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VICENT ASENCIO Inutile, sauf si vous êtes espagnol (1), de chercher le nom de Vicent Asèncio dans votre dictionnaire musical: il ne figure dans aucun des ouvrages généralement consultés par les mélomanes et musiciens en quête de savoir! Le fameux Groves lui-même, bible des musicologues du monde entier est muet sur le chapitre. Rien de vraiment surprenant au demeurant: pendant longtemps, la liste des compositeurs espagnols connus et reconnus à l´échelle internationale s´est limitée pour l´immense majorité aux seuls Granados, Albéniz, Falla et Turina, auxquels venaient s´ajouter les noms de Rodrigo (Aranjuez oblige), Mompou et les frères Hallfter pour ceux qui s´intéressaient d´un peu plus près à la musique ibérique. Depuis quelques années, fort heureusement, et en grande partie, il faut le dire, grâce à l´édition phonographique, l´heure est aux découvertes et aux réhabilitations. Alors, après que les noms de Blancafort, Gherard, et autres Esplà aient été au fil des ans rendus plus familiers aux mélomanes – dans le temps même où ces derniers découvraient les compositeurs espagnols d´aujourd´hui, Luis de Pablo en tête -, voici le tour de Vicent Asèncio dont cette intégrale pour guitare contribuera, nous l´espérons à faire connaître l´immense talent et la personalité attachante. Vicent Asèncio (orthographe valencienne qu´il revendiquait) est né à Valence le 29 octobre 1908, en même temps que sa soeur jumelle Concepción. Quatre frères et soeurs l´avaient précédé en ce monde, Cándida, Pascual, Francisco et Enrique. Il passa les premières années de sa vie à Castellón de la Plana, petite ville située au nord de Valence, où son père dirigeait la fanfare du régiment, avant de créer et de diriger un peu plus tard l´Harmonie Municipale. Les dons musicaux du jeune Vicent étaient manifestes, si bien que ses études musicales, commencées sous la houlette du père et du violoniste Emili Bou, allèrent tout naturellement de pair avec les études primaires. Nous ne serons donc aucunement surpris en appenant que notre artiste en herbe était capable de diriger, à neuf ans, la chorale de son école! Puis, comme beaucoup d´autres l´avaient fait avant lui, il “monta” à Barcelone pour y poursuivre ses études, toujours avec le même succès. Comme à Castellón, il mène de pair études générales (baccalauréat et diplôme d´enseignant) et études musicales. Pour ces dernières, il choisit de s´inscrire à l´Ecole Municipale de Musique et à l´Académie Marshall, car si la compoition l´intéresse (études guidées par Enric Morera (2), disciple de Pedrell et Albéniz), il ambitionne également de mener une carière d´interprète et quel meilleur professeur que Frank Marshall, pianiste renomé continuateur de l école Granados et lauréat (en même temps que Falla en certaine occasion!) de plusieurs concours internationaux? Pour parfaire ce travail, il reçoit même un peu plus tard les conseils précieux de Turina - jamais en retard pour aider ses semblables (le catalan Manuel Blancafort bénéficiera lui aussi des avis du généreux sévillan) – et de Ernesto Halffter. En 1929, études terminées, il revient à Castellón où, en sus de sa tâche d´enseignant, il contribue à animer la vie musicale de la petite cité. Avec l´aide de quelques amis, dont le violoniste Abelardo Mus, il parvient même à creer le Conservatoire de Musique dont la ville était jusque là dépourvue. Dans l´établissement nouvellement crée, il se multiplie, assurant à lui seul l´enseignement de l´Harmonie, de la Composition et de l´Histoire de la Musique, sans parler de la direction de l´Orchestre et de la Chorale. Et tout ceci, bien sûr, comme nous l´avont dit plus haut, en supplément de son métier d´enseignant à l´Orphelinat San Vicente Ferrer. C´est au Conservatoire, justement, qu´il rencontre Matilde Salvador, qu´il épouse en 1943. La même année, le jeune couple s´installe à Valence, ville avec laquelle Asèncio avait maintenu un contact permanent sur le plan musical pendant son long séjour à Castellón. C´est d´ailleurs à Valence que notre musicien avait crée en 1934 avec quatre jeunes compositeurs de moins de trente ans un groupe baptisé le “Groupe des Jeunes”, pour bien marquer son appartenance à une certaine modernité fort en vogue (les “manifestes” en forme de crédo artistique et/ou idéologique étaient légions dans les années trente, dans le domaine littéraire comme dans celui de la musique ou des arts plastiques). A cette époque de sa vie, il est déjà l´auteur de plusieurs pièces (la première, intitulée El alférez fut composée à l´age de cinq ans!) d´un intérête relatif, et que lui-même décida d´ailleurs de ne pas faire figurer dans le catalogue de ses oeuvres. C´est en 1932 qu ´est créée la première composition réellement digne d´intérêt, un Quatuor à cordes (en fa majeur) écrit pour célébrer la création du “Groupe des Jeunes”. En 1939, l´année

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Page 1: VICENT ASENCIO frances - Marcelo de la · PDF fileVICENT ASENCIO Inutile, sauf si vous êtes espagnol (1), de chercher le nom de Vicent Asèncio dans votre ... (Sonatina, dédiée

VICENT ASENCIO Inutile, sauf si vous êtes espagnol (1), de chercher le nom de Vicent Asèncio dans votre dictionnaire musical: il ne figure dans aucun des ouvrages généralement consultés par les mélomanes et musiciens en quête de savoir! Le fameux Groves lui-même, bible des musicologues du monde entier est muet sur le chapitre. Rien de vraiment surprenant au demeurant: pendant longtemps, la liste des compositeurs espagnols connus et reconnus à l´échelle internationale s´est limitée pour l´immense majorité aux seuls Granados, Albéniz, Falla et Turina, auxquels venaient s´ajouter les noms de Rodrigo (Aranjuez oblige), Mompou et les frères Hallfter pour ceux qui s´intéressaient d´un peu plus près à la musique ibérique. Depuis quelques années, fort heureusement, et en grande partie, il faut le dire, grâce à l´édition phonographique, l´heure est aux découvertes et aux réhabilitations. Alors, après que les noms de Blancafort, Gherard, et autres Esplà aient été au fil des ans rendus plus familiers aux mélomanes – dans le temps même où ces derniers découvraient les compositeurs espagnols d´aujourd´hui, Luis de Pablo en tête -, voici le tour de Vicent Asèncio dont cette intégrale pour guitare contribuera, nous l´espérons à faire connaître l´immense talent et la personalité attachante. Vicent Asèncio (orthographe valencienne qu´il revendiquait) est né à Valence le 29 octobre 1908, en même temps que sa soeur jumelle Concepción. Quatre frères et soeurs l´avaient précédé en ce monde, Cándida, Pascual, Francisco et Enrique. Il passa les premières années de sa vie à Castellón de la Plana, petite ville située au nord de Valence, où son père dirigeait la fanfare du régiment, avant de créer et de diriger un peu plus tard l´Harmonie Municipale. Les dons musicaux du jeune Vicent étaient manifestes, si bien que ses études musicales, commencées sous la houlette du père et du violoniste Emili Bou, allèrent tout naturellement de pair avec les études primaires. Nous ne serons donc aucunement surpris en appenant que notre artiste en herbe était capable de diriger, à neuf ans, la chorale de son école! Puis, comme beaucoup d´autres l´avaient fait avant lui, il “monta” à Barcelone pour y poursuivre ses études, toujours avec le même succès. Comme à Castellón, il mène de pair études générales (baccalauréat et diplôme d´enseignant) et études musicales. Pour ces dernières, il choisit de s´inscrire à l´Ecole Municipale de Musique et à l´Académie Marshall, car si la compoition l´intéresse (études guidées par Enric Morera (2), disciple de Pedrell et Albéniz), il ambitionne également de mener une carière d´interprète et quel meilleur professeur que Frank Marshall, pianiste renomé continuateur de l école Granados et lauréat (en même temps que Falla en certaine occasion!) de plusieurs concours internationaux? Pour parfaire ce travail, il reçoit même un peu plus tard les conseils précieux de Turina - jamais en retard pour aider ses semblables (le catalan Manuel Blancafort bénéficiera lui aussi des avis du généreux sévillan) – et de Ernesto Halffter. En 1929, études terminées, il revient à Castellón où, en sus de sa tâche d´enseignant, il contribue à animer la vie musicale de la petite cité. Avec l´aide de quelques amis, dont le violoniste Abelardo Mus, il parvient même à creer le Conservatoire de Musique dont la ville était jusque là dépourvue. Dans l´établissement nouvellement crée, il se multiplie, assurant à lui seul l´enseignement de l´Harmonie, de la Composition et de l´Histoire de la Musique, sans parler de la direction de l´Orchestre et de la Chorale. Et tout ceci, bien sûr, comme nous l´avont dit plus haut, en supplément de son métier d´enseignant à l´Orphelinat San Vicente Ferrer. C´est au Conservatoire, justement, qu´il rencontre Matilde Salvador, qu´il épouse en 1943. La même année, le jeune couple s´installe à Valence, ville avec laquelle Asèncio avait maintenu un contact permanent sur le plan musical pendant son long séjour à Castellón. C´est d´ailleurs à Valence que notre musicien avait crée en 1934 avec quatre jeunes compositeurs de moins de trente ans un groupe baptisé le “Groupe des Jeunes”, pour bien marquer son appartenance à une certaine modernité fort en vogue (les “manifestes” en forme de crédo artistique et/ou idéologique étaient légions dans les années trente, dans le domaine littéraire comme dans celui de la musique ou des arts plastiques). A cette époque de sa vie, il est déjà l´auteur de plusieurs pièces (la première, intitulée El alférez fut composée à l´age de cinq ans!) d´un intérête relatif, et que lui-même décida d´ailleurs de ne pas faire figurer dans le catalogue de ses oeuvres. C´est en 1932 qu ´est créée la première composition réellement digne d´intérêt, un Quatuor à cordes (en fa majeur) écrit pour célébrer la création du “Groupe des Jeunes”. En 1939, l´année

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où prend fin la guerre civile, il publie une Sonate pour piano et violon qui obtient le premier prix au Concours de Composition Musicale de Bilbao. En 1946, à la mort de Manuel de Falla, personalité qu´il admairait semble-t-il plus que toute autre, il écrit un ballet pour piano (Elegía a Manuel de Falla), donné en première à Utrecht par le Ballet Mariemma. Il remettra l´ouvrage sur le métier quelques années plus tard et, en 1953, la nouvelle version, étoffée et orchestrée, sera publiée (et interprétée à Grenade par le Ballet espagnol d´Antonio) sous le titre de Llanto a Manuel de Falla. L´oeuvre enfin, dans sa première version pour piano, allait être transcrite pour guitare et figurer dans la Suite de homenajes (suite d´hommages) en compagnie d´une Sonatina (hommage à Scarlatti) et d´un Tango de la casada infiel écrit en hommage à Federico García Lorca (notons le courage de sa démarche, à une époque où le franquisme était encore tout puissant!). En 1949 paraît une Pastoral pour orchestre, dernière page importante composée avant son séjour en France, pays où il se rend en 1950, muni d´une bourse accordée par les autorités locales, pour étudier la direction d´orchestre avec Eugène Bigot. Ce dernier, dont l´histoire retiendra qu´il fut l´un des plus surs techniciens de son temps, n´était pas ce qu´on appelle un maître à penser et l´on peut imaginer que le monde musical aurait découvert plus tôt les qualités d´Asèncio si, comme son ami Manuel Palau par exemple, il avait étudié avec Paul Dukas, dont la fréquentation valait quasiment passeport pour la notoriété. Mais il semblerait que c´est bien avec l´objectif limité (excès de modestie?) de perfectioner ses dons de chef qu´Asèncio était venu dans la capitale française, comme en témoigne l´intense activité qu´il déploie dans ce domaine à cette époque. De retour à Valence, il est nommé professeur au Conservatoire de la ville où il asure son service avec son dévouement habituel, sans pour autant délaisser ses autres activités de compositeur, d´interprète (direction d´orcheste et piano), de conférencier et aussi de chercheur: il se passionne en particulier pour les musiques des XVIIème et XVIIIèmes siècles et ses travaux sur les sonates pour piano et violon de José Herrando ou les danses françaises de la Renaissance pour viole de gambe de Marin Marais furent longtemps plus connus que ses propres compositions. A propos de ces dernières, qui sont relativement nombreuses, nous renvoyons le lecteur à son catalogue raisonné – repris d´ailleurs dans le petit ouvrage qui lui est consacré dans la collection Catálogo de compositores, édité par la SGAE (Société Générale des Auteurs et Editeurs) à Madrid – et dont la réalisation fut confiée à Salvador Seguí Pérez. On y constatera l´importance des oeuvres pour orchestre et les musiques de ballet, dominant un ensemble où de multiples formes musicales sont représentées. Malgré cette prédominance des pages orchestrales, c´est son oeuvre pour guitare qui attira d´abord l´attention sur lui, et ce tant par l´abondante diffusion éditoriale qui suivit chaque création que par les exécutions publiques qui les accompagnèrent, sans oublier bien sûr les nombreux enregistrements discographiques où s´illustrèrent les plus grands interprètes de l´époque, comme Andrés Segovia et surtout Narciso Yepes (ce dernier fut élève de Asencio). Nous sommes donc fiers de présenter aujourd´hui en première mondiale (sauf erreur de notre part) l´intégralié des pièces écrites pour l´instrument, et interprétées par le jeune guitariste chilien Marcelo de la Puebla. Celui-ci (ancien élève d´Alberto Ponce à l´Ecole Normale de Musique de Paris où il obtint le Diplôme Supérieur d´Exécution), très tôt passionné par l´oeuvre d´Asèncio, à bénéficié, tout au long de son entreprise, des conseils éclairés de Matilde Salvador, veuve du compositeur et compositeur elle-même. La Cançó d´hivern (1935) dédiée à Rafael Balaguer, est la première page importante écrite pour guitare. Elle évoque sur un balancement binaire lancinant la tristesse des journées d´hiver. L´oeuvre est pourtant traversée d´étranges soubressauts (piu mosso) exprimés avec force et véhémence dans l´aigu (animando, crescendo molto), dernières manifestations de vie avant le retour (morando) du froid et du silence exprimés par de subtils harmoniques. La Suite de homenajes (1946-50) fut interprétée pour la première fois dans sa version intégrale par Narciso Yepes en 1950 à Madrid. Les trois pièces qui la composent (Sonatina, dédiée à Scarlatti, Elegía, dédiée à Manuel de Falla et Tango de la casada infiel, dédiée à Lorca) sont des versions pour guitare de pièces initialement écrites pour piano. L´hommage à Scarlatti (Sonatina) choisit avec beaucoup de goût et de claivoyance d´évoquer le musivien de cour en épousant le rythme mesuré (andantino) de quelque noble danse castillane, plutôt qu´en jouant la carte de la virtuosité échevelée inévitablement associée à l´image du génial napolitain. Les deux autres pièces sont, beaucoup plus que des hommages, de véritables “tombeaux” où la tristesse s´exprime avec pudeur et retenue sur un rythme obsédant proche de celui que Falla

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avait choisi poour son hommage à Debussy. De lugubres appoggiatures en appui sur les temps forts traversent ces pages comme un glas sinistre et désespéré. Retournons pour un temps, celui de l´an 1970, à la danse et à la joie. C´est cette même année 1970, en effet, que Vicent Asèncio met un point final aux deux recueils intitulés Col.lectici íntim et Suite valenciana. Col.lectici íntim, dédiée à Narciso Yepes, qui en donnera la première publique à Rome en novembre 1970 à l´auditorium San Leone Magno, réunit cinq danses valenciennes (le recueil est d´ailleurs aussi connu sous ce nom) dont trois existaient déjà sous forme de pièces pour piano. C´est ainsi que la première dance (La serenor) est la version retouchée de la Dansa III des Danses valencianes pour piano, tandis que la troisième danse (La calma) reprend le matériau de la Danse VI une (“albada” fort connue) du même recueil. La quatrième danse (La gaubança) correspond exactement, pour sa part, au même numéro IV (Dansa IV, dont le texte de la version chantée évoque avec piquant la typique “barraca” valencienne) du recueil pour piano. Avec ces dances Asèncio réaffirme son crédo en une musique d´essence populaire, accessible au plus gran nombre et de portée universelle. Le propos n´est ni nouveau, ni original. L´histoire de la musique montre même à quels échecs retentissants il peut aboutir, à côté de quelques réusites incontestables. Ce qui sauve asèncio, c´est sa foi, son amour pour son folklore, la connaissance qu´il en a et, bien sûr, le folklore lui-même, ce folklore valencien qu´il connaît sur le bout des doigts et dont il restitue avec bonheur la variété infinie des nuances et des aspects. On comprend mieux, à l´écoute de ces pièces tour à tour bondissantes ou nostalgiques, purquoi il (Asèncio) a choisi de créer son propre groupe, pourquoi, surtout, il en a justifié la création par cette précision: “Notre priorité consiste à nous mettre en contact avec le peuple. La même orientation a guidé précédemment d´autres compositeurs valenciens, parmi lesquels Oscar Esplà et Manuel Palau, mais l´ampleur de notre projet exige de nous une union et une solidarité parfaite. (3)” Comment mieux dire son attachement à ses valeurs, à ses racines? La Suite valenciana, en trois parties (Preludi, Cançonetta et Dansa) reprend la même formule. Dédiée au guitariste italien Angelo Giraldino, elle fut interprétée en public en 1973 par Baltazar Benítez au cours des “Semaines internationales de la guitare” en Belgique. L´oeuvre fut choisie la même année comme pièce imposée au 7ème Concours International de Benicassim. Avec la Suite mística, nous revenons à la plus féconde source d´inspiration de la musique espagnole, la religion. La religion dans son essence même, élan mystique dont la célébration musicale est perçue davantage comme un exercice spirituel individuel ou collectif que comme un banal accompagnement du culte (dont l´archétype serait le choral protestant). C´est bien, en tout cas, la seule motivation capable de détourner pour un temps Vicent Asèncio de ses préocupations folkloriques! Dédiée à Andrés Segovia, l´oeuvre, en forme de triptique, s´articule autour de sa partie centrale, Dipsô, longue et boulversante déploration qu´Asèncio composa à la demande de la Radio Nationale Espagnole (RNE) en 1971. Le thème imposé était l´illustration musicale et poétique d´un texte du poète andalou Luis Rosales sur le mot Sed (Soif, Dipsô en grec). A cet effet, la RNE choisit 7 poètes et 7 musiciens pour évoquer, chacun à sa manière, les sept paroles du Christ sur la croix. Une longue tradition musicale précédait cette tentative (la version de Haydn est dans toutes les mémoires) mais une telle systématisaton du procédé n´avait jamais été proposée à autant de créateurs et à un double niveau. La réussite de cette tentative incita le compositeur à étoffer son oeuvre en l´encadrant de deux autres parties, Getsemani et Pentecostés, qui transforment avec bonheur la composition initiale en une sorte de retable musical particulièrement harmonieux qui fut diffusé en première mondiale sur les ondes de RNE par Carmelo Martínez. Le dédicataire, Andrés segovia, ne devait la jouer en public qu´en 1978, à Montréal, peu avant la mort du compositeur. Il l´avait cependant enregistré l´année précédente pour la firme RCA. Notons à ce propos que la Suite mística fait partie des oeuvres d´Asencio les plus fréquemment enregistrées, puisque après Segovia elle tenta succesivement Claudio marcitulli, Suzanne Mebes et Oscar Cáceres. La Dansa valenciana qui complète le programme n´appartient que pour partie à son auteur. C´est en effet en 1980, un an après la mort de ce dernier, que Matile Salvador transcrivit pour guitare la première des sept Danses valencianas écrites pour piano par Asencio en 1960. Une belle réussite, qui fait entrer dans le répertoire guitaristique une pièce au charme certain et dont la tonalité de la mineur souligne à merveille le côté nostalgique, tempérant un entrain exprimé allegretto sur un rythme à 6/8.

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Le 3 avril 1979, Vicent Asèncio s´éteignait, victime de ce qu´il est convenu d´appeler “une longue maladie”, à l´age de 70 ans. Le 26 décembre, la municipalité de Valence, bientôt imitée par celle de Castellón, décidait de donner son nom à une rue de la ville. Robert PRUDON, 1999 (année des 20 ans de la mort de Vicent Asèncio) (1) Auquel cas, vous pouvez consulter le Diccionrio de la música de Manuel Valls Gorina ou

la Historia de la música española, siglo XX de Tomás Marco, deux ouvrages édités par les éditions Alianza, Madrid.

(2) Auteur de la fameuse sardane La Santa Espina, Morera appartenait au groupe L´Avenç. Nul doute que cette appartenance déclarée ait sensibilisé le jeune Vicent au problème des choix esthétiques qui guideront son action future.

(3) C´est nous qui soulignons.