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Droit administratif – Semestre 2 Les actes de l’administration Titre 1. Les actes administratifs unilatéraux Titre 2. Les contrats Titre 1. Les actes administratifs unilatéraux La catégorie juridique des actes administratifs unilatéraux est hétérogène et il en résulte des distinctions (chapitre 1). D’autre part les règles relatives au pouvoir unilatéral de l’administration ont fait l’objet d’une importante évolution dans la fin des années 1970 au nom de la démocratie administrative (chapitre 2). Chapitre 1. La définition de l’acte On définit l’acte administratif unilatéral de manière négative (section 1) et ensuite on analyse la diversité de ces actes (section 2). Section 1. La notion d’acte administratif unilatéral I. Les actes législatifs Comment distingue-t-on l’acte administratif de l’acte législatif ? 1 er critère : un critère organique, c'est-à-dire qu’en principe tout acte émanant d’une assemblée parlementaire sera qualifié d’acte législatif, ce qu’il faudra par la suite nuancer. A) l’intervention du gouvernement dans la procédure législative et les conséquences Dans cinq cas, les différents types de pouvoirs ont pu être confondus, et le conseil d’Etat et le juge administratif ont été amenés à se prononcer sur leur distinction. Cas 1. Les actes « lois de Vichy ». CE 22 mars 1944, arrêt Vincent . Cas 2. Les ordonnances du gouvernement provisoire de la république française. CE 22 fév. 1946, affaire Botton. Cas 3. Les ordonnances de l’art 92 de la constitution, qui servent à mettre en place les institutions de la Vème république. CE 12 fév. 1960, arrêt Eky . Cas 4. Les décisions prises en application de l’article 16. jurisprudence Ruben de Servens 1962 . Cas 5. Les actes pris en vertu de la loi du 13 nov. 1962. Cela concerne l’application des accords d’Evian et de l’indépendance de l’Algérie. B) la question relative de l’intervention du pouvoir législatif 1) Les principes Les textes législatifs adoptés par le parlement sont qualifiés d’actes législatifs. A ce titre ils relèvent de la seule compétence du conseil constitutionnel, ce qui explique la fameuse théorie de la loi écran avec le refus du juge ordinaire de contrôler la loi, mais comprenant l’évolution de la QPC. Pour résumer, il faut rappeler que le juge administratif se refuse d’intervenir directement sur le contrôle de constitutionnalité de la loi, avec deux atténuations.

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Droit administratif – Semestre 2Les actes de l’administrationTitre 1. Les actes administratifs unilatérauxTitre 2. Les contratsTitre 1. Les actes administratifs unilatérauxLa catégorie juridique des actes administratifs unilatéraux est hétérogène et il en résulte des distinctions (chapitre 1). D’autre part les règles relatives au pouvoir unilatéral de l’administration ont fait l’objet d’une importante évolution dans la fin des années 1970 au nom de la démocratie administrative (chapitre 2).Chapitre 1. La définition de l’acteOn définit l’acte administratif unilatéral de manière négative (section 1) et ensuite on analyse la diversité de ces actes (section 2).

Section 1. La notion d’acte administratif unilatéral

I. Les actes législatifsComment distingue-t-on l’acte administratif de l’acte législatif ?1er critère : un critère organique, c'est-à-dire qu’en principe tout acte émanant d’une assemblée parlementaire sera qualifié d’acte législatif, ce qu’il faudra par la suite nuancer.

A) l’intervention du gouvernement dans la procédure législative et les conséquences

Dans cinq cas, les différents types de pouvoirs ont pu être confondus, et le conseil d’Etat et le juge administratif ont été amenés à se prononcer sur leur distinction.

Cas 1. Les actes « lois de Vichy ». CE 22 mars 1944, arrêt Vincent. Cas 2. Les ordonnances du gouvernement provisoire de la république française. CE 22 fév. 1946, affaire Botton.Cas 3. Les ordonnances de l’art 92 de la constitution, qui servent à mettre en place les institutions de la Vème république. CE 12 fév. 1960, arrêt Eky.Cas 4. Les décisions prises en application de l’article 16. jurisprudence Ruben de Servens 1962.Cas 5. Les actes pris en vertu de la loi du 13 nov. 1962. Cela concerne l’application des accords d’Evian et de l’indépendance de l’Algérie.

B) la question relative de l’intervention du pouvoir législatif 

1) Les principes

Les textes législatifs adoptés par le parlement sont qualifiés d’actes législatifs. A ce titre ils relèvent de la seule compétence du conseil constitutionnel, ce qui explique la fameuse théorie de la loi écran avec le refus du juge ordinaire de contrôler la loi, mais comprenant l’évolution de la QPC.Pour résumer, il faut rappeler que le juge administratif se refuse d’intervenir directement sur le contrôle de constitutionnalité de la loi, avec deux atténuations. En effet, déjà, 1) la question relative à la transposition des directives suffisamment précises et inconditionnelles suite à la fameuse jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’économie numérique, et aussi la jurisprudence du CE Arcelor du 8 fév. 2007. Ensuite il s’agit également 2) de l’application de la théorie de l’abrogation implicite de dispositions législatives prises antérieurement à des dispositions constitutionnelles, avec la jurisprudence   : Ass. CE 16 déc. 2005, syndicat national des huissiers de justice. Ces actes sont clairs, il n’y a pas tellement de problème de qualification.Cependant en dehors des principes (1), il y a le contrôle (2).

2). Le contrôle de l’activité parlementaire par le Conseil d’Etat

En effet le Conseil d’Etat va affirmer sa compétence en matière d’activités parlementaires dans trois situations.

2Situation 1. Il est compétent pour se prononcer sur la responsabilité de l’Etat du fait des dommages causés par les services des assemblées parlementaires ou encore du fait des lois, qui est une responsabilité sans faute.Situation 2. Le Conseil d’Etat est compétent pour se prononcer sur tous les litiges relatifs aux agents des assemblées parlementaires, ce qu’on appelle un corps de fonctionnaires que sont les agents parlementaires (mais pas les assistants parlementaires).Situation 3. Compétence d’origine jurisprudentielle pour contrôler les marchés publics passés par les assemblées parlementaires Arrêt de principe (GAJA), CE 5 mars 1999, Président de l’assemblée nationale. En application du droit communautaire, le Conseil d’Etat se prononce sur tous les litiges liés à la passation de tel marché. Il y a opposition acte \ contrat administratif.

II. L’opposition entre les actes administratifs et les actes juridictionnelsLorsque les textes n’ont pas précisé la nature juridique (administrative ou juridictionnelle) de certains organismes, il appartient à la juridiction administrative de qualifier à la fois l’organisme ainsi que les actes adoptés par les organes de décision.

A) la distinction entre organes administratifs et organes juridictionnels

1) La qualification de l’organe

Cette qualification intervient lorsque le(s) texte(s) ne se sont pas prononcés. Le juge utilise la technique du faisceau d’indices. Quels indices prend-il en compte ?Indice 1. La création. Indice 2. Le fonctionnement et organisation.Indice 3. Pouvoirs des autorités.Indice 4. Procédure.Indice 5. Forme des décisions.Il regarde la manière dont les organes interviennent, fonctionnent et va donner la réponse. Cette méthode résulte de la jurisprudence du GAJA, CE 20 juin 1913, Tery.

Deuxième exemple : CE Sect. 02 fév. 1945, arrêt Moineau. Il concerne la chambre de discipline du conseil supérieur de l’ordre des médecins. Le juge a qualifié l’organe d’organe juridictionnel.

2) La qualification de l’acte

Une fois la qualification faite par le juge, on entre dans un 2nd temps du raisonnement : il procède ensuite à la qualification de l’acte pour déterminer s’il s’agit d’un acte administratif ou d’un acte juridictionnel. En effet s’il s’agit d’un acte administratif le Conseil d’Etat va se prononcer par la voie de la cassation. Dans cette hypothèse le juge privilégie comme critère la nature de la mission confiée à l’institution. L’acte est juridictionnel s’il correspond à une solution à un litige. Dans le cas contraire, il est qualifié d’administratif. Exemple : cet exemple a donné lieu a beaucoup de jurisprudence. C’est l’exemple des ordres professionnels. L’arrêt de principe, CE Ass. (GAJA), 2 avril 1943, arrêt Bouguen. Dans cette affaire le juge va estimer (on peut généraliser la solution aujourd’hui) que les décisions prises en matière disciplinaire des ordres professionnels sont des actes juridictionnels.

Alors que les actes de ces mêmes ordres professionnels liés au statut ou à la carrière des personnes sont des actes administratifs. Cette jurisprudence a été étendue en particulier à l’ordre des avocats (jurisprudence très détaillée sur la nature des décisions des assemblées disciplinaires). C’est également le cas des fédérations sportives, qui prennent beaucoup de décisions notamment des sanctions, par exemple contre les joueurs, ou encore des mesures d’organisation sur lesquelles il y a un gros contentieux.Ensuite le juge va également essayer de différencier cette notion par rapport à une autre notion qui lui pose des problèmes de qualification : le service public judiciaire.

B) Le service public judiciaire

3Rappel : la distinction des contentieux est complexe, en ce qui concerne le service public de la justice entre les ordres administratifs et judiciaire, on se fonde alors sur le critère suivant => Lorsque la mesure concerne l’organisation du service public de la justice (organisation), c’est le juge administratif. En revanche lorsque cela concerne l’exécution du service public, ça sera le juge judiciaire. Un arrêt d’assemblée a dégagé ces critères : CE ass. 17 avril 1953, arrêt Falco et Vidaillac.

En fait la distinction est très floue. Pour résumer le juge administratif s’est notamment déclaré compétent pour contrôler les mesures d’application des peines. Il dit que parce que l’administration pénitentiaire est un service public administration, ceci conduit à faire du juge administratif le juge compétent pour contrôler les « décisions » (problème de qualification) à l’égard des détenus dans l’administration pénitentiaire, (interdiction de visites, courriers…). Par l’intermédiaire du TC, le juge va affirmer cette compétence. TC 4 juil. 1983, affaire CAILLOL.

Parallèlement on assiste (parce que les mesures d’ordre intérieure n’étaient pas très contrôlées) à une évolution, Ass. CE. 17 fév. 1995 par rapport aux mesures d’ordre intérieures, affaire MARIE (GAJA). On va y revenir sur le rôle du contrôle du juge. [Je vous conseille d’aller voir sur le site du Conseil d’Etat, rubrique des mesures d’ordre intérieur, il y a un résumé de l’évolution de la jurisprudence, sous l’influence notamment de la CAA de Rouen qui a révolutionné le contentieux. ]Pour conclure sur les décisions du juge d’application des peines, lorsqu’elles sont liées au service public pénitentiaire, elles relèvent également du juge administratif.Autrement dit seules les mesures qui concernent la peine elle-même, p. ex. une libéralisation conditionnelle, le juge judiciaire reste compétent.

III. Opposition des actes administratifs aux actes de droit privéLe critère organique est le critère essentiel mais par sa jurisprudence le juge administrative va, sous certaines conditions, qualifier certains actes sous seing privé d’actes d’administratifs.

A) distinction entre organismes de droit privé et organismes administratifs

1) L’application du critère formel

Le principe est très simple : lorsqu’un texte définit la nature juridique de l’organisme, la juridiction administrative fait prévaloir ce critère. Le juge ne va pas chercher un autre critère mais va s’appuyer sur le critère formel : la qualification donnée par les textes. Ainsi en est-il pour les syndicats professionnels, pour les établissements d’utilité publique, les caisses primaires d’assurance sociale, les associations ou encore les sociétés d’économie mixte. Tous ces établissements sont des organismes de droit privé. Le juge ne va pas requalifier ces organismes.

2) En l’absence de qualification formelle

Le juge va procéder lui-même à la qualification de l’organisme, en application de la technique du faisceau d’indices. Pour ce faire il recherche l’intention du législateur en s’appuyant sur deux catégories de critères, d’une part les critères relatifs à 1) la création de l’organisme, c'est-à-dire qui a eu l’initiative de créations (selon si c’est une personne publique ou privé), et aussi 2) il vérifie si l’organisme détient (d’après les textes) des prérogatives de puissance publique tel qu’un pouvoir de contrainte (à l’égard de l’organisme ou des usagers), d’imposition, droit d’exproprier, etc. Cette jurisprudence résulte d’un arrêt de principe du TC. Arrêt TC 9 déc. 1899, affaire de l’association syndicale du Canal de Gignac (GAJA). Sur le fondement des critères (notamment des prérogatives de puissance publique) il qualifie l’organisme comme étant de droit public.Eventuellement, s’il y a beaucoup d’hésitation, le juge peut se référer à d’autres critères, tels que l’organisation et le fonctionnement, le mode de financement ou le statut du personnel. Il a aussi consacré le principe comme quoi les actes administratifs pouvaient être émis par des personnes de droit privé.

B) Les actes administratifs des personnes de droit privé

Par sa jurisprudence le juge va étendre la qualification d’acte administratif aux organismes de droit privé en distinguant entre les services publics administratifs et les services publics industriels et commerciaux. (cf. futur chapitre sur les services publics)

41) Les actes administratifs des organismes de droit privé qui gèrent des services publics administratifs

L’origine de l’extension de cette qualification découle d’un arrêt de principe du CE 31 juil. 1942, arrêt Monpeurt. En l’espèce le juge doit qualifier ce qu’on a appelé des comités d’organisation de la production industrielle, crées par une loi de 1940. Leur mission consiste à gérer les situations de pénurie. Il s’agit d’une mission de service publique administrative. Le CE estime alors que les actes individuels sont autant que les actes réglementaires des actes administratifs. L’arrêt de principe : l’affaire BOUGUEN, 1943.

2) Les organismes de droit privé gérant des services publics industriels et commerciaux.

Le Conseil d’Etat retient une conception plus limité de qualification d’actes administratifs. En effet, dans sa jurisprudence en date du 15 janvier 1968, concernant l’interdiction de se marier des hôtesses de l’air, dans cette jurisprudence (GAJA) Epoux Barbiers c. France, le TC estime que seuls les actes réglementaires sont susceptibles d’être qualifiés d’actes administratifs. Cette solution est justifiée par le fait que l’acte réglementaire qui est pris par l’organisme de droit privé traduit tout simplement une prérogative de puissance publique liée à l’organisation du service. On en déduit que jamais les actes individuels des organismes de droit privé gérant les SPIC ne seront qualifiés d’actes administratifs.

Section 2. La notion d’actes décisionnels et actes non décisionnels

Il est important au nom de la garantie des administrés de distinguer ces deux notions. Pour essayer de cerner cette notion, on va tout d’abord essayer de dire ce qu’est une décision, et ensuite nous examinerons les différentes catégories d’actes.

I. La notion de décisionQu’est-ce qu’une décision pour un administré ?

A) La définition

C’est l’expression du pouvoir des autorités administratives que d’imposer aux administrés des obligations, de conférer des droits (p. ex. accorder une bourse) ou encore de confirmer ces obligations ou ces droits. Ce pouvoir décisionnel s’exerce sans que l’autorité puisse y renoncer. C'est-à-dire, l’administration ne peut pas renoncer à son pouvoir unilatéral, dès lors qu’elle détient ce pouvoir. Par ailleurs elle n’a pas à s’adresser au juge pour imposer sa décision. C’est un pouvoir exorbitant qui s’adresse aux administrés. Cette solution a été qualifiée par la juridiction administrative de règle fondamentale du droit public. => Ass. CE. 2 juil. 1982, arrêt HUGLO.Autrement dit les administrés ne peuvent pas s’opposer aux décisions. On est obligé d’appliquer la décision. La seule solution c’est la contestation de l’acte devant le juge administratif. Or la recevabilité du recours est conditionnée par le caractère décisionnel de l’acte. Le critère essentiel est à rechercher dans les effets de l’acte : est-ce qu’il a des conséquences sur notre statut juridique ?L’acte fait grief à la personne, il touche la situation de l’individu. P. ex. une interdiction, une prescription, une autorisation…Le REP est donc irrecevable contre les actes non décisionnels.

B) Irrecevabilité du REP et des procédures d’urgence contre les actes non décisionnels

=> Le cas des décisions préparatoiresCette notion va être précisée (avis, enquête, rapport…) par le commissaire du gouvernement dans ses conclusions sous un arrêt d’assemblée : CE 26 fév. 1993, arrêt SEITA.

=> Les mesures d’exécutionSi les mesures ne visent qu’à faciliter ou à assurer l’application de la décision, la mesure est non décisionnelle. En revanche si cette mesure contient des éléments ayant des conséquences sur la situation de l’administré, ce sera une décision. Cette jurisprudence a été développée pour ce qu’on appelle les décisions dites de mise en demeure. Elle contient généralement un délai sous lequel on a une amende.

5=> Les actes informelsIl y en a énormément, comme les avis, les recommandations…Cependant pour éviter un déni de justice, ou un risque de non contrôle sur ce genre d’actes, le juge accepte la recevabilité et vérifie lui-même si l’acte est vraiment informel. Il vérifie qu’on n’ait pas abusé du vocabulaire.

II. Les actes administratifs et les différentes qualifications propres à certaines catégories

Quatre grandes catégories d’actes.A) Les circulaires

L’administration fonctionne selon un système hiérarchique qui se caractérise (vocabulaire désuet) par le pouvoir que détient tout chef de service d’exercer son autorité sur les services qu’il dirige. Idée de schéma vertical avec un pouvoir de définir ou de déterminer les conditions d’organisation et de fonctionnement du service ainsi que d’assurer le respect des règles. Autrement dit, (cf. Semestre 1 et le pouvoir autonome du PM, et que les autres ministres n’ont que des pouvoirs d’application) ces autorités ne disposent non pas d’un pouvoir réglementaire mais d’un pouvoir de réglementation interne. Cela se traduit par l’adoption de circulaires \ instructions \ mesures internes (à peu près la même chose). Ces mesures ne constituent en principe pas des décisions. Autrement dit ces mesures ne lient pas le contentieux. Pour éviter que par cette pratique les autorités administratives (et elles le font relativement souvent) imposent des obligations aux administrés, le juge va adapter sa jurisprudence. Tout d’abord, (1) en définissant la nature de ce pouvoir des chefs de service (+ ministres, qualifiés comme tels) et en 2) créant un régime spécifique.

1) La nature des pouvoirs des chefs de service

Par un arrêt de principe, CE 7 fév. 1936, JAMART, le Conseil d’Etat précise la portée du pouvoir des chefs de service. Il l’oppose au pouvoir réglementaire général. Puis, dans un second temps il reconnaît à ces autorités le pouvoir, même en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires, la possibilité de prendre toute mesure nécessaire au bon fonctionnement de l’administration placée sous leur autorité.Les chefs de service n’ont certes pas le pouvoir réglementaire général, mais au nom du bon fonctionnement du service, ont le droit de prendre un certain nombre de mesures.

=> Etendue du pouvoir des chefs de service en l’absence de textes.Soit les ministres et chefs de service ont été habilités par un texte, par exemple un texte

législatif ou texte réglementaire pour exercer un pouvoir réglementaire général (par sa nature mais enfermé dans les dispositions du texte) soit ils n’ont pas cette habilitation. Dans cette 2nde

hypothèse ils peuvent toujours intervenir pour assurer l’organisation dus service, et en particulier pour réglementer (dans le respect du statut de la fonction publique) la situation des agents mais aussi des usagers : quand on affiche un règlement sur la porte de déroulement des examens, il s’agit d’un règlement intérieur, et non pas d’un pouvoir général.

Le pouvoir réglementaire va donc s’adresser aux usagers. Ces pouvoirs ne peuvent être que limités, c'est-à-dire que l’autorité ne peut dans ce cadre exercer un pouvoir réglementaire général, c'est-à-dire imposer de manière général des droits et obligations. De ce fait si l’autorité dépasse ce pouvoir, on se retrouve dans un cas d’incompétence, car au lieu de se limiter à la réglementation interne, on a fait de la réglementation générale => CE 20 juin 2000, ASSOCIATION CHOISIR LA VIE. Cette question de compétence limitée va donc gouverner en quelque sorte la jurisprudence sur les circulaires.

2) Le régime des circulaires

Les chefs de service, les autorités concernées prennent des circulaires ou instructions (texte de type interne) dont l’objet est de préciser les modalités de fonctionnement du service. Celles-ci se traduisent par des obligations à l’égard des agents (soumis à l’autorité du chef de service) fondées sur ce que l’on appelle l’obéissance hiérarchique (p. ex. grand débat par

6l’intermédiaire de la HALDE sur le problème du port du foulard notamment dans la fonction publique, avec des licenciements). Par contre ces mesures ne peuvent avoir de conséquences juridiques en principe sur les administrés. Autrement dit une circulaire ne doit pas servir à créer des droits et obligations aux administrés : inopposabilité aux administrés. Les administrés ne peuvent donc pas non plus s’en prévaloir. Pour résumer, de telles mesures sont sources d’obligation hiérarchique et non pas source de légalité. De ce fait, ayant un caractère non décisionnel, le recours était irrecevable, mais pour assurer une meilleure garantie des administrés, le Conseil d’Etat va modifier sa jurisprudence dans un 1er arrêt de principe, CE 29 janv. 1954, arrêt NOTRE DAME DU KREISKER. Puis le juge décide d’adapter la solution de 1954 par une nouvelle jurisprudence de principe : un revirement CE 18 déc. 2002, MADAME DUVIGNERES. Pour bien comprendre l’évolution de Duvignieres il faut analyser la jurisprudence notre dame du Kreisker.

a) Jurisprudence Madame du KreskeirEn l’espèce le Conseil d’Etat estime que le ministre de l’éducation nationale ne s’est pas borné à interpréter les textes en vigueur ; mais qu’il a fixé des règles nouvelles dans sa circulaire. En l’espèce ce sont des règles nouvelles relatives à la constitution des dossiers de demande de subventions. Par suite la circulaire a un caractère règlementaire, par conséquent le recours est recevable. Cette jurisprudence s’appuie sur la distinction entre circulaires interprétative et circulaires réglementaires. Cette distinction peut être délicate. En effet pour procéder à une telle qualification le juge recherche (cf. notion de décision) si la disposition fait grief. Autrement dit, selon cette jurisprudence, le juge admet ou se reconnait la possibilité de contrôler la nature juridique de la circulaire pour déduire la recevabilité du recours.

Si la circulaire est qualifiée d’interprétative => le juge déclare le recours irrecevable.Si la circulaire est qualifiée de réglementaire => le juge va prononcer la recevabilité.

Cf. CE 22 mai 1992, GISTI.Si l’autorité détient une compétence réglementaire par habilitation (cf. JAMART), alors le

juge en conclue à la compétence de l’autorité. Puis il accepte de vérifier les autres éléments de la légalité. Soit il constate que l’autorité ne dispose d’aucune habilitation pour intervenir de manière réglementaire, alors il en déduit l’incompétence de l’acte, et annule les dispositions réglementaires. Dans cette jurisprudence le juge peut adopter un autre mode de raisonnement. En effet dans certaines décisions, il a procédé d’abord au contrôle de la légalité de la circulaire (notamment la compétence) pour en déduire la nature juridique de la circulaire. En gros quand il raisonne comme ça : la circulaire est légale donc elle est interprétative, la circulaire est illégale donc elle est réglementaire. Ex : CE 28 juin 1990, GISTI (GAJA). Dans cette affaire (cf. S1) le juge constate que la circulaire contient des dispositions contraires à la CEDH, il l’a déclare donc illégale.C’était une méthode mauvaise, cela a donc entrainé la jurisprudence DUVIGINERES.

b) Jurisprudence DUVIGNIERES, 18 déc. 2002Désormais le Conseil d’Etat opère une distinction entre les circulaires indicatives et les circulaires prescriptives. En l’espèce :Le juge se prononce sur les conditions de l’aide juridictionnelle relevant d’un texte législatif de 1991, et ayant fait l’objet d’une circulaire du ministre de la justice. Madame Duvignieres se voit opposer un refus à sa demande au motif que ses revenus étaient supérieurs au plafond fixé par le texte. Evolution   : A l’occasion de cette affaire le juge modifie son approche dans le prolongement d’une 1 ère étape de jurisprudence, qui découle d’un arrêt CE 18 juin 1993, INSTITUT FRANÇAIS D’OPINION PUBLIQUE (IFOP), le juge utilise le critère du caractère impératif ou interprétatif de la circulaire. Il conclue que si l’interprétation par l’autorité administrative se fait au moyen de dispositions impératives, on doit en déduire la recevabilité contre la circulaire, sous réserve

7(jurisprudence subtile ou il ne veut pas étendre trop) que l’interprétation « méconnaisse le sens et la portée des prescriptions législatives ou qu’elle soit contraire à la légalité ».

Dans une 2 ème étape , dans un arrêt Ass. 28 juin 2002, VILLEMAIN. En l’espèce le Conseil d’Etat se prononce expressément pour un contrôle de l’interprétation de la circulaire au regard de l’ensemble du droit applicable. Il fait (arrêt qui annonce Duvignieres), il fait du critère impératif le critère de la recevabilité. Qu’est-ce qu’une circulaire impérative ? La notion de caractère impératif signifie tout simplement que l’auteur cherche à imposer aux autorités inférieures son interprétation du texte. Dernière étape : qu’apporte Duvignières par rapport Notre Dame du Kreisler ? Ce qui est très clair, c’est que désormais la jurisprudence opère une distinction claire, tant entre les conditions de recevabilité et la question de la légalité. En ce qui concerne tout d’abord la recevabilité. Elle est fondée sur le critère de caractère impératif de la circulaire. Renouveau en la matière: ce seul critère est utilisé pour savoir si on est recevable, il permet pour le juge administratif de contrôler le pouvoir d’interprétation des autorités administratives. Dans Notre Dame de K, on ne contrôlait pas l’interprétation. Ensuite le critère du caractère impératif permet de distinguer ou de dissocier la recevabilité et le contenu de la circulaire. Ce critère s’appuie sur la distinction suivante : entre ce qu’on va appeler les dispositions qui contiennent des prescriptions et celles qui ne sont que des opinions. Puis, le juge administratif va développer, dans un second temps, comme s’il était dans un REP normal, le contrôle de la légalité. En se prononçant tout d’abord, comme dans Notre dame du K sur la question de la compétence. Le ministre a-t-il créé une règle nouvelle ? Etait-il compétent ? Ensuite il vérifie également si l’interprétation respecte la légalité au sens large (aussi bien les conventions internationales que les dispositions constitutionnelles). Il vérifie également si par voie de circulaire interprétative notamment l’autorité n’a pas réitéré (repris) une règle illégale. Donc le véritable apport de cette jurisprudence réside dans le contrôle de l’interprétation des autorités administratives.Conclusion sur les circulaires. Pour conclure sur la portée de la jurisprudence Duvignières. Résumé : avant cette jurisprudence, une circulaire interprétative ne pouvait jamais être annulée, car elle ne pouvait jamais faire l’objet d’un contrôle car on était irrecevable. Désormais le juge pourra procéder à partir du contrôle des éléments de la légalité à son annulation. Enfin, en application de cette jurisprudence le juge utilise également l’application de la règle relative à l’abrogation des textes devenus illégaux et y compris des circulaires.

Mardi 15 février 2011

Affaire Duvignières : obligation d’abroger des textes réglementaires illégaux.Arrêt du 04 fév. 2004, OP HLM de Seine et Marne. En l’espèce le commissaire du gouvernement associe le caractère impératif au fait de faire grief. Autrement dit, le rédacteur ne faisait pas qu’interpréter, mais apportait une dimension créative à l’interprétation. Pour apprécier ce caractère créatif, le juge se fonde à la fois sur le caractère objectif de la circulaire ainsi que sur des éléments subjectifs, surtout par rapport à la volonté du rédacteur.

Le décret du 8 décembre 2008 (publicité des circulaires : très positif) impose la publicité des circulaires pour être opposables aux administrés. Deuxième catégorie d’actes : les directives.

B) Les directives internes à l’administration

Définition, puis le régime juridique.1) La définition

Lorsqu’une autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire, il est alors possible qu’elle se dote d’un pouvoir d’orientation (ou un guide d’action, ce n’est pas un acte mais un référentiel, par exemple en matière de développement économique ou d’urbanisme) : les autorités administratives sentent la nécessité de se donner des lignes directrices pour agir.

8Deux problèmes :Ce pouvoir d’orientation doit tendre à éviter une trop grande disparité entre les situations individuelles. Mais il ne s’agit que de simples indications. On va pouvoir dire en matière d’aides sociales facultatives, l’autorité administrative va se donner des indications pour la tranche d’âge et le revenu qu’elle va aider.Les autorités doivent aussi respecter le principe de l’appréciation individuelle des demandes. On ne peut pas se cacher derrière son pouvoir d’orientation \ interprétation pour ne pas examiner une demande individuelle. La recherche d’égalité et le principe de l’examen individuel de toute demande sont donc des notions qui vont se croiser.Un arrêt d’ass. CE 11 déc. 1970, CREDIT FONCIER DE FRANCE (GAJA), le juge précise cette notion. Le juge valide ici la pratique des directives. Il rappelle cependant que les directives internes ne constituent pas des actes décisionnels. Enfin il souligne qu’il est impossible à l’administration de transformer un pouvoir discrétionnaire en pouvoir lié. Pour concilier tous ces impératifs, il va préciser le régime juridique.

2) Le régime juridique

Ce régime répond à trois aspects.1er aspect : la pratique des directives est régulière. Autrement dit il est possible légalement aux autorités administratives de se doter d’une doctrine pour guider ses décisions.2ème aspect : la directive n’étant pas un acte décisionnel tout recours en annulation contre une directive est irrecevable. 3ème aspect : en revanche, bien que n’étant pas une décision, le juge admet qu’elle produit des effets de droit sur les administrés, pour deux raisons :Tout d’abord par l’intermédiaire d’une directive, l’autorité administrative pourra s’en servir de fondement pour prendre ses décisions individuelles. Le juge estime que cette référence est légale sous réserve d’être adaptée aux finalités de l’action. Dans une telle situation, l’autorité administrative est obligée d’appliquer cette même directive à l’ensemble des situations comparables, au nom du principe d’égalité. Enfin, l’autorité ne doit jamais se sentir lier par la directive en présence de situations différentes. Concrètement cela signifie que tout refus opposé à une demande individuelle fondée sur une situation différente ne pourra être qu’annuler au nom de l’obligation d’examen individuel des demandes  CE 29 jun 1973, SOCIETE GEA. En conclusion tout administré peut à l’occasion d’une mesure individuelle exercer un recours en annulation soit en estimant que l’autorité administrative n’a pas respecter l’égalité, soit au contraire parce que se fondant sur la directive, elle n’a pas tenu compte de la différence de situations.

C) Les mesures d’ordre intérieur (MOI)

Arrêt JAMART : on voit les MOI dans le cadre de l’organisation des services et des établissements. Tout chef de service peut à la fois adopter un règlement intérieur (ex. l’Université), mais aussi prendre des mesures individuelles qui peuvent présenter le caractère de sanctions disciplinaires. Ces mesures sont très importantes dans trois catégories d’administration : l’enseignement, l’administration militaire, l’administration pénitentiaire. Ces mesures constituent des décisions parce qu’elles font grief. Mais le juge considérait que les conséquences étaient minimes. Surtout il était nécessaire d’assurer le bon fonctionnement du service, y compris par voie disciplinaire.

1) La fragilité de la justification de l’absence de contrôle

En effet alors que s’applique l’article 13 de la CEDH, le droit au recours, en particulier contre les sanctions disciplinaires, il n’était alors plus possible au juge, même au nom de l’intérêt du service, d’accepter une véritable immunité juridictionnelle, pour ne pas dire une zone de non droit. De plus ces mesures ont des effets sur la situation juridique des individus et\ où sur l’exercice des droits et libertés individuels. Face à cet enjeu de l’évolution de la jurisprudence sur les MOI, on va avoir une 1ère étape dans le domaine scolaire.

2) L’évolution en matière scolaire

Dès les années 1950 la juridiction administrative admet la recevabilité du recours lorsque des décisions individuelles peuvent avoir des conséquences importantes sur la scolarité de l’élève, il

9déclare la recevabilité, comme le refus de passage d’une classe à une autre, ou encore le transfert pour motif disciplinaire d’établissement. Il étend cette solution (affaire importante) au règlement intérieur des établissements CE 2 nov. 1992, KHEROUAA. C’est la 1ère jurisprudence relative au contrôle d’un règlement intérieur concernant l’interdiction du port de signe religieux. En l’espèce le juge va vérifier si le règlement ne porte pas atteinte à la liberté d’expression.

3) Les mesures d’ordre intérieur dans les établissements pénitentiaires et l’administration militaire

On va distinguer la période avant et après 1995, car dans ce domaine on assiste à un revirement de jurisprudence, CE ass. 17 févf. 1995, HARDOUIN sur l’administration militaire et MARIE sur l’administration pénitentiaire.Avant cette décision le juge retenait une interprétation restrictive de la recevabilité y compris à l’encontre des mesures disciplinaires, on avait presque aucune mesure qui permettait d’attaquer les mesures disciplinaires. Cette jurisprudence devenait incompatible avec la position de la CEDH et en particulier concernant les mesures de sanction. CE Ass. 27 janv. 1984, M. CAILLOL, en l’espèce le Conseil d’Etat qualifie la décision de mesure d’ordre intérieur (donc irrecevable) une décision « de placement en QHS » (quartier de haute sécurité). Cette décision a été alors rendue contrairement aux conclusions du commissaire de gouvernement, Genevois, qui expliquait que la mesure était illégale et affectait directement la situation juridique du détenu. De même, irrecevabilité contre une mesure de mise à l’isolement dans l’affaire CE 28 fév. 1996 (en 1995 n’a été qu’une extension, on conserve la jurisprudence \\ à la mise en isolement), affaire FAUQUEUX. La jurisprudence de la CEDH estime que toute personne a droit au recours dès lors que des mesures, notamment les mesures disciplinaires portent une atteinte substantielle aux droits et libertés ou à la situation juridique du destinataire.

Exemple : CEDH 28 juin 1984, affaire CAMPBELL et FELL c. Royaume-Uni.Du fait de cette évolution de la jurisprudence, on assiste postérieurement à 1995, sur le fondement de la jurisprudence HARDOUIN et MARIE, à une réduction de la liste des mesures d’ordre intérieur. Pour déclarer le recours recevable le juge vérifie si la mesure porte atteinte à la situation juridique du destinataire et/ou aux droits et libertés individuelles.

1 ère hypothèse   : le placement à l’isolement d’un détenu. La difficulté vient lorsque la mise en isolement est non disciplinaire, mais choisie pour des raisons de sécurité ou de bon ordre du centre. Question : comment qualifier une décision de mise en isolement non disciplinaire ?Dans l’affaire Fauqueux de 1996, le Conseil d’Etat qualifie la mesure de mesure d’ordre intérieur au motif qu’elle n’est pas disciplinaire, contrairement à l’affaire Marie, qui concernait la mise en cellule de punition. Il en déduit que dans ces conditions, la mesure est sans conséquences sur la situation juridique de l’individu. Il retient la même qualification pour le placement d’un détenu à titre préventif en cellule disciplinaire. CE 12 mars 2003, affaire FREROT. Face à l’interprétation de la CEDH le Conseil d’Etat a admis, très récemment de réduire considérablement cette notion de mesure d’ordre intérieur. Par rapport à l’affaire Frérot, il opère un revirement CE 30 juil. 2003,   REMLI . De plus, le Conseil d’Etat va faire évoluer la solution Fauqueux pour tout ce qui concerne les mises à l’isolement, il renonce donc à la distinction entre sanctions disciplinaires et sanctions de sécurité pour ne s’interroger que sur les conséquences concrètes sur la vie des détenus. Cette évolution revient à une décision du CE Ass. 14 déc. 2007, l’affaire BOUSSOUAR. Le juge accepte en l’espèce la recevabilité du recours au motif que tout changement d’affectation a des conséquences sur la situation juridique des détenus. Cette jurisprudence évolue notamment par deux arrêts du même jour : PLANCHENAULT et PAYET.

Enfin dans une jurisprudence récente du TA de Paris, 11 juin 2010, M. PAYET. La mesure prise à son encontre relève de ce qu’on appelle des rotations de sécurité. En l’espèce le ministère de la justice estimait que la jurisprudence Boussouar ne visait que les changements d’affectation, et bien, contre toute attente, le juge administratif admet la recevabilité d’une telle mesure, dès lors que celle-ci met en cause des droits ou libertés.

10Pour autant les MOI n’ont pas totalement disparues, exemple : l’atteinte au droit de la correspondance.

D) Les mesures négatives dépourvues du caractère exécutoire

Les mesures négatives relevaient d’un régime spécial car le sursis à exécution n’était pas reconnu, mais avec la réforme des procédures d’urgence, désormais, ces décisions relèvent du même régime juridique, aussi bien le recours en annulation que les procédures d’urgence que l’ensemble des décisions. Après avoir vu les distinctions de ces actes décisionnels, dans la section 3 sera présentée une autre catégorie à intégrer : la distinction entre les décisions réglementaires, et ce qu’on va appeler, dans une catégorie un peu floue : les décisions non réglementaires.Nous verrons ensuite deux sous-catégories I) Distinction acte individuel \ acte réglementaire II) Décisions d’espèce.

Section 3. La distinction entre décisions réglementaires et non réglementaires

I. Les actes individuels et les actes réglementairesA) Les critères de distinction.

Le caractère réglementaire : norme générale qui s’applique abstraitement ou qui règle une situation en termes généraux. Autrement dit cet acte ne fait aucune référence aux personnes auxquelles ils s’appliquent. P. ex. sont réglementaires y compris les actes définissant une institution. Dans la mesure où ce n’est pas nominatif, un décret est un acte réglementaire.

P. ex. est réglementaire également le refus d’édicter une norme générale ou d’abroger un règlement. Les actes individuels sont ceux qui visent nommément un ou plusieurs destinataires. Cela peut être une personne privée ou une personne publique. P. ex. les actes de nomination ou encore les sanctions, les refus d’autorisation…Les résultats d’un concours sont des actes individuels. Il faut compléter cette distinction par une seconde.

B) La distinction entre les actes créateurs de droit et les actes non créateurs de droit

Pour comprendre cette distinction il faut ajouter la subtilité : on va dissocier 1) les actes créateurs de droits acquis (quasiment définitifs) et non créateurs de droits acquis (2).

1) Actes créateurs de droits acquis ou non acquis

Pour la garantie des droits, notamment pécuniaire, il est important de ne pas porter atteinte aux droits acquis. P. ex. pour l’attribution d’une bourse. C’est important car cette distinction permet de dissocier entre les actes réglementaires et actes individuels. En effet, un acte réglementaire ne crée jamais de droits acquis. Autrement dit : nul n’a droit au maintien d’un règlement ou d’une disposition règlementaire. En conséquence l’autorité compétente peut toujours abroger un règlement, c’est-à-dire mettre fin à ses effets pour l’avenir, mais sous réserve de respect des droits déjà attribués.Par contre les actes individuels sont susceptibles de créer des droits acquis, et tel est le cas des décisions favorables tel que des autorisations de passage d’année. Par contre ne créer pas de droits acquis trois catégories d’actes : - les mesures prises à titre précaire et révocable- les mesures provisoires- les emplois discrétionnaires : ces emplois ne sont jamais des droits acquis.

Pour les actes créateurs de droits acquis l’abrogation n’est pas possible. Par ailleurs la distinction entre les actes créateurs de droit et non créateurs de droit concerne le régime du retrait des actes, c'est-à-dire la possibilité éventuelle de produire des effets dans le passée. En ce qui concerne les règlements, il faut vérifier si l’application du règlement a conféré des droits. L’optique générale est de respecter les droits obtenus dans la situation passée.Pour les actes individuels, dès lors qu’ils confèrent des droits, il ne sera pas possible sauf à des conditions particulières, de revenir sur les droits.

Il existe également des actes qui ne confèrent pas de droits. Il y a trois catégories :- Les actes inexistants- L’acte obtenu par fraude

11- les décisions recognitives : les décisions qui ne font que constater une situation préexistante. P. ex. un relevé de notes, une délibération de jury, ou encore une décision d’admission d’un étranger au statut de réfugier. Δ Par contre, les décisions pécuniaires ont été très longtemps considérées comme des décisions ne créant pas de droits, ce sont des désormais des décisions créatrices de droit.

A ces catégories, on ajoute le II pour mémoire, ce qu’on appelle les décisions d’espèce.

II. Les décisions d’espèceC’est sui généris : ni réglementaire ni individuel. Ces décisions sont nombreuses notamment en matière d’urbanisme, p. ex. une déclaration d’utilité publique pour l’expropriation ou encore une décision instituant des servitudes administratives, etc. Autre exemple : les décisions liées aux élections sont des décisions d’espèce. Leur régime juridique emprunte aux actes individuels et règlementaires, p. ex. pour la déclaration d’utilité publique : le préfet prononce cette déclaration qui conditionne la validité d’une expropriation, la DUP relève largement du régime des règlements.

12Chapitre 2. Le régime juridique des décisions exécutoiresDepuis la fin des années 70, le législateur est intervenu pour apporter des garanties (parce qu’il n’y en avait presque pas) aux administrés en terme d’accès aux documents mais aussi l’obligation de motiver les décisions notamment les décisions défavorables. Enfin c’est aussi le respect du contradictoire, et finalement l’accès aux documents administratifs et données personnelles.

Section 1. Ediction et élaboration des décisions exécutoires

I. Les règles de compétences- distinction pouvoir législatif \ pouvoir réglementaire- JAMART : pouvoir réglementaire général \ pouvoir réglementaire d’organisation des services- question des délégations : si on fait un recours et qu’on fait appel à la compétence, il faut vérifier les délégations.

II. La procédure d’élaborationA) Procédure consultative

Les organes consultatifs sont prévus (pas d’organe électron libre) par le droit positif.  Le régime est très diversifié. Le non respect de cet élément de procédure (on pourrait avoir un vice de procédure) peut entraîner l’annulation de l’acte (décision sur le chômage), concernant la modulation des effets dans le temps des effets juridictionnels, cela peut avoir un effet sur l’annulation de l’acte dès lors qu’il s’agit d’une formalité substantielle.

1) L’organisation de la consultation

L’organisation de la consultation des organes relève du pouvoir règlementaire, ce qui vise à l’aide à la décision, p. ex. le Conseil d’Etat, la représentation d’intérêts sociaux économiques, on pense à des organismes économiques et sociaux qu’on retrouve au niveau de l’Etat et des régions, mais çà peut aussi être le rôle des experts, p. ex. le comité des sages ou le domaine de la bioéthique. Enfin on peut penser à la représentation des usagers dans ces commissions. Ces organismes sont nombreux, et deux ont un statut constitutionnel, il s’agit du Conseil d’Etat et du Conseil économique et social, qui fait actuellement l’objet d’une réforme. D’autres ont un statut législatif, dont la CADA (commission d’accès aux documents administratifs) ou encore le Comité national d’éthique. Cette procédure va peu à peu être organisée par les textes, en ce qui nous concerne, l’important c’est le décret du 28 nov. 1983 qui contient énormément d’éléments sur les relations entre l’administration et les usagers. La jurisprudence veille en particulier au respect du principe d’impartialité, qui concerne non seulement les juridictions mais également les organismes. Le juge vérifie également la composition de l’organisme afin d’éviter tout conflit d’intérêt.

2) Le régime juridique de la consultation

Ces organismes donnent des avis et non pas des décisions, on ne peut donc pas attaquer. Pour simplifier : il existe trois formes de consultation. 1ère situation : l’autorité administrative est libre de saisir l’organe, autrement dit, la saisine elle-même est facultative. 2ème situation : la saisine est obligatoire (cas le plus courant). 3ème situation : dans le cas de saisines obligatoires, deux possibilités : soit les textes ont prévu un avis conforme, tel est le cas pour beaucoup d’hypothèses pour le Conseil d’Etat, et dans ce cas l’autorité soit suit l’avis (ne peut pas s’écarter de l’avis) soit elle renonce à sa décision. Soit enfin, l’avis consultatif, dans cette hypothèse l’autorité pourra prendre la décision soumise à l’organe consultatif.

B) La procédure contradictoire

Contrairement aux juridictions, ce principe est beaucoup plus limité et se réduit très largement à une notion des droits de la défense.

1) L’affirmation du principe du respect des droits de la défense

L’autorité administrative, quand elle prend une décision individuelle, notamment, défavorable, doit préalablement (formalité substantielle) mettre en demeure la personne concernée de faire valoir ses droits. Ce principe s’est de plus en plus étendu, il concerne tout d’abord les sanctions

13administratives, et est désormais repris pour les agents publics par la loi du 13 juil. 1983, texte très important, fondateur, qui renouvelle les droits et obligations du fonctionnaire.Cette solution est d’application générale et a été rappelée par l’arrêt CE 5 juil. 2000, MERMET. Le droit du contradictoire s’applique aux sanctions en dehors de la fonction publique aussi, c’est un principe général du droit, consacré par un arrêt : CE Sect. 5 mai 1944, DAME VEUVE TROMPIER GRAVIER. Enfin ce principe s’applique également à toute décision qui présente un certain degré de gravité. Cette application du principe général des droits de la défense a été étendue, « aux mesures prises en considération de la personne. » En particulier, les décisions de refus, de retrait, ainsi que toutes les mesures restrictives. Au-delà de cette affirmation extension de la portée du principe du contradictoire.Dans certains pays européens, le contradictoire comporte simplement le droit d’être entendu en amont de la prise de décision. C’est l’application qui a pleine valeur constitutionnelle pour l’Allemagne, l’Espagne et qu’on retrouve dans la pratique au Royaume-Uni. Cette possibilité du droit d’être entendu (avant toute prise de décision), a été intégrée au traité relatif au fonctionnement de l’UE (traité de Lisbonne, art 15) ainsi qu’au niveau des documents du conseil de l’Europe. En droit français, ce droit a une portée limitée : ni le juge administratif ou constitutionnel ne veulent aller trop loin.

2) Le champ d’application des droits de la défense en France

art 8 du décret du 28 nov. 1983 Repris par la loi du 12 avril 2000   : texte qui a codifié les relations avec l’administrationEn application de cette législation, il y a d’une part le rappel de l’obligation de motiver les décisions défavorables, relevant de la loi du 11 juil. 1979.D’autre part, la législation a également prévu une obligation de motivation pour les mesures de police. Par contre on a toujours des limites importantes relatives à la démocratie administrative : les textes prévoient des dérogations au respect du droit du contradictoire et de l’obligation de motiver, dans les cas suivants :- en cas d’urgence- en cas de menace à l’OP- en cas de circonstances exceptionnelles …En conclusion : s’il existe une procédure spécifique dans cette réglementation du contradictoire, le juge écartera le principe général de l’administration d’avril 2000, p. ex. le décret d’extradition.

C) Les autres règles de procédure administrative non contentieuse

Deux règles importantes :- examen individuel des demandes- le parallélisme des procédures : cela signifie que lorsque l’autorité décide d’abroger une décision elle doit le faire dans les mêmes formes que celle de l’édiction de la décision.

III. L’édiction des décisions exécutoiresA) La forme des décisions : décision explicite ou implicite

Il existe peu de règles de forme pour ces décisions, notamment parce qu’il n’y a pas de code de procédure administrative. Il faut distinguer entre les décisions explicites et les décisions implicites. La décision explicite est souvent écrite, et transmise et donc donnée par écrit ou verbalement.La décision implicite résulte (construction jurisprudentielle) de la prise en compte du silence de l’administration. Règle de principe : le silence gardé par l’administration pendant deux mois à compter de la demande vaut décision implicite de rejet \ refus. Certains textes peuvent prévoir un délai plus long, éventuellement plus court, et également prévoir que le silence vaut décision d’acceptation. Cette solution permet au juge de contrôler les conséquences juridiques du silence de l’administration. Cette règle a été codifiée par la loi du 12 avril 2000. En particulier en son article 21. Le juge et le législateur posent des conditions.- il faut une demande de l’administré* demande à l’autorité compétente et en cas d’erreur c’est à l’autorité administrative de saisir la bonne autorité.

14- les recours gracieux ou hiérarchiques sont assimilés à des demandes- toute demande d’information de l’administration n’interrompt pas le délai

B) La présentation matérielle des décisions

Il y a les visas. « Vu », les références des textes et éventuellement des organismes consultatifs.Ensuite vient la motivation, lorsqu’elle est imposée pour les décisions qui entrent dans le champ de la loi de 1979 qui doit être précise et explicite. Ensuite on a le dispositif : « décide que… »la signature et le nom lisible, pour être repéré comme étant l’auteur de la décisiondateprécision de la voie de recours de l’administré, sinon la décision n’est pas exécutoire.

C) Obligation de motivation et ses limites

Le juge contrôle l’erreur de droit, erreur de fait, qualification juridique des faits, la proportionnalité. On ne peut exercer un contrôle que si on a un motif.

1) Avant la loi du 11 juil. 1979

Résumé : aucune obligation ne s’imposait à l’administration, qu’on soit dans des décisions défavorables ou non. La connaissance des motifs ne résultait que de l’intervention du juge, à l’occasion d’un litige. 1ère fois explicite  CE 28 mai 1954, BARREL , le juge demande à l’administration de lui fournir tous les documents.2ème évolution CE 26 janv. 1968, SOCIETE MAISON GENESTAL, le juge exige de l’administration les motivations de fait et de droit.

Qu’apporte la loi de 1979 ? Cette loi ne généralise pas l’obligation de motiver, elle donne simplement une liste des catégories d’acte soumis à l’obligation de motiver, c'est-à-dire à l’obligation de donner les éléments de droit et de fait justifiant la décision. Ces motifs doivent être inclus dans la décision elle-même. Il ne faut pas aller chercher ailleurs, ils doivent être d’une lecture aisée.Les décisions soumises à l’obligation de motiver sont les suivantes :

1- les décisions individuelles (directement) défavorablesCe sont tout d’abord les décisions restrictives de liberté publique : les mesures de police individuelles. - les sanctionsToute sanction suppose une motivation.- les décisions d’abrogation ou de retrait- les décisions qui subordonnent l’octroi d’une autorisation à conditions restrictives- les décisions qui refusent un avantage2- les décisions individuelles dérogatoires

Mardi 1er mars 2011

Section 2. Les effets de la décision exécutoire

§1. L’entré en vigueur des règlements et des décisions non règlementairesUn acte administratif, qu’il soit règlementaire ou individuel existe dès signature. Par contre pour entrer en vigueur, c'est-à-dire pour produire des effets à l’égard des administrés (= opposables aux administrés), il faut l’acte ait fait l’objet d’une publicité, ce qui constitue une garantie.

A) Publicité des actes décisionnels

La distinction entre existence et opposabilité a été consacrée notamment dans un arrêt d’assemblée du 21 déc. 1990, Conf° nationale des associations catholiques.

1) Les conséquences

151 ère conséquence   : l’absence de publicité est sans effet sur la légalité de l’acte, CE 31 mars 1989, affaire Lambert.2 ème conséquence  : le recours pour excès de pouvoir est recevable dès lors qu’un acte existe, pas forcément dès qu’il a été publié, cela fait l’objet d’une jurisprudence, Sect 26 juin 1956, Synd. Gén. Des ingénieurs conseils.La légalité de l’acte est appréciée au moment de la signature, enfin un acte signé mais non publié peut servir de fondement à d’autres décisions, cet arrêt est ancien, CE 18 janv. 1913, synd. Nat. Des chemins de fer de l’Est.

2) Les formes de la publicité

a) Les actes règlementairesLa forme de la publicité des actes règlementaires est la suivante : les règlements doivent faire l’objet d’une publication, Sect. 20 juil. 2003, l’affaire GEMTROT.En ce qui concerne les décrets et arrêtés ministériels => publication au JOAutres actes => publication au registre des actes administratifs et/ou affichage au siège de l’autorité qui a pris l’acte. Il arrive que l’exécution de l’acte exige un élément complémentaire, p. ex. pour les actes des collectivités territoriales relevant d’une liste doivent en outre être transmis à l’autorité préfectorale. P. ex. une délibération approuvant une délégation de service publique non transmise en préfecture ne peut pas entrer en vigueur, c’est une condition supplémentaire.

b) Les actes individuelsPour être opposables, ils supposent la notification aux personnes intéresséesPour les décisions favorables, créatrices de droit entrent en vigueur dès la signature. Cependant les tiers à la décision individuelle ne sont pas informés par une notification. Autrement dit, les tiers, à défaut d’information, disposeront d’un délai indéfini en matière de recours pour excès de pouvoir.

3) La question de la publicité et du délai du recours contentieux

C’est la publicité qui fait courir le délai du REP et du délai des procédures d’urgence. De plus, dans l’hypothèse où un recours gracieux est exercé il peut l’être à l’encontre d’un acte signé et non publié. Enfin les tiers au regard des actes individuels pourront, faute de publication faire l’objet d’un recours indéfiniment.

B) L’accès aux documents administratifs

Jusqu’à la loi du 17 juil. 1978, relative à l’accès aux fichiers administratifs, la tradition du secret avait interdit ou avait conduit à interdire aux administrés la possibilité d’avoir accès à ce qu’on appelle les documents administratifs internes. Cette loi reconnait un très large droit d’accès aux documents de l’administration, il suffit que le document soit qualifié comme tel sous la protection d’une nouvelle autorité administrative indépendante qui publie son rapport annuel : la commission d’accès aux documents administratifs (CADA).

1) La nature du droit d’accès

Il faut savoir respecter la vie privée des gens, le droit d’accès est donc régi par la distinction entre les données personnelles qu’on appelait en 1978 nominatives, et les données non personnelles. Dans la 2nde hypothèse, la loi accorde un accès très large avec communication du document sur place ainsi que possibilité d’obtenir une copie. Ces documents sont communicables de plein droit (pas de demande des motifs ni raisons) à tout demandeur et concernent aussi bien les circulaires, directives, réponses ministérielles, rapports, procès verbaux, comptes rendus… Cela favorise les maniaques, qui veulent savoir le pourquoi du comment.La seule chose que l’on donne comme limite qui concerne les documents inachevés, discussions en cours. Pour les documents contenant des données personnelles [qui permettent de repérer les personnes et donner un jugement de valeur), seules les personnes concernées ou intéressées ont

16le droit d’y avoir accès, p. ex. les copies d’examen ou de concours. Ceci a été consacré par Ass. 8 avril 1987, ULLMO. Si les données personnelles relèvent de la loi informatique et liberté du 11 juil. 1978, dans l’hypothèse c’est ce droit là qui va être en jeu : la CADA est concerné et pas l’ACNIL. Cette évolution a conduit à exclure par contre les documents non administratifs et en particulier les documents qu’on va appeler documents de droit privé tels que les actes notariés, les actes d’Etat civil, les contrats de droit privé… Sont exclus également les documents liés aux procédures judiciaires.Enfin, sont protégés du droit d’accès aux documents pouvant remettre en cause les droits au respect de la vie privée, le secret médical, éventuellement le secret-défense ainsi que la sécurité publique ou encore le respect des intérêts industriels et commerciaux.

2) La procédure pour assurer une protection

La procédure est la suivante :Il faut une demande auprès de l’autorité administrative censée détenir le document.Réponse positive : fin de l’affaire.Réponse explicite négative.Réponse : silence, le plus souvent. Le silence vaut décision implicite de rejet dans le mois de la demande.Réponse négative :demande d’accès aux documents administratifs. La CADA a un mois pour donner un avis qui n’est qu’un avis sur le caractère communicable ou pas du document. A ce moment là, si la CADA a donné un avis favorable au caractère communicable du document, l’autorité a deux mois pour répondre. Dans 80% l’autorité donne raison à l’avis de la CADA.Si l’autorité administrative persiste dans son refus, le demandeur peut exercer un REP conformément au droit commun (dans les 2 mois à compter du refus).

Cf. tableau de la fiche 3 des effets de la loi dans le temps.

§2. Les effets dans le temps des actes administratifsLe régime des effets dans le temps du régime est gouverné par deux modalités. Ce qu’on va appeler l’abrogation qui entraîne une annulation des effets de l’acte pour l’avenir. Uniquement après la publicité du nouvel acte qui a été transmis. La deuxième modalité possible : le retrait. Le retrait a pour conséquence de modifier une situation déjà acquise dans le passé. Ces deux modalités supposent une garantie des administrés qui elle découle de l’application de deux principes.la non rétroactivité des actesle respect des situations déjà acquises.

A) La non rétroactivité

Ce principe n’a pas une valeur très élevée dans la hiérarchie des normes, il n’a valeur constitutionnelle que dans le champ pénal. Pour le champ administratif il a été érigé par le juge administratif en principe général du droit.Références :CE 20 déc. 1935, établissement VEZIACE Ass. 25 juin 1948, SOCIETE DU JOURNAL L’AUROREPortée :Toute décision administrative ne peut avoir d’effet que pour l’avenir et ne peut donc pas, en principe pas revenir ou modifier des situations déjà acquises ou devenues définitives. Seul le législateur peut éventuellement déroger au principe, mais dans des conditions très limitées qui correspondent à la jurisprudence du conseil constitutionnel sur les lois de validation et désormais sous le contrôle de la CEDH. Fondement   : une règle n’est opposable qu’à compter de sa publicité. Ce principe vaut tant pour les règlements que pour l’ensemble des décisions individuelles, cf. Scté du journal l’aurore.

17Il y a une atténuation à cette règle : en effet un nouveau règlement peut être d’application immédiate dès publication, cela signifie donc que sous réserve de ne pas toucher aux situations juridiques devenues définitives, la réforme leur est immédiatement applicable. cf. CE 18 fév. 1914, association générale des étudiants en sciences politiques , cad de l’UNEF, en l’espèce le juge précise que les étudiants qui n’ont pas terminé leur cursus ne peuvent pas revendiquer une situation définitive.

Autre principe : le respect des situations acquises.Portée : le principe a pour objectif d’assurer l’intangibilité des droits acquis ou des situations acquises, en particulier des effets individuels déjà produits. L’application de ce principe a pour conséquence la détermination du régime juridique de l’abrogation qui est gouverné par la notion de droit acquis. De ce fait, lorsque un texte abroge une décision individuelle ou règlementaire, il faudra conformément à la loi, respecter ce qu’on appelle le formalisme des actes contraires, c'est-à-dire ce qu’on appelle le parallélisme des compétences et des formes. Et cela dans le respect des textes.

Exemple d’acte créateur de droit acquis : la nomination d’un fonctionnaire. C’est un acte créateur de droit acquis. Seul un acte contraire de licenciement peut être fin pour l’avenir de la situation de l’intéressé.Le champ d’application du principe des droits acquis : un acte règlementaire ne crée jamais de droit acquis pour l’avenir. Mais l’abrogation doit se faire dans le respect des situations consolidées ou définitives. De plus pour les actes individuels, seuls sont concernés les actes créateurs de droit acquis pour l’avenir. Les décisions simplement créatrices de droit, qui peuvent être abrogées pour l’avenir, sont au nombre de 4. Ce sont : les décisions précaires et révocables, p. ex. les autorisations d’occupation du domaine public. les décisions provisoiresles emplois discrétionnaires, à la discrétion du gouvernementles décisions gracieuses (rares)En revanche toutes les autres décisions vont devoir respecter l’intangibilité.

§3. La fin des distinctionsA) L’abrogation

Ce qu’il faut comprendre c’est que ce régime est régi par deux questions qui vont se croiser : le respect des droits acquis mais aussi par le respect de la légalité.

1) Le régime de l’abrogation et le respect des droits acquis

L’essentiel repose sur la distinction entre acte règlementaire et acte individuel.

a) Le cas des règlementsLe principe est simple : un règlement ne donne jamais de droits acquis. Il peut donc être abrogé ou modifié à tout moment y compris pour des motifs d’opportunité. Par contre l’abrogation ne peut avoir de conséquences sur les mesures individuelles prises en application du règlement.En outre, cf. arrêt étudiant de l’UNEF, l’abrogation peut avoir un effet immédiat. Enfin l’abrogation du règlement ne saurait avoir un effet rétroactif sur les situations définitivement acquises. Exemple : jurisprudence concernant la réforme des études de science po Paris, les individus ne peuvent pas exiger la modification du règlement, mais on ne peut pas changer les situations déjà acquises => CE 16 juin 2008, FEDERATION DES SYNDICATS DENTAIRES LIBERAUX, en l’espèce un arrêté ministériel porte approbation de la convention nationale des chirurgiens dentistes et contient un nouveau calcul des cotisations. Le juge souligne (arrêté du 1er mai 2006) que s’il est possible de modifier le montant des cotisations de l’année 2006 en cours, par contre il n’est pas possible de revenir sur les situations antérieures à 2006. Adage : « nul n’a droit au maintien à la conservation d’un règlement »

18b) la situation des actes individuels créateurs de droits acquisÉvolution récente (2009) qui va assurer une meilleure protection des administrés.1 ère étape  : le régime de l’abrogation restait imprécis et on peut dit dire insuffisamment protecteur. Le juge considérait que l’abrogation de ces actes était possible à deux conditions :Dès lors qu’un texte spécial le prévoyait et dans les conditions de l’acte contraire. Ce principe ou cette jurisprudence découle d’un arrêt du 10 avril 1959, FOURRé – CORMERAY. En outre l’abrogation est toujours possible à la demande du bénéficiaire. Une certaine absence de protection, et dans une évolution de la jurisprudence, le Conseil d’Etat s’emploie à rapprocher le régime de l’abrogation de celui du retrait.

2 ème étape   : CE 6 mars 2009, M. COULIBALY. En l’espèce M. Coulibaly est radié du tableau de l’ordre des médecins et chirurgiens dentistes. En effet le conseil de l’ordre estime que l’inscription de M. Coulibaly était entachée d’illégalité, et il fait cette constatation à l’occasion d’une demande de changement statutaire par l’intéressé. M. Coulibaly exerce un REP. Question : peut-on abroger une décision créatrice de droits acquis ? Si on applique le régime du retrait, la réponse était négative, sous réserve de précisions (cf. plus tard dans le cours). Par contre au vu de la jurisprudence sur l’abrogation, l’autorité administrative continuait de disposer d’une marge d’appréciation au nom d’un équilibre entre la sécurité des droits de l’administré et la légalité. Exemple :CE Ass. 24 mars 2006, (GAJA). KPGM. Le Conseil d’Etat, à la suite d’un arrêt du 30 juin 2006, jurisprudence 9 TELECOM, a décidé d’aligner le régime de l’abrogation sur celui du retrait. Autrement dit => solution : le régime de l’abrogation des décisions créatrices de droits acquis explicites ou implicites obéit aux règles suivantes.L’abrogation est possible dans le cas :d’un texte spécifique et à la demande du bénéficiaire en cas d’illégalité de l’acte mais dans le délai de 4 mois à compter de la décision.=> dans le cas de M. Coulibaly le droit est devenu acquis, car le délai de 4 mois est passé à compter de la décision.Exceptions à cette protection : l’abrogation est évidemment possible lorsque la décision a été remplie par fraude. Outre cette question des décisions individuelles créatrices de droits acquis, un point sur le cas particulier des décisions pécuniaires.

c) Le cas particulier des décisions pécuniairesCas particulièrement important dans le contentieux : quel est le régime de l’abrogation des subventions aux associations ? Arrêt de principe, Conseil d’Etat 7 aout 2008, CREDIT COOPERATIF. CE 7 aout 2008, CREDIT COOPERATIF Les faits : en l’espèce l’association bénéficie d’une subvention de 600 000 euros de la part d’une commune. Précision : au-delà de 23 000 euros de subvention, il est obligatoire de signer une convention d’objectif. En l’espèce l’association avait cédé une partie de la subvention au crédit coopératif en tant que créance comme une garantie de son prêt. En outre, sur la base de la législation cette créance permettait au crédit coopératif en principe de réclamer le non remboursement par l’association du prêt consenti. De ce fait la commune est devenue débitrice de la banque. Autrement dit : la commune s’engageait à payer directement la créance à la banque. L’association a cédé une 1ère fois la somme de 450 000 euros au crédit coopératif. Puis le crédit émet une nouvelle créance, et demande à la commune le versement du montant. Le maire refuse de verser la 2ème créance. L’association est en état de cessation de paiements. Elle est mise en liquidation judiciaire et par la voie de la cassation le Conseil d’Etat souligne le caractère créateur de droit d’un avantage financier (il a mis du temps avant de considérer que les actes financiers sont créateurs de droit), mais il pose des limites en estimant que l’abrogation est possible dès lors que les conditions auxquelles est soumis le versement de la subvention ne sont plus remplies.

Autrement dit : une association ne peut pas invoquer le maintien des subventions (pour l’avenir), de plus le versement de la subvention est soumis au respect des obligations contractuelles, à défaut de les respecter, la personne publique a la possibilité d’abroger la subvention.

19A l’inverse dès lors qu’il y a respect des obligations contractuelles, la collectivité est obligée, tenue, de verser la subvention et dans ce cas il existe un droit acquis à ce versement.

2) Le régime de l’abrogation des actes règlementaires illégaux dès l’origine ou devenus illégaux

Suite à la jurisprudence DESPUJOL, par un arrêt de principe du 3 fév. 1989, compagnie ALITALIA, il y a à la demande de tout administré, obligation d’abroger les règlements illégaux soit dès l’origine, soit devenus illégaux en raison de nouvelles circonstances de fait ou de nouvelles circonstances de droit (\\ à la suprématie du droit communautaire).

B) régime du retrait des actes administratifs

Le retrait d’un acte à un effet sur les situations passées, autrement dit le régime du retrait est fondé sur trois distinctions :actes créateurs de droit \ actes non créateurs de droitactes illégaux \ actes légauxdécisions explicites \ décisions implicites

1) règles créatrices de droit ou non créatrices de droit

=> sont généralement créatrices de droit les décisions favorables individuellesPour les décisions non créatrices de droit (p. ex : les décisions défavorables ou les décisions obtenues par fraude), le retrait étant sans conséquences, il est toujours possible.

Pour les décisions créatrices de droit, le juge recherche un juste équilibre entre le respect de la légalité et également le respect des droits de l’administré. Autrement dit : le régime du retrait des actes créateurs de droit passe par la distinction actes légaux \ actes illégaux. 1ère réponse : tout acte légal créateur de droit ne peut jamais être retiré. Qu’en est-il des décisions illégales ? Pour les décisions illégales, on va distinguer le régime des décisions explicites et implicites.

202) le retrait des décisions explicites créatrices de droit illégal

Rappel : Les solutions relatives à la situation ont fait l’objet d’un important revirement de jurisprudence, en date du 26 oct. 2001, jurisprudence TERNON, largement commentée aux GAJA. Pour tenter de mieux comprendre la portée de la jurisprudence TERNON, explicitation de la jurisprudence antérieure.

a) 1ère étape : arrêt CE 23 nov. 1922, DAME CACHET.La jurisprudence est fondée sur le lien ou sur la relation entre le pouvoir de l’administration et le pouvoir d’annulation du juge. Pour le juge il est en effet normal que l’administration puisse retirer un acte illégal tant que celui-ci n’était pas devenu définitif. Autrement dit, tant que le juge pouvait aussi l’annuler. Conséquences : le retrait était possible, soit dans le délai du recours contentieux soit si un recours avait été formé, et pendant toute la durée de l’instance, l’administration pouvait alors retirer l’acte. Mais cette solution offrait une protection insuffisante, notamment lorsque des actes individuels étaient notifiés mais non publiés. Raison : s’ils n’étaient pas publiés, c'est-à-dire que les tiers pouvaient les remettre en cause à tout moment. En effet dans cette hypothèse la situation individuelle pouvait être remise en cause par des tiers, CE 6 mai 1966, VILLE DE BAGNIEUX. Si l’administration ne publiait pas un acte notifié, elle pouvait le retirer à tout moment.

Pour limiter cet effet négatif on assiste à un 1ère revirement de jurisprudence. => CE 24 oct. 1997, MADAME DE LAUBIER.En l’espèce le Conseil d’Etat a admis une exception à la jurisprudence DAME CACHET, notamment du fait de la publication d’un décret du 28 nov. 1983. Ce texte précise que les délais de recours ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés dans la décision elle-même. Une telle solution ne pouvait que se retourner contre l’intérêt des administrés puisqu’il suffisait à l’autorité administrative de ne pas mentionner ces éléments pour que le délai de recours coure indéfiniment, le retrait était donc indéfiniment possible.Le Conseil d’Etat estime dans l’affaire de LAUBIER que l’autorité administrative « ne saurait invoquer les textes pour retirer de sa propre initiative une décision créatrice de droits au-delà du délai de 2 mois à compter de la notification même en cas de décision illégale ».

b) L’apport de la jurisprudence TERNONCette jurisprudence conduit à dissocier le pouvoir de retrait de l’autorité administrative du pouvoir d’annulation du juge. On ne met plus face à face ces deux pouvoirs. Par conséquent le Conseil d’Etat affirme, « le retrait d’une décision explicite illégale créatrice de droit ». Ce retrait ne peut être pris (délai plus long) de 4 mois à compter de la décision. Les textes spéciaux eux pourraient prévoir un délai différent.Ensuite le juge a calculé la date à prendre en compte pour calculer le délai. CE Sect. 21 déc. 2007, arrêt SARL BRETIM. La date retenue est celle est de la prise de décision.

Hypothèse des décisions pécuniaires, qui accordent un avantage financier. Par une évolution de jurisprudence en date du CE 6 nov. 2002, l’affaire SOULIER, le Conseil d’Etat affirme que le décision accordant des avantages financiers sont des décisions créatrices de droit, et il étend cette qualification aux décisions verbales, décisions individuelles favorables, confirmation récente : CE 5 juil. 2010, relative aux subventions, commentée à l’AJDA n°24 de 2010.L’évolution consiste dans le fait qu’antérieurement à l’affaire SOULIER, le Conseil d’Etat se référait à l’existence d’un pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative pour qualifier une décision pécuniaire de décision créatrice de droit. Désormais les seules décisions financières non créatrices de droit sont les décisions relatives à la liquidation d’une créance déterminée. Dernier point : en ce qui concerne les décisions implicites d’acceptation, la loi du 12 avril 2000 précise qu’en gardant le silence pendant 2 mois il est possible d’avoir une décision implicite.Antérieurement à la jurisprudence TERNON, le risque était qu’en gardant le silence, on laissant courir indéfiniment le délai au risque d’atteinte aux droits des administrés.

211 ère étape  : CE Sect. 14 nov. 1969, EVE, le Conseil d’Etat décide que l’autorité administrative ne peut plus intervenir lorsque la décision implicite existe, même si la décision est illégale.Dans la jurisprudence TERNON, on n’a rien comme précision pour le régime des décisions d’acceptation.

C’est donc la loi du 12 avril 2000 qui affirme qu’une décision implicite d’acceptation peut être retirée dans le délai de deux mois à compter de son existence pour illégalité. Dans sa décision du 12 oct. 2006, Mme CAVALLO, le Conseil d’Etat se fonde sur la loi du 12 avril 2000 pour préciser le régime juridique de ces décisions implicites d’acceptation en affirmant que le retrait n’est possible que si la décision est illégale dans le délai du recours contentieux, à condition que les informations auprès des tiers ont été mises en œuvre, pendant le délai de deux mois à défaut d’information et enfin, pendant toute la durée du délai de l’instance dans l’hypothèse d’un recours contentieux.

Section 3. L’exécution des décisions

L’administration possède le privilège du préalable ; les décisions s’imposent avant d’aller devant un juge et aussi le privilège de l’exécution d’office.

§1. La sanction de l’inexécutionEn application du privilège préalable et de la présomption de la légalité des actes, l’administré est tenu d’exécuter les décisions sauf recours contentieux. Face au refus d’un administré, l’autorité administrative dispose soit (si des textes le prévoient) d’un pouvoir de nature pénale, soit un pouvoir de sanction administrative.

A) Les poursuites pénales

Il faut qu’un texte le prévoie. Et notamment il est possible de faire référence à faire référence à l’article 610-5 du nouveau code pénal. De plus il existe divers textes notamment en matière d’environnement, de santé publique qui permettent aux autorités de disposer de la répression pénale, en particulier loi récente Grenelle II.La 2ème possibilité, si aucun texte n’assure une répression pénale : l’administration pourra utiliser les sanctions administratives.

B) Les sanctions administratives

Il s’agit d’un pouvoir exorbitant de l’autorité administrative, sans l’intervention d’un juge. Autrement dit l’exercice d’un tel pouvoir est soumis aux règles de protection du droit pénal mais aussi au droit au recours et les droits de la défense conformément à la jurisprudence administrative et la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme.Sans détailler, il faut savoir que les sanctions administratives sont soumises aux principes suivants :principe de la personnalité des peinesl’autorité administrative ne peut pas prononcer des peines privatives de libertéL’autorité doit garantir la présomption d’innocence. Le régime des sanctions ne peut s’appliquer rétroactivement.

Du point de vue de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’autorité administrative doit respecter notamment l’article 6-1 de la CEDH. Cette protection du droit au recours a été nettement affirmée dans la jurisprudence relative aux sanctions appliquées par certaines autorités administratives indépendantes, CE 3 déc. 1999, DIDIER. Ce qu’il faut savoir c’est qu’à défaut de disposer de tel moyen, l’autorité peut sous certaines conditions avoir recours à l’exécution d’office.

§2. Le recours à l’exécution forcéeL’autorité peut imposer par la force le respect des décisions administratives sans passer par une juridiction, sous la condition extrêmement stricte posée par un vieil arrêt de principe, arrêt du

22tribunal des conflits, du 2 déc. 1902, SOCIETE IMMOBILIERE SAINT JUSTE. Régime de l’exécution forcée

Mardi 8 mars 2011Cette compétence est une- compétence subsidiaire- compétence conditionnée

A) compétence subsidiaire

TC, 2 déc. 1902, SOCIETE IMMOBILIERE SAINT JUSTE L’exécution forcée ne peut être que l’exception sous trois hypothèses alternativesUn texte législatif le prévoit expressément, notamment pour :Les réquisitions (de locaux, de personnel en cas de grève)Régime des installations classées : installation pouvant porter une atteinte grave à l’environnement par exempleC’est la mise en fourrière des véhiculesLes mesures d’éloignement contre les étrangers en situation irrégulièreL’autorité publique ne dispose d’aucune autre voie de droit : elle n’a pas à sa disposition les poursuites pénales ou les sanctions administrativesJurisprudence TC de 1902, ST JUSTE : en l’espèce la loi du 1er juil. 1901 (laïcité) supprime les congrégations religieuses mais le législateur ne prévoit aucune solution en cas d’opposition des personnes concernées, c’est pourquoi le TC admet la légalité de l’exécution forcée.En cas d’urgence, en effet, même si il existe des voies de droit, l’urgence dont la qualification est placée sous le contrôle du juge peut justifier l’exécution forcée. Il faut savoir que l’interprétation de ces conditions est une interprétation restrictive et dans l’hypothèse où les conditions ne sont pas remplies et bien une telle exécution sera qualifiée de voie de fait et donc relèvera du juge judiciaire.

B) Une exigence conditionnée

Même si les conditions de l’exécution forcée sont réunies, le juge va vérifier trois éléments cumulatifs. 1 : l’exécution doit servir uniquement et exclusivement l’interprétation du texte2 : elle doit être nécessaire, au comportement de l’administré.3 : il faut que l’intervention soit strictement organisée en vue de l’objectif ou du but du texte. => On n’a pas énormément d’exécutions forcées

Il reste que l’autorité administrative dispose toujours d’une opportunité au regard de la mise en œuvre de l’exécution forcée notamment au regard des exigences de sécurité sous peine de voir sa responsabilité mise en jeu.

23TITRE 2. Les contrats administratifs- explication de la notion de contrat administrative-le régime juridiqueChapitre 1. Les critères des contrats administratifsDeux sources : soit le contrat est administratif par la loi, le juge ne peut rien faire. Soit il le sera par l’application de critères jurisprudentiels.

Section 1. Les contrats administratifs par la détermination de la loi

I. Le législateur a conféré la compétence au juge administratifA) Les contrats relatifs à l’exécution des travaux publics

1) Définition extensive du service public

Loi du 28 pluviôse An VIII Loi qui confère au conseil de préfecture compétence pour connaître des litiges relatifs à l’exécution des travaux publics. La notion de travail public est une notion extensive, puisque constitue un travail public tout travail effectué pour le compte d’une personne publique et dans l’intérêt général. Arrêt de principe, CE 10 juin 1921, COMMUNE DE MONSEGUR.

Lorsqu’un travail est réalisé en faveur de personnes privées par l’intermédiaire d’une personne publique, l’intérêt général n’est pas exigé, mais comme on se trouve dans le cadre d’une mission de service publique, on le considère tout de même comme un travail public. CE 20 avril 1956, MINISTERE DE L’AGRICULTURE C   . M. GRIMOIRE . En l’espèce il s’agit de travaux de reboisement au profit de personnes privées par l’intermédiaire de l’Etat, qui bénéficie cependant à des personnes privées. Ce sont des travaux publics parce qu’ils répondent à une mission de service publique, notion très large, en l’espèce la protection de la forêt.Mais le juge limite la qualification de contrat administratif pour les marchés de travaux publics CE 31 juil. 1912, conclusions Léon Blum, SOCIETE DES GRANITES PORPHIROIDES DES VOSGES. Pour résumer, le juge estime ici que les marchés de fourniture, quand il n’y a pas de réalisation d’un travail public, sont des contrats de droit privé, et cette limite a disparu puisque désormais le législateur qualifie tous les marchés publics de contrats administratifs.

2) Diversité des contrats de travaux publics

On distingue les marchés de travaux publics. Ils consistent à confier à une entreprise l’exécution de travaux publics moyennant un prix. Mais il existe aussi des concessions de travaux publics. Généralement ils sont accompagnés d’une délégation ou concession de service public. Quelle est la différence entre délégation et marché ?Délégation : Dans ce cas l’entrepreneur se paie ou se rémunère en partie sur les usagers.

Conclusion : la loi du 11 déc. 2001, MURCEF (mesure urgente de réforme à caractère économique) qualifie tous les marchés français de contrats administratifs dans le cadre de son article 2 et cela en application du code des marchés publics, ce qui n’est pas sans remettre en cause la jurisprudence antérieure.

B) Les contrats d’occupation du domaine public

Un décret du 17 juin 1938 confie le contentieux de ces contrats au juge administratif. C’est pourquoi on en déduit qu’ils sont administratifs. Une personne publique propriétaire du domaine public ou d’un bien relevant de son domaine public peut autoriser une personne privée par convention à occuper la dépendance moyennant redevance, et cette convention est donc un contrat administratif, par ex. les terrasses de café qui sont sur la voie publique.

§2. Contrats par détermination de la loiIl existe aussi des contrats par détermination de la loi, il s’agit tout d’abord de la vente

des immeubles de l’Etat.

24Par ailleurs, sont administratifs par la loi les offres de concours. Ce sont des contrats par lesquels une personne privée ou publique offre une contribution à une personne publique en vu de faciliter l’exécution de travaux publics.

Dernier exemple : ce qu’on appelle les baux emphytéotiques. C’est un contrat par lequel une personne publique autorise en général une personne privée à réaliser un immeuble et la personne privée pourra hypothéquer le bien public.

Section 2. Le critère jurisprudentiel

Le juge retient tout d’abord un critère organique, c'est-à-dire il faut qu’au moins une personne publique soit signataire du contrat. Si on a un contrat entre deux personnes privées, il est exceptionnel qu’il soit de droit public. Soit que par son objet (critère matériel) il concerne l’exécution même du service public. Soit le contrat contiendra des clauses exorbitantes du droit commun pour imposer des obligations à son cocontractant.

§1. Le critère organiqueSi ce critère est très largement appliqué, le tribunal des conflits a prévu une dérogation ou

une limite à ce critère pour les travaux routiers et autoroutiers. Il y a un domaine où on a voulu donner un régime de travaux publics aux travaux routiers et autoroutiers.

Le principe :Le juge, contrairement aux actes unilatéraux (où les personnes peuvent prendre des actes administratifs) exige la présence d’une personne publique signataire. Cette exigence s’applique également en cas de délégation sauf si la personne privée est mandataire de la personne publique : théorie du mandat de droit privé, c’est-à-dire si elle agit pour le compte de la personne publique. Mais le juge va aller plus loin pour les travaux routiers et autoroutiers.

Dérogation :Cette dérogation relève d’une jurisprudence de principe TC 9 juil. 1963, SCTE ENTREPRISE PERRAUT. En application de la jurisprudence antérieure, un contrat passé entre une société d’économie mixte et une personne privée même si la société est concessionnaire de l’Etat, le contrat était un contrat de droit privé. En 1963, le TC décide d’étendre le régime de droit public à l’ensemble des travaux routiers et autoroutiers, tout simplement pour harmoniser le régime de ces travaux. Il n’était pas possible de s’appuyer sur l’exception du mandat, c’était une relation de délégation et pour cette raison le tribunal propose l’argument suivant : la société SEM a agi pour le compte de l’Etat et les travaux publics (ce qui est de – en – vrai) appartiennent par nature à l’Etat. Encore une fois la jurisprudence n’est pas cohérente : elle a un objectif, le régime de droit public.

B) Les contrats entre personnes publiques

S’ils ne présentaient aucune particularité, le tribunal des conflits, dans sa décision du 21 mars 1983, UAP (union des assurances de paris) développe une solution originale en précisant que ces contrats étaient présumés publics.

1) Le principe de la jurisprudence UAP

Le TC précise qu’un contrat conclu entre deux personnes publiques revêt en principe le caractère d’un contrat administratif. Il ne s’agit que d’une présomption, et il est toujours possible de démontrer sa nature privée en particulier eu égard à son objet et éventuellement en l’absence de clauses exorbitantes du droit commun.

2) Une jurisprudence incertaine

On constate que le juge n’a pas généralisé la jurisprudence du tribunal des conflits puisque dans certaines décisions concernant les contrats entre personnes publics il continue de vérifier le caractère alternatif, p. ex. TC 7 oct. 1991, CROUS DE NANCY, en l’espèce le juge, après avoir constaté qu’il s’agit d’un contrat entre deux établissements publics est administratif parce que son objet concerne l’exécution même du service public du logement. On a beaucoup d’incertitudes.

25§2. La condition alternativeA) L’exécution même du service public

La jurisprudence est ancienne, qui a pour origine => Conseil d’Etat 6 fév. 1903, TERRIER et => CE 4 mars 1910, THEROND permet au juge de rappeler que le service public justifie le critère administratif. Cependant ce critère va perdre de son influence, en application de la jurisprudence CE 31 juillet 1912, SCTE DES GRANITES PORPHIROIDES DES VOSGES. En effet par cette jurisprudence le juge semble privilégier la recherche des clauses exorbitantes du droit commun. Le retour du critère du service public sera nettement affirmé comme critère alternatif par deux affaires du CE 20 avril 1956 : affaire EPOUX BERTIN et affaire MIN DE L’AGRICULTURE C. GRIMOIRE, depuis cette date il est clair que l’objet du service public est un critère nécessaire et suffisant comme clause alternative.

1) Le critère de l’objet

Le juge pose comme exigence l’exécution même du service public. Cette condition est appréciée largement, en raison même de la notion de service public. P. ex. dans la jurisprudence THERON, il s’agissait d’un contrat passé entre la ville de Montpellier et M. Théron, une personne privée, dont l’objet était la capture des chiens errants. Le Conseil d’Etat qualifie cette a mission d’exécution même du service public de l’hygiène et de la sécurité publique.

2) Le renouveau de 1956

Dans l’affaire BERTIN il s’agit d’un contrat verbal entre des personnes privées et l’Etat qui a pour objet de loger des réfugiés soviétiques. Suite à une contestation le Conseil d’Etat rappelle que cette mission (loger et protéger les réfugiés) étant une mission de service public, elle suffit à elle seule à conduire à la qualification du contrat administratif. A cet égard, cette qualification est étendue aux délégataires (ou au concessionnaire) dès lors qu’il gère directement le service public.

§3. Le cas des contrats relatifs au recrutement de personnel dans les services publics administratifs

En l’espèce le juge a précisé la notion de l’exécution même du service public. Pour le juge administratif il faut que le cocontractant ou que le personnel recruté participe directement au fonctionnement du service public. Le juge a procédé dans le passé à des distinctions entre contrats publics et contrats privés, p. ex. TC 25 nov. 1963, DAME VEUVE MAZERAND. En l’espèce la dame était chargée de l’entretien de l’école mais elle assurait aussi la garde des enfants. Le tribunal des conflits a estimé que puisque Mme Mazerand assurait la garderie c’est un contrat public parce qu’elle participait directement au fonctionnement du service public. Cependant son contrat est qualifié de contrat de droit privé lorsqu’elle fait de l’entretien. Cela conduit à une jurisprudence extrêmement longue. Le problème était d’éviter de donner un statut de droit public au personnel d’entretien lié au service public. (Aujourd’hui des entreprises privées assurent l’entretien.)Par un revirement de jurisprudence le juge administratif a admis finalement qu’il n’y a plus lieu d’opérer une telle distinction, car l’essentiel est la fonction principale de l’agent et qu’il est nécessaire d’unifier le statut des contrats du personnel. Ces contrats sont ainsi qualifiés de contrat de droit public. TC 25 mars 1996, BERKANI, le juge affirme en l’espèce que « tous les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public administratif sont des agents de droit public quel que soit leur emploi ».

B) L’existence de clauses exorbitantes du droit commun

1) L’origine

Arrêt de principe SCTE DES GRANITES PORPHIROIDES DES VOSGESEn l’espèce, il s’agit d’un contrat entre une ville (Lille) dont l’objet était la fourniture de pavés. Le juge estime que par son objet le contrat n’est pas administratif. Le juge vérifie alors si ce contrat est passé dans les mêmes conditions qu’un contrat de droit privé, et en cas de réponse positive le contrat est qualifié de droit privé. Cette référence aux conditions de passation du marché renvoie en fait à la volonté des parties, notamment à la volonté de la personne publique (raisonnement

26tautologique)  qui, si elle a inclus des clauses exorbitantes, c’est qu’elle a voulu soumettre le contrat au droit public.

2) La portée : comment reconnaitre une clause exorbitante du droit commun

Approche négative   : clause exorbitante = clause qui ne peut exister dans un contrat de droit privé.Approche positive   : clause inégalitaire, c'est-à-dire c’est la clause qui confère à la personne publique des prérogatives, des droits, sur son cocontractant. P. ex. un pouvoir de contrôle, ou un pouvoir d’imposer des tarifs ou encore le pouvoir d’imposer de manière unilatérale des obligations au cocontractant ou encore le droit de résilier unilatéralement.

Le juge a également déterminé des contrats administratifs en application de ce qu’il a appelé le régime exorbitant du droit commun. La 1ère jurisprudence en application de ce régime => CE 19 janv. 1973, SCTE D’EXPLOITATION DE LA RIVIERE DU SANT, à propos d’un contrat passé entre EDF (établissement public) et un producteur privé. La vente d’électricité relève de l’industrielle et commerciale pourtant le juge a estimé qu’il s’agissait d’un contrat administratif à cause du régime applicable et qui a été prévu par un texte règlementaire. Le juge déduit du régime la qualité de contrat administratif, alors que normalement on fait le contraire.Cela n’a plus beaucoup d’intérêt car on s’est beaucoup demandé si le code de marché public constituait un contrat public, car il était exorbitant du droit commun.

Chapitre 2. Le régime juridique des contratsGrande innovation : en matière de contrat public, on a assisté à une évolution à la fois législative et jurisprudentielle concernant les recours contre les contrats, qu’il s’agisse des tiers y compris les candidats évincés ainsi que les cocontractants. Enjeu important : le droit communautaire exige le respect des principes de libre concurrence et transparence.

Section 1. La formation du contrat

§1. Règles de compétenceLibre consentement : mais il y a peu d’exemple de consentement pas libre. Cela suppose de reconnaître que tout défaut d’un libre consentement soit considéré comme une cause de nullité du contrat. => libre \ éclairé => OP => vérification par le juge de l’expression de la volonté

Vérification des compétences.Pour que l’autorité publique cocontractante puisse signer un contrat, elle doit agir dans le cadre de ses compétences au sens matériel mais aussi d’un point de vue formel et en particulier il faut que l’autorité exécutive signataire ait reçu préalablement la délégation de l’assemblée délibérante, et le contrat sera annulé.

§2. Règles de procédurePrincipaux éléments :Avant il y avait très peu de formalisme. L’évolution de la procédure résulte des exigences du droit communautaire, notamment l’exigence de publicité de l’offre et de la mise en concurrence des offres. Cela impose une procédure importante, mais il faut dissocier les marchés publics et les délégations de service public.

A) Les marchés publics

La procédure a été codifiée, résultant surtout de la transposition de directives, au code des marchés publics.

1) Le principe

Le droit communautaire impose de nouvelles obligations lorsqu’un certain seuil est dépassé : il exige que l’offre du marché soit publiée à des registres spécifiques, la commission d’appel d’offre soit mise en place et il est obligatoire de justifier sous le contrôle du juge la motivation du choix du cocontractant, au nom de la transparence et de la libre concurrence.

27 S’est posée la question des prestations entre personnes publiques : p. ex. une commune passe un contrat avec un syndicat intercommunal pour lui confier la gestion de l’assainissement de l’eau. Dans cette hypothèse le juge communautaire était favorable à l’application des règles de mise en concurrence, puis la CJUE dans une décision en date du 18 nov. 1999, TECKAL, fait évoluer sa jurisprudence dès lors que deux critères sont réunis. La personne publique exerce sur l’autre personne publique (ou privée aujourd’hui), « le même contrôle que celui qu’elle exercerait sur ses propres services ». Par ailleurs il faut que le cocontractant exerce son activité essentiellement pour la personne publique.Dans ces conditions il n’y a pas de respect des règles du marché public. A cela s’ajoute un mouvement favorable à la mutualisation des services entre personnes publiques, c'est-à-dire qu’on va assister aujourd’hui à des relations entre personnes publiques qui échapperont aux règles du marché public au nom de la bonne organisation du service.

2) Les modalités

Il existe diverses modalités de passation, ce qu’on appelle l’adjudication, qui était un ancien système où il fallait accorder le marché à celui qui offrait le prix le plus bas, au détriment de la qualité du service.L’appel d’offre : attribution aux meilleurs offreurs. La libre concurrence peut être menacée. Par ailleurs le choix revient à l’appréciation de la personne publique.Le marché négocié, par définition qui est une négociation directe, mais seulement dans les cas prévus par les textes.

Pour assurer une protection plus efficace des principes, la loi du 29 janv. 1993 «   loi anticorruption   » prévoit une procédure spécifique de recours, une procédure d’urgence : le référé précontractuel. => Éléments larges de ce que sont les règles de concurrence et les règles de passation des marchés.

Pause 2

B) Les délégations de service public

On aura l’occasion de rappeler la distinction marchés \ services. Le premier principe est que les collectivités publiques ont le libre choix de leur mode de gestion, sauf législation spéciale : elles peuvent gérer directement le service, c’est-à-dire par leurs propres moyens régie directe. La ville de Paris avait repris en gestion directe des services des prix. Elles peuvent également instituer un établissement public, p. ex. les universités qui peut avoir le caractère d’un établissement public administratif (fac, hôpital) ou un établissement public industriel et commercial mais avec un lien institutionnel entre la collectivité publique et l’établissement, par exemple les régies personnalisées locales.

Enfin, la collectivité peut confier à un tiers privé ou public par contrat la mise en œuvre la mission de service public sous forme de délégation de service public. Si les délégations sont soumises au respect du droit de la concurrence, pour autant la collectivité publique a le libre choix (contrairement au marché) de son cocontractant.

1) La notion de délégation de service public

Comment distingue-t-on un marché d’une délégation de service public ? C’est la jurisprudence qui a déterminé (la loi a repris la jurisprudence) le critère de distinction  CE, 15 avril 1996, COMMUNE DE LAMBESC. Si la délégation de service public a pour objet de confier la gestion d’un service public, éventuellement accompagné d’une concession de service public, le critère de distinction avec les marchés publics se trouve dans le mode de rémunération, ce qui va permettre de dissocier marché et délégation de service public.

En effet, dans sa décision de 1996, le juge souligne que pour avoir une délégation de service public, il faut « que la rémunération du délégataire soit substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation », cela signifie qu’il faut qu’il existe un financement des usagers du service qui se situe environ à 30% du coût total du service. Ce financement se fait par la forme de redevances des usagers CE 30 juin 1999, affaire SMITOM (syndicat mixte de traitement

28des ordures ménagères), si le taux n’atteint pas 30% alors le juge requalifie le contrat de marché public. La loi du 11 déc. 2001 ne fait que reprendre cette jurisprudence.

2) La qualification des contrats et les subventions aux associations

Les collectivités publiques versent des subventions (qui peuvent être à des hauteurs importantes) à des associations qui assurent une activité d’intérêt général. Alors quelle est la distinction entre un contrat de service public et une aide financière à une activité d’intérêt général ? Le critère est le suivant : si l’initiative relève de la personne publique, qui identifie les missions à remplir et qui dit comment elles vont être remplies, il y a service public.

Si au contraire la collectivité publique ne fait qu’encourager une activité initiée par une association, il y a seulement intérêt général, et pas de service public. Cette distinction est délicate car le juge va dans une importante jurisprudence du 6 avril 2007, COMMUNE D’AIX EN PROVENCE, les éléments de la distinction.

Les faits : en l’espèce, il s’agit d’une association qui gère le festival d’art lyrique d’Aix en Provence. Cette association reçoit (et pour l’essentiel elle est financée comme cela) de l’argent de l’Etat et des collectivités publiques. Pour la CAA de Marseille, l’association gérait une mission de service public. La cour précise que le contrat passé entre la ville d’Aix en Provence et l’association était une délégation de service public. Dans ce cas, si c’était vraiment une délégation de service public il fallait respecter les règles de publicité et de mise en concurrence. Contre toute attente le Conseil d’Etat infirme l’arrêt de la CAA en soulignant que si une personne publique a recours à un tiers, elle doit en principe passer un acte contractuel (marché ou délégation de service public) puis le juge souligne que cette obligation s’impose conformément à la jurisprudence communautaire même s’il existe des liens étroits entre les cocontractants. Mais le juge précise l’existence de dérogations, si un texte le prévoit et si deux conditions sont remplies. La nature de l’activité en cause et un contrôle analogue sur l’association, élément qui fait sortir l’activité du champ concurrentiel.

Autrement dit, dès lors que ces critères sont remplis, les personnes publiques n’ont pas à respecter le droit de la concurrence. On assiste à ce qu’on pourrait appeler « l’extension du in house » (hors concurrence) ou encore de ce qu’on appelle les prestations intégrées en application de la jurisprudence TEKAL de 1999.

Cette question de la qualification du contrat et donc des règles de publicité se trouve également posée quant à la distinction entre la délégation de service public et l’autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public dans une décision du CE en date du 13 janv. 2010 concernant le stade Jambouin de la ville de paris.Enjeu : il y a un conflit d’interprétation entre la CAA qui estimait qu’il s’agissait d’une délégation de service public et le Conseil d’Etat qui maintenait une qualification d’AOT. Si délégation de service public   respect de la libre concurrence avec un appel d’offre + proposer aux autres associations au club de pouvoir utiliser le stadeSi AOT il n’y a pas de mise en concurrence.

L’enjeu était important, mais finalement le Conseil d’Etat ne retient pas la délégation de service public.

Mercredi 9 mars 2011C’est une convention signée intuitu personae, c'est-à-dire que la personne publique a le libre choix de son cocontractant en lien avec l’intérêt du service public. Malgré cela, la collectivité publique doit respecter des règles minimales de publicité, dans une revue spécialisée, et mise en concurrence. Toutefois la loi du 29 janv. 1993 anticorruption précise un certain nombre d’obligations aux personnes publiques, dont un avis public préalable faisant l’objet d’une publicité détermination de la liste des candidats admis à présenter une offrel’envoi aux candidats du contenu précis de la délégation l’autorité est libre de choisir son cocontractant ou délégataire , le juge ne peut pas exercer de contrôle, sauf erreur de procédure.Dans ces conditions le juge administratif limite son contrôle au respect des règles de publicité et il annulera toutes les décisions contraires au respect de ce principe. CE 6 fév. 1998, M. Tête c. communauté urbaine de Lyon, qui avait entrainé l’annulation de la délégation concernant la

29construction du boulevard périphérique de Lyon. En outre la délégation de service public étant soumise aux règles de la concurrence, le juge peut être amené à annuler tout abus de situation dominante et par une évolution jurisprudentielle, le Conseil d’Etat applique désormais à l’ensemble des conventions concernant les services publics et commerciaux (SPIC) le droit de la concurrence et non pas le droit public, y compris aux actes des autorités publiques (actes unilatéraux, p. ex. délibérations des assemblées) concernant les délégation de service public . Par un revirement de jurisprudence en date de CE sect. 3 nov. 1997, société Millon et Marais, commenté au GAJA. Enfin en termes de garanties et d’évolution de la délégation de service public le législateur de 1993 impose que les délégations de service public soient limitées dans leur durée en fonction de la nature des prestations. Ex : les gros investissements \\ à la gestion de SP sera plus longue qu’une petite délégation. De plus, il n’est pas possible (sauf textes spéciaux) que les reconductions soient tacites.

Importance des voies de recours.En effet l’UE protège ce droit au recours, et c’est délicat à interpréter, surtout que c’est nouveau.

§3. Les recours contre les contratsRappel   : dans la distinction entre les recours, en principe : le recours pour excès de pouvoir n’est possible que contre des actes unilatéraux. Par contre les recours contre les contrats sont des recours de plein contentieux, ils ne concernaient que les cocontractants. On devine qu’entre le REP et le recours de plein contentieux, il y a un vide juridique. Est-il possible à des tiers au contrat d’attaquer des actes liés au contrat ?On va voir qu’il y a des nuances à apporter, ces nuances se feront de la manière suivante :En matière de recours il faut distinguer entre les tiers au contrat d’un côté et les cocontractants de l’autre, en essayant d’éviter la dichotomie entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de plein contentieux.

A) Le recours des tiers contre les actes contractuels

Le juge va essayer de trouver une solution pour protéger les tiers. Ces recours sont importants notamment pour les candidats évincés de la procédure ou du contrat. Ces tiers disposent d’une part de la voie du recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat. On avait déjà vu la notion d’acte détachable, par rapport aux traités internationaux, l’élément peut alors faire l’objet d’un REP par un tiers.

Les tiers disposent également de certaines procédures d’urgence, c'est-à-dire la voie des référés.

1) Les tiers

a) Le principeLe principe a été posé par une jurisprudence du CE du 04 août 1905, par la jurisprudence MARTIN, commenté au GAJA, avec une très bonne synthèse de la possibilité pour les tiers d’utiliser ce recours contre les actes détachables. Désormais le juge estime qu’un tiers est recevable par la voie du REP contre les actes préparatoires au contrat, et par l’évolution de la jurisprudence, également contre certains actes postérieurs à la signature du contrat [jurisprudence très extensive] et même [revirement] les dispositions contractuelles à caractère règlementaire.

ExemplesLes recours contre les délibérations de l’autorité compétente antérieures à la signature du contrat y compris l’acte par lequel l’autorité décide d’approuver ou de refuser l’acte contractuel. C’est un arrêt : Ass. 30 mars 1973, MIN DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE C. M. SCHWEZTOFF. Ce recours peut également être intenté par tout contribuable, et également par tout groupement ou personne morale, par tout candidat évincé y compris par les cocontractants.

Simplement le recours doit être fondé (limite de l’étendu du recours) sur l’illégalité de l’acte détachable et non contre les dispositions contractuelles au sens stricte.

30 Au titre de ces mesures on ajoutera que le REP est également possible contre les actes postérieurs à la signature du contrat dès lors qu’il s’agit d’actes détachables, c’est notamment le cas pour les mesures unilatérales d’exécution du contrat, qu’elles soient positives ou négatives. C’est un arrêt du CE du 21 décembre 1906, SYNDICAT DES PROPRIETAIRES ET CONTRIBUABLES DU QUARTIER CROIX SEGUEY TIVOLI. Enfin le recours est possible également contre les actes de la fin du contrat, qu’il s’agisse d’une décision de résiliation du contrat ou qu’il s’agisse du refus de résilier CE Ass. 2 fév. 1987, affaire société TV6.

Au-delà de cette extension on va avoir un revirement.

b) Extension du REP contre les clauses contractuelles, à caractère règlementaireCe revirement résulte d’un arrêt, CE Ass. 10 juillet 1996, arrêt CAYZEELE, cf. article RFDA. En l’espèce le juge affirme qu’un tiers peut exercer le REP contre les clauses du contrat qui concernaient l’organisation et le fonctionnement du service public. C’est au juge de procéder à la qualification de la disposition contestée. Alors que reste-t-il d’irrecevabilité pour les tiers ?

c) Les limites du REP par les tiersElles sont étroites.

CE 17 déc. 2008, ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DU LUNELLOISEn l’espèce le Conseil d’Etat rappelle que si le recours pour excès de pouvoir est recevable contre le refus de résilier le contrat, par contre il estime que le tiers est irrecevable par la voie du REP pour attaquer le refus de l’autorité publique de saisir le juge du contrat. En l’espèce un syndicat mixte (établissement public) d’ordures ménagères avait conclu une délégation de service public avec une société privée. Deux associations dénoncent la régularité de la convention et demandent au président du syndicat mixte de saisir le juge du contrat. Le Conseil d’Etat estime que les tiers sont irrecevables contrairement à la position du juge du fond qui s’était fondée sur le fait que l’acte n’est pas un acte détachable du contrat. En l’espèce le Conseil d’Etat, s’il reprend la position du TA et de la CAA, il en précise la portée : de ce fait la notion de détachabilité.

On s’est interrogé sur la possibilité, et notamment aux candidats évincés, de pouvoir bénéficier d’une procédure d’urgence.

2) Le recours contre les contrats et la jurisprudence

CE SOCIETE TROPIQUE TRAVAUX, CE Ass. 16 juil. 2007, commenté au GAJA. Sont également disponibles les conclusions du commissaire du gouvernement Casas. Il s’agit d’une évolution importante en matière de recours de plein contentieux à destination ou au profit des candidats évincés. Pourquoi alors le juge a-t-il crée en quelque sorte une voie de recours de sa propre initiative, qui soit de nature de plein contentieux ? La raison indirecte : le juge ne voulait pas que le législateur invente un recours pour excès de pouvoir contre les contrats. Il voulait rester dans le plein contentieux, et il a anticipé la réforme du droit communautaire pour protéger les candidats évincés. Par ailleurs le recours de plein contentieux donne beaucoup plus de pouvoir que le REP

a) Les conditions d’applicabilité du revirement de jurisprudence aux affaires en coursEn l’espèce la chambre de commerce et d’industrie X décide de procéder à des travaux de marquage au sol sur les parkings de stationnement de l’aéroport. Après avoir lancé un appel d’offre l’attribution du marché conduit à écarter la société TROPIQUE TRAVAUX. L’entreprise saisit le TA d’un REP, requête en annulation de la décision rejetant son offre, de la décision retenant l’autre entreprise et enfin de la décision de signer le marché lui-même. Elle assortit son recours d’un référé suspension en application de l’article L521-1 du code de justice administrative. Le tribunal administratif rejetant le référé suspension, la société va donc se pourvoir en cassation de ce refus devant le Conseil d’Etat. Avant de se prononcer sur le fond, le Conseil d’Etat estime alors que toute application immédiate d’une nouvelle jurisprudence ne peut pas se faire que si le revirement ne porte pas une atteinte essentielle au droit au recours. => Application de la jurisprudence de principe CE Ass. 11 mai 2004 AC, commenté au GAJA. Autrement dit tout revirement de jurisprudence relève bien d’une modulation des effets dans le temps en particulier au nom de la sécurité juridique. CE 26 mars 2006, KPGM.

31b) La consécration d’un nouveau recoursL’objectif est d’assurer des garanties plus effectives aux candidats évincés. Notamment sur le fondement du droit à un recours effectif. Objectif : mieux garantir la situation juridique des candidats évincés au nom du recours effectif. Partant du constat que si l’extension du REP est favorable à cette protection il manque un recours pour les candidats évincés. En particulier un recours de plein contentieux au nom du droit communautaire de la transparence, de la non discrimination et de la libre concurrence. Pourquoi ? Parce que le recours de plein contentieux étant réservé aux cocontractants, il n’est pas possible aux candidats évincés d’agir contre le contrat lui-même, une fois signé. Autrement dit, contrairement à la théorie des actes détachables, en l’espèce le juge opte pour un recours contractuel en contestation de validité du contrat. Il limite ce nouveau recours au seul candidat évincé quitte à préciser la notion de candidat évincé (= celui qui a postulé à l’offre mais n’a pas été retenu, ou une fois retenu n’a pas été désigné).

Enfin il va estimer que cette procédure, ou ce nouveau recours, ne vise pas que les contrats administratifs mais tous les contrats. Il impose comme limite également un délai de recours de deux mois à compter de la mesure de publicité relative à la signature du contrat.

Enfin le requérant peut attaquer non seulement les clauses règlementaires du contrat, mais aussi les clauses contractuelles. Ce nouveau recours donne au juge des pouvoirs importants puisqu’il peut évidemment annuler le contrat mais il peut aussi exiger la modification de certaines dispositions et adresser des injonctions à l’autorité publique. Il va le faire de manière très nuancée : l’intérêt général, les avantages \\ aux désavantages. Dans un troisième temps nous verrons les procédures d’urgence. Pause 1.

3) Les procédures d’urgence et contrat

Le référé suspension, sur le fondement de l’article L521-1 du code de justice administratif, le tiers au contrat peut agir contre toute décision administrative y compris des décisions de rejet sous réserve qu’il s’agisse de décisions unilatérales ou détachables du contrat. Telle était la question posée dans l’affaire TROPIQUE TRAVAUX puisque dans cette affaire la société agissait contre la décision de rejet de son offre. Pour assurer une meilleure protection il fallait également reconnaître des procédures d’urgence vis-à-vis des contrats. Cette exigence va résulter de deux procédures qui vont d’ailleurs être successives, une procédure de 1993, le référé précontractuel puis récemment du fait de l’évolution du droit de l’UE (nouvelle directive de 2008), la reconnaissance également d’un référé contractuel.

a) Le référé précontractuelCe référé est codifié à l’article L551-1 à 5 du CJA. Comme toujours, c’est le juge administratif qui va préciser les conditions de recevabilité de cette procédure d’urgence. C’est un arrêt CE Sect. 3 oct. 2008, SMIRGEOMES. L’objet du référé précontractuel est limité aux manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. L’article L551-1 précise deux types de contrat : les contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs d’une part, et les contrats passés par les entités adjudicatrices d’autre part. Cette définition se substitue à la liste que cet article fixait pour le référé précontractuel. Par ailleurs le recours doit être formé avant la formation du contrat. Ensuite, le recours est ouvert aux seules personnes qui ont un intérêt à conclure le contrat ou susceptible d’être lésés par un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence. Cela signifie que cela éloigne les contribuables, et autres.En outre pour les conventions ou pour les contrats relevant des autorités locales, ce recours est également ouvert à l’autorité préfectorale, qui est garante de la légalité des actes des autorités locales. La protection de ce référé se traduit par le fait qu’il y a suspension automatique de la signature du contrat tant que la décision juridictionnelle n’a pas été notifiée. Enfin il n’est pas possible de procéder à l’exécution du contrat tant que tous les recours qui ont été formés n’ont pas donné lieu à intervention du juge.

Autrement dit la question qui se pose c’est que le référé ne permet pas une protection des candidats évincés une fois signature effectuée. Le juge précontractuel a des pouvoirs

32importants telle que la suspension, l’injonction, la demande de modification ou encore la nécessité de différer l’application du contrat. Ce référé n’est pas contradictoire avec la solution TROPIQUE TRAVAUX. Enfin dans la solution BIOMERIEUX, décision CE 6 mars 2009, le Conseil d’Etat rappelle les pouvoirs qu’il détient au titre du référé précontractuel, précise les exigences relatives au droit au recours pour les candidats évincés ainsi que la nécessité d’une procédure efficace relativement au droit communautaire. A ce titre, il souligne l’importance des mesures provisoires, en particulier le sursis (tant qu’on n’a pas la solution au fond) à la signature du contrat. Autrement dit le pouvoir d’injonction du juge à l’égard des autorités compétentes est une garantie pour le respect du droit des contrats. Exemple : ordonnance du 3 fév. 2010, CDC ARC MOSELLAN, où le juge se prononce sur la condition d’urgence. C’est un outil pour les candidats ayant un intérêt au contrat avant la signature du contrat.Le juge va généralement bloquer la signature en demandant la suspension du contrat si il y urgence et s’il y a vraiment un doute sur la légalité du respect des mesures de publicités et des mesures de mise en concurrence. On s’est demandé s’il ne fallait pas une procédure de protection supplémentaire, après la signature du contrat.

b) Le nouveau référé contractuelC’est une nouvelle procédure d’urgence. L551-13 à 17 du CJA

Cette procédure qui a été transposée par la loi, est issue d’une directive du 11 déc. 2007 relative à l’amélioration des procédures de recours en matière de passation des marchés publics. C’est donc l’ordonnance du 7 mai 2009 qui transpose la directive, complétée par un décret du 27 déc. 2009. Cette législation précise les éléments de procédure, en termes de respect des règles de transparence et de libre concurrence, en particulier ajoute une nouvelle obligation pour les autorités publiques, celle de préciser les motifs du rejet ou du refus de la candidature au candidat écarté. Cette information est obligatoirement notifiée aux personnes concernées. Elle doit être accompagnée de la décision d’attribution du marché, c'est-à-dire, préciser le nom de l’attributaire.

Enfin, cette information contient une durée du délai minimal à laquelle l’autorité publique est soumise avant la signature du marché. En quelque sorte, on exige aujourd’hui d’une personne publique avant de signer tout de suite, de faire un moratoire, et d’attendre pour permettre le référé contractuel.

Ce délai minimal de suspension de la signature n’est plus une conséquence de l’intervention du juge mais une conséquence de l’intervention du législateur. Ça a été précisé par le décret, lorsque la décision est notifiée par voie postale, le délai est de 16 jours entre l’envoi et la notification au candidat évincé, par voie électronique le délai sera de 11 jours.

Finalement : pourquoi avoir imposé à l’autorité publique de ne pas signer immédiatement le contrat ? Ce nouvel élément de procédure va donc permettre au candidat évincé d’exercer le référé précontractuel. Quant au référé contractuel : il va permettre au juge d’exercer des injonctions à l’autorité, qui peuvent aller jusqu’à la nullité du contrat en cas de manquement grave aux obligations de publicité et de mis en concurrence. On va devoir s’interroger sur la superposition entre les trois procédures, mais les jurisprudences sont peu nombreuses car la dernière procédure est récente.

B) Le cours des cocontractants

Les règles sont simples : le cocontractant est irrecevable pour exercer un REP contre le contrat, il doit alors utiliser le recours de plein contentieux devant le juge du contrat, qui est le juge administratif. Toutefois le Conseil d’Etat va élargir l’utilisation du REP aux bénéfices des cocontractants, il va également reconnaître une nouvelle voie de droit dans le cadre du plein contentieux dénommée action en validité contractuelle.

1) REP et cocontractant

33Etape 1 : Une conception restrictive au nom du pouvoir unilatéral de l’administration. En effet il estime que l’exercice de ce pouvoir unilatéral ne peut pas faire l’objet d’une annulation mais seulement d’un droit à indemnités. Autrement dit il était quasiment impossible au cocontractant de faire contrôler par le juge toutes les décisions concernant l’exécution du contrat.

Exemples :CE 2 mai 1958, DISTILLERIE MAGNAC LAVALCE 3 nov. 1995, SCTE LYONNAISE DES EAUX

Cette jurisprudence n’a aucune justification juridique. C’était uniquement pour protéger le pouvoir unilatéral de l’administration.

Etape 2. La consécration partielle du REP.Tout d’abord le juge va admettre la recevabilité du REP par les cocontractants si les mesures d’exécution de l’autorité publique ont un caractère règlementaire. Cumulativement, dans les contrats pour lesquels cette dimension règlementaire est prépondérante. Il va appliquer cette évolution aux contrats concernant les agents publics, car on va considérer qu’il y a énormément de parties règlementaires, et on va l’appliquer aussi aux conventions (radios et télévision) CE 25 nov. 1998, COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELE DIFFUSIONIl utilise également la notion d’acte « extracontractuel ». C'est-à-dire lorsque l’autorité administrative a utilisé des pouvoirs distincts ou différents de sa qualité de cocontractant, p. ex. elle utilise ses pouvoirs de police. En dehors de cette évolution et le juge va préférer s’appuyer sur l’action en validité contractuelle.

Etape 3. L’action en validité contractuelle.Il s’agit d’un nouvel instrument de contentieux contractuel, par un arrêt de principe, CE 28 déc. 2009, COMMUNE DE BEZIERS, ce recours doit substituer ou remplacer le recours en nullité du contrat.Mise en œuvre : il est réservé aux seuls cocontractants. Son objectif : assurer la préservation de la légalité des relations contractuelles. Toutefois il limite ce contrôle aux irrégularités les plus graves ou à celles qui affectent le contrat lui-même. Dans cette jurisprudence, le Conseil d’Etat consacre le droit des cocontractants de saisir le juge par la voie du plein contentieux pour contester la validité du contrat. Il détermine l’étendue de son contrôle, en effet, le juge précise qu’il lui revient d’apprécier en cas d’illégalité, « l’importance et les conséquences sur les relations contractuelles au regard de l’exigence de loyauté ». Cette action en contestation de validité peut s’étendre à la demande en nullité du contrat. Elle peut faire l’objet de demandes de mesure de la part du juge, et le juge dispose d’un très large pouvoir d’appréciation au regard du respect de la légalité dans les relations contractuelles. On est donc dans une grande tourmente.

34

Section 2. L’exécution du contrat

Cf. en ligne.En droit public ce qui est important c’est l’inégalité des relations contractuelles au profit de l’autorité publique, et toujours la même légitimation : au nom de l’intérêt général. Cela va se traduire par des prérogatives de l’administrative et des droits très limités du cocontractant.

§1. Les prérogatives de l’administration sur le cocontractantL’administration a quatre pouvoirs : pouvoir de direction et de contrôle : pas de mise en demeure, pas de passage devant le juge => dominationpouvoir de sanction sans passer par le juge méconnaissance par le cocontractant des clauses du contraten cas d’inobservation des injonctions de l’administration=> pouvoir de résiliation sanction CE 10 janv. 1902, COMPAGNIE NOUVELLE DU GAZ DE DEVILLES ROUENpouvoir de modification unilatéral du contrat CE 11 mars 1910, COMPAGNIE GENERALE DES TRAMWAYS=> Seule limite : le respect de l’équilibre financier du contrat.Pouvoir de résiliation dans l’intérêt du service

§2. Les droits du cocontractantIl a droit, tout d’abord, au paiement du prix prévu et le droit à l’équilibre financier du contrat. Et finalement il a droit au recours juridictionnel, et droit à un REP élargi.

Conclusion :Certains faits nouveaux peuvent avoir des conséquences sur l’exécution du contrat. Ces faits nouveaux ont été structurés par la doctrine :Le fait du prince : hypothèse de l’intervention d’une personne publique qui n’est pas la personne cocontractante ou à un autre titre, qui a des incidences sur le contrat.Principe : tel produit devient inutilisable ; c’est un décret qui le dira. Ça va avoir des conséquences sur le cocontractant. Il doit alors poursuivre le contrat sans indemnités sauf bouleversement économique du contrat.L’imprévision : solution jurisprudentielle, CE 30 mars 1919, COMPAGNIE GENERALE D’ECLAIRAGE DE BORDEAUX. Dans cette hypothèse le contrat est maintenu et ouvre droits à indemnités.Force majeure : lorsque l’imprévision a un caractère irrésistible. Cette qualification a été précisée dans une jurisprudence : CE 9 janv. 1909, COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES. Dans ce cas là le cocontractant est délié de ses obligations.

35Mardi 29 mars 2011Partie II. L’action administrative

Titre 1. Le service public

Le service public se définit comme une activité d’intérêt général, il justifie par ailleurs l’application d’un service administratif spécial. En outre la notion de service public va connaître une importante évolution liée à la fois à l’intervention des personnes publiques mais aussi à celles des personnes privées. Autrement dit dès le début du XXème siècle le lien personne publique \ service public \ droit public va connaître une crise importante puisque sur la base de la distinction qu’on va analyser du point de vue jurisprudentiel, entre service public administratif (service public administratif) et service public industriel et commerciaux, le régime juridique est distinct. Les premiers relèvent du droit public, les seconds du droit privé.

Chapitre 1. La notion de service publicLa définition du service public résulte de la jurisprudence, par ailleurs la distinction entre les services publics administratifs et les services publics industriels et commerciaux relève également du juge, qui va définir un ensemble d’indices pour procéder à la qualification. Définition du service publicDistinction service public administratif et service public industriel et commercialRemarque : les termes diffèrent en droit communautaire.

Section 1. La définition du service public

Le juge détermine les critères de définition du service public. Il tient compte des conditions de mise en œuvre des activités (personne publique ou privée).

§1. Les critères de définition du service publicA) Le critère matériel

Toute activité d’intérêt général. Le juge retient une conception large de la notion d’intérêt général.

1) La conception extensive de l’intérêt général

a) L’intérêt généralL’intérêt général est une réponse à un besoin collectif. La qualification peut résulter des textes, de l’intention du législateur ou plus simplement de la nature de l’activité.Le juge se limite à vérifier si l’activité en question satisfait un intérêt public, qui peut être d’ordre social, économique, culturel, touristique, sportif, etc. P. ex. Tribunal des conflits 19 déc. 1988, PONCE. Le tribunal qualifie en l’espèce l’activité organisée par le palais des festivals de la ville de Cannes comme relevant de l’intérêt général, car la mission relèverait de « l’animation culturelle et touristique ». Outre cette notion d’intérêt général, on rencontre la notion de service public dans un cadre plus restreint.

b) Réponse des autorités publiques en cas de carence de l’initiative privéeL’arrêt de principe qui fait émerger cette notion est le suivant : CE 30 mai 1930, CH. SYNDIC. DU COMMERCE EN DETAIL DE NEVERS (GAJA). Dans le domaine d’activité commerciale, s’il y a absence de l’intervention privée sur un territoire, alors le juge estime qu’il existe un besoin collectif non satisfait. De ce fait, l’activité de nature privée va entrer dans le champ du service public, ce qui justifie l’intervention des personnes publiques dans le respect de la liberté du commerce et de l’industrie et du principe de la concurrence. Autrement dit les collectivités locales, notamment les communes rurales, face à l’absence d’intervention privée, vont pouvoir intervenir directement pour soutenir le commerce local mais aussi en matière de profession libérale, dans le champ du logement ou plus largement dans le champ économique.

2) Limites à la notion d’intérêt général

36Le juge vérifie si l’activité est essentiellement tournée vers la recherche du profit, le gain, le juge refusera de la qualifier d’intérêt général. P. ex. CE 27 oct. 1999, ROLIN. En l’espèce le juge devait qualifier les activités d’une société privée, la française des jeux. Auparavant le juge qualifiait les actes de loterie nationale d’activité d’intérêt général. Ici le juge estime, du fait de l’intervention du législateur et de la nature des jeux de hasard, qu’il n’y avait pas vraiment de caractère récréatif ou sportif ou même culturelle, mais c’est une activité qui se caractérise par un espoir de gain. De ce fait ce n’est plus considéré comme une activité relevant de l’intérêt général.

B) Le critère organique

Le critère organique permet de distinguer la notion d’intérêt général de la notion de service public. En effet le service public peut être géré directement par une personne publique mais également indirectement par des personnes privées et le juge va alors rechercher s’il existe un lien de rattachement entre la personne publique et la personne privée gestionnaire de l’activité d’intérêt général.

Il va par exemple rechercher un lien contractuel : une délégation de service public ou autre chose.

Faute de relation contractuelle il peut vérifier l’existence d’un lien institutif, p. ex. la création d’un établissement public. Par ailleurs, le juge peut également mettre en œuvre un faisceau d’indices : il vérifie si la personne publique exerce à l’égard du partenaire privé un contrôle. Il faut rappeler que c’est dans la solution de principe, CE 13 mai 1938, CAISSE PRIMAIRE AIDE ET PROTECTION, que le Conseil d’Etat a clairement affirmé que les personnes privées géraient des services publics sous réserve de la recherche du lien de rattachement.

C’est dans sa jurisprudence CE Sect. 28 juin 1963, NARCY, le juge est venu préciser les indices pour caractériser un service public. Il procède à la recherche de trois éléments :La nature de l’activitéLe juge vérifie en particulier les conditions de création de l’organisme.L’existence de prérogatives de puissance publique au bénéfice de la personne privée.Tel que le pouvoir d’imposer des obligations unilatérales.Les conditions de contrôle de l’administration sur l’organisme privé.P. ex. le juge vérifie que les représentants de la personne publique sont dans les organes de direction, s’il y a approbation...

Le critère des prérogatives de puissance publique, lorsqu’elles sont jugées nécessaires mais insuffisantes, parce qu’en effet le juge avait tendance à exiger la réunion des trois critères, mais ensuite le Tribunal des conflits et le Conseil d’Etat ont pris des décisions qui ont caractérisé des activités de personnes privées comme des activités de service public même en l’absence de prérogatives de puissance publique. CE 13 oct. 1998, ADASEA. En l’espèce le Conseil d’Etat a estimé que l’activité gérée par une association d’aménagement exerçait bien une activité de service public tout en ne détenant pas des prérogatives de puissance publique. Cette décision a été confirmée Tribunal des conflits 28 avril 1980   ; GIRINON . La dissociation entre service public et prérogative de puissance publique est un élément important d’extension de la notion de service public et qui a été largement rappelée par le commissaire du gouvernent sur l’arrêt du Conseil d’Etat, CE 25 juil. 1990, VILLE DE MEULIN. Peut-on avoir une activité de service publique en l’absence de prérogative de puissance publique ? La réponse était que non.Dans un arrêt CE Sect. 22 fév. 2007, ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES le Conseil d’Etat précise la notion de service public géré par une personne privée au regard de la jurisprudence NARCY de 1963. En l’espèce le juge pose le principe suivant : en dehors de tout e qualification législative, il estime que soit la personne privée assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et elle est dotée, à cette fin, de prérogatives de puissance publique. Dans cette hypothèse il y a bien mission de service public.

37soit « même en l’absence de prérogatives de puissance publique », une personne privée peut assurer une mission de service public. Le juge examine si l’activité répond à ce critère, en se demandant si elle contribue à l’intérêt général, il regarde les conditions de sa création, son organisation ou son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées (essentiellement les éléments de contrôle) ainsi que les mesures prises pour vérifier les objectifs réalisés par la personne privée.

Lorsqu’une activité locale subventionne une association au-delà de 23   000 euros par an, la personne publique est tenue de signer une convention d’objectif. En l’espèce le juge devait qualifier les missions remplies par les CAT (centres d’aide par le travail). La qualification représente un enjeu important depuis la directive communautaire service, et ce pour les activités médico -sociales et les établissements sociaux. L’affaire concernait l’application ou non de l’article 2 de la loi du 17 juil. 1978 relative à l’accès aux documents administratifs. Pour la Cour administrative d’appel, les CAT ne gèrent pas une activité de service public en application du faisceau d’indices développé antérieurement. Notamment en raison des éléments relatifs à leur composition, leur organisation ou encore à leur mode de financement.

Le Conseil d’Etat va alors redéfinir sa méthode d’identification au regard de la jurisprudence NARCY. Par ailleurs il s’appuie sur la jurisprudence VILLE DE MEULIN de 1990 pour rappeler que les prérogatives de puissance publique ne sont pas dans toutes les hypothèses une condition nécessaire. C’est grâce à la réunion d’autres indices qui permettent d’étendre la notion de service public. Cependant cette réunion d’indices ne saurait aller à l’encontre de la volonté du législateur et à l’encontre de la loi du 20 juin 1975, qui a entendu exclure ces organismes privés de toute qualification de service public. Il semble vouloir interpeler le législateur, bloqué par les textes.

§2. La réalité du service publicA) Service public et personne publique

A partir de la fin de la 1ère guerre mondiale (année 1920) que l’Etat va largement intervenir dans le secteur privé, et à partir de 1936, il va procéder à des nationalisations y compris dans le secteur privé, p. ex. le secteur bancaire, les assurances, gaz électricité, transport (secteur industriel et commercial).

L’intervention des personnes publiques dans le champ industriel et commercial se fait dans les conditions du droit privé. Pour cette raison le juge administratif procède à une nouvelle distinction au sein même du service public. Il distingue en effet le service public administratif et le service public industriel et commercial 1ère décision de principe -> Tribunal des conflits 22 janv. 1921, BAC D’ELOKA. Le critère est la gestion comparable au service privé.

Le service public est ainsi éclaté.B) Les personnes privées gèrent des services publics

Les activités d’intérêt général ne sont pas le monopole des personnes publiques. Le juge est conduit à la fois à se prononcer tout d’abord sur la nature de l’organisme dans le silence des textes. Arrêt de principe Tribunal des conflits 9 déc. 1899 ASSOCIATION SYNDICALE DU CANAL DE GIGNAC (GAJA) Le juge doit vérifier essentiellement si un organisme constitue une personne publique ou privée, en l’absence de textes. Il utilise la technique du faisceau d’indice. Critères :créationnature de l’activitérelations avec la personne publiqueprérogatives de puissance publique

Le juge va vérifier ensuite la personne privée exerce une activité de service public.

Section 2. La distinction entre service public administratif et service public industriel et commercial

38 Seuls les services publics administratifs relèvent d’un régime de droit public. Puis dans le cadre de l’évolution consacrée par la jurisprudence du tribunal des conflits, BAC D’ELOKA, il est désormais procédé à une différenciation et une distinction entre activité administrative et activité industrielle et commerciale. Qualification qui peut résulter soit d’un texte soit de critères jurisprudentiels. La notion de service public industriel et commercial est essentiellement fonctionnelle, matérielle. On dissocie alors les critères, et ensuite on verra l’application du droit de la concurrence.

§1. Les critères de distinction entre les services publics industriels et commerciaux et les services publics administratifs

On va distinguer la qualification par les textes des critères jurisprudentiels.A) La qualification par les textes

Seule la qualification législative s’impose au juge. Par contre la qualification par un texte règlementaire peut faire l’objet d’une requalification par le juge administratif. Et cela en fonction de la nature du service et des critères jurisprudentiels. Autrement dit la notion fonctionnelle (c'est-à-dire le contenu et les conditions de l’activité) l’emporte sur la qualification organique et notamment sur la qualification d’un établissement public et commercial (EPIC) ou un établissement public administratif (EPA). En revanche si un règlement détermine la qualification alors le juge a un pouvoir de requalification. Tribunal des conflits 24 juin 1968, SOCIETE DISTILLERIE BRETONNE ET SOCIETE D’APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRE. Dans cette décision le tribunal des conflits estime que le décret qui a qualifié les organismes (les fonds d’orientation et de régularisation des marchés agricoles) d’établissements industriels et commerciaux ne pouvait pas prévaloir sur la réalité de la mission de ces fonds d’orientation, essentiellement de nature administrative.

B) La qualification jurisprudentielle

A défaut de précision par la loi, le juge administratif détermine les critères de distinction entre service public industriel et commercial et service public administratif. Dans un 1er temps le juge qualifie l’activité de service public, ensuite il faut distinguer.

Les critères relèvent d’un arrêt de principe Ass. 16 nov. 1956, UNION SYNDICALE DES INDUSTRIES AERONOTIQUES . Cet arrêt explicite les critères à utiliser pour une telle qualification. Dans un 1er temps, pour savoir si on est dans un service public industriel et commercial, le juge cherche à vérifier si l’activité est gérée ou non dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée. Peu importe le critère organique : que l’activité soit gérée par une personne publique ou privée.

Pour préciser, dans un 2nd temps si l’activité est gérée comme une entreprise privée, c'est-à-dire qu’elle est un service public industriel et commercial, le juge administratif vérifie (critères cumulatifs) que trois éléments sont réunis :l’objet du serviceC’est un pouvoir d’appréciation, p. ex. l’assainissement de l’eau qui est un choix de nature politique. Des activités n’ont pas été clairement définies, notamment les activités en faveur du périscolaire. Le mode de financementLes modalités de fonctionnementSi un seul des critères n’est pas présent alors le service sera qualifié de service public administratif. En particulier lorsqu’un service public est géré par une personne publique (le juge remet le critère organique en évidence) il est présumé administratif. Cette présomption ne pourra tomber que si les trois critères ou les trois éléments sont réunis.

Précisions sur les trois critères :1) L’objet du service

39 Au regard de sa conception large de l’activité d’intérêt général, le juge qualifie par son objet l’activité d’industrielle et commerciale que si le service effectue des opérations ou des missions relevant par leur nature même du secteur privé, p. ex. tout ce qui est la vente.

Les services à but financier et centrés sur le profit, l’exploitation essentiellement commerciale, p. ex. un hôtel au prix du marché mis en place par une commune seront qualifiés comme un service public industriel et commercial.

Au contraire si l’activité présente un certain désintéressement le juge retiendra sa nature administrative, p. ex. l’exploitation d’un théâtre municipal, il s’est prononcé : CE 26 janv. 1968, MARON, concernant le théâtre antique de Vienne (dans l’Isère), pour lequel il a retenu une mission administrative. Contrairement à l’affaire BAC D’ELOKA, le Conseil d’Etat  par un arrêt DENOYEZ ET CHORQUES, CE 10 mai 1974 concernant la gestion du transport par bacs jusqu’à l’île de Ré, va qualifier cette activité de service public administratif.

2) L’origine des ressources

C’est plus précis, c’est un élément essentiel pour le juge du mode de financement, il va regarder comment est financé l’activité. Pour dissocier le caractère administratif ou industriel et commercial. Ainsi si le service est financé par des redevances, c'est-à-dire par le prix payé par les usagers et dont le montant est équivalent au coût de revient du service alors le juge se verra appliquer la qualification de service industriel et commercial CE 20 janv. 1988, SCI LA COLLINE.

Par conséquent les services publics gérés sous forme de budgets annexes qui doivent être équilibrés en dépenses et en recettes sont qualifiés de services industriels et commerciaux et aujourd’hui la plupart des services liés à l’eau, assainissement, ordures ménagères, sont généralement en budget d’annexe.

Par contre si le financement résulte des subventions de la personne publique, si la prestation est inférieure au coût du service, alors c’est le caractère administratif qui prédomine.

Le juge va alors utiliser largement la distinction du financement entre les redevances et les taxes. La taxe résulte d’une fiscalisation du prix du service. Ensuite, le juge s’interroge sur le fonctionnement.

3) Les modalités de fonctionnement

1 er indice  : le service est géré directement par la personne publique, c'est-à-dire qu’il est en régi. Cette situation fait présumer sa nature administrative. Autrement dit en fonction des deux autres éléments on pourrait avoir un service public en régi. La rège n’est pas un obstacle pour être qualifié de service public industriel et commercial, c’est le cas de beaucoup de collectivités territoriales pour les services déchets, assainissement et eaux.

2 ème indice  : si le service qui est géré par une personne publique fonctionne à prix coutant ou s’il est à perte alors c’est favorable à la qualification de service public administratif.

3 ème indice  : lorsque le service public relève d’une situation de monopole, il est clair que les modalités de fonctionnement en font généralement un service public administratif, autrement dit il n’y a pas de contradiction entre monopole et service public industriel et commercial. P. ex. les pompes funèbres étaient un monopole Tribunal des conflits 20 janv. 1986, SOCIETE ROBLOT, affaire dans laquelle le Tribunal des conflits qualifie le service des pompes funèbres de service public administratif, non pas parce que c’était un monopole mais du fait de son objet, financement et du fonctionnement. Aujourd’hui c’est un service industriel et commercial avec l’appel à concurrence.

§2. La question de la gestion des services publics et l’application du droit de la concurrence

En application de l’ordonnance du 1 er déc. 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, le juge a procédé à une évolution de la jurisprudence. Par ailleurs le problème du champ d’application du droit de la concurrence va être précisé. Qu’est-ce qui est hors champs de la concurrence dans les services publics ?

40 A) La répartition des compétences et le droit de la concurrence

Si en principe l’application du droit de la concurrence relève pour l’essentiel du juge judiciaire, ce fut l’occasion pour le conseil constitutionnel CC 23 janv. 1987, commenté au GAJA, de préciser l’étendu du contrôle du juge administratif.

1) Rappel des principes

En application de la séparation des autorités administratives et judiciaires, ça a été l’occasion pour le conseil constitutionnel de déterminer un domaine constitutionnel de compétence du juge administratif, qui correspond au recours pour excès de pouvoir. En application de ce principe, le juge va préciser effectivement les critères ou les éléments de répartition des compétences juridictionnelles.

2) La relativité de la compétence du juge administratif

En l’espèce le juge propose qu’en application du principe de la bonne administration de la justice, le législateur unifie les contentieux au profit du juge judiciaire. Y compris en empiétant sur la compétence du juge administratif. Autrement dit les décisions du conseil de la concurrence dont le contentieux relevaient du juge administratif relèveraient désormais du juge judiciaire au nom de la bonne administration de la justice et de l’application du droit de la concurrence. On est dans une relativité du lien compétence et fond.

B) L’application par le juge administratif du droit de la concurrence

Les principaux éléments du revirement :Le juge administratif est compétent pour contrôler toutes les décisions des personnes

publiques relatives au mode de gestion des services publics, p. ex. si une commune prend une délibération pour décider qu’elle confiera la gestion des services publics sous forme de délégation à une personne privée : le juge contrôle cela.

Le juge va donc s’interroger sur l’application du droit de la concurrence dans une telle hypothèse. Le principe était l’application des règles de droit public. Puis par un revirement de jurisprudence, CE Sect. 3 nov. 1997, SOCIETE MILLION ET MARAIS, le Conseil d’Etat décide d’imposer aux décisions administratives le respect du droit de la concurrence et non pas un droit spécifique qu’était le droit public.

Cela concerne à nouveau le service des pompes funèbres. L’application permet de vérifier si le délégataire des pompes funèbres de la commune n’était pas en situation de position dominante. On applique de plus en plus ce droit non seulement aux décisions d’attribution des services publics mais également aux décisions concernant la passation des contrats publics. Chapitre 2. Le régime juridique du service public

Le service public est soumis au droit public, service public industriel et commercial au droit privé. En dépit de la différence de régime juridique, les services publics sont soumis à un ensemble de principes mais aussi sont soumis de plus en plus au droit de l’union européenne.

Section 1. Les règles générales des services publics

Les règles communes aux services publics, quel que soit le mode de gestion, concernent à la fois la création, les principes communs, et en particulier le principe d’égalité devant le service public, qui est non seulement un principe général du droit mais aussi un principe à valeur constitutionnelle.

§1. Création et organisation du service publicA) Les compétences

1) Les compétences en matière de création

L’existence d’un service public suppose l’expression de la volonté d’une personne publique, qui résultera soit d’une décision explicite soit des critères jurisprudentiels. Seules les personnes publiques (Etat ou collectivités territoriales) sont habilitées à créer ou à supprimer un service public. Depuis 1958, le pouvoir en matière de service public appartient pour l’Etat aux autorités administratives nationales ou déconcentrées. En outre le législateur n’est compétent depuis 1958 que pour créer des catégories d’établissements publics. Dès lors que la catégorie existe déjà, c’est le pouvoir règlementaire qui est compétent pour intervenir.

412ème élément : les collectivités territoriales sont compétentes pour créer des services publics soit relevant de leur compétence soit en application de la clause générale de compétence pour intervenir en cas de carence de l’initiative privée. 3ème élément : en outre les personnes publiques se voient imposer par le législateur l’obligation d’organiser certains services publics dits obligatoires, p. ex. dans le domaine scolaire, l’université, la santé ou encore l’obligation de mettre en place des services de police. C’est un mode de fonctionnement extrêmement précis sur les compétences. Pour les services publics facultatifs, les personnes publiques se voient accorder toute liberté pour leur création.

B) Le rôle des collectivités territoriales et de leurs établissements publics

Le rôle des collectivités territoriales a été accru, du fait des transferts de compétences de l’Etat vers les échelons décentralisés. En application d’un principe de libre administration des collectivités territoriales les organes délibérants peuvent non seulement déterminer les services publics mis en œuvre en fonction de leur compétence mais aussi liberté quant au choix des modes de gestion.

Il faut rappeler que dans le cadre de leur pouvoir décisionnel, les autorités locales doivent respecter la répartition des compétences. 2ème règle : les autorités locales doivent respecter le principe de liberté du commerce et de l’industrie. Ce principe est d’application générale, c'est-à-dire que le juge va contrôler de manière très serrée, il connait une exception : en cas de carence de l’initiative privée. Enfin, au niveau des collectivités territoriales le juge est venu préciser la distinction entre l’activité d’intérêt général et l’activité de service public. P. ex. les relations entre la collectivité territoriale et les associations : il y a deux hypothèses possibles.Soit l’initiative de l’activité d’intérêt général provient de la personne privée (l’association p. ex.). La personne publique ne fait que soutenir l’association grâce aux subventions, dans ce cas la qualification est limitée à la qualification d’activité servant l’intérêt général.Soit l’initiative provient de la personne publique. Dans ce cas, la collectivité décide explicitement ou implicitement de confier la mission à une association qui exerce depuis longtemps dans ce champ de compétence, dans ce cas il y aura activité de service public, car il y a un rattachement à la personne publique.

C) Les principes généraux relatifs aux services publics

Il existe 2 (avant 3 principes) important.1) La continuité du service public

CC 25 juil. 1979, concernant le service public de la radiotélévisionCe principe là se heurte au principe du droit de grève. Il appartient alors au législateur et au juge de concilier les deux principes.Il faudra attendre la constitution de 1946 pour que le droit de grève soit applicable au niveau de la fonction publique, avant elles étaient considérées comme ayant rompu avec l’administration et licenciées immédiatement.Le Conseil d’Etat, par un arrêt DEHAENE, CE 7 juin 1950, qui va préciser les conditions de mise en œuvre du droit de grève, en l’absence de l’intervention du législateur, il appartient au gouvernement – au nom du bon fonctionnement des services publics – de fixer lui-même sous le contrôle du juge, la nature et l’étendue des limites au droit de grève. Par la suite, le législateur est intervenu pour déterminer les conditions d’exercice de ce droit de grève, sachant que le juge a qualifié ce droit de liberté fondamentale, qui est donc désormais susceptible de faire l’objet d’un référé-liberté CE 9 déc. 2003 Mme AGUILLON. En l’espèce il s’agissait de l’exercice par un préfet du pouvoir de réquisition, qu’il avait exercé contre l’ensemble du personnel médical en grève. A cette occasion, le Conseil d’Etat a estimé que ce pouvoir de réquisition doit être proportionné aux nécessités du service public.

2) Le principe d’égalité

Il faut traiter également toutes les personnes dans une situation comparable. Aujourd’hui on est dans un mouvement qui tente de développer la discrimination positive, p. ex. avec les grandes écoles qui s’ouvrent aux ZEP. Le sujet est le suivant : il faut s’interroger sur la portée du principe, et nuancer celui-ci.

42a) La portée du principeLe principe d’égalité est un principe général du droit, qui a été qualifié par le Conseil d’Etat

CE Sect. 9 mars 1951, SOCIETE DES CONCERTS DU CONCERVATOIRE. Ce principe a également valeur constitutionnelle  DDHC, articles 1 et 6.C’est enfin un principe qui conduit, en application de la Charte européenne des droits de

l’homme et de la Conv. EDH, il signifie également l’interdiction de toute discrimination en fonction d’un certain nombre de critères, liés aux opinions, à la distinction H\F, à la religion, à l’âge.

Pour appliquer ce principe le juge estime que l’application du principe d’égalité ne concerne « que les personnes se trouvant dans une situation comparable ». Autrement dit, l’égalité n’est pas synonyme d’uniformité. A toute situation différente, on appliquera au contraire des réponses différentes. La notion de situation comparable relève éventuellement du législateur d’une appréciation du juge. L’arrêt est sans doute l’arrêt qui explicite le mieux la notion de situation comparable CE Sect. 10 mai 1974, DENOYER ET CHOQUES. Il concerne les différenciations tarifaires proposées entre les résidents de l’île de Ré et les habitants du continent.

En outre dans la jurisprudence DUVIGNIERES, 18 déc. 2002, le juge vérifie qu’il n’existe pas de disproportions manifestes entre différences de traitement et différences de situation. On ajoute un contrôle supplémentaire : il ne faudrait pas que la différence de situation justifie une rupture trop grande d’égalité.

Mardi 5 avril 2011

b) Le critère d’appréciation pour les situations non comparablesDans le respect des dispositions constitutionnelles et conventionnelles internationales le juge précisera les critères pour appliquer les différences devant le service public, en particulier les différences tarifaires.- le critère des revenus, qui va justifier la différence tarifaire d’accès des usagers au service public facultatif, notamment par la jurisprudence Ville de Nanterre, CE 20 nov. 1964.- le critère de résidence, Desnoyers et Choque 1974.En l’espèce le juge explicite la notion de différence de situation face à un service public où pour l’utilisation d’un ouvrage public, pour l’intérêt général fondé sur la différence de situation pour les habitants de l’île de Ré et les habitants du continent pour justifier la différence tarifaire concernant le bac entre l’ile de…et l’ile de Ré.

Cependant il considère que la différence tarifaire entre les habitants des Charente maritimes et des autres départements du continent n’était pas justifiée. Tous les usagers du bac sont des habitants du continent.Par ailleurs le critère est souvent justifié par le fait que les services publics sur un territoire donné sont financés par les impôts locaux (que les gens extérieurs ne paient pas) et donc qu’il donne le priilège de payer moins. De plus le critère de contribuable, s’il n’a pas été retenu dans Denoyer et Choques, est tout de même de plus en plus retenu comme justifiant les différences de tarif. En particulier pour les services publics facultatifs.- critère d’intérêt général, en particulier à la prise en compte sociale des individus ou des usagers.CE 29 nov. 1997, école de musique et autre ou cantine scolaire. Il s’agit de la ville de Nanterre et la ville de Gennevilliers.

c) les discriminations interditesLa DDHC et la Conv. EDH interdisent toute discrimination fondées sur la nationalité, la race, la religion, les opinions…

Sur ce fondement, le Conseil d’Etat admet l’invocabilité de l’article 14 de la Conv. EDH, en particulier dans une jurisprudence CE Ass. 3 nov. 2001, DIOP, dans laquelle le juge s’est prononcé sur la conventionalité d’une disposition législative relative aux pensions militaires en estimant que la disposition était inconventionnelle \\ à l’article 14 et cela en dépit des conclusions du commissaire du gouvernement.

43En l’espèce le législateur avait cristallisé le montant des pensions des personnes ayant servi dans l’armée française pendant la seconde guerre mondiale. Et cela s’appliquait aux personnes (sans la nationalité française) qui résidaient dans les pays anciennement de la communauté française. Le Conseil d’Etat a constaté que le législateur ne se référait pas au critère de résidence mais au seul critère de la nationalité pour justifier la différence de traitement, et donc la disposition a été déclarée contraire à la Conv. EDH.

Le Conseil d’Etat souligne « considérant qu’une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire au sens de l’article 14 de la Convention si elle n’est pas assortie de justifications objectives et raisonnables en rapport avec l’objectif de la loi ». Autrement dit toute différenciation fondée sur le seul critère de la nationalité est illégal et c’est sur ce raisonnement que le TA de Marseille le 7 mai 1998, préfet des bouches du Rhône, a déclaré illégales les délibérations du conseil municipal de la ville de Vitrolles, commune Front National, qui venait d’instaurer ce qu’on appelait la préférence nationale.

Pour assurer l’absence de discrimination, il a été crée la HALDE. Cette autorité a fait l’objet d’une réforme importante avec la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante : le défenseur des droits, il regroupe plusieurs autres autorités administratives, dont la HALDE fait partie.

Par ailleurs le juge a été conduit à se prononcer sur les discriminations positives, qui visent à introduire une égalité de fait (ou égalité des chances) face aux inégalités réelles. Elle a fait l’objet d’une politique importante aux Etats-Unis notamment au niveau de l’entrée dans les universités. Sur ce point alors qu’au niveau des Etats-Unis on est en retrait sur cette politique, la France a mis en place au niveau des grandes écoles un système d’égalité des chances. Ce système est fondé sur les zones d’éducation prioritaires. Le Conseil d’Etat a jugé que l’offre de Sciences Po Paris de l’accès aux étudiants de ZEP était légale parce que ces solutions visent à faciliter l’accès des élèves à un cursus difficilement accessible et que dès lors que les critères sont objectifs (fondés sur une zone de résidence).3ème principe : la mutabilité3ème principe : la mutabilité. L’autorité publique doit au nom de l’intérêt général adapter les services publics aux nouvelles technologiques, intérêts économiques etc. Ce n’est pas un principe clairement exprimé, il est évoqué par la doctrine mais il n’a pas une traduction claire. On peut toutefois dire que le principe de mutabilité conduit à ce qu’aucun administré ne puisse invoquer (sauf service public obligatoire : santé ou école) le maintien du service public ou la continuité de son mode de fonctionnement.L’autorité publique peut toujours supprimer un service public facultatif. Ce pouvoir a été consacré par un arrêt CE Ass. 9 déc. 1932, (GAJA) COMPAGNIE DES TRAMWAYS DE CHERBOURG. Ce principe justifie le pouvoir de modification unilatérale de l’autorité publique en application de CE 10 janv. 1902, (GAJA) COMPAGNIE NATIONALE DU GAZ DE DEVILLE LESROUEN.

§2. Service public et droit communautaireQuelle est l’influence du droit communautaire sur l’organisation des services publics, notamment le problème de concurrence ? Les catégories du droit de l’UE ont des conséquences sur la notion de service public administratif et service public industriel et commercial. En droit communautaire on parle des services publics d’intérêt économique général et les services non économiques d’intérêt général et les services d’intérêt général.

Le juge administratif est venu préciser les conditions dans lesquelles la mise en œuvre des services publics échappe aux règles de la commande publique c'est-à-dire aux règles de publicité et mise en concurrence. Cette jurisprudence permet de dissocier ce qui relève de la concurrence (service économique classique) et ce qui relève du « in house » (non concurrentiel, services intégrés). La législation française développe alors la notion de la mutualisation des services face à la commande publique.

44 A) L’approche du droit de l’UE

1) Les catégories juridiques liées au droit de l’UE

Le texte le plus important c’est la directive « service » du 16 déc. 2006 qui a des conséquences importantes, notamment sur les services publics administratifs. Cependant le juge de l’UE a adapté les solutions afin de justifier une adaptation ou encore un régime particulier des activités liées à l’intérêt général.

Sur ce fondement les traités et la Cour ont introduit la distinction entre les services d’intérêt général et les services d’intérêt économique général. Le service d’intérêt général se définit comme étant un service marchand ou non marchand considéré par les autorités publiques comme étant d’intérêt général et nécessitant des obligations spécifiques. CJCE 19 mai 1993, CORBEAULe juge a précisé la notion de service public à intérêt économique général : le service est de nature économique mais cela suppose des obligations pour préserver les exigences d’intérêt général, essentiellement lié au réseau et transport. Le juge admet la possibilité d’une intervention financière des personnes publiques au nom de l’intérêt général pour compenser les pertes subies par les sociétés privées. L’évolution est intéressante. On voit que dans le droit de l’UE il est admis de financer sur fond public des activités marchandes au nom de l’intérêt général. La question des subventions publiques a fait l’objet d’un débat important entre la commission européenne. Le juge français développe une solution originale sur les relations financières entre les personnes publiques et associations.

2) Le régime des subventions aux associations

et la jurisprudence CE Sect. 6 avril 2007, COMMUNE D’AIX EN PROVINCE.

Principe : toute personne publique peut à la demande des associations toute activité d’intérêt général assurée par les associations. Cette contribution financière est distincte de l’activité de service public. En revanche si la personne publique confie à l’association une mission de service public et en assure le financement partiel on sera dans une délégation de service public. En principe cette délégation suppose une mise en concurrence mais par l’affaire AIX EN PROVENCE le Conseil d’Etat va préciser les conditions dans lesquelles la personne publique peut déroger au droit de la concurrence. Autrement dit le Conseil d’Etat détermine un champ d’application dérogatoire au droit de l’UE, et définit les critères des prestations intégrées (« in house »). Il s’est prononcé sur la gestion d’une association d’un festival d’art lyrique, la légalité du financement et de l’absence de mise en concurrence.

La Cour administrative d’appel avait qualifié la relation entre la ville et l’association de délégation de service public et à ce titre avait estimé que la ville aurait dû mettre le projet en concurrence. Le Conseil d’Etat retient une solution différente, en raisonnant en deux temps.

Tout d’abord il rappelle le droit commun aux délégations de service public. Autrement dit toute personne publique faisant appel à un tiers par voie contractuelle doit respecter les principes de publicité et de mise en concurrence, même si le tiers a des relations étroites avec l’autorité publique.

Puis dans un 2ème temps le Conseil d’Etat pose des conditions permettant à toute autorité publique de déroger à ces obligations. Il affirme en effet que ces obligations existent du fait d’un texte législatif, tout en réservant le contrôle de conventionalité de la disposition législative notamment au regard de l’UE. Soit la collectivité publique a décidé de gérer elle-même le service. Le juge innove en l’espèce, car il précise que la notion de gestion directe d’un service public peut être étendue à la gestion par un tiers, notamment par une structure ad hoc telle une association. Le Conseil d’Etat dégage deux critères pour que le tiers ne soit pas qualifié d’opérateur sur le marché concurrentiel :- l’autorité publique exerce sur le tiers un contrôle identique à celui qu’elle exercerait en régi, sur ses propres services

45- l’autorité publique conserve de ce fait l’entière maîtrise sur le fonctionnement du service public, c'est-à-dire qu’il y ait une exclusivité de gestion. [C’est une jurisprudence original, car 25 ans plus tôt la Cour des comptes avait publié un compte rendu que cela s’appelait des associations transparentes et que c’était illégal et que ça relevait du détournement des associations.]A cet égard, le législateur retient la même solution par la loi du 28 fév. 2010 pour les sociétés publiques locales sans partenaires privés. En effet ces nouvelles sociétés ne sont pas soumises à la concurrence. Cette jurisprudence est en fait la conséquence de l’évolution de la jurisprudence de la CJCE 18 nov. 1999, TECKAL, (on appelle ça les « critères TECKAL »). Le juge retient deux critères dans cette affaire. D’une part un contrôle identique ainsi que l’intervention à titre exclusif par la personne privée.

B) La mutualisation des services

Dans les relations entre personnes publiques la commission européenne avait estimé qu’'elles relevaient du droit communautaire, puis la Cour de justice va procéder à une importante évolution sur en particulier les relations entre collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunales. Exemple : l’article L 52-11-4-1 du code général des collectivités territoriales : les communes et collectivités peuvent entre elles faire des prestations ou mutualiser leurs services. C’était assez violent pour que la Commission ait menacé la France de condamnation en manquement.

Pour synthétiser, la cour dans un arrêt de principe CJCE 13 nov. 2008, CODITEL BRABANT, (Allemagne) la Cour a fait évoluer la notion de champ non concurrentiels y compris pour ce qu’on appellerait des « services publics industriels et commerciaux ». En l’espèce la Cour estime que des communes peuvent librement s’associer sans mise en concurrence au sein d’une structure publique pour la gestion (et pourtant on est dans les services d’intérêt économique) des services de région. Elle estime également que toute autorité publique peut attribuer sans mise en concurrence une délégation de service public à une structure composée uniquement de personnes publiques sous deux conditions : l’exercice d’un contrôle analogue et la condition que la structure exerce pour l’essentiel son activité avec les autorités publiques. Cette jurisprudence « in house » a été reprise et même nuancée favorablement par un arrêt CJCE 3 juin 2009 COMMISSION C. REP. FED. ALLEMANDE qui admet la compatibilité entre le droit de l’UE et la mutualisation des prestations.

Section 2. La diversité des règles applicables

Dans la diversité il y avait les critères.

§1. Les critèresLe système juridique repose sur la distinction service public administratif qui relève du droit public, et service public industriel et commercial qui relève du droit privé, p. ex. les rapports entre les usagers et le service public.Par rapport au droit applicable, il n’y a pas toujours de séparation nette, mais plutôt ce que la doctrine appelle « une gradation » d’application d’un régime. Cette gradation va varier en fonction des questions ou des éléments posés.

§2. Les aspects particuliers

Les actes unilatéraux : Les actes des services publics administratifs sont qualifiés d’actes administratifs alors qu’au contraire les actes des services publics industriels et commerciaux sont en principe des actes de droit privé sauf les règles d’organisation, jurisprudence EPOUX BARBIER, 1968. Les contrats : les contrats signés par les services administratifs sont des contrats publics à condition que ça soit une personne publique qui gère le service public. Les contrats signés entre personnes privées (sauf le mandat) qu’il s’agisse d’un service public administratif ou non sont de droit privé. Quant aux contrats gérés par des personnes publiques concernant un service public

46industriel et commercial est en principe de droit privé, p. ex. les contrats entre les services publics industriels et commerciaux et les usagers.

B) La responsabilité

Les responsabilités des services publics administratifs gérés par une personne publique relèvent du droit public, Tribunal des conflits BLANCOT, 1873, sauf législation spéciale, comme la législation concernant les VTM qui relèvent du juge judiciaire.La responsabilité pour les services publics industriels et commerciaux relève du droit privé et du juge judiciaire. Ensuite la situation des usagers des SPA sont dans une situation de droit public. Les usagers des SPIC sont toujours dans une situation relevant de droit privé. Tout conflit avec le service d’assainissement de l’eau ou ordures ménagères sont du domaine du droit privé. Tous les personnels du SPIC (sauf directeur et agent comptable) relève du droit privé. Chapitre 3. Les modes de gestion du service public

Section 1. Gestion par une personne publique

Principe : l’autorité publique dispose de ses modalités de gestion. CE 17 déc. 1997, ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’APPEL DE PARIS.

§1. La régie [Attention régie désigne un mode de gestion mais peut aussi désigner une personne morale]La collectivité assure par ses propres moyens et par son budget (fiscalité) la mission de service public. Elle peut toutefois au sein de la régie reconnaitre une certaine autonomie à l’activité, qui peut être soit simple autonomie financière avec une perception du financement de l’activité soit on ajoute la personnalité morale. Exemple : organisation des régies municipales (L2221-10 du CGCT). - personnel de droit public sauf pour les régies industrielles et commerciales - le service public utilise les biens et ouvrages publics de la collectivité- le financement se fait sur prélèvement du budget de la personne publique

§2. L’établissement public

Distinction personne publique \ personne privée. Lorsque la collectivité publique décide de manière institutive (pas de contrat), par un acte unilatéral (une loi, un règlement, délibération d’une assemblée locale) de créer ou de doter l’activité de la personnalité juridique, morale, qui prend la forme juridique de l’établissement public fonctionnel.

L’établissement public dispose de ses propres moyens, à la fois personnels, financiers et en terme de biens. Il faut distinguer entre les EPIC et EPA, les EPIC relevant du droit privé. Cette distinction se fait essentiellement sur la nature de l’activité sous le contrôle du juge.

Section 2. Gestion par une personne privée

Sauf exception l’autorité publique peut décider (au lieu de gérer elle-même) de faire gérer l’activité par une personne : une personne publique (cf. prestation mutualisation) ou par une personne privée. Ce mode de gestion va en principe relever du régime de la délégation.

§1. La délégationDans la délégation la personne publique va passer une convention qui est soit une convention de prestation de services publics soit également une convention de mise en œuvre de l’ouvrage public dans lequel le service sera organisé. Dans la délégation de service public le tiers devra assurer un autofinancement sur redevance des usagers à hauteur de 30% du coût total du service. Aujourd’hui la délégation de service public a été qualifiée de contrat public. Les délégations de service public sont soumises au droit de la concurrence consacré par un revirement de jurisprudence CE Sect. 3 nov. 1997,(GAJA) POMPES FUNEBRES MILLION ET MARIE.

47Outre la voie contractuelle il est possible d’avoir recours à des organismes de droit privé en dehors du contrat.

§2. Les organismes de droit privéLa relation entre une personne publique ou une personne privée peut ne pas être explicite dans un contrat et il appartiendra au juge par la technique du faisceau d’indices de vérifier ce fameux lien de rattachement. Pour retenir la notion de service public et non pas seulement d’activité d’intérêt général. En effet le service public suppose l’intervention ou encore l’habilitation au moins implicite de la personne publique.

48Titre 2. La police administrative

Chapitre 1. Définition de la police administrativeC’est pour voir quel est l’objet de cette police, c’est surtout une influence du juge.

Section 1. L’objet de la police administrative

La police administrative est définie par rapport à la notion de prévention de toute atteinte à l’ordre public. C’est cet objet qui légitime l’intervention de la police et il faut alors définir le contenu de l’ordre public qui va justifier à la fois la légalité des actes qu’ils soient individuels ou règlementaires et qui va justifier la légalité de l’intervention des forces publiques c'est-à-dire de la légalité des moyens opérationnels.

L’ordre public est une notion jurisprudentielle et placée sous le contrôle de proportionnalité du juge administratif au nom de l’équilibre entre les nécessités de l’ordre public et le respect des libertés. [il y a toujours une question sur la police dans les cas pratiques]

§1. Le but de la police administrativeA) La notion d’ordre public

La notion d’ordre public n’a aucune définition exhaustive dans les textes, et le texte de référence est celui de la police municipale défini aux articles L2212-2 CGCT, qui donne la définition de l’intervention de la police administrative du maire, celui-ci étant l’une des figures centrales de la police en France.

Aux termes du CGCT, l’ordre public est relatif à la sécurité publique, à la tranquillité publique, la salubrité publique et le bon ordre, autant dire que ce vocabulaire est très vague et le juge intervient.

La sécurité publique vise la prévention de tout risque de dommages sur les personnes et sur les biens. Quand un maire d’une commune décide d’un couvre-feu sur les mineurs, il se réfère à la prévention des dommages. La tranquillité publique concerne la prévention des risques de désordres liés à des actions collectives (manifestations). La salubrité concerne la prévention des risques sanitaires (maladies, infections, etc.).

Quant au bon ordre, il n’a aucune définition. C’est une référence qui est intéressante pour les précisions de la jurisprudence, mais c’est au fond le juge qui a précisé la portée de la notion, et cela autour de la question suivante : est-ce que l’ordre public doit être conçu exclusivement au sens matériel du terme ou est-ce qu’on peut l’étendre aux problèmes, aux questions de nature morale (ce qu’on appelait « les bonnes mœurs »), éthique, également à la dignité humaine (jurisprudence « Morsang-sur-Orge) ? Est-ce qu’on peut l’étendre aussi à la protection des individus y compris contre leur volonté ? C’est un enjeu très important et qui a fait l’objet d’une évolution très forte ces dernières années.Traditionnellement, l’ordre public est pris au sens essentiellement matériel.

1) Ordre public : au sens premier, ordre essentiellement matériel

Cette approche est largement défendue par le juge tout au long du 19ème siècle et jusqu’aux années 1950. Cette conception a également été retenue par la doctrine, notamment par Maurice Aurioux qui estime que les personnes publiques ne peuvent pas intervenir dans la libre conscience ou dans l’ordre moral. Cette distinction d’ordre moral et matériel est largement reprise par la jurisprudence qui estime que l’ordre public vise à prévenir les désordres matériels, et en outre il s’agit par l’intervention de la police de garantir la sécurité publique et la tranquillité publique.

2) L’ordre public devient le champ de l’ordre moral

49Du point de vue de l’ordre public, on avait ajouté dans la jurisprudence des objets tels que la protection de l’esthétique, ainsi que la protection de l’environnement (conception matérielle) or ces deux objets sont aujourd’hui liés à l’intervention du législateur et donc le juge n’intervient plus sur ces questions. Première dimension : le juge administratif va élargir la notion d’ordre public à la protection des bonnes mœurs. Il va en effet retenir ce qu’il appelle la prévention du trouble de conscience pouvant résulter de faits contraires à la morale, et aux bonnes mœurs. Or l’ordre moral est un élément subjectif. Le juge va intervenir dans les années 1950, jusqu’aux années 1970 en matière d’interdiction de films y compris pour ceux qui avaient obtenus un visa d’exploitation au nom de la moralité. Exemple : TA de Nice, 11 juil. 1955, le juge reconnaît au maire au nom de la moralité publique la légalité de l’interdiction du film « Le blé en herbes ». Le Conseil d’Etat va confirmer l’intervention de la moralité comme objet d’ordre public en mettant fin aux divergences des juges du fond, en affirmant que la moralité est bien une affaire de police CE 18 déc. 1959, affaire LUTECIA, contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement. Cette intervention va être prolongée en ce qui concerne les publications étrangères, p. ex. CE 17   déc. 1958, SOCIETE OLYMPIA PRESSE , concernant les ouvrages de H. Miller : « le motif tiré du caractère contraire aux bonnes mœurs est de ceux qui peuvent légalement justifier une mesure d’interdiction ». Face à l’évolution des mœurs la jurisprudence est désormais beaucoup plus limitée en matière de moralité, et le juge intervient essentiellement par un contrôle de proportionnalité pour vérifier si un film en fonction des circonstances locales peut être interdit. CE, 1985 VILLE D’AIX EN PROVENCE, interdiction du film « Le pullover rouge » a pu être légalement interdit. Essentiellement aujourd’hui c’est sur le pornographique.Il peut aussi intervenir sur l’affichage publicitaire en raison de leur caractère licencieux ou immoral. Au-delà de la moralité, aujourd’hui beaucoup moins contrôlée.

3) La dignité comme élément de l’ordre public

La dignité n’était pas un objet relatif à l’ordre public, jamais le juge ne s’était immiscé. C’est pour la 1ère fois, par l’arrêt de principe CE Ass. 27 oct. 1995, COMMUNE DE MORCAN SUR ORGES, sur le lancé de nain, (GAJA) sur les conclusions Friedman, le CE se prononce sur la légalité d’arrêtés municipaux interdisant l’activité de lancé de nain dans les discothèques.

Rappel : le juge devait aller jusqu’à la dignité, pourquoi ? Il n’y avait que cet élément là. En l’espèce la personne qui fait l’objet du jeu est volontaire et rémunérée. La police peut elle alors intervenir ? Les premiers juges annulent l’arrêté d’interdiction car ils ne découvrent aucun motif. C’est le commissaire du gouvernement qui va proposer de se situer sur le terrain du respect de la dignité de la personne humaine, ce qui permet d’élargir l’ordre public.

Autrement dit, il estime (et ça sera repris intégralement dans le considérant du Conseil d’Etat) que l’autorité de police peut, même en l’absence de circonstances particulières, interdire une attraction portant atteinte au respect de la dignité de la personne, même si la personne a donné son accord. Le Conseil d’Etat qualifie le lancé de nain comme étant par nature contraire à la dignité.

Le principe de dignité est inscrit dans certains textes, c’est un objet qui existe dans les textes légaux et dans la Conv. EDH, c’est un principe à valeur constitutionnelle, mais avec cette jurisprudence, le Conseil d’Etat paraît faire une suprématie pour la dignité au regard de l’expression de la volonté individuelle.

A partir des années 2000 à la notion de dignité s’ajoute la notion de protection des catégories de personnes y compris contre leur volonté. Cela a été retenu par des ordonnances du Conseil d’Etat (en procédure de référé), 9 juillet 2001, préfet du Loiret, 17 juil. 2001, ville d’Etampes concernant le couvre feu des mineurs. Les maires avaient interdit aux mineurs de circuler après 22h dans certains secteurs de la commune. On n’avait pas de problèmes annoncé de risque de désordre matériel.

50Le Conseil d’Etat concernant la libre circulation des mineurs est justifiée dans son principe : en effet la mesure a pour objet de contribuer à la protection des mineurs, contre les dangers auxquels ils sont exposés, constitués par des actes de violence ou encore, l’accoutumance à la violence. Un maire peut désormais intervenir pour assurer une telle protection y compris contre la volonté des mineurs mais aussi la volonté des parents. Il y avait donc un réel problème : c’est vraiment la protection des mineurs eux-mêmes.

[cours manqué du mardi 26 avril 2011]A) Conciliation entre l’ordre public et les libertés

Le maintien de l’ordre public doit se concilier avec les libertés.La liberté doit rester la règle, la restriction c’est l’exception.

1/ La liberté d’expression 

Il s’agit des restrictions en matière cinématographique. Il s’agit d’une police spéciale : le ministre compétent appose son visa en matière de films. Le juge exerce un contrôle qui tend à vérifier si le film, par son contenu, porte éventuellement atteinte à la moralité publique ou s’il y a des risques d’atteinte à l’ordre public : CE, 30 juin 2000, Association «   Promouvoir et M. et Mme Mazodier   » , à propos du film « Baise-moi ». Le juge a estimé que ce film avait un contenu porno important et devait être classé dans la catégorie « porno ».

2/ La liberté du culte

Au début du XXe siècle, l’affaire des cultes va donner lieu à un contentieux important. Le juge va tenter de trouver un équilibre entre la liberté de conscience et les restrictions : CE, 19 février 1909, «   Abbé Olivier   » . En l’espèce, le juge rappelle que la liberté religieuse, comme la liberté de conscience, doivent être protégées et que toute interdiction doit être justifiée par des risques graves à l’ordre public. La loi du 8 avril 2011 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, a été validée par le Conseil constitutionnel. Le Conseil n’a pas relevé le fait que l’interdiction du port d’un voile ou autre qui dissimule le visage, était contraire à l’exercice d’une liberté religieuse, mais au contraire il a dit que c’était contraire à l’ordre public.

3/ La liberté de manifestation

Cette liberté d’exprimer collectivement, a pleine valeur constitutionnelle. Elle est protégée par le juge administratif qui recherche, pour l’essentiel, l’existence d’atteinte à l’ordre public. Il faut que ce soit avéré, il faut qu’on ait des craintes pour l’ordre public : CE, 12 novembre 1997, «   Ministre de l’Intérieur contre la liberté tibétaine   ». Le juge annule l’arrêté préfectoral interdisant la réunion de cette communauté lors de la visite du président chinois.

4/ La liberté d’aller et de venir

Cette liberté est largement protégée. Elle a permis au juge administratif en particulier, d’annuler la plupart des arrêtés municipaux « anti-mendicité ». Beaucoup de villes du sud fin des années 90 jusque dans les années 2000, faisait cette interdiction. En effet, le juge valide de tels arrêtés que si il existe matériellement (il ne se prononce pas sur la moralité) un risque d’atteinte à l’ordre public.

5/ La liberté de réunion

Cette liberté a fait l’objet d’un contrôle maximum : CE, 19 mai, 1933, «   Benjamin   ». Cette liberté est particulièrement protégée, car elle l’a été par la loi du 30 juin 1881. Le juge recherche l’éventualité de troubles graves à l’ordre public pour justifier l’interdiction. On a toute une série d’exemples. Le juge s’est demandé si on pouvait de manière autoritaire conduire les SDF s’il existait des craintes pour leur vie. Le juge n’a pas étendu la notion de dignité pour la protection des personnes elles-mêmes. Il y a eu une évolution actuelle en la matière. Cf. couvre-feu pour les mineurs.

§1. Ordre public et liberté : le contrôle du jugeC’est souvent la question que l’on pose dans un cas pratique.

51 A) Les principes

On l’a vu tout à l’heure, pour qu’une mesure de police et en particulier une mesure d’interdiction, soit légale, le juge a un comportement extrêmement concret, il vérifie si elle est nécessaire. Comment fait-il pour vérifier si elle est ou pas nécessaire ? Il procède à 2 contrôles cumulatifs (il faut mettre les éléments concrets dans un cas pratique) :Il vérifie si « les faits sont de nature à justifier la mesure ». C’est un contrôle de qualification juridique des faits, en s’appuyant sur tous les éléments de fait en sa possession. Puis, dans un deuxième temps, même si la mesure est justifiée par les circonstances (il y a bien des risques d’atteinte à l’ordre public), il applique un contrôle de proportionnalité (=contrôle maximum) pour vérifier si le contenu de la mesure et en particulier l’interdiction est adaptée aux circonstances.

C’est ainsi que face à un pouvoir discrétionnaire, tant quant à la qualification des faits qu’au contenu des mesures, le juge substitue totalement sa propre appréciation à celle de l’administration. Il se met à la place de l’autorité de police et il se dit : qu’est-ce qu’il aurait décidé dans une telle situation ? Sur ce fondement, il déclare généralement illégal (il vérifie au cas par cas) toutes les interdictions générales et absolues. Il reste que les procédures d’urgence et notamment le référé-liberté permet une plus grande protection des libertés publiques auxquelles on peut ajouter le pouvoir de l’autorité préfectorale (c’est le droit local) de déférer les arrêtés de police municipale au juge administratif.

B) Application

2 exemples :1/ TA de Bordeaux, 6 février 2003, à propos des interdictions de circuler dans une partie de la ville. En l’espèce, le juge constate d’une part, que les risques de troubles à l’ordre public (il rappelle les notions de la police municipale, etc.) n’étaient pas par leur gravité (il qualifie l’étendue des risques) de nature à justifier les mesures. Puis, il ajoute que les interdictions qui concernaient une grande partie de la ville et sur une durée très longue (le maire de Bordeaux avait interdit sur certaines zones la liberté d’aller et de venir pendant 7,5 mois). Il a dit que ces mesures portent une atteinte excessive à la liberté d’aller et de venir.

2/ Cet exemple touche l’évolution de l’objet de la police administrative. jurisprudence concernant le couvre-feu des mineurs : CE, Ville de Loiret et Préfet d’Etampes d’Etampes, 2001. Dans cette jurisprudence, le juge s’est prononcé d’une part sur la qualification des faits dans le cadre d’une procédure d’urgence, en constatant d’une part que ces mesures étaient justifiées en raison de risque particulier dans des zones ou dans des secteurs (il applique cela précisément à la ville d’Etampes) qui constituent bien une menace pour l’ordre public. Pour ce dire, il s’appuie sur le contrat local de sécurité (CLS). Celui-ci nous donne aujourd’hui les taux de délinquance, des vols, etc. D’autre part, il estime (et cela fait évoluer l’objet de la police administrative) que ces mesures sont adaptées aux circonstances, y compris pour assurer la protection des mineurs, y compris contre eux-mêmes. C’est aussi une jurisprudence intéressante pour les conditions de mise en œuvre, c'est-à-dire à l’exécution des mesures de police. On verra tout à l’heure que dans ces affaires, le juge reconnaît l’exécution immédiate de ces mesures.

Section 2. Police administrative et police judiciaire

Ce n’est pas difficile comme distinction, mais c’est très important. La police administrative – juge administratif ; police judiciaire – juge judiciaire. Cette distinction permet de dissocier les régimes applicables mais elle peut être délicate parce que du point de vue organique, il n’y a pas de distinction organique claire entre police judiciaire et police administrative.

Les personnels de la police administrative pourront se voir affecter dans les affaires judiciaires, même s’il y a une spécialisation. Cette distinction a été précisée par le juge administratif qui a retenu le critère finaliste, c'est-à-dire le but de la police.

52§1. Les critères du but entre la police administrative et la police judiciaireC’est une jurisprudence ancienne. La jurisprudence de principe : CE, 11 mai 1951, « Baud » ; Tribunal des conflits, 7 juin 1951, « Moualek ».

Pour se prononcer sur la nature de l’activité de police, le juge se réfère à l’existence ou pas d’une infraction. Dès lors que le but de la police vise à rechercher le ou les auteurs d’une infraction, il y aura police judiciaire. C’est comme cela qu’il se situe dans sa qualification. Exemple : dans l’arrêt « Baud » (affaire de responsabilité), une personne est mortellement blessée au cours d’une opération de police. Le juge constate qu’en l’espèce, l’opération (il recherche un élément infractionnel) visait la recherche de malfaiteurs et donc on est en police judiciaire.

Dans l’affaire « Moualek », le dommage subi par Mme Moualek, résulte d’une opération de police visant la prévention de toute atteinte à l’ordre public et donc il va dire qu’on est en police administrative.

1°. Dans sa qualification, le juge retient non seulement l’hypothèse où l’infraction a été commise, mais aussi l’hypothèse d’une infraction sur le point d’être commise ou encore lorsque l’opération de police s’appuie sur un simple soupçon d’infraction. Là, le juge retient donc l’intention des autorités ou personnels de police. Au-delà de ce principe général, le juge va également procéder à la mise en œuvre du critère finaliste à propos des vérifications d’identité. Cela pose énormément de difficultés. Le juge va appliquer le critères finaliste sur les vérifications d’identité, en soulignant que dès lors qu’elles relèvent du maintien de l’ordre public, il fera application du régime de droit public et en particulier de la loi du 10 juin 1983, puis celle du 10 août 1993, qui étend d’une manière très large les vérifications d’identité au nom de la prévention de la sécurité publique.

Enfin, le juge est amené éventuellement à vérifier la situation de changement de nature de la police. Ex : Tribunal des conflits, 5 décembre 1977, «   Mlle Motsch   »   ; Tribunal des conflits, 12 juin 1978, «   Société le Profil   ». Dans la première affaire, au cours d’une opération de police administrative (=mesure de prévention), un barrage routier a été installé. Un automobiliste franchit le barrage pour éviter les contrôles, et les forces de police s’engagent à la poursuite de l’auteur de l’infraction et Mlle Motsch est blessée. Le juge a estimé que la cause du dommage résidait dans une activité de police judiciaire car même si au départ c’est une police administrative, comme il y a eu une infraction, et les policiers se sont engagés dans une course, cela relève de la police judiciaire, donc du juge judiciaire et de la responsabilité civile.

Chapitre 2. L’exercice des pouvoirs de policeL’organisation de la PJ et PA est relativement complexe.

Section 1. Les conditions de l’exercice du pouvoir de police

§1. Les autorités de policeA) Les compétences

Au sein de la PA, on distingue entre la PA générale (=autorités ayant une compétence générale de police) et les PA spéciales (relèvent des autres autorités : police des étrangers, des publications étrangères, du cinéma). Un point important : il est interdit de déléguer, même si on trouve que c’est bizarre dans la vie courante, à des personnes privées la police. La mise en fourrière est assurée par une personne privée, mais celle-ci ne fait que déplacer le véhicule, mais l’ordre est donné par les autorités.

1) L’interdiction de déléguer la police

C’est un enjeu qui résulte d’un arrêt de principe : CE, 17 juin 1932, «   Ville de Castelnaudary   » . Dans cette affaire, en l’espèce, le juge souligne que le service de police, par sa nature, ne saurait être confié qu’à des agents placés sous l’autorité directe de l’administration. Autrement dit, il est interdit aux autorités publiques de déléguer, par exemple sous la forme de DSP (=forme conventionnelle), la mission de police. Il est également interdit de confier à des

53sociétés privées des activités de surveillance de l’espace public. Ex : CE, 1 er avril 1994, «   Commune de Menton   ».

2) La diversité des autorités compétentes en matière de police

La seule autorité compétente en matière de police administrative générale au niveau national, est le Premier ministre. Il s’agit d’un pouvoir propre au sens où le PM n’est habilité ni par la loi (c’est lié au bon fonctionnement des institutions), ni par des dispositions constitutionnelles. Ce pouvoir propre du PM a été consacré par un arrêt : CE, 8 août 1919, «   Labonne   » (GAJA). Puis, au niveau des départements, l’autorité compétente (police administrative générale) ce sont les Préfets de départements, sachant qu’à Paris il y a un Préfet de Police distinct du Préfet de département. Le Préfet exerce la police administrative générale. Les présidents des conseils généraux n’ont une compétence que limitée à la voirie départementale.Enfin, au niveau communal, municipal, cette compétence extrêmement large et importante, relève des maires, qui exercent ici un pouvoir propre, sans avoir à être habilités par l’assemblée délibérante. C’est intéressant comme situation puisque depuis la loi du 16 décembre 2010, loi portant réforme des CT, et c’est la première fois en France, les maires pourront déléguer leur pouvoir de police en matière d’eau et assainissement, ordures ménagères, aires des gens du voyage, c'est-à-dire qu’on aura un nouveau lieu de police au niveau de nouvelles communautés, ainsi qu’en matière de stationnement et de circulation aux présidents de communautés de communes. Face à cette concurrence, en tout cas à une diversité, que se passe-t-il en cas de concurrence ?

B) La concurrence des pouvoirs de police

1) Les règles de répartition des compétences

Le principe est le suivant : le Préfet est compétent pour prendre toute mesure qui excède le territoire d’une commune. De plus, le Préfet dispose (c’est assez particulier), dans les communes dites « à police étatisée » (avant plus de 10 000 habitants ou où il y a un problème de sécurité), le Préfet a la compétence de la tranquillité publique (ex : manifestations, maintien de l’ordre). Le Préfet a le pouvoir, en cas d’inaction d’un maire, de se substituer à celui-ci, pour prendre toute mesure de police justifiée par les circonstances et cela, sous la responsabilité de la commune.

2) Les règles en matière de concours de pouvoirs de police

a) Les concours de pouvoirs de police générale En application de la jurisprudence de principe sur les concours de pouvoirs de police : CE, 18 avril 1902, «   Commune de Néris-les-Bains   ». En l’espèce, le juge a considéré que dans l’hypothèse d’une concurrence de deux pouvoirs de police administrative générale, l’autorité inférieure (ex : police municipale par rapport à la réglementation du Préfet) peut intervenir, mais il faut que ce soit motivé, pour adapter la mesure à la situation locale, et dans un sens toujours plus restrictif (vitesse de 30 km/h au lieu de 50 km/h).

b) Conflit de compétence entre police générale et police spécialeDans une telle hypothèse, la police générale peut intervenir soit en cas de carence des autorités de police spéciale, ou encore en raison des circonstances, mais à condition, là encore, d’adopter des mesures plus restrictives.

§1. Les mesures de policeA) L’obligation d’agir

Il s’agit de l’obligation de prendre certaines mesures. Cette obligation se traduit d’une part, par le fait que les autorités de police doivent (sinon elles commettraient une faute) prendre toute mesure d’application liée au règlement de police : CE, Sect., 14 décembre 1962, «   Doublet   ». De plus, les autorités de police doivent intervenir pour faire cesser toute situation d’atteinte à l’ordre public (ex : bruits, salubrité, tranquillité, etc.)

Enfin, les autorités doivent également intervenir dès lors qu’une mesure est indispensable, qu’il existe un péril et une situation de désordre. Cette obligation a été précisée par un arrêt du CE, 23 février 1959, «   Doublet   ».

54Dès lors que par son inaction, l’autorité de police est à l’origine d’un dommage, il est possible d’engager la responsabilité de la collectivité.

B) La nature des mesures de police

1) La diversité des mesures de police

Il existe une assez grande diversité des différentes mesures. C’est un pouvoir propre des autorités. Ces mesures se traduisent par un exercice du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire par les mesures générales dont le non-respect constitue une infraction en application de l’art. 510, 5° du nouveau Code pénal. On peut utiliser la loi pénale lorsque les administrés ne respectent pas les arrêtés de police.

Outre les mesures réglementaires, les autorités de police prennent les mesures individuelles. Ex : une mesure d’interdiction. Cette interdiction vise nommément une association, etc.=mesure individuelle. Ces mesures sont soumises au contrôle maximum du juge et en particulier, le juge a rappelé que sauf s’il existe un texte législatif, l’exercice d’une liberté ne peut en aucun cas (c’est la règle générale de protection, ex. manifestation) être soumis à une autorisation : CE, Ass., 22 juin 1951, «   Daudignac   » (GAJA).

En outre, l’activité de police donne lieu à des opérations matérielles. C’est là où on retrouve la question de la responsabilité.

Enfin, l’exécution des mesures de police est soumise au droit commun de l’exécution forcée. Autrement dit, les autorités de police ne peuvent pas assurer elles-mêmes directement ou par la force, le respect des décisions, sauf si les conditions de la jurisprudence du 2 décembre 1902 «   Société immobilière Saint-Juste   » sont réunies. Cependant, dans la jurisprudence sur le couvre feu des mineurs – Ville d’Etampes et Préfet du Loiret de 2001 – le juge a atténué le régime de l’exécution forcée en reconnaissant aux forces de police la possibilité de ramener les mineurs soit au commissariat d’office, donc de force, soit à leur domicile. Outre cette diversité, la distinction délicate entre mesures de police et sanctions administrative.

2) La distinction délicate entre mesures de police et sanctions administratives

Les sanctions administratives sont soumises au respect de l’article 6-1 de la CEDH, c'est-à-dire au principe des droits de la défense et de recours. Au contraire, les mesures de police échappent à l’application de cet art. 6§1. Ex : l’expulsion d’un étranger du territoire français prononcée par l’autorité préfectorale, est une mesure de police, donc non soumise à l’art. 6§1, alors que l’interdiction du territoire est une sanction. Tout cela est parfois délicat, notamment en matière de police des étrangers. En application de la jurisprudence du CE, 28 février 1909, «   Dames Dole et Laurent   » (GAJA), le juge a adapté les régimes de police aux circonstances exceptionnelles. En effet, en fonction des circonstances, de telles mesures pourront être justifiées mais sous le contrôle du juge sur les circonstances exceptionnelles et la possibilité de prendre des mesures qui seraient illégales en temps normal.

Section 2. Les limites des pouvoirs de police

La principale : c’est le contrôle maximum du juge. Mais outre cela, l’activité de police doit être liée à la notion de voie de fait, qui est une notion jurisprudentielle qui découle d’un arrêt de principe : Tribunal des conflits, 8 avril 1935, «   Action Française   » (GAJA). La notion de voie de fait permet de faire glisser le contentieux de l’ordre administratif à l’ordre judiciaire. C’est un enjeu important.

§1. Voie de fait et activité de policeA) La voie de fait

Selon la jurisprudence de 1935 «   Action française   », on est en présence d’une mesure de saisie de journaux par le Préfet de police de Paris. Le juge développe la théorie de voie de fait. Cette notion s’applique dans deux situations importantes sur l’activité de police.

1°. En fonction du contenu de la mesure :Lorsqu’une mesure administrative porte atteinte à une liberté fondamentale ;

55Cette mesure est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’administration = l’autorité prend une mesure très gravement illégale. C’est une mesure grossière qui ne peut pas s’inscrire dans l’exercice du pouvoir d’administration.

2°. Lorsque l’autorité administrative procède à l’exécution forcée de ses décisions en dehors des conditions légales (cf. Sté immobilière Saint-Juste).

Par conséquent, une mesure de police peut tout à fait conduire à la qualification de la voie de fait, et le juge judiciaire a eu une interprétation très extensive de la notion. Autrement dit, très souvent il qualifiait une illégalité de voie de fait. C’est une opposition forte DA/DC.Le Tribunal des conflits va procéder à une nouvelle interprétation de voie de faite par la jurisprudence « Préfet de police de Paris » de 1977, pour réduire la voie de fait.

B) L’application restrictive

Par cette jurisprudence, le Tribunal des conflits est venu préciser la notion de « manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’administration ». Comment réduit-il la compétence de voie de fait ? Il ne s’agit pas de se référer à un pouvoir précis de l’administration parce que un tel raisonnement (ex : si on dit que cette mesure ne peut pas se rattacher à la mesure de police des étrangers) conduit à confondre voie de fait et illégalité. Il est préférable de faire référence non pas à un pouvoir précis de l’administration, mais à son pouvoir général.

Simplement, on vérifie si la mesure n’est pas susceptible de se rattacher à un pouvoir quelconque de l’autorité publique. Cette interprétation conduit à une quasi-disparition de la voie de fait et notamment en matière de police administrative. Autrement dit, en application de la jurisprudence du Tribunal des conflits de 1977, il n’y a presque plus de décisions qualifiant une mesure de police de voie de fait, même si l’exécution forcée est

56 PARTIE III. LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVEOn a la responsabilité sans faute et la responsabilité pour faute. Dans la seconde, on va se poser la question de savoir qui est responsable : l’agent en tant que personne ou l’institution ? Puis, nous verrons dans un deuxième temps : les fondements de la responsabilité (faute ou sans faute).

TITRE 1. LA RESPONSABILITE DE L’ADMINISTRATION ET LA RESPONSABILITE PERSONNELLE DE L’AGENT

Le régime de responsabilité est essentiellement jurisprudentiel. La seule limite ce sont les régimes spéciaux. Ce régime est essentiellement jurisprudentiel puisque à partir de la jurisprudence du Tribunal des conflits, 1873, « Blanco », le juge décide que l’action administrative ne saurait être soumise à la responsabilité civile, et c’est donc le juge lui-même qui va élaborer les règles. Il va le faire tout d’abord avec une extension de la responsabilité de l’administration et également une distinction entre faute de service et faute personnelle qui est très favorable à la fois aux victimes, mais aussi aux agents publics. Il va fabriquer un droit qui va protéger pratiquement la responsabilité personnelle des agents publics. Chapitre 1. L’évolution du droit de la responsabilité administrative

Section 1. De l’irresponsabilité à la reconnaissance élargie de la responsabilité de l’administration

§1. Les fondements de l’irresponsabilité de l’administrationEn effet, la responsabilité conduit à l’obligation de réparer un dommage lié à l’action publique ou à son absence. Au XIXe siècle, la doctrine considère que l’autorité publique, du fait de sa souveraineté, ne peut être qu’irresponsable.

Autrement dit, même si on avait subi un dommage du fait de l’administration, il n’était pas possible, sauf texte contraire, de mettre en jeu la responsabilité des personnes publiques. Exception : c’est la loi du 28 pluviôse an VIII qui reconnaît la responsabilité pour dommage de travaux publics. Tous les dommages liés à l’activité de travaux publics permettaient une réparation. C’est cette conception très large de l’irresponsabilité qui sera abandonnée par la jurisprudence du Tribunal des conflits du 8 février 1873, «   Blanco   ». C’est un arrêt qui décide que désormais il y a bien une responsabilité de l’administration, « même si cette responsabilité n’est ni générale ni absolue ».

§2. La reconnaissance de la responsabilité des personnes publiquesA partir de la jurisprudence « Blanco », le juge va étendre (c’est la logique de la jurisprudence) les cas de responsabilité. Tout d’abord, il va consacrer (c’est l’hypothèse de « Blanco ») la responsabilité de l’administration du fait de son action ou inaction.

A) La responsabilité de l’administration du fait de son action ou inaction

1) La responsabilité du fait du SPA

Dans l’affaire « Blanco » (manufactures des tabacs étaient un SPA), le Tribunal des conflits reconnaît la responsabilité de l’Etat du fait des dommages causés par le fonctionnement du service public, que le dommage ait pour origine la faute d’un agent ou le fonctionnement du service public. Par contre, la responsabilité des SPIC relève du JJ et de la responsabilité civile. Outre la responsabilité de l’action des services publics, deuxième extension.

2) Extension de la responsabilité à l’activité de police administrative

C’est un arrêt de principe : CE, 10 février 1905, «   Tomaso Greco   » (GAJA). En l’espèce, un taureau devenu furieux, s’échappe de l’arène, et la foule court après le taureau. Lors de l’opération de police, un agent tire un coup de feu et blesse M. Tomaso Greco. Le requérant demande réparation en alléguant une faute de l’administration policière, en particulier, l’insuffisance de moyens de police. Il invoque également (on est déjà dans l’explication

57éventuellement d’une double faute) la responsabilité de l’Etat pour insuffisance de moyens de police, ainsi que la faute personnelle du gendarme qui n’était peut être pas été obligé de tirer. Avant 1905, dans l’affaire du 13 janvier 1899, «   Lépreux   », le juge estimait l’administration irresponsable en matière de police, et cela en référence à la notion de service public. Le CE opère donc un revirement de jurisprudence sous référence du commissaire du gouvernement, en étendant la responsabilité, mais selon un régime particulier pour l’activité de police.

3) La responsabilité du fait des actes

Le juge reconnaît d’abord la responsabilité de l’administration dans ses relations avec les agents publics. De même, il reconnaîtra la responsabilité dans les relations avec les administrés. Il admet aussi la responsabilité en cas d’inaction de l’administration : CE, 30 novembre 1923, «   Couiteas   » (GAJA) (arrêt de principe). En l’espèce, il s’agissait d’une inaction justifiée (refus d’intervenir pour expulser les occupants des terres de requérants), si ce refus est légal, ce n’est pas contradictoire avec la réparation du dommage. Dans cette affaire, le juge dit que la décision du refus est légale, cependant le juge donne droit à réparation sur le fondement de responsabilité sans faute liée à la rupture de l’égalité devant les charges publiques. Enfin, par rapport aux actes, le juge va également accepter la responsabilité sans faute du fait des lois : CE, Ass., 14 janvier 1938, «   La Florette   » (GAJA). Il va aussi accepter la responsabilité sans faute du fait des conventions internationales : CE, Ass., 30 mars 1966, «   Compagnie générale d’énergie radioélectrique   ».

B) Un régime juridique autonome

En effet, aux termes de la jurisprudence « Blanco », la responsabilité administrative (l’administration peut être soumise à la responsabilité civile) relève d’un régime spécifique et non pas du Code civil parce que la responsabilité civile s’applique aux rapports entre les particuliers. En outre, il précisera que cette responsabilité doit avoir ses règles spéciales afin de concilier l’intérêt public et les droits des particuliers. Cette solution fonde donc ce qu’on appelle la liaison entre la compétence et le fond, l’autonomie du régime de la responsabilité administrative, autonomie dont les règles seront élaborées par le juge lui-même. Parmi l’originalité de la jurisprudence administrative, il s’agit de dissocier la responsabilité de l’agent de la responsabilité de l’administration.

Section 2. Distinction entre la faute personnelle et la faute du service

En effet, dans l’hypothèse du régime de responsabilité pour faute, le juge administratif va déterminer par rapport à la notion de faute, les conditions pour engager la responsabilité. Pourquoi va-t-on démarrer par cette question des conditions d’engagement de la responsabilité ? Parce que les conséquences dommageables de l’action administrative (il s’agit aussi des actes et personnes privées gérant les services publics), des agents de l’administration, sont les résultats de l’intervention d’une personne identifiable. Le juge recherche une distinction entre une responsabilité personnelle de l’agent et responsabilité de l’institution. Pourquoi est-ce qu’il va chercher à dissocier les deux ? Le but est d’éviter la mise en cause personnelle des agents publics afin de les protéger. Pour ce faire, il propose la distinction entre faute de service (dès lors qu’il qualifie de faute de service = responsabilité de l’institution devant le JA) et faute personnelle, impliquant dans ce cas la responsabilité de l’agent directement devant le juge judiciaire. Or, il va se passer la chose suivante. Le juge va retenir une conception extensive de la notion de faute de service, c'est-à-dire que plus on étend la faute de service, moins on met les agents publics au tribunal. C’est une solution favorable aux victimes (car l’institution est plus solvable) et aux agents publics.

§3. La notion extensive de faute de serviceTribunal des conflits, 1873, «   Pelletier   »  : distinction faute de service/faute personnelle. En l’espèce, l’autorité militaire, étant en état de siège, fait saisir le premier numéro du journal publié par M. Pelletier. Le requérant saisit le juge civil pour une mise en jeu de la responsabilité, et le Préfet élève le conflit (conflit négatif) devant le Tribunal des conflits. Pour déterminer la compétence juridictionnelle, le Tribunal des conflits se fonde sur la distinction faute de service/faute personnelle. Il souligne que seule la faute qualifiée, donc la faute personnelle,

58permet au juge judiciaire de se déclarer compétent et de pouvoir poursuivre directement l’agent public.

Cette solution est fondée sur la loi des 16 et 24 août 1790. Mais dans cette affaire de 1873, le Tribunal des conflits se prononce également sur l’application du régime de garantie des fonctionnaires. Il se prononce sur ce régime puisqu’on a eu une évolution de la législation.

A) L’abrogation de l’article 75 de la Constitution de l’an VIII

1) La protection des agents publics dans le cadre de la Constitution de l’an VIII

Aux termes de l’article 75, la mise en jeu directe de la responsabilité des agents publics nécessite une autorisation préalable du Conseil d’Etat. Or, le Conseil d’Etat donnait rarement l’autorisation. Autrement dit, les victimes ne pouvaient pas, sous l’empire de la Constitution de l’an VIII, obtenir la réparation du fait des agents, ni de l’administration (car principe d’irresponsabilité).

Inversement, en cas d’avis positif du Conseil d’Etat, l’agent était privé de toute garantie vis-à-vis de la victime. Ce qui va compliquer les choses c’est que cet article 75 est abrogé et remplacé par un décret-loi du 19 septembre 1870. Il fallait s’interroger sur les conséquences de l’abrogation.

2) Les conséquences de l’abrogation

Le Tribunal des conflits se demande si (on est face à un problème d’interprétation important) l’abrogation entraîne la responsabilité de l’agent quelle que soit la nature de la faute, et cela devant le juge judiciaire. Le Tribunal des conflits retient une interprétation restrictive de l’abrogation. Il estime que seule la faute personnelle permet une mise en cause directe de l’agent devant le juge judiciaire.

Cette interprétation apporte des garanties aux agents. De plus, elle permet au tribunal de développer la notion de faute de service qui entraîne la responsabilité de l’administration uniquement devant le juge administratif, faute de quoi le juge judiciaire s’immisce (or il n’en a pas le droit avec la loi sur la séparation des autorités administratives et judiciaires) dans les affaires de l’administration.

Autrement dit, pour assurer cette répartition entre faute personnelle de l’agent et faute de service de l’administration, c’est le Préfet qui doit élever le conflit.

B) Les notions de faute de service et de faute personnelle

C’est en fonction de cette qualification qu’est déterminée la compétence juridictionnelle. Selon la jurisprudence, constitue une faute personnelle une faute qui se détache suffisamment du service. Or, en l’espèce, dans l’affaire « Pelletier », le Tribunal des conflits retiendra une faute de service.

Dès lors que la faute de service est retenue, il n’est pas possible de mettre en jeu la responsabilité de l’agent. Pour la doctrine, la faute personnelle, c’est la faute qui révèle un administrateur « plus ou moins sujet à l’erreur et non l’homme avec ses faiblesses, ses passions, son imprudence », bref une qualification subjective.Si l’agent a un comportement qui révèle ses faiblesses, etc. ce sera plutôt personnel et inversement.

§4. Les hypothèses de la faute personnelleQuand est-ce qu’on va qualifier un comportement de faute personnelle entraînant la responsabilité de l’agent ? Le juge va retenir une conception restrictive de cette notion en distinguant entre les fautes commises dans l’exercice des fonctions et les fautes commises en dehors de l’exercice des fonctions. On va avoir des fautes personnelles et des fautes d’exercice dans l’exercice et en dehors des fonctions.

A) Les fautes personnelles dans l’exercice des fonctions

Le juge ne retient le caractère détachable de la faute que dans deux hypothèses :1°. L’agent a agi dans l’intention de nuire ou dans un intérêt exclusivement privé. Il est dans l’exercice des ses fonctions, on a un dommage lié à ces actions, qui sont empreintes d’une volonté de nuire. Ex : on nous met 5 au lieu de 15. Ou encore la volonté indirecte de nuire, etc.

592°. Il y aura également une faute personnelle lorsque la faute est « d’une particulière gravité ». C’est une faute qu’on pourrait « faute inexcusable ». Ex : un comportement excessif tel que un excès de boisson, un excès de langage (type calomnies), des violences physiques, des propos obscènes, blasphème, etc.

Du fait de cette conception dans le service ou dans l’exercice des fonctions, la faute est une faute de service et de plus, en appliquant la théorie dite du cumul de responsabilité, généralement la victime pourra agir contre l’administration. Ex récent : CE, 2 mars 2007, «   Banque française commerciale   » . En l’espèce, la banque avait accordé un financement à une société privée de travaux publics au vue de faux certificats administratifs signés par le maire. La Cour administrative d’appel qualifie la faute de personnelle, alors que le CE retient la faute de service et responsabilité de la commune. Le CE estime que la faute a un lien avec le service. On voit qu’on a une large marge de manœuvre.

B) Les fautes personnelles commises en dehors du service

En principe, une faute commise hors du service ne peut être qu’une faute personnelle. Si en principe tuer quelqu’un est une faute personnelle, le juge étend la responsabilité administrative dans cette situation (la responsabilité du service et non de l’agent) dès lors que cette faute « n’est pas dépourvue de tout lien avec le service ». La qualification de fautes personnelles non dépourvues de tout lien avec le service, cela permet d’engager la responsabilité de l’administration devant le juge administratif. Sont qualifiées les fautes commises par l’intermédiaire du service ou avec les moyens du service.

Tel a été le cas de la jurisprudence relative au détournement des véhicules par les agents (pompiers, militaires). Tel est le cas également de l’utilisation des armes de service. Ex : Ass., 26 octobre 1973, «   Sadoudi   ». En l’espèce, un gardien de la paix a tué un collègue accidentellement avec son arme de service et dans son domicile.

Est qualifiée, en revanche, de faute strictement personnelle la faute commise avec une intention malveillante : CE, 23 juin 1954, «   Dame Veuve Litzer   ». En l’espèce, un douanier revêtu de son uniforme, fait arrêter un véhicule, alors qu’il n’est pas en service, et il tue avec l’arme de service pour régler ses comptes. Le juge a qualifié la faute de faute strictement personnelle. Autrement dit, on a pratiquement dans cette configuration là une grande mise en cause de la responsabilité de l’administration.

Mardi 3 avril 2011

Faute de serviceFaute personnelle en lien avec le serviceFaute qualifiée de strictement personnelleSur la base de cette qualification sera déterminé le régime juridique de la responsabilité, notamment par la mise en œuvre de la théorie du cumul de responsabilité.Toute la jurisprudence a pour objectif de mettre en jeu la responsabilité de l’administration et non pas celle de l’agent.

Chapitre 2. Le cumul de responsabilité

Cette théorie va permettre dans les relations entre l’administration et la victime de mettre en jeu la responsabilité de l’administration devant le juge administratif sauf hypothèse de faute qualifiée de strictement personnelle.

Section 1. Les conditions du cumulIl y a plusieurs étapes importantes. En effet jusqu’en 1918 le juge ne se référait qu’à la distinction entre la faute de service et de la faute personnelle. Par la suite, le juge a consacré le principe de l’existence du cumul de fautes. Egalement, celui du cumul de responsabilité. D’où l’obligation ensuite, une fois qu’on a développé cette théorie du cumul, les conditions de l’action récursoire.

§1. Le cumul de fautes et le cumul de responsabilités

A) Le cumul de fautes

60Dans un arrêt de principe, CE 3 fév. 1911, ANGUET, (GAJA), le juge estime qu’un dommage peut être la conséquence à la fois d’une faute de service et d’une faute personnelle. En l’espèce, un usager de la poste au moment de sortir, se trouve enfermé dans un bureau. Deux agents des postes, le prenant pour un voleur, le jettent dehors avec violence, et M. Anguet est blessé. Le requérant engage une action en responsabilité et le juge estime en l’espèce que le dommage a deux causes. Le bureau de poste a fermé avant l’heure prévue faute de serviceLe dommage trouve également sa cause dans le comportement des agents faute personnelleLe Conseil d’Etat admet que dans une telle hypothèse le requérant peut demander au juge administratif une indemnisation totale pour le dommage subi contre l’administration. Quand il y a deux fautes, il est possible de demander le total de l’indemnisation à l’administration.Le juge estime également qu’en présence d’une faute personnelle, très souvent il existe une faute de service présumée. Autrement dit le juge estime que la faute personnelle n’a pu être commise qu’en raison du mauvais fonctionnement du service.

B) Le cumul de responsabilités

Arrêt de principe : CE 25 juil. 1918, EPOUX LEMONIER. (GAJA) Dès lors que la faute personnelle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service alors le requérant pourra donc être indemnisé pour le tout devant le juge administratif, et cela par l’administration.

1) Le champ d’application de la théorie du cumul des responsabilitésEn l’espèce, une personne est atteinte d’une balle provenant d’un tir forain installé sur la fête foraine organisée par la commune. En l’espèce il n’existe qu’une seule faute à l’origine du dommage. Cette faute est une faute personnelle du maire qui n’avait pas prévu les conditions minimales de sécurité, il s’agit d’une faute personnelle. Cependant cette faute a été commise dans l’exercice des fonctions, elle n’est pas donc pas dépourvue de tout lien avec le service. Citation Léon BLUM :« Si la faute se détache du service, le service ne se détache pas de la faute ».En l’espèce c’est l’administration qui va donc indemniser la commune sur le fondement du cumul des responsabilités. Le juge va étendre cette qualification aux fautes commises en dehors du service dès lors que cette faute résulte où a été possible grâce aux moyens du service. P. ex. Ass. 18 nov. 1949, MLLE MIMEUR, à propos d’un accident commis par un militaire, qui avait détourné le véhicule du chemin normal.

2) Les limites à l’application du cumul de responsabilitésLa seule hypothèse où il ne sera pas possible d’engager la responsabilité de l’administration sera celle où le juge qualifie de la faute de strictement personnelle, et c’est assez rare, car même lorsque la faute constitue sur le plan pénal une infraction, le juge admettra la qualification de faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service. P. ex. CE 26 oct. 1973, SADOUDI (il s’agit d’un meurtre).Au fond c’est toujours l’administration qui va payer. Il y a eu finalement un mouvement pour faire jouer d’une manière ou d’une autre leur responsabilité.

§2. L’action récursoire

L’action récursoire vise la relation entre l’administration qui a payé et l’agent. A) L’action récursoire de l’administration contre son agent.

Il s’agit tout d’abord, l’hypothèse la plus courante : dès lors qu’il y a faute de service, l’action récursoire est impossible. En revanche en cas de faute personnelle (non dépourvue de tout lien avec le service), l’administration pourra se retourner contre l’agent, pour qui elle a payé, auprès du juge administratif. Le régime de l’action récursoire a fait l’objet d’une évolution de jurisprudence qui a été extrêmement critiquée par certains conseillers d’Etat. Dans une première étape, il y a la jurisprudence du CE 28 mars 1924, arrêt POURSINES. Dans cet arrêt l’administration n’a pu agir contre l’agent que si elle était subrogée aux droits de la victime. C'est-à-dire, la victime avait fait deux actions : l’une devant le juge judiciaire et l’autre devant le juge administratif.Ensuite, dans une seconde étape, il y a eu un revirement de jurisprudence par l’arrêt d’assemblée, Ass. 28 juil. 1951, LARUELLE, et affaire DELVILLE. Dans ces deux affaires le juge a reconnu la possibilité pour l’administration d’agir indépendamment de l’action de la victime dès lors que c’est l’administration qui avait indemnisé.

61Le juge administratif indemnise au prorata de la faute personnelle (en proportion de chacune des fautes).

B) Le droit de l’agent contre l’administration

Il s’agit de la situation suivante : il peut en effet arriver, même si les cas sont peu fréquents, que l’agent ait été poursuivi devant le juge judiciaire qui a qualifié une faute de personnelle, alors qu’il s’agissait d’une faute de service. Dans cette hypothèse, en principe, le préfet utilise la procédure de conflit : il élève le conflit, et demande au juge judiciaire d’interrompre le jugement jusqu’à la décision du tribunal des conflits. En outre le statut de la fonction publique garantie aux agents la protection, notamment le paiement des frais d’avocats, lorsque ceux-ci sont mis en cause devant le juge judiciaire.Par contre l’agent n’aura aucun droit s’il s’agit d’une faute personnelle, même s’il s’agit d’une faute non dépourvue de tout lien avec le service. Une fois la faute qualifiée, et le régime juridique applicable, détermine, il s’agit de déterminer le cas de substitution de responsabilité.

§3. La substitution de responsabilité

Lorsque le législateur le prévoit, il est reconnu que l’Etat est responsable du fait des agents concernés, quelle que soit la faute, et cela devant le juge judiciaire. Il s’agit tout d’abord de la loi du 5 avril 1937, concernant les agents de l’éducation nationale. En présence de dommages causés aux élèves ou par les élèves en raison d’un défaut de surveillance.Accidents causés par les véhicules, qu’ils soient utilisés par des personnes privées ou publiques : unification du régime, par la loi du 31 déc. 1957.Enfin, les magistrats de l’ordre judiciaire bénéficient également d’une substitution par l’Etat de responsabilité pour leurs fautes personnelles.

Section 2. L’autonomie de la responsabilité pénale et responsabilité des décideurs publics

§1. Les principes

La qualification d’une faute par le juge administratif n’a pas de conséquences ni d’incidence sur la qualification de l’infraction. Les deux juges s’ignorent.

A) L’autonomie du juge pénal quant à la qualification de la faute

1) Arrêt de principeCe principe a été consacré par un revirement de jurisprudence qui est au GAJA, Tribunal des conflits 14 janv. 1935, THEPAZ. Antérieurement à 1935, toute infraction était qualifiée de faute exclusivement personnelle. Par la solution THEPAZ, le juge affirme qu’une infraction peut être une faute de service. Inversement, on l’a vu pour le juge pénal, une faute de service pourra être un délit ou un crime. Lorsque la victime agit au pénal, est-ce qu’elle peut joindre à cette action l’action civile, c'est-à-dire, demander également au juge judiciaire de déterminer les dommages et intérêts. Le Tribunal des conflits a estimé qu’il faut dissocier absolument l’action pénale de l’action civile. On ne peut pas automatiquement joindre les deux actions

2) Les conséquencesSi la faute est une faute de service mais si elle aussi une faute personnelle alors voilà la solution du Tribunal des conflits : seule la juridiction administration pourra se prononcer sur la demande en indemnité. Cette distinction va limiter fortement l’intervention du juge judiciaire.

B) La portée de la distinction

La jurisprudence applique cette solution d’une dissociation marquée des deux juges y compris aux infractions involontaires mais aussi aux infractions volontaires. P. ex. il arrive qu’un policier puisse blesser ou tuer quelqu’un avec son arme après le service, donc les crimes par imprudence hors du service, n’est pas dépourvu de tout lien avec le service. Cela a également été appliqué aux infractions intentionnelles. P. ex. Tribunal des conflits 19 oct. 1998, PREFET DU TARNE C. COUR D’APPEL DE TOULOUSE. En l’espèce le maire avait falsifié un plan d’occupation des sols pour délivrer un permis de construire qui normalement était en zone non constructible. Le juge a

62estimé que cette infraction était qualifiée de faute personnelle non dépourvu de tout lien avec le service, alors l’action en indemnité relevait du juge administratif. De ce fait, on retrouve toujours cette même idée : ce n’est qu’en cas de faute strictement personnelle que l’action civile devant le juge judiciaire est admise. L’affaire la plus importante récente qui a montré ce qu’était une faute strictement personnelle, c’est CE. Ass. 12 avril 2002, PAPON, et elle concerne l’affaire de l’ancien commissaire de Bordeaux, le CE a qualifié la faute de strictement personnelle en raison de la gravité de son comportement et sa connaissance de la situation.Pause 1

[5 min d’explication sur le cas pratique du partiel]

§2. La responsabilité pénale des décideurs publicsRappel : le nouveau code pénal a étendu la qualification de délit pénal dans l’hypothèse des délits on intentionnels, et ce qui va être important pour les administrateurs : la maladresse, imprudence, négligence, le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, et également la mise en danger d’autrui. Trois étapes :Le statut de la fonction publique de 1983 renforce la protection des fonctionnaires, sauf en cas de faute strictement personnelle.Loi du 13 mai 1996 accroit la responsabilité pénale, notamment celle des décideurs publics. Mais cette loi exige que le juge pénal fasse une appréciation in concreto. Autrement dit, pour qualifier un manquement, il vérifie si la personne publique a accompli les diligences normales compte tenu de la nature de la mission, compte tenu des pouvoirs mais aussi compte tenu des moyens financiers, à la disposition de l’autorité publique. Le cas de cette responsabilité pénale est relativement peu retenu à cause de l’appréciation in concreto, pour les délits non intentionnels. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt CE Sect. 14 mars 2008, M. PORTALIS, le juge a précisé la portée de la protection de l’administration en cas de poursuite pénale. Le juge qualifie cette protection de « garantie fondamentale », il s’agit d’une « obligation de l’administration », et enfin l’administration doit apporter sa garantie y compris pour des fautes pénales non intentionnelles.

TITRE 2. LES CONDITIONS D’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ADMINISTRATIONComme en droit civil, il faut un préjudice (matériel, moral…) mais il faut également que ce préjudice soit la conséquence directe d’un fait dommageable, sachant que ce fait peut être fautif ou non fautif.

Chapitre 1. Le fait générateur du dommage

Il existe deux fondements à la responsabilité.

Section 1. La responsabilité pour fautePour comprendre la mise en jeu de la responsabilité, il faut comprendre la notion de faute.

§1. La notion de faute

La faute relève de situations très diverses. Un élément fautif relève de situations diverses, tel qu’un comportement ou le mauvais fonctionnement du service, p. ex. en matière de responsabilité hospitalière, ça peut être aussi le non respect des obligations imposées par les textes, p. ex. le non respect de l’obligation de sécurité. Mais ça peut être aussi l’illégalité d’un acte, c'est-à-dire quand un acte illégal a une conséquence dommageable. Pour donner quelques exemples, voici deux cas.

A) La faute en cas d’illégalité

On prend l’hypothèse où il y a l’absence de mise en œuvre des textes. Rappel : le pouvoir règlementaire doit assurer la mise en œuvre des textes notamment en prenant les textes d’application. Tout défaut ou toute absence de décision peut, s’il y a un dommage, entrainer la responsabilité de l’Etat. P. ex. un arrêt d’assemblée, CE. Ass. 27 nov. 1964, DAME VEUVE

63RENARD. L’obligation d’appliquer les textes doit se faire dans un délai raisonnable sous le contrôle du juge. Tout défaut d’adoption de textes d’application peut engager la responsabilité.Toute illégalité ou tout refus d’abroger (cf. Compagnie Alitalia) un texte illégal entraîne la responsabilité de l’Etat. Cette règle a été mise en œuvre notamment en regard de la transposition des textes règlementaires. Cf. les deux affaires CE Ass. 28 fév. 1992, affaire des TABACS, sur la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat du fait du maintien d’un texte règlementaire illégal incompatible avec les objectifs d’une directive et à l’origine d’un préjudice. Lorsque la non transposition est la conséquence du législateur, conformément à la jurisprudence de principe, le juge retient ce qu’on appelle une responsabilité sans faute. Si on a un préjudice du fait même de l’absence de transposition, on retient cette responsabilité, en vertu de l’arrêt du CE Ass. 14 janv. 1938, SA PRODUITS LAITIERS LAFLEURETTE.Cependant le juge s’engage vers la possibilité de reconnaître la responsabilité pour faute du législateur, et cela dans la continuité de la jurisprudence de la CJUE.

B) Illégalité et faute

Généralement l’illégalité est toujours constitutive de faute, que cette illégalité soit une violation du droit interne ou du droit international, que l’illégalité intervienne à l’occasion de l’édiction d’un acte unilatéral ou au moment de la conclusion d’un contrat. Cette illégalité est qualifiée de faute susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat. Ce n’est que dans trois hypothèses que l’illégalité n’entraine pas la responsabilité. Exigence d’une faute lourdeL’illégalité est un vice de forme ou un vice de procédureCas où la décision illégale aurait pu légalement être justifiée dans l’intérêt du service CE 30 sept. 2002, DUPUY.Enfin, en application de la jurisprudence DUVIGNIERES sur les circulaires, on assiste à une évolution de la mise en jeu de la responsabilité. En effet dès lors qu’une circulaire impérative est à l’origine d’un dommage, même si elle ne fait pas spécialement grief, le juge accepte la mise en jeu de la responsabilité. Après cet exemple, on va voir, conformément à la jurisprudence BLANCOT qui dit que la responsabilité n’est ni générale, ni absolue.

§2. La mise en jeu de la responsabilité et le degré de la faute

Il existe trois régimes quand il faut mettre en jeu la responsabilité :Régime de la faute lourdeRégime de la faute simpleRégime de la présomption de faute (circonscrit aux travaux publics)

A) Exigence d’une faute lourde

Pourquoi, historiquement, le juge exige non pas simplement une faute normale mais une faute, qu’il disait à l’époque « particulièrement grave ».

1) La notion de faute lourde

- La nature de l’activitéLe juge se réfère pour appliquer cette exigence à la nature des activités. Il estime en effet que certaines activités de l’administration sont plus difficiles que d’autres Appréciation subjective.Dès lors que le juge trouvait que l’activité était difficile, il exigeait la faute lourde, p. ex. en ce qui concerne les services de secours, comme les opérations du SAMU, ou tout ce qui concerne l’assistance et le sauvetage, lutte contre l’incendie, police administrative…Le juge isolait donc ces activités pour exiger la faute lourde, mais la jurisprudence a évolué vers un autre registre.

- en fonction des circonstancesDe plus en plus, le juge apprécie l’exigence d’une faute lourde au cas par cas, en fonction

des situations. 1er cas : la police administrativeDans un 1er temps, pour appliquer l’exigence de faute lourde, le juge se référait à la distinction entre intervention opérationnelle, considérée dans leur ensemble comme des opérations

64difficiles et les interventions décisionnelles où la faute simple suffisait. Désormais le juge s’appuie sur les circonstances, en fonction de la difficulté de l’opération ou de la difficulté de décision. Exemple : CE 25 sep. 1992, SGCI LE PANORAMA. De même la faute simple est largement retenue en cas de carence de l’exercice du pouvoir de police, et les assureurs vont rapidement mettre en cause la responsabilité. CE 20   déc. 2000, COMPAGNIE D’ASSURANCE ZURICH INTERNATIONALE. En l’espèce des dommages ont été subis par un centre commercial du fait de leur occupation par des gens du voyage. Le tribunal administratif avait condamné et l’Etat et la commune. Puis la Cour administrative d’appel a annulé le jugement et le Conseil d’Etat va préciser que la responsabilité relève de la commune pour faute simple qui est la défaillance du pouvoir de police du maire. Le juge estime également l’Etat responsable pour ne pas être intervenu en demande d’expulsion devant le juge judiciaire.Cas 2 : les services fiscaux.En effet jusqu’en 1990, le juge exigeait une faute lourde qui n’était pratiquement jamais qualifiée. Par un revirement en date du 27 juil. 1990, le CE décide de n’appliquer la faute lourde qu’en fonction des circonstances. C'est-à-dire qu’en fonction des difficultés notamment pour calculer l’assiette de la personne.Cas 3. L’activité de contrôle.On a la même évolution puisque le juge de 1er ressort à partir de 1999 propose de faire évoluer la jurisprudence. Cependant le Conseil d’Etat dans l’affaire CE 06 oct. 2000, COMMUNE DE SAINT FLORENT C. MIN. DE L’INTERIEUR, le Conseil d’Etat maintient la faute lourde. Il s’est également prononcé sur le contrôle des personnes privées en admettant de plus en plus la faute simple, p. ex. avec l’arrêt CE 30 mars 2001, MIN. DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES à propos du contrôle de la commission bancaire. Enfin le juge a admis par rapport à l’affaire de la transfusion sanguine, CE Ass. 9 avril 1993, le juge s’est prononcé en l’espèce sur la responsabilité de l’Etat dans son contrôle sur les centres de transfusions sanguines : il dit en effet que la responsabilité de l’Etat est fondé sur la faute simple au titre non pas de manière générale mais au titre de son activité de règlementation et de contrôle en matière de transfusion, alors qu’auparavant il exigeait la faute lourde.Cas 4. Le service public pénitentiaire. Dans le cas du service public pénitentiaire le juge a admis également un contrôle des circonstances et non plus de la nature de l’activité. Exemple : l’activité médicale. Pause 2.

B) L’activité médicale

1) Exigence d’une faute lourde à l’exigence d’une faute simple1 ère étape  : la conception traditionnelle. Le juge distinguait entre l’activité médicale proprement dite, c'est-à-dire tout ce qui était lié à des actes médicaux, et pour cela le juge exigeait une faute lourde. Par contre lorsque la cause du dommage était due à l’organisation et au fonctionnement du service, il exigeait une faute simple, p. ex. le défaut de surveillance, ou le matériel défectueux. Puis le juge va étendre la faute simple aux actes de soins courants, p. ex. les perfusions, piqures, injection. Il exige également la faute simple lorsque les conséquences d’une intervention bénigne sont disproportionnées, le juge retient également la faute simple, ainsi qu’en cas d’infection nosocomiale CE 31 mars 1999, ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLES à propos de la contamination de l’hépatite B au cours d’hospitalisation. On est loin de la jurisprudence de la Cour de Cassation.

2 ème étape  : revirement de jurisprudence qui est pris dès un arrêt du 10 avril 1992, EPOUX V., le juge engage la responsabilité de l’hôpital pour faute simple à propos des conséquences d’une anesthésie péridurale. La responsabilité pour faute simple s’applique également aux hôpitaux accueillant les malades mentaux. Cette évolution de l’exigence de faute lourde à faute simple va être étendue à l’information du malade.

2) L’information du maladeLe Conseil d’Etat (il existe une loi qui précise les conditions d’information, de 2000) avant la loi de 2000 reconnaît pour la 1ère fois la responsabilité pour faute simple en cas de préjudice lié à

65l’absence d’information du malade ou en cas d’information erronée, c’est une affaire CE 14 fév. 1997, CHU DE NICE C. LES EPOUX QUAREZ. Il s’agit de l’absence d’information quant aux risques de la naissance d’un enfant trisomique. Ce défaut d’information a été qualifié de faute simple, engageant la responsabilité de l’hôpital vis-à-vis des parents. Le juge admet également la faute simple lorsqu’une information sur les risques graves - il a admis très largement la responsabilité- le défaut d’information sur les conséquences d’un acte médical, même si ces risques sont exceptionnels CE Sect. 05 Janv. 2000, TELLELes médecins ont une obligation d’information loyale, claire et appropriée quant aux risques encourus. Il faut que le défaut d’information soit la cause directe du dommage, ce qui va conduire le juge à se prononcer également sur les exigences du consentement éclairé du malade et la responsabilité de l’hôpital. A cet égard, le juge administratif a été confronté au dilemme suivant : peut-on transfuser contre son gré un patient dès lors que sa vie est en danger ?Dans sa jurisprudence, CE 26 oct. 2001, l’hôpital a vu sa responsabilité mise en jeu par un malade suite à une transfusion qui n’était pas acceptée car le processus vital était en jeu. Le Conseil d’Etat a estimé que dans les circonstances le médecin n’a pas commis de faute et qu’il était normal de faire prévaloir sur la volonté du malade l’exigence et l’obligation de soin.

Puis le tribunal administratif, par deux ordonnances (procédures d’urgence) du 16 aout 2002, a renoncé à cette jurisprudence au nom de l’esprit de la loi sur les droits du malade qui impose la primauté de la volonté du malade.

3§. Le régime de la présomption de faute

En principe on est confronté à deux catégories de situation.A) L’hypothèse classique

Cette hypothèse classique concerne tout simplement la mise en jeu de la responsabilité pour dommage de travaux publics. En effet, dès lors qu’il y a un lien entre un dommage, une opération de travail public ou un ouvrage public, le juge considère qu’il y a présomption de défaut d’entretien normal et c’est à l’autorité propriétaire du domaine public de démontrer qu’elle a normalement entretenu le bien.

B) L’extension de la présomption de faute

On assiste à une extension de la présomption de faute. Cette présomption a été appliquée en cas de défaut d’information quant aux conséquences d’une thérapie, arrêt EPOUX TELLE de 2000. Le juge retient la présomption lorsque le traitement à des conséquences anormales en estimant que c’est le résultat présumé du mauvais résultat du service. C’est appliqué à l’ensemble des actes médicaux, p. ex. CE 15 déc. 2000, M. CASTANET.

Il l’applique aussi lorsque la faute ne peut être que vraisemblable même si elle est difficile à prouver, p. ex. une noyade dans une piscine : normalement lorsque c’est bien surveillé, on ne doit pas se noyer, ou encore l’intoxication alimentaire dans un restaurant scolaire.

Cette jurisprudence est désormais utilisée en lien avec les exigences du principe de précaution.

Section 2. La responsabilité sans faute§1. Les fondements de la responsabilité sans faute

Il faut chercher le lien entre une cause et un dommage. Il y a deux fondements.A) Le risque

Le requérant peut invoquer le fait que certains dommages ne sont que la conséquence d’une situation de risque, et qu’il est normal au nom de l’équité, ou de la solidarité dans les risques, qu’on puisse être indemnisé. Il y a deux hypothèses. Soit le dommage est la conséquence de l’existence même d’un risque, p. ex. chose ou méthode dangereuse, ou encore situation dangereuse, p. ex. si on habite à côté d’une usine ou d’un champ de tirs. Donc l’existence même d’un risque suffit à faire le lien entre le dommage et la situation. La seconde hypothèse c’est celle de la situation de la victime pour deux catégories : pour les collaborateurs occasionnels du service public. C’est le cas également des tiers victimes des accidents de travaux publics.Il s’agit de tenir compte dans les deux hypothèses de la situation des victimes. Cette solution de la responsabilité pour risque a été posée pour la 1ère fois par un arrêt d’assemblée du 22 nov. 1946, COMMUNE DE SAINT PRIEST LA PLAINE, commenté au GAJA.

66Outre ce fondement sur le risque, il existe le fondement sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques.

B) La rupture de l’égalité devant les charges publiques

On cherche à réparer les charges particulières imposées à certaines personnes au nom de l’intérêt général. Pour que cette responsabilité soit mise en œuvre il faudra un préjudice qui soit de nature spéciale et anormal. Cette responsabilité concernera pour l’essentiel la responsabilité du fait des lois (textes législatifs et règlementaires) et la responsabilité du fait des conventions internationales.

§2. Les hypothèses d’application

A) La responsabilité fondée sur le risque

1) L’existence même d’un risque

- Les choses dangereuses, qualification du risque.Le stock de munitions. CE 28 mars 1919, M. REGNAULT DESROZIERES, commenté au GAJA, concernant l’explosion d’un stock de munition. Ce stock de munition a été qualifié par le juge de risque pour le voisinage, risque qui justifie à lui seul la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat indépendamment de toute faute.

Les armes à feu. CE 24 juin 1949, CONSORTS LECOMPTE, le Conseil d’Etat admet la responsabilité pour risque (pourtant on était à l’époque sur la responsabilité en matière de faute lourde) dès lors qu’une opération de police administrative est liée à l’utilisation des armes à feu. Le gaz lacrymogène n’est pas considéré comme une chose dangereuse.

Les ouvrages de distribution électrique, de gaz, et d’eau.

Les produits sanguins. En effet outre la responsabilité pour faute simple pour la transfusion sanguine.

CE 26 mai 1995, NGUYEN , le CE se prononce sur la responsabilité du centre de transfusion sanguine. Il qualifie cette responsabilité de responsabilité pour risque de fourniture de produits sanguins. Les méthodes dangereuses. Le juge va qualifier les méthodes de rééducation en milieu ouvert ou encore l’aide social à l’enfance, tous ces éléments sont qualifiés de méthode dangereuse susceptibles d’engager la responsabilité pour risque. P. ex. les essais de sortie d’hôpital psychiatrique.

L’aléa thérapeutique. Ass. 9 avril 1993, BIANCHI. Il y aura responsabilité pour risque si trois conditions sont réunies : le traitement présente un risque dont l’existence est connue mais la réalisation exceptionnelle. De plus, aucun élément ne laissait penser que le patient était exposé, enfin il faut que les conséquences soient d’une extrême gravité et sans rapport avec l’état du patient. En conclusion le juge, a inclus par rapport à ce risque, les situations dangereuses telles que l’épidémie en milieu scolaire, de même la situation des médecins en milieu hospitalier qui peuvent se trouver contaminés ou encore la responsabilité du fait des attroupements et rassemblements.

Mardi 10 mai 2011CE 10 oct. 2003, affaire COHEN. Un chirurgien est contaminé par le VIH. Cela résulte d'une intervention chirurgicale faite à l'hôpital.Le Conseil d'Etat admet la responsabilité sans faute sur la base du risque encouru par certains professionnels. Autre exemple lié à la notion de situation dangereuse. C'est une responsabilité délicate à mettre en œuvre. C'est la responsabilité du fait des attroupements et des rassemblements. 

67Lorsque le dommage a pour cause l'intervention de la police, il s'agira d'une responsabilité pour faute. Le juge a distingué la faute simple \ faute lourde en fonction de la difficulté de l'opération. En revanche si la source du domage est le fait de manifestants qui commettent (condition supplémentaire délicate) des crimes ou des délits, alors dans cette hypothèse c'est l'Etat qui indemnise les victimes sur le fondement de la responsabilité sans faute.  Cette responsabilité a été rendue par un avis du conseil d'Etat en date du 6 avril 1990. Affaire COFIROUTE. En l’espèce des manifestants bloquent les péages d’une autoroute, et les automobilistes passent gratuitement. La société COFIROUTE demande à être indemnisée du préjudice. Le conseil d’Etat souligne (conception extensive) que l’Etat est responsable des dommages (de toute nature) qui sont la conséquence directe de crimes et délits commis. C’est la 2ème condition qui n’est pas facile à déterminer : en effet ces crimes et délits doivent être commis pendant des manifestations ou d’attroupements. Cet avis a été confirmé par l’arrêt du Conseil d’Etat, CE 3 déc. 2002, COMPAGNIE D’ASSURANCE LLOYD’S DE LONDRES.

Pour faire jouer la responsabilité sans faute il faut trois conditions :- Une situation d’attroupement et de manifestation- Cette situation doit être délicate

Le juge distingue les attroupements de ce qu’il va appeler les saccages ou actions violentes non liés à la manifestation. Ex : CE 12 nov. 1997, COMPAGNIE D’ASSURANCE GENERALE DE FRANCE. Il a par contre retenu la responsabilité du fait des attroupements dans l’hypothèse de violences urbaines. Ex : CE 29 déc. 2000, LES ASSURANCES GENERALES DE FRANCE.

- La source du dommage résulte de crimes ou de délits.- Il faut un lien direct et certain entre l’acte délictueux et le dommage.

Résumé : - Une situation d’attroupement et de manifestation- La source du dommage résulte de crimes ou de délits.- Il faut un lien direct et certain entre l’acte délictueux et le dommage.

2) Responsabilité pour risque du fait de la situation de la victime

1 ère hypothèse  : la responsabilité liée à la situation de collaborateur « occasionnel » du service public.

Etape 1   : Le juge admet la responsabilité pour risque en faveur des collaborateurs permanents du service public. CE 21 juin 1895, CAMES. Cette solution ne présente plus d’intérêt puisque la responsabilité relève de la législation (ex : droit du travail). On peut dire simplement à cet égard que le juge accorde aux agents publics une indemnisation du préjudice non couvert par la législation.

Etape   2   : extension aux collaborateurs occasionnels. CE ass. 22 nov. 1946, COMMUNE DE ST PRIEST LA PLAINE (GAJA).Un collaborateur occasionnel peut être celui qui agit de façon spontanée mais elle peut être aussi une collaboration demandée par la personne publique. Ex : en cas de risque d’inondation on demande des bénévoles pour prévenir.Cette action du collaborateur doit concerner une mission de service public. Enfin la collaboration doit être effective.

Etape 3 : le juge a admis qu’un collaborateur bénévole mais agissant dans le cadre d’une activité salariée mais dans cette hypothèse la victime est indemnisée. CAA Marseille,

6828 déc. 2000, COMMUNE DE CALVI. En l’espèce, suite à un naufrage, il est nécessaire de renflouer le bateau pour éviter une pollution. La société CORSE MEDITERRANNEE intervient volontairement et non pas sur réquisition. Pour la 1ère fois le juge administratif qualifie la responsabilité sans faute en faveur d’une personne morale.2ème exemple : CE 22 juil. 2003, CALON, le Conseil d’Etat reconnait la responsabilité sans faute du département pour des dommages causés à une famille d’accueil par un enfant placé dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. Solution : le juge qualifie la famille d’accueil de collaborateur du service public, et reconnait donc la responsabilité pour risque.

CE 12 oct. 2003, BANCHERELLE, en l’espèce le commandant d’un navire fait un appel à l’aide. La société HELFGABON ( ?) met à disposition un hélicoptère pour récupérer le commandant du navire, malheureusement le pilote de celui-ci décède au cours de sa mission, et ses enfants forment une action en indemnité. Le Conseil d’Etat reconnait, contrairement au TA, et à la CAA, la qualité de collaborateur occasionnel pour le pilote. De ce fait, l’indemnisation pour risque.

2 ème hypothèse  : responsabilité pour risque des tiers victimes d’accidents de travaux publics ou d’un ouvrage public.CE ASS. 28 mai 1971, FREJUS   : suite à l’effondrement d’un barrage de Malpassé, il y a des victimes et la ville subit des dégats importants. Le Conseil d’Etat qualifie la ville de tiers par rapport à l’ouvrage et reconnait la responsabilité pour risque (si ça avait été un usager, alors la responsabilité aurait été pour présomption de faute).

Section 3. La responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques

Dans cette hypothèse, le juge exige un dommage qu’il va qualifier d’anormal (non compatible avec les relations de voisinage) et surtout spécial. Ça touche que quelques personnes, et pas d’autres, donc il y a rupture d’égalité.

Q : Dans quels cas il va appliquer cette responsabilité ?- dommage permanent de travaux publics

Le dommage permanent est celui qui est lié à la présence de l’ouvrage ou des travaux. Exemple : le préjudice commercial. Autre exemple : les inconvénients liés au bruit, mais aussi la dépréciation du bien. En principe, dans ce domaine les victimes sont tiers. Et si ces deux conditions sont réunies alors le juge accorde la responsabilité sans faute. exemple : le juge indemnise toujours la privation du droit d’accès, CE 20 janv. 1988, CONSORTS METRAL.

2) Responsabilité du fait de l’abstention de l’administration et également du fait des actes administratifs.

a) Le cas de l’abstention légaleL’autorité publique peut refuser pour des motifs d’ordre public d’accorder le concours de la

force publique pour l’exécution d’un jugement. CE 30 no. 1923, COUITEAS. Cela concerne en Tunisie le refus d’intervention pour expulser les occupants des terres appartenant M. Couiteas. Le juge admet pour la 1ère fois la responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques. Le juge fait application de cette jurisprudence en cas d’occupation par des grévistes. CE 2 juin 1938, SCTE LA CARTONNERIE ST CHARLES. La jurisprudence a été aussi appliquée en cas d’occupation de logement.

b) Responsabilité sans faute du fait des actes règlementairespause 1

En cas d’acte règlementaire légaux le juge reconnait en cas de dommages anormaux et spéciaux la responsabilité pour faute, p. ex. les règlements de police : il est légal mais il est à

69l’origine d’un préjudice anormal et spécial CE Sect. 22 fév. 1963, COMMUNE DE GAVARNIE.

En l’espèce le Conseil d’Etat assure la réparation du préjudice résultant d’une règlementation modifiant les conditions d’accès du site. Cette règlementation entraine un préjudice commercial, que le juge indemnise.

3) La responsabilité du fait des lois et des conventions internationales

a) La responsabilité du fait des loisLe juge maintient une seule des 2 hypothèses possibles. Il était possible de retenir non seulement la responsabilité pour rupture d’égalité devant les

charges publiques mais également, sous certaines conditions, la responsabilité pour faute du législateur.

Hypothèse 1. Le Conseil d’Etat, jusqu’à maintenant, même en cas de faute, p. ex. une loi inconventionnelle, retiendra seulement la responsabilité sans faute. La jurisprudence de principe qui admet de manière large le principe de la responsabilité sans faute du législateur CE 14 janv. 1938, PRODUITS LAITIERS LAFLEURETTE. En l’espèce, il n ‘y a pas de faute du législateur, et la loi interdit certains produits laitiers et une des sociétés, en raison de la loi, n’a plus la possibilité de commercialiser.

Et le juge admet le caractère spécial et anormal du préjudice et que finalement il appartient à l’Etat d’indemniser au nom de la rupture de l’égalité. Cependant la jurisprudence est assez restrictive, parce que le juge vérifie que le législateur, explicitement ou implicitement, n’a pas entendu exclure toute réparation.

Ex : CE 28 oct. 1998, PLAN. En l’espèce des cultures ont été détériorées par des flamands roses, qui est une espèce protégée. Le juge, dans cette affaire reconnait le refus implicite du législateur à réparer. Par la suite, il va assouplir cette jurisprudence par un arrêt CE sect. 30 juil. 2003, ASSOCIATION POUR LE DVLPT DE L’AQUACULTURE EN REGION CENTRE. Les cormorans ont gravement endommagés des piscicultures, le juge ne recherche plus la volonté implicite d’indemniser, au contraire, il les indemnise.

Le Conseil d’Etat tient compte de l’importance de l’intérêt général, s’il est important il pourra refuser d’indemniser. Par ailleurs, le Conseil d’Etat refuse l’indemnisation en cas de texte législatif qui organise le principe de « discrimination positive ».

2 ème hypothèse  : l’indemnisation du fait du législateur sur la base d’une responsabilité sans faute même si le préjudice résulte d’une faute.

Alors que la CJUE admet la responsabilité pour faute du législateur, le Conseil d’Etat, tout en indemnisant, préfère se référer à la responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques. CE Ass. 30 oct. 1996, LE CABINET REVERT ET BADELON c. DANGEVILLE. En l’espèce la CAA de Paris avait essayé de trouver une responsabilité pour faute, mais le Conseil d’Etat n’a pas suivi et préfère se situer sur le terrain de la responsabilité sans faute.

Enfin le Conseil d’Etat fait entrer, dans cette jurisprudence, la responsabilité de lois inconventionnelles ou encore de lois ne transposant pas les directives. CE 8 fév. 2007 GARDIEU. Dans cet arrêt on engage la responsabilité sans faute d’une loi inconventionnelle à propos d’un préjudice lié à une loi de validation qui avait confirmé un décret illégal et il admet le caractère anormal et spécial du préjudice. (En l’espèce un chirurgien dentiste demande le remboursement de cotisations sociales trop élevées qui avait été prises sur le fondement d’une loi de validation illégale).

b) La responsabilité du fait des conventions internationalesCE 30 mars 1965, COMPAGNIE GENERALE D’ENERGIE RADIO ELECTRIQUE : c’est la

1ère fois qu’on a une responsabilité sans faute de l’Etat. Il faut un préjudice anormal et spécial. Cette responsabilité sans faute a été étendue à la coutume internationale et également a été étendue lorsque la procédure d’introduction dans l’ordre juridique n’a pas été respectée, il préfère rester sur la responsabilité sans faute.

70 Jurisprudence récente de 2009, car c’est assez rare.

CAS PRATIQUES

Le directeur de l'école décide de modifier un règlement intérieur de l'établissement afin d'améliorer le contrôle des absences des élèves tout en développant d'avantage de concertations avec les associations de parents d'élèves. Le règlement prévoit une échelle de sanction pour les élèves absents sans justifications valables: le blâme, l'exclusion temporaire et l'exclusion définitive. Q1: une association de parents d'élèves souhaite contester ce règlement, estimant que les dispositions ne respectent pas suffisamment les droits des élèves, quelle réponse faites-vous à l'association? Nous sommes en présence d'un règlement intérieur, propre à l'école, dont l'objet est les absences et le contrôle assorti d'une échelle de sanction. Ce qui est important, c'est de qualifier l'acte du directeur de l'école. C'est une mesure d'ordre intérieur, réponse proprement dite. L'association pourra contester devant la juridiction administrative une telle mesure. En effet si les MOI en tant qu'acte non décisionnel ont pu faire l'objet de certaines hésitations jurisprudentielles dans le domaine scolaire, et bien très tôt la juridiction administrative a admis la recevabilité des personnes ayant un intérêt à agir, en l'espèce l'association des parents d'élèves ==> Jp Kerouaa \\ au port de signes ostentatoires. Sur la recevabilité: quant au fond, quels sont les arguments, éléments pour une éventuelle annulation?Ils ne paraissent pas compatibles par rapport aux droits des élèves. Compétence: le directeur d'école est compétent.Légalité des modalités des sanctions: reprendre ce qu'on a dit sur si le règlement ne prévoit pas en matière de sanction, le respect du contradictoire ainsi que les droits de la défense de l'élève. Il faut vérifier s'il n'y a pas disproportion entre les faits et la sanction.

Cas pratique 22)Vers 40 min. X a signé pour faire des activités sportives dans son collège et les responsables d’une association qui n’a pas été retenue sont très mécontentes, le président de l’association évincée demande une entrevue au directeur, l’entretien se passe mal et le directeur perd son calme, et assène au président un coup de poing. Le président de l’association vous consulte pour savoir dans quelles conditions il peut engager une action contre le directeur ou contre l’établissement.

On est dans un comportement fautif : étant dans une responsabilité fautive.Q : il faut savoir si la victime va engager sur quel type de faute et devant quel juge ? Dès lors que la source du dommage est liée au comportement fautif du directeur, pour que vous puissiez engager la responsabilité, il faut tout d’abord procéder selon la jurisprudence administrative à la qualification de la faute.

En l’espèce, étant donné l’importance de la faute : est-ce une faute personnelle ou autre chose ? En application de la jurisprudence …., le juge se prononcera sur la qualification de la faute personne non dépourvue de tout lien avec le service, qui résulte d’une conception extensive de la jurisprudence, car nous sommes dans l’hypothèse d’une faute commise dans l’exercice des fonctions.

Cette qualification va permettre de déterminer devant quelle juridiction on peut agir. En développant la théorie du cumul de responsabilité, le juge permet une protection large des

71victimes qui peuvent soit agir devant la juridiction administrative (conseil que nous donnons) soit devant la juridiction judiciaire.

Il reste à préciser qu’il faut un lien direct entre le dommage et le comportement fautif, ce qui semble réuni, puisque la personne a reçu un coup de poing lors de sa visite : fait justificatif + dommage.