vie de socrate par a.-Éd. chaignet

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Chaignet, Antelme-Édouard (1819-1901). Vie de Socrate. 1868. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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Page 1: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

Chaignet, Antelme-Édouard (1819-1901). Vie de Socrate. 1868.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :  *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.  *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitsélaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :  *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire des droits.  *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateurde vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Page 2: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

Chaignet, Anthelme-Edouard

8°J

Vie de Socrate

Paris

1868

5352

Page 3: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet
Page 4: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

~s~ë~~

t~F

,;i~ ~é~~ ~HM~

h~i i.

'~OCRA'E~

!:j~[~

Page 5: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR:

te* fftnoSpe* de ta science d<t Be<M*.Ouvrage qui a

obtenu une Mention henorabie de l'Académie des

Miencee morales et politiques. Paris, <8M fort

volumein-8* 750

De h ~yctotogfe de Maton, ouvrage qui a obtenu un

premier prix de l'Académie&antaise. Paris, 1862,i volume in-S* S »

Page 6: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE

DE

SOCRATE

PARIS

LIBKAnudt ACAUÙMtQUB

DiBLER ET C' UBRAtKËS-ËD'TKURS

~5, QUAt DES AUGUSTtNS, i5

1868

Touldroitst~MrtC!!

3.\ PAR

d. CHAIG.NETT/Ed. CHAIGNET

-i!.M'ProfeSSM~do Littérature unciouuc &la Facutt~ des Lettres

de Poitiers.

Page 7: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet
Page 8: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACE

1/œuvre accomplie par Socrato est un des

plusgrandsfaits de l'histoire des idéeset même

de l'histoire générale; car if nes'est pasborné

à apporter un principe qui a transformé la

science, et si fécond que le riche et brillant

mouvement philosophique qui l'a suivi n'en

est quele développement sa réforme a porté

sur la vie môme, et fait époque aussi bien

dans l'histoire de la civilisationque dans l'his-

toire.de la pensée. C'est le père de la philoso-

phie (1),commel'appelle Cicéron, qui entend

par ce mot, non pas seulement la philosophie

(1) C!c., De Fin., 2, 1. « Socrates qui parens phi!oso-

phiEejnredîcipotest.~ »

Page 9: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

V! PRKFACE

spéculative, mais surtout la philosophiepra-

tique, la sagesse,c'est-à-direà la foisla science

et l'art de vivre. C'est à lui qu'est due cette

profondebeauté morale, cette inspirationpure

et forte, sublime et sensée, qui fait de la sa-

gesse antique la préparation, la promesse, le

commencementmême du grand renouvelle-

ment du christianisme.Socrate, lui aussi, est

un précurseur.

Et cependant, quand on essaye de se rendre

compte de cette prodigieuse influence,si l'on

se borne à se représenter, même en les enflant

un peu, ses théories et sa doctrine, on se l'ex-

plique mal.

Quelleest en effet, en peu de mois, la phi-

losophiede Socrate?Commetous les réforma-

teurs, commeDescartes,il commencepar une

œuvre de destruction, par une critique negn-

tive, ou du moins limitative; il part du doute,s

en se demandant qu~e&t-ceque l'homme peut

savoir? Il nie la possibilitécommel'utilité de

ce savoirintempérantqui, dans sonambitieuse

curiosité,embrassele monde entier, et semble

Page 10: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACE VIl

mêmes'attacher de préférenceà des questions

étrangères et à des phénomènes extérieurs à

l'homme; il affirmeque l'hommene peut savoir

qu'une seulechose,mais la seule aussi qu'il ait

intérêt à connaître, c'est-à-dire lui-même or,

pourmesurerl'étendue etfixerleslimitesde no-

tre puissancede connaître,évidemmentil afallu

instituer unesorte decritique dela raison.C'est

ainsique,pourlapremièrefois,l'hommeseprend

lui-mêmeet avec consciencepourobjet de son

examen, pour but de son éitide, pour matière

de la science;alors il est obligéde se séparer

pour ainsi dire de lui-même, de s'analyser

comme un objet extérieur, de s'objectiver, et

de cette observation curieuse du sujet qui

pense par lui-même,naît la psychologie, fon-

dement de toutes les sciences morales et de

toute saine philosophie.

Pour s'étudier ainsi lui-même,pour vérifier

l'état de son esprit et de son âme, détruire en

soi l'illusion du faux savoir, dégagerla notion

pure du véritable, l'homme n'a qu'à consulter

sa conscience.L'autorité, la tradition,ne peu-

Page 11: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

vin PRÉFACE

vent rien fonder de certain la raison est le

seul arbitre, le seul juge. Il ne faut croirequ'à

la raison quand il s'agit de déciderce qui est

vrai commece qui est bien (1). Acôté du doute

méthodique, voilà donc Socrate qui proclame

l'infaillibilitéde la raison, quand elle consent

à n'étudier qu'elle-mômc,et cette foi dans la

conscience,on peut dire avec Hegel qu'elle

est comme l'avénement d'un Dieu nouveau.

Obéir à la raison, et n'obéir qu'à la raison,

voilà la règle de la vie intellectuelle et de la

vie morale, la dignité commela grandeur de

l'homme; mais s'il fauttout ramener, tout rap-

porter à la raison, c'est qu'il y a en elle des

vérités certaines et universelles. En eSet, en-

seigner, c'est accoucher apprendre,n~estque

se souvenir. L'esprit est plein, la raison est

grosse d'idées; pour tirer ces idées des pro-

fondeurs obscures .où elles se cachent, pour

les contrôler, les vérifier, il y a un art, et cet

(1) Piat., C~t< 46., b. fM~t &AM?~M M~te~t.

Page 12: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACE IX

«.

art, c'estla méthodeépagogique,ou l'induction

socratique.

Cette méthode consiste essentiellement à

ramenertoutes nos opinions&des propositions

claires et, sinon incontestables, du moins à

peu prèsincontestées,~<x~x~f~T~o~e~cyou~efay,

et à les comparerà des faits si clairs et si sim-

plesque personnene lespuisse nier. C'est ainsi

que nous pourrons découvrir ou démontrer la

définition des choses, laquelle nous en fait

connaîtrela véritableessence,le ra~at~ey.Cette

essence des choses, c'est une idée, un univer-

sel, convenant à tous les objets individuelsqui

portent le même nom, mais qui n'en est ni

séparé ni séparable. Malgrécett~réserve dont

Aristote est, il est vrai, le seul garant, il est

évidentque nous tenons ici le germe de Fidéa'

lisme platonicien.

Socratene s'est pasbornéàfaireune critique

de l'esprit, à fonder une méthode à la fois dé-

ductive, puisqu'elle suppose les idées innées,

ot indactiv~ puisqu'elle admet le raisonne-

ment par le semblable,qui repose au fondsur

Page 13: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACEx

une induction; il a appliquécette méthode et

en a tiré de ces principesla doctrinesuivante

Onne peut pas savoirce qu'on n'a pas appris;

on ne peut pas pratiquer des vertus dont on

n'a pas idée; au contraire, ce qu'on sait être

beau et bien, on ne peut s'empêcher de le

faire. La fin de la science est Faction, et

mêmeon peut allerjusqu'à dire quela science

se confond avec l'action, et par conséquent

la philosophieavec la sagesse et la vertu. Il y

a plus, le bien, déjà identique au vrai, ne se.

distingue pas de Futile; car tout bien est

relatif, c'est-à-direa une fin. L'ordre qui éclate

dans les phénomènes de la nature, et particu-

lièrement dWnsl'organisme de l'homme, a

évidemment un but, qui n'est antre que le

bonheurde l'homme mais cette harmonie si

juste des moyens avec la fin ne peut provenir

que d'une intelligence, d'un être aussi sage

que puissant. C'est une raison, un esprit qui

5

gouvernele monde car demêmeque nous ne

pouvons nous expliquer les mouvements de

notre corps et les actes de notre pensée que

Page 14: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACE XI

par la présence d'une âme, principe du mou-

vement, dont la substanceet la forceinvisibles

ne se manifestent que par leurs effets de

même nous ne pouvons pas nier l'existence

des dieux, parce qu'ils se dérobentà nos sens.

Leurs œuvres proclament leur puissance, leur

sagesse, leur bonté. Non-seulementils veillent

sur nous en cette vie; mais ils nous assurent

auprès d'eux, dans une vie future et immor-

telle, la récompense de nos efforts, puissant

encouragementà bien penser et à bien agir

ici-bas.

Je suis trèg-éloignéde vouloir contester la

grandeur et, dans certains points, l'originalité

de cette doctrine.L'immenseserviée rendu par

Socrateest surtout d'avoirprbclana.éle principe

de la souveraineté de la raison individuelle

dans la science et dans la vie; il renvoie cha-

que homme à sa propre pensée, et inaugure,

on la pratiquant avec conscienceet réflexion,

cette méthode fécondede la recherche per-

sonnelle et du libre examen, qui restitue à

l'homme la dignité de son intelligence et la5

Page 15: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

xn PRÉFACH

valeurmoralede ses actes. Obéirà une loi que

notre intelligenceou repousse ou ignore, pro-

fesser des maximes que notre raison ne com-

prend pas, certes, commeil le dit par la bouche

éloquente de Platon, pour l'homme, ce n'est

plus vivre (1).

Mais néanmoins on ne peut nier ni les la-

cunes ni les faiblessesde cette philosophie.

Il est évident d'abord que Socrate n'a pas

formulé un système, et c'est avec quelque

peine et beaucoup de complaisancequ'on luii

découvre une métaphysique. On ne peut le

regarder commeFauteur d'une doctrine déter-

minée, arrêtée, dnmoins dans toutes ses par-

ties et formant un ensemble riche et bien lié.

Je sais bien<quece qu'il y a d'ondoyant et de

libre dans son enseignementa contribué à le

rendre fécond mais néanmoins il faut bien

reconnaître qu'au point de vue scientifique,

c'est une lacune. La puissancede systématisa-

tion n'est autre choseque la puissance de sen-

(1)P!at.~po!38a ô «E~i-cM~; ~ret <Mj)<:sM.

Page 16: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉPACE XHJ

tir et de faire sentir l'unité de la variété infinie

des choses c'est là le génie même de la

philosophie (I). On ne peut comprendre une

partie sans comprendreson rapport aux autres

parties, eL au tout lui-même, dans son prin-

cipe nécessairementun. Ainsi, pour Socrate,

Dieu n'est que l'ordonnateur, l'architecte de

l'univers. L'origine des chosesn'est ni résolue

ni mêmecherchée,et quelquesageque paraisse

cette réserve, il faut avouerqu'elle laisse sans

explicationceque la philosophie a précisément

pour objet d'expliquer le mondeet l'homme

qui en fait partie. De même encore, Socrate

ne donne pas à la loi morale sa véritable

nature. La confusion de l'idée du bien avec

celle de l'utile l'empêche de reconnaître à la

première une valeur absolue et universelle.

Au lieu de la placer dans l'obligation qui s'at-

(1)C'estl'idéequ'endonnePlaton,Rep.,VI,485a«L'âmeduvraiphilosopheestcellequiaspiresanscesseà comprendrel'ensemble,fetout,etveutétendresavuesurt'amversaHtedestempscommesurl'universalitédesêtres 'j'u/'pjttM~ufn)T<.B&cuxxttrMTO;Kne~p~EoOxt.6!Mp!<K<t~; X{MtM,?Kt<M;Mtù<t!e;.?»

Page 17: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACEXIV

tache invinciblementà tout ce qui est bien en

soi, Socrate ne la voit que dans le bien de

l'homme.Toutechosebonne est bonne à quel-

que chose,dit-il. Onest doncautorisé à se de-

mander s'il a reconnuau bien une valeur abso-

lue. S'il l'a fait, il est certainement regrettable

que sa pensée aitété si obscurequ'onpuisses'y

tromper; s'il ne l'a pas fait, il est difficilede

nier que sa morale, quelque belle qu'elle soit

dans ses conclusions,ne repose sur des prin-

cipes dangereuxet équivoques, et ne tourne.

dans un cercle, le bien étant ce qui est utile

à l'homme,et ce qui est utile à l'homme étant

le bien. Si l'on compareles doctrinesde Pla-

ton, d'Aristote, de Zénon, avec celles de

Socrate,on reconnaît que ces esprits ont cer-

tainement produit un système plus élaboré,

plus développé, plus complet, plus profond,

et l'on se demande comment alors Socrate a

pu obtenirle privilège d'unegloiresi incontes-

tée, et exercer sur ses contemporainscomme

sur la postéritéune si merveilleuse et si pro-

digieuseinfluence.

Page 18: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PREFACE xv

C'est qu'en effet il y a une autre cause qui,

plus que la beauté et la vérité des doctrines, a

produit ce grand ébranlement.

La vérité philosophique et abstraite, les

idées pures, ne suffisentpas pour exalter les

âmeset formercesgrands courantsqui entraî-

nent avecune force irrésistible dans des voies

nouvelles et la science et la vie. L'hommeno

donnesonCœurqu~àl'homme.Pour le transpor-

ter et le ravir, pour exciterson admiration,son

enthousiasme,son amour, il faut qu'il ait sous

les yeux la beauté réelle, concrète,la véritévi-

vante, l'idée, la pensée faite homme. Et ce

n'est pas sans raison la beauté de ridée pure,

la vérité dans sa nudité abstraite est souvent

trompeuse; la limite qui la sépare de Ferreur,

de la pure illusion subjective, est souvent dé-

licate mais quand on voit les maximeset les

théoriesréaliséesdans un homme;quand onles

voit parler, agir et vivre, alors l'âme est prise

tout entièrej l'idée devient un idéal concret

et vivant, le doute n'est plus possible on

croit, on'sait, on voit. Laraison, le cœur, l'or-

Page 19: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

XVI PK~FACE

gueil, tout nous porte admirer, à aimer, à

imiterce nobleexemplairede l'humanité, où

nous reconnaissonsnotrepropre nature, mais

agrandie,ce typeidéal,cemodèlepartait,dont

les perfectionsné peuvent plus nou~paraît

une nction irréaltsabl~i~ 1èon:t',ftbé

vivanteréalité hr,iéiiutiSocrate,et en cela

mêmeil se contormaità sapropredoctrine.

La pMosOpMen'est plus ~ur lui

jeu d'espHt, ~e distraëtïO~ ~t~oble

~hoMa~anB~le~oi~ pniloâopMët~de~-

viënf chMe~séneuseet së~ré éBe s~ë&tïSe

ai~ec''la.Pou! ~~tre']~ilo~~ ?'

Bmtdeux dms~ aimerles~hÓm~ês,obéir:à..

] .Bie#

~d'aia~d~B@c~b~~ .!es~fCêl'6f

~e]!t~)in~ 'e':I.

.jM~p~~pa~dï~~M~'e~'Co~ joies

~de'Ia~et~m~se~'dét~~ îcette

!nM~oni~sain~à'cien~ que!,le [mdyèn

~de~servi~les'~ptnN~de ~'i~

(i) ï~ttt.,~poï., sed &w~t)«H~je~ w'a~t*~s'

Page 20: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACE XVIt

connaître leur vrai bonheur qui est la vertu.

Hn'y a qu'une vraie vie, la vie de la science;

il n'y a qu'une vraie science, la sciencedelà

vie. La tentative de reformer la philosophie

n'est que la conséquencede la missionde ré-

formerles mœurs e~ conm~entopérer cette

ré&r~ed~gereusëptdïfScile, renouveler &la

~islecoaùr eti'espât, lesn~ et les idées?Y

Ce n'est pas ayec de beaux discours,ni avec

deteaux ii~~iqu'~ convertit les âmes,qu'on

évéilleenelles la honte de l'ignorance, le re-

m~sdela&Ute, Tat~ du vrai,

duhien: c'est par desactesetdesexemplës(l).

Socrate devait doncprésenter, comme il pr6-

~nt%en ~S&tdans son (~ractere, ses mœurset

sây~ en~ le~ l'idéal du vrai

.r~

~ïiên~eignement, disonsmieux, predica-

tion troulait-atteindree~p& voil~l

pod~ïKHil lui donna uï~ formehut~ faxni-

uëre,p6pulaire,basse.Ils'ag~8aitde<~nvaincre

(1)X6n.,JM~K.,IV.,C.tV,n. 10.O~~M~t~t!xwj<.<t'

Page 21: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

xvm PMÉFACE

les hommesqu'ils avaientjusqu'ici fait fausse

route; il fallait les prendre pour ainsi dire un

par un, et, dans un entretien direct.et person-

nel, les forceràrentrer en eux-mêmes,à regar-

der,npnsansunesprted'épouvante.leyéritable

état de leur espntet dé leur ~!ne,etles amener

à faire commeune cpRCessionpuNique et sin-

cère de leur ignoranceet de leurcorruption. Le·

dialoguen~estpas ici, commedans Platon, une

formeinspiréeparun sentimentdfartiate c'est

la ibrmenpcessa~e de'Ï'exam~n de consc~nce

de soi-mêmeet des autres, que le Dieua or-

donnéASocratede pratiqueret de recomman-

der. On voit donccommentle~nd et laponne

m~mede la pMpsppMe de ~cra~s~~ étipn

te!!]tentlt~ ~sa peMMu~ j~~ on ~~e

vit tmï'apportaussi int~ une lia~mbniean~i

'par& 1~,vie posit~vpe~la ~int~ll~c-

tueUë.Sc'c~t~~n~tpnte~

corpsetâme.n~ dans ~on~ns~rs;iln'eat

pas seulement]~CMS$~~ c~ela vérité il

en est le coniesseur, lo martyr. Cette ~cite

de la pensée et de l'action~de la dialectiqueet

Page 22: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACE XIX

delavertu, de la scienceet delà vie,principede

la doctrinesocratique,si parfaitementconforme

d'ailleurs &toutes les tendances de l'esprit

grec (1), cette unité se montre éclatante dans

la personnalité de Socpate: Sa vie et sa phi-

losophie, dit Hegel, formentun seul et même

tout (8). C'est aller trop loinsans doute,mais,

en Testant dansles limites de la vérité, on peut

dire qu'onne comprendra jamais parfaitement

.la réyûlutien intellectuelle dont Socrate est

Fauteur, si l'on ne connaîtpas sa personnalité,

son caractère,sa vie. La mortmêmequ'il souf-

&itavec un héroïsmesi simple et si touchant,

donna à son génie et à sa vertu ce te ne sais

quoi d'achevé et de sata'é.q~ en fit la plus

ï~il~ileco~~t la plus persuasivequ~l pût don-

jieraH~honintes. Onne résiste pas à une telle

éloqu6n~(3).

~1)OncMmaîtcettemaTumpqui leurest si chère

~tjjM'XTttM.

~)a~<t~Xiv,(~ 1%S a n e e « PUAHstoteleB,etomnisimdi

versam!mm~aptenthmturbo,pinsexmoribusquamexirerMsSOcraUstrax:Ls

Page 23: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

XX PREFACE

Ses disciples immédiats l'avaient compris

ils sentaient si bien~importancede laperson-

nalité dé leur maître, qu'ils s'attachèrent à la

faire revivre, au moins autant qu'à reproduire

son enseignement.Aucun d'eux ne négligea,

même en exposant des opinions que Sdcrate

n'avait pas émiseset qu'il aurait peut-être re-

poussées(1),de les placer danssa bouchevéné-

rée, comme si cela seul leur donnaitl'autorité

de la vérité, tant il estvraique somoeuvrephi- ·

losophiqueétait intitnement liée à sonindivi-

dualité.

S'il en est ainsi, on, cpmpt'~ndraque je me

soisproposéd~écnrela biographiede Socrate,à

laquelle s~attàchentnon~eulèmë~'4~ :~J.

cui~s~e~ lanob~ syj~~ les

grandeshgures!de~~M~toife~mais pui~I:I~ 1 mais ûn puisssnt

jntérêt.nioral~~et~plulosdpMqu~~h~'

Ondoitaiëm~s~étonnMque~~ inté-

resgant~tousIe~pMntsdevue, n~ jusqu'à

présentsé(hutperson~, mehEran~ môme

(1)CtC.F'tM., v.29: «ËaqnœSotfàtesKpmdia-bat. Diog.t. II, 45 SMx~Tx;a~tiMn);~t<&T<M.

Page 24: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

PRÉFACE XXI

ques.

(1) Les études abondent enAllemagne sur des points

patUoaliefsde cette biographie m&isje n6 connais au-

cun traTaUd'ensemMe qui les résumeou les réunisse.

En France, au di~-sepHLètnesiècle, Jepremier des direc-

teurs~del'ÀcaMmie deg ihECriptions, Charpentier, a

publié à AnisteMamune Vie do Socrate, et c'est,je crois,

làseuleMo~fapItie étudiée et complètequi ait paru dans

notre langue.

à ce que je sache, en Allemagne(1).Le chapi-

tre que, dans sa savante et originaleHistoire

de la G~ce, M. Grote lui a consacré, remplit,

il est vrai, la lacuneque je signale; mais, outre

qu'il n'est pas impossible d~etreplus complet,

les opinions philosophiques particulières à

M. Ctroteontinûué sur sa manièredeprésenter

les faits, et modiné, peut-être altéré, le juge-

ment qu'on doit porter sur le personnagelui-

menie.

ai donc cru utile de raconter, dans ses dé*

iails, cette noblevie, qui est à elle.seuleune si

grande et si pathétique leçon de sagesse, de

modération,d~héroïsmeet de justice, et'qui est

le plusbeau commentatre,commele plus so-

IM~~m~ig~age~de ses doctrines philosûphi-

Page 25: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SOCRATE

Page 26: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

1

VIE DE SOCRATE

"LE~S~M~B~

'~cOnSrïa~ès~anciens~,sont~üüaiiimesiànous

coer~açi $Ôèraien'al,tla*lt:r*len60È~jtS'il~!S~nQ~~niB~

ici~,4i

~q~~ait~e~~M~~s:~ a

tre~~ocratjtgu~s~~s~lettresqwuiso g~ti'~)Ët~

-< r~,usS:i<i~ 11,9,ty:ee

~j{!<~ le, ~~jse~')~~t~ ùt, ?:~I,S~s~ tidOrett"

're~& t J~$~t~S~~

i(~l)~~<So<H'< epit ltët8l5,

Page 27: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

2 YÎEDESOCiKATE

le tour sophistiquedes idées, les anachronis-

mes qu'elles renferment, les rendraient déjà

suspectes, quand bien mêmele silenceabsolu

que gardent les anciens (1)sur le documentne

le condamnerait pas.D'ailleurs~elIesne con-

tiennent aucun fait que npusneconnaissions

d'ailleurs, et semblent des exercices d'école)des compositionsoratoires, dont les faits con-

nus dela vie ou du caractère de Socràte ibur-

nissentle thème.

Maissi lemaître, parun instinct deprudenceconimun aux graMs réïbf~ oû par un'

goûtdelibertéquegênerait ùntextëécrit.ou parun méprisréRéchipourcettemémoiresourdeet

muette~de~l'é(~TtuEe)i~M d~crit~sut

sàj~rsohne~~a fyïeët s~~ -,iln'en a pas'été ainsi deses d~ci~ qui avaient

a~sié~sês~~a~~s!? paraxssent

~~J~av~~gard~p~ eg~âétedé,leurs

~~fi.~ouvëili~e~qT~ bzërim~inénous;ne Îë'

~Il~ëst.i~ë;I~banms~ ~Socr t. 1'l' p. 59,r'~L'ske)~~ës~~I~t~c~t~is'es~ lomd'~trepronvé~par

JajpËràseobac~ë dece~~d~ ~en~nlé lëtéx~deca~ ~ependant~cel~cprô'üvecïüelé're=

'<cûetFemsta~~a~e~~s'de~~bamus~ aum~

~{eclë~aprés.JèMs~Kris~~t~ -i~".o~JÏ~~t~Bv' ~vLE~i~c~sagt;

6itC[MM.ënoph. IY, 3;:2:e âXx~lv~nai1 ra aepèâ.

K~M;tSTH~aj/.t~u~Tt~~ctp~E'<ojt6'«i(~tY~~Te, etdaBSl')0-

Page 28: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LES SOURCES 3

verrionspas par l'exemplede Platon et de Xé-

nophon, le bon'sens nous assurerait qu'en re-

pEOduisàntsesenseignements,ils n'avaient pas

négligédetransmettre tout cequ'ils savaient de

sâpersbnnalit6 si curieuse, s~o~~ si bi-

xa!rrë,et S laq~ ils attachalent; a:véèraison;

un,ëimp6]'tancetsic~~

Quel~~nt' 6t~ ces ~iog~apnesgrecs de So'-

(~L~s~ plus~ sont évidemment

Ptatd!ti Xénopnoh,.ses contemporains, ses

disciples,ses àmis~sur les~ëIS~ niIii' p~sbé-

sëia ;-n~~{~drë~ ~Mà~~ les d6-

tai!&S()iit~ di~êniM~s~ là dans ceù-

:l~s~

~l~e e~ ét~nt téun~ et rapproches~ de

M~~~tituep;nne Mograpniecomplète est as

s~êmeiit'regrettable queni Fuhni rautre n'ait

'i)I~~d'é~ii&~ vie' d'un.-homme

~il~~aiss~ien~ êi"ü~,i}$;'f1iÎ1lâiënt.

~~eildBË~ni~i~~ p,El~'(pl~Eli~lld~AI1tis-

th~ê~I'~

~ë~p~~qu'ë~ soiri ~qui

n~~a~it~ép~gn~~ ,~i~~c~soi~pieux~qüi

~d'iMcei'tt~ q!ios ~úviag. si

n~mbrëu~~ëpe~da~Mnttou~ et que

:~të)~i~~it: ~f~ ..p.Av~.el:r~Ó't~~qe mot ne

~j~Èlit,danslà p~ q~& Socratelui-

m~~ àt~ij~¡OU,c'est-à-di:reàsavie;

Page 29: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

< VIE DE SOCRATK

nous n'en connaissons guère que le sujet et

quelquefoisle titre. La premièrebiographiede

Socrate fut due à Aristoxène de Tarente. Ce

savant, à la fois mathématicien, musicien et

philosophe(1),avait eu pourmaîtreet pourpèreun musicien, célèbre lui-même,nomméSpin-

thare, qui, s'il faut en croiresonfils, avaitvécu

dans l'intimité de Socrate(2)c6mtnedans celle°_d'Épaminondas(3).Lesnombreux purges de

ce polygraphe se rapportaient &la musique,

auxmathématiqu~s.àIaphilosopMectà rhis-

toirë. Outredeg mélanges~ divers.'Ses travaux historiques (Mmpr~~t. t~sërie de biographies (4), parmi ;1~~ sd

trouvaient.~celIes~de~Socrate~~et de' Platon~8

la/première 'it~nous''reste'quelq~~

épaïs'màis.~accent;marqu6< '~(

~e'~oM~tqui~pe~

~p~.autant!que'lesiMts''d~

;Vrai~~ dt~<d'es~i.

.1); :¡;ffii'f.¡"

~S~(S~ 1~,et..I~fai>`iLede

"0,r:I,I'Vl; "l,r':1' "l '1"1 ,¡,~~<<M.L. MaJtae,~AnMteniM!]T98,&.~Â~s~x~<<0r~~

t. n, p. 280, M. SDid~: f~M~tYst~ «aTta~~x

2BO,àd. làidot~t~~Ta~~TM.MTttIt~ ';¡

~P~~jD~~Û~~See~XHn,N~i"I h~.t~ ,~f~ ,~¡.¡.p~i¡"~i:<(4)BtM<n~tM.NomsavonscoBservcMuisHTMs<~ses

~e~M<s~'A~wwm'e,ctdes&agmcmtsétend~sdeso~~jM~no'M'surlerhyU'me.~

Page 30: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LES SOURCES 5

decaractèreest signaléepar les ancienset prou-vée parles faits qu'onlui reproche. Longtemps

discipled'Aristote, dont il avait espéré être le

successeur,frustré de son attente ambitieuse,

et voyantl'école du Lycée laissée à Xénocrate,

il ms~t~le maîtyequ'il venait de perdre (1).

ëiAri~e~ soutient qu'il n'a jainais parlée

qû'eH~mes honorablesd'Anstote,ilestcepen-dant Mpïen~eràreebhnaître qu'il n'y a pas

moyend'ajouter foià ce qu'il nous raconte de

Platon- Le philosopheAdraste d'Aphrodise,

cité par~oclus, nous dit en enBt~ le ca-

ractère del'hbnmie ne pard pas"'desqua-lités ~e*son art, qui repose sur la douceur,

l'harmonie et lamesure, et qu~l sacnRait tout

au plaisirde direquelquechose de nouveau(3).

Ceqn'tl nous dit de Socratepeut en effet-pas-

së~p<mr teL et a paru, &bon droit, suspect à

M~R.e~~ene~~ Grote

'~fI~SMMl:T,M~~&M~tm. 'g,~

P)AT~t~.Vn,De~&t~7~<Bp.XV,!C.M~Âpt<~t<tU~

T~ i~BX~ CetÀas~és deM~s~ i péripa-~~ent avai~iMS~d~Uvi~~O~il faisait,l'liistoire~'etoust6sphilosopheset déÏeur&opinions

~)md., t~ Tïm., é~.Gous., t. lïl,p. !?: ~t t&s.~

T6tB~A~M~ ~M!)S!t~a~'&MtA.tee Tt~N?9M~tMtM~tMOM;Ompeutapprouver!a leçondeMeibom,quilit. danccepassage~te;,quoiquetetextedesmss.puisseêtredétendu.

Page 31: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE M! SOŒrE6

a ~ouiu réhabiliter un témoin gi partial et si

passionne.

La biographie de Socrate futl~objet d'autres

travaux nombreux sont

ectièt~eD~perd~ ll~.Jip~

que~enta mu~Ms~

'de&te;~

/dë~ce~~st~e:ns.~e~ép~ a 1e -d

ON~age cpmpi~ t,rest ~ptre

phil~phe~u~er~~a;

pac~Qg~~e~ ~s-

"loi~pl~~bp~no

r~g~~j~ ~i~aHï~~[saû~~6~~

~Qt~ven~M~

~a;

~NaSM"S

~M!en. y~e ut ces

~Irt'T~~Ët~S~

~û[~ë~it~a&~

(2/o%. ~g)'PA!7M., J, p. 3!. Vossms est. dahs !a

Page 32: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LES SOURCES 7

cet ouvrageà Alexandre de Milet, il aura pourauteur ce fameux Polyhistor, connu et célèbre

poursa profondeconnaissancedel'antiquité (I)il vivait du temps de Sylla, qui en fit un ci-

'toyen.romain~ietlui; donna sou nom Cor-

;n~ms~

~BQnn$~eSai~s,~ vers ayant J.-C.,

cite par PIi~e,Plutai'que, Athénée, et auquel

Ctcérondécérnece courtmais bel éloge TtOMto

in ~MN<o~M~îH~e~(3), avait écrit une histoire

dës/pemtreset des sculpteurs

Ido~Bnpëde discipled~Êpicure,

danë~affamiliari~ vécut de3¡0 à 37U

a~ ~j a~ ouvrage sur les

~oc~q~es, n~ pârPI~tarq1le et

~nenee~

~avc~n d'A]~~ né sous. Trajan, outre une

~Msj~nive~ riav~rodx~ri,,~trrop~a,,étH'i~ ~~p~r~é~i~Ae S~Q1:ate;S~idas

~~ût~ cés termos ""OÂtJ¡MJ.~IIÇ<&T~

~~txôcoWiacse~te~ir

d~u~, ~tl~nps~attri~ àlunÁlêxlUl<l~d~&gè3,pr~cep~F~N~Ma.J~" 'i'

(l)Su.êt.,~t!<~a~m.,c.~ ~GorneInt~Atexan-druM,gr~mati~m~ qJ1em!propterIlDtiqui~te~~M~B~~atMBmm~i~~ I:listol'iOUlll'Yocaiit.

(2),S'~M~~.~M.,X,388.(3)~p.ad~M.,L:YÏ,6p.l.

Page 33: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIBDNSOGRATE8

Je ~~c!/ ~«e~M~quoiqu'il fûtprofondénient'versé danstoute espèce de science, et par-ticulièrement dans la philosophie, il- s'était

surtout consacréà larhétoriquë.

DéaM~us~eBysance, ~e~

l'ouyragëtSur~la~oési~ë~~es~~o~~ S,

~do~e~soN~~o~~ise.~iogè~

~ÂTisl~e'Ë!yTë~ disciple W j

Socrate~su~Igqt~~u~< rensëi-~

gnementssuspects dang son ouvrage ?

7Ma?6'~es~cts~;<

Ion=de ~rüo,pôète; phil~soph~éet historien;

~qu~h~îe~ à`Ath~itesve~cs4~'O;avaut;J~ésus-

~s~c~~e:parm~(]E! Mëmones

~~iqu~enj~ ~ans dout~ ~é

;gu'~)n~c~ Pér~clés':et~'So=~

~()n~e~~a~ Il xie fai~t-.

~S~M~MMMSMNMo~S~

~X!y~ Ton, mt~rlôcu-

~s:të~ dé ~PZatôni~c~û~éla~i d'É-ui~d*"I'ne, e

~6~5~

~i~p~ ¢u~femxne~deSo~das; d'Épi,r

'<aM~ui~ ôü d'Égypte, ,il'après

~tl~ dès mémoiie's:oüïnélaêgés

~~his~jor~~au~ sortes dé -matièr,ès,.qûi:

~rm~a~~ ;e~ritréht~.tr4isis

~1~ 835. :.f ~j'

Page 34: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LES SOURCES 9

1.

livres~très-utiles et très-savants, dit Photius

qui les avait lus enpartie (1).

Satyrus, le péripatéticien, spécialement un

MQgrapJ!i$~ par Athènéè;et saintJërûme,

'~danss~ de-sonr biïvragèsui lèsécri-

'~a~tS~eëlësias~ues,~ un~ de

~~talen~

~~rô~ et con

tëiQ~Orai~c~&a~ nom:méet

Nutârf~e~ ~Ëa!i~ iivr~ sur rA/s~,

la~ë~s ?.3. histo~iquèsmélanges (2).

~~H~~p~B~i~~biogràphe5èité par

~1~ Flamus ~oséplie- ~la

~në~e~ (3)~.tIJ. est èertài~iqu'il

,6Fit~lâ3~ .h.étiphrëstè, èt comme'`

s~n~Jéi'Ônien dit queson.ouvrage,~s'éten-~~ai$~tou~d~~rsonMgës'il~ .leur

~ïrg~s~ té~iérité. decôn-'

;j~ ~.ëgligéâ'écrxie~lame.,d~

~S'

~S~~1~~ de Rhodes, 'd~me~ëné~

4

~o~~d~~ni~c~B~ sembla~lè:~i~célle d'Â-

'$~

't~M~~~i~O~Y

"Sj~Ï~.8~

(S)Et&ccilcdéSoHcind'Alexandne,queDiogénecite

Page 35: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

tO VIECBSOCRATE

HéracMe, qui avait fait un abrégédes bio-

graphies de Satyrus.

Philochore, Athénien, noaMnépar Plutàr-

que, Auin~GeUe,Harpocratiûn, TertolUen)s'unt Clément avait écrit une histoire,com=plète de I~Attifpiejusqu'autentps d*AnMo'[d!i~

leDMu~J,~

ApoÙ~dore ~Ath~Nes~gramntainen~ dis-

ciple d'Aristàrqùë et de PanêtiuN; dùtt~ sa

~?0~ en (rois livres~ o~ J5~ <~&

~y?~ qi~e avons 0 louer-

vée~il~uci~Ai~uJ*G~ Ntent

tti~~ ~i~ïe~t~~ noU~~aYoniB;perdai~

DMoysodore~dë~~~otie, ant~j~MB~~~toi)pe~de~Chrè~juaq~ de~Philillp~,

que men~onnejDiodprede Sicile à la En de

j î~qa~izï~ctt~~ï~iur1"épo,~

~~j;; qup~~i~ ~j ~iy;h~~r~ ~t-~t~

~j~~i<Jt~~ Z`ilyér~â~l~,~ntempo~~ d~

!~i~~h!~p~av~ hü' dEgraves rÎériiôléa~,'Phü~

ij~ d'étra,I~

qU~J~900~â~ dé' ~1-b~èphe,é~ lé

co~6r~~ s~ ne hdest pa~e~ L'ouz

YNgeqia~Ct~eDiog~neétait uneJ~&M~<~&ï

coMrOM~c'~t~â-dir~despt~ qmi.av~ielii,,

en~idée~pprtélacCsa~

daMnneWtr~parHeA&j~ tt&tM~~mMaqt~&<!êr~tainementeornsnIMe<huMtMttes~

Page 36: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LESSOURCES H

Le célèbreDémétrius de Phalère, disciplede Théophraste, et qui avait, pendant dix ans,

gouverné Athènes, outre ses traités de rhé-

torique, de poésie, de politique, avait aussi

éprit des ouvrages d'histoire qu'allègue Plu-

t~rque aussi bienque Diogène.

En6n, àcesautorités quidonnentuneimpbr-tance considérableau récit de notre biographe,il convientdajouter Porphyre/le célèbredisci-

plede Plwt~ti:il était ra~teur d'une histoirede

la philosophie,en quatre livres (1), 6'équem-ment citée, et dont faisait partie le fragment

étehdtjiqtj.e nousavonsconservé sur la vie de

Pyth~ô~e. Le qtia~ livre était consacréà

~'1&~ et le troi-

sièmecontenait la vie de Socrate (3).A l'aide de ces documents ainsi autorisés,

et en proGtftntdes renseignements dispersés

d~sAr~b~lTit~u Ci-

(~roB.A~-G~lIe, Apulée Maximede Tyr,

npus gérons pouvoir présenter un tableau à

peu pr~ complet,et sufËsammentjusti&é, de

la~deSocrate.

(1) Suitt. <~«.~<toT~Mt.Cf.Eanap.,P~otetK.,p. &;En8&b~~rëMM.l~.

~)CynU.,p.JMKaM.,I. VIH.

(3)Thé~or.,TAcrap.,1.1.Cyrill.c. Jul.,Vl,p. SC8'Danscepassage,PorphyMcitelui-mêmele témoignaged'Aristoxème.

Page 37: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet
Page 38: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

't't~

~j~pcra~~aquit à Athènes, dans le dêmë

d~ :qui~fai,saitpartië dë lâ,tribti A~itio=

Ôn's'accoïdë générâlecrient'~àplâèer' la

~e~a~ an,néë,~?ela T~eolÿmpiadé~

qu~CQrrëspQndàran469avant Jésus~~ et

iënseignemèrits;.plusnômbreux~què

;~cëEf~a~~n~ t1~ër am

~mois'~]rg~~ le (l~~amiééattique,

etiqpijrépON~!6n!partiej n()tre:smoisde mai.

S~ce~ë~l~ë~~ èst e~aictè, ïL,aerait v''n&~

'c~h~ de I?émotibn, et' dans l'unée

(~~m~n dê)j~~ lés ,cillés grecqtzes l'Asie

mmeu~, e~as~at~l~ indépendance sa

graRd~~c~S~~?~ à

1'embc~c~ed~ .1'.Eiiryméâô~(1).

(1)AppllodoM,danssa<?AroKo~te,etB6nletriusde

:2;1' 1

SANAISSANCE.. SA FAMILLE.

SON ~pUCATION.~ SON TEMPS. –-$ES MANRES

D~NS LA PHILOSOPHIE.

II

Page 39: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

~4 VIE DE SOCRATB

Socrate naît donc à la fin des guerres médi-

ques, et la première partie de sa vie tombe à l'é-

poque la plus brillante et la plus prospère de sa

patrie; s~il est contemporain de toutes les gloires

qui iUustrent Ath~ne~, sa~Ule~ est attris-

j~Phalèrë,citësparlMogê~ëdeLaërte,lt, descen-

dreI'~Bnée dé I&~nMs~ahce~là ~d& lai~ OL~et cette

dat~, adoptée par Diogèhe.estreproduit~p

(5~ WII, I, I)et ~e~t~ il, 251.Èlleest

certamement inexacte, car s~Socra~ né eb,4B$,il

n'aurait pas eu, en399 (0}ymp., 95,1), date &pfitt près

<~tain~desamort~i< 11,~ Diod.Siç ,`XIY~3'ï~es

~i~M~t~t~e~ luî dtii~nè'Plato3l:(~jqod.a

M,e). On~ dpncoKtj)g6!d~ d'~inâi~à lü 3a-~

année, et si l'on a~mètqtie le jou)' de sa natSsancejn'é-tàit pa6 ~Oulê a~n]<~ùt so,n~ en

en :en~ril~!dàas'le~mbt~)~~ 'ir: fa~~tjasqa'à~i~tiù!c~s~a- place_r,éu~~7Q:`'

~og~l~ Pl'ês I

.Ct<pt~s;ha~ oQnnmal'arclionte épgn~mp

''ae~a~annëo~e~est~~ec~~ r'ele`véë

')!u~nS~ `~tï~i~`, ,i~ ":rr "~l~ et ar"-

~(~Kq~~n~ ~dn ri~~ à Iâu~

~S~jl~f~Mr~ =de l'axign~o~®(l~tlc~efpt~ipt.h~< ,rnft,sâ~çit,~r~;T~rapscv'Â~iruv

:< dô&~en~'l'

.P~<M'i~~,dë.'domze,an~,id'~&~MeMr8i~B~~.cbnclutql~e.l,epassagtsdA

Biogèn~est mùMl%1~'atchonte~p~ny~ d~cette a

éta~~êa<sonâ]teq~ croit qûeSq-

.crate~est:n6:;j~d~ leiztimcîè~àr-

chonte de la 3ecarnée,où je placela naissancede notre

ipIuloBOphetL~Co~~ de l'enniversabr~ de ëette

Page 40: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA FAMILLE 15!5

téepar la guerre du Péloponèse, et les consé-

quencés fatales quelle eut pour le bonheur et

l'honneur du peuple athénien.

Sa.mere) appelée Phénajfète, grave et res-

pectable fènimQ, était acco~~ (1). Sophro-

naissance, ~ec celui de la Naissance dé Diane et d'A-

lexandre, a dë!~n6ouverture à quelques scrupules, qui

parattiont plus'àutortS~sënGOre,siF se rappelle que

les legëiodes~ de la pintdsopitie aléxandrine aimàMntà

oXpr~t&Brsous cette to~më~s~ le des

~Md~por~tin~~ l'tiiSMM,et Tensatënt également

na'a~~ejo&rtdelanaissance~d~ &{ÂxoX-

~t<(CM~tnp.<.P!a<e.l).

!~K~~ed~~emtaM,<lahS S&~sset de:teo-

j~ -~s~X&t qC~ ~yMeMus (CaM..jBtte&Mt.,

M);jd<)naeiriDg~&q~~ Spprate lors de son en-

;M~eR avec Parm~ grandes PamathénÈes,coh~

dut qu'il ne peut être né m dans la 3', m dans la 4'annëe d~he Oty~adë; pnisqie ces 'fetttSavalent t0u'-

J~~ i~~a&ns tia~ O:l3Jnpj",(i~.Le

~h~~t~~t, maisc'pst~sNppOs~

réa1il6très~-con-

~tost~cet~' ontre~uo,~et~~en:~'outrë~ att~dterà

,~1;ag~g~tâq~ vtéiribinJ ;'ë~'gn~et.St~âl!i~)c~ bës~psbâ, uiae~nnpof~~ce

ex~sstve.,~9~expre~si~ns~:<le~~I~on~~)M~l~S~e,

;2'?~e~ ~'u 'T<{~në~~ cé

~honibretno~ù~~ ;s,t~t;: ~el1er~.l5i,é

~A~II,~p~ ~j

ad

l

~~iÉ~ro~ c!;ttorvitag

sea~T~ëNsu~i~~c~ a1ppei-

~lat genëN~am' e~~<~p~,ilt~dicaS ~est une mais-

'tresse'femme.

Page 41: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

-VIEDESOCRÀTE16

nisque, son père, était statuaire (1) c'est ce

qui lui donnal'occasionde faire remonter, en

plaisantant, l'origine de sa-iamille à Dédale,

héros de tous les sculpteurs (2),l'artiste my-

thi<~e,etlepr~ di~inde-tous.Iesariistes:

II avaitun~reut~ nommé~'âtioclés(3),,fils

d~~cei: :on

~ai~~n ~'cë~p~On~ ai rcen'est 'quâil

a~pëu ~~utpour~s t]~~ g: c~'esprit7~et

poù~ila~~u~jqn.pluMsopIi~ 11 est pro-l)âMëq~~SO(M~x~a d~~ 1emétiër âe

''soË''p~r~Qn;'i~ groupé des

~Ges~n~vo~ev~t~~

etcpl'ony~on~itencf) son--aeimre

â~poque~e~~samas~ ~es-témaignâges-

~~u~a~~et;~ Dygéne,, nous'àoons

.ceux~~e~HinjaR~ à'toutss;les

~~l~e~të~ .acéôledû.~nam;de

,at~& ou Épipha~tet~~os, flc~~M~S~~Ël)~ luü donné

`~Per_

~M~ r

~l~N~les ~édeams

~ëe~i~n~es! ~lyrar~~ua

~MM~Ë~~S~~\(3}~lat.S~e~f 8 ~~oçh~a'SEx~pro~t.jtti-n

~g~ $P.i~IaS` a~P.de Platon:

~iM~S~ qu'Hemster

hujs (Luë:~r~mn t 1~)$`o`~d~~éi ~~eaueoubëe

sonêffël~~ l~at~roal~sGtt~"par"liâë,H'zst `nat.,-XXXVÏÎ, °,~?r

Page 42: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA FAMILLE t7~

ajoute celle de tailleur de pierres, ~o)<~o<x(1).

L'historien Doui'is, cité par Diogène de Laërte,

coiîËruïe ce fait, et veut même qu'il fût tombé

et~escla~ag~ n'èst pas possible d'après

~~Mt~iq~Sl~a~pr~ q~è ce récit est

~S~!)~M~ ,'Phédon

~S~qu~l~~fërtunë ~de la guerre a v ait, eh

~2~ L. 1'119. Les

t O.rat.

1,'V, ~~e;c~ c (l" :li~?~e~ôl~A~istQph.,/l~P~p. ";TheodOr: 'CynU.

/'a~J~ÏI,~ë.~Smdas~ =.

ti~faut cjB~ë~~ remar uèr q~e ni Plàtôn, ni Xéno.

,phon,~ni'~nst~~ e~'font~sucpne,mention-de;ce

~t~ n~is cel~~<~e)~Ë~ 1'6-

poqae où il~ont cdn~ Socr~ite',üè ltinguès annëes qu'il

~a~aitrër~cë~~prpfessi~ ëtqd'on~MaitoùBUésoN œum'e.~MëmerSdoute encore (t. 11, p. 349),

parce qn!~ :adésaçcord description du groupe

fatt~paM~ :d'Aristop7iânéèt cëllo :qûenoü'sen

~~do~aUJ~i~s;~M~e~ d'evrait sur~

~~rj~ags~ a~ûtenr Pli~ie;s.(H

~?4~p~~a~~ d~Â-

~~U~s~it~~bnip()~'et,~h~it~s m~prqp~a~~

~atMis~lë~uani~pictor, ùt, àliqui,pûtant.~»' Pline

~~pa~pas~q~.S~cr~ :rieçompre-

~q~u~'pMo~~ unvèrtista. $ttibéè

~ous~rf~~ptû'N~ qù'illpî~étaà Soccâté, et: qui'

:it~~usu]~~à;d~es~ inur ùn'ryhà`qui

j~rQcUgtitit~Mti~&bQi~i~ !Gt3ata~t a~ira~ard

~6raUte8~~?S)~dit sois-tu, lnidit-iî)to~qut,dê8Gf&cësqui sont viërgeë,fais de vraies courtisanes,'

Page 43: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

18H VIE DB SOCRATE

effet,réduit enservitude, et peut-êtreà quelquechose de pis. Gefut Criton,suivant Déntétrius

de Bysance,qui le tira de sonatelier et lui per-

mit, par sesgénérosités, aussi continues qu'a-

bondantes, de vivre dans ce loisir à

j~n~ssjonqu~ s'éta~ imposé~ ,i

(H~ait~i a'v~~té par.9ë~aol.ôntédt °~'

vine. ~s~ de SpinH~ë.(l~les ternies e~loy~p~I)i(~ .~ppori~fqüê

SQcr&te au~it été1,

~tq1ïë:

..f~e~~niër~q~

~~ire~'lë;'plus'gran~~sa~~

trm~~SB~ ôn.pltis

qu~istidë;panvr~ Iousdonnex;

outre;la~itt~ ,é~-

:p!tE~jde~nj; s'éléu~ni; la

s~iai~l~' quului éùraië~ft~t~.âv~ri

'céés~,(~ton~ ~L~

~(l).~C}~jS~i~

'·;

:~Rei!le~c~ct& ~p~i~~· c~otï~)~p lütar

;1~e:Ma~j~~ë~ I~~ r~S.;ia~~`~ét;r~P"

:ë~

~a ,i r

~N~a~j~Sp!MM~à&'i~ c Ly=.Dio~~r ~11~,20.=LÜ~aÿ

.~s~s~~(o}~ Socrate.'(éd'Reish~,~r'<)r~~c! or~toiëé?`etpeût-i~Erë}fta~jtc~~o~MsMq~e,~au~H~ né fai~kp~asëttaeher.~ie

;enrj~?M~ rlb

~sonpë~ineS)qn'tt!'prê'ta''âl''ùhde~~ ponr

Page 44: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA,t?AM][M.E. 199

Toutes ces assertions bizarres sont contre-

dites par l'autorité de Platon, qui fait dire à

Socrate qu~il a vécu dans une extrême pau-

vreté, %e}'p/~ (1), témoignage GonSrmé

par XénoDhon, suivant lequel la ma~on et

-~i~y'n~ son maître étaient

~~S~~ .à moins de

~0n tenait m~ eu dérision

~<n~e~~s~:cp a.

reMi~pau~re~gue~ le un va-

i nu-piëds(3)~~p~ ~olé dans

leg~au~evalo~ët que cet~ ami perdit dens de mauvaises

spëcui~o&s.~Socr~ ajoute-t-il, sapporta avec fer-

~et&~cet~~e~ lamàis 1?iogëûe,'11;,20;est ~~s!Cëinp!~t:S~a~en~~ commexiçant,dü.-il;gâ-gna Keaucoupd'ajfg~n.tdans ie commercéde la.banquea intérêts~ pu~i~ I~pjet~it ~aËs se laisse)' décourager,il en IiasaTSatet le perdit encore dans cette industrie

~ncratMe mMs~éj~~» Commentleperdat-il?F~réret

;!('f~XI.(% p~243) que;ce~fùt~

,j~))a~u~~ ~è. pas~un'mot'de~~cëtte

~Mit:[NeM~t~ de, auquel~re~yote~~

j~jt~~â6~ien~``

i~l!J~~ :'l~

1:(~(l~t.j~~ ~gIII,~ c.3I c Î.

~n~J~.8t~l~ ~avu~fa ,~ux'r~~sv~ç

~i:Ï~8! ~S)t~~ amiçïs

~i~Mb~ ~sug,ùit i pelliu. si numxnos

~e~j~ 3l~ub.,v. 93,,pa~lant dela ,~ai-

son.Os.Spcr'a~ diminutifs .bpas-ù e~pvoy

~~TtST6l~[6V. ~L''

EuFpC~)Bp&P ~ao~a,p.,Mt<t&t~)t~~TMtrrM](.~a~te~

Page 45: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

"un festin, quand ~i~ venu son tour de ehan-

ter~te vase d'argent ûùl'on versait le vin (I).D'amendeà laquelle sa fortunepersonnéllelui

permet de consentir n'est que d'une mine.

En6nle silence sigmncatiLfd'Aristophaneest

une preuye négative assurément tr~s-&)rtÊ~

car, îhontrerun sage, et Ie~I>lus:e .des'llomj

nies, commençaipg~e<

un~bàtiqueroutier.es~~in~

maligoe~eAt point 1 j

a la situatiph modestede~ sa ~mi~

~J~Mr~~S<:e~~e~T<!KMt'

;~Je~ats'ë~aYaM~~bé~e,~i~~gt~ux~~'a~ni

~Ê~dans

la pMM du F!?wa~o~ l'mtroclmsait

,1,SM~ râo'`é

~'r:fou des

~~a;]~t~~tl&'s~f~ r~s; ,û `es fana-;douté

~i'6~ ^V~rtÎl,.,avoir'11â1Â

~t:~& ~â'~l'fal~~y, ~r D118rB~

f

.&

~ei~~ P~éâ~, p 2~9 g, et Arsstô~ha^ûe~3. ~i N"

'L~~t~~M~

lnsriom sur

i`R.TO~ r· f

j~h~

Et!tiet~ ~pôç z(rpxvr,niv,v~mv~c~eÿ~tr.

Page 46: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON.DU<SA.T!ON~~ 21

Socrato reçut la libéralp~uca~ion que tout ci-

toyen d'Athènes était b~par la loi de don-

ner à son fils (l).G'étaiënt~la gymnastique et

la mnsi~e, (~est~-dire~ tous 1~ exercices qui

développent et fortifient, Ie,coEps etresprit; il

~f~vid~nmiënt j~ la grâmmatiqûe,

~<tx~ qui ét~it~~ et une. cori-

;ditioi~ préalàble~~et il .ré'dnie aux deux

autres, ait et par-

faite d~unj~uneAt~émëR (2), ~<t~6.'cf,

-e~tf~<&<'t~~t<!t.'r<x. ~r

La gratnmaire, qui devait son nom à la con-

naissant purenien~~mBG ralplialiet~

pour l~s~ la~Gt~r~ de' l'écritur~ âp t

pris]~en~ÔLmtepln~;h! ïmportance e.,t.~z~a

~~(t)I~~ë~~50.d. 'L~

(3)Xênqph.Lac., It~ Aristoph.M.,

18&R~ b; ~éront.; ~'ürc.

;J'J~ F~a"~eriicfulumrxnlitteris,3

;~j~j ~c~~a~sj~s~ ~~l~eram;S<~e~qH:Hn~ w

~Îlec(eaid"ebo.gŸ ~,ic

C!(t:mm~ntse'~i~ qri~Pôrphsre (~éôrd G~cor. a/ect:

~~<C~i~[I~-p.jait-~cfaleavàttete~ mal doué pnr la neituié, enmal M~v~~~M~ ~nxy,r~,qn'il ne savait ni Bi

ecnre,mp~rl~mê~ nette,piopt etbredouillait commeun enhnt~an~~n~snr l'autorité d'Âr!stoxène

qu'il rapp&rteM~t~~ pas Faitpour relever lavéracité de cetê~Otn, quoi qu'en dise M.Grote~

Page 47: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M VtËDËSOCRATE

plus grande étendue. Les livres, dans lesquelsles enfants apprenaient à lire, étaient les plus

grandspoètes de la C~èce,Homèreayant tout,sourcede toute sagesse,politiqueet religieuse;

-pMsIes poètes moralistes,Hésiode,Théognîs,

Phocyli.dë.On&es~pas a Iës lëuTfaïrè

~j.e~~appréndrë~p~~e~ à'lâ f ptiûr eri

~M~n''pénëtreî' âinés; qûi=dei~aie~tt~ÿ'

trouver,larègle del~y~eniof~ (i~e~par suite

défàut~d~ ôn lés 'dictait aux

ée~Iie~s,et de là on arriva facilement, non-

s~Ule~en~~ u~ ïnais

:~j~~B~~ëxplicati~ "Plus,én plus critique et

[ gr~m~àt~~ des textes. ~ui~ tenait la mu-

:sique,qu~~tait~l'aT~ dechanter~de dànsér ët

~de~l!a~rë~ ''G~flûté ~était ~à

~ËeneS,~au~moins~~ fë~médé l'éducâtion

la jeunesse; et d~daignéus~m~n~renvoyée

~Béoti~ Lésppéte~lyryi~s devénaiént`

~T~MQrs~fl~etu~~ ;a~ehë~â~ërit,é~par

~leuTs~~du-eM ."é~~5a~ë~ei~~~ô'~t =

~i'!f~W

ry

h.i ,~I~°`I~

4-j+f ~~IuY

~1~r

~~G~ç;Isbcr~~iV'c'otl.

~S~~Ih~M~ p. :[0!M)~(M~~t~< TYoirda»~~e1 lâ dl~

~Mm~dëp~~ge~e~~inf~aM~ p:r~d~lài'<ue~e:pgi~

(~plnt.ZctM,c.3: "a'a;~ "x~ï~~~<ttt«t~M~t'ï<'e<cK~

Page 48: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON~DUCATMN ~3

del'harmonieet des rhythmes, d'imprimerdans

les jeunes âmes le sentiment de l'harmonie

morale, et de les habituer, pour ainsi dire, au

rhythme mesurédela vie.C'était, sousunnom

charmant et avecdes formes agréables,un ap"

prentissagëderart de penser, déF~ de dir e et

~l'Mt~e]~~ (l};

Q~an~ a cette~ d~ l'esprit et de

l'ât~e (ttta~aitjoi~t les exercice

on~tait?uNhonim~hienélevé(8).

Cette éducationnemanqia pas à Spcrate.

Maisilya une autre éduçation celle de

la et ~uë ~e c'est rédu-

cati(m J~on~!reç~ et, :pôur.airi~i qu'on

respu~ sans ~sa~oipeÏ~ vouloir, dans l'at-

mosphère inteHectngUee~m~~ là jeu-nëss&se développe, et du, m~ tendre

en(~re, elle se laisse pénéti~ ç~e milleimpres-

si'~anvi~ 'is: Jiûis.~àn~es;'J~"sp.isbie~

~él(Rgn~~e~oirê;~qi~ de "f. ne soit

~qtt~,pr0~uît~6Ë~ci~ egt~~ieüreset

~iîM]~~]:qui~Ï'e:ëp~"¡:[; ,¡:. "[ ,I~J¡< .ri'4~

~l~Pl~t'3~ ~~ç 't~ft,

<t~T6 X~t~~MT~ sur ,1;Wl~e~ee mo-

ra~ttela i~ St. VIÏf/4 et,5;P~t.,

~~J, ~Ï~; ~t~én.,XIV,18;P)at.,j~ëp.,Qülast.Symp.,~II;.r);f\tl1é~XIV, 1 Plët:;~ep.,~V,

(~ATMopti.~M. ~'h,eag.;I~2C!t<op/t.,407ë:mn~tMMapt:'MttXw.

Page 49: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

24 VIEDESOCRATE

d'autres preuves, comment expliquerait-on

que ces circonstances;qui ont été les mêmes

~~ur tant d'individus~n'ont prod~~ effets

quë~surun si petit nombre d'entre eux? Mais

quoiqueje considèrel'homme,etsurtoutl'hom-

me de gén;e, CQmm~u~force ujie

~cause!i]it)re~~er~~ dei~ïner~ue~cétte

~]!e~ ?ét qu~`cette~force

~sp~mis~ egtérieures~

~as doutej,n~'ï'~nt p~creé~ majsJ'on~cer-

tain~nient modiR~ et que, parconséquentj il

~jn'est~aë:jmcUSë~ c1ëcounaître.:

t ~Gra~ea eu~l~bonheur dé dans le

plus ttëau siècleJde1'hist'tiire, dans le pays

oùse~n~donn:ë,Jpour~n~d~

toutes~~l~gramj~~ que:.pmssentréalisei et

~,mêm~ji'ë~j~~i]~ ~I,~r~ehésse,Ia püis-

sance~Ja glo~~la~ çouronnéesp~,rdes

'u~ë~Sns.~ïU~te~ _lascul~turé;;l'élti-.7r'B~M~M~~qu:enc~ ~d'ûne~beâutâtellel

plusr~ é~ ç~en'e~t, ~eri~

.r~s~~M~ et~que~e't~é st béau,

'=~M~M l'art` é\'én~i b`, I,- r' 1 r'

~fs~~t~qtie~Gt~~~'des~BM~â~eur~~ r'dônr~~rleur "car~Mèréièt'&d~t~Mtner]eur.p~s~on?n»e ;c~~cerié,sônt

-Lqu~es~~e:1a~vM~et~a~e~M~

maît~~e~l~~ande~col~der&omme~~

Page 50: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SONTEMPS 2S

2

jamais unplus nobleesprit ne se trouva à une

plus nobleécole.

JetrOuve en général les historiens sévères'

jusqu'à l'injustice pour ce siècle, enfant gâtéde toutes les gloires. Thucydide, assistant ëf

l'efFrayant~~ qui en signala

les dernières années, a fait des mœurs et dé&.1'L~:

mobiles ïnoTauxde son tempsune admirable'~r'.t-et~nergiq~~p~tu~ nia~ e~ ~aqu'on,

applique~sa]~!raisonau sièple entier Avecla

gravité fpénëtrantëdeson expressionconciseet

forte, lippus m~ degré!),deperv:er-site ën~àhi~ant~ Tp e~:)yH(.$ la

'1'""Y:c"}:-Y\;'(:¡,j<L!< ,L:.C:'¡,,"{:,T:< 91smpéaté~ c~ la noblesse

morale, ~népri~éee~rai~~ tout séntimeliL

d~honn~ur détruit, tout&f~ facultés

les plus heui'eûsësëniplby aux buts les plus

ignoNë~,Les~ p~StQns~~ph~ Becou-~

ran~~së;sa~sM~ a~ pra-

tiq~s~~Q~j~t~n~~ ~quc~

GCibon~y~~)~~ 1,xi~9'i~C9JlP

'dpëj~désasitrës'~e~M~p&tn~n'ait, paë~

s(~~a!)le~,Lq]~~s~a]~ l'affrm~r9Màis..sans.

avou'~repours! ~cet~ arg~melit, ~qm dimi~

nuerait~sansireSacer, l'importance de sonté-

moignage~paurquoin'a~ pas sui-

vant Im~I~eau~ce~~ décadence moralece fut là guerre,un guerre atroce, uhpiacabte,

Page 51: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

26 VLEDBSOCBATË

plus que civile,quifit coulerpar tous les pores,

non-seulementle plus pursangdelaGrèce,mais

son honneuret sa vertu (1)?ÎI est doncinutile,il est faux demontrer les germes de cette cor-

ruption au sein mêmedes splendeursde cette

époque, ôt de n'y TOitque lé,dweloppe~üaent

T~gulier~e~ des.principesqui la diri~eâietl~.

'~0~siec)~ ~q~~(~om<Mi~-on,,le si~c~le,qnicouronnâ~sa.`~e~inesse`des~

~palaiesdcMara~onet-de~S~fatalement condanine aux guerres civilesqui,

pendant pr~ de tMnteàh~coùY~ lâ Gr~cé

d~d~~st~ns,~ et ~Ilit abouti Mlinede

la~liBertë~~de la cxvilisatio~.

Ije progrèsdes i~tit~

1~ magmâquô déyeldppéme~ l'axt ét de la

'p~lë~j~at~:i!E~~ zirlcOtüpléf~,~on-

tredt~ dë~~ écôlës~Iiî1'ôso,phiques;les

~m~RGati~~ùi~j~ d®s-`.pb~iloso-

~phe;5~~mt~ Po s'ïrit~odûi~-

~en~eâ~<K~~ ~lo~~aires'êt 'ten~

~~i,i~ p~aP'ê ,~p~~tliéxste'd~àiïs'

.]~;i~~spË~~ lflusI~~éNv'~éet~p~.üspiiré,~

~en-t~M~~ne!'c<~t~ en~sot,~

;:j~:r,rei!ie~alemén~~i'la~.a (téploral~ri~ti~

moraleqn*o&s~ ëtqm futle ~std~

:gùë~~c<)up3~tet~fHne~ ~f~

(1)ThUCyd.,111,'? ~M~&K !M[Tt(m!M!;MOMI~'wt9tt~<eTe6{eT<K~:t{TMÊM~w'~M.

Page 52: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SONi'EMPS 27

Jesuis étonnéd'entendre répéter encoretant

de banalitéssur l'esprit léger, changeant, révo-

lutionnaire des Athéniens nul peuple dans

l'histoire n'a montréune plus grandeunité, un

respectplusconstant de sonpassé, et.n'estresté

plus ËdÈleàlui-môme.Dansles grandes comme

dans les pertes choses,il~r et rajeunittout saMiri~n détruire, c'est l'union la plus

parfaite~gétnedô rordre et de la liberté, de

l~cons~atMn~ d~mpuy Je n'en yeuxciter gué quelques exemples. En politique,

Athënes,pose le problè~ en des t~rmesqui

né l~t nen la et

on pentdir~rqu~elle~a.réspl

que tous les peuples~n'o~pas~atte~ elle re-

pousseavec une égale horreur Fànarcbie et le

despotisme(1), et par une vue aussi profonde

que juste~ et qui lui appartient en propre, elle

S~t~dje~ l'exprime le

~.n~H~e~ ~éme (2).

C[)~ a été un

'i,i.'t';<¡:i,j' Ii: ;:¡;r¡.:¡">;E'I'i..ii i;¡"

'~r-

~S~ âv4pxçir ~iov"'

'WTt0~6T6~~0w.

6~ç ti\l;4oa~.~AJ~~T~~9!l~!6~0!&WMM.

~tEt~tMa~~ du régimedétetreurorgojntSéptrIesL&C~démoinon~aprèsiaprised'Athènes.

Page 53: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M vrEDESOCRATE

chœur à Bacçhus, et a conservé le caractère

quelui avaientimposéses premiersfondateurs.Six sièclesaprèsle Christ,la Grèceadoraitton-

jours les dieux qu'avaient adorésses pères~et

les Turcs/en entrant à Byzance,trouvèrenten-

coreles Grecspenchés avec une respectueuse

àdmiration~surles page~de ce livre

~bibl~deJ~Mur~g~ et~'de leur PoUr

pa~êr à un ~it~m~ importa~itet n~en

est queplus càra~ -étaitla fidé-

lité tëhâcé dece peuple vieillescoutuïnes,

que, iquOiqu.e~ajtphaibeti ~fût~d'un.~sage

coui'depuis ~ùx gén~ lés' lâ~s,à~

Aliènes, avaient continué d'être écrite dans

ranMeh alphabet a~qu~d~ seizR ou d~huit

~e~ët.seul~e~ ~ig -l'a~çchôntat

~Ëuc]idë~a~~n~siè~ e diffain,é,

~;ce~a,~isag~c~

~~c<)m!)oa~s~

~Pe~qu sentuaents g$n~

r~i~.et~d~e~ ~,d~a~u.,S~~

!;j~n(~~o~

r~

qm,fai~t

'~6gur~~d~~I~Ii~ aip~é'sâ~voirrendu

là~lE~M~p~~à~~patM réçevoir,pbiul

~é~~ense~n&jsQ~nîne'de:400~ancs~.d.estmée;

â~6ce~(~~ûLm~~q~ avait t se ë meÊt

l'honneur d~o~ jî~m~ Ge~ ~Ml~

si co~mpue crut l'honorer personnellement

Page 54: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON TEMPS 29

2.

beaucoupen lui décernantune offrandevotive

avec des rameauxd'olivier (1)?La liberté politique, l'égalité de tous les ci-

toyens, la puissance de la démocratie dans le

gouvernement,tout cela ne fut pas l'effet ra-

pide d'une révolutionimprévue~hâUv~ou vio-

lente ~tPéncles n'avait fait que développer

les principespolitiquesde Solon, et Solondé-

velopper ceuxque lui donnait la tradition du

passé.La Grècea été toujoursrépublicaine la

monarchielui a toujours paru une institution

barbare et bonne pour les nations orientales,

parce~hque, suivant la~r~ à la fois

dMaigneuse~etpr~~ elles ont

l'ân~servile. La royau~~ dontHomère

noùsiaitlapemture estibndéesurleconse

mentlibre les~roisne sont que des magistratsdont les fonctionssont déterminées et très-li

miltées~ autoritédépenddè leurcourage,de

I~e~d~il~

qu~~agi~~ e une résolutiongratre;on

rà~eiï~le so~ l'armée, soit les chefs;; dis- w

~[ (l)~scM.c.G<~tp~c,6~Corn;Nep.,Thrcasub:,c.

~~G~y~~)D~a, dans jHonièrë, c~ d'une noblesse guer-

rière, ~~TM, ~KtTM.pMt~t, on trouve le peuple 'H~ct,

etIesartisahs,~M't~M, les devina, les médecins, les ar-

immne~~es~s~s~~sont~appeM!, des hommes illustres

tUTM~ap )tXT;M!'~t 6()6TM~ttt' emE!pcwva~.

Page 55: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

38 YIEBBSQCRATE

c;u.ts, on déU;bere, et ç~est a~ peuple ~s~b~

qu''àppa~tient.la

sou'yerQinet~. Le 6jtM<ï~i~$

~ct@-n~, ~(~ri~uï~ pQ~

Mp~ ~pQ~t~p ~êt~ d4~ect~q~

:U~ iQjQ~t~]~~ et, q~q~0,V

~SqS~~i~

î

Page 56: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON.TMft'S \3'[

gtoS~~M la dënioeî'atiqueAthées quelle

.~ût~a'~i~ux mentede retro~v~ liberté et

1~Ë.n' DepMi$qn&D.(i no'n de

~~yM~ fmt~H.pItLs~MM d~ grands

~jM~e~~ ~t~,yë;d~fondo~'

~t~S~ lut~

"~<M~8~'iS~S~ xâppxoclian~

isolée,

~e<e~ le

~m~ de°,p~~e~`zté,.~e la

'i~a~ uni~s.àie~~Gâ~tr$

..ë~ë~ ~o.`,ndar.ye

~~t~~la

~N~ all~~s,'a~'t~~t~ô'

'g~ f~~xto'dal's~ë~aov~ p~~ iei

~TSM~N!SN~< ça`~ qu~e~ ~t~

~ËGS~!S&~MS~~ fdÿér`d~`~ ôl~G~~ï~~rd.~1~'~r~é~`-~o~.~~t o~r'~i,

ret q~a~olle1~ ~b,pr~3~

~S~t~~ ~i11~~~b~reixde~

~iS~H~S~~ b~d~ '~o'

,N~E~~ de ~'ad~ati~n de~es

~i~tj! Ëla~eëôn..

,iâ~s~a~~ i~ ~t;o dë'T&maMe~

~{~<e~N~N~ppelëe''le"e~ et~'Ie

Page 57: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

32 VIE DE SOCRATE

Prytanée desGrecs; Thucydidela nommaitFé-

cole de la Grèce,la Grècede la Grèce; Athé-

née, le Musée; Pindare, le boulevard de la

Grèce Hippias,le Prytanée de la sagesse.C'estles yeux nxés sur toutes les splendeursde ce

cinquième siècle que Gicérdn s'écrie A</t~-

MM~~ ~~Mt~ < ~M

or~ <ï<~M~ ~ow~ <M~t6ï~ pM~n-

~~(1).`

~r.L'(Buvrecommunede la philosophie,de Fart

ëtde~a poésie avait été non pas nue des~ruc-

J/mâis~~]~ei~tKm~ là~'Vïe~'mo-

ï~: ? des physiciens av~t com-

ment à pui~ Ï~sprit, hanté par les-visions

~.J,paieBâes~~des''tette~ des lâchetés de la

~s~per~~n.Ëa'd~c~e:de~ Pa~rmén~ile

.un'inonJ~;réet'au''dë~ 'âu-'dëssus'du'inô~ïde

!/que:lM~pï~'if<Ml~~ t~tent, qzie

L ~(1).J!~ 281?lâton,q°zie~sEâ~.hjd't~A~âie~Z~

~t;iiaiwa~ao~sf'$t 8~ e~

.e~n~&~e~~e~ Com~e1~ld~~glsttin, Ietryt~dtSti~MM~C!M~

~el~n~jlejg~t.votf, ro ~'Ia~ss~rit~~MM'n~ord,R)~e.t'Scythe l'amorirdela

;saDgt~tB~et!'l~pt)'M!a!Ï',diB~tO!Nta~nnm~)''t)~t-~~~)M!)~j~~rOrM~t~ etPhénii~ens, J

.M~h~dA~làM~.(R~4Tyj.jn&.'ti&e~Bo~sse~t~de~ss~ien~mss~

avecpItMd'~ctatqnedte!:lesÀûténienst

Page 58: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

33'SONTEMPS

les yeux voient, et donnait comme un av'ant-

gOûtdèTinvisible.Xénophane en attaquantcommeHeracliteles absurditésdela légendere-

ligieuse Empédocle, les Pythagoriciens s'é-

taient fait et répandaient du divin une notion

plus pure, une idéeplusvraie, et moinsqu'onne prétendeque fonderles mœurs, la religionet

yËtat sur des notionsplusexactes,plus claires,

plusvraies, ne soit les détruire; à moins qu~onne préteRdequ'en demandant à rhomine de

descendre dans sa consciencepour y trouverla rëgle de ses devoirs envers les autres, en-

v~~lti~An~ la~~p~ donner à la

raisQâ1~directionde la vie, et demanderaux

~mmesnon-seulement de I)ienagir,m~

gu' t~ntbrn~ à une maxime morale, ce

s~t~èit~ la civilisation et relâcher les

liens de la vertu, on sera obligé dereconnaître

que <~ vérités pre~ par les philosophes,et qui p'Br~~ dans les vers des ~poètesh~gi-

qti~Opuquës, sont pour rien dan~ la

d~catienc~'quisignale la En de ce cinquiènie

~si~if~~]"

Les ftra~i~es pnt appe ont niérité

d'&treappelés,dans ce siëQlë,les instituteurs

delà &~è~(l), et commes'il ne suffisait pasà

l)QIymp.,F<<.P!c. 3. cf~zT~T~~mM:nrcu~MOt!

Page 59: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

Y[E DE SOCRATE34

ces poètes de montrerla leçon morale dans le

coursdes événementsqu'ils mettent en scène,dans le développement des caractères, dans

l'expressiondes~ehtiments'et des idées dés

personnages qu~ilsfont agir, il y a dans le

dramegrec.paruneexcepUonuniquedaï~srilis-

toire de ~art, u~ personnage spécial dont le

rôle~~ presque cel~~d~ tôut le

mpnde~vp~q~~J6~pa!<l~ Or,.qu'en-

seignent doncGë~p~etës?~ë ]le~v~fJ,ÎJ!;1n'

seib~xentdÓ~cce~pbètes~.Jene v~uxp',asrele-

veri~i endét~lës~ Qnpént ré-

sumet en (piëlques~ es,.i4eeg~~Mo'es,qui

~lenr~~c~~omnmn~ vent ousla nïo~a~on et lad(~~ ,ap, et la'jus-

tiCe~ilsnou~SLppeUënt~~&~ .néaJit

de~l~ïnmg~;d<~[~es~

:bile~~ga~~tnl~~ij[!~ fumée; 1~~ra té'. dé

1~ yies~ït~laMe~ pemture fr~chee,@q",1"t euce"-.;B Tls~n,sé~g~é~t1'eziste~.ce`',d'iiné,

~vi~~a~~ ô,d'ûue~'rovxden~e,d'uu D~.eusu

~l~~j~ mf,a~~1>~1~iaé~s

(~E~o~~ ,ou li u~ui:q~~a!fgt~ consçie~~e;d~x~-

~gles~a~st~ 1`oi~noâ'~écx,i~es

J ~uthmteû~<)I~;1;;1,

~M~UtM;c~a~MO~ tndo;(Ó'ès ''dttitT<

tmdiMbm~cqae: lia poésie est l'éeël~ ~ë îà vtë m0~

Mte.r/~h-j~

Page 60: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON TEMPS 3.~

et arbitraires des hommes.Nulle puissancene

l'emporte sur la puissance de Jupiter; nul

trôneh'est plus élevé que le sien, il parle et

l'effet suit ce que sa volonté décide s'accom-

plit infailliblement. Contre cette force divine,

Ënpmi~é ne p trianquerde. reconnaftresa fai-

liesse et saJ~é~n~ncë; Qu'il ~chedonc con-

itaître ga ciOpSiti~ sa vràieessedce;qu'il

l~éstinie p~ hlttitcèquF~sth1imain; que

~me~ansie~ malheûr, il Iie:s'irri tépasc0I1tte

1~ die~, etserappeUe que r de lafaMe~

sën:i~pàr~6rgueil,~tiia~e une mois-

spni de l~rMës. Ces p qui éclatent en

t~~ de i ua~t~e~dàn~ d'Eschyle,~ous Ie~ retrouvons avec d'autres accents,

n~oinssublit~eset~~p~ dans

les tragédiesde Soplïoclëet d'Euripide.

L'art dram~ en,l1,Ü::mê.-ne,estex-

S~a~~ m~ral~3.c~1'izitér~t

~~l'à~a~~ti~~

~sit~desl~pe~ ,.pi.,i~ë~ë~r

"ëgl~'inoralê~~ ~dëux'm~l~orSLU~ ~a'

lu~, ~aTQslàcp~(~ence~ 'Ós,dÏ'~mtaWlue,

& ~éc~Q~ans !Q()hsQi~tibe'd1.lspe¿tateur;

!R~;pa~~l~ m~ :ClÓn.tÙsl'ont traïtéé, on

j peutdir~iq~le~h~atre d'Eschyle,de Sopho-

~e~ W~m~~uQ~~ degré, d'En-

npide, présentant à l'hommel'homme m~me,

Page 61: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M VMDESOCRATE

l'hommeintérieur, est commeune philosophiemorale en action.

Socratene paraîtpas s'être contenté decette

éducationcommuneet générale,dontl'art était

la formepuissante et enchantée.

Dansun passagecélèbreet fort diversement

commente, Maximede T~ nomme tous les

maîtres auxquels s'adressa Socrate et dans sa

jeunesse et d{<nsle cours desa vi~, qu'il passatout entière~commele recommaudaitSolon, à

apprendre.. ,j.~<Quetu adores par~e~ûstou~ la science;

dit-il à Soeraté,je te l'ai souvent dire,`

et je t'ai vu adressant les jeunes gens tant~ d.

un maître, tantôt à un autre, conseillantà Cal-

lias~t[fenvcyer~,son~&Âsp~ de,Milét; un-homme&l'école d~uné &mmëTTôi-m~ à

ton âge, tK ne rot~p~~ et,

~non.e<mte]~ faïitle discipled~4~e,

~tu~<diet<Eh~ de;Dio'txnnela science

~de~I~fm<a~[~ èydé Cdunuscelle ~1e~la,muj

~tque,~au]~usr~ l'ai~tdela ~oé~ie,~~B~

;~d~homach~~Im~era~ de

Tlïéodore.~àgéo~é~;(l). est évident,:~tXmie.)~Èti~~ ces nomset ces

".ijfM~:(l)jDtM't.Ït;P.R~ajOt'

pm OMM tÎM~«-a~STX M': !t~ ~T< ~SiA, &!M;&

Tt;aST&)'<HK~,tiT<Ut

Page 62: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SESMAHRES 37

a

faits aux livres de Platon et de Xénophon, et

n'est pas éloignéde n'y voirlui-mêmeque des

traits d'ironie. Examinonscependant avec un

peu de soin ce que l'histoire nous apprenddes

rapports de chacunde ces personnages avec

notre philosophe.

Xénophonnous parle d'Ischomaclius, dans

son ~ep~ttg~ commed'un ami de Socrate,et c'est ainsi quenous le présente également

Plutarqu~~1); B~aisni l'un ni l'autre n'autori-

sent ~asuppositionqu'il ait été son maître, et

dafns~o~aloguë de Xénophonil ne fait guère

que f~~if~~ i~ 'àS<>crateTlourexpo-

~P~ sur~ l~mairlèr~, gou-

~vernér~nne~mat~c~i~

E~?énns~d~:PaI'()$,'estplusieurs~fois men-

tionhéparPlàtoïl dans ieP/(~d~, commeun

rhéteur .qui avait distmguéquelques formes

:~d'aa~~c~~Q~~ ~ei(2h~~il.S~ooï~jpM~

:am~rat~~ha~aj~~tt~p~~q~ (3)".1 :1Wl "J:"y.q, ,,°,

j~i-K't.j ~Mt~f.2<M,& it'!tMi<l[M'.t!& ~e

t'i~ Il,::I;~i~M~ 5 mine5,c'ést-dire 100drachmes,~~m~P~imtt son~pnx,:quaMlFMtag'oràs,T~t'~nt~eBtibOmin~ élestà-direprès

d~MtOO&f~MM~bresT~

Page 63: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

38 V1EMSOCRATE

dans le Phédon, commeun poète (1); mais ce

dernier dialoguenousprouvequ'il était àpeineconnu de Socrâte.

Pour la géométrie, à laquelleSocrate notait

pas,U est vrai, étranger (8), on n'a aucunerai-

son decroire qu'il l'ait apprise de Tnéodorede

Cyrene~ <M)mMë~~le 16 maître

deT~Iat~ et~~Ë titre, t'1~ t~is de

ses~pluB''gràhdS~dîalogueS.

$ocrâte~dans lëJM~M~~ dit à son inter-

locuteur qu'il n'est pas étbnitant qu'il soit ai

naMI~daiisl~ depai~~p~ pourmaître de rhétorique cette fetnmë~ë~ebre au-

tant~arsoûesp~ que par sa béau.t~~dan`irles

leçons avaient &rméf~ ~le.~~rrancls~~rateurs,

et~u~plus~a~ d~~~y Pë~ic~léa

veuX~~u~d~]~~ (4);t,' da~le .Ba~g~t,

il~a~est~ '][~Mi!j5a~~

trea6~Ma]E! .t~r~`~3ï~ttla`~ule

:q~ï~d~~ijp~~ ï~ie~c~e 'j

~n~j~il' ~`va~c 1

(i)~<f.,j6o.{~ ~j~;3Mn,jM~ ~i~~

'T~l. .t.

~fB'M~J.'L.~lIl~6;' ApaL,~DeA«M<.~JM,~j'i%~l'r~ ~a' ~j~~jMat.Ma?;, -r~~N~~ëiE~ L(S)TMm,,<9f~xi[n,, p. les; x&m,if~ n~e;

Page 64: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SESMAITRES 39

deux passages, d'où Maxime évidemment

emprunte ses assertions, autre chose qu'uneaimableironie.Cetaest certain dudernier sur-

tout, où Platon expose des idées qui lui ap-

partiennent en propre, et donne à la théorie de

Fam(~ une portée reHgi~~ et philosophi-

qtt&quelle était bienloin d'avoir dans l'èspritde Sonate, tel que nous le représente Xéno-

phon (1)~ Ona mej~ soutenu que D~

était,~personnage n(M~s~ est tres-&é-

qùenMn~nt(a~ (~aune u~ personnage Jhisto-

T~~ ce n~t~ dit~ p~ir des écrivains

post~n~rs à~ ~aton et~qui ne s'appuient que

sur soMitéoïo~ ¡Gepëild~t Jèfw~xem~

pies d'interlocuteurs nc~Ssont rares dans les

dialoguesde ~latpn; on ne Connaîtguèreque

Her, l'AMBLénièn,dans la ~~pMi&~Me;l'hôte

d'Êlée, dans <S'op~M~ ~M~<< les

IroM~e! ',L9isi~(1]fniasde crète,

Mégille de Lacéd~ l'é~aDger:ô.Athè-

M;~t.~ 's~ r~c; a~~ G611~tI¡u,~tMtt~Mtttt, 'i~t~x'r ~°~.u~PWYc -r'f~1."

(l)JMe~IV, ~2;VMBet~tapt~~FM<.?tBî~m~{MnNpN~~ prtirsneeün`t J'a-dopteicipleutentt)mtl'op!n!o~ K.FHed.HertNMn,

'c<m~<de~~iggM~~LnB.M~lS~jOlém~A~ ~rom.; VT,

p.631~;TMm.,Sr~ XIII,p. 199;Himér.,Ora<1,18.

Page 65: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

40 ViE DE SOCKATK

nés, quisemblent bien être les

types des trois

grandesconstitutions

politiquesdes

ûrecs.

En' accordant queDiotime soit un

personnage

historique (1), il n~est pas démontrépar

que Socrate lui ait dûquelques-unes de

idée&plMl~O~ques~M ~stéer-

t~q~e~ c'était une femmë~d~~

et;~q~e~(~ ~6ri¡ii1ti1nj~é

mais lë~on ironique de Soëra~~q~~ Íl.sé dé-

clare~on disciple da~sl~C dela~

est

mM~ e~~et~B~~:PIU:tà.D~

qu~Om pëu~

~at~a~es~o~~,'ç:'~ea'úèÓiipd"a:litres

It istfugttés

~mps'aH~ent~l'exëi~I~

chere

:i"'

'J,<1>i'cherGl~~àupr~~dfe~

~d~~e!~et?~~

côn~sa~n~ ~!0U~

~nt~ë~~

~fatt~ne't

~nee~~eB~~m~

Page 66: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SESMAITRES 41

science.instinctive,qui n'est pour elles qu'unedes formesde l'art de plaire.

Dans le .M<~îM7eM<?(1) et encore dans FFM-

<y~(8),Spcrate nomme comme son maî-

tre de musiqMConnus.(3), fils deMétrobius.

~~mr~~niqoe~est ici d'autant~plus. évident

que~est d~n~pa~~esse,~Q~~ qu'ils' estmis

à son~~colepour apprendra à jôuer de la lyre,ce qu~prêtai~à rh'e aux enfants élevascomme

hii'd~~Gonn~s~qu~i;appe~ cette,rai

son~leur~S]LtMle~~ L'édu-

catio~q~il~ait~f~ dans.sa jeun~sse lui

rsnda~~ n~H~~upe~ tardifssexercices

de itSjtsiq~~m par

tr~ d'4(~aiBLS, (~). cité

]ueu~d~ (3on~ commele maiîtxe

muRM~~SM~ Diôgènè de

m~

'jâ~Si~o~ dans.~le

~f~~&>

,(3).,S' 272v'c. ~M~F~s~n~g~ ~do~~fMm~ëtne-

'j;d;~i.)p~ps~'q~!G~ lesNuéé,sd'~t~risto'-

~$sm~~ le~xùc,llbaum~ctd~'udhÿd")']E~g~~ue~~S~a~~ l'cble dè Conmiis;,

~ëé~~(~c<~o~~ lâjqunesse~v~~q~~H~St~

~e~ ,1.22, 2;~a~if,8~iSWc~t. «T)istin_

Page 67: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

42 ViEMSOCRATE

Z<K*M!(1) et la .B~pMMt~Me(8) que comme un

de ses amis. Ce célèbre musicien devait à l'in-

timité de ses rapports avec Péricles nne impor-

tance politique considérable (3). Plutarque le

nomme un sophiste, qui, par prudence d6-

guisait la vraie nature de son enseignement et

la portéede ses leçons (4~. Platon ë~&it le

ptu~.grand~61~~1 ~t~~è: :i thtéctnô'j sur

l'inSuëncë pr~ndë que la musique exerce

surlës âmes et lës~m~ (5).

E~n Lumen ~ëut 'que SOC!a[té t

tardrt~entà d9ns~(6~ \~iqu'e

Xé&ophon~i~s Ie~~ ~a~:i,a

dansant t&nt seul dan~ sa m~ ~;J1O$

~dohn~tnou~t;~ et~itm~:exeK~saln!-

't9"'< ~i\ >

~DanB~son~.av~~ Soèhitè:'a

,ni~në;~të~dif'<~ science~ ceux

'gtte!!uMm~m~àt~~L-m,qM-lyra:~m!~mdt1~H~

-i~~a.~~1~,IH,I~c;~L~~

r \~N;:c*M~N~~6pt!ët't~MdOB'<i~~MMM

']~€~S~'.un~'àmp~.d~t~îs~~aM~ fi *t aiâ,e~n.

IMqg;.L., ll, 'P~c~~ .S<t~,p. 1~

Page 68: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SESMADERES 43

qui prétendaientposséder la plusbelle de tou-

tes, ta science de la vertu, aux sophistes ilse

dit plusieurs ibis, dans Platon, le disciple de

Prodicus (1), et rappelle mémo son ami (2),

et, dans Xénpphon, il récite par cœurson bel

apologuedT~etCfle(3), comme, dans I~PK)-

chus dePlatpn, quelquesextraits vraimentma-

gniRqnesde son discours sur la mort. D'après

XénOpRonm6me, il eut plusieurs entretiens

avec~ppias (4); il y a loin de la a être sondis-

ciple D'ailleursil y a dans toutes cesexpres-

~ons unenuanMparquée de plaisanterie,etop

~eë~guère ~'oit A'e~conclure autre chose,

s~n<wque S<~cr~ a~~M~entendu Prodi-

cus ~(6) et d'auto sophistes. Ne fût-ce que

pour mieux Ïesr6fùter,i~ était naturel

qu'iL~ûtçu~eug de lés~oir à l'aeûbr~; ;peu~-qu'il.?1 curieux de les Voirà l'œuvre~ peut-&treau~si~c9M~ veut M. Grote,K'a.Tait-il

'L,

ilne s'$gitquede~'ém f,.T~r

-ple~b~d~a~t~~i~iaM~ et

~q~ès~a.~t~t~ ooanpéPradicsns:Pru-'

'<~a~~t~ic~~ stv~ u~pé~<tM~<'MMfH~~~abi~och:~ ~CMt~ï.b.

'4'~B~c.'t'i<!t~~ h-M~h'

~jM~at~~:XAm.~JM~t.4,~]et6.'

~)~Mt~j~~bÏeêtipeT6n~t ÂtmênM,0!. on8?; t ee~ ~po~ t~ de &qûaMmteans.~

Page 69: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VÏBi-Ï)E SC'C&ÂTEr44

pas pour eux le repris d~daigne~x~ co'ur--

roux iËLâig~é q~e leur témeig~~ et

Iso~at~ mats q~il àit~~rée~M~tëur'~dïs-

ciple -o$ iSéMesTetu' '~t~Q~"e'est~je,Q.e

pms:M~e'tt~ y ~dè~"

'o~M~us~

;lè~<S~

Page 70: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SESMAITRES 48.

.3.

pt'it~c'est en excitant l'ardent désir de com-

batte leutrs enseigne-mentsfunestes,' et en

dê~loppant~'âoAgoût naturel de .polémique,

~M~e't~~gatH'' de son oeu-

~e-cette

~sMW~MM~ la fin ~ïctoroùsë dü~bôn

~Y~~s~o~M.~ -~zi~~ëieûx,

~ppa;f!jn~sto~ XadôÇ~~irzedQ~ocratè

'~s)~]~~ d.~aa.wzeci~tjé me~ren-~

~~r~r~'i<l"~ë~~it: p~rmis d~

'ï~~j~n ,ra~e:ou ..J,'ôn=aa ~de-nôtre

't~p~ ïde lizi

!p~j~ ~es ~ôphiste~(1):

~J~ é~oü,ré~éte~«,e,qu~lû~

~it~ Sbcraté;s¢ txëiï~iïtsür-

~l~i~K~ què lü setzle

'?~0~~

~~S~

t~u1üe~~dor,veüt`pas

.nM~NSJ~~ ~e ~aüt ~oz~dzr~?

'p~xs~ou~n~ et po~i~

~M~ ,4'~~a C071SG1e11Ce

ars'~ezxt~~t qzzecet in~i~~idu

r

:M!ii~is,<

Page 71: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

46 VIE DE SOCRATE

porte ~n lui les caractères universels de la

venté, en tant que sa raisonplongepar ses ra,

cinés ou par son originedans la raisonuniver-

selle, en tant que les idées universelles et né-

cessairesconstituent l'essence de sonesp)tt?n

estcertam queFhommene peut juger qu*sa raison, penser q<av~s~ espri~;et que

penser étant ïnesUrer~sa pen~ est la~ide-

spre des choses.Mais est-ce lâ~ce que, dtt et

veutdirePMtagorats?Socrate~bnde une méthode pour arriver à

uneisdeâce~d~ l~n~~ /(~4a

pbssiMnt~e~ Alà s'eM~ est la vértumemë. par sa tènta~edo découvrirressèncë de 1~ ët~e <M-

~ternnnerf][~~des~déf~~ ~éné~alesdes diJTérëntesve~us, U~ une morale

;s(~!ltNqu~ plïi~at~ï`lliqne

PaF$ee~echërchesqu ~es~dëésd$s ye~rtni~

~appt~B~ ~Qii~l~ë;~encë~~~a'c~ioseïs

d~ië~~déë~t~p~é~ â~~x é''il

~b~n&d~t~~ c~i~ec~it~ie;

â~n~Jm~n~'p<~ arrï~aérytrouw~rt~ë,

dë'l'au~la~f'ï~ 1'ontolo~ie,

~est~à-d~s~ v~érilablec~nï..ne

~consi~ste~quë.dstnsjl~dée. 'J.~

''LBS-.sophistes~tO~de~i~ hom~o

machinea sensations; ces sensationssont ~out

Page 72: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SESMAÎTRES <!7

individuelles,changeantes; n'ont aucun carac-

tère de fixité ni d'universalité, pas mêmepourl'individu qui les éprouve nonrseulement la

sciencen'est pas nécessaire, mais elle est im-

possible il n'y a donc pas à chercherun art,

unatnéthode, pourarrivera trouverune vérité

qui n'existepas; il nry a qu'un art d'illusion et

de'meusongequiaugmente et exploitela mobi-

lité naturellede l'esprithumain, et l'aide à pas-ser d'un fantômeà un autre. L'homme est la

mesuredosphoses~inonpasen ce sensqu'il y a

dansson esprit des idées qui correspondentaux printapesde rôtre, maisen ceque lescho-

ses n'ayant aucuneréalité, et consistant uni-*

quemontdanslesreprésentations vaines que

s'en &it l'esprit, resprit~ maîtredeses repré-

séntat!ons, les fait être ou paraître ce~qu'il

veut, et nesebom&pasàjnesureBleschoses,

'mais~lea'ct'ée.

j~B~ àpaa "},l' fixe et absolue de

lâ <' ,> J i des vérités morales~etla ~~té, H en e~ des vérités morales,et

unes~e~c&~OTale~ de vie, estt~ut

au~i Mpo~q~ sérieuse.

Le M~est m~ phàque individuappli-

que,~la&nt~isiecha~ de sonima.

gination,àc&quilaiest utile et à ce qui lui

pla~ L'é~e plusmaténal~ le sensua-

lisme réduit à n'être qu'une pratique sans ca-

Page 73: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

~8 VtKDESOCRATM

ractërc scientifique,neserajamais un pnncipe

philosophiqueet ne pourrajamais être confon-

du avec la grandemaxime socratique, qui re-

connaît dans la raisonhumaine le principe du

savoir et le fondementde la certitude (1).Un seul rapport d'analogie peut être juste-

mentanirmeentre Socrateet les sophistes: ils

négligentégalementles études physiques quiavaient absorbé les travaux des philosophes

antérieurs; mais là encore,sous l'analogieap-

parente et de fait, se cache une opposition

profonded'intention. Socrateveut fonder une

science, et c'est la science de l'homme, et,commele dira son grand disciple, la philoso-

phie de l'âme. Il ramène doncl'âme en elle-

mêms, commeà l'objet le plus facileet le plusintéressant à connaître pour elle; il ne*croit

pas l'homme autorisé à chercher ces grands

phénomènes obscurs et mystérieux que les

dieux semblent nousavoir cachés, et qui sont

inutiles au bonheur et à la vertu. Maisles so-

phistes la rejettent parceque laphysique. Mon

diSérente de ce qu'elle est aujourd'hui, ne

contient pas d'applicationsutiles aux intérêts

matérielsou aux plaisirssensuels de l'homme.

(!) P!at., Crt< p. 40 (tt<hw& ct~Mtm ?« ~M,

5; « {Mt).e~t!<.j<.<tM6&:to-;t~~[tWMt.

Page 74: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SES MArrMS ~9

En résumé,aucunsouffleélevé, moral,idéal,n'anime les spéculations des sophistes; ils ne

travaillentque pour la vanité oupour l'argent.Ils n'ont pas deméthode ils ne croientpas à la

science, ils ne croientpas à la'vertu il est im-

possibled'imaginerun contraste plus complet.Cen'est pas assurément l'iniluence que ces

différentspersonnagesont pu avoirsur Socrate

qui amoindrirale grand caractère d'originalitéde ses actes et de ses doctrines. Cependantavant de conclure qu'il n'a eu d'autre maître

que la nature (1),que son génie a été directe-

ment inspiréd'en haut, commele fait Maxime

de Tyr, il faut se demander quels ont été

les rapports de Socrate avec les philosophes

qui l'ont précédé, et dont quelques-uns ont

passé pour ses maîtres directs et immédiats.

Il est certainementbien étrange, commele fait

remarquer M.X.Fr. Hermann(2),que Maxime

ne mentionne même pas, au nombre de ceux

quiont pu exercerquelqueactionsur les idées,ou du moinssur la vocation philosophiquede

(ï) MM.,DtMef< 38, 4, t. II, p. 225 MzmM~Mw

pM~, et plus loin, p. 835 w XMtt~Twau~ <« ~MtoeatTt~mia')[t~n,a~X't&etMjtM~.

(2) Soet~. MMt~M<p. 30, dissertation excellenteoù j'ai beaucoup puisé.

Page 75: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SO VIEDESOCRATE

Socrate,Anaxagoreet Archélang.La questionvalait au moinsla peine d'être examinée.

Aristide prétend que Socraten'a pas tiré de

sonpropre fondsune philosophieoriginale, et

qu'il a dû sa sagesse au commercedes nom-<-

breux sages qu'il a fréquentea et dont il cite

Pythoclidèset Anaxagore(1). Que ce dernier

ait exercéune innuenee' gur les idées de So?

crate, o~est*co qui est attesté encore par Dio"

gêne de Laërto et par Suidas (8) et reconnu

par Platonlui-même.La chronologien'interdit

pas croire qu'il ait puêtre entend'ddu futur

réformateùBde la pMIosbpMe.N'édaïia la 70*

-olympiade,vers 5<)0ans av. J~O~~Aétaitvenu à Athènesdansia 81~et était p~orten

exil dans la annéede 1~$8~~troi8~u~quatreans aprèsla. condamnation~qui~en~a~aitj~

navait~:di~é~ ~espace de irente

aR&Ath~î~a~eB~ I~quel.~oarate, ~géde

quatorze~ quinze a~a~& av~aiteu

certainetH~St~coaëion!d'assister ';plus d'une

fois~~es~ëc&ns~(3)~'Pour Arc us les témoigna~~ sont encore

plus précis et plus affirmatifs celui-ci était

(1)Aristid.,(3~<45,t.'Iir.p.'S~O..{3):D:og.L.,tl,19~em,4S;.S~(3)À Mmort d'ÂDMagore,438av. J.-O.,Socràte

avaitquaranteans. 11

Page 76: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SES MAITRES S)

un concitoyen de Socrate, et passe pour être

à la fois le disciple d'Anaxagore et le pre-

mier Athénien qui se soit livré à là philoso-

phie. Quoiqu'il porte souvent dans l'histoire le

titre -signincatif de o <f<~<x.M,et même celui de

o~f~Km~ (1), il n'avait pas négligé, dit-on, la

morale. G~est à lui que Socrate, si l'on en croit

Diogène et beaucoup'd'autres, dut cette direc-

tion de la, philosophie, dont on le croit le pre~

mier auteur (2), tandis qu'il n'est en cela que le

disciple d'Archélaus, dont on l'accuse même

d~avoirété le mignon, tM 7r<t<~)m(3). On veut

(1)Sext, ~P 90; D'og-!< ~1' 16.

(3) DiOg.L., 11, 16 ~p' C&X<t?MVSmxpCtTY~,TNCtU~ttKt

KÙTO;s&~tM!)M~'<;(j:(3)Dipg, L., If, 19; X/13;Porphyr. ap. Thëodor.,

CM~ d)''<~o.a~ XII, 61. Suidas ne fait que reproduireces autorités. Cf.Simplic. in ~s<. -PAys., p. 6 b. Br.Gic., ~sc.,V~ 4: <<Socratem,qui Archetaum,Anaxa-

gor~ disci~pùlN!naudi~ » Sextus Bmpiricus, aprèsavoir dit qu'on appela Archolaus ~omo' parce qu'aveclui cessa la philosophie de la nature, remplacée par la

philosophie niorale introduite par Socrate, se contredit

un peu lui-mêmean ajoutant (s~. M~<VII, 90)quece même~philosophetoucha aussi a la morale, s'occupascientiSquement'des lois, du beau, du bien, et que So-crate n'eut qu'à réc<ieiHirde lui ces doctrines, qu'ilpassa pour avoir découvertes, tandis qu'il s'est borné à

les développer.'D'après Sextus, cette morale était déjàcelle des sophistes; le juste et l'injuste ne sont pasfondésdansra~ nature, mais ont leur origine dans les

consentions arbitraires de la loi. M. R. Hermann en-

Page 77: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

52 VIE DE SOCRATE

de plus qu'il ait fait avec Archélaûs, qui suivait

sonmaitre à Lampsaque, un voyageàSamos(l),

ce qui est contraire au témoignage de Platon

qui affirme que Socraten'était jamais sorti d'A-

thènes, si ce n~est pour les expéditions mili-

taires et une seule fois pour assister aux jeux

Isthmiques.

A ces assertions on oppose le silence de Xéno-

phon, de Platon et d'Aristote ce silence n'est

pas absolu; car Platon reconnaît que Socrate

avait au moins entendu lire un ouvrage d'A-

naxagore, qui avait fait sur son esprit une

profonde impression (2). Comment d'ailleurs

supposer que cette intelligence si éveillée et si

tend les mots, TbçuauM~)Mn~e~ ~eT~t~, dans le sans

d'une simple distinction de la partie morale et de la

partie physique de la philosophie mais distinguer la

morale de la physique, n'est-ce pas la constituer, on au

moins la reconnaitre comme une partie de la science?

Thémisteest moins afurmatif(0ra< X, p. 3n,

JTar~.): « Socrate,dit-il, n'a-t-il fait que suivre la routetracée? S'est-il borné à marcher sur les traces d'Ar-

chélaus, ou plutôt n'a-t-U pas eu la noble ambition,non-senlement d'ajouter quelques découvertes qui luifussent propres, mais encore de changer complétement.la nature et le but de la philosophie ? n

(l)Diog.L.,II,23.

(8) Chose singulière Bayle (Dictionn. J~Mt., t. 1,p. 121)trouvelà lapreuvequ'il n'a pas été le discipled'A-

naxagore; car s'il l'eût été, eut-il en besoin d'apprendred'un homme qui lisait les livres d'Anaxagore,quel'on y

Page 78: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SES MAITRES !i33

curieuse, qui allait au-devant des sophistes,·

eût négligé d'entendre des hommes tels qu'A-

naxagore et Archélaüs. Si l'on objecte l'oppo-sitiondesdoctrines, si l'on prétend qu'un élève

d'Anaxagoreno serait jamais sorti de la philo-

sophie de la nature, et n'aurait jamais reconnu

à l'esprit d'autre valeur que celle d'une loi du

monde physique, je réponds qu'on touche là

une question de mots. Qu'entend-on par être

élève d'Anaxagore?être élève de Platon? Est-

cese renfermerdocilementdans le systèmedu

maître, et répéter tout au plus en la commen-

tant, la doctrineapprisedans l'école? Alors, il

faut le reconnaître, Aristote n'est pas le dis-

ciplede Platon, et Socrate n'est le disciple ni

d'Archélausni d'Anaxagore; mais il y a assu-

rément une autre manièred'entendre cette ex-

pression,et demêmequ'il est certainhistorique-ment qu'Aristotea suivi les leçons de Platon,de même onpeut croire queSocratea pu pro-fiterdes enseignementsdecesphilosophesdont

établissaitun entendementpourla causedetoutesleschoses.Ritter(.Hts<.de la PM{.ion.,p. 301)s'appuiesurlesilencedeXénophonetdePlaton.M.HermannvoK~lansle passageduP~do~ lapreuvequeSocrate,aussitôtqu'ileut connaissancedesdoctrinesd'Anaxa-gore,s'enéloigneetlesrépudiailseraitd'ailleursdis-poséà croire,avecStallbaumetSchleiermacher,qu'il a'rapport&Platonplutôtqu'àSocrate.

Page 79: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

S4 YlEDB~pCR~TE

il~eY~unjo~fa~reQ~~erlesdûctr~ (I)i

1/ii~~ce mô~e a~ t~ Pl

i~de iL ~pos~ q~ '-la ~preaHëre <ln~ç-

~Q~ d~ se~ ét~e~~ traîne~ 4arÀ,9,

mouYement qm emportaitalors tQ~la~p~~

~g~ j

;R~tSM~eE.i%~'un

.L" 'isMpië~e~ite~ï~

Page 80: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SES MÂjn~s 83

si leur obscurité lui inspirait la crainte de s~y

perdre et de s'y noyer, il ne repoussait pas ce

.qui lui en'paraissait clair, (1). D'ailleurs Sp'

crate déclarelui-'sieme qu'aussitôt qu'il a été

~e~ét~~e c~ son intelligengje~a~idG

~la:t%:et ~d&~Ia~SMence~Bé~~g;~ien

~~p$t;a~ cessant de~iisulter,

~i~errogér~us. qui,avaiai~t

'E~8e~p~t~ ~'est ainsi,qù'il

~di[~i~~j~~ po~tes;et txôuvaiGda~s

le~s 'o~rag~s, ~niynë~i~0t&~

s~en~ëL 1)6~ Tio.ora!e~-.mais

je~CQ~e~~g~ est,

~r~a~ qïieo'e,st~dospoétes, qi~'il'

~~ët~N~p~a~e~ie~~coi~

.j~ïieph~~o~~l~ :'aTem'en,vais scrutant avec

~ë~i~aD~S~t0US~.l~SË:t~ qû~eanciens

sages t~ o~o~~u,â~ous.ontlaisséspar ~crit

~1~~ et sij'y trôuvè q~elr~.iechose,

~g~~f~~ .yz~ofit(3) ~»

~i~~ ,t~i~ ~ëtt~que,

!0j~ ~IL,~2~~.w'cuvn~xr(~`wat'~n,:ui~pctxai,j j. ;<(~t!,))t~YM ;~t~t ~j~lE!Stnd.

~S~S~

~[~~ ZB~ âS ~rovhoP -t~tS)t~tt

~t.<~tt~ ~cxiu,a.vQ~vmvoTtd~'uyoqi,nv

'(3)'~eM~'I,1~ ~J' 'L

Page 81: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YfKDKSOCKATK:;1;

un caractère philosophique,mais il y avait

une poésievéritablementet proprement philo-

sophique, dont Socrate n'a certainement pas

ignorél'existence et les résultats.

Dans trois dialoguesdiSërcnts(1), et en des

termesqui ne laissent de place à aucun doute,

Platonraconteque Socrate,dans sa très-grande

jeunesse, avaitété directementen rapportavec

Parménide et avec Zenon. Quoiquecontredit

par Athénée et'Macrobe, ce renseignement,donné avec une telle insistance par Platon, a

certainementquelquevaleur, et je ne m'étonne

pas qu'on veuille voir quelque chose d'histori-

que dans le passage où Parménideféliciteson

jeune interlocuteur de songoût et de son apti-tude pour la discussionet pour ces jeux austè-

resdeladialectique(2);maisquand il seraitvrai

que cet entretien n'est qu'une fiction et un ar-

(1)7%< 183e; ~opA.,2ne; Pafw.,127b.(2)Athên.,X,S(&;Macrob..Sat.,1,1.ItMtdimcMede

détermineravecprécision)adateduvoyagedeParménIdeàAmènes;caronn'apourla fixerquelesmotsitmxM~,e<~t ~t. Sionentendpartàqninzoonseizeans,onportelevoyagede Parménideà la84"Olympiadesionen-tendavecS. Cyrillevingt-cinqans, on estobligédelefairedescendreà lapremièreannéedeK 8~ Olym-piade.Il est vraiquecelaobligedeplacerlanaissancedeParméaideà FOtympiade(n, 4, chronologiecon-traireautémoignagedeDiog.deL.,maisconformeanxcalculsd'Eusèbe.Pra~. ev.XtV,3..

Page 82: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SKS MAti'RKS :i77

tificede compositiondramatique, encore cette

fictiondoit-cité avoir un sens, et signifiesans

doute que la subtile dialectique de l'école

d'Élée n'a pas été sans influencesur la dialec-

tique de Socrate, et a contribue à former,parses sévères exercices,le rude jouteur (1). En-

fin, sans prétendre, avec les Néoplatoniciens,

que c'est à Pythagore que Socratea empruntétoute sa doctrine, je ne vois rien d'impossibleà admettre que la curiosité de son esprit ait

été également portée de ce côte, et qu'il ait

cherché à connaîtreautant qu'il le pouvaitune

philosophie(2),dont l'inspirationprotbndément

religieuseet morale était faitepour lui plaire.Maintenant jusqu'à quel point a-t-il connu et

étudiécesdoctrines,c'est cequ'on ignore. Nous

ne sommespas arrivés au temps de la philoso-

phie d'érudition; les livres sont rares et chers,

(1)DansXénophonmôme,Mem.,1,1, 14, il faitdesallusionstrès-clairesaux théoriesdeFécoled'Ëtée,quine voulaitreconnaîtrel'existencequedansl'unitéabsolue,.y (<~MTt tt~t; à cellesdeLeucippe,quiprendpourprincipesdeschosesdeséléments,dontlenombreestinfini,M't~Te~M. àceUesd'Héraclite,quiposelemou~ementeUechangementineessants;ace!IesdeZénon,quiafnrmeréterneUeimmuabititèdesciMsescequi attesteuneconnaissancetrès-exactedesphiloso-phies~nt&Heures.

(2) Plut., DcCu)'<OS., 2. 2M)~M~{XMt~tV.:t<t'MrMi~Tt

tMrj~x; ).s'~ ft:H~t.

Page 83: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

1

H8 V1EDËSOCRATE

et l'enseignement ii'a guère d'autre procédé

quel'entretien et la conversation la communi-

cationdesidées est encorepresqueentièrementorale. A en juger par ses propresthéories, quin'ont avec celles d6ses prédécesseursque peu.

d'analogie,et desanalogiespûreinentextérieu-

res/il semble que Socraté se soit attaché à les

réfuter eu à les éditer plutôt qu'à 'lés suivre

c'est ~opppëition,la poléoliquéqui développésa pensée philosophique et peut-être la fait

naître.Qequ~lyadeplusiïlarquéenlu~c'est

rindépendancé de la re~ércRé)~6ïMou~ement

spontaRéet libre; affranchir l'esprit humain

des idées apprisesCtttïaNsmisëspar la routine,la tradition, rhabMâe ? rav6uglea~

de Pécule,et .vsub~iiuer le li6~ e$amenet la

recherche persoilnellé, ~oilàle caractère et

anssi lé hutde sa rëfor~ U~ïesoié~ïcéd'écéle

n'aurait jamaissuffi â ce renouwelléme~~tpro_fond et complet de la ~ie morale et iritellec-

tuelle,et~ la seule expHeatio~ dé ~œuvï'é~de

Socrate est daïl~~originâliié~dé~son génié o

~(mginaIité~dé~sëii~Caractèr~:-1eshautes-ver-

tus de son âme et les grandes fac~ son

esprit, joint es à un réflexionconstante, à une

méditationardente/purënt soûles prod~ une

révolution sans pareille dans l'histdu'é ~dé la

philosophie,lui pertB.irentde ia concevoir/de

Page 84: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SES MAÎTRES S99

la tenter et de la réaliser. Quant à ses rapports

avecleshommeset les doctrines de son temps

et du temps antérieur, ce qu'il semble en

avoirrapporté de plus certain, c'est la convic-

tion de la vanité de la science, telle qu'ils

l'avaient comprise.

Non-seulementje ne trouve aucune analogieentre Socrateet les sophistes, mais je ne lui

trouve pour ainsi dire aucun rapport avec les

philosophesantérieurs. Il n'y a dans ses doc-

trines nulle trace de la physique atomistique,

mécaniqueou dynamique; nulle trace d'éléa-

tisme, nulle trace de pythagorisme,pas même

sur la question de l'immortalité de l'âme.

La doctrined'Anaxagôre sur le No~, a seule

exercé une influence visible sur son esprit.Onpeut dire que c'est la physionomiela plus

originalede l'histoire et lui appliquer, dans

un sens aussi élevé que possible, ce mot

qu'il s'appliquait eh raillant à lui-même

<x~7-o~o{?-M~Ao~/a~(1). C'estde son proprefonds qu'il a tiré la philosophie. <

(.l);Xén.,CoMN.,1.5.

Page 85: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet
Page 86: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

4

Si nous n'avons, sur la premièrepartie,de la

vie de Socrate,que desrenseignements incom-

plets et incertains, il n'enest pasde mêmedes

détaiisquinous ont été conservés sur sa per-

sonne, et qui sont non-seulementabondants,maisparaissent avoir, en outre, un degré suf-

6sant devaleur historique.On sait que,dans l'origine, les portraits, en

Grèce, sont nés du désir de conserverFimagedes vainqueurs des jeux sacrés ce n'étaient

que des représentations,'traitées avecliberté,

du caractère physique et moral de ces indivi-

dus mais l'art grec arrivabien vite à une fidé-

lité plus exacteet à une reproductionplus vraie

des~ersonnes.Lesartistes se guidèrentd'abord

d'après Jaurcaractèreconnu, les traditions, les

portraits écrits laissés par les contemporains.

SONESMMT. SONÉCOLE.

LA PERSONNE DE SOCRATE. SON CARACTÈRE.

CHAPITRE IIII

Page 87: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M YIEpËSOCRATE

C'estainsique nousavonsla tête sublimed'Ho-

mère, c'est ainsique nous avonsla tête riante,

spirituelleet ferme de notre Socrate, évidem-

ment imitée de celle deSilène, et modifiéeparles détails tirés de Platon(1). II-n'est pas im-

possibleque des donnéesplus exactes et plussûres aient servi à ceuxqui nous ont transmis

cettengure. En eNet~il est vraisemblablequele

buste a été fait sur la statue en bronzede Ly-

sippe, et quoique Lysippe ait vécu trop tard

aprèsSocratepourle condattre,il a pu travail-

ler d'apres~desdessins, ou des pierres gravées,ou des m~daules, ou des reprod~ plasti-

qués, qui, dans un temps si glorieuxpour la

sculpture, -ne devaient être iii rates ni in-

~xactes'?~~Le goût dés anciens'd'or~ leurs bib~lio~thè-

ques ou leurs muséeë des b poètes etdes pml~opKës~~coMribûé à ~nùltiplf~rees

rëprodactioDS,'qu~ considérer commeà

peu presndëles.câpres lé~ qü'on peut v'àir

(l)Diog.L.,H/~ ~&b; E~Q.yisMh~/eoMO~f<xp~!ggrecque,~partie, p. '77,80,PI.18.Iconographie.qrecque, p~~771,80,Pl.18.

(2)Voir,surlesgemmesdeSocrate,laplupartaUégo-ti(;ûe8ôn6apneieMsës,roavràgedeMaoarius,citéparOit.AUjHer<xAbraxas,sëu~pM~opM~M~quseestanti-quanadegem!nisbMilidianisdisqmsitio.aAnvers,16'74,4; ilya euunereéditionen165'7avecuncommentairedeJeanOhifQet.

Page 88: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA PERSÔNNE 63

dans l'TcoMO~~MedeVisconti(1),commed'a-

prèsla descriptionde Platon, faite celle-làd'a-

prèsnature, Socrateétait loind'être beau (2) le

visage d'un satyre, le nez camus, les yeux à

fleur de tête, les lèvres épaissesfle teint pâle,la tête chauve (3),.et cependant l'intelligenceet la force intérieure de l'âme répandant sur

cette physionomieune espèce'de charme et

commeun rayonde la beauté morale (4). «Al-

ciMades,dit Rabelais(6),on dialogede Platon,

intitulé le ~B~c~M~,louant son precepteur

SocrâteSi.sans controverseprince des philoso-

phes, entre àultrës parolles, le dictestre sem-

blablees ? Silenesestoyent jadis petites

boytes.teUeS que nous voyons de présent es

boutiques des apothicaires,painctes au dessus

de'nguresjoyeuses et frivoles,commedes har"

py, 's~ oisons bridez, lièvres cornuz,

~Gan~s~aStieeS,boucqs~volants, cer~s lymon-

(1)Cf.Q. ViscdHti, 7coMO~.~)*ec~ 1~partie, p. T7,

~U~&

(3).~Sy~p,I'V,;19j:T<%v~.<fM~ Tc~~ftT~txc~a~-

'V~

(3) rAeë< 143ë;Ar:st6p 103; Xén., o.'V,'7;Wmckelm. Z'Art, f. 11,p,:15.

(4)Epict.,D~'Me~ 1.Wo, p.,19.21_;~1_ So~?e~gh.,t. II, B~ ejns corpus, ~~6~, et adeo

eratgratam et suave M~o~otxtSoxtKUKXKit~ »

(5) Prol. de Gargantua.

Page 89: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

tt4 'VIEDESOCRATE

niers. et aultres telles painctures contrefaictes

a plaisir, pour exciter le mondea rire quel

feut Silène, maistre du bon Bacchus maisau

dedans, Ionreservoitles fines drogues,comme

baulme, ambre gris, amomon,muscq, pierre-ries et aultres choses précieuses. Tel disoit

estreSbcrates, parce que le voyans au dehors

et Festimans par Hextorioreapparence, n'en

eussiez donn~u~gcoup~a~d~ ta~t laid

il estoitde corps et ridicule en son maintien,le nez poinctu (1), le reguard d'un taureau (8),le visaged'un fol, simpleen meurs, rusticq en

Yestiments,~pa.ourédei fortune,~fbrtu~é en

femmes.inepteà tousofficesdelarepublic~

toujours riant, toujours beuYantd~~

ung chascun; toujours se guab~ toujouxsdissimulant son di'~ s~a~ 'Mâis~ouvrans

ceste boyte~~ssie~ au deda~ ~trouy~unece-

leste et impreciabled~ entendement;plus

que humain, vertus meryeilleuses~couraÿ~e

invincible,sobresse nonpareille

certain, asseuranceparf~ desprisëm~M~ïn-

croyable de tout ce pourq~-leshuinai~,s.tant

veiglent, courent, travaillent~navigent et ba-

taillent. ~v;

Maigrequelques traits ajoutés par la riche

(1)Rabelaisn'estpointexactici.

(2).P/!< ,1 nb T~ ~e~

Page 90: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA'PERSONNE 65

4.

imaginationde Rabelais, ce portrait est élo-

quent beau et vrai.

A la foispar économieet par nécessité, car

il était pauvre, mais aussi par simplicité de

goûts et mépris des délicatessesextérieuresde

la vie (1),Socrate se nourrissait avec une so-

briété rare et s'habillaitavec une extrêmesim-

plicité. Antiphon le lui reproche dans Xéno-

phon « Ala manièredont'tu vis, lui dit-il, un

esclavene resterait pas chez son maître; les

metsles plus grossiers, la plus mauvaise bois-

son te suffisent. C'est peu de n'avoir qu'unméchant manteau, qui te sert l'hiver comme

l'été, tu n'as ni tunique ni souliers (2). »

N'allonspas croire, sur ces expressions,queSocrate allât tout nu, ni même nu-pieds; ce

sont là des équivalentsmétaphoriques de nos

hyperboles de va-nu-piedset de~<ms-cMM~.

Les Grecsappela e~eva~rns,ou parexcellence,la tunique de dessus; ceux qui ne

l'avaient pas et ne pouvaient se donner quecellede dessous,~evJ~tx~,étaient nommésa~

yot~ (3). C'étaitle cas de Socrate, qui n~'avai

(l)Anstoph.,JVM&363

KoMUttO~TO;!M)(K TroM.KK~n.

(3)~Mt.,l,6. 12. o(3;Salmas.adTertull.,dePallio,p. TO.

Page 91: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VtEDËSOCRATEbH

paatoujours de quoi s'acheter un manteau (1).

De même les uTro~Me: étaient des soulierp qui

couvraient tout le pied et constituaient une

chaussure élégante, de luxe, et beaucoup trop

chère pour la fortune, comme beaucoup trop

délicate pour la simplicité des habitudea de

Soçrate. L''absonce de cette recherche de cos"-

tume n'indique ni ~M~ ni le v~nisrne (2}:

Soçrate ?& aucun trait qui r le mQiué

mendiant, le jogui indien ou l'ascète!. Xéno-

phon le peint, au contraire, décent dans sa

tenue modeste, et ne se permettant pas, sous

prétexte de vertu, la négH~ënoc de certains

/;(~Diog,TL.il~8.?(3)AtMc~Xn,~)Pttecom

e~ati~a~jctt~~ so~ti~rs,~çc~m~,xra.!iâep~~d~ntsur ~u~ da té çcïnsulter., 5ta11$aumad

jP~~84~()~~o~3~'e& di~-

Ibgti~qK6.PMdf8<:së't~o~T~ ~sommeSoérate, ?

~~<i~jÊ~tt=~g~SaRve~M~t,l~~

~l~l!6~a!~)~a~ ~uraien~ pa_s,p~.ma~hef ~dah~lë~.ru.issM'verte~.ID'&B&iÏ~M~M~p. nonsMe~oïltrp ~<

ms!~at,< ~~Ij~ppps~. ~Me.insehSiMItté,1~ déUcatessedes soldats~m~Mot, et

il,explique ce niot en disant qu'ils portaient ~&tu{x~

<ï~&t~ des peaux et des foiïrrurëg; mais quàTidôB.serait obUgêd'BatendTe, pommeTa fait Cicéron, (~0

'0T~l)~.<tduriasim!spedibu8~i]lë<))!t~~6~ms de l'ab-sence totale-dëphaùsSNres,rexemp}e de ~hèdTeprouveque ce n'était pas une exceptionbizarre ou une affec-

Page 92: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA.PERSONNE) 67

soins de sa personne, et même la blâmant

chez l&a autres.

'Lorsque! se rend à une réunion d'amis, loin

d''an'ecter un costume négligé et malpropre, il

prend un bain, il se présente convenablement

chaussé, et, en un mot, en toilette (1); et

de ni~me, malgré une tempérance exemplaire,

<tune sObresse sans pareille, il n'apporte

pas à ces fêtes de ~amitié un visage chagrin

et une humeur mûl'oss il se livre à la gaieté,

jl rit franGhement, il cause avec esprit et

grâce, et mettant de côté cette gravité de

démarche, ce regard quelque peu dédaigneux

et sevëre, cette majesté d''expression que lui

tatton d'austérité bu de mépris dés usages: c'était la

m&de,Mn--së~letBLeHtde~ c~yeng qui viv&ientmodes-'

te!ït~~<)ï)tn~eB})LÇQiQRet.L-yc~rgue,t'hais encore de j~n-nes getisél~nts~ de~cats (P~CBc(~ 3~5a) et même rna~

làdiFs'homË.ë'p~

(1)Plat., ~t'74: a, ~<iup. Cf. id., 223 d, K~o-

t~j~t~MTctt p).K~x;~o~6~s[t6w~ !i3Tmxx).M;,desorte

qu'il ne faut pas prendre à îa"lettre les inots d'Epic-

tète~ 2)~ 1.1' p.~ p. tH « Soçratoe rarQ lava-

bat,<. MQue~&tH~ ~e({ua~ neque baliieis uti,si YOluiasot;et tamen raïse etiam lotiones vim habe-

,~M~Je remarque quedans c&mêmepassageSohwëigliauser

traduitLie yeïs .IVit6;,108!T6~;~tm~r~,T~ ~om<if,tco$(Cf.id,, v. 363)n6npar <:nonsalceatos, »

maiabienpar(fdiscalceatos.~ »

Page 93: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

68 VIE DE SOCRATE

'attribue Aristophane (1), il boit sans fausse

honte sa coupepleine, et quoiqu'il conseille

plusvolontiersdescoupesquisoientpetites (2~les plus grandes ne lui font pas peur (3).

<t Amis,dit-ildansle.B~~M~deXénopIion(4),

je suis fort d~aviaque~ buvions s'em-

blableà la mandragorequi endort les corps,le

vin, arrosantnosesprrts~asspu~;nas chàgrm

il éveillela joie comm~ aniznèlaflamme,

Ilen'est de nos corpscommedes seniencesqui

germentdansla terre~quele cielyersedespluies

trop abondantes, elles lèvent mal 'elles ne

reçoiv~as ~inipressioili d~s~ent~ mais

modérément~arrosées~fellêspQussent ;avëc

vigueur, leur tige s'élève, elles fl~urissent,

eRes~se,~e:u~n~~deJ~its~Be~Rié~~ si nous

buyOû~a~ëp~exces~c~rp~cI~ l'ësprît

s'a~ihli~si~~po~v~ del'éxpres-'

'sion;rlïe.t@u~gias~~ serv~iteurs

servent d~ûs~dë~od~stës~~ unedouce

~l~pstop~&&T~~v9U6t T,'6V'T~ ô8~tçxçtiTwtPBxk~ü~rrxPct~klFtç,

'xA~<

(2) ~ea.p.226! e! p;txpociçxûXt~St~ruxvâ

Mt~~mmv;jse,depniet~o.t~exptu~e~la ,finéqùitomhesansdiseQ~DU~.(3).Mat. ~/))~.)~â231:: ~!vHV~te~M~<i&

(4)~8, suh"6n-

Page 94: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SONCARACTÈRE 69

et fréquente rosée, nous cédons doucement à

l'attrait du plaisir.s Saforteconstitutionluiper-mettait môme,lorsqueles circonstanceslui en

faisaièntun devoir)de boire avec excès, sans

éprouver aucun trouble physique ou moral,

sans rien ressentirdes vertiges de l'ivresse (1).A la fin de Bôrgie qui termine le banquet

d~Agathon,après une nuit passée tout entière

à boire,et euil a vaincu, le verre en main, les

plue intrépides buveurs,il sort, le corps et l'es-

prit également fermes,et, comme si de rien

n'était, âpres avoirpris un bain, il se rend au

Lycée pOur~~y ses occupations ordi-

'~nairës\f~G'étàit un hommevigo~~ robuste (3),

exercé)par sa manière vivre, à toutes les

privationset aux souffrancesphysiques, qu'il

supportait avec une. singulière indifférence.

Jusque dans sa~ il Gonservé l'ha-

bitude des e~erciGésgymnastiques. Charmide

le -trouve~~non sans étonnernent il est vrài,dansant tout; seul dans sa maison, et nous

voyonsAlcibiade le provôq~ à En

plein le rude~climStde la T~

les~soldats l'avaient ~vu.~a~ un étonne-

~l~M~~M~~330La:.~~at.33d.(3) X6n., JM~e<M., 6,10 t~; SNx~Ttx~~!~uo;.

Page 95: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

70 VJSDESOCBATE

mont mêlé de quelque irritation, faire son

service,par un froid rigoureux,avec son cos-

tume ordinaire et marcher pieds nus sur la

glace (1).Il résistait avec une forceégale aux

excèsde la chaleur~à la faimcomme à la soif,

àlafatigueetausommeil(8).QuelquefQism6me,sous rinûuence d'une méditation ardente,

cette forcede résistance,cette insensibilitéaux

impressionsextérieures atteignit presque un

état d'anesthésiecataleptique.Danscette même

campagnede Potidée, des soldats ioniensquil'avaient observé, rapportèrent que, plongédans une méditation profonde,il était resté

dans la mêmeposture, debout toute une jour-née et toute une nuit,et n'était rentréau camp

que le lendemain au point du jour, après avoir

fait sa prière ausoleil (3).

(1)LedMsuadupiedoliaugsé~ela sandaleresteau.C!f.Plat.,<S'y?Kp.,a20b..

(2)X~n.em.,l,8,l; et l], 1; 1 Diog.L.,11,27;Aristoph.,jVM&414 Plat.,~)M~ 820a; c'est ce

qu'onappelaitlà)(~Te~(!t;daSocral.e.(3)Plat,Od;~l,GeIl., 11,1.n'y

voitqu'unendurcissementpurementphysique«interlaboresYolu:titarioset eiërcitiacorpoTisadfortuitaspa-tientiœYicesËrmandi,» etil citedeFavorinuscepas-sage TKM~xt;~~MUsiç'fiXtMMTWMtKOT~c'.êMïepo;Tmv')rpsM.-~N~,oùl'onvoitcequin'estqu'unl'ait accidentel,peut-êtreunique,sechangeren unehabitude'toMcHtt;.Cf.

Hegel.,FbWM.,t. XI,p.51.

Page 96: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON CA-RACTÈRK 7t

Sabravoureétaitaussihéroïquequemodeste.

AusiégedePotidée.Alcibiade,son camaradede

chambrée, blessé et en danger de perdre .et

ses armes et la vie) dut au courage intrépideet calmede son amide sauver l'un et l'autre,

et Socrate lui abandonnale prix de la valeur

qtieles générauxvoulaientlui décerner.(1).A Bélium,où'il servait commehoplite, dans

latetraite désastreuse oùsa fière attitude, sa

présence d'esprit, supérieure à celle deLâches

môme, son Tegardd&taureau, intimidèrent les

ennemisqui poursuivaientles fuyards,il saibva

également la vie à Xénophon qui était tombé

de cheval(2) il le releva,leprit sur ses épauleset le porta ainsi pendantplusieurs stades jus-

qu'à la fin,de la poursuite..11avait fait égale-ment la campagned'Amphipolis, sans douteavec Thucydide.

L'empirequ'il exerçait sur lui-mêmes'éten-dait &tout ce quiexciteles passionset les con-

voitises humaines il est amoureuxde la jeunesseet dela beauté (3);il se déclareramant d'Alcir

(1)Plat.;~tMp.,220d; Plut-,Aleib.,p. 195a. Plu-tarqueajoute,il est le seulà nousdonnerce rensei-gnement,qu'AIcibiaderenditla pareiUeà Socratedansla retraitedeDéliu.m.

(3)Plat.,Lac~t81b;~mp.,22i b,c;PAœd.,inb.

Diog.n,Y~S~&IX,ei8;Simpl.,adEpict.,c.31~(3)Plat.,~)Mp.,216e.

c.31

Page 97: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

72 VIEDE.SOCRA.TE

biade (1); avecson ironiehabituelleil professe

qu'il ne sait qu'une chose,et c'est l'amour (2);

mais, malgré les vers queciteAthénéediaprés

Rérodicus,qui les attribue à Aspasie(3),malgrél'insinuation malveillante d'un mot spirituelde Cicéron(4),malgré l'accusationouverte de

Juvénal (5), trop légèrement répétée par Bo~-

luau (6), cet amour/tout en acceptant les

formes de; langage usitées ;dan~ mœurs

grecques pour exprimer l'odieuse confusion

de l'amouret de l'amitié, cet amourne s'adres-

sait pasà la beauté physique, ïnais à la beauté

intérieure, et ne se proposait d'autre volupté

(l)Plat.S<,w~13t).(2)~11, 6,28:~TOMNT!XO;AM

e <w~ ~o etrtsra.sOMTC(~aTtxx..Pyo<./Mt<.CAa)*)M.,156~

(3)At.hén~,V,219a~

SMXp&Tt;/ tSx '~ft9! [At TO~M~~E' <j!pMC[TWC~

~at~f);,&et<K~{'KK!K~t~!<.u. '"i;~

(4)Gic.e ~< e.5~~c~opyrus-physiognomon.addi-dit Socratein ëtM~m~MeM~~quo AlciMaNesca-

i,7"

chinndmdicitups~gt~isse.{5)Ju:v.ll,M~ i

x<Cast.igas,turpia,quutnsisInt.MSQMat.icpsnotissimafossaciBsedosH.

(6)Bb:L.XII:Etmalgréla yertudontil faisaitparade,Très-équ.ivoqu.eaùndujeuneA~ciMade;

Page 98: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON CARACTÈRE 73

5

que de purifier,de rendre plus belle et meil-

leure l'âme de celui qu'il disait aimer cela est

prouvé non-seulement par le cynique récit

d'Alcibiade,non-seulementpar le témoignagedirectde Platon, qui nous affirmequ'il ne s'in-

quiétaitpas,dansle choixde ses amis,de savoir

s'ils étaient beaux; par celuide Xénophon,quiconGrmele premier,mais encorepar le silence

de tous ses contemporains,de ses accusateurs,

dès poètescomiques,d'Aristophane,qui certes

Sauraient pas oublié ce trait, comme le fait

observerAthénée(1),si lecaractèredel'homme

n'eût rendu commeimpossible une si odieuse

calomnie.

Si Platona introduit danscette œuvre admi-

rable du Banquetle dégoûtantépisodeauquel

je fais allusion (2), ce n'est donc pas pour

repousserune calomnieque personne n'aurait

osésoutenir,maispourmontrer, commel'inter-

BoileM.a-t-ilsu queP&ulLéopard(.E'MMM~.l.,XII.c.10)substituaittrès-ingénieusement)dansle versdeJuyénal,Sotadicosà.Sooraticos??

(l),AtMn.,V, 319 OU~Ctp« M-~ae TtUT' ÂpUtTomKVT);,M;

T~!); ~StU;~\Km9s!j!~tO{.

11nefautpascroirequ'Aristophaneluieûtpardonnade partagerce vieesi général;il suffitde parcourirsespiècespours'assurerqu'ils'élèveavecunevervevéhémenteGontretousceuxquien étaientaccusés.

(2)Plat.Mp.,3n, sqq.

Page 99: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE74

prête Quintilien, la pureté et la chasteté de

ses affections(1).

Lorsqueje dis que nul des contemporainsde

Socrate n'aurait insinué quelques soupçonscontresacontinenceetsa chasteté, je metrompe;il en est un qui l'a accusé,mais un seul c'est

Aristoxène,ou du moins son père Spinthare,

qui avait entendu personnellementSocrate(2).

Aristoxène,musicienet mathématiciencélèbre,avaitécritdenombreuxtraités sur les deux arts

qu'il pratiquait et professait,et, outre ses trois

livres sur les élémentsde l'harmonieque nous

avons conservés, il avait écrit des mémoires,des mélangeset des biographies,les unes des

grands poètes tragiques, les autres des philo-

sophescélèbres C'est ainsi qu~ilavait composéune vie de Socrate, dont nouspossédonsquel-

ques fragments,tous empreintsd'un esprit évi-

dent de dénigrement et de calomnie; cette

dispositionde caractère est signalée par les

anciens eux-mêmes, qui l'accusent, les uns

d'avoir visé à dire toujours quelque chose de'

nouveau, les autres d'avoir insulté, aussitôt

~1)Xen.~~ëtM.,1,8,1 t<5~a~~MMM~~TfoTctTM.So-crates'élèveavecindignationcontrceesignoblesmœurs.crntes'éléveavecindigna6ionconlrecesignoblesmaeurs.Xen.,AfeM.,1,2, 29;ld., .S'ytMp.,8, 19; QuintU.,VtH,4,23.

CyrUt.,adv.ut., i.VI,p.:M8.

Page 100: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SONCARACTÈRE 78

aprèssa mort, Aristote, dont il était le discipleet dont il aurait voulu être le successeur(1).

Voilà le témoin qui vient nous dire queSocrate avait été le mignon d'Arcbélatis (2),

qu'il était porté à tous les excès de la dé-

bauche (3),qu'il avait la passion de l'argent et

n'était qu'un francusurier (4); que son espritétait lourd et épais, son caractère si violent et

si irritable que les emportements de sa colère

ne s'arrêtaient devant aucun acte ni aucune

parole (5), et qu'à l'intempérance il joignait

l'ignoranceet la bêtise (6).Il est vrai,-si l'on en croit Cicéron, que le

physiognomiste.Zopyreavait cru reconnaître

dansSocrateles caractères extérieurs de la pe-santeur et de la stupiditéde l'intelligenceet de

l'amour des femmes, et que Socrate avouait

qu'il avait employé, pour s'en corriger, toute

(1)Suidas.v. Â~<tT!{.Procl.inTi'Mt.t. III,p. 192.JenevoispasbienpourquoiM.Grotea vouluréhabi-literuntémoinsilégitimementsuspect.

(3)Diog.L.,H,19.(3)fragm.Aristox.,25,ed.Didot;Suid.(4)Diog.L.,II,20.(5) Fragm. Aristox., 2T,tir6 do Théodor., O~ XII,

p. 163: etxp<;](cA<.< !Mdeu~wr<M;fragm. 88: $6Mw ~M Tw

fmyjf.u.Mu-W w~CtO; !)Sï6 ~o'a.Tc.t antomMOxt, oSM ~ox-y-

jMtTM.

(6)Fragm.Aristox.,21,tirédePtut.,(~.MM~ .He-t'O~O~9C M!x!~6Urc'<xxi~.xMxxtXM~OTC~.

Page 101: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

76- VIEDJESOCRATE

(1)de., ~e c. 5;TMs..)M!IV,3Tf,Luc. ~.)MO!24.

(2)DMM~ 25, 26, 27. Gonf. id. 9,10, H.

(3)G~c.N'D.,l,:3~

(4)Diog.L.,X.8..

(5)~;I.M<. ~ar., ÎX,29;Xen.po~ 16.H y a

quetqu.ecoutradictiondansjestëtnpignages à cet égard,Comf.Senec., de B~te/ I, 8.

la force de sa raison et de sa volonté (1)maiscene sontlà quedesinductionsfausses,ti-

rées depassagesmal comprisde Xénophonetde Platon, et qu'a très-habilement réfutées

Maximede Tyr (2). Il faut faire encore moins

d'attention aux critiques de Técole épicu-

rienne, qui se permettait tant de licences, et

même d'impertinences, dans ses jugements,comme nous le dit Gicéron <o;M<M~.E'piCMWAor<M~/~&Mt<Hc'g~M~,et allait jusqu'à appe-ler Socratelebouffond'Athènes, ~cM~~awa/M-

CM?M(3).Épicurelui-mêmeavaitétéplusréservé:dans la série d'invectivesqu'il adresseà tous v

les philosophes,et dontBiogenenous a trans-

mis la liste, Socrateest oublié(4).Cet oubliest

presqueun témoignagede respect.IndiS'érentà la fortune,Socrateavait refusé

des présents, non-seulement des rois .et des

étrangers, mais souvent ceux de ses meilleurs

amis (5); il ne voulaitpas les recevoirmêmeà

titre d'honorairesou de rémunération légitime

Page 102: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON CARACTÈRE 77

pour ses leçons et ses conseils (1). Channide

lui ayant envoyé des esclaves pour qu'il pût ti-

rer profit de leur industrie et de leur travail, il

les refusa (2). Il repoussa de même les offres

d'Archélaûs de Macédoine, de Scopas de. Cra-

nonium, d'Euryloque de Larissa, quil'invitaient

à se rendre et à vivre auprès d'eux (3). Tout cela

n'était ni nerté superbe, ni passion d'ascétisme

mais il avait pour maxime de diminuer autant

que possible le nombre de ses besoins, pour se

rapprocher de la divinité qui n'en avait au~

cun (4).

G'est ce sentiment et ce goûtd'indépendance

'qui se révèlent dans le; mot qu'on lui attribue,

à la vue des objets de toute nature étalés sur le

marché d'Athènes Combien de choses dont je

n'ai pas besoin (5)! Le goût de la pa-

(1) Plat., .Apo!31 c sTtpK~u.~~.060~vitrn)M.

(3)Dtog.L.,U,31..

(~ Diog., 11,25; LibM.po~Dec~NM.,XXIX, t. m,

p.59.

(4)Xéii.MM., l, 6, 10.`

(5) Diog.L., 11, 25 et 11,74.Dans ce dernier passage,Diogènemet, dans la bouched'Aristippe, une réponsequiferait croire que les riches amis de Socrate lui faisaienten nature une espèce de pension alimentaire. Socrate,dit-il, a pour le servir les premiers citoyens d'Athènes,et moi je n'ai que mon esclave. C'est pour cela qu'ilfut ]e premier des Socratiques à prendre un salaire

pour ses leçons.

Page 103: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE78

rure'et de la recherche lui est tout à fait

étranger, et sous cerapport il ne ressemblepasà ses contemporains.« Tousces manteaux de

pourpre, disait-il, ces étoffes d'argent et d'or

sont convenablesà des acteurs qui vont jouerun rôle de tragédie, maisparfaitementinutiles

au bonheur de la vie (1). 'JI

Sa patience envers sa femme estcélèbre,mais elle s'étendait à tout le mondeet à toute

chose; dans les discussions qu'il aimait à pro-

voquer, ilse laissaitmoquer,bafouer, insulter,

frapper; il se vengeait de ces grossiers ou-

tragespar quelquemotspirituel. Un contradic-

teur irrité lui donna un soufflet « Qu'il est

doncfâcheux, dit-il, dene pas savoirquand il

faut mettre un casqueavant de sortir (2).Un

autre le frappe d'un coup de pied et quel-

qu'un s'étonne de sa résignation <: Ehquoi

répond-il,si j'avais reçu un coup de pied d'un

âne, lui ferais-je un procès (3)?« Aristophane,dansla comédiedes~VM~,l'accabla,commeon

sait, de calomnies;un des spectateurs lui dit

–<Eh quoi! Socrate, tune t'indignes pas de

te voirl'objet de la riséepublique? Non,par

Jupiter! le théâtre où l'on me raille, n'est-il

(l)Diog.t.,il, ;?.(2)SeN.7~,l.ÏlLc.Xl.

(3)Diog.L., 11,31,quicitepourgarant.Démét.riua.

Page 104: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SONESPRIT 79

pas commeun grand banquet (1) où chaqueconviverit des autres? » Cette patience, cette

constance d'âme, reposent au fond sur un

sentiment de supériorité, du haut duquel il

méprisela sottise humaine tout en se prêtant à

ses capricesinjurieux.Un jour de grande fête aux Dyonisiaques,

désigné par son nom, affublé de quelque épi-thète plaisante, il voyait des étrangers se re-

tournerpourle voir et le connaître; se levant

tranquillement alors, il "resta debout pendantle reste dela piècepourleur permettre de satis-

faire leur curiosité(8).On aime à croire qu'ÊUen n'invente rien,

quandil nous le montre surpris par Alcibiade

au momentoù il joue avec son fils Lampro-cles (3). Son humeur aimableet complaisanten'est pas moins gaie et piquante; sans doute

ce n'était pas un jeune fou; maisje m'étonne

qu'Aristote lui donnel'épithète de ~o!<~<, et

dans ce passage le rapproche de Cimonet de

Périclesdont on connaît l'attitude réservée et

l'humeur graveet sévère (4). Je m'étonnebien

(1)Plut.,deLib.~~Mc-,p. 14.(2)Plu),<Lt6. Educ.,c.14;~L, jyM<.Mt)'11 c,

13;Senec.,de Const.,S~ c.18,subfnem.(8).ML,~f.,1. XII~15.Cf.PerHODUissLdl.1.(4)Ari8tot.,JX~e<11,IH.'Vittoriosemblene donner

icià (rrAtt~tquele sensde ferme «famitiasingenio

Page 105: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE80

davantage encorequele même auteur lui attri-

bue une humeursombreet noire, à moinsqu'ilnefailleentendrepar jM~oAtx.)) cegrainde folie qui entre, au dired''Aristote,dansl'es-

sencemêmedu génie, et qu'il a eu en partage,suivant lui, avec Empédocle,Platon, et en gé-néral les bons poètes(1).

Cependanton ne peut pas dire qu~ilait 'eula

facûltépoétique au contraire, il semble quel'élément prosaïque domine, dans les disposi-tions deson esprit et la tournure desa penséec'est avecune répugnance visible et pour sa-

tisfaireà un scrupulebiendélicat deconscience,

qu"il fait son métier de poète improvisé.

Craignant de n'avoir pas compris le sens des

visionsnocturnes,qui lui recommandaientsans

cesse de s'occuper demusique, Socrate se ha-

sardè dans sa prison à mettre vers les fa-

bles d~Ésope.ca~sesentait incapablede tirer

de sa~p imaginationune fictionpoétique.II aborda même le genre lyrique et fit un

hymne à Apollon,donton céléb~ait~ fêtepen-dant sa captivité (8).

stabiliarmoqueprseditas,ut in probl.XIX,48,in quodeCjioristragœdiarumdiSpuLat,~o<arMt~vocavit.?»

(l)Aristot.,jPt'o&~XXX,l;Bekk.,953a,~

(2)jP/KB~60d ~'<Teh«'rfA;AidN~cuXoYOU;.Diog.L.,

Page 106: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON ESPRIT 81

5.

Ces essais tardifs de poésie ne furent pas, au

goût de Diogène, fort heureux ou'~c~ ~6t~-

~6! nous le croyons volontiers, quoique les

comiques aient fait de lui un collaborateur

d'Euripide, voulant plutôt marquer par là le

caractère philosophique de la tragédie d~Euri-

11, 42,n'attribue à Socrato qu'une seule fable etencttt;

deux vers71

Â?OMTFO'~TUT* ~~E Kc'p~9tC. K<F7U~~p.~UOt

~V] XS~ët~ Mp&TTj~XcX&tù O&~tTp,

ILeite égalementle premier vers du morceau lyrique,

qu'il appelle un pœan., tandis que Thémiste (Orat., II,

p. 2T,éd.Hard,) etBIatonlenommentun prélude~M:et Suidasun hymiie(vOc.2Mxp.);il semble que cet hymneexistatencore dutempsdeTnèmiste, qui nous dit xon~c~:

StûxpctTC''!rj)M~tM~6!ro(Y)~ 'r~m ~s'.p.ttjim et du

temps de Diogène,qui en cite le vers

&~).t'Âno~c'<,XMpsM.tA.pTE~.t'nct!~tx~ettM.

Epictète, Dissert. 11,6, et IV, 4, y fait allusion à

peu près dans les mêmes termes qu'Apulée, .F~o~tL,p. 303.« Canit Socrates in carcere hymnos. » Dionvso-dore, qui avait écrit l'histoire de la Grècejusqu'au règnede Philippe de Maoédoine,soutenait quece pœann'était

pas de Socrate. On trouve dans Athénée, XIV, 628, anvers emprunté aux poèmesde SocTate;~M~EMx~To{m

T<.t'rM~)t<!t~~m'<f)ifTM{;

0!xa[~o~MtXM~K!ra6et.u{T![<.maMK~eT~tdv~~jJKj)

Schweighauserse demande queIpeut-êtreceSocrate;Casaubon n'en dit rien.ptt. Muller croit que nous avons

là un autre vers dupteaM que le philosophe avait com-

posé dans sa prison.

Page 107: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

82 VŒDESOCNATE

pide (l),que signalerune veinepoétique dans

TespritdeSocrate.Socratea mis l'idéal dans la viepratique et

semble, pour ainsi dire à dessein, le négligerailleurs: on ne le voitpassensible à la grâce et

à la beauté extérieure les discoursqu'onlui

prête ne révèlent pas legoûtde Fart, Famouret

le sentimentdesbellesibrmes, lebesoin ou le

désirde plaire. Il n&iecherchepas le beau lan-

gage il n''adans la boucheque des comparai-sonsvulgaires,desexpressionstrivialesqu'ilne

se lasse pas de répéter, sans craindre, par ces

redites négligenteset cette vulgaritédéformes,

d'apprêter à rire à tout lé monde, à tous ceux

du moinsqui jugent sur l'apparence (2), et de

choquerle goûtdélicat et difficile de sésconci-

~1)MaèMinaehua(Diog.JL, 11,J8}appelleEuripideftmx~t~ Ma~fêde: Socrate,et assuréqueSücrate

a~àtt~tSdë~morceaux&la desP~Crygiens.Cal.

lias, dansdeuxV6:fsconservésdelapiècedes~p6'fépàt~I'as9ettiù&,queSôcf~ avaitdonnéla poésied'ËttMpidèun câra.cteregrà~éet élevé.AMstophaae~a.pMsloinet dit<][a'tl~iaisàitléSpièce$d'E\trfpidé

E~ptKt~'7)~TK;Tj)~M~ ~dtmv

Tc<~mpt).ft~Ù<T<i<;tST<)'~:~tt,TCt<<f<t

Cesdeuxvers,queDiogènecite commeappartenantanx.iV'M~s,nese trouventpasdansnotretexte,etfai-saientalorspartiedelapremièreéditionde cettepiècedontilscdnSrMentr~xistëncB.

(2)Plat.,~Mtp.,222a.

Page 108: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SONESPRIT 83

tqyens.Il n'est pasétonnant qu'à la finSocrate,

par son mépris de toutes les éléganceset des

grâces de la vie et de la parole, ait excité chez

un peuple artiste, ou le Beaujouait Un rôle si

grand, quelque dédain, un peu de colère et

beaucoup d'étonnement. Tout en célébrant

sa vertu divine, en s'écriant qu'on ne pourra

jamais trop admirer sa tempérance et sa force

d'âme, en disant qu'on n'a jamais rencontré

uïl hommepareil pour la sagesse et l'empire

sur soi~môme(l)~Platon avoue qu'il ne res-

sembleà personne, considèreson individualité

etsa vie comme des prodiges, et confesse la

'bizarreriede ce caractère et de cette conduite,

qui, sans doute, devait paraître à plus d'un

presquede la folie(S);il l'appelle d'un mot ca-

ractéristique, mais difficile à traduire parce

qu'il enveloppe une nuance d'ironie dans la

plus sincèreadmiration o~Mo~-))x~ (3).Ëtid'H&autï'eeotécependant,souëcette sim-

plicité triviale, souscebon sensd'une forme si

peu éléga&te'~se cachaitun grand artiste, et, àsa mahièr~Ungrandpoète. S'il ne s'intéresse

(1)Plat.,~y~p.,219b, c,d.(3) Plat., <SyMtp.,281 e rcuToa~ ~n.; M~To;

r~ etTo~fm..

(3)~Id.,3t8e.tindrêtedecorpsseraittropvulgaire,maisil entrequelquechosedeceladanslalocutiondePlaton.

Page 109: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

84 VIEDESOCHATE

qu'à la dialectiqueet au raisonnement, la con-

versation n'est pas entre ses mains un purinstrument de logique un souffleplus puissanLet plus élevé ranime et Fembëllit.Parsan-

nesseetsaprofondeur d'observation,par l'iro-

nie pénétrante et aimablequ'il saitdonner à la

critique, il arrive à produire des effets qu'on

peut comparer à ceux du poète comique.Nul

n'a résisté à cette analyseà qui rien n'échappé,à cette forceinvinciblede dialectique et d'i-

ronie. Il passe sa vie à se moquer et à rire de

tout le monde(1) maistout en se jouant ainsi,il accomplitune oeuvre sérieuseet grave (2).GommeVoltaire,il excelleà rendre ses enne-

mis ridicules; mais à la verve de malicepro-fondedecegrand esprit critique,il.unit~là ce qui rend sa personnalité si curieuse, parun exempleunique dans l'histoire, il unit la

faculté de méditation intérieure,d~~

siasme,de ravissement extatique d~m~

tique, la vie d'un saint, la mort~d~

Cette grandeur morale lui co~m~reflet de la beauté qu'il a dédaignée le rail-

leurterrible(3),qui avait le rire commela phy-

ŒPlat.)<S'</Mt~316e:*6!()mw)f'w{x~'t~ ~taTeXc~

(2)Xen.,MgM.,1, 3,8 ~a.~evajjm(mou~~av.(3)Dibg.L.,II, 19,d'aprèsTimondansles<S'<~M:

~MTT)p~Ttip~UXTO(,!nMMTt)te<,t~M~EUTÏ);.

Page 110: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON ESPRIT 85

sionomiedu satyre (1), ce lutteur aussi invin-

cibledans les joutes dialectiques que Scirron

et Anthée (2), ce chiende chasse de Laconie,

à quiaucuneruse nepeut faire perdre la pistedes idées (3),cet opérateurhabileet hardi qui,semblableà unaccoucheur,tire du plusprofondde votre âme des pensées secrètes que vous

auriez voulu vous cacher à vous-même, c'est

unenchanteur(4)aussi:il frapped'immobilitéet

d'impuissance,commela torpille, tous ceuxquiveulent lui teniriête (5);ilmetcommeunsceau

sujia bouche et sur l'âme de ceuxqui l'écou-.

tent. La puissance de son' art ne, se borne

pas à réduire l'ignoranceou la vanité à un si-

lence humiliantou modeste; ses discours,tout

dépouillésqu'ils sont des grâces du style et de

la séductionde l'harmonie,ont un pouvoirma-

gique qùi charme, comme le feraient les plus

grands poètes (6). 11ravit, il étonne et boule-

Yersel'ânie; il la fait rougir de ses faiblesses,

éveille en elle comme un avant-goût de la

(1)Plat.S'y~p-,215b.(2)Plat.,T'Aee~169a,b Plut.,T'Aes.3;Diod.Sic.,

i~(3) Plat., .P<M"tM.,128 C M<!t~-~set!~xx~~t oxu\m<e{t5

p.6T&9~;.Tt xai t~eue~ TCt~.e~M~Tx.

(4) Bibg. L.. 11,19, d'après Timon!Ë~w.a~ s~Kc~

(&) Plat.8M., 80 a T~~XKT~K~otpx~Tti6~ttMfo[.

(6)Plat., ~Mp., 215 e oh:ue~cnM'<'j'Ao~).e~H;.

Page 111: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

86 VIËMiSOCRATE

vertu, une indignation vertueuse contre elle-

même et contre le mal dont elle s'est rendue

coupable(1);c'est une sirèneque ce Silène(2).Lesflûtes deMarsyasn'ont jamais eu cette har-

monie enchanteresse qui charme et l'homme

et la femmeet l'enfant qui les accabletous et

les frappe d'un muet ètonnement (3). Si là

beautése reconnaîtau trouble délieiôQXqu'elle

jette dans l'âme, qui méconnaîtra dans So".crate la vraie beauté de la parole et de l'élo-

quence (4)?C'estsurtoutdans l'ironieque son art semble

avoir excellé.Onsait que sonprincipephiloso-

phiqueétait qu'il ne savait rien~etqtl'il necher-

chait qu"àapprendre quelque chose. Quoiquecette convictionfut chezlui sincère, il s'en ser-

vait à la fois pour l'âttaqne et la défense~

(t)PM.Mp.,3l5'c: ~opu~o~(8)Id. Ayi~ox&ne~agitt.ti~ de~~< cïdv:

7~ YI,3C8,a.ppot'tequesonpèren'hait j&TS(tiar6ù-contréun hommeplus persuasif.Toutesa personneparlait,dit-il.Lesonde sa voix,l'expressionde sabouche,lemouvementdesaphysionomie,et, outrece

qu'ildisait,l'originalitésifortedetoutesapersonne:TwToueMou!~toToTK.C'estle génie,ledieudeladiscussion,96~ m~ T~ ~~XTUtO~.

(3)Plat.,~tMp.,315a: ~e~X~ct ~jt~x~K&Texo-p.~<t.Aristophanea unmotpluscaractéristiqueencore:'jtu~&m~H 2mx~t~{.

(4)Plat.,~Mtp.,81Tc.

Page 112: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SONESPRIT 87

commed'un bouclieret d'une lance il n'avait

pas de peine à réduire au silence ses adver-

sairesprésomptueuxqui en savaient moinsen-

core que ce prétendu ignorant, et qui ne pou-vaient même pas faire longtempsillusion sur

leurs grossièresmanœuvres.

Onnel'a pasassezremarqué,l'ironie, quandelle n'est pas amère, introduit dans la discus-

sion, à la fois, la modestie,l'esprit, la gaieté et

lapolitesse; cet air de bonnecompagnie,cette

attitude modeste d'un hommebienélevéqui se

faitpetit à dessein,

ïJrbaniparceatISTîfibusatqneExteManttseaseonsulto(l),

écarte l'arrogancëscientinquequi est odieuse,le pédantismequi est ridicule, déconcerteFor-

gùeil et la suffisance, et permet de faire

entendre les choses qu'il serait grossier de

dire toMtC]t'ument:c'estlàque Socratefut, à ce

qu'il paraÊ,inimitable; et avecdes formespô"lies et courtoises,son argumentation n'en fut

pâsmoins terrible.Cen'était pas la griffeformi-

dable du lion; niais, avec le miel de rabeinee

attiquë.c~n était le perçant aiguillon.Rien n'ést cruel commele sourireimpercep-

tibleet raillëu]'d'unhommebienélevé car sous

(l)Hor.<X,I.Î,v.lS.

Page 113: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

88 VIE DE SOCRATE

les dehorsde l'humilité, l'ironieest l'expressioncontenue d'un sentiment profond de supério-rité dansle demi-jouret sous le demi-motoù

elle se place, elle fait éclater parfoisdans une

'nuance indéfinissable,et que tout le monde

saisit, le dédain et le mépris. Je ne pense pasfairetort à Socrateendisant quece sont là ses

sentiments véritablesà l'endroit de certainsde

ses interlocuteurs, particulièrementdes so-

phistes.Poureux,son méprisest sérieuxet pro-fond. Plus faiblequ'eux dans l'opinionséduite-,il prend cette arme, de tout temps l'arme du

faiblecontre l'insulte du fort, de l'esprit contre

la violence matérielle, du bon sens 'méconnu,de la liberté opprimée, de là justice outragée,contrel'erreur, l'iniquité, l'inGapaGité.lsot-

tise triomphantes. Socrate n'arrachepa~

mentet grossierement'ies masques; il les'sou-

lève doucement~avecun;M insolent, ct

sousles dehorsmenteursdn~~savoiret de.lagra-

vite, nous, laisse voira nu dé,

la vanité~~et~de ~gnorancë~Les~ ne

se sontpas relevés,du GÔup~u'i~letir~a portécommeles jésuitea, ces autres sophistes, ils

traînent et traîneront éternellement devant

l'histoire,avecleur nom même,le trait qui le,sa'

mortellementblessés.

Cependantil ne faudrait pasprendre Socrate

Page 114: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON ECOLE 89

exclusivementcommeun critique lui aussi il

a une méthodeet une philosophie.Saméthode

estnégativeen ce qu'il croit devoircommencer

parpurger l'âme deserreurs qui l'encombrent,

des vicesqui la déshonorent; mais elle est fé-

condeet positiveen ceque,renvoyantl'hommeà sa propre pensée, en lui disant de chercher

la vérité dans l'observation de sa conscience,dans l'étude de sa raison et de son cœur, il

croitqu'il ya un art, et il croit qu'il possèdecet

art, d'aider les intelligences à mettre au jourles fruits sains et vigoureux qu'elles renfer-

ment, comme à tuer dans leurs germes les

fruits impursquiy croissentet quiles envahi-

raient peu à peu. C'est un accoucheur des

âmes. Quoiqu'ilprétendequ'il ne sait rien,quele Dieului a interdit derien produire,qu'iln'est

pas un maître, il sait du moins qu'il ne sait

rien; il saitdoncce que c'est que savoir; il sait

que nous pouvons savoir ce que c'est que

l'homme, et il sait par quelle méthode nous

pouvons arriverà le savoir. Cette méthodelui

permet d'aider ceux qui veulent acquérir cette

seiehceetd~étudieravec eux ce grand sujet de

la curiositéet de la sympathie de l'homme, jeveux direl'homme.Il leur apprendà détourner

leurs regards encorefaibles de ce ciel matériel

où s'égaraientleursyeux et leurs esprits,et les

Page 115: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE90

ramène à ce ciel intérieur de l'âme qu'ilsavaient négligé,et où une contemplationas-

sidue et profonde leur permettra non-seule-

ment de se voir eux-mêmes,maisde voir Dieu.

qu'ils n'avaient pas encore clairement aperçu.Il a donc,quoiqu'il endise,un enseignement,

et par conséquentune sorte d'école quoiqu'ilaccueilletout le monde,cependantil a une pré-dilectionparticulière pour la jeunesse il ne se

bornepas à accueillir,il attirelesjeunesgens;ilfait plus,il les poursuit, et usant et même abu-

sant du langage qu'expliquent sans le justifierles odieusesmœursdelaGrèce,dontiln'est ce-

pendantpas atteint, il se déclare l'amant de la

jeunesse et de la beauté et proclamene savoir

qu'une chose, c'est l'amour (1).'Il a eu en eS'et

ce don sacré, cettepuissance magique: il a été

aimé et il a aimé; il a su s'ouvrir un chemin

dans les jeunes âmes,y semerles. germes fé-

conds de la vérité et de la vertu, leur inspirerl'amour delà sagesseet de la philosophie.C'estainsi qu'il fait entendre une noble chose sous

cesmots affreux de Platon, que je n'ose tra-

duire:t~oM!v (Mt&<j)&«Mf~t(2),et celui-ci,plus

(1)Plat.,<SytK~20*?<~M<TôtepMTUMCAarM.,155d

<K~<etK*<t~epmTtKd!.

(3) P/:ce~ 249. J. Gesaaer a o~ intîtulef un on-

Page 116: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON ~GOr.E 9i

triste encore,puisqu'il ravale aux honteux ar-

tinces de la courtisane la prédication de la

plus pure morale rw t~< lui de-

mandeGallias,de quoi donc es-tu si orgueil-

leux? ~(<.Mf~~(l), répond Socrate, c'est-

à-dire, de savoir séduire les jeunes gens à la

sagesse, et de les rendre, par leurs vertus,

pleins d'une beauté réelle et durable, qui les

fasseatout jamais aimeret dignesd'être aimés.

L'amour socratique est l'amour de la vraie

beauté, c'est-à-dire de la beauté morale(2).Voilàquels sont ses disciples, ou plutôt ses

auditeurs favoris mais rien ne ressemble

dans cette pratique à une école réglée on

ne trouve aucune trace de pédantisme et de

scholastique~rien de sérieux, d'austère tout

on accomplissantson œuvre si sérieuse, il se

joue et rit (3).Le cerclenombreux, mais flot-

tant, qui se forme,se disperse, se reformeau-

tour delui, n'est soumisà riendefixe. Aucune

discipline,aucune règle; ni le lieu des entre-

vrageparuen1*769&Gœttingue~oc~es,~KC<tt$pce-def<M~.

(1)Xènoph.,CoM~111,10Cf.id.,IV,56.

(2) jKep., III, 403 C TZTOUXCt~5~NTHM.

(3) Mem., IV, 4,10 M~Mn. M. 1,3, 8 ~tu!~ KM.a.

<M!M[M~Mt;Platr,, CCMC., 316 s~M~M~.S-)!);KM TtC~mt

~tKT6?.

Page 117: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATËM

tiens, 'nil'heure, ni le sujet, ne sont nxcs. Il

aimeà causerde la sagesseà table, et ce n'est

là qu'une habitude grecque, transplantée en-

suite à Rome,et dontPlatoncommençaà faire

une espèced'institution;ceuxmêmequi forment

autour delui un cercleplus intime,ne semblent

pas avoir une communautéplus granded'idées

soit entre eux, soit avec lui-même:ils ne sont

réunis que par une plus grande force de sym-

pathie pour sapersonne et d'admiration poursongénie et sa grandeur morale.Nous ne les

connaissonscertainement pas tous, mais nous

en connaissons cependant un assez grandnombre.

Onpeut les distinguer en trois classes les

uns se bornaient à écouter, àjouir du charme

de ces improvisationsintéressantes,piquantes,

aimables; à profiter de l'exemple de sa riche

expérienceet de sa fortedialectique,pour l'ap-

pliquerà l'art de laparole,de lapolitique oude

la poésie.Tel était Euripide, dont Socrate passait

pour le collaborateur(1), et auquel, par égard

pour Famitié dont l'avait honoré son maître,

Platon décerne, peut-être un peu légèrement,le premierprix de son art (3). Socraten'allait

(1)Diog.L., II, 18 jEL, !~M-II, 13.(2)Rep.,VIII,568a !m(C~vr&h T~M~.

Page 118: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON ÉCOLE 93

guère au théâtre, dit-on, que pour y voir re-

présenterles piècesde son ami c'est à ce titre

qu'ont dûserencontrerdansce cerclelespoètes

AgathonetAristophane,Lysiasl'orateuret Phè-

dre, son admirateurpassionné;lenobleCallias,dela grandefamilledesHipponicus,qui,danssa

curiositépourtoutes les chosesde l'esprit, don-

nait une si généreusehospitalitéà tous les so-

phistes Critias,l'un des pluscruels des Trente

Tyrans; Alcibiade,le plus beau et le pluscor-

rompu des Grecs; l'intrépide, mais téméraire

Lachès; le sage, mais trop prudent Nicias le

jeunePériclèsenfin,accabléparla gloirede son

père et quipérit victimede la fureur dupeuple,à l'occasion du combat naval des Arginuses;

Aristarque et Eutbère, personnagesinconnus

et que Xénophon seul nous fait connaître

comme de vieux amis de Socrate (l);Adi-

mante, l'un des frères de Platon.

Ilest remarquableque nous ne trouvons pade femmesassistant à ces conversations; en

effet, ellespouvaientbien suivre les leçonsdes

pythagoriciens,donnéessecrètementdans l'in-

térieur des maisonset à portes fermées, même

cellesde Platon,quiavaient lieu dansun édifice

public,mais clos; mais elles ne pouvaient se

(I)A~tH.,If, '7et8 <&A<~xxt~Tsx~xT.tE'<x~.

Page 119: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

94 VtËMSQCRATE

(l)Diôgènede Laërte,H, 64, nous don.nele 'nombredes

ecrits,sousformedediaidgu.es~qù'on~a~ àcesp8rson-

hage8;tlasctittous aujourd'hui perdus, et presque tous

passaient déjà du temps de Pi&g~oepbUraupposés. <<Datous ces dialogues socratiques, il n'y a d'authentiques,dit Panœtms, que ceux de Platon, deXénophon,d'Ân-tisthène et d'Eschine.? Paaœtius hésite sur ceux de

PhëdoUet.d'Eu.clide:il condamne tous les autres.

mêler aux hommes sur la place publique, le

.port, les gymnases, partout-oùSocrateentraî-

nait son mobileauditoire.

Les deux seules femmes avec lesquelleson

nous le montreen rapport.!sont les deux cour-

tisanes Theodoto et Aspasie, auxquellesil al-

lait demander des leçons sur l'art d'aimeret

dese faire aimer l'une, célèbreparspn rar es-

pHf et.l'aniour qu'elle sut inspirer ô.Périclëa;

l'autre, maîtressed'Alcibiade,auquel elleeut le

couragede rendre les derniers honneursaprèssa mort due à la perfidiede Pharnabase,

Dans une autre classe, on pourrait placerceux qu'on appelle proprement ~0~0;~ w~t,

qui n'ont vu dans Socrate qu'unmpraliste et

ont essayé de continuer, en la développantdans des ouvragesperdus,aujQMrd~lnn(1),cette

philosophiepratique et populaire.Cesont Griton et spn~n~ (~ritpbul~Chae~e-'

phon et son frère (3hér~crate~etAutodoreson frère)Aristod~iaie,TËéag~s,Her*

Page 120: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SONJ~COLE M

mogène, Hermocrate, Phédonide, Theodote,

Epigène,Ménexène,Ctésippe,Théétète, Terp-

sion,Charmide,Cléombrote,Diodore,Glaucon,autre frère de Platon, Simmias et Cebes, les

deux pythagoriciens,Simonle cordonnieret le

charcutierEschine.C'est ce dernierqui, sepré'sentant à Socrate au moment où il recevait'

quelques cadeauxde ses amis, lui dit « Pour

moi, je suis si pauvre que je n'ai rien à t'oSrir

que moi-même; à quoi le sage répondit« Tu ~~ma~M~ munus dederis (1).N'ou-

blions pas Xénophon,dont les Mémorables,le

Banquetet l'Apo~o~~nous montrentsous quel

point de vue cette catégorie de disciples avait

comprisl'enseignement de Socrate.

Bans la troisième et la dernière, on peutmettre ceux qui, derrièreles applications pra-

tiques et les leçons morales, ont aperçu les

principes scientifiques et métaphysiques quiles soutiennent'et les produisent, et qui, à leur

tour, ont essayé de construireavecla méthode

et les principesdu maître, une philosophiepro-

pre et driginale..A leur tête, il faut placerPlaton puis, bien

au dessous,Euclide,fondateurde Fécoïcméga-

rique, amifidèle et admirateurcourageuxjus-

(1)Senec.,~e ~M., 1,8.

Page 121: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE96

qu'à l'héroïsme,de Socrate. S'il faut en croire

l'anecdote racontée par Aulu Gelle (1), c'est

auprès de lui qu'après la mort du maîtrese ré-

fugièrentles discipleseffrayés.Phaedond'Elis, pour lequel Socratesemble

avoir eu une prédilectionmarquée (2), et qui,réunissant autour de lui quelques auditeurs de

son maître, forma l'école d'Elis ou d'Erétrie,très-intimement liée à celle de Mégare, mais

dontnous savons peude chose.

Antisthène d'Athènes, qui avait été, avant

de connaître Socrate,.un professeurde rhéto-

rique sophistique, fut Fauteur de la secte.

cynique et le précurseur de Zénon. Fidèl&au

maîtrequ'il avaitadopté (3),il imitasa méthode

d'interrogerles hommes,maisen mettant dans

cet examen, par lui-même douloureux, un es-

prit de violence et d'arrogance qui était dans

son caractère.

Aristippe de Cyrène avait- été attiré à

Athènes par la réputation de Socrate aux

jeux olympiques, il avait entendu Ischo-

machusparler desadoctrineet desapersonne,et n'eut pas de cesse qu'il nefit sa connais-

(1)Noct.~tM.,vu, 10.(2)Plat.,P~tp~OM.,Md,89a.(3) Xén., M<w: 111, II, n; CuMu., 4, 44; Plat.,

.P/ 59 b; Diog. L., VI, 2.

Page 122: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SON ÉCOLE 97

6

sance. Il a dû nécessairement entrer très-

avant dans sonintimité, puisque Platon cru

devoirsignalerson absence dans cecercle d'a-

misqui se trouvèrent auprès du maître le jouroù il but la coupefatale. Ce qu'il y a de singu-

lier, c'est que,commeAntisthène, il se croyaitle fidèleinterprètede'gprincipes de Socrate en

développant,dans l'écolecyrénaïque, les doc-

trines qui aboutirent biejitûj~àla philosophie

d'Ëpicure.

philosol)hie

Page 123: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet
Page 124: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

CommentSocrate employa-t-il les rares fa-

cultés de son esprit?Quelle fut sa vie? Nous

voudrions pouvoir le dire avec détail mais

nous ne savons rien de sa jeunesse et de son

âgemûr les témoins les plus dignes de con-

nancenenousie montrent,que dans les der-

nières années de sa carrière, et ne font quedes allusions rares et souvent obscures aux

événements qui en avaient rempli la première.

partie, et de beaucoupla plus longue.Il paraît certain, comme nous l'avons déjà

dit, qu'il exerça d'abord la professionde son

père, et que s'il ayait écoutéles conseilset les

désirs de sa famille, il n'en aurait jamais eu

d'autre. C*estdu moins cette oppositionaux

désirs des siens qu'on trouve exprimée dans

les récits, d'ailleurs assez suspects, qui nous

LA MISSION DE SOCRATE. EXAMEN DES HOMMES.

CHAPITREIV

Page 125: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE100

montrent dans Socrateun jeune hommeindo-

cile et rebelle; qui, au lieu de se mettre à l'ou-

vrage et de prendre, comme le lui ordonnait

son père, le ciseau et le marteau, s'échappaitde la maisonet allaitvagabonderpartout où le

conduisait sa fantaisie (1). Sa jeunesse aurait

été ainsi, suivant le document de Porphyre,

probablement emprunté à Aristoxène, assez

irrégulière.Il est à croire qu'il abandonna de bonne

heure le métier paternel qui lui répugnait;c'est dumoins ce qu'afnrmePlutarque. Socrate

était encoreenfant, nous dit-il,6'T<7re!~o(&7-o{,

quand l'oraclede Delphes, consultépar le pèremécontent et inquiet, lui ordonna de laisser

son filssuivre les impulsions de la nature, de

ne pas contraindresavocation, et même de ne

pass'occuper delui du tout; et, en effet, ajoutele biographe, il avait en lui-même, pour leconduiredans la'vie, quelque chose de meil-

(1)Théodor.,<?~c.affect.CM~XII,1030 oncp~ù-~M< &;KpK~!H~M~OÙXSUPtmOM~,OU<~eUTCtKTm;.Ce

fragmentn'apasétéadmisparM.K.Müllerdansl'éd.deDidot,au nombredes fragmentsd'Aristoxène,au-

quelil semblecependantqu'ildoiveappartenir;carc'est surAristoxèneques'appuieconstammentPor-

phyredanslesrenseignementsqu'il nousalaisséssurSocrate.

Page 126: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LA MISSION 101

6.

leur que tous les conseilset que tous les maî-

tres (1).

Malheureusementce renseignement est eu

oppositionavec la tradition, qui attribue à son

ciseau les trois Grâces vêtues de l'Acropoleun groupede cette importance attesterait une

assez longue pratique et d'assez profondesétudes dans son art, tandis que le lieu hono-

rable dont il avait été jugé digne prouverait

que l'artisteavaitatteint un certain degréd'ha-

bileté et de talent (2).Si l'on veut tirer des assertionsde Porphyre

et dePlutarquedes conclusionsquinesoientpas

téméraires, il fautse borner à dire qu'il y a eu

dansSocrateun développementindépendantet

spontané;qu'il a senti debonneheure s'éveiller

la vocation philosophiqueet la passion de se

consacrertout entier à laréformescientifiqueetmorale de ses concitoyenset des hommes. On

peut croire quece, fut sur l'ordre du Dieu de

Delphesqu'il renonça à l'industrie paternelleet

(l)Plut.);Dëe!<BMt.iS'oc~c.x.x.

(2)Bruckera attaquél'autoritédu passagedePlu-tarquequeTennemann,Gesch.~e<PM., t. II, p. 31,a défendue.Ménage,aprèsavoircitélesdeuxpassagesdePausanias,Broute <:HinorefutandusPorphyrius,qui, ut est apudTheodoretum,artis inscitiœSocrateminsimulat,etadversuspatreminobedientiœ.u

Page 127: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

'f02 VIB DE SOCRATE

embrassa le périlleux apostolat de la vertu (I).

Mais à quelle époque de sa vie rompit-il tout

à fait avec sa profession et se reconnut-i~ Fo-

Migation~ imposée d'en haut et à laquelle il ne

pourrait ~0 soustraire san~ ~acrilég~. de tra~

vailler au perfectioBn&ment moral de lui-ïSême

et des autresîNQusI'igQoron~ absoluïRent.

Des prédietions, d~ sohgëS) des signes (2),

toutes les formes que peu prendre la volonté

des dieux pour se manifester à un homme~ et

lui annoncer qu'il est réservé à uoemi~sioûdi*

-vine, ~~tt se mssifeëtërënt à lui. Ces cOm-

monicàtions fré(~eBtes~ habitueltea (3~M v

;(1)Btax. Tyr., p. ?5 xKtaï~ ~cascu~et~To~ ~,gvT~~ ~°' K~~f ~u.&~t,M/ X.~?.' .R.er-

~Ma,}~{a.<&&~d~ ~`r~-

~M~ ~OC~M) ?) l`ok~l~~siaiotrtlô t~y,u~

et-de.tt~ l~xp~es~ionâtt'm~ quele>~anciens Grecs

portaient, ùbn-seuieméat aux & tu meaux

~Stëg~pOtt~~M~oa~ il Cita

]~ut,sh~a.~l~ gli'ëïûvgiü~=

attesta .~o~; qû. aYaNoe~~c~<'ëM~i~:M<o~<En relisant ces deaxcb.apitres,0n sera convaincu,

je pense, qTiePlutarque fait allusion, non pas aux pré-

jugés des anciens Grecs, laatS.auxprejugés. ses oon-

temporains, qui les avaient reçus, ayeela servitude, des

Rô&ains, ou tes siKiuîaie&tpoNr eotBpt~rë a leurs''Htaitres.

%Ô~S4c~~M~c~ l 49~

c; ~b.

(3) ~%cB~43~Tci eiM~~o~Eto~;~p(;R,40'd: M~pttNMK~.<it[<,K'<T'X'o.

Page 128: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LA MfSSMN' 103

des dieuxavec Socrate, ces révélations dont il

ne se croyait pas l'objet unique et privilégié,maisque pouvaientespérerd'obtenirtoutes les

ainespurea (I), avaient commencédès sajeu-ne~e (8)et avaient pris peu à peu une préci-

sion, une clarté, une intensité telles dans sa

conscience,qu'il les entendait s'exprimer parune voix (3).

C"étaitlà ce qui se produisait) ce qui se pré*sentàit lui de divin et de détOLonique,~e~ytt

X~~<jM~)V.Gettemï~ionsupérieureà laquelle il se sen-

ta:itappelép~Fu-nevoix d'en haut, et pour la-

quelle il négligeait,par un sàcri6ceoù il trouve

lui-mêmequelque chosede surhumain(4},tous

lés intérêtspositi~et matérielsde la vie, avait

certaïnëînënt déjà commencé, lorsqu'elle fut

coïlïïy~.éëpar l'oracle de Delphes,consultépar

Ghêréphon~son ltmi d'enfance. est évident

queëétOtàële, dont nous allonsracohter l'hig..

toire, n'a pas décida âéul la vocatiOïl~hiloso<

phiqué de Socrate; il fallait mômequ'une'cer-

(1)Xéii.,Af6Mt.,l,iy,18)oùilconseilIeàAristodèmedefaireunecourassidueaux dieux,anndevoirs'ilsne Inienverrontpasdesaviset des conseillersspè-C[Mx,;Gf.M.:i<l.;î;l,M.~

(~]E'lat.ipo~31d:~<a:~<A~u.MM..t,

~Pl&t.o!3ld.(4)Ptttt.,~j&o!31b ~fi~w~N ~ms.

Page 129: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

104 VIEDESOCRATE

tainenotoriétéentourât déjà sapersonne, pour

que Chéréphon ait eu la pensée de faire une

telle question, et que le dieu ait pu faire une

telle réponse. Nous savons par Platon quecette carrière de dévouementet de sacrificesa

duré de longues années (1). Quelque vague

que soit cette indication, elle exprimetoujoursune longue-durée; on né peut pas supposer

qu'il ait osé entreprendre ce rôle de réforma-

teur pendant sa jeunesse, car il lui fallait au

moins Fautorité d'un âge presque mûr, sinon

de la vieillesse; mais on peut admettreque la

pensée lui en vint de bonne heure, qu'elle se

développapeu à peu, et qu'il était arrivé à là

pleineconscienceet dans le plein accomplisse-ment de son œuvre versTâge de quarante ou

de cinquanteans. C'est-à-diredans les dix pre-mières années de la guerre du Péloponèse.C'est doncvers ce temps à peu près, entre 430

et 420 ans avant Jésus-Christ, que nous pla-

çonsleyoyage de Chéréphonà Delphes.

Chéréphon, que Socrate nomme son ami

d~ejifance(2), appartenait au parti démocra-

(I)PIat.po~31b:TM<tuTa~~o.

(2)Plat.,Apol.,20e.PlatonluidonnedansCharm.,~8 b, l'épithètede~~xo'{;s'ilfautencroire-Aristo-

phaneet sonscholiaste,à forcedeselivrerà l'étude,ilenétaitdevenumaigre,pâleouplutôtjaune,livideet

Page 130: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LA MISSION 1ÛH

tique; il en avait partagé les périls, les persé-

cutions, et ne rentra de l'exil qu'avec Thrasy-

bule. C'était un homme généreux, passionné

pour la science, ardent dans ses amitiés comme

dans ses antipathies, et qui, poussé par une

admiration enthousiaste, osa demander un jour

à la Pythie s'il y avait un homme plus sage

que son ami(l).

La réponse de la Pythie est assez diverse-

ment rapportée. Dans F Apo~o~e de Platon, So-

crate se borne à dii'e qu'elle aurait répondu

qu'iln'y avait pas un hommeplus sage, t~~po~,

que Socrate; dans celle de Xénophon, qu'il n'y

même malade; de là les épithètes dechauve-souris,w~ïs-

de ~u~c;, d'tM<, quelui donneAristophane, Nub.,104 Schol.v. 104, 144,504. Suivant la seconde de ces

scholies, Nub., 144, il avait écrit quelques ouvragesdont il ne nousest riRnresté.

(1) Tel ne fut pas, suivant Fréret., ~4.c<!<Inscript.,t. 'XI/VU,p. 225, le sens de la question de Chéréphon,qui n'avait pas prétendu consulter l'oracle sur le mérite

de Socrate, mais seulement sur le mérite relatif de.So-

phocle et d'Euripide. Je pense que ce n'est là qu'une

conjecture de l'illustre critique, amenée peut-être parla réponse, mais que ne justifie aucun texte ni aucun

témoignage. On ne voit:pas bien pourquoi le vieil ami

de Socrate serait aller consulterle Dieu sur le mérite de

Sophocieet d'Euripide. Il n'est donc pas dutout certain

que<! Platonrapporte d'une manière peu exacte l'oracle

dont parle Socrate. ')

Page 131: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

106 VIE DE SOCRATE

en avait pas de plus libre, de plus juste, de

plus sensé (1).

Diogène de Laërte a la prétention de con-

naître la réponse textuelle de l'oracle (2), que

nous trouvons plus complète encore dans les

~e&o~ d'Aristophane, dans les deux iambes

suivants:

2~fj'o;Bo~MMj;,oo~mTtpOtS'E~t~t~

Â<j)M~~tC(v'«)~~XpciT1t);<JO!j)mT~TO~'

(l)~o~.Xen.,14..

(3) Schol. Aristoph., JVM& 144, Diog.Ij., 11, 37;

Ménage, ad. M. Déinocharès, dans son ouvrage contre

les philosophes, cité par le scholiast.ed'Aristophane,doutait de l'authenticité de cette réponse, parce que les

vers sont iambiques et que les oracles de Delphes se

rendaient en dactyliques hexamètres. Le scholiaste ré-

pond quepJusieurs oracles, et de eeuxm~rendus de son temps, étaient en ianibes, et certains en

pfqse. polotès, 6ngaq~ d~épicuri~na~Co~

XVII) nie la réalité de cet oraclecooinie~c cellé de

tous les aut.res, qu'il considère cotnnie des cèdres de

fraude et,d'iropostur6, ott~KtTt~~i ~o~txov~~et, Athé--

née, qui la conteste~galëme (y. p.2¡8c), s'appuie surles dityérencesentre les détaii~dohn par Xéoop.honet

parPlaton.Bruclter(t,r,p.634)a accepte le doute assez

mal fondé, selon moi; ~e~olptès et d'Athénée. La meil-

leure raison qu'on pourrait invoquer en! faveurde ces

conclusions sceptiques, c'eat que bien des oracles de

cette nature ont été inventés après coup. et par exemple

pour Platon; Apolloatus et PIptin. Maisici l'accord surle fait de deux témoins aussi autorisés que Platon et

Xénophon, laisse peu de prise à un doute raisonnable.

Page 132: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

EXAMEN DES HOMMES )U7

Si cet oraclen'a pasfait naître dans Socrate

Fidéede la missionqu'il avait à remplir envers

lui-mêmeet envers les autres, il la détermina

sansdouteavecplus de précisionet la confirma

pluspleinement.Pour s'expliquerle sens de la

réponse du dieu, il se crut obligéenvers tous

ses concitoyens,commesi chacun d'eux était

son père où son frère, d'examiner leur esprit,de scruter leur conscience,d'éveiller dans leur

âme le sens du vrai et du bien, et de la purgerdes erreurs et desvices qui, en s'opposantà la

vertu, s'opposentau bonheur (1).C'est là pourlui une tâche périlleuse,il le sait, mais c'est un

devoir sacré; il aimerait mieux renoncer à la

vie, il aimeraitmieux mourirmille foisque de

refuserde la remplir(2),car il vaut mieuxobéir

à Dieu qu'aux hommes(3); il se promit donc

de lui obéir tant qu'il lui resterait un soufflede

vie (4), et nous savonsqu'il a tenu.parole.Considérantdonc les Athéniens comme un

coursierrobuste et généreux,maisque sa gran-deur même appesantit, et qui a besoin d'un

éperon qui l'aiguillonne,il acceptace rôle dan-

-gereuxderéveillerdes âmesquivoulaient s'en-

(l)Plat.4p~31a.(2)Plat.po~30c,d.(3)Plat.,.o?.,29c, d.(3)Plat.,.aZ~ol.,29 a,

(4)PIat.j~)jOt~ 29 C, d emo~tyK; ~.jc~M xxtoi'){TtN<

Page 133: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

t08 VIE DE SOCRATË

(l)Plat.M~p~3a;C~M'm.l&3a,b.

(2)Xénoph., ~M., 1.1, 10 MëMt.,111,11,1; Plat.

Apol. S., 1Tet 16; 31 a. Nousl'avons vu proclamer

Aspasie comme son maître d'éloquence. Quant à Theo-~

dote, célèbre entre les courtisanes de la Grèce, elle avait

aimé Alcibiade et, à sa mort, elle fit ensevelir son corpsdans une robe qui lui appartenait, avant qu'il fût portéau bûcher. Athén., XUI, 574; Libanius, t. I, p. 5~

jEi., .NM<Var., XIII, 32, citent encore CaUistbcomme

une courtisane avec qui s'est entretenu Socrate.

dormir, et passatoute sa vie, non pas à ensei-

gner, car il repoussatoujoursle titre de maître,et nia toujoursqu'il eût jamais promis ou

donné à personne,,des leçons, mais s'offrantà

tous,et provoquanttout le monde, étranger ou

Athénien,j jeuneouvieux, richeoupauvre,à des

entretienstoujoursgratuits. Toute la journéesurlaplacepublique,aumomentmêmedesmar-

chés,ou dans les gymnases, particulièrementau Lycée (1),loindese séparerde la multitude,commeles sophistes de profession,il causait

avecles marchandsdans leurs baraques,avec

les ouvriersdans leur échoppe,avec les ban-

quiers à leurs comptoirs,avec des sophistes,des politiques,des rhéteurs, des orateurs, des

poètes, mais recherchant surtout les jeunes

gens, et se hasardantjusque chez une courti-

sane (1) il cherchait à convaincreses interlo-

cuteurs de l'inanité et de la vanité de leurs

connaissances,et les encourageaità substituer

Page 134: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

EXAMENDESHOMMES ~09

?

à ces faux semblantsde science, des principes

plus certains qu'approuvassent également la

conscienceet la raison. Ces conversationsper-

pétuelles, qui le faisaient appeler par les co-

miquesun infatigablebavard, ~Aety~HT,sédui-

santes,piquantes,à la foisgraveset spirituelles,

gaies et sensées, où, sousune apparencede cri-

tique négative et de dissolvante analyse, il

semait les germes de la vie morale, éclaircis-

sait la notion du vrai savoir et du vrai bon-

heur, éveillaitet dirigeait les grandes facultés

investigatriëësde l'âme, lui attiraient de'nom-

breux auditeurs, qu'il n'appellejamais ses dis-

ciples,mais simplement ses amis, ses compa-

gnons, ses habitués (1). Son art de causeur

était si grand, son commercesi recherchéet si

attachant, que, suivant le récit d'Aulu-Grelle,

EUclide, bravant le décret qui punissait de

mort~toutMégariensurprisdans la ville, venait

lanuitdeMégar~~àAthènes,déguiséenfemme,

pourpouvoiren jouir (2); et quandbien même

'il faudrait tenir poursuspecte cette anecdote,

que seïnblent autoriser les conversationsque,

.d'après Matô~ Euclide aurait eues avec So-

cratë dansles derniers temps de sa vie, il n'en

(l)-X&&At~a:S~fK~t~TWMie{/6~uvt~c!0~-~~tXTpiëtMTC;, c! O~.A6U';T6(, o! ft~M;.

(3)A.Gen.,y.~i'<Vl,c.x.

Page 135: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

~00 YtNPS.gPCRAT~

faudraitpas moinay voirla preuve de la répu-tationuniverselleques'était acquiseSocrate,et

de la supérioritéqu'il déployadans Se rôle deP,~

causeur public, constant et gratuit, dontil n''yapasd'exempledansl'histoire ~Ath~Qeaavant

ni après.lui.MaisSocrate n'était paa seulement un oau!-

seuraimable,Jetait souventun oenaenr~évère~ils~enaUaitnonpas seulenients'entrete~~ fa-

milièrementavec tout le~ maisp~n~trantavecuneperspieacitéterribleau fonddela cpn--

sçiencedochacundeses interlocutëurs~lHiarra-chantleniasque de ses faussesvert~ 6t,de ses =.

iaax talents, le forçant a d~mniliants aveu~:

d~ïnpuisaanoe,d'ignorance~d~ïnmoralité,fai-

sant rougit les plus honii~~ de tout ce.~u'ils

sentaient.eneuxd~fâ~ mpx~lés,np.~isirri-

tântleplu~~ ie,ur Faisantpéz~ra

lëurs~pretentiQn~~ d'eu~-m~mës et

au rëspeet~autrui~Il ne @~ pas

quepar cette espèce de confessionpubLic~~eet

vîolente~.aiT~par-s~~ analyse; son

raisQnHQj~e~p~~eu~~ sa texriblé ironie, il

s~attiraitdenoiabreuxet redoutablésëuu~m,is;

lui~mên~se coMp~~ &;un;tao s'attache

aux 3ancs d'un chev~ réveiller sa m0l-

:lessë.f~ussi~si~no'Qs:.eïi crpyons~r'j~o~de

Platon~'leprocèsqui'lui fut intenté~ le sur-

Page 136: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

EXAMENDESHOMMES t!l

prit pasplus que Hssue fatale ne Fen étonnaj;il sembleFavoirprévue, sinon désirée, comme

on l'a soutenu.

Il faut reconnaître cependant qu'il ne fut ar-

rêté danscette missionsi délicateet si dange-reuse que vers la fin de sa vie. Pour la remplirainsi presque jusqu'au bout, sans violence

comme sans faiblesse, il fallait deux choses

quel'onn'a pas revues dans l'histoire une ville

tellequ~Àthènes.etuïihommetel que Socrate,encorecet hommeeût-il besoin d"étreou de se

croirepossédépar un dieu (1).ToutefoisSocrate, s'il considère cette vie

philosophique)qui consiste non-seulement à

s'interroger et à se confesser soi-même,mais

à interroger et à confesserbon gré malgré, et

publiquement,les autres (2),commeun devoir

religieux; uneobligationenvers le dieu, il y

goûte et y trouve un bonheurqu'ilne cachepas. Il obé~t)sans doute, aux dieux

qui le lui ordonnent,maissans cette constante

étude de rhommé, de l'homme moralsurtout,la ~ie lui sembleraitbien misérable(3) il n'y

(1)Plut.ad.Col.,C.1*7Oe~m-cu~pot~~vou.~3)Pl&t.4.po!28e:~).Mt'wou<Tx~wx~~tTc(~Taejt!)tHT~

/)fcHTH<{a~).OM.L'

(3~ Plat.4po~ 28 e: e xxt KM~T<xttT6<p:e~!itptMTs;

~n~.

Page 137: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE112

a pour lui qu'une vie désirable, la vie de l'es-

prit qu'une vraie félicité, c'est l'effort actif

de l'âmedans la recherche et, autant qu'elle le

peut, dans la possessionde la vérité.

Page 138: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

CHAPITREV

LE. DÉMON DE SOCRATE.

¡;JI

C'est peut-êtreici le lieu de dire ce qu'il faut

entendre par le Ûémon de Socrate c'est un

sujet qui a provoquédans l'antiquité et dans

les temps modernes une légitime curiosité,

sans recevoir une solution absolument satis-

faisanteet généralementadoptée.Je n'ai pas la prétentionde mettre un terme

à cette diversité d'opinionspar une solution

nouvelle; je mepropose seulement, d'abordde

mettretout le mondeà même de porter un ju-

gement par un récit complet et impartial des

faits; je rechercherai, dans Platon et dans

Xénophon, le sens qu'a pu attacher Socrate

lui-même à ce phénomènesoit intérieur, soit

extérieur, soit subjectif, soit objectif;je ferai

connaître ensuite les opinionslès plus consi-

dérables des anciens et des modernes (1), et

(t)CequelesAllemandsappellentla littératuredu

Page 139: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

H4 VIEDESiCRATE

je me permettrai eniln de dire à mon tour ce

que j'en pense.

Pour connaître les faits relatifs à cette- cir-

constance un peu, étrange et presque merveil-

leuse de la vie de Socrate, nous avons deux

sujet est immense,et quoique je sois loin d'avoirpu réu-

nit' tous les travaux qui ont paru, particulièrement en

Allemagne, ceux que j'ai recueillis sont si nombreux

que j'f.n ai été plutôt accablé que Secouru.Je citerai ici

seulement les plus importants. Dans l'antiquité Plutar-

que, De 6'gHt'oj'?oet~<M; Apulée, De Deo ~ocWMM;Maxime deTyr~.DMM'tOMX.tV.

Chez les modernes d'abord les histoires généralesde

lapMosophie;Olèarius, dans la traduëtion latine de IWM~tyg J<!

joM~upytt'g~M~.

Brucker,t.I,p)5~3.

.Tepne~an.Q,t..tl,"p.âl.Meiners, ~!W<.des ~ëM~o~)tt~n f. ~98)6t .M<f!aM-

~M,,t.~n,'pt''M. Zêter~ des C~recs;t. II~ ?1.

Puisdes études ottC3 sujet ititervient inet est toutefois: traité ave~.dësdevëlôpp'emëhtâim

'ta'nts;'

SchteMcmacher) trad. aHemuadsde' pi<it&a, ti lï~

~~4M~?~Aët., p': $8~.

RûefsShs~~???8 6<!No~ps, p. 856.

Bn.ftules moaôgMphies, pu'dissertations spéciales!

'L'ab.bé Fraguier~\Dg l'ironie ~e ~ocra~, Af~Mt.de

!ca~MîM.t.îV'.

Be8enbëc-Ë~~(3ëM/~6o~1802,'Ër~Schwartz, Spec. ZMaM~ jBe (7gM.<S'ocr.,Louvain,

183<]'

Page 140: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON ~s

Leiut, !e DèMOM~eNoc~e, 1836, Pans.

Lasaulx, Des ~o~f. Ze&eM,'Munich,1858.

'Volquardsenn,DasDosMtOMtMMtdes~'ô~Kiel,1868.

Freymuller, î)e ~ocra~. D~tMOMM,Landshut, 1864.

(l)PIat., ~.po~.~31 (i,a; Xen., Af<~ 1,1, 4: &~T.o

~eMjj~ttit)trpo'&tjj.ah~'ro;.

(2) Plat-, ~po~.jS., 31d; Gic., De~à)., 1,54 <Nua-

quam impellenti, ssepe revocanti. »

témoins autorisés et considérables,dont les

renseignementss'accordent sur presque tous

les points, et dont on peut concilier par une

explicationnaturelle les contradictions<appa-rentes sur le seul détail on elles se produisent.La questionde fait recevradonc de ces deux

témoignagesune pleine lumière j'y ajouterai

quelques particularitésempruntées, Il est vrai,à des écrivainsqui ne sont plus ni des con-

temporains,desconcitoyenset des amis de So-

crate, mais qui ne doivent pas Être rejetés

systématiquement lorsqu'ils s'accordent avec

Xênophonoù Platon.

Socratéétait persuadéqu'il se produisait en

lui quelquechosede surnaturel, de divin, de

démonique,qui lui donnait des signes sur les

choses avenir (1).Ce phénomène, qui s'était

manifestéà lui dès son enfance, ne lui inai*

qu.&itjamais, suivant Platon, ce qu'il avait à

faire,mais se bornait à le détourner d'une dé-

marchequi pourrait lui être funeste (2),tandis

Page 141: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE116

que, si l'on en croit Xénophon, ces avertisse-

mentss'étendaientaussibien sur cequ'il devait

faire que sur ce qu'il ne devait pas faire (1).Cessignesprophétiques,qui se produisaient

tres-iréquemment, et dansles plus frivolescir-

constances,ne l'avaient jamais trompé(2).Ils

se manifestaientspontanément, sans être pro-

voqués,ni attendus, ni désirés; leDieuluipar-lait sansqu'il l'interrogeât(3). AussiSocrate y

ajoutait une foi absolue, il y obéissaitaveuglé-ment comme à des avertissements d'en haut,comme à des ordresdivins (4),dans les conjec-tures lesplusgraves de sa vie commedans les

chosesles plusinsignifianteset même les plustriviales(5).

Le plussouvent le phénomène se manifes-

tait sousla formed'une voix que Socratesem-

blaitentendre (6); mais quelquefoisles termes

employéspar Platon et par Xénophonlaissent

(1)Xén.,Mem.,1,1,12,IV,3,12;Apol.,§ 12;Plut.,DeGen.~'ocr.,C.xi roitmXuM~x~uov.

(2)Plat.,~Lpo!40a Xén.,.Mem.,I, I, 5.

(3)Xén.,Mem.,IV,3, 13.

(4)Xén.,M<MM.,I,1,5.(5)Plat.,Apol.,40a.

(6)Plat.,Apol.,31c;P~r., 242b f~ axHi~t.Cemot est remarquable:Socratene dit pasqu'ila en-tendu,maisqu'ila crueatsndre.Xés.:.ipeL,18:9~5

~t.)VHOMttTeH.

Page 142: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON M7

7.

supposerautre chose. AinsiXénophonle com-

pare et l'assimile presque aux autres moyens

par lesquels la superstitionpaïenne cherchait

àpercer le secret de l'avenir, c'est-à-direnon-

seulement à des voix ou des bruits, (po~f,maisà des chosesvisibles, crt~o~, tels que la

rencontre de certaines personnes, le vol de

certains oiseaux, ou encore aux bruits de la

foudre(I). Dans Platon, s'il faut, comme je le

crois, appliquer au Génie l'apparition de ce

songequi est venu tant de fois le visiter pourlui prescrirede s'occuperde musique, il se pré-sente sous une forme sensible, mais toujoursdifférente(2).Un jour même c'est une femme

d'une grandebeauté, vêtue de blanc, qui lui

adressedirectementla paroleen des termes quisont assez profondément gravés dans sa mé-

moirepour qu'il puisse les reproduiretextuel-

lement.AilleursPlaton l'appelleun Dieu,le qualifiede gardienpersonnel, cs~o~o~, et,commepourmieux marquer son existenceob-

jective et individuelle, le compareau tuteur

qui devait veiller sur Alcibiade(3).Dans un dialoguedont, il est vrai, l'authen-

ticité est plus que douteuse, mais cependant

(l)X6n.,MeM.,I.I,3; id.)~ 13..(8) Plat., PA~ 60 6 oU~oTet~ o&~ o~tt~Mt~e~o~.

(3) Plat.<ct&I, 12

Page 143: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

tl8 YtBSËgOCRATE

dont ~authenticitéest contestéesurtouta.cause

des détails donnéssur le Daemonium)celuMi

devient clairement un dieu personnelet dis~

tinctàquiroh pëUtoQ'nrdessacrincesetdes

prières(1).Cette révélation surnaturelle ne survenait

jamaisqu'à l'occasion de cu'constancesparticu-lières et de faits déterm.inéa,qui Méressaient

smtSûGratê~soK quelqu'un de ses a~i&(~~On ne là voit jamais lui dicter une règle

généralede vie, ou lui conininniquernnedoc-

trine philosôpiiiqne,ou Tésolidrëune question

de Mora-lejdu nloiûs eUetoucherarement à la

.nioralité nienie de l'action qu'elle interdit du

ordonne, et se borne à en faire connaître

d'avance le résultat ava~tàgéux dtz l'issize

tantôt malnêureusë~tantô simplémènt ridi-

cule~~u~htën~intèrd~t~u ~léspaz~oles.et

arrete~S~cratë' ? ôfit iI' s'appréteà

parlô~ et pendant ~ë~ s~'il. (3)<

~Mci~uelqnes'~it~ a l'appui de ce que~nôns

~6nQn~d'à~ëë~(4). ~j.

(9)Xen.,J~Ï,~4.~~Pl6t.s!4&b.'(4)Antipater,dans,unlivre perdu,mais.quecite

Cicéron~avaitrecueilliàcës~unefouled'anecdotes.Cic;M&t).~1,84 &P6rmillt&coUëGtasuB~« patroqusemiraM!iteraSocratedivihatasuBt.))j~

t

Page 144: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DEMON H9

t Le Génie qui lui a interdit de préparerd'avance sa défenseet lui a formeRementdé-

fendu de continuer à s'en occuperun jour qu'ilavait commencéà le faire, ne l'arrête pas une

seule foispendanttout son discoursimprovisé,commeil ne l'avait pas arrêté quand il était

sorti de sa maison,ni quand il était monté au

tribunal, quoique souvent, en d'autres circon-

stances, il luieût ordonnéde se taire au milieu

mêmed'un entretien (1).La seule circonstance

où une directiongénérale de conduite semble

.indiquée à Sûcrate par le Daenoniuïh, c'est

lorsqu'il lui interdit de se 'mêler de po-

litique mais la faison qu'en donne Socrate

n'est pas tirée de maximes morales, mais

uniquement du résultat funeste qu'aurait eu

pour lui aussi bien que pourAthènescette dé-

termination, s'il l'avait prise, de participer ac~

tivêmentaû~ affaires et au gouvernement(2).Le Dieu, qui lui adonnéla missiond~ac-

coucherlesespritset lui a défendud'engendreret de procréerlui-même(3),~sw~y,se présente

pour l'empêcher d'appliquer de nouveau son

art à des amis infidèles qui s'en étaient mon-

'(1)Xén.,Me~ IV,8,5; Pht., .Ma~ eus.(2)PIat.,ApoL,31d.

Theet.,150a.

Page 145: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE!20

très indignes (1),et lui;interdit mêmependantun temps assezlong tout commerceet tout en-

tretien avecAlcibiade(2).Dans le dialogue avec Phèdre sur Famour,

sous l'ombrage du platane où les deux amis

sont assis, le signelui apparaît pour l'empêcherde traverser l'Ilissus avant, devoir, par une

rétractation expresse,apaise le Dieu irrité parsonpremierdiscours(3).Aristippelui ayant un

jour envoyé vingt mines, Socrate les lui

renvoya en lui disant simplement que le

Dsemoniumne lui permettait pas de les accep-

ter (4).Danssaprison,il rêva qu'une voix lui disait:

« Dans trois jours tu arriveras à la fertile

Phthie(5). » Il dit alors à Eschine: « C'est

dans trois joursque je mourrai, Criton surve-

nant et lui disant quele navire de Délosarrive-

rait le lendemain,TMfi~/ot<tn)~(queM.Cousin

traduit par ~M/OMy~m,lisant sans doute

(1)?%ee<151a.

(2)~ct6., L,103a, b.Lesignequ'àlap. 124c, Pla-tonappelle9<o~,estappelé~~tu.~to~Tt.Jeleremarquedèsmaintenant,pourmontrerquesiXénophonles confondtoujours,Platonnelesa pas,commeonl'adit,toujoursdistingués.

(3).P/~r., 242;Apul.,DeDeoS., p. 145.(4)Diog.L., 11,65.

(5)Iliad., IX,363.

Page 146: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON 121

6~oM<que né donnent aucun scholiaste, ni

aucun des textes que j'ai eus sous les yeux),Socrate lui répond que ce sera pour le joursuivant seulement, et il le conjecture d'aprèsle songe qu'il a eu: «J'ai cru voir, dit-il, une

femmebelle et majestueuse s'avancer vers

moiet medire Danstrois jours, etc. (1). u

Cen'est passeulementen ce qui le concerne

lui-mêmeque Socrate reçoit ainsi des avertis-

sements, mais encore en ce qui concerne ses

amis.Dans son sommeil,il avait vu un çygnesortir en chanLantde son sein. Platon à ce mo-

ment voulaitpartir pour l'armée; son maître le

fit renoncerà ce projet, ne doutant, pas que

sondisciplene fût l'objet de la vision, et que

le présagenefût de mauvaisaugure (2).

Sur le champ de bataille de Délium,d'aprèsles indicationsde sonDémon,Socratedésignele cheminque devait suivre l'armée pour opé-rer saretraite, sans crainted'être poursuivieou

attaquée, et Pyrilampe,fils de l'orateur Anti-

phon, blessé danscette fuite et fait prisonnier,

(1)Diog.L., 11,35.Cic.,Dediv., I, !?, racontelemêmefaitettraduitleversd'Homère

TertiatePhthimtempestasIœta'IocaMt.

(2).Diog.L.,111,5; Mënag.,AdL Pausan.,1, 30.Dans Atlién. XI, 116 uneévidenteparodiede cerêve.

Page 147: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

iM VIHMSOCRATH

eut à se repentir avec beaucoup d'autres de

n'avoir pas suivi ce conseil (1).Le Génie lui

avait annoncé d'avance les désastreux résul-

tats de l'expédition de Sicileet le sort funeste

que devait y trouver Sànhîon,qui faisait cette

campagne(2). lîn jour Ghàrmidevoulant dis-

puter le prix de la course aux jeux de .Ném~e,

Sôcrate,averti par lavQixdu Dîenioniuai,s'ef-

força de l'en dissuader son fatni,résista et rtità déplorerplus tard son inûrédulité (3).

Timarquëétait dansun repas assis à ôOtéde

Socràte il avait complotéde Mre périrNicias,

Ëlsd'Héroscamahdre,etsëlevadetab~ avant

la fin du repas, pour aller préparer et âccom'-

plirle meurtre; Sôbrate~q~ ne-à,a~oft'rien-dô

ses desseins~'èntë~dit'iavo

tisseïnents,~oulut~Ië~etêni~c~ i~it~il~,Ti-`

tnarque~rtit,6orû:inM~l~eçrim~et 1'pià bie~

.tôt~par~~môTt~ ~j~~j~-Les p~récli'tspar lo ISémî~nri'büt

pas toujoursune e()ulëuïMssi~g~ ~ixitôn,

~j(l):Ciç.D6~t~r~5~ Degen.~S'c.xr.(~ Ptat., jr~ Degen.~S'

'c.xt.(3)OnDesait-pascequ. peut-ÊtreCes

jeuxcommencèrent-ils,paf lesdépensesexagéréescesilsl'eptraïNê~ëht,lartu&eetla oùil toïn&a.Xén.,~Ï~t'fv,~

(4)?%139b.

Page 148: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M.ù~MoK 123

par exemple,veut faireune promenademalgréSocrate qui lui conseillede l'ajourner. Il est

puni de sa résistance; il sort, une branche

d'arbre lé frappe àl'œil et le blesse doulou-

reusement (1).Une autre fois, au retour d'une

coursefuite avecses amis, le Démonconseille

à ~OGrâtéde ne pas s'engager dans le chemin

qu'ondevait,naturëllèoient prendre plusieursse rient dé ce présage, et tandis que Socrate

prend une autre route, ils continuent la leurbientôt ils rencontrent un troupeau de porcscouvertsde fange, qui, courant en face d'eux

dans~nsMtiër étroit, renversent et foulent

aux pieds les uns et lès couvrent tous d'or-

dures et d'imniondiGës(2).'Il est évident, pourSocrate, que les Dieux

lui témoignentune plus grande faveur qu'auxautres hottimeS)en lui envoyantainsiconstain--

n~ h:li-mên1eet surlesautres, dessignes&6rtain8d~l'obscur (3) il se croit, il se

Èëîit l'objet d'unefaveur particûliÈre,maisparce

qu'il la mëritë, et il reconnaît que jusqu'à lui

bien peud~hobines,et peut-être un seul)

ont hônorésâ cèdegrédedivine (4);

~(i)~M.M.(2YPlùt.De~eM..S.,c.xi.(3)Xén.m.,IV,3,13.(4) Plat.ep.,VI/496b,c.

Page 149: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE

mais néanmoins il no se croit pas pour cela

l'objet d'un privilégeunique, et il conseilleà

l'un deses amisd'essayerdel'obtenirdesDieux

en leur obéissantet en les servant commeil le

fait lui-même,et peut-être, dit-il, fléchis parses prières, ils lui révéleront aussi les événe-

ments qu'ils cachent aux autres hommes(1).Socrate établissait une séparation profonde

entre les chosesque la raisonhumainepeut at-

teindre, et cellesqui lui échappent et dont les

Dieux se sont réservé le secret,M d~o~. C'est

foliede les consulter sur cellesqu'ils nous ont

permiset mêmequ'ils nousfont une loidecon-

naître (2) or, de ce nombre sont assurément

lesdéterminationsmorales,puisque,suivanthd,

la vertu est une science, et peut-être la seule

sciencehumaine.C'est donc uniquement pourlès chosesqui se dérobent à notre esprit, qu'ilfaut avoir recoursà la divination,et sur l'issue

incertaine desquelles on peut interroger les

Dieux, qui la révèleront à ceux d'entre les

hommesqu'ils protégent(3).Le domainede la

moralitépure est donc tout naturellementex-

(1)Xén.,JtfeM.,I, 4,18 M~ïSxa~(~!M,)M)t6«.Plus

loin,lemo~rueue*remplaceoiété:,quenoustrouvonsdanscettephrase.

(2)Xen.,JMe)M.,I,I,8.(3}Xén.,AfMt.,1,1, 9,

Page 150: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LEDÉMON 125

clu des révélations du Démon; c'est ce quenous avons vu dans tous les exemples cités

s'il conseille à Socratede ne pas se mêler de

politique,ce n'est pasque lavertu interdise au

sageles fonctionsde citoyen,bienau contraire;maisc'est que cela vaut mieuxpour Socrate et

pour Athènes.Le Dieuprévoyait, et peut-êtren'était-il pas nécessaire pour cela d'être un

dieu, que la mission que s'était donnée So-

crate, de réformer les esprits et les âmes, de

travailler au perfectionnement moral de ses

concitoyens, était presque incompatibleavec

les fonctions actives et militantes de la vie

publique; il se serait perdu tout de suite, et

n'aurait pas pu rendre à lui-même.et aux

autres le service qu'il leur a rendu. Celui quiose se faire le champion de la justice et du

droit, se mettre en travers des passions des

hommeset leur reprocher leurs fautes et leurs

erreurs, celui-là,s'il veut sauver sa vie, ne fût-

ce que pendant quelques années, ne peut passe mêler à lavie publiqueet doitse retirer dans

la vieprivée(1).

De même, si le Démoninterdit à Socrate de

songerd'avanceà sa défense; si, pendant qu'il

parleà ses jugesavecune liberté etune hauteur

t

(1)P]at.po~31d,e.

Page 151: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

tM VIEDESCGRA.TE

(1) Plat., Apol., 40 b.

d'attitude, dont il nepouvait pas méconnaître

les périls, il ne L'arrêtepas une seule fois,ce

n'est pas parceque la moralelui fait un devoir

de cette sincérité provocante, car cet ordre

serait en oppositionavec les conseils de pru-dencequil'écartent des an'airesde l'État maisc'est que l'issue du débatlui doit êtrè avânfa-

geuse, et si Socrate est persuadé que là mort

n'est point un mal; c'est, en grande partie,

parce que le Démon,né lui â pas interdit un

langagedontil connaissaitles conséquences(1).Ce n'est que dans lès derniersjoursde sa vie

qu'il lui est ordonné, à sa grande surprise, de

faire de la musique~ on peut dire que dans

cette prescription même) le D~monlum ne

s'écarte pas dé son but habituel; car en s'oc-

cupantde poésie, en Ïùéttant en vêts lés fables

d'Ësope, Socràfe ne croit pas remplir une

œuvre essëntiëlléaient morale; il a pu vouloir

ressentir le charme magique que répand là

musedansl'âïne commeil le disait lui-même,

c'est au milieu de chants sereins et joyeux

que l'honnête homme doit attendre et pourainsi dire espérer la mort.

]Engénéral donc, et dans tous les Mts quenous venons de rapporter, le jDemon n'est

Page 152: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M~DÉMON 127

qu'une lumière qui éclairepour Socrate les té-

nèbres de l'avenir et soulève pour lui seul

répais rideauqui le cacheaux hommes(1).

Maintenant,qu'est-ce que Socratelui-même

entendait par ce phénomène? N'était-ceque la

lumièreGlaireet pure d'une haute raison, ai-

guiséepar la grande expériencede la vie;, for-tii&éëpar là moralitéde saconduite,et l'allusion

à une ré vélationsurnaturelle n'était-elle dans

cette bouchemoqueuse qu'une forme de Firo-

nie ? OUMenétait-cepour lui la voix, le cri de

la conscience morale, ramenée à sa source

Céleste et dMne, la voix de Dieu en nous?9

Sôci'ate~au contraire~creyait-il à des appari-tions surnaturellesquiprenaient, pour lui seul)une formepersonnellesensibleet une voixqui

retentissait à ses oreilles?De plus, ces appari'-tions lui étaient-elles envoyées par un Dieu-

partiGUlier)un Démonpersonnellementattaché

& lui, ou par cette divinité qui gouvernele

monde,qui sait, ~oit~entend tout et est pré-sente partout?R

Et,dâu8 ëe Câs.oômment expliquer cette

croyanceMperstitieuse chez un homme d'un

b&n§êss ët 4-M~ raison si iermê, d'un

(1)Plut.,DepeM.<S'c. x: ïNet<()M;~~px~cuttK~'))-?.0t;Xx!tT~;K~SpNTM~tX<!UM.~Y!oM!~<pj!')ttieW.

Page 153: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VtEDESOCRATH128

esprit si positif,si pratique, si critique? Com-

ment admettre cette dispositionau surnaturel

chez le philosophe qui, trouvant la science

pleine et pour ainsi dire ivre des visions, des

terreurs de la superstition,~e~e~evoy ~<t~<t-ïey M~;M~yx~ <~<Jct~My<dontPythagoreet

Empédoclel'avaient surchargée, l'accoutuma

à ne s'attacher qu'aux faits, et à chercher la

vérité par la lumière d'une raison froide et

calme,y~eyï<Ae~(l)?Faut-ildonc,contre toute

vraisemblance, reconnaître dans Socrate une

imaginationenthousiaste de visionnairecré-

dule, une faculté extatique de ravissement ou

un cerveau malade atteint de ces affections

nerveuses qui provoquent les hallucinations?q

Était-ce un hypocondriaque, une espèce de

fou, ou encore un imposteur et un char-

latan?

Toutes ces interprétations ont été et sont

encore.aujourd'hui soutenues, et les raisons

qui sont produitesà l'appui de chacune d'elles

sont si fortes ou au moins si spécieuses, que

plusieurs des érudits qui s'en sont occupés,ont renoncé à choisir et se bornent~ aprèsavoirexposé les faits, à dire que c'est un mys-

tère impénétrableou une énigme qui attend

(1) Plut, Dea~t. S., c. tx.

Page 154: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LEDKMOX 12U

encore une solution peut-être impossible.Bruckerdit modestement MOMH~t«'<(1).C'est

ce que répète à peu prèsMeiners(2),et c'est

aussi la conclusion d'un petit discours fort

substantiel sur Socrate (3), du directeur du

gymnase d'Oldenbourg,dont je regrette dene

pas savoir le nom < .D<cMMM:tMMt,quid vere

/M<Tt<,co~/Meor,M~MC~e<er:<!Mscripla salis

fj~~tcarc, ?~MC yeceM<M~'M?tt)t<<'r~*c<a<t<w~

evolverea~!<ee.cp~Marcvideri. e

Peut-être ne ferais-je que sage de m'en te-

nir à cette solutionnégative; maisquoique jen'aie ni ledroitd'espérer, ni l'espérance que jetrouverai une réponse à toutes les objections,

je me considèrecomme obligé par mon sujet,et je me hasarde à dire ce que je pense de ce

phénomènemoinsétrange qu'on ne le croit.

D'abord, il faut bien séparer deux questions

que l'on a souvent confonduesen une seule,ce qui a contribué à jeter beaucoupd'obscurité

sur le fait à éclaircu'. Qu'est-ce que Socrate

entendait par le Dtcmonium,et qu'est-ce quenous devonsentendrepar là ? Cesont deuxques-

tions, et à chacune desquelles on peut faire

une réponsetrés-diS'érentc.

(t)T.l",p.M3.Fe''mMC/<<ep/ttt.Sc/<r< t. III, p.5-49.

(3)~o~'atMMt.jMtMtOs<er.~'a?<t~1862,p.25.

Page 155: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VtKDESOCRATEi3K

Examinons la première

Les passages que nous avons cités déjà de

Platon et de Xénophon, et ceux que je pro-

duisici en note (1), prouvent évidemmentque,

(1) Xén., Mem., I, 1, 9. Socrateoppose tout cequi est

da ressort de l'homme à ce qui est du ressort desdieux,

qu'il appelle rb ~u~tM. (/ I, -4, 2). < Pour prouver

que Socrate n'était pasun atbée, je rappellerai ce que jelui ai entendu dire TcB'~ti~t~tt, et Xénophonraconte alors la conversation de.Socrate avec Aristippe

qui ne sacrifiait pas aux dieux, T~;ee~. (/<it.IV, 3, 14.)It ne faut pas' mépriser tes choses invisibles, mais ap-prendre par les phénomènes visibles la puissance desautres et à honorer ~t~/n*, qui est appelé dans le

§ I5ttt);«Ku{.(7d., t, 1,13.) LcDœmonium!ui donnaitdes signes de l'avenir; mais tous les hommes croient

également que les dieux, Tw;tt46,,leur donnent desavor-

tissements par les oiseaux, 1~votx, les signes, les sacn-

fices; seulement ils ne s'expriment pas de la mêmema-

nière ils disent que ce sont ces choses.extérieures quiles font agir, tandMquo §oCMte disait, parce qu'il le

croyait, qmec'e~at~ ~~tM,Paur MOircette conBanceen ces signes, il fallait bien qu'il crût& un Dieu qui les

lui envoyât, eM. (Id., IV, 8,5~ 11avait commencé A

méditer son ~po~<6 quand « ~f~<tM s'y opp(ma,Sans do~te cette tnterdtction fut cause de samort; ma}sil ne faut pas s'étonner que le dieu, TM< ait cru quilétait ptus avantageux pour lui de mourir. Dans les

JM<MK.,I, 1, t, les mots tt<A;t~ sont expliqués

par &t~ ~<~MM~tMa~t.~ e~dansPIatoa, ~'M~pA-, &,Socrate se plaint que Mététus l'accuse de faire et d'in-

venter des dieux nH~t 9:&<Ks:~$ s~t~e~ts SM4;,fai-sant évidemment allusion à l'acte d'accusation, qui con-

tenait, nous le savons, les termes MtM~«t~m.

Page 156: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON 131

pour Socrate,J~e~e.' est l'équivalent de ~o:

et que re Jttf~eyw,te o~of,sont les équiva-

lents plus généraux et plus vagues de e~M

et de <<~eA Il n'y a donc pas lieu de re-

chercher si Jttt~oi/tevest employé adjective-

ment ou substantivement il est tour à tour

substantif et adjectif. Dans Xénophon, à cha-

que instant on trouve e!«e/ pour re ~~eyou

e <eey,et si nous voyons le mot adjectif dans

la phrase de Platon, ~y ï< x<t~~(~0~0~nous

le retrouvons là même, identHieà e<M'~puis-

que le signe révélateur, qui vient d'être ap-

pelé<!jttet~'xayeJ~<t(~ev/eu,reçoità la ligne sui-

Y,all~e la aéxlQmins~t10I1 de Tô zov Aeo,ûva,ueiov (1~.vante la dénominationde Te7-e?«euM~~e:'(1).Aristote a donc raison de conclure que le Dee-monium est ou un Dieu ou rœuvre d'un

Dieu (2).

Dans Platon, dans Xénophon, chez tous

les Socratiques, ré<e7eyest fréquemment em-

ployé, sans qu'on puisse toujours distinguersTIs veulent désigner un Dieu particulier fai-'

sant partie de l'Olympemythologique,ouhien

cette essence.divine et unique; suprême et

souveraine, qui, suivant eux, a ordonné le

monde et en conserve l'harmonie. M. Denys,

(1)Plat.,~p«L,31c,d.(2)R/te~11,23,8.

Page 157: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

132 YIEDESOCRATZ

dans Sonexcellentlivre surr~Hs~otre~ M~~Mtdfa~ dans ~ï~Mt~, prétend que cette

expression est une hypocrisie de motsqui se

perpétua dans toute rantiqùité, et permit aux

philosophesde ne pas se décider nettementen

paroles sur la~questiOi~de~é d~ lai plu-ralité di~e (1~ 1~ pui&

cusation ~en(lue~~tmejsi 1~ de

,siMes~tt~pas!~si!

~)ur.Socrate~~on~'ne~Ycit'pas ~pourqu~M~'s~se-

rait abatssé à cen~ ét pourquoi au-

rait déshonoresdïicaracterppar cette~ )f!estfiç-~n mentale~ilahî~pro~~

par sa morf,qu~ilpayaita~ 7

~ur~m~td~claH~nent~c~ :qtiilE .,t (2).

-pas~di~qu~a~

~'esclavë~'et.~non~d~hom~ ja:

,~ma][s,qite~j~c~~~Suclonc°

'T~ ~ôsÉ~or,~q:n~é~,;u~ çr~iré

.~q~~e'~po~~e~~

,e~<Équi~quë d'aïllë`t~"ïëa~df

~Ës~n~m~qu' a~r6ï~rde

~:h~e/~përnL~ ~e `sen~ble

j;lej~p]~nuer'~phi~s0p~qui-aflirme en ~~terme~

~(l)~Tj.~B.l~m<~j]L.j~ 'i. l,"X~M~.J.Ï.~4~2.S~~t~ ~;&~<'y~S!!Bt,

Page 158: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

Lt-iD~MON ~33

8

clairs l'unité de l'Être suprême et du moteur

invisible et immobilede l'univers, parce qu'il

est, je crois, le premier à l'avoir clairement.

conçue. Dans Platon même, la théorie des

Idées est la pour prouver combienla notion

~~i~~Dië~}unique~ ne au génie'

~~c,et~n~ dansl,les esprits mêtneS~

c[~ s'y~ et trouble. Le:

p~lyt~eïSthè e~la:Vrai~ rëligion des Grecs

qui, concevant Dieu à rimagé de l'homme, le

conçoiventnécessairementmultiple;lors même

qMe~letp~arMTirtase des représenta-

tion~ gr~~ères et

rëpati~iss~ et 1~déshonorént, l'ünité qu'il

én~voit ~dans l'e~ence et de l'invi-

siMe~ :i,dè rappoM:,depropor-

tion, d~harmonie,telle qu~onla peut concevoir

~€mtre~ioi~~ ~uërseset ~ui~presi-

~aje~ 4èt" ~~ib10'!et'dû'monde

~ef!~i,'J.Í. '1 i, "té"'a'Ád'1'1Ainsi,1:L~ suivantt~'(~n~6lt~uMt6~d'6rdre.'Ai~

]~p~plar~Iit6 'iex~te ~au~sem~du~ïnënde"'

~~dt'vj~ li:8'¡y'~conciliant,~paT~d~~moy~ns

~'q~<gcM~e~ unecel'tairleuuité,

et c~~t~~ce ~mle distm du aionde Sensi-

rble,lt la pimalltë nese lai~ 'mesUrer'ni

ordonner, <c'ëst-à-difene se ramène pas à l'u-

nité et reste éternellementl'indénni. Tee~<pe5'.

Page 159: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATEt34CesadjectifsT'a<)~y,rot!t<oy.e'T-e<ïTf:~6y,éle-

vés parl'article à la fonctiondesubstantifs,sont

donc des expressionsvaguesdes notions, mais

loyaleset sincères,correspondantparfaitementà Fêtât des esprits qui les concevaient,et loin

de les dissimuler par des dehors trompeurs,elles sont elles-mêmes un témoignage et

commeun documentdesdoctrines.

Quellenotion précise se formait Socrate de

ce phénomène? Il est difficileet peut-être im-

possiblede le savoir; nullepart il ne Fa défini,et même, s'il faut en croirePlutarque, il se se-

rait refusé sévèrement de donner, à ce sujet,aucun éclaircissement. Simmias l'ayant un

jour interrogé sur ce point, non-seulement

n'en reçut; aucuneréponse, mais l'attitude de

Socratefut telle que personne n'osa plus dé-

sormaislui faireune semblablequestion (1).Pour un hommequi aimait tant a interroger

et être interrogé,ce silence est remarquable.Socrate savait-il bien lui-môme ce qu'il en

pensait et ce qu'il en devait penser?Les phé-nomènes de cette nature, chez ceux qui les

éprouvent sans tomber dans une superstition

crédule, sont accompagnésd'un certain doute,d'une espèce de confusion,qui leur ôte et le

(U Plut, D~~t..S., c. xx.

Page 160: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LEDKMO~ )3S

désiret le goût d'en analyser toutes les circon-

stances, d'y penser et d'en parler; c'est

comme une faiblesse dont ils ont presquehonte. Ainsi,commentveut-onqu'à la distance

où nous sommesdes faits, lorsque celui qui

les a éprouvésn'a laissé, sur ce sujet et sur

aucun autre) pas un mot écrit de sa main;qui,dans ses conversations avec ses plus intimes

amis,s'est refuséà toute explication;comment

veut-on arriver à déterminer ce qui peut-êtreétait resté pour Socrateobscur et confus? Il

me paraît toutefois difficilede prétendre qu'ilconsidéraitle fait uniquement commeun phé-nomène psychologique; les expressions de

Platon et de Xénôphon, les circonstances a

l'occasiondesquelles il se manifeste, semblent

prouver que Socrate croyait à une révélation

extérieure,sensible,et noninterne et purement

subjective.N'était-cequ'une voix ou lui appa-raissait-il une vision véritable? Plutarque fait

direà l'un des interlocuteurs de son dialogue,

que Socrate méprisait et ne daignaitpas écou-

ter ceux qui prétendaient avoir eu des visions.

Son Démonn'aurait doncpas été un iantûmeet

une apparition visibleà ses yeux, mais seule-

ment la perceptiond'une voix (1).C'est comme

(1)Plut.,De~CH.<S' C.XX<.MX~(;, ftM.xCt~;TM<ttM&Mt;.

Page 161: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

~'IBDESOCHATE136

cela qu'en parle Platon dans l'Apologie et le

Phédon, et.c'est peut-être la conclusionla plus

simple,la plus conformeau caractère de So-

crate, et au passage de Xénophonoù il rap-

pelleà Aristodèmequ'il ne doit pas s'attendre

à voir apparaître les dieux sous une formevi-

sible. Cependant il ne faut pas repoussercommetout à fait inadmissible l'autre hypo-thèse. Platon, s'il est Fauteur de Théagès,au-

rait-il appeléune voix e e~/Tpo~,mot d'oùil a

éié si facilede tirer plustard le ~g~? Eût-il

comparéune voixà'un tuteur chargé de veil-

ler sur un pupille? Comment d'ailleurs se

figurerune voix, sans se représenter presqueinvolontairement l'être qui la fait entendre

L'imaginationqui s'est laisséeprendre à la pre-mière de ces illusions est presque nécessaire-

ment pousséeà la seconde.Les voixde Jeanne

d'Arc, qui éclatent d'abord au milieu d'une

éblouissantelumière, finissent par prendre un

corps, une ligure, des membres; ce sont des

saintes et des saints enveloppés de vêtements

blancset la tête parée de riches couronnes. Il

ne fautpas dire que l'état extatique d'une pau-vre filledeschamps, enivrée de mysticismeet

l'imagination frappée,dès son enfance, de lé-

gendes surnaturelles, n'a rien de comparableavec l'état mental de Socrate, ce ferme et lu-

Page 162: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON ~37

8.

mmeuxesprit, dout le trait distmctifa'été la

puissance de réflexion, le sens droit, calme,

positif,sceptiquemême, et dont le caractèreest

l'ironie railleuse, qui s'était donné pour mis-

sion précisément de dissiper ces visions, ces

fables, ces mythesqui,troublaientFimagination

populaire et déshonoraient même la philoso-

phie, et de n'avoir recours qu'à la raison saine

et froide; un homme enfin en qui se réalisa

aussi parfaitementque possiblel'idéal antique,

M~HSMMaM~co~poyesano. Ce serait mécon-

naître, je crois, rétat moral de l'antiquité tout

entière, et d'autre part la grande .originalitéde Socrate. Il ya dans tous les esprits pure-ment grecs un fonds incurable de superstition

païenne; lepolythéismea si profondémentim-

prégné les imaginations, que toutes les pen-séesprennent la forme de représentationsvi-

sibles, et reçoivent un corps, une âme, une

voix. Xénophon défend vivement son maître

d'avoir rejeté la croyanceaux dieux de l'O-

lympe.Si Socrate, ou plutôtPlaton, traite assezdé-

daigneusementles mythes, il ne les nie pasau fond, se borne à les interpréter ou à les mo-

difier,usant en cela d'une liberté communeet

permiseaux poètes comme aux philosophes.

L'Eutyphron atteste, il est vrai, qu'en ce qui

Page 163: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIEDKSOCRATK138

concerne les fables religieuses, les sacrifices,les rites, Socrateaurait voulu changerles opi-nions populaires; mais le début du P/<<?<e

prouve que Platon lui-même ne croyait pasbon de rejeter légèrementou d'interpréter troplibrementces mythes, persuadé qu'ils renfer-

maient un élémentreligieux et sacré. Socrate,

dit-on, seul entre tous ses compatriotes (1),ne

s'était pas fait initier aux mystères d'Eleusis;il croit à une Providencesuprême, à un Dieu

supérieur et souverain, mais il neniepas pourcela l'existencedes dieux inférieurset visibles,

qui l'aident à l'administrationde cet immense

univers(2); il s'écarte en quelquespoints, je lé

sais, desopinionsreligieusespopulaires,et par-ticulièrement sur celui-ci, que les dieux, ne

s'occupentquedesgrandesfonctionsdeleurpro-

vidence,et ne s'abaissentpointà regarderlacon-

duite des hommes(3);enfin,danssonApologie,il est vrai qu'il s'attache à prouverqu'il croit à

des dieux, soit anciens,soit nouveaux, plutôt

qu'à démontrerqu'il croit aux dieux de l'Etat,maistoutcela est loin dedémontrerqu'iln'admet

pas l'existence d'êtres divins et surnaturels. Il

(1)Lnc.,Demon.,c.n u.cw<ftc<t<T«)-<.

(3)Xén.,Mem.,IV, 3,13.Lepassageest mutitéetobscur.

('))Xén.,1.1,19.

Page 164: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

],E [)HMO~ 139

est constant, par le témoignagede Xénophon,

qu'il sacrifiaitaux dieux et sur les autels pu-

blics,et dans sa maison (I). Je n'attache au-

cune importance au fait relevé par Lactance,

qu'il jure par le chien et par l'oie (2) mais on

n'en peut dire autant du fait qu'il obéit aux

oracles, par conséquentil y croit (3) il y croit

si bien qu~il en recommande Fusage à ses

meilleursamis(4).Le récit de l'A~a&eMeest à

cet égard très-remarquable Xénophon ayantconsulté Socratesur la question do savoir s'il

devait accompagner Cyrus dans son expédi-tion en Asie, Socrate lui donne d'abord son

avis, puis le recvoie à l'oracle d~Apollon,comme ont toujoursfait, dit-il, les Athéniens

dans les circonstancesgraves (5). Non-seule-

ment il fait pieusement sa prière (6), mais il

(l)Xén.,Ment.,1~1,2.(2)FreymuUer,p.13;God.Hermann,Pfcsy.ad Nub.

~f~/on/t.ip.28;Staltb.,~;)o<.S.,p.22,note.(3)Xén.,~etK.,1,3,4; Plat.,~pof.S.,21b.(4)Xén.,Mem.,IV,7, 10,etXI. 6,18.(5)~K<t! 111,1,5; Cic.,De div.,I, 54.Cequ'ily

adesingulierdanscettecirconstance,cesontlesmotifstoutpersonnelsde conduiteet de prudencequ'avoueSocrate.En encourageantouvertementXénophon,ilcraindraitdepasserpourl'amideCyruset parconsé-quentdeLacedémone,etdesefaireainsiunemauvaise'affairedansl'espritdesAthéniens.

(6)Xén.,Mem.,1,3,2.

Page 165: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

140 VIE DE SOCRATE

ajoutefoi aux rêves envoyés par les dieux (1);nous le voyons sujet~à des apparitions noc-

turnes qui lui, donnent des ordres, et c'est

pour s'affranchirdes scrupules religieux quile

tourmentent à Toccasion de ces songes, qu"il

essaye, un peu tard il ~aut faire

dés vers. Ilinvoq~ Hëlips ~commeu~

et sa demiere parole es~;d'ordon~ sâ.

cnHepour lui f~ui~~co~ :msculape(3),:qu{~stnon pas même ]nh dieu, maisS siniplémentunhél'os.Je sais iNehqu'on ne peut guèreS'em-

pêcher de soùpçpnRerune ironie ans. ce.vmu=

on croit entendre Voltaire demandant à sa

mort'qu~cnMfasse~e unem~~ .ou brûler

un ci~Tgeà l'autel de SM~

grë son~jroi~~~(~e~

~me es~p~djiH~sent~n~

~tiqn~maië~jelig~~

GOn~pl~em~~nlanq~ ~çeptique,«;ludi~~tieine siècles~n~ 'is''fétfuér, les~jï~C! ~j J:J~j't?~h'yeux à l'~v~enëe ~r

(~orl1, i Je~cépiiciSIIte!demi6ét(jn:Ile"

le~rejettepas touS~. jSans:êtr~ dupes dessu~

cheriës~g~ visïlïles quï ür-,-h; ,¡" 'or>

~(1)/~[. J~ ~L. ~p.~s~M.

'L :(3)~P~U8'a:. ~7~ .7~ 7.7.(4)Gicérondit de'Panœ~us(Dtp.;I, 9,6)i ~Necta-

Page 166: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M DÉMON /-I4'

ràcliaient&pémosthènele cri ironique et indi-

gné La t'ythiephilippise! les anciens m~me

qnilësontsignalées~ajoutaientencoreune cer-

tain foià ces prédictions dans quelle mesure,

ayec quelles r6seryes,ç~es~~ce qu'ils ne nous

~~ont;p~~dït~cé'~e~ou ~pouvonsdeyi-

~ër~~ai~ ~qu~h~ ~e e~,

~a~d~s~6~ël~ën&~s~ë~.par!~ië~dieux sur les

(~Qses~~ëni~~i~érb~lui-~ n'en conteste

pas l~lit~ G ~sëau repos

jayecu~Spritib~ disposé parde sage médi-

,tatip~s~~et~~p~~uU~égi~ convenable,

~dans~o~gôs.ë~]~ vrais et ,d'uu

.ef~~e~n~ d~ns l'hômnie éveillé,

un~~jnp~astëetp~ ëst 1,:de"trou-

iver~i~~érit~~so~r'~es.a~ soit les

oiseaux~p~ es entraillès des victimes,

s~pj~r~~au~res~ig~ et c'est cequ'onnous

rapp~é<~éaïeD~ de'vocxate; ceq~ï'ilrépète

~eï~~i~më~~ns~les~ lïvres désysocrati-

q~uë.S~ quiddam,,quQ~Dternonüsm

~<8M<x<ë~t~se

~He~c~l)~

Ëc~so~ doitconçlûie d'abord avec

Ciëéron~Mtoutce~qu~M~ lâ divi-

.7m~us;~t~6gare~imësse div~~ dubitàre'<S~dixit.

~(l)<Gic.I,~4.~

Page 167: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VtE DE SOCKATE1~

nation, Socrate ne s'était pas écarté des senti-

ments des anciens philosophes(1), et ensuite

que, par rapport à Inexistenceet à l'apparitiond'êtres surnaturels, divinsou démoniques,en-

trant en commerceavec les hommes,il ne s'é-

tait pas dégagé des habitudes d'esprit et des

croyancessuperstitieusesdu polythéismepour

qui l'univers entier était, commele disait Tha-

lès, plein de dieux, -~r~ ~j~o ~y. Lamytho-

logie trace autour des imaginations grecquesun cercle'magique et enchanté dont elles ne

peuvent sortir complétement.La croyance en des êtres surnaturels, dé-

mons ou génies, agents intermédiaires entre

les dieux et les hommes,faitpartiedes dogmes

de l'orthodoxiepaïenne, s'il y a dansl'anti-

quité quelque chose qui puisse être appeléde ce nom. Inconnueà Homère, elle est for-

muléesystématiquementpar Hésicde, legrand

théologiengrec.Hésiodedistingue trois espèces de démons

les uns bons, gardiens des hommes,~eum

<M~~ revêtus d'un corpsaérien, ~<te<w~«~et chargésde visiterla terrepoury surveillerles

bonnés et les mauvaises actions; ces démons

(1)Cic.,Dediv., i, S,6 «Quodad divinationemattinetmansitin antiquorumphilosophoramsenten-Lia,

Page 168: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

t.MDHMOX HH

ne sont autre chose que les âmes immortelles

deshommesde l'âge d~or;les autres, issus des

hommes de la race d'argent, vivent sur la

terre, et ceux qui, pendant leur vie, ont été

des hommes de la race d'airain, demeurent

.dans les ténèbres del'Hadès. Cette doctrine,

née peut-être d'une inspiration orientale (1),n'en est pas moins la'M commune de tous les

Grecs, et c'est avec raison que Plutarque (2)en rapporte, sinon l'origine, du moins la pre-

mièreexpositionsystématiqueà Hésiode.Dans

Ménandre, presque contemporain de Platon,

le démonest déjà Fange gardien (3),et il est

appelé le bon mystagogue de la vie. Platon

fait du démonun intennédiaire entre Dieu et

l'homme, chargé d'opérer toutes les fonctions

de la,divination'(4).En effet, Dieune se révèle

pas, directementà l'homme, et ce n'est que

par l'entremise des démons, r~ ~cn.Me~~v,qu'il

(!)MTinter,De)'e~:o!t.~a&yi!p. 18.

(8)De d~c~. 0)'ac.,10. AtheMgoras(Le~.proC&~s~p. 8)a tortdel'attribueràThaïes.

(3)Memek.,2''f.Poe<.cow.,IV,p. 288AcmTt <~t!jtM~a~pt <J{<.tM{)~TtTOH

tMu; '~Mjt6~M, p.Mra'j'M' Mti p~U

a'y&9o;.

(4) Plat., j&fy~Kp., 202 e T:)~e~cv~~a~ eoTt Tw~M:

te XXtOn)TH) ~X TCUT~Xtt T,M.K'<nxAtr0:<r<~Mpt!.

Page 169: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIEDESOCRATËm

communiqueet s'entretient avec nous. Dans

le Politique,Platon assigne au Dieu suprêmela fonctionde veiller à l'ensemblede l'univers,et donne aux dieux inférieurs des attributions

subordonnéeset spéciales. Ces dieux sont ap-

pelés ici (1)~o/. I/.B~MOMMSdistingue trois,

sortes d'ôtres l'être divin, re ~e''ey,l'âme et les

cinqcorpsmatériels desquelsnaissent trois es-

pècesnouvelles les unes composéesde terre,les autres composées de feu; entre ces deux

espèces se placent les démons, ~~o~, faits

d~éther,d'air et d'eau, tels que les nymphes,et dont les fonctions ne sont pas détermi-

nées (2).La croyanceà des êtres surnaturels, agents

des dieux et intermédiaires entre eux et les

hommes,était doncuniversellement acceptée,et rien n'autorise à croireque Socratefait à cet

égard exception.Parmi les faits que nous avons rapportés de

sa vie, plusieurs, entre autres celui du siègede Potidée, montrentqu'il y a en lui un levain

d'enthousiasme, une disposition à l'extase,

qu'il n'est pas nécessaired'expliquer par une

organisationphysique particulière; cette ten-

(1)Polit.2Ttd.

(2)~ptM.,984.

Page 170: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON )4!iJ

9

dance extatique, qui d'ailleurs se manifeste,<

rarement, est toujourstempéréepar une raison

maitresse, un bon sens pratique, un espritde réflexion et d'analyse qui ont dû en ar-

rêter les écarts.

Tiedemann explique cette disposition parle haut degré d'effort qu'exige l'analyse des

idées abstraites, et qui, dans certaines organi-

sations, a pour effet, pour ainsi dire mécani-

que, de pousserà l'extase et au ravissement

« La profondeur de la méditation opérait en

lui uneinsensibilité presque absolue qui tou-

chait aux ravissements extatiques (1). Or,ceux qui ont cette dispositionprennent volon-

tiers pour des réalités extérieures et sensibles

les pensées soudainesqui leur montent au cer-

veau, les illuminations rapides qui éclairent

leur esprit, les images fortes et vives dont

la pensée s'enveloppe dans leur intelligenceéchaufféeet ébranlée.

J'avoue, quant à moi, que je ne vois pastout cela dansSocrate; ce n'est ni un Spinozani un Hegel, enfermés dans les domaines de

l'abstraction~courbés sous l'effort d'une, dia-

lectiquevide, ivres de métaphysique ce n'est

m6m.ë~asiin~Platon qui s~envolesur l'aile de

(1)Tiedem.,Cet~derSpecul.Phil., t. Il, p. 1C.

Page 171: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIRDESOGRÀTBt46

,la poésie auprès du groupe radieux et du

chœur éblouissant des idées pures. Socrate

n'analyse que des faits, des faits de la vie so-

ciale, politique, domestique, des réalités de

l'ordre le plus positif et souvent le plus vul-

gaire.Les analyses que contiennent les Af~Mnï-

bles de Xénophon et les dialogues où Platon

sembles'être particulièrementattaché à repro-duire fidèlement les dis.coursde son maître,n'attestent pas un effet surhumain de médita-

tion ardente, ni une concentration pénible,une tensionfatigantede la penséeappliquéeà

se surprendre elle-mêmedans son mystérieuxtravail et son mystérieuxobjet.

Pourquoi vouloir tout expliquer?Ne pou-vons-nous pas nous contenter des faits?

L'originalitéde Socrate et ce qui rend sa

physionomie unique dans l'histoire de la phi-

losophie, et même dans l'histoire générale,c'est d'avoiruni l'esprit critique,le génie de l'a-

nalyse, le goût du libre examenet du doute,un senspratiqueadmirable,àune toi religieuse

sincère, à unenthousiasme ardent et profond,à une tendance à l'extase, où du moins à une

faculté qui peut y porter. II a la maîicc et la

verve d'ironie critique de Voltaire, et excelle

commelui, autant qu'il se plaît, à rendre ses

Page 172: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON M77

ennemisridicules mais, en mêmetemps, il a

la fermeté morale et la force dialectique de

Kant, et, de plus, à la patience et à la tempé-ranced'un saint, il joint l'intrépidité d'un sol-

dat. En un mot, il unit avec une rare et .égale

puissancedes facultés qui semblent s'exclure,la prosede la vie réelle et la poésiede la vie

idéale, f~cn~fe~<tjT)-o~<t~(1);c'est là le trait

caractéristiquedeSocrate.

Rechercher les causes de cette origina-lité si remarquable, de cette personnalité si

forte, se demanderpourquoi un homme est

ce qu'il est, c'est poser des questions quin'ont pas, suivant moi, de réponse ni la race,ni lemilieu,ni lemomentn'expliquent le mys-tère de l'individualité. Je croisdonc que So-

crate a été, et il n'y a pas contradiction, à la

foisun inspiré et un critique, etque, sans abdi-

quer la raison,il a pu s'imaginer qu'une voix

surnaturelle, peut-être accompagnéed'une vi-

sion, lui annonçait l'issue des événements à

venir.

Remarquonsbienquec'est là toutela fonction

du Dœmonium,car ce n'est pas sur son ordre

ousur une inspiration révéléepar lui, que So-

crate~'est. chargédu rôle hardi et périlleux de

<*

(1)Xéa.Mem.,I,3,8.

Page 173: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

148 VIE DE SOCRATE

réformateur des mœurs comme des idées de son

pays et de son temps..

Sa vocation est divine cependant, et son

apostolat lui est ordonné d'en haut; mais il les

rattache aux croyances les plus répandues et

les plus autorisées de l'antiquité, c'est-à-dire

aux oracles et au plus célèbre des oracles; c'est

au dieu de Delphes, c'est à Apollon et non au

DEemonium qu'il obéit, en se consacrant à,l'é-

tude et au perfectionnement intérieur de lui-

même et des autres (1).

Maintenant, qu'ont pensé les philosophes

et que devons-nous penser de ce phéno-

mène ?

Il paraît certain que, les contemporains de

Socrate y ont vu un dieu particulier c'est

évidemment le point de vue des accusateurs.

(1)M. V..Gottsin ~~M. SM~ p..392),n'est~asdecet,av!s « Il cherchaitDiea,dit.-il,ets'en in~piraitsfMis

ceMe; il lesehtaitpart'cutiëremeDt t~aMSe~e COM?Mt-i'6 ~< p~SttM~ G<~t~,qu'il consUltatt commeunoracle et qui était une sorte de démon, c'est-à-dire, sui-vant le,sens pbgulaire du indt,~ enfant des dieu1'xun

intermédiaire entre les dieux et les hommes. C'est dans

sa conscience,commeen un sanctuaire, qu'il accueillait

pieusement les ordres de ce génie Suprême. Je crois,au cont-raire,, quela théorie de Socrate exclut précisé-ment l'intérvention du surnaturel dans les questionsd'ordre moral. Pourlesréso!d!'e,!a raison, suivant So-

crate, suffit, et la conscience.

Page 174: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON 149

Cequ'ils lui reprochent ce n'est pas d'intro-

duire le merveilleux dans la croyance, c'est

d'introduire des êtres surnaturels qui ne sont

pas consacréspar la tradition et autoriséspar

laloi; en unmpt, c'est d'innover en matière

religieuse sur cepoint, Socratesedéfendmal,

et se borne à dire qu'il ne nie pas l'existence

et l'intervention, dans la vie humaine, des

dieux, soit anciens,soitnouveaux.

Plutarque de Ghéronée pose d'abord en

fait que ce.n'est pas une fable, -M; puis,

après avoirfait suggérerpar un des interlocu-

teurs que le D~emoniumpouvait bien n'avoir

été qu'un éternument, il repoussecetteopinion

par la raison que c'eût été~là un signe bien

fortuitet bienpuérilpourdéterminerles actions

d'un hommetel que Socrate.

Quanta:lui, il semblepencherpourl'hypothèse

qui voit dansle (~énioune simple faculté, non

pas B~ême une particulière et distincte,

mais~HReportion de cette sagacité naturelle à

tonsles nommée,quele pM~ aurait for-

tiËéë par FexpérMnoë, etq~ dirigée par une

raison'siïpériëui'e, le déterminait à agir dans

les(~njonctûreË!difncilesetembarrassantes(l).Ï

(1)Pint.~-jDeyeM.S., c.x etxi. OnvoitquePlutar-que nedéterminepasnettementla naturedescircon-stances,toujoursparticulières,oùleBemonsemanifeste.

Page 175: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE150

« Cen'était pas une vision,maisla sensation

d'une espèce de voix, ou plutôt l'intelligence

de certainesraisonsquipénétrait l'esprit de So-

crated'une façontoute merveilleuse; son âme,

pure et exempte de passions, était directement

enrapportavec l'entendement divin, et l'en-

tendement divin pour lui montrer les choses,

n'avait pasbesoinde produiredes sons,d'émet-

tre des articulations vocales; il frappaitla par-

tie intelligente de son âme en lui présentant

Follet lui'mômedanssa nature et son essence;

en d'autres mots, l'entendement divin mettait

en rapport immédiat l'objet pensé et le sujet

pensant: or, pourproduirecet effet, l'entende-

ment divin n'a besoinque d'une influencetrès-

légèreet d'une action &peine sentie, car c'est

le propre de la naturedé l~âoieque, dèsqu'elle

est touchéeextérieurementparla raison,&t~<

~%fe;K~, elle seporie vers l'objet intelli-

gible.Pour donner le branle à l'intelligence,il

faut un coup du dehors; mais ce coup peut.n'être pas sensible la parole, véhicule de la

penséehumaine, agit sur les penséesd'autrui,

maisd'unemanière obscure,tandisque la pen-sée"des démons, toute lumineuse, agit pro-

fondément et rapidement sur nos âmes. Ces

Page 176: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LED~MOU ibt

raisons, ces discours des démons, sont répan-dus partout (1); tous les hommes peuvententendre ces voix silencieuses, ces paroles

muettes; mais tousne les entendent pas, parce

que leurs passionset leurs vices troublent l'ac-*

tion déleur intelligence et voilà aucontraire

pourquoiFamécéleste et divine de Socrate les

entendait si clairement~})

Decette explicationconfuseet obscure,où,

pour expliquerla nature et les actes du Démon

deSocrate,Plutarquefait intervenir, d'unepart,la théorie d'Aristote sur Fentendem'entagent,

et, de l'autre, la oroyance en desdémonspar

lesquels, sans doute, s'opère toujours l'action

del'entendement divin sur la raisonhumaine,il semblerésulter que leDémondeSocraten'é-

tait aux yeux de Plutarque qu'une faculté de

l'intelligence, communeà tous les hommes

mais qui était pluspuissante et plus pure chez

un homme étranger aux passions et aux fai-

blesses de l'humanité.e

Ce n'est pas le sentimentd'Apuléequi, clai-

rement, nettement, en faitun Dieuparticulier.H distingue trois sortes de démons les âmes

humaines encore unies à des corps; les àmes

(1)Plut.,De~ett.S., c. xx d TMvS'~o~M-~).Q~~nxtFO~TMVCtOÇUH~M.

Page 177: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE152

humainesqui ont été et ne sont plupsoumises

à cette union, telles que les démons d'Hé-

siode (1);enfinles démons qui ne l'ontjamais

été,telsqueleSommeilet l'Amour.C'estàcette

'dernière classe,qui est la plus élevée, qu'ap-

partient le Démonde Socrate, qu'Apuléedécrit

en ces termesprorsus custos,stM~'M~tsp/'<B-

fectus, domesticusS~CM~Or,Lay contubernio

familiaris (2).Et ce gardien céleste communiquaitavec lui

non-seulementpar la voix, mais par des appa-ritionsréelles.

<tEquidemarbitror non modo~MW~MSSocra-

~rM?Metiamoculis signa D~WOM!~~Mî

zesurpasse.~Vd!~frequentius non ~OC~Mt,sed

st~MMm~t~MMwsibi o&~MMt~y~ se ferebat.Id signum ~o<~ ~< tp~tM~D6PMÏOMM~pect~

/WM~, ~MO!~ M~<Soc~? f'gyMëy~, ut

/M)~~CMSAc~KM,~M~~<?M. t

Ce don de voir les dieux, ce privilège, il le

devait à Ja puretéde son âme et de sa vie, dit

Apulée,d'après la théoriedes nouveauxpytha-

gpriciens.Les Pères de l'Église adoptent l'interpréta-

tion des néoplatoniciens,et font, commeeux,

(l)Ep-f.,v.l22.(2)Apul.,DeZ)eo<S.,p. 143,éd.Nisard.

Page 178: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON ta3

9.

du Démonde Socrate un être réel, une nature

intermédiaire entre Dieu et les hommes, un

~pMpo(,suivant l'expressionde Tertullien(1)et de Justin (2), qu'on pouvait si facilement

tirer du passage de Théagès que nous avons

cité plushaut.

D'accordsur ce point, ils se divisent sur la

questionde savoirsi c'est un bon ou un mau-

vais ange. Tertullien (3), saint Cyprien (4),Mmutius~élix (5),Lactance(6),en fontun dé-

mon pervers, un vrai diable, suppôt de Sat an,

~M~Mt~Mt~~<M/O~MM~~ptW~MMtinsincerum,et si aveuglé dans sa perversité, qu'il attaqueet vise à ruiner la croyance dans les faux

dieux, c'est-à-dire une religion qui faisait sa

seule force.Saint Justin, au contraire,y recon-naît une nature angélique, parfaitementbonne,et dans Socrate presque un précurseur du

Christ.Il dit en propres termes« que le Verbe

divin commença'à opérer chez les Grecs parSocrate, ce que lui-même, devenu chair, ac-

complitplus tard chez les Barbares.s C'estun

(1) Tertull., De NMMM.,c. 28.

(2) Just. martyr, Apol., 1!,65.(:~ DeNMMN.,c. t; ~4po< c. xiv.

(4) De vanit. idol., VI.

(5) Octav., c. xxvi, 8.

(6) Institut., VI, 15.

Page 179: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATEt54

hommeinspiréde l'esprit, Ae~eu,et presqueun

de ses martyrs. Ce sentiment, adopté par Clé-

ment d'Alexandrie (1), Eusèbe (2) et même

saint Augustin (3), vient encore d'être docte-

ment soutenu par Freymüller (4).Les moder-

nes, on le comprend, se sont placés presquetous à un point de vue très-différent Lamothe

Le Vayer (5), Richard Simon (6), Souve-

rain (7), Charpentier-(8),voient, dans le Dœ-

monium de Socrate, un phénomène tout in-

terne, qui se passe dans la partie la plus noble

de la raison, et réclaire commeune étincelle

de la raison divine. L'abbé Fraguier (9), suivi

par Forster (10),soutientque c'est par son iro-

nie habituelle que Socrate appelleDaemonium

ce qui n'était en réalité qu~unefaculté de son

âme, la conscience ou la raison. M. Stap-fer (11)veut que le Démonsoit la déincation

(1) jS&'MM-,1.V. C. XIV.

(2) .Pfa?p. Ev., XIII, 13.

(3)DecM.jDc!,vm,14.

(4) D<M.<S.,1864.

(5) Opp., t. III.

(6) Hist. crit. de l'Ancien !Z'M<a~tCM<,I. I, c. Ttiv,

p. 85.

(Tf)Platonisme dévoilé.

(8) Vie de Socrate.

(9) Acad. tMScrïp~ t. IV, p. 360.

(10)Not. ad Plat. Eutyphr., p. 3 a, b.

(11)Biog. univ., Michaud.

Page 180: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE DÉMON 155

de. soninstinct moral, le for intérieur, consi-

déré comme le sanctuaire de la divinité et

l'organe de ses oracles. La première de ces

interprétations,qui ne voit làqu'une formeiro-

nique de langage,n'est paa d'accordavec le ton

dont Socrateparle du phénomène, avec l'im-

portance qu'iLy attache et la gravité de quel-

ques-unesdes circonstancesoù il le fait inter-

venir, par exemple son jugement. D'ailleurs

Xénophon, qut ne mentionne jamais l'ironie,-nous dit qu'avec ses amis il parlait toujoursnaïvement et simplement(1); mais cette ob-

jection ne s'adresse qu'à la manière dont on

interprète ici l'opinion de Socrate. Pour la

question qui nous occupe, c'est-à-dire dé re-

chercher l'opinion qu'il faut s'en faire, je ne

puis admettre non plus qu'on y voie la con-

science qui se rapporte à la moralité. La con-

science pose une règle de conduite; on juge

d'après cette règle les faits particuliers. Nous

ne voyons rien de semblable dans le Dœmo-

nium de Socrate, quine lui parle jamaisque de

cet inconnu dont les dieux se réservent la

connaissance,de ces secrets de l'avenir qu'ilsnous ont cachés, et peuvent seuls nous révéler

(1) AfëMt., IV, *7,1 a<rX6)(Tw ~Uto5 yN~w cmemcthtïo

po<Tob<~t).eu'<r<t<tttUTm.

Page 181: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

Hi6 VIE DE SOCRATE

par des moyens surnaturels, tandis que la. loi

moraleest du ressort de la raison.

Plessing (1) croît que le Dœmoniumn'était

rien du tout qu'un calcul de prudence poli-

tique; il faut avouer alors que le calcul a été

bienmauvais,Meiners (2) y voit le rôved'un

visionnaire, Hegel (3)l'effet d'un état malsain

de l'esprit, commele magnéttsmeanimalpule

somnambu~sine;lirattM phénomène.aux

états extatiques dans lesquels fut surpris quel-

quefoisSocrate, et qui n'y eut que peu de rap-

port. Enfin, M. Lelut le considère commeun

phénomène d'hallucination dû à une maladie

nerveuse, et fait nettement de Socrateun fou».

il est vrai ~qu'ilje met en bonne compagnie,

non-seulement avec Garda~e Swedenborg,

mais âve&Lùther,pascalet, Rousseau.

~pH~~moi,' ;~m~g~ a été le

jo~ët-d'u~e~ i11llsi9n,olt:P,,niëvoisrien

de nialadif, nr~ Socrate

a possédéQu~crupossédala facultéd'un pres-sentim.entdes.chosesà 'venir, et 1'3 ~titachéà une révélation sumàturellesou~ forme

d'une voix qui frappait ses oreilles, et peut-

(1) 0~. 6){~ocf< p. 185,citépar Wiggers,~So-

c~~<p.40.(3)~enM!sc/n!.p~.jS'c)-t~t.ÏII,p.41.~CMch.i.II,p.94-l~.

Page 182: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LED~MO~ 1S7

être.d'une vision qui se présentait à ses yeux.Je ne me laisse pas arrêter par l'objection

qu'il est peu naturel qu'un homme si sensé

et si perspicace ait vécu toute sa vie sous

l'empiretd'une illusion dont il était la dupe.Dansles plus grands esprits, il y a un coinse-

cret oùse cachent la chimèreet l'illusion; ily a

un élément de superstition presque incurable

dans là nature humaine. On le retrouve dans

les 'esprits les plus incrédules quand on peutles percer à jour, et certainementil doit se re-

trouver dans les imaginations païennes, tout

imprégnées du merveilleux mythologique, et

quiont eu tant de peine à s'en délivrer; mais

ces croyances superstitieuses, chez Socrate

commechez tant d'autres, ont pu s'unir à la

raisonla plus ferme, au bon sens le plus pra-

tique, à la vie la plusactive, et mêmeau scep-ticisme le plus hardi.

Page 183: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet
Page 184: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

CHAPITREVII

LA VIE DOMESTIQUE ET POLITIQUE DE SOCRATE.

Nous savons très-peu de choses de la vie de

Socrate; nous ne le voyons qu'arrivé déjà à la

vieillesse et entièrement voué à sa mission

philosophique.L'hommequi renonçait à la vie

politiquese condamnaitlui-mêmechez les an-

ciens à l'obscurité. H dut y avoir peu d'inci-

dentsdanscette vietout intérieure, ou dumoins

tout intellectuelle. Onsait qu'il se maria (1)et

qdil remplit honorablement à plusieurs repri-ses les devoirsmilitairesimposésà tout citoyen

d'Athènes, et courageusement,quoique mala-

droitement,les fonctionsjudiciaires qui lui fu-

rent départiespar le sort.

Quoique Socrate ait été loin de partager le

mépris que faisaient de la femmepresque tous jses contemporains, et dont ne s'est pas d6-

(1) On ignore absoiument à quelle époque.

Page 185: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

.ësj~~t~ .im~D~ ~,2

~1~ qn'~lai~m5~riésot~teriu,côx

et dang~reu~c'par~-

~b$~&a~ faït la f~'rixTne

~fër~ l'h~mme

~1),

brenqu'11f~~e ~lA~e

~ii~tl~g~ ~~ic~~t~as ~~porter

s~ï~tc~a~i~nos idées us fnos3~ae~ c~ié

lit C~Il~~airiTl~eb.t`,rj~d ~é,f~t~~3't~'i3hC~~1l~r~`~~

~~t~ ~a~ ~e~~e~`~

Page 186: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

~s~M~Tïs~ r T~6:'L~

~ËM~~ qy'~l=aorn~ptb~rôuv~r Intérxog~s'il

~)~ non,

voü~ ~pxézii,~z,t,~

~f~?.~t!i~~§~ ('~j~ Alcibiade>s'y$Gaz~ri'a~~

p~~zenc~`,~es~cris

~~Ë~S~ f~,cï~

~c~i~~ o~tifs.~=~:E'~ï:

~S~SM~W'~ ùa't~z`ïc~(/le~zax

;<:i~

~N~ke~~i~a:lià$À,

e~~Y~~ïlt=d'~fSr2

~f

Page 187: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

<M TtBïMB~SbCXMB

ài:ur~~p<~6e pa~~était ~-venve-et

~s~mis~pu~~eBjBm~~a~c~

~laia~~aB~Tta~~ '(lcwâ.

~cél6t)ï~:i~ u'

qu'il~c~i:;&M~ à~c~t~

~j~i~aM~

~j~d~j~j~

~$J~~

~t'w~

Page 188: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA ~EDO~a~TIQCE t(~

par ~hénée~et~atMtm~spaEluià G~c~,

stituait~ ~QKOga~~ At~h~i~sâ" a

Mhi ;ttRpa~ ~isl~ve de

~û~~x~p~ctppf~ On1'~tronvée~a~

~tai~deva~~râ~

~y~)i<$e~~

(~f~Y,P4t~j~~Qârt- f

j t~'i~~~i~l,~~?.~ ~fi~~

r~ja~ aaitpf,`pxm~pep~~p

~~l't~~ ~y9~~ tc4~~~Ha.x;'i'~Y~

~r' Q~i'z~~hà.~1

~a~e~ p~~i+~°~~w~S~l~â

~Ï9~]~~ c~a~s:p

~j ;<~ta~ ~'p~t~,pti9~

"M~a~ e~i~e~~s,

-]~~a~ r~ s~ ~~3f ~T1~ °~

~ie

i!i~ ~t~i~`~iy, I~W~4~#°H~~°'I

~L~ ~'l~ï8.üz~X~d~'téd~ece~néme,d~ti~

~i~~ e~t~y" $#ri~:J,Bl~~ a~ ~e~la~a~ #o~,"'N~M~~ ~a~el~"'y~ill~~fc~v~i~f~'M~j-'i~~ "Aj~d~t~tY,~a,sarid

c~~r~~g~~,zAri~to~a~~e~ad~pte'~t~Jn~i~S~ tieyara~ i.~

~D~SNi~~ acr=~~`~3~~f~~e~yrr~4ü~i~<t&ifq~ 'L~j:H.

Page 189: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

'Ë.~S~~M~~

~E~~E!~ ~t~ra~~?~~tl~~pol~k

~e~~â~tti~y~F~a~fa~ei~Ÿ~o~<fF~=~(~f`#'

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r~ ;7~rif Y

s~,F~PC

Page 190: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

~s~(~~ '6~

~ë~ <itte~bac;h;, de"s.fomznes

~~gi~j~~s~~ an tous.cas, ,i17`ue

~S~Ë~~SM~M~~ ocra a

j~eiït~ du d~~log~ïeetle rnot

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W!S~$~SS~~

~S~

r~Q~o~es, ~l~ùzk~,4 0~ xi?3~p~use

~$Mï~6~E~S

~~iï);ë!~aM!S~~ d~71~tn~~nd~ ~ccruG~

Page 191: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

166 ~6CSj~

per~t~Soc~te ~1~ a oti deux ~emines~

'~il~'a~p(Ml~8ti<l,

"(M~smt~qu~;SC~e'a~ irBè.tn'hfo'n $ai que el -L! ,];¡:,,> f,d, 'r\

~clës, dè~, mar

6Mt'um~etMe'~t~<~<~(3)~~

'q~M~ti~ d

dtt$¡¡I:é¡"~eeiât Ii'

~eà-~iËë-t~

don

Page 192: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA"VÏBDOMESTIQUE 16'!

mpap~~nm parjX~!M)ph(m?86î~qMen

co:o~tant <~eSocratenefutp heureuxdans

ses en~mts, g~i~~i~ai~ à leurmère

q~ leu~ pe~ sem~e Croireet inét&edire

qu~ilaétaient tous~is B~de Xantippe (1).

~Q~s~c< ~üle~°q~e~s'e~t:dire qu.'e~làa'ën°

/f ~<p~ de,~aei,~ém~usW/~PliB(~i! su~ye~le-~2)aetF'qui,.iaix-ae·

~CM~d~l~ son bumsur et lfien~por~

~i~no~~pa~on~ se natuxe[plut8t°'que

~.S<iB!]~ T~"ul.rndu~an~. aupr~:OISsQn.t~t~arl P t~3~1.le pein~s'a..

\j'K! iolen~e

.d~~< ~i' t~lé~o5nna.i~;d~tSo-~

~ct~te~a adiêu~qu'ehé adc~é â'~sau ma~i

~s~~fpé~d'n~ dbule~rvraie ét~prp~b~.de~

~e~~jc~~ t~ouver.queSo-

a~e~~$~

i~M~p~~ït ~~p~~ti~r~

;j' iilla~a

t' ~w9~i,i~~· %Xam.. 1

-t<~ ~s®l~lliUtÎl~il~m vç~,i",f~t~c~a"

~M~~ a ~fi~bé, Ÿ, ~i~x~u~,d

~i~~M~ma.:dt~a~

~1~ub<m,L~Kte~ :r~

Page 193: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE168

assezfroidementà une affectionbiennaturelle

et à unefaiblesse,je crois, très-pardonnable.

Xénophonest plus expliciteet plus sévère

il appelle Xantippe la plus insupportable de

toutes les femmesqui sont, qui ont été et quiseront jamais (1). Quand Socrate veut expli-

quer commentil a pu contracter une pareille

union, il dit qu'il l'avait choisie exprès pour

éprouversa proprepatience dans le commerce

des hommes,assuré que s'il parvenait à vivre

avec elle, il pourrait facilementvivre avectout

le monde(2), commeon voit ceux qui veulent

devenir bons écuyers, s'exercer à monter les

chevaux les plus ombrageuxet les plus diffi-

ciles; car s'ils parviennent à les dompter, ils

n'auront plus de peine à se rendre maîtres des

autres (3).

Xantippen'est pasnommée,maisclairement

désignéedans les Mémorables.Ici cen'est plus

l'épouse, c'est la mère dont son filsmêmeac-

cuse le caractèreemporté,irascible,et chez la-

(1)Onpeutlireet nonsansprofit,sur cesujet,unpetitarticlede M.Zeller'surXantippe,insérédanslaRevuegermaniquedu1"septembre186'7.Jecroisquec'estl'auteurdel'TTM~OM'gde la philosophie~t'ec~Mg,etjemefélicitedevoirquesesconclusionsnedurèrentpassensiblementdesmiennes.

(2)Aul.Gell.,N.~< 1, n,traduiticiXénophon.(3)Xénoph.,Symp.,2,10.

Page 194: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA VIE DOMESTIQUE 169

10

quelle il dénonceune telle violence d'humeur

et de parolesque la vie commune devient in-

tolérable (1). Maiscependant, poussé par les

raisons de Socrate, ce fils irrité avoue que ce

ne sont que des criailleries,des querelles, des

mots.et non des actes qu'on peut lui repro-

cher souscette humeur emportée, on décou-

vre un fond de' tendresse (2) qui l'excuse et

qui peut-être la produit. Xantippe a soignéavec le dévouement d'une femme et d'une

mèreses fils malades; elle veille toujoursà ce

qu'il ne leur manque rien; elle prie tous les

jours les dieuxpour leur bonheur, et si elle est

si chagrineet si grondeuse, c'est encorepoureux que son esprit s'inquiète et s'irrite.

Sur ce thème ont-brodéles écrivainsposté-

rieurs, en ajoutant des détails inconnusà Pla-

ton, à Xénophon,à Aristote, qui ne la nomme

mêmepas,non plus qu'Aristophane qui aurait

eu une belle occasion'd'exercer sa verve (3).

Plutarque nous la peint recevant fort mal un

ami que Socrate amenait dîner chez elleet fi-

(1)Xènoph.,Mem.,II,3, 4.(2)Xénoph.,.Me~ II, 1,10.(3)II estdit'Sciledecroirequ'iln'ait pasétémariéen

424.Cependantl'aînédesesfilsestnécertainementaumoinscinqou sixansaprèscettedatequi estcelledelapremièrereprésentationdesNuées.

Page 195: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VtE M! SOCRATEnu

nissant de colère par renverser la table (1)mais comme il nous raconte exactement le

mêmefaitde la femmede Pittacus(2), celadé-

truit ou du moinsdiminue la valeur historiquede son récit. Dans Diogène, après avoirépan-chécontre son mari le riche vocabulaired'une

femmeen colère,impatientéepeut-être par son

sang-froid,et aussi, onpeut le croire,par l'iro-

nie de sa patience, elle lui jette à la ngure un

vase plein d'eau une autre fois, commeil se

promenaitselon sonhabitude sur la place pu-

blique, elle lui enlève son manteau et l'em-

portechez e!le(3).Lesfaiseursd'anecdotesn'en

restent pas là et se plaisent aux embellisse-

ments.Cevased'eau devient dans Sénèqueun

vase de nuit, ou peut-être de l'eau de vais-

selle (4)ou del'eau desa cuvette de toilette (5).~Elienveut qu'elle dérobeà sonmari sonman-

teau pour s'en parer et aller se fairevoir à la

procession,au lieu de se contenter de voir la

procession même. J'imagine que le manteau

de Socratene devait pas être un objet de toi-

(Ï)DeCohib.Ira., C.3HM.(2;De~M~MtM~.aMMH.,c.Xî.

t3)Diog.L.,H;36.37:(4)De c<MMt.Mp.,18. 'Immmndtttuptaperfunde-

fetnr.»

(&)Ath6n.,V,210:"KT~M.

Page 196: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA VIE DOMESTIQUE 17t

lette des plus rares, et je ne me sens pas dis-

poséàêtre bien sévèrepourcet acte de coquet-

terie, quipeut-êtren'était que deladécence; on

sait qu'il n'y avait pasdeux manteaux dans la

maison de Socrate.

Ce qui paraît certain, c'est quece n'était pasune femme aimable et douce on peut croire,avec Aulu-GeIle,qu'elle était chagrine,querel-

leuse, maussade,colère,violente(1),mais,sans

renouveler la réhabilitation galammententre-

prisepar Hermannet analyséepar Brucker (2),onne voit pas que rien autorise Chrysostomeà

rappeler une ivrogne (3), et Porphyre une

femmede mauvaisesmœurs (4).Elle a eu un grand défaut, pour une femme

et une mère enaimantpeut~êtrebeaucoupson

(!)N. ~«., 1, n Morosaadmodnmet jurgiosa,irannnqneet motestiarummuliebriumpar diemper-quenoctemscatebat.*Senec.,Bp.,lût <Moribusferam,lingnapetulantem.s ·

(2)T.I, p. 888.

(3)~MH.XVI,surlapremièreauxCorinthiens.(A)DansTheodoret.(T%e'-ap.,XII, ?) sansdouted'a-

prèsAnstoxêne,auquelPorphyrea tantemprunté.C'estencoreàPorphyreque Théodoret(Xïl, TM)empruntele récitd'unebataillerangée,à coupsdepoing,entreMyrtoetXantippe,à laquelleSocrateauraitassistéen

pouuantderiTe:cequevoyant,lesJeuxfemmesirritéesseseraientréuniescontrelui et l'auraientaccablécon-jointementd'outrageset docoups.

Page 197: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE)72

mari et ses enfants, ellen'a passu s'en faire

aimer.

Onvoit cependant qu'elle rendait justice à

la sérénité d'âme et à l'égalité d'humeurde So-

crate elle disait elle-même qu'au milieu des

oragesquiavaientbouleverséet déchirél'État,

elle n'avait jamais vu le -moindretrouble sur

son visage, ni quand il sortait de sa maison,ni

quandil y rentrait (1).S'il fut un mari patient, ce fut un pèreaffec-

tueux et mêmetendre, semêlant aux jeux de

ses filsencoreenfants,avecune simplicitéqu'ilne faut pastrop admirerparce qu'elle est trop

naturelle, et, j'espère, assez commune(2).Les

grands attachements qu'il Sut inspirer, prou-vent commentil comprenaitet pratiquait l'a-

mitié, dont il célèbre d'unaccent ému lesjoies

et l'utilité matsni les liens deTamitié,ni les

devoirs dela famille, ni les occupationsde la

mission à laquelle il avait consacré sa vie,

ne l'empêchèrent de remplir ses devoirs de

citoyen.Il fit, en qualité d'hoplite (3), trois campa-

(l)~E!r. v., IX, c. xxvn;Cic. ~MM~111,15;'Cf.Seaec.,De7M.,].II,c.Yi.

(3)~L, ~M<.c., XII, c. xv,et les passagesdeSc-

nèqueetdeVa!èreMaxime.

(3)Dio~L., II, 28et33;~EL,Hist.F<H-VIÏ,11

Page 198: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SAVIEPOLtTIQUE 173

M.

gnes le siège de Potidée, la campagne de

Délium et l'expédition d'Amphipolis. Au siège

de Potidée, qui dura trois ans et commença dans

la seconde année de la 8<~°olympiade, suivant

Brucker, dans la première année de la 87e sui-

vant Casaubon, qui en place la dùréeentre432et

429 av. J.-C. (1), Socrate faisait partie de la

même chambrée qu'AIcibiade. Il céda même à

son jeune camarade le prix de la bravoure que,

suivant des traditions qu'il n'y a aucune

bonne raison de refuser de croire, l'armée vou-

SmxpttTt);xa!<<n~M6u'M.t<.Tptt.Athénée, V, 215, 216,nie lefait des trois campagnes attribuées à Socrate; il se fonde

tantôt sur la pauvreté de,Socrate, qui ne lui aurait paspermis de.sufSre aux frais de l'équipement militaire

d'un hoplite il oublie que ses amis auraient pu faire

pour lui cette dépense, et que d'aillears il y avait dans

les magasins del'Etatuno réserve d'armés, c~c~ des-

tinée à obvier à ces inconvénients prévus; tantôt il al-

lèguele silence de Thucydide, comme si ce dernier eût

pu nommer tous les simples soldats des armées; enfinil chicane Platon pour avoir dit que Socrate avait méritéle prix de la bravoure dans une bataille, ~x" Or,il n'y a pas eu de*vraie bataille à Potidée dont les

Athéniensfaisaient le siège, et ce n'est pas après une

défaite comme celle de Délium, qu'on aurait eu l'idéede donner un prix devaillance. Casaubon, dans le quin-zième chapitre de ses notes sur le livre '? d'Athénée, afait bonm&justice de ces chicanes d'Athénée, inspiréespar le désir qu'il a de prouver les erreurs de Platon.

(I) C'est la date acceptéepar M. Grote.

Page 199: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE174

lait lui décerner (1).C'est~Ià,sous le ciel rigou-reux de la Thrace, dansles épreuvesd'un siège

poursuivipendant un rude hiver, qu'il déploya

aux yeuxdeses concitoyensétonnés,d'un côté,toute la vigueur d'un tempérament robuste

et d'un corps pour ainsi dire insensibleaux

impressionsextérieures, ne daignant prendre

contrelefroidaucunedesprécautionshabituelleaet mêmenécessaires, ne changeantni ses vê-

tements ni sa chaussure; dol'autre, une intré*

pidité froide et terrible et un dévouement af-

fectueux, qui sauva Alcibiadeblessé, près de

tomberaux mainsde l'ennemi et deperdreses

armes et la vie (3).La campagne de Béotie se termina, comme

on sait, par la bataille de Délium,livrée en 484

ay. J.-C., et où les Athéniens,commandesparLâchas, essuyèrent un véritable désastre (3);c'est là que, suivant Diogène,il sauva Xéno-

phoh tombéde cheval (4).Ce détail qui a peut-être été conponduavec

(1)Plat.,~yittp.,2t9e 'ntw~eCi~;Plut.,~M~?:ow«!t'fw)t<M~~reTw. C~derniermots'appHque&~"0et à ra'HF9degY0ts;nsden~mmedMSle rang l'aas'appelle~<~M,l'antre,~Mn~c-~a~MtT'K.

(3)~at.yN~Pb,c.(3)P~t.,~acA.,181 w TMtëttt~~ Cf. Bmhrad

Ptnt.jitct& e.vn, etTh~c.,IV,38.<4)Diog.L.,II,23.

Page 200: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA VIE POLITIQUE ri

celui qui concerne Aloibiade,a eu le bonheur

d'être reproduit par Cicéron (1) et embellipar

Strabon, qui ajoute que Socrate, voyant son

amià terre et embarrassépar sonchevaLtombé

sur lui, le dégagea, le prit sur ses épauleset le porta ainsi pendant plusieurs stades, jus-

qu'à ce qu'il fut horsde danger (2).Ce qui est

pluscertain, c'estqueSocrate déployasavaleur

accoutumée(3)et montra-mêmedes talents de

général, auxquels, dans Platon, Alcibiadeet

Lachès rendent justice. Sa fière attitude, son

calme hautain et presque dédaigneux, le re-

gard d'une fixité étrange et terrible (4) qu'il

promenait tranquillement sur les ennemis,leur imposèrent,et ils le laissèrentse retirer du

champde bataille sans oser attaquer ni lui ni

Lachès qui raccompagnait(5).Nous Savons aucun détail sur sa conduite

(l)D<:<He.,l,54.(2)Strab.,IX,2,'7,pag,818.(3)Plat.,Symp.,321a, b; Lachès,181a;~EL,Hist.

Var.,111,n, etVU,14.(4)Ptat.,~SyMtp.:231b Tm~~M~~6f!UMn.Oore-

trouvedansAristophane,Nub., 361,cetteexpressiondiversementinterprétée.Platondit ailleursque So-crateavaitparinstantsleregardd'un taureau,T<tu~i.-<

~~th- in b.(5)Je ne MiacommentLusacius(DeCiveSocrat.,

p. 56)a pudirequece faitn'avaitétéracontéqueparSimplicius,~4f<E'ptc<c.x~xi.

Page 201: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE176

dans l'expédition d'Amphipolis,qui eut lieu

deux ans après la retraite de Délium; on ne

douterapas qu'elle n'ait été honorableet glo-rieuse.

La forced'âme tranquille qu'il montrait sur

le champde bataille, eut occasionde se ma-

nifesterégalementdansquelquescirconstances

politiques.Par des motifsqu'il a donnéslui-

même,et qui consistentuniquement en ceci,

qu'il subordonnait tous ses autres devoirs au

devoirsacréquelui imposaitsa mission,il avait

pris le parti de se tenir éloignédes assemblées

publiques et de refuser toute magistrature.Cette prudencene lui était pas inspiréepar un

mesquin sentiment personnel, il le prouvabien plus tard, mais par la convictionque sa

vie était utile à son pays, et que pour la lui

conserver, eil ne voulait pas taire de bassesse,

il fallait se retirer dans l'ombre de la vie pri-vée (1).

Cependant, probablementparce qu'il ne put

pas se déroberà cette obligation,il fit partiedu

conseildes Cinq-Cents,dans l'année de' la ba-

taille gagnée sur les Lacédémoniensdans les

mers asiatiques, aux Arginuses,par les uottes

athéniennes, en 406avant Jésus-Christ.

(!) Plat., ~Lpo! 32 a.

Page 202: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA VIE POLITIQUE H7

Onsait. commentfonctionnaitceconseil des

cinq cents membres qui le composaient on

en choisissait cinquante, qui le présidaient

pendanttrente-cinqjours ces cinquante mem-

bres, fournisparla mêmetribu, prenaient pen-dant ces cinq semaines le titre de Prytanes,et' la tribu qu'ils représentaient au conseil

était dite ~f~ygjef~. Lorsque les généraux

vainqueursaux Arginuses,mais qui n'avaient

pas su oupu prendre le soin de recueillir les

mortset les vivants tombésà la mer pendant la

bataille(1), furent accusés devant cetteassem-

blée, il arriva que la tribu Antiochide,dont

faisait partie Socrate, exerçait la présidence.Parun concoursde circonstances,il se trouva

encorequelaprésidenceeffective,lejour même

de l'an'aire, fut exercée par 'Socrate. On com-

prend, en effet, que cinquante membres ne

peuvent pas présider réellement une assem-

blée on choisissait donc dans la tribu prési-

(1)OnconnaîtlerespectdesGrecspourla religiondestombeauxla loid'Athènesfaisait,souspeinedecrimecapital,uneobligationdedonnerla sépultureauxmorts.Lesgénérauxqui avaientcrunécessairedeseporterversMitylènoetd'ypoursuivrela flottevaincue,avaientdonnéauxtaxiarques,etparticulièrementàThéramène,l'ordrederecueillirles.corps.Latempêtelesempêche,dirent-ils,d'exécutercesordres:*laresponsabilitéenre-tombasurleschefs,dontThéramènefutl'undesaccu-sateurslesplusacharnés.

Page 203: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

178 VIE DE SOCRATE

(I)Plat/,<?o~4T'4a:M~MM%M.

?) plat. ~p<?~ Xé~ \&M< ~(~ '7,15 iD!Qd.Sic., xnî, ~'M<. ~F., 111,~7.

(3~~& ~6M., I, I};18: ~Y!<~<tT~M? Le

no!Dbfer~elun par tr~bu.Q'esUe clHHreque

dq~ne VatÈrëMnxio)9~« He capite decetn prœtot~n).tristepi ~~tentjam. Gonpn qm pendant.la .batatHe.était assiégé à Samos, fut mis hors 4c cause et coasefvé

dente, un bureau dé dixmembresappelés~p<

<~ot,qui se renouv.élaittoutes les semaines,de manière à ce qu'au bout de cinq semaines

tous les membresde la. tribueussentfait par-tie de ce bureau. Cecomitése choisissaità son

tour un directeur qu~onappelait ~<TTc!Ta<out~~eM-H~Ta!y~o~sf,qui conduisait les dis-~

eussions,avait la policede rassemblée et met-tait les propositionsaux-voix.

Le sort avaitdoncdésignécejour-là Socrate,commerépistate ou président du bureau pré-sidentiel si sa maladresse à recueillir lessuf-

fragesput prêter à rire (1), son inûexible et

courageuse opiniâtreté à ne pas violer la loi,dut donneràréûécMretàpenser(S).

Les neuf générauxétaient poursuiviË!(3); le

peupleirrité et les accusateurs voulaient les

envëlo~er tousâans un~ n~forrriuledac-

cusation, et les faire tous condamner par-un

seuTetuniquean'et.

Page 204: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SAVIEl'OLITUjUË Ht~J

C'était une procédure contraire à la loi qui

exigeait que le jugement.fût individuel, et

qu'il y eût autant deverdicts qu'il y avait de

prévenus.Malgré les cris du peuple ameuté.

malgréles violences et les menaces de quel-

ques démagogues~tels que Théramèneet Cal-

lixène, seul contre tous (1), Socrate, obéissant

au sermentqu'il avait prêté, de juger suivant

les lois établies, résista et .recueillitles suffra-

ges suivant les règlesordinaires, ce qui n'em-

pêcha pas, d'ailleurs, la condamnationà mort

detous ces malheureux.

Si enrésistantau peuple, il avait oséfaire,comme dit Xénophon, ce que pas un autre

hommen'aurait eu la pensée ou le courage de

tenter (2), ce n'était pas le régime de terreur

sanguinairequ'organisa le parti aristocratique

après la prise d'Athènes, qui devaitle faireûé-

dans son commandementProtomaqueet Aristo-gènene revinrentpas à Athènes;les'sixautres,Pé-riclès,Lysias.,Diomédon,Erasinidès,AristocraLesetThrasyllefurentpoursuivis,condamnéset exécutes.LedixièmeétaitArchestrate,mortpendantleprocès.'VoilàcommentFréret,Acad.des/Ksc~ t. XLVII,p. 243,lesréduitàsix,etLusaciusà huit.

(1)Seuldetousles Prytanes,car,parmilescitoyens,Euryptolèmeimitasoncourageuxexemple.

(8j Xen., MeM! ÏY)4,3: ~eux Mu.cn &x~ ~u~~a~pM*no~ {)?rojtt!'<xt.

Page 205: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIEDKSOCRATKi80

chir. Au milieu des exécutionsqui décimaientla malheureuse cité, et qui, dans l'espace de

huit mois, d'avril à décembre 404, firent

quinze cents victimes, sans comptercinqmille

exilés (1), Socrate,sans témérité et sans'bra-

vade, sut conserversa dignité et une libre atti-

tude.

Se voyant enveloppés.d'une haine univer-

selle et sentant peser sur euxl'horreurdu sang

versé, obligés,pourse soutenir,d'en verseren-

core(2), les Trente Tyrans cherchaientà com-

promettre, dans les fureurs de leur politique,le plus qu'ils pouvaientde citoyens honorableset modérés, en les forçantpar la terreur de de-

venir les instruments de leurs forfaitset d'en

paraître aussi les complices(3).Au nombre des victimes désignéespar Fes-

time de leursconcitoyens &la haine de ce co-

mité des vengeances aristocratiques, et parleur grande ~rtune a Favidité et aux nécessi-

tés pécuniaires. des Trente, se trouvait un

nomméLéon. Le gouvernementchargea cinq

citoyens, parmi lesquels se trouvaient Mélé-

(1)Ysocr.,.4fcop.,p.153;id.Loch.,p.38~;JEsch.,~tp!m~p., p.38;Xén.,.HgHcM.,11 Dtod.Sic.,1.XIV.

(2)Senec.,DeTranq.Anim.,c.3 a irritabstseipsaseevitia.*

(3)Isocr.,Exe.~c. Call.,p.3'?4.

Page 206: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SAVIEPOLI'ftQUK )81

11

tus (1)et Socrate, de se rendre à Salamineoù

s'était réfugié le malheureux, de l'arrêter et

de le ramener prisonnier à Athènes; quatreobéirent Socrate,mandécommeles autres au

Tholos,palais du gouvernement, pour y rece-

voir les ordres, refusa net de concourirà cette

cruauté illégale, et s'en retourna tranquille-ment à sa maison; s'il sauva sa tôte, il le dut

uniquement à la chute de ce pouvoirdétesté

et au retour victorieux de Thrasybule(2).Ces boucheries humaines commençaient à

souleverl'indignation et à révolterl'humanité

Socrate, qui n'était pas suspect de partialité

pour la démbcratie,quoiqu'en dise Xénophon,s'en exprimait librement dans ses entretiens

avec la jeunesse il comparait cette politiqueinsenséeà la conduited'un bouvier, qui ferait

tous ses efforts pour nuire à ses bœufs et

pouren diminuerles qualités et le nombre. La

parole est un bruit toujours importunà tout

despotisme car la parole, au bou-tdu compte,

()) Andoc., De~y~394. M. Grote veut que ce soit,non l'accusateur, mais le père de l'accusateur ce n'est

là, comme il le fait du reste observer lui-même, qu'une

pure conjecture.

(3)Plat.po!32d, e.etXén., Hellen.,11, 39; Mem.,

IV, 4, 3; Diog.L., 11,24; ~L, HM<.car., 111,17; Ly-

sias, adv. ~[por., p. 106; I<1.<t(<c.~'r<!fos</t-,p. '~T;

Isocr., <!t~. Call., 18., § 23.

Page 207: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

182 VIE DE SOCRATE

n'a de forceque parce qu'elle est dela raison,

de la justice, en un mot de la lumière, tandis

que la tyrannie a besoin du silencecommele

malfaiteurà besoin dela nuit. Les Trente inti-

mèrentà pocrateavecdesallusionsmenaçantesaux proposqu'il avait tenus, l'ordre de s'abs-

tenir dorénavant de tout enseignement et de

toute conversationavec la jeunesse(1). On ne

sait pasexactement à quelle fut portéce décret, ni quel compte en tînt Socrate. Il

semble avoir eu, la tentation de résister, car

il fut cité une seconde foisdevantles Trente

qui lui rappelèrent avec sévérité les termesde la loi de ce ton calme et ironique qui lui

était habituel,il les pria de lui donner, quel-

ques expliôationssnrla limite précise ô com-

mençait ce qu'il était permis et ce qu'il était`

interdit de dire ;;&~M,~â la jeu-

nesse à laqueUeUne `p.ouvaitplus s'adresser.

On lui répondit de ce ton de gros~~ inso-

lence et de yi~ menaçante que prennentles sots~~ rnéchantsquandils sontles plus

(1)Xén.ë~l, 8;,31:T~ .MœM~.Ïsocr.,~op~T'<)yTcx[S'et)oHTm~~mv.Cemot&'àpasd'équiva-lent exactdanshottelangue;il nedesignepasseule-mentl'art dudiscoursproprementdit,considéréenlui-~ênoe,contmelayhetoriquoulalogiquel'étudié,maiseBcore'Iesëntretiehsqui ont pourobjetla politique

!ambfa~.

Page 208: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SA VIE.POLITIQUE 183

forts, et devant lequel, lorsqu'il est inutile de

se perdre, onn'a plus qu'à se taire. Il est pro-

bable que cefut le parti que prit Socrate. caril échappaà la fureur de ce troupeau d'assas-

sins, et.cefut, commele remarque amèrement

Sénëque, pour devenir la victime d'un procès

inique, sous un gouvernement démocratique,libéralet généreux, qui avait pris pour devise

l~oublidupasse et q~.ifutndèle à cette difficile

vertu du vainqueur. Singulier hasard de la

destinée! dérision amère de la fortune, quisemblenousrappeler qu'il .u'ya pas d'état po-

litique si misérable et de tyrannie si odieuse

qui ne puisse épargnerun honnête homme,et

qu'il n'y a pas non plus de pays si libre et de

gouvernementsi régulier QÙ.Fonne.puisse ac-

cabler un innocent(1).Oncite encoreun trait de courage de So-

crâte, malheureusement moins authentique

queicelùiqu'il ay,ait donnéau sujet de l'arres-

tationde l<éoh. Diodorede ëicile~

(1)Senec., De~MM~MtH.aMt~c.3: « Hune tamenAthenœ ipsœ in carcere occiderunt) et qui tuto insulta-

verat agmtni tyrannorum, ejus libertatem libertas non

jtulit ut scias et ih aSfeetatepubttoa~esse occasionem

sapMBtiyjro ad se profefendu'D.et InSorenti ac ~eata,~ecumain, invidiarQ,!Rille aHa vitia inerjaia regaarë. o

(2)XIV, 3.

Page 209: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE184

qu'au moment où Théramène, victime de la

réactionoligarchique,après en avoir été l'un

des promoteurset des agents les plus ardents,dénoncépar Critias, se précipita vers l'autel

placé dans l'intérieur du palais du Sénat, So-

crate et deux de ses amis s~avançërentseuls

pour le protégercontreSatyros,chef des Onze,et ses satellites qui voulaient Yenarracher.

Théramènesentant la résistance inutile et ne

voulant entraîner personne dans sa ruine, les

pria de s'abstenir de ce dévouementinutile et

dangereux (1).La tyrannie des Trente prit 6n dans le mois

de décembre404, après avoir duré huit moismais la convention conclue avec Pausanias,

qui amena le rétablissement à Athènes de la

liberté et de Fordre, de la démocratie et de la

paix,nedate quede Fêté403,annéede Parchon-

tat d'Euclide, qui fut désormaispour les Athé-

niens commeune ère nouvelle. Si la conduite

de Rome fut admirable après le désastre de

Cannes,que dira-t-onde celle du peuple athé-

nien?1

(1),Cefaitest attribuépar l'auteurdesViesdesdixorateursà Isocrate:cettecirconstanceet le silence

gardésurun actesidigned'êtreconservéàlamémoire,ontparuà M.Grotedes raisonsssïEsastespourôterà l'anecdotetouteprobabiiiMhistorique.

Page 210: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

SAVIKPOLITIQUH ~8H

Après une guerre de vingt-sept ans, quiavait ruiné son empire, ses flottes, son com-

merce, ses finances; dont la dernière défaite

avait imposéà cet enfant gâté de la gloire la

douloureuseobligationde détruire de ses pro-

pres mains les fortificationsde son port et les

longsmurs qui Punissaient à la mer, et lui in-

fligeaitla honteplusdouloureuseencorede su-

bir un gouvernement despotique, imposé par

l'étranger; cette ville, mère de la liberté et de

la démocratie, se retrouvant enfin maîtresse

d'elle-même,avecune générositésansexempleet sans imitationdans l'histoire desrévolutions

et desréactionspolitiques,proclamal'amnistie,c'est-à-direl'oubli et le pardon du passé. Les

sénateurs s'engagèrent par serment à ne re-

cevoir aucune accusation de quelque nature

qu'ellefût, ni M~;?, ni e~«yt.)y)f,pour des faits

relatifs à la période de l'anarchie, commeils

appelaient, d'un mot juste et profond,l'abject

despotismedont.ils avaient subi l'outrage. Les

héliastes, avant de monter sur leur siège, du-

rent également ajouter au serment habituel la

formule Je jure de ne conserveraucune ran-

cune du passé, et de ne voter que d'après les

loisactuelles (1).

(l)Andoc., DeMtys<3T~l: w ~ooMt~om, dans la force

et l'étendue de son vrai sens.

Page 211: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet
Page 212: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

CHAPITRE VII

PROCÈS DE SOCRATE.

Par cette libérale et intelligente politique,Athènes se releva vite de ses ruines et s'attira

le respect et l'estime, même de ses anciens

ennemis.Elle jouissait de cette prospérité re-

naissante depuisquatre ans, lorsque, au com-

mencement du printemps de l'année 399,

Olymp.95,1, dans la deuxièmemoitiédu mois

Munychion,qui correspondànotre moisd'avril,sous l'archontat de Lâchés (1), Socratefut ac-

cuse parT~élétns,secondéd'Ànytus et de Gly-con, qui, suivant les règles de la procédure

usitée, amenèrentdans le portique faisantface

au tribunal de l'archonte-roi (2), un placard

ainsi conçu Acted'accusationsignéet attestéesousla foidu serment,par Mélétus,fils de ]M[é-

létus;du dèmedePitthée, contreSocrate,filsde

(Y)Anonym.cHèparMetirsîus.Dibg.L., II, 44.(2)Plat.,?'Aee<210d:t:!T~To5~M~N«;T<L'ar-

clionte-roi,héritierdesprérogativesreligieusesdel'an-

Page 213: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YJEDESOORATE188

Sophronisque, du dème d'Alopèce Socrate est

coupable du crime de ne pas reconnaître les

dieux reconnus par l'État, et d'introduire d'au-

tres divinités nouvelles; il est de plus coupable

de séduire la jeunesse. Peine, la mort (1).

A la suite de ce premier acte de procédure,

Socrate fut assigné devant rarchonte-roi/ma-

gistrat instructeur et introducteur d'instance

dans ces sortes d'affaires (2). Noussavons que

Socrate comparut; le magistrat, après cette pre-

mière enquête, accueillit l'accusation; il désigna

cienne royauté, introduisait en instance les procèsrelatifs à la religion et au meurtre, <M; ~o'wuxv.!

<M6&!a;,Meier,De lit. ~<~c~,p. 4:T(;M. K. Hermann,

Le/~&Mc7t.138.Son tribunal était placé dans le porti-

que appelé du roi, s~tue aupies de 1'A.goïa,daus ie Cé-

ramique intérieur, et voisin duportiquede Jupiter libé-

rateur, &!){ ~u6ept~;MeuTsius,Lect.Attic., VI, '.17;LQsac.fCt<dcad:.spec,,III,p.lT'2.

(l)Getacted'accusàtione~

procès criminel, qui se distingue de ~M-~anaire civite,

etde<[''TN~<e:quie8tdc8ni'parTimée(Gloss.Pla),):~e[~xctMTMo;~oj)xot.C'était d'abord, comme l'iudiquel'éty-

mologie de ce dernier nom, le double serment par le-

quel le plaignant ~-m;Mc'x, et le défendeurKM~attes-

taient la justice de leur cause. Plus tard la formule

s'appliqua à la pièce écrite de l'accusation, toujoursattestée par serment. C'est dans ce sens qu'il est em-

ployé par Platon. ~4po~ 19 b rm 'w'jM<Mt< ~ct-

'~&t~. Diog. L., 11.,40, appelle ce même instrument ju-diciaire MTt~o~.Cf. Plat., ~~c~ 27 c.

,:(3)Plat., yAee< 210d:tt;<ù!

Page 214: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 189

11.

le tribunal, nomma les juges, fixa le jour de

l'affaire, et alors remit Pacte d'accusation aux

juges, qui déférèrent le serment aux deux par-

ties de là le mot e! dans les expressions

composées qui le désignent.

Après trente, et peut-être quarante années,

consacrées à renseignement public, Socrate

qui, malgré quelques difficultés et quelques

mécontentements attestés par Aristophane, n'a-

vait jusqu'alors été l'objet d'aucune accusation,

et n'avait eu aucun procès, même civil, à l'âge

de soixante-dix ans (1), Socrate comparut de-

vant une cour de justice sous l'accusation d'un

crime capital.

La pièce de procédure, dont la copie nous a

(1)De Serres donné dans satraduction latine, « Annos

plus Ma?<~M<<tnatus. Est-ce une erreur de plume?Est-ce une leçon qu'il avait lue dans quelques-unsdes manuscrits d'Estienne? Est-ce tHie restitution

opéréesans bruit et fondée sur le passage de Diog.L.,II, 44, qui rapporte quecertains historiens'donn aient àSocrate soixante ans lors de sa mort? Le chiffre de

soixante-dix, rapporté par Platon, Crit., 52 c, par Diog.L., II, 44, par Maxime de'fyr, Op., XXXIX, 412, est

en outre confirmé par tous les manuscrits que nous

possédons encore. M. Bœckb, Corp. /MSC.,II,p. 341, etM. K. Fr. Hermann, De r~eo~M Deliaca, prétendentprouver qu'a l'époque de sa mort Socrate avait soixante-douze ans. Fréret, Acad. 7MM.,t. XLVII, p. 210, nelui donne que soixante-neuf ans et un mois.

Page 215: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE190

été transmise par Diogène,était encore con-servée dans le teoîple dé la Mère,lé Métroum,où étaient renfermées les archives des gref-fes (1),du temps de Phavorin, sophiste -gau-

lois, qui vivait sous Trajàn et sous Adrien,et souslà foi duquel Diogène l'à reproduite.Les termes diffèrentpeu de ceux qu'emploient

XénopRohët Platon, qui, tous deux,du moins

en exceptantF~pd~M dé Xénophdh, annon-

cent du insinuent qu'ils né la reproduisent

pas textuellement (2). Là seule duTérënceest

que l'ordre dés cnëfs d~accusâtibnest, dans

Platon,riËversë de celui quedonnent les deux

piècesde Xénophonet de Phavorin.Des trois

points, qui, chez ces derniers, se succèdent

commeil suit

l"t'fë pas reconnaître les "dieux dërËtat,

2'' Introduiredes innovations religieusesparle culte de divinitésnon reconnues

(1)M60rë)us,I~c<.~«M.,1.1,c.xi; Julian.Or~VetVI;Xén.,Mem.

`

(2)Xén.MeM.,16~ PIat.po!4 b:%et)MHwMt~e.L'opmtonqùël'Ar~op~ëja~eàlepro-cèsdeSocràteestdëpaisbienlohgtenip~SBamdminëe,maisellea 6tésoutenaè.Quantà l'as~rtionqoenou~.avonsconservéletextedel'arrêtet nëncetnideÏ'aceWsation,je n'a!,aprèsléspit~longSesrecnerche~trMveaucunécrivainqui1'aufoHsë.

Page 216: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS t91

3°Séductionou corruptiondela jeunesse pardes doctrinesdangereuses,

Platon a mis en premier lieu le troisième,

m.odincationassurément peu importante, si

tout n'était pas important quand il s~agitd'un

pareil hommeet d'un tel événement. Une di-

vergence;plus considérableen apparence,a été

relevéedansfA~o~e de Platon. Ona remar-

qué que la réfutationdes griefsvisés dans l'ac-

cusation dontnousvenons dedonnerlaformule,

est précédéede la réfutation d'une accusation

diSërente, quoiqueportant comme la premièresur trois points

1°Rechercher avec une curiosité indiscrète

et coupableles phénomènesqui se passentsous

là terre et dansle ciel;2"Rendre bonneune mauvaiseraison3*Enseigner aux autres cet art funeste (I).

Aldobrandini, dans ses notes sur Diogènede Laërte, observan'tqa.ePlatonse sert-ici des

termes ~yy~e~ et ~y~t~<e;, a cru qu'il y avait

eu deux accusations distinctes,.chose que le

droit attique n'aurait pas permise,.do~t aucun

auteurn'a jaïnaisparlé, et que contredit .même

(1) Ontrouvedansl'argumentdu.BMs~sd'Isocrate,queSocratëétaitenoutreaccusédeprêcherl'adorationdeschiensetdesoiseaux;iln'ya aucunfondfaire surcettepièce. 1

Page 217: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIKDESOCRATE1t92

le texte de Platonregardé d'un peu plus près.La phrase s~epoj~MtM~ep~T~SjtMa'/aYj~

Mv&yon<xJr~(1),commence,en effet,par un

correctifqui en changele sens, commeFatrès-

bien vu M. Cousin qui traduit « Caril faut

mettre.leur accusation dans les formes et la

lire commesi elle était écrite .et le serment

prêté. r'

Je crois même que le restrictif ~~gp placé

en tête de la phrase devrait, comme cela est

ordinaire à la constructiongrecque, retombèr

sur o?~~y~et<,tout autant que sur ~T&<<x,et

quele sens véritableest C'estdoncune espèced'accusation dont il faut vous donner, pourainsi dire, la lecture. Maisqui ne voit, comme

Fa déjà montré Fréret, que c'est là seulement

un tour oratoire destiné à combattre les dis-

positions défavorables des juges, les partis

pris et les calomnieséclatantes ou sourdes ré-

pandues dans Fopinion; car Socrate sentait

qu'elles étaient bien autrement dangereuses

que l'accusation officielle, précisément parce

qu'elles étaient plus vagues et, pourainsi dire,insaisissables, Cescalomniesaboutissent à un

mot qu'on a répété biensouventdepuis, quandon a vi~uluperdre un honnête homme. On ai-

(l)Ptat.19b.

Page 218: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LEMtOCÈS 193

mait à dire de Socratequo c'était un sophiste,

un songecreux, un rêveur, un idéologue,un

hommedangereuxqui ruinait] es idéesétablies

et les opinionsreçues, qui employait les res-

sourcesperfidesde l'art de la parole et du rai-

sonnement,à montrer que la vérité est une

erreur, et que l'erreur est une vérité, et qui,dans sa curiosité indiscrète et téméraire, osait

contester la logique, la physique et 'même la

théologieofficielles.Ces bruits, tout eh ne dé-

terminant aucun fait, comprenaient tout; il

n'est pasétonnantqu'ils comprennentles chefs

d'accusation visés dans la formule juridique

déposée par Mélétus, qui se ramène à deux

points une offenseà la religion et une atta-

que contre la famille, l'ordre et la société, parl'influence d'un enseignement subversif. So-

crate fut donc accusé d'être un ennemi de la

religionet deFêtâtsocial.

Devant quel tribunal fut-il cité à compa-raître ?

M. V. Cousin,dans son trop court mémoire

surle procès de Socrate, qui fait partie des

FW~M~M ~~oMpAM <a'M<?~MM<?,et dans la

préfacede TApo~ïe de Platon, sembleconsi-dérer commecertaine l'opinionque Socratefuttraduit devant FAréopage.Quoique ce soit là,suivantFréret, une opinion communémentac-

Page 219: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE194

ceptée (1),je ne l'ai vue soutenue que par La

Canaye, auteur de quelques recherches sur

l'Aréopage(2) qui ne peut guère avancer en

faveurde sa thèse;,que16fait certain que FAréo-

pageconnaissaitdes causes d'impieté ~f.Maissacompétenceà l'égard deces sortesd'af-

faires, depuislongtempsne lui était plus exclu-

sivement propre. Le procès d'Alcibiâdeet de

tous ceux qui avaient été compromisdans là

profanationdesmystères,avait été jugé par les

héliastes (3). Selon, et Périclèssurtout, avaient

considérablement affaibli le prestige et dimi-

nué retendue des pouvoirs de l'Aréopage,.et l'onsait quele pouvoirjudiciaireoccupéune.

place considérable dans la souveraineté poli-

tique, tombéealors dans les mainsdelà démo-

cratie justementjaloused'exercer ce droit :câr

c'est ce que nous appelonsle jury, sans lequel

il n'yani liberté,nijustice, du moinsni liberté~ni justice garanties (4).

(1)~c~. T~MC.,XLVII,p. 263.

(2)~ead. /MM.,t. VII,p. IT~et;M.,p.51et88,unmémoiredeBlanchardsurlestribunauxathéniens.Surcetteafnrmationpresquesanspreuves,LaCanayees-sayedemontrerqueMeursiuss'esttrompéehrédittsantàneuflenombredesmembrésde FATéopage.

(8)Andoc.,De.M~.(4)Périclèsavaitattachéà cesfonctionsune indem-

nitéplutôtqu'unsalaire,quenous-mêmesn'avonspas

Page 220: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS

L'Aréopage n'était donc. pas le seul tribunal

compétent pour connaître de l'accusation in-

supprimée. M. Bœckh, jScoMOMtCjooMt~Medes Athé-

niens, a soutenu que cette indemnité, primitivementd'une obole, avait été élevée par le démagogue Cléon à

trois oboles(45à 50cent.). M.G. Hermann, .P~o~2VM&

p. 51, croit qu'elle a toujours été detrois oboles, et que

l'opinion contraire repose sur une confusion de l'indem-

nité ecclésiastique,roeKX).wnMTUM'quifut en effetvaria-

ble, avec l'indemnité judiciaire -ro~m~t~, quin'a jamais

changé. Cependant on peut faire valoir, en faveur du

sentiment soutenu par M. Bœckh, le discours d'Àlci-

biade, dàss le 'Vin 1. deThucydide, 65 et déjà cite

par Fréret, p. 843: De ce discours il résulte que les dis-

tributions faites aux jurés, supprimées par le gouver-nement oligarchiquedes Quatre-Cents, nefurent pas réta-blies après leur chuté. Les Grenouilles d'Aristophane,

qui sont &ë40t!, font toutefois mention de deux oboles à

propos du passage exigé par Charon. Le scholiaste ob-

serve que ces motsdu poète < C'est donc le même prix

partout, ))s~appliquontpar allusion au salaire desjurés

ce quiprouvë que l'Indemnité judiciaire,d'une part, au-rait étéTétàMie; de l'autre, avait varié. Fréret veut queces distributions d'argent aient été ce aui causait, ce

grand attachement du peuple d'Athènes a la forme dé-

mocratique. On ne voit pas cependant qu'après les désas-tres qui ruinèrent leur pays et qui obligèrent ou de sup-primer ou de réduire d'un tiers l'indemnité pécuniairedes juges et des représentants, les citoyens aient étémoins attachés à la cause démocratique. D'ailleurs, on

peut aimer la liberté et l'institution du jury par des mo-tifs un peu plus relevés, et en fait de sentiments géné-reux, il en est peu qu'on soit en droit de refuser auxAthéniens.

Page 221: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

t9G VIE DE SOCRATE;

tentée contreSocrate; mais, d'ailleurs, aucun

auteur ancienn'a ni nommé, ni plus ou moins

vaguement indiqué l'Aréopage comme le tri-

bunal devant lequel il ait eu à se défendre,tandisque Maximede Tyr(1)nommeibrmelle-

ment les héliastes, et qu'Athénée (2)les dési-

gne évidemment, en disant que Socrate fut

condamnépar desjuges tirés ausort. Ce sont là

des témoins encore bien éloignés,je l'avoue,maisau moinsils ne sont contreditspar aucun

autre, et sont d'accord avec tout ce que nous

savons del'organisationde l'Aréopage..

Onporte le nombre des membresde cet.te

assembléeà des chiffres très-divers et très-

diS'érents. Nicéphore Calliste, dans son J~-

<o~6ecclésiastique(3)qui date,.it est vrai, du

quatorzièmesiècle,le réduit à neufmagistrats,

qui se repouvelâient tous les ans ce n'était,suivant lui, que le conseil des neuf thesmo-

thëtes. Le scholiaste d'Eschyle (4) relevé à

trente et un membres, et GeorgesPachymëre,

danssa paraphrase des œuvres de saint Dënys

l'Aréopagite,à cinquante-un,sans compterles

archontesqui enfaisaientde droit partie, après

(1)0~39.(2)AtiMï).,xm,6n.

(3).yM<.ecc~.)t.X.(4)~(! ~MM~Mt~.

Page 222: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.E PROCÈS 't')7

l'expiration deleurs fonctions; enfin, quelquesauteursle poussent à trois cents, sans pouvoir

justifierce nombre, qui n'a pas été atteint pro-

bablement,qui certes n'a jamais été dépassé.

Quelques-uns,il est vrai,veulent quelenombre

n'enait pas été limité(1), mais cela ne prouve

pas qu'il fût considérable.Lihaniusva jusqu'àcroire que les thesmotètes seuls y étaient

admis (2).La sévérité des conditions morales uéces-

sairespourobtenir et conserverune place dans

ce tribunalauguste et révéré (3), ne permetpasde croire que dans une population numéri-

quementaussi faibleque celled'Athènes, il ait

pu atteindre le chiffrede cinqcents membres,

auquel se monta,au moins, le nombredesjugesdeSocrate.

Laliberté politiques'appuiesur le jugement

par jurés, ~olonqui la fonda à Athènes,Péri-

clès qui l'y développa, l'avaient bien com-

(1)j~ t!e Dëm.adv.Androt.(8)~de.D~M.a<Mch'o<.(3)Isoc.,Ardop.Lepluslégerreprochesuffisaitpour

exclureceuxquipouvaienty avoirdroitparleschargesqu'ilsavaientremplies.UnmembrefutrayédelalistepouravoirétouHeunpetitoiseauquis'étaitréfugiédanssa robe.LesAthéniensavaientsentiquel'hommequiale cœurferméàlapitié,nesauraitêtreappeléà rendreauxhommeslajustice,parcequ'ilnela comprendpas.

Page 223: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE198

pris (1). Touslescitoyensétaient appelésà juger

lescitoyens;desvingtmilleindividusquicompo-saientlapopulation,onench-oisissaittouslesans,au sort (2),par la /ë~e, parmi ceux qui avaient.

trente ans accomplis,six mille qui formaient

la liste dujury. Aprèsavoir mis décote millede

ces citoyensdestinés à fair*eoffice dejurés sup-

plémentaires,les cinq mille autres étaient divi-

sés entre dixchambresoutribunaux, <~)MK~«x,de cinqcentsmembreschaque, et, dans les cir-

.constancesgraves, on réundssàit deux, trois ou

quatre chambres,ce qui faisait monter le nom-

bre des juges à mille, quinze cents, deux mille.

L'affaire des Mystères, q~ui fut jugée toutes

chambres réunies, fut pladdée devant les Six

mille héliastes. Au contraire, dans les procèsde peu d~importance~chaque cour se divisait,et il ne siégeait a~ors'quedeux cents ouquatrecents juges. On trouve dans une àn'âire le

chiffrede sept centsjuges (3).Cesjuges prêtaient un serment solennel dont

nous pouvons lire, sinon- la formule authen-

tique, du moins le sens exact, dans Démbs-

(1)Anst.,FoM.,11,c. xn;. Plut., ,S'o!oM,~~e~.(8~I,esan!hontëset leurgfeCBcrpfo<~daientaatu-age.(3)Fréret,Acad.7Msc:,t.XL'~11;Staub.,~pot..PM<

36b E. Sermana,Z~ 1~.

Page 224: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.E PROCÈS 199

thènes (1), et je veux en rappeler quelquestraits « Je jugerai suivant les lois et décrets;

s'il n'y a pas de lois expresses, je prononceraiselonmaconscienceet laplus exactejustice (2);

je ne recevrai pas de présent pour rendre la

justice, ni directement, ni indirectement;

d'autres n'en recevront pas pour moi, à ma

connaissance,par des voies obliqueset détour-

nées j'écouteraiégalementl'accusateur et l'ac-

cusé, et je ne prononcerai que sur ce qui fait

l'objet mêmedu procès.Je le jure, par Jupiter,

par Neptune,par Gérés Que cesdieux, si j'en-freinsces règles, me perdent, moi et ma race

Sij'y suisRdele,qu'ils mecomblentdebiens et

m'envoient la prospérité, s

Tels furent les juges devant, lesquels dut

comparaîtreSocrate on ne saitpas exactement

quel en fut le nombre, qui atteignit au moins

cinqcents.Lejury était, commelevoulait la loi,

présidépari'archonte-roi,(levantlequel étaient

portées toutes les accusations intéressant la

religion dél'Etat.

(1)~<!p.TtMtOCf.,149,151.Schoemannet Mëieravaientaccepté,avectouslesancienscritiques,cetteformulecommeauthentique.M.WestermanB,CoMMK.dejMr~M~!CM)M/<M-MM<~t,Leipz.,1859,&cruydécou-vnrToMVM~mifaussaire.

(2) Schelling.,Sol. Le~ p. 35; Wolf,'adLept.,p.339.

Page 225: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE.2')0

Quelsfurent les accusateurs?

Celui qui avait dressé, signé et attesté parserment l'acte d'accusation,était, commenous

l'avons déjà dit, Mélétus les autresavaientun

rôle secondaire,facultatif, et en même temps

dépendant, car ils ne pouvaient prendre la

parolé qu'avec l'autorisation du -tribunal.On

appelaitces avocats(advocati)~oto~cpo;,et plus

précisément, quand ils appuyaient l'accusa-tion <~u~tn-~ep<)<(1); mais rarement, ou plutôt

jamais on ne voit ces auxiliaires se mettre à la

place de l'accusateur ou de l'accusé, assistant

muets au débat qui les intéresse (2). Dansle

procèsde Socrate, s'ils rapportent pas tous le

concoursde leur éloquence, ils paraissent ap-

porter chacun l'appui deleur autorité morale,chacun se présentant au nomd'une classe de

l'État, commepour accabler cet ennemi cbm-

(1)Hyper.,c..Dë?K.cvop~<ou~MTi~o~tH'p.t<Tm~euXejt~M)MT&t<M)~~nt<«~uoMM~[<~m<K.Onlestrouveencorenommésx~e~TEt.Cf.Fr.Herm.,t.eAf&143.Celade-vintplustarduneprofession,unmétiersalarié.Plat.,De XI,ext.;Lycurg.,Leocr.,138;.R~.ad.36:nKjttoOMTwM'wïopMijtM.Le~métierd'écriredesdis-

courspourlespartiesétaitplusancienencore;~'hKKt,~~ff~ sont desmotséquivalents,à un certainmo-ment,.det~tertn.

(2)Dans!ep!aidoyerdeDémosthèNcpourPhsesss,onvoitquecedernier,siincapab'equ'ilfutdeprendrelaparole,avaitcependantditquelquesmots.

Page 226: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 20)1

mun sous le poids d'une réprobation univer-

selle.

Mélétus (1) se présentait au nom des poètes,

Anytus au nom des artisans et des hommes po-

litiques, Lycon au nom des orateurs également

mécontents et irrités. Maxime de Tyr (2), en

reproduisant ces détails, veut les compléter, et

il le fait avec des antithèses qui sentent singu-

lièrement la rhétorique. « Ce fut, dit-il, Mélé-

tus qui formula par écrit l'accusation, Anytus

qui introduisit l'instance, Lycon qui poursuivit

et plaida, lepeuple a<K~~ (et non l'Aréopage)

qui jugea, le conseil des Onze qui emprisonna,

le serviteur des Onze qui exécuta. L'acte d'ac-

cusation de Mélétus, Socrate le dédaigna; la

(1)On a longtemps écrit Mélitus, leçon soutenue par

l'étymologie que donne Eustathe, ad. (3t~,V, 106, quidérive le mot de ft~ et par le mot ~sXtïM~t,des (?re-

nouilles d'Aristophane, v. 991 mais de bons manus-

crits' de Platon, appuyés sur les manuscrits de Xéno-

phon,~ent., IV, 4, 4; de Lucien, Joe. coM/tl6; Pise.,10 bis Accus., 0; J9eMtOK.,11 d'Aristote, ~Ae< III,18. 2; de Libanius, ~4po!.~oct\, p. 201, mOmesur des

inscriptions, confirment la leçon M~ro;, aujourd'huipai~out adoptée en Allemagne. La pénultième est lon-

gue dans ce mot, et cela détruit la conclusion qu'on se-rait porté à tirer du vers d'Aristophane, qui serait fauxsi on persistait à lire (~T: Cependant Welcker,Griech. ?Ta~, 9')3, et Eorchhammer rejettent Mè-létus et conservent l'ancienne leçon.

(8)Max.Tyr., C<M< IX, 3,3.

Page 227: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VÎB DE SOCRATE202

déposition d'instance, il la méprisa; le dis-

coursde Lycon,ilne fit qu'en rire.Ici, Maxime

modifie les qualités judiciaires et même les

noms des accusateurs.Aristophanefiguredans

son récit commereprésentant des auteurs dra-

matiques Anytus, des sophistes(1); Mélétus,dessycophantes;Lycon,des orateurs.Diogène

de Laërte, sur l'autorité dePhàvorin,présented~unemanière encoreun peu din'érenteet les

noms et les rôlesdes accusateurs Mélétusest

toujoursceluiqui formuleet signe~accusation;

Polyeucte la soutient de sa paroleàraide d'un

discoursécrit/fourni, dit Hermippe,parPoly-crate le sophiste, par Anytus,à ceque d'autres

préLendent;ennn, d'après ces renseignements,

]Lyconle démagogueaurait organiséles apprêtsde cecomplotjuridique (2).

!ehpassant~u~fait néglige

%? accusa-

teurs,qui représentent presquetout'esles clas-

ser dé la société, aucun n'est prêtre, aucun

n~egtdésigné,6 dans un procèséyidëmmentre-

(1) II est absurde de donner Anytus comme représen-tant des soj[)MStés,dbat.il était l'ennemi Tiblent et dé'

Mare,et~ lui attriDuer~~l~r8le qui ne pou-vai ap~a~lit qu'à l'Mchonte. Il n'a pu, cet égard,quferëqnérS'le magistrat.

~Diog.L., 11,38,39.

Page 228: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS M3

ligieux, commeintervenant au nom des in-

térêts ou des passions du pouvoir sacerdo-

tal (1).Platon nous fait connaître quelques-uns de

cespersonnages.Il introduit,dansl'JS'M~p~o?:,

Socrate au momentmême où il se prépare à

comparaître devant l'archonte-roi qui l'avait

assignésur la requête de Mélétus,et il lui fait

dire au sujet de son accusateur « Je ne le

connaispas moi-même;c'est, dit-on, un jeunehommetout à fait inconnu,nommé, à ce que

je crois, Mélétus, du dème de Pitthée. Je ne

sais si tu connais dans ce dème un Mélétus,

qui a les cheveuxlongs, peude barbeet le nez

légèrementaquilin (2), passage où M. Stall-

baumveut voir une allusion à son caractère

plein de vanité et d'orgueil, plutôt qu'une

simple description de sa personne physique.Quelétait cepersonnage? il n'est pas facile de

le dire. Il y,a eu, du temps de Socrate, plu-

sieurs Athénien~qui ont porté ce nom. L'un

d'entre eux est mentionnépar Andocide,dans

son Discours s:~ les mystères (3), où il Fac-

(I) Jenevoisrien.quijustiSocettetroisièmecause:< le courrouxlongtempscontenudupouvoirsacerdotalquiéclataenfin,»à laquelleM.V.CousinattribuelepMcès~i&Socrate.

(3).E'M)! 8.(3)De~13,35,63, .94.

Page 229: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE2fi

cuse d'avoir, dans une orgie faite chez Poly-

tion, avec Alcibiadeet Nicias, en 415, ré-

vélé le secret desmystères; puis, en 404,d'a-

voir obéi à l'ordre illégal des Trente en con-

courant à arrêter, à Salamine, Léon, cet

innocent citoyen, crime dont Socrate, au ris-

que,de sa vie, n'avait voulu être ni l'instru-

ment ni le complice; enfin, d'avoir en 400, à

l'instigationde Callias, filsd'Hipponicus,et de

concert avec Agyrrhius et Epicharès, accusé

Andocide d'impiété. D'un autre côté, le scho-

liaste de Platon, à l'endroit de YApologieoù

son nom est mentionné, nous apprend queMélétusétait un mauvais poète tragique, d'o-

riginethrace, si l'on en croit Aristophane,.qui

l'appelle, dansles G'r~ÔM~~ et les Cigognes,nls de.Laïus. D'après Aristote, dans les DMJ!<M-

c~ l'année même.où les Cigognesfurent

jouées, Mélétusavait donné une (BMtpofHc(1).Ce même scholiaste nous rapporte encore

qu'AristophaneFavaitnommédanslesPay-KMM,et flétri,commel'amant de Callias(2).

(1)Lesdeuxpiècesde G~t~adcet desCigognesfurentreprésentées,d'aprèslecalculdePritzsch,6«OM<p.90,àpeuprésentrelés Ecclesiazousai.quisontde392,etPlutus,jouéunepremièrefoisen408,etunesecondeen388.

(2)Sch.Plat..ipoi!.,18; scho!.Aristoph.,2~M.1302M; ~MX.pt; T~~(it~on !MHM<~KTt~; TM T~M.

Page 230: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 205

12

Cette dernière pièce, d'après Clinton et le

texte de Plutarque (1), fut représentée plus de

quatorze ans avant la mort de Socrate; Fau-

teur de l'<E<~poaK~amant de Niciàs en 423,n'aurait plus été un jeune homme en 399, ni

tout à fait inconnu.

Un Mélétus est signalé par Aristophane,

qui accuse Euripide de lui avoir volé quel-

ques bribes (2). C'est évidemment d~unpoète

qu'il s'agit ici.

Xénophon (3)cite un personnagede ce nom

chargéd'aller à Sparte avec Céphisophonpour

y négocierun traité de paix à des conditions

plus douces que celles que Lysandre avait

imposéesaprès la prise d'Athènes, et qui réus-

sit dans cette importante négociation. Athé-

née (4)nous dit, avec ~Elien(5), que sa pâleuret sa maigreurfurent l'objet des railleries des

poètescomiques,et particulièrement d'Aristo-

phane, qui, dans le ~r~a~, le compte au

nombrede ceuxqui étaient descendus dans les

enfers, «<~e/M., et en avait rapportécette pâ-leur cadavériquequi lui avaitvalu de la part

(t)2Vtc.,c.vm.(2).R<Mt.,133Tf.(3)Fe~K.,n,c.iv,36.(4)XII,75.(5)./?M<1. X, 6: ti; XoxTeTï,TaKNjj.mM<t9xt.

Page 231: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

206 VIE DE SOCRATE

de Sannyrion, cité par ce mêmeAthénée, le

nom de ~oya~oA~o~ ~e~Jy.Suidas se borne à dire que Mélétus,filsde

Laius, fut/un orateur athénien qui fit aussi des

tragédies, et qui, de concertavec Anytus, ac-

cusa Socrate.

Tous ces personnages n'en font-ils qu'un

seul, ou bieny a-t-ilplusieurs Mélétus,et dans

ce cas quel fut celui qui accusa Socrate?'Voilà

les questionsqu'il est plus facile de poser quede résoudre (1)..

Ï)'abord, on ne peut guère admettrequel'ac-cusateur de Socrate fût le Mëlétus comproalisdans l'affairedes inystères; il auràit eu certai-

nenient, par suite de ce scandale, un âge et

une notoriété qui n'eussent pas permis à 80-

crate de rappeler un jeune homme inconnu.

Peut-on suppose~d~ avoir été

Ï~i-mêmeaccusa d il eût eu le, frÓnt,au risque dé rappeler un passé .~dangereux,

d'intenter un procèsde cette nature?'Et quandil aurait eu cette inipudënce, commentàdmët-

(1)Préret,danslemémoiresouventcité,aprèsavoir

comptéquatreMéiétua1°lepoètetragique,2"l'ambas-sadeurà Sparte,3"le complicedelà mutilationdesBermes,4°l'accusateurde Socrate,les réduità deux,et faitdel'accusateur,lenégociateuret lepoète,cequisouNrequelquesdifnculf.és.

Page 232: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LEPROCÈS 207

tre que ni Xénophon,ni Platon, n'eussent pasrelevécettecirconstance,qui aurait enlevétout

crédit, toute autorité à son accusation. On

prouvepar cette même raison, je dis le silence

de Xéhophonet de Platon, quel'accusateur de

Socraten'était pas le fils de ce Mélétus.

Ëtait-cë doncle poète? Mais, outre que ce-

lui-ci, désigné par Aristophane, dans sa piëc6des rg<.)p~o/pourses rapports avec Callias, ne

pouvàitplus être, quatorze ans après, consi-

déré comme un jeune -homme,le poète comi-

que à qui Euripide avait emprunté quelquesvers, bâfouê'dans les <?~MOM~Mpour la froi-

deur de sa verve et la dépravation de ses

mœurs, ne pouvait plus, vingt-cinq ans après,avoir le moindre titre à ce nom de jeunehommeimberbeet inconnu.

Cependant,d.'u.n autre côté, tous les textes,

et celui dé Platon, J~rspTM!/wotoïMy~fo~evotsont là pournousQbHgMde conclurequeraccu-

s6teur de Socrateétait un poète.M.K.Fr. Her-

mannne trouve d'autre issue à cette difficulté

que de supposerqu'on a eu tort de confondre

l'amant de Calliasavec le profanateurdesmys-tères, et il voitdans l'accusateur de Socrate le

poète Mëlétus,qu~ay~ de trente à qua-rante ans en 399, pouvait, comme l'a ob-

servé déjà Clinton.,être appelé jeune par So-

Page 233: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE208

crate (1),qui le comparaità lui-mêmeou peut.être à Anytus. J'ai bien de la peine à ad-

mettre ce biais un poète tragique dontAristo-

phanes'était àplusieursreprisesoccupé,auquel

Euripide passait pour avoirfait des emprunts,encorequ'il pût passer pour jeune, ne pouvait

pas être si inconnu et si obscur que Socrate

ne soit pas sûr de sonnom..

Puisqu'on est contraint de faire des hypo-

thèses, j'auraismieux aimésupposerl'existence

d'un troisièmeMélétus(2), poète très-jeune et

très-ohscur, comme Platon nous le dit; mais

d'une obscuritételle, queles scholiastes, pourn'e<repas àcourtderenseignementssur sa per-

sonne, l'ont confonduavec le poète tragiquevictimedes plaisanteriesd'Aristophane,amant

de Calliaset compliced'Alcibiadedansla profa-nation des mystères.Quanta déterminerlequeldes deux fut le négociateurheureux du traité

de paix conclu avec Lacédémone, nous n'a-

vons aucun moyen de le faire, et nous ne l'es-

sayerons même pas.

Quant à l'accusateur de Socrate, on ignore

(1)FynesClinton,Fast. ~feHeM,II, p. 91 <Anâge<whichmightbecaUedyoungincomparisonwiththat<ofSacrâtesorperhapsofAnytus.e

(2)M.K.Hermannenfaitle filsdupoète,qu'ildis-

tinguedel'amantdeCatUas.

Page 234: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 209

12.

absolumentquel fut le mobileparticulier quile poussa à cette mauvaiseaction. Le scho-

liaste de Platon, Diogène de Laërte et Liba-.

nius (1), prétendent .qu'Anytus avait acheté

la complicitéde Mélétus,qui faisait tout pourde l'argent; mais dans l'incertitude où nous

sommes sur la vraie individualité de ce per-

sonnage, il ne. serait'pas prudent d'attacher

trop d'importanceà ces assertions de témoins

si éloignés.

Quoiqu'il ensoit, Mélétusexpia son crime

Diogène semble dire (2), et Thémiste dit en

termes exprès, qu'il fut traduit devant les tri-

bunaux sur la poursuite d'Antisthène et lé-

galement rondamné à mort. Mais Diodore de

Sicile (3) raconte que, saisi de repentir et de

remords, le peuple athénien,dans un emporte-ment de colère, massacra sans jugement tousles accusateurs de Socrate; Suidas complètele récit, en ce qui concerneMélétus, en disant

que ce fut à coup de pierres.Ce fut Antisthènequi poursuivit également,

(1)Schol.Plat.,Apol.;18b; Diog.L.,II, 38.Liban.,Apol.Socr.,p. 11.

(3)Diog. L., II, 43 M:~Tw M~TM xaTe-~N<r~;etVI,

9, il ajoute, en parlant d'Antisthènes a~ Mt! MeMïM

oihM~etMOjsAMtTtB tttMTtM ce qui veut dire sans doute

qu'Antisthène l'accusa. Thém., Or., xx, 293.

(3) Diod. Sic., XIV, 37.

Page 235: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

210 TIEDESOCRATE

(l)Diog.L.,VI,9.

(2)Athèn.,VIII,33i)d..

(3)Dém,,1866,Beisk.

(4)Plat.AfoM.,90fi.

(5) Schot: Plat., 18 b, ~;Xén., ~po!39;~Mi!~ocf.,Vn,p.30.

au diredeDiogène,Anytus, qu'il fit condamner>r

àFexil (1).Cet Anytus semble n'avoir rien de

commun avec celui que Timoclès,poète dela

comédiemoyenne, dans la pièce desTcaW~ns,

appelle o7r~~t/<(2), ni avec celui que Démos-

thène produitcomme témoin danssondiscours

contre Néère(3), et auquel il donne pourpère

Lacias,et pour ancêtres ceux qu'on appelleles

Brytides.L'accusateûr de Socrate était nls du

richeet sageAuthémion, quidevait sa fortune

non pas au hasardou à la générositéd'un testa-

teur, mais qui Favait faite lui-même par son

intelligenceet son travail (4). CommeLysias,Démosthëneet Sophocle,quis'étaient enrichis

dans làventeetla fabricationdes armes;comme

Platon, qui ayait pu subveniraux 6'a~ de ses

voyagesparun grandcommerced~huiles.lë père

d'Anytus avait créé~ Anytus exploitait un

étaNissemënt de tannerie, qu~en~b~~père dé

familleet en bon négociant il entendait lais-

ser à son filsqu'il élevait en conséquence ('5),

Organedes intérêts les pluspositifs,les intérêts

Page 236: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 211

de Tindu&trie et du commerce, richesse et force

de l'État, Anytus, dans le procès où Mélétus

avait en apparence le premier rôle, le rôle de pro-

tagoniste, représentait les classes Commerçantes

et ouvrières et en même temps les 'hommes

politiques (1). Son inuuence dut être considé-

rable. Toute l'Apo~~M de Libanius est une

réponse à Ànytas seul, qui, suivant ce rhéteur,

était monté à la tribune après Mélétus et avant

Lycon (2). Il avait trouvé fort mauvais que

Socrate l'admonestât publiquement, et lui re-

prochât de ne penser à faire d& son fils qu"un

tanneur (3). Ses sentiments politiques, tout au-

(1) Il y a peut-être dans ce rapprochement une ironiede Platon: Eh quoi! les industriels, les commerçants,

des hotnméspolitiques! et leurchef, un tanneur! Quelle

monstruosi'te~

(2)Lihan.Apo~t.in,p.l,Reisk.

(3)Xén., ~pb!. M~t~M!ttcu~Mt~. Le scholiaste dePlaton, ~.poL, 18 b, dit, avec Diog. L., 11,38, que So-

crate le plaisantait sur sa profession, et que l'accusation

qu'il soutint ne fut qu'une vengeance d'un amour-pro-

pre Nessé. Ce conte est reproduit par Libanius quiajoute (p. 11) que, l'acte d'accusation déjà dépose, la

causedéja annoncée, Anytus 61 prpposeràSocratë une

réconciliation, s'engageant à renoncer à la poursuite, à

condition que Socrate s'engagerait a ne plus se moquerde sa profession; Mais qu'y a-t-il d'historique dans les

faits articulé&par Libshius, dont l'tBuvre est une com-

position toute sophistique, un exercice de rhétorique et

une déclamation d'école? Comment croire que Socrate

Page 237: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE212

tant que ses légitimesprétentions à élever son

fils comme il l'entendait, avaient contribué à

l'irriter contreSocrate.Il avaitcombattuet souf-

fertpourlaliberté et ladémocratie,etn'était re-

venu del'exil qu'avec Thrasybuleet aprèsavoir

perdu une partie de sa fortune (I). Isocrateat-

teste quebienqu'il eût cruellement~seplaindredu parti oligarchique,et qu'il connût parfaite-ment ceux qui étaient les auteurs du mal qu'ilavaitsouffert,fidèleau sermentd'amnistie,il ne

voulut,pasplus queThrasybule,les poursuivreouïes inquiéter(2).Cependant,sansallerjusqu'à

des poursuitesjudiciaires, on peut, sans calom-

nie, croirequ'Anytus avait rapportédé Fexilun

fond d'irritation et de mécontentement, et il

semblemême, de haine; il s'en prenait à tous

les sophistescommeà,Socrate il gémissaitde.

l'aveuglementdéplorabledes jeunes gens, des

pères de famille, des cités, qui, au lieu de

fûtsiaristocratiquementdédaigneux,lui, letailleurde

pierreset le filsd'unepauvresage-femme?Commentcroire([u'Anytusfût si susceptible,lui qui se laissait

appelerparThéopompeunepantoufledansla piècedes

SïpMtMTt~t;,et parArchippeunsavetierdanscelledesJPO!M<MM?2

(1)Isocr., a~. CaHttM.,§ 11;Xén.,IHellen.,JI, 3;Lysias,acte.~~or., §'78;Diod~Sic.,XIII,63; Epist.P!a<VII.

(2)Isoc.,adv.Ca!!MK.,§ll.

Page 238: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LEPROCÈS 2t3

proscrireceséloquentsprofësseursd'unescience

dangereuse,les accueillaientet les comblaient

d'honneur et d'argent.Quantà lui, il s'était fait

un devoirde rompre tout commerce avec eux

et de les ignorercomplètement(1).C'étaitun citoyennon-seulementriche, mais

populaire, très-influent, très-puissant, et quiavait occupéles plus hautes magistraturesde

FËtat(2). Antérieurementà l'année 411,il avait

été archonte(3). Onlevoit ensuite commander

une flotte de trente vaisseaux envoyés contre

Pylos (4); enfin Lysias (5) nous le montre à

Phylé, l'un deschefsde cesproscritshéroïques

qui rendirent plus tard à leur pays la liberté et

lapaix. Aussison nom est associépar Isocrate,

commeparXénophon(6), à celui deTrasybule.Dans Texil même, il donna envers Agoratus

l'exemple d'une conduite pleine de. clémence,et inspiréeparune sageet généreuse politique.

(l)Plat.,MeM.,98a.

(2)Plat.,Men.,90a; ~p. P! t. III, p.325:<tMTtUMT~tTMtt.

(3)Lys.,<M~.Dot~ p. 58,Auger.C'estdu moinsainsiqueFréretinterprètele mot~~et, queM.K.Hermanninterprètedansunsensplusgénéral,celuideOtTO~iiX<Htt{.

(4)Diod.Sic.,XIII,64.(5)A~. A~or.,I, p.366,Aug.(6)Xén..Hellen.,II, c.m, §43.

Page 239: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE214

L'expulsiondes Trente ajouta, comme on le

devine, à son crédit et à soninfluence; Ando-

cide, dans sa péroraisonéloquente, l'appelle à

sonsecourset le priedevenir prendresa défense

avec Géphalus(1). Or,Géphalusavait eu, avec

Archinus,la plusgrandepart au rétablissement

des anciennes lois (2). On peut donc croire

qu~Anytusn'avait pasété étranger à cettepoli-

tique, à laquelle, suivant Dinarque. fut dû,non moins qu'aux victoire.s d'Iphicrate, deChabrias et de Timothéé, le rétablissement

peu durable, mais brillant encore, de la puis-sanceet dela gloired'Athènes(3).

On veut, ce qui est loin d'être évident, queles éloges donnés à son père, que Platon ap-

pelle un homme sans orgueil et sans haine,

modéréet économe,soientautant de traits dé-

(l)De~s<p.5,ed.H.St.(3)Cf.Dinarch.,adv.-D~M.,p. 1TTet185.

(3)Onseraitdisposéà croirequeLiba~itis(~4po!.p.20,1.15)fait allusionà Anytus,lorsque,aprèsavoirdit de Socrate<A-t-ilfaitpartiedel'oligarchiedesQuatreCents?dela tyranniedesTrente?A-t-ilim!téPisandre?s'est-il rangédu partide Théramene?!'il

ajoute t C'est!àle faitd'unautred'un hommequi futduconseildesQuatreCents,et qui,plustard,eutà rendrecomptedescrimesqu'il avaitcommis.nMaisonnesauraits'arrêteràcetteinterprétatiom:Liba-niusn'ignoraitpasqu'Anytusavaitjouéunrôlepoliti-quetoutdifférent.

Page 240: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 2tS

cochéscontrôles défautsdu fils,qui cependant

avait reçu une bonne éducation, ou du moins,

commedit Platon, ce que les Athéniens enten-

daient par là (1). Ona voulu trouver dans

desvicesdecaractère,et dans lesressentiments

d'un ignobleamourméprisé, l'origine de cette

irritationquiéclateenmenacesdans le dialoguede Platon (2).Accusépourlemauvaissuccès de

l'expédition de Pylos qu'il commandait, il

n'aurait du son acquittementqu'à la corruptiondes juges, détestable pratique dont il aurait

donné le premierl'exemple(3).Deplus, il aurait été l'amoureuxmalheureux

et jaloux d'Alcibia.de,qui prodiguaità Socrate

les marques de la plus grande affection, et lui

ocrait l'honneur tant envié de manger et de

lutter avec lui, et même de coucher dans sa

tente (4). L'histoire qu'on raconte à ce sujet,

quoiqu'elleporte sur des relationsque nous ne

pouvonspas même désigner par leur nom, ne

donnepourtant pas ducaractère d'Anytus une

(1):a~90a.(3)~?.,93,948.p) Harpocrat.v.&6!<t(!:m~;Plut.,Conb~ XIV;schoL

~Escit.c.Tim.,§8'7;Diod.Sic.,XIH,64,quifixeladateàla quatrièmeannéedela 93''olympiade,quatreaifsavantla RndelaguerreduPéloponess.

(4)Plnt.,~c~ IV;,4MMtfot'XV! Athm.,XIt,534e.

Page 241: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE2)66

idée aussi défavorable.Il invite un jour Alci-

ciade à souper celui-cirefuse; puis, ivre, s'en

va fairevacarmeà la porte du festin où il avait

été prié, et, sans daigner entrer, ordonne aux

esclaves qui raccompagnaientde prendre surla table et d'emporter chez lui la moitié,des

coupes et des vases qui y étaient étalés; les

convivess'indignent de cette insolencemépri-sante et dé cesans-façondegrand'seigneurmal

appris. Anytussourit et répond Sachons-lui

gré aucontrairedesa modération,car, s'ilFavait

voulu,il aurait bien pu tout prendre (1). »C'est

au moins spirituel et certainement libéral.

D'ailleursl'anecdote estsuspecte; comment, si

lesdédains d'Alcibiadeeussentprovoquécontre

Socratelesressentimentsd~unamant maltraité

et jaloux, commentXénophonet Platon n'en

eussent-ils pasdit unmot?

Il est probable qu'aveuglépar ses opinionset le sentiment mêm~du dangerque faisaient

couriràFËtât cesrivaux heureux deshommes

politiques(2),Anytus ne vif et ne poursuivitdansSocrate qu~msophisteplus habile et plus

dangereuxque tous les autres, dont les leçons

avaient formé ce Critias, tyran sanguinaire

(l)P)ut.<c:&4; ~Ma< XVII;Athén.,Xn,534.

(3)P~L,jRcp.,VI,493a ~n~

Page 242: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 2t7i

13

d'Athènes(1). Il paya, dit-on, de sa vie cette

injustice. Accusé par Antisthène et exilé, il

eut le malheur d'aller à Héracléepoury vivre;il y fut reconnu par quelquesjeunes gens qui

avaient autrefois connu Socrate, et qu'Antis-thène avait déjà, à Athènes, excitéscontre lui.

Suivantle récit deMaximedeTyr, il fut lapidé,et on montrait encore de son temps, dans les

faubourgs de la ville, la place où il avait été

massacré, et où on lui avait,donné la sépul-ture (2). Diogène de Laërte se borne à dire

qu'il reçut l'ordre de quitter Héracléele jourmôme où il y était arrivé (3). Plutarque a une

autre version sur sa fin Les Athéniens, dit-il,

conçurent une telle horreur contre les infâmes

délateurs de Socrate, qu'ils leur refusaientdu

feu, qu'ils ne daignaient pas répondre à leurs

questions, qu'ils ne voulaient pas au bain se

servir de la même eau et faisaient vider celle

où ils avaient touché. Ne pouvant supporterune pareille aversion, ces malheureux,et Any-tus entre eux, se pendirent de désespoir.

Les procédures préparatoires devant le con-

seil des Prytanes, pour amener un jugement

(1)~Escli.c. TtMt.,§lTf3 !~l;,<!)A~~ct.SNx~r~M''M<{~<!TW a~tXTt~KTt ht

KctTtXt ~f!f7! ttSXXttfs~XN;.

(2) Max.Tyr.,Ot-oK.XX,p. 263;Diog.L.,VI,10(2)Max.Tyr.,Oral.XX,p. 263;Diog.L.,VI,10(3)Diog.L-,11,43.

Page 243: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDKSOGRATK2t8

par lequel l'accusationserait reçue et par le-

quel on déclareraitqu'il y avait lieu de pour-

suivre,d'assigneret de jugerSocrate(1),furent

conduitesparLyconqui, dansle procès,repré-sentait les griefs et l'irritation des orateurs(2).Ce personnage, que Diogènede Laërte appelleun démagogue(3), prit la parole, commeAny-

tus, en qualité d'auxiliaire de l'accusation,

~yO~e~, <Tt/yJ(xo<(4), et Platon ~constatequec'est par leurs effortsunis que Mélétusput ob-

tenir gain de cause. 'il

Il y avait à Athènes une sorte de colléged'orateurs de l'État, spus lé nom de p~'cp~,<

yt~epe<,<y<~e(,chargéspar le peuplé, tantôt de

poursuivre l'acceptation ou l'abrogation d'une

loi, tantôt de plaiderdes causespubliques.Ces

avocats, qu'en Angleterre on appelleraitde la

couronne, recevaient du trésor une drachme

par chaque plaidoyer, honoraires appelés ~o

(I) Ledialoguedel'~M~p~fOMsembleindiquerqu'ils'écoulaquelquetempsentrelesprocéduresprélimi-naireset lejugement.

(3) Plat., ~p0~. 33 e &M,) TmY~!Ta,<My.

(3)11,38.Jene.saisoùLibanius(Apol.S., t. îll,p. 13)a prisqu'Anytusauraitdemandél'interventiondansleprocès,desorateurs,lesquels,ajoute-t-il,n'a-vaientledroitde requérirquecontrerm~rx ttMMirp~T-WfTm'iMtMiptU.aMiMTNriMtt~jOjM6;S1Wjt~SUS!&ff<B'!)MS!~t.tptOjtCmt~CMpMTNK.

(4)Plat.,~po~36 a.

Page 244: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 2)9

~yM?ep<)toy(1), et formaient une espèce de ma-

gistrature, jouant en quelque manière le rôle

d'un ministère public; mais il n'est guère proba-

ble que ce soit de cette corporation restreinte

qu'il s'agisse ici. L'équivalent dont se sert Dio-

gène, en appelant Lycon un démagogue, montre

qu'il est question d'une classe d'individus plus

puissante et plus nombreuse, et dont l'interven-

tion dans les affaires publiques n'était pas,

comme celle des orateurs fonctionnaires, déter-'f

(1) Aristoph., fgsp., 691, e<,schol. Ils différaient des

simples orateurs ou citoyens qui prenaient la paroledans les assemblées quand bon leur semblait. Ainsi Es-

chine.(!M ?%M.,â3) oppose TN*t~MTNfà T&yp~Mjxov,et

Démosthéne, Phil. IV, distingue des particuliers, ~t~-

T<t;,les orateurs, qu'il appelle Ko~t'eue~~eut.Dans la C'OM-

ronne, peignant la consternation de la ville à la prise

d'Ëtatée, Démosthène s'écrie que personne dans l'assem-

bléen'osa demander la parole, quoique'tous les stratègeset tous les Orateurs fussent présents.

Eschine mémo distingue (in C~A., p. 55), les Tou{Tt tx ttOpc<)XtUTHp!M~t)T6j)~et tt!){e)t ï~B~i<jjK.u,comme sile conseil et le peuple nommaient, chacun de son cote,des commissaires pour soutenir ou attaquer les propo-sitions de loiSiLa scholie des (~M~M,citée plus haut,et la scholiede ~M<MS,v. 913, nous apprennent qu'ilsétaient au nombre de dix. Lorsqu'ils parlaient dans l'as-sembléeils prenaient une couronne (Aristoph., Eccles.,v. 131, et schol., 183,148,163, ni). Il était interdit de

rempHr cette fonction ayant l'ago de quarante ans, etl'on ne pouvait en être revêtu qu'une seule fois.Les con-ditions morales exigées étaient des plus sévères.

Page 245: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YŒDESOCRATE220

minée et limitée (I). Lycon se présentait au

nom de tous ceux qui, par la parole, préten-

daient à une action politique et à une influence.

dans le gouvernement (2).

Quant à lui, c'était un Ionien de naissance,

du dème de Thoricium, pauvre diable d'ail-

leurs, bafoué par les poètes comiques, Cratinus,

Aristophane, Eupolis, Métagene, comme étran-

ger, comme traître et comme mari malheureux;

ce qui ne l'empêchait pas d'être les délices de

l'Agora (3), où Dion l'accuse d'avoir trop aimé

à faire le métier d~accusateur et de syco-

phante (4). Il avait un. fils, nommé Autolycus.

Xénophon, qui l'introduit dans son Banquet,

lui met dans la bouche quelques paroles gra-

cieuses pour Socrate. Si c'est.bien le même per-

sonnage dont parle Ctésias (5), non-seulement

Lycon eût fait commerce d'accusation, mais il

(1) Nous avons vu que Libanius limite leur action ju-diciaire ati cas où les accusés auraient pris part à l'ad-

.m'inist.rationdel'Ët.at.

(2) Surles démagogues,voir Z~M~de la ~o~t'e(PmLOMATHtRde'WacMer);Roetscher, Aristophanes,

p. 154. Sur les orateurs, Sigonius, IV, 6; S. Petit, III,

p. 344; Schoeman,De co?K~. ~4i!/MM.,p. 107; ~e~.

inscript., t. XLIII, p. 1.

(3) Schol. Plat., Apol., 83b <it~~ ~.x~; Aris-

toph., ZysM~2T'0, scho! 1.L, et ad P"Mp.,1169.

(4) DionChrysost, C')'a< 55, 32.

(5) .P~stc., § 52.

Page 246: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 2211

avait vendu la ville de Naupacte et livré pourune sommed'argent, au roi dePerse, soncom-

pagnond'armesPisuthnès (1).Voilàles trois personnagesnomméspar Pla-

ton commeaccusateurs de Socrate, les seuls

qui figurent égalementcomme parties an pro-

cès, suivant le récit d'Antisthène,danssonBïs-

Mt~e~g sMcc~stOMdesphilosophes,citée par

Diogène(2),où il représente commePlaton les

mobileset les intérêts de chacund'eux.

Il est certain que tous les trois prirent la

parole; mais il est présumableque Mélétusdit

peu de chose, et que ce fut sur Anytus, quetoutes les traditionsdonnent comme l'âme de

ce complot,et sur le mercenaireLycon, que re-

tombala lutte or atoire;c'estdu moinsà ceux-ci

que Socrate attribue sa condamnation(3). Le

discoursque Libaniusmet dansla bouched'un

ami de Socrate, et qui est uniquement dirigécontre Anytus; certaines expressionsde FApo-

logie de Platon, autorisent même à croire

qu'Anytus y remplit le rôle le plus-considéra"ble et décisif(4).

Outre ces trois personnages, Diogène en

(1)Schol.Plat.po!3b.(2)U, :?.(3)Plat.,~po<. 36.(4) ~p. jS'OC)' 14 w ~ap p!!« T?:

Page 247: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE222

nommeencoredeux autres Polyeuctequi, au

rapport de Phavorin, prononçales plaidoyers,et Polycratele sophistequi, suivant Hermippe,avait écrit le discours attribué par d'autres à

Anytus lui-même(1). Polyeuctene peut avoir

été une partie importante au procès, car alors

son nomn'aurait pas été omispar Platon ce

n'est pas une raison cependant pour nier son

existence et changer le texte de Diogène,en

substituant, commele proposej~. K. F. Her-

mann,dansla phrase6~eM; TH;/<~Mty na~'et/xTe~

lenomd'Anytus, et en remplaçant également

parle nomdePolyeucteceluid'AnytUjg,contenu

dans la suivante ~u~e~-p~6Tey~oycyfteAcxfMTo?,

&!<<))))j<y"Ej:~<'?!'TTo~,tJ"Ayftc~&!<T<ve<,en sorte queledissentimentd'Hermippeet desautres ne por-terait que sur une. légèredifférenced'écriture,

puisquePolycratepeut êtrefacilementconfondu

avec Polyeucte.

Polyeucte n'est pas absolumentinconnu

Ruhnkhen(2) a trouvéson nom dans un gram-

mairien, et Hekker,dans ses A~ec~a (3),cite

un discoursd'Antiphon contre Polyeucte. Mé-

nageencite unautre de Dinarquecontrelemême,

(!)Diog.L.,II,38.

(2) Hist. crit. orat. ~p. 80.

(3) P. 82.

Page 248: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 223

d'après Denys d'Halicarnasse(1). Ne pourrait-onadmettreavecFréret que cefuj-ce Polyeucte

qui, dans l'action préliminaire, pour obtenir

une ordonnancede renvoi, poursuivit devant

le conseildos Cinq-Cents,et, guidépar Lycou,avait prononcele plaidoyer(2).

Le fait que le sophistePolycrate avait écrit

'un discourscontre Socrate, est attesté parune

lettre écrite au nom d'Eschine, et qui fait par-tie du recueil des Lettres socyo~Mes. Il est

qualiné dutitre delogographeparThémiste,qui

prétend que le plaidoyer composé par Poly-crate exerça sur les juges une fascinationma-

gique~3); par Suidas, qui ajoute qu'il écrivit

deux plaidoyers, l'un pour Mélétus~l'autre

pour Anytns,enfin par ~Elien(4) et parQuinti-

lien (5).C'était un homme pauvre, nous apprend

l'auteur de l'argument du jB~s~Md'Isocrate,et c'était cette situationqui l'avait contraint àfairele métier de sophiste.Au momentoù Iso-crate lui adressason jBMsïyts,il vivait, quoique

(1)Harpocrat.,v.Éxpu~Xo~opwKt.(2) Fréret, ~Lea~. MM~'p! t. XLVII, p. 812.

(3) Ttiém-, Orat. 23, p. 396, Hard. e~T)~<M~ xx:

t'YOOTeÛ<h)<KM.

(4)Nts<.V.,XI,10.

5)11,n.

Page 249: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE224

Athénien de naissance, dans l'île de Chypre,où probablement il tenait école de rhétori-

que (1).Pour qui a-t-il écrit le ou les discours

qu'on lui prête? Il n'est pas probableque ce fut

pour Lycon, orateur distingué lui-même. La

lettre supposée d'Eschine que nous citions

tout à l'heure, dit que ce fut pour Mélétus,quin'en profitaguère, s'il faut en croire ce récit;car il l'avait appris par cœur. comme font les

écoliers leurs déclamations, et lorsqu'il fut

monté à la tribune de l'accusateur, il se trou-

bla, perdit la mémoire, et finalement, ayant

compromispar cet échec sa réputation et la

forcede son discours, fut obligéde -descendre

au milieudela riséeuniverselle.Suidas et Thé-

miste prétendent qu'il fut écrit pour Anytùsmais noussavons que dans sa haine pour les

sophistes,Anytus avait rompu tout commerce

avec eux, et qu'il devait partager la répulsion,communeà tous les hommes politiquesde ce

temps, contre les logographes(2).

Fréret, et avant luiBentley(3),ontfaitobser-

ver, après Phavorin, que ce discours de Poly-crate n'était pas authentique. Il résulte, dit

Fréret, du préambuledel'jEïo~e~ Busiris d~I-

(1)Cf.Spengel,Artt.Scrmt.,p.~5.(2)Thém.,Orat.,XXIII;Plat.,.P'M~3??.(3)Deep.Socr.,Orell.,g 6.

Page 250: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 225

13.

socrate,«que ce Polycrateétait un sophiste de

sontemps, qui, pour donnerdes preuvesdeson

éloquehce et pour montrer combienle choix

des sujets lui était indifférent, avait composédeux déclamations, l'une contre Socrate, l'au-

tre en faveur de Busiris. Cependant l'auteur

de l'argument du Busiris d'Isocrat~ soutient

que ce discoursde Polycrate était celui par le-

quelAnytus avaitfait condamnerSocrate, sans

songer que cela est formellementcontraire à

Isocratelui-même. Rien dans le texte du dis-

cours d'Isocrate ne me paraît contraire à l'ar-

gument cité c'est donc par d'autres raisons

qu'il faut se décider. Phavorin avait remar-

qué qu'il était question dans le discoursde Po-

lycrate du rétablissementdes LongsMurs, quin~eutlieu par les soins de Cononque six ans

aprèslamortdeSocrate.Ilserait doncimpossible

d'y voirun discoursréellement prononcédans

le procès, et puisqu'ila existé, il est plusnatu-

rel d'y voir une compositiond'école, un exer-

cice de rhétorique, une déclamation sophisti-

que enfin, comme celle dont le sophiste se

vantait dans l'j&7o~ede Busiris, et qui ne va-

lait pas mieux, suivant Isocrate; ce travail se-

rait alorscommele pendant, dans le sens op-

posé, de l'Apologie de Libanius. Tout en

admettantcette conclusion,M. K. F. Hermann

Page 251: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE226

a soutenu avec insistance (1) que cette pièceétait'antérieure à la mort de Socrate et aurait

été inspirée par le même sentiment qui dic-

tait à Aristophane, tant d'années avant le

procès;,la piècedes Nuées.Aumoment.dupro-

cès~dit le savant professeur, Polycrate vivait

à Chypre.et la réputation de Socratene pou-vait pasêtre, danscette île, assezéclatantepourfournirun sujet suffisammentintéressantà une

compositionsophistique.D'ailleurs,noussavons

par les soholiesd'Aristide(2) que Lysias avait

fait un discours pourSocrateen réponse à Po-

lycrate (3).Or, cette Apologiede Lysias été

faite, on le sait, duvivantde Socrate,et si elle

est une réponse à Polycrate, Tœuvre du so-

phiste était doncantérieure à celledeLysiaset

à ~o~or< à la mort du philosophe.

Ma~r~-JPO~~ Sacratepar Lysias,signa-lée par les anciens (4))a été écrite, non pourlutter d'habileté avec un rival de talent ora-

toire, mais pour servir aux débats judiciaires;il est peu probableet presqueincroyableque le

(1)Gesch.u. ~<. d..P<<M..P~os.,t. t-,p. 629,et

D0<S'0(M*Ct<.<MCMM<.)p.l6.(3)T.m. p. 319et480.

(3)Spengot,Artt. )S'e~-tpp«.,p. l~t i ~<Au«M:t

~tj) ~MXpCtT6U(~pt)( n~UMetT~ ).t!~M,

(4)Schol.Plat.,~po: 18b; Diog.L-,11,40et 41.(4)Schol.Plat.,Apol.,1Sb;Diog.L.tII, 40et 41.

Page 252: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 227

rhéteur Polycrate ait choisipour thème d'une

amplificationde rhétorique, une accusation

contre Socrate, au moment même où pesaitsur la tête de cet innocent une accusation

réelle et dangereuse;mais M.K. F. Hermann

ajoute qu'il n'y apas dans le discoursde Poly-crate la preuve qu'onveut y voir, d'une œuvre

postérieure au procès. Selon lui, le sophiste

avait parlédes Long,sMM~s,et c'estPhavorinqui

ajoute, enle citant, qu'ils ont été rebâtis plustard par Gonon.Je ne vois pas sur quoi s'ap-

puie cette interprétation commentPhavorin

aurait-il, d'un détail ajoutépar lui-même,con-

clu à l'authenticité de la pièce? On pourrait

pourtout concilier,admettre que les mots 7rp~

ne~t~M'~ont été ajoutés par mégarde ou par

légèreté dans lesscholiesd'Aristide,ou bien, et

c'est l'opinionde M.Spengel, que Lysias,refai-

sant ou éditant sonApo~te, l'aura adressée,

peut-être avec une lettre, à Polycrate, ou en-

core qu'il en aura composéune autre aprèsavoir eu connaissance de,celle ouïe sophiste

attaquait une mémoire qui lui était chère. En

tout cas, il paraît à peu près prouvé que Poly-crate ne joua aucunrôle, ni de sa personne, ni

de sa plume~dans la condamnationde Socrate

et ne doit pas figurerparmi ses accusateurs.

Du reste, ses accusateurs n'étaient pas ses

Page 253: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YfK. DE SOCRATE228

seuls ennemis; outre une colère inquiète et

sourde,outre un soulèvementgénéral de Fopi-nion publique, aveugle ou aveuglée, des ini-

mitiés personnelles avaient dû travailler à le

perdre; nous ne connaissons pas tous les

noms, mais nous en connaissons du moins

quelques-uns.C'étaientThrasymaque de Chalcédoine,ora-

teur passionné et violent, que Platon nous

peintcommeune bête féroce,prêt à se jetersur

Socratepourledéchirera bellesdents (ï) peut-être est-ce ce personnage que Platon nomme

un orgueilleuxlogographe,et désigneà la nude

r~'M</t~MM~commeun des ennemisacharnés

de Socrate (2); Antiphon, nommé par Dio-

gène (3), qui exerçait le métier de devin, ex-

pliquant les songeset les prodiges,et se mê-

lant à ses momentsperdus, s'il faut en croire

Hermogène, de faire celui de rhéteur et de

logographe (4) un Antilochus de Lemnos,

(i)DeRep.,336b Mes~M~e* <~i~ «; ~M~m-M)Mtt{.

(2)~M<Ay~305e.C'estl'opiniondeWinckelmann,Prolegg.ad J?M~ p. xxHv.M. StallbawneKMt

qtt'aucamindividun'estdésignéet quePlatondépeintici touteuneclasse,celledesécrivainsdediscours.

(3)Iï, 46 THhe~Mt".(4)Vossius,Dc7tt~.Crtee.,p.3T3;Ménag.,aMlMo~.

L. II, 46;Fréret,/tc<td.!H<cWp<t. XLVÏI.p.aa~.

Page 254: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.t: PROCÈS 229

signalé par Aristide dans son troisième livre

sur la Poésie(1), et dont on ne connaît rien, pasmême exactement le nom ~2);enfin, Aristo-

phane, le célèbrepoète comique,auquel, à tort

ouà'raison, onattribue uneinfluenceconsidéra-

ble sur le sort de Socrate, par sa comédiedes

Nuées. On sait le rôle que le philosophejouedanscettepièce, et quoiqu'onpuissepenser de

l'influencequ'elle a exercée sur sa condamna-

tion, on ne peut pas dire assurément quellesoit Fœuvre d'un ami, ou même d'un indiffé-

rent. Représentéeen 433 pour la première fois,sielle a eu deux représentations,commeelle a

eu certainementdeuxéditions,cettepièce, qu'iln'est pas nécessairede croire composéeà l'ins-

tigation du haineux Anytus, quoi qu'en dise

Diogène,n'est pasla seuleoùAristo phanealivré

cenomrespectableà la risée publique, par des

plaisanteries,sinon toujourscruelles,du moins

toujours menteuses. Dans les OtM<M<a?,pièce

jouée en-414, il lui reproche, et nous savons

que c'est un reproche dénué de vérité, sa né-

gligencedecostumeet sasaleté(3).Dansles<?~<?-

(t)Cetouvrage,citéparDiog.L.,II,46,estperdu.(2)Ala fin de la ViedePythogoreDiogènedonne

intime;.

(3) Vers 1871 ~Mtwv. ~Mtt~M~, et t551 ~{.~c.;

tj.n-~tt SM~anf.

Page 255: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE230

nouilles(1),dont la date se rapprochebeaucoupde celle du procès, il signaleson intimité avec

Euripide,ce philosophedu théâtre, ce sophistedes poètes, commeonl'appelait (2),et qui pas-sait pour faire ses tragédies en collaboration

avec Socrate (3). Assurément ce n'était pasune intention bienveillante qui animait Aris-

tophane à régard d'Euripide, et on peut croire

qu'en associantà son nomcelui de Socrate, il

satisfaisait doublement un sentiment qui n'a

rien de communavec l'amitié. Je ne juge pasencorela conduited'Aristophane,je meborneà

constater que, soit passion, soitdevoir,ellen'a

rien eu d'affectueux, ni même d'impartial.Je sais que pour l'expliquer et ôter au poètetout motif d'inimitié personnelle, on rappelleles éternels et réciproquesgriefsde la philoso-

phie et de la comédiegrecques,et le scholiaste

d'Aristophaneinsiste sur ce fait, queuesautres

comiquesn'avaient pas plus que lui ménagéSocrate (4). La plaisanterie que les. hommes

sont sous la voûte céleste qui les enferme,

(1)Vers149!.

(3)Plut.,0~ V,p.848;AtJién.,IV,48;Sext.Emp.,<t~Ma~OM.,I,388 SX~UM;<ptXO(K())0;.

(3)Diog.L.II.,19.C'estpourcetteraisonqu'Euripidefut ménagépartouslessocrai.iques.

(4)'~M&&7.

Page 256: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCES 231

comme des charbonsdans un vaste étouffoir,avait été déjà faite par Cratinus contre le phi-

losopheHippon.Eupolis,quine fit mentionquerarement de Socrate, fut plus odieux qu'Aris-

thophane, car, danssa comédie,onpouvaitvoir

le philosophe,aumomentoù son tour arrive de

chanter, glisser l'aiguière d'argent sous son

manteau pour la dérober (1). Il ne cachait pasles sentiments qui l'animaient « Je hais, di-

sait-il, ce vieux bavard, ce vieux gueux, qui

passesa vie à méditer, et n~ajamais médité au

moyen d'avoirdequoimanger(2).»Ameipsias,dans son C'oM7M<y,qui avait remporté le prix sur

les Nuéesd'Aristophane,y avait inséréces vers

que nous a conservésDiogène(3) « Socrate,

homme rare parmi les hommes rares, mais le

plus fou parmi les fous, et toi aussi tu viens à

nous; tu es capable sans doute de supportertoutes les privations, mais tu n'as pas de quoi

(1)Aristophanen'estpasenreste car(~VM&v.181)il accuseaussiSocrated'avoirvoléunmanteaudansun

gymnase.Qherëphonn'étaitpasmieuxtraite Aristo-phanel'appelleunvoleur,un filsdelaNuit,unhibou.(Schot.0~. Plat.)

(3)Meinek-M. CoK.,p. 653,frag.311-:

Mtom~m KMSmxpKTK~ïo~'~TN~o<ot~oXeox~S<TeEXXctm'ppo'miKt,

~X<if)~t~ XXTCMpK~tM~Ot TC.UTOUKXTY'eMXE~.

(3)Diog.L..II.88.

Page 257: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YtEDESOCRATE232

te faire faire un manteau (1). e Avant Aristo-

phane, Dipbile, dont Meineke fait un poète iam-

bique, avait attaqué le philosophe Bœdas (2), et

ce que les poètes de l'ancienne comédie avaient

fail à visage découvert contre Socrate et d~au-

tres philosophes, les poètes de la moyenne le

firent, avec plus de discrétion il est vrai, contre

les académiciens et les pythagoriciens (3.)

C'est ainsi qu'on explique comment Platon a

donné, dans son .BsM~<, une place au grand

poète comique, et on soutient que le disciple

dévoué et fidèle n'aurait pas fait asseoir à la

même table, causer avec une familiarité ai-

mable et enjouée, se livrer à rentraïnèmcnt

d'une débauche commune, Aristophane et So-

crate, s'il avait pu croiré que ce dernier eût été

(t) Athénée (V, '!18) nous dit que, dans cette pièce,

Ameipsias n'avait pas mis Protagoras dans son chœur

depenseurs, ~TterMv.Je ne voispas pourquoi Roetscher

(Aristoph., p. 433)ne veut pas qu'on prenoe ici le mot

chœur dans son. sens étroit et technique. Meineke,

p. 208, et Fritzsch (ÛM-~M~opA.,1.1, p. 243)ont con-

clu, avec raison suivant moi, du récit d'Athénée qu'A-meipsias avait introduit dans son Connus un chœur de

sophistes occupésà la méditation et à la contemplation.Les sophistes et les philosophes, en tout cas, y étaient

joués, et probablement SoCtatey avait une belle part.(2) Schol. Aritt., Nub., Tf<;Meinek,~M<. o't<. corn-,

p.449.

~3)Platon le Comique avait fait une pièce contre les

sophistes. Schol. Arist., Nub., 330.

Page 258: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 233

la victimede l'autre. Ona donc dit, tantôt qu'il

n'y a riende grave et d'offensantdans les cri-

tiques d'Aristophane,tantôt que celui-cise se-

rait réconcilié avec le philosophequ'il aurait

apprisà mieux connau.re,et qu'il aurait même

fait à cette nouvelle amitié le sacrificede ne

pas remettre à la scène la seconde récension

qu'il avait faite des A!«~s.

Quant à ce qui concerne la gravite des im-

putationsdu poète, nous pouvonsnous enren-

dre comptepar l'impression qu'en avait reçueSocrate lui-même impression constatée partrois passages qui, bien qu'émanés tous trois

de Platon,n'en paraissentpas moinsavoir une

valeur historique (1).Le premier est le plus grave quoiqu'il nese

plaigne nulle part des autres poètes comiques,Socrate se plaint ouvertement d'Aristophane,constatant que des calomnieslongues et habi-

les ont remplile peuple athénien de soupçonscontresa personne;il s'écrie qu'il estcruel pourlui de ne pouvoirdémasquerces accusateurs

inconnus,dont il ne peut connaître ni la per-sonneni le nom, à l'exception d'un certain fai-

seur de comédies, t~ xa~<Bjo~e«~.Puis, il cite

les traits lancés contre lui dansla comédiedes

(1) Apol., 18c, et 19c; PA~oM, 'M b.

Page 259: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIKDESOCRATR234

j~VM~,où il était dépeint commeun homme

dontladémarcherévèlel'égarement,qui alapré-tention de marcher dans les airs, et qui débite

mille sottises sur des sujets dont il ne sait

ni peu ni prou. Enfin, dansle .PA<~OM,au mo-

ment d'aborder la question de l'immortalitéde

l'âme, il s'arrête pourfaireobserverquesiquel-

qu'un l'entendait parler en ce moment,il ne

pourraitpas dire,fût-ilmêmeun poètecomique,

qu'il perd sontemps à bavarder (1) et à parlerde chosesqui ne l'intéressent pas.

Il est difficiled'admettre avecM. Stallbaum,

que Socratene se plaint pas ici d'Aristophane.mais de la légèretéfrivoleavec laquelle le pu-blic va chercher, dans des plaisanteries sans

fondementsérieux, des sujetsd'uneaccusation

grave et bientôt d'une accusation capitale (2).Si l'on ne sent pas dans le ton de ces pas-

sages une amertume profondeet un reproche

(1)A~A~M.SurFtt~~txMreprochéeauxphilosophesparlescomiques,voirRuhnkh.adXen.Mem.,1, 3,31:TuXHtpTM;y~MO~t;t)]!9THfKcMLM~tStïtjtNjtt~M.Est-iltJtieS-tionicidelaphysiqueondelarhétoriquesophistique?

(2)Stallb.,Derationibus~MoM~aMt~t«BinterSo-cra~Mt ~M~<M~y*Mr!<MM~'c~MefMM~(p.15).Maiscrateinet ejusexprimeuneopiniontrès-dinërente15).MaisM.Stallbaumexprimeuneopiniontrès-ditrérenteailleurs(Pt'o!e~.ad .P~t<.~SyMp.XLT) <: Acerbmsin Apo-«logiaSocratesdeAristophaniscalunnuisconquestus

est.

Page 260: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.K PROCKS :i

sévèreet indigné, c'est que le caractère de So-

cratene se prêtait pas à cette véhémenced'in-

dignation, et on ne peut s'empêcher d'y recon-

naître un orgueil assez dédaigneux et une iro-

niepénétrante, si ellen'est pas cruelle.

Maintenant,croire à une réconciliation de

Socrato et d'Aristophane, opinion à'laquelleM. Stallbaum a renoncéaprès l'avoir vivementt

soutenue (1) et qu'avait proposéeGroen Van

Prinsterer, c'est oublieret les termes même de

r~o!o~«'de Socrate,et la date où se place né-

cessairement dans sa vie ce discoursplusou

moins historique. D'un autre cOté,croire quePlaton avait pardonné au poète, soit la part

qu'il avait' pu prendre au procès de Socrate,soit la haine qu'il lui avait témoignée,semble-

rait accuser l'indifférence ou la tiédeur pourune mémoirequi lui était si chère. On a voulu

que le rôle d'Aristophaneait été introduit dans

le ~<m~«?<pour mieux faire sentir par le rap-

prochement, l'infériorité intellectuelle du

poète (2). On voit un reproche amer et violent

dans la mention faite par Platon, qu'Aristo-

phane ne s'occupait que de Bacchuset de Vé-

(t) StaUb-,De ?*a<oM.,p. 14;Z'M~M~.M~M/~y~p. 56.

(2)StaUb.,.Pt-oJ< ad Symp.

Page 261: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YtEDUSOCRATE~:«;

nus (1); il est plus naturel de n'y voir qu'uneallusion à l'esprit plein de grâce et à l'objet

spécialdestravauxdu poète,et nonune critiquedesesmœurs,qui ne seser&itcertainementpas

produiteen ces termes (2).Le hoquetqui l'em-

pêche de prendre la paroleà son tour est con-

sidéré comme une ironie malveillante, parce

qu~onFattribueàsonintempérance.N'est-cepas,

dit-on, rendre Aristophaneridicule que d'op-

poser à la fablequ'il raconte le mythe sublime

et profond de Diotime, qui prouve qu'unefemmemêmeen sait sur l'amour plus longquelui? Enfin l'éloge magnifiquede Socrate par

Alcibiade,n'est-il pas une réponse victorieuse

à toutes les calomniesde Fauteur des Nuées,et n'est-il pas suffisammentpuni et Socrate

suffisammentvengé, lorsqu'il est obligéd'en-

tendre cette apologieet réduit à se taire ?

Onaura beau faire,on aura bien de la peineà trouver dans ces compliments,ou dansquel-

ques piqûres légères, quelque chose qui res-

sembleaux cris d'une amitié cruellementbles-

sée (3). Pour moi, je renonce à dire, parce que

(1)SytMp.,e &TttftAtOWMXt!Â~pC~tTWTMMtZ<~M~-

T~tëo.(2)C'estcependantl'opiniondeWo!fetdePaMcins,

BtM.~r<pc.,vol.I,p. '706.

(3)Ilestvraiqu'Olympiodore,in Phoed.p.44,pense

Page 262: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS M7

je lesignore, quels motifsont pousséPlaton à

faireà Aristophaneune placeà côté de Socrate

dans son Banquet; je me borne à remarquer

qu'il ne serait pas plus aisé d'expliquer pour-

quoi il a faitde ce monstrede cruauté, du plusférocedes Trente Tyrans, deceluiqui avait in-

terdit à Socrate,souspeinede mort, L'exercice

d'une professionqu'il aimaitautant et plus quela vie qui a proféré contre lui des menaces

que la chute de la tyrannie l'empêcha seule

d'exécuter;pourquoi,dis-je, il a faitde Critias,dansle T:M~, un si magnifiqueéloge, et a im-

mortalisésa mémoireen lui consacrant le dia-

logue inachevé qui porte son nom. La parentéde Platon avec Critias ne sera sans doute aux

yeux de personne une raison ni une excuse.

Maintenant, quels motifs ont.pousséAristo-

phane à donner à Socrateun rôle odieux dans

la comédiedesNuées?A-t-ilété achetéparAny-

tus, commele disent les huitièmeet neuvième

arguments, tandis que la scholie du vers 623

dit simplementque ce fut pour être agréableà Mélétus et Anytus, et observe d'ailleursqueses accusations portent sur les philosophes

qu'il n'est pas fait allusionà Aristophane,mais aEupolis,dansle ~P~~OM.C'est une assertionsanspreuveset quelesdeuxpassagesde l'/4po!o~!e,appli-cablesuniquementMAristophane,détruisent.

Page 263: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDËSOCHATE238

en général (1).Quandbien mêmeon admettrait

qu'Aristophane eût été capable de se vendre

pourun tel rôle, comment supposerqu'Anytuseût préparé,vingt-trois ans d'avance, son com-

plot?Le poète avait-il des raisonspersonnellesde

haïr Socrate?L'auteur du premierargumentdesNuéesest seul à nous dire que ses ressenti-

ments étaient attribuéspar quelques-unsà la

préférence qu'Archélaûs, roi de Macédoine,avait témoignéeà Socrate, et dont le comiqueaurait souffertcommed'une injustice et d'un

mépris. L'amitié de Socrate pour Euripide .(2)est le seul motifqu'on puisse fournirpour jus-tifierouplutôt pour expliquerla conduite d'A-

ristophane mais on ne peut guère s'arrêter

sur une cause si peu naturelle, si mal garantieet désapprouvéemême de l'écrivain qui nous

l'a racontée. N~ya-t-il pas eu donc d'autre

cause que la rivalité des poètes et des philo-

sophes, fondéesur des raisonsd'un ordremoral

et politique très-élève (3)?9

(1) KoMT!);~tÀM!)<Mu;'MtAMx'!);<~m&)[)Aen.

~2)Iln'aUait,pourainsidireJamaisau théâtre,si cen'estquandony représentaitlespiècesdesonami.

(3)Arg.des~VM~<M:Tf'vXt~MM~~9;T! ~.eM~Mu;i~M-TM<Tt<ZOivrt/[MM.

Page 264: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

t.KMtOCÈS 2:~

M. G. Hennann (1)pense qu'Aristophane,non plus qu'Eupolis et Ameipsias, n'a eu des

raisons si profondeset si délicates; ils ont été

conduitsuniquement par le désir de faire rire,sans qu'on ait droit de leur supposer un senti-

ment dehaine ou d'irritation or, Socrate leur

fournissaitun beau sujet. La personnalité de

Socrate, connu de tout le monde, vivant cons-

tamment sur la placepublique, dont la figureétait d'une laideur étrange, dont les habitudes

et le langage choquaient les usages élégantset même reçus; qui, au milieu de ga pau-

vreté, gardait, dans l'ironie même de sa pa-

tience, le sentiment très-fierd'une supérioritéintellectuelleet morale, le rendait très-facileà

mettre en scène et très-propreà être le type

populaire du philosophe ridicule ou du so-

phiste grotesque. Il ne faut pasattacher trop

d'importance aux invectives de cette comédie

ancienne, qui, pour obtenir le succès du rire,se permettait tout. Ainsis~eXpliqueraitque Plà-

ton n'a pas gardé contreAristophaneles amers

ressentimentsque nous sommesdisposésà lui

prêter. Socrate nous apparait consacrépar le

temps, la gloire et la mort; il n'apparaissait

pointainsi à ses concitoyens.Aussi Aristophane

(1) P~ <t~JVM&p.33.

Page 265: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

240 VIEDESOCRA.TE

ne commettait-il pas un grand crime quand,

vingt-trois ans avant' toute poursuite judi-

ciaire,il venait à se moquerde Socrate,comme

il se moquait de tout le monde, et du peupleathénien en personne.

Ce sont là, je crois, des idées très-raisonna-

bles et très-justes, et que j'accepte en partie:

je dis en partie, parce que je ne puis m'empê-cher depenser qu'il y a eu quelque chose de

plus sérieux dans les attaques d'Aristophane.

.C'est assurément une erreur, ou du moins

une exagération, de prétendre que la comé-

die grecque était une espèce d'institution po-

litique et commeun organe de la démocratie

athénienne. Je suis très-persuadé que, chez

les Grecs comme chez nous, on allait au

théâtre pour se distraire, et à la comédie

pour s'amuser et rire maison ne peut s'em-

pêcher de reconnaître que si cet élément,

qui est le principede l'art, domine dans la co-

médie d'Aristophane, il s'y mêle un élément

moralpratique et sérieux, l'intention évidente

et avouée d~exercerune actionsurf esprit et

les déterminationspopulaires, intention qu'onne retrouve pas au même degré dans les litté-

ratures modernes, où l'art est plus profon-dément séparé ou distinct de la vie. La poé-sie a été précisément~ jusqu'au temps des

Page 266: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 2-it

14

sophistes et de Socrate, l'unique instrument

del'éducationchez les Grecs.Ce n'est pas seu-

lement Homèrequi est le maître de la vie

morale(1);ce ne sont pas seulement les poètes

moralistes,commeSolon,Théognis, Simonide,*

Phocylide, qui se croient tenus de faire la

leçon aux hommes les poètes comiqueseux

aussi avaient cette prétention jusqu'à un

certain point légitime. Aristophanefixe ainsi

lui-mêmele rôle de la parahase dans la co

médie «Lechœur sacré doit donner de sages,conseils et d'utiles leçons aux citoyens (2).

Pourquoi devons-nous notre admiration au

poète? A cause de la sagessede ses enseigne-ments. C'est nous qui rendons les hommes

meilleurs (3) aux petits enfants, le maître

est celui qui leur parle; mais, pour ceux quisont arrivés à l'adolescence,le maître, c'est le

poète(4). y

Le sujet desJVM~sa certainement son côté

grave; il pose l'éternel problème, le grand

drame de la vie sociale et politique la lutte

du passé et de l'avenir qui se disputentle pré-

(1)DioN.HuL,Ep.ad foMtp.,p.'756 T'<xUv)Mt-

~e!x~eHM'!tapfM)EVs!;TMp!(~.(2)R<iM,.T. 686.(3)Ran.,v. 1008.(4) ~Rt! v. 1083 TM;~ëùT~ TTO~M{.

Page 267: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE242

sent. Là pièce est évidemmentdirigée contre

les sophistes,qui commençaientà se substituer

aux ancienspoètes dans l'éducation de la jeu-

nesse, et, par une discussion universelle et

une critique souvent sceptique, ébranlaient les

règles acceptéesde la vie morale, fondée jus-

que-là sur l'autorité, la tradition et la coutume.

Rien n'est plus beau, plus grave, plus tragi-

que même que ces plaidoyers de la Justice et

de l'Injustice, mis si vivement en scènepar le

génie dupoète. Remarquonstoutefois que les

thèses odieusesnesont pasmisesdansla bouche

de Socrate, et qu'aucune personnalité même

ne se découvredans ces éloquentes invectives

du sens communet du.sens moral le Juste et

nnjuste sont des personnages abstraits (1).Maisil n'est pas moinscertain que Socrateest

représentécommeun maîtred'erreursfunestes,ruineuses des relations de famille comme des

croyancesreligieuses; il est accusé de joindreà des spéculationsde physique, vaineset inu-

tiles, qui ne pouvaientque porter atteinte aux

idées reçues sur la divinité des astres, à des

recherchesde dialectiqueniaise, des railleries

(1)M.G.Hermanntrouveunedescausesdel'insuc-cèsdesNuéesdanscesdeuxabstractionspersohniSéescontrairesauxhabitudesdela comédieancienneet augéniemêmedela comédie.

Page 268: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 243

impiessur les dieux de l'Etat, et surtout une

adresse perfide dans cet art sophistique de

la parole,qui donne à l'Srreur les apparenceset les couleursde la vérité, et sait faire d'une

cause injuste la plus juste des causes, Aristo-

phane ne sebornaitpas &lui préterces théories

dangereuses;il montre un père de famille in-

sensé, amenantson nlsdans l'école de Soorate

pour y apprendreces bellesmaximes, et le fils

profitesi bien des enseignements de son maî~

tre que, sans respect pour la piété filiale, ils'oubliejusqu'à frapperson père, et, ce qui est

plusgrave encore,justifie sa conduite par d'o-

dieux sophismes,et prétend démontrerqu'elleest conformeà la véritablejustice. Enfin, et ce

trait ne doitpas être nus de côté, le père com-

prenant, mais trop tard, par sa propre expé-

rieuce, combien é.taien.tpervers ces principesd'une moraleraisonnée,combien funestes ces

novateurs audacieux,ne prenant plus conseil

que de sa colère, court à la vengeance et in-

cendie la maison,de Socrate. N'était-ce pas

provoquerdirectementles ressentiments et les

vengeancespopulaires,et dire hautement quedevantde pareilles immoralitéset de pareilles

impiétés, le mépris et le ridiculene suffisaient

pas; qu'il fallait les détruire par le fer et par le

feu; qu'il-fallait,en un mot, commeon l'a trop

Page 269: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VJEDMSOCRATE2.H

souvent répété depuis, que la société me-

nacée, si elle voulait être sauvée, prit des

mesures de salut public où la fin justifie les

moyens. Ce n'est pas encorele momentde sa-

voir si Aristophanen'est pas allé trop loin, et

s'il est vrai qu'il ait, par son exagération

même,compromisle succès de son ouvrage.M. 6\ Hermannvoudrait savoir pourquoi les

Athéniensont préféréles piècesde Cratinuset

d'Ameipsias, à celle de leur concurrent quinous vante Im-mêmela sienne comme un de

ses meilleurs ouvrages. C'est être bien cu-

rieux nous avons perdu les deux comédies

qui lui ont ravi le 'prix, et, par conséquent,toute comparaisonparaît impossible.Cette cir-

constance,qui aurait arrêté tout le monde,n'a

pas arrêté l'insatiable et peut-être indiscrète

curiositédeTillustre savant. Il imagine donc

qu'en prêtant à Socrate des opinions et des

mœurssi contrairesà la vérité, en ne présen-tant qu'une charge au lieu d'un portrait, il

avait ôté à sa peinture ces traits de fidélitéquien auraientfait le prix. Je voudrais pouvoir le

croire; je voudraisque ce qui nous paraît une

infâme calomnie eût pu avoir aux yeux des

Athéniensce mêmeaspect, et leur inspirer le

dégoûtet la colère qu'elle nous inspire. Mais

comment l'admettre quand nous voyons que

Page 270: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 245

14..

ces griefssont ceux-là même que reprend là

formuled'accusation, et que développaientles

plaidoyers d~Anytuset de Lycon, commenous

pouvons le voir dans l'Apologie de Platon et

les .M~o~&~ de Xénophon? Comment l'ad-

mettre enfinquand nous savons que cesgriefs,articulés par les accusateurs, furent accueillis

par les juges et sanctionnés par une condam-

nation à mort ?

Ce n'est donc ni la légèreté, ni l'insigni-

nance, ni l'invraisemblancedes calomnies des

~VMée~qui ont portéPlaton à donnerune placehonoraire à Aristophane dans son dialogue,et Xénophonà ne faire à cette comédie quedes allusionssans récriminationet sans amer-

tume, tandis que leur indignationéclatecontre

Anytus et Mélétus,seuls responsables, à leurs

yeux, du malheur qui avait frappé leur maî-

tre. S'il'faut deviner les causes de cette indul-

gence, j'imaginequ'elles se ramènent toutes à

ceci dans une ville où l'attaque la plus libre

et la plus vive des hommes, commedes idées

et des choses, était une pratique universelle,la dénonciatioRd'Aristophane,moitié sérieuse

et.moitié plaisante, ne heurtait pas les senti-

ments des meilleurs amis de Socrate, comme

il froissenos instincts plus délicatsou nos ha-

bitudes moinsviriles. Si Aristophanedésignait

Page 271: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE246

danssa comédie,Socratecommeun ennemide

la religion, de l'ordre, de l'État et de la famille,Socraten'en faisait-ilpas tout autant à l'égarddes sophistes,et avecuneironienonmoinssan-

glante ne les livrait-il pas à la risée et à l'indi-

gnationpubliques?Et Socratene s'en prendpas

seulement aux sophistes,laplupart étrangersà

Athènes,il s'attaque aux plus grands hommes

de la patrie, à Thémistoclecommeà Périclèsil les accuse d'avoir corrompu leurs conci-

toyens qu'ils croyaient avoir sauvés, et com-

mencé la ruine d'une ville dont ils passaient

pour avoirfondélagloireou augmenté la gran-deur. Non-seulement il agissait envers eux

commeAristophane agissait envers lui, .maison peut dire qu'il employaitles mêmes armes,et versait à pleines mains sur ses adversaires

leridiculeparlaplusterriMe ironie. Quel sa-ë

tjriqueque 66 Platon s'écriait Gorgias. Quel

comiqueque ce Socrate! aurait-ilpu dire avec

autant de raison. Commentdonc Platon au-

rait-il penséà se plaindrequ'on employât con-

tre Socratecesarmes quelui-mêmeet sonmaî-

tre savaient si bienemployercontre les autres?

D'ailleurs, vingt-trois années s'étaient écou-

lées depuis la représentation des ~VM~,et jecrois que personne, à Athènes, pas même

les amis de Socrate, n'ont attribué à cette

Page 272: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.B PROCÈS 2~î

pièce, ni l'accusation dont il fut l'objet ni

la condamnation dont il fut la victime, et

qui s'explique parfaitement sans cette hypo-

thèse.

Au nombre des ennemis qui, en unissant

leurs haines, ont conspiréla mort de Socrate,

ona pendantlongtempsplacéles sophistes.C'est sur le témoignage d'~EUen(1)qu'a été

portéecontre eux cette accusation,dontFréret,

dans un mémoirequi est un chef-d'oeuvredo

scienceet desaine critique,a depuislongtempsdémontréla fausseté et l'injustice.

~Eliensoutient que la cause de la mort de

Socrate~fut l'immense succès de la comédie

d'Aristophane,reçue,dit-il, avecdetels applau-dissements que le public força les juges, parses acclamations,d'inscrire le nom de son au-

teur avant celui de tous ses rivaux. Or, il est

constantpar les scholies et les anciens argu-

ments, tirés des Didascaliesoù les critiques

grecs avaientdéposél'histoire du théâtre, il est

certain par la pièce elle-même,qu'elle échoua

une fois certainement deux fois peut-être si

elle fut jouée deux fois, et qu'elle n'o~t pas

d'autre représentation.Noussommesdoncdéjàen droit de récuserun témoin si léger et si mal

(1)7?M<.var., II, c.xui.

Page 273: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE248

informé,quand il ajoute que ce furent les so-

phistesirrités desrailleriesde Socratesur leurs

opinionset leur conduite,qui engagèrentMélé-

tus et Anytus à donner une somme d'argentconsidérableàAristophanepourqu'il exaspérâtcontre leur ennemi l'opinion publique.

Fréret a prouvé., et d'une manière invin-

cible

1° Que les sophistes n'étaient pas moins

maltraités que Socrate par Aristophane,qui

n~attaqueen lui qu'un sophiste, et la sophis-

tiquemême;2° Qu'Anytus et l'opinion publique étaient

aussi irrités qu'Aristophane pouvait l'être

contre les sophistes, dont le plus grand,

Protagoras, avait été frappé par un juge-ment..

La conspiration des sophistesest donc une

inventiondesécrivainspostérieurs,légèrement

reproduite parun historien, « sanschoix, sans

discernementet sans exactitude. n

Sicecomplotestimaginaire,lescirconstances

danslesquellesse présentaitl'an'aire, n'offraient

à l'accusationque trop de 'chances, et malgrél'illusion de,ses amis qui croyaient une con-

damnationimpossible,Socrateplusclairvoyant,s'attendait au résultat, qu'il fit peud'enbrts, on

doitl'avouer, pour éviter, quoiqu'on ne puisse

Page 274: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.E PROCÈS 249

dire qu'il l'ait secrètement désiré et indirecte-

mentprovoqué.Les accusateursne se bornèrent pas à déve-

lopperle thème de la formule judiciaire au-

tant que nous pouvonsen juger par les écrits

de Platon et de Xénophon, ils y ajoutèrent des

chefs nouveaux(1).'On lui reprochadevoir excitéà la haine et au

mépris du gouvernement, en soutenant qu'ilétaitabsurde deconfierau hasard, c'estrà-direau

sort, le choix des magistrats (2)et deschéfsde

l'État ils insinuèrent que c'étaient ses leçons

qui avaient forméCritias et Alcibiade(3); ils

l'accusèrentd'avoirconseilléà sesamisde trai-

ter avec hauteur et violence le petit peuple et

lespauvres(4) ses commentairesperiides ar-

rachaient aux poètesles plus purs les ensei-

gnementsles plus détestables, c'est ainsi qu'ilautorisaitpar un vers d'Hésiode cette abomi-

nable maxime,que l'action en soi est toujours

(1)Liban.,~poL<S'p. 17,est le seul,je crois,quiprétendequ'Anytusréclamadansl'affairel'interventiondesorateurs,interventionillégale,dit-il,puisquelesorateursn'ontdecompétencepouraccuserquevis-à-visdeceuxTxMMK~parTo~TM~,etc.

t2)Xén.,jM<MK.I,9.

(3)Xén.,M~I,3,I8.(4)Xén.,Mem.,I; 2, 59.

Page 275: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE2:i0

bonne, quelle qu'en soit la moralité (1); enfin

il allait jusquedétruire dans l'âme des jeunesgens toute obéissanceet tout respect de l'auto-

rité paternelle, disant que c'est au sage à cor-

riger Finsensé,et quesi le fils est le sage et le

pèreFinsensé,c'est au fils à réprimanderet à

châtier son père (2). Sophisteindiscret et don-

gereux, Socratene s'occupepasseulementd'é-

tudes de physiqueinutiles et de niaiseries dia-

lectiques,il nie l'existencedes dieux de létat,

en détruit la religionantique et sacrée, et ren-

verse à la foisles fondements de la morale, de

la justice, de la raison,en pratiquant et en en-

seignant Fart détestable dedonneràFerreur et

au mal les couleursde la vérité et de la vertu.

De ces griois, les uns, commeon le voit, ne

sont quele développementdes chefsdel'accu-

sation oS'enseàla religionreconnue,-et préci-sion de la vagueformulede corruption de la

jeunesse. M~s il y en a un tout nouveau ce

sont ses doctrines politiques, son mépris du

gouvernement démocratiqueet -sa préférence

marquéepour l'aristocratiedonenne.Deceque

le griefne fait pas partie de la formulejudi-

ciaire, on n'a pas le droit d~enconclurequ'ilne

fut pas mis en avant par Anytus ou Lycon, et

(l)Xen.,MeM.,I,3,56..(2)Xcn.,Mem.,I, 2,49.'

Page 276: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.Ë l'KOCËS 2!Ha

qu~iln'eut pas sur l'issue du procès rinûucuco

la plus décisive.Ëtait-ilinterdit aux avocatsde

plaider d~autresmoyens que ceux que conte-

naient leurs conclusions écrites?Je Fignore

j'ai de la peine àlecroire devant les termes

de Xénophouqui fait précéderchacundes iai<ss

articulés contre Socrate de la formule iden-

tique OKo!.f)i~-Cj}6{~t).Soit méprisde la mort, soit convictionque

son rôleactif était terminé et sa vieutile ache-

vée, soit seulement qu'il fût certain de l'inuti-.lité de ses p~orts, Socrate répugnait à se dé-

fendre il sentait qu'il valait mieux pour lui

mourir que de vivre (1); mais il voulut

encore en cela obéir à la loi, et essayer de

remplir cette tâche;,quelque difficile quellefût (2).Ce ne fut donc pas dans son intér6t,mais dans l'intérêt de ses concitoyens, et

pour remplirun devoir, qu'il résolut de se dé-

fendre, et se détendit il se défendit même

sérieusement, sans vouloir,il est vrai, abaisser

soncaractère, ni laisser compromettre en sa

personne les droits de la libre pensée et de

la vérité. Il voulut préparer un discours et

(1)X6n.,~tpo! 1et4 Mem-,1-V,8,6;Plat.,~po~p.29b,c, d,et 30c.

(2) Plat., ~4po7., 19 a M~t 0"~ ~s.mf t~on. ou.<m~STM~OU.MIrCtdTEM.

Page 277: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE252

le méditerd'avance il s'y remit mêmeà deux

fois deuxfoisle signe divin l'en détourna(1).Il obéit enfin à cet ordre réitéré, d'ailleurs si

conformeà son propre sentiment et à ses habi-

tudes, et se présenta sans discours écrit, pré-

paré, ni médité, se fiant à l'inspiration du mo-

ment, et résoluà ne rien changer aux allures

familièreset simplesdesaparole,ni à l'attitude

un peu dédaigneusedans sa fierté, qui con-

vient à l'innocencecalomniée.Sa deviseétait

que le devoirde l'orateur était uniquement de

dire la vérité et toute la vérité, celui des jugesde la discerner et de la proclamer(2). Lysiasavait écrit pour lui un discoursapologétique

après en avoir entendu la lecture C'est un

beau discours,dit-il, mais quine me convient

pas (3).-Et comment,repritLysias,ne te con-

(1)Xén-,Apo: 4;W<MK.IV,8,5.(2)Plat.,~po! p. 18a.(3)DiogènedeL., 11,40,quiparaitl'avoireuentré

lesmains,dit quec'étaitun discoursplutôtdugenrejudiciairequedugenrephilosophique.LeScholiastede

Platon,~4po~18b, enparleaussicommes'ilexistaitdesontemps,et nousapprendqueLysiasy prenaitàpartieMélétus.L'auteurdesFt<.jr(3r<t<danslaviedeLysias,lecaractériseparcesmots::MT~<MjMw,Tmt~xMTMv,c'est-à-diree adjudicumanimoscommovendoscomposita.»

D'aprèsCicéron,de Orat.,î, 54, SocratereprochaaudiscoursdeLysiasdemanquerdeuertévirileetde no-blessecourageuse,«disertamsibiet oratoriamvideri,

Page 278: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 2M

i51

vient-ilpas s'il est beau? Ne sai~-tu pas, lui

réponditSocrate, que les belles chaussures et

les beauxhabitsne mevont guère. Stobéemo-

difip unpeu les termes de la réponse sans en

changerle sens. Lysias ayant dit à Socrate

que son discoursne lui paraissait pasmanquerde beauté « Lesroses aussi, réponditle philo-

sophe~sontbien belles, et néanmoins il ne me

conviendraitguèredemecouronnerderoscs(l).Le couragede cette conduitene peut en faire

méconnaître la signification un peu dédai-

gneuse ce n'est plusun prévenu qui se recom-

mandoen suppliantà la justice et à la bienveil-

lance de ses juges,c'est un homme supérieur,un maître qui se croit en droit de donner des

leçons et de signifierdes ordres(2).Cettehau-

teur d'attitude,qui avait sa source, non dans

un vain orgueil, maisdans une vraie grandeurd'âme (3), necontribuapaspeu sans doute à le

fortemetvirilemnonvidori)'.Cf.Qu!ntH.,XI,1!),30,ehXI,1,11,Val.Max.'VI,4,3.Nousavonsdéjàrappelél'o-pinionquiattribueà Lysiasdeuxdiscoursapologétiques,l'unantérieur,l'autrepostérieurà lamortdeSocrate.Cetteconjecturenes'appuiesuraucuneraisonsérieuse.

(1)Stob,,~fMOK.,VIII,9.,(2;Cic:.de_Orcct"T,54: a :1Li~onâisÿp3e::auL~eus,.(3)Cic..<0rs< I, 54 <[Utnonsnpplexautreus,

sedmagisterauldemmas'vid&rëturesEojndicum."J)

(3)Cic.,Tuscul.,l,39:<tLiberamcoBtumaciama mag-nitudineanimiductam,nona superbia.»

Page 279: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

V]EDESOCRATEM4

perdre, maisn'autorise pas cependantl'opinion

qu'il ait désiréet ouvertementprovoquésa con-

damnationen irritant à desseinsesjuges. Je ne

voispas queSocrateait reconnu ~~cesst~de

sa mort, et qu'il ait nulle part dit ou fait en-

tendre «qu'il est inutile de reculer devant la

nécessité, qu'il faut que sa mort s'accomplisse

et queson.heure est venue (l).<Sans douteil

déclarequ'il aimemieuxmourirque de renon-

cer à son devoir, qu'il aimemieuxobéirà Dieu

qu'aux hommes maisil n'anulle part expriméla pensée que sa condamnationfût une chose

nécessaire.Parcequ'il se défendavecnoblesse,on n'a pas le droit de dire « qu'il abandonne

de proposdélibéré le but immédiat d'une dé-

fense, et qu'ilparle pourla postéritésanssouci

de la vie (2) ~o~po~ c~<ï,<~ <)~Mp<tsP~ MN?MM?M<~M.f

C'eût été là, commepour Othonà qui Tacite

applique ces admirablesparoles,une prépara-tion un peu artificielle, théâtrale, un calcul,une pose, comme nous dirions, contraire à sa

simplicité,et d'ailleursune formeindirecte du

suicide, contraireà ses'doctrines.Rien n'empô-chaitlesAthéniensd'écouterlavoixdela raison,

(1)M.V.Cousin,~f~. r~poL,p. S8.

(2)M.Croie,H~t.de la 0~ t. VII.p.328ttrad.fr.

Page 280: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M:j't:o<KS S S!i!)J

de rhumanite el delà justice. Sa condamnation

n~étaitpas, comme on l'a dit, &forcéeet un

résultat inévitable dela lutte qu'il avait enga-

géecontrele dogmatismereligieux et la fausse

sagesse deson temps (1). N'introduisonspassi facilementla fatalité dans l'histoire où elle

expliqueraitet justifierait tout. Les Athéniens

auraientpu.e~auraient dû écouter les vérités

courageuses que Socrate mêlait à sa défense,et il ne leur était pasimpossibledol'acquitter.

Socratese défendit donc(2),sansespérance,sans illusion, mais aussi, à mon sens, sérieu-

sement,,sans découragementet sans s'abandon-

ner, CMil se croit et se proclameinnocent (3).Nous avons, sous le titre d'A~o~ So-

c~a~ deux discoursattribuésl'un à Xénophon,l'autre à Platon.

L~Apo7o~~de Xénophon avait longtemps

(1)M.V.Cousin, de~po!. de P~ p.59.(8)Fut-ilseulà prendrela parole?accepta-t-illeçon-

coursd'autresorateurs?S'ilestvraiquePlatonvoulutmonterùla tribunepourprononcerundiscoursensafaveur,silesparolesqueJustu~deTibériadeluimot.dansla bouche,(Diogenp,II,41 ~MTc~o;N< Tm<ou-MjMiu.').xT.T*6x'<TM-<),avaientétéprononcées;il faudraitbienl'adtnett.re,quoiquele fait puisseparaîtresemalcon-cilieravecl'aLtitudedeSocrateauprocès.

{3)-~ârca~r~at'fu~n~cspi~si~ursrlesssamisprirent{S~XAnopiMm afërjae ~pM pittsieurs de sesamis prirent

la parole pour le défendre, ~4po~ 32 TMf o~K'Yo~uotTm~

~tiM~ ftUTN.

Page 281: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

256 VIE DE SOCRATE

passé pourune pièceauthentique elleestcitée

comme appartenant à Xénophon par Diogènede Laërte (1), qui la compte dans le cataloguede ses ouvrages;par Athénée, auteur d'un

'*T~eyM/or~<e attribuéà Denys; enfin parStobéequi en reproduitquelquespassagesavec

lamentiondu nomdeXénophou.WalcL:enaër,dans ses notes sur lesM~or~M~ (2),est, je

crois,lepremierqmàitconte8térautlientiGitédecemorceauqu'il trouveindign~dugéniede Xe-

nophon,et,argumentquimetouchedayantage~

qu'il montre composéentièrement des .M~ntO-

ra~ sans contenifaucune idée nQuvelîeni

aucunfaitnouveau.D'ailleurs,rÂjpo~o~deXé-

nophon est un récit plutôt qu~undiscours le

plaidoyerde Socratetient unepetite placed:ans

'unepiecëqui elle-mêmeest de peu d'étendue.

L'auteur ~écla~ point, eu l'intentionde reproduire intégralement, ce grand dé-

bat (3),soinque d'autres que lui avaient déjà

pris (4);il veutséulemehtinsiàter sur~~u~~point'

particulier, savoir, qu'il yalaitmieux ppurSo-

crate mourir que vivrëi Sans juger aufond de

(i).n,s?.(2)Me)M.,I,l.~(3) Xén.ip0~. 22 ÂM-'symm TKscKra sn:SK T~~

~tXit:6!m:.Ù~ftt!K.

(4) Xén., ~Ipo~ 3] ~'<Ypx~ïct~.s' 'Kh'iT;uT~ z?~a).x~tt

Page 282: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

J.EPROCMS 2S7

l'authenticité de cette pièce (1), nous n'avons

qu'à la lire pour être convaincus qu'elle n'est

pas le plaidoyerde FUlustreaccusé,et ne re-

produitmêmepas la physionomieexactedeson

discours.

Il en est autrement de l'Apo~K? de Platon,

quoiquel'authenticité en ait égalementété at-

taquée. Ast la croyait l'oeuvre d'un faus-

saire (2), et je me rappelle que M. Cousin,eu

m'entretenant de cet ouvrage,le trouvait bien

maigreet d~untissu bien mesquinpour le gé-nie dè-Tlàton.Cen'estpas là une opinionnou-

veHe:Frëretl'avait déjà expriméeet l'appuyaitsur le jugement deCassiusSévérusqui jugeaitce discoursindigne à la foiset deFavocat et du

prévenu(3),necps~'o~o,?~cy<?o~~MtM,et elle

a été soutenue avec beaucoupde savoir dans

(l)Préretla,croitauthentique,etmêmeplus'véritable-

meûthistofiquequecelledePlaton,car,dit-il,Xénophonla tenait dhormogène,à quiSocrateavait fournicesrenseignements.Maiscetteassertionnereposequesurl'po~o.</temêmeet ne peutévidemmentservirà endémontrerl'authenticité,queSchneidera soutenuepard'autresarguments.Pornemannet ZeUerla tiennentpourfausse,etWalkenaërl'attribueàFauteurdela findelaC~f/p~Keetdeplusieursautresouvragesattribuésà Xénophon.

(2).As.,P~<oM'sZ/ë6gM.,p. 69.(3)Senec.,C8M<ro~l.111~prset'.C'étaitunorateurcé-

lèbre,Plin.,~ts<.JV<K.VII,13.

Page 283: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE258

un livre récent (1)qui, à son tour, a été très-

doctement et très-Imbilementréfute (8).J'avoue que je ne, peux pas partager ces

soupçonsetque je réprouve pas ces scrupules.CitéeparThomiste;,Proclus,Diogènede Laërte,

Origène;Aristideet les vieuxgrammairiens(3),

l'Apologieest vantée pourla perfectionde Fart

et du stylepar Denys d~Halicarnasse,qui n'est

pas suspect d'une très-grande partialité enfa'-

veur de Platon (4), et il faut 6tre prodigieuse-ment délicat pour être plus difficile que ce

riioteur; enfin, si elle n~estpas nomiHée'par

Anstote, il y fait certainement'aHusionet~encite même quelques expres~ôns textuel

les (5). Le dialoguequi s'établit entre Méletus

et Socrate, et qu'on retrouve dans FA~o~~de Xénopilon, ne prouve rien contreFautheo-

ticitô de l'ouvrage, ni même contre sa valeur

historique car il n'est nullement en opposi-tion avec les habitudes judiciaires des Grecs,

et, tout au contraire, la loi faisait une obliga-,

(1)Forchantmer,JPtC~<7MMeyMM~~A.,Berlin,!831.(2)VaaLimt~urgBrouwer,~po!Socra~Mco~:<f<tJtfe-

?: redivivic~MtKKMW!.Gronin~t838.(3)Voirles citationsdansrediUondel'~po!o~tcde

Fr.Fiseher.

(4)Dion.Hal.,DeadM~ vi Demosth.et Arsf~e-<orMa,§ 3.

(5)KAe<II;§3et IH,§18 Plat.,Apol.,1'7b,c,d.

Page 284: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 259

tion de répondre aux questions faites par la

partie adverse (1) l'interrogatoire et le contre-

interrogatoire entraient comme éléments de

l'accusationaussi bienque dela défense.Ainsi,

non-seulement on doit conserverà Platon ce

morceau précieux, mais on peut croireque'cen'est pas une ouvre entièrement d'imagina-

nation,une compositionpurementoratoire,sans

fondement réel. Socrate s'était défendului-

même (2) Platon avait assisté aux débats, et

adressait son ouvrageà des concitoyenschez

lesquels ce souvenirétait encorevivant; pou-vait-il inventercomplétementle discours qu'illui mettait dans la bouche? Il sembley régnerun accent de vérité historique; le tour, Fex-

(1)Plat.,..4po~25d e w~c<xeXe'unKToxpMssCfn,,eteneHet,Démosthènesa<<S<epA.0~<ll,p.I131,citeletexte No'jM;'TOM<!(Vt~!)Mt<~AttftttttwtfMtmtph'MOMMUM&Ot;TOBpNTMjtMM.

(8)Celaestcertain,d'abordparcequec'étaituneobli-gationlégale,ensuitecelaestprouvépartouteslestra-ditions,parlefaitmêmedesdeuxApologiesqu'onluiprête,enfinparlesallusionsfréquentesquiserapportentà cettedéfenseetaudiscoursqu'ilprononça..P~o~OM,63b:xp'nonMXo'~thifmOKtMemep~mxs'Mopfm,~d.69e.Socrateaccepta,dit-on,leconcoursd'avocats(Xén.~po~§22).Platonlui-mêmevoulutprendrelaparole,etJustusdeTibériade,citépar Diogène,nousa conservéles pre-miérsmotsqu'ilprononçamaislesjugesnevoulurentpasl'entendreàcausedesonâge,quoiqu'ileût,à cetteépoque,prèsdetrenteans.

Page 285: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VtEDESOCRATE2M

pression, l'esprit du style, le fonddes idées,l'attitude del'orateur, tout enparaît bien socra-

tique, et quoique, avecun artiste aussiaccom-

pli que Platon, cette vérité du stylé et du ca-

ractèrene soitqu'unindice peut-être trompeur,il n'estpas impossibleque nous ayons, dans ce

discours, comme le croit Schleiermacher (1),une copieaussi exacte de la vraie défense dé

Socrate,qu'il était possibleà la mémoireheu-

reuse et à l'imagination créatrice de Platon de

la conserver réservons encore les différen-

cesnécessairesdu discoursécrit et du discours

parléet même improvisé.Noussavons, par les

confidenceset par la pratiquede Thucydide(8)

quelles libertés les historiens se croyaient,en

ce cas permises, et nous voyons qu'ils s'atta-

chaientplus àreproduirele caractèrede rhom-

me.laphysionomie morale du discours, qued'en retracer les idées mêmes et les exprès-sions littérales.

C'est dans cette mesure, et sous cette ré-

serve, que nous considéreronsTApo~M de

Platon comme un document historique, qu'àce titre nousdevonsanalyser.

Elle se diviseen trois parties dans la pre-

mière, Socrate cherche à prouver qu'il n'est

(1)P!C[<OM'SWerke,vol.I, p. 185.(2)1,22.

Page 286: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS 26)1

15.

pas coupable; dans la seconde, il déterminela

peine qu'il croit avoir méritée; dans la der-

nière, il dit adieu à sesjuges.En effet, le procèsétait du genre de ceux

que la législation attique appelait T/~?-<~(1),c'est-à-dire que la ,peinen~en était pas'fixée

par la loi, mais dépendait de l'accusateur,

des juges, et, ce qu'il y a de particulier,'jus-

qu'à un certain pointde l'accusé.

Ainsi, le débat s'engageait, d'abord sur la

questionde culpabilité celle-ci résolue, l'ac-

cusateur prenait la parole pour proposer la

peine, ff~n', jpœnee~s<M)M<M(2), l'accusé pourfaire une contre-proposition,et le tribunal ju-

geait le secondpoint commele point de fait,

J'et/y~~y~M<pey(3).

(1)Etnoncomniole dit Suidas.M~.oTt{.Ondonnaitcederniernom,suivantPoUux,VIII,63,auprocès, euxMftV&!reT!{/.mMMf):«,c~etTM~MUT6f!~x'Mtc<iouem'y~px'K-ïctt. Cf/D&m./Mîd.,§90:Mêm<!lorsquelaloifixaitlapeine,il semblequ'ondonnaitencore,à l'accuseunealternative.(Dinarch.,ad~.DëMos<A.,§60.)

(2)Celas'appelaitTt~KoOMTMtptu~Tt,t!u.t)!r~~~e~Kt,~t~poEtjte~ett'r!)M)u.K;FaccusÈrépliquait,et celas'appelaitcfWnjMtTOcMOUexuTMT~.xe~Kt.

(8)Harpocrat..eC~wr~KffM.Cie.de0}'a<.1~54.«Er-goillequoquedamnatusest, nequesolumprimissen-·

tèntua,quibustantumstatuebantjudices,damnarentanabsolverent,sedetiamillis,quasiterumlegibusferredebebant.EratenimAthenisreodamnato,sifrauscapi-

Page 287: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YtRPESOCRATE2);2

Ce qu'on peut trouver d'étonnant dans ce

fait, ce n'est pas tant la procédureque Fappli-cationde cette procédureà l'affairede Socrate.

Le crimed'impiété, a~<A~ devait être prévu,il sembte, par le codepénal, et la peine était la

mort. Cependantil est certain, par un autre

exemple, que ce crime rentrait dans la catégo-rie des T~Mto/(4);peut-être qu'en tout cas,même lorsque la peine était prévue et 6xée

par la loi, l'usage déféraità Faccuséle choix

d'une propositioncontraire.

Quoiqu'il en soit, Socrateavait,commenous

l'avons déjà dit, divisé son plaidoyer en trois

parties la première, où il plaide non coupa-

ble, se divise elle-même en deux parties;dans Fune, aussi adroite, il me semble, quenaturelle et digne, et aussi conforme aux rè-

gles do Fart que convenableau caractère de

l'orateur, il cherche à effacer l'impression Si-

cheuse que des propos mensongers o~t pufaire sur l'esprit de ses juges. Il ne leur dira

que la vérité, car il ne veut pas les séduire, et

il expliquecommentces antipathies contre sa

talisuonesset,quastpœnaesestimatto,etsententtaquumjudicibnsdaretur,interrogabaturreus,qnamqqasiaesti-mationemcoma'eruisseMmsxsssecanSterets?.s (Cf.MeieretSchoemann.,~McPteprocess.,p. ni et 1S3.)

(~Dém.,in Timoer.,p. '702.

Page 288: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LEPROCÈS 263

personne et,ses doctrines ont pu naître, en ra-

contant la mission que la réponse du dieu de

Delpheslui avait imposée. Pour obéir au dieu

qui le proclamaitle Ulussage des hommes,et

chercherquellepouvait être la signification-decette réponse sur le compte d'un homme quifaisait professionde ne rien savoir, si ce n'est

cela même qu'il ne savait rien, il s'est cru

obligé d'interroger tous ses concitoyens, et

surtout les plus marquants d'entre eux, ceux

qui prétendaient être intelligents et sages, et,

par une opérationdouloureuse à leur amour-

propre et nécessaire cependant à la patriecommeà chacun d'eux, de leur montrer quelétait levéritable état de leur esprit et de leur

âme, et de les délivrerainsidel'illusion, aussi

dangereuse que fausse, d'une science dont ils

n'avaient que l'apparence et l'orgueil sans la

réalité.

Si on l'accuse de s'occuper de questions de

physique dangereuse et de dialectiquesophis-

tique, ce sont là desmalicesd'un poète comi-

que auxquellesil ne faut attacher ni foini im-

portance. Qu'on en croie le témoignage de

ceux qui le connaissent, et qui savent que ce

sont là des étudesauxquellesil est absolument

étranger et des chosesqu'il fait même profes-fession d'ignorer. Il corrompt la jeunesse,

Page 289: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

-VIEDESOCRATE264

dit-on, en ne reconnaissantpas les dieux de

l'État et en introduisant, par son Démon, des

innovationsreligieuses. Il est bien éloignéde

partager les théories d'Anaxagore,qui refusait

toute divinité aux corpscélestes; il considère

et il vénère commedieux le soleil, la lune et'

les autres astres; et quant à son Démon,que

peut-il être, sinon un dieupu une manifesta-

tion divine, et. alors commentl'accuse-t-onde

ne pas croire à l'existence des dieux? Loin

ravoir nui à sa patrie et à ses concitoyens,il

croit, en les forçant de se rendre un compteexact de l'état de leur âme, en cherchant à les

pousser à connaître et à pratiquer la vertu,seule condition du bonheur, il croit leur avoir

rendu un service que lui seul pouvait leur

rendre, et que,lui mort, personne ne leur ren-

dra plus. LeDieu Fayai~~ a~x Athéniens

pour remplir cette fonction sévère et utile, et

c'est pour cela que, d'une part, il a négligésesan'airesetlesint.êrêtsdesi siens, et, de l'autre,

qu'il n'apa~ voulu se mêler activement de la

viepolitique. Qu'on ne lui reproche pas tropde s~tre dérobéà ces devoirs. Dans une ville

comme Athènes, il est difficilede, sauver sa

vie et dedireau peuple la vérité. C'était pourse conserver plus longtemps à la mission

providentielleque le Dieu lui avait imposée,

Page 290: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LE PROCÈS ~!Sli

et il avait la conscience de servir ainsi sou

pays mieux qu'à la tribune du Pnyx.

Quant à la moralité de ses enseignements,les faits sont là pour démentir l'accusateur

aucun de ceux qui les ont reçus, aucun de

leurs parents ne raccusent de les avoir cor-

rompus; plusieurs accourent pour le. défon-

dre. C'est donc une vaine accusation. Qu'onne s'offensepas de la liberté de son langage; il

n'est pasinsensibleaux joies de la vie; il n'est

pas né d'un chêne et d'un rocher, et il a des

enfantsqu'il aime. S'il parleainside son inno-

cence, ce n'est pas par orgueil ou par dédain

injurieux de ses juges, c'est par devoir, c'est

pour conformersa conduite à ses principes et

rester ndèle à lui-même. Précisément parce

qu'il est innocent, il ne s'abaissera pas à des

larmes et.à des prières qui dégradent et l'ac-

cusé et le juge, et attend de la conscienceet

de la raison seules- l'acquittementauquel il a

droit.

Ce discours ne fut pas entendu sans mur-'

mures, et des marquesde mécontentement,et

peut-êtred'indignation(I),éclatèrentà plusieurs

reprises (3).11sembleque ce fut à ce.moment

(1)Plat-,~.p0~.j~Scpuê~TS.

(2)Xen.4jso! § 14: e~ctx~i MUT?.MMMTs;o!tt'tXMTft!

Page 291: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE2C6que ses avocatsprirent la parole,et quePlaton

essaya inutilement de la prendre.Puis les juges allèrent aux voix, au scrutin

secret commeen toute affaire.Deuxcent qua-

tre-vingt-unévoixse prononcèrentpour la cul-

pabilité(I); la majoritépour la condamnation

fat de trois,ou suivant d'autres leçons, connr-

mées par des manuscrits qu'on déclare meil-

leurs, de trente voix, c'est-à-dire que Socrate

fut déclarénoncoupablepardeuxcentsoixante-

dix-huit ou par deux cent vingt et une voix

dans le premier cas, il y aurait eu cinq cent

cinquante-neufvotants, dans le second, cinqcent deux(2).

Socrate,qui ne s'était fait aucune illusion,

apprit le résultat avec un étonnement qu'il ne

~opMMUv,et plusloin,§ 15 T~T<t<txeu<MMTt{ht jtLNMLMMo~&tUV.

(1)Diog.L., IIj 41.Lestermessontobscurs,maislesensn'estguèredouteux.

(2)Ona élevésurcesnombrestoutessortesdediffi-cultés 281plus2*78donnèrent569or,onafBrmequeletribunaldesHétiastessecomposanttoujoursdecentainescomplètescechiffreestimpossible,maisBoeckhavait

déjàfaitobserverqu'onpouvaitadmettrel'abstentionoul'absenced'an certainnombredejuges.Lesautreschiffressontexposésà lamêmeobjection281plus221~OIlt 8t18~ ce~ttines 3ontçsi.r°y ~éT~!n~~pç.La (:Om`fontSOS.etlescentainessontencarsdérangées.Lacom-

positiondes tribunauxathéniensn'estni assezclaire,ni assezconnue,pourafSrmerquecetterègtedescen-

Page 292: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LEPROCES 2R7

cachapas à ses juges; il trouva extraordinaire

que, malgré les calomniesdont il était depuissi longtemps l'objet, il fût condamnéa une si

faiblemajorité, et il exprima l'opinion que si

Anytus et Lycon n'avaient pas soutenu de

leur influenceet de leur parolel'accusation de

Mélétus, celui-ci n'aurait pas obtenu la cin-

quième partie des suffrages, c'est-à-diren'au-

rait pas recueilli, en faveur de la condamna-

tion, cent voix.

Une fois la question de culpabilitérésolue,

l'accusateur demanda la peine de mort, et on

déféraà Socrate,suivant la loi, et sous la for-

muleordinaire,T/;i~)twaK)e7i/}) a~rcT/Mt,une con-

tre-proposition.Une foiscondamné,l'accent de Socrate,jus-

que-là tranquille et doux, et certainement

contenu et modeste, s'élève et devient plus.

fier; maison ne peut pas dire qu'il brave ses

juges.et attire sur lui, de propos délibéré, la

mort.

tainespures était inviolable.Le calculde M.Stall-baum(adApol.36b), quiportelechiffredesacquitte-mentsà 220n'estpas soutenable,car endéplaçant,commeil le veut,30voix,Socrateeûtencoreétécon-damné,puisqu'ilauraiteucastralui851voixet seule-ment250ensa faveurilyavaiteneffettoujoursunpré-sidentquinecomptepasdanslesnombrespleins.

Page 293: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATK268

Aquelle peine, dit-il, vais-je donc me con-

damner? Si je n'écoutais que la voix de ma

conscience,je vous dirais que n'ayant rendu

que des services à ma patrie, j'ai le droit de

n'attendre d'elle que des récompenses, et,

commeje suis vieux et pauvre, la plus justeet à la fois la plus convenablepour moi serait

d'être nourri aux fraisde l'État dans le Pryta-née. Maisen me plaçant, non pas à mon pointde vue, mais au vôtre, puisque vous m'avez

déclaré coupable, il faut que je trouve une

peine quelconque.Je n'irai pas, à monâge,parcrainte de la mort, qui n'est pas un'mal~ qui

peut-être est un bien, me condamner à l'exil

ou à la prison, qui sont des maux certains; il

ne me reste donc à vous proposer qu'une

amende mais je suis pauvre toute ma for-

tune réunie s'élève à peu près à une mine. Je

ne pourrais donc me condamner qu'à une

amende d'une mine, si Criton, Critobule,

Apollodoreet Platon ne me priaient de la por-ter à trente mines, qu'ils s'engagent à payer

pour moi(1).

(1)~p.Soer.14,MaximedeTyr.39,etl'ApologiedeXénophon,§ 23,nientle faitet disentqu'ilrefusadefairelai-mêmeetnepermitpasàsesdéfenseur&defaireunepropositionquelconque,mêmed'uneamendequiauraitpulesauver;ilvoulaitmourir,commeditMaxime

Page 294: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.E PROCÈS 209

Ce discours ne fut pas mieux reçu que le

précédent. La mention du Prytanée dont il

se déclarait digne n'était pas de nature à cal-

mer l'irritation excitée contre lui. Sans doute

elle n'a pas le caractère de défi hautain et de

suffisance insolente, « d'outrage ~à la cour, »

que veut y voir M. Grote; il faut, au contraire,

reconnaître que Socrate entre autant qu'il le

peut dans les préjugés du tribunal. Malgré sa

répugnance, il ne conclut pas insolemment à

ce qu'on lui décerne cette distinction si enviée,

il ne refuse pas do porter contre lui-même une

'sorte de condamnation qui a dû lui coûter beau-

coup il offre en pâture, aux aveugles ressen-

timents de l'opinion, une amende, pour lui

considérable (1), car elle représente la valeur

deTyr,~M~eToefM~tM.Diog.L.,11,41 neportelasommee

qu'à 25drachmes (Boeck., Œ'coM.T~. < <), mais

Euboulide, cité par lui, l'élève à 100dr.

(1)Le témoignage de Platon est plus autorisé et 'son

récit,plus vraisemblable que celui de Diogène, qui lui

prête, II, 48, cette réponse hautaine et tranchante ~sxx

T&<6jMt~MMTpC~jM~N~Tt[t.&[MHTf~.~!x~ 'n)< <CpUTM!<<<teM;,qu'on trouve déjà dans Cicéron, de Orat., 1,54.Cette réponse, si elle eût été faite de ce style, explique-rait et n'excuserait pas encorel'irritation desjuges, «cu-

jus responso sic judices exarserunt, ut capitis homineminnoeentisatnuun condemnarent, car une réponsehautaine ne suffit pas pour faire d'un innocent un cou-

pable.

Page 295: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIBDESOCRATE270

de tout ce qu'il possède. Il va plus loin .pourcette circonstance,lui qui n'avait rien voulu

recevoird'Alcibiadeni d'Archélaûs,il accepteune sommeimportante, et qui devait paraitreaux amisde Socratesuffisante,puisquece sont

eux sans doute qui l'avaient 6.xée.Maisil faut

aussi reconnaître que Socrateavait enverslui-

même et envers l'humanité des devoirs qui

primaient ceux de sa vie et de sa personne, et

qu'il ne pouvait sacrifier' sanstrahir ce qu'il

croyait sa mission supérieure et sacrée. Il

avait doncfait 'son devoir: c'était aux Athé-

niens à comprendrele leur et à le remplir.Les juges rapport~rect une condamnatjon

mort, prononcéeà une majoritéplus grande-:il y eut un depJacemeatde 80voixqui' s<~por-tèrent du côté des accusateurs; c~est-à-dire

que la cQpdamnatip~ mort, fut votée par331 voix contre Ï~ si ~nadrne l'un desnombres de votants~et par361 contre 141,si

ron~djnet.rantre~Cette déGisiënn~étonnani son esprit ni son

courage~il s'écria, dit-on, d'abord: Ils me con-

damnent~.mQrt eh bien! eux, c'est la nature

qui les y condamne (1). Puis, prenant la pa-

(1)Diog.L.,IJ,38,répoNsedéjàattribuéeàAnaxa-gore..

Page 296: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.E l'ROCKS 2'n

rôle, il prédit à ceux qui l'avaient jugé coupa-

ble unpromptremordsde leur injustice; à ceux

qui l'avaient absous,il témoigna sa reconnais-

sance, et leur assura qu'il ne craignaitpas la

mort, et la considéraitmême comme un bon-

heur. Puisil leur recommanda ses fils, en les

priant, s'ils venaient à s'écarter de la justiceet de la vertu, de les corrigeret de les repren-

dre,commeil avaitfait lui-mêmefleurs enfants.

Eunn, avant de rentrer à la prison, il ajouta«Voici le moment de nous séparer, moi pour

mourir,vous pourvivre:"quide nous a le meil-

leur partage? Personne ne le sait, exceptéDi.eu.~r

Page 297: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet
Page 298: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

CHAPITRE VIII

LA MORT.

Par une coïncidencesingulière,le lendemain

du jour de la condamnation, le prêtre d'Apol-lon couronna la poupe du vaisseau sacré qui

portait, à Délos,le cortége destiné chaque an-

née à rendre au dieu, au lieu de sa naissance,les actions de grâces dues pour avoir aidé

Thésée à délivrer Athènes de l'odieux tribut

qu'ellepayait à la Grète(1). C'était le sixième

jourdumoisMunychion,le dixième'mois de

l'année attique. La loi athénienne ne permet-tait pas, pendant ce pèlerinage sacré, de souil-

ler la ville par l'exécution d'un jugement ca-

pital. Socrate dut donc attendre que le vais-

seau fut rentré dansle port d'Athènes, d'où il

restait quelquefoisassezlongtempsabsent, re-

tenu par la célébration des fêtes et les vents

contraires. Dans cet hitervalle, qui dura trente

(1)Plat.,P/:<rdoM.,58a,b, c.

Page 299: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

YIEDESOCHATË274!1

jours, le condamné fut mis aux fers, mais il put

recevoir librement chaque jour ses amis, et

s'occuper tantôt avec eux, tantôt seul, de tra-.

vaux intellectuels (1). C'est là qu'il composa,

suivant la tradition rapportée par Platon, un

hymne à Apollon (2) et mit en vers quelques-

unes des fables d'Esope. Ses amis avaient pro-

fité de ce répit pour organiser un plan de fuite,

et déjà avaient gagné le geôlier. Trois jours

avant le retour du vaisseau sacré, Criton, son

vieil ami, pénétraseul, de bon matin, dans la

prison -et le pressa vivement de s'enfuir (3);

il invoqua les raisons les plus fortes et les plus

(1)Et même de musique s'il faut en croire Ammien

Marceltin, XXXÏn, 4, p. 8~6, ed. Gronov. <xSocratem

destinatum po8hse, conjectumqueincarceremperrogasse

quemdamscite lyrici carmenStosiehort modulantem~ut doceretur, id agere dum liçeret., interrogahtequemu-

sico, qttia~ei poberit lide prodessë moritnro postridie,

respondisBe Pt aiiqttfd sciëiisaimpUttsavitadiscedam. »

C'est te motqueStobee,F'4' X~X~ 58;p. 300, prêteà Solondans une circonstance moins tragique. On peutdonc croire quec'est une erreur de Marceluh, à moins

qu'on ne suppose que Soeraten'ait fait que répéter un

mot déjà connu.

(3)Authentique ounon, cet hynmeexistait, encore

dutempsdeDionGhrysostome, Orat. J'oKttccuM Pa-

~KM, xxl ~fuSM!7romoMHOi'M ~t) w~.a~M.

(3)Lofait est attesté parXén.,§33.~tpoLPlutB!-ch.,t. II, p. 1I2S, 1. 13. Platon y fait allusion dans te

Phédon, p. 99 a. Il y a longtemps, dit Socrate, que

Page 300: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LAMOKT l' 27~

touchantes, le conjurant de ne pas se trahir

lui-même,dene paslaisser peseréternellement

sur ceux qui Pavaient aimé le reprocheet la,

honte de ne l'avoir pas sauvé.

Socratese montra touché de cet empresse-mentaffectueuxet dece dévouementsi tendre;il refusa avec douceur,maisil refusaavec une

inflexiblefermeté.Sagranderaisonfut qu'il de-

vait rester, dans la pratique, fidèleaux princi-

pes qu'il avait théoriquementsoutenus toutesa

vie (1).Il avait toujoursdit qu'il fallaitfaire ce

quiétait juste et bien, dût-on y perdre la for-

tune ou la vie; les circonstancesl'appelaientà

prouverqu'il était capabledefairece qu'il avait

conseillé il fallait qu'il le fit. L'obéissanceà la,loi est un devoir des plus impérieuxet une

des obligationsles plus strictes de la justiceil a obéijusqu'à présentet obéirajusqu'au bout

auxlois desonpays.. Cen'est pas une raison,

parce que sa patrie sembleagir injustementenvers lui, pour qu'il lui soit permis d~agirin-

justement envers elle. Laissonsdonc faireaux

dieux, dit-il.

Je nepeux pas voir là un arguaient sans sin-

cesvieuxos seraienten Beotieouà Mégare,sij'avaiscruquec'étaitîsmeilleurpartiàprendre.

(1)Crit.,46e.

Page 301: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE276

cérité et destiné à couvrir un calculprofond;il est certainque ce principede conduiteserat-

tachait à sesprincipesphilosophiques,et il est

inutilede lui supposer des intentions cachées,et particulièrementl'intention depréparer d~a-

vance l'effet dramatique de la dernière scènede sa vie.

Le jour mêmede cet entretien avec Cnton,Socrateavait eu un songe il avait vu venir

unefemmed'une rare beauté et d'une stature

imposantevêtue de blanc, qui l'avaitappeléet

lui avait dit ce vers d~Homère

S[<.aTt)!E'<T(~T<!ïH<M~ 6p!ëN).Mi'XM6.

Le donde prophétiedontil se croyaitpourvului révélale sens de cesénigmatiquesparolesCela signiue, dit-il à ~Eschine,que c'est dans

troisjoursque je mourrai(1).Aussine voulut-il

pas croire à la nouvelle que lui apportait Cri-

ton, que le vaisseaude Délos arriverait le jourmême de l'entrevue. Les pressentiments de

Socratese réalisèrent..

Le jour iatal arriva (2).Dès le matin, ses

(1)Diog.L.,H.36 Plat.,Crit.,43a.

(~)Ladatedecet.te'mortestplacéedansla1~moitiédu moisThargélion\Ma;)del'ol.95,3(an399av.J.-C.).Si on savaitexactementqueljourle prêtred'Apolloncouronnaitlapoupeduvaisseausacré,onpourraitfixerexactementladatedelamort,quieutlieutrentejours

Page 302: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.AMORT 277

tC

amis se réunirent encore une fois auprès de leur

maître; ils étaient nombreux. On y voyait

Apollodôre, appelé l'Enthousiaste, et connu par

sa mélancolie douce et tendre; il apportait à

Socrate une riche tunique dont on devait le re-

vêtir,. suivant la coutume grecque, après sa

mort. «Eh! quoi, lui dit-il, le vêtement qui m'a

été bon pendant ma vie, ne me sera-t-il pas

assez bon pour mourir? )) Xénophon (1), comme

Platon, mentionne l'ardeur de son affection

pour son maître, qui éclate en cris et ensanglots

à la dernière scène de la tragédie. Les deux

après. M.K. E. Hermann (L~t'&. (2.yo«esc!MMS<Kc~e~.4~e)'~M)M.,p. 414) croit que la Théorie devait s'ar-

'rangerde manière à faire co'inciderla célébration de cessacrifices avec le jour desThargélies, où l'on célébrait la

'naissance de Diane et la fêtede Déméter Chloe; M. Zel-

lér en a conclu que le retour n'avait lieu que dans la

2"'° moitié de Thargélion. J'aurais été plus disposé à

admettre que ce yaissea-u, qui était le même que celui

où s'était embarqué Thésée(f'lut., ?7!M.. c. 23),mettait

à la voilepour Dèlos le mêmejour qu'avait fait Thésée

pour la Crète: or,icejour était le 6 dumois Munychion,où l'on céiébraitles'&~hMt. Revenujuste un mois après,il aurait été de retour le 6 Thargélion, assez a tempspour que la Théorie pût prendre part à la fête où l'on

puriHait Athènes (Diog. L., II, 44). Socrate, qui but la

ciguë le lendemain, serait donc mort le '7,'qui est, dit-

on, aussi l'anniversaire de son jour de naissance.

())~po~§28.

Page 303: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

t* 278 VIE BE SOCRATE

Thébains Simmias et Cébes (1), qui s"étaicnt

la veille donné rendez-vous, deux amis et

presque deux frères, peut-être des pythagori-ciens, certainement auditeurs, sinon disciplesde Philôlaùs, étaient présents et ils jouent un

rôle actif dans le dialogue de Platon. Auprèsde lui était encoreFhédohd~Elis,qui était tout

jeune encore et déjà cher à Socrate. Platon

nous le dépeint heureux de parler de son

vieil ami et de raviver samémoire~c'est dans

sa bouche qu'est placé le récit de l'entretien,et on nous le montre,au momentsuprême,fon-

dant en larmes, et obligé, pour cacher_sa fai-

blesse, de s'envelopper le visage de son man-

teau. .<

L~ plus vieil et le plus ûdele amide Socrate

ne r~ait; pas, coo~et~jpëut~~ù~ ajban-

doni~dan~ cette~der~ caritoü

était riche (8) et ratait souye~ âid~ de sa

bourse (3), si bien que themiste l~appelaitle

ministredes nnancësde'*Sbcrate(~).Il méritait

par la constancede son dévôuelhe~le rôle que

(1)II estdi fBciiedeëroirequece Cébèssoit l'auteurdumorceauintitulétl:v~.

;'(8)XëN.~1.Me)M.)I,.9.

(3)Diog.L.,11,21.

(4)Or.,XXin,p.149:'f~tM~

Page 304: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LA MORT 270

Jui attribue Platon, et que sans doute il rem-

plit..C'est à lui que Socrate adresse ses der-

nières paroles, c'est à lui qu'il recommandesa

femme et ses enfants; c'est lui qu'il charge

d'exécuter ses dernières volontés, et d'offrir

331~dieux,sa dernière oNra.nd~;c'est lui ennu

qui lui. fermeles yeux.Outre ces personnages plus ou moins inti-

mementliés avec Socrate, d'autres étaient ve-

nus lui dire un dernier adieu parmiles Athé-

niens, Gritobul'ô,?1~ de Criton; Hermogè.ne,fils d'Antiphou,qui avait assisté au procès

Epi~ène,~schi.nerAQt~thene, Ctésippo,Mé-

nexene, qui appartiennent tous à ce q~pn

appelleles socratiques,et, parmi les étrangers,

PMdondes,de.Tb.ebesou de Gyrene; EucMo,de Mégare, Tërpsion' complètement inconnu.

Xéuophou,alorsen Asie, et Platon, malade,

peu.t*6tre:de douleur, n'assistaient pas à cette

scène sublimeet déchirante.

Aumomentou le geôlier dela prison, aprèsles avoir fait attendre un instant, leur permitL

d'entrer, les Onze venaient d~aïmoncerà So-crate qu'il devait subir lamortle jour même,et

'de lui faireôter les fers quilui avaient meurtriles jambes. Il était assis sur un lit; sa femme,assise à ses côtés, tenait dansses bras un petitenfant. En les voyant entrer, la douleur de

Page 305: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DESOCRATE280

cette femme éclata, et son coeur se brisa

«Quelle affreuseinjustice! s'écria-t-elle.eAimerais-tudonc mieux, répartit le vieillard,

que ce fût justice? « Ah! Socrate ajouta-

t-elle, voilà tes amis c'est la dernière .fois

qu'ils pourront te parler; c'est la dernière fois

qu'ils' pourrontt'entendre! et elle fondit en

sanglots. D'un regard, il fit signeà Criton de

l'emmeneret elle sortit.

L'entretien commença alors, et porta prin-

cipalementsur l'immortalité de l'âme; mais le

.fonddes idées aussi bien que les développe-mentsparaissent appartenir à Platon. Cequ'on

peut croirehistorique, cest la peinture de So-

crate, de la tranquillité sereine et de l'enjoue-ment sublime de son esprit et de son âme, ta-

bleau d'une beauté incomparable,autant que

pathétique, et qu'onserait désespér.éde croire

tout à fait inventé il se compare lui-même à

l'oiseau d'Apollon,au cygne auquel le dieu à

son heure suprêmeaccordeune vue prophéti-

que plus certaine, et des chantsplus beaux et

plus harmonieux. Le Phédon peut être enef-

fet appelé le chant du cygne de Socrate, et un

hymne sublime et harmonieux à l'immorta-v

lité de Famé.

Tout le jour s'écoula en conversations; le

soleil était encore sur les montagnes, lorsque

Page 306: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LA MORT 281

16.

Socratevoulut en finir il alla prendre un bain

pour éviter à ses amis l'horreur de laver un

cadavre, et fit introduire ses trois enfantset

les femmesde sa maison, soitsesparentes, soit

ses servantes, soit peut-être les unes et les

autres. Aprj~sleur avoir dit adieu, il répondità Criton,qui lui demandait quelles recomman-

dations il avait à faire, et de quelle manière

il désirait être enterré. Il enjoignit à ses

ainis d'être fidèles aux principes de là justiceet de la vertu c'était le meilleur moyend'honorer sa mémoire; pour les soins de la

sépulture, il les laissa libres de faire comme

ils l'entendraient, n"y attachant aucune im-

portance.La loi athénienne ne voulait pas que la lu-

mière sacréefût souilléepar le spectacle des

meurtres juridiques (1); Socrateaurait doncpu

prolongersa vie de quelquesheures maispour

épargnerà ses amis les déchirements, et pour

abrégerl'angoissede cette séparationéternelle,il fit appeler le serviteur des Onze,dont le

cœurse troublaenfaced'une résignation sitou-

chante et d'une douceur si sereine. « Socrate,lui dit cet homme, il n'en sera pas de toi com-

mede tant d'autres qui s'irritent contremoi, et

'!)Oh'mp.,ad P/tescfoM.

Page 307: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE282

me maudissent quandje viens leur annoncer,

par ordre de mes chels, que le moment de

boire le poison est arrivé. De tous ceux quisontjamais entrés ici tu es bien le plus coura-

geux, le meilleuret le plusdoux. x Eten disant

ces mots, ce pauvrehommese dé~urna, pleu-rant à chaudeslarmes.

Socrateprit sans tremblerla coupedesmains

du bourreau, et écouta avec attention les re-

commandationsque celui-ci avait à lui faire

pour faciliter les effetsdu poison.Sur son con-

seil il s'abstint d'en répandrequelquesgouttes

pour faireune libation aux dieux immortels,il

se bornaà les prier de conduire à bien et de

bénir son derniervoyage. C'est la seule chose

queje leur demande, ajouta't-H, puissent-ilsexaucermesveaux Cela dit, d~unvisagetran-

quille et souriantil but la coupe de cigu~.A

cette vue, tous les assistantséclatèrent en lar-

mes et en sanglots.Phédon s'enveloppala tête

de sonmanteau, Criton, dont le courageétaità bout, ne put supporter plus longtemps ce

spectacleet sortit. Apollodore,qui depuisquel-

ques momentsne faisait que pleurer, poussaitdeshurlementsde douleuret fendaitle coeurde

tous les assistants. Seul, Socratene se laissa

point troubler. a 0mesbons .etchérsamis, leur

dit-il, que faites-vous?J'ai toujours entendu

Page 308: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LA MORT 2.S:!

direqu'ilne faut, à l'heurede la mort,prononceret entendre quedesparolesdobonaugure.Soyez

donccalmes!soyez donc fermes! » Tout en di-

sant cesparoles,Socratequi se promenaitdans

la prisonpourobéirauxindicationsdu serviteur

'des Onze, sentit s'appesantir ses jambes il se

couchaalorssur le doscommeon lelui avait,re-

commandé,et secouvritla figure.Le bourreau

entra à cemomentet l'examinant, lui serra les

pieds, prit les jambes qui étaient devenues in-

sensibles peu à peu le corps se glaçait et se

raidissait.Lebas-ventre était déjà* froid commedu marbre, quand Socrate découvrant son vi-

sage <Qriton,dit-il, et ce furent ses dernières

parole, nous devonsun coqà Esoulape, n'ou-

blie pas, je t~enprie, d'acquitter cette dette.–

Celasera fait, réponditCriton quiétait rentré;

si tu as quelqueautre choseà nousordonner,

parle.e MaisSocratene répondit rien.Quelquesinstants après il fit un mouvement conduisit;

l'homme des Onze le découvrit alors tout à

fait, ses regards étaient Gxes;Criton,qui s'en

aperçut, lui fermala boucheet les y eux..Voilà

commentmourut, dit Platon, le meilleur, le

plus sage et le plusjuste des hommes. C'est

sans doute après la lecture de cette admirable

Page 309: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE DE SOCRATE284i

tragédie(1)qu'Erasmes'écriait Proinde quum

~M~<SMto~~M~aw lego de. talibusviris, ~~a?

mihi <eMp~oquin~ca?M SancteSocrales,ora

pronobis(2).Tout le monde connaît le parallèle un peu

sophistique que Rousseau~dans sa Professiondefoi du Mc<M~~M?0!/a~établit, entreSocrate

et Jésus, et qui se terminepar cesmots a Oui,si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage,~avie et la mort de Jésus sont d'un Dieu. s

L'auteur d'une histoire fort estimablede laphi-

losophieancienne,prétend qu'il suffiraitde ren-

verserles termesduparadoxepour en faireune

profondevérité. « La personne humaine,dit-il,s'effacedans Socrate autant qu'il est possible,et ne laisse de place qu'au sage divinisé des

stoïciens.DansJésus, au contraire,la -personne

humaineparaît à chaque instant, vérité qu'an

surplus le dogmeadûconsacrer(3)».Je laissele

secondterme de.la comparaison il est certain

que leChrist,tel que se lereprésentela foicâtho-

liqùe, «n'a rien dédaignédetout ce quiétait de

l'homme; il a toutpris, exceptéle péché, tout,

jusqu'aux moindreschoses,tout jusqu'aux plus

(1)Cicéfon,~-ZVM<.D.,III,disaitqu'iln'avaitjamaispulareliresanspleurer.

(2)c Conviviumreligiosum.(3)M.Ch.Renouvier,t. I, p. 324.

Page 310: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LA MORT .28:i

grandesinnrmités(l))' maisje ne puis admet-

tre que Socrateréaliseet dans sa vie et dans sa

mort L'impassibilitédu sage stoïcien, étrangeret indifférentaux douleurs, aux joies, aux inûr-

mitésde l'humanité lui aussi,il a desaffectionset des amitiés; il n~apoint, commeil le dit lui-

même, un cœur de chêne ou de rocher; mais

sonhéroïsme surmontecesfaiblessesetle vieil-

lard de soixante-douzeans,peut, dans la paixet l'espérance d'une vie meilleure,-s'endormir

tranquille et serein, sans dépasserpour celala

régionde Fhumanité. C~estmêmeun fait re-

marquable,que dans cette antiquité païenne,toute enivrée des visions mythologiques,on

n~aitattribué à Socrate aucun caractère divin

H'or~le d'Apollonne faitpas deluiun Dieu(2).Socrate est un homme seulement, c'est un

hommevraiment grand, et surtout pour ceux

qui croient queJésus est un Dieu, c'est le plus

grand de tous les hommes.

Onpeut se demander, il est vrai, si le So-

crate que nous a peint Platon est bien lo'So-

crate del'histoire, ou s'il n'est qu'un pur et li-

bre idéal. Ona fait observerque le PM~o~et le

(1)Bossuet,2*serm. sur la Compassionde la

Vierge.(2)Xén.,~4po!§ 15: 66N~.Moux~xM~,~~M~M~

~S??o).~MTTû~e~O~e~UTT6D<OEpE~.

Page 311: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

2S~ VIE DE SOCRATE

&M~Me<appartiennent à la classede ces dialo-

guesque DiogènedeLaërte appelleM~M~MtT')te/,et qu'il distingue des dialogues dramatiquesoùl'action extérieure était une pure Action.Je

ne voudraispas fonder mon opinion sur une

preuveaussifragile car les formes'dela clasr

sification des dialogues de Platon sont aussi

contestablesquelesprincipesensontdiiférents,On ne peut nier que Platon, s'il ne divinise

pas Socrate, l'idéalise, et répand autour de

cette grande figure un reflet-deBeautépoéti-

que. Mais de quel grand personnage del'his-

toiren~enpeut-onpas dire autant? et d'ailleursnous ne trouvonsrien dans le calme et véridi-

que Xénoplionqui contredise la peinture de

Platon. Comment Socrâte aurait-il e~i~~nenthousiasme si profond, Goauneja.taMait~l

produit une révolutionintellectuelle et morale

si universelle et si féconde,-s'il n'avait pas

porté presque à l'idéal la grandeur humaine?

Pouc s'expliquer son influence, nous sommes

obligésde conclurequ~ila d~être tel quenous

le dit Platon.

Page 312: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

CHAPITREIX

APPRÉCIATION DES CAUSES DU PROCÈS ET DM LA

COU DAMNATION DE SOCRATE.

Pourquoidonc les hommes l'ont-ils accusé,

condamné, tué? Quelles ont été les vraies

causes de ce procès~t du meurtre juridique

qui..enfut la suite? Onpeut soutenir et on a

soutenu/à cet égard, plusieurs opinions diS'é-

rentes.

Les uns disent qu'il aété victime d'inimitiés

personnellesqn~ils'était attirées par son en-

quête universelle et perpétuelle sur les ci-

toyens les plus considérablesde rÊtat,etparla critiqueamèrequ'il faisait de leur vanité et

de leur ignorance; d'autres pensent qu'il fut

accusé et condamné pour avoir ouvertement

professé des opinions politiques contraires à

celles du gouvernement établi;,et provoquéles ressentiments d'une démocratie d'autant

plus ombrageuseet irritable qu'ellevenait de

Page 313: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDMSOCRATE2~8

traverser un affreux régime de terreur oligar-

chique, et avait en horreur les théoriespo-

litiques dont la pratique s'était montrée si

cruellement sanguinaire. Pour d'autres, c'est

l'ensemble de ses idées morales, religieuses,

politiques, qui l'ont perdu, qui ont suscité l'ac-

cusationet l'ont fait réussir. « C'est l'esprit de

'ce temps, et non Anytus, ni l'Aréopage,qui a

mis en cause et condamnéSocrate(1). Enfin,

en ces derniers temps, on est allé jusqu'à dire

que, quels qu'aient été les motifsde l'accusa-

tion, il ne fa ut .accuserque Socrate de la con-

damnationqui l'a frappé. Si, par un orgueil

insolent, il n'eût pas offensé ses juges, évi-

demmentdisposésà l'acquitter, ou du moinsà

lui faire grâce, il n'eût pasattiré sur lui-même

ce châtiment,ni à ses concitoyensle reprocheimmérité~'une sanglante injustice (2).«

D'abord,que Socrate n'ait pas succombé à

des inimitiéspersonnelles,c'est ce que prouve

(1)M.V.Cousin. 7'po~.(2)Hnefautpasprendreà lalettrela raisonqueCi-

céronmetdansla bouched'Antoine,de Ora~ 1,54«Illedamnatusest nutlamaliamabcutpamnisipropterdicendiinscientiam,"carCrassusdiraplustard, 111.

16 « Socratesfuit is,qui omniumauditorumtesti-

monio,totiusquejudicioOrsecise,quumprudentiaet

acumine,etvenustate,etsubUlitate,tursveroeloquen-tia,varietate,copia,quamsecumqueinpartemdedisset,

Page 314: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPRÉCIATION 289

n

l'A~o~M mêmede Platon. Sans douteAnytusétait fort opposé,à ses doctrineset peut-êtrefort irrité contre sa personne; mais le docu-

ment même que nous invoquons atteste qu'il

y a eu des causesplus générales, et sinonplus

généreuses, entous cas moinsbasses et moins

viles.Anytusparaît avoir été ce qu'on appelleun honnête homme, et si des motifs person-nels ont dû l'aigrir, il est constantqu'il a été

averd,par sa sollicitudedepère de famille,queSocrate menaçait l'État d'un grand danger il

a agi ou cru agir au nom d'un intérêt général

et, commeon Fa si souvent répété depuis, au

nom du salut public.D'un autre coté, la passionpolitiquen'a pas

été, quoi qu'en dise Fréret, ni l'unique ni le

principalressort de la poursuite; il est bien

vraiqu'Anytus était un démocrate; que'So-crate avait un penchant avoué pour le gouver-nement

aristocratique, qu'on lui reproche d'a-

voirinspiréà Alcibiadeet à Critiasleur odieuse

politique, d'avoircritiqué le gouvernementpo-

pulaire, le mode d'électionpar le sort, d'avoir

conseillédetraiter les classesinférieuresd'une

omniumfuit facileprinceps. LaréputationdesonéloquenceestattestéeparPJat.,~4~)0(.§1,m;~e~oSo~;).s- etpnrXénophon,Af~K.;IV,!x?.{<~~M,~sMTtXXt ~t'p!(MMO?.

Page 315: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE290

manière dédaigneuse et sévère mais cepen-~dant ces griefs ne font pas partie de l'accusa–

tion.et n'occupent, dans le portrait que nousa laisséAristophane,qu'une placerelativement

petite. Je croisdonc que Socrate a succombéà

un sentiment de terreur aveugle qui s'était

emparéd'un grand nombre d'esprits, de ceux

qui se croient ou se disent conservateurs, et

qui voyaient attaquer avec une persévérance,une habileté, une force,une modérationinvin-

cibles,des principes de religion, de politique,de morale, sur lesquels, pensajtent-ils, repo-saient l'intérôt deTËtat et aussi le leur. Il me

semble que, sous les traits chargés que,la li-

cence de la comédieexplique, le portrait qu'A-

ristophane noustrace de Socrate est celui quedevaient s'en faire la majorité de l'opinion, ou

du moins ceux qui pouvaient, dans l'opinion

publique,toujourssi vague, créer une majoritéfacticeou réelle.Or,l'idée qu'Aristophanenous

donne de Socrateest claireet précise c'est un

sophistedont le scepticismeuniversel ébranle

la religion, la famille et FÉtat. On l'accusa

donc de ruiner tout l'édince social. Les pros-crits héroïques, qui venaient avec Trasybulede rétablir la liberté et l'indépendance d'Athè-

nes, purent croire que Socrate était le repré-sentant de la sophistique:or, la sophistique

Page 316: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPRÉCIATION 291

était pour eux le principe du mal moral et re-

ligieux qui dénouait rapidement tous les lions

qui avaient fait autrefoisla forceet la gloire de

la patrie; ils crurent qu'il fallait, commeOndit,donnerun grand exempleet frapper un grand

coup.11faut remarquer qu'on ne trouve aucune

trace de fanatismereligieux dans cette affaire.

Chez un peuple qui n'avait pas de hiérarchie

sacrée, de dogmatiquereligieuse, qui choisis-

sait ses prêtres par l'électionou par le sort, et

ne les considérait que comme des magistrats

temporaires et des serviteurs de l'État; quiavait laisséune grandepartie des fonctionssa-

cerdotalesaux magistrats politiques, aux par-ticuliers et aux pères de famille,; où, de tout

temps, les poètes s'étaient permisd'embellir la

tradition des mythes, c'est-à-dire de changerles formesde l'idée religieuse,l'idée et le nom

d'orthodoxie~existaient mêmepas on necon-

naissaitpas l'horreur qu'inspirent aux fidèlesle

schisme et l'hérésie; on n'en ressentait ni les

haines'ni les fureurs, et Socrate n'en a pas été

la victime.

D'ailleursil professaitle culte de ses conci-

toyens (1).Quandun homme de cette loyauté

(l)Xén.poL,§24.

Page 317: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE-DESOCRATE292

fait une déclaration semblable, on n'a pas le

droit de la mettre en doute. Son Daemonium"-

n'introduisaitaucuneinnovationsacrilège. Dansun pays où les prêtresn'étaient pas en posses-sion exclusive des révélations divines, avoir

un oracle privéequi s'ajoutait aux oraclespu-w

blics,n'était point uncrime ni unechosenon-

velle ou rare. Qu'au-dessusdes dieux visibles

il crut à undieu invisible, à un dieu suprême,

unique et un, je le pense maisquel est celui

des poètesgrecs, et surtout des poètes mora-

listes,chezlesquelsonne surprendraitpascette

pensée exprimée avec autant de force et de

clarté que chez Socrate?Un dieu unique et

tout-puissant au-dessus des dieuxvisibles et

invisibles,ses~agentset ses ministres, n"a rien

qui contredise la donnée essentielle du poly-théisme ;grec. Cette unité divine, on la trouve

dans Homèrecommedans Pihdare et dans So-

phocle(1), et elle est si peu contraire au poly-théismequele dernier défenseurdu paganisme,

(l)ZEu;w,z~E(;T!,Ztu;&i<!MZt,verscitéparPausanias,X,18,etattribuéauxPéléades,auteursd'unhymneà Ju-piter.~Ctém.,S~OtM.)V,610A.nh~ttpo!awtXj)u<MM'Tt620;;CTtTO'~V.Soph.,Tr~C~ [1278],~SttTOUTNVS,T[ZEÙ;,Menante,F~~w.'r~ 588, attribueà Euphorion,Sts<rE$chyle,cev.ers:

Z6U;<M -p), Zsu; T~j!9.W~ ZEU;T(i:'tifT!X'<TX

~mrt TB~t U'!TSpT:p(,v.

Page 318: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPRÉCIATION 293

n.

Proclus,professeouvertementun monothéisme

panthéistique. D'ailleurs,chez les anciens, quin'ont pas connu la chaîne d'un dogme étroit,d'un symboleécrit, d'articles de foi, qui cher-

cliaient Dieuen toute libertédans la conscience

et dansla nature, la religionofficielleest moins

une affairede croyance que de culte, et, à cet

égard, Socrate remplissait toutes ses obliga-

tions de citoyen.Aprèss'être un instant occupéde physique, il avait rejeté ces études comme

absurdeset inutiles. Lesprocédéssophistiquesde la parole n'avaient pas de plus grand en-

nemi et de plus redoutable adversaire. Il est

ridiculement injuste de le rendre responsabledesvicesd'Alcibiadeet descruautés de Critias,et non moinsabsurde de l'accuser devoir cor-

rompu la morale. On dit qu'il vient en contre-

dire les principes et en ruiner les fondements,

parceque, cesprincipesétant ceux del'autorité,ces fondements ceux de l'habitude, Socrate

vient donnerà l'hommele droit et lui imposemême le devoir de n'obéir qu'au Dieu qui lui

parle dans sa conscience et dans sa raison. Il

vaut mieux, dit-il, obéir à Dieu qu'aux hom-

Je neparlepasjdesOyp/M~Mg~ou l'on trouvecesmotsétranges,fr. IV,3,Mullach.

· EX; «M; 6< TrOMTM'K.

Page 319: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

M4 YI&DBSëSRÂTË

Nias, et sa cottsci~ qu~àEh Mea

~avait~M~oiï~~t~ pxïno~~ervr~~

;r:Hr<6~ il'~ttaq~~â~£1~·

:tat~~a~ ~'ytaxtp~~n~trï;l~w

taq~e~ wsea~éf$xxt~~eAï~ppr~t;

.d~a~~ prluçipe~t~ü,~r~@;S!E~~ da~'1~lxbxé."disoussi~~xF-~oc~at~~=s

')ad~ utra-;é~ de p~otestâ~i~tis~é

~M~sM~ r~li~ieü's"~oü~

~L~î~ u~`~~r3~~le:

~p~~e~ ~~s pï~~test~~$

!6t1~ dbit ~prôte~t~nti~ma;,CeTq~il

~a~coBsetv~~i~ ét ro~r,é

~(~]~ ~de~ientda~s leépa~a.o~.1~

~S'T~MMS~M'~ ~o~:

~c~

~M~8~~M~~ ~eji"~ü~ 'p,rllSl~e

!S~!S~~ ~~`~x 1~Lo~t

pl~s,e;t~,ad°~s~~clés

~L~~ ,~é~~itmésy`~,sce~trra~Fê~à;~la

~p!~aga~()s:t$~ dogrnafisme '~hré~i~

~6~ ~s~~incxpérduf~ib~e

~h~et~au~~ .la far~ede L~sütorité

~a~s~e~ .il lâmesûre, ëtil~

;]~~ Socrate

~n~s~l~lu~ ~am.ps

~~rë~p~cter.'~n~~p~(~n~~l~?~il! la ~con

Page 320: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APBR~QIATION 29H

scieRG9et de la r~son mdi~~ H dé-

pare q~}lvanne~~K~ que renon-

~a~~ss~ine~ ne pas déso-

~h~l~de~~ et r ~conuaît~lesdroits

~t,0~~ qu.'i~.lqs ~esurs et les

~q~ s~âpl~~s~©~ont,

:S~F~ les a~ciaWe~

;{.,jSP()y~ lésauois.n,su~~i;~s7 ].

~(~co~~ quo ;Soo~ata,a sauv~

? c~u';clumoins, e~, louri~fu-

s~ ~pQ d't~us notiv~Ue,

~je~oi~Q~ ~Gle~

'OI~ÏR~ ~ev~nina'~n

.]~~r~s sclï~.suppl~oe

sa t

i. et on

~~t~~S~~j~ '~bslte~,e~ou.~ soïl;

~Q~f~ da dou.le~rqui~stepüt en-

:erQ~]~~]~ éette ~~diguat~o~a~é-

~~e~e~yn~a~ .~p~ppri~ë,ne~

CQ~~u.~p~ pe~ r~ .u~e.d~ç~ri~~qui

sa~a d'~Q" d~aden~Qp~ pf~vt,uq,

~?0~ la

\iU~ati~~dp~ntiq~té!~

Es~ ~i q~ ~~q~~ les yst~~utious

élaMieset excité àlaRa~ et~aumépris, du

;~go~iem~i](iënt:t~~n~~ce~ étoit'pïèu

~orableà~a~~ i.elX~.qu'çllevtait'pra-

Page 321: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE296

tiquée sous ses yeux; il en voyait les viceset

les dangers plus que les vertus et la force. Ce

sage que la liberté politique a élevé; auquel.elle a permis, pendant quarante ans, l'usagede la pluslibrecritique, ce révolutionnairemo-

déré qu'elle a nourride son esprit, iû~budeses

idées, penchait vers un idéal rétrograde, vers

le gouvernementdorien, qui n'aurait passou~-fert un an, un jour, uneheure, ses investiga-tions critiques et son oppositionspirituelle et

railleuse. Maisdepuis quand l'opposition est-

elle un acte de trahison? En tous cas, ce n'est

pas à Athènesqu'on pouvait poserce principeridicule et violent. La critique des institutions

et des lois y était permise'à tous, et jamaisl'État n'était intervenu dans les pures opinions

spéculativesen faitde politique. Nepasdire ce

quel'on pense,l'acquiescementmenteurmême~

du silence, c'était le fait de la servitude asiati-

que (1).La libre parole, le franc parler, quePlaton considérera plus tard comme un des

fléaux de la démocratie,est un élément de la

constitutionathénienne.Choseétrange Platon

attaque cette liberté,-etc'est pour en avoirusé

que Socrateest mort et c'est pour l'avoir in-

(1)Eurip.;.PAGM.,v. 392

A~(.U TO ~MM;jAt) ?.~M <! Tt; <j)~

Page 322: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPRÉCIATION 297

terditeunjouràà Socratequenousfaisonsànotre

tour, àAthènes, au nom dela justice et de la li-

berté,un amerreproche.LesopinionsdeSocrate

étaient légalement inattaquables. Quant à sa

conduite,il a remplitous sesdevoirsdecitoyen.Il aimaitavecpassion cette ville charmante et

spirituelle~patrie de toutes les grandeurs mo-

rales, hors de laquelle on ne conçoit plus de

placepour la mission qu'il avait à remplir, et

n'avait, pouraucun prix, pour aucune circon-

stance,consenti à s'en absenter (1). On ne lui

fera pas sans doute un crime capital de s'être

abstenu, quandil n'y était pas obligépar la loi,de la vie politiqueactive (2). Enfin, je trouve

que c'est une raillerie cruelle de dire à Socrate

qu'il n'a, qu'à s'en prendre à lui-mêmede l'is-

suejfâcheusedesonprocès,queses jugesétaient

disposésàFindulgence,et qu'avecun peu moins

de hauteur, un peu plus de complaisance,et,tranchonslemot, avec un peude bassesse, il se

serait tiré d'affaire.L'intentiondeM.Groteest de

(l)C~53b..

(2)LaloideSolon,quementionnePlutarque(Solon,20),nes'appliquepasà celuiquis'abstientdebriguerlesmagistratures,maisà celuiquis'abstientd'avoiruneopinionet unpartipolitique.CequeSelonfrapped'in-famie,c'estl'indifférenceenmatièrede gouvernement,cequin'estqu'uneformedel'absencedepatriotisme.

Page 323: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE298

délivrerla démocratieathénienne de la respon-sabilitéde cette iniquité; il aimela liberté et la

voudraitpure et sans tache il souffrede voir

le sang dujuste souillercenobledrapeau; maisil faut aimer les peupleslibres commeils mé-

ritent d'être aimés,virilement; ilfaut savoirleur

dire la vérité.Onpeut plaiderpourAthènes les

circonstancesatténuantes; mais l'absoudre, la

justifier, et, pour lajustifier, accuserl'innocent

qui a été sa victime, ce serait trahir les droits

de la justice et de la liberté même dont So-

crate, plus qu'Athènes, est à ce momentle re-

présentant.

D'ailleurs, il ne faut pas être indulgent pourles fautesdesgouvernementsdémocratiqueset

libres. Il n'est pas étonnant que les gouverne-

mentsabsolus et despotiquesagissentavecper-

fidie, violence, cruauté, injustice: c'est leur

essence. Il ne faut pas demander qu'un arbre

sauvageporte des fruits sains et doux mais la

justice est le fruit naturel de la liberté, et

quand un peuple qui est libre ne sait pas être

juste ni clément, on ne saurait être envers lui

trop sévère; car d'où attendre maintenant la

clémenceet la justice (1)? Il comprometnon-

(1)Cic.,deOff.,ï, 25:«In liberisveropopulis-exer-cemdaetiamestfacilitasetaltitudeanimi a»

Page 324: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPRÉCIATIOK 299

seulement son honneur, mais la civilisation

dont il fait douter et désespérerun instant.

Disons-le donc la condamnation de So-

crate, mesure de réaction, a été un crime, et

de plus une faute, car elle a été aussi inutile

qu'injuste,. Ce qu'on peut dire en faveur

d'Athènes,c'est que, si elle afait périrSocrate,c'est elle qui l'avait fait naître; elle seule l'a-

vait pu élever, encourager,entendre et sup-

porter pendant cinquante ans. Ajoutons en-

core qu'elle s'est repentie de sa cruauté, et a

pleuré le grand citoyen et le grand homme

quelle avait méconnu. C'est du moins ce

qu'attestent Diodore, Plutarque, Diogène de

Laërte, S. Augustin, Suidas(1), et sans doute

c'est un scepticisme, excessif que de refuser

d'ajouter foi à ces témoignagesd'un fait en soi

si naturel et si conformeau caractère athénien.« Je ne sais pas, dit M.Grote, sur quelle au-

torité repose cette assertion, et j'en doute

complétement (2). » Il est certain que Platon

n'en parle pas plus que Xénophon; mais doit-

on supprimer de l'histoire de Socrate tous les

(1)Diod.Sic.,XIV,31;Plut.,de/~td. c.6.;Diog.L.11,43{etVI,9;Thémist.,C~.XX,239;S.Augustin,deCtc.D.,YIIItc.3; Arg.duJ?M~M'd'Lsocrate.

(2)~M<.o/'Cr., t. VIII,p.615.. I. disbelieveit ol).ogether.»

Page 325: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

MO VIEDESOCRATE

faits qui n'ont pas pour garants ces deux té-

moins? M. Grote va jusqu'à dire que la mé-

moirede Socratea dû rester longtemps impo-

pulaire, puisque Xénophon n'a écrit ses Mé-

~o~M~ que,pour dissiper les injustes soup-

çonsquipesaient encoresur elle, commesi on

ne comprenaitpas l'œuvre de Xénophon, dans

l'hypothèse même où les Athéniens auraient

reconnu et regretté leur erreur. S'il n'est pas

certain, comme l'affirme.Diogène,qu'ils lui

aient élevé une statue, cela n'est pas aussi

impossible que semble le croire M. Grote,

s'appuyant sur ce que Lysippe, à qui onTat-

tribue, est très-postérieur à Socrate. Lysippeaurapu travailler d'après lesindicationsde Xé-

nophonet de Platon, d'après des traditions en-

core récentes, et peut-être même d'après des

reproductionsplastiques, qui, dans un tempssi brillant et si fécond pour la sculpture, ne

doivent pas surprendre. Fréret, avant Forch-

hammeret Grote, avait remarqué qu'Euripide

ne pouvaitpas avoir glissé, comme,le prétend

Diogène,dans ces vers de son .P<a:J<HM~<?

ËKX~eT'<XX'<ET6&

ïMo~M, & AMo~t,

T~ cù<~ <xX'YU~<iU<tx~ef'ovx MMXtM,

une allusion touchante à la mort de son ami.

a pièce dont il est question, mentionnéepar

Page 326: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

AI'PttËCIATION ;r 301

18

Aristophanedansses T/tfSMtop~orMs(1), comé-

die représentée, d'après les calculsde Fréret

et de S. Petit (2), la -vingtièmeannée de la

guerre dn Péloponèse~est antérieure au moins

-dedixansà la mortdeSocrate,et, ce qui esLun

argumentplusdécisifencore, Euripideest mort

sept ans avant Socrate(3). Maisqu'est-ce qui

empêchede croireque, lors dela reprise de la

pièce,sousle coup d'un sentiment de remords,les spectateurs aient appliqué ces vers à So-

crate (4), et n'aient pu retenir, en les enten-

dant, ceslarmesgénéreuses(5)que Phrynichusavait fait coulerautrefois en leur peignant les

malheurs,de Milet, qui avait été aussi victime

de leur imprudence et de leur légèreté? Ces

nobles remords sont trop dans la nature du

cœurhumain,et surtout dansle caractèreathé-

nien, pour douter d'une tradition si répandue.Isocrate semble y faire une allusion discrète

(l)v.19Tf,811.

(3)S.Petit,~Mce~I,c.X!ii.

P) Phiiochore,citéparDiog.L. 11,44:,et quivivait130ou140ansaprèsSocrate,avaitdéjàfaitcetteob-servation.

(4;)G'estroptnMBde'Vaickecaër.D!'a<.deFfa~.EM~.

p. 190,etdeG.Hermann,~œ < .tVtt~p.XXXJH.

M.BoecitKsuppfsë<:esvers introduitsdans la piècepostefleuremeut,pttruneinterpolation.

(5~Arg. de BMS!)'MM Ti)Os7.T~Ms~x:ut;s.

Page 327: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIE0Ë8dORAtË30~

dans ces mots dé l'AMM~ < Vous honorez

pas, je pense; que la ville a eu souvent à se

repentir de condamnations prononcées sous le

coup de là colëre et sans preuves évidentes~

et que, peu de temps après, elle a demandé un

compté Sévère & ceux qui avaient égaré sa jus"

tice, tandis qu'elle eût souhaité à ceux Qu'ils

avaieht indignement calomniés plus de prospé-

rités qu'ils n'en avaient goûtées (1)? f J'aime

mieux même, dans rincertitùde dès deux côtés

égale, croire à ces sentiments qu''âceux que

(l)Isocri, tt~~T,~ 19tJena trouvequ'Unfait à l'appuide l'opinion de M. Grote~soutenue déjà par Fréret et

adoptée par Ed. Zetier: c'est le passage d'Eschine, c.

y~ p. I68 E~an,AthéNietis, aVMtilis à thort

le sophiste Soefate, parce qu'il avait 616V6Critias. »

Quoiqu'il n'y ait là ni élogeni blâme, on ne peut nier

que i'épithetede sophiste n'est pas gracieuse et que la

nteni.iôhd~ SuppUëëdeSôët-atë,à l'appui d'anëeOndain-

naMoa~!nbla6le demandée(totttre Déniosthène', écarte

l'idée d'un regret des Athéniens. Mais le mouvementdes idées ne pourrait-il pas être celui-ci Eh quoi! parce

qu'ilavait eu le malheur d'avoir pour auditeur uhCritias,vous avez puni de mort lô saga et inNoceat Socràté, etvous pardonneriez à un Détnosthèhe les crimesd'Aris

tarque. Ainsi, on ne peut rien conclure dp cepassago~quis'explique dans les deux hypothèses. Quant au mot

sophiste, il n'a pas toujours là signification défavorable

que nous sommes disposés à lui attribuer de nos jours?

ADstid., voLH~p. St7. éd. Did., p. 407, vai. Ïl te&A«sMt{n~.f!TM'<aoc~tOT~xctM ttit?.t'<A!ay!vo'<.Gonf. Athén.)

XIII,

Page 328: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

ÀPt't~C!tAttOtt 303

M.~rote prête adjugée de Socrate. «Je ne

vois, dit le savant historien de la Grèce, nulle

raison pour croire que les juges athéniens,

qui se sentaient, sans aucun doute, justifiés et

plu~que justifiésen condamnantSocrate

so~ d~cdM~, aient, après sa mort, rétracte ce

sentiment (l).s Si les juges, en condamnant

SOCfate,ont fait justice, il est clair alors queSocrate était coupable; mais coupable de

quoi? M.Grote avance timidement cette sin-

gulière raison A/~r ~s oM~ ~<K~. C~est

pâl'ce qu'il a osé dire qu'il ne craint pas la

mort et qu'il espère en une vie future et im-

mortelle c~est parce' qu~iln'a point abaissé à

de lâches prières la dignité du droit attaquéeen sa personne; c'est pour cela qu''il a mérité

de mourir, et que ses juges n'ont dû en avoir

ni regrets ni remords Encoreune fois, si So-

crate était innocent, le discours qu'il a pro-noncé ne pourrait le rendre coupable. Que la

fiertélégitimequ'il témoigneait contribuéà le

perdre, je le crois, j"en suis même morale- <

mentsûr, mais pourquoi?Est-ce parce que ce

discoursrévélait sa culpabilité,ou pa~cequ'ilfroissait l'orgueil et les passions des juges?

Maisdepuis q~landles condamnationspronon-

(I) .ËM<.o/ t. VHI,p.613.<JusURedandmore

thapjusUSedin condemningSocratoStH»

Page 329: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

VIEDESOCRATE304

cées par Forgueilblessésont-ellesdevenues, à

ce titre même, justes? Les passions humaines

expliquentla condamnationde Soçratecomme

elles expliquent la Saint-Barthélémy et la

Terreur Dieu merci, elles ne la justifient pas

davantage.On altérerait profondémentla mo-

ralité de l'histoire si, en montrant les causes

qui expliquent les plus odieux événementsde ses annales, on croyait les avoir justifiéset

glorifiés.Une seule choseapaiserala sévérité

de la postérité sur le crimedes Athéniens, et

c'est précisémentcelle dont onveut nous faire

douter ils ont tué Socrate, maisils l'ont

pleuré le repentir qui lescondamne,en même

tempsles absout. Leurs larmes sont leur seule

justification.

Page 330: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICE

LES SOPHISTES.

J'ai exprimé une opinion sévère sur les so-

phistes, autrefois trop accusés (1), aujourd'hui

trop complaisamment exaltés, et même quel-

quefois glorifiés. Un coup d'œil rapide jeté

sur leur histoire et sur leurs doctrinesjustiuera,

j'espère, le jugement que j'en ai porté.

Le sensnaturel et primitif du motsophiste (2),

(1) C'est Meiners, dans son Tlistoire ~e l'origine et

de la (MccK/e~cetles sciences, qui aUira le premier t'ut-

tention sur l'importancede tusophistique.M.Rittera d'au-

tant.mieuxaccepteceU.emauièredevoir,qu'il comprend,atort se'on moi, parmi les sophistes, les phitosophœ de ré-

cole atom)ftique, Leucippe et Démocrite. M. K.F.Her-~

mann, dans son Histoire de !<ïp~!7oMp/t!<'de Platon,s'est étendu sur cepoint, qu'a encore développél'auteur

de la belleHistoire de ~pM<osopA!edes Grecs, M.Ed.

Zeller.

(2) En faveur de la sophistique, on remarque que des

contemporainsde Phidias et de Périctès, un Socrate, un

Platon, un Thucydide, même un Critias et un Alci-

Page 331: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICE30R

se rattachant à <ro~, la science et la sagesse,

n'avait rien que de noble les sages, les philo-

sophes, les poètes, le recevaient comme un ti-

tre d'honneur (1). Cratinus l'avait donné à Ho-

mère et à Hésiode, au rapport de Diogène, et

Pindare l'applique fréquemment à lui-même et

à tous les poètes (2). Hérodote, au dire d'Aris-

tide, avait appelé sophistes Solon et Pythagore,

et Androtion, les sept sages, et même Socrate,

« ce grand sophiste (3).» Cette large et honora-

hie signification ne se perdit même jamais com-

plétement. Lysias appliquait lemotà Platon et à

biade, n'eussentpas subi leoherme, e'Usn'eussent etéquece qu'on nous rapporte d'eux :cela n'est pas évident. Ausein detoutesociété, si biencortstituéequ'etle soit, comme

dansie cprpsicplus sain, il y adesge rmeslatentsdecorrup-

tion qu'a*t ripn, ondumoinsdes causesqut échappent,faitéclater. Ltt 80DM&tit}U6fut unp melatdi~de l'esprU.grec.

(1) DiOg.L., I, 12 M'M00~ XXfOKptOTtU~XtX~T!K~!M pLO-<M~X~XX< o!!Ht'<iTfMO~OMT~

(2) Isthm., IV, 3~,où le scholiaste observeque ce nométait alors donné aux poètes,

(3) Aristid., De quatuor viris, t. II, p, 40Tf AD~j)<)T!m-~Tti)! 6~4

Ç<i(j)t<<; TT~ftHpXXE,~YM~ T<iU; OMt~ X~ XK).M tt9

~ttHt~Mt;~~[oT~T<,u7c<To-<~tyu.Cf. Hérodot., IV, ?, pour

Pythagore, et 1~29, pour Solon. tapcrat,, Orat., XV,313, o Onavait du respect pour ce qu'on appelait ia~

sophistes, et ]osAthéniens m;rent à !Qt&tede rËtatcp-lui qui, Je premier, prit ce nom, c'est-à-dire Solon, <

lamb! Vit. P~<a~ § 83 « C'est la ce qu'on appe!!ela sagessedessept sophistes ou sages, Tm'<~T~~t<~&

).t'6'~ oo~tK.

Page 332: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I<~SSOPHISTES 307

~Eschinele Socratique (1), Esphme l'orateur à

Sacrale (2), ancien à Anaxagore (3), et bien

avant lui, Diogèned'Apollonieà tous les phi-

losophesphysiciens d~' temps auquel il ap-

partenatt lui-n)6me (4). Xenophon semble

aussi l'employer dans ce sens (5), et quelque-fois ppppsece ttfre celui de poète (6); enfin

Aristoteapplique le mot de <r~~à Phidias, en

la dévissant, <~)<Tt!T)!;Ts~f~,la perfectionde

Farf(7),II sembledoncque ce no~nn'a signifié

d'abord qu'un degr~ëtninent de sagesseprati-

que, Qude science sDéoulattve,on de perfec-tion d~n~uïi art (8) il était alorshonorableet

glorieux(9),Plus tard, sans perdre absolument

ce senp tr~s-etendu dans l'usage le plushabi'

(1)Aristid.,yol.III, p. 51'? Aue!<t;nx~TM~o:ooomTwK~tt)t!)tttt~~Ai~tM.

(3) ~:9c)! ~d!). Reis~, p. 169 ~~6' &

À9))~CUOt,S(!)it~TY)<j~t~T~ q6(~mT~~!XT6MXrt.

(3) Lucien, t. I, Hemsterh, p. 118 T<M<ic<pt<!Tw;Â'<~<t-

~~M, et Diodore de SioUe, XII, § 39.

(4)CitéparSimplicius,~d~.fts<P~s.,f.32: xaiTCU;~UOtO~t~OU;K<T6tpOX~9H).~M~,~3;XKX~K7.tKUrc;SCtpKtTK;.

(5)Afe)M.,I, I, 11 oxtXouu.t~o;!)t[()T~Voomta?~~xqj~.c;.(6)~r~ IV, 8, 1. E'Jthyde'neawK'~t~pecot-

}9cH(!Rde~livresdesptus {nustres~e~T~Mt eo-

~'STMY.

(Tf)Ar:st.JVM.,VI,T,(8} Plat., ~ffO~ TMTM~9~5~ mtaTH~

(9)Thémist.,Ofa< XXIII,p. 336 wAMMuM~T<.<iTq6oc<pt<m);<it[<<o''<Tewxxt6~'K~tNoet;et il c~t§,t(n a~s~itl'exempledeSolonetdePythagore.

Page 333: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICE308

tuel de la langue il se restreignit et s'avilit.

Il f'n a été ai'iS] desmo'sphiiosopheetphiloso-

phie, qu'Hérodote, 1,30, appliqueà Solon,quia parcourule monde, ~o~o~esy"esc/txf~xey.

etpa]'lesqueIsTbucydide,II,40,désignele goût

particulieret caractéristiquedes Athénienspourles choses de l'esprit t~f~ocrotof~y~e~~a.x./onII n'est pas certainque Pythagore,s'ilestvrai

qu'il ait le premier fait usagedu mot (1),l'ait

employé dans un autre sens qu'amour de la

sciencethéoriqueet pratique.Cetermes'est res-

treint ;de plusen plus (2), et si l'on ne peut pas'direqu'il se soit ayili~bnne peuts'empêcherd'a-

vouerqu'ona fait'ce qu'il'allait pourle déshono-

rer.' La philosophieet l'idéologieont été quel-

quefois, chosebizarre, des termesde mépris.~'<Pour revenir E)uxsophistes Platon indique

quatre signi6cations du mot, reproduites par

PhavoTin~s(3) le sophisteest un philosophe,un professeur,T~M~x~oy, un rhéteur/un

charlatan, To~-y&Tt'fi)!

(1)Diog.L., Ff<BMt.,12.

(3)Ïl semblequ'ilseprécisesurtoutaumomentoùlessophiste"paraissent,etlecaractèredeleurmétiersalariéet de leursrecherchesfrivolesnecontribuapaspeuàdéterminerle'sens.dumotphilosophieà la recherchedésintéresse,généreuseet convaincuede la sagesseetdelavérité.

(3) V. co~MOfH.

Page 334: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LESSOPHISTES 309

18.

La signification de maître, de professeur, quin'est point enfermée, commel'ont cru Tennc-

mann et Hegel, dans le suffixe qui le termine,

et qui n'est pas par conséquent a l'origine une

de ses significations naturelles, se montre pourla première fois au temps de Protagoras, à quiSocrate dit « Tu fes présenté publiquementà tous les Grecs, tu t'es annoncé, tu t'es nommé

un sophiste, faisant profession d'enseigner la

jeunesse et d'être un maître de vertu (1). »

Protagoras l'avoue, et dans sa bouche l'appel-

lation qu'il s'applique lui-même a un sens res-

treint, mais non pas injurieux.Au nombre de ceux qui firent de la sophisti-

que un art et un métier, ou du moins une pro-

fession, ilfaut compterProtagoras, Euthydème,

Evénus, et 'même peut-être aussi Prodicus.

Qu'enseignaient-ils? La science et la vertu ?o-

<t~<x~~sTH?(2),la sagesse pratique et humaine

et la vertu politique, c'est-à-dire morale (3), la

science par laquelle les hommes parviennent à

(l)P)at., P)*o<<~<34!)a dctewTMstrMou.xo~cxur~,M'-

!pWM~BTtt~SUOEM;!t CtOST~;M&)tx).M;et ?'< ?. 316 d

ctAOXoYMT&c&c&OT~e~~tx~tTcx~eu~.)cc~M~cu~.

(2) MeM., p. a; 7-'ro~ 318 d; FM~ 8T3

d Apol., 3f) a ~'Aa' 60.

(3)AEtW~TK~OÀ[TtX~XO'.t~pKO'ÏStMeu~E<I['Plut., Vit.

T%e)M.,c. H; Apol., 20a KptT~ ~'A~xT.~K~tM-

9pN![!Mi~.

Page 335: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

AppBUDJGE!3)0

bien gouvernerleur maison, à établir de bons

gouvernements, à pratiquer les devoirs de la

piété, de l'amitié, du savoir-vivre envers leurs

parents, leurs concitoyensetles étrangers eux-

mcmes; maisdans un payslibreFactionpoliti-

que~et dans tousles pays l'innuence moralene

s'exercent que par la parole de la l'élo-

quence s'ajouta presque nécessairement aux

sujets de l'enseignement devenuprofessionneldes sophistes; ils apprennent aux jeunes gensa être habilesetpuissants dansla paroleet dans

l'action, J'ej~T!%T<!<«)K7r~TTe~KcK~(I). Ici

nousdevons remarquerqu'ils continuentla tra-

ditiongrecque et athénienne Flutarque nous

parle d'un certainMnésiphile,quin'était ni ora-

teur ni deceuxqu'onappellephilosophesphysi-ciens,maisquis'était occupéspécialementd'une

certaine hab~etépolitique, d'un art de trader

les hommeset d'uneconnaissancepratiquequi seconservaitcommeune espèce de secte depuisSolon(9).ChezlesAthéniens,fart de la parole

qu'ils ne séparaientpas de la pensée, était de-

puis la plus longue antiquité unie à Fart de

bien agir et ce qui, avec le trait si juste et si

profond de Thucydide, II, 40, ~o~o~M~?~

(l)~t-Q~318d.(2) Plut., Vit. ?'~m.,c. :t.

Page 336: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LESSOPHISTES 311

~t6i'eJt~e/o~,x~ <p<Ae~o<poCjM6!/~6f jMt~em/(~,ca-ractérise peut-être le mieux ce peuple admira-

ble, c'est la maxime:~e<vT6x~ -6~, penseret agir.Préret(1) observeque par ce mot, o~Ttiil ne faut pas entendre la sciencedes devoirset

Part de la viemorale qu'il s'agit uniquementd'un savoir-faireutile, d'unecapacitétoute pra-

tique, ~uicomprendmômel'adresse et la force

du corps; il fautcependantreconnaîtreque si la

notiondu devoirestétrangèreà l'enseignementdessophistes,commeà toute lamoraleantique,il n'en est pas ainsi de la vertu considérée

comme une conformitéde la vie aux idées de

la droite raison Protagorass'engage à rendre

lesjeunes gens qu'on lui confiede jour enjourmeilleurs(8).Le mythe que Platon lui fait ex'

poser, et qui peut-êtreest tiré deson ouvrage,~s~fMt <xp~~Mjt~sf. imité d'Hésiode, a

bien le caractèrepratique,positif, humain, de

toute la moralegrecque; mais il a aussi le ca-

ractère évidentd'une inspirationvraiment mo-

rale. GommeHésiodel'avait déjàdit, à la suite

de sa charmantefablede l'EperMf~et du Ros-

s~M~, si les animauxn'ont que la forcepour

règle de leurs rapports, les hommes ont pour

(1) ~AM, ~ca~t'tMc~, t. XLVIt, p. 219.

(2) Protag., 318 a Mt ~op~riM~~i~

Page 337: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICE312

principede leur vie socialele sentimentde la

justice et larépulsioninstinctivedu mal,A~niet

At< Cescaractèresdonnesà l'hommepar lesdieux sont propres et constitutifs de la nature

humaine celui quin'aurait pasle sentimentdu

juste, loinaturelle que l'éducation développeetne créepas, serait incapabled'entrer dansune

sociétéhumaine il n'appartient pas a ~huma-nité. Il est difficilede contesterq~ieProtagoras,en faisant entrer dans ce mot~6Tt)lesqualités

pratiquementutilesdela viepolitiqueetdomes-

tique, n'excluait pas de son enseignementles

grandset éternels principesdetoute morale l'i-

déeet lesent.imentdubien,etiahonte vertueuse

du mal. C'est mômece côté de sesprétentions

quetournaitenridiculeGorgias,qui,nouslever-

rons, ne se présentait, lui, que commeun pro-fesseur d'éloquence, et était suivi dans; cette

tendance exclusive par Polus, Lycophron et

Thrasymaque. Il n'en était pasainsisans doute

de Prodicus quoiqu'onne mentionne que des

sujets de rhé toriquedans les leçons publiques

qu'il donnait, il est difficilede croire qu'il ait

excludt souenseignementlamorale,à laquelleil avaitconsacreplusieurs ouvrage. dontnous

avons quelques tragmfuts, et entre autres

celui qu'il avait intitulé nf-«, les ~Mo?M

de la M~ où se lisait cette belle allégo-

Page 338: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

J,ES SOPHISTES 3t3

rie qui lui valut tant d'éloges, et même.ceux de

Socrate. Ce mythe charmant, évidemmentdé-

veloppementet imitation d'un passage d~He-

siode (1),peignait la dignité ejLle bonheur de

la vertu, et les misèreset l'abjectionde la mol-

lesse et du vice (2). Ailleursil montrait que la

richesse n'est point un bien, et que tout dé-

pend de l'usage qu'on sait en faire, ou quel'homme n'a aucune raison de craindre la

mort, les vivants par cela mêmequ'ils vivent.

encore,les mortsparcequ'ils ne vivent plus (3).Onpeut dire que ce qu'on appelle proprementles moralistes commenceaveccessophistes:ils

mettentlapro?edanstous ses genres auservice

des questionsmorales ce sont ceux qui créent

le conte,le dialogueou proverbe, le traité dog-

matique,la lettre, et enfin le discoursépidicti-

que,qui, sousle nomde parénétique, est l'anté-

cédentet lemodèledu sermon et de l'homélie.

Maisà cûttéde ces sophistes moralistesou,

(t)Ëp~,Y.285.(3)XéD.,Mem.,n,t,31.

(3'jHya dans cetteéloquenteapologiedelamortdestraits d'une éloquencequ'enviet-mtBossuet/et,purexempte,('H).tecompuru~ondelanaturea nueprêteuseà lapetitesemaine,c&XouTXTt;,qui~enMndebienvitetoutcequ'ellenousa prêtéd'organeset defacultés,<tovie,enunmot..

Page 339: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICESl'!

comme les appelle Isocrate, politiques(1), ce

qui est' la mômechose, ily en avait d'autres

qui ne 'visaientpas si haut et qui, plus cyni-

ques ou plusmodestes, se proposaientunique-mont d'enseigner l'art de. la parole, tandis

qu'Hippiasse,distinguait et s'attirait les plai-santeries de Protagorasen faisant entrer toutes

les connaissanceset tous les arts dansle cercle

deson enseignementencyclopédique.Outre la

morale(2),ilprofessaitl'astronomie,lamusique,les mathématiques, la physique, la rhythmo-

pee, l'histoire, l'archéologie,la mnémonique,la critique, la poésie dans tous ses genres,

même.les arts manuels :o'a!po;/x&i~6y~<<,commedit Thomiste.Parmices sophistes,pour

qui l'art de parler est le fondementet l'objetde

toute éducationvraiment politique, il faut pla-cer Gorgias,Lycophjon,Thrasymaque.Onvoit

donc que le sensdu. mot se détermine et se

(I) Jen'aipasl'intentiondedonnerici unedivisionscientifiquede la sophistiquequoiqu'onait pueupenseretendire,jeneluireconnaispasuneassezgrande

`

importancepourquecelasottnécessaire,et lepeudexalenrphiiosophtqttemômedesesadhérentsles rendptusdifticUeaa distingueretàclasser.Jelesdivisedoncsuivantdestendancesparticulièresplusoumoinspro-noncées;j'enuméreraiensuiteleurstraitscommuns.

(2)Sondialoguedu?Voï<j'Meavaitpourobjetdemon-trer&]~TOtvéovMnT~SUEtV.

Page 340: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LESgOPmSTES 3~

précise, mais on ne voit pas jusqu'à présent

pourquoi,et parmiles contemporainsmême/ils'est si viteavili et estdevenuce qu'il est resté,une injure (1).Tout en se déterminant, le nom

s'étend encore à des directions d'idées assez

différentes, à des manières de voir diverses et

variées; non-seulement la jalousie de métier

divise les-sophistes, mais on n'aperçoit point

qu'il y ait eu une doctrine ou une méthode

particulière qui leur ait été commune, une

unité de principesou de but, ni même des re-

lations personnelles,uncentre d'action, d'idées

et de théorie qui autorisentà en faireune école

on une sec~o,commel'a, je crois, très'bien vu

M.Grote(8).

Maisneva.-t~-ilpas trop loin et au delà de la

vérité, lorsqu'ilprétendque lasophistiquen'est

qu'un mot sans réalité, une abatra-'tion, un

JantOmeimaginaire rêvé par l'ant.ag'omH'node

Platon,'et qu'a entort de relever l'érudition

allemande. Tout en accordant à M.Grotequ'il

(1)Isocr.,jDgpe)'/MM<.o~ XV,p, 835,§313 t~ s~M-wu.fMTy~w~&T~.«~!w,Xénoph.DeeeMa!XIII, 8

g~tT~~M~!tt~~{, p}8t,,7~fo<a~.(t''ad.Ca~9in! aN'au'

rais-tupaghoate,ditSoorateà HippMra!'e,detedonnerpoutsophisteà la facedesGrecs?–Oui, parJupiter,j'enauriUshonte,&direvrai.a

(2)T.XII,p. 165,trad.te.

Page 341: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICE3~C)

n'y à point eu une philosophie sophistique,ni

un système,ni un principevraiment scientifi-

que qui se rattache à leur nom, nous ne pou-vons-nousempêcherdereconnaîtreà tousceux

auxquelsl'usagede la langue, se modifiantpeuà peu, rappliqua presque exclusivement vers

ce temps, une mêmetendance, une même in-

spirationqui n~arien sans doute de vraiment

scientifique, mais qui n'eut pas moinsson in-

fluence,et qui, sanscorrompre, commeonledit,et sans empoisonnerla droiture instinctive de

l'esprit et le bon sens moral du peuple grec,l'entama certainementet y déposa'des germesde subtilité pernde et de déloyauté immorale,

qui ont germé plus tard, et que la réactionde

Socratene put détruire complétement.Ces traits communssont les suivants:Ils se vouenttous à l'éducation, jusqu'alors

conneeaux familles,aux maîtres de musiqueet d'exercicesgymnastiques, et qui consistait.

dans la.lecture et le commentairedes poètes.Entre leurs mains l'éducation devient un

métier, une profession spéciale, déterminée,dontils sont, par un besoininstinctif,portés à

rechercherlesprincipes, le but, la méthode,la

matière, et cette professionest payée. On ne =

voit pas pourquoi on reprocherait à ceux quise vouentàl'enseignement,de recevoirdeleurs

Page 342: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

tËSSOPHISTES 317

peines le salaire qui ne déshonoreni l'artiste,ni le médecin,ni le prêtre cependant l'école

socratiqueeut une autre tradition elle refusa

constammentde rec voir un salaire des audi-

teurs, et après avoir essayé vainement de

vivre indépendante,elle fut obligée,pour con-

server la gratuité de ses cours, d'avoir recours

à l'État~qui accepta l'obligation de payer les

maîtres, mais en échange du droit de les

nommeret de les destituer. Ce n'en est pasmoinsun, trait commun à tous les sophistes,

qu'il fanait relever: je ne dis pas la science,maIsFéducationdevient unobjetde commerceils ne se bornempas à des leçons publiqueset

orales, ilsgénéralisentet relèventl'art d'écrire,

j usque-làassezméprisédes Grecs.

L'éducation étant l'objet commun de tous

ceux qui s'intitulent sophistes, ils ne peuvent

s'empêcherd'en chercherle principerationnel,d'en fonder logiquementle but et d'en déter-

miner la matière, et tous, en partant peut-être de principes différents, mais sous Tin-

uuencedes idées dominantes qui ne voient

dans l'hommequ'un être politique,c'est-à-dire.

social, et dont l'influence et la dignité se me-

surent à l'action quesaparolepeu exercersur

ses concitoyens,ils s'accordent à reconnaître à

l'art de parler et d'écrire une importance si

Page 343: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPBNDïCB318

capitale, qu'elle est l'objet presque exclusif

de leurs travaux écrits comme de leur ensei-

gnement oral.

Mais, en s'oocupantprofessionnellementdu

langage, on ne peut guère éviterde considérer

et d'étudier la pensée, dontil est l'expressiondelà les sophistesfurent conduits&réfléchirsur

les formesdu langage,sur les catégories gram-

maticales, sur les procédés du raisonnement,c'est-à-dire de toucher, superficiellementsans

doute, mais enfin de toucherun point du do-

maine philosophique,c'est-à-direles formesde

l'esprit et les catégories de l'entendement.

Leurs travaux sur la grammaire, le diction-

naire, la rhétorique môme,les conduisaient

presque nécessairementà uneanalyse psycho"logiqueet à un art du raisonnement qu'ils ne

virent malheureusement que sous la forme

étroiteet faMsede l'éristiq~

Ils sontallés, et ils devaientaller pluS loin:on a beau vouloirne s'occuperque de la forme,onne le peutpas la formede la penséeétant

déjà une pensée, l'esprit est entraîné, d'une

.part, à se demanderquelle est la valeur intel-lectuelle de la pensée et sa certitude; et de

l'autre, quelle est sa valeur morale, question

qu'ils pouvaient doutant moinséviter que la

parole, daps une constitutionlibre, est néces-

Page 344: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

I.ES SOPRfSTES 31<

sairement appelée à traiter constammentdu

juste, du droit, de la loi, du bien~du beau

moralet deleurscontraires.

Les sophistes raccordent tous à suivre

cette voie à moitié pratique, à moitié philoso-

phique, qui fait d'eu.x quelque chose d'in-

décis entre rhomme purement politique et

l'homme scientinque (1); ils recevaient des

faits et des mcews les conditions pratiques

et l'objet do l'éducation, et ne cherchaient

qn'~ préparer la jeûnasse à l'action politique,

dont l'instrument est la parole; ils s'accor.-

dent également dans les solutions fausses et

dangereuses qu'ils donnent tous au problème

.que l'intérêt de leur profession les invitait & se

poser, C'~t là que se manifeste le caractère

général de la sophistique c'e~t-à-dire le

~cepticigme, scepticisme moral, scepticisme

intellectuel, que quelques-u.ns cherchent à fon-

(1) ~'M<A~ p. 305C: tS; npO~tX~~M~X!j)t).60~UTe

d< xnt fr~tïtX'iB. ~6rp!M;j~ <(!t).<)Mtj)!et~~tt'<~Tt~.C~gt ()o!)n eux sqpbisHqMsdei~ sHeondeélMque

!~uep6~seulemepts~ppUqusr~xpUcaMoJ) t-Mpg~n&pete

dePhitarque, 7%eMt.,c.u, qui, après ~voirrappetéque de tout temps iLy eut à A(,hènescette intelligenceet cette science pratique tppudentta civilla et domesti-

tica, qui remonte à Solonet peut-être au delà, ajoute:« Ceuxqui uniront cette science pratique à l'art de la

diseus~Q!) et pussèrant deFaction aux mots, Atto~p~Hvv

M Teu<~.Q'-(om,furent appelés sophistes, a

Page 345: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

320 APPENDICE

der scientifiquementen empruntant, Protago-ra lès principesde la philosophiede la nature

d'Héraclite, Gorgiasceuxdes Éléates. Leurso-

lutioncommune,c'est qu'il n'y a aucunevérité

universelle et nécessaire; que la pensée n'a

point d'objet, ou ne peut pas atteindre son ob-

jet de là tous concluentqu'il n~ya d'autre but

&Factionpratique quel'inf-érêtpersonnel;d'au-

tre connaissanceque l'opinion 6ula sensation

individuelle et du moment; d'autre savoir

qu'une dialectique éristique et une vaine et

perfiderhétorique.

Protagorasa doptelepriQciped'Heraclite:tbut

estmouvemëh~ 7r~x/yMj<~c~lane veutpasdireque tout est mouvementpur, maisque tou-'

tes chosessont en mouvement,s'écoulent et

changentsans cesse(1).Il pressemêmele prin-

bipe:

~~etn;enttîën~'ësf~ën~0!~p6r[r~ tout chàngeet est soumisà un devenifqui]~ s'arrête jamais

dansuneesgencenxe;maispourlesuj et quicon-

naît et qui pense,les chosesnesontque ce quel-leslui paraissentêtre, et ellesluiparaissent être

comme elles doivent lui paraître, suivant le

moment~les circonstancesinfinimentvariables

(1)T~ee~ 152d, ISTfa, 181c, d M~~M~~eM.oto~M.Phitop.,adArist.ot.,.Deaw' p. 152a.

Page 346: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LESSOPHISTES 3~1

de lieu, de situation,Fêtât toujours changeantoù il se trouve la mesure des choses, de

leur essenceet de leur être n'est pas en elles,mais dans l'esprit qui les pense. L'homme est

la mesure deschoses(1) il n'y a aucune vérité

absolue,objective,universelle; l'affirmationet

la négationsur lemêmeobjeteten mêmetempssont égalementvraies (2).Le savoirn'est ainsi

qu'une apparence fragile, qu'une autre appa-

rence peut remplacer. On peut donc douter de

tout, tout affirmer eHoutcontredhe(3). L'art

de cette dialectique, c'est l'éristique, et appli-

qué à la parole publiquedevant les tribunaux

ou les assembléespolitiques, c'est la rhétori-

que. Parceque, contrairementà tous les docu-

ments quinous restent, Aristophanea jeté in-

justement ce reproche à Socrate; parce queSocratese plaint qu'ondirigecontretuicetteac-

cusation, qui constituelegriefcomnmncontre

-(1)!T~ee<152a, 158a,161c ~M~ j~M ~OpM.nMMw.t.Cratyl.,p.185e; Anst.,Me<IX,1, p.195.

(2)Anst.)~e< 111,4,p.73 ~M:a! ~Tt~<m{XMKMSmjTMtMM.t. )MMtt6pttt~X~TO~TMn~MT~tpOU).<

).~c.'jc(. jMe< VIIL 3: npMT~o~u Ao-~o;Mf;< lU, 5,

P. ~6 0 noMTO~~UÀCt'Y~.

(3) ~ACB<) 0 otmij)t ttM;Mt!.)kC-{tiS~tX~M;.Sf)~/t.,

p. 233e 'tt TT);~TtA~tX'i;;'Tt)'~ti; OÙKM )tE~.t).!m)'ttf~WK'<rM~rnpc.; K~tsëf~T.o~tx~t) ït; ~ù~(; <~Xt~et'<cn.SopA.,22& ~AM;K~Ktë~TOU~.

Page 347: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICE322

tous ceux qui s'occupaientde science spécula-

tive(l),je nevoispas commentonpourrait sou-

tenir que Protagorasn'a pas méritéune accusa-

tionqu'expliquentsiparfaitementsesprincipes,et que confirmenttous les témoignages.Prota-

gorasavait écrit un Traité de ~yM~M~ (2),et

il fut le premier à enseigner qu'il y avait sur

chaquequestion deux raisons opposéesà don-

ner, qui, se valant l'une et l'autre, puisqu'ellesne valaient rien, pouvaient tour à tour, sui-

vant l'ar~ oul'intérêt de l'orateur, devenir ou

paraître triomphantes. L'art de donner à une

mauvaise raison l'apparence d'une bonne est

une inventionde Protagoras, et s'appelait dans

l'antiquité, par une locution devenue prover-

biale, o npoTe~CMf~o~!)~,TOn~&Ta~opcfe~

~6A,M~(a).

(tj ~J~M.~.) P. 83 d ta )4&T&~~THt tttK <pt~tH)fp6t)<ifM<

?()~tt~6t. tv/WTN~'yc~X~tTr0?f«t!v.Xé!lt)~fëM!.t 1~3,3~

TOXCt'~TO~'ptX&~OCp~t~~0 tMV~CM.MVëTT'.TtU.d~E~ûV.

(2) Diog. L., IX, 55 Te~ ejitorixm'

(3) Diog. L.) IX, 51 n~ârfi; ?0 ).~M{ s!'<<[~tpt<r~-

To;<Tc;<!MtHKtj~M; JtU~ct;. Scho!. Aristoph., JVM&

113; AnStt, ~?Ae<.) 11, 34 TO~~TtM~e< X~ttïTO~t6M

~e5t'6!!TM. i! H~cTK~cuMa-~Aui~.Cic.) BfM< 8: a Léon-

tihus Gorgias, Thrasymachus, Chalcedonins, Prodi-

cus, Ceus, Hippias Eleus, aliique mutti terMporibtis

usdem~ docëre se prufit~bant.ur, an'ogantibus saine

verbis qttemadmodum cau'a ihfcrior, dicenda iieri su~

perior posseL Seu.j, ~). 88 a Protagoras ait-de omni

re in utramque parLem disputari posse ex ~~<o. w

Page 348: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LES SOPHISTES 32a

Il est probableque lessuccesseurset lesimi-

tateurs de ces principes en ont exagéré les

conséquences,et qu'il ne faut pas attribuer à

Protagorasles sophismesniais et grossiers de

Dionysodoreet-d'Euthydeme; mais, outre queFonpeut difficilementnier que ce soient là les

fruits naturels de ces germes détestables) jesuis étonné de voirle solide esprit de M.Grote

défendreles principes eux-mêmes, et ne voir

dans les maximes, « rbomme est la mesure

des choses, et la parolea pour objet et pourbut de changeraux yeux 'de l'auditeur l'appa-rence des choses,<que des maximes vraies et

morales.Je renvoie)pourla discussionexpresse

du premierde cesdeux points,à l'excellentele-

çonde M.Janet (1).et)pourFautre,je meborne

à dire quesi, dans la faiblesseinhérenteà l'es-

prit humain,les affirmationsabsolueset les vé-

rités universellessontrares si presquetous les

sujetsqui peuvent venir en discussionprésen-

tentdea pointsdevue divers~desfacesopposées

qu'ilfautconsidérel')s'il fautconserverà l'avocat

et à l'orateurlafacultédeplaiderlepouretie con-

tre, etavouerque, chezi'avocat.c'estplusqu'un

droit, c'est undevoir; il faut reconnaître aussi,d'une part) qu'il y a des principes de la raison

(1) Revue des coMrspM~h'ce,CocLobre1866.

Page 349: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICE324

qu'on' nepeut mettre en doute sans détruire

la raison qu'ils constituent de l'autre, des

principes de moralequ'on ne peut ruiner sans

attaquer la vie moraleet la sociétémême.

S'il n'y a pas de différenceréelle entre le

vrai et le faux ni entre le bien et le mal, c'en

est fait de la raisonet de la vie, de toute vie

religieuse, intellectuelle et morale.

Tandis que Protagorasarrive au doute sur

l'existence des dieux, disant qu'il n'en peutrien affirmerni rien savoir (1Y,Prodicus, mal-

gré le bel éloge des dieux que contient son

apologued'Hercule, trouve l'originedes-cultes

et des idées religieuses dans la tendance des

hommes à adorer comme divines les choses

qui leur sont utiles (2), et Critiasne voit dans

la religion qu'une invention humaine, néces-

saire pour réprimerles vices cachés du coeur,

qui se dérobent à l'abt.i'ondes loispédales (3}.Les principes métaphysiques d'où Gorgias

faisait découler sa morale et sa rhétorique..étaient plus scientifiques, et non pas moins

(1)Diog.L.,IX-,51 Plat.,T/K~ 162a.(2)Sext.E.np.,N~. Mtt~IX, 18,51;Cic.,

Deor.,I, XLii,118.Aussitouadt!nx!'8Bgent,-UsProdicusparmiles athées.

(3)Sext.Emp.,<M~.Ma<A.,IX, 54; Plut.,De su-jWf~.jC.xm.

Page 350: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LES SOPHISTES 325

]9

sceptiques; il se servait des définitionséléati-

ques de l'Être pour affirmercette série de pro-

positions1"Rien n'existe.2"Si quelque chose existe, il ne peut être

connu..

3 Si quelque chose existe et qu'il puisseêtre

connu, il nepeut être exprimé par le langage.La parolen'a donc pas pour objetd'exprimer

des idées vraies et qui répondent à des réali-

tés tout n'est qu'apparence. La rhétoriquen'est qu'une ouvrièrede persuasion,qui inspireconfianceà ceux qui écoutent., mais qui ne

leur apprend rien (1J. Il ne s'agit pas d'avoir

raison, de montrer qu'on a raison, mais de pa-raître avoir raison et de paraître le prouveraussi n~a-t-onpas besoin de connaître les cho-

sesmêmesdont onparle. L'art de parler, c'est-

à-dire defaire illusion, consisteprécisémenta

paraître savoirce qu'on ignore, à paraître être

cequ'on n'est pas. Il n'y a dans la rhétorique

qu'un vain et vide formalisme, un ensemble

de procédéstechniques, de savoir-faire prati-

(1)G'0)'C!aS.455!) ~M; ~.M'j~i);~MTtUTm?.~.X'eu

MM/x~ Doxopaier,Aphthon-,R/te<.S)'a?c Wulz,I!, 104,en aUnbu~nt.co~edéfinitionà Gorgins,n'n

pcu),-6trcVautrenutorH.6quecelledu passagedePh-ton..

Page 351: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

APPENDICE326

que; aussi) quand.onle possède, on possèdetout l'influence, l'autorité, la puissance, la

richesse et cèlui qui le possèdepeut parler,sanspréparation,non-seulementpouret contre,mais de toute chose.Ce fut Gorgiasqui, le pre-

mier, osa avancer cette insolente prétentionQui j~rMM~MMMZquiddam ~M~C~n?~C~0/teri M~e&a~ ~MMW,Sesdomnia, ~M~MS

quisquea~a!~ '!?6M~<,~s6Fa~c:<M~~~KM~d-~< (1); il jouaitde la parole commeon joue du

violon,ouplutôt commeun charlatan du gobe-let. Il n'est pasbien étonnantque la rhétoriqueen fût réduitebientôt à cette pratique, à cette

routine fastidieuseet détestable~quiaboutira.

dans les sophistes dela secondeépoque,aux..

puériiitésiesplusniaiseset les plusridicules(2).LescepticismemoraldeGorgiaset desonécole

allait plusloinencore que celuide Protagoras.

Si, pour ruh~ la croyanceà des dieux n'était

qu'une invention humaine, justinée au moins

parla nécessitéde réprimer la tendanceau mal

qui germe dans Pâmehumaine, pour l'autre,

l'État, la société, n'étaient qu~uneconvention

facticeet arbitrairedes faiblespour résister aux

forts la loi, unelimitationinjurieuse et injuste

(l)Cic.,jDeor~I,22.

(2) Les élogesdes vers, de la sodris, de la cruche, etc.

Page 352: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LESSOPHISTES 327

de la liberté naturelle, du droit que Fhomme

intelligent et fort a reçu de la nature de faire

servir le faible à ses plaisirs et à ses intérêts'

«Ouprend les meilleurselles plus fortsd'entre

nous, dès leur jeunesse,commede jeuneslions,

puis on les cliarme, ou les enchante par des

influences magiques, on les asservit enfin, à

force de leur répéter que l'égalité est une loi

naturelle qui gouverne les rapports des hom-

mes en société.,et qu'en cotteégalitéconsistent

le bien et le juste (1). Maisquand on est par-venu à auranch)!'l'esprit de ces préjugésde la

tradition et delà coutume,àsortir ducerclema'

giquo dans lequelelles remprisonnent, on s'a-

perçoit bien vite que les faibles quiont fait la

loi ont pris pour règle, non pas l'idée du juste,

qui n'existe pas, mais la mesure de leurs inté"

rets (2). La nature et la loi sont en oppositionl'une à l'autre: l'une est l'oeuvrede Dieu, l'au-

tre celledes hon~nos; celle-cifait de nous des

esclaves(3),celle-là nous appelle à la liberté,

(~(?p?'6~,483:N{ToM~v)~ 6xet<,x.xcr~'s<frtxx~xsn 'ro ~()M~.

(3)<9o~ 483b;J~ep.,XI, 358;Ar:stot.,III,6,11.(3)G'0! 483C:~t{~ MXXT~t;6!!Tt'<'itTSœUTt;XtH0'«~.C;.

Diod.Sic.,~'a;c. 1~ p. 33:<ï'<~t~aj! ~ou~M, T~~t ~tot~én~,JVo~eesc~Fa?~desw~s.de

jït&f,dMf0t, t'Y.I,p.35 'n9t~M'!t!<-<T«~~<ue*u. Cf.Aristot.,~op/t..Ë' C.X)r,p.173a.

Page 353: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

328 APPENDICE

(l}jPM~337d.(3) Parexemple,celle-ci,d'Hippiaa (Plat, Pfo<a~ 33~.

T(t'Kj)THau.e.!M'pù<ret~u~ Oul'OKveuttYOir Une

protestation contre l'esclavage.

Le droit n'est que l'intérêt ou le plaisir du

plus fort; la loi est le tyran des hommes et

les forced'agir contrairementau vœu de la na-

ture (1). »

Ce n'est pas en relevant quelquesmaximes

d'une vraie pureté m.orale'(2),en rappelant le

mythe deProtagorasouceluideProdicus,qu'oneffaceral'opprobreque l'histoire impriméjus-tement au nom des sophistes. S'ils n'avaient

pas menace]a morale, commentSocrate eût-il

cru nécessaire,pour la relever, de tant les com-

battre ? Onparle de leurs tendancespolitiques,comme si leurs maximes, qui n'ont jamais été

des théories, n'aboutissaient pas toujours à

réloge dela tyrannie, qu'ils ont enfin amenée.

Je ne trouve pas que ce soit les justifier qued'observerque le tyran, dans les sociétésgrec-

ques, est toujours le chef du parti populaire.On aurait pu généraliser l'observationd'Aris-

tote partout et toujours le despoteest un dé-

magogue,et s'il est le chef du parti populaire,n'oublionspas qu'il en est non-seulementl'op-

presseur, mais le corrupteur.'L'aristocratie, à

Romeet à Athènes, a pu tenir sous le joug le

Page 354: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LES SOPHISTES 329

peuple maisle spectaclevivifiantde la liberté

désapprenaità ce peuple, comprimé dans la

servitude, la servilité. Un gouvernement libre

aristocratiquepeut opprimer un peuple, il ne

l'avilit pas;il peut lui refuser l'exercice de ses

droits, il ne lui en ôte pas la conscience; il

peut enchaînerses bras, mais il ne lui abaisse

pas le cœur et ne lui Sétrit pas l'âme.

Sans douteil a pu sortir de cette critiqueuni-

verselle quelques conséquences heureuses

l'opposition entre le droit naturel et le droit

positif est juste, maisconditionqu'ily ait tou-

jours un droit, et que si l'on violeles lois écri-

tes, ce soit pourrespecter des lois supérieures,

non écritesyetque, pourparler commeSocrate,si l'on refused'obéir aux hommes,ce soit pourobéir Dieu.

Mais' ce 'n'est pas là ce qu'a fait la so-

phistique elle n~apascritiquéles superstitions

populaires et semble, au contraire, au moins

en public, les avoir caressées tout en niant

l'existence desdieux; ellen'a pasprotestécontre

l'imperfectiondes institutions politiques et so-

ciales: elle a soutenu qu'iln'y a entre les hom-

mes,soit individus, soit nations, d'autre règlederelationsque la règlf de la force;ellene s'est

pasbornéeà critiquerl'insufnsancedesthéories

philosophiquesantérieures elle a nié la possi-

Page 355: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

~~DiCE33&

bilité d'un savoir quelconque commela réalité

des choses; et la présence dans notre espritd'une seule vérité certaine..La science, Fart,la religion, la vie, elle a touché à tout et tout

menacé,j'allais dire tout corrompu; maiselle

n'eut pas le temps d'accomplirson œuvre dé-

testable, et le seul mérite que je puisse lui re-

connaître,et dontellene doitpastirer, jepense,

beaucoupd'orgueil, c'est d'avoir suscité contre

elle le grand géniemoral deSocrateet le grand

génie métaphysiquede Platon,

Je sais bien que les Allemands trouvent

qu'elle a été non-seulementsalutaire, mais né-

cessaire nécessaire,parcequ'elleest un monu-

ment du développementhistorique dela philo-

sophie salutaire, parce quelle fait, avant

Socrate,descendrela sciencedes hauteursalors

inaccessiblesdessciencesphyftiques,àl'hommc:

elle pose et tait valoirla première le principede la subjectivité rien n'a de valeur pour

l'homme que ce qui intéresse l'homme,

Je ue serai pas accusé,je pense, de mécon-

naître le mérite de la science allemande, Ce

travail porte à toutes s~'spages la preuve que

j'ai recouru presque partout à leur conscien-

cieuse et abondante érudition; mais j'avoue

queje n'admets pas le principehégéliend'une

série fatale de momentsque doit traverser la

Page 356: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LESSOPHISTES 331

philosophie, qu'elle le veuille et le sache ou

non. Je crois la philosophieune œuvre de l'es-

prit humain, et je place l'esprit humain, non

dans la région des causes nécessaires et fata-

les, mais dans la sphère des causes moraleset

libres. L'esprit ne marche pas à la science

commeune pierre, lancée par la fronde, à son

but. Il y va librement, et voilà pourquoiil n'yva pas toujours; voilà pourquoi parfois il s'é-

gare et se corrompt; d'autres foisse relève, se

purifie et ne marche plus, mais vole dans la

voie de la vérité voilà pourquoi la,conscience

de l'humanité, que détruiraient volontiersces

théories tyranniques de la fatalité dans l'his-

toire,gardeencoredeux facultésadmirables,le

respect, l'admiration, l'amour pour ceux qui,commeSocrate, l'ont bien servie le courroux

généreux,l'indignationvertueusecontrelesmé-

chants qui ont 'compromisou retardé ses pro-

grès telle est la réponse qu'on peut faire en

quelques mots au premier mérite que les doc~

trines hégéliennes reconnaissent à la sophis-

tique.

Quant au second, il me confond.Je cherche

et ne trouve pas le profit qu'a pu recueillir la

philosophie des négations universelles aux-

.quelleslessophistesont attachéleur nom,et du

défique par légèreté, par jactance ou par mé-

Page 357: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

LES SOPHISTES332.

tier (1), ils ont jeté aux principes de toute

connaissance et de toute morale.

FIN.

(1) Cic., ~4c<t~I,-x!, 23 « Num sophistes? Sic enim

appeiiabaBtur ii qui, osten~ationis

nutqua~tay~MtM,phUosophabantur. a

Page 358: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

TABLE DES MATIÈRES.

Pages.PRÉFACE. Résu~méde la philosophie de So-

Pages.

crate. iv-xx

CHAP. Les sources. 1-11

OnAP.n. La naissance de Socrn~e. Sa fa-

m'I!c. Son éducation, son

temps, sfs maîtres dans la phi-

losophie. i3-59CHAP.ni. Lapprson!)edeSorrate.–Son ca-

ractère, son esprit, son école. 61-97

CnAp~iv. La mission de Socrate.-Examen

des hommes. 99-112

CHAf.v. Le démon de Socrate. 113-15'?

CHAP.vi. La vie domestique et politique de

Socrate. 159-185CHAP.vu. Procès de Socrate. 1.ST2'?!CHAP.vm. Mort de Socrate. 273-286

CHAP.jx. Appréciation des causes du pfoeèset de la condamnation de So-

crate. 287-304APPENDICE.Les sophistes. t. 305-332

IMPRtMEtUEPAMStEUNE

DafonretC*,Bon)erardBonne-Nou''e))e,96,etimpasseBonne-Non'eXe,S.

Page 359: Vie de Socrate  par A.-Éd. Chaignet

j~R~M:

PageTf,Lgne 13.Au Reu de lire de 5/0 et370, lisez

de 3~0 à .870.

Page 1), ligne 10: Aa Heu de: e~c:~e de.PJ~t!lisez Plotin.