libérale »387

En s’accentuant sur cet article, il est déjà énoncé l’exclusion des PME par la loi Hamon

d’où on peut soulever les lacunes de cette loi en la matière. .

Cette contrainte ne peut passer inaperçue sur l’efficacité des actions collectives en

matière de réparation de préjudice, en plus des contraintes liées à l’objet de notre étude, puisque

l’efficacité des procédures négociées pèsent assurément sur le recul de l’efficacité de ces actions

en réparation, notamment, en ce qui concerne la protection des informations obtenues dans le

cadre des procédures négociées (A) et l’établissement de la responsabilité civile (B)

A. La protection des informations obtenues dans le cadre des procédures

négociées

A travers ce titre, il sera tenté de se focaliser plutôt sur la clémence, compte tenu du

sucées grandissant et surtout planétaire qu’elle a pu réaliser388, et comment la victime est

sacrifiée au nom de la protection des informations obtenues dans le cadre de cette procédure

négociée.

Or, puisque cette procédure n’est pas du jeu en droit algérien, il apparait nécessaire de se

concentrer sur les droits communautaire et français :

387 Article préliminaire dans le code de la consommation, introduit par la loi n° 2014-344, 17 mars 2014, art. 3

388 Cinquante-deux pays, répartis sur quatre continents, disposent de ce programme. Pour une présentation des différents modeles, v. Cartels & Leniency 2009, ICLG, consultable sur le site internet http://www.iclg.co.uk.

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La position exprimée à plusieurs reprises par la commission européenne dans ces projets

repose essentiellement sur le fait que les procédures extensives de discovery et les conséquences

civiles des actions collectives, peuvent remettre en cause l’efficacité de ces outils.

Dans le cadre des programmes de clémence, si le dénonciateur du cartel est obligé de

divulgué à la victime ayant engagé une action civile devant le juge les documents d’appui, dans

ce cas toute défense devient hasardeuse pour ne pas dire désespérée389

En effet tant le système européen qu’une grande majorité des Etats membres reposent sur

la preuve écrite. Bien que la plupart d’entre eux disposent de procédures de paperless, les

procédures de clémence ne sont pas entièrement orales car l’entreprise n’est pas déchargée de

l’obligation de transmettre les preuves du cartel dont elle dispose.

En outre, dans la plupart des cas, aucune protection contre les conséquences civiles n’a

été envisagée, les procédures négociées et les procédures civiles étant totalement indépendantes.

Or, l’efficacité du «private enforcement», passe inévitablement par l’accès effectif aux

preuves qui se trouvent souvent entre les mains des contrevenants au droit de concurrence, à

l’évidence ces fins s’opposent.

A cet égard, l’affirmation du rôle central de l’action privée dans la mise en œuvre du droit

de la concurrence apparemment reste la répudiation d’une subordination du «private

enforcement» au «public enforcement».

En effet dans le cadre d’un programme de clémence, deux intérêts sont à protéger : ceux

des autorités publiques qui souhaitent rendre attractif le programme de clémence afin de lutter

contre les infractions aux règles de la concurrence et ceux des entreprises qui collaborent et qui

ne souhaitent pas voir les informations transmises utilisées dans le cadre d’une action civile à son

encontre.

Ainsi, un conflit peut naitre entre l’action publique qui cherche à conserver le caractère

attractif du programme en assurant la confidentialité des informations fournies par l’entreprise, et

les actions privées qui cherchent à assurer la réparation des victimes.

La question de la conciliation de ces intérêts est particulièrement complexe et préoccupe

tant le droit français que le droit de l’union.

389 O. GUERSENT, in Colloque Clémence et transaction en matière de concurrence : Premières expériences et interrogations de la pratique, Gaz. Du Pal., 14-15 octobre 2005, n° 287 à 288.

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En effet, l’autorité française de concurrence assure une certaine sanctuarisation390 des

dossiers de clémence : En droit français le programme de clémence trouve son fondement à

l’article L. 464-2-III du code de commerce, concernant la question de divulgation des dossiers de

clémence détenus par l’autorité de la concurrence, l’article L. 462-3, alinéa 2, prévoit une

divulgation largement limitée et contrôlée par l’autorité, cet article établit une distinction claire

entre les documents demandés dans le cadre d’une procédure contentieuse ordinaire et ceux

relevant d’une procédure de clémence.

Alors que dans le premier cas, le législateur français laisse relativement libre l’autorité de

la concurrence de divulguer ou non les documents obtenus, il interdit en revanche dans le

deuxième cas de divulguer les pièces du dossier de clémence391

Quant à la position de la commission, celle –ci opte clairement pour la protection absolue

des dossiers de clémence en vertu de la directive 2014/104/UE susmentionnée, d’ailleurs ça était

toujours le cas en refusant toute divulgation des documents communiqués dans le cadre du

programme de clémence392.

Ainsi il apparait évident le penchant de l’UE dans ce contexte, était d’abord d’assurer

l’efficacité de ce types de programmes, profondément utiles pour les autorités publiques dans

leur lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, faciliter les actions privées en réparation ne

doit donc pas signifier une remise en cause du public renforcement qui demeure prioritaire en

Europe.

Il est à signaler que la commission avait même envisagée auparavant de limiter la

responsabilité civile des entreprises contrevenantes qui ont permis de déceler le comportement

anticoncurrentiel grâce à leur collaboration393, mais en vain.

Un programme de clémence efficace exige naturellement des outils fiables à la portée des

autorités de concurrence : des outils bel et bien en faveur des entreprises dénonciatrices, à savoir

la protection des informations dévoilées par ces entreprises et ce par les règles de confidentialité

390 R. AMARO, Le contentieux privé des pratiques anticoncurrentielles, prec., p. 356.

391 Solution similaire sur la question des procédures d’engagements en droit français : CA Paris, 20 nov. 2013, SAS Ma liste de courses, n°12/05813 : la CA déclare que l’ANC peut refuser de transmettre le dossier issu d’une procédure d’engagements au juge judiciaire saisi d’une demande de réparation en dommages et intérêts. Le demandeur doit démontrer quelles sont nécessaires à l’exercice de ses droits. Pour commentaire, V. D. BOSCO, Procédure d’engagements et actions privées : rebondissement sur l’affaire Ma liste de courses, Contrats, con, consom. Mars 2014, n°3, comm. 74.

392 L. IDOT, Un pas en avant significatif pour renforcer l’effectivité des actions privées en droit des pratiques anticoncurrentielles, préc., p. 1385.

393 Livre vert, préc. p. 10, pt 2.8.

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(1) et aussi dans certains programmes, la demande de clémence et/ou les informations peuvent

être présentées oralement (procédure dite de paperless) (2)

1. La protection des informations par les règles de confidentialité 

Dans le cadre de l’application de la politique de la concurrence, notamment celle de la

confidentialité liée à la mise en œuvre des procédures négociées, les autorités de concurrence

approuvent certaines règles pour protéger certaines informations jugées sensibles394 et ce pour

subvenir au besoin d’une collecte des preuves de l’infraction au droit de la concurrence :

les autorités de concurrence ont vocation à limiter l’accès au dossier, à protéger le secret

des affaires, ce principe est considéré notamment comme un véritable droit fondamental395, et

aussi à protéger les secrets professionnels.

A cet égard les autorités de concurrence assurent à la fois des garanties de confidentialité

dans le cadre des procédures négociées, et également l’élaboration des règles de cette

confidentialité pour inciter les entreprises concernées à opter sérieusement pour la négociation.

- Les Modèles En Europe :

Les procédures de clémence et de transaction sont plutôt attractives en termes de

confidentialité pour les entreprises voulant avoir la confirmation de la maintenir : puisque dans le

cadre d’une clémence, les entreprises mises en cause après communication des griefs sont

autorisées uniquement à consulter des parties du dossier portant les déclarations et/ou les

informations émises par l’entreprise dénonciatrice et ce au niveau des locaux de la

commission396.

Cette autorisation peut aller jusqu’à prendre des notes manuellement sans pour autant les

utiliser à d’autres fins.

394 C. Lucas De Leyssac, « Rapports de synthèse », in les sanctions judiciaires des pratiques anticoncurrentielles, colloque du CRDAE, Paris I, avril 2004, LPA, 20 janvier 2005, n°14, p. 65 et spéc. p. 68.

395 R. Dumais, Essai sur la fondamentalisation du droit des affaires, L’Harmattan, 2008, p. 215. Pour cet auteur, le secret des affaires, est la « traduction d’un droit fondamental substantiel : le droit au respect de la vie privée. Dès lors, « l’intérêt légitime des opérateurs économiques à ce que soit respecté le secret de leurs affaires les conduit à demander la non-divulgation d’informations relatives à leur stratégie commerciale, à leurs résultats, leurs modes d’organisation. Cette revendication n’est ni plus ni moins qu’un appel au respect de leur vie privée professionnelle  » p. 215.

396 V. à titre d’exemple, la décision de la commission du 07 octobre 2009 dans une entente relative au partage des marchés des transformateurs de puissance, dans laquelle elle a appliqué le programme de clémence de 2002, (affaire COMP/39.129 ; IP/09/1432).

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Il faut signaler tout de même que cette autorisation susmentionnée prend la forme d’un

engagement, sous peine de sanction, de même en ce qui concerne la transaction communautaire,

les destinataires d’une communication des griefs qui n’ont pas cherché et/ou ont pas demandé de

transaction, peuvent accéder aux propositions de transaction mais dans le même cadre de

l’engagement relatif à la procédure de clémence..

Dans le cadre des procédures négociées, les plaignants n’ont pas en revanche accès au

dossier.

La politique de confidentialité dans les Etats membres : règles largement convergentes

avec le modèle européen :

La protection du demandeur de clémence ou le dénonciateur (son identité et les éléments

dévoilés par celui-ci) est assurée que ce soit par le programme européen ou les programmes de

certains Etats membres, la France entre autres jusqu’à la communication des griefs, donc

l’autorité de concurrence fait en sorte de préserver la confidentialité de l’identité du dénonciateur

durant toute la procédure jusqu’à l’envoi de la notification des griefs aux tiers concernés397. Dès

lors le dénonciateur est déjà bel et bien connu pour ces derniers.

Il faut tout de même mettre le point sur la qualité du dénonciateur, puisque celui-ci ne

peut être qu’une personne morale dans le programme français de clémence, alors que dans

d’autres programmes, peuvent bénéficier de la clémence tant les personnes physiques que les

personnes morales398.

Après la notification des griefs, l’opportunité est offerte pour les destinataires qui peuvent

donc accéder aux données confidentielles qui ont précédées cette étape, ces données peuvent être

écrites ou orales, toutefois elles sont retranscrites par l’autorité de concurrence399.

La protection de certaines informations s’étale même devant le juge pénal et ce si la

responsabilité pénale se manifeste formellement.

Il faut reconnaitre que le REC (le réseau européen de concurrence) a adopté une

résolution intitulée « protection of leniency material in the context of civil damages actions » 397 Point 44 du communique de procédure du 02 mars 2009 relatif au programme de clémence français.Disponible sur le site internet : tttp://www.autoritedelaconcurrence.fr/

398 A titre d’exemple les programmes portugais, allemand et espagnol, en revanche à l’instar du programme français de clémence, les personnes physiques sont exclues de l’application de la clémence dans d’autres Etats européens notamment les programmes finlandais, italien, suisse et hongrois.

399 Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale, europeene, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 617.

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dont les autorités de concurrence s’engagent à assurer le non-dévoilement des déclarations

émises par les entreprises dénonciatrices dans le cadre d’une procédure de clémence pour assurer

l’efficacité de cette dernière.

En ce qui concerne la procédure de transaction, les Etats membres disposant cette

procédure sont peu nombreux400, mais pour rendre cette procédure plus attractive, la commission

européenne applique sur les convoiteurs de cette procédure le même principe adopté sur la

procédure de clémence en matière de protection de confidentialité, pour influencer ces Etats pour

prendre part de cette procédure.

- Le cas du droit français :

Concernant la procédure d’engagements en vertu du communiqué du 02 mars 2009 y

affèrent, énonce que l’intégralité des documents fondamentaux à l’établissement de l’évaluation

préliminaire par le rapporteur ainsi que l’intégralité des documents constituant le dossier soumis

à l’autorité de la concurrence pour statuer sur les engagements, seront bel et bien à la portée des

parties concernées par cette procédure.

Or il est à signaler que cette portée est donnée sous réserve de l’intérêt légitime de la

couverture des secrets d’affaires des entreprises concernées, les différentes communications sont

ouvertes à l’adoption des procédures de protection des secrets d’affaires prévues aux articles L.

463-4 et R. 463-13 du code de commerce français401.

Quant à la procédure de non-contestation des griefs, qui s’est transformée en procédure

de transaction après la célèbre affaire Courage, si on s’accentue sur le communiqué du 10 février

2012 y affèrent, l’autorité de concurrence s’est contentée faire un renvoi aux dispositions

générales du code de commerce français relatives à l’accès au dossier.

De son côté la procédure de transaction prévue par l’article L. 464-9 du code de

commerce entre le ministre de commerce et les entreprises ayant participé à une pratique

anticoncurrentielle locale, l’article R. 464-9 du même code prévoit que la communication des

faits constatés et le rapport administratif d’enquête portant les faits constatés, leur qualification

juridique et leur imputabilité sont exclusivement consultables par les destinataires de la

procédure et encore sous réserve de la protection du secret des affaires.

400 S. HOLMES, P. GIRARDET, « Settling Cartel Cases : Recent Developments in Europe », in Cartels & leniency 2010.Disponible sur le site internet : http://www.iclg.co.uk/.

401 Points 27-30 du communiqué, disponible sur le site internet de l’AdLC.

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Alors que dans le cadre de la procédure de clémence, on peut clairement distinguer le

renforcement de la protection des éléments rentrant dans cette procédure :

Puisqu’en dehors de la protection réservée au secret des affaires en vertu des dispositions de

l’article L. 463-4 du code de commerce français, le communiqué affèrent à cette procédure du 02

mars 2009 prévoit de son côté, la protection de la confidentialité de l’identité du demandeur de

clémence ainsi que de son apport en informations et/ ou documents, est pleinement assurée

durant toute la procédure jusqu’à la notification des griefs aux parties concernées.

En plus la procédure de clémence représente un motif légitime justifiant la non -

transmission au parquet du dossier portant l’exonération de l’entreprise bénéficiaire d’une

clémence, ce qui épargne bien évidemment aux personnes physiques appartenant à cette

entreprise d’être des sujets d’éventuelles poursuites pénales.

Or en cas de demande d’avis présentée par le juge à propos de la mise en œuvre d’une

pratique anticoncurrentielle, l’autorité de concurrence pourrait transmettre son avis accompagné

de toutes les pièces du dossier sauf celles élaborées ou recueillies dans le cadre du programme de

clémence402.

Chose qui s’adapte plutôt avec le contenu de la loi n° 2011-525403 du 17 mai 2011 de

simplification et d’amélioration de la qualité du droit en stipulant « ne sont pas communicables

… les documents élaborés ou détenus par l’autorité de la concurrence dans le cadre de l’exercice

de ses pouvoirs d’enquête, d’instruction et de décision ».

Dès lors il était clair que l’option était plutôt celle d’une protection accrue de la

confidentialité des documents issus du programme de clémence.

2. La protection des informations par la mise en place de procédures de

« paperless » 

La procédure de clémence étant d’origine américaine, l’Antitrust Division est pionnière

en matière de paperless, elle a donné son aval pour que la procédure s’effectue oralement en

termes de protection des éléments probants dévoilés dans ce sens404.

402 Art. 1 bis du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, 23 décembre 2011.

403 Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, JORF n° 115 du 18 mai 2011, p. 8537.

404 J. –C. Roda, La clémence en droit de la concurrence. Etude comparative des droits américain et européens, § 298.

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Or dans le cadre de notre étude, il est utile de traiter cette procédure et même celle de la

transaction notamment leur application en vertu du droit communautaire et du droit français.

- La procédure paperless mise en place par la commission européenne :

A la demande de l’entreprise, l’autorité de concurrence peut accepter que les demandes de

clémence ou les propositions de transaction s’effectuent oralement.

Et ce se consacre via la communication sur la clémence de 2006 et la communication sur la

transaction de 2008, aussi le règlement n° 1/2003, et le règlement n° 773/2004, selon lesquels la

commission a le plein pouvoir de recueillir des déclarations qui peut être par tout moyen de

communications notamment par téléphone ou par voie électronique et dont l’enregistrement peut

se faire sous toute forme.

Bien évidemment l’expression « toute forme » renvoie naturellement à la possibilité de faire

des déclarations orales, quoi qu’il en soit, la jurisprudence européenne ne cesse de confirmer ce

point de vue405 dans le cadre de la procédure de clémence.

L’essentiel dans l’aloi oral repose sur l’enregistrement sonore ou constatée par écrit

moyennant la rédaction d’un procès-verbal.

Si on s’accentue sur la procédure paperless ou la procédure sans papier qui entoure la

clémence et la transaction, on peut conclure qu’à la demande de l’entreprise concernée, la

commission peut autoriser que les déclarations en vue d’obtenir la clémence soient faites

oralement (donc sans papier) à condition que leur contenu n’ait déjà été divulgué à des tiers406.

Dans le cas contraire la protection demandée ne serait pas justifiée.

Ces déclarations orales qui remplissent cette condition, sont enregistrées et transcrites au

niveau de la commission, voire dans les bureaux de la commission.

Or l’accès à ces déclarations orales après l’enregistrement assuré par les soins de la

commission est bel et bien possible dès l’envoi de la notification des griefs aux parties

concernées.

405 V. sur ce pont Roda, précité, p. 323.

406 Communication sur la clémence de 2006, § 32. La commission précise que la protection de ces déclarations n’est pas justifiée dès lors que l’entreprise communique son contenu au tiers.

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Quoi qu’il en soit les déclarations orales sont considérées comme éléments de preuve407,

l’absence de papier n’exclue en rien son poids, puisqu’elles rentrent dans la constitution du

dossier de la commission.

Quant à la procédure de transaction, après le cumul de critiques soulevées contre le projet de

communication qui stipulait le caractère écrit de la demande de transaction408, la commission a

finalement élaboré des règles similaires à celles prévues dans le cadre du programme de

clémence :

De ce fait la commission peut accepter que les propositions de transaction soient faites et/ ou

présentées oralement, et l’enregistrement et la transcription de ces propositions s’effectuent dans

les bureaux de la commission409.

Il faut tout de même signaler que le contenu de l’enregistrement de la commission dans le

cadre de ces deux procédures (la clémence et la transaction) peut être vérifié et corrigé par les

parties concernées : autrement dit les parties peuvent revoir voire réécouter leurs déclarations par

rapport à leurs coïncidence avec l’enregistrement, corriger la teneur de leurs déclarations et/ou

de leurs propositions de transaction et même contrôler l’exactitude de la transcription410.

Or en ce qui concerne les destinataires, ils sont privés de copier les renseignements

constituant le dossier de la commission par des moyens mécaniques ou électroniques, ils peuvent

seulement écouter les enregistrements et lire les transcriptions411.

On peut incessamment faire le point sur la possibilité d’effectuer toute la procédure

oralement : en vertu de la communication de 2006, celle-ci stipule que la coopération nécessaire

pour bénéficier de de la clémence exige également la présentation de preuves en possession ou à

407 Communication sur la clémence de 2006, § 31.

408 V. M. L. TIERNO CENTELLA, E. CUZIAT, « La procédure de transaction communautaire », in Les procédures négociées en droit de la concurrence : Engagements et transaction. Droit français-Droit communautaire, conférence du 03 avril 2008, Paris, Concurrences, 2-2008, p. 9 et spés. p. 12.

409 Communication sur la transaction, § 38.

410 V. Ibid., § 38 ; communication sur la clémence de 2006, § 32. L’annexe sur la procédure relative aux déclarations faites par les entreprises afin d’obtenir l’immunité d’amendes ou une réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, ajoutée au projet de communication de 2006. Cette annexe n’a pas été prise dans la version finale.Disponible sur le site internet http// :ec.europa.eu/competition/cartels/legislation/leniency_legislation.html.

411 V. à titre d’exemple, la décision de la commission européenne du 12 novembre 2008 dans le cartel du verre automobile (COMP/39125 ; IP/08/1685).

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disposition du dénonciateur convoitant de cette clémence et encore une liste détaillée des

éléments de preuve que l’entreprise en cause se propose de divulguer ultérieurement412.

Et l’enregistrement ainsi que la transaction de toutes les déclarations orales. Alors que la

procédure de clémence américaine est essentiellement orale.

Bien évidemment la commission en adoptant la procédure américaine sans papier (ou

paperless) voulait à tout pris en tirer profit de l’expérience américaine et garantir à bien

l’efficacité du concept des procédures négociées.

Or, les procédures de paperless rencontrent tout de même certaines limites qui varient

selon les programmes de référence à savoir : en France les avis de clémence sont publiés

intégralement sur le site internet de l’autorité de la concurrence, au Danemark, il est possible de

consulter le résumé des affaires, publié par l’autorité de concurrence, alors qu’en Suède la

procédure est en principe ouverte au public413.

- La diffusion de la procédure « paperless » en France :

Cette procédure est répandue en Europe notamment en France, puisqu’elle peut concerner

la demande de marqueur414 : le programme français de clémence prévoit qu’une demande par

téléphone peut suffire à marquer l’ordre d’arrivée des demandes de clémence, on peut signaler

que même la demande de marqueur anonyme est valable415.

Il est à noter que le programme français de clémence dans le cadre de l’oralité de la

demande, n’exige pas que cette oralité soit justifiée416, dès que cette demande orale est faite

l’autorité de concurrence effectue l’enregistrement, sous forme d’un procès-verbal417.

412 Communication sur la clémence de 2006, § 9 et §16 (b).

413 Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale, européenne, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 623.

414 On peut trouver en Europe d’autres types de demandes notamment : la demande sommaire, le rapport du REC ECN Model Leniency Programme : Report on assessment of the state of Convergence du 13 octobre 2009 fait état de dix-sept programmes qui disposent de la possibilité de présenter une demande sommaire de clémence sous forme orale ; la demande complète de clémence , le même rapport du REC fait état de dix-neuf programmes entre autres le Portugal et la Pologne ne disposent pas d’une telle possibilité.

415 Sur ce point v. Q. Franco, « quelle convergence des programmes nationaux de clémence ? L’exemple des programmes français, britannique, allemand, italien et espagnol » précité, p. 49.

416 Cette justification est exigée par exemple dans les programmes italien et néerlandais.

417 V. point 30 du communique de procédure du 2 mars 2009.

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Quant aux déclarations elles peuvent aussi se faire oralement ; la question se pose sur la

possibilité qu’une coopération soit totalement orale, le communiqué de procédure de 2009

prévoit que les informations peuvent se faire oralement, mais la pratique du conseil de la

concurrence a priori n’admet pas une totale coopération orale, puisque les éléments

d’information pouvant être constitués de preuves documentaires (donc on est loin du paperless)

et que l’entreprise dénonciatrice peut compléter par des déclarations orales418.

Tandis que le communiqué de procédure permet à l’entreprise de présenter des éléments

de preuves documentaires ou de « toute autre nature »419.

En face à cette imprécision, il n’est pas à exclure une procédure totalement orale.

Toutefois à la demande de l’entreprise, la déclaration orale peut être enregistrée sur

support électronique par l’autorité française de la concurrence, à défaut l’enregistrement prendra

la forme de procès-verbal établi par un rapporteur, bien qu’il soit à noter que le communiqué ne

fait aucun renvoi vers la possibilité d’effectuer d’éventuelles vérifications sur l’exactitude de la

retranscription avec l’enregistrement et l’accès des parties aux déclarations orales.

Rappelons que le programme français de clémence, porte la publication intégrale de son

avis sur le site internet de l’autorité de concurrence, ce qui pèse incessamment sur l’absolu de la

procédure de paperless.

B. L’établissement des conditions de la responsabilité

À travers le titre précédant, on a pu projeter l’ampleur des protections réservées aux

informations requises par les autorités de concurrence, on s’est concentré sur les règles élaborées

par les autorités de concurrence en ce sens pour arriver à plus d’attractivité voire à plus

d’efficacité des procédures négociées ;

418 V. notamment la décision n° 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 avril 2007, § 291 : «  l’entreprise demandant le bénéfice de la clémence doit apporter au conseil de la concurrence tous éléments d’information, qui peuvent être constitués de preuves documentaires : documents internes à l’entreprise, comptes rendus de réunions…que l’entreprise peut compléter par des explications synthétisées dans un ou plusieurs mémoires versés à l’appui de sa demande, ou de déclarations orales ».

419 Communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme français de clémence, précité, § 14.

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Mais à un moment donné on peut se demander quand même, du sort de la victime dans

tout ça, elle en est où par rapport à l’établissement des conditions de la responsabilité de l’auteur

de la pratique anticoncurrentielle, qui apparait loin d’être anodin !

Il sera tenté de répondre à cette question, en évoquant deux points de droit : Comment la

victime peut-elle se servir d’une telle ou telle procédure négociée pour établir la responsabilité

du contrevenant, donc quels sont les bénéfices tirés de ces procédures négociées (1), et quels sont

alors les moyens dont elle dispose pour arriver à cette fin, voire les moyens d’accès aux preuves

(2).

1. Les bénéfices tirés des procédures négociées

En droit algérien comme on l’a déjà précisé, nous pensons qu’il n’y a pas vraiment un

processus spécifique pour le concept d’une procédure négociée voire d’une procédure alternative

ou accessoire à la sanction : on ne trouve aucun texte qui renvoi au déroulement de la procédure

dite « négociée ».

Compte tenu de l’absence absolue du processus du déroulement de la procédure négociée

en droit interne de la concurrence, dès lors nous reconnaissons qu’on est en plein cœur d’une

procédure classique voire ordinaire, la seule différence c’est que le conseil de la concurrence

selon sa propre appréciation peut donner un verdict portant une exonération totale ou partielle de

l’amende encourue.

Alors en suivant une certaine logique, une procédure négociée algérienne n’est pas dotée

d’une vraie protection d’informations tant qu’il n’y a pas vraiment un texte qui stipule ça

expressement.

Dès lors le conseil de concurrence est contraint de divulguer toutes les informations

recueillies par ses soins dans le cadre d’une procédure dite négociée et à la demande du juge et

celui-ci peut même demander l’avis du conseil sur l’illicéité de la pratique évoquée à son

niveau420.

Et encore lorsque le conseil de la concurrence algérien est saisi d’une affaire ayant un

rapport avec secteur dépendant d’une autorité de régulation, il transmet immédiatement une

copie du dossier à cette autorité421.420 Art. 38 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée

421 Art. 39 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée.

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Et pour faire pression sur le conseil de la concurrence algérien, tous les moyens sont bons

devant le juge, pour se procurer toutes les preuves écrites retenue par le conseil : puisque le

législateur stipule clairement que : «  le juge peut ordonner à la demande d’une partie, la

délivrance d’une expédition ou la production d’un acte authentique ou sous seing privé, ou la

production de toute pièce détenue par un tiers, même si elle n’a pas été partie à l’acte »422.

Bien évidemment dès lors l’entreprise contrevenante qui obtient par « mérite » une

exonération totale ou partielle, via une procédure –dite- négociée s’expose à cœur ouvert aux

risques d’une éventuelle poursuite judiciaire pour réparation du préjudice causé par cette

entreprise : et comment ! Puisque celle-ci a énoncé sa culpabilité rien qu’on optant pour une

négociation avec le conseil de la concurrence.

Quant aux droit communautaire et français, il est clair via les règles adoptées par les

autorités de concurrence, qu’il est presque primordial pour elles de faire réussir ses procédures

négociées au détriment de l’intérêt privé de la victime et ce par rapport à l’établissement de la

responsabilité de l’auteur de la pratique anticoncurrentielle : puisque la victime est peu informée

et peu aidée par l’autorité de concurrence.

On peut constater cette réflexion tant au droit européen que du droit français :

En droit européen, dans le cadre de la procédure d’engagements, il est juste question de la

publication d’un résumé succinct de toute l’affaire, du principal contenu des engagements et de

l’orientation posée pour que les tiers puissent présenter leurs observations423.

Ce qui limite certainement l’accès des victimes aux informations essentielles à

l’établissement de la responsabilité du contrevenant aux règles de la concurrence.

En ce qui concerne les procédures de clémence et de transaction, leurs programmes ont

mis des règles similaires afférentes aux plaignants tiers424.

En transaction, la commission informe les plaignants par écrit de la nature et de l’objet de

la procédure, de même qu’en clémence, les plaignants sont privés de l’accès et à la

communication des griefs, et au dossier qu’il s’agisse de propositions de transaction, de

422 Art. 73 du code de procédure civile et administrative algérien.

423 G. A. Sofianatos, Injonctions et engagements en droit de la concurrence- Etude de droit communautaire, français et grec, précité, § 84.424 I. Idot, « L’accès au dossier de la commission dans la procédure de mise en œuvre des articles 81 et 82 CE. Questions en suspens », in Le droit à la mesure de l’homme. Mélanges en l’honneur de Philipe Léger, Pedone, 2006, p. 199.

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documents ou de déclarations, écrites ou enregistrées, dévoilés dans le cadre de transaction ou de

clémence.

Il est à signaler que la protection des éléments constituant le dossier de la commission,

voire l’interdiction de divulguer leurs contenus est préservée même après l’adoption de la

décision : Sur ce point la commission estime qu’une telle divulgation porterait assurément

atteinte à certains intérêts publics ou privés425, et encore la commission s’abstient que ce soit

dans la cadre d’une clémence ou d’une transaction de communiquer aux juridictions nationales

les éléments de preuves émis volontairement par leurs auteurs.

Quant au droit français, le conseil de concurrence français de 2005, a indiqué dans son

rapport annuel que « la divulgation de documents reçus dans le cadre de la demande de clémence

porterait atteinte à l’efficacité de son programme de clémence et pourrait constituer un

empêchement légitime à la transmission de ces documents »426

Toutefois, au détriment de l’article L. 420-6 du code de commerce français, la clémence

est pleinement considérée comme un motif légitime, justifiant la non-transmission du dossier y

affèrent au parquet, portant les noms des personnes physiques appartenant à l’entreprise

dénonciatrice et bénéficiaire de la clémence.

Et ce lorsque ces personnes sont susceptibles d’être poursuivies –pénalement- en

justice427.

En outre, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la

qualité du droit a cerné voire a fermé tout accès des tiers aux documents recueillis

minutieusement par l’autorité de concurrence, lors d’une procédure de clémence428.

Or la victime est encore marginalisée dans la procédure de non-contestation des griefs et /

ou la procédure de transaction, par rapports aux positions du ministre chargé de l’économie et les

entreprises auteures de pratiques anticoncurrentielles « locales ».

425 Communication sur la transaction, § 40 et communication sur la clémence de 2006, § 40. Dans les deux procédures, on invoque notamment l’atteinte à l’article 4 § 2 du règlement n° 1049/2001 du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du conseil et de la commission. JOCE, 31 mai 2001, L 145/43.426 Rapport annuel de 2005, Etude thématique, précité, p. 175.

427 Communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme de clémence français, précité, § 48.428 V. Supra § 602.

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Cette marginalisation l’est moins dans le cadre d’une procédure d’engagements, chose

qui est plus ou moins confirmé par la cour de cassation qui a reconnu au plaignant le droit

d’accéder aux rapport administratif d’enquête et ses annexes429.

Quoi qu’il en soit la victime est incessamment confrontée aux dispositions de l’article L.

463-6, du code de commerce qui à son tour protège les pièces couvertes par le secret de

l’instruction devant l’autorité de concurrence, stipulant –à défaut- des sanctions pénales.

En revanche, la cour de cassation s’est montrée un peu réticente en appliquant cet article,

au nom des exigences propres à l’exercice des droits de la défense devant le juge, cette position

s’est manifestée lors de son fameux arrêt Samavem du 19 janvier 2010430.

Mais en vertu de cet arrêt susmentionné, il faut d’abord assurer deux conditions ; la

première concerne la nécessité des documents à l’exercice des droits de la défense de la partie

qui les produise, la deuxième concerne cette même partie qui doit apporter la preuve de la

nécessité de leur divulgation pour l’exercice de ses droits.

Et c’est parce que c’est difficile d’arriver à cette preuve, que le plaignant faisant partie à

la procédure devant l’autorité de concurrence, préfère incessamment se recourir aux dispositions

de l’article 138 du code de procédure civile français, pour demander au juge d’ordonner

l’autorité de concurrence la communication de certaines pièces.

Cette préférence et d’autant plus justifiée, puisque l’arrêt Semavem a priori reconnait le

droit de produire des pièces du dossier de l’instruction au seul défendeur -et non pas le

demandeur- pour lui permettre de faire valoir ses droits de la défense431.

Mais de toute façon il faut reconnaitre que récemment les juridictions françaises du fond,

ne reconnaissent nullement l’existence d’un empêchement légitime à la transmission de ces

documents dans le cadre d’une procédure d’engagements, du moment où ils prennent une

version non confidentielle et aucun secret des affaires des tiers n’étant mis en cause, et malgré

les tentatives d’opposition de l’autorité de concurrence en s’appuyant sur les dispositions de

l’article 141 du code de procédure civile français, mais en vain.

429 Cass. Com., 4 novembre 2008, pourvoi n° 07-21.275, Bull. civ. IV, n° 188 sur cet arret Contrats, conc, consom., 2008, comm. 274, obs. M. Bazex.

430 Cass. Com, 19 janvier 2010, pourvoi n° 08-19761 ; sur cet arrêt, v. C. Lemaire, S. Naudin, « Portée du secret de l’instruction : La cour de cassation précise la portée du secret de l’instruction devant l’autorité dans le cadre d’une procédure judiciaire ultérieure (Samavem /c JVC) », Concurrences, n°2-2010, p. 136.431 Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale, européenne, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 626.

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A titre d’exemple, dans un dossier plus ou moins récent432, une entreprise avait dénoncé

une pratique anticoncurrentielle devant l’autorité de concurrence, mais à la suite de l’acceptation

d’engagements, l’autorité de concurrence a fait un terme à cette procédure déclenchée sans

constat d’infraction : l’entreprise s’est dirigée incessamment au tribunal de commerce de Paris

pour demander réparation du préjudice causé par la pratique dénoncée ; et pour arriver à cette fin

elle a demandé au juge d’ordonner l’autorité de concurrence la communication des documents

non confidentiels recueillis dans le cadre de la procédure d’engagements , estimant que ces

documents seront utiles pour l’établissement de la faute et l’évaluation de son préjudice.

Or, l’autorité de la concurrence de son côté, avait invoqué une empêchement légitime à

cette communication en s’appuyant sur les dispositions de l’article 141 du code de procédure

civile ; mais en vain, puisque le tribunal a rejeté la demande de l’autorité en s’appuyant sur une

interprétation extensive de la lecture de l’article L. 463-6 du code de commerce opérée par la

cour de cassation auparavant : le tribunal a argumenté sa position en affirmant que si l’article L.

463-6 du code de commerce interdit clairement la divulgation des pièces méconnaissables à la

partie avant les communications ou consultations auxquelles il a été procédé dans le cadre de

l’instruction devant l’autorité, stipulant : « les principes découlant tant de la jurisprudence

communautaire que l’arrêt Semavem…autorisent (la partie), demandeur à la présente instance, à

les produire dans la mesure où cette divulgation est nécessaire à l’exercice de ses droits ».

Rien qu’en lisant ce passage on peut quand même soulever que le demandeur tout comme

le défendeur bénéficie des mêmes droits procéduraux.

Une fois devant le juge, bien évidemment pour les autorités de la concurrence le choix ne

se pose même pas entre la garantie de l’efficacité des procédures négociées, étant par excellence

des outils ayant vocation à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et l’établissement de la

responsabilité civile par les victimes des auteurs de ces pratiques.

L’attractivité de telle ou telle procédure alternative prime sur l’intérêt particulier de la

victime dans sa requête légitime de la réparation du préjudice qu’elle a subit.

C’est la raison pour laquelle que dans le cadre des procédures négociées, la victime des

pratiques anticoncurrentielles est peu aidée par l’autorité de la concurrence : toutefois la victime

peut essayer de conquérir certaines procédures négociées notamment là où ces auteurs

contrevenants ont reconnu leurs péchés.

432 TC Paris, 15e ch., SAS MA LISTE DES COURSES c/ Sté HIGHCO, Sté SOGEC GESTION, Sté SOGEC MARKETING, 24 aout 2011, RG 2011014911.

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1. 1. Les faibles bénéfices tirés des procédures d’engagements 

Dans un effet paradoxale, l’acceptation d’engagement par l’autorité de concurrence

reflète la non-constatation d’infraction par celle-ci !!

La commission européenne ne tarde pas à préciser que les décisions sur les engagements

n’excluent guère la compétence des juridictions et les autorités nationales de concurrence de se

statuer sur l’affaire y afférente et de constater l’existence d’une infraction433.

Sauf que cette liberté est incessamment confrontée au respect des décisions de la

commission en la matière qui est reconnu par la jurisprudence et de l’objectif d’uniformité en

vertu de l’article 16 du règlement n° 1/2003 stipulant l’interdiction de prendre des décisions qui

iraient à l’encontre de la décision envisagée dans une procédure intentée par la commission434.

A cet égard, on peut signaler aussi que la communication de la commission sur la

coopération entre elle-même et les juridictions nationales pour l’application du droit européen

des pratiques anticoncurrentielles, stipulant que les juridictions nationales sont compétentes pour

faire respecter les décisions d’acceptations d’engagements pris par la commission.

Une compétence qui s’ouvre sur la connaissance des demandes en réparation des

éventuels dommages causés par le non-respect de ces engagements devant la commission ou une

autorité nationale de concurrence435.

Cependant il est à rappeler que les victimes ne peuvent s’appuyer sur les décisions

d’acceptation d’engagements -devant n’importe quelle juridiction-, puisque celles-ci ne prouvent

en rien une quelconque infraction aux règles de la légitime concurrence : tout simplement c’est

des décisions de non-lieu à poursuivre.

Alors du moment où l’autorité de concurrence tant au européenne que française ne se

prononce pas sur l’existence de l’infraction, la victime se voit obligée de se surpasser pour

433 V. article 9 et considérants 13 et 22 du règlement n° 1/2003.

434 D. Waelbroeck, « le développement en droit européen de la concurrence des solutions négociées (engagements, clémence, non-contestation des faits et transaction) : que va-t-il rester aux juges ? », GCLC Working Paper 01/08.Disponible sur le site internet : http://www.coleurope.eu/content/gclc/documents, p.11.

435 V. J. Davies et A. De Brousse, « Le point de vue de praticiens du droit communautaire », Concurrences, n° 1-2005, p. 13.

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arriver à prouver qu’il y eu assurément une infraction pour engager la responsabilité de

l’enfreignant.

Sur le point précédant on peut évoquer le concept de la coopération entre juridiction et

autorité de concurrence : la juridiction peut demander l’assistance de l’autorité de concurrence

sur le même dossier où il a été question d’acceptation d’engagements, celle-ci va être surement

embarrassée436, du fait qu’elle devra donné son avis sur un dossier déjà connu et étudié par ses

soins et qu’elle s’est volontairement abstenue de l’établir et/ou de le qualifier auparavant pour

assurer l’efficacité de ces mêmes engagements.

L’efficacité d’une procédure négociée telle que celle des engagements engage un effet

volontairement amnésique437 sur l’autorité de concurrence, à gage de rétablir promptement

l’ordre concurrentiel.

Toutefois, si on suit une certaine logique, la victime doit dans un premier temps, se

contenter de prouver qu’il y eu acceptation d’engagements de la part de l’autorité de

concurrence : puisque rien que le constat d’une telle décision renvoie de prime abord qu’il y a eu

effectivement une infraction de la part de l’entreprise bénéficiaire de cette décision voire cette

procédure d’engagements : tout simplement si il y avait pas une infraction il y aurait pas

d’engagements.

1. 2. Les bénéfices discutés des procédures d’admission de responsabilité ou de

non-contestation des griefs 

Il est plutôt question de l’aveu émis par l’auteur de l’infraction voire sa qualification et sa

force devant les juridictions.

En matière de transaction communautaire, on est en face d’un réel aveu tout comme celui

de la procédure de clémence, donc une admission de responsabilité, c’est la raison pour laquelle

la victime a intérêt d’invoquer cet aveu devant le juge.

436 C. Lucas De Leyssac, in « Les conséquences civiles et pénales dans un contexte d’internationalisation des programmes de clémence » in Clémence et transaction en matière de concurrence. Premières expériences et interrogations de la pratique, CREDA, Colloque organisé à Paris le 19 janvier 2005, p. 9.Disponible sur : http://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/2005-clemence-actes.html

437 G.-A. Sofianatos, Injonctions et engagements en droit de la concurrence. Etude de droit communautaire français et grec, précité, § 471.

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Toutefois elle est tout de suite confrontée à l’accès quasi-limité des informations

fondatrices de la procédure : puisque les secrets d’affaires et les informations confidentielles font

normalement défauts dans la publication de l’autorité de concurrence438.

Alors que la procédure de non-contestation des griefs voire de transaction française, cet

aveu est loin d’être concrétisé, d’ailleurs l’autorité de concurrence affirme que la non-

contestation des griefs n’est ni aveu, ni une reconnaissance de culpabilité439.

Dès lors, les entreprises victimes ne peuvent surement s’appuyer sur ce présumé aveu

devant le juge, voire cet aveu incomplet : cette réflexion ne fait pas l’unanimité, du moment où

l’autorité de concurrence qualifie cette renonciation de « claire, complète et dépourvue de toute

ambiguïté »440 ce qui ouvre quand même une brèche sur si cette non-contestation des griefs prend

les allures d’un aveu441, de même en ce qui concerne la transaction d’une pratique

anticoncurrentielle française, entre le ministre chargé de l’économie et l’entreprise

contrevenante, l’article R. 469-9-1 du code de commerce français dont ses dispositions, stipule

clairement que le rapport administratif d’enquete « met en évidence les faits constatés, leurs

qualification juridique et leur imputabilité », c’est selon la position de l’entreprise, si celle-ci

accepte cette transaction, ça fera un terme à toute éventuelle action devant l’autorité de

concurrence, à defaut : donc en cas de refus, le ministre saisira aussi tot l’autorité de

concurrence442 : là aussi on est en face d’un aveu voire d’un ressemblant d’aveu comme celui

évoqué dans le cadre d’une procédure de non-contestation des griefs.

1. 3. Les bénéfices évidents des procédures de clémence 

Dans le cadre d’une procédure de clémence, la demande de clémence représente

effectivement un aveu de responsabilité, du moment où l’auteur et/ou dénonciateur d’une entente

reconnait qu’il est contrevenant et demande la clémence : le cas échéant le plaignant peut

438 Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale, européenne, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 630.

439 Rapport annuel de l’autorité de concurrence de 2005, Etude thématique, p. 138.

440 Conseil de la concurrence, décision n° 06-D-09 du 11 avril 2006, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes, § 303.

441 M. Chagny, « L’articulation entre actions privées et actions publiques », précité, p. 118

442 Article L. 464-9 du code de commerce français

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exploiter les informations figurant dans la décision de clémence, pour établir un compte rendu

détaillé sur l’infraction commise par le défendeur443, et le déposer au niveau du juge à titre

d’appui pour sa requête.

La victime peut s’y mettre, puisque les programmes européens de clémence n’excluent

nullement la possibilité d’éventuelles actions en indemnisations devant les juridictions : dès lors

on est encore confronté à une opposition profonde entre les programmes de clémence et le

«private enforcement» en droit de la concurrence.

En effet un «private enforcement» effectif ou le recours privé, exige que les victimes

soient en mesure de prouver qu’il y eu bel et bien une infraction commise par un auteur bien

déterminé causant un préjudice subi par ces victimes : c’est l’établissement de ce lien de

causalité qui permet d’évaluer le préjudice susceptible de réparation.

Or ce qui pousse le contrevenant à se recourir à une telle procédure de clémence c’est

bien évidemment son intérêt d’obtenir l’immunité : Alors le poids des sanctions encourues

pèsera sans doute sur l’importance des informations qu’il doit fournir à l’autorité de concurrence,

ce qui l’incite à avouer ses délits et mettre en cause ses complices en communiquant toutes les

informations nécessaire pour l’obtention de la clémence.

Toutefois l’efficacité voire le suces d’une procédure de clémence se lie directement à la

confidentialité de ces informations : la divulgation de ces informations aura certainement un effet

néfaste sur les éventuelles entreprises convoitant une clémence.

La Commission laisse même le choix aux entreprises de donner leur aval si elles

souhaitent que les documents qu’elles auront fourni puissent être consultés par les personnes

voulant agir en réparation.

Autant dire que les victimes n’auront pas beaucoup de chances d’obtenir une réponse

positive444.

En effet une telle divulgation pourrait déclencher des actions contre les demandeurs, tant

devant d’autres autorités de concurrence à travers le monde (selon les travers de la pratique, si

celle-ci dépasse l’Etat où se situe l’autorité de concurrence « clémente »), que devant les

juridictions pour avoir la réparation du préjudice, et encore dans le cadre des actions collectives, 443 Livre vert sur les actions en dommages et intérêts, précité, § 228.444 Voir l’article de Mme Chagny « L’articulation entre actions privées et actions publiques », Revue Lamy Concurrence 11 juin 2208, pages 2 et 3, 123 Vitamines Antitrust Litigation, Misc. No. 99-197 (D.D.C. Sept 17, 2002)

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la somme des dommages et intérêts que les demandeurs de clémence risquent de payer pourra

dépasser largement la somme de l’amende encourue sans coopération avec l’autorité de

concurrence dans le cadre d’une procédure de clémence.

D’autant plus si la pratique a des travers internationales : à titre d’exemple : après avoir

détecté un cartel d’une grande renommée445, celui-ci a été sanctionné par diverses autorités de

concurrence : américaines, européenne et d’autres non-européennes d’’un montant d’environ 1,8

milliard de dollars d’amandes cumulées, mais après la découverte du cartel et suite à des actions

privées contre les cartellistes le montant d’indemnisation des victimes était entre 4,2 milliards et

5,6 milliards de dollars, inutile de comparer ce qui est incomparable !

Quoi qu’il en soit, pour que les victimes puissent établir le lien de causalité entre le

bénéficiaire d’une clémence, l’infraction et le préjudice, il faut se focaliser sur la demande de

clémence avec tout ce qu’elle porte comme éléments, et dans un premier temps, il est tout de

même utile d’accéder à la décision de clémence : Et c’est selon le contenu de cette décision

qu’on peut mesurer son utilité.

Or, la victime est de nouveau confrontée au façonnage de cette décision avant

publication : en effet la commission européenne publie une décision dont les informations

confidentielles ne figurent pas.

En outre, la publication de cette décision sous forme de version non-confidentielle, peut

prendre plusieurs mois446, de même en ce qui concerne la décision de transaction ; et encore il est

à signaler que cette version ne sera publiée qu’après un préalable accord entre la direction

générale de concurrence et les entreprises concernées447.

2. Les tentatives d’accès aux preuves

Certainement ce n’est pas anodin pour les victimes des pratiques illicite, de recueillir les

preuves établissant la responsabilité civile des contrevenants, d’une façon ou d’une autre, alors

445 Données de J. M. Cannor, « The Great Global Vitamins Conspirancy : Sanctions and Deterrence », 2006, disponible sur le site internet www.antitrustinstitute.org.446 A titre d’exemple, la décision de clémence rendue dans l’affaire du cartel du verre automobile date du 12 novembre 2008, alors que la version non confidentielle et le résumé de la decision ont été publiés le 25 juillet 2009 (JO n° C 173 du 25 juillet 2009, p. 13).

447 Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale, européenne, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 633.

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tous les moyens sont bons pour ces victimes pour avoir ce recueil, entre autres la procédure de

Discovery et d’autres moyens.

2. 1. Les tentatives d’accès aux preuves par le biais de la « discovery »

La Discovery ou la Disclosure, c’est une procédure propre au droit américain, il s’agit de

demander au juge étranger – territorialement parlons-par rapport à l’autorité de concurrence

locale qui a donné sa décision dans le cadre d’une procédure négociée, les informations d’appui

de cette décision, c’est une sorte de divulgation, d’où son appellation « discovery ».

En effet il y a pas mal d’affaires de renommée mondiale, dont les victimes des ententes

sanctionnées par la commission européenne dans le cadre de son programme de clémence, qui

tentent de recueillir les informations y afférentes, en s’adressant notamment au juge américain

afin d’en tirer profit de la Discovery.

On peut citer l’exemple de la célèbre affaire des vitamines : les victimes ont procédé à

des class actions devant la District Court of Columbia, en invoquant la discovery pour accéder

aux demandes de clémence et aux informations fournies par le défendeur à la commission

européenne448 ; Alors que celle-ci s’est opposée en s’appuyant sur deux points : l’investigatory

privilege (qui protège les enquêtes de l’autorité de concurrence de toute divulgation) et le

principe de courtoisie internationale449 (en vertu de ce principe un Etat peut reconnaitre une

certaine force aux actes, législatifs, exécutifs ou judiciaire d’un autre Etat, selon ce qui y est

stipulé dans les obligations, les conventions internationales et les droits de ses propres citoyens

ou des autres personnes qui sont sous la protection de ses lois)450.

D’emblée, la commission cherchait à travers ses arguments, à maintenir la confidentialité

des informations recueillies par ses soins qui pèsera sans doute sur l’efficacité et la viabilité de

son programme de clémence : mais le juge américain a rejeté sa demande pour deux raisons

selon sa propre appréciation,

La première concerne l’investigative privilège n’est pas adaptable sur cette affaire,

puisque la commission n’a pas à le demandé tant que les documents et/ou informations en

448 V. In re Vitamins Antitrust Litigation, Misc. n°99-197 (18 décembre 2002). Des demandes de Discovery avaient visé également les documents communiqués dans le cadre de la procédure de clémence qui s’était déroulée devant l’autorité de concurrence canadienne.

449 La Common law designe ce principe par le terme de comity.

450 A. Cenk Keskin et J.-M. Sorel, Pour un nouveau droit international de la concurrence, L’Harmattan, 2009, p. 196.

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question ne sont pas seulement en sa possession mais elles sont aussi en possession du

défendeur.

La deuxième concerne une sorte de mise en balance faite par la cour américaine de la

demande de discovery avec le principe de courtoisie internationale et en tenant compte de

plusieurs facteurs élaboré par la jurisprudence, et ça a abouti que le droit du demandeur

d’accéder aux documents fournis par le défendeur dans le cadre d’une procédure de clémence

communautaire qui prime sur le principe de courtoisie internationale.

Et depuis le défendeur américain à la class action a été contraints de divulguer ce qu’il a

présenté pour bénéficier de la clémence communautaire.

2. 2. Les tentatives d’accès aux preuves par le biais d’autres outils

En principe, les plaignants peuvent accéder aux documents afférents à une procédure

négociée sur une pratique anticoncurrentielle en s’appuyant sur le règlement n° 1049/2001451 du

parlement européen et du conseil du 30 mai 2001, relatif à l’accès public aux documents du

parlement européen, du conseil et de la commission.

Or, les demandeurs à la class action sont encore limitées dans le cadre des procédures

négociées notamment en clémence et en transaction communautaires, puisque la commission a

précisé que la divulgation des informations recueillies en la matière par ses soins, porterait

atteinte à certains intérêts publics ou privés, parmi lesquels les objectifs des activités

d’inspection et d’enquête au sens de l’article 4 du règlement susmentionné, même après

l’adoption de la décision452.

451 Le règlement n° 1049/2001 du parlement européen et du conseil du 30 mai 2001, relatif à l’accès public aux documents du parlement européen, du conseil et de la commission, JO L 145, du 30 mai 2001, p. 43.

452 § 40 de la communication sur la clémence et § 40 de la communication sur la transaction.

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A cet égard, la commission se base sur les dispositions de cet article pour refuser la

divulgation, ce qui soulève la faiblesse presque avouée des outils en droit européen de la

concurrence.

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CONCLUSION

A travers cette étude, il était tenté de mettre en évidence les différentes procédures

négociées qui ne cessent de se développer en parallèle à la répression, un développement facilité

par les atouts que représentent ces procédures sur divers plans, tant au regard des autorités de

concurrence, notamment la réduction de la charge probatoire, l’accélération des délais de

traitement des affaires et l’aide au développement d’une culture de la concurrence, qu’au regard

des entreprises mises en cause en bénéficiant surtout d’une exonération qui peut aller jusqu’à la

totalité de la sanction encourue .

D’emblée, il était nécessaire d’évoquer le concept de la négociation en traitant lesdites

procédures, s’agissant d’un accord plus ou moins contractuel entre deux parties : D’une part

l’autorité de la concurrence dotée d’un pouvoir de sanction et d’autre part l’entreprise mise en

cause qui devrait être à la fois intéressante et intéressée : En effet intéressante par rapport à ce

qu’elle dispose comme informations et/ou de documents et intéressée par rapport à sa volonté de

négocier et/ou de collaborer de son plein gré.

Ce déséquilibre de pouvoirs entre les deux parties implique incessamment la

reconnaissance d’une certaine adhésion, dont l’entreprise contrevenante est assujetti, ne

disposant ainsi que de la faculté d’adhérer ou pas : cette réflexion s’adapte forcement aux

procédures de clémence, de transaction, et de non-contestation des griefs (sans engagements),

quant à la procédure d’engagements, la marge de négociation est plutôt manifestée dans la

proposition et l’acceptation des engagements représentant ainsi la procédure la plus négociée

parmi toutes.

Toutefois, nous souscrivons à définir ces instruments propres au droit de la concurrence

de « procédures négociées », puisque la négociation selon les cas est la caractéristique essentielle

de ces procédures, dans la mesure où les entreprises susceptibles d’être sanctionnées et les

autorités de concurrence font des concessions réciproques.

A cet égard, il est utile de rappeler qu’il n’y a pas vraiment un consensus sur cette

définition, nombreux qui préfèrent utiliser la notion de procédures alternatives ou accessoires ou

alternatives au pouvoir de sanction des autorités de concurrence au lieu de procédures négociées.

En adoptant la voie comparative, nous avons pu soulever la particularité de la procédure

négociée algérienne, une particularité qu’on peut la traduire en infériorité en matière de la

pratique du conseil algérien de la concurrence par rapport aux autorités de concurrence

communautaire et française.

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En effet le gel du conseil algérien de la concurrence, qui a duré plus d’une décennie (de

2003 à 2013) avait forcement paralysé le libre et surtout l’équitable jeu de la concurrence et n’a

sûrement pas laissé sa pratique aller de l’avant notamment en employant ces moyens alternatifs

aux sanctions.

Ces moyens si avenants qui n’arrêtent pas de se développer dans le cadre d’une

régulation bel et bien maitrisée par d’autres autorités de concurrence, communautaire et française

entre autres.

Nonobstant sa reprise453, le conseil algérien de la concurrence jusqu’au jour d’aujourd’hui

est toujours novice en matière de règlement de litiges anticoncurrentiels et à travers ses BOC

(bulletins officiels de la concurrence) il s’est contenté quasiment de rappeler la loi afférente « des

textes de base déjà connus théoriquement ».

La finalité de cette étude était de montrer et/ou de démontrer que ces procédures

négociées sont à double tranchant : En effet la première partie de cette étude a rappelé leurs

vertus et celles-ci sont indéniables, quant à la deuxième s’est accentuée sur les défauts voire les

quelques vices cachées de ces procédures, c’était d’ailleurs, notre façon de peser le pour et le

contre de ces fameuses procédures inédites en droit interne.

En somme, on ne peut nullement prétendre que les quatre cas de figure des procédures

négociées traitées dans cette étude, représentent une panacée contre tous les maux

concurrentiels : Puisque de telles procédures ne sont tout de même pas exemptées de lacunes,

notamment par le fait de cantonner les garanties d’un procès équitable devant les autorités de la

concurrence en se référant à la régulation assurée par ces autorités administratives

indépendantes, ou par la quasi-mise à l’écart du contrôle juridictionnel en se référant à la

négociation préalable entre ces autorités et les contrevents qui se traduit en collaboration

aboutissant à l’adoption de telle ou telle procédure dite négociée, ou encore l’entrave à la

réparation des préjudices concurrentiels devant les juridictions en limitant l’accès à la preuve

voire en sanctuarisant les informations d’appui fournies dans le cadre de ces procédures rendant

ainsi les victimes des pratiques anticoncurrentielles, victimes aussi des procédures négociées.

Le cas échéant le fait de chercher l’efficacité absolue des procédures négociées a créé une

sorte de chevauchement entre ce qui relève de l’action publique «public enforcement» et ce qui

relève de l’action privée «private enforcement», en favorisant les intérêts objectifs au détriment

des intérêts subjectifs.

453 la reprise ressente du conseil de la concurrence en 2013 et l’extension de ses pouvoirs et/ou prérogatives, notamment le relèvement des amendes, le pouvoir d’auto-saisine et l’élargissement de sa composition à 12 membres au lieu de 07 , V le site web : http://www.conseil-concurrence.dz/

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A cet égard, la coexistence du contentieux subjectif et du contentieux objectif de

concurrence montre sans aucun doute l’indépendance et l’interdépendance des juges et des

autorités de concurrence. Il apparait donc nécessaire d’assurer une coexistence pacifique entre

ces deux contentieux, notamment en aménageant les règles en vue d’assurer un accès encadré

aux informations dévoilées, notamment dans le cadre du programme de clémence.

Or, l’opacité des dispositions de l’article 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée

relative à la concurrence qui reste le texte unique qui fait allusion à une prétendue procédure

négociée algérienne ,le manque de légifération de textes en la matière, le gel du conseil de la

concurrence durant une bonne décennie, la quasi-absence des décisions du conseil de la

concurrence concernant les pratiques anticoncurrentielles, l’absence de la jurisprudence y

afférente … un tout qui n’a fait que confirmer la raréfaction avouée de la pratique du conseil

algérien de la concurrence.

D’ailleurs dans ce contexte, il semblait inutile de rappeler qu’il faut d’abord qu’il y est

des sanctions effectives pour pouvoir les négocier si besoin est.

Et jusqu’au jour d’aujourd’hui le conseil algérien de la concurrence n’a pas pris part

d’aucune procédure négociée en traitant ses quelques litiges anticoncurrentiels en sa possession.

Cependant, et pour les besoins de cette étude, il était nécessaire d’assembler voire de

recueillir quelques éléments -en vertu des dispositions de l’unique texte algérien- pouvant

constituer une procédure négociée au sens de la transaction française et précisément l’ancienne

procédure de non-contestation des griefs française avec prise obligatoire d’engagements

concomitants.

Bien que la procédure « négociée » algérienne est a priori plus attractive par rapport à la

procédure française en termes de récompense, surtout pouvant aboutir à une exonération totale,

mais nous avons pu constater des lacunes fondamentales en analysant ladite procédure,

notamment en matière de traitement des pratiques anticoncurrentielles, ou encore le déficit

palpable en genre et en nombre de la règlementation en vigueur.

L’adoption d’une telle procédure reste dans le cadre de la répression attribuée –

traditionnellement- au conseil de la concurrence et elle n’en est en rien une régulation avenante

de la part du conseil algérien, et ce tant qu’il n’y a pas encore un processus décisionnel propre au

traitement d’un litige anticoncurrentiel dans le cadre d’une telle procédure dite négociée.

D’ici là, le traitement via une procédure négociée au niveau du conseil algérien de la

concurrence passe par la même procédure normale voire classique du traitement aboutissant plus

ou moins à une répression.

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C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette procédure algérienne échappe aux méfaits

des procédures communautaire et française, non seulement en privant les contrevenants

récidivistes de toute mansuétude, mais aussi en assurant les garanties d’un procès équitable

devant le conseil algérien et la non-marginalisation du contrôle juridictionnel.

Ceci n’en est rien une bienveillance du législateur algérien, mais c’est plutôt une absence

de textes en la matière, une disette qui demeure superficiellement bénéfique pour les entreprises

outrageant les règles du droit de la concurrence.

De ce point de vue, il faut raison garder qu’en absence de dispositions expresses,

l’hésitation est permise454.

Dès lors pour pouvoir juger la pratique du conseil algérien de la concurrence en la

matière, il faut d’abord faire intégrer de vraies procédures négociées, alternatives aux sanctions,

en légiférant des textes de lois et des communiqués facilitant cette intégration pour subvenir aux

besoins d’une sphère concurrentielle saine, nul ne peut prôner sur l’efficacité de telle ou telle

procédure dite négociée sur les terres algériennes sans la pratique.

En somme, il faut d’abord arriver à la mise au jour des procédures négociées en droit

interne de la concurrence, pour pouvoir conquérir leur mise à jour, c’est là qu’il apparait clair

que «  le domaine du droit commence là ou finit la recherche de la vérité. »455.

454 Le conseil d’Etat français a jugé que le recours dirigé contre une sanction est retenu comme un recours pour excès de pouvoir, en cas d’absence de dispositions législatives expresses, V. en ce sens, R. SCHWARTS et C. MAUGUE, Chronique de jurisprudence administrative française, AJDA, 1991, p. 358.

455 Une citation de Cicéron, reprise dans Jean-Louis SCHEFER, "L’objet du droit ", Communications 26, 1977, pp. 1-2. Ces doutes sont repris dans la doctrine moderne où il est permis de se demander s’il  "n’existe pas un écart peut être considérable, entre la vision du droit, qui nous est familière, et la réalité ? " : Paul DURAND, "La connaissance du phénomène juridique et les tâches de la doctrine moderne en droit privé ", 1956, Dalloz.73

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IV. THESES, INTERVENTIONS ET COMMUNICATIONS

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thématique du conseil de la concurrence-programme d’appui à l’accord d’association P3A,

Alger, 22 mai 2013.

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MENOUER. M, Intervention lors du séminaire national relatif aux « réseaux de distribution » du

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RIFFAUT-SILK. J, Intervention lors du colloque sur Les PME face au droit de la concurrence,

organisé par CREDA le 22 juin 2011

SEGAUD. J, Essai sur l’action publique, Thèse, Université Champagne-Ardenne, 2010

V. LES TEXTES DE LOIS

EN DROIT ALGERIEN

La Constitution algérienne de 1996, JORADP N°76 du 8 décembre 1996, modifiée par la Loi

n°02-03 du 10 avril 2002 JORADP N°25 du 14 avril 2002, la Loi n°08-19 du 15 novembre 2008

JORADP N°63 du 16 novembre 2008 et la Loi n° 16-01 du 6 mars 2016, JORADP n° 14 du 7

mars 2016

La loi organique n° 98-01 du 30 Mai 1998 relative aux compétences, à l’organisation et au

fonctionnement du conseil d’Etat, JOADP n° 31 du 01 juin 1998

L’ordonnance n°75-58 du 26/09/1975, portant code civil, JORADP n° 78 du 30/09/1975

modifiée et complétée par la loi n°07-05 du 13/05/2007, JORADP n°31 du 13/05/2007

L'ordonnance 03-03 relative à la concurrence, JORADP n°46 du 20 Sep. 2003 (modifiée et

complétée par les lois n° 08-12, JORADP n°36 du 02 Juil. 2008. Et n°10-05, JORADP n°46 du

18 Aout. 2010).

La loi n°04-02 du 23/06/2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales, JORADP

n°41 du 27/06/2004

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La loi 09-03 du 25 fév. 2009, relative à la protection du consommateur et à la répression des

fraudes. JORADP n°15 du 08/03/2009

La loi n° 13-07 du 29 octobre 2013 portant organisation de la profession d’avocat, JORADP

n°55 du 30 octobre 2013

La Loi n° 08-09 du 15/02/2008 portant code algérien de procédure civile et administrative,

JORADP n° 21 du 23/04/2008

EN DROIT FRANÇAIS

Le code de commerce français

Le code de consommation français

La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), JOFR

du 16/05/2001.

La Loi de modernisation de l’économie (LME) n°2008-776 du 04 Aout 2008, JOFR du

05/08/2008.

La Loi no 2015-990 du 6 aout 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances

économiques, dite « loi Macron », JOFR du 7 aout 2015

La Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » JORF

n°0065 du 18 mars 2014

EN DROIT COMMUNAUTAIRE

Règlement (CE) n° 1 /2003 du conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles

de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité. JOUE L1 du 4 janvier 2003.

211

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Règlement CE n° 622/2008 de la commission du 30 juin 2008 modifiant le règlement CE n°

733/2004 en ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’ententes,

JOUE L173/3 du 1er juillet 2008

Communication CE, du 2 juillet 2008 relative aux procédures de transaction engagées en vue de

l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement CE n° 1/2003 du conseil dans

les affaires d’ententes, JOUE C 167/1 du 2 juillet 2008

Commission européenne, communiqué de presse IP/10/776 du 22 juin 2010, « Antitrust :

Commission Sends Statement of Objections to Suspects Participants in Window Mounting

Cartel ».

Communication CE, Livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles

communautaires sur les ententes et abus de position dominante, COM (2005) 672 final, 19 dec.

2005.

Communication CE, Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux

règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante, COM (2008) 165 final, 2

avr. 2008.

Communication de la commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de

leur montant dans des affaires portant sur des ententes, JOCE C 207 du 18 Juil. 1996, p.4.

La deuxième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les

affaires portant sur les ententes, JOCE C. 45 du 19 Fév.2002.

La troisième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant sur les

ententes, JOCE C. 298 du 8 Déc.2006

La quatrième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant sur les

ententes, JOCE C. 256 du 5 aout. 2015

Communication CE, décision du 5 décembre 2007, caoutchouc chloroprène

212

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Communication CE, décision du 16 décembre 2009 relative à une procédure d’application de

l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE, aff. COMP/C.3/39.530, Microsoft (vente

liée).

Communication CE, communication de la commission relative à la coopération au sein du réseau

des autorités de concurrence, 2004/ C 101/03, p. 1.

VI. PRINCIPAUX ARRETS JUDICIAIRES

COUR D’APPEL DE PARIS

CA Paris, 24 Avr. 2007, 1ere chambre-section H, arret n°13, RG. 2006/06912, Contrats, conc,

consom., 2007, comm. n°155, obs. G. Decocq.

CA Paris, 19 Janvier 2010, Pole 5, chambre 5-7, arrêt n°5, RG. 2009/OO334

CA Paris, Aff. Cogent 19 décembre 2013, Pole 5, chambre 5-7, arrêt n° 202, RG. 2012/19484

CA Paris, Aff. Le Goff Confort 29 janv. 2008, 1ere chambre-Section H, arrêt n°5, RG.

2006/07820

CA Paris, Aff. Canal 9, 1er juin 2010, Pole 5, chambre 5-7, arrêt n°101, RG. 2008/21057

CA Paris 6 octobre 2009, GIE Les Indépendants. Pole 5, chambre 5-7, arrêt n°61, RG.

2008/21057

CA Paris, , Bijourama c/ Festina. 16 octobre 2007, 1ere chambre-Section H, arrêt n°31, RG.

2006/17900

CA Paris 10 octobre 2013, Pole 5, chambre 5-7, arrêt n°154, RG. 2012/07909.

CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9/GIE Les indépendants, 1ere chambre-Section H, arrêt n°34,

RG. 2006/18379.

213

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CA Paris, 23 février 2010, Expedia/SNCF, Pole 5, chambre 5-7, arrêt n°19, RG. 2009/05544

CA Paris, 30 janvier 2014, pôle 5 – ch. 5-7, RG no 2012/00732

CA Paris, 10 octobre 2013, Pole 5, chambre 5-7, arrêt n°154, RG. 2012/07909, rendu sur déc.

12-D-10 (affaire des croquettes)

CA Paris, 29 mars 2012, affaire de la signalisation routière verticale, Pole 5, chambre 5-7, arrêt

n°41, RG. 2011/01228.

CA Paris 25 septembre 2014, Pole 5, chambre 5-7, arrêt n°154, RG. 2013/05595 (sur déc. no13-

D-03).

CA Paris, 14 è ch. B, 1er juin 2007, SA France Telecom /c M. Jean Christian P., RG.06/21059.

CA Paris, 20 nov. 2013, SAS Ma liste de courses, RG. 12/05813

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE

Cass Com., 4 novembre 2008, pourvoi n°07-21.275, arrêt n°1213.

Cass. com., 12 mai 2015, pourvoi n° 14-10.792

Cass. com., 29 mars 2011, pourvoi nos 10-12.913 et 10-13.686.

Cass. com., 15 mars 2011, pourvoi n° 09-17.055

Cass. com., 17 mars 2015, pourvois nos G 13-26.003, V 13-26.083 et F 13-26.185.

Cass. com., QPC 4 mars 2015, no 14-40.052

Cass. com., 17 mars 2015, pourvois nos G 13-26.003, V 13-26.083 et F 13-26.185.

Cass. Com, 19 janvier 2010, pourvoi n° 08-19761 

214

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TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES

EUROPEENNES

TPICE, 15 septembre 2016, aff. T-76/14 Morningstar Inc./Commission

TPICE, 11 juillet 2007, aff. T-170/06, Alrosa c/ Commission, pts 87 et 100 

TPICE, 29 avril 2004, Tokai Carbon, aff. jtes T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-

251/01 et T-252/01, pt 108.

TPICE, 13 Avril 2005, aff. T-2/03, Verein fur konsumenteninformation c/Commission

TPICE, 16 novembre 2006, aff. T-120/04, Peroxydis Organicos SA.

TPICE, 15e ch., Sas Ma Liste Des Courses c/ Sté Highco, Sté Sogec Gestion, Sté Sogec

Marketing, 24 aout 2011, RG 2011014911.

LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPEENNE 

CJUE, gr. ch., 29 juin 2010, aff. C-441/07P, Commission c/ Alrosa.

CJUE, 6 nov. 2012, Europese Gemeenschop c/ Otis, aff. C-199/11.

CJUE, 6 novembre 2012, aff. C-199/11, Otis e.a.

CJCE, arrêt du 20 septembre 2001, aff. C-453/99, Courage Ltd/Bernard Crehan et Bernard

Crehan /Courage Ltd et autres.

CJCE, 14 juillet 2005, C-57/02 P, Acerinox,

CJCE, 14 juillet 2005, ThyssenKrupp, aff. jtes C-65 et 73/02 P

CJCE, 20 sept. 2001, Courage c/ Crehan, aff. C-453/99.

215

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VII. SITES INTERNET

https://www.conseil-concurrence.dz/

https://www.mincommerce.gov.dz/

https://www.oecd.org/fr/

https://www.ssrn.com.

https://www.autoritedelaconcurrence.fr

https://www.iclg.co.uk.

http://eur-lex.europa.eu

http://www.creda.ccip.fr

https://www.autoritedelaconcurrence.fr

216

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

1

TITRE I. LE RECOURS AUX PROCEDURES NEGOCIEES : LA TENDANCE

5

Chapitre 1. La mise en valeur des procédures négociées : L’aloi de la négociation

6

Section 1. Les procédures négociées pouvant aboutir à une exonération totale

6

§ 1. La Clémence

6

A. La mise en œuvre de la procédure

7

1. champs d’application et déroulement de la procédure en droits communautaire et français 

8

1.1. La procédure de clémence en droit communautaire

10

1.2. La procédure de clémence en droit français

14

2. Le cas du droit algérien : L’autre procédure !

15

217

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B. L’attractivité de la procédure

20

1. L’intérêt de la procédure

20

1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence

21

1.1.1. Les vertus partagées avec les autres procédures négociées

22

1.1.2. Les vertus propres à la procédure de clémence

24

1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

26

2- la situation de la négociation

27

§ 2. Les Engagements volontaires

29

A. La mise en œuvre de la procédure

30

1. Champs d’application et déroulement de la procédure en droits communautaire et français

30

1.1. La procédure d’engagements en droit communautaire

31

1.2. La procédure d’engagements en droit français

32

2. Le cas du droit algérien : La mise à l’écart d’une procédure indépendante 

33

B. L’attractivité de la procédure

34

1. L’intérêt de la procédure

34

1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence

34

1.1.1. Les vertus partagées avec les autres procédures négociées

35

218

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1.1.2. Les vertus propres à la procédure d’engagements

36

1-2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

38

2. La situation de la négociation

40

Section 2. Les procédures négociées pouvant aboutir à une exonération partielle

41

§ 1. La Non-Contestation des griefs 

42

A. La mise en œuvre de la procédure

42

1. Champs d’application et déroulement de la procédure

43

2. Le cas du droit algérien : La particularité de la procédure algérienne 

47

B. L’attractivité de la procédure

49

1. L’intérêt de la procédure

49

1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence

49

1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

51

2. La situation de la négociation

53

§ 2. La Transaction

54

A. La mise en œuvre de la procédure

54

1. Champs d’application et déroulement de la procédure 

55

2. Le cas du droit algérien : Une procédure ambiguë

58

219

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3. Le cas du droit français : La mise à l’écart de la procédure communautaire

59

B. L’attractivité de la procédure

60

1. L’intérêt de la procédure

60

1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence

60

1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes 62

2. La situation de la négociation

62

Chapitre2.La mise en concurrence des procédures négociées : Le choix de la négociation

65

Section 1. Les stratégies des entreprises contrevenantes : le processus de la négociation

65

§ 1. Les stratégies des entreprises dans la phase précontentieuse

65

A. Les Critères de choix de la clémence (premier rang) 

66

B. Les difficultés de la mise en œuvre 

67

§ 2. Les stratégies des entreprises dans la phase contentieuse 

69

A. La cessation de la procédure normale  

70

B. L’obtention d’une réduction d’amende avec ou sans mesures correctives  

72

Section 2. L’articulation des procédures négociées

73

§ 1. L’articulation en procédures négociées  

74

§ 2. L’articulation entre procédures négociées 

76

220

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TITRE II. LES INCIDENCES DE LA TENDANCE

78

Chapitre 1. Les méfaits des procédures négociées

79

Section 1. Sur le plan du fond du droit : Les laissés pour compte

79

§1. La victime marginalisée  

80

§2. Les autres défendeurs fragilisés : L’hypothèse des procédures hybrides

84

Section 2. Sur le plan procédural : La limitation des droits des entreprises mises en cause

93

§1. Les méfaits de la régulation sur la limitation des garanties d’un procès équitable

93

A. Un contradictoire amoindri

95

B. Un accès au dossier restreint

96

§2. Les méfaits de la négociation sur la limitation du contrôle juridictionnel

97

A. La marginalisation du contrôle juridictionnel

98

B. Les limites du contrôle juridictionnel

105

Chapitre 2. La mise à l’écart de la réparation du préjudice concurrentiel

114

Section 1. Le renforcement du «private enforcement»

115

§ 1. Le «private enforcement» : Définition, objet et spécificité

115

A. La définition du «private enforcement» 

116

B. L’objet du «private enforcement»

221

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119

C. La spécificité du «private enforcement» 

125

§ 2. L’élargissement des titulaires du droit au «private enforcement»

130

A. Les mandants au « private enforcement »

132

1. Les critères de définition des victimes de pratiques anticoncurrentielles

132

2. La définition du consommateur dans le recours collectif

134

3. Le cas de L'Union Européenne : Une victime comme les autres

138

B. Les mandataires en «private enforcement» : La représentation du groupe victime

140

1. Le représentant au sens large 

142

2. La représentation spécialisée ou associative

148

Section 2. L’interaction entre procédures négociées et actions collectives

153

§1. L’effet intimidant des actions collectives sur les procédures négociées 

153

A. La réparation des préjudices individuels

154

1. La réponse au caractère particulier du préjudice concurrentiel 

156

2. Le renforcement des droits des consommateurs victimes par la consécration de l’action

collective

157

B. Le partage de la dissuasion

158

1. L’amélioration de l’accès des consommateurs à la justice au service de la dissuasion

160

222

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2. Des entreprises plus responsables

160

§2. L’effet contraignant des procédures négociées sur les actions collectives

161

A. La protection des informations obtenues dans le cadre des procédures négociées

163

1. la protection des informations par les règles de confidentialité 

166

2. La protection des informations par la mise en place de procédures de « paperless »  

170

B. L’établissement des conditions de la responsabilité

174

1. Les bénéfices tirés des procédures négociées

174

1. 1. Les faibles bénéfices tirés des procédures d’engagements 

179

1. 2. Les bénéfices discutés des procédures d’admission de responsabilité ou de non-

contestation des griefs 

181

1. 3. Les bénéfices évidents des procédures de clémence

182

2. Les tentatives d’accès aux preuves

184

2. 1. Les tentatives d’accès aux preuves par le biais de la « discovery »

184

2. 2. Les tentatives d’accès aux preuves par le biais d’autres outils

186

CONCLUSION 187

BIBLIOGRAPHIE 191

TABLE DES MATIERES 212

223

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