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1 Web 8 Fiche 8.1 LES MULTIPLES RÔLES DE DNAA L. Paolozzi De nombreuses études montrent que la protéine DnaA intervient dans d’autres fonctions que celle, bien documentée, d’initiateur de la réplication. En effet, cette protéine participe aussi à la régulation de la division cellulaire, et la régulation de l’expression de son propre gène ainsi que de nombreux autres gènes. Enfin, un certain nombre de données, en particulier son homologie fonctionnelle avec le complexe ORC (Origin of Replication Complex) des eucaryotes, soulève la question d’un possible rôle de DnaA dans l’organisation et la ségrégation du chromosome. UN RÉGULATEUR DU CYCLE CELLULAIRE Chez les Bactéries, la réplication et la division cellulaire sont des fonctions interdépendantes intimement liées (Chap. 5 ; 8). Il a été établi depuis longtemps qu’un blocage de la réplication, par exemple celui produit par un dommage de l’ADN, conduit à un arrêt de la division, lequel dure jusqu’à ce que la réplication puisse reprendre son cours. Un rôle direct de DnaA dans la division a commencé à émerger depuis quelques années. Chez B. subtilis, la synthèse de la protéine de division FtsL est régulée au niveau transcriptionnel par DnaA. FtsL, une protéine très instable, est la cible de protéases qui en réduisent la quantité dans la cellule. La transcription du gène ftsL est réprimée suite à un blocage de la réplication. L’analyse de la séquence du promoteur de ce gène a mis en évidence la présence de sites de liaison à DnaA, très conservés. Cette forme de régulation de l’expression d’un gène de division par une protéine qui contrôle l’initiation de la réplication permet de coordonner ces deux fonctions importantes du cycle cellulaire, et assure en outre une protection de la cellule contre une ségrégation aberrante de génomes non répliqués ou non entièrement répliqués. Un autre exemple de participation de DnaA dans la régulation du cycle cellulaire est celui de l’activation de la transcription de ftsZ chez Caulobacter crescentus. Chez cette bactérie, les protéines FtsZ sont dégradées au terme de

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Web 8 Fiche 8.1

LES MULTIPLES RÔLES DE DNAA

L. Paolozzi

De nombreuses études montrent que la protéine DnaA intervient dans d’autres fonctions que

celle, bien documentée, d’initiateur de la réplication. En effet, cette protéine participe aussi à la

régulation de la division cellulaire, et la régulation de l’expression de son propre gène ainsi que

de nombreux autres gènes. Enfin, un certain nombre de données, en particulier son homologie

fonctionnelle avec le complexe ORC (Origin of Replication Complex) des eucaryotes, soulève

la question d’un possible rôle de DnaA dans l’organisation et la ségrégation du chromosome.

UN RÉGULATEUR DU CYCLE CELLULAIRE

Chez les Bactéries, la réplication et la division cellulaire sont des fonctions interdépendantes

intimement liées (Chap. 5 ; 8). Il a été établi depuis longtemps qu’un blocage de la réplication,

par exemple celui produit par un dommage de l’ADN, conduit à un arrêt de la division, lequel

dure jusqu’à ce que la réplication puisse reprendre son cours. Un rôle direct de DnaA dans la

division a commencé à émerger depuis quelques années. Chez B. subtilis, la synthèse de la

protéine de division FtsL est régulée au niveau transcriptionnel par DnaA. FtsL, une protéine

très instable, est la cible de protéases qui en réduisent la quantité dans la cellule. La transcription

du gène ftsL est réprimée suite à un blocage de la réplication. L’analyse de la séquence du

promoteur de ce gène a mis en évidence la présence de sites de liaison à DnaA, très conservés.

Cette forme de régulation de l’expression d’un gène de division par une protéine qui contrôle

l’initiation de la réplication permet de coordonner ces deux fonctions importantes du cycle

cellulaire, et assure en outre une protection de la cellule contre une ségrégation aberrante de

génomes non répliqués ou non entièrement répliqués. Un autre exemple de participation de

DnaA dans la régulation du cycle cellulaire est celui de l’activation de la transcription de ftsZ

chez Caulobacter crescentus. Chez cette bactérie, les protéines FtsZ sont dégradées au terme de

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chaque cycle, et de nouvelles molécules doivent être synthétisées pour permettre un nouveau

cycle. Des sites de liaison à DnaA ont été trouvés au niveau du promoteur du gène ftsZ.

RÉGULATION DE L’EXPRESSION GÉNIQUE

L’expression de nombreux gènes impliqués dans une vaste gamme d'activités est régulée par

DnaA. En font partie les gènes de synthèse de nucléotides, des enzymes de biosynthèse des

glucides, de l'homéostasie du fer, de la synthèse d'acides aminés et des ribosomes. Un exemple

intéressant est celui de l’opéron nrd, dont la régulation par DnaA a été observée chez E. coli, C.

crescentus et B. subtilis. Ce processus assure la disponibilité en substrats nécessaires pour la

réplication du chromosome.

Chez E. coli, l’opéron nrdAB est impliqué dans la synthèse de la ribonucléotide-diphosphate-

réductase, enzyme qui catalyse l’étape finale de la synthèse des désoxyribonucléotides, la

réduction de ribonucléotides en désoxyribonucléotides. Plusieurs données suggèrent que DnaA

et la protéine FIS régulent d’une façon précise l’opéron nrd. La liaison de ces deux protéines au

promoteur en augmente l’expression, ce qui permet de coordonner le taux de synthèse des

désoxyribonucléotides au taux de polymérisation de l'ADN. La synthèse de l’ARNm nrdAB est

couplée à l’initiation de la réplication. Elle augmente lorsque la synthèse de l'ADN est inhibée.

Une augmentation du niveau de ribonucléotide-diphosphate réductase est observée au cours de

conditions de croissance dans lesquelles le rapport ADN/masse cellulaire diminue.

Chez B. subtilis des sites potentiels de liaison de DnaA ont été repérés dans plus de 20

opérons, représentant un nombre total d’au moins 50 gènes. Le rôle précis de DnaA dans la

régulation de ces opérons et son mécanisme d’action sont inconnus. Chez C. crescentus, DnaA,

en plus de son rôle de coordinateur de l’initiation de la réplication, est un régulateur global de la

transcription. La protéine joue un rôle primordial dans la transcription du régulateur GcrA, qui

agit à son tour en cascade sur CtrA, le régulateur de transcription global du cycle cellulaire

(Chap. 15). Le nombre de gènes contrôlés directement ou indirectement au cours du cycle

cellulaire par CtrA a été estimé à 25 % du génome de C. crescentus, soit 553 gènes, dont 95

directement. Des sites de fixation de DnaA sont présents dans beaucoup de ces gènes, et

l’absence de DnaA conduit à un blocage de l’activité de CtrA.

AUTORÉGULATION DE LA SYNTHÈSE DE DNAA

La transcription du gène dnaA chez E. coli est régulée à partir de deux promoteurs, dnaAP1 et

dnaAP2. La région comprise entre ces deux promoteurs contient plusieurs sites de liaison à la

protéine DnaA. Il a été montré que cette région joue un important rôle d’autorégulation du

niveau d’expression du gène dnaA. On savait depuis longtemps que la transcription de dnaA

était autorégulée négativement ; plus récemment il a été montré que ce gène est aussi autorégulé

positivement. Le niveau d’expression de dnaA en fonction de la température est assez

complexe : une diminution de la température fait perdre l’autorégulation au niveau de dnaAP1,

tandis que les contrôles exercés au niveau de dnaP2, positif et négatif, sont conservés. Cette

régulation pourrait intervenir dans l’adaptation de la bactérie aux variations de température.

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QUESTIONS OUVERTES SUR L’ACTIVITÉ DE DNAA

Un certain nombre de questions restent ouvertes dans la compréhension du/des mécanisme(s)

d’action de la protéine DnaA. L'une d'elles (pour nous limiter aux rôles de la protéine exposés

ici) concerne le processus de régulation, positive ou/et négative, de la transcription de nombreux

gènes. L’analyse des séquences des promoteurs concernés n’a pas fourni d'éléments permettant

d’élaborer un schéma unitaire. Ainsi ces promoteurs diffèrent par le nombre de sites de liaison à

la protéine DnaA (de quelques-uns à plus de 10), la localisation de ces séquences (en amont ou

en aval du promoteur), ainsi que leur orientation par rapport à la direction de la transcription.

Dans quelques cas individuels, il a été proposé un mécanisme d’occlusion du promoteur, la

liaison au promoteur de molécules de DnaA empêchant l’ARN polymérase de reconnaître ce

dernier. Mais aucun modèle ne permet actuellement d'expliquer la totalité des mécanismes

d’action de DnaA dans la régulation de la transcription.

Un certain nombre de travaux basés sur des données de génomique suggèrent que la protéine

DnaA pourrait aussi réguler des gènes impliqués dans la recombinaison, la réparation, la

sécrétion de protéines, ainsi que la production d’antibiotiques. Des données expérimentales

consolidant ces hypothèses seront importantes.

Une autre question importante est liée à l’idée que la protéine DnaA pourrait participer à

l’organisation du nucléoïde et à sa ségrégation. Cette idée naît de la comparaison des activités

de DnaA avec celles des protéines eucaryotes ORC, les homologues fonctionnels des protéines

initiatrices de la réplication des procaryotes. Tout comme DnaA, les protéines ORC lient l’ATP,

et contiennent un motif AAA (Chap. 8). Des études structurales et fonctionnelles indiquent que

la liaison de l’ATP à ces deux familles de protéines induit un changement de conformation qui

les active au moment de l’initiation de la réplication. Chez les eucaryotes des rôles des protéines

ORC additionnels à ceux strictement liés à la réplication ont été découverts. Ces protéines

interviennent en effet dans la régulation de l’expression génique, dans la cytokinèse, mais aussi

dans la ségrégation des chromosomes. Des mutations des protéines ORC chez S. cerevisiae et

Drosophila affectent la ségrégation des chromosomes, indépendamment de l’initiation de la

réplication. Par analogie l’idée que DnaA puisse avoir un rôle dans l’organisation et la

ségrégation du nucléoïde a ainsi été soulevée. Des données expérimentales en faveur de cette

hypothèse manquent pour l’instant.

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Web 8 Fiche 8.2

COORDINATION DE LA SYNTHÈSE DES DEUX BRINS

DE L’ADN : UN PROBLÈME ENCORE ACTUEL

L. PAOLOZZI

Une coordination de la synthèse des deux brins d’ADN a été mise en évidence in vitro en 1998

par C.C. Richardson et collaborateurs. Ces auteurs ont construit une molécule d’ADN circulaire

bicaténaire de 70 pb comprenant l'origine de réplication du bactériophage M13, ouverte sur un

brin, l'extrémité 5’ étant prolongée d'une queue simple-brin. La terminaison 3’ de cette queue

porte un site de reconnaissance (5′-TGGTC-3′) pour la primase. Le mini-cercle « ouvert » ainsi

obtenu a été utilisé comme substrat de synthèse pour la machine de réplication du bactériophage

T7, qui présente l’avantage, pour des études in vitro, de ne nécessiter que quatre protéines (la

polymérase, l’hélicase-primase gp4, les protéines SSB et un facteur de processivité, la

thiorédoxine d’E. coli) (Chap. 8) La protéine gp4 se fixe à l’extrémité 3’-OH de la queue du

mini-cercle, et démarre la synthèse d'une amorce commençant par le tétranucléotide 5'-

pppACCA-3', en présence d’ATP et de CTP. L’extrémité 3’ de l'autre brin du mini-cercle est

utilisée comme site de départ de synthèse pour la polymérase de T7. Ce système a permis de

répliquer le mini-cercle in vitro. Les caractéristiques de la réplication ainsi obtenues sont en

plein accord avec les prévisions du modèle trombone (Chap. 8). La microscopie électronique a

permis de déceler la formation d’une anse sur un des brins d’ADN. Les études cinétiques ont

montré un couplage de la synthèse des brins continu et discontinu. La polymérase fonctionnant

sur le filament discontinu est recyclée d’un fragment d’Okazaki au suivant. La longueur des

fragments d’Okazaki est constante. La protéine SSB de T7 est indispensable à cette régulation.

D’autres études conduites in vivo chez E. coli concernent les effets sur la réplication de

lésions qui bloquent la progression de la fourche. De telles lésions sur le brin retardé, qui

bloquent la synthèse des fragments d’Okazaki, n’affectent pas la progression de la fourche du

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brin continu. À l’opposé, des lésions sur ce dernier bloqueraient le fonctionnement des

réplisomes. Toutefois, d’après d'autres études toujours chez E. coli, suite à un blocage sur le

brin continu, la progression sur le brin retardé pourrait être transitoirement découplée, et la

réplication continuer. Dans ce cas l’activité d’ADN polymérases spécialisées pourrait permettre

de passer outre à certaines lésions.

Bibliographie

Lee J., Chastain P.D. 2nd, Kusakabe T., Griffith J.D., Richardson C.C. 1998. Coordinated

Leading and Lagging Strand DNA Synthesis on a Minicircular Template. Mol. Cell 1(7): 1001-

1010

Park K., Debyser Z., Tabor S., Richardson C.C., Griffith J.D. 1998. Formation of a DNA Loop

at the Replication Fork generated by Bacteriophage T7 Replication Proteins. J. Biol. Chem.

273(9): 5260–5270

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Web 8 Fiche 8.3

COUPLAGE DES POLYMÉRASES AU NIVEAU

D'UNE MÊME FOURCHE DE RÉPLICATION

L. Paolozzi

Le modèle trombone permet un couplage des synthèses sur les deux brins de la molécule

d’ADN. Au cours d'une réplication bidirectionnelle, ce modèle, associé à celui de l'usine,

permettrait un strict couplage des quatre polymérases, et donc une vitesse de synthèse d’ADN

globale similaire sur les quatre brins. Dans un tel système, toutefois, un blocage sur un brin

continu devrait inhiber la réplication sur les trois autres brins. Une alternative à ce couplage

obligé pourrait être celui d’un couplage facultatif des réplisomes, similaire à celui décrit pour

les deux polymérases d’un même réplisome (fig. F8.3-1). Une troisième possibilité pourrait être

une usine à réplisomes indépendants, malgré leur co-localisation, ceux-ci pouvant procéder à

des vitesses de synthèse différentes.

Un ensemble de résultats est en accord avec le modèle d’un mouvement indépendant des

réplisomes des chacune des deux fourches de réplication.

Dans des chromosomes individuels d’E. coli portant un site ter ectopique, la fourche de

réplication est bloquée par l'expression transitoire de la protéine Tus, qui se lie au site ter. Dans

ces conditions, le blocage d’une fourche n’empêche pas le réplisome frère de continuer son

chemin.

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Figure F8.3-1. Modèles de couplages des polymérases. (D’après A.M. Breier, 2005).

Enfin, une expérience ingénieuse de N.R. Cozzarelli et collaborateurs (2005) plaide aussi en

faveur d'une indépendance des réplisomes dans l'usine. L’expérience a consisté à examiner les

réplisomes, chez des bactéries E. coli à réplication synchronisée, au niveau de molécules

d’ADN uniques, en utilisant la méthode du peignage de l’ADN (Encart F8.3-1) combinée à

l’hybridation avec des puces à ADN, pour positionner les deux réplisomes durant la réplication.

Cette technique a permis d'observer, sur 46 molécules d’ADN nouvellement initiées pour la

réplication, que la progression des deux réplisomes sur chaque molécule d'ADN individuelle

était très variable. Dans la plupart des cas l'un des réplisomes était plus éloigné (d’environ 50 à

130 kpb selon les souches considérées) que l'autre de l’origine de réplication. Les deux fourches

de réplication se déplacent en moyenne avec la même vitesse, soit 610 nucléotides par seconde à

30 °C, et terminent leur cycle approximativement ensemble, malgré le biais de progression des

deux réplisomes.

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Encart F8.3-1 - La technique du peignage des molécules d’ADN

Le peignage d'un brin d'ADN (DNA molecular combing) permet une analyse de molécules

individuelles d’ADN étirées. La technique utilise un appareillage automatisé qui plonge

rapidement, et pour une durée fixée, des lamelles de verre traitées avec du silane de vinyle dans

un réservoir contenant la solution d’ADN à étudier. L’ADN se fixe à la lamelle de verre par une

ou deux de ses extrémités. Les lamelles sont ensuite automatiquement retirées du réservoir à une

vitesse constante. Durant cette phase la force de capillarité qui s’exerce sur les molécules

d’ADN est suffisante pour les étirer individuellement, perpendiculairement au ménisque air-eau

de la lamelle ; les filaments se déposent parallèlement l’un par rapport à l’autre. Cette technique,

associée à des marquages de l’ADN avec des fluorochromes, permet d’examiner des molécules

individuelles en microscopie à fluorescence.

Dans le travail cité ci-dessus, cette technique a été associée à celle des puces à ADN. Le

principe de la technologie des puces à ADN (microarrays, Chap. 6) consiste à déposer sur des

lames en verre des sondes à ADN, qui peuvent être des produits de PCR ou des oligonucléotides

longs de 50 à 70 mer. L’ADN des lames est ensuite hybridé avec des cibles fluorescentes

d’ADN génomique. Les signaux émis par l’hybridation sont détectés avec un scanner à

fluorescence.

Bibliographie

Breier A.M., Weier H.U., Cozzarelli N.R. 2005. Independence of Replisomes in Escherichia

coli Chromosomal Replication. Proc. Natl. Acad. Sci USA. 102(11): 3942-7

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Web 8 Fiche 8.4

ARCHITECTURE DU RÉPLISOME :

DU MODÈLE CLASSIQUE AUX DONNÉES RÉCENTES

L. Paolozzi

Selon le modèle classique du réplisome, adopté depuis environ quarante ans, les deux noyaux

catalytiques de Pol III (un pour chaque brin à synthétiser) sont reliés aux 5 sous-unités du

chargeur. Les deux pinces β interagissent avec chacun des deux sous-assemblages du noyau. Le

complexe interagit avec l'hélicase DnaB à travers les sous-unités τ. Ce modèle, quoique devenu

classique pour expliquer le fonctionnement de la réplication chez E. coli, ne fournit pas

d'indications sur l’organisation du réplisome in vivo. En outre certaines études récentes de

reconstruction in vitro l'ont fortement remis en question. Ainsi en 2007 P. McInerney et

collaborateurs ont montré qu’il était possible de reconstituer des réplisomes fonctionnels à

différentes stœchiométries des composants. Ainsi un complexe ’ lié à trois noyaux de

Pol III (et non deux), s’assemble à l’hélicase, la primase et l'anneau Ces réplisomes à trois

noyaux de polymérase sont plus processifs que ceux à deux. Ceux à deux noyaux associés au

complexe ’sont par contre incapables de répliquer un brin retardé présentant des

interruptions.

La structure de la fourche de réplication in vivo (stœchiométrie, présence d’autres facteurs

non exigés dans les tests in vitro et exclus par le modèle classique) a ainsi été remise en

question. Les tests in vitro pourraient ne révéler que les composants liés par des interactions

fortes. La stœchiométrie in vitro pourrait aussi sous-estimer certains composants sensibles à la

protéolyse.

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Une approche prometteuse pourrait permettre d'appréhender l’architecture de la machine de

réplication in vivo. R. Reyes-Lamothe, D. J. Sherratt et M. C. Leake (2010) ont étudié la

structure du réplisome in vivo grâce à des dérivés de leurs composants liés à des fluorochromes,

par examen des cellules en microscopie à fluorescence avec capture et analyse d'images. Le

réplisome actif de cellules d’E. coli contiendrait bien trois molécules de Pol III, associées à trois

molécules de la sous-unité τ. Seulement deux des trois anneaux coulissants restent toujours

associés au noyau du réplisome. La proportion de SSB serait de cinq à onze tétramères par

réplisome.

Bibliographie

McInerney P., Johnson A., Katz F., O'Donnell M. 2007. Characterization of a Triple DNA

Polymerase. Mol. Cell. 27(4): 527-38

Reyes-Lamothe, R., Sherratt D. J., Leake M.C. 2010. Stoichiometry and Architecture of Active

DNA Replication Machinery in Escherichia coli. Science 328(5977): 498-501

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Web 8 Fiche 8.5

LE LOCUS PAR ET LA MIGRATION DES ORIGINES

L. Paolozzi

La ségrégation des chromosomes chez les procaryotes est une question complexe, loin d’être

comprise. Cependant un certain nombre de faits et de concepts établis au cours de cette dernière

décennie est en train de changer radicalement notre perception sur cette importante fonction

biologique. Les faits sans doute les plus importants sont la mise en évidence de la compaction et

l'architecture du nucléoïde et des protéines qui lui sont associées, la notion que les différentes

régions du chromosome ont une disposition précise dans la cellule, qui change de façon

dynamique au cours du cycle cellulaire, ainsi que la découverte de sites de type centromère sur

le nucléoïde. Dans cette fiche, nous aborderons exclusivement le problème de la migration des

origines au cours du cycle cellulaire.

MIGRATION DES ORIGINES ET SÉGRÉGATION CHROMOSOMIQUE

Le mécanisme de la réplication bidirectionnelle à partir d’une origine conduit à disposer les

deux réplichores, au cours de leur réplication, dans chacune des moitiés de la cellule. Les

origines de réplication sœurs ainsi sont situées aux premier et troisième quarts de la cellule mère

en prédivision. Cette translocation des origines est un fait important qui témoigne d’un

mécanisme de ségrégation active du chromosome.

Les bases des modèles de cette ségrégation prennent naissance d’observations faites, dans les

années 1980, sur la ségrégation des plasmides à bas nombre de copies (Web 8 Fiche 8.6),

corroborées par l'étude de mutants présentant des ségrégations anormales de leurs réplicons, et

par des observations en microscopie à fluorescence. Ces notions, appliquées aux chromosomes

des Bactéries, ont permis de mettre en évidence chez de nombreuses espèces une région, proche

de ori, soumise à une translocation active durant le cycle cellulaire. Cette région est rapidement

dupliquée après initiation de la réplication. Les deux copies, qui se comportent comme des

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centromères, ségrègent séparément au cours du cycle cellulaire. L’analyse de la séquence

impliquée a conduit à l’identification d’un locus, par, codant pour un système de partition,

retrouvé dans environ 65 % de tous les génomes bactériens séquencés, mais absents chez

d’autres, comme E. coli. Un orthologhe (SegA) de la protéine bactérienne ParA a été identifié

chez l’Archée Sulfolobus solfataricus. Ces loci par codent pour des orthologues des protéines de

partition des plasmides, et sont la contrepartie bactérienne du système mitotique des eucaryotes,

mais fonctionnent différemment. Ils contiennent deux gènes, parA et parB, et un site

fonctionnant en cis, parS, l'équivalent du centromère. Ce site, souvent présent en plusieurs

copies, est presque toujours situé à proximité de ori. Les gènes par codent, respectivement, pour

une ATPase (ParA) qui se lie non spécifiquement à l'ADN, et une protéine de liaison de l'ADN

(ParB), reconnaissant le site parS. La liaison ParB-parS génère ainsi un grand complexe

centromérique adjacent à ori. ParA agit sur le complexe ParB-parS pour tirer les origines

nouvellement répliquées vers les pôles opposés de la cellule. Ce seraient donc les origines qui

entraîneraient avec elles la masse compacte du chromosome.

MIGRATION DES ORIGINES INDÉPENDANTE DU SYSTÈME PAR

Malgré le fort degré de conservation des loci par, de nombreuses Bactéries en sont dépourvues.

D’autre part chez les espèces qui en sont pourvues, la délétion de ce locus se traduit seulement,

dans beaucoup de cas, par des défauts modestes de ségrégation. D’autres mécanismes de

partition doivent donc être disponibles. Un modèle intéressant, proposé récemment par N.

Kleckner et collaborateurs, postule que les régions ori seraient extrudées vers les pôles suite à

une poussée engendrée par des forces internes aux nucléoïdes. Les origines répliquées

resteraient transitoirement associées au niveau d’un site proche de celui de leur réplication

(appelé snapS) pendant que la réplication du reste chromosome continuerait. Ce compactage de

l’ADN dans un espace limité engendrerait une force interne qui, lorsqu'elle excéderait celle de

cohésion au niveau des snapS, repousserait les chromosomes, extrudant brusquement les

origines vers les pôles opposés. Cependant, B. Di Ventura et collaborateurs (2013) ont montré

que, dans le cas d’E. coli, les forces internes aux chromosomes sont insuffisantes pour porter à

terme la ségrégation, et ont proposé un modèle selon lequel la protéine MinD, qui coordonne la

division (Chap. 5), jouerait le rôle essentiel dans ce processus. Une liaison non-spécifique de

MinD à l’ADN et en même temps à la membrane, pourrait créer une sorte de gradient

dynamique de régions de l’ADN attachées à la membrane. À chaque tour d’oscillation de MinD,

un segment d’ADN serait déplacé vers un pôle. Ce modèle, basé sur de nombreuses données,

pourrait être étendu à d’autres espèces dépourvues du système par.

Bibliographie

Di Ventura B., Knecht B., Andreas H., Godinez W.J., Fritsche M., Rohr K. et al. 2013.

Chromosome Segregation by the Escherichia coli Min System. Mol. Syst. Biol. 9 :686: 1-12

Joshi M.C., Bourniquel A., Fisher J., Ho B.T., Magnan D., Kleckner N., Bates D. 2011.

Escherichia coli Sister Chromosomes Separation includes an Abrupt Global Transition with

Concomitant Release of Late-splitting Intersister Snaps. Proc. Natl. Acad. Sci. USA. 108(7) :

2765-2770

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Web 8 Fiche 8.6

LA SÉGRÉGATION DES PLASMIDES

L. Paolozzi

La ségrégation des plasmides, comme celle des chromosomes, est une fonction importante pour

ces entités. Elle conduit les cellules qui en sont hôtes à hériter de ces éléments génétiques de

façon régulière. Les mécanismes de ségrégation diffèrent selon qu’il s’agit de plasmides à haut

ou bas nombre de copies et, même chez ces derniers, plusieurs mécanismes sont connus.

SÉGRÉGATION DES PLASMIDES À BAS NOMBRE DE COPIES

Nos connaissances sur la ségrégation des plasmides dérivent de l’étude d’un nombre restreint de

ces éléments génétiques, essentiellement présents chez E. coli, qui peuvent être considérés

comme des prototypes. Ces derniers sont représentés principalement par le bactériophage P1

(type I), le plasmide R1 (type II), le plasmide pBToxis (type III), et le plasmide R388.

Les plasmides à bas nombre de copies (1 à 5 environ) ont stabilisé des systèmes qui assurent

leur ségrégation au terme de leur réplication, en relation avec la division de la cellule hôte. Ce

contrôle est assuré, pour la majorité des plasmides étudiés, par un module présent sur leur ADN,

dénommé locus par (partition), responsable de ce processus. L’organisation génétique des loci

par est caractéristique de chaque classe de plasmides ; mais ils comprennent dans tous les cas

trois éléments : une protéine adaptatrice se liant à l'ADN (DNA-binding protein), nommée

différemment selon les plasmides (souvent ParB), une protéine moteur, une ATPase (ParA), et

une séquence centromérique sur l’ADN, parS, reconnue par la protéine adaptatrice pour former

à ce niveau un complexe nucléo-protéique.

La formation de ce complexe et son interaction avec ParA constituent le noyau central du

processus de ségrégation (voir ci-dessous). La région centromérique, liée à l’adaptateur, joue le

rôle de noyau pour la polymérisation de la protéine moteur, laquelle forme un long filament qui

peut conduire le plasmide ailleurs dans la cellule.

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LES MODÈLES DE SÉGRÉGATION

On connaît actuellement trois types principaux de mécanismes de ségrégation. Ceux des types I

et II se distinguent par la dynamique du mouvement du plasmide. Dans le type I, dit du rochet

(diffusion-ratchet mechanism), le plasmide est tiré ailleurs, tandis que dans le système II, dit de

la poussée (pushing model), le plasmide est poussé vers les pôles de la cellule. La protéine ParA

fait partie de la famille des ATPases Par. Cette famille peut être sous-divisée en deux groupes

phylogénétiques distincts : les protéines ParA de type I contiennent un motif conservé leur

permettant de se lier à l’ADN ; les protéines appartenant au type II ressemblent structuralement

à l’actine des eucaryotes. L'un ou l'autre des types I ou II de ces ATPases ParA est présent dans

diverses classes de plasmides. Des ATPases ParA de type I sont aussi codées par certains

chromosomes bactériens. In vitro elles forment des polymères filamenteux en présence d’ATP.

Le système de type III, dit du tirant (pulling model), diffère des deux premiers par le fait qu’il

exploite une tubuline (TubZ). Enfin un cas particulier est constitué par le plasmide R388, pour

lequel aucun système de partition est connu ; ce système, dit du « poisson-pilote » (pilot-fish),

pourrait constituer un quatrième type de ségrégation.

a) Le système de type I

Ce système, dit aussi basé sur la protéine ParA, est très courant. Il est composé d’une protéine à

activité motrice, ParA, d’une protéine adaptatrice (PC, ou ParB) et d’un centromère (parS),

noms qui varient d’un plasmide à l’autre. ParB forme un gros complexe avec le centromère

parS. Un polymère ParA-ATP, en forme de filament, s'associe par une de ses extrémités au

complexe ParB-centromère, tandis que l’autre extrémité est en contact avec le nucléoïde. Le

mécanisme par lequel ParA conduit à la ségrégation des plasmides n’est pas bien connu. Un

double processus pourrait en être la base : l'un comprendrait un mouvement du nucléoïde qui

tirerait avec lui le plasmide, associé au filament de ParA (fig. F8.6-1) ; l’autre pourrait être du

type du système II, ou ParMRC, du plasmide R1 (voir ci-dessous).

b) Le système de type II

Ce système de ségrégation, le mieux connu, est celui de R1, un plasmide d’E. coli porteur de

plusieurs gènes de résistances à des antibiotiques. Il est constitué des deux gènes parM (960 pb)

codant pour une protéine du type actine constituant le moteur de la ségrégation, et parR (355

pb) codant pour une protéine adaptatrice, et d'une séquence centromérique, parC (160 pb),

localisée en amont du gène parM (fig. F8.6-2) Cette séquence est formée de deux séries de cinq

brèves répétitions organisées en tandem, qui flanquent les séquences -35 et -10 du promoteur de

parMR. ParR se lie à parC sur l’ADN surenroulé.

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Figure F8.6-1. Système de ségrégation de type I, dit du tirant. La protéine adaptatrice (PC) est associée d'une

part au centromère du plasmide et d'autre part au polymère ParA-ATP.

Figure F8.6-2. Organisation génétique du locus parMRC du plasmide R1.

parC, centromère ; parR, gène de l'adaptateur lié à parC, et répresseur de la transcription à partir du

promoteur pRM.(D’après J. Salje, 2010).

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ParM s'organise en oligomères, formant un filament qui constitue un centre de nucléation

favorisant son activité ATP-ase (fig. F8.6-3). L’allongement du filament se fait par

polymérisation des monomères ParM à une extrémité des filaments, sous forme liés à l'ATP.

Cette extrémité est coiffée du complexe ParR-parC. C’est la polymérisation de ParM qui

pousserait les copies du plasmide, en sens opposé l’une de l’autre, vers chacun des deux pôles.

Figure F8.6-3. Système de ségrégation de type II, dit de la poussée. Formation du filament de ParM, et son

association au complexe ParR-centromère. L'allongement du filament jouerait le rôle de moteur de poussée.

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c) Le système de type III

Connu chez deux plasmides, pBToxis de B. subtilis et pX01 de B. anthracis, ce système est basé

sur l’activité d’une tubuline du type FtsZ (TubZ81) (fig. F8.6-4). Des dimères de TubR se lient

au centromère du plasmide, et interagissent avec l’extrémité C-terminale du polymère de

TubZ81. La tubuline migre vers un pôle de la cellule, entraînant le complexe, donc le plasmide,

vers ce pôle. Arrivé au pôle, le complexe TubR-plasmide est relâché, et le filament de TubZ81

se dirige vers le pôle opposé. Durant cette migration, il se lie à un autre complexe TubR-

plasmide, qu’il entraîne jusqu'au pôle opposé.

Figure F8.6-4. Le système de ségrégation de type III. (D’après L. Ni et al., 2010).

d) Un nouveau système de ségrégation ? Le cas du plasmide R388

R388 est un plasmide conjugatif d’E. coli à bas nombre de copies et à très large spectre d’hôtes.

Son mécanisme de ségrégation est inconnu ; on sait uniquement qu’il est dépourvu de système

par. Une protéine, StbA, codée par ce plasmide et nécessaire pour sa stabilité intracellulaire,

agirait comme système de partition. L’opéron codant pour StbA présente plusieurs

ressemblances avec le système Par. La protéine StbA se lie à l’ADN au niveau d’une séquence

(stbDRs) agissant en cis, tout comme ParB avec parC ; mais, contrairement aux systèmes qui

utilisent ParA, StbB est non essentielle. Soit qu'elle puisse être remplacée par une autre fonction

encore non identifiée, soit que la ségrégation de ce plasmide n’exige pas de protéine moteur.

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LA MORT PROGRAMMÉE DES CELLULES DÉPOURVUES DE

PLASMIDE

En l'absence d'une pression sélective pour des marqueurs génétiques portés par un plasmide (par

exemple, absence d’antibiotique pour un plasmide codant pour la résistance à ce produit), une

culture de bactéries porteuses de ce plasmide et une culture de cellules qui en sont dépourvues

ne révèlent pas de différences appréciables de leur capacité de croissance. La présence du

plasmide, en absence de pression de sélection, constitue une charge énergétique pour la cellule

hôte, qui devrait se révéler, à long terme, par une croissance plus lente. Or, paradoxalement, les

cellules qui, suite à une ségrégation anormale, se retrouvent dépourvues de plasmides, meurent

ou ont une croissance ralentie. Il s’agit d’une mort programmée par le plasmide. Les plasmides,

même s’ils ne sont pas toujours indispensables à la cellule, sont donc précieusement maintenus

une fois acquis par celle-ci.

On connaît trois classes de systèmes permettant d’éviter la perte d’un plasmide. Le premier,

que nous venons de décrire, contrôle la distribution des plasmides ; un autre implique une

recombinaison aboutissant à une réduction du nombre de formes multimériques des plasmides

présents dans la cellule, lesquelles pourraient conduire à la ségrégation de cellules sans

plasmides. Le dernier est l’addiction, qui élimine de la population bactérienne les cellules sans

plasmides.

a) La résolution des multimères

Au cours de leur réplication les plasmides peuvent former des multimères suite à des

événements de recombinaison homologues entre monomères. Généralement ces multimères sont

réduits, c'est-à-dire dépolymérisés, par un système de recombinaison site-spécifique codé par le

plasmide, permettant ainsi aux monomères du plasmide de ségréger individuellement. Une

cellule qui hérite d’un multimère risque, au moment de sa division, de produire une cellule

portant le multimère et une cellule sans plasmide. En outre, la présence d’un multimère réduit la

probabilité de répliquer des monomères. En effet, les origines de réplication étant choisies au

hasard, un multimère, porteur de plusieurs origines, a une plus forte probabilité de voir une de

ses origines choisie par le complexe de réplication, qu'un monomère qui n'en a qu'une.

b) Les systèmes d’addiction

Ces systèmes, codés par de nombreux plasmides à bas nombre de copies, tuent les cellules qui,

au moment de la division, ne reçoivent pas de copie du plasmide. De tels systèmes ont été

proposés en 1975 par A.H. Kohiyama et T. Yura. Ces systèmes sont connus sous différents

noms (killer system, killing-antikilling, post-segregational killing, toxin-antitoxin, poison-

antidote, plasmid addiction system, ou programmed cell death), qui décrivent de nombreuses

situations dans lesquelles une cellule qui n’hérite pas du plasmide est tuée. Ces systèmes

nécessitent au moins deux gènes, l’un codant pour un agent toxique stable et l’autre pour un

facteur instable qui se comporte comme un antidote. Ce facteur peut être un ARN anti-sens ou

une protéine.

Le système hok/sok du plasmide R1 code pour deux ARN, l'ARNm hok (HOst Killing), et

l'ARN anti-sens sok (Suppression Of Killing). Le peptide Hok est létal pour la cellule, mais

l'expression de hok est inhibée par une régulation post-transcriptionnelle contrôlée par l'ARNm

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sok, qui agit en ARN anti-sens. Ce dernier s'hybride, sur une longueur de 67 nucléotides, avec le

messager de hok, empêchant sa traduction par blocage du site de fixation du ribosome. L'ARNm

sok est très labile, avec une demi-vie d’environ 30 s, tandis que celui de hok est stable (plusieurs

heures).

SÉGRÉGATION DES PLASMIDES À HAUT NOMBRE DE COPIES

L’idée courante pour expliquer la ségrégation des plasmides à haut nombre de copies (>15) est

l’hypothèse d’une répartition homogène, passive, des copies dans la cellule mère, et de leur

distribution stochastique entre les cellules filles au moment de la division. D’après un tel

schéma, la probabilité qu’une cellule puisse ne pas hériter d'au moins une copie devrait suivre

une distribution de Poisson. La probabilité qu’une cellule soit dépourvue de plasmide à sa

naissance dépend donc d'une réduction possible du nombre de copies plasmidiques suite à leur

association en multimères. Ces multimères, si non résolus, contribueraient à réduire le nombre

de copies indépendantes de plasmides, et donc à augmenter la probabilité d'apparition de

cellules dépourvues de plasmide au moment de la division. Une ségrégation efficace passe donc

par la résolution des structures multimériques.

Cette conception d'une ségrégation passive des plasmides à haut nombre de copies commence

à être abandonnée, pour faire place à une hypothèse de partition dépendant du chromosome de

l'hôte, ou contrôlée par lui. En effet, le modèle d’une distribution “au hasard” des copies des

plasmides entre cellules filles se base sur deux critères, sans appui expérimental : (i) celui de la

diffusion homogène des plasmides dans la cellule mère, et de leur ségrégation au hasard au

cours de la division ; (ii) celui de l'absence de désavantage au détriment des cellules ayant perdu

leurs plasmides hors conditions de pression sélective. Ni l’un ni l’autre de ces deux critères ne

semblent être vérifiés ; au contraire, certaines données récemment obtenues témoignent contre

ce modèle de distribution passive. Ainsi chez E. coli les copies du plasmide ColE1, visualisées

par un fluorochrome, sont exclues de la région où se trouve le nucléoïde, et sont localisées de

façon préférentielle au niveau du pôle de la cellule, et au centre, région qui deviendra le futur

pôle d’une des deux cellules filles. Une autre ligne de recherche a montré que les copies du

plasmide pUC19 d'E. coli sont localisées au quart de la cellule au moment de la division.

L'ensemble de ces données est favorable à un processus régulé, mais pour lequel on peut

actuellement seulement proposer des spéculations quant à ses acteurs.

Bibliographie

Kohiyama, A.H. & Yura T. 1975. Plasmid Mutations affecting Self-maintenance and Host

Growth in Escherichia coli. J. Bacteriol. 122 : 80-88

Salje J., Gayathri P., Lowe J. 2010. The ParMRC System : Molecular Mechanisms of Plasmid

Segregation by Actin-like Filaments. Nature Reviews Microbiology 8(10) : 683-692

Ni, L., Xu W., Kumaraswami M, Schumacher MA. 2010. Plasmid Protein TubR uses a distinct

Mode of HTH-DNA Binding and recruits the Prokaryotic Tubulin Homolog TubZ to effect

DNA Partition. Proc. Natl Acad. Sci. USA 107(26) :11763-8