Évolutions rÉcentes du droit À la...
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UNIVERSITÉ DE LILLE II – DROIT ET SANTÉ
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
École doctorale des sciences juridiques, politiques,
économiques et de gestion (ED n° 74)
Marilena BARBALAU
ÉVOLUTIONS RÉCENTES DU DROIT À LA NATIONALITÉ
AU NIVEAU EUROPÉEN
Sous la direction de
Monsieur le Professeur Vincent COUSSIRAT-COUSTÈRE
Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de
DEA Droit international et communautaire
Année universitaire 2002 – 2003Mémoire téléchargé sur :http://edoctorale74.univ-lille2.fr
Je remercie tout particulièrement mon Directeur, le Professeur Vincent
Coussirat-Coustère, pour ses conseils et pour le temps qu’il a bien voulu m’accorder
pour la réalisation de ce mémoire. Mes remerciements les plus profonds vont
également à mes parents et ma famille, qui m'ont constamment encouragée et
soutenue malgré la distance.
Je remercie également mes amis, Elena et Cristian, pour cette année passée
ensemble, pour leur aide et leur soutien.
Merci à Florin pour son aide technique apportée à la réalisation de ce
mémoire.
La faculté n’entend pas donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans le présent mémoire. Ces opinions devront être
considérées comme propres à leur auteur.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I : L’ÉMERGENCE DU DROIT À LA NATIONALITÉ
Titre I : Le droit à la nationalité comme moyen pour lutter contre
l’apatridie
Titre II : L’accès à la polypatridie comme moyen d’intégration
PARTIE II : LE DÉPÉRISSEMENT DES DROITS ATTACHÉS À LA NATIONALITÉ
Titre I : La généralisation du principe de non-discrimination sur
la base de la nationalité au niveau européen
Titre II : Le décrochement des droits attachés à la nationalité et
leur accrochement à la citoyenneté européenne
CONCLUSION
5
TABLE DES ABRÉVIATIONSA Cour européenne des droits de l’homme, arrêts et
décisions, Série A (jusqu’au 31 décembre 1995 ; pour la suite
voir Rec.)
AC Avis consultatif
aff. affaire
aff. jtes affaires jointes
c. contre
Cass. Cour de cassation
CDE Cahiers de droit européen
CDH Comité des droits de l’homme des Nations Unies
CDI Commission du droit international
CE Traité instituant la Communauté européenne
CECA Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de
l’acier
CEDH Convention européenne des droits de l’homme
CEN Convention européenne sur la nationalité
cf. confer
CIADH Cour interaméricaine des droits de l’homme
CIEDR Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale
CIJ Cour internationale de justice
CJCE Cour de justice des Communautés européennes
CMLRev. Common Market Law Review
Com. EDH Commission européenne des droits de l’homme
comm. commentaire numéro
concl. av. gén. conclusions de l’avocat général
Cour EDH Cour européenne des droits de l’homme
CPJI Cour permanente de justice internationale
CPJI série A Arrêts
CPJI série B Avis consultatifs
Déc. Cour européenne des droits de l’homme, décision sur la
recevabilité (depuis le 1er novembre 1998)
Doc. Document
D. et R. Décisions et rapports de la Commission européenne des droits
7
de l’homme (depuis 1975)
DR Commission européenne des droits de l’homme, décision sur la recevabilité
DUDH Déclaration universelle des droits de l’homme
e.a. et autres
Euratom Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique
HCR Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
HRLJ Human Rights Law Journal
Ibid. précité à la note précédente
JCP Jurisclasseur périodique (Semaine juridique), édition générale
JO Journal officiel (des Communautés européennes)
LGDJ Librairie Générale de Jurisprudence
n° numéro
ONU Organisation des Nations Unies
Op. cit. précédemment cité
Ord. Ordonnance
p. page
pp. de la page … à la page …
PUF Presses Universitaires de France
RAE Revue des affaires européennes
RDP Revue du droit public et de la science politique
RCADI Recueil des Cours de l’Académie de Droit International de La Haye
Rec. Recueil des arrêts de la Cour de justice des Communautés
européennes et Tribunal de première instance ; aussi Recueil des arrêts
et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (depuis le
1er janvier 1996) ou de la Cour internationale de justice
req. requête
Rés. Résolution
RFDC Revue française de droit constitutionnel
RMCUE Revue du Marché commun et de l’Union européenne
RMUE Revue du Marché unique et de l’Union européenne (devenue Revue
du droit de l’Union européenne)
RTDE Revue trimestrielle de Droit européen
s. suivant(s)
STCE Série des traités du Conseil de l'Europe
t. tome
TPI Tribunal de première instance (des Communautés européennes)
TUE Traité sur l’Union européenne
vol. volume
INTRODUCTION
1 La nationalité une institution juridique en évolution permanente. Il convient de
rappeler une intéressante citation extraite d’un projet de convention sur la nationalité de 1929
de l’Université de Harvard. Selon les auteurs de ce projet, la nationalité n’a pas de sens précis,
immuable, elle peut acquérir un nouveau sens dans l’avenir en raison des changements futurs
dans le caractère de la société humaine et des développements dans les relations
internationales1. Cette analyse s’est révélée exacte pour l’essentiel. C’est cette idée qui se
reflète dans ce mémoire qui traite des évolutions récentes du droit à la nationalité au niveau
européen. Les évolutions récentes concernent la citoyenneté européenne, notion dont la
définition a fait l’objet de débats dans le cadre des travaux menés par la Convention sur
l’Avenir de l’Europe sur le projet de Constitution européenne, aussi bien que le droit
international de la nationalité, où il faut prendre en compte les travaux déployés récemment en
matière de codification dans le domaine de la nationalité. Il s’agit, plus particulièrement, de la
Convention européenne sur la nationalité2 et des articles sur la nationalité des personnes
physiques en relation avec la succession d’États présentés par la Commission du droit
international, organe de l’O.N.U. chargé de la codification du droit international et de son
développement progressif, et annexés à la résolution 55/1533.
2 Précisions terminologiques. En adoptant la Convention européenne sur la
nationalité (ci-après la « CEN »), les États membres du Conseil de l’Europe sont convenus du
terme de « nationalité » pour décrire l’objet de la Convention, à savoir “ le lien juridique entre
une personne et un État ”4. La Convention précise que la nationalité “n'indique pas l'origine
ethnique de la personne”5. Dans ce sens, les rédacteurs de la Convention indique que “…les
termes « nationalité » et « citoyenneté » sont synonymes”6. Ce faisant, ils ont respecté la
1 “ Nationality has no positive, immutable meaning … It may acquire a new meaning in the future asa result of further changes in the character of human society and developments in internationalorganisation. Nationality always connotes, however, membership of some kind in the society of astate or nation. ” (Harvard Draft on Nationality), in “ Nationality, Responsability of States,Territorial Waters – Draft of Conventions ”, American Journal of International Law, vol. 23, 1929,Special supplement (April 1, 1929), p. 21, tel que cité à la p. 47 de M. Verwilghen, “ Conflits denationalités – Plurinationalité et apatridie ”, RCADI 1999, t. 277, The Hague, Martinus Nijhoff,2000, 484 p.2 Convention européenne sur la nationalité, Conseil de l’Europe, STCE 166, ouverture à la signaturele 6 novembre 1997, entrée en vigueur le 1er mars 2000,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/166.htm3 Résolution A/Res/55/153 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la nationalité despersonnes physiques en relation avec la succession d’Etats, adoptée sans vote le 12 décembre 2000,http://www.un.org/Depts/dhl/dhlf/resdeclf/res55_2f.htm4 Article 2 de la CEN. 5 Ibid.6 Paragraphe 23 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité,
11
terminologie adoptée dans l’ensemble des instruments du Conseil de l’Europe dans ce domaine.
Dans de nombreuses juridictions et langues du Conseil de l’Europe, le terme de « nationalité » ne
désigne pas ce lien juridique, mais l’ethnicité ou, parfois, la communauté culturelle ou religieuse
d’origine d’une personne. Le mot employé pour désigner le lien juridique est « citoyenneté ». Dans
certaines juridictions, les deux termes sont interchangeables. Ceci dit, dans de nombreuses
juridictions et langues du Conseil de l’Europe, le terme de « citoyenneté » englobe non seulement la
notion de lien juridique mais aussi l’appartenance à une communauté politique au sens le plus large
du terme, ainsi que les droits et obligations qui découlent de ce statut7. Dans le cadre de ce mémoire,
on se réfère au sens juridique donné au terme de « nationalité » à l’article 2 de la CEN.
3 Les limitations du droit international à la compétence des États en matière de
nationalité. Bien que la nationalité soit essentiellement régie par la législation nationale, la
compétence des Etats dans ce domaine ne peut s’exercer que dans les limites fixées par le droit
international8. Ainsi, dans l’avis consultatif rendu en l’affaire des Décrets de nationalité
promulgués en Tunisie et au Maroc9, la Cour permanente de Justice internationale soulignait déjà
que le point de savoir si une certaine matière relevait ou non de la compétence exclusive d’un Etat
était une question essentiellement relative et dépendait du développement des rapports
internationaux, ajoutant que même dans une matière qui n’était pas, en principe, réglée par le droit
international, la liberté de l’Etat de disposer à son gré pouvait être restreinte par les engagements
qu’il aurait pris envers d’autres Etats, de sorte que sa compétence se trouvait limitée par des règles
de droit international. Ce thème a été incorporé à la Convention de La Haye de 1930 concernant
certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité adoptée par la Société des
Nations. Constituant la première tentative internationale visant à garantir à tout personne une
nationalité, la Convention de La Haye a repris ce thème en allant plus loin. Son article premier
dispose que, s’il appartient à chaque Etat de déterminer par sa législation quels sont ses nationaux,
cette législation “ doit être admise par les autres Etats, pourvu qu'elle soit en accord avec les
conventions internationales, la coutume internationale et les principes de droit généralement
http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/166.htm7 N. Mole, L. Fransman, “Nationalité multiple et la Convention européenne des droits de l’homme“, in CoEDoc. CONF/NAT (2001) PRO, 2ème Conférence européenne sur la nationalité “Défis au droit nationalet international sur la nationalité à l’aube du nouveau millénaire“, pp. 133-152, plusparticulièrement, p. 135, http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf8 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 51e session, 3 mai – 23 juillet 1999,A/54/10, chapitre IV, paragraphe 3 du commentaire du préambule,http://www.un.org/law/ilc/reports/1999/english/99repfra.htm9 CPJI 7 février 1923, Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, série B, n° 4, 1923,p. 24.
reconnus en matière de nationalité ”. L’article 3 de la Convention européenne de 1997 sur la
nationalité reprend ce principe selon lequel l’exercice par l’Etat de son droit à déterminer ses
ressortissants doit être conforme aux dispositions pertinentes du droit international10. De
même, le deuxième alinéa du préambule des articles sur la nationalité des personnes
physiques en relation avec la succession d’Etats annexés à la résolution 55/15311 exprime cette
idée.
4 Principales directions de l’évolution du droit à la nationalité au niveau
européen. La première évolution marquante, au niveau du droit international de la nationalité,
est la tendance actuelle vers la reconnaissance du droit à la nationalité en tant que droit de
l’homme12. Il convient de rechercher, à partir du droit positif, les éléments qui pourraient
confirmer l’émergence d’un droit à la nationalité en tant que droit de l’homme. La Convention
de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie13 et la Convention européenne de 1997 sur la
nationalité14 fournissent un cadre juridique pour la prévention de l’apatridie grâce, pour
l’essentiel, à la reconnaissance du droit à la nationalité. Le droit à la nationalité doit être fondé
sur un lien véritable et effectif entre l’individu et l’Etat15. La Convention de 1997 établit
fermement la résidence légale et habituelle comme un moyen légitime d’accorder la
nationalité en général et, par conséquent, d’aller au-delà du jus soli et du ius sanguinis pour
déterminer le lien qu’un individu a avec un Etat et qui justifierait l’octroi de la nationalité.
Des travaux déployés récemment en matière de codification dans le domaine de la nationalité
ont essayé d’assurer, en premier lieu, la protection des droits fondamentaux des personnes
affectées par les changements territoriaux. D’après ces instruments, il est inadmissible que les
ressortissants de l’Etat prédécesseur deviennent apatrides par suite d’une succession d’Etats.
10 Article 3 « Compétence de l'Etat » de la CEN“ 1. Il appartient à chaque Etat de déterminer par sa législation quels sont ses ressortissants. 2. Cette législation doit être admise par les autres Etats, pourvu qu'elle soit en accord avec lesconventions internationales applicables, le droit international coutumier et les principes de droitgénéralement reconnus en matière de nationalité. ” 11 Supra, note 3.12 J.M.M. Chan, “The Right to a Nationality as a Human Right : the Current Trend TowardsRecognition”, Human Rights Law Journal, 1991, Vol. 12, n° 1-2, pp. 1-14.13 Convention sur la réduction des cas d’apatridie (ONU), 30 août 1961, entrée en vigueur le 13décembre 1975,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_reduce_fr.htm14 Supra, note 2.15 C. A. Batchelor, “Progrès en droit international : la réduction des cas d’apatridie grâce àl’application positive du droit à une nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re
Conférence européenne sur la nationalité “Tendances et développement en droit interne etinternational sur la nationalité” (Strasbourg, 18-19 octobre 1999) Actes, pp. 51-66,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf
13
Le droit d’acquérir une nationalité est assez bien précisé en ce qui concerne les enfants. La
Convention européenne sur la nationalité énonce des règles détaillées concernant la nationalité des
enfants. Elle s’inspire de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie mais accorde
des garanties supplémentaires.
La deuxième évolution concerne l’attitude des Etats européens à l’égard du phénomène de
pluralité de nationalités. Depuis les années 60, les Etats européens estimaient nécessaire de réduire
autant que possible le cumul de nationalités en adoptant une Convention à cette fin16. L’évolution
est, en fait, allée dans la direction opposée, notamment vers une augmentation du nombre des
situations où la perte automatique de la nationalité prévue par la Convention ne fonctionnerait pas.
Tel a été l’effet du Deuxième Protocole portant modification de la Convention en 199317. Ce
changement d’attitude s’explique par une perception nouvelle du phénomène d’immigration
permanente, qui tient compte du rôle de la nationalité dans le processus d’intégration des migrants
dans l’Etat d’accueil. L’exigence de la perte de la nationalité possédée antérieurement comme
condition de l’acquisition de la nationalité de l’Etat de résidence permanente est apparue comme un
obstacle à la pleine intégration, à cause de la difficulté éprouvée par les personnes concernées à
couper définitivement tous leurs liens avec l’Etat d’origine, même lorsqu’ils étaient, comme dans le
cas des immigrants de deuxième génération, réduits simplement à un lien juridique formel exprimé
par la nationalité qui, toutefois, leur permettait de ne pas être des étrangers dans leur pays
d’origine18. En outre, l’approche positive du phénomène de la pluralité de nationalités a été
légitimée à la fois par la Convention européenne sur la nationalité et en tant que développement
consécutif du droit communautaire. Depuis la signature du Traité de Maastricht sur l’Union
européenne, “…toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre” est citoyen de l’Union19.
Selon la Cour de justice des Communautés européennes, les Etats membres doivent exercer leur
compétence en matière de nationalité dans le respect du droit communautaire20.
La troisième évolution importante est illustrée par la généralisation du principe de non-
discrimination sur la base de la nationalité au niveau européen. Cette évolution détermine le
16 Convention sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligations militaires en cas depluralité de nationalités, Conseil de l’Europe, STCE 043, ouverture à la signature le 6 mai 1963, entrée envigueur le 28 mars 1968,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/treaties/html/043.htm17 Deuxième Protocole portant modification à la Convention sur la réduction des cas de pluralité denationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités, Conseil de l’Europe, STCE149, ouverture à la signature le 2 février 1993, entrée en vigueur le 24 mars 1995, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/149.htm 18 G. Kojanec, “Pluralité de nationalités”, in CONF/NAT (99) PRO 1, 1re Conférence européenne sur lanationalité “Tendances et développement en droit interne et international sur la nationalité” (Strasbourg,18-19 octobre 1999), pp. 37-50, plus particulièrement p. 41,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf19 Article 17 [ex 8], paragraphe 1, CE.20 CJCE 7 juillet 1992, Micheletti, aff. C-369/90, Rec.I-1992, p. 367.
dépérissement des droits traditionnellement attachés à la nationalité dans la mesure où la
nationalité confère de moins en moins de droits grâce aux évolutions du droit relatif aux droits
de l’homme et du droit communautaire. En effet, toute distinction liée à l’absence d’une
nationalité particulière pourrait passer pour une violation des droits de l’homme. La Cour
européenne des Droits de l’Homme considère que les droits aux prestations sociales non-
contributives sont des droits patrimoniaux au sens de l’article premier du Protocole n°1 et que,
par conséquent, l’égalité de traitement en matière de droits sociaux est garantie par la
CEDH21. Au sein de l’Union européenne, les avantages susceptibles d’être réservés par un
Etat à ses propres ressortissants sont aujourd’hui réduits à un strict minimum, au point que ces
Etats membres ont déjà accoutumé de devoir les accorder à d’autres citoyens européens. Le
Règlement 1612/6822 et ses instruments parallèles ne prévoient de réserver aux propres
ressortissants que l’exercice d’une fonction de droit public. Depuis, la Cour de justice veille
rigoureusement à l’application très stricte de cette exception23. En outre, la Règlement n°
859/200324 du Conseil étend les dispositions du Règlement n° 1408/71 aux ressortissants des
pays tiers qui ne sont déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur
nationalité.
La dernière évolution, constatée au niveau de l’Union européenne, réside en le
décrochement de certains droits attachés à la nationalité et leur accrochement à la citoyenneté
européenne. Il en résulte que les droits traditionnellement attachés à la nationalité dépérissent
parce que la citoyenneté européenne confère de plus en plus de droits aux citoyens de l’Union
indépendamment de leur nationalité. Parmi les droits décrochés de la nationalité et attachés à
la citoyenneté européenne, que les on appelle des « droits spécifiques » aux citoyens
européens se retrouvent le droit d’entrer sur le territoire d’un Etat membre, le droit de vote et
d’éligibilité aux élections européennes et municipales, le droit à la protection diplomatique et
consulaire. L’émergence de la notion de citoyenneté européenne a été relayée par la Cour de
justice, notamment dans un arrêt rendu en 2001 proclamant que “…le statut de citoyen de
l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des Etats membres ”25. Bien
21 Cour EDH, Gaygusuz c. Autriche, 16 septembre 1996, n° 39/1995/545/631, Rec. 1996-IV, p. 1129.22 Règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation destravailleurs à l’intérieur de la Communauté, JO L 257, p. 2.23 CJCE 12 février 1974, Giovanni Maria Sotgiu c. Deutsche Bundespost, aff. 152/73, Rec. 1974 p.0153.24 Règlement n° 859/2003 du Conseil du 14 mai 2003 visant à étendre les dispositions du règlement(CEE) n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pasdéjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité, JO L 124 du 20/05/2003,pp. 0001 – 0003. 25 CJCE 20 septembre 2001, Rudy Grzelczyk et Centre public d’aide sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, aff. C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31.
que le droit de séjour soit encore limité par des conditions notamment d’ordre financier, la Cour de
justice a affirmé que ces conditions doivent s’interpréter d’une manière qui implique une certaine
solidarité financière entre les citoyens de l’Union26. On peut donc remarquer le développement du
volet social de la citoyenneté européenne qui est très important pour la notion de citoyenneté. En
outre, lors des travaux de la Convention sur l’Avenir de l’Europe, certains conventionnels ont plaidé
pour le découplage entre la nationalité et l’accès à la citoyenneté européenne, en asseyant cette
dernière, au-delà de celle liée à la nationalité, sur la notion de résidence sur le territoire
communautaire27. Malheureusement, la proposition n’a pas été retenue dans le projet de
Constitution européenne28.
5 Plan. D'un côté, le droit international s’oppose à la création des cas d’apatridie. En outre,
ce qui est peut-être plus intéressant en tant qu’ensemble normatif en évolution, il y a certains cas
dans lesquels le droit international prévoit le droit à une certaine nationalité29. En allant plus loin, si
la nationalité constitue un élément de l’état civil de la personne et concourt en tant que droit objectif
à établir son identité, il convient de rechercher, à partir du droit positif, les éléments qui, en
découlant du sentiment d’identité, pourrait constituer une source personnelle d’un droit à une
nationalité et permettrait de reconnaître dans le droit à la nationalité un droit subjectif30.
D'un autre côté, les nationaux bénéficient en général exclusivement de certains droits en
vertu du lien juridique spécial qui existent entre l’Etat et ses propres ressortissants. Toutefois, au
niveau européen, les évolutions des droits traditionnellement attachés à la nationalité tendent à
remettre en cause cette relation classique. Cette tendance se doit tant à la coopération des Etats dans
le cadre du Conseil de l’Europe, ainsi qu’au processus d’intégration supranationale au niveau de
l’Union européenne. L’exclusion des ressortissants d’autres Etats du bénéfice de certains droits est
26 Ibid., point 44.27 Contribution présentée par Mme Pervenche Berès, membre suppléant de la Convention : “ Quellecitoyenneté pour l’Union ? ”, 25 février 2003, CONV 576/03, CONTRIB 255,http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/03/cv00/cv00576fr03.pdfCf. également Suggestion for amendment by Pervenche Berès, Olivier Duhamel, Jacques Floch, ElenaPaciotti et Anne Van Lancker, membres, http://european-convention.eu.int/Docs/Treaty/pdf/7/Art7Beres.pdf28 Projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe, remis au président du Conseil européen àRome le 18 juillet 2003, JO C 169 du 18/07/2003, pp. 0001 – 0105.29 C. A. Batchelor, “Progrès en droit international : la réduction des cas d’apatridie grâce à l’applicationpositive du droit à une nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re Conférence européenne sur lanationalité “Tendances et développement en droit interne et international sur la nationalité” (Strasbourg,18-19 octobre 1999) Actes, pp. 51-66, plus particulièrement p. 55,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf30 T. Cassuto, “Identité et nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT ( 2001) PRO, 2ème Conférence européennesur la nationalité “Défis au droit national et international sur la nationalité à l’aube du nouveaumillénaire“, pp. 43-66, plus particulièrement p. 56,http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf
considérée de manière générale contraire au principe de non-discrimination sur la base de la
nationalité. En plus, le décrochement de certains droits attachés à la nationalité et leur
accrochement à la citoyenneté européenne fait de cette citoyenneté une institution qui prend le
relais de la nationalité des Etats membres.
Dans une première partie, il convient de rechercher, à partir du droit positif, les indices
de l’émergence du droit à la nationalité en tant que droit inhérent à tout être humain (Partie I),
et, dans une deuxième partie, d’analyser le dépérissement au niveau européen des droits
traditionnellement attachés à la nationalité grâce aux évolutions du droit relatif aux droits de
l’homme et du droit communautaire (Partie II).
PARTIE I : L’ÉMERGENCE DU DROIT À LA NATIONALITÉ
6 Plan. Le droit à une nationalité est le principal droit de l’homme en matière de
nationalité. Sans nationalité, nul ne peut jouir ni des droits fondamentaux liés au fait de
posséder la nationalité de l’Etat de résidence, ni de la protection que tout Etat accorde à ses
ressortissants vivant à l’étranger. Il est possible de définir la situation des apatrides en disant
qu’ils ne peuvent résider nulle part et ne retourner nulle part. L’élimination de l’apatridie est
donc ce qui préoccupe le plus la communauté internationale dans le domaine de la
nationalité31 (Titre I). En allant plus loin, les Etats européens s’engagent à garantir le droit à la
polypatridie afin de faciliter l’intégration des migrants dans l’Etat d’accueil, sans que ceux-ci
doivent couper tous les liens avec leur Etat d’origine (Titre II).
31 R. Schärer, “L’apatridie en relation avec la succession d’Etats : la nécessité d’un instrumentadditionnel à la convention européenne sur la nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re
Conférence européenne sur la nationalité “Tendances et développement en droit interne etinternational sur la nationalité” (Strasbourg, 18-19 octobre 1999) Actes, pp. 179-195, plusparticulièrement p. 182,http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf
TITRE I : LE DROIT À LA NATIONALITÉ COMME MOYEN POUR
LUTTER CONTRE L’APATRIDIE
7 Plan. L’obligation des Etats de prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir
l’apatridie est le corollaire du droit de chaque personne à une nationalité. Comme l’ont déclaré les
experts du Conseil de l’Europe, “ les Etats ont l’obligation internationale d’éviter l’apatridie ”32.
C’est pour cette raison que les Etats européens se sont engagés à éviter les situations d’apatridie par
la reconnaissance d’un droit à la nationalité à tout individu qui autrement serait apatride (Chapitre
I). L’apatridie présente une importance particulière dans les cas de succession d’Etats. La succession
d’Etats risque fort de créer des cas d’apatridie très nombreux, notamment lorsque l’Etat
prédécesseur disparaît et qu’aucun Etat successeur n’est disposé à accorder sa nationalité aux ex-
ressortissants de l’Etat disparu. Dès lors, le droit d’acquérir une nationalité a été mieux précisé en
cas de succession d’Etats. Enfin, on verra que le droit de l’enfant à une nationalité a été consacré
dans plusieurs instruments internationaux afin d’éviter les situations d’apatridie à la naissance
(Chapitre II).
Chapitre I : Le droit à une certaine nationalité dans la prévention de
l’apatridie
32 “Rapport des experts du Conseil de l’Europe sur les lois de la République tchèque et de la Slovaquierelatives à la citoyenneté et leur mise en œuvre”, Conseil de l’Europe (Strasbourg, 2 avril 1996), doc.DIR/JUR (96) 4, paragraphe 54, tel que cité au paragraphe 1 du commentaire de l’article 3, p. 21 del’Annuaire de la Commission du droit international, 1997, Vol. II deuxième partie, Rapport de laCommission à l’Assemblée générale sur les travaux de sa quarante-neuvième session,A/CN.4/SER.A/1997/Add.1 (Part 2), Nations Unies, New York et Genève, 1999.
8 Plan. Il est admis que, de toutes façons, quelque soient les fondements du droit de la
nationalité, l’Etat est seul compétent pour déterminer ses nationaux. Pourtant, il semble que la
compétence exclusive des Etats connaisse certaines limites. Dans ce sens, certaines
conventions internationales rappellent qu’avoir une nationalité est un droit dont doivent
pouvoir jouir tous les individus (Section I). Les Etats doivent agir en conséquence pour éviter
dans la mesure du possible les cas d’apatridie (Section II).
Section I : Le droit à la nationalité en tant que droit de l’homme
9 L’importance de la nationalité en droit interne et international. La nationalité ou
citoyenneté a été décrite comme étant un droit fondamental de l’homme, comme, en fait le
droit d’avoir des droits. La nationalité n’est pas seulement un droit en soi, c’est un préalable
nécessaire à l’exercice d’autres droits. La nationalité fournit le lien juridique entre un individu
et un Etat qui sert de fondement à certains droits tant pour l’individu que pour l’Etat, y
compris le droit de l’Etat à accorder sa protection diplomatique. La nationalité d’un Etat est
un lien fondamental entre l’individu et le droit international. En outre, elle est représentative
de l’identité, susceptible de bénéficier de la protection diplomatique, pour l’individu et pour
les Etats vis-à-vis des individus. Bien que l’octroi de droits généralement liés à la citoyenneté,
tels que le droit de vote, le droit au travail ou le droit de propriété, puisse être un moyen de
normaliser le statut des non citoyens sur le territoire d’un Etat, en droit international rien ne
saurait remplacer la citoyenneté elle-même33.
10 Le fléau de l’apatridie. Le plus grand nombre de cas d’apatridie a été créé par les
dénationalisations collectives pour motifs d’ordre politique, racial ou religieux mais aussi par
l’impossibilité d’acquérir un jour la nationalité de l’Etat auquel l’individu est le plus
33 C. A. Batchelor, “Progrès en droit international : la réduction des cas d’apatridie grâce àl’application positive du droit à une nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re
Conférence européenne sur la nationalité “Tendances et développement en droit interne etinternational sur la nationalité” (Strasbourg, 18-19 octobre 1999) Actes, pp. 51-66, plusparticulièrement p. 54,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf
21
étroitement lié dans sa vie quotidienne34. L’apatridie est un problème humain. L’absence de statut
reconnu par la loi peut avoir une incidence négative sur de nombreux éléments importants de la vie,
y compris le droit de vote, le droit de propriété, le droit d’accéder aux soins de santé, le droit
d’envoyer ses enfants à l’école, le droit de travailler et le droit de quitter son pays de résidence et
d’y retourner. De nombreuses complications surgissent pour ceux qui n’ont pas de nationalité ou
dont la nationalité n’est pas claire, y compris des problèmes tels que la détention de durée
indéterminée dans un Etat étranger lorsque cet Etat ne peut pas déterminer la nationalité de
l’individu afin de l’expulser et que la mise en liberté de cette personne sur le territoire de l’Etat en
question n’est pas autorisée. A cet égard, il est important de consacrer une analyse au problème non
seulement des aspects, règles et développements juridiques, mais aussi aux questions et réalités
humaines qu’ils sont censés régler35.
11 Le droit à la nationalité comme un droit individuel. L’article 15 de la Déclaration
universelle des droits de l´homme (ci-après la « DUDH »)36 constitue la seule et unique
déclaration universelle du droit individuel général à une nationalité. Selon lui, ce droit se compose
de trois éléments : a) le doit à une nationalité ; b) l’interdiction de toute privation arbitraire d’une
personne de sa nationalité ; c) le droit de changer de nationalité 37. Comme le révèle le processus de
rédaction de la DUDH, les deux derniers éléments de l’article 15 ont été proposés les premiers, le
droit à une nationalité y a été ajouté ensuite pour tenir compte principalement du problème de
l’apatridie. Partant de là, on a estimé que chacun des éléments de l’article 15 constitue un droit
principal. Ainsi, comme il a été souligné, peu importe que le droit à une nationalité soit considéré
comme ne pouvant strictement s’appliquer qu’à des personnes apatrides ou encore que ce droit
passe pour le fondement même de l’applicabilité des deux autres garanties, toujours est-il que la
question essentielle est de savoir qui a droit à une nationalité, les Etats ayant en corollaire des
obligations à cet égard38.
34 Ibid., plus particulièrement p. 64.35 Ibid., plus particulièrement p. 53.36 L’article 15 de la DUDH : “ 1. Tout individu a droit à une nationalité. 2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité. ”37 I. Ziemele et G. G. Schram, “ Article 15 “, in G. Alfredsson et A. Eide, “ The Universal Declaration of Humain Rights “, Kluwer Law International, 1999, pp. 297-323.38 I. Ziemele, “Aspects généraux de la nationalité et des droits de l’homme en relation avec la successiond’Etats“, in CoE Doc CONF/NAT (2001) PRO, 2ème Conférence européenne sur la nationalité “Défis audroit national et international sur la nationalité à l’aube du nouveau millénaire“, (Strasbourg, 8 - 9 octobre2001), Actes, pp. 153-178, plus particulièrement p. 159,http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf
a) Le doit à une nationalité (article 15 de la DUDH). Faire de ce droit une règle
positive de droit international a soulevé bon nombre d’objections. Le caractère non obligatoire
de la DUDH pose déjà un problème en tant que tel. On s’accorde dans une certaine mesure à
penser que plusieurs des droits énoncés dans la DUDH sont peut-être devenus des règles du
droit international coutumier, mais il semblerait que l’article 15 n’appartient pas à cette
catégorie. Premièrement, il ne précise pas la nationalité à laquelle une personne a droit, celui-
ci n’ayant pas ainsi pour corollaire une obligation de l’Etat. La doctrine a fait valoir que
l’article 15 devrait être considéré au moins comme un principe moral qui comporterait en cas
de changement territorial le droit d’acquérir une nationalité, sans plaider en faveur de
l’obligation d’attribuer une nationalité39. Deuxièmement, les instruments internationaux
relatifs aux droits de l’homme qui ont été adoptés par la suite, tels le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (ci-après le « Pacte »), la Convention sur la réduction des cas
d’apatridie des Nations Unies et la Convention européenne des Droits de l’Homme, ne
prévoient pas de droit général à une nationalité. En troisième lieu, une opinio juris générale
concernant l’article 15 de la DUDH fait défaut, comme le montre le fait que ce droit est limité
aux enfants dans le Pacte40. S’il s’agit bien d’un droit, il est pour le moins imparfait. Dans les
activités déployées récemment en matière de codification dans le domaine de la nationalité,
par exemple dans le cadre de la Convention européenne sur la nationalité (ci-après la
« CEN »)41 et de la Déclaration relative aux incidences de la succession d’Etats en matière de
nationalité des personnes physiques (ci-après la « Déclaration de Venise »)42, l’article 15 de la
DUDH est considéré comme l’incarnation du principe général dont s’inspire la rédaction de
règles pertinentes. L’article 4 de la CEN présente comme principes fondamentaux le droit à une
nationalité pour tous43, la prévention de l’apatridie, l’interdiction de la privation arbitraire de la
nationalité et la préservation de la nationalité pendant le mariage ou lors de la dissolution du mariage.
Dans leur Rapport explicatif, les rédacteurs expliquent que : “ Le principe du droit à une
nationalité est inscrit dans la Convention parce qu'il sert d'inspiration aux dispositions de
39 Ibid., plus particulièrement pp. 159-160.40 Article 24, paragraphe 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/a_ccpr_fr.htm41 Supra, note 2. 42 Déclaration relative aux incidences de la succession d’Etats en matière de nationalité despersonnes physiques, adoptée par la Commission européenne pour la démocratie par le droit lors de sa28ème réunion plénière tenue à Venise, les 13 et 14 septembre 1996, in “Incidences de la successiond’Etat sur la nationalité, Rapport de la Commission de Venise“, Collection Science et technique de ladémocratie, n°23, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1998, p. 5.43 Article 4 « Principes », alinéa a de la CEN“Les règles sur la nationalité de chaque Etat Partie doivent être fondées sur les principes suivants: a. chaque individu a droit à une nationalité […]”.
fond qui le suivent dans la Convention, notamment celles qui concernent la nécessité d'éviter
l'apatridie ” 44.
b) L’interdiction de toute privation arbitraire de la nationalité (article 15 de la DUDH).
Ce droit traite d’une obligation faite aux Etats par le droit international coutumier. Par interdiction
de toute privation arbitraire de la nationalité, il faut entendre celle aussi bien des lois arbitraires que
des mesures et décisions arbitraires prises par les autorités. Cela suppose aussi l’obligation de
ménager des recours effectifs contre de telles lois et décisions. L’article 8, paragraphe 4 de la
Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie contient des garanties procédurales
destinées à protéger contre la privation arbitraire de nationalité, le principe fondamental étant
énoncé à l’article 8, paragraphe 1, à savoir qu’une personne ne peut être privée de sa nationalité si
cette privation risque de la rendre apatride. L’article 9 interdit la privation de nationalité de toute
personne ou de toute groupe de personnes pour des motifs fondés sur la race, l’origine ethnique ou
les convictions religieuses ou politiques45.
c) Le droit de changer de nationalité (article 15 de la DUDH). De même, ce droit est
considéré comme faisant partie du droit international coutumier. Les Etats ne peuvent empêcher
leurs ressortissants de changer de nationalité. Ils sont tenus de respecter leur volonté à condition que
les ressortissants ne deviennent pas apatrides46.
12 Cadre juridique pour la prévention de l’apatridie. La Convention de 1961 sur la
réduction des cas d’apatridie47 a été élaborée par la Commission du droit international des Nations
Unies pour s’efforcer de résoudre le problème de l’apatridie et de fournir un point de référence
international pour la résolution des litiges. La Convention européenne de 1997 sur la nationalité
énonce comme principe fondamental et toile de fond de tous les articles le souci d’éviter et de
réduire l’apatridie48. Il n’est pas possible de formuler des réserves concernant le chapitre II de la
44 Paragraphe 32 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité. 45 Article 9 de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie“ Les Etats contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu ou groupe d'individus pour desraisons d'ordre racial, ethnique, religieux ou politique. ”46 Article 8 « Perte de la nationalité à l'initiative de l'individu », paragraphe 1 de la CEN“ 1. Chaque Etat Partie doit permettre la renonciation à sa nationalité, à condition que les personnesconcernées ne deviennent pas apatrides. ”47 Convention sur la réduction des cas d’apatridie (ONU), 30 août 1961, entrée en vigueur le 13 décembre1975,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_reduce_fr.htm48 Convention européenne sur la nationalité, Conseil de l’Europe, STCE 166, ouverture à la signature le 6novembre 1997, entrée en vigueur le 1er mars 2000,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/166.htmNotamment les articles 4 alinéa b, 6 paragraphe 2, 7 paragraphe 3, 8 et 18 de la Convention européenne de1997 sur la nationalité indique l’importance donnée à la prévention de l’apatridie.
Convention de 1997, qui contient les principes fondamentaux. La Convention de 1961 vise à
réduire et éviter les cas d’apatridie. Ce faisant, il reconnaît et favorise le droit à une
nationalité. Il n’est pas possible de formuler des réserves à l’égard de l’une quelconque des
dispositions de fond de la Convention de 1961. Les articles sur la nationalité des personnes
physiques en relation avec la succession d’Etats présentés par la Commission du droit
international, organe de l’O.N.U. chargé de la codification du droit international et de son
développement progressif, et annexés à la résolution 55/153 49 constitue aussi une partie
importante du cadre juridique des Nations Unies élaboré pour traiter des questions de
nationalité, y compris l’apatridie. Tous ces instruments fournissent un cadre juridique pour
l’application de l’attribution positive de la nationalité, en évitant l’apatridie grâce, pour
l’essentiel, à la reconnaissance d’un lien véritable et effectif entre l’individu et l’Etat50.
13 L’application positive du droit à une nationalité dans la prévention de
l’apatridie. La notion de lien véritable et effectif a été énoncée officiellement dans l’arrêt
Nottebohm51 en tant que moyen permettant de définir la nature de la nationalité, les faits
particuliers de l’espèce concernant l’opposabilité vis-à-vis d’un autre Etat. Selon la Cour
internationale de justice (ci-après la « CIJ »), “ selon la pratique des Etats, les décisions
arbitrales et judiciaires et les opinions doctrinales, la nationalité est un lien juridique ayant à
sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de
sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs ”52. Bien que les faits de l’espèce
aient une portée limitée, le raisonnement suivi par la CIJ a offert aux praticiens l’une des rares
perspectives juridiques concernant ce qui pourrait ou ce qui devrait servir de fondement
incontesté à la nationalité. Dans l’affaire Nottebohm, il s’agissait d’une question de nationalité
effective dans le contexte de l’opposabilité, mais qu’en serait-il si l’on appliquait le
raisonnement de la CIJ pour apprécier des faits différents, par exemple en cas d’apatridie ?
Qu’en est-il des nombreux cas dans lesquels des personnes ont des liens sociaux, véritables,
49 Résolution A/Res/55/153 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la nationalité despersonnes physiques en relation avec la succession d’Etats, adoptée sans vote le 12 décembre 2000,http://www.un.org/Depts/dhl/dhlf/resdeclf/res55_2f.htm50 C. A. Batchelor, “Progrès en droit international : la réduction des cas d’apatridie grâce àl’application positive du droit à une nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re
Conférence européenne sur la nationalité “Tendances et développement en droit interne etinternational sur la nationalité” (Strasbourg, 18-19 octobre 1999) Actes, pp. 51-66, plusparticulièrement p. 53,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf51 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p.4.52 Ibid., p. 23.
actuels avec un Etat mais n’ont pas la nationalité de cet Etat, n’ont pas le lien juridiquement
reconnu ? 53 Le lien véritable et effectif ou bien approprié entre un individu et un Etat est un outil
précieux pour déterminer la nationalité qu’il est le plus opportun d’attribuer à un individu. La
pratique des Etats donne à penser que le lien effectif avec un Etat peut être l’un des facteurs tels que
la naissance sur le territoire d’un Etat, un lien de filiation avec des ressortissants de cet Etat, le
mariage avec un ressortissant, ou la résidence habituelle et légitime dans cet Etat. Bien que cette
liste ne soit pas limitative, le lieu de naissance, la filiation, la résidence et le mariage sont des
éléments factuels assez simples, plus faciles à identifier et à appliquer de manière objective et non
discriminatoire que certains des signes de rattachement plus subtils qui pourraient néanmoins être
employés comme moyens supplémentaires de déterminer des liens. En outre, le jus soli (nationalité
fondée sur le lieu de naissance), le jus sanguinis (nationalité fondée sur la filiation) et la résidence
de longue durée constituent des principes bien établis et appliqués dans le monde entier, principes
en vertu desquels la nationalité est légitimement accordée de plein droit ou par naturalisation. Le
problème provient du fait que ces principes ne sont pas appliqués de la même manière par tous les
Etats et qu’ils ne sont pas non plus appliqués dans des conditions d’égalité à tous les individus au
sein d’un même Etat. Donc, bien que tous les facteurs indiquant un lien effectif soient importants,
un bon point de départ pour parvenir à une certaine uniformité dans les lois et leur application serait
de se référer aux facteurs les plus évidents que sont la naissance, la filiation et la résidence. Si on les
considérait comme les éléments de base d’un lien entre un individu et un Etat ou des Etats, ils
pourraient constituer un point de départ pour l’application positive du droit à une nationalité54.
14 L’application du principe du lien véritable et effectif afin d’éviter l’apatridie. Dans
le cadre des efforts visant à développer le droit et à instaurer une application positive de la
jurisprudence de la CIJ, la notion de lien véritable et effectif extrapolée de l’affaire Nottebohm55 a
depuis lors été façonnée et développée en un concept plus large dans le domaine de la législation et
de la pratique en matière de nationalité. Ce concept élargi repose sur des principes consacrés par la
pratique des Etats, les traités, la jurisprudence et les principes généraux du droit. Plusieurs
instruments internationaux se réfèrent expressément au lien véritable et effectif et ils demandent aux
Etats d’appliquer cette doctrine dans des circonstances spécifiques. A titre d’exemple, on peut citer
la Convention européenne de 1997 sur la nationalité56, la Recommandation du Conseil de l’Europe
53 C. A. Batchelor, “Progrès en droit international : la réduction des cas d’apatridie grâce à l’applicationpositive du droit à une nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re Conférence européenne sur lanationalité “Tendances et développement en droit interne et international sur la nationalité” (Strasbourg,18-19 octobre 1999) Actes, pp. 51-66, plus particulièrement pp. 55-56,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf54 Ibid., plus particulièrement pp. 51-52.55 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p. 4.56 Article 7 « Perte de la nationalité de plein droit ou à l'initiative d'un Etat Partie », paragraphe 1, alinéa e
sur la prévention et la réduction des cas d’apatridie57, ainsi que les travaux de la Commission
du droit international (ci-après la « CDI ») sur la nationalité dans le cadre de la succession
d’Etats58. La notion de lien véritable et effectif, reformulée par la CDI lors de ses sessions de
1997 pour aboutir à la notion plus large de lien approprié entre un individu et un Etat, est l’un
des points de référence fondamentaux sur lesquels reposait le Projet d’articles sur la
nationalité des personnes physiques dans le cadre de la succession d’Etats59. On peut trouver
dans la majorité des législations des Etats concernant la nationalité les éléments élargis du lien
véritable et effectif entre l’individu et l’Etat, qui se manifestent essentiellement par les
facteurs qui sont la naissance, la filiation et la résidence. Cependant, la plupart des Etats
n’appliquent pas ces éléments de la même manière, mais indiquent une préférence soit pour la
naissance soit pour la filiation, en fondant leur législation et leur pratique nationale soit sur le
jus soli (nationalité fondée sur le lieu de naissance) soit sur le jus sanguinis (nationalité
fondée sur la filiation). Des procédures de naturalisation sont généralement offertes aux
immigrés qui résident dans le pays pendant une certaine durée avant de présenter leur
demande et qui satisfont certains critères. Ainsi, la naissance, la filiation et la résidence de
longue durée servent à prouver un lien, soit établi automatiquement, soit acquis au fil des ans,
entre l’individu et l’Etat60.
15 Liens donnant droit à l’acquisition de la nationalité. Afin d’éviter l’apatridie, il
faut découvrir les éléments d’un lien véritable et effectif ou d’un lien approprié sur lesquels
reposent les instruments internationaux en vigueur. La Convention de 1961 sur la réduction
de la CEN“ 1. Un Etat Partie ne peut prévoir dans son droit interne la perte de sa nationalité de plein droit ouà son initiative, sauf dans les cas suivants:e. absence de tout lien effectif entre l'Etat Partie et un ressortissant qui réside habituellement àl'étranger; ” Article 18 « Principes », paragraphe 2, alinéa a de la CEN“ 2. En se prononçant sur l'octroi ou la conservation de la nationalité en cas de succession d'Etats,chaque Etat Partie concerné doit tenir compte notamment: a. du lien véritable et effectif entre la personne concernée et l'Etat; ”57 Recommandation n° R (99) 18 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la prévention et laréduction des cas d’apatridie, adoptée par le Conseil de l’Europe le 15 septembre 1999“ b. L’accès à la nationalité d’un Etat devrait être possible pour une personne qui a un lien véritableet effectif avec cet Etat, notamment par la naissance, la filiation ou la résidence. ” 58 V. Mikulka, rapporteur spécial, “Premier rapport sur la succession d’Etats et son incidence sur lanationalité des personnes physiques et morales”, A/CN.4/467, 17 avril 1995 ; “Deuxième rapport surla succession d’Etats et son incidence sur la nationalité des personnes physiques et morales”,A/CN.4/474, 17 avril 1996 et “Troisième rapport sur la nationalité dans le cadre de la successiond’Etats”, A/CN.4/480, 27 février 1997. 59 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 49e session, 12 mai – 18juillet 1997, A/52/10, Nations Unies, New York, 1997. 60 C. A. Batchelor, op. cit. (supra, note 53), pp. 56-57.
des cas d’apatridie61 fonde le droit à une nationalité sur les liens que l’on a implicitement avec l’Etat
dans lequel on est né ou l’Etat dont la citoyenneté étaient reconnue à l’un des parents au moment de
la naissance de l’intéressé. Ce droit est nécessairement subordonné au fait qu’à défaut on serait
apatride, la convention ayant pour finalité d’éviter et de réduire les cas d’apatridie. Aux termes de la
Convention de 1961, la naissance sur le territoire d’un Etat et les liens de filiation avec des
ressortissants d’un Etat constituent la preuve d’un lien entre l’individu et l’Etat, lien en vertu duquel
il est légitime d’accorder la nationalité pour éviter de créer un cas d’apatridie. Les enfants trouvés
ont droit automatiquement à la nationalité du pays sur lequel ils sont trouvés, la convention stipulant
que les principes du jus soli et du jus sanguinis sont tous deux considérés comme des fondements
pertinents pour la résolution de tels cas62. La Convention européenne de 1997 sur la nationalité63
s’inspire de l’approche adoptée dans la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.
L’article 6, paragraphe 1, alinéa a de la Convention de 1997 prévoit l’acquisition automatique de la
nationalité d’un Etat contractant par les enfants “… dont l’un des parents possède, au moment de la
naissance de ces enfants, la nationalité de cet Etat Partie ”. Les enfants trouvés et les enfants nés
sur le territoire de l’Etat qui n’acquièrent pas à la naissance une autre nationalité doivent aussi se
voir accorder la nationalité de cet Etat Partie64. Ainsi, les principes du jus sanguinis et du jus soli se
reflètent dans la Convention européenne de 199765.
16 La résidence légale et habituelle comme un moyen légitime pour l’accès des
apatrides à la nationalité. La Convention européenne de 1997 sur la nationalité fait en outre un pas
en avant considérable en ce qui concerne la législation et la pratique en matière de nationalité. Selon
son article 6, paragraphe 3, “ Chaque Etat partie doit prévoir dans son droit interne, pour les
personnes qui résident légalement et habituellement sur son territoire, la possibilité d’une
naturalisation. Il ne doit pas prévoir, parmi les conditions de naturalisation, une période de
résidence dépassant dix ans avant le dépôt de la demande ”. Ainsi, la résidence habituelle est
formellement reconnue comme un fondement valable pour l’octroi de la nationalité et constitue l’un
61 Convention sur la réduction des cas d’apatridie (ONU), 30 août 1961, entrée en vigueur le 13 décembre1975,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_reduce_fr.htm62 Article 2 de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie“ L'enfant trouvé sur le territoire d'un Etat contractant est, jusqu'à preuve du contraire, réputé né sur ceterritoire de parents possédant la nationalité de cet Etat. ”63 Supra, note 48. 64 Article 6 « Acquisition de la nationalité », paragraphe 1, alinéa b, et paragraphe 2 de la CEN“ 1. Chaque Etat Partie doit prévoir dans son droit interne l'acquisition de plein droit de sa nationalité parles personnes suivantes :a. les nouveau-nés trouvés sur son territoire qui, autrement, seraient apatrides. 2. Chaque Etat Partie doit prévoir dans son droit interne l'acquisition de sa nationalité par les enfantsnés sur son territoire qui n'acquièrent pas à la naissance une autre nationalité. ”65 C. A. Batchelor, op. cit. (supra, note 53), pp. 58-59.
des éléments du lien entre un individu et un Etat. L’individu aura le droit de demander la
citoyenneté après un délai maximal de dix ans de résidence. Bien qu’il puisse encore être
indispensable de réunir certains critères, la résidence habituelle constitue en elle-même un
fondement suffisant pour garantir à l’individu qu’il est autorisé à essayer d’obtenir sa
naturalisation. L’accès à la nationalité des personnes qui résident légalement et habituellement
sur le territoire d’un Etat n’est pas une notion nouvelle. Tant la Convention de 1951 relative
au statut des réfugiés66 que la Convention de 1954 relative au statut des apatrides67
recommandent aux Etats de faciliter l’assimilation et la naturalisation des réfugiés et des
apatrides. Plus particulièrement, les Etats sont invités à faire tous les efforts possibles pour
accélérer la procédure de naturalisation et pour diminuer dans la mesure du possible les frais
engendrés par une telle procédure68. La Convention européenne de 1997 ajoute un élément
nouveau à ces recommandations existantes en fixant un délai de dix ans pour le demandeur
moyen. L’accès facilité des apatrides à la nationalité implique une réduction du nombre
d’années de résidence nécessaires. La Convention de 1997 établit fermement la résidence
légale et habituelle comme un moyen légitime d’accorder la nationalité en général et, par
conséquent, d’aller au-delà du jus soli et du ius sanguinis pour déterminer le lien qu’un
individu a avec un Etat et qui justifierait l’octroi de la nationalité. Les liens familiaux, y
compris le mariage avec un ressortissant, l’adoption, et la naturalisation de l’un des deux
parents sont un motif supplémentaire de faciliter l’acquisition de la nationalité en vertu de la
Convention de 1997. Autrement dit, en plus des liens que l’on a dès la naissance, il peut y
avoir des liens que l’on acquiert avec le temps69.
Section II : Les obligations corrélatives des Etats
17 L’interdiction générale de la discrimination en matière de nationalité. Les
dispositions de la législation sur la nationalité pourraient elles-mêmes être discriminatoires.
66 Convention relative au statut des apatrides (ONU), 28 septembre 1954, entrée en vigueur le 6 juin1960, http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_c_fr.htm67 Convention relative au statut des réfugiés (ONU), 28 juillet 1951, entrée en vigueur le 22 avril1954,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_c_ref_fr.htm68 Article 32 « Naturalisation » de la Convention relative au statut des apatrides et article 34« Naturalisation » de la Convention relative au statut des réfugiés. 69 C. A. Batchelor, op. cit. (supra, note 53), p. 59.
29
De ce fait, des personnes pourraient être privées de nationalité ou empêchées d’en acquérir une pour
des raisons discriminatoires. La clause de non-discrimination de la Convention européenne de 1997
sur la nationalité70, qui figure au chapitre II relatif aux principes généraux, a fait l’objet de très
longues discussions, les auteurs cherchant à établir un juste équilibre en opérant une distinction
entre la discrimination « positive » pour les personnes ayant des liens plus forts avec l’Etat en
question et pouvant bénéficier de l’accès à des procédures de naturalisation facilitée, et la
discrimination « négative » fondée sur le sexe, la religion, la race, la couleur ou l’origine nationale
ou ethnique dans l’attribution de la nationalité. Le langage employé à l’article 5 de la CEN permet
de faire des distinctions à condition qu’elles ne soient pas équivalentes à des discriminations
fondées sur l’un des motifs énumérés. La clause de non-discrimination de la Convention européenne
sur la nationalité s’inspire de l’article 9 de la Convention de 1961, qui interdit la privation de
nationalité pour des motifs raciaux, ethniques, religieux ou politiques71. Les rédacteurs de la CEN
ont fait remarquer à juste titre que les traités internationaux en vigueur n’interdisent pas
expressément toute discrimination dans le domaine de la nationalité. En effet, la CEN contienne une
disposition générale concernant la non-discrimination en matière de nationalité ce qui constitue une
innovation dans le domaine des traités internationaux.
L’article premier, paragraphe 3 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination raciale (ci-après la « CIEDR »)72 institue une intéressante réserve ainsi
libellée : “ Aucune disposition de la présente Convention ne peut être interprétée comme affectant
de quelque manière que ce soit les dispositions législatives des Etats parties à la Convention
concernant la nationalité, la citoyenneté ou la naturalisation, à condition que ces dispositions ne
soient pas discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière ”. L’expression “ une
nationalité particulière ” a été interprétée de diverses façons. Les deux principales interprétations
étaient soit la nationalité au sens juridique du mot signifiant l’appartenance à un Etat, soit la
nationalité au sens d’origine ethnique ou nationale. Le Comité pour l’élimination de la
discrimination raciale, chargé de contrôler l’application du traité, paraît s’être rallié dans sa pratique
70 Article 5 « Non-discrimination » de la CEN “ 1. Les règles d’un Etat Partie relatives à la nationalité ne doivent pas contenir de distinction ou incluredes pratiques constituant une discrimination fondée sur le sexe, la religion, la race, la couleur ou l’originenationale ou ethnique. 2. Chaque Etat Partie doit être guidé par le principe de la non-discrimination entre ses ressortissants,qu’ils soient ressortissants à la naissance ou aient acquis sa nationalité ultérieurement.” 71 Article 9 de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie“ Les Etats contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu ou groupe d'individus pour desraisons d'ordre racial, ethnique, religieux ou politique. ”72 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ONU), 21décembre 1965, entrée en vigueur le 4 janvier 1969,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/d_icerd_fr.htm
à ce dernier avis73. A l’origine la CIEDR n’était pas censée s’appliquer au droit national en
matière d’attribution de la nationalité ou de naturalisation, sauf en cas de discrimination à
l’égard d’une nationalité particulière. Depuis l’adoption de cette convention, la règle de
l’interdiction de la discrimination a progressé. L’idée que l’interdiction de la discrimination
s’applique pleinement à la législation nationale, y compris la naturalisation, s’est imposée.
Dans son article 5, alinéa d, point iii, la CIEDR lie elle-même l’interdiction de toute
discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique au droit à une
nationalité. En excipant du principe de l’égalité en droit et de la protection égale de la loi, on
pourrait soutenir que les individus doivent être égaux devant la législation nationale sur la
nationalité en général ou, au moins, en ce qui concerne la privation arbitraire de nationalité.
Les Etats n’en continuent pas moins d’adopter et d’intégrer dans leur législation nationale des
dispositions venant à l’appui de la réintégration dans le corps des ressortissants d’individus
appartenant au « noyau de la nation », c’est-à-dire le groupe ethnique ou linguistique qui
s’apparente à l’Etat74. Les Etats continuent d’user en droit et en pratique du critère linguistique
aux fins de la naturalisation. On peut se demander si toutes ces pratiques ou certaines d’entre
elles n’engendrent pas l’inégalité et n’équivalent pas à une discrimination. La CEN et la CDI
dans ses articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession
d’Etats annexés à la résolution 55/15375 paraissent accepter que ce type de référence à la
langue ou à l’origine soit autorisé dans le cadre de l’attribution d’une nationalité pour autant
qu’une telle mesure n’ait pas de répercussions négatives pour une personne d’une origine
nationale ou ethnique particulière. Les auteurs du Rapport explicatif sur la CEN y admettent
que l’attribution d’une nationalité en fonction de certains critères fixés par les Etats peut
déboucher sur un traitement préférentiel76. La CDI est du même avis. La Cour interaméricaine
des droits de l’homme, dans l’affaire Amendements aux dispositions de la Constitution costa-
ricienne relatives à la naturalisation77, a jugé qu’un Etat, qui offre à des étrangers la
73 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 38), p. 171.74 Ibid.75 Résolution A/Res/55/153 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la nationalité despersonnes physiques en relation avec la succession d’Etats, adoptée sans vote le 12 décembre 2000,http://www.un.org/Depts/dhl/dhlf/resdeclf/res55_2f.htm76 Paragraphe 41 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité“ 41. Les Etats Parties peuvent accorder un traitement plus favorable aux ressortissants de certainsautres Etats. Par exemple, un Etat membre de l’Union européenne peut demander une durée derésidence habituelle plus courte pour la naturalisation des ressortissants d’autres Etats de l’Unioneuropéenne que celle qu’il exige en règle générale. Cela constituerait un traitement préférentielfondé sur la nationalité et non pas une discrimination fondée sur l’origine nationale. ”77 CIADH 19 janvier 1984, Amendements aux dispositions de la Constitution costa-ricienne relativesà la naturalisation, International Law Report, vol. 79, p. 283, tel que cité à la p. 94 de V. Mikulka,“Troisième rapport sur la nationalité dans le cadre de la succession d’Etats”, A/CN.4/480, 27 février
31
possibilité d’acquérir sa nationalité, est le mieux à même de définir les critères d’une telle
attribution. Il est intéressant de relever que l’article 5 de la CEN ne cite pas la langue parmi les
motifs généraux de discrimination78. La Convention de 1997 admet donc que la langue puisse
figurer parmi les conditions exigées par les lois nationales sur la nationalité79. En devenant
officiellement, pour des raisons pratiques, celle d’un Etat, quoique la Charte des Nations Unies
interdise toute discrimination fondée sur elle, la langue joue un rôle essentiel dans le
fonctionnement de l’actuelle société centrée sur l’Etat80. On peut se demander, toutefois, si un
traitement préférentiel est bien équitable dès lors qu’il fait une distinction entre des groupes sur la
base de motifs ethniques ou linguistiques et introduit ainsi un élément d’inégalité, surtout quand ces
groupes se trouvent dans des situations autrement comparables.
18 Les perspectives offertes par le Protocole n° 12 à la CEDH. Si le droit à une
nationalité, qu’on l’appelle attribution de nationalité, naturalisation ou autre, figure dans la
législation nationale et que la jouissance de ce droit puisse être contrariée pour l’un des motifs
énumérés à l’article 1 du Protocole n°12 à la CEDH81, les individus pourront user de leur droit de
saisir la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la Cour EDH). Dans la Rapport explicatif
sur le Protocole n°12 sont énumérés des cas protégés en vertu de l’article 1 qui sont survenus en
droit national82. Il convient de relever que cet article mentionne, en particulier, des motifs tels que la
langue ou l’appartenance à une minorité. En fait, le nouveau Protocole offre des possibilités de
contrôle judiciaire dans le domaine de la nationalité et de la non-discrimination83. Que le fait de
faciliter l’acquisition de la nationalité à des groupes ethniques, linguistiques ou autres soit
compatible avec la règle de l’égalité de traitement dépend de l’existence de justifications objectives
et raisonnables. Le Rapport explicatif sur le Protocole n° 12 fait valoir que le principe d’égalité78 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 38), p. 172.79 Paragraphes 39 et 40 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité“ 39. [L’article 5 paragraphe 1] tient compte de l’article 14 de la CEDH qui emploie en anglais le terme« discrimination » et de l’article 2 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme qui emploie enfrançais comme en anglais le terme « distinction ». 40. En tout Etat de cause, la nature même de l’attribution de la nationalité oblige les Etats à fixer certainscritères pour déterminer quels sont leurs ressortissants. Ces critères pourraient aboutir, dans certains cas,à un traitement plus favorable dans le domaine de la nationalité. Parmi les exemples courants de motifsjustifiés de traitement différentiel ou préférentiel, on peut citer l’obligation de connaître la langue nationalepour être naturalisé et l’acquisition facilitée de la nationalité en raison de la filiation ou du lieu denaissance. La convention elle-même prévoit, à son article 6 paragraphe 4, une acquisition facilitée de lanationalité dans certains cas. ” 80 Articles 1 et 55 de la Charte des Nations Unies, http://www.un.org/french/aboutun/charter.htm81 Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales,STCE 177, 4 novembre 2000, non entré en vigueur, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/177.htm82 Rapport explicatif sur le Protocole n°12 à la CEDH, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/177.htm83 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 38), p. 173.
exige que des situations égales soient traitées de la même façon et différemment des situations
inégales. Selon la jurisprudence de la Cour EDH, tout manquement à cette règle constitue une
discrimination à moins qu’il n’existe une justification objective et raisonnable. La Cour EDH
laisse aux autorités nationales une certaine marge d’appréciation pour déterminer si et dans
quelle mesure des différences dans des situations autrement semblables peuvent justifier un
traitement différent en droit84.
19 L’obligation de l’Etat de ne pas retirer sa nationalité créant des cas
d’apatridie. La Convention sur la réduction des cas d’apatridie permet de priver de leur
nationalité les ressortissants naturalisés qui ont résidé sept années consécutives à l’étranger et
n’ont pas manifesté leur intention de la garder85. Selon l’article 8, paragraphe 1 de la
Convention de 1961, un Etat contractant ne doit pas retirer sa nationalité si cela rend
l’intéressé apatride86. Quoique l’article introduise ensuite certaines exceptions à cette règle, les
critères permettant à l’Etat d’invoquer ces exceptions sont si étroites qu’il serait exceptionnel
qu’un Etat puisse justifier des retraits de nationalité créant des cas d’apatridie87. L’article 7,
paragraphe 3 de la Convention européenne sur la nationalité88 autorise l’Etat à retirer sa
nationalité alors même que la personne concernée devient ainsi apatride seulement dans les
cas où la nationalité a été acquise à la suite d’une conduite frauduleuse, par fausse information
ou par dissimulation de faits pertinents, directement imputables au requérant. L’article 13 de
la Convention de 1961 stipule que les dispositions de cet instrument ne sauraient être
interprétées comme faisant obstacle à l’application des dispositions plus favorables à la
réduction des cas d’apatridie contenues ou introduites ultérieurement dans la législation. Eu
égard à l’évolution des dispositions relatives aux droits de l’homme depuis l’élaboration de la
Convention de 1961, on peut faire valoir que le retrait de la nationalité aboutissant à
l’apatridie doit maintenant être strictement limiter aux cas de comportements frauduleux,
directement imputables au requérant, qui, s’ils avaient été connus, auraient rendu l’intéressé
inapte à obtenir la nationalité. L’article 26 de la Convention de 1997 contient une disposition
84 Paragraphes 15, 18 et 19 du Rapport explicatif sur le Protocole n° 12 à la CEDH,http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/177.htm85 Convention sur la réduction des cas d’apatridie (ONU), 30 août 1961, entrée en vigueur le 13décembre 1975, article 7, paragraphe 4,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_reduce_fr.htm86 Article 8, paragraphe 1 de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie “ 1. Les Etats contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu si cette privation doit lerendre apatride. ”87 Article 8, paragraphes 3 et 4 de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.88 Supra, note 48.
analogue concernant l’évolution et l’application des dispositions qui accorderaient des droits
supplémentaires à l’individu dans le domaine de la nationalité. Il faut donc lire ces deux instruments
à la lumière des autres dispositions pertinentes du droit national et international qui peuvent être
plus favorables lorsque l’on applique le principe de la prévention de l’apatridie. En cas de
divergence ou de manque de clarté, les Etats qui sont parties aux Conventions de 1961 et 1997
seraient tenus d’appliquer les conditions les plus propices à la prévention de l’apatridie dans ces
instruments ou dans d’autres dispositions pertinentes89. En outre, le Comité des Ministres du
Conseil de l’Europe recommande aux gouvernements des Etats membres : “ Afin de prévenir autant
que possible les cas d’apatridie, un Etat ne devrait pas nécessairement priver de sa nationalité les
personnes qui ont acquis cette nationalité à la suite d’une conduite frauduleuse, par fausse
information ou par dissimulation d’un fait pertinent. A cet effet, la gravité des faits ainsi que
d’autres circonstances pertinentes telles que le lien véritable et effectif de ces personnes avec l’Etat
concerné devraient être prises en considération ” 90. Cette recommandation, destinée à servir aux
Etats de principe directeur pour l’application de la Convention de 1997, jouera un rôle important
dans la prévention de l’apatridie.
20 Obligations de l’Etat en cas de perte de la nationalité à l’initiative de l’individu. La
perte de la nationalité à l’initiative de l’individu par renonciation à la nationalité est autorisée par
l’article 7 de la Convention de 1961 et par l’article 8 de la Convention de 1997 mais, dans les deux
cas, elle est fondée sur l’acquisition préalable ou la garantie de l’acquisition d’une autre nationalité
et ne peut pas conduire à l’apatridie. La Convention de 1997 prévoit le rétablissement d’un lien par
la réintégration dans la nationalité des anciens ressortissants qui établissent leur résidence légale et
habituelle sur le territoire de l’Etat91.
21 Application de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. La Convention
interdit de priver quelqu’un de sa nationalité s’il devait devenir apatride de ce fait92. Les personnes
privées de leur nationalité peuvent en appeler d’une telle décision93. Les garanties procédurales,
présentées à l’article 8 de la Convention visent à assurer que les décisions ne soient pas arbitraires et
qu’elles soient prises dans le cadre d’une application indépendante de la loi. L’article 11 de la89 C. A. Batchelor, op. cit. (supra, note 53), p. 61.90 Recommandation n° R (99) 18 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la prévention et laréduction des cas d’apatridie, adoptée par le Conseil de l’Europe le 15 septembre 1999,http://cm.coe.int/ta/rec/1999/f99r18.htm91 Article 9 « Réintégration dans la nationalité » de la CEN“ Chaque Etat Partie facilitera, pour les cas et dans les conditions prévues par son droit interne, laréintégration dans sa nationalité des personnes qui la possédaient et qui résident légalement ethabituellement sur son territoire. ”92 Article 8, paragraphe 1 de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, supra, note 85. 93 Article 8, paragraphe 4 de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, supra, note 85.
Convention prévoit la création “… d’un organisme auquel les personnes se croyant en droit
de bénéficier de la présente Convention pourront recourir pour examiner leur demande et
pour obtenir son assistance dans l'introduction de la demande auprès de l’autorité
compétente ”, fonction dévolue au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR) à l’entrée en vigueur de la Convention. Le rôle du HCR est d’aider les individus et les
Etats à clarifier le statut des intéressés en ce qui concerne la nationalité et de donner des
conseils permettant d’éviter la création de cas d’apatridie94.
22 Application de la Convention européenne sur la nationalité. En revanche, le
contrôle de l’application de la Convention européenne de 1997 sur la nationalité est laissé au
système juridique de l’Etat Partie, aucun contrôle ne pouvant, d’après la Convention, être
effectué, par exemple, par la Cour EDH. Il n’a pas été prévu d’organisme ou mécanisme de
contrôle pouvant apporter son aide tant aux Etats qu’aux individus en ce qui concerne la mise
en oeuvre de la Convention. Le contrôle direct de l’application de la Convention de 1997 par
la Cour EDH n’est pas possible car la CEDH et la CEN sont des instruments indépendants.
Les garanties procédurales, présentées au chapitre IV de la CEN visent à assurer que les
décisions ne soient pas arbitraires et qu’elles soient prises dans le cadre d’une application
indépendante de la loi. L’article 23 de la CEN invite les Etats Parties à “... coopérer entre eux
et avec les autres Etats membres du Conseil de l’Europe ...” mais, il n’y a guère d’occasions
permettant à l’individu de participer ou permettant de porter des cas concrets devant une
instance conçue pour les résoudre. Il aurait été utile, non seulement pour l’individu mais aussi
pour l’Etat, de prévoir officiellement un organe de contrôle chargé de donner des orientations
concernant l’interprétation des articles, surtout dans le cas d’un traité censé résoudre les
difficultés dues aux divergences entre les systèmes nationaux. Cela aurait fort bien pu
favoriser la cohérence, la clarté et l’étroitesse de la coopération, tout en facilitant la résolution
des conflits en matière d’attribution de la nationalité. Néanmoins, le “... développement
progressif des principes et de la pratique juridiques... ” encouragé par l’article 23 de la CEN,
continue d’être assuré par le Groupe de travail sur la nationalité95.
23 Conclusion du chapitre. Le problème de l’apatridie n’est pas seulement un
problème juridique ayant pour conséquence l’incapacité à exercer des droits, c’est aussi un
problème d’identité. Le droit à une nationalité est ou devrait être fondé sur la reconnaissance
94 C. A. Batchelor, op. cit. (supra, note 53), pp. 61-62.95 Ibid., plus particulièrement p. 62.
du lien ou des attaches établi(es) entre un individu et un Etat. Si l’on se réfère à un lien effectif, il
n’est pas difficile, dans la plupart des cas, d’identifier un ou deux Etats qui seraient les candidats les
plus logiques pour garantir le caractère effectif du droit à une nationalité. Il s’agit en fait d’un
argument en faveur d’une application plus équilibrée du lien véritable et effectif ou du lien
approprié, allant au-delà de l’application purement formelle soit du jus soli soit du jus sanguinis.
C’est cette notion qui se reflète dans la Convention européenne de 1997 sur la nationalité. Cette
Convention n’a pas seulement des dispositions concernant le jus sanguinis et le jus soli, elle prévoit
aussi un délai maximal de dis ans de résidence après lequel l’Etat de résidence doit autoriser des
demandes de naturalisation. En outre, le lieu de résidence habituelle a pris une place prédominante
au chapitre VI de la Convention européenne sur la nationalité en ce qui concerne l’attribution de la
nationalité en cas de succession d’Etats, de même qu’à l’article 10 de la Convention de 1961 sur la
réduction des cas d’apatridie selon lequel, l’Etat doit accorder sa nationalité aux personnes relevant
de sa juridiction qui, à défaut, seraient apatrides par le transfert de territoire. La résidence est l’un
des éléments de la notion de lien effectif avec un Etat établi à jouer un plus grand rôle. La notion de
lien effectif avec un Etat recouvre aussi, par exemple, la reconnaissance du lien qu’a un enfant avec
sa mère ou la nationalité de sa mère. Des considérations analogues concernant la force et la
pertinence des liens s’appliquent aussi dans le contexte du mariage, de l’adoption et des autres
relations familiales. Au lieu de faire peser sur l’individu la charge d’établir quelque chose de
négatif, de prouver qu’il est juridiquement apatride, on pourra mettre l’accent sur le droit positif à
une nationalité en établissant à quelle nationalité a droit l’individu96.
Chapitre II : L’application du droit à la nationalité dans différents
contextes particuliers
24 Plan. La Convention européenne sur la nationalité s’en tient au principe qui veut que tout
un chacun ait droit à une nationalité. Peut-être faudrait-il voir de plus près ce qu’il en est de
96 Ibid., plus particulièrement p. 64-65.
l’application de ce principe en cas de succession d’Etats (Section I). À la Convention
européenne sur la nationalité, la règle veut que les enfants puissent acquérir la nationalité de
leur lieu de naissance97. Cette question sera examinée plus loin (Section II).
Section I : Le droit à la nationalité en relation avec la succession d’Etats
25 Cadre juridique pour la prévention de l’apatridie en relation avec la
succession d’Etats. Les solutions juridiques en vigueur, tant nationales qu’internationales, ne
sont pas apparus suffisantes pour assurer, en premier lieu, la protection des droits
fondamentaux des personnes affectées par les changements territoriaux. Des travaux déployés
récemment en matière de codification dans le domaine de la nationalité ont essayé de remédier
ce problème. Selon l’ordre chronologique de leur adoption, il s’agit plus particulièrement de
trois documents internationaux qui ont eu d’importantes répercussions sur le traitement en
droit international des incidences de la succession d’Etats en matière de nationalité des
personnes physiques : Déclaration relative aux incidences de la succession d’Etats en matière
de nationalité des personnes physiques, adoptée par la Commission européenne pour la
démocratie par le droit98; Convention européenne sur la nationalité 99 dont le chapitre VI est
intitulé « Succession d’Etats et nationalité » ; les articles sur la nationalité des personnes
physiques en relation avec la succession d’Etats préparés par la Commission du droit
international Commission (CDI), organe de l’O.N.U. chargé de la codification du droit
international et de son développement progressif, et annexés à la résolution 55/153 de
l’Assemblée générale100. Les principes généraux énoncés au sujet de l’apatridie dans les
instruments internationaux sur la nationalité – par exemple la Convention européenne sur la
97 R. Schärer, “Droit international et nationalité dans le contexte de la succession d’Etats“, inCommission européenne pour la démocratie par le droit, “Nationalité et succession d’Etat”, Actes duSéminaire de Vilnius (Lituanie), 16-17 mai 1997, Collection Science et technique de la démocratie, n°21, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1998, p. 92.98 Déclaration relative aux incidences de la succession d’Etats en matière de nationalité despersonnes physiques, adoptée par la Commission européenne pour la démocratie par le droit lors de sa28ème réunion plénière tenue à Venise, les 13 et 14 septembre 1996, in “Incidences de la successiond’Etat sur la nationalité, Rapport de la Commission de Venise“, Collection Science et technique de ladémocratie, n°23, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1998, p. 5.99 Convention européenne sur la nationalité, Conseil de l’Europe, STCE 166, ouverture à la signature le 6 novembre 1997, entrée en vigueur le 1er mars 2000.100 Résolution A/Res/55/153 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la nationalité despersonnes physiques en relation avec la succession d’Etats, adoptée sans vote le 12 décembre 2000,http://www.un.org/Depts/dhl/dhlf/resdeclf/res55_2f.htm
nationalité, la Recommandation du Conseil de l’Europe sur la prévention et la réduction des cas
d’apatridie101 ou la Convention sur la réduction des cas d’apatridie – s’appliquent à tous les cas
d’apatridie, c’est-à-dire également à la prévention de l’apatridie en cas de succession d’Etats, quand
bien même cela n’est pas mentionnée de manière explicite102.
26 Définition de la succession d’Etats. En droit international, on entend par succession
d’Etats la substitution d’un Etat à un autre quant à la responsabilité en matière de relations
internationales du territoire103. Cette définition a inspiré la Commission du droit international dans
la rédaction des articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession
d’Etats annexés à la résolution 55/153104. L’article 3 annexé à la résolution 55/153 précise que “ les
présents articles s’appliquent uniquement aux effets d’une succession d’États se produisant
conformément au droit international et, plus particulièrement, aux principes du droit international
incorporés dans la Charte des Nations Unies ”. Dans son troisième rapport, le rapporteur spécial V.
Mikulka constate que, par exemple, “ on peut douter de l’intérêt que présente le cas des trois
Républiques baltes – l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, qui ont recouvré leur indépendance en
1991 – pour l’étude de situations de sécession, dans la mesure où ces républiques affirment
qu’elles n’ont jamais fait juridiquement partie de l’Union soviétique et que par conséquent,
lorsqu’elles ont recouvré leur indépendance, il ne s’agissait pas à proprement parler d’un cas de
succession d’Etats ” 105. Ainsi, les effets juridiques du remplacement d’un Etat par le recours
arbitraire à la force ou sous menace de la force, y compris des changements de nationalité, sont
contestés, à moins qu’ils ne soient validés par le biais du processus normatif international.
Toutefois, les droits de l’homme continuent de s’appliquer même dans des cas contestés de
succession d’Etats106. Dans le commentaire sur son projet d’articles sur la nationalité des personnes
101 Recommandation n° R (99) 18 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la prévention et laréduction des cas d’apatridie, adoptée par le Conseil de l’Europe le 15 septembre 1999,http://cm.coe.int/ta/rec/1999/f99r18.htm102 R. Schärer, “ L’apatridie en relation avec la succession d’Etats : la nécessité d’un instrumentadditionnel à la convention européenne sur la nationalité ”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re
Conférence européenne sur la nationalité “ Tendances et développement en droit interne et international surla nationalité ” (Strasbourg, 18-19 octobre 1999) Actes, pp. 179-195, plus particulièrement p. 183,http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf103 Article 2 paragraphe 1 alinéa b, Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités(ONU), ouverte à la signature le 23 août 1978, entrée en vigueur le 6 novembre 1996,http://www.un.org/law/ilc/texts/tresufra.htm 104 Supra, note 100.105 V. Mikulka, “Troisième rapport sur la nationalité en relation avec la succession d’Etats”, Additif, 28février 1997, A/CN.4/480/Add.1, p. 42, paragraphe 10. Ces Etats ont recouru à l’application rétroactive desprincipes énoncés dans les lois sur la nationalité qui étaient en vigueur avant 1940. 106 I. Ziemele, “Aspects généraux de la nationalité et des droits de l’homme en relation avec la successiond’Etats“, in CoE Doc CONF/NAT (2001) PRO, 2ème Conférence européenne sur la nationalité “Défis audroit national et international sur la nationalité à l’aube du nouveau millénaire“, (Strasbourg, 8 - 9 octobre2001), Actes, pp. 153-178, plus particulièrement p. 158,
physiques en relation avec la succession d’Etats, la CDI souligne que l’article 3 ne porte pas
atteinte au droit de tout individu à une nationalité, consacré par l’article 15 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme107. Autrement dit, le droit à une nationalité continue de
s’imposer même en cas de succession d’Etats contestée.
27 Droit à une nationalité en cas de succession d’Etats. Aux termes de l’article 1
annexé à la résolution 55/153108, “ toute personne physique qui, à la date de la succession
d’Etats, possédait la nationalité de l’Etat prédécesseur, quel qu’ait été le mode d’acquisition
de cette nationalité, a droit à la nationalité d’au moins un des Etats concernés, conformément
aux présents articles ” (souligné par nous). Autrement dit il est inadmissible que les
ressortissants de l’Etat prédécesseur deviennent apatrides par suite d’une succession d’Etats.
L’article 8, paragraphe 1 annexé à la résolution 55/153 prévoit que, sous réserve de la prise en
considération de la volonté des intéressés ainsi que le stipule l’article 11, “ l’Etat successeur
n’est pas tenu d’attribuer sa nationalité aux personnes concernées qui ont leur résidence
habituelle dans un autre Etat et qui possèdent aussi la nationalité de cet Etat ou celle de tout
autre Etat ” (souligné par nous). Auparavant, le droit international prévoyait qu’une personne
ne pouvait pas être privée arbitrairement d’une nationalité qu’elle possédait déjà. Ce qui est
particulièrement intéressant, par conséquent, dans les dispositions annexées à la résolution
55/153, c’est l’article 16 qui interdit la privation arbitraire de nationalité de l’Etat
prédécesseur ou la privation arbitraire du droit d’acquérir la nationalité de l’Etat successeur109. C’est un pas en avant dans la mesure où cela favorise le droit positif de l’individu à une
nationalité par opposition à l’obligation moins spécifique incombant aux Etats d’éviter
l’apatridie110. L’article 16 s’oppose aussi à la privation arbitraire du droit d’option. Selon
http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf Comme argument, l’auteur fait valoir la solution adoptée par la Cour EDH dansl’affaire Loizidou c. Turquie, où le statut contesté de la République turque de Chypre du Nord n’a pasempêché la Cour de conclure à une violation de la CEDH par ceux qui gouvernent effectivement leterritoire en question (Cour EDH 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie, req. n° 15318/89, série A n°310).107 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 51e session, 3 mai – 23juillet 1999, A/54/10, chapitre IV, paragraphe 3 du commentaire de l’article 3,http://www.un.org/law/ilc/reports/1999/english/99repfra.htm108 Supra, note 100.109 Article 16 « Proscription de l’arbitraire en matière de nationalité » annexé à la résolution 55/153 “ Les personnes concernées ne peuvent être arbitrairement privées de la nationalité de l’Étatprédécesseur ni se voir arbitrairement refuser celle de l’État successeur ou le droit d’option dontelles peuvent se prévaloir en relation avec la succession d’États. ”110 C. A. Batchelor, “Progrès en droit international : la réduction des cas d’apatridie grâce àl’application positive du droit à une nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re
l’article 4 annexé à la résolution 55/153, les Etats concernés doivent prendre toutes les mesures
appropriées pour empêcher “ les personnes qui possédaient la nationalité de l’État prédécesseur à
la date de la succession d’États ” de devenir apatrides du fait de cette succession. Cependant, les
personnes qui étaient apatrides avant la succession n’acquièrent pas de droit à la nationalité en vertu
de la succession, la prévention de l’apatridie étant ici plus une question de « transfert » de droits et
d’identité parallèle au transfert de territoire que la reconnaissance d’un droit nouveau. Tel est le cas
même lorsque les personnes apatrides ont pu en fait avoir un lien approprié avec l’ancien Etat mais
sans jamais s’être vu accorder sa nationalité111.
28 L’application du principe du lien véritable et effectif dans le contexte particulier de
la succession d’Etats. La Convention européenne de 1997 sur la nationalité et la CDI dans ses
articles proposent d’appliquer ce principe en cas de succession d’Etats. Selon le chapitre VI de la
Convention européenne sur la nationalité, la résidence habituelle et le lien véritable et effectif sont
les facteurs principaux que l’Etat doit prendre en considération pour se prononcer sur l’attribution
de la nationalité112. L’Etat doit aussi tenir compte de la volonté de la personne concernée, en lui
donnant la possibilité d’indiquer expressément quelle nationalité elle souhaite. L’article 19 de la
CEN encourage les Etats à s’efforcer de conclure des accords qui “… doivent respecter les
principes et les règles… ” contenus ou évoqués dans ce chapitre, y compris l’application non
discriminatoire des critères que sont le lien véritable et effectif, la résidence habituelle, la volonté et
l’origine territoriale de la personne concernée, notamment de façon à éviter l’apatridie113. Ce qui est
très important dans le cas de l’article 18 de la CEN, c’est le fait que chacun des éléments que l’Etat
doit prendre en compte doit être mis dans la balance de manière non discriminatoire, notamment
pour éviter l’apatridie. Les articles de la CDI parlent de “lien approprié” à propos de l’attribution
d’une nationalité lors d’une succession d’Etats114. Selon le commentaire de la CDI, la notion de lien
approprié “ doit s’interpréter dans un sens plus large que la notion de « lien véritable » ”115. Lors
Conférence européenne sur la nationalité “Tendances et développement en droit interne et international surla nationalité” (Strasbourg, 18-19 octobre 1999) Actes, pp. 51-66, plus particulièrement note 17,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf111 Ibid., plus particulièrement note 18. 112 Article 18 « Principes », paragraphe 2, Convention européenne sur la nationalité, Conseil de l’Europe,STCE 166, ouverture à la signature le 6 novembre 1997, entrée en vigueur le 1er mars 2000,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/166.htm 113 Au paragraphe 116 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité, les rédacteursexpliquent que l’origine territoriale “… ne vise ni l’origine ethnique ni l’origine sociale d’une personnemais plutôt le lieu où elle est née, le lieu où ses parents et grands-parents sont nés ou une éventuellenationalité intérieure. Cette notion est donc analogue aux critères employés pour déterminer l’acquisitionde la nationalité en application des principes du jus soli et du jus sanguinis ”.114 Articles 11, paragraphe 2 ; 22, points i et ii ; 24, points i et ii ; 25, paragraphe 2, alinéas b et c annexés àla résolution 55/153, supra, note 100. 115 Commission du droit international, op. cit. (supra, note 107), paragraphes 9 et 10 du commentaire del’article 11.
des débats au sein de la CDI, certains membres ont estimé que le lien véritable et effectif était
limité dans la mesure où son contexte juridique découlait des questions de protection
diplomatique en cause dans l’affaire Nottebohm116. Cependant, ce point de vue ne tient pas
compte des nombreuses applications ultérieures de cette expression ni du fait que les éléments
constitutifs du lien véritable et effectif découlaient de la pratique des Etats et n’avaient pas été
énoncés par la CIJ comme étant des notions nouvelles117. La Convention européenne de 1997
sur la nationalité est un bon exemple de l’application du lien véritable et effectif tout à fait en
dehors du contexte de la protection diplomatique118. Dans une perspective pratique, il serait
utile d’harmoniser la terminologie juridique pour résoudre les conflits en matière de
nationalité119. L’article 5 annexé à la résolution 55/153 indique une “ présomption de
nationalité ” pour les personnes qui ont leur résidence habituelle sur le territoire concerné par
la succession, la présomption étant qu’elles acquièrent la nationalité de l’Etat successeur. La
deuxième partie des articles annexés à la résolution 55/153 contient d’autres dispositions
prévoyant l’octroi de la nationalité aux résidents habituels120. On peut constater que des efforts
en vue d'une application plus équilibrée ont été faits dans les dispositions de la CDI annexés à
la résolution 55/153 qui vise à fonder l’octroi de la nationalité sur la résidence habituelle et le
lien approprié, notion plus large que celle de lien véritable et effectif, et qui prévoit que les
Etats doivent s’assurer que la succession d’Etats n’aboutisse pas à la création de cas
d’apatridie chez les personnes relevant de leur juridiction. En outre, la privation arbitraire du
droit d’option et la privation arbitraire du droit d’acquérir la nationalité de l’Etat successeur
pour les personnes qui y auraient droit dans le cadre de la succession d’Etats sont aussi
interdites. Cela vaut au-delà de l’obligation d’éviter l’apatridie et cela crée, en combinaison
avec les autres articles envisagés qui concernent la résidence habituelle, l’unité de la famille et
les liens appropriés, une obligation de l’Etat à l’égard des personnes qui ont les liens
spécifiés121.
116 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p.4.117 C. A. Batchelor, op. cit. (supra, note 110), note 26.118 Articles 7, paragraphe 1, alinéa e et 18, paragraphe 2, alinéa a de la CEN, supra, note 112. 119 C. A. Batchelor, op. cit. (supra, note 110), note 26. Les articles de la CDI annexés à la résolution55/153 concernent uniquement, dans le cadre de la succession d’Etats, la nationalité des personnes quiavait une nationalité avant la succession. On pourrait soutenir valablement qu’il existe un lienapproprié pour tous les anciens ressortissants vis-à-vis de tous les Etats successeurs et il faudraitévaluer de manière indépendante, pour déterminer la nationalité, des liens spécifiques tels que larésidence habituelle, l’origine territoriale, la volonté expresse de l’individu et d’autres « liensvéritables et effectifs ». Par conséquent, comme cet auteur l’a souligné, pour qu’elle ait unesignification spécifique, l’expression « lien approprié » devra être commentée en détail.120 Articles 20 et suivants annexés à la résolution 55/153, supra, note 100. 121 C. A. Batchelor, op. cit. (supra, note 110), p. 65.
29 Changement automatique de nationalité en cas de succession d’Etats. Le débat sur la
nationalité situé dans le contexte de la succession d’Etats s’articule de longue date autour de la
question de savoir si un changement de nationalité suit automatiquement un changement de
souveraineté sur le territoire122. Les articles présentés par la CDI et annexés à la résolution 55/153
s’en font l’écho dans l’article 5 qui parle de “ présomption de nationalité ” : “ Sous réserve des
dispositions des présents articles, les personnes concernées qui ont leur résidence habituelle sur le
territoire affecté par la succession d’États sont présumées acquérir la nationalité de l’État
successeur à la date de cette succession ”. La théorie actuelle et la pratique des Etats varient quant à
l’automatisme du changement de nationalité lors d’une succession d’Etats. L’individu continue
simultanément d’être attaché à un territoire, partant à un Etat, et pas seulement lorsque la nationalité
est déterminée sur la base du principe du jus soli. En matière de nationalité découlant d’une
succession d’Etats, on a voulu surtout attribuer en droit international un caractère normatif à une
sorte de principe d’affinité territoriale. Les articles de la CDI parlent de lien approprié à propos de
l’attribution d’une nationalité lors d’une succession d’Etats123, alors que la CEN insiste sur la
résidence habituelle et l’origine territoriale, parmi d’autres critères pour une telle attribution124.
L’objectif final est d’éviter l’apatridie, qui préoccupait au premier chef les rédacteurs de la CEN et
des articles de la CDI. Reste à savoir si certaines de ces critères ou une présomption de nationalité
sont devenues des règles de droit international qui s’imposent aux Etats, y compris les nouveaux125.
Les rédacteurs de la CEN ne voient dans ces critères que des principes dont les Etats doivent tenir
compte, mais en fonction de la situation de chacun126. La CDI reconnaît dans ses observations sur
l’article 5 que la présomption de nationalité peut être écartée lorsque d’autres principes
s’appliquent, mais elle souligne que la résidence habituelle est le principal critère retenu en pratique
pour désigner les ressortissants127. La réponse à la question est peu claire. Il convient de voir si de la
pratique récente des Etats pourrait se dégager une opinio juris sur chacun de ces critères. Il faut
préciser que c’est la première désignation des ressortissants qui importe aux fins de l’évaluation des
pratiques des Etats au moment de la succession d’Etats. Par la suite, les modifications introduites
dans la législation ou l’adoption de nouvelles lois peuvent être révélatrices simultanément d’une
122 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), p. 160. 123 Supra, note 114.124 Article 18, paragraphe 2 de la CEN, http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/166.htm125 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), p. 161.126 Paragraphe 20 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité“… les principes et les règles énoncés dans cette Convention ne sont pas d'application immédiate et …, parconséquent, en les transposant dans leur droit interne, les Etats peuvent tenir compte de leur situationparticulière. ”127 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 51e session, 3 mai – 23 juillet1999, A/54/10, chapitre IV, paragraphes 2, 3 et 4 du commentaire de l’article 5,http://www.un.org/law/ilc/reports/1999/english/99repfra.htm
amorce de compréhension de ces principes et des règles auxquelles de telles lois doivent se
plier. Ainsi, les pressions exercées par la communauté internationale sur le droit national
peuvent aussi être mises en évidence128.
30 Exemples de la pratique des Etats. La dissolution des trois fédérations –
Yougoslavie, Tchécoslovaquie et URSS – n’a pas été régie entièrement par des traités
internationaux. Les questions de nationalité ont été réglées essentiellement par la législation
nationale. Les anciennes républiques tchécoslovaques et yougoslaves ont recensé chacune
leurs ressortissants sur la base de leur citoyenneté129.
En Croatie, les personnes jouissant de la citoyenneté croate en vertu des anciennes lois
fédérales ont été considérées automatiquement comme des ressortissants croates aux termes
d’une nouvelle loi de 1991. Les collectivités locales tenaient les registres des citoyens. Si leur
inscription manquait ou était détruite, les intéressés avaient des difficultés pour prouver leur
qualité. Ceux qui étaient croates et résidaient depuis dix ans au moins dans le pays lors de
l’entrée en vigueur de la loi de 1991 sur la citoyenneté pouvaient demander la nationalité
croate, le droit de l’acquérir étant ainsi clairement réservé aux Croates de souche. Le critère de
dix ans de résidence a été supprimé par la suite. Les nationaux des autres ex-républiques
yougoslaves venus en Croatie à différentes époques et dans des conditions différentes sont
considérés comme des étrangers et doivent, le cas échéant, accomplir des formalités
compliquées pour se faire naturaliser, ce qui soulève de graves problèmes en matière de droits
de l’homme130.
L’acquisition de la nationalité sur demande a été utilisée à propos d’autres groupes de
personnes dans les nouveaux Etats successeurs d’Europe centrale et orientale. En République
tchèque seuls les anciens citoyens de l’ex-République fédérale tchèque passaient pour des
ressortissants de souche. Ceux de ces citoyens qui avaient résidé deux ans au moins en
République tchèque ou y avait résidé en dernier lieu étaient autorisés à postuler la nationalité
tchèque. Il leur fallait toutefois remplir d’autres conditions encore, par exemple, avoir un
casier judiciaire vierge pour les cinq dernières années et ne pas posséder une autre nationalité.
Le Conseil de l’Europe et le Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés ont
critiqué la démarche tchèque parce qu’elle a rendu apatrides d’ex citoyens de la République
slovaque qui résidait habituellement en République tchèque, à moins qu’ils aient été
128 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), pp. 161-162. 129 Ibid., plus particulièrement p. 162.130 Ibid.
naturalisés tchèques131. Les modifications introduites en 1996 dans la loi tchèque n’ont allégé qu’en
partie la condition du casier judiciaire vierge. D’autres améliorations en ce sens ont été envisagées
par la suite132.
Les anciennes républiques soviétiques ont jugé nécessaire d’attribuer chacune sa nationalité
aux personnes ayant résidé en permanence pendant quelque temps sur leur territoire ou en étaient
originaires133.
En d’autres termes, la pratique des Etats continue de varier dans les affaires de succession
d’Etats. Reste à savoir s’ils ont agi ainsi parce qu’ils reconnaissaient dans le principe du
changement automatique de nationalité une règle du droit international coutumier, plus
particulièrement, si l’attribution de la nationalité en tant que nationalité secondaire telle que
pratiquée par les ex-républiques yougoslaves et la République tchèque est conforme à ce principe.
Le représentant tchèque à la Sixième Commission de l’ONU, en 1997, M. Beranek, critiquant à
l’époque la présomption de nationalité dans le projet d’articles de la CDI, déclarait qu’elle n’avait
manifestement pas été appliquée puisque c’est la nationalité secondaire qui avait servi de critère
pour l’attribution de la nationalité134. En outre, il faut faire la distinction entre la définition des
ressortissants d’origine et les autres méthodes disponibles. La présomption ne s’applique pas quand
les Etats, s’inspirant de critères différents, accordent la nationalité en usant de formalités simplifiées
ou de la naturalisation ; il ne s’agit plus dans ces cas de changement automatique de nationalité. De
récentes lois sur la nationalité ne favorisent pas les solutions simples comme le serait son attribution
à tous les résidents habituels installés sur le territoire. Il est difficile en effet de faire admettre le
principe général du changement automatique de nationalité en cas de changement territorial,
principe qui pourrait s’imposer aux Etats en cause et soulever des problèmes de responsabilité.
C’est là une présomption sous-jacente en cas de changement territorial, subordonnées à d’autres
règles applicables et à l’appréciation du caractère des liens entre l’individu et l’Etat. Cela étant, le
droit à une nationalité, tel qu’il s’applique en cas de changement territorial, a-t-il une quelconque
valeur ajoutée ?135
31 A situations différentes, règles différentes. Les opinions divergent quant à la question
131 “Rapport des experts du Conseil de l’Europe sur les lois de la République tchèque et de la Slovaquierelatives à la citoyenneté et leur mise en œuvre”, Conseil de l’Europe (Strasbourg, 2 avril 1996), doc.DIR/JUR (96) 4, paragraphes 73 et 76 ; “Les lois tchèque et slovaque relatives à la citoyenneté et leproblème de l’apatridie”, document préparé par le HCR, février 1996, paragraphe 76, tel que cités à la note88 du Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 51e session, 3 mai – 23 juillet1999, A/54/10, chapitre IV,http://www.un.org/law/ilc/reports/1999/english/99repfra.htm 132 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), pp. 163-164. 133 Ibid., plus particulièrement p. 164. 134 Ibid., plus particulièrement p. 165.135 Ibid., plus particulièrement p. 166.
de savoir si les différentes catégories de succession d’Etats appellent l’application de règles
différentes en matière de nationalité. Contrairement à l’opinion selon laquelle en principe la
présomption de changement automatique de nationalité consécutif à un changement de
souveraineté s’applique dans n’importe quelle situation, l’ancien rapporteur spécial de la CDI,
V. Mikulka a fait valoir que les règles peuvent varier selon que l’Etat prédécesseur disparaît
ou continue d’exister136. Dès lors, la CDI a traité séparément les problèmes de nationalité qui
se posent dans le cadre des différents types de changements territoriaux.
32 Disparition de l’Etat prédécesseur. Le principe veut que la nationalité soit liée à
un Etat et que la disparition de cet Etat entraîne celle de sa nationalité137. La nationalité de la
Tchécoslovaquie et celle de la Yougoslavie ont disparu en même temps que ces pays. La
réunification de l’Allemagne a effacé la nationalité de la République démocratique allemande
parce que celle-ci a cessé d’exister, tandis que la nationalité allemande subsistait.
L’absorption totale d’un Etat par un autre ferait ainsi disparaître, en principe, la nationalité de
l’Etat absorbé. L’unification des Etats et leur dissolution semblent produire les mêmes
difficultés en matière de nationalité. L’un des Etats prédécesseurs cesse à chaque fois
d’exister. En principe, les Etats successeurs n’ « héritent » pas simplement de tous les
ressortissants de l’Etat prédécesseur, aucune règle impérative n’imposant un changement de
nationalité à la suite d’un changement de territoire, ce qui est conforme aussi au principe selon
lequel les nouveaux Etats sont en droit international des personnes morales distinctes ayant en
conséquence chacune ses propres ressortissants déterminés par elle dans les limites de ce
même droit. Le démembrement de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie a montré que
chaque Etat successeur établit ses propres règles, qui ne sont d’ailleurs pas très différentes les
unes des autres ou de ce qu’elles étaient auparavant, sans doute parce que les nouveaux Etats
n’avaient guère de précédents auxquels se référer. Ceci ne répond pas à la question des
éventuelles obligations internationales susceptibles d’exister ou de leur satisfaction dans les
cas cités138.
33 Continuité d’un Etat prédécesseur. Comme indiquée plus haut, telle ou telle
nationalité est liée à tel ou tel Etat. Il s’ensuit que la nationalité cesse d’exister en même temps
que l’Etat. Si l’Etat continue d’exister bien qu’il ait été amputé d’une partie de son territoire,
136 V. Mikulka, “Premier rapport sur la succession d’Etats et son incidence sur la nationalité despersonnes physiques et morales”, A/CN.4/467, 17 avril 1995, p. 34, paragraphe 90. 137 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), p. 167.138 Ibid.
rien n’autorise à penser que la nationalité des personnes résidant dans des Etats tiers cesse d’exister
du seul fait de leur résidence. Enlever leur nationalité aux ressortissants d’un Etat qui continue
d’exister malgré des changements territoriaux, même s’ils résident ailleurs, sans les consulter, peut
les priver arbitrairement de leur nationalité et violer le principe de la réduction des cas
d’apatridie. Dans les deux cas ce serait illégal. Que des individus résident dans un autre Etat que le
leur est chose courante aujourd’hui. Ce n’est pas une raison pour les priver de leur nationalité.
Pourquoi en serait-il ainsi rien qu’à cause d’un changement territorial partiel ? Il faudrait plus, par
exemple, laisser aux intéressés le choix entre acquérir une autre nationalité ou, au moins, renoncer à
l’ancienne. Si l’Etat successeur n’accordait pas sa nationalité à ces personnes, l’Etat prédécesseur ne
devrait pas leur retirer la sienne. L’article 10 annexé à la résolution 55/153 admet le postulat que
l’individu conserve en principe la nationalité de l’Etat prédécesseur à moins qu’il n’acquière celle
de l’Etat successeur139. Le principe de la réduction des cas d’apatridie va clairement en ce sens140.
34 L’obligation de respecter les droits de l’homme en cas de succession d’Etats. Il est
de plus en plus largement admis que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les Etats en matière
de nationalité doit aussi tenir compte des droits fondamentaux des individus. La Cour
interaméricaine des droits de l'homme, dans un avis consultatif de 1984, a affirmé que le droit à la
nationalité était un droit inhérent à l'homme, reconnu par le droit international, et que les pouvoirs
des Etats en matière de nationalité étaient circonscrits par l'obligation qui leur incombe d'assurer
pleinement la protection des droits de l'homme141. Comme le démontrent les cas de la Tchéquie et
de la Croatie, il est probable, quand la nationalité secondaire est le seul critère à définir les
ressortissants de souche, que les autres résidents, y compris les citoyens d’une autre république
fédérale, pourraient devenir apatrides s’ils n’acquéraient pas la nationalité par la naturalisation ou
par une procédure simplifiée. Il s’agit, notamment, des résidents qui avaient vécu pendant des
décennies en République tchèque et qui voulaient y rester. La question est de savoir s’ils devraient
passer automatiquement pour des ressortissants de souche de cette république ou si le droit
d’acquérir sa nationalité en accomplissant certaines formalités devrait suffire. Le Conseil de
l’Europe a jugé ce dernier suffisant, sous réserve que les formalités soient raisonnables et
compatibles avec les critères généraux des droits de l’homme142. En parlant de « lien approprié », les
139 Article 10 « Perte de la nationalité d’un État lors de l’acquisition volontaire de la nationalité d’un autreÉtat », paragraphe 1, annexé à la résolution 55/153 “ 1. L’État prédécesseur peut prévoir que les personnes concernées qui, en relation avec la successiond’États, acquièrent volontairement la nationalité d’un État successeur perdent sa nationalité. ”140 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), p. 168.141 CIADH 19 janvier 1984, Amendements aux dispositions de la Constitution du Costa Rica en matière denaturalisation, ac-4/84, tel que cité au paragraphe 29 du Rapport explicatif sur la Convention européennesur la nationalité, http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/166.htm 142 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), p. 165.
règles de la CDI annexées à la résolution 55/153 sous-entendent que d’autres motifs pourrait
encore être invoqués pour faire en sorte que chaque résident permanent ayant la nationalité
d’un Etat prédécesseur puisse devenir le ressortissant d’un autre, à moins qu’il n’en décide
autrement. L’article 11, paragraphe 2 annexé à la résolution 55/153 oblige chaque Etat qui
conclue des traités à prévoir un droit d’option pour “… [les] personnes concernées ayant
avec lui un lien approprié si, à défaut, elles devaient devenir apatrides du fait de la
succession ”. L’article 11, paragraphe 1 annexé à la résolution 55/153 oblige les Etats en
général à tenir compte “… de la volonté des personnes concernées qui remplissent les
conditions requises pour acquérir la nationalité de deux ou plusieurs Etat concernés ”.
35 L’obligation de non-discrimination afin d’éviter l’apatridie en cas de
succession d’Etats. Le défaut de nationalité comme résultat de la succession d’Etats peut
servir de base à une discrimination. Il convient de rappeler que les non-ressortissants doivent
en principe jouir de la quasi-totalité des droits de l’homme, y compris, le cas échéant des
avantages socio-économiques143. Toute distinction liée à l’absence d’une nationalité
particulière pourrait passer pour une violation de ces droits. Aux termes de la Convention de
Vienne sur le droit des traités, un Etat ne peut justifier son inobservation des obligations
découlant de traités internationaux en invoquant des dispositions du droit national144. Il en est
de même de la législation nationale dès qu’il s’agit d’une obligation de non-discrimination
prévue par un traité. Dans le cadre du droit international coutumier, elle lie à la fois les
anciens et les nouveaux Etats, l’attribution d’une nationalité en cas de succession d’Etats étant
ainsi influencée par la règle de non-discrimination. Il n’y a aucune raison valable ou juridique
de dire que l’interdiction de la discrimination en droit international ne s’applique pas aux
mesures prises par les Etats dans le domaine de la nationalité, y compris dans les cas de
succession d’Etats, sauf si certaines distinctions entre ressortissants et non-ressortissants sont
expressément prévues en droit international145.
143 Article 20 « Principes concernant les non-ressortissants » de la CEN “ 1. Chaque Etat Partie doit respecter les principes suivants: a. les ressortissants d'un Etat prédécesseur résidant habituellement sur le territoire dont lasouveraineté est transmise à un Etat successeur, dont ils n'ont pas acquis la nationalité, doivent avoirle droit de rester dans cet Etat; b. les personnes mentionnées au paragraphe a doivent bénéficier de l'égalité de traitement avec lesressortissants de l'Etat successeur en ce qui concerne les droits sociaux et économiques. 2. Chaque Etat Partie peut exclure les personnes visées par le paragraphe 1 des emplois del'administration publique en tant qu'investi de l'exercice de la puissance publique. ”144 Convention de Vienne sur le droit des traités, ouverte à la signature le 23 mai 1969, entrée envigueur le 27 janvier 1980, article 27,http://www.un.org/law/ilc/texts/treatfra.htm145 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), pp. 172-173.
Il n’est pas rare qu’un certain groupe ethnique ou national puisse revendiquer avec une force
particulière telle ou telle nationalité, comme en témoignent les législations de certains nouveaux
Etats indépendants, d’où la possibilité que se posent des questions quant à l’égalité des droits et à la
discrimination146. L’article 15 annexé à la résolution 55/153 est ainsi libellé : “ Les Etats concernés
ne privent pas les personnes concernées du droit de conserver ou d’acquérir une nationalité ou du
droit d’option qu’elles ont lors d’une succession d’Etats en opérant des discriminations pour
quelque raison que ce soit ”. Selon la CDI, les éléments traditionnels déterminant la discrimination
peuvent ne pas s’adapter à toutes les situations propres à entraîner une telle discrimination dans le
contexte particulier d’une succession d’Etats. Elle mentionne la réaction du Conseil de l’Europe et
du Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à la disposition de la loi tchèque qui
exclut de la naturalisation les individus ayant un casier judiciaire147. La CDI a fait une distinction
tacite entre la discrimination, pour quelque motif que se soit, qui se traduit par un refus de la
nationalité, et le recours à des critères pour élargir le cercle des individus en droit d’acquérir la
nationalité, d’autre part148. En laissant de côté la question de telles préférences, la CDI paraît sous-
entendre qu’elles sont légitimes149. Mais cette distinction est très mince et difficile à justifier. Ces
distinctions peuvent ne pas déboucher immédiatement sur un refus de la nationalité à d’autres
groupes de personnes, mais elles sont susceptibles d’introduire un élément d’inégalité dans des
situations comparables150. L’article 17 annexé à la résolution 55/153 prévoit des garanties
procédurales complètes en indiquant que les décisions pertinentes “… sont signifiées par écrit et
peuvent faire l’objet d’un recours administratif ou judiciaire effectif ”.
36 Combinaison de règles des instruments internationaux en vigueur aux fins de la
prévention et de la réduction des cas d’apatridie en cas de succession d’Etats. Si l’on combine
les idées contenues dans les instruments internationaux en vigueur aux fins de la prévention et de la
146 Ibid., plus particulièrement p. 165.147 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 51e session, 3 mai – 23 juillet1999, A/54/10, chapitre IV, paragraphe 3 du commentaire de l’article 15,http://www.un.org/law/ilc/reports/1999/english/99repfra.htm148 Ibid., paragraphe 4 du commentaire de l’article 15. 149 Lé débat engagé en 1997 à la Sixième commission révèle que les Etats ne sont pas encore du même avissur le fonctionnement de la non-discrimination en cas de succession d’Etats. En premier lieu, certainsmembres de la CDI se demandaient s’il fallait vraiment s’occuper de cette règle dans le contexte de cettesuccession. Quant au fond, le représentant de la Suisse a fait valoir que l’article 14 va trop loin, car il paraîtsous-entendre que n’importe quel critère appliqué à la naturalisation est discriminatoire. Il n’était pasconvaincu que les Etats seraient d’accord pour interpréter ainsi la règle de la non-discrimination. Lereprésentant de la Tchéquie a proposé de faire une distinction entre d’un coté les critères servant à empêcherles personnes à acquérir une nationalité, et de l’autre, les critères régissant la naturalisation. Tous lesmembres étaient en principe convenus que la règle de la non-discrimination devait s’appliquer. Les avisdivergeaient quant au champ d’application des critères. Le représentant de la Slovénie a suggéré de désignernommément ces motifs, par exemple la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et lareligion. (I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), note 320).150 Ibid., plus particulièrement p. 166.
réduction des cas d’apatridie sans distinguer entre les catégories de succession d’Etats, on
aboutit aux règles suivantes :
Un Etat successeur accorde sa nationalité aux personnes résidant habituellement sur
son territoire qui deviennent apatrides en raison de la succession d’Etats ;
Un Etat prédécesseur ne retire pas sa nationalité à ceux de ses ressortissants qui ne
sont pas en mesure d’acquérir la nationalité d’un Etat successeur ;
Un Etat successeur accorde sa nationalité aux personnes résidant habituellement dans
un pays tiers qui deviennent apatrides en raison de la succession si elles sont nées sur le
territoire qui est devenu le territoire de l’Etat successeur, si elles y ont eu leur dernière
résidence habituelle ou si elle ont tout autre lien approprié avec l’Etat successeur ;
En cas de dissolution d’un Etat fédéral, un Etat successeur accorde sa nationalité aux
personnes apatrides qui avaient auparavant sa citoyenneté interne.
On peut ajouter à ces règles le principe que les Etats s’attachent, le cas échéant et
notamment en cas de succession d’Etats, à régir par un accord international les questions liées
à l’apatridie151.
37 Nécessité d’un instrument international sur la succession d’Etats et l’apatridie.
L’adoption du projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la
succession d’États par l’Assemblée générale de l’O.N.U., sous forme d’une déclaration, a été
recommandée par la Commission152. L’Assemblée générale de l’O.N.U. n’a pas accédé à la
demande de la C.D.I. d’adopter son projet d’articles sous la forme d’une déclaration.
Considérant que le travail de la C.D.I. sur la nationalité des personnes physiques en relation
avec la succession d’États “…constituera un guide utile pour la pratique y relative”153,
l’Assemblée générale de l’O.N.U. s’est contentée de prendre note des articles présentés par la
C.D.I.154. Toutefois, elle a annexé ce projet à sa résolution 55/153 et a reconnu que “le travail
accompli par la Commission du droit international sur [la question de la nationalité des
personnes physiques en relation avec la succession d’États] pourrait déboucher sur
l’élaboration à l’avenir d’une convention ou d’un autre instrument approprié ...”155. L’article
151 R. Schärer, op. cit. (supra, note 31), p. 191.152 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 51e session, 3 mai – 23juillet 1999, A/54/10, chapitre IV, paragraphe 44,http://www.un.org/law/ilc/reports/1999/english/99repfra.htm153 Résolution A/Res/55/153 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la nationalité despersonnes physiques en relation avec la succession d’Etats, adoptée sans vote le 12 décembre 2000,préambule, http://www.un.org/Depts/dhl/dhlf/resdeclf/res55_2f.htm 154 Ibid., article 2.155 Ibid., préambule.
49
18 annexé à la résolution 55/153 donne aux Etats l’obligation, d’une part, de procéder à des
échanges d’informations et des consultations pour mettre en évidence les problèmes de nationalité
liés à la succession d’Etats et, d’autre part, de rechercher des solutions par la négociation et, le cas
échéant, par voie d’accord. La Convention européenne sur la nationalité contient un chapitre sur la
succession d’Etats qui se borne à énoncer des principes et des lignes directrices, mais qui ne pose
pas de règles spécifiques à respecter par les Etats en cas de succession d’Etats. Le Conseil de
l’Europe a adopté une Recommandation sur la prévention et la réduction des cas d’apatridie156. Cette
Recommandation s’inspirait de la Convention européenne, dont elle visait à développer les règles et
principes sur la prévention et la réduction des cas d’apatridie. Dès lors, les experts proposent que le
Conseil de l’Europe élabore un instrument qui vienne compléter la Convention européenne sur la
nationalité en ce qui concerne la question de l’apatridie liée à la succession d’Etats157. L’expérience
retirée des cas d’apatridie et de la succession d’Etats montre que des difficultés se rencontrent en
raison d’un changement du lieu de résidence, en raison d’une interprétation restrictive de
l’expression « résidence habituelle », en raison des exigences de preuve de l’ensemble des
conditions à remplir pour acquérir la nationalité d’un Etat successeur ou bien en raison de la crainte
des Etats successeur de créer des cas de nationalité multiple. Autres règles qui peuvent être
considérées à partir de la Recommandation relative à l’apatridie visent particulièrement la
coopération entre les Etats impliqués dans la succession, la prévention de l’apatridie à la naissance
et l’acquisition de la nationalité facilitée pour les apatrides. Par conséquent, d’autres règles régissant
l’apatridie et la succession d’Etats pourraient être fondées d’une part, sur l’expérience tirée des cas
récents de succession d’Etats et, d’autre part, sur la Recommandation du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la réduction des cas d’apatridie.
Section II : Le droit de l’enfant à une nationalité
38 Garanties en matière d’acquisition de la nationalité par les enfants. Bien qu’il ne
soit pas question dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après le
« Pacte ») d’un droit général à une nationalité, son article 24, paragraphe 3 stipule que “ Tout enfant
a le droit d’acquérir une nationalité ”. Le but était de faire en sorte que sa protection ne soit pas
moindre à cause de l’apatridie. Selon l’article article 24, paragraphe 2 du Pacte, “Tout enfant doit
156 Recommandation n° R (99) 18 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la prévention et laréduction des cas d’apatridie, adoptée par le Conseil de l’Europe le 15 septembre 1999,http://cm.coe.int/ta/rec/1999/f99r18.htm 157 R. Schärer, op. cit. (supra, note 31), p. 195 ; I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), p. 174.
être enregistré immédiatement après sa naissance et avoir un nom”. Le Comité des droits de
l’homme (ci-après le « CDH ») de l’ONU a souligné que l’obligation d’enregistrer un enfant
va de pair avec son droit à des mesures de protection particulières. Sans toutefois dire que les
Etats sont obligés d’attribuer une nationalité à la naissance, le CDH a fait valoir qu’ils sont
tenus de prendre toutes les mesures voulues pour que l’enfant ait une nationalité quand il
naît158. L’article 24, paragraphe 3 du Pacte traite du droit à une nationalité au sens de son
acquisition et énonce quelques conditions qu’il faut remplir à cet effet. Les formalités
nécessaires pour acquérir une nationalité varient d’un Etat à l’autre et risqueraient de traîner
en longueur, si le paragraphe 2 n’éliminait d’éventuels retard en décidant qu’un Etat doit
enregistrer l’enfant “… immédiatement après sa naissance… ”. L’autre garantie se fonde dans
ce contexte sur le principe de non-discrimination. Le CDH a fait valoir qu’en matière
d’acquisition de la nationalité aucune discrimination ne saurait être tolérée en droit interne
entre les enfants légitimes et les enfants nés hors mariage ou de parents apatrides ou fondée
sur la nationalité de l’un ou des deux parents159. En outre, le CDH a défini les motifs, tels que
l’apatridie des parents, leur nationalité ou leur situation maritale, qui ne peuvent servir de
justification à des distinctions, expulsions à l’encontre des enfants. Les motifs habituels
interdisant toute discrimination s’appliquent également. La mise en œuvre des droits de
l’enfant exige évidemment l’adoption de mesures particulières, comme le font ressortir le
CDH et d’autres instances internationales compétentes. Les Etats ne contestent pas cette
obligation. Aucun Etat Partie au Pacte, y compris les membres du Conseil de l’Europe, n’a
formulé de réserve au sujet de l’article 24. Dans son article 7, la Convention relative aux
droits de l’enfant prévoit que l’enfant a le droit d’acquérir une nationalité après sa
naissance160. Le paragraphe 2 admet en même temps que la mise en œuvre de ce droit relève
de la législation nationale. Chaque Etat peut fixer les formalités nécessaires pour acquérir une
nationalité ou y renoncer, encore que ce soit dans les limites des “…obligations que leur
imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas
où faute de cela l'enfant se trouverait apatride”. Cet énoncé laisse entendre que l’apatridie des
enfants existe encore et que les mesures nationales prises en application de l’article 7 doivent
tendre à éliminer ce problème. La règle de l’article 3 de cette convention, qui veut que les
intérêts de l’enfant soient protégés au mieux, constitue une autre garantie contre la violation
du droit de l’enfant à une nationalité. De plus, la Convention relative aux droits de l’enfant
158 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), 169.159 Ibid.160 Convention relative aux droits de l’enfant (ONU), 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2septembre 1990, http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/k2crc_fr.htm
jouit d’une acceptation quasi universelle161. La Convention européenne sur la nationalité énonce des
règles détaillées concernant la nationalité des enfants162.
39 Enfants nés sur le territoire de l’Etat. L’article 6, paragraphe 2 de la CEN exige que la
nationalité soit accordée ex lege ou à la demande des enfants nés sur le territoire de l’Etat et qui, à
défaut, seraient apatrides163. Pour ce qui est des formalités de demande, la Convention dispose que
la durée de la résidence légale et habituelle exigée ne dépasse pas cinq années. Cette disposition
s’inspire directement de l’article premier de la Convention de 1961 sur la réduction des cas
d’apatridie mais accorde des garanties supplémentaires. Si un enfant devait rester apatride pendant
une longue période à cause de la condition d’âge ou pour d’autres raisons, cela constituerait une
violation de son droit d’acquérir la nationalité de son pays de naissance. Certains auteurs ont
proposé, en conséquence, de faire du droit pour un enfant apatride d’acquérir la nationalité de son
Etat de naissance partie intégrante du droit international coutumier164.
40 Enfants trouvés. Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, alinéa b de la CEN, chaque
Etat Partie accorde automatiquement sa nationalité aux “… nouveau-nés trouvés sur son territoire
qui, autrement, seraient apatrides “. Le terme “ nouveau-nés trouvés “ vise les nouveau-nés trouvés
après avoir été abandonnés sur le territoire d’un Etat qui n’ont aucune filiation ni nationalité connue
et qui seraient apatrides si l’on n’appliquait pas ce principe. Celui-ci est repris de l’article 2 de la
Convention sur la réduction des cas d’apatridie165. L’obligation d’octroyer la nationalité est aussi
satisfaite si, en l’absence de preuve contraire, le nouveau-né est considéré de plein droit comme
l’enfant d’un ressortissant et donc comme un ressortissant.
41 Enfants nés à l’étranger. Chaque Etat Partie reconnaît dans son droit interne que les
enfants nés de l'un de ses ressortissants acquièrent automatiquement la nationalité de cet Etat Partie,
sous réserve de la possibilité de prévoir des exceptions dans le cas des enfants nés hors du
territoire166. Tandis que les enfants nés à l’étranger peuvent faire l’objet de règles différentes en ce
161 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), p. 170. 162 Les articles 6, paragraphes 1, 2 et 4, alinéas b, c, d ; 7, paragraphes 1, alinéas f, g, et 2 ; 14, paragraphe1, alinéa a de la CEN, http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/166.htm 163 Article 6, paragraphe 2 de la CEN164 J.M.M. Chan, “The Right to a Nationality as a Human Right : the Current Trend TowardsRecognition”, Human Rights Law Journal, 1991, Vol. 12, n° 1-2, pp. 1-14, plus particulièrement p. 11. 165 Supra, note 85.166 Article 6, paragraphe 1, alinéa a de la CEN “ 1. Chaque Etat Partie doit prévoir dans son droit interne l'acquisition de plein droit de sanationalité par les personnes suivantes: a. les enfants dont l'un des parents possède, au moment de la naissance de ces enfants, la nationalité de cetEtat Partie, sous réserve des exceptions qui peuvent être prévues en droit interne pour les enfants nés àl'étranger.”
qui concerne l’acquisition de la nationalité, il est possible de supprimer par la suite toute
différence initiale de traitement (par exemple, le fait de ne pas acquérir la nationalité de plein
droit) grâce à l’acquisition facilitée de la nationalité par filiation167.
42 Enfant né après la succession d’Etats. Selon l’article 13 annexé à la résolution
55/153168, un enfant né après la date de la succession d’Etats et qui n’a pas acquis d’autre
nationalité, “… a droit à la nationalité de l’Etat concerné sur le territoire duquel il est né ”, le
jus soli résolvant par là même les cas dans lesquels la nationalité n’a pas été acquise par
filiation. Cette règle s’applique dans tous les cas de succession d’Etats en matière
d’obligations et de responsabilité des Etats où les enfants sont nés. La résidence habituelle
antérieure, modulée par des principes tels que, par exemple, celui de l’unité de la famille,
permet de résoudre la question de la nationalité des enfants nés avant la date de succession.
43 Conclusion du chapitre. Il convient de relever que les rédacteurs de la Convention
européenne sur la nationalité et les articles de la CDI annexés à la résolution 55/153 sont
d’une grande fermeté en ce qui concerne le droit à une nationalité en cas de succession
d’Etats. Ils ont bien souligné que la détermination de l’Etat tenu d’attribuer une nationalité
dans chaque cas individuel dépend du type de succession d’Etats et de la nature des liens entre
l’individu et l’Etat. En d’autres termes, c’est l’association du droit à une nationalité, considéré
comme clairement applicable en cas de changement territorial et du principe des liens
appropriés avec le territoire, qui constitue la solution proposé pour chaque cas individuel. Il
s’en suit qu’une personne ayant la nationalité d’un Etat prédécesseur a droit à celle de l’Etat
successeur ou, le cas échéant, le droit de garder la sienne. Cela, sous réserve de l’interdiction
de l’apatridie et du respect d’autres règles ayant trait aux droits de l’homme. Le droit
d’acquérir une nationalité est désormais assez bien précisé en ce qui concerne les enfants.
Toutefois, il n’est pas toujours respecté, en particulier dans les Etats où la nationalité se fonde
sur le principe du jus sanguinis. Les procédures d’acquisition de la nationalité s’appuient sur
la durée de la résidence, l’âge du demandeur et d’autres critères, mais il faut respecter le
principe de non-discrimination, l’interdiction de rendre les enfants apatrides et l’interdiction
167 Article 6, paragraphe 4, alinéa b de la CEN“ 4. Chaque Etat Partie doit faciliter dans son droit interne l'acquisition de sa nationalité par lespersonnes suivantes:b. enfants d'un de ses ressortissants, qui font l'objet de l'exception prévue à l'article 6, paragraphe 1,alinéa a; ” 168 Résolution A/Res/55/153 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la nationalité despersonnes physiques en relation avec la succession d’Etats, adoptée sans vote le 12 décembre 2000, http://www.un.org/Depts/dhl/dhlf/resdeclf/res55_2f.htm
de prendre des décisions arbitraires169.
TITRE II : L’ACCÈS À LA POLYPATRIDIE COMME MOYEN
D’INTÉGRATION
44 Plan. L’incidence de l’apatridie a été réduite par l’adhésion à la Convention sur la
réduction des cas d’apatridie et la Convention européenne sur la nationalité et, aujourd’hui, il est
généralement accepté que les lois sur la nationalité ne doivent pas permettre d’engendrer l’apatridie.
Il convient de rappeler qu’un individu peut revendiquer plus d’une « nationalité »
(ethnique/sociale/culturelle), mais aussi plus d’une « citoyenneté » (lien juridique)170. L’acceptation
de ce principe a pour conséquence l’acceptation croissante de la pluralité de nationalités. On se
réfère à la pluralité de nationalités au sens juridique qui est donné à cette formulation dans l’article
2 de la CEN171. L’admissibilité de la pluralité de nationalités doit être envisagée en rapport avec le
problème de l’intégration des migrants dans l’Etat d’accueil et de l’acquisition de la nationalité de
cet Etat (Chapitre I). Il convient ensuite de souligner les limitations qui s’imposent aux Etats qui
tentent de priver une personne d’une nationalité dans des situations où cette personne peut se
prévaloir d’une autre nationalité (Chapitre II).
169 I. Ziemele, op. cit. (supra, note 106), p. 166, 169 et 170. 170 N. Mole, L. Fransman, “Nationalité multiple et la Convention européenne des droits de l’homme“, inCoE Doc. CONF/NAT (2001) PRO, 2ème Conférence européenne sur la nationalité “Défis au droitnational et international sur la nationalité à l’aube du nouveau millénaire“, pp. 133-152, plusparticulièrement, p. 135, http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf171 Article 2 « Définitions », alinéa b de la Convention européenne sur la nationalité, Conseil de l’Europe,STCE 166, ouverture à la signature le 6 novembre 1997, entrée en vigueur le 1er mars 2000,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/166.htm
Chapitre I : La tendance des Etats européens vers l’acceptation de
la polypatridie de leurs ressortissants
45 Plan. L’émergence du droit a une nationalité particulière dans la perspective de
l’intégration des migrants dans l'Etat d'accueil et du maintien des liens avec leurs Etats
d’origine se manifeste par la possibilité de conserver leur nationalité d'origine (Section I),
aussi bien que, par la reconnaissance d’un droit effectif à la naturalisation dans l'Etat d'accueil
(Section II).
Section I : La conservation de la nationalité d’origine comme moyen
d’intégration
46 Les efforts des Etats européens de réduire les cas de pluralité de nationalités. Il
convient d’observer qu’aucun traité de portée universelle n’a jamais été conclu sur la question
de la pluralité de nationalités dans le but d’harmoniser la législation interne des Etats à ce
propos172. C’est, en revanche, ce qui s’est fait à l’échelon régional, en Europe, avec la
Convention sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligations militaires
en cas de pluralité de nationalités173. Considérant que “le cumul de nationalités est une source
172 G. Kojanec, “Pluralité de nationalités”, in CONF/NAT (99) PRO 1, 1re Conférence européennesur la nationalité “Tendances et développement en droit interne et international sur la nationalité”(Strasbourg, 18-19 octobre 1999), pp. 37-50, plus particulièrement p. 40,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf173 Convention sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligations militaires en
de difficultés”, les Etats européens partageaient l’idée selon laquelle “une action commune, en vue
de réduire autant que possible … les cas de pluralité de nationalités, répond au but poursuivi par le
Conseil de l’Europe“174. La Convention, reflétant l’attitude du droit interne des Etats Parties hostile
à la pluralité de nationalités, avait pour objectif d’établir, moyennant l’acceptation de critères égaux,
un mécanisme automatique entraînant la perte de la nationalité d’un Etat partie à l’occasion de
l’acquisition de la nationalité d’un autre Etat Partie dans certains cas. Mais lorsque l’acquisition
d’une autre nationalité ne dépendait pas de la volonté de la personne concernée, ce mécanisme ne
fonctionnait pas et la pluralité de nationalités pouvait donc exister. Même dans le contexte d’un
instrument régional, il n’a donc pas été possible d’énoncer une exclusion générale de la possibilité
de posséder plusieurs nationalités175.
47 La polypatridie un phénomène quasi inévitable. L’évolution est, en fait, allée dans la
direction opposée, notamment vers une augmentation du nombre des situations où la perte
automatique de la nationalité prévue par la Convention ne fonctionnerait pas. Tel a été l’effet du
Deuxième Protocole portant modification à la Convention sur la réduction des cas de pluralité de
nationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités176. “ Considérant le
nombre important de migrants établis de manière permanente dans les Etats membres du Conseil
de l'Europe et la nécessité d'achever leur intégration, notamment celle des migrants de la deuxième
génération, dans l'Etat d'accueil…”, les Etats membres du Conseil de l'Europe estiment que “… la
conservation de la nationalité d'origine est un facteur important ” pour la réalisation de cet
objectif177. L’exigence de la perte de la nationalité possédée antérieurement comme condition de
l’acquisition de la nationalité de l’Etat de résidence permanente est apparue comme un obstacle à la
pleine intégration, à cause de la difficulté éprouvée par les personnes concernées à couper
définitivement tous leur liens avec l’Etat d’origine, même lorsqu’ils étaient, comme dans le cas des
immigrants de deuxième génération, réduits simplement à un lien juridique formel exprimé par la
cas de pluralité de nationalités, Conseil de l’Europe, STCE 043, ouverture à la signature le 6 mai 1963,entrée en vigueur le 28 mars 1968,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/treaties/html/043.htm174 Préambule de la Convention sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligationsmilitaires en cas de pluralité de nationalités. De fait, l’article 1 de la Convention stipule que “ Lesressortissants majeurs des Parties contractantes qui acquièrent à la suite d’une manifestation expresse devolonté, par naturalisation, option ou réintégration, la nationalité d’une autre Partie, perdent leurnationalité antérieure; ils ne peuvent être autorisés à la conserver. ” 175 G. Kojanec, op. cit. (supra, note 172), p. 41. 176 Deuxième Protocole portant modification à la Convention sur la réduction des cas de pluralité denationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités, Conseil de l’Europe, STCE149, ouverture à la signature le 2 février 1993, entrée en vigueur le 24 mars 1995 pour trois Etats européens(France, Italie et Pays-Bas), http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/149.htm177 Préambule du Protocole.
nationalité qui, toutefois, leur permettait de ne pas être des étrangers dans leur pays
d’origine178. Le Deuxième Protocole permet aux Parties contractantes de ne pas appliquer la
règle générale de la Convention concernant la perte de la nationalité dans trois cas. En premier
lieu, lorsqu’un ressortissant d’une Partie contractante acquiert la nationalité d’une autre Partie
contractante sur le territoire de laquelle il este né ou est résident ou a été normalement résident
durant un certain délai avant l’âge de 18 ans. Cette disposition, qui permet de conserver la
nationalité d’origine, reconnaît l’admissibilité de la double nationalité. De plus, un même
résultat est obtenu en cas de mariage entre ressortissants de Parties contractantes différentes si
l’époux ou l’épouse acquiert de sa propre volonté la nationalité de son conjoint. Enfin, la
nationalité d’origine n’est pas perdue lorsqu’un mineur dont les parents sont ressortissants
d’Etats différents possède la nationalité de l’un de ses parents et acquiert aussi la nationalité
de l’autre parent. Les deux dernières dispositions visent à encourager “… l’unicité de la
nationalité au sein d’une même famille ” lorsque la personne concernée ne serait pas prête à
perdre la nationalité d’origine, tandis que la première disposition favorise la pleine intégration
dans l’Etat d’accueil des migrants de deuxième génération résidents permanents dans cet
Etat179. Dans le cas des enfants nés de mariages mixtes, leur possession par naissance de la
nationalité de chaque parent résulte de la reconnaissance du principe de l’égalité des époux
qui rend la double nationalité inévitable. Ces dernières décennies, les détenteurs de plusieurs
nationalités n’ont cessé de se multiplier en dépit des efforts déployés récemment par la
communauté internationale pour empêcher l’expansion du phénomène180.
48 L’approche positive du phénomène de pluralité de nationalités. La Convention
européenne sur la nationalité permet aux Etats contractants d’accorder la pluralité de
nationalités. Bien plus, elle en demande catégoriquement la reconnaissance dans certains cas
précisément délimités. Il faut bien constater cependant que la question de la pluralité de
nationalités n’est pas envisagée dans la perspective des principes généraux visés au chapitre II
de la CEN181. Le chapitre V consacré à la pluralité de nationalités contient des règles expresses
à ce sujet mais elles reposent sur l’hypothèse que “les dispositions de la Convention ne
178 G. Kojanec, op. cit. (supra, note 172), p. 41. 179 Préambule du Protocole, supra, note 176.180 Des études récentes révèlent la mesure de l’accroissement du phénomène de la pluralité denationalités. Par exemple, une étude récente rapporte que 60 pour cent des ressortissants suissesrésident à l’étranger en tant que détenteurs d’une double nationalité. Selon une autre étude, plus de lamoitié des enfants nés chaque année aux Etats-Unis possèdent au moins une autre nationalité. (N.Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), note 218) 181 G. Kojanec, op. cit. (supra, note 172), p. 42.
limitent pas le droit de chaque Etat Partie de déterminer dans son droit interne” 182 s’il autorise ou
interdit à ses ressortissants de posséder une autre nationalité, à une seule exception près, en vertu de
laquelle les enfants qui ont acquis automatiquement des nationalités différentes à la naissance
doivent être autorisés à garder ces nationalités et les ressortissants doivent être autorisés à posséder
une autre nationalité lorsqu’elle a été acquise automatiquement par mariage183. La Convention “est
neutre en ce qui concerne l’opportunité de la pluralité de nationalités. Alors que le chapitre I de la
Convention de 1963 était destiné à éviter la pluralité de nationalités, l’article 15 de cette
Convention traduit le fait que la pluralité de nationalités est acceptée par un certain nombre
d’Etats en Europe tandis que d’autres Etats européens tendent à l’exclure”184. L’acceptation
croissante de cette réalité par les Etats, en particulier par ceux traditionnellement fermement
opposés à la double nationalité185, pourrait s’expliquer par la reconnaissance non seulement de
l’inévitabilité du phénomène, mais aussi de la relative insignifiance des problèmes, finalement
surmontables, qu’il induit186. A propos de la nouvelle loi suédoise sur la nationalité, entrée en
vigueur en 2001, il a été noté au moment de son élaboration que les changements intervenus dans la
société avaient amené les individus à prendre d’avantage conscience de leurs liens profonds et
véritables avec plus d’un pays […] ; à long terme, la stabilité et la sécurité découlant du maintien de
l’ancienne nationalité pourraient contribuer au bien-être et à une intégration plus rapide dans la
société d’accueil. Un autre constat intéressant des Suédois concerne la rareté des problèmes parmi
les citoyens possédant déjà une double ou multiple nationalité187.
Section II : Le droit d’acquérir la nationalité de l’Etat d’accueil comme
moyen d’intégration
49 La nationalité un fait évolutif. L’analyse d’un lien juridique ayant pour composantes
“…un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments
jointe à une réciprocité de droits et de devoirs ”188 introduit alors autant d’éléments pouvant affecter
la permanence de la nationalité, comme son unicité189. Sous cet angle, la nationalité prend une182 Article 15 « Autres cas possibles de pluralité de nationalités » de la CEN, supra, note 171.183 Article 14 « Cas de pluralité de nationalités de plein droit » de la CEN, supra, note 171.184 Paragraphe 97 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité. 185 Par exemple, l’Allemagne.186 Il s’agit des dispositions concernant les obligations militaires multiples.187 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), pp. 137-138.188 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p. 4,plus particulièrement p. 23.189 T. Cassuto, “Identité et nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT ( 2001) PRO, 2ème Conférence européennesur la nationalité “Défis au droit national et international sur la nationalité à l’aube du nouveau
dimension factuelle importante, sujette qui plus est à analyses sur le plan sociologique. En
effet, autant de faits sociaux de rattachement (professionnel, intellectuel, familial, sportif)
constituent autant de sources de nationalité et d’évolution de celle-ci, selon des combinaisons
que la liberté de circulation, les développements du droit ou des relations internationales
autorisent simultanément. Il est quasiment impossible à déterminer objectivement le fait
social principal de rattachement lorsqu’un individu exerce son activité professionnelle à parts
égales et permanentes dans plusieurs pays, lorsqu’il s’investit dans la vie politique, civile des
différents Etats où il possède des intérêts et où des membres de sa famille se trouvent établis.
Par ailleurs, il peut arriver que la situation politique de l’individu évolue de telle sorte que
l’on soit dans une situation de succession d’Etat, soit par absorption, soit de division. Ces
événements amènent des situations particulièrement complexes à l’égard desquelles il
convient de souligner qu’elles échappent en partie au droit international, en partie aux Etats, et
sont de ce fait à l’origine de situation d’apatridie ou de pluralité de nationalités sans que soit
respectée la réalité du fait social de rattachement et qui peuvent appeler des mécanismes
subsidiaires190. Pour autant, quels que soient les critères retenus, ceux-ci devraient toujours
prendre en compte le sentiment d’identité de la personne.
50 L’obligation des Etats de prévoir la possibilité d’une naturalisation. Selon la
jurisprudence des organes de la Convention européenne des droits de l’homme, “la
Convention ne garantit, comme tel, aucun droit d’acquérir une nationalité déterminée”191.
Ces dernières années, est apparue la question de savoir si la pratique actuelle confirme l’idée
de l’émergence d’un droit à une nationalité particulière, qui serait fondé sur le lien véritable et
effectif d’une personne avec un Etat particulier. Si la nationalité est appréhendée dans le sens
de “…lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective
d’existence, d’intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs ”192 ou de
“…lien juridique entre une personne et un Etat ”193, il n’est pas étonnant que de nombreux
millénaire“, pp. 43-66, plus particulièrement p. 52,http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf 190 Qui peuvent être arbitraire, en ce sens qu’ils ne visent plus qu’à prévoir ou à palier une situationd’apatridie en faisant abstraction du fait social de rattachement. (Ibid., plus particulièrement note 90) 191 Com. EDH, DR 1er juillet 1985, Famille K et W c. Pays Bas, req. n° 11278/84, D. et R. 43,octobre 1985, p. 216. 192 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p.4, plus particulièrement p. 23.193 Article 2 « Définitions » de la CEN, supra, note 171.
Etats prévoit la possibilité de naturalisation à partir du moment où un tel lien est établi194. De fait, la
Convention européenne sur la nationalité stipule expressément que “ Chaque Etat Partie doit
prévoir dans son droit interne, pour les personnes qui résident légalement et habituellement sur son
territoire, la possibilité d’une naturalisation. Il ne doit pas prévoir, parmi les conditions de
naturalisation, une période de résidence dépassant dix ans avant le dépôt de la demande”195. Le
Rapport explicatif mentionne que la période de résidence “…correspond à une norme commune, la
plupart des pays d’Europe exigeant entre 5 et 10 ans de résidence”196. La Convention européenne
sur la nationalité stipule aussi qu’un Etat Partie peut, en plus, définir d’autres conditions justifiables
de naturalisation en particulier concernant l’intégration. Cependant, il reste le cas où il est demandé
aux Parties d’autoriser la possibilité de naturalisation à ceux résidant habituellement dans cet Etat.
De plus en plus, les Etats qui étaient fermement opposés à la pluralité de nationalités amendent leurs
lois pour permettre aux immigrés établis d’acquérir la nationalité de leur nouveau pays de résidence
sans perdre leur nationalité d’origine197. Ce changement de politique s’explique par une perception
nouvelle du phénomène d’immigration permanente, qui tient compte du rôle de la nationalité dans
le processus d’intégration des migrants dans l’Etat d’accueil par l'acquisition de la nationalité de cet
Etat. Ainsi, les Etats européens tendent à accepter la pluralité de nationalités de leurs ressortissants,
non seulement du fait de l’augmentation numérique de son incidence, mais aussi parce que son
approche positive a été légitimée par le changement de politique qui sous-tend la Convention
européenne sur la nationalité et en tant que développement consécutif du droit communautaire.
Chapitre II : L’encadrement de la perte de la nationalité par la
Convention européenne des droits de l’homme et le droit194 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 143.195 Article 6 « Acquisition de la nationalité », paragraphe 3 de la CEN, supra, note 171.196 Paragraphe 51 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité. 197 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 144.
communautaire
51 Plan. Un individu peut acquérir plus d’une nationalité en conséquence de la mise
en œuvre parallèle des principes de jus soli et de jus sanguinis et l’octroi d’une nationalité par
le biais de la naturalisation en vertu de dispositions juridiques ne requérant pas la renonciation
à une nationalité antérieure. Dans ce chapitre, il s’agit de relever les limites à la compétence
des Etats de réglementer la jouissance de plusieurs nationalités qui s’imposent en vertu de la
Convention européenne des droits de l’homme (Section I), ainsi que, en vertu du droit
communautaire (Section II).
Section I : La pluralité de nationalités à la lumière de la Convention
européenne des droits de l’homme
52 Applicabilité de l’article 8 de la CEDH198. La Cour EDH a eu l’opportunité
d’examiner l’impact de la pluralité de nationalités dans des cas d’expulsion, qu’elle a jusqu’à
présent jugé non-existant199. Plusieurs affaires contre le Royaume-Uni200 impliquaient des
détenteurs d’une double nationalité, dans lesquelles des enfants nés au Royaume-Uni de
citoyens britanniques ou résidents permanents et d’immigrés en situation irrégulière,
devenaient des citoyens britanniques à leur naissance. Dans chacune de ces affaires, le parent
étranger chargé de la tutelle était menacé d’expulsion, soit parce que le mariage avait été
dissolu, soit parce que l’Etat ne souhaitait pas régulariser son statut d’immigré. Les enfants se
trouvaient alors contraints d’accompagner leurs parents dans le pays de leur autre nationalité,
et ce bien que citoyens britanniques à part entière ayant acquis leur nationalité par le jeu
normal de jus sanguinis ou par une combinaison de jus sanguinis et jus soli. La Commission
198 Article 8 « Droit au respect de la vie privée et familiale » de la CEDH“ 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sacorrespondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant quecette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une sociétédémocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économiquedu pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santéou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ”199 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 138.200 Com. EDH, DR 23 octobre 1995, Jaramillo c. Royaume-Uni, req. n° 24865/94 ; Com. EDH, DR16 janvier 1996, P.P. et autres c. Royaume-Uni, req. n° 25297/94.
européenne des droits de l’homme a jugé toutes ces requêtes irrecevables, faisant observer que la
citoyenneté britannique des enfants concernés et leur exil implicite (exile effectif) du fait de
l’expulsion de leur parent de tutelle ne constituaient pas une ingérence dans le droit au respect de la
vie familiale ou, plus important encore, de la vie privée, en vertu de l’article 8 de la CEDH. Il
convient de rappeler que le Royaume-Uni n’a pas ratifié le Protocole n° 4 à la Convention, dont
l’article 3 interdit l’expulsion des propres citoyens. Si les enfants n’avaient pas eu d’autre
nationalité et n’avaient pas eu la possibilité d’accompagner le parent expulsé, la Commission en
aurait peut-être décidé autrement. Leur exil implicite ne les privait bien entendu pas de leur
nationalité formelle, mais simplement des droits généralement associés à cette jouissance201.
Dans l’affaire Slivenko c. Lettonie202, la Cour EDH a été saisie à propos des obligations en
vertu de l’article 8 de la CEDH d’un Etat successeur concernant les ressortissants d’un Etat
prédécesseur résidant habituellement sur le territoire transmis à l’Etat successeur, dont ils n’ont pas
acquis la nationalité. La toile de fond de cette affaire est la dissolution de l’Union soviétique en
quinze Etats indépendants, incluant ceux dont l’indépendance d’avant la seconde guerre mondiale a
été retrouvé. La citoyenneté soviétique a cessé d’exister à la date de l’indépendance, et les nouveaux
Etats indépendants ont introduit de nouvelles lois sur la nationalité. Dans cette affaire, les faits
majeurs en toile de fond de la demande se résument comme suit. La première requérante était née en
Estonie dans la famille d'un officier militaire soviétique. A l’âge de un mois, elle est partie
s’installer en Lettonie avec ses parents. En 1980, elle a épousé un officier militaire soviétique
transféré en Lettonie pour servir dans l’armée soviétique. En 1981, la première requérante a donné
naissance à une fille, la deuxième requérante. Le père de la première requérante a quitté l’armée en
1986. Suite à l’indépendance de la Lettonie, les requérantes (mère et fille) et les parents de la
première requérante ont été portés sur le registre des résidents lettons en tant qu’ « ex-citoyens de
l’URSS ». L’époux de la première requérante (père de la deuxième requérante) a poursuivi son
service dans l’armée russe jusqu’à sa retraite en 1994. Lorsque, en 1994, il a fait la demande d’un
permis de résidence temporaire sur la base de son mariage avec une résidente permanente, sa
demande a été rejetée et il a été informé que lui et sa famille devraient quitter la Lettonie après le
retrait des troupes russes fin 1994, du fait de leur statut de famille d’un officier militaire russe. La
famille Slivenko a alors introduit une série de requêtes nationales à divers niveaux hiérarchique de
la justice lettone. En 1996, l’époux de la première requérante (père de la deuxième requérante) a
déménagé pour la Russie, tandis que les requérantes continuaient à faire appel auprès des tribunaux
lettons en invoquant que la Lettonie était leur patrie dans la mesure où elles y avaient vécu toute
leur vie et n’avait pas d’autre nationalité et que, en outre, la première requérante devait prendre soin
de ses parents handicapés, tous deux résidents permanents en Lettonie. Finalement, suite aux
201 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 139.202 Cour EDH 9 octobre 2003, Slivenko c. Lettonie, req. n° 48321/99, à paraître au Recueil 2003.
harcèlements de la police, les requérantes ont quitté la Lettonie pour la Russie. Si elles n’ont
pas été techniquement expulsées, elles ont néanmoins été contraintes de partir parce qu’elles
avaient perdu leur statut juridique et risquaient une nouvelle détention. La Cour EDH a jugé
que la mesure d'expulsion de Lettonie imposée aux requérantes a donné lieu à une violation de
l'article 8 de la CEDH.
53 Article 3 du Protocole n° 4 à la CEDH. Les seules dispositions de la CEDH
réservées au bénéfice exclusif des ressortissants sont contenues dans l’article 3 du Protocole
n° 4, qui stipule :
1. “Nul ne peut être expulsé, par voie de mesure individuelle ou collective, du territoire
de l’Etat dont il est ressortissant. ”
2. “Nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire dont il est le ressortissant.”
Le paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole n° 4 a pour objet de codifier le droit international
coutumier en vertu duquel un Etat a le devoir à la fois de laisser entrer et de ne pas expulser
ses propres ressortissants203. Chacune de ces obligations peut être considérée comme un
corollaire de l’autre204. Depuis l’adoption du Protocole n° 4205, l’attitude des Etats européens à
l’égard du phénomène de pluralité de nationalités a subi une transformation radicale, si ce
n’est un revirement. Dès lors, on a pu se poser la question de savoir si le Protocole n° 4
s’applique en principe également vis-à-vis de chaque Etat dont un individu donné est le
ressortissant. De même, on a pu se demander si, un Etat (conformément au principe selon
lequel la nationalité fait partie de ses compétences réservées) peut réglementer la jouissance
de la pluralité de nationalités de sorte à réduire ses obligations en vertu de l’article 3 du
Protocole n° 4, et quelles contraintes, le cas échéant, sont imposées à l’Etat206. On peut
imaginer qu’un Etat pourrait ne pas accorder les droits prévus par le Protocole n° 4 sous
prétexte que l’autre nationalité est (la plus) véritable et effective. Un Etat désireux de limiter
l’étendue de ces obligations pourrait aller jusqu’à priver de sa nationalité un détenteur d’une
double nationalité au motif qu’il en possède une autre, (plus) véritable et effective. Au même
motif, l’Etat pourrait soutenir que l’article 3 du Protocole n° 4 n’a pas pour objectif de
permettre à toute personne de bénéficier de la pluralité de nationalités. Enfin, en particulier
dans les cas de succession de succession d’Etats, l’Etat pourrait refuser de conférer le statut
203 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 142.204 CDH 16 décembre 1996, C. Stewart c. Canada, n° 538/1993, paragraphe 12.2,http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/CCPR.C.58.D.538.1993.Fr?Opendocument205 Le Protocole n° 4 à la CEDH, ouvert à la signature le 16 septembre 1963, entrée en vigueur le 2 mai 1968.206 N. Mole et L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), pp. 139-140.
formel de ressortissant à une personne dont le (seul) lien véritable et effectif est néanmoins avec cet
Etat. En clair, pour déterminer si l’article 3 du Protocole n° 4 est applicable, il importe de savoir si
la personne est reconnue en tant que ressortissant de l’Etat concerné207. Et, pour savoir si le
Protocole n° 4 s’applique en relation aux détenteurs de plusieurs nationalités, il est capital de savoir
si la Convention – ou le droit international en général – impose des limitations au droit des Etats à
priver de sa nationalité ou, dans les cas de successions d’Etats, à empêcher son acquisition, dans la
mesure où cette action va faire de la personne un étranger vis-à-vis de l’Etat qui la dépossède de sa
nationalité sans que cela ne cause son apatridie208. Cette privation peut ceci dit conduire à
l’expulsion ou condamner d’anciens résidents habituels au statut de citoyen de seconde classe. Les
documents de référence ayant servi à la rédaction du Protocole n° 4 révèlent qu’il a proposé de
stipuler qu’un Etat n’a pas le droit de priver un ressortissant de sa nationalité aux fins de son
expulsion209. L’absence de restriction implicite concernant la privation de nationalité dans le
Protocole n° 4 ne signifie pas que les Etats Parties à la CEDH soient complètement libres de leurs
décisions relatives à l’octroi et à la privation de nationalité210. Selon le même auteur, une telle
disposition était peut-être superflue dans la mesure où l’on peut estimé que la dénationalisation
opérée par un Etat aux fins de se soustraire aux obligations prévues par le droit international, telles
l’obligation de ne pas expulser ses ressortissants, engagerait la responsabilité de ce dernier. La
Commission européenne des droits de l’homme a reconnu que, bien qu’il ne relève pas de sa
compétence d’étudier un refus d’octroi de nationalité, un tel refus d’octroi et la délivrance
simultanée d’un ordre d’expulsion pourrait suggérer que la décision de privation de nationalité ait
eu pour seul objectif de rendre l’expulsion possible211. Dans sa décision X c. la République fédérale
d’Allemagne, la Commission a recherché l’existence d’une relation causale entre la décision du
gouvernement allemand de refuser la nationalité au requérant apatride et l’ordre d’expulsion, qui
aurait permis de justifier la présomption d’un refus motivé par le seul objectif d’expulsion du
requérant du territoire allemand. Dans cette affaire, la Commission n’était pas convaincue de cette
causalité. Il semble que des faits très explicites auraient été nécessaires pour l’en convaincre,
207 Dans plusieurs cas, la Commission a rejeté catégoriquement une requête fondée sur le Protocole n° 4 aumotif que la personne n’était pas un ressortissant de l’Etat concerné. (N. Mole et L. Fransman, op. cit.(supra, note 170), note 241). 208 Article 7, paragraphe 3 de la CEN“ 3. Un Etat Partie ne peut prévoir dans son droit interne la perte de sa nationalité … si la personneconcernée devient ainsi apatride…”209 La synthèse des débats concernant cette question : “ Bien que le principe qui préside à cette propositionait été approuvé par le Comité, la majorité des experts a estimé inopportun d’aborder dans le contexte del’article 3 la délicate question de la légitimité des privations de nationalité. Elle a constaté au surplus qu’ilserait très difficile de vérifier si, lorsqu’un Etat prive un ressortissant de sa nationalité et expulse ce derniertout aussitôt après, la privation de nationalité est ou non inspirée par l’intention d’expulser la personne enquestion ”. (N. Mole et L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 143). 210 Ibid. 211 Com. EDH, DR 15 décembre 1969, X c. la République fédérale d’Allemagne, n° 3745/68, Rec. 31, pp.107-111.
comme l’a reconnu le Comité des experts212.
Dans l’affaire Slivenko c. Lettonie213, la Cour EDH a été saisie, également, à propos de
la prérogative de l’Etat à réglementer l’octroi de la nationalité dans le contexte de l’article 3
du Protocole n° 4. La Cour a en particulier soulevé la question de savoir si le refoulement des
requérantes violait l’article 3 du Protocole n° 4. La Cour estime qu’aux fins de cette
disposition “ la « nationalité » des requérantes doit en principe être déterminée d’après le
droit interne ”214. La Cour a rappelé que “ un « droit à une nationalité » semblable à celui qui
est inscrit à l’article 15 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme n’est garanti ni
par la Convention ni par ses Protocoles, bien qu’un refus arbitraire de nationalité puisse
dans certains conditions constituer une ingérence dans l’exercice des droits découlant de
l’article 8 de la Convention ”215. La Cour fait valoir que les requérantes n’ont à aucun moment
été citoyennes lettones après la date d’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la
Lettonie. Selon la Cour, rien n’indique non plus que les intéressées se soient vues refuser
arbitrairement la citoyenneté lettone. La Cour en déduit que les requérantes ne sauraient être
considérées comme des nationaux lettons, au sens de l’article 3 du Protocole n° 4 et que cette
partie de la requête est irrecevable.
54 Le concept de « propres ressortissants » une notion autonome dans la CEDH ?
La Cour EDH pourrait adopter une approche plus ferme concernant la détermination de
l’octroi de la nationalité par un Etat contractant et, ainsi, se rapprocher d’autres instruments
internationaux comparables216. La Cour EDH pourrait conférer au terme « ressortissant » dans
l’article 3 du Protocole n° 4 une signification qui dépasse la nationalité technique au sens
formel. Bien que la classification d’un individu en tant que ressortissant en vertu de la
législation d’un Etat particulier soit généralement décisive, le terme de « ressortissant »
possède probablement une signification autonome dans la Convention qui devrait permettre à
la Cour de prendre en compte les contrôles restreints auxquels le droit international commun
soumet un Etat lors de l’octroi ou de la privation de nationalité217. Il existe de nombreux
précédents dans la jurisprudence de la Convention dans lesquels la Cour a conféré une
signification autonome, propre à la Convention, aux termes et aux phrases employés dans cet
212 N. Mole et L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 143.213 Cour EDH (Grande chambre), déc. 23 janvier 2002, Slivenko c. Lettonie, req. n° 48321/99. Pourle rappel des faits dans cette affaire, supra, paragraphe 52 du mémoire.214 Ibid., paragraphe 77.215 Cour EDH, déc. 12 janvier 1999, Karassev et famille c. Finlande, n° 31414/96, Rec. 1999-II.216 N. Mole et L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 146.217 Ibid.
instrument218. La Cour peut décider d’opter pour une définition propre à la Convention du terme de
« ressortissant », de sorte à se rapprocher de la formulation “son propre pays” employée dans
l’article 12, paragraphe 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après le
« Pacte »)219. Le Pacte est moins restrictif en ce qui concerne le droit d’entrer et de rester sur le
territoire d’un Etat. Le Comité des droits de l’homme considère que le droit d’entrer dans “son
propre pays” s’applique non seulement aux nationaux mais aussi “…à toute personne qui, en
raison des liens particuliers qu’elle entretient avec un pays donné ou des revendications qu’elle a à
cet égard, ne peut pas être considérée dans ce même pays comme un simple étranger. Tel serait le
cas, par exemple, de nationaux d'un pays auxquels la nationalité aurait été retirée en violation du
droit international, et de personnes dont le pays de nationalité aurait été intégré ou assimilé à une
autre entité nationale au sein de laquelle elles n'auraient pas été reconnues comme des nationaux
”220. La notion de « ressortissant » devrait inclure une personne en possession d’un lien véritable et
effectif avec l’Etat contractant, à la manière d’une nationalité implicite, comme le prévoit la notion
correspondante de “ propre pays ” dans le Pacte. Il s’ensuit que, lorsque un tel lien a été établi, le
Protocole n° 4 peut être appliqué sans que l’attribution du statut formel de ressortissant ne soit
nécessaire. Dans ce cas, un corollaire peut être que le Protocole 4 n’est pas appliqué lorsque le lien
entre l’Etat et le ressortissant possédant la double nationalité est tout simplement le statut formel de
ressortissant221.
55 La perte de la nationalité du lien effectif avec l’Etat signifie-t-elle la perte de la
nationalité ? Selon l’article 7, paragraphe 1 de la Convention européenne sur la nationalité, “Un
Etat Partie ne peut prévoir dans son droit interne la perte de sa nationalité de plein droit ou à son
initiative, sauf dans les cas suivants:
a. acquisition volontaire d’une autre nationalité ;
…
e. absence de tout lien effectif entre l’Etat Partie et un ressortissant qui réside
habituellement à l’étranger ;
…
g. adoption d’un enfant lorsque celui-ci acquiert ou possède la nationalité étrangère de l’un
218 Article 53 de la CEDH stipule que “Aucune des dispositions dans cette Convention ne sera interprétéecomme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient êtrereconnues conformément aux lois de toute Partie contractante ou à toute autre Convention à laquelle cettePartie contractante est partie.”219 Article 12, paragraphe 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques“ 4. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays. ”220 CDH 16 décembre 1996, C. Stewart c. Canada, n° 538/1993, paragraphe 12.4,http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/CCPR.C.58.D.538.1993.Fr?Opendocument221 N. Mole et L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 134.
ou de ses deux parents adoptifs.”
Depuis la prohibition spécifique d’engendrer l’apatridie, excepté dans les cas de conduites
frauduleuses, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux cas de pluralité de nationalités. Les Etats
Parties se sont positionnés en faveur de l’acceptation de la pluralité de nationalités dans les
situations où le mariage, la naissance d’enfants ou l’intégration d’immigrés permanents la
rendait souhaitable. L’exception prévue à l’article 7, paragraphe 1, alinéa a de la CEN amène
un paradoxe en suggérant que la facilité évoquée à l’article 6, paragraphe 3 n’est valable qu’à
sens unique. Ainsi, les Etats doivent faciliter la naturalisation des immigrés, mais leurs
propres citoyens qui choisiraient d’exercer ce droit risqueraient de perdre leur nationalité
première. L’article 7, paragraphe 1, alinéa e de la CEN suggère que l’introduction des
principes de l’arrêt Nottebohm222 de lien véritable et effectif et de nationalité dominante dans
les dispositions des traités modernes relatives à la perte de nationalité est valable. Néanmoins,
se pose la question de savoir si les mêmes considérations doivent s’appliquer à la fois à une
décision relative à la protection diplomatique, comme dans l’arrêt Nottebohm, et à une
décision privant les personnes de leur nationalité. La suggestion, dans l’arrêt Nottebohm,
qu’une nationalité puisse être prédominante (plus étroitement en lien) peut aujourd’hui
paraître anachronique223. Par exemple, dans l’arrêt Nottebohm, la Cour internationale de
justice a indiqué que la nationalité était “…lien juridique ayant à sa base un fait social de
rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments jointe à une
réciprocité de droits et de devoirs ”224. La CIJ a poursuivi en déclarant que l’on pouvait dire
de la nationalité qu’elle était “…l’expression juridique du fait que l’individu auquel elle est
conférée ... est, en fait, plus étroitement rattaché à la population de l’État qui la lui confère
qu’à celle de tout autre État ”225. Néanmoins, ces arguments n’avaient pas pour objet de
déterminer si un individu avait droit à la nationalité en question, mais si un Etat avait le droit
de faire bénéficier cet individu de sa protection diplomatique vis-à-vis d’un autre Etat. De
plus, compte tenu du changement d’attitude des Etats au sujet de la pluralité de nationalités
depuis 1955, et en particulier de la reconnaissance de sa légitimité par la Convention de 1997,
il est important que des notions plus anciennes de nationalité dominante n’interviennent pas
dans l’interprétation d’un traité moderne. Le Rapport explicatif sur la Convention européenne
222 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p.4. 223 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), pp. 147-148.224 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p.4, plus particulièrement p. 23.225 Ibid.
sur la nationalité énonce que “ [l’article 7] s'applique en particulier lorsqu'il n'existe pas un lien
effectif et véritable entre la personne et l'Etat, du fait que cette personne ou sa famille ont résidé
habituellement à l'étranger depuis des générations ”226, sans préciser le nombre de générations. Si
les lois d’un Etat sur la nationalité permettent l’acquisition de la nationalité à des personnes ayant
résidé depuis des générations hors de ses frontières, il pourrait paraître arbitraire de priver une
personne de sa nationalité en raison de faits qui n’ont pas empêché son acquisition227. L’interdiction
de la privation arbitraire de nationalité228 devrait impliquer des règles d’équité procédurale en cas de
privation fondée sur le motif de l’absence de lien véritable, autorisée en vertu de l’article 7,
paragraphe 1, alinéa e de la CEN. L’équité procédurale exige que les personnes soient informées
qu’elles risquent de perdre leur nationalité et qu’elles bénéficient de la possibilité d’établir la
continuité de leurs liens avec l’Etat concerné en dépit du défaut de résidence habituelle229.
Une situation paradoxale se dessine. Lorsque les règles diminuant les cas de pluralité de
nationalités et d’apatridie étaient la norme, une personne risquait peu de perdre la nationalité d’un
Etat avec lequel elle avait des liens véritables ou désirés et qu’elle possédait déjà. Il n’existait pas de
statut alternatif. Dans le contexte contemporain, où la nationalité multiple est plus répandue, les
personnes en possession de ces mêmes liens avec un pays peuvent se voir privées de la nationalité
qu’elles souhaitent conserver pour se retrouver avec la nationalité qu’elles répugnent à reconnaître.
Cela peut s’avérer particulièrement injuste si cette dernière nationalité est celle d’un pays moins
développé230. La question de la pluralité de nationalités à la lumière de la CEDH, Protocole n° 4,
exige peut-être que l’on reconsidère la valeur juridique actuelle de l’arrêt Nottebohm. Le jugement a
été rendu dans un climat où dominait la volonté de veiller à ce que chacun possède une nationalité,
une seule de préférence. Dans le nouveau millénaire, il semble opportun d’ajouter les principes qu’il
a consacré aux critères de ius soli et ius sanguinis en tant que motifs ouvrant droit à une nationalité
spécifique. Il est infiniment peu probable que la nouvelle incidence de la légitimité de la pluralité de
nationalités joue en pratique de sorte à permettre aux principes de l’arrêt Nottebobm de déposséder
une personne d’une nationalité acquise licitement231. La légitimation de la pluralité de nationalités
(la possession d’un statut originel de ressortissant survivant à l’acquisition d’un second) signifie
qu’il n’est plus ni nécessaire ni souhaitable de s’efforcer d’identifier une unique nationalité
dominante en tant que nationalité propre de la personne. Il est à présent évident que les liens
historiques fournissent un socle suffisant au maintien du statut de ressortissant, en plus des
226 Paragraphe 70 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité.227 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 148.228 Article 4 « Principes », alinéa c de la CEN, supra, note 171.229 Le paragraphe 70 du Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité mentionne que “Il est présumé que l’Etat concerné aura pris toutes les mesures raisonnables pour faire en sorte que cetteinformation soit communiquée aux intéressés ”.230 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 148.231 Ibid.
nouveaux liens véritables et effectifs. C’est déjà évident dans le contexte de la législation
communautaire. Les principes de l’arrêt Nottebohm continuent de gouverner l’acquisition de
la nationalité et la jouissance de ses bénéfices, mais il convient de remettre très sérieusement
en question le fait qu’il puisse en gouverner la perte232.
Section II : La pluralité de nationalités à la lumière du droit communautaire
56 Définition de la citoyenneté européenne sur la base de la nationalité des Etats
membres. Au sein de l’Union européenne, le concept de citoyenneté multiple a pris une
nouvelle et unique dimension. Depuis la signature du Traité de Maastricht sur l’Union
européenne, “…toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre” est citoyen de
l’Union233. Ceci dit, cette disposition stipule clairement que “la citoyenneté de l’Union
complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas”. Il s’ensuit que, la citoyenneté de
l’Union n’étant pas une notion autonome, la possession du statut personnel qui s’y attache est
subordonnée à la possession de la nationalité d’un Etat membre. En l’absence de règles
communautaires concernant la nationalité, les Etats membres sont libres de fixer les
conditions et les procédures d’acquisition et de perte de leur nationalité. Ainsi comme
l’affirme la Déclaration n° 2 relative à la nationalité d’un Etat membre, annexée à l’Acte final
du traité de Maastricht, “…la question de savoir si une personne a la nationalité de tel ou tel
Etat membre est réglée uniquement par référence au droit national de l’Etat concerné”.
L’unicité de la citoyenneté européenne est qu’elle attribue à ses détenteurs des droits qu’ils ne
possèdent pas directement du fait de leur nationalité première, mais qui ne peuvent néanmoins
exister indépendamment ce celle-ci.
57 Subordination de la compétence exclusive des Etats membres en matière de
nationalité au respect du droit communautaire. Dans le contexte de la liberté de
circulation, de la liberté d’établissement et de la liberté de fournir des services, qui tiennent
une place fondamentale dans le système communautaire, les principes susmentionnés ont une
importance essentielle parce qu’ils interdisent à un Etat membre de refuser ces libertés en ne
reconnaissant pas la possession par la personne concernée de la nationalité d’un autre Etat
232 Ibid., plus particulièrement p. 134.233 Article 17 [ex 8], paragraphe 1, CE.
membre. Cette question a, du reste, fait l’objet de l’affaire Micheletti, soumise à la Cour de Justice
des Communautés européennes pour décision préjudicielle234. M. Micheletti possédait la double
nationalité, argentine et italienne, et invoquait la liberté d’établissement en Espagne en vertu du
droit communautaire. Selon le code civil espagnol, seule sa nationalité argentine serait reconnue,
attendu que son dernier lieu de résidence s’était trouvé en Argentine, et l’intéressé ne pourrait donc
pas bénéficier de cette liberté en Espagne. L’application de la jurisprudence Nottebohm235 aurait
confirmé de telles conséquences, l’Argentine étant l’Etat avec lequel des liens réels et effectifs
existaient, même si la possession de la nationalité italienne n’était pas contestée. La question est de
savoir si une personne qui possède la nationalité d’un Etat membre relève exclusivement du droit
interne de cet Etat. La Cour de justice a jugé que “… une interprétation de l'article 52 [nouvel
article 43] du traité selon laquelle, lorsque le ressortissant d'un Etat membre possède en même
temps la nationalité d'un Etat tiers, les autres Etats membres peuvent soumettre la reconnaissance
de la qualité de ressortissant communautaire à une condition telle que la résidence habituelle de
l'intéressé sur le territoire du premier Etat ne saurait être admise”. Elle a conclu que “Les
dispositions du droit communautaire en matière de liberté d’établissement s’opposent à ce qu’un
Etat membre refuse le bénéfice de cette liberté au ressortissant d’un autre Etat membre qui possède
en même temps la nationalité d’un Etat tiers, au motif que la législation de l’Etat d’accueil le
considère comme ressortissant de l’Etat tiers”. Il faut relever que le raisonnement suivi par la Cour
ne se fonde pas sur l’application des règles et principes du droit international coutumier aux cas de
pluralité de nationalités236. La Cour de justice n’exclut pas que le droit interne d’un Etat membre
puisse en général fixer des critères pour déterminer la nationalité à prendre en considération dans les
cas de ce type mais avec l’obligation de respecter le droit communautaire.
58 La perte de la citoyenneté européenne. Il serait tout aussi important pour la législation
nationale de veiller à ce que les dispositions autorisant la privation de nationalité en l’absence de
lien véritable, autorisée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, alinéa e de la CEN, ne soient pas
utilisées de sorte à restreindre le droit d’une personne en vertu de la législation communautaire à
exercer des droits communautaires dans un autre Etat membre237. La Cour de justice a déclaré que
les ressortissants des Etats membres ne devaient pas être dissuadés de quitter leur pays d’origine
pour exercer leur droit d’entrer et de résider sur le territoire d’un autre Etat membre garanti par les
articles 18, 39 et 43 du traité CE, dans la crainte d’un préjudice238. En s’appuyant sur ce principe, les
Etats doivent veiller à ne pas appliquer l’article 7, paragraphe 1, alinéa e de la CEN de façon trop
234 CJCE 7 juillet 1992, Micheletti, aff. C-369/90, Rec.I-1992, p. 367. 235 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p. 4.236 G. Kojanec, op. cit. (supra, note 172), p. 45. 237 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 149.238 CJCE 7 juillet 1992, Singh, aff. C-370/90, Rec. p. I-4265, point 23.
stricte. Les détenteurs d’une double nationalité ne doivent pas être dissuadés d’exercer leurs
droits communautaires dans les autres Etats membres par crainte que soit remis en question
leur lien véritable avec le pays de nationalité ou par crainte que leurs enfants nés à l’étranger
ne risquent de perdre leur statut de ressortissants d’un Etat membre et de citoyens de l’Union.
Il s’agit, plus particulièrement, des ressortissants d’un Etat membre nés hors de l’Union
européenne et détenteurs d’une double nationalité, qui risquent de perdre la nationalité d’un
Etat membre faute de pouvoir prouver le lien requis avec cet Etat membre. Bien plus, il peut
arriver que ces personnes passent le temps constitutif de l’infraction dans d’autres pays de
l’Union où elles ont exercé les droits du traité CE en tant que ressortissants d’un Etat membre.
Dans de tels cas, il est évident que le droit national doit prévoir d’exempter les personnes
exerçant les droits du traité CE de la perte de nationalité. Par conséquent, la perte automatique
de nationalité ne devienne pas effective dans de tels cas239. On peut conclure que le droit
national doit soustraire les individus de la perte de nationalité dans les cas où cela serait en
violation du droit communautaire.
239 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 149.
59 Conclusion du chapitre. Le fait d’être ressortissant d’un Etat est un élément du
processus d’intégration d’une personne dans une communauté. L’intégration est réputée implicite
quand la nationalité est acquise à la naissance, par l’effet du jus sanguinis ou du jus soli, à moins
que l’individu renonce à cette nationalité parce qu’il en possède ou en acquiert une autre. Le fait que
la personne continue de posséder une nationalité n’est certainement pas un obstacle à l’intégration et
peut même la favoriser lorsqu’une autre nationalité est conférée à cette personne. On peut observer
que même les Etats qui n’acceptent pas la pluralité de nationalités ne l’excluent généralement pas
dans ce contexte. Les Etats qui désirent favoriser la pleine intégration des migrants dans leur société
donnent parfois la priorité à ce but et n’excluent pas la naturalisation si ces personnes conservent
leur nationalité d’origine. L’acquisition de la nationalité est considérée comme un moyen de réaliser
l’intégration dans l’Etat d’accueil. La pluralité de nationalités sera son résultat. Si, en revanche,
l’acquisition de la nationalité est envisagée comme l’étape ultime du processus d’intégration, la
nationalité est alors conçue comme un lien exclusif, incompatible avec la possession d’une autre
nationalité. Mais, même dans ce cas, la règle n’est pas toujours absolue, les législations récentes sur
la nationalité ménageant une série d’exceptions qui autorisent la pluralité de nationalités240.
PARTIE II : LE DÉPÉRISSEMENT DES DROITS ATTACHÉS À LA
NATIONALITÉ
240 G. Kojanec, op. cit. (supra, note 172), p. 48 et 50.
60 Plan. Les nationaux bénéficient en général exclusivement de certains droits en vertu du
lien juridique spécial qui existent entre l’Etat et ses propres ressortissants. Toutefois, au niveau
européen, les évolutions des droits traditionnellement attachés à la nationalité tendent à remettre en
cause cette relation classique. Cette tendance se doit tant à la coopération des Etats dans le cadre du
Conseil de l’Europe, ainsi qu’au processus d’intégration supranationale au niveau de l’Union
européenne. Ainsi, on verra d’une part, que l’exclusion des ressortissants d’autres Etats du bénéfice
de certaines droits est considéré contraire au principe de non-discrimination sur la base de la
nationalité (Titre I) et, d’autre part, le décrochement de certains droits attachés à la nationalité et
leur accrochement à la citoyenneté européenne fait de cette citoyenneté une institution qui prend le
relais de la nationalité des Etats membres (Titre II).
TITRE I : LA GÉNÉRALISATION DU PRINCIPE DE NON-
DISCRIMINATION SUR LA BASE DE LA NATIONALITÉ
AU NIVEAU EUROPÉEN
61 Plan. Les juges européens appliquent avec force le principe d’égalité en ce qui
concerne la nationalité. D’une part, l’ordre juridique de la Convention européenne des droits
de l’homme protège « toute le monde » dans la juridiction des Etats contractants. Elle fait peu
référence à la nationalité. Bien que l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention y fasse
référence indirectement en exigeant l’observation des principes généraux du droit
international qui, en cas d'atteinte à la propriété, obligent les Etats à indemniser les étrangers
mais pas leurs propres ressortissants241, la jurisprudence de la Cour EDH a conféré à cette
distinction une signification purement symbolique242 (Chapitre I). D’autre part, le principe de
non-discrimination en raison de la nationalité est une des pierres angulaires du droit
communautaire en matière de libre circulation des personnes. Instauré dès 1957 de façon
générale par l’article 12 CE [ex 6]243 et ayant une expression spécifique couvrant chaque
catégorie des personnes244, ce principe a vu sa portée graduellement élargie par la Cour de
justice. Bien que le traité de Maastricht ne lui confère pas explicitement une place parmi les
dispositions relatives à la citoyenneté de l’Union, la jurisprudence née sous l’empire du traité
de Maastricht l’a étendu à tous les citoyens de l’Union (Chapitre II).
241 CPJI 13 septembre 1928, Usines de Chorzow, série A, n° 17, 1928, p. 24.242 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 138.243 Article 12 CE :
“Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositionsparticulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, peut prendre touteréglementation en vue de l’interdiction de ces discriminations.”244 Articles 39, paragraphe 2, CE :
“2. [La libre circulation des travailleurs] implique l’abolition de toute discrimination, fondésur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l’emploi, larémunération et les autres conditions de travail.” Article 43, alinéa 2, CE :
“La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice,ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 48,deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour sespropres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.” Article 49, alinéa 1, CE :
“Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services àl’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des Etats membres établisdans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.”Article 50, alinéa 3, CE :
“Sans préjudice des dispositions du chapitre relatif au droit d’établissement, le prestatairepeut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans le pays où laprestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propresressortissants.”
Article 54 CE : “Aussi longtemps que les restrictions à la libre prestation des services ne sont pas
supprimées, chacun des Etats membres les applique sans distinction de nationalité ou de résidence àtous les prestataires de services visés à l’article 49, premier alinéa.”
Chapitre I : Le principe de non-discrimination sur la base de la
nationalité en droits de l’homme
62 Plan. Le droit à ne pas subir de discrimination est issu du postulat général de l’égalité de
tous les êtres humains. Le principe est affirmé à l’article 14 de la CEDH245 et son applicabilité
245 Article 14 « Interdiction de discrimination » de la CEDH : “ La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction
témoigne de l’actualité de la question246. Le recours au principe de non-discrimination est
relativement fréquent malgré le défaut d’autonomie de l’article 14 de la CEDH (Section I). On
assiste même à une extension de l’applicabilité de ce texte au domaine des droits sociaux
(Section II).
Section I : L’interdiction des discriminations
(article 14 de la CEDH)
63 L’affirmation du principe de non-discrimination. L’article 14 de la CEDH
précise que la jouissance des droits et libertés qu’elle reconnaît doit être assurée sans
distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les
opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à
une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Le principe de non-
discrimination est ainsi consacré, étant entendu que cette liste des différents motifs de
discrimination n’est pas limitative mais simplement énumérative247. Une hésitation est
apparue sur le plan de la terminologie : alors que la version anglaise utilise la formule
“without discrimination”, le texte français emploie l’expression “sans distinction aucune”. La
question s’est posée dans l’affaire “linguistique belge”248 où il est apparu qu’une interprétation
extensive fondée sur la version française conduirait à des résultats absurdes : l’article 14
n’interdit pas toute distinction de traitement dans l’exercice des droits et libertés et il convient
de lire la version française à la lumière du texte anglais qui est plus restrictif ; c’est dire que
l’interdiction concerne, non pas toutes les distinctions, mais seulement celles qui sont
arbitraires, et qui s’analysent donc en une discrimination249. En définitive, toute discrimination
est interdite, quel que soit le critère qui la fonde250.
64 La justification objective et raisonnable. Selon la Cour EDH, “… la notion de
aucune, fondée notamment sur (...) l'origine nationale (...) ”.246 J.-F. Renucci, Droit européen des Droits de l’Homme, 3e édition, Paris, L.G.D.J, 2002, p. 108.247 Le caractère énumératif de l’énumération découle du texte lui-même où apparaît l’adverbe“ notamment ”. 248 Cour EDH 23 juillet 1968, Affaire “linguistique belge”, req. n° 1474/62 ; 1677/62 ; 1691/62 ;1769/63 ; 1994/63 ; 2126/64, série A n° 6.249 J.-F. Renucci, op. cit. (supra, note 246), pp. 108-109. 250 Cour EDH 28 novembre 1984, Rasmussen c. Danemark, req. n° 8777/79, série A n° 87,paragraphe 34.
discrimination englobe d’ordinaire les cas dans lesquels un individu ou un groupe se voit, sans
justification adéquate, moins bien traité qu’un autre, même si la Convention ne requiert pas le
traitement plus favorable “251. Par conséquent, si le motif justifiant une distinction n’est pas
pertinent, il y a discrimination. La Cour EDH a donné à cet égard de précieuses indications. Ainsi,
l’égalité de traitement est violée si la distinction manque de justification objective et raisonnable :
les buts mais aussi les effets de la mesure doivent permettre d’apprécier la justification ; une
distinction légitime de traitement doit non seulement poursuivre un but légitime, mais aussi se
caractériser par un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but
visé252. Deux critères cumulatifs caractérisent donc la discrimination : d’une part, une différence de
traitement dans l’exercice des droits ; d’autre part, un manque de justification objective et
raisonnable253. Le critère de « raisonnabilité » permet à la Cour EDH de fixer les limites du pouvoir
discrétionnaire des autorités nationales : le juge européen conserve la possibilité de corriger une
disproportion manifeste254. La présence d’un “…dénominateur commun aux systèmes juridiques… ”
des Etats membres est un indice pertinent pour la Cour EDH du caractère raisonnable ou non de la
différence de traitement255.
65 Les ressortissants communautaires. L’article 14 est la disposition principale de la
CEDH susceptible d’influer sur la citoyenneté européenne. On remarque que l’interdiction de la
discrimination notamment en raison de l’origine nationale est susceptible de poser problème eu
égard à la citoyenneté européenne. La question peut se poser en ce qui concerne le traitement
préférentiel des ressortissants des Etats membres de l’Union européenne en matière d’expulsion.
Pourtant, dans cette hypothèse, les instances strasbourgeoises pensent qu’il existe une double
justification qui paraît à la fois objective et raisonnable : en premier lieu, la spécificité de l’ordre
juridique communautaire ; en second lieu, l’instauration d’une citoyenneté de l’Union. C’est dire
que les conditions requises par les instances strasbourgeoises pour légitimer une différence de
traitement sont parfaitement remplies : la Cour EDH estime qu’en matière de police des étrangers,
le fait qu’un Etat accorde un traitement préférentiel aux ressortissants des pays avec lesquels il
poursuit une politique d’intégration dans le cadre d’un ordre juridique comme c’est le cas des Etats
membres de l’Union européenne, ne constitue pas un traitement discriminatoire puisqu’il repose sur
251 Cour EDH 28 mai 1985, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, req. n° 9214/80 ; 9473/81 ;9474/81, série A n° 94, paragraphe 82.252 Ibid., paragraphe 72. 253 Cour EDH 23 juillet 1968, Affaire “linguistique belge”, req. n° 1474/62 ; 1677/62 ; 1691/62 ; 1769/63 ;1994/63 ; 2126/64, série A n° 6, paragraphe 10.254 F. Sudre, “Droit international et européen des droits de l’homme”, 5e édition mise à jour en mai 2001,Paris, PUF, 2001, p. 337.255 Cour EDH 28 novembre 1984, Rasmussen c. Danemark, req. n° 8777/79, série A n° 87, paragraphe 40.
une justification objective et raisonnable256. Les organes de Strasbourg reconnaissent donc la
spécificité communautaire257.
66 L’autonomie de l’article 14 de la CEDH. Dans le cadre de la Convention, l’article
14 n’a pas d’existence indépendante : en effet, la discrimination n’est interdite qu’autant
qu’elle se pratique dans un droit ou une liberté consacré par le texte. En fait, l’article 14
n’ajoute pas à la liste des droits garantis mais renforce leur protection, étant précisé que
l’applicabilité de l’article 14 a été étendue aux droits sociaux258. Toutefois, cela n’empêche
pas une application de plus en plus autonome de cet article : cela signifie que si l’article 14
doit être combiné avec un autre article de la Convention garantissant un droit, il n’est pas
nécessaire que ce droit soit lui-même violé. Par exemple, dans l’affaire “linguistique belge”,
la Cour a estimé qu’une mesure en elle-même conforme aux exigences de l’article consacrant
le droit ou la liberté en question peut cependant enfreindre cet article, combiné avec l’article
14, pour le motif qu’elle revêt un caractère discriminatoire259. C’est dire qu’à défaut de
pouvoir être invoqué isolément, l’article 14 peut par conséquent être violé seul260. L’article 14
se caractérise donc par une autonomie croissante, ce que ne peut que renforcer la protection
des droits fondamentaux. Contrairement à d’autres instruments internationaux de
protection261, la Convention ne contient pas d’interdiction générale de la discrimination. Mais,
la norme européenne va évoluer très vite en ce sens avec le Protocole n° 12 qui consacre cette
interdiction générale : contrairement à la règle originelle, le principe de non-discrimination
pourra être invoqué même à propos de droits non consacrés par la Convention262. Aux termes
256 Cour EDH 7 août 1996, Chorfi c. Belgique, req. n° 21794/93, Rec. 1996-III, p. 915, paragraphe38. Pour une analyse critique de cet arrêt voir E. Bribosia, “ Nouveaux instruments normatifs etnouvelles avancées jurisprudentielles en matière de lutte contre les discriminations sur base de lanationalité après le traité d’Amsterdam ”, in E. Bribosia, E. Dardenne, P. Magnette et A.Weyembergh (dir.), “Union européenne et nationalités. Le principe de non-discrimination et seslimites”, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 216.257 J.-F. Renucci, Droit européen des Droits de l’Homme, 3e édition, Paris, L.G.D.J, 2002, p. 112.258 Cour EDH 16 septembre 1996, Gaygusuz c. Autriche, req. n° 17371/90, Rec. 1996-IV, p. 1141 ;Cour EDH 21 février 1997, Van Raalte c. Pays-Bas, req. n° 20060/92, Rec. 1997-I, p. 184 ; CourEDH 27 mars 1998, Petrovic c. Autriche, req. n° 20458/92, Rec. 1998-II, p. 585. 259 Cour EDH, 23 juillet 1968, Affaire “linguistique belge”, supra, note 253. 260 J.-F. Renucci, Droit européen des Droits de l’Homme, 3e édition, Paris, L.G.D.J, 2002, p. 116 etles auteurs cités dans cet ouvrage.261 Par exemple, article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques “ Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égaleprotection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes lespersonnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, decouleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'originenationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. ”262 Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertésfondamentales, STCE 177, 4 novembre 2000, non entré en vigueur,
de l’article 1er de ce Protocole, la jouissance des différents droits prévus par la loi doit être assurée,
sans discrimination aucune, fondée notamment sur, parmi d’autres motifs, l’origine nationale et
l’appartenance à une minorité nationale. En outre, il est précisé que nul ne peut faire l’objet d’une
discrimination de la part d’une autorité publique quelle qu’elle soit. Le but recherché est de
sanctionner toutes les formes de discrimination. Ainsi, la prohibition de la discrimination à rebours
en droits de l’homme est amplifiée par le Protocole n° 12. Dans le Rapport explicatif sur le
Protocole n° 12 sont énumérés des cas protégés en vertu de l’article 1er qui sont survenus en droit
national263.
Section II : Droits sociaux et principe de non-discrimination sur la base de la
nationalité
67 L’extension jurisprudentielle de l’applicabilité de l’article 14 de la CEDH au
domaine des droits sociaux. On assiste à une extension de l’applicabilité de l’article 14 de la
CEDH au domaine des droits sociaux, même si le défaut actuel d’autonomie de cet article freine ce
mouvement : en effet, les demandes relatives aux droits sociaux ne relèvent pas du champ matériel
de la Convention ; avec l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 consacrant cette autonomie, nul
doute que l’extension de l’applicabilité de l’article 14 aux droits sociaux sera favorisée264. Mais la
jurisprudence récente marque surtout une extension remarquable du champ d’application de l’article
14 aux droits sociaux, résultant de l’interprétation très souple de la condition d’applicabilité de
l’article 14 tenant à ce que les faits du litige mettent en jeu l’un des droits substantiels garantis par la
Convention265. Dans l'affaire Gaygusuz c. Autriche266, la Cour EDH rattache au droit de propriété le
http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/177.htm 263 Rapport explicatif sur le Protocole n°12 à la CEDH, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/177.htm264 J.-F. Renucci, Droit européen des Droits de l’Homme, 3e édition, Paris, L.G.D.J, 2002, p. 110.265 F. Sudre, “Droit international et européen des droits de l’homme”, 5e édition mise à jour en mai 2001,Paris, PUF, 2001, p. 339.266 Cour EDH 16 septembre 1996, Gaygusuz c. Autriche, req. n° 17371/90, Rec. 1996-IV, p. 1141.
droit d’un chômeur arrivé en fin de droit à l’allocation d’urgence. Ressortissant turc, M.
Gaygusuz a habité à Hörsching (Haute-Autriche) de 1973 jusqu'en septembre 1987. Depuis
lors, il réside à Izmir (Turquie). Le requérant a travaillé en Autriche, avec des périodes
d'interruption, de 1973 jusqu'en octobre 1984. Depuis cette date et jusqu'au 1er juillet 1986, il
a été tantôt au chômage, tantôt en congé de maladie et percevait les allocations
correspondantes. Ensuite, durant une certaine période, il perçut une avance sur sa pension de
retraite sous forme d'allocation de chômage. Arrivé en fin de droit, il sollicita l'attribution
d'une avance sur pension sous forme d'allocation d'urgence auprès de l'agence pour l'emploi de
Linz. Selon le droit autrichien, l'allocation d'urgence constitue une aide versée aux personnes
n'ayant plus droit aux allocations de chômage afin de leur assurer un revenu minimum vital.
L'agence rejeta la demande de l'intéressé, au motif qu'il n'avait pas la nationalité autrichienne,
l'une des conditions requises en vertu de la loi sur l'assurance chômage de 1977 pour
bénéficier d'une allocation de ce type. M. Gaygusuz interjeta appel de cette décision auprès de
l'agence régionale pour l'emploi de Haute-Autriche. Il faisait notamment valoir que la
distinction opérée par ladite loi entre citoyens autrichiens et ressortissants étrangers ne se
justifiait pas, qu'elle était anticonstitutionnelle et contraire à la Convention européenne des
droits de l'homme. L'agence régionale pour l'emploi débouta le requérant et confirma la
décision contestée. Elle souligna que non seulement celui-ci n'avait pas la nationalité
autrichienne, mais que, par ailleurs, il n'était pas un cas d'exception où cette condition n'était
pas exigée. Devant les organes de la Convention, M. Gaygusuz se plaint du refus des autorités
autrichiennes de lui attribuer l'allocation d'urgence au motif qu'il n'avait pas la nationalité
autrichienne, l'une des conditions requises en vertu de la loi sur l'assurance chômage de 1977
pour bénéficier d'une allocation de ce type. Il se prétend victime d'une discrimination fondée
sur l'origine nationale, contraire à l'article 14 de la Convention267 combiné avec l'article 1 du
Protocole n° 1268.
68 Applicabilité de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 1 du
Protocole n° 1. D'après la jurisprudence constante de la Cour EDH, l'article 14 de la
Convention complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles. Il n'a
267 Supra, note 245. 268 Article 1 « Protection de la propriété » du Protocole n° 1 à la CEDH “ Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sapropriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principesgénéraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre envigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêtgénéral ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.”
pas d'existence indépendante puisqu'il vaut uniquement pour “ la jouissance des droits et libertés…
” qu'elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et,
dans cette mesure, il possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s'appliquer si les faits
du litige ne tombent pas sous l'emprise de l'une au moins desdites clauses269. Le requérant et le
gouvernement turc concluent à l'applicabilité de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article
1 du Protocole n° 1. Ils s'appuient sur le raisonnement de la Commission, d'après lequel l'attribution
de l'allocation d'urgence est liée au versement de contributions à la caisse d'assurance chômage. Le
gouvernement autrichien, en revanche, estime que l'allocation d'urgence ne relève pas du champ
d'application de l'article 1 du Protocole n° 1. Son attribution ne résulterait pas automatiquement du
versement de contributions à la caisse d'assurance chômage. Il s'agirait d'une aide d'urgence
accordée par l'Etat aux personnes se trouvant dans le besoin. Partant, l'article 14 de la Convention
ne trouverait pas non plus à s'appliquer. La Cour relève d’abord qu'à l'époque des faits, l'allocation
d'urgence était accordée aux personnes ayant épuisé leurs droits aux allocations de chômage et
satisfaisant aux autres conditions légales énoncées par la loi sur l'assurance chômage de 1977. Le
droit à l'attribution de cette prestation sociale est donc lié au paiement de contributions à la caisse
d'assurance chômage, condition préalable au versement des allocations de chômage. Il s'ensuit que
l'absence de paiement de ces contributions exclut tout droit à l'attribution de l'allocation d'urgence.
La Cour note que “… en l'espèce, nul ne prétend que le requérant n'avait pas satisfait à cette
condition; le refus de lui accorder la prestation sociale en question reposait exclusivement sur le
constat qu'il ne possédait pas la nationalité autrichienne et ne figurait pas parmi les personnes
dispensées de remplir cette condition ”270. Dès lors, la Cour estime que “ le droit à l'allocation
d'urgence - dans la mesure où il est prévu par la législation applicable - est un droit patrimonial au
sens de l'article 1 du Protocole n° 1. Cette disposition s'applique par conséquent sans qu'il faille se
fonder uniquement sur le lien qui existe entre l'attribution de l'allocation d'urgence et l'obligation
de payer « des impôts ou autres contributions ». Le requérant ayant été exclu du bénéfice de
l'allocation d'urgence en vertu d'une distinction relevant de l'article 14, à savoir sa nationalité,
cette disposition est donc également applicable ”271.
69 Observation de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 1 du Protocole n°
1. Selon la jurisprudence de la Cour EDH, une distinction est discriminatoire au sens de l'article 14,
si elle « manque de justification objective et raisonnable », c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un
« but légitime » ou s'il n'y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens
269 Cour EDH 18 juillet 1994, Karlheinz Schmidt c. Allemagne, req. n° 13580/88, série A n° 291-B, p. 32,paragraphe 22.270 Cour EDH 16 septembre 1996, Gaygusuz c. Autriche, req. n° 17371/90, Rec. 1996-IV, p. 1141,paragraphe 40.271 Ibid., paragraphe 41.
employés et le but visé »272. Par ailleurs, les Etats contractants jouissent d'une certaine marge
d'appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à
d'autres égards analogues justifient des distinctions de traitement. Toutefois, précise la Cour,
seules des considérations très fortes peuvent l’amener à estimer compatible avec la
Convention une différence de traitement exclusivement fondée sur la nationalité. D'après le
requérant, la distinction opérée entre Autrichiens et étrangers en vertu de la loi sur l'assurance
chômage de 1977 pour l'attribution de l'allocation d'urgence ne repose sur aucune justification
objective et raisonnable. En effet, il aurait versé des contributions à la caisse d'assurance
chômage sur la même base que les salariés autrichiens. La Commission souscrit en substance
à la thèse du requérant. Quant au gouvernement autrichien, il soutient que la disposition légale
en question n'est pas discriminatoire puisque “… la distinction de traitement reposerait sur
l'idée que l'Etat a une responsabilité particulière envers ses propres ressortissants, qu'il doit
les prendre en charge et subvenir à leurs besoins essentiels ”273. Par ailleurs, la loi sur
l'assurance chômage prévoirait certaines exceptions à la condition de nationalité. Enfin, à
l'époque des faits, l'Autriche n'aurait été tenue par aucune obligation contractuelle de verser
l'allocation d'urgence à des ressortissants turcs. La Cour constate d'abord que M. Gaygusuz a
légalement séjourné en Autriche et y a travaillé pendant certaines périodes, en payant des
contributions à la caisse d'assurance chômage au même titre et sur la même base que les
ressortissants autrichiens. Elle rappelle que “… le refus des autorités de lui accorder
l'allocation d'urgence reposait exclusivement sur le constat qu'il ne possédait pas la
nationalité autrichienne “. Par ailleurs, “ il n'a pas été allégué que le requérant ne remplissait
pas les autres conditions légales pour l'attribution de la prestation sociale en question; il se
trouvait donc dans une situation analogue à celle des ressortissants autrichiens quant à son
droit à l'obtention de cette prestation ”274. La Cour note que, certes, la loi sur l'assurance
chômage de 1977 prévoyait quelques exceptions à la condition de nationalité, mais l'intéressé
ne relevait pas de celles-ci. Dès lors, les arguments avancés par le gouvernement autrichien ne
sauraient convaincre la Cour. Elle estime, avec la Commission, que la différence de traitement
entre Autrichiens et étrangers quant à l'attribution de l'allocation d'urgence, dont a été victime
M. Gaygusuz, ne repose sur aucune « justification objective et raisonnable ». Même si, à
l'époque des faits, l'Autriche n'était pas liée par des accords de réciprocité avec la Turquie, elle
s'est engagée, en ratifiant la Convention, à reconnaître « à toute personne relevant de [sa]
juridiction » les droits et libertés définis au titre I de la Convention. La Cour EDH conclut, à
272 Ibid., paragraphe 42.273 Ibid., paragraphe 45.274 Ibid., paragraphes 47 et 48.
l'unanimité, que l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1 a été violé.
70 Conséquences de l’arrêt Gaygusuz. C’est le premier arrêt de la Cour EDH dans lequel
elle considère que les droits aux prestations sociales sont des droits patrimoniaux et que, par
conséquent, l’égalité de traitement en matière de sécurité sociale est garantie par la Convention.
Cette interprétation constructive de la Convention contribue à « autonomiser » le droit à la non-
discrimination et aboutit, en garantissant le droit à la non-discrimination dans la jouissance d’un
droit à une prestation sociale, à faire bénéficier, in fine, bon nombre de droits économiques et
sociaux du mécanisme de protection de la CEDH275. Cette jurisprudence de la Cour de Strasbourg a
influencé le système communautaire, notamment sur l’octroi de droits sociaux aux ressortissants des
pays tiers. En effet, après cet arrêt, l’exclusion des ressortissants des Etats tiers du champ
d’application du Règlement n° 1408/71276 ne paressait plus compatibles avec les droits
fondamentaux, lesquels font partie des principes généraux du droit communautaire. Si les droits aux
prestations sociales doivent être considérés des droits patrimoniaux en raison de leur nature
pécuniaire, sans besoin d’un lien avec le paiement des impôts ou autres contributions, alors les
droits découlant du Règlement 1408/71 seraient également inclus dans la notion de droits
patrimoniaux au sens de l’article 1 du Protocole n° 1. Dans ce cas, la règle de non-discrimination de
l’article 14 de la CEDH devrait s’appliquer également au Règlement 1408/71277. Il est à noter que
récemment le Conseil de l’Union européenne a étendu le champ personnel d’application du
Règlement n° 1408/71 aux ressortissants des pays tiers278. De même, la Cour de cassation française
a repris à son compte cette interprétation audacieuse de l’article 14 de la CEDH, en jugeant que le
refus, uniquement fondé sur sa nationalité étrangère, d’octroyer au requérant l’allocation
supplémentaire du Fonds national de solidarité, alors qu’il remplissait toutes les conditions exigées
pour l’attribution de cette prestation, constitue une violation de l’article 14 de la Convention
combiné avec l’article 1 du Protocole 1279. La clause de non-discrimination sur la base de la
nationalité irradie l’ensemble du « patrimoine commun » européen : est reconnu le droit à la non-
discrimination sur la base de la nationalité dans la jouissance de chacun des droits garantis par la
Cour européenne des droits de l’homme. Le Protocole n° 12 à la Convention va bien au-delà de
275 F. Sudre, “Droit international et européen des droits de l’homme”, 5e édition mise à jour en mai 2001,Paris, PUF, 2001, p. 340.276 Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécuritésociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui sedéplacent à l’intérieur de la Communauté, JO L 28, p. 11.277 H. Verschueren, “EC Social Security Coordonation Excluding Third Country Nationals : Still in Linewith Fundamental Rights After the Gaygusuz Judgment ?”, Common Market Law Review, 1997, vol. 34, n°4, pp. 991-1017, plus particulièrement p. 1012. 278 Règlement n° 859/2003 du Conseil du 14 mai 2003 visant à étendre les dispositions du règlement (CEE)n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couvertspar ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité, JO n° L 124 du 20/05/2003, pp. 0001 – 0003.279 Cass. soc. 14 janvier 1999, Bozkurt c. CPAM de Saint-Etienne, JCP, 1999, II, 10082, note F. Sudre.
cette clause puisqu’il garantit le droit à la non-discrimination dans la jouissance de tout droit
accordé à l’individu par le droit national et interdit toute discrimination, quel qu’en soit le
motif, de la part d’une autorité publique280.
280 F. Sudre, “Droit international et européen des droits de l’homme”, 5e édition mise à jour en mai2001, Paris, PUF, 2001, p. 340.
Chapitre II : Le principe de non-discrimination sur la base de la
nationalité en droit communautaire
71 Plan. Comme le remarque J. Vergès281, la localisation respective des dispositions sur la
citoyenneté et les droits de l’homme donne lieu à des insertions croisées : l’article 6, paragraphe 2,
TUE282 sur les droits de l’homme fait partie des dispositions communes, alors que les articles 17 et
suivants sur la citoyenneté européenne sont situés dans le traité CE, donc sont sous la juridiction de
la Cour de justice et bénéficient à ce titre de sa jurisprudence sur les droits fondamentaux.
L’interprétation du principe de non-discrimination par la Cour de justice peut donc par ricochet
jouer sur les dispositions des articles 17 et suivants du traité CE (Section I). De plus, l’interprétation
extensive du principe d’égalité rend possible l’appréhension des discriminations à rebours (Section
II).
Section I : L’interdiction de discrimination en raison de la nationalité
(article 12 CE)
72 Le champ matériel d’application du traité CE pour les citoyens de l’Union résidant
légalement dans un autre Etat membre. Ce sont les avocats généraux Léger et La Pergola qui
pour la première fois aborderont la question du lien entre la citoyenneté et le principe d’égalité de
traitement à l’occasion des affaires Boukhalfa283 et Stober et Pereira284, en soutenant que “…l’effet
ultime des dispositions des articles 8 à 8 E [nouveaux articles 17 à 22] est l’instauration d’une
assimilation parfaite des citoyens de l’Union, quelle que soit leur nationalité…“285. La Cour de
justice ne s’est pas prononcée que quelques années plus tard, à l’occasion de l’affaire Martinez
281 J. Vergès, “Droits fondamentaux et droits de citoyenneté dans l’Union européenne”, Revue des affaireseuropéennes, 1994, n° 4, pp. 77-104.282 Article 6, paragraphe 2, TUE : “ 2. L'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la convention européenne desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et telsqu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principesgénéraux du droit communautaire. ”283 CJCE 30 avril 1996, Boukhalfa aff. 214/94, Rec. p. 2253.284 CJCE 30 janvier 1997, Stober et Pereira, aff. jtes 4/95 et 5/95, Rec. p. 511. 285 Point 63 des conclusions de l’avocat général Léger, CJCE 30 avril 1996, Boukhalfa aff. 214/94, Rec. p.2253 ; points 50 et 51 des conclusions de l’avocat général La Pergola, CJCE 30 janvier 1997, Stober etPereira, aff. jtes 4/95 et 5/95, Rec. p. 511.
Sala286. Pour rappel, dans le cas d’espèce, il s’agissait d’une ressortissante espagnole vivant en
Allemagne depuis l’âge de douze ans. Celle-ci, après avoir exercé une activité salariée
pendant dix ans, avec certaines interruptions, avait pu bénéficier d’une aide sociale. Bien que
depuis 1984 Mme Sala n’obtenait pas de titre de séjour, mais des documents attestant que la
prorogation de son titre de séjour était sollicitée, elle n’avait pas été expulsée, la Convention
européenne d’assistance sociale et médicale du 11 décembre 1953 interdisant l’expulsion
d’une personne se trouvant dans un pays depuis plus de cinq ans pour le seul motif d’avoir fait
appel à l’assistance sociale. En 1993, à savoir pendant la période où elle ne disposait pas d’un
titre de séjour, Mme Sala a demandé une allocation d’éducation lors de la naissance de son
deuxième enfant. Dans ces circonstances là, la Cour de justice a été interrogée sur la
compatibilité avec le droit communautaire de la loi nationale, qui subordonnait l’octroi de
l’allocation à la possession d’une carte de séjour. La Cour, suivant son avocat général, a
conclu que “…un citoyen de l’Union qui…réside légalement sur le territoire de l’Etat
membre d’accueil peut se prévaloir de l’article 6 [nouvel article 12] du traité C.E. dans
toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit
communautaire…“287. Ce qui est intéressant ici, c’est le raisonnement même de la Cour pour
arriver à la reconnaissance du droit d’égalité de traitement aux citoyens de l’Union à travers
l’application combinée des articles 17, paragraphe 2, CE288 et 12 CE289. Ainsi, la Cour, afin de
justifier que le cas de Mme Sala entre dans le champ d’application personnel et matériel du
droit communautaire, s’est basée sur des dispositions diverses. Tandis que pour Mme Sala
elle-même la Cour se réfère aux dispositions relatives à la citoyenneté, pour le droit
d’allocation d’éducation, elle se réfère aux règlements 1612/68290 et 1408/71291 qui concernent
seulement les travailleurs. Il est ainsi conféré à tous les ressortissants communautaires, même
à ceux qui ne disposent pas d’un droit de séjour sur la base du droit communautaire, une
protection contre la discrimination via la citoyenneté de l’Union, laquelle reçoit donc un
contenu concret pour tous les ressortissants communautaires qui circulent292.
286 CJCE 12 mai 1998, Martinez Sala, aff. C-85/96, Rec. p. I-2691.287 Ibid., point 63.288 Article 17, paragraphe 2, CE :
“ 2. Les citoyens de l’Union jouissent des droits … prévus par le présent traité ”.289 Supra, note 243.290 Règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation destravailleurs à l’intérieur de la Communauté, JO L 257, p. 2.291 Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes desécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famillequi se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que mis à jour par le Règlement (CE) n° 118/97du Conseil, du 2 décembre 1996, JO L 28, p. 11.292 G. Papagianni, “La circulation des citoyens de l’Union : de Maastricht à Amsterdam et au-delà”,Actualités du droit, 1999/4, pp. 625-665, plus particulièrement p. 641.
73 La citoyenneté de l’Union comme statut fondamental. La jurisprudence de la Cour de
justice accorde toujours plus d’importance à la citoyenneté européenne. L’arrêt Grzelczyk293 a
marqué une étape importante à cet égard. En l’espèce, il s’agissait de la loi belge du 7 août 1974
instituant un dispositif nommé « minimex ». En vertu de cette loi, “…tout belge ayant atteint l’âge
de la majorité civile, qui a sa résidence effective en Belgique et ne dispose pas des ressources
suffisantes et n’est pas en mesure de se les procurer soit par ses efforts personnels, soit par
d’autres moyens a droit à un minimum de moyens d’existence…“. Un arrêté royal du 27 mars 1987 a
étendu le bénéfice d’un tel dispositif aux travailleurs au sens du traité CE et du règlement n°
1612/68294. Un étudiant, ressortissant d’un autre Etat membre, qui ne saurait être considéré comme
travailleur peut-il, en invoquant cumulativement la citoyenneté de l’Union et le principe de non-
discrimination, obtenir le bénéfice d’une telle prestation sociale ? Le caractère sensible de la
question a amené plusieurs Etats membres à soumettre leurs observations à la Cour de justice.
Certains Etats membres ont soutenu que la citoyenneté de l’Union n’implique pas que les citoyens
de celle-ci obtiennent des droits nouveaux et plus étendus que ceux qui résultent déjà du traité CE et
du droit dérivé. Pour sa part, un Etat membre a relevé que l’introduction de la citoyenneté de
l’Union a eu pour conséquence que les limitations et les conditions prévues par le droit
communautaire, auxquelles est subordonné l’exercice du droit de circuler et de séjourner librement
sur le territoire des Etats membres, ne saurait continuer à être interprétées comme visant un droit de
nature purement économique qui résulte du traité CE, mais elles ne concernent que les exceptions
fondées sur des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Selon cet Etat
membre, l’application du règlement n° 1612/68 devrait également être étendue à tous les citoyens de
l’Union, qu’ils aient ou non la qualité de travailleurs au sens de ce règlement. Selon la Commission,
les articles 12 et 17 CE devaient être interprétés dans le sens qu’ils accordent aux citoyens de
l’Union le droit de ne pas subir, dans le champ d’application ratione materiae du traité, de
discriminations opérées par un Etat membre en raison de la nationalité, à condition que la situation
de citoyen de l’Union comporte un facteur de rattachement pertinent avec l’Etat membre concerné.
La Cour de justice se base sur la combinaison des articles 12 CE295 et 18, paragraphe 1, CE296
pour apprécier la situation de M. Grzelczyk. D’après la Cour de justice, “…le statut de citoyen de
l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des Etats membres permettant à
293 CJCE 20 septembre 2001, Rudy Grzelczyk et Centre public d’aide sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, aff. C-184/99, Rec. p. I-6193 ; Europe, novembre 2001, p. 5, comm. 316, Y. Gautier.294 Supra, note 290. 295 Supra, note 243.296 Article 18, paragraphe 1, CE : “ 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etatsmembres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositionsprises pour son application. ”
ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, indépendamment
de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le
même traitement juridique…“297. La Cour suit le raisonnement sur lequel se fonde la
jurisprudence Martinez Sala298. L’article 12 CE octroi à M. Grzelczyk, en sa qualité de citoyen
européen, le droit de ne pas subir de discriminations en raison de sa nationalité dans toutes les
situations relevant du domaine d’application du droit communautaire. La Cour poursuit : “…
Ces situations comprennent notamment celles relevant de l’exercice des libertés
fondamentales garanties par le traité et celles relevant de l’exercice de la liberté de circuler
et de séjourner sur le territoire des Etats membres telle que conférée par l’article 8 A [nouvel
article 18] du traité…“299. L’extension du principe de l’égalité de traitement à tous les
citoyens de l’Union amène la Cour à reconsidérer la jurisprudence selon laquelle une aide
accordée aux étudiants pour l’entretien et pour la formation échappe au domaine d’application
du traité CE au sens de son article 12300. En plus, la Cour relève que le traité sur l’Union
européenne a introduit un chapitre consacré à l’éducation et à la formation professionnelle et
le Conseil a arrêté la directive 93/96301 qui prévoit que les Etats membres reconnaissent le
droit de séjour aux étudiants ressortissants d’un Etat membre qui remplissent certaines
conditions.
74 La solidarité financière entre les citoyens de l’Union. Il est vrai que la directive
93/96 relative au droit de séjour des étudiants dispose que le droit de séjour demeure tant que
les bénéficiaires de ce droit répondent aux conditions, notamment d’ordre financier, prévues
par la directive. Toutefois, les bénéficiaires du droit de séjour ne doivent pas devenir une
charge « déraisonnable » pour les finances publiques de l'État membre d'accueil302. S’agissant
297 CJCE 20 septembre 2001, Rudy Grzelczyk et Centre public d’aide sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, aff. C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31. Selon Y. Gautier, le juge communautaire suggèreune solution “…loin de fonder son raisonnement sur le statut de citoyen de l’Union…“. Cet auteurpoursuit “…Peut-être le juge communautaire pourrait-il aller au-delà de la simple reconnaissanced’une « vocation » en affirmant que la citoyenneté est le statut fondamental des ressortissants desEtat membres. S’il franchissait ce pas, sa jurisprudence serait plus lisible et la notion de« citoyenneté de l’Union » y gagnerait en substance. Pour l’instant, elle ne se nourrit que d’élémentsrelatifs à son régime juridique et de rappels un peu étriqués de la lettre du traité…“ (Europe,novembre 2001, p. 5, comm. 316).298 CJCE 12 mai 1998, Martinez Sala, aff. C-85/96, Rec. p. I-2691.299 CJCE 20 septembre 2001, Rudy Grzelczyk et Centre public d’aide sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, aff. C-184/99, Rec. p. I-6193, point 33. La Cour de justice renvoi à son arrêt du 24novembre 1998, Bickel et Franz (C-274/96, Rec. p. I-7637, points 15 et 16), dans lequel elle s’estbasée sur la combinaison des articles 49 et 12 CE.300 CJCE 21 juin 1988, Brown, aff. 197/86, Rec. p. 3205.301 Directive 93/96/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative au droit de séjour des étudiants, JOL 317, p. 59. 302 Ibid., sixième considérant.
des conditions énoncées par la directive 93/96, la Cour de justice relève qu’aucune disposition de la
directive n’exclut ses bénéficiaires des prestations sociales. Par ailleurs, la Cour interprète la
condition de ressources de manière plus libérale en faisant valoir que, à la différence des autres
directives relatives au droit de séjour, la directive 93/96 n’exige pas de ressources d’un montant
déterminé ni ne requiert que l’existence de celles-ci soit justifiées par des documents spécifiques. La
Cour en déduit que “ la directive 93/96, tout comme les directives 90/364 et 90/365 d'ailleurs,
admet donc une certaine solidarité financière des ressortissants de cet État avec ceux des autres
États membres, notamment si les difficultés que rencontre le bénéficiaire du droit de séjour sont
d'ordre temporaire ”303. En plus, compte tenu de la spécificité de l’activité des étudiants, la situation
financière de ces derniers peut changer au fil du temps. L’ensemble des considérations amène la
Cour à conclure que “…les articles 6 [nouvel article 12] et 8 [nouvel article 17] du traité
s’opposent à ce que le bénéfice d’une prestation sociale d’un régime non contributif, telle que le
minimex, soit subordonnée, en ce qui concerne les ressortissants d’Etats membres autres que l’Etat
membre d’accueil sur le territoire duquel lesdits ressortissants séjournent légalement, à la
condition que ces derniers entrent dans le champ d’application du règlement n° 1612/68, alors
même qu’aucune condition de cette nature ne s’applique aux ressortissants de l’Etat membre
d’accueil…“304. Sollicitée à limiter dans le temps les effets de l’arrêt, pour des considérations
financières, la Cour rétorque qu’il n’y a “…aucun élément de nature à établir qu’une incertitude
objective et importante quant à la portée des dispositions du traité sur la citoyenneté de l’Union,
qui sont entrées en vigueur le 1er novembre 1993, avait incité les autorités nationales à un
comportement non conforme à ces dispositions…“305.
Section II : La prohibition de la discrimination à rebours
75 La situation purement interne. La discrimination à rebours joue un rôle important. Un
Etat membre peut soumettre ses ressortissants à des règles qu’il ne peut pas imposer aux
ressortissants d’autres Etats membres, étant donner que ces règles entraveraient l’exercice par ces
derniers d’une liberté garantie par le traité CE. Ce pouvoir de l’Etat membre ne s’applique pas
toutefois purement et simplement. Comme il ressort de l’arrêt D’Hoop306, le ressortissant d’un Etat
303 CJCE 20 septembre 2001, Rudy Grzelczyk et Centre public d’aide sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, aff. C-184/99, Rec. p. I-6193, point 44.304 Ibid., point 46.305 Ibid., point 54.306 CJCE 11 juillet 2002, Marie-Nathalie D’Hoop et Office national de l’emploi, aff. C-224/98, Rec. p. 6191 ; Europe, octobre 2002, p. 12, comm. 316, Y. Gautier.
membre a le droit d’obtenir dans le domaine d’application ratione materiae du traité,
indépendamment de sa nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet
égard, le même traitement juridique. Un Etat membre ne peut réserver un traitement
discriminatoire à ses propres ressortissants que si tous les aspects pertinents du cas d’espèce
sont réunis sur son propre territoire. La Cour de justice considère un tel cas d’espèce comme
une question purement interne à un Etat membre en raison de l'absence de tout facteur de
rattachement avec la situation relevant du droit communautaire. Il est cependant bon de
souligner à cet égard que la Cour de justice interprète de façon large le champ d’application
matériel du droit communautaire307.
76 Le sens du principe de non-discrimination. L’affaire D’Hoop308 était singulière
dans la mesure où la situation de Mme D’Hoop ne lui permettait pas d’être appréhendé par les
dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs et du règlement n°
1612/68309. En effet, l’allocation d’attente en cause dans cette affaire constitue un avantage
social au sens dudit règlement, mais Mme D’Hoop n’a pas pu accédé au marché du travail par
l’exercice d’une activité professionnelle réelle et effective lui ayant conféré la qualité de
travailleur au sens du droit communautaire. Mme D’Hoop, ressortissante belge, sollicite
l’octroi de cette allocation après ses études supérieures en Belgique. Dès lors, le refus de
versement de l’allocation d’attente fondé sur la circonstance qu’elle a réalisé ses études
secondaires en France et qu’elle y a obtenu son baccalauréat pourtant homologué en Belgique
ne saurait être analysé sous l’angle de la libre circulation des travailleurs. Soulignons que la
circonstance que Mme D’Hoop avait ainsi fait usage du droit à la libre circulation avait pour
effet de la faire tomber dans le champ d’application du droit communautaire. Il existe donc un
facteur de rattachement entre l’exercice du droit à la libre circulation et le droit de bénéficier
de l’allocation d’attente qu’elle invoque. Après son retour, elle peut donc continuer à tirer des
droits de la réglementation communautaire. A ce titre, Mme D’Hoop invoque les droits que
307 CJCE 5 mars 2002, Reisch e. a., aff. jtes C-515/99, C-519/99 à C-524/99 et C-526/99 à C-540/99,Rec. p. 478. Dans cette affaire, la Cour a admis la recevabilité d’une question préjudicielle dans ledomaine de la libre circulation des capitaux en considérant que “…En l’espèce, il n’apparaît pas demanière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire ne serait pas nécessairepour le juge de renvoi. En effet, une telle réponse pourrait lui être utile dans l’hypothèse où son droitnational imposerait de faire bénéficier un ressortissant autrichien des mêmes droits que ceux qu’unressortissant d’un autre Etat membre tirerait du droit communautaire dans la même situation…“ (point 22).308 CJCE 11 juillet 2002, Marie-Nathalie D’Hoop et Office national de l’emploi, aff. C-224/98, Rec.p. 6191 ; Europe, octobre 2002, p. 12, comm. 316, Y. Gautier.309 Supra, note 290.
l’article 17 CE attache au statut de citoyen de l’Union, dont celui, prévue à l’article 12 CE, de ne
pas subir de discrimination en raison de la nationalité dans le champ d’application matériel du traité.
La Cour de justice effectivement reconnaît que son statut de citoyen de l’Union lui accorde le droit
de bénéficier du même traitement juridique dans l’exercice de la liberté de circuler et de séjourner
sur le territoire des Etats membres telle que conférée par l’article 18 CE. La Cour renvoi
explicitement à cet égard à la citoyenneté de l’Union, telle qu’elle est visée dans l’arrêt Grzelczyk310.
77 Egalité de traitement à l’égard de qui ? Il convient de se pencher sur le contenu de la
discrimination. La discrimination classique concerne le migrant communautaire qui s’établit dans
un autre Etat membre. Il doit être traité de la même façon que le ressortissant de cet Etat membre.
C’est la règle du traitement national qui s’applique dans ce cas. On en retrouve un exemple
classique dans l’arrêt Reed 311, dans lequel un Etat membre, s’agissant de certains avantages pour
lesquels il assimile parmi ses ressortissants les partenaires mariés et non mariés, ne peut pas, dans le
cas de migrants communautaires, limiter ces avantages au conjoint du migrant. L’arrêt D’Hoop n’a
aucun rapport avec cette situation classique, mais bien avec une forme de discrimination à rebours :
le citoyen qui rentre dans son propre pays après avoir fait usage d’une liberté garantie par le traité
CE. La Cour compare ce citoyen avec ses compatriotes qui n’ont pas invoqué le droit
communautaire312. Ainsi, “…dans la mesure où un citoyen de l’Union doit se voir reconnaître dans
tous les Etats membres, le même traitement juridique que celui qui est accordé aux ressortissants
de ces Etats membres se trouvant dans la même situation, il serait incompatible avec le droit de la
libre circulation qu’il puisse se voir appliquer dans l’Etat membre dont il est ressortissant un
traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s’il n’avait pas fait usage des facilités
ouvertes par le traité...“313. Ce qui est donc en cause en l’espèce, c’est l’inégalité de traitement à
l’égard de nationaux qui n’ont pas fait usage de la libre circulation. La situation d’une personne ne
peut pas se détériorer parce qu’elle a utilisé une liberté prévue par le traité CE. Or, en liant les
allocations d’attente à la condition d’avoir obtenu le diplôme requis en Belgique, la réglementation
310 CJCE 11 juillet 2002, Marie-Nathalie D’Hoop et Office national de l’emploi, aff. C-224/98, Rec. p.6191 ; Europe, octobre 2002, p. 12, comm. 316, Y. Gautier ; points 28 et 29.311 CJCE 17 avril 1986, Reed, C-59/85, Rec. p. 1283, points 25 et s.312 Point 86 des conclusions de l’avocat général Geelhoed, 27 février 2003, Secretary of State for the HomeDepartement c. Hacene Akrich, aff. C-109/01. L’avocat général évoque aussi les autres comparaisons autravers desquelles la Cour applique l’égalité de traitement au citoyen qui rentre dans son propre Etatmembre : la comparaison avec le citoyen qui demeure établi dans l’Etat membre où il a fait usage de laliberté (arrêt du 20 mars 2001, Fahmi et Esmoris Cerdeiro-Pnedo Amato, aff. C-33/99, Rec. p. I-2415 quiconcerne le maintien, après le retour dans son propre pays, d’avantages sociaux dont bénéficiait untravailleur migrant en vertu du règlement n° 1612/68, à savoir le maintien du droit au financement desétudes pour les enfants du travailleur), et la comparaison avec celui qui se rend dans un (autre) Etat membre(arrêt du 7 juillet 1992, Singh, aff. C-370/90, Rec. p. I-4265).313 CJCE 11 juillet 2002, Marie-Nathalie D’Hoop et Office national de l’emploi, aff. C-224/98, Rec. p.6191 ; Europe, octobre 2002, p. 12, comm. 316, Y. Gautier ; point 30.
nationale désavantage ainsi certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur
liberté de circuler aux fins de suivre un enseignement dans un autre Etat membre. D’après la
Cour “…une telle inégalité de traitement est contraire aux principes qui sous-tendent le statut
de citoyen de l’Union, à savoir la garantie d’un même traitement juridique dans l’exercice de
sa liberté de circuler…“314.
78 L’obligation des Etats de s’abstenir à dissuader leurs ressortissants d’exercer
la liberté de circulation. Dans son arrêt Singh315, la Cour de justice considère que les facilités
ouvertes par le traité en matière de circulation ne pourraient produire leurs pleins effets si un
ressortissant d’un Etat membre pouvait être dissuadé d’en faire usage par les obstacles mis, à
son retour dans son pays d’origine, par une réglementation pénalisant le fait qu’il les a
exercées. La Cour souligne que ces facilités sont particulièrement importantes dans le
domaine de l’éducation en se référant à l’article 3 du traité CE selon lequel l’action de la
Communauté comporte une contribution à une éducation et à une formation de qualité. Cette
contribution doit, selon l’article 149 CE, tendre notamment à favoriser la mobilité des
étudiants et des enseignants. La mise en valeur de tels droits permet de concrétiser l’idée selon
laquelle l’éducation et la formation sont des instruments privilégiés de la citoyenneté
européenne. Favoriser la mobilité des étudiants présente au moins deux avantages : cela
favorise la création d’occasions en termes de perspectives professionnelles, de poursuite
d’études, voire de relations personnelles ; surtout, cela permet de les faire participer à la
construction européenne et de les rendre les premiers partisans de son développement. De
simples bénéficiaires d’une liberté, ils sont susceptibles de devenir les moteurs de l’émergence
d’une citoyenneté européenne active : ils vont effectivement utiliser les droits conférés par
cette qualité316.
79 Conclusion du chapitre. Au sein de l’Union européenne, les avantages
susceptibles d’être réservés par un Etat à ses propres ressortissants sont aujourd’hui réduits à
un strict minimum, au point que ces Etats membres ont déjà accoutumé de devoir les accorder
à d’autres citoyens européens. La Cour de justice a littéralement transformé le principe de
non-discrimination, en le faisant évoluer de sa finalité économique initiale à un instrument de
protection du citoyen de l’Union. En même temps, l’autre grand ordre juridique européen,314 Ibid., point 35.315 CJCE 7 juillet 1992, Singh, aff. C-370/90, Rec. p. I-4265, point 23.316 Ch. Ferrari-Breeur, “L’éducation et la formation professionnelle comme instruments de lacitoyenneté européenne”, in Ch. Philip et P. Soldatos (dir.), “La citoyenneté européenne”, Universitéde Montréal, Canada, 2000, pp. 177-190, plus particulièrement p. 181.
celui de la Convention européenne des droits de l’homme, protège « toute le monde » dans la
juridiction des Etats contractants et pas uniquement les citoyens, sur la base du principe que
l’humanité n’a pas de nationalité317.
TITRE II : LE DÉCROCHEMENT DES DROITS ATTACHÉS À LA
NATIONALITÉ ET LEUR ACCROCHEMENT À LA CITOYENNETÉ
EUROPÉENNE
80 Plan. En droit international, le droit d’aller et venir est réservé au bénéfice exclusif des
ressortissants d’un Etat. Parallèlement, la liberté de circulation représente l’essence et l’origine de la
citoyenneté de l’Union318. Comme il a été remarqué, tandis que la citoyenneté nationale s’est
développée historiquement autour des droits politiques, la citoyenneté de l’Union se cristallise
autour de la liberté de circulation319. Ce nouveau concept de citoyenneté accorde ce droit à tous les
citoyens européens sur le territoire de l’Union européenne indépendamment de leur nationalité.
Cette forme unique de citoyenneté confère, entre autres, le droit à la protection diplomatique de
l’Etat dont le citoyen européen n’est pas un ressortissant. On se souvient que la protection
diplomatique était de toute évidence la question clé dans l’affaire Nottebohm320 qui a énoncé tant de
concepts utilisés aujourd’hui pour établir la nationalité321. Le citoyen européen s’est vu également
reconnaître de nouveaux droits politiques afin de participer à la vie politique de la communauté
dans laquelle il vit et dans la perspective d’une meilleure intégration dans l’Etat de résidence. Il a
été remarqué que les attributs de la citoyenneté européenne représentent les attributs d’une
317 Lord Russel-Johnston, “Humankind has no nationality“, Inaugural speech to the ParliamentaryAssembly, Strasbourg, 25 janvier 1999, in “Humankind has no nationality“, Speeches, 1999, Editions duConseil de l’Europe 2000, p. 10.318 H.U.J. D’Oliviera, “Union Citizenship : Pie in the Sky ?“, in A. Rosas, E. Antola (dir.), “A citizens’Europe : In Search of a New Order“, Sage, London, 1995, p. 65. 319 Ibid., p. 83.320 CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p. 4. 321 N. Mole, L. Fransman, op. cit. (supra, note 170), p. 135.
citoyenneté post-nationale322. Pour mieux appréhender cette nouvelle citoyenneté, il convient
d’étudier les droits qui lui sont attachés (Chapitre I). De façon paradoxale, la définition de la
citoyenneté européenne sur la base de la nationalité des Etats membres détermine un effet
exclusif et discriminatoire à l’égard des ressortissants des pays tiers qui résident légalement
sur le territoire de l’Union européenne. Dès lors, on pourrait envisager la résidence comme
critère d’accès à la citoyenneté européenne (Chapitre II).
Chapitre I : L’accès du citoyen européen à certains
droits civiques nationaux
81 Plan. Pour mieux cerner le concept de citoyenneté européenne, il convient
d’analyser successivement la portée de la liberté de circulation et de séjour du citoyen de
l’Union (Section I), puis la portée de la protection diplomatique et consulaire dont bénéficie le
citoyen de l’Union (Section II).
Section I : La liberté de circulation et de séjour
82 La prudence de la Cour de justice à l’égard de la justiciabilité de l’article 18,
paragraphe 1, CE323. Des auteurs ont soutenu la thèse de l’effet direct de l’article 18,
paragraphe 1, CE en adoptant une interprétation strictement textuelle, basée sur la théorie de
l’effet direct, telle qu’elle a été définie par l’arrêt Van Gend et Loos324 et par la doctrine325. Ils
se sont référés d’une part, au contenu clair et non équivoque de cet article, et d’autre part, à
322 J. Shaw, “Citizenship of the Union : Towards Post – National Membership ?”, in EuropeanUniversity Institute (ed.), Collected Courses of the Academy of European Law, Vol. VI – 1, Nijhoff,1998, pp. 237 à 346. 323 Article 18, paragraphe 1, CE “ 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etatsmembres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par lesdispositions prises pour son application. ”324 CJCE 5 février 1963, Van Gend et Loos, aff. 26/62, Rec. p. 1.325 D. Simon, “Le système juridique communautaire”, éditions PUF, Paris, 3e édition mise à jour ennovembre 2001, 779 p., plus particulièrement pp. 387-391.
une comparaison avec les articles 39 et 43 CE326. L’argument principal est le suivant : puisque la
Cour a reconnu, dans les affaires Van Duyn327 et Reyners328, l’effet direct de ces articles, malgré
l’existence d’exceptions prévues et malgré que leur mise en œuvre pourrait requérir l’adoption de
mesures sous la forme de textes de droit secondaire, l’effet direct de l’article 18, paragraphe 1, CE
devrait être également accepté. Dans un arrêt Skanavi329 de 1996, la Cour a en effet déclaré : “
L’article 8 A [nouvel article 18] du Traité, qui énonce de manière générale le droit, pour tout
citoyen de l’Union, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, trouve
une expression spécifique dans l’article 52 [nouvel article 43] du Traité. Or, dans la mesure où
l’espèce au principal relève de cette dernière disposition, il n’est pas nécessaire de se prononcer
sur l’interprétation de l’article 8 A [nouvel article 18]”. De nouveau, la Cour ne s’est pas
prononcée sur la portée de l’article 18, paragraphe 1, CE, malgré les conclusions de l’avocat général
La Pergola dans l’affaire Martinez Sala330 et celles de l’avocat général Cosmas dans l’affaire
Wijsenbeek331. Tous deux se sont prononcés en faveur de la reconnaissance de l’effet direct. Pour
l’avocat général La Pergola, le droit de circuler et de résider est un droit inséparable de la
citoyenneté. Les limitations prévues par l’article 18, paragraphe 1, CE concernent l’exercice concret
et non l’existence du droit. L’avocat général Cosmas fonde l’effet direct, entre autres, sur la
formulation littérale de l’article 18, paragraphe 1, CE. Il expose ensuite que, si des restrictions à
l’exercice de ces droits peuvent, bien entendu, être imposées, celles-ci devront néanmoins être
justifiées et ne pas porter atteinte à l’essence même du droit personnel. Dans l’arrêt Kaba332, la Cour
évoque la nature de l’article 18 CE, sans se prononcer de manière explicite sur la possibilité de
reconnaître à l’article 18, paragraphe 1, CE un effet direct. Cependant, la Cour relève que, en l’état
actuel du droit communautaire, le droit de séjour des ressortissants d’un Etat membre sur le
territoire d’un autre Etat membre n’est pas inconditionnel. Cela découle, entre autres, de l’article 18,
paragraphe 1, CE qui, tout en accordant aux citoyens de l’Union le droit de circuler et de séjourner
librement sur le territoire des Etats membres, renvoi expressément aux limitations et conditions
prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application.
83 La reconnaissance explicite de l’effet direct de l’article 18, paragraphe 1, CE.
L’affaire Baumbast et R 333 a posé à nouveau la question de l’effet direct de l’article 18, paragraphe
326 A. Mattera, “Civis europaeus sum – Citoyenneté européenne, droit de circulation et de séjour,applicabilité directe de l’article 8 A du traité CE”, Revue du Marché Unique Européen n° 3/1998, pp. 5-28.327 CJCE 4 décembre 1974, Van Duyn, aff. 41/74, Rec. p. 1337.328 CJCE 21 juin 1974, Reyners, aff. 2/74, Rec. p. 631.329 CJCE 29 février 1996, Skanavi, aff. C-193/94, Rec. 1996, p. I-929.330 CJCE 12 mai 1998, Martinez Sala, aff. C-85/96, Rec. p. I-2691 ; point 18 des conclusions. 331 CJCE 12 septembre 1999, Wijsenbeek, aff. C-378/96, Rec. p. I-6207. 332 CJCE 11 avril 2000, Kaba, aff. C-365/98, Rec. p. I-2623.333CJCE 17 septembre 2002, Baumbast, R et Secretary of State for the Home Department, aff. C-413/99,Rec. p. 7096 ; Europe, novembre 2002, p. 18, comm. 369, Y. Gautier. Pour une analyse de cet arrêt voir P.
1, CE. Dans les conclusions sur cette affaire, l’avocat général Geelhoed expose que l’article
18, paragraphe 1, CE représente la confirmation d’un droit fondamental, pour le citoyen de
l’Union européenne, lui permettant de circuler et de séjourner sur le territoire de l’Union
européenne. L’article 18, paragraphe 1, CE ajoute aux dispositions de la réglementation en
matière de libre circulation des personnes un droit de séjour général au bénéfice des citoyens
de l’Union européenne. Il constitue le dénominateur commun du droit de séjour des citoyens
actifs et non actifs. Depuis l’introduction de l’article 18, paragraphe 1, CE par le traité de
Maastricht, les personnes non actives fondent elles aussi leur droit de circuler et de séjourner
directement sur le traité CE et ce droit a cessé de dépendre complètement de l’appréciation du
législateur en charge du droit dérivé334. Selon l’avocat général Geelhoed, il convient de
reconnaître un effet direct à l’article 18, paragraphe 1, CE du fait précisément des conditions
et limitations auxquelles est soumis l’exercice du droit de circuler et de séjourner. En effet,
ces conditions et limitations ont pour but de protéger des intérêts publics évidents, tels que
l’ordre public, la sécurité, la santé publique et les intérêts financiers des Etats membres. Or,
l’article 18 CE, par le caractère inconditionnel de la première partie de son paragraphe 1,
représente une norme de garantie. Il énonce des exigences que le droit communautaire doit
respecter dans le domaine de la libre circulation des personnes. Les conditions prévues par le
droit communautaire ne peuvent pas être arbitraires et elles ne peuvent pas vider le droit de
séjour de son contenu matériel. D’ailleurs, l’article 45 de la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne reconnaît le droit de séjour de tout citoyen de l’Union335, tandis que
l’article 52, paragraphe 1, de la Charte dispose ce qui suit à propos de toute limitation à
l’exercice des droits qu’elle confère : celle-ci doit “…respecter le contenu essentiel desdits
droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent
être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt
général reconnus par l’Union “. La Cour, suivant les conclusions de l’avocat général,
reconnaît l’effet direct de l’article 18, paragraphe 1, CE. Ainsi, s’agissant du droit de séjourner
sur le territoire des Etats membres prévu à l’article 18, paragraphe 1, CE “…il convient de
constater que celui-ci est reconnu directement à tout citoyen de l’Union par une disposition
claire et précise du traité CE. En sa seule qualité de ressortissant d’un Etat membre, et
Mahnic, D. O’Keeffe [supervisor], “ Union citizenship and free movement rights : a critical analysisof the Baumbast case ”, Bibliothèque du Collège d’Europe, Bruges, 2003, 44 p. 334 Point 105 des conclusions de l’avocat général.335 Article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne “ 1. Tout citoyen ou toute citoyenne de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membre. (…) “.
partant de citoyen de l’Union, M. Baumbast a donc le droit de se prévaloir de l’article 18,
paragraphe 1, CE…l’application des limitations et conditions admises à l’article 18, paragraphe 1,
CE pour l’exercice dudit droit de séjour est susceptible d’un contrôle juridictionnel. Par
conséquent, les éventuelles limitations et conditions de ce droit n’empêchent pas que les
dispositions de l’article 18, paragraphe 1, CE confèrent aux particuliers des droits qu’ils peuvent
faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent sauvegarder…“336. L’effet direct de
l’article 18, paragraphe 1, CE a pour conséquence la possibilité pour une personne, qui ne bénéficie
pas d’un droit de séjour au titre d’autres dispositions de droit communautaire, d’invoquer l’article
18, paragraphe 1, CE pour acquérir un tel droit. Ainsi, s’agissant de l’exercice du droit de séjour, les
situations pour lesquelles le législateur communautaire n’a pas pris de dispositions relèvent de
l’article 18, paragraphe 1, CE. Les conditions et limitations du droit de séjour prévues par le droit
communautaire s’appliquent par analogie aux personnes qui fondent directement leur droit de séjour
sur l’article 18, paragraphe 1, CE.
84 Les circonstances de la reconnaissance de l’effet direct de l’article 18, paragraphe 1,
CE. Il convient de relever les circonstances de l’espèce qui ont amené la Cour de justice à dégager
cette solution. L’affaire Baumbast et R concernait une situation qui n’a pas été prévue par le
législateur communautaire. A cet égard, l’avocat général Geelhoed évoque le caractère obsolète du
cadre réglementaire de la libre circulation des personnes337. M. Baumbast, ressortissant allemand a
exercé quelques années durant une activité salariée puis indépendante au Royaume-Uni. Par la suite,
son entreprise ayant fait faillite, M. Baumbast a travaillé pour une entreprise allemande mais
opérant sur le territoire d’Etats tiers (Chine et Lesotho). En dépit de ce changement de situation, la
famille de M. Baumbast a continué de résider au Royaume-Uni. De plus, la famille bénéficie d’une
protection sociale en Allemagne et elle n’a pas eu recours à l’assistance sociale au Royaume-Uni.
En dépit de cette circonstance, le titre de séjour de M. Baumbast n’a pas été renouvelé par les
autorités britanniques. Afin de justifier cette décision, les autorités britanniques ont considéré que
l’intéressé ne pouvait bénéficier du droit au séjour dans la mesure où l’assurance maladie dont il
336 CJCE 17 septembre 2002, Baumbast, R et Secretary of State for the Home Department, aff. C-413/99,Rec. p. 7096 ; Europe, novembre 2002, p. 18, comm. 369, Y. Gautier ; points 84 à 86.337 Ce problème est évoqué largement aux points 24 et 25 des conclusions de l’avocat général : “…Lerèglement 1612/68 a été adopté au sommet de la vague de la production industrielle de masse, portée pardes relations de travail présentant un caractère relativement stable. Le législateur communautaire pouvaitencrer ses dispositions sur une certaine durée du cercle de travaille. Dans le contexte économique actuel,des changements rapides de cercle de travail et de lieu de travail sont devenus beaucoup plus habituels.Ces changements peuvent être si rapides, comme dans le cas de la famille Baumbast, que la famille décidede ne plus déménager. La seconde mutation économique réside dans la globalisation. Au sein du « villageglobal », l’organisation et les activités des entreprises présentent toujours plus un caractère international,tant dans l’Union européenne qu’en dehors de l’Union. Des situations du type de celle de M. Baumbast, quivoient un travailleur résider dans l’Etat membre A et travailler dans un pays tiers pour le compte d’uneentreprise établie dans l’Etat membre B, sont devenus toujours plus monnaie courante...“.
dispose ne couvre pas les soins urgents administrés dans l’Etat membre d’accueil. Dans la
mesure où M. Baumbast exerce une activité économique sur le territoire d’Etats tiers, sa
situation n’est pas régie par les dispositions du règlement n° 1612/68. Restent les dispositions
de la directive 90/364 qui précisent que les Etats membres peuvent exiger des ressortissants
d’un Etat membre qui veulent bénéficier du droit de séjour sur leur territoire qu’ils disposent
pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d’une assurance maladie couvrant
l’ensemble des risques dans l’Etat d’accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu’ils ne
deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’Etat membre
d’accueil. Mais, en reconnaissant un effet direct à l’article 18 CE, la Cour peut exercer un
contrôle de proportionnalité concernant l’application individuelle des critères de la directive
90/364 au cas individuel. Ainsi, la Cour apprécie que, dans la situation de M. Baumbast, le
refus de renouvellement de son titre de séjour au motif que l’assurance maladie dont il dispose
ne couvre pas les soins urgents administrés dans l’Etat membre d’accueil constituerait une
ingérence disproportionnée dans l’exercice du droit de séjour. La Cour déclare que “…un
citoyen de l’Union européenne qui ne bénéficie plus dans l’Etat membre d’accueil d’un droit
de séjour comme travailleur migrant peut, en qualité de citoyen de l’Union, y bénéficier d’un
droit de séjour par application directe de l’article 18, paragraphe 1, CE. L’exercice de ce
droit est soumis aux limitations et conditions visées à cette disposition, mais les autorités
compétentes, et le cas échéant les juridictions nationales doivent veiller à ce que l’application
desdites limitations et conditions soit faites dans le respect des principes généraux du droit
communautaire, et notamment, du principe de proportionnalité…“338.
85 Les limitations d’ordre financier du droit de séjour. Si l’article 18, paragraphe
1, CE est reconnu d’effet direct, l’un des problèmes soulevé par cette disposition n’est pas
éliminé : un ressortissant communautaire qui n’exercerait aucune activité économique et qui
ne bénéficierait pas de ressources suffisantes ou d’une assurance sociale pourrait très bien,
perdre son droit au séjour. Sans doute le juge communautaire est-il lié par le traité, sans doute
ne lui appartient-il pas de réviser judiciairement la charte constitutionnelle...; il n’empêche : le
droit à la libre circulation et partant, le droit au séjour est inextricablement lié à la citoyenneté.
De plus, dans la perspective d’un espace homogène au sein duquel les personnes sans
considération de nationalité, peuvent librement circuler, conditionner le droit au séjour peut
sembler inadapté. Une révision des textes communautaires peut alors sembler s’imposer en
338 CJCE 17 septembre 2002, Baumbast, R et Secretary of State for the Home Department, aff. C-413/99, Rec. p. 7096, point 94.
s’inspirant peut-être, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Du reste, et pour
finir, on signalera que si ce texte est invoqué par l’avocat général il n’est pas repris par la Cour de
justice…339.
86 Le droit de séjour des membres de la famille du citoyen de l’Union. Les droits des
membres de la famille du travailleur migrant sont principalement fondés sur le règlement n°
1612/68340. Ils tirent leur droit de séjour de l’article 10 de ce règlement341. Les membres de la famille
disposent ainsi de droits qu’ils peuvent invoqués eux-mêmes, étant entendu que ces droits
dépendent d’un lien avec le travailleur migrant. La Cour de justice interprète le terme conjoint au
sens littéral. Ainsi, la Cour considère-t-elle qu’une personne reste un conjoint aussi longtemps que
son mariage n’est pas formellement dissous, même si les époux sont séparés de fait342. Il ressort de
l’arrêt Diatta343 que les membres de la famille ne doivent pas habiter en permanence avec le
travailleur. De plus, le fait que le lien avec le travailleur migrant soit rompu ne signifie pas
automatiquement que le droit d’un membre de la famille de séjourner dans un Etat membre disparaît
lui aussi. L’arrêt Baumbast et R 344 concernait à la fois le cas dans lequel le lien familial était rompu
à la suite d’un divorce et celui dans lequel le statut de travailleur de l’ayant droit fondé sur l’article
39 CE avait disparu. La Cour était demandée si, dans de telles situations, les enfants d’un citoyen de
l’Union européenne qui se sont installés dans un Etat membre alors que leur parent exerçait des
droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet Etat membre sont en droit d’y séjourner afin
de poursuivre des cours d’enseignement général, conformément à l’article 12 du règlement n°
1612/68345. En outre, la Cour était demandée si, dans le cas d’une réponse affirmative, l’article 12
du règlement n° 1612/68 doit être interprété en ce sens qu’elle permet au parent qui a effectivement
la garde des enfants, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec eux de manière à faciliter
339 Y. Gautier, Europe, novembre 2002, p. 18, comm. 369. 340 Règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation destravailleurs à l’intérieur de la Communauté, JO L 257, p. 2. Ce règlement a été complété dans la directive68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression de restrictions au déplacement et auséjour des travailleurs des Etats membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13)par quelques obligations de fournir des titres de voyages et de séjour pour les États membres (article 3). 341 Article 10, paragraphe 1 du règlement n° 1612/68 “ 1. Ont le droit de s’installer avec le travailleur ressortissant d’un État membre employé sur le territoired’un autre État membre, quelle que soit leur nationalité : a) son conjoint et leurs descendants de moins devingt et un ans ou à charge; […] “.342 CJCE 13 février 1985, Diatta, aff. 267/83, Rec. p. 567, point 18. 343 Ibid., point 25.344 CJCE 17 septembre 2002, Baumbast, R et Secretary of State for the Home Department, aff. C-413/99,Rec. p. 7096 ; Europe, novembre 2002, p. 18, comm. 369, Y. Gautier. 345 Article 12 du règlement n° 1612/68 “ Les enfants d’un ressortissant d’un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre Etatmembre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelledans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire.Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans lesmeilleures conditions. ”
l’exercice du droit de ceux-ci de poursuivre des cours d’enseignement général dans l’Etat
membre d’accueil. Pour la réponse à ces questions, l’avocat général Geelhoed souligne qu’il
convient de prendre en compte le caractère désuet que présente aujourd’hui la législation
communautaire, en particulier le règlement n° 1612/68. Les règles de libre circulation des
travailleurs n’ont pas suffisamment été adaptées aux évolutions de la société. S’agissant des
droits (dérivés) des membres de la famille de ces travailleurs, la législation européenne ne
prévoit que la façon dont ils s’établissent. Aucune disposition n’est prévue pour les
hypothèses dans lesquelles la situation familiale ou professionnelle se modifie après l’entrée
dans le pays d’accueil346. En prenant en compte ces évolutions, la Cour a constaté que, en
vertu de l’article 12 du règlement n° 1612/68, le droit de séjour des enfants du (de l’ancien)
travailleur était maintenu, au même titre que le droit de séjour du parent subvenant à leurs
besoins, ce droit étant dérivé du droit des enfants.
87 Le droit d’accès à l’enseignement dans l’Etat d’accueil des enfants du citoyen
européen. Le critère d’accès au droit, pour les enfants, de bénéficier des cours
d’enseignement n’est pas la qualité de travailleur que possède l’un des parents, mais un critère
plus large, à savoir le fait, pour l’un des parents, d’être ou d’avoir été employé. Même si
l’ancien travailleur concerné n’exerce pas ou n’exerce plus d’activité salariée, les enfants ont
accès à l’enseignement. La Cour a dit pour droit dans son arrêt Echternach et Moritz 347 que
l’enfant d’un travailleur qui a été employé dans un autre Etat membre conserve sa qualité de
membre de la famille d’un travailleur au sens du règlement n° 1612/68 lorsque sa famille
rentre dans son pays d’origine et lorsqu’il demeure, même après une certaine interruption,
dans l’Etat d’accueil pour poursuivre sa scolarité, ce qu’il ne pouvait pas faire dans son pays
d’origine. La Cour a considéré à cet égard que les avantages revenant aux membres de la
famille d’un travailleur contribuent à leur intégration dans la vie sociale du pays d’accueil
conformément aux objectifs de la libre circulation des travailleurs. Pour qu’une telle
346 Point 23 des conclusions de l’avocat général : “…Le règlement n° 1612/68 date d’une époque oùles relations familiales présentaient encore un certain caractère de stabilité. La législation socialedes années 50 et 60 – et donc le règlement – prévoit des dispositions en faveur de la familletraditionnelle, dans laquelle l’homme gagne sa vie et la femme veille au ménage et aux enfants. Bienentendu, cette famille traditionnelle existe toujours, mais ce modèle est beaucoup moins dominantdans la société occidentale. Les rapports familiaux et les formes de vie en commun sont devenu moinsstable et plus divers. Tant la famille R – après le divorce – que la famille Baumbast, où le père neréside qu’une partie du temps dans sa famille – en sont de bonnes illustrations. Par ailleurs, notreépoque voit toujours s’accroître le nombre de familles dont les conjoints sont de nationalitédifférente ou qui comprennent des enfants ayant d’autres nationalités, et ce par suite d’uneaccélération de la mobilité des personnes. Il peut aussi s’agir de nationalités de pays tiers…“. 347 CJCE 15 mars 1989, Echternach et Moritz, aff. 389/87 et 390/87, Rec. p. 723, points 20 et 21.
intégration puisse réussir, poursuit la Cour, il est indispensable que l’enfant du travailleur
communautaire ait la possibilité d’entreprendre sa scolarité et ses études dans le pays d’accueil,
comme le prévoit explicitement l’article 12 du règlement n° 1612/68, en vue de les terminer avec
succès. Dans son arrêt Baumbast et R 348, la Cour ajoute que n’autoriser les enfants d’un citoyen de
l’Union à continuer leur scolarité dans l’Etat membre d’accueil que lorsqu’il leur est impossible de
poursuivre celle-ci dans leur Etat membre d’origine n’irait pas seulement à l’encontre de la lettre de
l’article 12 du règlement n° 1612/68, qui prévoit un droit d’accès aux cours d’enseignement pour les
enfants d’un ressortissant d’un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre Etat
membre, mais également à l’encontre de son esprit. La Cour considère que “…les enfants d’un
citoyen de l’Union européenne qui se sont installés dans un Etat membre alors que leur parent
exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet Etat membre sont en droit d’y
séjourner afin d’y poursuivre des cours d’enseignement général, conformément à l’article 12 du
règlement n° 1612/68. Le fait que les parents des enfants concernés ont entre-temps divorcé, le fait
que seul l’un des parents est un citoyen de l’Union et que ce parent n’est plus un travailleur
migrant dans l’Etat membre d’accueil ou le fait que les enfants ne sont pas eux mêmes des citoyens
de l’Union n’ont à cet égard aucune incidence…“349.
S’agissant du droit de séjour du parent qui a la garde des enfants, la Cour relève qu’il résulte
de sa jurisprudence que, tout comme la qualité de travailleur migrant elle-même, les droits dont
bénéficient les membres de la famille d’un travailleur communautaire en vertu du règlement n°
1612/68 peuvent, dans certaines circonstances, subsister même après la cessation de la relation de
travail350. Par ailleurs, il faut, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, interpréter le
règlement n° 1612/68 à la lumière de l’exigence du respect de la vie familiale prévu à l’article 8 de
la Convention européenne des droits de l’homme, ce respect faisant partie des droits fondamentaux
qui, selon une jurisprudence constante, sont reconnu par le droit communautaire351. En plus, refuser
l’octroi d’une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l’enfant exerçant son droit de
poursuivre sa scolarité dans l’Etat membre d’accueil au titre de l’article 12 du règlement n°
1612/68, priverait cette disposition de son effet utile. Ces considérations amènent la Cour de justice
à déclarer que “…cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle permet au parent qui a
effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec eux de
manière à faciliter l’exercice dudit droit nonobstant le fait que les parents ont entre-temps divorcé
ou le parent qui a la qualité de citoyen de l’Union européenne n’est plus un travailleur migrant
348 CJCE 17 septembre 2002, Baumbast, R et Secretary of State for the Home Department, aff. C-413/99,Rec. p. 7096 ; Europe, novembre 2002, p. 18, comm. 369, Y. Gautier. 349 Ibid., point 63.350 CJCE 15 mars 1989, Echternach et Moritz, aff. 389/87 et 390/87, Rec. p. 723, point 21 ; CJCE 12 mai1998, Martinez Sala, C-85/96, Rec. p. I-2691, point 32.351 CJCE 17 septembre 2002, Baumbast, R et Secretary of State for the Home Department, aff. C-413/99,Rec. p. 7096, point 72.
dans l’Etat membre d’accueil…“352.
88 Le droit de séjour des membres de la famille du citoyen de l’Union tiré de
l’article 8 de la CEDH353. La Cour de justice précise explicitement dans sa jurisprudence que
le législateur communautaire a reconnu l’importance que revêt la protection de la vie familiale
des ressortissants des Etats membres pour la suppression des entraves aux libertés
fondamentales garanties par le traité CE, ce qui ressort notamment des règlements et
directives du Conseil relatifs à la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés à
l’intérieur de la Communauté354. Il faut interpréter le règlement n° 1612/68 à la lumière de
l’exigence du respect de la vie familiale mentionnée par l’article 8 de la CEDH. Il résulte de
l’ensemble des dispositions de ce règlement que, en vue de faciliter la circulation des
membres de la famille des travailleurs, la Conseil a pris en considération l’importance que
revêt du point de vue humain, pour le travailleur, le regroupement de sa famille à ses côtés355.
L’article 8 de la CEDH ne joue pas seulement un rôle dans l’interprétation des
objectifs poursuivis par le législateur communautaire mais devient aussi dans d’autres
domaines un cadre de référence toujours plus important pour la Cour de justice. Cette
disposition limite l’interprétation et l’application des dispositions du traité relatives à la libre
circulation des personnes. La jurisprudence récente montre que la Cour de justice accorde
toujours plus d’importance à la protection de la vie familiale des citoyens de l’Union
européenne. Dans l’arrêt Carpenter356, la Cour de justice examine une décision d’un Etat
membre directement à la lumière de l’article 8 de la CEDH. Dans cette affaire, il s’agissait de
savoir si l’épouse philippine d’un ressortissant britannique pouvait se prévaloir d’un droit au
séjour sur le territoire britannique au motif que son époux exerçait son droit à la libre
circulation en tant que prestataire de services. La question était posée dans le cadre d’un
352 Ibid., point 75.353 Article 8 « Droit au respect de la vie privée et familiale » de la CEDH“ 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sacorrespondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant quecette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une sociétédémocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économiquedu pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santéou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ”354 CJCE 25 juillet 2002, Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie ASBL(MRAX) et Etat belge, aff. C-459/99, Rec. p. 6591, point 53 ; CJCE 11 juillet 2002, Mary Carpenteret Secretary of State for the Home Department, aff. C-60/00, Rec. p. 6279, point 38.355 CJCE 18 mai 1989, Commission c. Allemagne, aff. 249/86, Rec. p. 1263, points 10 et 11. 356 CJCE 11 juillet 2002, Mary Carpenter et Secretary of State for the Home Department, aff. C-60/00, Rec. p. 6279 ; Europe, octobre 2002, p. 21, comm. 335, L. Idot.
recours contre une décision d’expulsion prononcée à l’encontre de cette ressortissante d’un Etat
tiers, dont le mari, directeur d’une société spécialisée dans la publicité médicale, était amené à se
déplacer fréquemment dans les divers Etats membres de la Communauté. Une réponse affirmative
n’aurait fait aucun doute dans l’hypothèse où le mari, ressortissant communautaire, se serait établi
dans un autre Etat membre, mais la particularité de l’affaire venait du fait que tant le Royaume-Uni
que la Commission soutenait que l’on était en présence d’une situation purement interne relevant
uniquement du droit national. Mais la Cour relève que la notion de prestations de services au sens
de l’article 49 CE357 n’exige pas que le prestataire soit physiquement établi dans autre Etat membre.
La Cour considère que le droit communautaire est applicable à une situation dans laquelle un
prestataire fournit des services, principalement au départ de son propre Etat membre, à des
bénéficiaires établis dans d’autres Etats membres. Il était donc indéniable que le mari faisait usage
du droit à la libre prestation de services. Toutefois, si la directive 73/148358 relative au droit de
séjour tant dans le cadre de la liberté d’établissement que de la libre prestation de services reconnaît
le droit de séjour des membres de la famille dans l’Etat d’accueil, elle ne réglemente pas le droit de
séjour des membres de la famille d’un prestataire de services dans l’Etat membre d’origine de celui-
ci. Dans une telle situation, la Cour de justice cherche la solution dans les principes du droit
communautaire, qui intègre les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des
droits de l’homme. En l’espèce, la Cour considère que la séparation des époux nuirait à leur vie
familiale et, partant, aux conditions de l’exercice par le mari de la liberté fondamentale à la
prestation de services. Or, l’Etat membre ne peut invoquer des mesures d’intérêt général pour
justifier une mesure nationale qui est de nature à entraver l’exercice de la libre prestation des
services que lorsque cette mesure est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le
respect359. La Cour de justice déclare : “ …Même si la convention ne garantit comme tel aucun droit
pour un étranger d’entrer ou de résider sur le territoire d’un pays déterminé, exclure une personne
d’un pays où vivent ses parents proches peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la
vie familiale tel que protégé par l’article 8 de la convention. Pareille ingérence enfreint la
convention si elle ne remplit pas les exigences du paragraphes 2 du même article, à savoir si elle
n’est pas prévue par la loi, inspirée par un ou plusieurs buts légitimes au regard dudit paragraphe
et nécessaire, dans une société démocratique c'est-à-dire justifiée par un besoin social impérieux
et, notamment, proportionnée au but légitime poursuivi ”360. Les limites de ce qui est « nécessaire,
357 Supra, note 244.358 Directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des Etats membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services, JO L 172, p. 14.359 CJCE 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 43 ; CJCE 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689, point 24.360 CJCE 11 juillet 2002, Mary Carpenter et Secretary of State for the Home Department, aff. C-60/00,Rec. p. 6279, point 42.
dans une société démocratique », lorsque le conjoint a commis une infraction, ont été mises
en exergue par la Cour européenne des droits de l’homme dans ses arrêts Boultif c. Suisse361 et
Amrollahi c. Danemark362. Or, cette décision d’expulsion constitue au regard de la Convention
telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme une ingérence injustifiée.
La mesure est disproportionnée car le mariage est authentique et les époux ont mené une vie
familiale effective. Si l’épouse de M. Carpenter a enfreint les lois du Royaume-Uni sur
l’immigration en ne quittant pas le territoire national après l’expiration de son autorisation de
séjourner en tant que visiteur, sa conduite ultérieure n’a fait l’objet d’aucun reproche de nature
à faire craindre qu’elle constitue à l’avenir un danger pour l’ordre public et la sécurité
publique. La Cour déclare que “…l’article 49 CE, lu à la lumière du droit fondamental au
respect de la vie familiale, doit être interprété comme s’opposant à ce que dans une situation
telle que celle en cause au principal, l’Etat membre d’origine d’un prestataire de services
établi dans ce même Etat, qui fournit des services à des destinataires établis dans d’autres
Etats membres, refuse le séjour sur son territoire au conjoint de ce prestataire, ressortissant
d’un pays tiers...“363. On ne peut que se féliciter d’une telle solution. Il convient toutefois d’en
relever les limites. Indépendamment du fait que cela ne vaut que dans les circonstances
d’espèce, l’hypothèse d’un mariage blanc ou de l’absence de vie familiale effective étant
implicitement réservée, le cas d’une situation purement interne n’est pas résolu364. En
l’espèce, le mari étant prestataire de services, la Cour a résolu la question du rattachement au
droit communautaire sur ce fondement. Mais qu’en aurait-il été si ce dernier avait exercé ses
activités intégralement au Royaume-Uni ? Il n’est pas certain que la Cour aurait franchi le pas.
Pourtant, les progrès de la notion de citoyenneté européenne vont indéniablement en ce
sens365.
La Cour de justice a fixé des exigences en ce qui concerne les conditions d’entrée et de
séjour d’un ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un ressortissant d’un Etat membre, dans
l’arrêt MRAX366. En premier lieu, la Cour considère que “…compte tenu de l’importance que
361 Cour EDH 2 août 2001, Boultif c. Suisse, req. n° 54273/00, Rec. 2001-IX, paragraphes 46 à 56. 362 Cour EDH 11 juillet 2002, Amrollahi c. Danemark, req. n° 56811/00, non encore publié auRecueil des arrêts et décisions, paragraphes 33 à 44.363 CJCE 11 juillet 2002, Mary Carpenter et Secretary of State for the Home Department, aff. C-60/00, Rec. p. 6279, point 46. 364 Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, “…si les droits fondamentaux font partieintégrante des principes généraux du droit dont votre Cour assure le respect, c’est à la condition quele domaine auquel se rapporte l'affaire dont elle est saisie se situe dans le cadre du droitcommunautaire...“ (point 16 des conclusions de l’avocat général Léger, CJCE 20 février 2001, Kaur,C-192/99, Rec. p. I-1237) ; cf. également CJCE 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925. 365 L. Idot, Europe, octobre 2002, p. 21, comm. 335.366 CJCE 25 juillet 2002, Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie ASBL
le législateur communautaire a attachée à la protection de la vie familiale, le refoulement est, en
tout état de cause disproportionné et, partant interdit si le ressortissant d’un pays tiers, conjoint
d’un ressortissant d’un Etat membre, est en mesure de prouver son identité ainsi que le lien
conjugal et s’il n’existe pas d’éléments de nature à établir qu’il représente un danger pour l’ordre
public, la sécurité publique ou la santé publique…“367. En deuxième lieu, la Cour a précisé qu’un
Etat membre n’est pas autorisé à refuser de délivrer un titre de séjour et à prendre une mesure
d’éloignement à l’encontre du ressortissant d’un pays tiers, qui est en mesure de rapporter la preuve
de son identité et de son mariage avec un ressortissant d’un Etat membre, au seul motif qu’il est
entré irrégulièrement sur le territoire de l’Etat membre concerné. En troisième lieu, le juge
communautaire relève qu’un Etat membre ne peut prendre une décision de refus de délivrer un titre
de séjour à un ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un ressortissant d’un Etat membre, et a
fortiori une mesure d’éloignement du territoire au seul motif de la péremption du visa.
89 Les droits du citoyen de l’Union lors du retour dans son propre pays. Lors de leur
retour dans leur propre Etat membre, les citoyens conservent certains droits tirés de la législation
communautaire. L’arrêt Singh précise ainsi que le ressortissant d’un Etat membre qui a exercé une
activité professionnelle en tant que travailleur dans un autre Etat membre conserve à son retour le
droit de se faire accompagner de son conjoint, indépendamment de la nationalité de celui-ci368.
Néanmoins, dans l'arrêt Singh, la Cour a formulé une réserve en ce qui concerne les risques de
fraude à la législation nationale sur l’immigration en rappelant que “…les facilités créées par le
traité ne sauraient avoir pour effet de permettre aux personnes qui en bénéficient de se soustraire
abusivement à l'emprise des législations nationales et d'interdire aux États membres de prendre les
mesures nécessaires pour empêcher de tels abus”369. L’affaire Akrich370 concerne les droits que peut
tirer de la législation communautaire une ressortissante d’un Etat membre, mariée à un ressortissant
d’un pays tiers, qui s’établit pour une brève période dans un autre Etat membre et y travaille. Cette
ressortissante communautaire conserve-t-elle lors de son retour dans l’Etat membre d’origine, en
(MRAX) et Etat belge, aff. C-459/99, Rec. 6591 ; Europe, novembre 2002, p. 19, comm. 370, Y. Gautier.367 Ibid., point 61.368 CJCE 2 juillet 1992, Singh, aff. C-370/90, Rec. p. I-4265. Dans cet arrêt, la Cour a dit pour droit que lesdispositions de l'article 43 CE et celles de la directive 73/148 doivent être interprétées en ce sens qu'ellesobligent un État membre à autoriser l'entrée et le séjour sur son territoire du conjoint, quelle que soit sanationalité, du ressortissant de cet État qui s'est rendu, avec ce conjoint, sur le territoire d'un autre Étatmembre pour y exercer une activité salariée, au sens de l'article 39 CE et qui revient s'établir, au sens del'article 43 CE, sur le territoire de l'État dont il a la nationalité. Selon le dispositif de cet arrêt, le conjointdoit, au moins, jouir des mêmes droits que ceux qui lui seraient consentis, par le droit communautaire, si sonépoux ou épouse entrait et séjournait sur le territoire d'un autre État membre. 369 Ibid., point 24.370 CJCE 23 septembre 2003, Secretary of State for the Home Departement c. Hacene Akrich, aff. C-109/01, non encore publié au recueil, mais disponible sur le site de la Cour : www.curia.eu.int
vertu de la jurisprudence relative à la libre circulation des personnes, plus particulièrement en
vertu de l’arrêt Singh, un certain nombre de droits qui lui revenait en tant que travailleur
migrant, dont celui de se faire accompagner par son conjoint ? Il faut préciser que le conjoint
ressortissant d’un pays tiers ne se trouvait pas en situation légale sur le territoire de l’Union
européenne. L’autorisation d’entrer sur le territoire de l’Union européenne lui avait
précédemment été refusée par un Etat membre en vertu de la compétence nationale en matière
d’immigration, voir cet Etat membre l’avait été expulsé. Ce n’est qu’après avoir épousé un
citoyen de l’Union qu’il invoque le droit communautaire pour être autorisé dans un autre Etat
membre à entrer sur le territoire de l’Union européenne. Ce droit lui est accordé car il n’est
pas possible pour un Etat membre de lui refuser le droit d’entrer et de séjourner sur son
territoire en vertu du droit communautaire. Un ressortissant d’un pays tiers peut donc, en
invoquant le droit communautaire, obtenir le droit de séjourner dans un Etat membre autre
que celui qui l’avait expulsé. Cette situation trouve son origine dans l’application concurrente,
d’une part, de la législation des Etats membres en matière d’immigration qui concerne surtout
l’autorisation d’entrer sur leurs territoires donnée à des personnes originaires de pays tiers et,
d’autre part, la libre circulation des personnes dans l’Union européenne elle-même, qui est
garantie au niveau de l’Union. La question est de savoir si la jurisprudence de la Cour, telle
qu’elle ressort notamment de l’arrêt Singh, doit-elle avoir pour conséquence que l’application
de la législation nationale sur l’immigration doit toujours être écartée dans le cas de conjoints
extracommunautaires de ressortissants de l’Union européenne qui, lorsqu’ils pouvaient tirer
des droits de la législation communautaire, ne se trouvaient pas encore en situation légale sur
le territoire de l’Union européenne ? La Cour est interrogée, en substance, sur la portée de
l'arrêt Singh à l'égard d'une telle situation. Le dilemme est d’autant plus difficile que, en
matière de libre circulation des personnes, le droit communautaire ne contrôle ni la nature ni
la durée du mariage alors que ce contrôle est un élément important de la législation nationale
en matière d’immigration en vue de prévenir les mariages de complaisance371.
371 Le point 2 de la Résolution du Conseil, du 4 décembre 1997, sur les mesures à adopter en matièrede lutte contre les mariages de complaisance (JO C 382, p. 1) fournit un certain nombre de critères surlesquels les autorités compétentes en matière d’immigration peuvent se baser pour examiner lemariage :- l’absence du maintien de la communauté de vie,- l’absence d’une contribution appropriée aux responsabilités découlant du mariage,- les époux ne se sont jamais rencontrés avant le mariage,- les époux se trompent sur leurs cordonnées respectives (nom, adresse, nationalité, travail), sur lescirconstances dans lesquelles ils se sont connus, ou sur d’autres informations importantes à caractèrepersonnel qui les concernent,- les époux ne parlent pas une langue compréhensible par les deux,- une somme d’argent est remise pour que le mariage soit conclu (à l’exception des sommes remisesau titre de dot, dans le cas des ressortissants des pays tiers où l’apport d’une dot est une pratique
Selon l’avocat général, le droit que le conjoint du travailleur migrant tire de l’article 10 du
règlement n° 1612/68 peut être limité dans une telle situation372. En suivant son avocat général, la
Cour relève que le règlement n° 1612/68 ne vise que la libre circulation à l'intérieur de la
Communauté. Il est muet sur l'existence des droits d'un ressortissant d'un pays tiers, conjoint d'un
citoyen de l'Union, quant à l'accès au territoire de la Communauté. Par conséquent, selon la Cour, “
pour pouvoir bénéficier, dans une situation telle que celle en cause au principal des droits prévus à
l'article 10 du règlement n° 1612/68, le ressortissant d'un pays tiers, conjoint d'un citoyen de
l'Union, doit légalement séjourner dans un État membre lorsque son déplacement a lieu vers un
autre État membre dans lequel le citoyen de l'Union migre ou a migré ”373. La Cour considère que
cette interprétation est conforme à l'économie des dispositions communautaires visant à garantir la
liberté de circulation des travailleurs dans la Communauté, dont l'exercice ne saurait pénaliser le
travailleur migrant et sa famille. Lorsque le citoyen de l'Union, marié à un ressortissant d'un pays
tiers bénéficiant du droit de séjour valable dans un autre État membre, revient dans l'État membre
dont il est ressortissant pour y exercer un emploi salarié, l'article 10 du règlement n° 1612/68
s'applique afin que le citoyen de l'Union ne soit pas dissuadé d'exercer sa liberté de circulation, en
retournant dans l'État membre dont il est ressortissant. Si, en revanche, son conjoint ne dispose pas
déjà d'un droit de séjour valable dans un autre État membre, l'absence de droit pour ce dernier, tiré
dudit article 10, de s'installer avec le citoyen de l'Union n'a pas d'effet dissuasif à cet égard.
S'agissant de la question de l'abus, évoquée dans l'arrêt Singh, la Cour précise que “ l'article
10 du règlement n° 1612/68 n'est pas applicable lorsque le ressortissant d'un État membre et le
ressortissant d'un pays tiers ont conclu un mariage de complaisance afin de contourner les
dispositions relatives à l'entrée et au séjour des ressortissants de pays tiers ”374. Il faut éviter que le
droit communautaire puisse être utilisé pour contourner les législations nationales des Etats
membres sur l’immigration, notamment la question de l’examen individuel préalable. Dès lors, “ en
présence d'un mariage authentique entre un ressortissant d'un État membre et un ressortissant d'un
pays tiers, la circonstance que les époux se soient installés dans un autre État membre afin
d'obtenir le bénéfice des droits conférés par le droit communautaire au moment du retour dans
l'État membre dont le premier est ressortissant n'est pas pertinente pour l'appréciation de leur
situation juridique par les autorités compétentes de ce dernier État ”375. Partant, un tel
normale),- l’historique de l’un des deux époux fait apparaître des indications sur des précédents mariages decomplaisance ou des irrégularités de séjour. 372 Conclusions de l’avocat général Geelhoed, 27 février 2003, Secretary of State for the HomeDepartement c/ Hacene Akrich, aff. C-109/01.373 CJCE 23 septembre 2003, Secretary of State for the Home Departement c. Hacene Akrich, aff. C-109/01, point 50, non encore publié au recueil, mais disponible sur le site de la Cour : www.curia.eu.int374 Ibid., point 61.375 Ibid.
comportement ne saurait être constitutif d'un abus du droit communautaire.
Lorsque, au moment où un ressortissant d'un premier État membre, marié à un
ressortissant d'un pays tiers avec lequel il vit dans un second État membre, retourne dans l'État
membre dont il est ressortissant afin d'y exercer un emploi salarié, son conjoint ne bénéficie
pas des droits prévus à l'article 10 du règlement n. 1612/68, faute d'avoir séjourné légalement
sur le territoire d'un État membre, “ les autorités compétentes du premier État membre
doivent néanmoins, pour apprécier la demande du conjoint d'entrer et de séjourner sur leur
territoire, tenir compte du droit au respect de la vie familiale au sens de l'article 8 de la
CEDH, dès lors que le mariage est authentique ” 376.
90 Les restrictions d’ordre public, santé et sécurité publiques à la libre
circulation des personnes. D’après une jurisprudence constante de la Cour de justice, les
mesures nationales susceptibles de restreindre l’exercice des libertés fondamentales garanties
par le traité doivent remplir quatre conditions : qu’elles s’appliquent de manière non
discriminatoire, qu’elles se justifient par des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elles
soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles n’aillent
pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre377. La Cour fourni ainsi une interprétation
stricte de cette restriction d’une liberté fondamentale visée par le traité. L’article 46 CE
reconnaît que l’ordre public et la sécurité publique sont des raisons impérieuses d’intérêt
général. L’ordre public, et il en va de même de la sécurité, peut être invoqué à l’égard de
ressortissants d’un autre Etat membre en vue de les éloigner du territoire national ou de leur
refuser l’accès à ce territoire. Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’ordre public ne
peut être invoqué que face à une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt
fondamental de la société378. La Cour se base directement sur le traité CE dans sa
jurisprudence et applique ainsi sur ce point un critère plus strict que celui visé par la directive
376 Ibid. Toutefois, selon la jurisprudence constante de la Cour EDH, l’article 8 de la CEDH nesaurait s’interpréter comme comportant pour un Etat l’obligation de respecter le choix, par descouples mariés, de leur résidence commune et de permettre le regroupement familial sur son territoire(Cour EDH 2 août 2001, Boultif c. Suisse, req. n° 54273/00, Rec. 2001-IX). Le refus de l’autorisationd’entrer au conjoint par cet Etat ne constituerait pas une ingérence injustifiée dans le droit au respectde la vie familiale, si les époux disposent d’autres possibilités réelles leur permettant de vivre enfamille.377 CJCE 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37. 378 CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, aff. 41/74, Rec. p. 1337, points 22 et 23 ; CJCE 19 janvier1999, Calfa, aff. C-348/96, Rec. p. I-11, points 20 et 21 ; CJCE 26 novembre 2002, Olazabal, aff. C-100/01, Rec. 2002 p. I-10981; Europe, janvier 2003, p. 18, comm. 14, L. Idot ; point 39.
64/221379. La Cour renvoi parfois explicitement à cette directive380. Elle déclare alors que l’existence
d’une condamnation pénale ne peut être retenue que dans la mesure où les circonstances qui ont
donné lieu à cette condamnation font apparaître l’existence d’un comportement personnel
constituant une menace actuelle pour l’ordre public381.
91 L’égalité de traitement entre nationaux et non nationaux communautaires en
matière d’ordre public. En se fondant sur des raisons d’ordre public, les Etats membres peuvent
prendre à l’égard de ressortissants d’autres Etats membres des mesures qu’ils ne peuvent envisager
pour leur propres ressortissants, en ce sens que ces derniers ne peuvent pas être éloignés du territoire
national ou que l’accès à ce territoire ne peut pas leur être refusé382. Cela ne signifie cependant pas
que les sanctions prises à l’égard des propres ressortissants et des ressortissants d’autres Etats
membres puissent entièrement diverger. Dans le cas d’une mesure d’ordre public à l’encontre d’une
personne, la Cour applique le principe d’égalité de traitement. Mais, dans ce cas, la position de la
Cour a été l’objet d’une évolution jurisprudentielle : en 1974, dans l’arrêt Van Duyn, la Cour avait
jugé qu’un Etat membre, “ ...pour des raisons d’ordre public peut, le cas échéant, refuser à un
ressortissant d’un autre Etat membre le bénéfice du principe de la libre circulation des travailleurs
en vue de l’exercice d’une activité salariée déterminée, alors même qu’il n’impose pas une
restriction analogue à ses propres ressortissants ”383. Ce n’est que l’année suivant dans l’affaire
Rutili que la Cour a appliqué le principe d’égalité lors du recours à la notion d’ordre public : “ en
ce qui concerne (…) les interdictions de séjour partielles, limitées à certaines circonscriptions du
territoire, les personnes protégées par le droit communautaire doivent être en vertu de l’article 7
du Traité et dans les domaines d’application de cette disposition, être traitées sur un pied d’égalité
avec les ressortissants de l’Etat membre concerné ”384. Dans l’arrêt Olazabal385, la Cour apporte des
précisions importantes en ce qui concerne l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité
dans le cas des mesures limitant le droit de séjour d’un ressortissant d’un autre Etat membre à une
partie du territoire national. La Cour d’abord rappelle que des mesures restrictives du droit de séjour
limitées à une partie du territoire nationale peuvent être prononcées, par un Etat membre, à l’égard
de ressortissants d’autres Etats membres relevant des dispositions du traité que dans les cas et
379 Directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales auxétrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécuritépublique et de santé publique, JO 1964, 56, p. 850, article 3, paragraphes 1 et 2 : “ 1. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur lecomportement personnel de l’individu qui en fait l’objet. 2. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures “.380 CJCE 19 janvier 1999, Calfa, aff. C-348/96, Rec. p. I-11, point 24.381 CJCE 27 octobre 1977, Bouchereau, aff. 30/77, Rec. 1977, p. 1999.382 CJCE 26 novembre 2002, Olazabal, aff. C-100/01, Rec. 2002, p. I-10981, point 40.383 CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, aff. 41/74, Rec. p. 1337, point 23.384 CJCE 28 octobre 1975, Rutili, aff. 36/75, Rec. p. 1219, point 49.385 CJCE 26 novembre 2002, Olazabal, aff. C-100/01, Rec. 2002, p. I-10981.
conditions dans lesquels de telles mesures peuvent être appliquées aux nationaux de l’Etat en
cause386. En outre, un Etat membre ne saurait, en vertu de la réserve relative à l’ordre public
inscrite aux articles 39 et 46 du traité CE, adopter des mesures à l’encontre d’un ressortissant
d’un autre Etat membre en raison d’un comportement qui, dans le chef des ressortissants du
premier Etat membre, ne donne pas lieu à des mesures répressives ou à d’autres mesures
réelles et effectives à combattre ce comportement387. Ainsi, la Cour fait dépendre
l’admissibilité d’une mesure limitant le droit de séjour d’un ressortissant d’un autre Etat
membre à une partie du territoire national à la question de savoir si le comportement qu’un
Etat membre vise à prévenir donne lieu, lorsqu’il est le fait de ses propres ressortissants, à des
mesures répressives ou d’autres mesures réelles et effectives destinées à le combattre388. Dès
lors, l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité concerne tant les
comportements sanctionnés que la nature des mesures susceptibles d’être prises.
92 Garanties de procédure. La directive 64/221389 oblige les Etats membres d’abord à
garantir ou refuser un premier permis de résidence pas plus tard que dans les six mois suivant
la demande, période pendant laquelle le demandeur doit être autorisé à rester dans l’Etat
concerné390. Les motifs de la décision doivent être portés à la connaissance de l’intéressé391.
Les Etats membres ne peuvent prendre une décision restrictive tant qu’un avis n’a pas été
obtenu de l’autorité compétente devant laquelle le demandeur bénéficie du droit de défense et
d’assistance. Les Etats membres doivent le notifier aux personnes concernées par la décision,
et leur permettre d’avoir accès aux mêmes protections légales que les nationaux de l’Etat
d’accueil392. En cas de refus de renouvellement du permis de résidence et s’il n’y a pas de
possibilité de recours juridictionnels ou si ces recours ne portent pas sur la légalité de la
décision, la décision n’est prise par l’autorité compétente du pays d’accueil devant laquelle
386 CJCE 28 octobre 1975, Rutili, aff. 36/75, Rec. p. 1219, point 53.387 CJCE 18 mai 1982, Adoui et Cornuaille, aff. 115/81 et 116/81, Rec. p. 1665, point 9 : La Cour ajugé que la Belgique ne pouvait pas expulser des ressortissantes françaises s’adonnant à laprostitution au motif que cette activité, lorsqu’elle était le fait de ressortissantes belges, n’était l’objetni de mesures répressives, ni de mesures dissuasives sérieuses. Cf. également CJCE 1 mai 1989,Commission c. Allemagne, aff. 249/86, Rec. p. 1263, point 19 ; CJCE 16 juillet 1998, Pereira Roque,aff. C-171/96, Rec. p. I-4607, point 50 et 51 ; CJCE 20 novembre 2001, Jany e.a., aff. C-268/99, Rec.p. I-8615, points 61 et 62. 388 CJCE 26 novembre 2002, Olazabal, aff. C-100/01, Rec. 2002, p. I-10981, point 45.389 Directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spécialesaux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, desécurité publique et de santé publique, JO 1964, 56, p. 850.390 Ibid., article 5.391 Ibid., article 6.392 Ibid., article 8.
l’intéressé doit pouvoir faire valoir ses moyens de défense et se faire assister ou représenter dans les
conditions de procédure prévues par la législation nationale393. Ainsi, “…toute personne protégée
par les dispositions citées doit jouir d’une double garantie consistant dans la communication des
motifs de toute mesure restrictive prise à son égard et dans l’ouverture d’une voie de recours ”394.
93 Les restrictions liées aux emplois dans l’administration publique. La liberté de
circulation et de séjour peut également être restreinte, pour les travailleurs, en fonction de la nature
de l’emploi en cause. Selon les termes de l’article 39 [ex 48], paragraphe 4, CE395, ils ne peuvent
avoir accès aux emplois dans la fonction publique de l’Etat d'accueil. L’article 8 du règlement
1612/68396 constitue une application de ce principe. Ces dispositions autorisent l’exclusion des
travailleurs migrants, responsables syndicaux, de la participation à la gestion d’organismes de droit
public. La Cour de justice a développé quant à elle une interprétation fonctionnelle de la notion de
fonction publique. C’est le contenu de la fonction qui importe, non l’institution concernée dont le
statut public ou privé peut varier d’un Etat à l’autre. Il faut alors “…une participation, directe ou
indirecte, à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde
des intérêts généraux de l’Etat ou des autres collectivités publiques “397. La Cour justifie en effet
l’exclusion des travailleurs de ce type d’emploi, au fait qu’ils “…supposent, de la part de leur
titulaire, l’existence d’un rapport particulier de solidarité à l’égard de l’Etat ainsi que la
réciprocité de droits et de devoirs qui sont le fondement du lien de nationalité ”398. Mais, ce qui
compte avant tout pour exclure les ressortissants communautaires de l’accès aux emplois publics,
c’est le degré, le niveau de participation à la gestion des intérêts fondamentaux de l’Etat ou d’une
collectivité publique. Ainsi, par exemple, les emplois d’architecte, de contrôleur technique, de
veilleur de nuit auprès de la ville de Bruxelles ont été considérés par la Cour “…compte tenu des
tâches et des responsabilités qui leur sont inhérentes… “ comme entrant dans le champ de l’article
39, paragraphe 4, CE. En revanche, les emplois d’infirmier, de plombier, d’électricien, de jardinier
393 Ibid., article 9. Dans l’arrêt The Queen c. Secretary of State for the Home Department, ex parte JohnGallagher du 30 novembre 1995, aff. C-175/94, Rec. 1995 p. I-04253, la Cour de justice interprète l’article9 de la directive de 1964 comme interdisant “… à l’autorité administrative de prendre une décisiond’éloignement avant qu’une autorité compétente ait donné son avis ”. La Cour précise que “… cetteautorité peut être désignée par la même autorité administrative que celle qui prend la décisiond’éloignement, à condition qu’elle puisse exercer ses fonctions en toute indépendance et sans être soumisau contrôle de l’autorité appelée à prendre les mesures prévues par la directive ”.394 CJCE, 28 décembre 1975, Rutili, aff C-36/75, Rec 1975, p. 1219, point 37.395 Article 39, paragraphe 4, CE “ Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l’administration publique. ” 396 Article 8, paragraphe 1 du règlement n° 1612/68 “ Le travailleur ressortissant d'un État membre occupé sur le territoire d'un autre État membre bénéficie del'égalité de traitement en matière d'affiliation aux organisations syndicales et d'exercice des droitssyndicaux, y compris le droit de vote ; il peut être exclu de la participation à la gestion d'organismes dedroit public et de l'exercice d'une fonction de droit public. ”397 CJCE, 17 décembre 1980, Commission c. Belgique, aff. C-149/ 79, Rec. 1980, p. 3881, point 10. 398 Ibid.
d’administration communale ou de conducteur ou de veilleur de nuit dans le cas de sociétés
publiques de transport399 n’entrent pas dans le domaine des exceptions au principe de libre
circulation des travailleurs. De même, la Cour a décidé que l’emploi d’infirmier dans un
hôpital public français n’entre pas dans le champ des exceptions à la libre circulation, posé à
l’article 39, paragraphe 4, CE400. La Cour a tiré la même conclusion concernant la fonction
d’enseignant stagiaire en Allemagne401, de lecteur de langue étrangère dans une Université 402
ou de professeur de l’enseignement secondaire403. La Commission a publié une
communication qui précise les activités pouvant faire l’objet d’une exception à la libre
circulation, conformément à l’article 39, paragraphe 4, CE : les organismes publics chargés de
gérer un service commercial, les services opérationnels de santé publique, les services publics
d’enseignement, la recherche à des fins civiles dans les établissements publics404.
Section II : La protection diplomatique et consulaire
94 Une protection diplomatique et consulaire détachée de la nationalité. Une des
innovations du traité de Maastricht en matière de droits des citoyens est la reconnaissance
d’une protection consulaire et diplomatique détachée de la nationalité. En droit international,
la protection diplomatique et consulaire est du ressort exclusif des Etats. Seuls les Etats
peuvent protéger leurs nationaux et donc leurs citoyens. Ainsi, en posant comme droit du
citoyen de l’Union la possibilité de bénéficier de la protection diplomatique d’un Etat dont le
citoyen n’est pas national, le lien nationalité – citoyenneté – protection diplomatique par son
399 CJCE, 26 mai 1982, Commission c. Belgique, aff. 149/79, Rec 1982, p. 1845.400 CJCE, 3 juin 1986, Commission c. France, aff. 307/84, Rec. 1986, p. 1725.401 CJCE, 3 juillet 1986, Lawrie-Blum c. Land Baden-Württemberg, aff. 66/85, Rec. 1986, p. 2121. 402 CJCE, 30 mai 1989, Allué e. a. c. Università degli studi di Venezia, aff. 33/88, Rec. 1989 p. 1591.403 CJCE, 27 novembre 1991, Bleis c. Ministère de l'Education nationale, aff. 4/91, Rec. 1991 p.5627. 404 Communication de la Commission européenne 88/C 72/02, “Libre circulation des travailleurs etaccès aux emplois dans l’administration publique des Etats membres – Action de la Commission enmatière d’application de l’article 48 paragraphe 4 du traité CEE“, JO n°C 72 du 18 mars 1988, p. 2.
Etat d’origine semble remis en cause405. L’article 20 CE énonce ainsi : “ Tout citoyen de l’Union
bénéficie, sur le territoire d’un pays tiers où l’Etat membre dont il ressortissant n’est pas
représenté, de la protection de la part des autorités diplomatiques et consulaires de tout Etat
membre, dans les même conditions que les nationaux de cet Etat. Les Etats membres établissent
entre eux les règles nécessaires et engagent les négociations internationales requises en vue
d’assurer cette protection ”. Cet article est à relier avec l’article 20 UE qui envisage une
coopération entre “ les missions diplomatique et consulaires des Etats membres et les délégations
de la Commission dans les pays tiers… ” en vue notamment de la mise en œuvre des dispositions
sur la citoyenneté de l’Union. Mais ces deux articles restent vagues sur le type de protection en
cause. Les garanties dont pourra bénéficier le citoyen en situation de nécessité ne seront pas les
mêmes qu’il s’agisse d’une protection consulaire ou d’une protection diplomatique406. Bien que
l’article 20 CE ne le précise pas, il apparaît à l’étude de la décision prise par le Conseil relative à la
protection des citoyens de l’Union européenne par les représentations diplomatiques et
consulaires407 qu’il s’agisse plus d’une assistance consulaire que d’une protection consulaire ou
même diplomatique. Le principe directeur de cette convention est rappelé à l’article 3 : “ Les
représentations diplomatiques et consulaires qui accordent la protection traitent le demandeur
comme un ressortissant de l’Etat membre qu’elles représentent ”. Il s’agit donc d’offrir à tout
citoyen de l’Union, quelque soit sa nationalité une protection consulaire minimale auprès de toute
représentation diplomatique ou consulaire d’un Etat membre. Mais le type de protection visé se
405 M. J. Garot, “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 164.406 Le consul est, selon le droit international, un “ agent officiel qu’un Etat établit dans les villes d’un autreEtat avec mission de protéger ses ressortissants à l’étranger et d’exercer à leur égard diverses compétences(état civil, délivrance d’un passeport, légalisation des signatures, actes notariés, exécution de commissionsrogatoires, etc.) ”. En revanche, l’agent diplomatique “ est le représentant d’un Etat auprès d’un autre Etatpour l’entretien de relations officielles d’une façon permanente (représentation et information de l’Etataccréditant, protection de ses intérêts et ceux de ses ressortissants) ”. La protection diplomatique peut êtredemandée par un national à son Etat lorsqu’il a été victime d’un dommage subi par le fait d’un Etat étranger.Cette protection est cependant normalement soumise à l’accomplissement d’un certain nombre deconditions : il faut tout d’abord qu’il existe un lien de rattachement entre le sujet qui agit (Etat) et leparticulier qu’il entend protéger : ce lien est généralement le lien de nationalité. Ensuite, il faut que leparticulier ait épuisé toutes les voies de recours internes. Enfin, on a coutume d’exiger du particulier qu’ilsoit de « bonne conduite » (l’éventuelle faute du particulier peut aboutir à une exonération partielle ou totalede l’Etat). Lorsque toutes ces conditions sont remplies, l’Etat du particulier peut demander réparation àl’Etat en cause. Les compétences du consul ne s’exercent pas dans les mêmes conditions et les mêmesfinalités que la protection diplomatique. En général, la doctrine analyse la protection consulaire comme uneréclamation contre les conséquences d’un acte d’un organe de l’Etat qui a commis une infraction contraireau droit international. À la différence de la protection diplomatique, la protection consulaire s’exerce contrel’organe en infraction et non pas contre l’Etat où s’est déroulé le dommage subi. En outre, il n’est pas exigél’épuisement de toutes les voies de recours internes. Les missions consulaires peuvent exercer une assistanceconsulaire qui ne suppose pas l’existence d’un dommage subi du fait de l’Etat de séjour puisqu’il se fondeen revanche sur le principe de coopération entre les autorités locales et la mission consulaire. (M. J. Garot,op. cit., supra, note 406).407 Décision 95/553/CE des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseildu 19 décembre 1995, concernant la protection des citoyens de l'Union européenne par les représentationsdiplomatiques et consulaires, JO L 314 du 28 décembre 1995, pp. 0073-0076.
rapproche plus d’une assistance consulaire que d’une véritable protection consulaire
(d’ailleurs les termes même semblent le confirmer) : assistance en cas de décès ; assistance en
cas d’accident ou de maladie grave ; aide et rapatriement des citoyens de l’Union européenne
en difficulté. En revanche, deux hypothèses d’intervention se rapprochent de la protection
consulaire proprement dite : assistance en cas d’arrestation ou de détention et assistance aux
victimes de violence. La liste de ces hypothèses n’est pas limitative et l’on peut très bien
envisager des cas qui nécessitent une véritable protection consulaire et non une simple
assistance. L’article 6 envisage l’hypothèse d’une assistance financière conditionnée à
l’accord de l’Etat membre de nationalité et à l’accomplissement d’autres obligations. Afin de
parvenir à une gestion efficace des demandes de protection, les représentations diplomatiques
et consulaires peuvent convenir d’arrangements408.
95 Conditions pour l’exercice de la protection diplomatique et consulaire. La
décision pose des conditions minimales à l’exercice de cette protection, dans le souci d’en
assurer son effectivité. L’article premier offre à tout citoyen de l’Union le bénéfice de la
protection consulaire auprès de toute représentation diplomatique ou consulaire d’un Etat
membre si sur le territoire où il se trouve, il n’existe ni représentation permanente accessible,
ni consul honoraire accessible et compétent de son propre Etat membre ou d’un autre Etat
membre le représentant de manière permanente. En outre, le citoyen doit pouvoir prouver sa
nationalité d’un des Etats membres (par son passeport ou toute autre preuve). La protection
diplomatique entendue au sens du traité CE n’est pas une protection au sens stricte du terme, à
savoir le pouvoir pour un Etat de prendre fait et cause pour un particulier et de demander à un
autre Etat compte des dommages qu’il aurait causés en violation du droit des gens. Comme il
a été noté, “ plus prosaïquement, le droit à la protection diplomatique se réduit au bénéfice
d’une assistance de la part des mission diplomatiques ou de postes consulaires étrangers, et
encore dans les seuls pays où l’Etat national de l’intéressé n’est pas représenté ”409.
Le traité CE confère ainsi au citoyen européen la possibilité de jouir de la protection
consulaire et diplomatique d’un Etat membre autre que le sien, dans un Etat tiers où son pays
n’est pas représenté, et ce en respectant le principe d’égalité et de non discrimination entre
nationaux et non nationaux « communautaires ». Mais cette solution n’a rien de
révolutionnaire en droit international puisque l’article 6 de la Convention de Vienne du 18
avril 1961 sur les relation diplomatiques prévoit explicitement la possibilité de représentation
408 Ibid., article 4. 409 J. Verhoeven, “Les citoyens de l’Europe”, Annales de Droit de Louvain, 1993, p. 165, plusparticulièrement p. 186.
diplomatique commune : “ Plusieurs Etats peuvent accréditer la même personne en qualité de chef
de mission auprès d’un autre Etat, à moins que l’Etat accréditaire ne s’y oppose ”. De même,
l’article 8 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relation consulaires dispose que
“ après notification appropriée à l’Etat de résidence et à moins qui celui-ci ne s’y oppose, un poste
consulaire de l’Etat d’envoi peut exercer les fonctions consulaires dans l’Etat de résidence pour le
compte d’un Etat tiers.” Mais l’innovation de la réglementation de l’Union par rapport à ces
Conventions de Vienne réside dans le fait pour le citoyen européen de pouvoir s’adresser à l’un
quelconque des Etats membres. Sachant notamment que l’une des règles classiques en matière de
protection consulaire est préservée (l’Etat décide de façon discrétionnaire d’agir mais n’a aucune
obligation), l’assistance d’un citoyen de l’Union dans une telle situation est mieux garantie
puisqu’en cas de refus d’un Etat, il pourra s’adresser à un autre. Or, on peut déplorer que l’Union
n’ait finalement en la matière aucune initiative puisque la protection ne se fait pas au nom de
l’Union européenne mais au nom d’accords entre Etats membres. La procédure reste
intergouvernementale et non communautaire. On ne peut donc pas encore parler de protection
diplomatique communautaire, indépendante des Etats410. Cela aurait pourtant pour mérite, entre
autres, de renforcer la conscience d’une identité européenne pour les citoyens européens, lors de
séjour hors du territoire communautaire. Même si l’on peut déplorer les maigres résultats auxquels
sont parvenus les Etats membres dans la décision de décembre 1995, on peut se réjouir de ce début
de déconnexion entre nationalité et protection diplomatique et consulaire411.
410 M. J. Garot, “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 167.411 Il n’existe pas de jurisprudence récente de la Cour de justice sur ce sujet. Dans une ordonnance du 28novembre 1996, Odigitria AAE c. Conseil de l'Union européenne et Commission des Communautéseuropéennes, aff. C-293/95 P, Rec. 1996 p. I-06129, la Cour de justice a refusé de se prononcer sur cetteprotection, jugeant le pourvoi de la requérante irrecevable.
Chapitre II : Vers la citoyenneté européenne de résidence
96 Plan. Le droit de vote est généralement réservé aux nationaux. C’est l’expression
même de la citoyenneté en ce sens qu’il permet de participer au pouvoir politique et à
l’élaboration des lois qui les obligent. Il permet d’être membre et de participer au devenir de
la communauté politique dans laquelle on vit. Par l’instauration d’une citoyenneté de l'Union
au bénéfice de tous les ressortissants des États membres, les dispositions du titre II du traité
sur l'Union européenne reconnaissent certains droits politiques aux citoyens de l'Union
résidant dans un État membre dont ils n'ont pas la nationalité (Section I). Toutefois, il
convient de proposer certains amendements permettant de progresser vers la citoyenneté
européenne de résidence (Section II).
Section I : Les droits politiques du citoyen européen
dans l’État membre de résidence
97 Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l'État membre de
résidence. C’est le premier volet des droits proprement politiques reconnus par l’article 19,
paragraphe 1, CE au citoyen européen412. Le Conseil a adopté la directive fixant les modalités
d’exercice du droit de vote actif et passif offert aux citoyens européens dans leur Etat membre de
résidence413. Les principes directeurs de cette directive sont les mêmes que ceux de la directive
concernant le droit de vote et d’éligibilité aux élections européennes : afin de faciliter la libre
circulation et la réalisation d’une “ union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe ” en
renforçant notamment la protection des droits et des intérêts des citoyens, la directive constitue
“ une application du principe d’égalité et de non-discrimination entre citoyens nationaux et non
nationaux ”414. Le Conseil considère que l’article 19, paragraphe 1, CE “…vise essentiellement à
supprimer la condition de nationalité … requise dans la plupart des États membres pour exercer le
droit de vote et d'éligibilité ”. En revanche, l'application de cet article ne suppose pas “ une
harmonisation globale des régimes électoraux des Etats membres ”415. L’un des principaux objets
de la directive, afin de faciliter le droit de vote et d’éligibilité des citoyens européens aux élections
municipales, est de donner une définition des « élections municipales » qui puisse s’appliquer à tous
les Etats membres. Il convient en effet, note la Commission, malgré les différences entre les Etats
membres, de “ garantir aux citoyens concernés une sorte de noyau dur de participation politique au
niveau local de base dans leur Etat de résidence. En même temps, on assure le minimum de
réciprocité qui doit exister entre les Etats membres en la matière ”416. Le Conseil précise alors que “
les élections municipales englobent les élections au suffrage universel et direct au niveau des
collectivités locales de base et de leurs subdivisions ; il s’agit aussi bien des élections au suffrage
universel direct des assemblées représentatives municipales que des membres de l’exécutif
municipal … ”417. Par contre, ces élections n’englobent pas les élections qui se déroulent au sein
des organes municipaux et les élections, directes ou indirectes, des membres d’une assemblée
parlementaire par les élus municipaux. Seules les élections dans les collectivités locales de base sont
412 Article 19, paragraphe 1, CE“ 1. Tout citoyen de l’Union résidant dans un Etat membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de voteet d’éligibilité aux élections municipales dans l’Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que lesressortissants de cet Etat. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités arrêtées par le Conseil, statuantà l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen ; cesmodalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un Etatmembre le justifient. ” 413 Directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 fixant les modalités de l’exercice du droit de vote etd’éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l’Union résidant dans un Etat membre dont ilsn’ont pas la nationalité, JO L 368 du 31 décembre 1994, p. 38.414 Ibid., préambule.415 Ibid., préambule.416 COM (1994) 38 final, Proposition de directive du Conseil fixant les modalités de l'exercice du droit devote et d'éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membredont ils n'ont pas la nationalité, JO C 105 du 13 avril 1994, p. 4.417 Préambule de la directive, supra, note 413.
envisagées par la directive parce que, selon la Commission, ces collectivités “ sont les
autorités les plus proches des citoyens. Elles sont dotées en vertu soit de la Constitution soit
de la loi d’un certain degré d’autonomie et ont à leur charge le « noyau dur » des missions
de l’administration locale. Ces collectivités ont leur propre territoire, leurs propres
institutions démocratiques et leurs propres services administratifs ”418. Ces entités locales de
base sont naturellement différentes tant en nombre qu’en population d’un Etat membre à
l’autre. Les élections municipales évoquées dans la directive sont dès lors les élections qui se
déroulent au suffrage universel direct dans ces collectivités afin d’élire les assemblées
représentatives et l’exécutif municipales.
Quant aux modalités d’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections
municipales dans l’Etat membre de résidence, “ les disposition de la présente directive
n’affectent pas les dispositions de chaque Etat membre concernant le droit de vote et
d’éligibilité … de ses ressortissants qui résident hors de son territoire national ”419. À la
différence du droit de vote actif aux élections européennes420, le principe du vote unique n’est
pas affirmé. Dès lors, lorsque les Etats membres (la France, l’Espagne et dans une mesure plus
limitée l’Italie et la Grèce) permettent à leurs nationaux résidents à l’étranger (en l’occurrence
dans un autre Etat membre) de prendre part au scrutin qui se déroule sur leur propre territoire,
ces mêmes citoyens sont autorisés à participer au scrutin lors des élections municipales dans
leur pays de résidence. La Commission justifie ainsi cette possibilité : “ admettre que ces
citoyens votent deux fois lors de scrutins différents, ne fait pas entorse au principe « one man,
one vote » qui ne s’applique par hypothèse qu’au même scrutin. Etant donné qu’il s’agit de
deux opérations juridiquement et politiquement séparées dans deux Etats membres, ce « vote
parallèle » n’affecterait pas la validité des élections municipales dans ces Etats.
Politiquement, il convient non seulement d’encourager l’intégration des résidents non
nationaux dans leurs sociétés d’accueil, mais aussi de respecter les liens qui existent encore
et toujours avec l’Etat membre d’origine. A cela s’ajoute que la présente approche évite tout
effet dissuasif inutile et facilite le plus possible l’exercice du droit de vote dans l’Etat membre
où les citoyens intéressés ont effectivement leur résidence ”421.
418 COM (1994) 38 final, op. cit. (supra, note 416). Selon l’article 2 de la directive 94/80, “ onentend par « collectivité locale de base » les entités administratives … qui, selon la législation dechaque Etat membre, ont des organes élus au suffrage universel direct et sont compétentes pouradministrer, au niveau de base de l’organisation politique et administrative, sous leur propreresponsabilité, certaines affaires locales ”.419 Article premier, paragraphe 2 de la directive 94/80, supra, note 413. 420 Voir paragraphe 99 du mémoire.421 COM (1994) 38 final, op. cit. (supra, note 416), p. 17.
98 Limites et dérogations à l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections
municipales dans l'État membre de résidence. La directive écarte de son champ d’application les
élections qui se déroulent au sein des organes municipaux (pour élire l’exécutif notamment) et les
élections, directes ou indirectes des membres d’une assemblée parlementaire par les élus
municipaux. La Commission constate alors que “ la présente directive ne s’oppose pas à ce que les
Etats membres où les élus municipaux élisent directement ou indirectement les membres d’une
assemblée parlementaire prévoient que les élus ressortissants d’autres Etats membres ne peuvent
participer à cette élection ”422. Dès lors, selon la directive, les Etats membres peuvent disposer que
seuls leurs propres ressortissants sont éligibles aux fonctions de chef ou membre de l’exécutif d’une
collectivité locale de base423. Cette exclusion se justifie par le principe même de la directive qui est
avant tout de ne pas intervenir dans les régimes électoraux nationaux mais elle se justifie mal du
point de vue d’un des objectifs de la construction européenne. L’exercice du droit de vote et
d’éligibilité aux élections municipales est soumis aux dérogations que certains Etats peuvent poser.
Il s’agit, comme dans le cas des élections européennes, du Luxembourg mais également de la
Belgique, qui pour des raisons de population peut écarter une partie des citoyens européens de
l’exercice d’un de leurs nouveaux droits424. Ces dispositions ne sont justifiées que par le souci “…
d’éviter toute polarisation entre listes de candidats nationaux et non nationaux “425. Il s’agit dès lors
du même cas de figure que dans le cas des élections européennes. Le Parlement européen lui-même
a critiqué ces dérogations qui remettent en cause le principe d’égalité de traitement entre citoyens
européens. La mise en œuvre de ce nouveau droit n’a pas été uniforme dans tous les Etats membres
à cause des retards des Etats membres dans la transposition de la directive426.
99 Le droit de vote et d’éligibilité aux élections européennes dans l'État membre de
résidence. L’article 19, paragraphe 2, CE427 « constitutionnalise » au niveau européen un droit et
une pratique qui existent avant le traité de Maastricht dans certains Etats membres. Le Conseil a
adopté une directive fixant les modalités d’exercice du droit de vote actif et passif pour les citoyens
422 COM (1994) 38 final, op. cit. (supra, note 416), p. 19.423 Article 5, paragraphe 3 de la directive 94/80, supra, note 413.424 L’article 12, paragraphe 1 de la directive 94/80, supra, note 413. 425 Préambule de la directive 94/80, supra, note 413.426 M. J. Garot, “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 147.427 Article 19, paragraphe 2, CE “ 2. Sans préjudice des dispositions de l’article 190, paragraphe 4, et des dispositions prises pour sonapplication, tout citoyen de l’Union résidant dans un Etat membre dont il n’est pas ressortissant a le droitde vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’Etat membre où il réside, dans lesmêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités,arrêtées par le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation duParlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmesspécifiques à un Etat membre le justifient. ”
européens aux élections européennes428. L’article 19, paragraphe 2, CE “…vise
essentiellement à supprimer la condition de nationalité … requise dans la plupart des États
membres pour exercer ces droits ”429. En revanche, l'application de cet article ne suppose pas
“… une harmonisation des régimes électoraux des États membres… ”430. Chaque Etat
conserve alors ses propres règles relatives au droit de vote actif et passif lors des élections
européennes. Dès lors, la directive se borne à “…fixer les modalités selon lesquelles les
citoyens de l’Union qui résident dans un Etat membre dont ils ne sont pas ressortissants
peuvent y exercer le droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen ”431.
En ce qui concerne les modalités d’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux
élections européennes dans l'État membre de résidence, le vote et la candidature uniques
représente un principe de cette directive : nul ne peut voter plus d’une fois lors d’une même
élection ou être candidat dans plus d’un Etat membre lors d’une même élection432. D’ailleurs
un système d’échange d’informations entre Etats membres doit être mis en place afin d’éviter
les votes et les candidatures multiples433. Mais le citoyen européen reste libre de choisir l’Etat
membre dans lequel il désire exercer ses droits. Le fait de résider dans un Etat membre
n’entraîne pas automatiquement l’exercice du droit de vote et d’éligibilité dans cet Etat. Il faut
manifester sa volonté d’exercer ses droits dans l’Etat de résidence en s’inscrivant sur une liste
électorale434. Aucune condition de durée de résidence n’est en pratique exigée pour l’exercice
de ces droits. Ainsi, “ si les ressortissants de l’Etat membre de résidence, pour être électeurs
ou éligibles, doivent résider depuis une période minimale sur le territoire électoral, les
électeurs et éligibles communautaires sont réputés remplir cette condition lorsqu’ils ont
résidé pendant une durée de résidence équivalente dans d’autres Etats membres…”435. La
directive vise à éviter toute discrimination des électeurs et des éligibles communautaires qui
pourrait résulter du fait que cette condition pourrait être remplie, en pratique, facilement par
les nationaux mais difficilement par les non nationaux. Par conséquent, la directive assimile la
période de résidence dans d’autre Etats membres, par exemple l’Etat membre d’origine, à
428 Directive 93/109/CE du 6 décembre 1993 fixant les modalités de l'exercice du droit de vote etd'éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union résidant dans un Étatmembre dont ils ne sont pas ressortissants, JO L 329 du 30.12.1993, p. 34.429 Ibid., préambule.430 Ibid.431 Ibid., article premier, paragraphe 1.432 Ibid., article 4“ 1. L'électeur communautaire exerce son droit de vote soit dans l'État membre de résidence, soitdans l'État membre d'origine. Nul ne peut voter plus d'une fois lors d'une même élection. 2. Nul ne peut être candidat dans plus d'un État membre lors d'une même élection. ” 433 Ibid., article 13.434 Ibid., article 8.435 Ibid., article 5.
celle dans l’Etat membre du lieu de vote ou de candidature. Ceci signifie d’une certaine façon qu’il
n’est pas exigé une « intégration » à l’Etat de résidence, supposée à partir de la durée de résidence
notamment. Ce qui signifie que l’élection des députés au Parlement européen n’est pas celle des
représentants des Etats membres au Parlement mais bien plutôt celle des représentants d’un « peuple
de l’Europe », toute notion de nationalité mise à part436. Le droit de vote et d’éligibilité se présente
également comme une façon de renforcer la légitimité du Parlement européen. Comme il a été
analysé fort justement, “… la possibilité, pour un non-national, d’être électeur et a fortiori éligible
dans un autre Etat membre constitue un premier pas vers une mutation importante dans le principe
de représentation applicable à la désignation du Parlement Européen. De l’élection, par les seuls
nationaux, d’une assemblée représentant les peuples de chacun des Etats membres, on se dirige
vers l’élection par les citoyens européens d’un Parlement représentent le peuple de l’Union, ce qui
est de nature à modifier le principe même de représentativité, et partant, de légitimité du Parlement
européen ”437. Pourtant, on peut déplorer le manque de procédure uniforme lors de l’élection du
Parlement européen prévue à l’article 190, paragraphe 4, CE438. Il ne s’agirait donc plus que de
rapprocher les procédures en vigueur dans les Etats membres, sans espérer alors une uniformisation
de la procédure. Dès lors, en l’absence de toutes mesures en la matière, chaque Etat membre définit
seul la procédure électorale à suivre sur son territoire. Pourtant, une procédure uniforme ne pourrait
en effet que renforcer la légitimité du Parlement européen et rapprocher les citoyens des institutions
européennes, par l’intermédiaire d’une véritable conscience européenne.
100 Régime dérogatoire. La directive concernant le droit de vote et d’éligibilité aux
élections européennes prévoit également un régime dérogatoire au régime général, qui se réfère aux
« problèmes spécifiques » dont parle l’article 19 CE. Le régime dérogatoire est surtout destiné à
s’appliquer au Luxembourg dont la population non nationale (en âge de voter) représente entre 20 et
30 % de l’électorat selon les régions envisagées. En effet, il s’agit de l’hypothèse d’un Etat membre
dans lequel la proportion de citoyens européens en âge de voter est supérieure à 20 % de l’ensemble
de l’électorat. Dans ce cas, cet Etat membre peut réserver le droit de vote aux électeurs
communautaires qui résident dans cet Etat membre pendant une période minimale qui ne peut pas
dépasser 5 ans et le droit d’éligibilité aux éligibles communautaires qui résident dans cet Etat
membre pendant une période minimale qui ne peut pas dépasser dix ans439. Dès lors, certains auteurs
436 M. J. Garot, “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 133.437 R. Kovar et D. Simon, “La citoyenneté européenne”, C. D. E., 29 (3-4), 1993, p. 285, plusparticulièrement p. 308.438 L’article 190, paragraphe 4, CE, révisé lors du traité d’Amsterdam, marque une sorte de retour enarrière puisqu’il déclare : “ Le Parlement européen élabore un projet en vue de permettre l’élection ausuffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les Etats membres ou conformément à desprincipes communs à tous les Etats membres ”.439 Article 14, paragraphe 1 de la directive 93/109, supra, note 428.
se sont inquiétés à propos de “ … cette dérogation [qui] se présente sous la forme d’une
construction qui risque de réintroduire la logique traditionnelle de l’exclusion au détriment
du droit de citoyenneté”440. En effet, la crainte est de voir ces dérogations porter atteinte au
principe de non-discrimination lors de l’exercice de la citoyenneté européenne. D’ailleurs, le
Conseil pose ces dérogations en les justifiant très brièvement : il ne faut pas arriver à des
situations de polarisation de listes nationales contre des listes non nationales. La Commission
ne se prononce finalement que très peu sur ce point. La seule raison avancée est d’éviter une
sorte de « bloc voting », à savoir que ces ressortissants communautaires se regroupent afin de
constituer des listes électorales, composées donc essentiellement de non nationaux. Mais
comment peut-on dire qu’il existe un tel risque quand déjà une partie de la doctrine estime que
l’article 19, paragraphe 2, CE privilégie une approche communautaire de ces élections ?
S’agit-il alors toujours de l’élection des représentants du peuple de l’Union ou faut-il conclure
qu’il ne s’agit que de l’élection des représentants des Etat membres au Parlement européen ?
Et, quand bien même on craindrait la constitution de listes non nationales qui s’opposeraient à
des listes nationales, est-on vraiment sûr que tous les citoyens européens aient les mêmes
intérêts, contre la représentation du Luxembourg au Parlement européen ? Ces dérogations
paraissent dès lors sans fondement et portant gravement atteinte à la mise en œuvre d’une
véritable citoyenneté européenne, qui reposerait notamment sur le principe de non-
discrimination entre tous les citoyens européens441. La directive prévoit cependant une clause
de réexamen de ces dérogations que la Commission peut exercer avant le 31 décembre 1997 et
ensuite dix-huit mois avant chaque élection au Parlement européen.
101 Le droit de pétition. L’article 21, alinéa 1, CE reconnaît à tout citoyen de l’Union
le droit de pétition devant le Parlement européen conformément aux dispositions de l’article
194 CE442. Le droit de pétition répond à deux séries d’objectifs : permettre au citoyen de
s’exprimer sur les défaillances du système communautaire443 mais, également, compenser
indirectement la parcimonie avec laquelle un droit de recours est accordé aux particuliers
devant la Cour de justice444. Entendu comme cela, il s’apparente effectivement à un droit du440 C. Touret, “L’exercice du droit de suffrage des citoyens de l’Union aux élections européennes”,Revue française de Droit constitutionnel, 23, 1995, p. 503, plus particulièrement p. 519.441 M. J. Garot, “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 139.442 Article 194 CE “ Tout citoyen de l’Union, ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siègestatutaire dans un Etat membre, a le droit de présenter, à titre individuel ou en association avecd’autres citoyens ou personnes, une pétition au Parlement européen sur un sujet relevant desdomaines d’activité de la Communauté et qui le ou la concerne directement ”.443 G. Sébastien, “La citoyenneté de l’Union européenne”, Rev. Dr. Publ., 1993, p. 1287.444 J. Verhoeven, “Les citoyens de l’Europe ”, Annales de Droit de Louvain, 1993, p. 165, plus
citoyen européen puisqu’il permet au citoyen d’agir contre des actes publics qui le concerne. Il
donne la possibilité au citoyen, si ce n’est de participer aux activités de la Communauté, du moins
de les contrôler et ainsi de se protéger contre d’éventuels abus ou carences. La mise en œuvre du
droit de pétition est organisée par l’article 194 du traité CE et par les articles 174 à 176 du
règlement du Parlement européen445.
Quant aux titulaires du droit de pétition, selon l’article 194 CE et l’article 174, paragraphe 1,
du règlement du Parlement européen, “ tout citoyen de l’Union, ainsi que toute personne physique
ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un Etat membre, a le droit de présenter, à
titre individuel ou en association avec d’autres citoyens ou personnes, une pétition au Parlement
européen…”. Il y a donc une apparente contradiction à élever ce droit au rang de droit de la
citoyenneté de l’Union tout en l’ouvrant à des non citoyens. Pourquoi alors définir les citoyens
comme les seuls nationaux des Etats membres et ouvrir dans le même temps certains droits de la
citoyenneté de l’Union aux ressortissants des Etats tiers ? Certains auteurs se sont interrogés : “ De
deux choses l’une : ou bien c’est exclusivement l’ensemble des citoyens de l’Union qui devraient
bénéficier du droit de pétition, manifestation de la citoyenneté ; ou bien si le cercle des
bénéficiaires ne coïncide pas avec celui des citoyens, il n’y a pas de liaison du droit de pétition
avec la citoyenneté de l’Union ”446. Le règlement du Parlement européen va même jusqu’à évoquer
le cas des ressortissants des Etats tiers résidants en dehors du territoire communautaire447. Cela
signifie donc que, bien que le traité CE ne le prévoie pas, des ressortissants ou des personnes
physiques des Etats tiers disposent également d’une possibilité de pétition auprès du Parlement
européen. Le règlement ne se réfère néanmoins pas à un droit en la matière mais la commission des
pétitions examine ces pétitions lorsque, rédigées dans une langue officielle de la Communauté, elles
se rapportent à un problème lié à la libre circulation des personnes, au droit de résidence, au droit
d’asile ou à des questions de politique étrangère (reconnaissance de nouveaux Etats, aide financière,
droits de l’homme dans un Etat tiers)448.
102 Le droit de saisir le médiateur européen. L’article 21, alinéa 2, CE consacre le
recours au médiateur comme un droit du citoyen de l’Union : “ Tout citoyen de l’Union peut
particulièrement p. 183; C. Blumann, “Les mécanismes non juridictionnels de protection des droits ducitoyen européen”, Revue juridique du Centre Ouest, numéro spécial “Vers l’Europe des citoyens”, avril1992, p. 234.445 Règlement du Parlement européen disponible sur le site Internet du Parlement européen :http://www.europarl.eu.int446 A. Pliakos, “Les conditions d’exercice du droit de pétition”, C.D.E., nº 3-4, 1993, p. 317, plusparticulièrement p. 319.447 L’article 174, paragraphe 10, du règlement du Parlement européen “ Les pétitions adressées au Parlement européen par des personnes physiques ou morales qui ne sont pascitoyennes de l’Union européenne et qui ne résident pas ou n’ont pas leur siège social dans un Etat membrefont l’objet d'un relevé séparé et sont classées séparément… ”.448 M. J. Garot, “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 149.
s’adresser au médiateur institué conformément aux disposition de l’article 195 ”. Selon
l’article 21, alinéa 3, CE, “ tout citoyen de l’Union peut écrire à toute institution ou organe
visé au présent article ou à l’article 7 dans l’une des langues visées à l’article 314 et recevoir
une réponse rédigée dans la même langue ”. Les citoyens disposent donc désormais du droit
d’adresser une plainte au médiateur ou à la commission des pétitions dans leur propre langue.
La reconnaissance d’un recours au médiateur comme droit du citoyen de l’Union répond,
selon la doctrine, à deux impératifs : “… l’exigence d’instituer un médiateur s’est posée
puisque le traité de Maastricht augmente sensiblement les compétences de l’Union et les
domaines « sensibles » – par exemple dans le domaine de la culture – dans lesquels l’Union
pourra légiférer et prendre des mesures d’exécution. L’exercice des nouvelles compétences
peut affecter le citoyen plus directement et beaucoup plus profondément qu’auparavant.
L’institution du médiateur permet aux citoyens d’avoir un recours qui pourra avoir un intérêt
plus particulièrement dans ces domaines. [Ensuite], le débat autour du traité de Maastricht a
mis en évidence une bureaucratisation croissante du système communautaire – qui concerne
également la Commission et le Conseil – et donc l’existence de structures décisionnelles
éloignées des citoyens et soumises à un contrôle démocratique très faible au niveau
communautaire comme au niveau national. Le médiateur, sans pouvoir résoudre les
problèmes à lui seul, rapproche le pouvoir communautaire des citoyens et offre à ces derniers
un moyen de résister aux excès des administrations communautaires ”449. L’article 195 CE
ainsi que le statut du médiateur450 habilite celui-ci “… à recevoir les plaintes relatives à des
cas de mauvaise administration dans l’action des institutions ou organes communautaires, à
l’exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l’exercice de leurs
fonctions juridictionnelles ”. Par plainte, la doctrine entend “… toute dénonciation d’une
injustice dont a été victime un particulier du fait des agissements des institutions
communautaires. En d’autres termes, le recours au médiateur ne peut être considéré comme
une actio popularis que tout administré serait autorisé à soumettre au médiateur ”451. La
plainte doit se rapporter à un cas de « mauvaise administration ». Le concept de mauvaise
administration peut recouvrir des irrégularités administratives, des omissions administratives,
des abus de pouvoir, des négligences, des procédures illégales, des injustices, une incurie ou
une incompétence, une discrimination, un retard évitable, une incapacité ou un refus
449 A. Pierucci, “Le médiateur européen”, Revue du Marché Commun et de l’Union européenne, nº372, 1993, p. 818.450 Décision 94/262/CECA, CE, Euratom du Parlement européen, du 4 mai 1994, concernant le statutet les conditions générales d'exercice des fonctions du médiateur, JO L 113 du 4 mai 1994, p. 15. 451 A. Pliakos, “Le médiateur de l’Union européenne”, C.D.E., n° 5-6, 1994, p. 563, plusparticulièrement p. 579.
d’informer452. Les critères larges de la notion de mauvaise administration semblent offrir au citoyen
un véritable palliatif aux faiblesses des possibilités de recours juridictionnel mises à sa disposition,
puisque de nombreux actes peuvent faire l’objet d’une plainte, y compris les actes normatifs. Les
résultats diffèrent cependant car les pouvoirs dont dispose le médiateur ne sont pas aussi
contraignants que ceux de la Cour de justice. Il n'en reste pas moins que la saisine du médiateur
représente un droit fondamental des citoyens et, partant, un excellent moyen de réduire le déficit
démocratique.
Section II : Des améliorations nécessaires pour la citoyenneté européenne
103 L’inégalité d’accès à la citoyenneté européenne. Les Etats membres de l’Union ont
des procédures d’accès à la nationalité fort différentes, qu’il s’agisse des critères d’obtention ou des
délais de résidence préalable exigés. Dans ces conditions, l’accès à la citoyenneté européenne est
inégal pour les ressortissants des pays tiers dans la mesure où le truchement de l’Etat membre est un
barrage plus ou moins difficile à surmonter. La disparité des codes de la nationalité n’est pas en soi
à combattre : elle est le reflet de la diversité des cultures et des traditions juridiques de chaque Etat
membre. En revanche, l’inégalité d’accès à la citoyenneté européenne selon que l’on se trouve à un
point ou un autre du territoire de l’Union est source de discrimination453.
104 Les impasses de l’accès à la citoyenneté européenne. La citoyenneté européenne, dès
lors qu’elle est liée à la nationalité d’un Etat membre, exclut toute possibilité d’y avoir accès aux
travailleurs migrants non-européens. Un travailleur ressortissant d’un pays tiers, migrant d’un pays à
l’autre de l’Union ne remplit ainsi jamais les conditions d’accès à une nationalité, pour n’avoir pas
résidé suffisamment longtemps dans l’un des Etats membres. Pourtant son séjour global dans
l’Union européenne peut justifier que la citoyenneté européenne lui soit ouverte454.
105 Les résultats de la Convention européenne concernant la citoyenneté européenne.
La Convention européenne a eu pour mission de préparer la rédaction d’une « constitution pour les
citoyens européens » selon les termes de son mandat délivré par le Conseil européen de Laeken.
Elle devait donc d’abord définir la notion de citoyenneté européenne. Dans le projet de Traité
452 M. J. Garot, “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 159.453 Contribution présentée par Mme Pervenche Berès, membre suppléant de la Convention : “ Quellecitoyenneté pour l’Union ? ”, 25 février 2003, CONV 576/03, CONTRIB 255, p. 3, http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/03/cv00/cv00576fr03.pdf454 Ibid., p. 4.
établissant une Constitution pour l’Europe, l’article 8 « La citoyenneté de l’Union » a la
rédaction suivante :
“ 1. Toute personne ayant la nationalité d'un État membre possède la citoyenneté de l'Union.
La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.
2. Les citoyennes et citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus
par la Constitution. Ils disposent :
- du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres,
- du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections
municipales dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les
ressortissants de cet État,
- du droit de bénéficier, sur le territoire d'un pays tiers où l'État membre dont ils sont
ressortissants n'est pas représenté, de la protection des autorités diplomatiques et consulaires
de tout État membre dans les mêmes conditions que les nationaux de cet État,
- du droit d'adresser des pétitions au Parlement européen, de recourir au médiateur
européen, ainsi que du droit de s'adresser aux institutions et aux organes consultatifs de
l'Union dans une des langues de la Constitution et de recevoir une réponse dans la même
langue.
3. Ces droits s'exercent dans les conditions et les limites définies par la Constitution et par
les dispositions prises pour son application ”455.
On peut constater que la définition de la citoyenneté de l’Union donnée au premier
paragraphe suit celle du présent traité CE. L’énumération des droits des citoyens dans le
paragraphe 2 reprend tous les droits figurant actuellement dans la partie « La citoyenneté de
l’Union » du traité CE. La définition de la citoyenneté européenne donnée au premier alinéa
du projet d’article 8 n’apporte aucune valeur ajoutée par rapport à la rédaction figurant depuis
le traité de Maastricht complété à Amsterdam dans le traité de l’Union, si ce n’est qu’elle
remplace « complète » par « s’ajoute ». Elle ne permet pas de tirer toutes les conséquences
de l’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution. Elle est en retrait
sur ce que le Présidium envisageait le 28 octobre 2002 dans le « squelette » de Constitution
lorsqu’il avançait le concept de « double citoyenneté »456. Elle paraît étriquée au moment où
455 Projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe, JO n° C 169 du 18 juillet 2003, p. 1.456 Article 5 de l’Avant-projet de Traité constitutionnel du 28 octobre 2002, CONV 369/02“Cet article institue et définit la citoyenneté de l’Union : tout national d’un Etat membre est citoyende l’Union. Il dispose d’une double citoyenneté, la citoyenneté nationale et la citoyennetéeuropéenne, et utilise librement l’une ou l’autre, à sa convenance, avec les droits et les devoirsattachés à chacune d’elle. L’article énumère les droits attachés à la citoyenneté européenne (circulation, séjour, vote etéligibilité aux élections municipales et au Parlement européen, protection diplomatique dans les pays
l’Union se dote d’une Constitution et risque de produire des effets de nature discriminatoire. La
reconnaissance de droits spécifiques liés à la citoyenneté européenne crée une discrimination entre
résidents selon qu’ils sont résidents ou non d’un Etat de l’Union. La solution proposée dans le projet
d’article 8 sur la citoyenneté européenne est insuffisante sur le contenu et sur la définition.
106 La définition de la citoyenneté européenne : pour une citoyenneté de résidence. La
définition de la notion de citoyenneté européenne doit être envisagée indépendamment du lien
traditionnel qui unit la nationalité et la citoyenneté : jusqu’ici, la seconde procède de la première.
Pourtant, à l’échelle de l’Union, la citoyenneté n’est pas née d’une nation, ni d’une révolution. Au
contraire, l’ouverture de droits européens à l’adresse des femmes et des hommes qui peuplent son
territoire est un processus progressif, inscrit dans le long-terme, conforme au rythme de l’ouverture
des consciences et de l’enracinement de l’espace public. Dès lors, certains conventionnels ont plaidé
pour un découplage entre la nationalité et l’accès à la citoyenneté européenne, en asseyant cette
dernière, au-delà de celle liée à la nationalité, sur la notion de résidence. La citoyenneté européenne
de résidence doit se caractériser par un accès ouvert à ceux qui ont durablement résidé sur le sol de
l’Union. L’Europe politique, l’Europe démocratique exige une citoyenneté. Mais l’Union
européenne n’est pas un Etat et la citoyenneté qui lui est afférente peut être indépendante de la
notion identitaire, qui relève de la nationalité. La citoyenneté européenne se définit en revanche par
les droits politiques qui sont reconnus par l’Union européenne sur son sol et par les modalités de
participation à une vie publique pour être partie prenante de son quotidien. Cette avancée
permettrait de progresser dans la lutte contre les discriminations à l’égard des ressortissants des
Etats tiers, dans le prolongement de l’ouverture par la Charte des droits fondamentaux dans les
domaines associatifs, syndicaux et du travail457.
107 Le contenu de la citoyenneté européenne : pour le respect de la Charte des droits
fondamentaux. La citoyenneté européenne a formellement vu le jour le 1er novembre 1993 avec
l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, qui dans ses articles 8 (A à E) CE disposait une
définition de la citoyenneté européenne, la reconnaissance des droits spécifiques qui y sont
afférents, et la procédure pour en élargir le champ. Depuis, le chapitre V de la Charte des droits
fondamentaux a précisé, actualisé et élargi le contenu de la citoyenneté sans en donner de définition.
On y trouve deux types de droits politiques. D’une part, les droits nécessaires à l’exercice de la
tiers, droit de pétition, droit d’écrire et d’obtenir une réponse des Institutions européennes dans sa proprelangue). L’article établit le principe de non-discrimination des citoyens de l’Union en fonction de la nationalité.”457 Contribution présentée par Mme Pervenche Berès, membre suppléant de la Convention : “ Quellecitoyenneté pour l’Union ? ”, 25 février 2003, CONV 576/03, CONTRIB 255, p. 4,http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/03/cv00/cv00576fr03.pdf
démocratie et de l’action civique au niveau de l’Union et de ses institutions : vote et éligibilité
au Parlement européen, droit à une bonne administration droit d’accès aux documents, saisine
du Médiateur, droit de pétition. D’autre part, des droits politiques établis par l’effet de
l’intégration toujours plus étroite et l’accès à certains droits civiques nationaux : droit de vote
et d’éligibilité aux élections municipales, liberté de circulation et de séjour, protection
diplomatique et consulaire. Le Titre II « Les droits fondamentaux et la citoyenneté de
l’Union » pose à cet égard deux problèmes. D’abord, les droits énoncés dans l’article 8 du
projet de Constitution sont en retrait par rapport à ce que préconise la Charte des droits
fondamentaux. L’accès aux documents, le droit à une bonne administration ont manifestement
été « oublié ». Ensuite, la Convention s’est prononcée pour l’intégration de la Charte des
droits fondamentaux dans la Constitution458. On aura donc d’un côté les droits définis par la
Charte et de l’autre ceux contenus dans l’article 8 de la Constitution, le cas échéant avec des
formulations différentes. Cette situation générera au sein du droit primaire des doublons et des
risques sérieux d’incohérence. Dès lors, les exigences de lisibilité et de clarté juridique
devraient imposer à opter pour un article 8 de la Constitution qui se limite à définir la notion
de citoyenneté européenne et donc à intégrer l’article 17 du traité de Nice, sans rouvrir la
question de son contenu. Le contenu serait ainsi laissé à l’article 7 « Droit fondamentaux » qui
renvoie à une deuxième partie constitutionnelle reprenant le texte de la Charte des droits
fondamentaux459.
108 Proposition d’amendement de l’article 8 du Projet du Traité établissant une
Constitution pour l’Europe. Les droits afférents à la citoyenneté européenne sont déjà cités
dans la Charte des droits fondamentaux. Cet article doit donc se limiter à la définition de cette
citoyenneté. Certains membres de la Convention ont proposé à cet égard la formulation ci-
dessous, permettant de progresser vers la citoyenneté de résidence :
“1. Toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre possède la double citoyenneté,
nationale et européenne. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et
ne la remplace pas.
2. La citoyenneté européenne peut être attribuée aux ressortissants des pays non
membres de l’Union ou apatrides résidant légalement plus de cinq ans sur le territoire
458 Article 7 « Droits fondamentaux », paragraphe premier du Projet de Traité établissant uneConstitution pour l’Europe: “ 1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncésdans la Charte des droits fondamentaux qui constitue la Partie II de la Constitution. ”459 Contribution présentée par Mme Pervenche Berès, membre suppléant de la Convention : “ Quellecitoyenneté pour l’Union ? ”, 25 février 2003, CONV 576/03, CONTRIB 255, p. 2, http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/03/cv00/cv00576fr03.pdf
de l’Union.
3. Les citoyennes et citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus
par la présente Constitution, notamment ceux énoncés dans la Charte des droits
fondamentaux. ”460.
109 Conclusion du chapitre. Actuellement, les droits liés à la citoyenneté de l’Union sont
énumérés dans la seconde partie du traité CE : liberté de circulation et de séjour, droit de vote et
d’éligibilité aux élections municipales et européennes, protection diplomatique, droit de pétition,
recours au médiateur. Présentés comme tels, ils peuvent paraître un peu limités mais ne répondent
en fait, qu’aux objectifs, nouveaux ou non, que la Communauté s’assigne. L’article 2 UE énonce,
entre autres, comme objectif de l’Union, “ de renforcer la protection des droits et des intérêts des
ressortissants de ses Etats membres par l’instauration d’une citoyenneté de l’Union ”. Tout ceci
pour répondre à “…une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe ”. Les rédacteurs
du traité CE ont prévu une sorte de « clause évolutive » avec l’article 22, évitant de figer les droits
de la citoyenneté de l’Union et permettant ainsi de les adapter aux évolutions de la Communauté461.
Le Conseil n’a jusqu'à présent jamais fait usage de cet article pour élargir les droits reconnus aux
citoyens européens dans le cadre de la citoyenneté de l’Union. De plus, la Convention européenne
n’a pas fait de progrès dans la redéfinition de la citoyenneté européenne en la fondant non plus sur
la nationalité des Etats membres mais sur la résidence sur le territoire de l’Union pour qu’elle
devienne véritablement européenne.
460 Ibid., p. 5. Cf. également Suggestion for amendment by Pervenche Berès, Olivier Duhamel, JacquesFloch, Elena Paciotti et Anne Van Lancker, membres,http://european-convention.eu.int/amendments.asp?content=7&lang=FR461 Article 22 CE “La Commission fait rapport au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et socialtous les trois ans sur l’application des dispositions de la présente partie. Ce rapport tient compte dudéveloppement de l’Union.
Sur cette base, et sans préjudice des autre disposition du présent traité, le Conseil, statuant àl’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut arrêterdes disposition tendant à compléter les droits prévus à la présente partie, dispositions dont ilrecommandera l’adoption par les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnellesrespectives ”.
CONCLUSION
110 La subjectivisation de la nationalité : le droit de revendiquer une nationalité.
Plusieurs éléments permettent, semble-t-il, de démontrer que le droit de la nationalité pourrait être
un droit subjectif. Les plus importants seraient notamment: le reconnaissance d’un droit à une
nationalité tel que défini à l’article 4, alinéa a de la Convention européenne sur la nationalité462,
l’accès obligatoire et effectif à des mécanismes de naturalisation tels qu’énoncés par l’article 6 de la
Convention463, les contraintes juridiques auxquelles devrait être soumise la décision de
naturalisation prévues notamment par les articles 10 et 11 de la Convention, le contrôle
juridictionnel qui serait opérable sur la décision de l’Etat en vertu de l’article 12 de la Convention.
Ces règles se trouvent en tout ou en partie dans les différents droits positifs nationaux. Leur
transposition intégrale dans les droits internes devrait conduire non seulement à étendre la
subjectivisation du droit de la nationalité sur le continent européen, mais à faire du droit de la
nationalité, droit de la personnalité, un véritable droit de l’homme. Un autre indice serait de prendre
en compte le volume des naturalisations et d’évaluer les modes d’acquisition d’une nationalité qui
permettent à l’individu d’exercer un choix, pour lui-même et le cas échéant pour ses enfants
mineurs. Il semble en effet que l’instauration d’un mécanisme d’effet collectif d’acquisition, de
plein droit ou lié objectivement à l’acquisition d’une nationalité par une ou plusieurs personnes
renforce l’idée selon laquelle le droit de la nationalité constitue un droit subjectif. Pour aller plus
loin, on pourrait même dire que, quelle que soit l’inspiration d’un droit national en matière de
naturalisation de ses étrangers, c’est-à-dire dans la faculté d’ouvrir l’accès à la nationalité, la
soumission de ce droit aux dispositions de la Convention européenne sur la nationalité tend à
transformer la nationalité en un droit subjectif qui entre dans le patrimoine des individus464.
111 Le découplage citoyenneté européenne/nationalité ? Le découplage citoyenneté
européenne/nationalité a été envisagé comme une solution concernant l’accès à la citoyenneté
européenne. Cette dissociation sert en effet, en basant la citoyenneté de l’Union sur la résidence, à
rendre uniformes les conditions d’accès à la citoyenneté sur tout le territoire de l’Union, sans
toucher à l’une des compétences des Etats d’établir leurs droits de nationalité, et à permettre à
l’Union de définir ses propres citoyens, sans passer par le truchement des Etats. Elle contribue
également à la formation d’un « peuple » européen dont les fondements ne se trouveraient pas dans
l’appartenance à une même nation, car il n’existe pas de nation européenne, mais tout simplement
dans la résidence sur un même territoire et dans l’universalisation d’un certain nombre de droits et
d’obligations. L’Union s’acheminerait ainsi vers la réalisation d’une “… union sans cesse plus
462 Supra, note 43.463 Supra, note 2 ; cf. également paragraphes 19 et 50 du mémoire.464 T. Cassuto, “Identité et nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT ( 2001) PRO, 2ème Conférence européennesur la nationalité “Défis au droit national et international sur la nationalité à l’aube du nouveaumillénaire“, pp. 43-66 (supra, note 191), plus particulièrement pp. 61-62.
étroite entre les peuples de l’Europe…”. Déjà d’ailleurs, la citoyenneté de l’Union telle
qu’elle existe, poursuit cette tendance en permettant à tout citoyen européen, quelque soit sa
nationalité, d’élire ses représentants au Parlement européen, quelque soit aussi leur
nationalité465.
465 M. J. Garot, “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 339.
BIBLIOGRAPHIE
Sommaire de la bibliographie
I. OUVRAGES ET MANUELS (par ordre alphabétique) ………………………………. 138
II. CONTRIBUTIONS AUX MÉLANGES, COLLOQUES ET OUVRAGES
COLLECTIFS (par ordre alphabétique) …………………………………………………. 138
III. ARTICLES DE REVUES (par ordre alphabétique)…………………………………. 139
IV. MÉMOIRE …………………………………………………………………………… 139
V. TEXTES DE BASE (par ordre chronologique) ……………………………………….. 140
A. TEXTES INTERNATIONAUX ……………………………………………….. 140
1. Textes internationaux des droits de l’homme …………………………… 140
2. Textes de droit international (Commission du droit international) ……... 140
3. Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies ……… 140
B. TEXTES COMMUNAUTAIRES ……………………………………………… 141
1. Traités …………………………………………………………………… 141
2. Règlements ……………………………………………………………… 141
3. Directives ………………………………………………………………... 141
4. Décisions sans destinataire ……………………………………………… 142
5. Résolution du Conseil ……………………………………………………
142
6. Communications de la Commission …………………………………….. 142
C. TEXTES DU CONSEIL DE L’EUROPE ……………………………………… 142
1. Traités …………………………………………………………………… 142
2. Recommandation du Comité des Ministres ……………………………... 143
VI. DOCUMENTS DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (par ordre
chronologique) …………………………………………………………………………….. 143
A. RAPPORTS DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL ………. 143
B. ANNUAIRE DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL ………. 143
C. AUTRES DOCUMENTS ………………………………………………………. 144
VII. DOCUMENTS DE LA CONVENTION EUROPÉENNE ……………………….. 144
A. DOCUMENTS …………………………………………………………………. 144
B. CONTRIBUTION ……………………………………………………………… 144
C. PROPOSITION D’AMENDEMENTS ………………………………………… 144
VIII. DOCUMENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA DÉMOCRATIE PAR
LE DROIT (COMMISSION DE VENISE) …………………… 144
IX. CONFÉRENCES (par ordre chronologique) ………………………………………… 145
X. DISCOURS ……………………………………………………………………………. 145
XI. JURISPRUDENCE (par ordre chronologique) ……………………………………… 146
A. COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES …………….. 146
B. COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ………………………. 147
C. COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ……………... 148
D. COUR INTERAMÉRICAINE DES DES DROITS DE L’HOMME ………….. 148
E. COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE …………………. 148
F. COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE ……………………………………. 149
G. COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES …………… 149
XI. SITES INTERNET (par ordre alphabétique) ………………………………………... 149
I. OUVRAGES ET MANUELS (par ordre alphabétique)
Dollat (P.), “Libre circulation des personnes et citoyenneté européenne : enjeux et perspectives“,Bruylant Bruxelles, 1998, p. 506.
Garot (M. J.), “La citoyenneté de l’Union européenne”, L’Harmattan, Paris, 1999, 357 p.
Renucci (J.-F.), “Droit européen des Droits de l’Homme”, 3e édition, Paris, L.G.D.J, 2002, 821 p.
Simon (D.), “Le système juridique communautaire”, éditions PUF, Paris, 3e édition mise à jour ennovembre 2001, 779 p. Sudre (F.), “Droit international et européen des droits de l’homme”, 5e édition mise à jour en mai2001, Paris, PUF, 2001, p. 536.
Verwilghen (M.), “ Conflits de nationalités – Plurinationalité et apatridie ”, RCADI 1999, t. 277, TheHague, Martinus Nijhoff, 2000, 484 p.
II. CONTRIBUTIONS AUX MÉLANGES, COLLOQUES ET OUVRAGES
COLLECTIFS (par ordre alphabétique)
Benlolo (M.), “Citoyenneté européenne et droits de l’homme : entre convention européenne et Unioneuropéenne”, in Hervouët (Fr.) (dir.), “Démarche communautaire et construction européenne,Volume 1 : dynamique des objectifs”, Actes du colloque de Poitiers 12-13 et 14 octobre 2000.
Bribosia (E.), “ Nouveaux instruments normatifs et nouvelles avancées jurisprudentielles en matièrede lutte contre les discriminations sur base de la nationalité après le traité d’Amsterdam ”, in E.Bribosia, E. Dardenne, P. Magnette et A. Weyembergh (dir.), “Union européenne et nationalités. Leprincipe de non-discrimination et ses limites”, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 216.
D’Oliviera (H.U.J.), “Union Citizenship : Pie in the Sky ?“, in A. Rosas, E. Antola (dir.), “A citizens’Europe : In Search of a New Order“, Sage, London, 1995, p. 65.
Ferrari-Breeur (C.), “L’éducation et la formation professionnelle comme instruments de lacitoyenneté européenne”, in Philip (C.) et Soldatos (P.) (dir.), “La citoyenneté européenne”,Université de Montréal, Canada, 2000, pp. 177-190, p. 181.
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Ziemele (I.) et Schram (G.G.), “ Article 15 “, in G. Alfredsson et A. Eide, “ The UniversalDeclaration of Humain Rights “, Kluwer Law International, 1999, pp. 297-323.
III. ARTICLES DE REVUES (par ordre alphabétique)
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Chan (J.M.M.), “The Right to a Nationality as a Human Right : the Current Trend Towards Recognition”,Human Rights Law Journal, 1991, Vol. 12, n° 1-2, pp. 1-14.
Kovar (R.) et Simon (D.), “La citoyenneté européenne”, C. D. E., 29 (3-4), 1993, p. 285.
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IV. MÉMOIRE
Mahnic (P.), O’Keeffe (D.) [supervisor], “ Union citizenship and free movement rights : a critical analysisof the Baumbast case ”, Bibliothèque du Collège d’Europe, Bruges, 2003, 44 p.
V. TEXTES DE BASE (par ordre chronologique)
A. TEXTES INTERNATIONAUX
1. Textes internationaux des droits de l’homme
La Charte des Nations Unies, 26 juin 1945,http://www.un.org/french/aboutun/charter.htm
Convention relative au statut des réfugiés (ONU), 28 juillet 1951, entrée en vigueur le 22 avril 1954,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_c_ref_fr.htm
Convention relative au statut des apatrides (ONU), 28 septembre 1954, entrée en vigueur le 6 juin1960, http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_c_fr.htm
Convention sur la réduction des cas d’apatridie (ONU), 30 août 1961, entrée en vigueur le 13décembre 1975,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_reduce_fr.htm
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ONU), 21décembre 1965, entrée en vigueur le 4 janvier 1969,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/d_icerd_fr.htm
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, entrée en vigueur le 23mars 1976,http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/a_ccpr_fr.htm
Convention relative aux droits de l’enfant (ONU), 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2septembre 1990, http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/k2crc_fr.htm
2. Textes de droit international (Commission du droit international)
Convention de Vienne sur le droit des traités (ONU), ouverte à la signature le 23 mai 1969, entrée envigueur le 27 janvier 1980,http://www.un.org/law/ilc/texts/treatfra.htm
Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités (ONU), ouverte à la signature le23 août 1978, entrée en vigueur le 6 novembre 1996,http://www.un.org/law/ilc/texts/tresufra.htm
3. Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies
Résolution A/Res/55/153 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la nationalité des personnesphysiques en relation avec la succession d’Etats, adoptée sans vote le 12 décembre 2000,http://www.un.org/Depts/dhl/dhlf/resdeclf/res55_2f.htm
A. TEXTES COMMUNAUTAIRES
1. Traités
Traité instituant la Communauté européenne - (version consolidée), JO n° C 325 du 24 décembre 2002.
Traité sur l'Union européenne - (version consolidée), JO n° C 325 du 24 décembre 2002.
Traité de Nice, JO n° C 80 du 10 mars 2001.
Projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe, JO n° C 169 du 18 juillet 2003.
2. Règlements
Règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs àl’intérieur de la Communauté, JO L 257, p. 2.
Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécuritésociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui sedéplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que mis à jour par le Règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du2 décembre 1996, JO L 28, p. 11.
Règlement n° 1091/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la libre circulation avec un visa de longséjour, JO L 150, p. 4.
Règlement n° 859/2003 du Conseil du 14 mai 2003 visant à étendre les dispositions du règlement (CEE) n°1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts parces dispositions uniquement en raison de leur nationalité, JO L 124 du 20/05/2003, pp. 0001 – 0003.
3. Directives
Directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales auxétrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécuritépublique et de santé publique, JO 1964, 56, p. 850.
Directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression de restrictions audéplacement et au séjour des travailleurs des Etats membres et de leur famille à l’intérieur de laCommunauté, JO L 257, p. 13.
Directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacementet au séjour des ressortissants des Etats membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissementet de prestation de services, JO L 172, p. 14. Directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour, JO L 180, p. 26.
Directive 90/365/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des travailleurs salariés et nonsalariés ayant cessé leur activité professionnelle, JO L 180, p. 28.
Directive 93/96/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative au droit de séjour des étudiants, JO L 317, p.59.
Directive 93/109/CE du 6 décembre 1993 fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilitéaux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils nesont pas ressortissants, JO L 329 du 30 décembre 1993, p. 34.
Directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 fixant les modalités de l’exercice du droit de vote etd’éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l’Union résidant dans un Etat membredont ils n’ont pas la nationalité, JO L 368 du 31 décembre 1994, p. 38.
Directive 2001/40/CE du Conseil, du 28 mai 2001, relative à la reconnaissance mutuelle des décisionsd’éloignement des ressortissants de pays tiers, JO L 149, p. 34.
4. Décisions sans destinataire
Décision 94/262/CECA, CE, Euratom du Parlement européen, du 4 mai 1994, concernant le statut etles conditions générales d'exercice des fonctions du médiateur, JO L 113 du 4 mai 1994, p. 15.
Décision 95/553/CE des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein duConseil du 19 décembre 1995, concernant la protection des citoyens de l'Union européenne par lesreprésentations diplomatiques et consulaires, JO L 314 du 28 décembre 1995, pp. 0073-0076.
5. Résolution du Conseil
Résolution du Conseil, du 4 décembre 1997, sur les mesures à adopter en matière de lutte contre lesmariages de complaisance, JO C 382, p. 1.
6. Communications de la Commission
Communication de la Commission européenne 88/C 72/02, “Libre circulation des travailleurs et accèsaux emplois dans l’administration publique des Etats membres – Action de la Commission en matièred’application de l’article 48 paragraphe 4 du traité CEE“, JO C 72 du 18 mars 1988, p. 2.
Communication de la Commission européenne, COM (1994) 38 final, Proposition de directive duConseil fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipalespour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité, JO C 105du 13 avril 1994, p. 4.
C. TEXTES DU CONSEIL DE L’EUROPE
1. Traités
Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, du Conseil del’Europe, STCE 005, ouverture à la signature le 4 novembre 1950, entrée en vigueur le 3 septembre1953, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/005.htm
Convention sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligations militaires en casde pluralité de nationalités, Conseil de l’Europe, STCE 043, ouverture à la signature le 6 mai 1963,entrée en vigueur le 28 mars 1968,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/treaties/html/043.htm
Deuxième Protocole portant modification à la Convention sur la réduction des cas de pluralité denationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités, Conseil de l’Europe, STCE149, ouverture à la signature le 2 février 1993, entrée en vigueur le 24 mars 1995, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/149.htm
Convention européenne sur la nationalité, Conseil de l’Europe, STCE 166, ouverture à la signature le 6novembre 1997, entrée en vigueur le 1er mars 2000,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/166.htm
Rapport explicatif sur la Convention européenne sur la nationalité,http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/166.htm
Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, STCE177, 4 novembre 2000, non entré en vigueur, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/177.htm
Rapport explicatif sur le Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et desLibertés fondamentales, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/177.htm
2. Recommandation du Comité des Ministres
Recommandation n° R (99) 18 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la prévention et la réductiondes cas d’apatridie, adoptée par le Conseil de l’Europe le 15 septembre 1999,http://cm.coe.int/ta/rec/1999/f99r18.htm
VI. DOCUMENTS DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
(par ordre chronologique)
A. RAPPORTS DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 49e session, 12 mai – 18 juillet 1997,A/52/10, Nations Unies, New York, 1997.
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 51e session, 3 mai – 23 juillet 1999,A/54/10, http://www.un.org/law/ilc/reports/1999/english/99repfra.htm
B. ANNUAIRE DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
Annuaire de la Commission du droit international, 1997, Vol. II deuxième partie, Rapport de la Commissionà l’Assemblée générale sur les travaux de sa quarante-neuvième session, A/CN.4/SER.A/1997/Add.1 (Part2), Nations Unies, New York et Genève, 1999.
C. AUTRES DOCUMENTS
Mikulka (V.), Rapporteur spécial, “Premier rapport sur la succession d’Etats et son incidence sur la
nationalité des personnes physiques et morales”, A/CN.4/467, 17 avril 1995.
Mikulka (V.), Rapporteur spécial, “Deuxième rapport sur la succession d’Etats et son incidence sur lanationalité des personnes physiques et morales”, A/CN.4/474, 17 avril 1996.
Mikulka (V.), Rapporteur spécial, “Troisième rapport sur la nationalité dans le cadre de la successiond’Etats”, A/CN.4/480, 27 février 1997.
Mikulka (V.), Rapporteur spécial, “Troisième rapport sur la nationalité en relation avec lasuccession d’Etats”, Additif, 28 février 1997, A/CN.4/480/Add.1.
VII. DOCUMENTS DE LA CONVENTION EUROPÉENNE
A. DOCUMENTS
Avant-projet de Traité constitutionnel du 28 octobre 2002, CONV 369/02,http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/02/cv00/00369f2.pdf
B. CONTRIBUTION
Contribution présentée par Mme Pervenche Berès, membre suppléant de la Convention : “ Quellecitoyenneté pour l’Union ? ”, 25 février 2003, CONV 576/03, CONTRIB 255,http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/03/cv00/cv00576fr03.pdf
C. PROPOSITION D’AMENDEMENTS
Suggestion for amendment by Pervenche Berès, Olivier Duhamel, Jacques Floch, Elena Paciotti etAnne Van Lancker, membres, http://european-convention.eu.int/Docs/Treaty/pdf/7/Art7Beres.pdf
VIII. DOCUMENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA DÉMOCRATIE
PAR LE DROIT (COMMISSION DE VENISE)
Déclaration relative aux incidences de la succession d’Etats en matière de nationalité des personnesphysiques, adoptée par la Commission européenne pour la démocratie par le droit lors de sa 28ème
réunion plénière tenue à Venise, les 13 et 14 septembre 1996, in “Incidences de la succession d’Etatsur la nationalité, Rapport de la Commission de Venise“, Collection Science et technique de ladémocratie, n°23, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1998, p. 5.
IX. CONFÉRENCES (par ordre chronologique)
Kojanec (G.), “Pluralité de nationalités”, in CONF/NAT (99) PRO 1, 1re Conférence européenne sur lanationalité “Tendances et développement en droit interne et international sur la nationalité” (Strasbourg,18-19 octobre 1999), Actes, pp. 37-50, http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf
Batchelor (C. A.), “Progrès en droit international : la réduction des cas d’apatridie grâce à l’applicationpositive du droit à une nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (99) PRO 1, 1re Conférence européenne sur lanationalité “Tendances et développement en droit interne et international sur la nationalité” (Strasbourg,18-19 octobre 1999) Actes, pp. 51-66,http://www.legal.coe.int/nationality/conf/CEN(1999Strasbourg)F.pdf Cassuto (T.), “Identité et nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT ( 2001) PRO, 2ème Conférence européennesur la nationalité “Défis au droit national et international sur la nationalité à l’aube du nouveaumillénaire“, Actes, pp. 43-66, http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf
Mole (N.), Fransman (L.), “Nationalité multiple et la Convention européenne des droits de l’homme“, inCoE Doc. CONF/NAT (2001) PRO, 2ème Conférence européenne sur la nationalité “Défis au droitnational et international sur la nationalité à l’aube du nouveau millénaire“, Actes, pp. 133-152,http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf
Ziemele (I.), “Aspects généraux de la nationalité et des droits de l’homme en relation avec la successiond’Etats“, in CoE Doc CONF/NAT (2001) PRO, 2ème Conférence européenne sur la nationalité “Défis audroit national et international sur la nationalité à l’aube du nouveau millénaire“, (Strasbourg, 8 - 9 octobre2001), Actes, pp. 153-178, http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf
Schärer (R.), “L’apatridie en relation avec la succession d’Etats : la nécessité d’un instrument additionnelà la convention européenne sur la nationalité”, in CoE Doc CONF/NAT (2001) PRO, 2ème Conférenceeuropéenne sur la nationalité “Défis au droit national et international sur la nationalité à l’aube dunouveau millénaire“, (Strasbourg, 8 - 9 octobre 2001), Actes, pp. 179-195, http://www.coe.int/T/F/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/Etrangers_et_citoyens/Nationalit%E9/Conf%E9rences/Conf%E9rence2(2001)Actes.pdf
X. DISCOURS Lord Russel-Johnston, “Humankind has no nationality“, Inaugural speech to the Parliamentary Assembly,Strasbourg, 25 janvier 1999, in “Humankind has no nationality“, Speeches, 1999, Editions du Conseil del’Europe 2000, p. 10.
XI. JURISPRUDENCE (par ordre chronologique)
A. COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
CJCE 5 février 1963, Van Gend et Loos, aff. 26/62, Rec. p. 1.
CJCE 12 février 1974, Giovanni Maria Sotgiu c. Deutsche Bundespost, aff. 152/73, Rec. 1974 p.0153.
CJCE 21 juin 1974, Reyners, aff. 2/74, Rec. p. 631.
CJCE 4 décembre 1974, Van Duyn, aff. 41/74, Rec. p. 1337.
CJCE 28 octobre 1975, Rutili, aff. 36/75, Rec. p. 1219.
CJCE 19 octobre 1977, Rückdeschel, aff. jtes 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753.
CJCE 27 octobre 1977, Bouchereau, aff. 30/77, Rec. 1977, p. 1999.
CJCE, 17 décembre 1980, Commission c. Belgique, aff. C-149/ 79, Rec. 1980, p. 3881.
CJCE 18 mai 1982, Adoui et Cornuaille, aff. 115/81 et 116/81, Rec. p. 1665.
CJCE 13 février 1985, Diatta, aff. 267/83, Rec. p. 567.
CJCE 17 avril 1986, Reed, C-59/85, Rec. p. 1283.
CJCE, 3 juin 1986, Commission c. France, aff. 307/84, Rec. 1986, p. 1725.
CJCE, 3 juillet 1986, Lawrie-Blum c. Land Baden-Württemberg, aff. 66/85, Rec. 1986, p. 2121.
CJCE 21 juin 1988, Brown, aff. 197/86, Rec. p. 3205.
CJCE 15 mars 1989, Echternach et Moritz, aff. 389/87 et 390/87, Rec. p. 723.
CJCE 18 mai 1989, Commission c. Allemagne, aff. 249/86, Rec. p. 1263.
CJCE, 30 mai 1989, Allué e. a. c. Università degli studi di Venezia, aff. 33/88, Rec. 1989 p. 1591. CJCE 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925.
CJCE, 27 novembre 1991, Bleis c. Ministère de l'Education nationale, aff. 4/91, Rec. 1991 p. 5627.
CJCE 7 juillet 1992, Micheletti, aff. C-369/90, Rec.I-1992, p. 367.
CJCE 7 juillet 1992, Singh, aff. C-370/90, Rec. p. I-4265.
CJCE 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165.
CJCE 30 novembre 1995, The Queen c. Secretary of State for the Home Department, ex parte JohnGallagher, aff. C-175/94, Rec. 1995 p. I-04253.
CJCE 30 avril 1996, Boukhalfa aff. 214/94, Rec. p. 2253.
CJCE ord. 28 novembre 1996, Odigitria AAE c. Conseil de l'Union européenne et Commission desCommunautés européennes, aff. C-293/95 P, Rec. 1996 p. I-06129.
CJCE 30 janvier 1997, Stober et Pereira, aff. jtes 4/95 et 5/95, Rec. p. 511. CJCE 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689.
CJCE 12 mai 1998, Martinez Sala, aff. C-85/96, Rec. p. I-2691.
CJCE 16 juillet 1998, Pereira Roque, aff. C-171/96, Rec. p. I-4607.
CJCE 24 novembre 1998, Bickel et Franz, C-274/96, Rec. p. I-7637.
CJCE 19 janvier 1999, Calfa, aff. C-348/96, Rec. p. I-11.
CJCE 12 septembre 1999, Wijsenbeek, aff. C-378/96, Rec. p. I-6207. CJCE 11 avril 2000, Kaba, aff. C-365/98, Rec. p. I-2623.
CJCE 20 février 2001, Kaur, C-192/99, Rec. p. I-1237.
CJCE 20 novembre 2001, Jany e.a., aff. C-268/99, Rec. p. I-8615.
CJCE 20 septembre 2001, Rudy Grzelczyk et Centre public d’aide sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve,aff. C-184/99, Rec. p. I-6193 ; Europe, novembre 2001, p. 5, comm. 316, Y. Gautier.
CJCE 5 mars 2002, Reisch e. a., aff. jtes C-515/99, C-519/99 à C-524/99 et C-526/99 à C-540/99, Rec. p.478.
CJCE 11 juillet 2002, Marie-Nathalie D’Hoop et Office national de l’emploi, aff. C-224/98, Rec. p. 6191 ;Europe, octobre 2002, p. 12, comm. 316, Y. Gautier
CJCE 11 juillet 2002, Mary Carpenter et Secretary of State for the Home Department, aff. C-60/00, Rec. p.6279 ; Europe, octobre 2002, p. 21, comm. 335, L. Idot. CJCE 25 juillet 2002, Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie ASBL (MRAX) et Etatbelge, aff. C-459/99, Rec. p. 6591 ; Europe, novembre 2002, p. 19, comm. 370, Y. Gautier.
CJCE 17 septembre 2002, Baumbast, R et Secretary of State for the Home Department, aff. C-413/99, Rec.p. 7096 ; Europe, novembre 2002, p. 18, comm. 369, Y. Gautier.
CJCE 26 novembre 2002, Olazabal, aff. C-100/01, Rec. 2002 p. I-10981; Europe, janvier 2003, p. 18,comm. 14, L. Idot.
CJCE 23 septembre 2003, Secretary of State for the Home Departement c. Hacene Akrich, aff. C-109/01,non encore publié au recueil.
B. COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
Cour EDH 23 juillet 1968, Affaire “linguistique belge”, req. n° 1474/62 ; 1677/62 ; 1691/62 ; 1769/63;1994/63 ; 2126/64, série A n° 6.
Cour EDH 28 novembre 1984, Rasmussen c. Danemark, req. n° 8777/79, série A n° 87.Cour EDH 28 mai 1985, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, req. n° 9214/80 ; 9473/81;
9474/81, série A n° 94.
Cour EDH 18 juillet 1994, Karlheinz Schmidt c. Allemagne, req. n° 13580/88, série A n° 291-B, p. 32.
Cour EDH 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie, req. n° 15318/89, série A n° 310.
Cour EDH 7 août 1996, Chorfi c. Belgique, req. n° 21794/93, Rec. 1996-III, p. 915.
Cour EDH 16 septembre 1996, Gaygusuz c. Autriche, req. n° 17371/90, Rec. 1996-IV, p. 1141.
Cour EDH 21 février 1997, Van Raalte c. Pays-Bas, req. n° 20060/92, Rec. 1997-I, p. 184.
Cour EDH 27 mars 1998, Petrovic c. Autriche, req. n° 20458/92, Rec. 1998-II, p. 585.
Cour EDH, déc. 12 janvier 1999, Karassev et famille c. Finlande, n° 31414/96, Rec. 1999-II.
Cour EDH 2 août 2001, Boultif c. Suisse, req. n° 54273/00, Rec. 2001-IX.
Cour EDH (Grande chambre), déc. 23 janvier 2002, Slivenko c. Lettonie, n° 48321/99.
Cour EDH 11 juillet 2002, Amrollahi c. Danemark, req. n° 56811/00, non encore publié au Recueildes arrêts et décisions. Cour EDH 9 octobre 2003, Slivenko c. Lettonie, req. n° 48321/99, à paraître au Recueil 2003.
C. COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
Com. EDH, DR 15 décembre 1969, X c. la République fédérale d’Allemagne, n° 3745/68, Rec. 31, pp.107-111.
Com. EDH, DR 1er juillet 1985, Famille K et W c. Pays Bas, req. n° 11278/84, D. et R. 43, octobre1985, p. 216.
Com. EDH, DR 23 octobre 1995, Jaramillo c. Royaume-Uni, req. n° 24865/94.
Com. EDH, DR 16 janvier 1996, P.P. et autres c. Royaume-Uni, req. n° 25297/94.
D. COUR INTERAMÉRICAINE DES DES DROITS DE L’HOMME
CIADH 19 janvier 1984, Amendements aux dispositions de la Constitution costa-ricienne relatives àla naturalisation, AC, International Law Report, vol. 79, p. 283.
E. COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE
CPJI 7 février 1923, Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, série B, n° 4, 1923, p.24.
CPJI 13 septembre 1928, Usines de Chorzow, série A, n° 17, 1928, p. 24.
F. COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CIJ 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, Rec. 1955, p. 4.
G. C OMITÉ DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES
CDH 1er novembre 1996, C. Stewart c. Canada, n° 538/1993, A/52/40, vol. II, p. 53.
XI. SITES INTERNET (par ordre alphabétique)
http://www.coe.intConseil de l’Europe
http://www.coe.int/T/E/Legal_Affairs/Legal_co-operation/Foreigners_and_citizens/Nationality/Conferences/Conférences européennes sur la nationalité
http://conventions.coe.intTraités du Conseil de l’Europe
http://curia.eu.intCour de justice des Communautés européennes
http://www.echr.coe.intCour européenne des droits de l’homme
http://www.europa.eu.intLe portail de l’Union européenne
http://www.europa.eu.int/eur-lex/fr/index.htmlLe portail d'accès au droit de l'Union européenne
http://www.europarl.eu.intParlement européen
http://european-convention.eu.intConvention européenne
http://www.icj-cij.orgCour internationale de justice
http://www.un.org Organisation des Nations Unies
http://www.un.org/ga/Assemblée générale des Nations Unies
http://www.un.org/law/index.htmlDroit international
http://www.un.org/law/ilc/Commission du droit international
http://www.unhchr.chHaut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
http://www.unhchr.ch/html/intlinst.htmInstruments internationaux des droits de l'homme
http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsfComité des droits de l’homme des Nations Unies
http://www.venice.coe.intCommission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)
https://wcm.coe.int/index.jspComité des Ministres du Conseil de l’Europe
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES :
ÉVOLUTIONS RÉCENTES DU DROIT À LA NATIONALITÉ AU NIVEAU
EUROPÉEN
SOMMAIRE ……………………………………………………………………………........ 1
TABLE DES ABRÉ VIATIONS …………………………………………………….... ..... .... 2
INTRODUCTION …………………………………………………………………………... 5
PARTIE I : L’ÉMERGENCE DU DROIT À LA NATIONALITÉ ……………………. 13
TITRE I : LE DROIT À LA NATIONALITÉ COMME MOYEN POUR LUTTER CONTRE
L’APATRIDIE …………………………………………………………... ............................. 14
Chapitre I : Le droit à une certaine nationalité dans la prévention de l’apatridie ……… …………
…………………………………………… ……………………………….. 15
Section I : Le droit à la n ationalité en tant que droit de l’homme ……………………... 15
Section II : Les obligations corrélatives des États ……………………………………….. 24
Chapitre II : L’application du droit à la nationalité dans différents contextes particuliers …………
…………………………………………………………………….......................... 32
Section I : Le droit à la nationalité en relation avec la succession d’ États …………….. 32
Section II : Le droit de l’enfant à une nationalité ……………………………………….. 47
TITRE II : L’ACCÈS À LA POLYPATRIDIE COMME MOYEN D’INTÉGRATION ….. 51
Chapitre I : La tendance des États européens vers l’acceptation de la polypatridie de leurs
ressortissants ………………………………………………………………………………... 52
Section I : La conservation de la nationalité d’origine comme moyen d’intégration …. 52
Section II : Le droit d’acquérir la nationalité de l’État d’accueil comme moyen d’intégration
……………………………………………………………………………….. 55
Chapitre II : L’encadrement de la perte de la nationalité par la Convention européenne des droits
de l’homme et le droit communautaire ………………………………………………. 58
Section I : La pluralité de nationalités à la lumière de la Convention européenne des droits de
l’homme ………………………………………………………………………….. 58
Section II : La pluralité de nationalités à la lumière du droit communautaire …………………
…………………………………………………………………………….. 67
PARTIE II : LE DÉPÉRISSEMENT DES DROITS ATTACHÉS À LA NATIONALITÉ
……………………………………………………………………………………………….. 72
TITRE I : LA GÉNÉRALISATION DU PRINCIPE DE NON-DISCRIMINATION SUR LA
BASE DE LA NATIONALITÉ AU NIVEAU EUROPÉEN ……………………………… 73
Chapitre I : Le principe de non-discrimination sur la base de la nationalité en droits de
l’homme ……………………………………………………………………………………... 75
Section I : L’interdiction des discriminations (article 14 de la CEDH) ………………... 75
Section II : Droits sociaux et principe de non-discrimination sur la base de la nationalité
……………………………………………………………………………………………….. 79
Chapitre II : Le principe de non-d iscrimination sur la base de la nationalité en droit
communautaire ……………………………………………………………………………… 85
Section I : L’interdiction de discrimination en raison de la nationalité (article 12 CE) ….
……………………………………………………………………………………………….. 85
Section II : La prohibition de la discrimination à rebours ……………………………... 90
TITRE II : LE DÉCROCHEMENT DES DROITS ATTACHÉS À LA NATIONALITÉ ET
LEUR ACCROCHEMENT À LA CITOYENNETÉ EUROPÉENNE …………………….. 94
Chapitre I : L’accès du citoyen européen à certains droits civiques nationaux …………….
95
Section I : La liberté de circulation et de séjour ………………………………………… 95
Section II : La protection diplomatique et consulaire …………………………………. 115
Chapitre II : Vers la citoyenneté européenne de résidence ……………………………….. 119
Section I : Les droits politiques du citoyen européen dans l’État membre de résidence …
……………………………………………………………………………………………… 119
Section II : Des améliorations nécessaires pour la citoyenneté européenne ………….. 128
CONCLUSION …………………………………………………………………………… 134
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………….. 136
Sommaire de la bibliographie …………………………………………………………… 136
TABLE DES MATIÈRES ……………………………………………………………….. 151